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Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
C'est avec une certaine humilité que je prends aujourd'hui la parole. Je ne m'exprime d'ailleurs pas au nom d'un parti politique ou un autre, car je suis fermement convaincu que la question à l'étude échappe à toute considération d'ordre partisan. Je ne représente pas non plus une région plus qu'une autre, car j'estime que la situation actuelle ne concerne pas une région en particulier. Pour tout dire, c'est en qualité de député et d'élu à la Chambre des communes que je prends aujourd'hui la parole, car je me suis engagé à servir le public, à servir tous les Canadiens et à faire sincèrement ce qu'il y a de mieux pour mon pays.
Dans le contexte actuel, je suis fermement convaincu que le seul moyen de mettre fin aux dangers qui planent sur le Canada consiste à déclarer l'état d'urgence aux termes de la Loi sur les mesures d'urgence.
Je veux tout d’abord parler de la Charte. Je tiens à déclarer d’emblée que la liberté d’expression est un droit sacré au Canada. Ce droit est enchâssé à l'alinéa 2b) de la Charte pour une raison: parce qu’il est la marque distinctive de notre démocratie, en fait de toute démocratie. C’est la capacité des citoyens d’exprimer leur mécontentement, de contester l’autorité et de réclamer des changements. Je ne nie rien de tout cela. Au contraire, je défends la liberté d’expression vigoureusement. Je ne nie pas non plus que les gens réunis à l’extérieur de la Chambre actuellement, qui sont dans les rues d’Ottawa depuis maintenant 21 jours, ont des griefs légitimes, qu’ils ont des reproches à l’endroit de mon gouvernement, de mon parti et peut-être même de moi personnellement, et ils ont parfaitement le droit de s’exprimer.
Toutefois, dans notre démocratie, la liberté d’expression, même sacrée, n’est pas absolue. La protection de ce droit garanti à l'alinéa 2b) de Charte concerne les manifestations légales et pacifiques; la Charte ne s’applique pas aux barrages illégaux et violents, comme celui qui a cours actuellement, la manifestation ayant malheureusement évolué en ce sens.
Je veux parler d’Ottawa. Comment puis-je étayer l’affirmation que je viens juste de faire? Je vais parler de ce que j’ai vu de mes propres yeux et de ce que d’autres parlementaires m’ont rapporté.
Loin de voir des gens exercer leur droit constitutionnel d’exprimer vigoureusement leur désaccord avec le gouvernement, nous avons vu des actes d’intimidation, des menaces et du harcèlement. Des camionneurs ont fait retentir leurs klaxons jour et nuit dans le but délibéré de perturber la vie des résidants locaux, rendant la ville pratiquement invivable. Nous avons vu des manifestations ouvertes de haine, comme des croix gammées et des drapeaux des confédérés, ainsi que des actes haineux directement perpétrés contre des cafés dont on a fracassé les fenêtres parce qu’ils affichaient le drapeau de la fierté gaie. Nous avons vu la profanation de monuments nationaux, y compris le Monument commémoratif de guerre du Canada. Certains ont activé les freins à air et enlevé les pneus de gros véhicules et de camions pour les mettre hors d’usage, cherchant délibérément à empêcher le mouvement des gens et des marchandises. Des menaces de mort ont été proférées contre une compagnie de remorquage d'Ottawa accusée de complicité avec la police pour retirer ces véhicules rendus inutilisables.
Des entreprises de tout le centre-ville ont dû fermer leurs portes, privant ainsi les résidants de leur travail. C’est à tout le moins étonnant de voir des manifestants qui affirment vouloir mettre fin aux fermetures et aux confinements provoquer eux-mêmes la fermeture du centre-ville d’Ottawa depuis maintenant trois semaines. Des médias ont été victimes d’actes d’intimidation et de menaces, ce qui est encore paradoxal de la part de ceux qui défendraient la liberté d’expression plus vivement que moi, compte tenu de ce que j’ai dit. Qui plus est, le 9-1-1 a été saboté et nous avons même vu une tentative d’incendie criminel.
Apparemment, la manifestation portait au début sur les exigences en matière de vaccination. Elle s’est transformée en ce qui ressemble à une occupation de la ville par des gens qui déclarent ouvertement et officiellement vouloir renverser le gouvernement. Cette manifestation rompt complètement l’ordre public à Ottawa. Malgré les efforts du Service de police d’Ottawa, il a été impossible de faire respecter la loi et de maintenir l’ordre dans la capitale nationale.
Les protestations dont je parle ici se sont étendues à l’extérieur de la capitale nationale; des députés ont entendu parler de problèmes aux frontières. Je veux parler de cette question maintenant. Ce qui a commencé comme une manifestation visant Ottawa et le Parlement s’est transformé en un effort concerté pour bloquer nos postes frontaliers nationaux et empêcher la circulation des gens et des marchandises. Au Texas, en Floride, dans d’autres parties des États-Unis et en fait dans d’autres pays, des entités étrangères ont appuyé les barrages ouvertement et publiquement et admis envoyer de l’argent et des ressources pour aider les manifestants à poursuivre leurs activités. Aujourd’hui, l’Anti-Defamation League a rendu public le résultat de son analyse du site Web GiveSendGo; elle a constaté que 1 100 personnes aux États-Unis qui appuyaient l’insurrection du 6 janvier de l’an dernier donnaient réellement de l’argent au moyen de ce site pour financer les blocages. Pensons seulement un instant aux motivations de telles personnes.
Les blocages qui sont apparus partout au pays visent délibérément les infrastructures essentielles. Nous savons ce qui est arrivé au pont Ambassador entre Windsor et Détroit. Le siège du poste frontalier le plus occupé du Canada, qui a duré plusieurs jours, a provoqué — je parle ici en ma qualité de secrétaire parlementaire du Commerce international — l’arrêt des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis d'une valeur quotidienne de 400 millions de dollars, l’annulation de quarts de travail de plusieurs usines d’automobiles dans le sud de l’Ontario ainsi qu’une intervention du président Biden et de la gouverneure du Michigan qui ont fait savoir que la confiance dans le Canada comme endroit sûr pour investir, faire des affaires et du commerce commence à s’effriter.
Il y a eu des barrages à Surrey, à Emerson et à Coutts, en Alberta. Ce qui devrait faire vraiment peur à tout le monde ici et à tous les Canadiens qui nous regardent actuellement, c’est que les membres de la GRC qui sont allés libérer le poste frontalier de Coutts ont procédé à 13 arrestations, et porté contre certaines des personnes arrêtées des accusations de complot en vue de commettre un meurtre. Ils ont trouvé des armes à feu, des munitions et des gilets pare-balles. Cette découverte a confirmé mes pires craintes, nos pires craintes à tous, j’imagine, à savoir que les participants aux blocages étaient armés et prêts à une confrontation violente avec les forces de l’ordre. La violence continue d’augmenter. Un hôpital de Vancouver a reçu des appels à la bombe et des colis suspects et certains de mes collègues de la Nouvelle-Écosse ont reçu des images laissant entendre que les députés méritaient d’être pendus.
Je tiens à tout expliquer dans le moindre détail parce qu'il y a un critère juridique à respecter lorsqu'on fait quelque chose qui ne s'est jamais fait auparavant en vertu de cette loi ou même dans ce pays, en vertu d'une loi antécédente, depuis 52 ans. Quand on songe à invoquer une loi qui permet la suspension temporaire des libertés civiles, le critère est élevé, comme il se doit.
Quel est ce critère? Il est inscrit à l'article 3 de la Loi sur les mesures d'urgence, qui se lit comme suit:
[...] une situation de crise nationale résulte d'un concours de circonstances critiques à caractère d'urgence et de nature temporaire [...] qui, selon le cas:
a) met gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens et échappe à la capacité ou aux pouvoirs d'intervention des provinces;
b) menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de garantir la souveraineté, la sécurité et l'intégrité territoriale du pays.
Je suis fermement convaincu que ce seuil juridique élevé a été atteint dans ce cas-ci. Lorsqu'un groupe assiège une ville entière pendant 21 jours ou plus, intimide, harcèle et menace les habitants et rend la ville inhabitable, la sécurité des Canadiens est mise en danger. Lorsque ces barrages limitent la capacité des premiers intervenants médicaux à répondre rapidement aux urgences, ils mettent en danger la vie des personnes qui sont à l'autre bout des appels au 911. Lorsque des factions munies d'armes et de munitions bloquent les frontières, elles mettent directement en danger la vie des Canadiens. Lorsque des groupes bloquent délibérément des corridors commerciaux avec notre principal partenaire commercial, ce qui paralyse le trafic transfrontalier, ils menacent la capacité du gouvernement fédéral à préserver notre souveraineté et notre sécurité économique. Il s'agit d'enjeux importants.
Pendant les deux dernières minutes de mon discours, je souhaite parler de certaines des objections générales que nous avons entendues non seulement aujourd'hui, mais aussi auparavant.
À ceux qui disent que l'on va trop loin, je réponds qu'il y a cinq contrôles importants.
Premièrement, tout ce que fait un gouvernement aux termes de la Loi sur les mesures d'urgence doit être conforme à la Charte. C'est inscrit dans le préambule.
Deuxièmement, toutes les déclarations ont une durée maximale de 30 jours. En réalité, leur durée peut être inférieure. En l'occurrence, espérons que ce sera le cas.
Troisièmement, le seul fait de déclarer l'état d'urgence doit être examiné par un comité composé de l'ensemble des députés et de sénateurs de tous les partis.
Quatrièmement, l'exercice des pouvoirs en vertu de cette déclaration doit faire l'objet d'un examen par ce même comité.
Cinquièmement, à la fin de l'état d'urgence, il faudra mener une enquête en bonne et due forme.
Le gouvernement ne tente pas d'abuser de son pouvoir et il n'invoque pas la Loi sur les mesures de guerre. Il donne simplement à la GRC le pouvoir de faire appliquer les lois locales et d'intervenir rapidement pour appuyer les forces de l'ordre locales. Le gouvernement ne fait pas appel aux forces armées. Il ne place ni la GRC ni un autre corps policier sous son contrôle. Les décisions relatives aux interventions policières demeurent indépendantes, comme ce doit être le cas en démocratie.
Enfin, je me penche sur le droit de manifester, parce que certains s'interrogent sur le droit de leurs enfants de manifester. Je prends cette question très au sérieux parce que j'ai moi-même amené mes enfants à des manifestations. La loi dont nous sommes saisis évoque le droit de manifester pacifiquement. Ce droit est inscrit noir sur blanc dans la loi. Les mesures qu'envisage le gouvernement visent à interdire les rassemblements publics susceptibles d'entraîner une violation de la paix, et à intervenir au besoin. Le gouvernement retire explicitement la mention d'activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord.
Voici ce que j'ai à dire à ceux qui soutiennent que les menaces ont été écartées: il y a eu une tentative de barrage à Windsor hier et nous savons que les manifestants retourneront à l'Assemblée nationale du Québec le 19 février.
En terminant, je m'engage sincèrement auprès des députés et des Canadiens à faire tout en mon pouvoir pour que l'application de cette loi ne dure que le temps strictement nécessaire, qu'elle ne dépasse pas la portée visée et que les droits garantis par la Charte soient toujours protégés. Les députés ne devraient se contenter de rien de moins.
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Monsieur le Président, je tiens à dire que je suis découragé de devoir faire ces observations aujourd’hui. Je suis attristé par les événements qui se déroulent devant les portes de cet édifice, qui se poursuivent depuis trois semaines, et par les barrages qui ont fermé des frontières partout au pays.
Soyons clairs. Ce n’est plus une manifestation. C’est une occupation qui prône le renversement d’un gouvernement démocratiquement élu. Lundi, le , la , le , le et le ont annoncé que notre gouvernement invoquait la Loi sur les mesures d’urgence, une décision que j’appuie.
Je pense qu’aucun d’entre nous n’a voulu se retrouver dans cette situation. Cependant, la provocation de ceux qui continuent d’occuper les rues d’Ottawa et de tenter de bloquer nos postes frontaliers doit cesser. Ces personnes doivent rentrer chez elles.
Il y a une quantité choquante de désinformation et de mensonges purs et simples qui sont répandus au sujet de l’occupation, des mesures de santé publique et de la Loi sur les mesures d’urgence, et certains ont été appuyés et repris par des députés de la Chambre.
Pour commencer, je pense que nous devrions clarifier quelques points importants. Précisons en quoi consiste la Loi sur les mesures d’urgence, et cela s’adresse à ceux qui, de l’autre côté de l’allée, provoquent la peur, répandent de fausses informations et encouragent les théories du complot qui préoccupent à juste titre les Canadiens qui veulent comprendre ce qui se passe dans leur pays.
C’est dangereux et nuisible. J’encourage ceux qui ont soutenu ce mouvement à réfléchir longuement et sérieusement aux conséquences à long terme de leurs actions et de leurs propos en faveur de l’occupation.
Les mesures dont on parle sont temporaires, proportionnées et ciblées. Je le répète. Ce sont des mesures temporaires, proportionnées et ciblées.
La loi a été invoquée pour compléter les pouvoirs provinciaux et territoriaux, répondre aux barrages et à l’occupation, assurer la sécurité des Canadiens, protéger les emplois des gens et rétablir la confiance dans nos institutions. Notre gouvernement a imposé cette loi après l'échec des autorités locales et provinciales à résoudre la situation. La Loi sur les mesures d’urgence confère aux forces de l’ordre de nouveaux pouvoirs pour interdire les barrages, veiller à ce que nos corridors essentiels restent ouverts et contrôler les foules. Elle permet au gouvernement de mobiliser des services essentiels comme les dépanneuses, et elle donne à la GRC la capacité d’agir rapidement pour faire respecter les lois locales.
Cette loi donnera également plus de pouvoir pour arrêter l'apport de capitaux. La portée des règles canadiennes de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est élargie. Elles couvriront les plateformes de sociofinancement et leurs fournisseurs de services de paiement, ainsi que ceux qui utilisent des actifs numériques comme les cryptomonnaies.
Dans les cas où l’on soupçonne que de l’argent provenant d’un compte a été utilisé pour favoriser l’occupation ou aider à alimenter les barrages illégaux, les institutions financières canadiennes ont maintenant le pouvoir immédiat de cesser temporairement la prestation de services financiers. Le compte d'entreprise de ceux qui participent aux barrages peuvent être et seront gelés. Il est aussi possible que leur assurance automobile soit révoquée.
J’ai entendu beaucoup de fausses informations au sujet des pouvoirs conférés par la loi. Précisons ce que la Loi sur les mesures d’urgence ne fait pas.
La Loi sur les mesures d’urgence a une portée plus limitée que la précédente Loi sur les mesures de guerre. Elle ne concerne pas les militaires. Pour que l’armée puisse intervenir, il faudrait invoquer la Loi sur la défense nationale. Rien de tel n’a été fait.
Je crois qu’il faut aussi expliquer très clairement qu’aucun droit garanti par la Charte n’est enfreint. En fait, la Loi sur les mesures d’urgence doit respecter la Charte canadienne des droits et libertés. Les mesures précises prévues dans cette loi sont limitées. Le Parlement offre de nombreux mécanismes de contrôle, de protection et de transparence, d’où le débat d’aujourd’hui. Nous suivons ce processus de freins et contrepoids.
J’aimerais maintenant parler des répercussions de l’occupation et des barrages sur la vie des Canadiens ordinaires. Bien des participants à cette occupation illégale à Ottawa semblent s’amuser. Il y a des petits déjeuners aux crêpes, des cuves thermales, des soirées dansantes dans la rue et des châteaux gonflables. Contrairement à ce que disent les partisans, cette occupation a durement touché les résidants, les entreprises et les employés d’Ottawa.
Les coups de klaxon se sont poursuivis hier et tôt ce matin, malgré la prolongation de 60 jours d’une injonction qui exigeait qu’ils cessent. En plus du bruit constant des klaxons, il y a eu des tambours, des feux d’artifice et de la musique à toute heure de la nuit.
Ce bombardement constant de bruit ne nuit pas seulement à la santé des résidants. En effet, les occupants nuisent gravement à leur propre santé et à celle des enfants qu’ils ont emmenés avec eux, que ce soit à cause du bruit des klaxons ou du constant nuage de carburant diesel qui flotte dans les rues parce que le moteur des camions tourne au ralenti.
C’est une période très frustrante pour les résidants d’Ottawa, surtout ceux qui vivent et travaillent dans les secteurs touchés. Ils se plaignent d’avoir été harcelés pour avoir porté un masque et d’avoir été la cible d'insultes racistes et antisémites. Les employés et les propriétaires des commerces ne se sentent pas en sécurité de garder leur entreprise ouverte. La vie de la population est touchée de façon très réelle et importante par une minorité bruyante.
Le manque d’empathie envers les résidants et les entreprises d’Ottawa est choquant et inacceptable. Des milliers de personnes se retrouvent sans emploi à Ottawa. À lui seul, le Centre Rideau emploie 1 500 personnes et il est fermé depuis des semaines.
Une femme qui demeure dans mon immeuble ici, à Ottawa, travaille chez elle en raison de la pandémie. Elle m’a dit qu’elle devait quitter la ville pour aller chez ses parents à Toronto afin de travailler et de se reposer, car elle ne se sent pas en sécurité. Non seulement le bruit constant a perturbé son sommeil, mais il l’a aussi empêchée de travailler pendant la journée.
Les cliniques de vaccination, les bibliothèques et d’autres ressources communautaires importantes sont fermées au centre-ville depuis des semaines pour des raisons de sécurité. Or, de nombreux résidants du centre-ville, dont certains sont vulnérables, comptent sur ces ressources. Les gens d’Ottawa sont habitués aux manifestations. Toutefois, ils savent que le droit de manifester comporte des limites. Ce droit prend fin lorsque les manifestants causent du tort aux gens autour d’eux.
J’ai entendu des employés de la Colline dire qu’ils ont été nargués et invectivés simplement parce qu’ils portaient un masque. Beaucoup d’occupants font abstraction des mesures sanitaires et vont dans les restaurants et les commerces sans masque, mettant ainsi en danger ceux qui y travaillent.
Cette semaine, alors que j’étais à l’aéroport pour m'en aller chez moi en Colombie‑Britannique, j’ai rencontré la femme d’un camionneur qui m’a dit que son mari ne pouvait pas traverser la frontière à cause des barrages. Elle m’a supplié de faire ouvrir la frontière pour que son mari puisse travailler et nourrir sa famille.
La semaine précédente, j’ai reçu des dizaines d’appels de propriétaires d'entreprises de camionnage et de familles de conducteurs immobilisés de l’autre côté du poste frontalier de Coutts. Ces personnes nous permettent de mettre de la nourriture sur la table et gardent les chaînes d’approvisionnement ouvertes. Les frontières sont maintenant rouvertes, mais ces barrages ont des répercussions économiques graves pour nos collectivités.
Les personnes qui bloquent les infrastructures essentielles, et celles qui les appuient, disent vouloir que les tablettes des épiceries restent bien garnies et que nos routes commerciales demeurent fluides. Toutefois, leurs agissements ont conduit à des perturbations graves dans nos chaînes d’approvisionnement et privé des travailleurs de l’automobile de leur travail parce que leurs usines ont dû fermer. La situation qu’ils ont provoquée est exactement celle dont ils veulent protéger notre pays.
Ce blocage a nui aux relations commerciales que nous entretenons avec notre partenaire le plus important, les États‑Unis. En effet, environ 73 % de nos exportations ont pour destination les États‑Unis, et nous importons de nos voisins du Sud chaque année pour des milliards de dollars de produits. Des camionneurs ont été immobilisés en face du poste frontalier de Coutts et ils ont dû conduire pendant de longues heures de plus pour traverser la frontière à un autre endroit.
Le barrage du poste frontalier de Coutts a coupé une route commerciale vitale pour l’agriculture et d’autres secteurs de production et coûté à notre économie des centaines de millions de dollars. Des emplois ont été menacés au Manitoba à cause des manifestations au poste frontalier d’Emerson. Là aussi, les chauffeurs ont dû traverser la frontière à d’autres endroits, ce qui a prolongé leur voyage et créé du chaos pour eux et pour d’autres voyageurs.
Windsor a également vécu des blocages pendant des jours à l’une des routes les plus importantes du Canada passant par le pont Ambassador. Quelque 30 % des échanges commerciaux entre le Canada et les États‑Unis passent par ce pont. Ces échanges s’élèvent à 390 millions de dollars par jour. Environ 40 000 navetteurs, camionneurs et autres conducteurs traversent le pont tous les jours.
Chez moi, des camionneurs et d’autres personnes qui essayaient de franchir le poste frontalier de Surrey ont été harcelés par des individus qui bloquaient la frontière. On a rapporté des cas de personnes qui conduisaient du mauvais côté de la route, mettant ainsi la vie d’autres personnes en danger.
Le poste frontalier de Surrey est le lieu de passage d’activités commerciales valant des centaines de millions de dollars. Des organismes se font entendre, comme la chambre de commerce de Surrey. Leurs représentants affirment que ces blocages étouffent les entreprises et qu’ils se sont déjà répercutés sur les chaînes d’approvisionnement, les entreprises et les emplois. C’est un sabotage inacceptable de l’économie.
Pour être clair, tout le monde a le droit de protester pacifiquement, mais ce type de manifestations a des répercussions sur les entreprises et le gagne‑pain des gens. Ce n’est pas un mouvement pour le peuple. Ce ne sont pas des manifestations pacifiques. Ceux qui restent ont des comportements illégaux et destructeurs, ils cherchent à défier la loi et à intimider leurs concitoyens. Ce mouvement a fait beaucoup de tort et il est temps qu'il cesse.
La pandémie a été une période difficile pour tout le monde, et si des gens sont encore à Ottawa, je les encourage à partir maintenant et à permettre aux résidants de reprendre leur vie.
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Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec mon collègue, le député de.
Mon téléphone n'a pas cessé de sonner. Des résidants de ma circonscription et des Canadiens inquiets m'envoient une tonne de courriels. J'ai reçu des centaines d'appels téléphoniques et littéralement des milliers de courriels depuis que le gouvernement a annoncé vendredi qu'il invoquait la Loi sur les mesures d'urgence. Tous les auteurs de ces courriels et de ces appels étaient contre l'application de cette loi. Ils voulaient s'assurer que le et les députés libéraux et néo-démocrates, qui font fausse route en appuyant cette mesure excessive, connaissent leur point de vue. Je fais part de ces messages à la Chambre avant d'enchaîner avec mon discours, car je pense qu'il est important que la Chambre les entende, surtout les députés d'en face, qui sont peut-être tiraillés à regret entre la loyauté envers leur parti et leur conscience. Même si c'est à moi que ces courriels ont été envoyés, ils s'adressent en fait aux députés de l'autre côté, qui peuvent encore revoir leur position.
Lanny écrit: « Il est profondément troublant de voir le premier ministre invoquer la Loi sur les mesures d'urgence dans les circonstances actuelles. Le premier ministre n'a pas utilisé les pouvoirs dont il disposait, et il demande à présent des pouvoirs illimités sans réel motif. Je désapprouve cette mesure. Il a failli à ses fonctions de dirigeant ». Lanny sait que le s'est défilé, qu'il a refusé de rencontrer et d'écouter les manifestants, et surtout, qu'il ne s'est pas conduit comme un chef d'État. Lanny a raison. Le premier ministre n'a pas fait preuve de leadership. Il n'a pas négocié ni utilisé les pouvoirs dont il disposait. Il s'arroge des pouvoirs extraordinaires pour régler une situation qui le dépasse.
Lanny n'est pas la seule à penser ainsi. Voici un extrait d'un courriel provenant d'une femme nommée Rena: « La Loi sur les mesures d'urgence me préoccupe beaucoup. Bien franchement, c'est excessif et plutôt effrayant pour une citoyenne canadienne. Il n'y a aucune raison d'invoquer une telle loi. Elle permet d'exercer un trop grand contrôle sur une situation qui peut faire l'objet d'une négociation. » Cela vous rappelle-t-il quelque chose? L'incapacité du à négocier, des Canadiens effrayés, des tactiques de peur et un trop grand contrôle sont des thèmes récurrents, pas aujourd'hui, pas cette semaine et pas cette année. C'est le ton qu'emploie le premier ministre depuis son arrivée au pouvoir, ce qui frustre les Canadiens au plus haut point.
Mes concitoyens sont loin d'être les seuls Canadiens concernés. Comme l'indique la Presse canadienne, l'Association canadienne des libertés civiles dit qu'elle ne croit pas que le seuil élevé et précis nécessaire pour invoquer la Loi sur les mesures d'urgence a été atteint et elle souligne plus précisément que cette loi, selon ses propres termes, ne peut s'appliquer que lors d'une situation à laquelle il n'est pas possible de faire face sous le régime des lois du Canada. La directrice exécutive est allée jusqu'à avertir les Canadiens que la normalisation des mesures législatives d'urgence menaçait notre démocratie et nos libertés civiles.
Pourquoi? Le et ses ministres malavisés ont sûrement bénéficié d'avis juridiques, comme celui de Leah West, une ancienne avocate en matière de sécurité nationale au ministère fédéral de la Justice. Selon un article de CBC, elle n'est pas convaincue que les manifestations actuelles répondent aux critères d'un « état d'urgence ». Elle est même allée jusqu'à déclarer publiquement: « Ayant soigneusement étudié la loi, je suis franchement plutôt choquée que le gouvernement croie que cela répond à la définition requise pour même invoquer la loi. » Toujours selon le même article, Mme West aurait déclaré que, selon le décret d'urgence provincial, l'Ontario a déjà certains des pouvoirs envisagés par le gouvernement fédéral, et qu'elle s'explique mal pourquoi il faut l'intervention des autorités fédérales pour agir.
Il est inutile de recourir à la Loi sur les mesures d'urgence. Des électeurs l'ont dit, des Canadiens l'ont dit et des juristes l'ont dit. Les pouvoirs conférés par la Loi sur les mesures d'urgence deviennent accessibles immédiatement, et le gouvernement dispose ensuite de sept jours pour déposer une mesure législative au Parlement. Je ne veux pas parler à la place des rédacteurs législatifs, mais ils ne se doutaient sûrement pas, à l'époque, qu'un premier ministre aurait un jour l'audace de recourir aux pouvoirs de cette loi sans qu'une urgence claire et manifeste le justifie.
Dans une situation où la Loi sur les mesures d'urgence serait utilisée correctement, la menace serait si grave en soi que le recours aux pouvoirs accordés par la loi serait demandé conjointement par les parlementaires de tous les partis et les dirigeants provinciaux et unirait tous les Canadiens, tout en protégeant notre pays et nos libertés. Nos prédécesseurs à la Chambre auraient honte de l'audace du , du gouvernement et de la coalition néo-démocrate qui le soutient d'utiliser la Loi sur les mesures d'urgence pour semer la discorde au lieu d'unifier la population, d'édifier la nation et de sauver des vies comme elle était censée le faire. Ce n'est pas le cas et ce n'est pas le moment. Le gouvernement n'a pas mon appui et il n'a pas celui des Canadiens.
Ce qui est nécessaire, mais qui a fait défaut, c'est le leadership. Les provinces ont pu résoudre leurs problèmes avec les manifestants, comme nous l'avons vu au poste frontalier de Coutts dans ma circonscription. Quelle est la différence entre Coutts et Ottawa? Coutts a fait preuve de leadership. Grâce au dialogue et à des discussions ouvertes, franches et honnêtes, les organisateurs de la manifestation et les représentants élus ont trouvé une solution pacifique. Les députés de l'Alberta, les dirigeants provinciaux, les élus locaux et les forces de l'ordre ont tous contribué à cette solution pacifique en faisant preuve d'un véritable leadership, en se préoccupant sincèrement de la situation et en prenant le temps d'écouter et d'être entendus.
Personne, ni le , ni un ministre et certainement pas le , n'a fait preuve du leadership nécessaire pour rencontrer les manifestants, même lorsqu'on leur en a donné l'occasion. Est-ce le fait qu'ils se juchent sur leur perchoir de privilège dans leur tour d'ivoire qui a donné naissance à leur sentiment de supériorité à l'égard des Canadiens de la classe ouvrière ? Était-ce leur intolérance à l'égard des opinions qu'ils ne partagent pas? Ou ce seul incident a-t-il révélé la véritable nature du et du chef du NPD?
En campagne électorale, le nous sert une effusion de belles paroles du genre: « Nous savons que le Canada a connu une réussite — sur les plans culturel, politique et économique — en raison de notre diversité et non pas en dépit de celle-ci. » Or, lorsque nous nous retrouvons dans des situations comme celle d'aujourd'hui, nous savons que le premier ministre considère plutôt notre diversité comme une urgence nationale, et non une chose qu'il faut embrasser.
Le n'est pas mieux. Lorsqu'il a besoin du vote des gens, il publie des gazouillis du genre: « La diversité est une force, et non une faiblesse. Nous sommes faits pour être uniques, et non tous pareils », et emploie des mots-clics tels que #embarrassezles. Toutefois, quand ses convictions sont réellement mises à l'épreuve, on n'entend sa voix nulle part. Son silence et son manque de leadership sont pareils à ceux des libéraux, et la seule personne embarrassée ici, c'est lui, alors qu'il continue d'habiliter le à traiter les travailleurs canadiens comme des citoyens de deuxième classe.
Qu'ont en commun la crise d'Oka, le conflit de Caledonia, le blocage des voies ferrées en lien avec les Wet'suwet'en, les manifestations contre les pipelines en Colombie‑Britannique et les événements du 11 septembre 2001? Aucun n'a justifié le recours à la Loi sur les mesures d'urgence. C'est la première fois qu'un premier ministre a l'audace d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence depuis sa création en 1988, et les Canadiens savent que c'est un coup de force de la part du . C'est une manœuvre politique indigne d'un homme d'État. Les Canadiens et les juristes s'entendent tous pour dire qu'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence est injustifié et indésirable.
Les députés libéraux et leurs partenaires néo-démocrates dont l'appui est nécessaire pour faire adopter cette motion ont-ils le courage de faire ce que les Canadiens les exhortent à faire et de s'opposer à cette motion? Moi, je l'ai. J'espère qu'ils trouveront en eux le courage de s'élever au-dessus de la politicaillerie et de faire ce qui s'impose.
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Monsieur le Président, nous sommes ici aujourd’hui, car le a déjà invoqué la Loi sur les mesures d’urgence. Ce dont nous débattons à la Chambre, c’est de savoir si nous croyons que le recours à cette loi devrait être approuvé ou révoqué. Pour que la Chambre approuve le recours à la Loi sur les mesures d’urgence, il faut atteindre deux seuils très élevés. Au moment où le projet de loi a été présenté, le gouvernement a délibérément mis la barre très haute. La Loi sur les mesures d’urgence est comme une alarme incendie qui ne peut être actionnée que si la vitre est brisée, et nous ne devrions permettre de l’actionner que si c’est justifié.
La Loi sur les mesures d’urgence ne doit être utilisée que s’il y a des menaces à la sécurité du Canada qui sont si graves qu’elles constituent une situation de crise nationale et qu’on ne peut y remédier au moyen des lois ou des outils en vigueur. Cette invocation échoue sur tous les points. Il n’y a aucune menace à la sécurité du Canada. Il y a une manifestation bruyante autour de la Colline du Parlement, mais elle n’empêche pas le Parlement de fonctionner, comme nous pouvons le constater aujourd’hui. La Chambre continue de siéger. Les députés traversent les manifestations tous les jours. Le tient des conférences de presse à quelques pas de l’endroit où les camionneurs ont installé leur matériel et leurs enseignes.
Cette manifestation ne menace même pas la sécurité à la Chambre des communes, et encore moins la sécurité du Canada. Il ne s'agit pas non plus d'une urgence nationale. La manifestation s'étend sur quelques pâtés de maisons du centre-ville d'Ottawa. A-t-elle causé des perturbations? Oui. Les camions devraient-ils se déplacer ou être déplacés à ce moment-ci? Oui. La Loi sur les mesures d'urgence devrait-elle être invoquée pour ce faire? Absolument pas. Les forces de l'ordre disposent d'amplement de pouvoirs pour leur permettre de gérer la situation et de la résoudre de manière pacifique.
On l'a d'ailleurs constaté au poste frontalier de Coutts, au pont Ambassador, à Surrey et à Emerson. Tous ces incidents ont connu une issue pacifique avec l'exercice des pouvoirs policiers et gouvernementaux. La prédécesseure de cette loi, la Loi sur les mesures de guerre, a été invoquée seulement lors de la Première Guerre mondiale, de la Deuxième Guerre mondiale et de la crise du FLQ, qui sont des moments marquants de l'histoire canadienne. La situation qui sévit actuellement à Ottawa est bien loin d'atteindre le niveau nécessaire pour justifier cette mesure draconienne.
Les conservateurs s'opposeront à cet excès. Le Bloc Québécois a indiqué qu'il ferait de même. Les députés libéraux feront ce que le leur dira de faire, comme toujours. Par conséquent, ce sont les votes du NPD qui détermineront si la Chambre appuiera ou non le recours à la Loi sur les mesures d'urgence pour suspendre les droits et libertés civiles de toute personne considérée par le premier ministre comme participant à une manifestation illégale.
En 1970, lorsque Pierre Elliott Trudeau a eu recours à la Loi sur les mesures de guerre pour envoyer l'armée et suspendre les libertés civiles de Canadiens, le NPD s'y est opposé. Le résultat du vote a été 190 pour et 16 contre. Le chef néo-démocrate Tommy Douglas, que je suis à peu près certain de n'avoir jamais cité, a déclaré: « On a perdu tout sens des proportions ». Qualifiant de mouvement de panique l'usage de la loi d'urgence, il a poursuivi en affirmant que recourir à la Loi sur les mesures de guerre était comme utiliser une masse pour écraser une cacahuète. Les mêmes citations pourraient et devraient être utilisées pour décrire la réaction excessive qu'a le en recourant à la Loi sur les mesures d'urgence aujourd'hui.
De nombreux anciens députés néo-démocrates regardent avec incrédulité ce que leur parti se prépare à appuyer tout en sachant que cela créera un dangereux précédent qui pourrait donner carte blanche à un prochain gouvernement pour sévir contre des citoyens qui s'opposent à ses politiques. Les députés actuels du NPD se joignent aux libéraux en appuyant le recours à une loi qui prive de leurs droits des Canadiens qui n'épousent pas les vues du gouvernement. Aujourd'hui, les néo-démocrates sont prêts à piler sur leurs principes pour faciliter la tâche à un libéral, qui lui, n'en a pas.
Le décret associé au recours à cette loi a une grande portée. Les Canadiens qui ont participé à des manifestations parfaitement légales et légitimes au cours des dernières semaines pourraient être pris rétroactivement dans ce filet. Les Canadiens qui ont fait de petits dons ou cuisiné des repas pour les camionneurs en route vers Ottawa pourraient être frappés par ces mesures excessives. Que dit le à ceux qui ont soulevé ces préoccupations? « Faites-moi confiance. Donnez-moi le bénéfice du doute ». La confiance se mérite, et le premier ministre n'en mérite pas.
Le décret d'urgence permet au gouvernement de geler et de saisir des comptes bancaires sans recours judiciaire. Le gouvernement encourage les banques à ne plus faire affaire avec les manifestants. Des produits d'assurance pourront être suspendus et des biens pourront être saisis. Les personnes qui réclament la fin des restrictions gouvernementales pourraient se retrouver cinq ans derrière les barreaux.
Pensons-y une seconde. Les gens qui luttent pour la liberté en utilisant leurs droits de citoyens libres pour critiquer les politiques du gouvernement pourraient écoper d'une peine de prison allant jusqu'à cinq ans. Ils pourraient ne plus être en mesure de faire vivre leur famille. Leur hypothèque pourrait être confisquée. Ils pourraient perdre leur maison. Ces conséquences n'ont rien à voir avec la sécurité publique. C'est une façon de punir ceux qui ont osé décrier les politiques gouvernementales. Nous siégeons pour protéger les droits des Canadiens, et non pas pour les brimer au moindre prétexte ou pour punir ceux qui embêtent le .
Nombreux sont ceux qui diront « bon débarras » aux manifestants et qui se réjouiront de leur ruine financière. De toute évidence, beaucoup de Canadiens appuient les manifestants, mais de nombreux autres sont révoltés par eux. En effet, des partisans libéraux sont ravis des tactiques d'intimidation que le utilise contre nos concitoyens. Ils citent les sondages d'opinion, qui montrent que les gens appuient la décision du gouvernement de serrer la vis aux personnes qui l'embarrassent dans les rues d'Ottawa, de remettre les manifestants à leur place et d'avertir les autres qu'il y a des conséquences quand on ose remettre en question ou contester les décisions du gouvernement.
Je rappelle à la Chambre que la majorité des Canadiens et des députés ont applaudi des mesures adoptées par des gouvernements précédents, qui ont été justifiées dans cette enceinte, pour suspendre les droits et les libertés de nos propres concitoyens et qui ont donné lieu à bon nombre des chapitres les plus sombres de notre histoire, des chapitres auxquels nous repensons aujourd'hui avec incrédulité et honte. Cela ne signifie pas que ces personnes avaient raison. Cela ne signifie pas que ces mesures étaient justes. Au contraire, je crois que si nous laissons faire les choses, le temps viendra où un futur premier ministre prendre la parole à la Chambre pour présenter des excuses pour les actions de l'actuel dans cette affaire.
Le a fait le choix délibéré et politique de créer la division dont nous sommes témoins aujourd'hui dans ce pays. C'est ce qu'a confirmé le député libéral de . Au lieu de chercher à comprendre et à trouver un terrain d'entente, le a voulu semer la division pour en tirer un avantage politique. Quand ses spécialistes des sondages lui ont dit qu'il pourrait dresser les Canadiens vaccinés contre les Canadiens non vaccinés et semer la division entre des amis, des voisins et des membres d'une même famille, il a sauté sur l'occasion.
Il a passé toute la campagne électorale à dresser les Canadiens les uns contre les autres. Il a dit de ceux qui ne sont pas d'accord avec lui que ce sont des gens racistes et misogynes qu'on ne devrait pas tolérer, et que c'est une minorité de marginaux aux opinions inacceptables, comme si le fait d'être ou libéral lui donnait le monopole sur ce qui constitue une opinion acceptable. Il a aggravé la situation à Ottawa avec les propos qu'il a tenus, puis il est allé se cacher. Il continue de diviser la population à des fins partisanes. Maintenant, il voudrait que la Chambre se plie tout simplement à ses exigences et l'autorise à bafouer les droits des Canadiens qui ne sont pas d'accord, et il veut utiliser un outil à cette fin sans justification.
Le recours à la Loi sur les mesures d'urgence et le décret connexe ne sont pas justifiés dans le contexte actuel. La situation ne répond pas aux critères. Invoquer cette loi ne fera qu'aggraver les dissensions que le a alimentées de façon délibérée. Le recours à cette loi ne va pas résoudre la crise nationale; cela pourrait même en créer une nouvelle.
Il est temps que le gouvernement cesse de se servir de ses pouvoirs pour punir ceux qui ont pris des décisions difficiles et impopulaires par rapport à leur propre santé. Il est temps de nous détourner de la voie de la division choisie par le pour nous engager sur la voie de la guérison et de la réconciliation, et cela passe d'abord par le rejet de la proposition d'utiliser la Loi sur les mesures d'urgence contre nos concitoyens. Nous devons voter contre cette motion et chercher plutôt à travailler ensemble pour calmer le jeu, redonner aux Canadiens leurs droits et unir nos efforts pour apaiser les dissensions au sein de notre pays.
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Monsieur le Président, je tiens à souligner que je vais partager mon temps de parole avec mon distingué collègue d'.
Nous vivons une situation exceptionnelle, sans précédent et extrêmement préoccupante pour la santé de notre démocratie et pour l'avenir de notre débat et de notre vitalité politique au Canada et au niveau fédéral.
La première chose que je voudrais souligner est ce à quoi on a affaire et ceux à qui on affaire. On n'a pas affaire ici à des manifestants ordinaires. Je peux le dire en toute connaissance de cause, car ce n'est pas un secret que j'ai participé à bon nombre de manifestations pour diverses causes par le passé, que ce soit en tant qu'étudiant, conseiller syndical ou député.
Parmi ces manifestants se trouvent sûrement de nombreuses personnes de bonne foi: elles sont tannées, exaspérées et n'en peuvent plus des mesures sanitaires et vaccinales. On comprend cela, car, après deux ans, on en a tous ras le pompon.
Or, des gens de l'extrême droite auraient infiltré le convoi. Plus encore, la plupart des organisateurs du convoi tiennent des propos d'extrême droite et s'en réclament. Ce n'est pas une rumeur ou un ouï-dire, puisque ces gens ont écrit noir sur blanc que s'ils n'obtenaient pas tout ce qu'ils veulent, ils renverseraient le gouvernement pour le remplacer par un gouvernement provisoire en collaboration avec le Sénat et la gouverneure générale. Ce sont donc des gens antiparlementaires, anti-santé publique et antidémocratiques, qui menacent de renverser par la force un gouvernement élu.
Je rappelle que ces gens ont reçu l'appui public de la cheffe intérimaire du Parti conservateur et de son porte-parole en matière de finances et aujourd'hui candidat à la chefferie de ce même parti. Je pense que le Parti conservateur devra un jour répondre de ses actes face à l'histoire et aux hommes.
Ces manifestants sont largement financés par des sources de l'étranger, notamment des États‑Unis et des partisans de Donald Trump. Rappelons que c'est Donald Trump qui a provoqué et continue de défendre l'assaut contre le Capitole survenu le 6 janvier 2021. Or, certains manifestants d'ici ont dit qu'ils voulaient leur 6 janvier canadien.
Certains de ces manifestants s'affichent ouvertement comme des suprémacistes blancs, tiennent des propos racistes et brandissent sans gêne des drapeaux nazis ou des drapeaux des États confédérés d'Amérique. Rappelons-nous que les confédérés sont les Américains qui se sont battus pour conserver le droit d'avoir des esclaves. Voilà donc les symboles qu'ils agitent pendant cette longue occupation illégale du centre-ville d'Ottawa.
Ils traumatisent la population locale et l'agressent verbalement. Certaines minorités et personnes racisées, notamment les personnes d'origine asiatique, se sont fait cracher dessus et crier des insultes. Certains journalistes sont ciblés par des manifestants qui agissent comme des agresseurs intimidants plutôt que de façon légitime.
Même si on n'a pas encore toute l'information requise en lien avec les manifestants d'Ottawa, il est sûr qu'il s'agit du même mouvement, de la même intention et de la même cause. Les gens s'organisent de la même manière. De plus, à Coutts en Alberta, on a saisi tout un arsenal d'armes: fusils d'assaut, gilets pare-balles et des centaines de munitions.
La situation actuelle n'est pas la même que lorsque des gens manifestent pour protéger notre système de santé publique, par exemple. C'est une tout autre chose que l'on subit depuis trois semaines à Ottawa et cela devient invivable pour la population. Certains citoyens se sont eux-mêmes organisés pour bloquer l'accès au centre-ville à de nouveaux camions et semi-remorques.
Cela vient démontrer toute l'inaction du gouvernement libéral. Si la situation s'est pourrie au point de devoir invoquer la Loi sur les mesures d'urgence, c'est parce que le gouvernement libéral n'a rien fait. Son manque de leadership le rend responsable de la situation dangereuse et pourrie dans laquelle on vit.
Si nous sommes des parlementaires responsables, nous allons analyser le projet de loi qu'il y a devant nous. Au départ, j'avais des réticences et, le chef du NPD l'a dit aujourd'hui, si nous allons l'appuyer, c'est avec réticence, ce n'est pas de gaieté de cœur, nous n'aimons pas cela. Il y a cependant des garanties qui sont importantes.
Premièrement, la Loi maintient les libertés fondamentales. Le droit de manifester légalement et de manière pacifique n'est pas touché. Les droits et libertés demeurent. La Charte des droits et libertés est toujours en vigueur. Je vais y revenir plus tard. C'est une grosse différence avec des analogies ou des amalgames que d'autres partis politiques font à la Chambre. Ce n'est pas du tout la même chose.
Le temps de l'application de cette loi est limité. Il y a une clause de temporisation. Cela doit être renouvelé après 30 jours. Ce n'est donc pas indéfini. Non seulement les arrestations arbitraires et aléatoires ne sont pas possibles, les libertés fondamentales sont protégées, la Loi est appliquée pour une durée limitée de 30 jours, mais surtout, et cela doit se savoir, la Loi peut être révoquée à tout moment par un vote majoritaire des députés de la Chambre. Il s'agit que 20 de nos collègues le demandent à la présidence pour qu'en trois jours on tienne un vote.
Comme les trois partis de l'opposition sont majoritaires, s'il y avait des abus quelconques de la part des forces policières, du gouvernement fédéral ou du gouvernement libéral, on pourrait y mettre fin comme cela. Ce sont des garanties qui sont extrêmement rassurantes et qui devraient rassurer l'ensemble des citoyens.
C'est très intéressant comme loi et je soulignerais à mes collègues du Parti conservateur que leur discours est absolument ironique, parce que la Loi sur les mesures d'urgence est une loi du Parti conservateur. C'est le gouvernement de Brian Mulroney qui a adopté cette loi en 1988. Avant de grimper dans les rideaux et de déchirer sa chemise, ils devraient peut-être avoir un regard historique car il s'agit de leur loi. C'est eux qui l'ont adoptée.
Parlant d'histoire, j'ai un profond malaise avec les propos du chef du Bloc québécois qui laisse sous-entendre qu'il s'agit d'une espèce de loi des mesures de guerre no 2. Il fait un amalgame extrêmement douteux, intellectuellement pas du tout rigoureux, qui ne tient pas la route, afin de parler à une base électorale. En effet, cela vient raviver une blessure collective, un souvenir très douloureux pour les Québécois et les Québécoises: la crise d'Octobre de 1970. Durant cette période, on a vu débarquer dans les rues de Montréal des centaines de policiers, près de 500 personnes ont été arrêtées de manière aléatoire, sans aucun motif, sans être accusées de quoi que ce soit, et non pas pour rétablir l'ordre et la paix, mais bel et bien pour intimider une population, un mouvement d'émancipation nationale et un mouvement de la société civile.
Voilà ce qui est arrivé en 1970 et il faut éviter de tout mélanger et de comparer des pommes et des oranges. Le chef du Bloc québécois est vraiment mêlé dans ses pinceaux. On ne parle pas du tout de la même chose. On ne peut pas mettre sur un pied d'égalité le fait de se faire arrêter en pleine nuit par la police et être jeté en prison et le fait de voir son compte bancaire être gelé parce qu'on participe à une occupation illégale qui brime les droits des citoyens et des citoyennes d'Ottawa. Ce n'est pas la même chose.
Mes parents ont des amis qui se sont fait arrêter pendant la crise d'Octobre. À mon sens, c'est une insulte aux victimes de la crise d'Octobre que de les comparer aux espèces de proto-fascistes qui occupent Ottawa depuis trois semaines. On ne peut pas mettre tous ces gens dans le même panier, pas du tout. Les lois sont différentes, les circonstances sont différentes, les manifestants et l'occupation illégale sont complètement différents.
Nous sommes d'accord que la Loi ne doit pas être appliquée au Québec. Elle ne le sera pas parce qu'il n'y a pas de blocus et d'occupation illégale au Québec. Il n'y a pas de siège, donc il ne devrait pas y avoir de problème. Hier, le NPD était d'accord d'appuyer la motion du Bloc québécois à ce sujet. Malheureusement, elle a été bloquée par les conservateurs.
Soyons très clairs, nous ne donnons pas un chèque en blanc au gouvernement libéral. Nous l'avons à l'œil, nous allons être extrêmement vigilants et nous utiliserons les dispositions de la Loi qui nous permettent d'y mettre fin si jamais il y avait un quelconque dérapage, mais les citoyens d'Ottawa méritent de retrouver leur ville et la paix.
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Monsieur le Président, c’est le cœur lourd que je prends la parole aujourd’hui pour appuyer les mesures d’urgence afin de rétablir l’ordre dans une situation en constante détérioration. Le mouvement du convoi a certainement fini par signifier toutes sortes de choses pour beaucoup de gens, mais il est important de considérer que l’objectif déclaré de ses organisateurs est de déstabiliser et de renverser les institutions démocratiques du Canada. C’est ce qu’on lit dans le protocole d’entente qu’ils ont publié et ce qu’on les entend dire dans les médias.
Un manque de leadership de la part du gouvernement fédéral et de la police locale à Ottawa nous a menés à une situation de crise. Il y a aussi la découverte de caches d’armes, des allégations par les autorités concernant une conspiration pour meurtre, la participation présumée de soldats d’élite et le harcèlement prolongé de citoyens chez eux et au travail. Hors de tout doute, il faut que cela cesse. La situation actuelle est inacceptable et ne peut pas continuer.
L’échec de la police d’Ottawa à mettre fin à l’occupation jusqu’à maintenant et la persistance de ceux qui bloquaient les frontières jusqu’à la déclaration des mesures d’urgence sont la preuve que des mesures supplémentaires s’imposent pour dénouer l’impasse. Je suis heureux que tous les postes frontaliers aient été rouverts au cours des derniers jours et j’ai hâte de voir la fin de l’occupation illégale d’Ottawa, une fin qui, je l’espère, arrivera rapidement et pacifiquement.
Le Canada a été le théâtre de nombreuses manifestations depuis 34 ans que la Loi sur les mesures d'urgence a remplacé la Loi sur les mesures de guerre. Aucune d'entre elles n'a toutefois débouché sur l'occupation de la capitale nationale durant des semaines. Aucune n'a été caractérisée par le harcèlement actif et constant des citoyens, que ce soit chez eux, dans la rue ou sur leur lieu de travail. Le fait que de nombreux Canadiens se sentent envahis d'un épuisement tout à fait légitime à cause des difficultés que la pandémie leur a fait vivre — qu'elle nous a tous fait vivre — n'excuse en rien ce genre de comportement. Le fait que de nombreux Canadiens souhaitent, au même titre que les organisateurs du convoi, que les mesures sanitaires soient levées n'absout pas les visées antidémocratiques de ces derniers.
Le fait que la plupart des Canadiens qui en ont assez des obligations en tout genre et du passeport vaccinal ne prônent pas la suprématie blanche et ne se reconnaissent pas dans les messages haineux ne rend pas moins dangereuse la poignée de Canadiens qui prônent cette philosophie et diffusent ce genre de messages, surtout quand la situation est aussi instable. Selon moi, de nombreux Canadiens fatigués de la pandémie et mécontents des restrictions ont de la sympathie pour les membres du convoi parce qu'ils veulent que certaines mesures sanitaires prennent fin, mais je demeure convaincu que la très vaste majorité de nos concitoyens n'appuient pas les opinions et les visées extrémistes des organisateurs du convoi. Il doit absolument y avoir de la place au Canada pour que les sujets de l'heure soient débattus, ce qui, par les temps qui courent, comprend la nature et la portée des contraintes sanitaires.
Personnellement, je pense que la discussion devrait être menée par les responsables de la santé publique et s'appuyer sur la meilleure information possible. C'est ma position depuis le début de la pandémie et elle ne changera pas, même si je respecte le droit des autres d'être en désaccord avec moi. Beaucoup de Canadiens veulent avoir une discussion sur les mesures sanitaires, y compris les exigences relatives à la vaccination et l'utilisation des passeports. Un tel débat public a sa place dans une démocratie, et le droit d'y participer doit être protégé. Mettre fin à l'occupation illégale et stopper les extrémistes qui ont leur propre programme politique antidémocratique est nécessaire pour faire de la place aux débats et aux manifestations légitimes. Cette approche pourrait aussi permettre à la Dre Tam de mener l'examen des mesures sanitaires auquel elle a fait allusion le 4 février. C'est ce à quoi la majorité des gens s'attendaient après la vague Omicron, avant même que le convoi se mette en branle vers Ottawa.
À mon avis, modifier les ordonnances de santé publique alors que l'occupation persiste n'est pas souhaitable. De tels changements encourageraient les gens à penser que l'intimidation et les menaces de violence peuvent servir à déterminer la politique publique. À Winnipeg, où les conservateurs du Manitoba ont annoncé des changements soudains aux ordonnances de santé publique à la suite du convoi, les manifestants n'ont pas quitté le centre-ville, et ce, même si la province a dit que toutes les mesures sanitaires seraient levées dans les prochaines semaines.
Dans ma vie, j'ai participé à de nombreuses manifestations politiques et appuyé bien des causes différentes. J'ai vu des policiers disperser des foules qui manifestaient contre des accords de libre-échange ou le racisme, ou à l'appui des droits des Autochtones beaucoup plus rapidement et brutalement, même si ces manifestations étaient véritablement pacifiques. Je me souviens que, il n'y a pas si longtemps, c'est‑à‑dire en 2020, dans la foulée du meurtre de George Floyd aux mains d'un policier, des milliers de personnes se sont rassemblées pour une manifestation à l'assemblée législative, à Winnipeg. Je me souviens que les organisateurs, dans les jours précédant la manifestation, avaient déclaré publiquement que les manifestants violents n'étaient pas les bienvenus. Je me souviens qu'ils avaient préparé un plan pour qu'il soit difficile, pour quiconque, de dénaturer la manifestation au moyen d'actes violents ou haineux, et que la manifestation s'était bien déroulée. Beaucoup ont exprimé leur opinion, puis sont rentrés chez eux et ont continué de participer à toutes sortes d'activités de lutte contre le racisme, y compris d'autres manifestations, mais ils n'ont pas occupé le centre-ville de Winnipeg durant des semaines.
Nous avons aussi vu des camps de sans-abri, des gens qui n’ont nulle part où aller, se faire évacuer par la police en un rien de temps, simplement parce qu’ils se trouvaient là, dans le centre-ville de Winnipeg, au même endroit occupé par des barrages illégaux en ce moment même. Évacuer les sans-abri n'a pas été un problème. Je ne sais pas pourquoi il est acceptable d’autoriser des gens à procéder de cette façon alors que d’autres, qui cherchent à vivre en communauté, se font évacuer.
Je parlais un peu plus tôt de la manifestation qui a eu lieu à Winnipeg après le décès de George Floyd. Je crois que ce mouvement symbolise l’engagement à manifester pacifiquement dans une organisation politique responsable. Cela ne se fait pas sans peine. Il y a des gens qui travaillent en amont pour que tout se déroule bien. Nous le constatons dans leurs messages publics. Je n’ai pas vu ce genre de leadership de la part des organisateurs de ces occupations. Si des efforts ont été faits, ils ont certainement été inefficaces.
Jeudi dernier, j’ai été content d’entendre la députée de et cheffe par intérim du Parti conservateur demander enfin aux membres du convoi de rentrer chez eux. Malheureusement, ils ne sont pas partis. La police d’Ottawa a montré qu’on ne pouvait pas lui faire confiance pour renvoyer les manifestants chez eux. Voilà pourquoi de nouvelles mesures doivent être prises pour faire avancer les choses.
Je conviens que le a fait preuve d'un terrible leadership pendant cette crise. S'il est juste de dénoncer les incitateurs à la haine et les extrémistes présents dans les rangs des manifestants et des organisateurs, il est injuste de les mettre dans le même panier que la multitude de Canadiens qui en ont assez des mesures de santé publique. Cela ne fait ni avancer le débat sur le plan national, ni notre pays, ni le corps politique.
Je m'en voudrais de ne pas souligner que les conservateurs se sont engagés dans leurs propres manœuvres politiques sur ces enjeux. Le gouvernement conservateur du Manitoba a été le premier à mettre en place un système de passeport vaccinal, mais les conservateurs fédéraux ne se sont jamais allés manifester leur opposition devant l'assemblée législative provinciale. Des lettres ayant fait l'objet d'une fuite indiquent que la cheffe intérimaire conservatrice s'est davantage préoccupée de faire de cette affaire un problème politique pour le que d'aider le pays à trouver un moyen de désamorcer la situation. S'il est vrai qu'incombe au premier ministre la lourde responsabilité de faire preuve de leadership, il en va de même pour d'autres dans cette Chambre, notamment la cheffe de l'opposition officielle. Des lettres ayant fait l'objet d'une fuite indiquent également que le premier ministre conservateur du Manitoba ne s'est pas gêné pour supplier, en privé, le fédéral d'intervenir, tout en critiquant publiquement son intervention.
Bref, j'essaie de dire que des gens ayant des visées politiques divergentes se servent du convoi pour accumuler du capital politique mais que, dans les faits, les résidants d'Ottawa sont terrorisés à la maison depuis des semaines maintenant et que le Canada s'achemine vers un niveau d'instabilité politique que je n'avais jamais vu auparavant. Voilà pourquoi il est grand temps que les participants au convoi rentrent chez eux. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille cesser les discussions sur les mesures sanitaires. Cela signifie simplement que ceux qui souhaitent manifester et que ceux qui souhaitent protester doivent commencer à le faire de manière pacifique.
De nombreux manifestants se sont comportés de manière pacifique, mais les organisateurs de la manifestation d'Ottawa doivent suivre l'exemple des autres manifestants dont j'ai fait mention plus tôt et s'employer à exclure la violence, les extrémistes et ceux qui intimident les résidants d'Ottawa. Cette approche doit être nettement plus présente dans le message que le convoi essaie de faire passer pour que les vrais enjeux qui préoccupent la population puissent être pris en compte. Les manifestants ne partagent peut-être pas mon opinion au sujet de ces enjeux, c'est légitime, mais s'ils veulent que leur message soit entendu, leur organisation politique doit alors prendre une forme bien différente de celle qu'elle a prise à Ottawa.
J'en appelle à tous les Canadiens qui sont peut-être frustrés et en colère contre moi parce que je ne réclame pas la fin des mesures sanitaires immédiatement. Je préfère m'en remettre aux responsables de la santé publique à cet égard, mais je fais appel à la bonne volonté et à la bonne foi des Canadiens pour commencer à exhorter les organisateurs du convoi à promouvoir la paix, à se retirer du centre-ville d'Ottawa et de tout autre endroit qu'ils occupent et à finalement manifester de manière pacifique comme cela se fait normalement au Canada. Je pense que cette façon de procéder permettra de renouer le dialogue et d'ouvrir la voie de l'unité au Canada.
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Monsieur le Président, dans mon autre vie, quand j’étais enseignant et que j’abordais un sujet, j'en faisais toujours l’historique à mes étudiants pour qu’ils comprennent bien.
Aujourd'hui, je vais faire un peu l’historique de la situation actuelle et je vais évidemment braquer mon projecteur sur le , parce que nous pensons que c’est lui qui est responsable de la situation actuelle.
Je suis un ancien député à l’Assemblée nationale du Québec, où j'ai siégé de 2012 à 2018. J’ai vu deux premiers ministres devant moi: Mme Marois de 2012 à 2014 et M. Couillard de 2014 à 2018. Je me suis donc fait une idée de ce qu’est un premier ministre, entre autres à la Chambre. Ces deux premiers ministres aimaient la joute parlementaire, arrivaient en forme à la période des questions et s’amusaient avec le verbe et à « virer le monde de bord », comme diraient les gens de chez nous.
Durant la campagne fédérale de 2019, quand je voyais le premier ministre faire sa campagne, honnêtement, je le trouvais énergique, je trouvais qu’il était déterminé, je le trouvais en forme. Je me disais qu’il devait être comme ça à la Chambre. Ce n'était pas le cas.
Quand nous avons commencé à siéger ici, quelque chose m’a frappé. On ne s’en aperçoit pas toujours, mais on a la chance ici de côtoyer des gens qu’on voit à la télévision, des gens qui sont connus du public. Souvent, les gens nous demandent comment on trouve telle ou telle personne. Moi, je dis la vérité, puisque je suis bloquiste. Quand on parle des libéraux, par exemple, je n’hésite pas à dire que telle personne est très gentille et à donner de bons commentaires sur les gens de la Chambre en général.
On m’a demandé comment je trouvais le premier ministre. J’ai dit qu’il avait l’air fin, que je ne lui parlais pas souvent, et surtout qu’il n’avait pas l’air d’aimer son travail. Cela m'avait frappé. Il arrive à la Chambre et on dirait qu’on le dérange à la période des questions orales. On dirait que ça ne le tente pas. Je ne sais pas comment dire ça autrement. Il est quand même premier ministre d’un des pays du G7. À sa place, je ferais la roue dans le salon, mais il a l'air de ne pas trop vouloir y être. Je me dis que c’est peut‑être une mauvaise passe, parce qu'il arrive qu'on digère mal.
À un moment donné survient une crise. C’est dans l’adversité qu’on reconnaît les grands hommes et les grandes femmes de ce monde. Disons qu'il a connu beaucoup d'adversité dans son mandat de 2019 à 2021, et il en a encore aujourd’hui.
Je vais parler très rapidement de deux crises. Il y a d’abord eu la crise ferroviaire. Quand les Wet'suwet'en ont manifesté, il y a eu des blocages de voies ferrées un peu partout au Canada. Comme il était en voyage, on lui a dit que ce serait bien qu’il revienne, parce que ça n’allait pas bien au Québec et au Canada. Sa réponse a été qu’on le laisse tranquille parce qu’il était en voyage.
C’est comme s’il y avait trois périodes dans cette crise, un peu comme une trilogie à la Indiana Jones. Dans le premier épisode de la trilogie, il a demandé qu’on ne le dérange pas parce qu’il était en voyage. Quand il est revenu ici 10 jours plus tard, ça n’avait pas l’air de le tenter et il a dit que c’était aux provinces de régler cela, alors que c’était un problème national relevant de la compétence fédérale.
C’est drôle, parce qu’il s’amuse toujours à tripoter les compétences provinciales, à mettre son petit œil là-dessus, à exiger plein d’affaires, à faire la leçon et à sermonner tout le monde. Par contre, quand il s'agit de ses affaires, ça ne le tente pas. C’est un peu bizarre et c'est comme s'il avait toujours voulu être premier ministre d’une province, comme la Colombie-Britannique.
Au deuxième épisode, nous lui avons dit que le Bloc était en mode solution et nous lui avons donné les solutions à envisager. Cependant, il a passé la deuxième période de 10 jours à dire que c’était aux autres de régler le problème.
Au troisième épisode, il a écouté le Bloc et, les derniers jours, il a fait ce que nous lui avions demandé et la situation s’est réglée. Pourtant, cela n’avait pas l’air de le tenter.
Quand est arrivée la crise du coronavirus, elle est entrée à pleines portes. Vous vous le rappelez, monsieur le Président, vous étiez là. Cela a commencé avec la Chine, puis l’Iran et l’Italie, d'où provenaient des voyageurs qui entraient au Canada comme dans un moulin.
On disait au premier ministre de faire quelque chose, de bloquer les frontières, d'exiger des tests et des quarantaines, mais il restait immobile. On pourrait appeler cela un immobilisme compulsif. On se demandait s'il dormait. On le brassait même pour qu'il fasse quelque chose.
Finalement, et je n'y crois pas moi-même en le racontant, Valérie Plante est allée à l'aéroport Montréal‑Trudeau pour dire que cela suffisait, qu'il fallait arrêter de faire entrer les gens et qu'il fallait leur faire faire des tests. Pensons-y: la mairesse de Montréal a remplacé le premier ministre parce qu'elle voyait bien que cela n'avait pas de bon sens. Encore une fois, on se demande si cela lui tentait.
On arrive maintenant dans une troisième crise, et elle est majeure. J'ai regardé dehors, il y a quelques minutes encore, et cela ne donne pas envie d'aller jouer au bolo sur la rue Wellington en ce moment.
Il y a encore trois étapes. C'est une trilogie que j'ai divisée. La première étape, c'est « mettons de l'huile sur le feu ». Cela a commencé il y a un bout de temps, pas hier ou avant-hier. Je vais lire un segment qui parle de la situation lors la dernière campagne électorale et j'espère que mes collègues vont deviner de qui il s'agit:
Je ne peux pas m’empêcher de constater à regret que tant le ton que les politiques de mon gouvernement ont changé drastiquement à l’aube de la dernière campagne électorale et pendant la dernière campagne. […] une décision a été prise d’adopter une approche qui divise et qui stigmatise.
Il poursuit en disant:
Je pense que cette approche et que cette politisation de la pandémie risquent de miner la confiance du public envers nos institutions de santé publique. Et ce n'est pas un risque à prendre à la légère.
Qui a dit cela?
Est-ce que ce sont les conservateurs? Non. Est-ce le Bloc? Non. Est-ce le NPD? Bien sûr que non. Je le donne en mille: c'est le député libéral de . J'imagine qu'il ne doit pas être le seul, chez les libéraux, à se demander « Ça lui tente-tu? ». Même eux se posent la question.
Le 16 septembre, lors d'une émission de chez nous, La semaine des 4 Julie, le premier ministre remet de l'huile sur le feu en disant:
[...] des gens [...] qui ne croient pas en la science, qui sont souvent misogynes, souvent racistes. [...] Et là, il faut faire un choix, en tant que leader, en tant que pays: est-ce qu'on tolère ces gens-là?
Quand on est dans l'amalgame et la stigmatisation, c'est le festival. C'est mettre de l'huile sur le feu. Il poursuit en disant que la vaccination est rendue obligatoire chez les camionneurs.
Oui, on le sait que 90 % des camionneurs étaient vaccinés, sauf que les convois partent d'un peu partout au Canada. Ce n'est pas une surprise. Ils n'ont pas arrosé la rue Wellington pour faire pousser des camions. Ils sont arrivés de quelque part, ils sont arrivés de la Colombie‑Britannique. On le sait que c'est un grand pays, le Canada. Un gars qui part de la Colombie‑Britannique avec son camion, il en a pour un maudit bout de temps. En plus, il se ramasse des Petro‑Points, cela ne prend pas de temps.
Puis, les camionneurs arrivent à Ottawa. Ce n'est pourtant pas une surprise, ils l'avaient annoncé. Voici une autre citation du premier ministre, qui met encore un petit peu d'huile sur le feu, le 29 janvier:
Les Canadiens ne sont pas représentés par cette minorité très troublante de Canadiens, petite, mais très bruyante, qui s'en prend à la science, au gouvernement, à la société, aux ordonnances et aux conseils de santé publique.
On continue. Là, il faut faire attention. Le premier ministre a attrapé la COVID‑19. J'en conviens, il faut s'isoler quand on attrape la COVID‑19. Je comprends cela et j'espère qu'il n'a pas été trop malade. Il semblerait que non.
En isolement, on peut toutefois faire des apparitions par Zoom ou faire des appels, mais non, pas lui. Le 31 janvier, lors de sa première apparition depuis le début du siège et de l'occupation d'Ottawa, il dit, pour mettre un petit peu d'huile sur le feu:
Ce n'est pas en rouspétant qu'on va en finir avec cette pandémie. C'est en se faisant vacciner et en écoutant les meilleurs conseils de la santé publique.
C'est ce qu'il est allé dire aux manifestants. Je pense que cela n'a pas marché. On tombe maintenant dans la deuxième étape: la recherche de solutions. On pourrait toutefois aussi appeler cela le festival de l'inaction du premier ministre.
Petit à petit, les intervenants, dont le chef de la police d'Ottawa et le maire de la Ville d'Ottawa, essaient de trouver une solution.
En voyant la situation devant le Parlement, des gens se disent que ce n'est pas une mauvaise idée. Un peu partout, on commence à manifester et à bloquer les routes. Il y en a même qui ont essayé à Québec. Ils sont restés deux jours et cela s'est terminé comme cela. On en arrive alors à laisser pourrir la situation devant la Chambre des communes, et cela donne des mauvaises idées.
Le Bloc québécois est toujours en mode propositions. Vient un temps où nous devons brasser le gouvernement, mais, au début, nous sommes en mode propositions. Le Bloc québécois en a fait dès le début. Parmi nos six propositions, nous avons suggéré d'aller parler à des représentants de camionneurs, même ceux qui étaient vaccinés et qui étaient contre ce mouvement, et essayer de tisser des liens avec les gens qui se mettaient à cet endroit‑là; mais, le premier ministre n'a rien fait.
Le 6 février, la Ville d'Ottawa a déclaré l'état d'urgence, parce qu'elle voulait avoir de l'aide du gouvernement. C'était un genre de main tendue vers le gouvernement fédéral pour lui dire que les choses n'allaient pas bien.
Mon père me disait tout le temps qu'un libéral restera toujours un libéral. Il n'avait pas connu le député de . Même Ernest Lapointe, le lieutenant de Mackenzie King, disait: je ne suis pas un Québécois, je ne suis pas un Canadien, je suis un libéral. Même Allan Rock, un ancien libéral a critiqué l'absence de leadership du gouvernement libéral actuel. Cela ne va pas bien.
Le 7 février, nous attendions avec impatience le retour du premier ministre à la Chambre. Nous étions excités comme des caniches qui attendent de la visite. Nous pensions que le premier ministre du Canada avait dû être conseillé pour qu'on arrive enfin à une solution et qu'il nous proposerait quelque chose. En plus, comme il allait parler pendant 10 minutes, il avait le temps de nous annoncer de bonnes nouvelles.
Ce qu'il a proposé, c'est de dire aux manifestants d'aller se faire vacciner. C'est tout. C'est l'étape no 2: inaction, à la recherche d'un leadership.
La bonne nouvelle, c'est que grâce aux pressions exercées par la Maison‑Blanche, le pont Ambassador s'est libéré. Au Manitoba, dans le sud de l'Ontario, en Alberta, en Colombie‑Britannique, les choses ont fini par se régler. Québec aussi a vécu ses moments de manifestations, et le leadership du maire de Québec et du gouvernement du Québec a fait en sorte que tout se passe très bien. Il reste seulement un blocage devant la Chambre des communes, et c'est là qu'on attend la fin de tout ce remue‑ménage. Qu'on manifeste, oui, nous sommes d'accord sur cela, mais qu'on ne se mette pas à occuper les lieux. C'est inacceptable.
Finalement, l'étape no 3, je l'ai appelée la « bombe atomique ». On est arrivé à une situation où les libéraux savent qu'ils l'ont échappé. C'est comme un joueur midget qui se fait « striker » par un pee‑wee. Il se dit qu'on l'a échappé, celle‑là. Il s'en va avec la calotte de côté, rentre chez lui, en ne parlant à personne. Sa blonde est sur l'estrade et il fait semblant qu'elle n'est pas‑là.
C'est sûrement cela que le gouvernement s'est dit, à savoir que cela fait 10 jours qu'il a l'air un peu fou, et qu'il va sortir la bombe atomique pour passer pour des héros. Ce n'est pas cela du tout.
Six provinces sur neuf, le Québec, le Parti conservateur, le Bloc québécois et l'Assemblée nationale du Québec ont dit qu'ils ne voulaient rien savoir de cela. Même les députés de Québec solidaire, le parti qui aime beaucoup le député de , ont dit qu'ils ne voulaient rien savoir. Tout le monde l'a dit, à part le NPD.
Malgré cela, le gouvernement a invoqué la Loi sur les mesures d'urgence. Là, on est encore dans une situation où on s'aperçoit que le gouvernement avait déjà des outils. Le nous avait dit qu'il ne sortirait pas cette bombe atomique avant d'avoir utilisé l'outil un, l'outil deux et l'outil trois. Or, il n'a pas utilisé l'outil un, ni le deux, ni le trois.
Il est passé du stade Ponce Pilate, où il ne fait rien et s'en lave les mains, à celui de nous garrocher sur la gueule une bombe atomique. C'est comme s'il n'y avait rien entre les deux. Or oui, il y a des choses entre les deux. On l'a vu au pont Ambassador. On l'a vu dans les autres provinces.
On a tous des héros de jeunesse. Le mien, c'était Batman. Il y a Zorro et d'autres superhéros qui ont des pouvoirs incroyables. Je suis sûr que le héros de jeunesse du premier ministre, c'était Ponce Pilate. Il avait le pouvoir magique de se laver les mains. Le premier ministre voulait être comme lui, quitte à avoir les mains gercées tellement il les lave souvent. C'est ça qu'on a, comme premier ministre. C'est un Ponce Pilate compulsif. C'est ça qu'on a, malheureusement.
Je m'en voudrais de ne pas parler des députés du NPD, nos grands moralisateurs. Voici ce que Svend Robinson a dit, sur Twitter, au sujet de leur position: le caucus du NPD sous Tommy Douglas, en 1970, a pris une décision courageuse contre la Loi sur les mesures de guerre. Aujourd'hui, le NPD de leur chef actuel trahit cet héritage en appuyant la loi libérale des mesures d'urgence. Honte à vous, vous créez un très dangereux précédent.
Ce passage illustre la force jadis tranquille du NPD, un parti de gauche qui défendait les travailleurs et les gens qui avaient besoin d'aide, et non le gouvernement.
J'aimerais revenir sur ce qu'on dit de l'utilisation de cette mesure. Beaucoup ont dit que cela ne donne rien, que tout se règle. Si tout se règle, c'est parce qu'on avait déjà des moyens pour régler ces problèmes. Pourquoi donc utiliser cette mesure?
Certains ont dit qu'on est en train d'éliminer des mesures de confinement; très rapidement, dans certains cas. On est alors dans une situation où la frustration va finir par se dégager d'elle-même. C'est The Economist qui dit cela, pas des comédiens de fin de semaine. Selon The Economist, cela est dangereux, parce que ces mesures peuvent attiser la flamme de la frustration.
J'ai dit tantôt que c'est dans l'adversité qu'on reconnaît les grands hommes et les grandes femmes. La crise des années 1930, la pire crise de l'histoire, a vu émerger un héros, John Maynard Keynes. Cet économiste doté d'humanisme et d'une grande intelligence a fait figure de héros et a changé la face de l'humanité.
La crise des missiles d'octobre a vu John F. Kennedy devenir un héros. La Seconde Guerre mondiale a vu de Gaulle devenir un héros, en France. On a vu Churchill, en Grande-Bretagne, devenir un héros. On a évidemment vu Mandela, en Afrique du Sud, avec les luttes raciales de l'époque. On a aussi vu Gandhi. Ils ont leur place immortelle dans les livres d'histoire. Ce sont des gens qui ont vécu des difficultés, qui ont eu à être forts, qui se sont tenus debout, qui ont été une inspiration pour le monde et leur nation.
On peut observer le agir lors des différentes crises qui nous affligent. On ne parle pas de petites crises. On parle de la pire pandémie depuis 1919 et de camions devant la Chambre des communes. C'est épouvantable. Je peux dire une chose. Les livres d'histoire vont retenir du premier ministre qu'il n'est pas un héros, mais quelqu'un qui aura plié l'échine devant l'adversité.
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Monsieur le Président, c'est bien d'être ici ce soir. Je vais partager mon temps de parole avec la députée de .
Voilà plus de six ans que je siège à la Chambre et j'ai eu le plaisir d'y intervenir à maintes reprises, sur divers sujets, comme le projet de loi d'exécution du budget cette semaine, le projet de loi , le projet de loi et le projet de loi , mais ce soir, je vais parler d'une question qui mérite qu'on y accorde un moment de réflexion et de l'importance, pour le bien du pays. Nous en sommes à un point où le gouvernement doit agir.
Je crois fermement à la primauté du droit. Je crois qu'il faut la faire respecter et que tous les Canadiens doivent s'y plier. Malheureusement, de nombreux Canadiens, qui viennent de vivre deux ans pandémie mondiale, ont vu leur vie devenir considérablement plus éprouvante avec les événements des dernières semaines.
Tous les députés ont fait campagne en septembre dernier. J'ai abondamment consulté les gens de ma circonscription et je suis au courant des commentaires reçus. J'ai eu l'honneur de revenir à la Chambre des communes pour représenter les formidables habitants de Vaughan—Woodbridge. Je représente tous les habitants de ma circonscription, comme tous les députés. Je souligne toutefois que l'on m'a fait beaucoup de commentaires et exprimé beaucoup de frustration relativement à ce que nous traversons. Les commentaires que j'ai entendus étaient parfois très décevants et la frustration est toujours là. Nous avons vécu une pandémie mondiale, mais nous sommes en train d'en sortir.
Pour ce qui est du débat de ce soir et de ce qui se produira au cours des prochains jours, je dirai qu'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence aidera les autorités à remettre le pays sur la bonne voie. Les perturbations et les barrages illégaux aux postes frontaliers du Canada ont stoppé le commerce avec les pays étrangers et paralysé les chaînes d'approvisionnement, à un moment où les entreprises canadiennes s'efforcent de prendre part à relance économique mondiale en cours.
À cet égard, je pense à notre situation actuelle, alors que nous sortons de la pandémie, et à la direction que prend le monde, avec la concurrence mondiale accrue; la hausse du nationalisme économique; la montée de ce que j'appelle des blocs économiques et régionaux; les États-Unis, leur concurrence avec la Chine et ce qui s'y passe; l'Europe revigorée; le Royaume‑Uni d'après-Brexit. Nous savons qu'il faut défendre les entreprises canadiennes et la réputation mondiale du Canada, et il faut veiller à toujours mettre en œuvre et respecter la primauté du droit. Voilà ce qui me préoccupe.
Nous savons aussi qu'à l'heure actuelle, ici, à Ottawa, et partout au Canada, les ressources nationales, provinciales et municipales sont trop sollicitées. La Ville d'Ottawa, la Ville de Windsor et la province de l'Ontario ont déclaré des états d'urgence. La situation a évolué pendant deux semaines à Ottawa et près d'une semaine au pont Ambassador. Il y a eu d'importantes répercussions sur l'économie et il y a des gens qui ne peuvent pas travailler à cause des barrages et de l'occupation ici, dans la capitale nationale.
De nombreuses entreprises dans la capitale du pays ont été contraintes de fermer leurs portes pour des raisons de sécurité. J'étais ici, à Ottawa, au cours des trois dernières semaines et j'ai vu les commerces de la rue Sparks, en majorité des entreprises familiales, dans l'incapacité d'ouvrir leurs portes. Des employés du Centre Rideau sont à la maison en ce moment et ne reçoivent pas le chèque de paye leur permettant de régler leurs factures et les dépenses familiales. Honnêtement, tout cela doit cesser. Invoquer la Loi sur les mesures d'urgence est la chose à faire.
Il y a environ une semaine et demie, j'ai participé à un panel à l'émission Power Play à la chaîne CTV, qui a eu environ 200 000 visionnements sur ma page Facebook. Lorsque je me suis mise à lire les réactions, j'ai constaté à quel point certains commentaires, provenant des États-Unis, du Canada et d'autres régions du monde, étaient méchants et carrément déplacés. J'ai vu là une grande frustration et la façon dont la droite, dans certaines parties du Canada et à l'étranger, déformait la réalité en véhiculant des faussetés et en induisant en erreur les Canadiens.
Dans mes observations au cours de ces entrevues, j'ai dit, très franchement, que les gens qui se trouvent à l'extérieur ont le droit de manifester pacifiquement. Ils ont le droit de se faire entendre, comme tous les Canadiens, que ce soit aux urnes ou en se rassemblant pour manifester pacifiquement.
En revanche, ce qu'ils n'ont pas le droit de faire, et cela dure depuis maintenant 21 jours, c'est de perturber la vie des citoyens de cette ville formidable que nous sommes nombreux ici à connaître. Ce n'est pas normal. Il fallait que cela prenne fin, ce que j'ai souligné ce soir-là, ainsi qu'à chaque fois que j'en ai eu l'occasion par la suite, et ce que je souligne de nouveau ce soir. J'espère sincèrement que les manifestants écouteront ce qui est dit en ce moment au Parlement, et qu'ils décideront de rentrer chez eux, auprès de leur famille.
Leurs revendications sont nombreuses: ils sont contre les vaccins, contre la vaccination obligatoire, contre le , et souhaitent renverser un gouvernement élu démocratiquement. Chacun a droit à ses opinions et c'est quelque chose que je respecte, mais ils n'ont pas le droit de perturber la vie des citoyens de cette ville ou de toute autre ville du Canada. Nous sommes tous dans un État de droit et le fait d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence est, à mon avis, justifié.
Les résidents d’Ottawa ont été harcelés et, dans certains cas, attaqués physiquement parce qu’ils suivaient des mesures de santé publique de base pour la pandémie comme le port du masque. Des citoyens ont été pris pour cible simplement à cause de la couleur de leur peau. D’autres crimes allégués sont encore plus troublants. La police d’Ottawa enquête sur une tentative d’incendie criminel dans un immeuble à appartements du centre-ville.
La situation persiste et est alimentée en partie par des fonds étrangers. Les résidents d’Ottawa sont frustrés des activités illégales qui se déroulent dans leur ville depuis tout ce temps, et avec raison. Récemment, certains sont descendus dans la rue pour faire une contre-manifestation. Ils ont bloqué le passage à des véhicules qui tentaient de se joindre au désordre. Le 15 février, au cœur d’une situation sans précédent, le chef du Service de police d’Ottawa, Peter Sloly, a publiquement annoncé sa démission. Le maire d’Ottawa, Jim Watson, a publiquement annoncé qu’il avait négocié avec des membres du convoi pour permettre à certaines rues résidentielles d’être libérées des camions.
Comment nous sentirions-nous si nous arrivions chez nous, dans nos circonscriptions respectives, et nous trouvions des véhicules stationnés devant nos maisons qui klaxonnent à toute heure du jour? Je crois qu’aucun des 338 députés qui ont le privilège de siéger à la Chambre, envoyés ici par leurs concitoyens, ne trouverait cela acceptable. Je crois que personne ne l’accepterait. C’est inacceptable dans ce pays. Cela va à l’encontre de la primauté du droit.
Un centre de commandement intégré a été établi pour coordonner les interventions du Service de police d'Ottawa, de la Police provinciale de l'Ontario et de la GRC. Le gouvernement du Canada continue de soutenir la Ville d'Ottawa, la Province de l'Ontario et toutes les agences d'application de la loi concernées en fonction des besoins. Des ressources de la GRC ont déjà été déployées. En invoquant la Loi sur les mesures d'urgence, les autorités pourront dégager les camions stationnés illégalement dans les rues du centre-ville d'Ottawa et rétablir l'ordre et la paix au sein des collectivités touchées.
Les agences d'application de la loi de Coutts, en Alberta, affrontent aussi des menaces grandissantes. Un tracteur et un camion semi-remorque ont tenté de foncer sur un véhicule de police. Comme des députés l'ont souligné, la GRC de l'Alberta a identifié une organisation criminelle parmi les manifestants et elle a procédé à l'arrestation de 13 personnes, en plus de saisir des armes à feu, des vestes tactiques, des chargeurs à grande capacité et des munitions.
Qu'on le croie ou non, cela s'est bien produit au Canada. Ces personnes avaient placé leurs armes dans des remorques et tout indique qu'elles étaient disposées à faire usage de la force contre la police si celle-ci tentait de défaire le barrage. Le point d'entrée de l'Agence des services frontaliers du Canada demeure ouvert, et les canaux d'approvisionnement continuent de fonctionner à ce poste frontalier de l'Alberta.
Tout au long de l'évolution de ces manifestations, le gouvernement du Canada a surveillé la situation de près et a collaboré avec ses partenaires selon les besoins. De toute évidence, il s'agit d'une menace d'envergure nationale dont les répercussions ne se limitent pas à une ou deux provinces. Nous reconnaissons les défis que cette situation impose à de nombreux Canadiens, ainsi que les sacrifices qu'ont faits tous les Canadiens, y compris les résidants de ma circonscription, Vaughan—Woodbridge, tout au long de la pandémie, qui dure maintenant depuis presque deux ans. Heureusement, grâce aux vaccins, je dirais que le retour des beaux jours approche.
Le gouvernement fédéral persiste à demander à tous les manifestants de ne pas compromettre la paix publique ni de mettre quiconque en danger, et de ne pas participer délibérément à des événements illégaux comme ceux qui se déroulent actuellement à l'extérieur de la Chambre des communes.
Bien que le droit de chacun à la liberté d'expression et à la réunion pacifique constitue un élément important de notre démocratie...
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Oui, madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Beaucoup sont confrontés à des obstacles qui ont été amplifiés au cours des deux dernières années, comme le racisme, la misogynie, l'intolérance et la pauvreté. Que nous soyons prêts à l'admettre ou pas, nous devons tous composer avec le traumatisme causé par la perte de contrôle personnel, qui survient lorsque nos libertés sont restreintes, lorsque la confiance dans les institutions gouvernementales et les systèmes démocratiques s'érode, lorsque nous sommes plongés dans des conflits et lorsque nous n'avons pas d'indications claires sur le moment où la vie retournera à la normale, si elle le fait un jour. La plupart d'entre nous ont succombé au réconfort offert par les algorithmes des médias sociaux, les politiciens et les chaînes d'information qui nous découragent de trouver un terrain d'entente tout en nous récompensant lorsque nous nous radicalisons ou renforçons nos convictions.
Pour le convoi devant la Colline du Parlement, j'ai un message clair. Une manifestation peut être pacifique tout en étant illégale, et les barrages au centre-ville d'Ottawa enfreignent la loi. Les camions n'ont jamais été autorisés à s'immobiliser, en toute légalité, au milieu d'une voie de circulation importante, sur le pont Ambassador ou à proximité des postes frontaliers.
À ceux qui bloquent illégalement les infrastructures publiques, je dis que la loi doit être respectée. Ils doivent partir et ne pas offrir au gouvernement fédéral l'occasion de tenter de justifier avec entêtement l'utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence.
Pour la gouverne de ceux qui pensent que les restrictions liées à la COVID‑19 doivent être maintenues, je serai claire. Comme l'a déclaré l'un de mes collègues libéraux la semaine dernière, tout le monde n'est pas en mesure de travailler dans le confort de son foyer. Parmi les politiciens et les bureaucrates qui ont pris la décision de prolonger les restrictions, sans avoir la moindre intention de remédier aux problèmes systémiques qui existent, très peu connaissent vraiment les conditions de travail des travailleurs de première ligne, au Canada, depuis les deux dernières années. S'ils ne peuvent faire preuve d'empathie et trouver un terrain d'entente avec ceux qui font le plus les frais de leurs restrictions, alors ils ont perdu la légitimité de gouverner. Montrez-vous meilleurs et soyez à la hauteur de la situation.
À ceux qui cherchent à attiser ces frustrations et ces divisions avec leurs discours, des mensonges purs et simples, des diversions, des calomnies, des conspirations, des comportements dénués de compassion et de la haine, tout cela pour leurs propres intérêts politiques ou personnels, plutôt que de nous aider à trouver une issue, je dis « honte à eux ». Que nous soyons de gauche ou droite, nous leur résisterons, armés de notre esprit critique, de notre sensibilité et de notre compassion absolue.
À ceux qui sont prêts à exploiter ces frustrations et ces divisions pour prôner la violence envers les dirigeants, les travailleurs de première ligne et ceux qui ne partagent pas leur vision rigide du monde, je dis « honte à eux ». Que nous soyons de gauche ou de droite, de droite ou de gauche, nous leur résisterons grâce à la loi et à notre courage.
À ceux qui se servent de ces frustrations et de la division pour dire que la démocratie canadienne devrait être renversée ou détruite, c'est honteux. Que nous soyons de gauche ou de droite, nous leur résisterons et nous protégerons, renforcerons et chérirons notre régime démocratique.
Je reviens à la question qui nous occupe, soit la décision historique et sans précédent d'un canadien d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence. Une démocratie représentative ne peut subsister que si les gens qui s'en remettent à elle pour protéger leurs libertés ont l'assurance de pouvoir compter sur le droit d'être entendus, l'application régulière de la loi, l'indépendance de la magistrature, le pouvoir suprême du Parlement et le respect de la primauté du droit.
Au cours des dernières années, nous avons vu le gouvernement fédéral tenter d'amener le Président de la Chambre des communes devant les tribunaux. Nous avons vu la procureure générale du Canada être renvoyée parce qu'elle refusait de passer outre à l'indépendance du pouvoir judiciaire. Nous avons vu le Parlement être prorogé, des dépenses massives être approuvées pratiquement sans examen, des documents être cachés, des demandes d'accès à l'information être retardées, des vérificateurs être sous financés, et j'en passe. Nous avons vu les restrictions imposées par le gouvernement fédéral face à la COVID être prolongées sans données ni plan de sortie. Pas une seule fois le gouvernement actuel n'a indiqué avoir l'intention de redonner le pouvoir qu'il a pris à la population canadienne. C'est pour cette raison qu'il faut s'opposer au recours à la Loi sur les mesures d'urgence par le gouvernement libéral.
Le gouvernement fédéral n'a pas démontré aux Canadiens que les lois et les mesures déjà en place et assujetties à une surveillance judiciaire étaient insuffisantes pour mettre un terme aux barrages illégaux. Autrement dit, rien ne prouve que nous ne pouvons pas mettre fin aux blocages illégaux sans recourir à la Loi sur les mesures d'urgence.
À Ottawa, l'échec systémique des services de police locaux et la réaction tardive de tous les ordres de gouvernement ont créé cette conjoncture. Toutefois, le gouvernement fédéral n'a pas prouvé de façon irréfutable qu'il était nécessaire, pour résoudre la situation, de suspendre les processus démocratiques habituels en invoquant la Loi sur les mesures d'urgence. En fait, le gouvernement fédéral, qui regardait la crise avec indolence jusqu'à tout récemment, recourt à présent à cette solution nucléaire qu'est la Loi sur les mesures d'urgence. Alors même qu'ils demandent aux Canadiens de leur faire confiance, les députés ministériels ne font aucune mise à jour à la Chambre sur la situation ou sur les mesures qu'ils prennent ou non.
Le gouvernement fédéral pourrait utiliser de nombreuses lois déjà en place. Il ne nous explique pas en quoi ces lois sont insuffisantes, ce qui mine l'argument relatif à la proportionnalité. Par exemple, plusieurs partisans libéraux disent qu'ils ne peuvent pas donner d'ordres à la police. Il n'en demeure pas moins que le gouvernement fédéral peut fournir des directives à la GRC et au Service des poursuites pénales du Canada.
L'article 5 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada indique ceci:
Le gouverneur en conseil peut nommer, à titre amovible, un officier appelé commissaire de la Gendarmerie royale du Canada [...]
Cet article prévoit donc ce type de pouvoir.
Dans un autre cas, le a le pouvoir de donner des directives au directeur des poursuites pénales en vertu de l'article 10 de la Loi sur le directeur des poursuites pénales.
En vertu de l'article 273.6 de la Loi sur la défense nationale, le gouvernement fédéral a aussi le pouvoir de donner des instructions autorisant les Forces canadiennes à prêter assistance en matière d’application de la loi si le gouverneur en conseil ou le ministre, selon le cas, tient compte de plusieurs facteurs.
Tout cela pour dire que le gouvernement fédéral dispose de plusieurs recours juridiques pour faire preuve de leadership afin de mettre un terme à cette crise au moyen de l'application de la loi et de poursuites. Or, les libéraux ont plutôt choisi d'invoquer immédiatement la Loi sur les mesures d'urgence, sans donner de justification au Parlement. En fait, les barrages au pont Ambassador et au poste frontalier de Coutts ont été levés avant l'invocation de la Loi. Ce manque de clarté suffit à s'y opposer.
Les libéraux insistent sur le fait que ces mesures sont conformes à la Charte des droits et libertés puisque la Loi sur les mesures d'urgence stipule que toute mesure temporaire doit être conforme à la Charte et à la Déclaration des droits. Cependant, de nombreux défenseurs des libertés civiles et experts en la matière ont déjà exprimé leurs préoccupations quant aux nombreux problèmes dans le décret qui sont liés au droit des Canadiens de se rassembler pacifiquement en vertu de l'article 2 et au droit de tous les Canadiens à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Par exemple, en vertu de l'article 7, comment les libéraux peuvent-ils conscrire les entreprises de remorquage sans enfreindre leur liberté? L'article 8 prévoit des protections contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. Comment peuvent-ils geler des actifs ou signaler des transactions sans violer cet article?
Les libéraux soutiennent que toutes les violations de ce genre constituent des limites raisonnables et sont justifiables en vertu de l'article 1, car elles sont proportionnelles à l'objectif d'éliminer les barrages. Le problème avec les arguments axés sur l'article 1, c'est que ces questions doivent être déterminées par les tribunaux dans le cadre de processus juridiques bien établis comme les critères de l'arrêt Oakes. Tout cela pourrait prendre beaucoup plus de temps que la période pendant laquelle la Loi sur les mesures d'urgence serait en vigueur, mais cela aurait des répercussions sur les mesures prises pendant que la loi est en vigueur.
Pour justifier le recours à cette loi, les libéraux devraient déposer une déclaration sur la Charte afin d'expliquer davantage pourquoi et comment ce qu'ils proposent est conforme à la Charte. Le fait qu'ils ne l'aient pas fait est une raison de s'opposer à la loi.
Par ailleurs, les libéraux n'ont pas demandé au commissaire à la protection de la vie privée de démontrer comment le droit à la vie privée des Canadiens serait maintenu. Aujourd'hui, j'ai écrit au commissaire pour lui demander d'ouvrir une enquête à ce sujet.
Il faut que les barrages illégaux à Ottawa soient levés. Il faut mettre fin à cette escalade dans les propos et les tensions dans ce pays. Il faut mettre fin aux restrictions liées à la COVID. Dans le contexte actuel, il faut chercher un moyen d'outiller et d'inspirer les Canadiens pour qu'ils sortent de la noirceur des deux dernières années, et non étendre les pouvoirs qu'exerce le gouvernement sur le peuple canadien sans qu'il en ait la compétence et sans raison valable.
Il s'agit d'une utilisation sans précédent du pouvoir au Canada. Nous devrions chercher par tous les moyens à désamorcer la situation grâce aux processus existants, comme ce fut le cas au pont Ambassador et au passage frontalier de Coutts. Le recours à cette loi ne devrait jamais être considéré comme normal, mais je crains que ce soit ce qui est en train de se produire dans le débat d'aujourd'hui.
Notre nation a besoin d'espoir. Nous devons unir nos efforts. Accroître davantage les pouvoirs du gouvernement fédéral sans examen, sans la surveillance de l'appareil judiciaire n'apaisera pas les divisions, et c'est pourquoi je crois qu'il faut s'opposer à cette loi.
Je demande à tous les Canadiens qui regardent ce débat de s'unir afin de traverser cette crise causée par la pandémie.
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Madame la Présidente, c'est pour moi un privilège d'intervenir à la Chambre ce soir au sujet de ce très important enjeu. Aujourd'hui, nous débattons des mesures sans précédent que prend le gouvernement en invoquant pour la première fois la Loi sur les mesures d'urgence.
Il va sans dire que je n'affirme pas que la Loi sur les mesures d'urgence n'a pas de raison d'être en droit canadien. Je dis simplement, à l'instar de nombreuses autres personnes, qu'il s'agit d'une mesure carrément disproportionnée pour désamorcer efficacement les manifestations et que les arguments du gouvernement pour justifier le recours à cette loi présentent un si grand nombre de failles qu'il est impossible de les énumérer.
La Loi sur les mesures de guerre est la mesure législative qui a précédé la Loi sur les mesures d'urgence. Les gouvernements n'y ont eu recours qu'à trois occasions: lors de la Première Guerre mondiale, lors de la Seconde Guerre mondiale et, enfin, lors de la crise d'Octobre dans les années 1970. Avant même de songer à invoquer la Loi sur les mesures d'urgence, il importe de jeter un coup d'œil sur le contexte dans lequel les gouvernements ont appliqué la mesure législative antérieure et de se rendre compte qu'ils ne l'ont fait qu'à de très rares occasions.
Premièrement, il doit y avoir une situation de crise nationale. Selon la définition fournie dans la loi, une situation de crise nationale résulte d'un « concours de circonstances critiques à caractère d'urgence et de nature temporaire ». Nous savons tous que les manifestations actuelles ne sont pas des « circonstances critiques à caractère d'urgence et de nature temporaire ». Si c'était le cas, le serait sûrement intervenu il y a 20 jours.
Cela dit, la loi dit que la situation doit être de nature temporaire, et je conviens que c'est le cas ici. D'ailleurs, tous les barrages qui se trouvaient à la frontière canado-américaine ont été démantelés avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les mesures d'urgence, donc sans que cette loi ne soit nécessaire.
La définition précise ensuite que la crise nationale doit « [mettre] gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens et [échapper] à la capacité ou aux pouvoirs d'intervention des provinces ». Soyons honnêtes: les camionneurs qui sont stationnés devant le Parlement ne mettent pas gravement en danger la vie des Canadiens. Quant aux postes frontaliers, les provinces ont la capacité et les pouvoirs d'intervention nécessaires pour régler les problèmes et les ont d'ailleurs déjà réglés.
Plus loin, la loi définit une crise nationale comme une situation qui « menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de garantir la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du pays [...] », à laquelle « il n'est pas possible de faire face adéquatement sous le régime des lois du Canada ». Si une crise ne répond pas à ces critères, on ne devrait pas recourir à la Loi sur les mesures d'urgence. Si quelques centaines de camions stationnés constituent une menace pour la préservation de la souveraineté et de la sécurité du Canada, qui compte parmi les plus grands pays du monde et fait partie du G7, cela témoigne de la faiblesse et de l'échec du leadership du gouvernement, qui rendent notre pays si vulnérable que son existence même pourrait être remise en question par un groupe de manifestants sur la rue Wellington.
Lorsque nous examinons la situation du point de vue que nous avons ici à Ottawa, je pense qu'il est très clair pour tous les députés que le critère de crise nationale n'a tout simplement pas été atteint. Mais, pour les besoins de la discussion, disons que le et tout son caucus libéral croient vraiment et sincèrement que les camions stationnés dans la rue juste devant ces portes constituent une véritable crise exigeant une action sans précédent du gouvernement fédéral. À cela, je réponds simplement: quelle situation déplorable. Si c'est à cela que ressemble une urgence pour le gouvernement libéral, quelle vie incroyablement privilégiée doivent-ils mener, comparée à celle des habitants de ma propre circonscription, Fundy Royal, qui ont fait face aux ramifications et aux conséquences désastreuses des confinements. Chez nous, une crise, c'est un propriétaire d'une salle de sport qui a perdu son commerce après s'être sacrifié pendant deux ans dans l'espoir de maintenir son entreprise à flot. C'est une mère célibataire qui a perdu son emploi à cause des exigences relatives à la vaccination imposées par le gouvernement et à qui ce même gouvernement a dit, cruellement, qu'elle ne pouvait pas toucher l'assurance-emploi.
Au bout du compte, les libéraux tentent d'employer des pouvoirs d’urgence sans précédent pour répondre à une situation qui ne satisfait même pas aux critères requis pour être considérée comme une situation de crise nationale aux termes de la Loi sur les mesures d'urgence. Même si la crise que les libéraux prétendent vouloir régler n'est pas une véritable crise, les conséquences de cette atteinte aux libertés et droits civils si chers aux Canadiens sont, elles, bien réelles.
Hier, l'Association canadienne des libertés civiles a déclaré que le gouvernement « n’a pas atteint le seuil nécessaire pour invoquer la Loi sur les mesures d’urgence ». Elle met aussi en garde qu'une mauvaise application de cette loi, comme c'est manifestement le cas ici, menacerait notre démocratie et nos libertés civiles. De surcroît, pas plus tard qu'aujourd'hui, l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique a exhorté tous les députés, y compris les députés libéraux, à voter contre cette décision et a demandé au de mettre fin à l'application de la Loi sur les mesures d’urgence.
Le Canada a fait face à plusieurs crises sans invoquer cette loi. Par exemple, en 1990, il y a eu la crise d'Oka, un affrontement de 78 jours entre des manifestants mohawks, les forces de l'ordre et les Forces armées canadiennes. En 2006, un groupe d'extrémistes, maintenant surnommé les « 18 de Toronto », avait comploté de violentes attaques ici, sur la Colline du Parlement. En 2010, les manifestations organisées dans le cadre du G20 se sont transformées en émeutes, causant des centaines de milliers de dollars de dommages matériels dans la plus grande ville du Canada. Le chef de police de Toronto à l'époque n'était nul autre que l'actuel . La Loi sur les mesures d’urgence n'a pas non plus été invoquée le 22 octobre 2014 quand, comme s'en souviendront de nombreux députés, une attaque terroriste a été commise sur la Colline et au Monument commémoratif de guerre. Pourtant, le caporal Nathan Cirillo a été tué lors de cette attaque, puis l'édifice du Centre a été pris d'assaut.
Ces incidents graves, parfois mortels, étaient beaucoup plus dangereux et destructeurs que les camionneurs qui sont stationnés à l'extérieur. Il est tout simplement illogique que le gouvernement invoque la Loi sur les mesures d'urgence à ce moment-ci. Cela contourne le processus démocratique. Nous ne pouvons pas démontrer de la complaisance ni permettre que ces pouvoirs sans précédent se transforment en un outil dont le gouvernement se sert pour étouffer les dissensions qui lui déplaisent. Les libertés civiles, la primauté du droit et les normes démocratiques ne sont jamais garanties. Une vigilance constante est requise pour défendre ces principes. Le Canada a été bâti sur ces principes et nous ne pouvons pas les laisser se fissurer.
Il y a deux jours, j'ai rencontré un Roumain qui a immigré au Canada. La larme à l'œil, il m'a dit qu'il trouvait que c'était un jour bien triste. Il a perdu son père à cause du régime roumain et de son dictateur brutal et il est venu au Canada dans l'espoir de trouver la liberté. Étant issu d'un régime totalitaire où les citoyens sont persécutés pour leurs convictions politiques, une telle situation lui est familière. Il est difficile de s'imaginer ce que ce doit être de vivre dans un pays où les citoyens ne sont pas autorisés à penser ou à s'exprimer librement sans craindre la persécution, mais cet homme à qui j'ai parlé ne le sait que trop bien. Nous connaissons malheureusement aussi la division que sème le et tout le mal qu'il se donne pour éliminer les opinions dissidentes.
Voilà de quoi il s'agit. Le essaie de censurer toutes les opinions qui ne coïncident pas avec la sienne. C'est une crise politique pour le premier ministre. Malheureusement, comme nous l'avons pu le constater à la Chambre à maintes reprises, et pas plus tard qu'hier, son instinct est de diviser. Nous savons que ce n'est pas parce qu'une personne est en désaccord avec le gouvernement qu'elle est forcément raciste, misogyne ou tenante de la suprématie blanche, mais c'est beaucoup mieux pour le premier ministre si tout le monde croit cela. Hier encore, à la Chambre, le premier ministre a accusé une jeune députée juive de défendre les croix gammées. On peut se demander ce qui l'a poussé à faire une affirmation aussi révoltante. La députée de a osé demander au premier ministre quand il s'était égaré, lui qui a déclaré en 2015 que si les Canadiens allaient faire confiance au gouvernement, le gouvernement devait leur faire confiance à son tour. C'est très révélateur que le fait de souligner sa propre hypocrisie ait provoqué une telle rage chez le premier ministre.
Le ne voit pas d’objection à manifester pour les idées auxquelles il souscrit. Nous le savons tous à la Chambre. Si la cause lui plaît et que cela peut faire rejaillir un peu de prestige sur sa personne, il va manifester. Par contre, aujourd’hui, il n’est pas d’accord avec les manifestants, alors il sort les grands moyens et invoque la Loi sur les mesures d’urgence. Lorsqu’on dirige une démocratie juste et libre comme le Canada, on ne peut pas choisir qui a le droit de s’exprimer ni à quel sujet. Le premier ministre ne peut pas supprimer unilatéralement les libertés civiles des gens qu’il n’aime pas. Cette attitude est réservée aux dictateurs.
Tous les Canadiens devraient être préoccupés par les agissements du et de son gouvernement libéral. Tous les Canadiens devraient être préoccupés lorsqu’un groupe est visé par le gouvernement fédéral en raison de ses convictions politiques. En fait, tous les Canadiens devraient être préoccupés par le précédent créé par le gouvernement. Je voterai fièrement contre cette intervention du gouvernement qui va trop loin.
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Madame la Présidente, veuillez m’excuser de ne pas m’être levée. Mes nouveaux genoux ne sont pas encore tout à fait au point.
C’est un honneur pour moi d’intervenir ce soir dans l’un des débats les plus importants que nous ayons eus dans cette enceinte depuis que je suis députée. Cela dit, je me trouve devant un dilemme.
Je tiens à reconnaître que je prends la parole sur le territoire traditionnel de la nation algonquine. Sa patience et sa tolérance à notre égard sont d’une grande générosité, et je lui dis meegwetch.
Ce débat est très difficile pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles est que je n’ai pas encore décidé comment je voterai, pas plus que mon collègue parlementaire de , d’ailleurs. Nous étudions en profondeur la Loi sur les mesures d’urgence et ses implications, y compris ses inconvénients, qui sont évidents, et sa nécessité, qui reste à déterminer.
Ce discours sera plus légaliste que d’habitude. Je vais essentiellement me livrer à un exercice d’interprétation législative, établir une comparaison avec les faits et voir où nous en sommes. En fait, je suis aux prises avec deux questions ce soir: comment allons-nous voter et comment analyserons-nous les questions juridiques?
Au cours du débat d'aujourd'hui, et de 7 heures à minuit demain, après-demain et le surlendemain, puis une partie de la journée de lundi également, nous entendrons des arguments qui ne s'appuient pas sur une interprétation de la loi, mais plutôt sur les émotions. Il y aura de nombreuses accusations et contre-accusations. Les deux côtés ont déjà truffé ce débat de questions litigieuses et de faux-fuyants. Toutefois, je crois que la population canadienne doit savoir de quoi nous parlons, et je ferai de mon mieux pour l'y aider.
La première question est la suivante: qu'est-ce que la Loi sur les mesures d'urgence?
Il est très important de mentionner qu'il ne s'agit pas de la Loi sur les mesures de guerre. L'application de la Loi sur les mesures de guerre par Pierre Trudeau, le père de l'actuel , pendant la crise d'Octobre, était une violation flagrante des droits et libertés à l'échelle du pays, une suspension de toutes les libertés civiles, partout. La mesure visait la population du Québec, et même des personnes qui n'avaient aucun lien avec quelque mouvement radical que ce soit, qui étaient simplement des opposants au gouvernement de l'époque, ont fait l'objet de rafles.
Il y a eu des excuses officielles lors de la dernière session parlementaire. En passant, lorsque la Loi sur les mesures de guerre a été invoquée dans les années 1970, la police de Vancouver a pénétré dans des camps de la paix et a commencé à battre les personnes qui s'y trouvaient, car les libertés civiles étaient suspendues partout au Canada et qu'elle n'avait pas besoin de motifs. Ce n'est pas de cela qu’il s'agit ici.
La Loi sur les mesures d'urgence est l'œuvre commune de parlementaires — ce qui, à mon avis, est impressionnant — qui ont réfléchi à cette question dans les années 1980 alors qu'il n'y avait aucune situation urgente à laquelle il fallait répondre. Ils ont pensé à des situations qui concernent l'intérêt public, comme une pandémie, et à la façon d'y répondre. Ils se sont demandé si le pays avait besoin d'une loi sur les mesures d'urgence et quels types de situations d'urgence nécessiteraient son utilisation. Ils ont pensé à la guerre, aux catastrophes naturelles et aux situations comme celle dont nous débattons aujourd'hui, celle utilisée par le gouvernement pour invoquer le recours à la Loi, les situations d'état d'urgence.
Cependant, lorsqu'ils ont conçu la Loi, les parlementaires se sont assurés que, dans son libellé même, il soit clair qu'il n'est pas question d'appeler l'armée en renfort. Dans le libellé de la Loi, on indique que la Charte des droits et libertés sera respectée et que, contrairement à la Loi sur les mesures de guerre, la Loi sur les mesures d'urgence prévoit une surveillance parlementaire dont le débat de ce soir fait partie. Dès qu'un gouvernement invoque la Loi sur les mesures d'urgence, le Parlement est appelé à débattre de la question et doit la mettre aux voies dans les sept jours. De plus, un comité du Parlement devra continuer de surveiller les mesures mises en places en application de la Loi et s'assurer qu'elles sont conformes aux exigences de la Loi. Également, 20 députés ou 10 sénateurs peuvent, en tout temps pendant les 30 jours de la situation d'urgence, demander conjointement qu'un débat ait lieu et que la question soit de nouveau mise aux voix.
Par conséquent, en contexte de gouvernement minoritaire, on doit comprendre que l'exécutif, c'est-à-dire le Cabinet et le , n'a pas le pouvoir d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence. Évidemment, l'exécutif l'a fait et la Loi est présentement appliquée, mais il y a une surveillance parlementaire, qui n'existait pas dans la Loi sur les mesures de guerre.
La situation actuelle est appelée état d'urgence. Dans la Loi sur les mesures d'urgence, cela correspond à une « [s]ituation de crise causée par des menaces envers la sécurité du Canada d’une gravité telle qu’elle constitue une situation de crise nationale ».
En analysant cette définition, on constate que les termes « menaces envers la sécurité du Canada » n'ont peut‑être pas le sens auquel nous pourrions penser. En fait, on trouve le sens de ces termes dans la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Nous devons consulter une autre loi pour trouver la définition de « menaces envers la sécurité du Canada ».
C'est fascinant. Je pense être la première personne à le mentionner. Dans la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, les menaces envers la sécurité du Canada sont définies en quatre points. Je lirai seulement le point b) parce que c'est celui qui s'applique le plus à la situation actuelle. Selon la Loi, les menaces envers la sécurité du Canada incluent:
b) les activités influencées par l’étranger qui touchent le Canada ou s’y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d’une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque;
Or, la deuxième partie de la définition donnée dans la Loi sur les mesures d'urgence précise que pour pouvoir déclarer l'état d'urgence, il faut non seulement qu’il y ait une situation de crise causée par des menaces envers la sécurité du Canada, comme celles définies dans le passage de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité que je viens de lire, mais aussi que cette situation soit d’une gravité telle qu’elle constitue une situation de crise nationale.
Pour connaître la définition d'une crise nationale, comme d'autres députés l'ont fait, il faut se rapporter à la Loi sur les mesures d'urgence:
3. Pour l’application de la présente loi, une situation de crise nationale résulte d’un concours de circonstances critiques à caractère d’urgence et de nature temporaire, auquel il n’est pas possible de faire face adéquatement sous le régime des lois du Canada et qui, selon le cas:
a) met gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens et échappe à la capacité ou aux pouvoirs d’intervention des provinces;
b) menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de garantir la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du pays.
Je me demande si ces critères ont été respectés ou que ce seuil a été atteint. Il faut l'évaluer en fonction des faits. Je suis troublée — à l'instar du gouvernement, puisqu'on le retrouve aussi dans la déclaration elle-même — par l'influence étrangère de ce qui se passe au Canada.
La déclaration dont nous débattons ce soir contient l'argument voulant que les manifestations « sont devenues un point de ralliement pour les groupes anti-gouvernement, anti-autorité, anti-vaccination, complotistes ou qui militent pour la suprématie blanche provenant de partout au Canada et d'autres pays occidentaux ». Elle ajoute: « Les manifestants ont diverses revendications idéologiques allant de la fin de toutes les restrictions sanitaires au renversement du gouvernement dûment élu. »
Cela semble tout à fait conforme à notre première question visant à savoir si les activités influencées par l’étranger qui touchent le Canada ou s’y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, notamment les barrages qui bloquent l'accès au commerce, les barrages dans les collectivités et la fermeture des collectivités, représentent une menace envers la sécurité du Canada aux termes de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. De plus, ces activités sont-elles de nature clandestine ou trompeuse? Oui, elles le sont si l'argent provient de l'étranger; les gens utilisent des adresses électroniques anonymes et ils envoient de l'argent au Canada dans le but de perturber notre pays.
Quel est cet objectif? Où trouvons-nous d'autres preuves de ce que l'influence étrangère pourrait tenter de faire au Canada, mais aussi à d'autres régimes politiques? Hier, les manchettes de l'Associated Press portaient sur la façon dont le financement américain des manifestations au Canada pourrait influencer la politique américaine. Dans cet article, un groupe de journalistes qui travaillent pour l'Associated Press fait valoir que le convoi et les diverses manifestations organisées dans l'ensemble du pays sous la bannière du « convoi pour la liberté » visent « en réalité à revitaliser la politique conservatrice aux États‑Unis [et ailleurs]. Les républicains pensent qu'ils stimuleront la collecte de fonds et la participation des électeurs en se montrant solidaires des manifestants dans le Nord. »
Il n'est pas étonnant que des sommités de l'extrême droite au sud de la frontière, comme le républicain du Texas Ted Cruz et la représentante de la Géorgie, Marjorie Taylor Greene, qualifient les manifestants au Canada de héros et de patriotes. Fox News ne tarit pas d'éloges à leur égard en ce moment. Le sénateur Rand Paul a dit espérer que les camionneurs viennent aux États‑Unis pour « paralyser des villes ». Autrement dit, l'un des éléments qui élèvent cette situation au rang d'urgence nationale, c'est qu'elle a aussi des ramifications. Plus la situation perdure au Canada, plus elle vise à causer des perturbations dans d'autres économies, notamment notre principal partenaire commercial. La situation est-elle devenue une urgence nationale?
C'est une question difficile pour moi. La situation est-elle devenue une urgence nationale? Certains barrages ont été levés. Ils étaient plus faciles à lever en raison de leur situation géographique. Il y avait moins de gens. La logistique qui était nécessaire au pont Ambassador n'est pas la même que celle qui est nécessaire pour la situation qui se déroule à l'extérieur du Parlement en ce moment. De plus, je ne suis pas d'accord avec mes collègues qui ont dit que, si nous pouvons accéder au Parlement, cela signifie qu'il est sécuritaire. Ce n'est pas le cas.
Certains de mes collègues et des membres de leur personnel se sont fait lancer des excréments alors qu'ils allaient au travail et qu'ils en revenaient. Des personnes nous ont invectivés et agressés alors que nous tentions de circuler dans les rues. Comme je souffre actuellement d'un handicap, il m'est absolument impossible d'accéder au Parlement sans la protection et l'aide du Service de protection parlementaire. Non, la situation sur la Colline du Parlement n'est pas normale. Nous ne nous sentons pas en sécurité ici.
Pour en venir au point suivant que je souhaite aborder, je suis très préoccupée par notre sécurité, ici, à Ottawa. Nous ne nous trouvons pas dans n'importe quelle ville du Canada. Nous sommes dans la capitale nationale. Un certain type de gens a été attiré ici, et je n'ai pas l'intention de mettre dans le même panier tous ceux qui sont venus à Ottawa pour appuyer le convoi. Il y a clairement des gens qui pensent qu'il s'agit d'une fête de rue. On y trouve des gens qui ne sont pas radicalisés politiquement, mais il n'en demeure pas moins que ces gens sont tous unis par une certaine radicalisation qui représente une menace inhérente de violence.
Cela a été particulièrement bien exprimé aujourd'hui dans le Guardian, dans l'article très inquiétant d'un journaliste canadien que je connais depuis des années. Justin Ling se démarque dans le cadre de cette crise, car il n'hésite pas à aller sur le terrain pour faire des reportages et dénicher des informations. Son article d'aujourd'hui, dans le Guardian, s'intitulait: « Le Canada a été prévenu avant les manifestations que des extrémistes violents avaient infiltré le convoi ».
Plus tôt aujourd'hui, le député de a tenté de défendre les manifestants en disant que ce n'était pas de leur faute, car il avaient été infiltrés. C'est précisément ce qui s'est passé. Selon l'article publié aujourd'hui dans le Guardian par le journaliste canadien Justin Ling, le Centre intégré d'évaluation du terrorisme au Canada, qui fait partie du Service canadien du renseignement de sécurité, a signalé, avant que le convoi n'approche d'Ottawa, que les organisateurs de ce dernier « prônaient la guerre civile ».
Les organisateurs du convoi citent l'insurrection étatsunienne du 6 janvier contre des élections justes et démocratiques, soutenant le mensonge que Donald Trump aurait remporté les élections et que celles-ci lui auraient été volées. Voilà ce qu'ils citent comme modèle. Selon Justin Ling, le Service canadien du renseignement de sécurité et le Centre intégré d'évaluation du terrorisme ont prévenu les services de police de la Ville d'Ottawa que c'est le genre d'événement qui se préparait.
Ce n'était pas un secret. Le convoi est parti en grande pompe de l'autre bout du pays. Quand tout cela sera terminé, nous allons devoir déterminer ce qui s'est passé dans la chaîne de commandement des services de police de la Ville d'Ottawa et comment les avertissements ont pu être ignorés. Certains agents — pas nécessairement tous, mais certains — ont pratiquement applaudi le convoi. Les journalistes locaux d'Ottawa rapportent que lorsqu'ils ont interviewé les camionneurs, ceux-ci ont dit qu'ils avaient seulement prévu rester un certain temps, mais que la police leur a dit qu'ils pouvaient stationner sur la rue Wellington et qu'ils ne seraient pas obligés de partir pendant très longtemps.
Si ces camionneurs n'avaient pas été des camionneurs, mais plutôt des Autochtones venus affirmer leurs droits sur un territoire autochtone, ils n'auraient jamais été autorisés à planter le moindre piquet pour ériger quoi que ce soit avant d'être arrêtés séance tenante. Même chose s'il s'était agi de gens de couleur ou d'environnementalistes. Bonté divine, il suffit de voir le sort qu'on réserve aux camps de sans-abri, comment on les déloge brutalement. La Loi sur les mesures d'urgence n'a pas été nécessaire pour chasser manu militari d'innombrables itinérants lors d'innombrables descentes de police.
Nous savons que bon nombre des participants à ce convoi n'ont pas l'intention de partir. Je ne veux pas accorder d'importance à ces hurluberlus qui affichent des messages sur Twitter, mais je sais les médias sociaux du convoi pour la liberté disent de se rendre au centre-ville de Victoria pour s'emparer de l'assemblée législative, et qu'ils ne vont pas partir tant que les restrictions n'auront pas toutes été levées. Rien à faire des recommandations de la santé publique. Ils vont exiger la fin du gouvernement et des restrictions. Qui sait?
Toujours selon le même article, le Centre intégré d'évaluation du terrorisme aurait prévenu qu'à son avis, l'utilisation de véhicules, de camions et de carburant constitue une menace de violence bien réelle.
Nous qui sommes au Parlement, il nous est souvent arrivé de nous demander si quelqu'un savait ce qui se trouvait dans ces camions et de poser la question aux forces de sécurité. Nous ne savons pas ce qui s'y trouve. Je crois donc que nous sommes clairement confrontés à une situation qu'on a laissée devenir intolérable et dangereuse, mais je ne suis toujours pas prête à voter en faveur de la motion. Voici pourquoi.
Le Règlement sur les mesures d'urgences, tel que décrit, est d'une portée trop vaste. Quand le a annoncé qu'il aurait recours à cette mesure, il a dit qu'elle ciblerait spécifiquement les régions où on notait une absence des voies hiérarchiques normales et des mécanismes de protection de la vie et de la santé de la population. Il est clair que nous sommes dans une situation d'urgence. Cela dit, on nous avait promis que la mesure serait très ciblée et très limitée mais, selon le Règlement sur les mesures d'urgences, presque tout est considéré comme une infrastructure et la mesure s'applique partout au Canada. La liste des lieux protégés énumérés à l'article 6 du règlement est beaucoup trop vaste, et elle s'applique à l'ensemble du pays.
C'est l'une de mes préoccupations. Je sais aussi que beaucoup de gens souhaitent des critères clairs. À combien doit s'élever le don en argent ou le soutien financier qu'une personne contribue à des activités illégales pour que son compte bancaire soit gelé? Je doute fortement que le gouvernement du Canada ait l'intention de geler le compte bancaire de toutes les personnes qui ont fait un don de 20 $ au « convoi pour la liberté » sur GoFundMe. Je crois qu'on cherche plutôt des liens rapprochés, aptes à exercer une pression assez forte pour mener au départ du convoi.
Quels sont les points sensibles? Il y a l'assurance, les finances, l'immatriculation des véhicules et la possibilité de gagner sa vie comme camionneur une fois la manifestation terminée. Je doute que les libéraux aient l'intention de s'en prendre aux personnes qui ont fait un don de 20 $, mais je ne les ai pas entendus le dire clairement. Je ne serai pas prête à appuyer cette mesure tant que la portée ne sera pas définie plus précisément, de manière à limiter la portée trop vaste du règlement.
J'ajouterais également que je reçois presque constamment des questions de nombreuses personnes qui veulent savoir si nous pouvons avoir la certitude que cela ne créera pas un précédent en établissant des mesures de répression des libertés civiles. J'aimerais lire un autre extrait très précis de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Cet extrait a été inscrit dans la motion qui fait l'objet de notre débat ce soir. On y parle de ce qu'on entend par menace envers la sécurité du Canada; plus précisément, on peut lire ceci à la fin de la définition dont je vous ai lu seulement l'alinéa b): « La présente définition ne vise toutefois pas les activités licites de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord qui n’ont aucun lien avec les activités mentionnées aux alinéas a) à d). »
Cela me rassure assez. Par ailleurs, je n'ai pas l'intention de me faire arrêter à nouveau. Je n’en ai retiré aucun plaisir. Je me sentais très loin de ma zone de confort. Le juge me détestait, alors j'ai été condamnée à payer une amende beaucoup plus salée que celle de mon ami, qui est maintenant maire de Vancouver. Je n'ai pas l'intention d'aller manifester et de me faire encore arrêter, mais je suis convaincue que la désobéissance civile non violente est un élément vital de notre démocratie. Cette forme de manifestation remonte à Henry David Thoreau dans les années 1800. Puis, elle a été utilisée par l'exemple parfait de désobéissance civile non violente dirigée par Mahatma Gandhi, sans oublier Martin Luther King Jr.
Il y a des raisons qui expliquent pourquoi, en démocratie, on peut manifester pacifiquement et même enfreindre la loi si on estime qu'elle est injuste, mais personne n'a le droit de pourrir la vie d'autrui et d'empêcher son prochain de gagner sa vie. Personne n'a le droit d'éviter d'avoir à répondre de ses actes ni de refuser de suivre paisiblement les policiers en cas d'arrestation. C'est essentiellement ce que j'ai moi-même fait quand je me suis livrée à des actes non violents de désobéissance civile et c'est ce que faisait mon collègue le avant qu'il se lance en politique. Il estimait en outre que les enjeux aussi importants que la vie sur Terre et la crise climatique valaient qu'on renonce à sa propre sécurité en se faisant arrêter.
Les questions auxquelles nous devons répondre sont très complexes, alors je supplie mes collègues d'écouter ce que les autres ont à dire. Je n'en reviens toujours pas que de nombreux habitants de ma circonscription soient convaincus que nous avons ici affaire à une manifestation pacifique. C'est ce qu'ils pensent. Il n'y a pourtant rien de pacifique à voir des tas de métal prendre le contrôle d'une ville. Les semi-remorques n'ont pas de droits garantis par la Charte. Les coups de klaxon ne constituent pas une manifestation de la libre expression, comme l'a rappelé le juge qui a accordé l'injection que l'on sait. Les camions qui occupent le centre-ville auraient dû être déviés avant même d'approcher le centre de la capitale nationale. Ce n'est pas ce qui s'est passé. La situation actuelle répond à la définition d'une urgence, mais j'ai besoin que le gouvernement nous prouve que la réglementation sera resserrée avant que je puisse voter pour la motion.
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Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
Je commencerai par reconnaître que nous sommes tous touchés par la pandémie depuis deux ans et que la frustration prend de l'ampleur. Les Canadiens souhaitent retrouver une vie normale. Jusqu'à un certain point, cette frustration a culminé avec ce que nous avons vu au cours des dernières semaines. Cependant, ne nous trompons pas: il faut que les parlementaires de même que tout le pays reconnaissent l'extrême gravité de la situation dans laquelle nous nous trouvons. C'est véritablement un moment décisif de l'histoire politique canadienne, puisque le gouvernement demande maintenant à la Chambre d'entériner la déclaration d'état d'urgence proclamée le 14 février, c'est-à-dire cette semaine.
Cela ne s'était jamais produit auparavant. C'est la première fois que cette loi est invoquée de cette manière. À l'instar de nombreux députés, je le suppose, des résidants de ma circonscription m'ont communiqué leurs préoccupations à l'égard de cette mesure draconienne. Je dois à la population de Cowichan—Malahat—Langford de parler de cette période hors du commun et des facteurs qui expliquent pourquoi nous en sommes là.
Nous devons avoir une conversation sérieuse sur les raisons pour lesquelles nous nous trouvons dans une situation où l'adoption de la Loi sur les mesures d'urgence est soudainement nécessaire, car nous n'aurions jamais dû en arriver là. Recourir à la Loi sur les mesures d'urgence, ou même l'envisager, c'est reconnaître l'échec du leadership de divers ordres de gouvernement. Les citoyens d'Ottawa se sentent à juste titre abandonnés par leur propre police. Le gouvernement provincial a été absent, mais, plus important encore, le gouvernement fédéral n'a pas été là. J'axerai mes remarques sur ce point.
Voilà maintenant deux semaines et demie que l'occupation dure. Au départ, de nombreuses personnes qui ont rejoint ce mouvement pensaient peut-être qu'il s'agissait d'une manifestation. Il est certain que les gens ont ce droit cher à notre démocratie. Le droit des citoyens de se réunir pacifiquement, de manifester, de faire entendre leur point de vue et de réclamer des changements est fondamental pour le bon fonctionnement d'une démocratie.
Cependant, ce que nous avons vu à Ottawa et ce que nous avons vu à de nombreux postes frontaliers du Canada n'étaient pas des manifestations. Ce n'était pas des assemblées pacifiques. Il s'agissait d'occupations et de barrages, qui ont commencé à avoir des répercussions très négatives sur les résidants, les propriétaires de petites entreprises et les travailleurs. C'est là où l'on a dépassé les bornes.
Des habitants d'Ottawa ne se sentaient pas en sécurité dans leur propre foyer. On a signalé des tentatives d'incendies criminels dans des immeubles. Nous savons que les citoyens ont été victimes, quotidiennement, d'agressions verbales, voire physiques. Ils se sont plaints de toutes sortes de problèmes de bruit et de la pollution constante causée par les moteurs des camions qui tournent au ralenti. La ville d'Ottawa, notre capitale nationale, a vu certains de ses monuments nationaux les plus sacrés être profanés et, dans certains cas, carrément piétinés. C'est tout à fait inacceptable.
Les barrages frontaliers, quant à eux, ont eu des répercussions sur un bien plus grand nombre de gens. Nous savons que les échanges commerciaux entre le Canada et les États‑Unis se chiffrent en millions de dollars quotidiennement. Des usines du Sud de l'Ontario ont dû fermer leurs portes, ce qui a eu des répercussions sur les familles de cette région. De nombreux fabricants, transformateurs et producteurs agricoles des Prairies et de l'ensemble du pays ont subi les effets néfastes de ces barrages. Ces gens en ont fait les frais.
Ce sont eux que nous devons garder à l'esprit pour expliquer pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, à débattre soudainement de l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence.
La Loi sur les mesures d'urgence a été adoptée pour la première fois en 1988. Le gouvernement libéral a déclaré l'état d'urgence conformément au paragraphe 17(1) de cette loi. Cela a un certain nombre de conséquences.
Le gouvernement peut maintenant désigner des endroits précis et déclarer que tous les rassemblements y sont désormais illégaux. Le centre-ville d'Ottawa en ferait partie afin que tous les camions soient retirés des principales voies de circulation et que les habitants puissent reprendre une vie normale. Seront aussi incluses nos infrastructures essentielles, notamment les points d'entrée avec les États‑Unis. Les exemples les plus récents sont le pont Ambassador, à Windsor, Coutts, en Alberta, et Emerson, au Manitoba. Cela dit, il y a aussi eu des perturbations à Vancouver et à d'autres points d'entrée, comme à Sarnia.
La loi autorisera le gouvernement fédéral à ordonner la prestation de services essentiels, notamment en mobilisant des remorqueuses pour aider à dégager les rues. Elle donnera au Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada la capacité de contrôler les activités de sociofinancement. Aussi, le gouvernement fédéral sera doté d'un pouvoir extraordinaire pour geler les comptes bancaires commerciaux et personnels des gens qui financent ces occupations illégales. Cette mesure extraordinaire et très concrète vise à couper les fonds qui soutiennent l'occupation d'Ottawa et toute cette pagaille. De plus, la loi habilitera la GRC à agir comme les services de police provinciaux et municipaux en appliquant les lois qui relèvent de ceux-ci.
J'ai certainement réfléchi très longuement à l'opportunité d'invoquer la loi. Je me suis demandé si je faisais la bonne chose. Ce qui me rassure, et je veux être très clair là-dessus devant les résidants de Cowichan—Malahat—Langford, c'est qu'il ne s'agit pas d'un chèque en blanc. Les pouvoirs que nous accordons au gouvernement seront examinés attentivement, de façon continue. Je n'hésiterai pas à retirer mon appui si je pense que le gouvernement outrepasse ses pouvoirs. Je veux dire par là que l'application de ces pouvoirs doit être précise et elle doit se faire relativement aux perturbations qui résultent des barrages et de l'occupation. Ces pouvoirs devront servir uniquement à maîtriser la situation et ils devront être retirés rapidement une fois que l'ordre public sera rétabli.
Il aura fallu beaucoup de temps pour en arriver où nous en sommes. Je suis très fier que mes collègues du caucus néo-démocrate et moi-même ayons incité le gouvernement à prendre cette crise au sérieux, car nous avons vu les signes avant-coureurs dès le début. En tant que porte-parole en matière de sécurité publique, j’ai pu lancer une étude au Comité permanent de la sécurité publique et nationale au sujet de plateformes de financement collaboratif et de leur éventuelle implication dans le financement de tels mouvements. J’ai également pu présenter une motion qui a été adoptée pour demander à la GRC, à l’ASFC, à la Police provinciale de l’Ontario, au Service de police d’Ottawa et au de venir expliquer au Comité comment nous en étions arrivés là. Comment un tel échec des services de renseignements et un tel manque de coordination ont-ils pu avoir lieu dans les deux dernières semaines et demie, nous obligeant ainsi à recourir aux grands moyens avec la Loi sur les mesures d’urgence?
Je voudrais aussi saluer l’initiative de mon collègue le député de , qui a présenté un projet de loi d’initiative parlementaire pour interdire les symboles de haine qui ont malheureusement été brandis pendant cette occupation. En outre, le chef du NPD nous a permis d’entamer un débat d’urgence à la Chambre des communes afin que les parlementaires puissent commencer à réfléchir à la situation.
Pour conclure, c'est au Parlement que nous adoptons les lois du Canada. Notre institution est le summum de la démocratie canadienne et les 338 députés qui siègent à la Chambre des communes ont été élus pour adopter des lois et exiger, au nom des citoyens de leur circonscription, que le gouvernement rende des comptes. Tenter de nuire à ces travaux serait un affront aux gens qui participent à la démocratie, et nous devons protéger ce droit précieux.
Je terminerai en disant que c'est vraiment à contrecœur que nous allons appuyer l'octroi de ces pouvoirs d'urgence, mais je peux assurer aux Canadiens que nous allons suivre la situation de très près et que nous n'hésiterons pas à retirer notre soutien si ces pouvoirs sont employés contrairement aux fins prévues.
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Madame la Présidente, c'est le cœur lourd que je prends la parole aujourd'hui. J'ai l'impression que nous sommes à la croisée des chemins.
J'ai constaté tellement de mécontentement et de déception chez les habitants de London. Ils sont contrariés que la pandémie arrive bientôt à son troisième anniversaire. Ils sont fatigués de faire des sacrifices et d'avoir du mal à aider leur prochain. Ils ont fait tout ce qu'on leur a demandé pour ne pas mettre leurs proches en danger. Aujourd'hui, je tiens à les remercier. Je tiens à dire aux gens de London que je comprends leur grogne. Moi aussi, j'en ai assez de la pandémie. Moi aussi, j'aimerais qu'elle soit derrière nous, mais je pense aussi aux autres variables de l'équation.
Ce n'est pas seulement à cause de la pandémie que les Canadiens sont mécontents. Leur grogne a des causes beaucoup plus profondes. Ils sont irrités que le gouvernement leur en offre toujours moins, même lorsqu'ils travaillent plus fort que jamais et font plus de sacrifices que jamais. Les Canadiens ont de plus en plus l'impression que les élus ne les écoutent pas et n'ont pas conscience des difficultés qu'ils vivent. Les manifestations qui ont lieu dans les rues et les villes du pays témoignent de ce mécontentement. Je comprends les gens de se sentir ainsi, parce que les gouvernements, libéraux autant que conservateurs, leur demandent depuis des années d'en faire plus avec moins, bref de se débrouiller comme ils le peuvent. Aujourd'hui, bon nombre de nos concitoyens ont l'impression que le gouvernement les laisse tomber, surtout dans les moments où ils en ont le plus besoin.
Les dernières années ont été ardues pour les gens de ma région, et même si je sais qu'ils ne sont pas les seuls à avoir souffert, ils ont aussi dû composer dans la dernière année avec la mort de la famille Afzaal, qui a été victime d'un acte haineux, violent et extrémiste. Malgré tout, ils ont aussi été capables de gestes d'amour et de bienveillance incroyables. C'est à ces gestes que je m'accroche ce soir.
J’ai grandi dans une famille très engagée sur le plan politique. Le fait de voir ma mère assister à des réunions communautaires, défendre ses convictions et se battre pour un monde meilleur a vraiment façonné ma vision de mon rôle dans le monde. Je savais que je bénéficiais grandement des systèmes et des programmes que les gens et les gouvernements avaient créés pour moi, et que j’avais la responsabilité de donner au suivant. Je suis devenue députée parce que je voulais apporter les changements dont les gens avaient besoin et donner au suivant.
Je crains que, dans un contexte où les difficultés persistent, nous perdions ce sens de la collectivité et que les gens se détournent de plus en plus les uns des autres. Plus les gens sont en difficulté, moins ils ont d’argent, moins ils se sentent capables de donner aux autres. Plus ils doivent se battre pour le peu qu’ils ont et moins ils ont à gagner, plus le fossé entre les plus riches de ce monde et le reste d’entre nous se creuse, et plus la situation se détériorera. Les gens se retourneront contre leurs gouvernements et les uns contre les autres, parce qu’ils croiront que leurs gouvernements les ont laissés tomber.
Les Canadiens cherchent des réponses et des solutions. Le système a été biaisé, et ils veulent y remédier. Les solutions proposées par les politiciens de droite et les extrémistes en ligne doivent être dénoncées comme étant totalement inacceptables.
Je suis souvent impressionnée par le fait que les conservateurs semblent fournir des solutions simples aux problèmes complexes auxquels nous faisons face. Ce n'est pas une situation propre au Canada. Nous avons vu ces solutions simples être proposées au Royaume‑Uni lors du référendum sur le Brexit. Les promoteurs ont dit que la vie s'améliorerait, mais ce ne fut pas le cas. Juste au sud du Canada, nous avons vu Donald Trump proposer de nombreuses solutions simples qui étaient fondées sur le racisme, le sexisme et la peur. Elles n'ont rien fait pour les travailleurs américains. Leur vie ne s'est pas améliorée sous l'administration Trump. Nous voyons aussi des députés proposer ces soi-disant solutions à la Chambre. Supprimons toutes les mesures de santé publique et laissons nos voisins et nos amis se débrouiller seuls. Les solutions simples sont souvent les plus dangereuses.
J'espère que cette manifestation prendra fin sous peu, mais ce qui l'a motivée ne disparaîtra pas. Prenons n'importe quelle crise. Il faut beaucoup de temps pour arriver à ce point critique et il en faut encore plus pour régler la situation.
Soyons très clairs. Rien ne justifie le racisme, la haine et les menaces de violence dont nous avons été témoins à Ottawa ces derniers jours. Cependant, si nous voulons vraiment nous attaquer aux causes qui ont mené tant de personnes à se sentir privées de leurs droits et à avoir l'impression de ne pas être entendues ou d'être abandonnées par le gouvernement, ce qui les a poussées à occuper les rues d'Ottawa et des infrastructures essentielles partout au Canada, nous devons nous attaquer aux problèmes systémiques au cœur de la question.
Les néo-démocrates proposent des solutions de rechange pour aller de l'avant au lieu de ce qui est proposé par la droite qui s'est alliée à eux. Il y a des mesures concrètes que le gouvernement peut prendre pour lutter contre l'inégalité croissante dans notre pays. Nous pouvons nous attaquer à la hausse du coût des médicaments avec un régime national d'assurance-médicaments. Nous pouvons nous attaquer à la crise du logement qui touche toutes les collectivités du Canada et ma ville, London, en faisant en sorte que le gouvernement canadien se remette à construire des logements. Nous pouvons nous attaquer à la pauvreté et aux disparités dans nos rues en établissant un revenu de base garanti.
Nous pouvons remédier au manque d'instruction et au manque d'accès aux études en rendant la formation postsecondaire abordable et en enlevant les obstacles financiers. Nous pouvons freiner la hausse du nombre d'emplois précaires mal rémunérés en modifiant les codes du travail, en établissant des salaires décents et en faisant pencher la balance en faveur des travailleurs canadiens. Nous pouvons signer des accords commerciaux qui protègent les emplois canadiens au lieu d'en faciliter la délocalisation. Nous pouvons renforcer et protéger les régimes de retraite des travailleurs et nous assurer que les pensionnés prennent leur retraite dans la dignité et en toute sécurité. Nous pouvons faire en sorte que les riches paient leur juste part d'impôts et éliminer les échappatoires fiscales.
De nombreuses personnes se préoccupent à juste titre des répercussions de la Loi sur les mesures d'urgence. Nous n'aurions jamais dû en arriver là. Le recours à la Loi sur les mesures d'urgence ou le seul fait de l'envisager est en soi un aveu d'échec du leadership de tous les paliers de gouvernement, y compris du . Depuis le début, ils ont regardé passivement la situation s'envenimer, et je partage les inquiétudes de nombreux Canadiens et habitants de ma circonscription, qui pensent que le gouvernement pourrait utiliser à mauvais escient les pouvoirs que lui confère cette loi. Je veux donc être très claire. Nous surveillerons les choses de près et nous retirerons notre appui si nous sentons que ces pouvoirs sont mal utilisés.
Des gens dans toutes les collectivités canadiennes subissent les impacts du convoi. Les travailleurs de la santé, les travailleurs des magasins de détail et des épiceries, les camionneurs, les petits entrepreneurs et des résidents du secteur ont été harcelés, intimidés et même agressés depuis le début des occupations illégales. Des milliers de travailleurs ont été forcés de rester à la maison, ce qui fait qu'ils ont de la difficulté à payer le loyer ou à nourrir leur famille. Les Canadiens auraient eu besoin de plus de leadership national pour répondre à cette crise. Ils en ont assez des excuses au sujet des champs de compétence et ils veulent que cela finisse. Nous avons le devoir d'utiliser tous les outils à notre disposition pour mettre fin aux occupations qui causent du tort aux travailleurs canadiens et à leur famille et pour travailler à un plan de sortie de crise.
Je veux assurer aux gens de ma circonscription que le NPD prend très au sérieux le recours à la Loi sur les mesures d'urgence. Nous n'avons pas l'intention de donner carte blanche au gouvernement. Nous croyons que le gouvernement fédéral, et tous les gouvernements doivent assumer leurs responsabilités avant que les choses n'empirent. Nous ne pouvons pas laisser les Canadiens à eux-mêmes pour remédier à la situation.
Dans les jours qui viennent, la police devra agir pour mettre fin à cette occupation et redonner les rues de la ville à la population. Au cours des prochaines semaines, les néo-démocrates demeureront vigilants afin d'assurer la protection des droits et libertés des Canadiens et d'exiger du gouvernement qu'il rende des comptes. Dans les mois qui viennent, nous allons demander que plus de mesures d'aide demeurent en place jusqu'à la fin de la pandémie et exiger qu'une approche fondée sur la science soit employée pour en finir avec la pandémie.
Il est possible de faire mieux, mais il faudra faire des choix difficiles et courageux pour y arriver. Il n'est pas trop tard pour bâtir un monde meilleur.
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Madame la Présidente, dès le départ, j'aimerais offrir des réflexions sur les commentaires que le a faits plus tôt. Il a parlé des familles et de l'importance de leurs libertés et de leurs droits. Il a aussi parlé des petites entreprises, de l'économie et des répercussions de ce dont nous sommes témoins depuis quelques semaines, ainsi que de l'importance de ne pas perdre de vue ces éléments durant les débats que nous tiendrons pendant les prochains jours. En effet, les conséquences sur la société canadienne sont très graves.
Voilà deux ans que la pandémie sévit et la troisième année s'amorcera bientôt. Ce dont nous aurions dû parler et ce dont j'aurais aimé parler, ce sont les héros de la pandémie. Je fais référence à la circonscription que je représente, Winnipeg-Nord, et aux personnes qui se sont impliquées et qui ont encouragé les autres. Nous nous sommes serré les coudes. Au début de la pandémie, des personnes de toutes les allégeances politiques, des organismes bénévoles, de simples particuliers, des entreprises privées et des gouvernements de tous ordres se sont réunis pour reconnaître qu'il fallait lutter contre la pandémie.
Nous commençons à voir la lumière au bout du tunnel, en bonne partie grâce aux résidants de Winnipeg-Nord et de l'ensemble du pays qui ont choisi d'écouter les scientifiques, de suivre les recommandations des spécialistes de la santé et de se faire vacciner. Le taux de vaccination au Canada est pratiquement inégalé dans le monde. Par conséquent, certains gouvernements provinciaux, et même le gouvernement fédéral, se penchent sur la possibilité d'assouplir certaines exigences.
Ce que nous voyons aujourd'hui n'est pas ce dont j'aurais aimé parler. Cela ne reflète pas la réalité des Canadiens, leurs valeurs et le travail acharné que nous avons réalisés collectivement pour en arriver où nous en sommes dans la lutte contre le coronavirus. J'aurais pu passer beaucoup de temps à parler des efforts individuels qui ont été faits ou, de mon point de vue, des efforts que le gouvernement fédéral a déployés pour trouver des façons d'aider les Canadiens. Ce sont des choses très concrètes. Voilà de quoi j'aurais préféré parler.
Pour ce qui est de la nécessité de recourir à la Loi sur les mesures d'urgence, j'aimerais parler du genre de choses que j'ai vues tous les jours en marchant depuis que le convoi est ici. Il devrait y avoir plein d'activités dans un centre-ville, que ce soit à Ottawa, à Winnipeg, à Edmonton, à Toronto, à Montréal, à Halifax ou à Vancouver, et ce, que ce soit dans une grande ou une petite ville. Nous chérissons tous nos centres-villes. Ils façonnent notre quotidien de bien des façons. Ce sont des centres d'activité économique, et ils offrent aux gens des possibilités de créer des liens, même de nos jours, depuis que l'on commence à lever un plus grand nombre d'exigences.
Je marche et, quelle que soit l’heure de la journée, je peux jeter un coup d’œil sur la rue Queen et constater que tous les gratte-ciel sont vides. C’est à cause du convoi. Une intersection plus loin, sur la rue Wellington, on trouve des manifestants qui ne manifestent pas de la façon traditionnelle. Ils ont dressé des barrages. Ils bloquent tout le centre-ville d’Ottawa. Ce n’est pas seulement le long de la rue Wellington. Comme je l’ai dit, je marche sur Wellington et sur Metcalfe pour me rendre à mon appartement, et c’est la même chose sur Metcalfe.
Si cela se produisait à Winnipeg, je ne le tolérerais pas et je soupçonne que de nombreux résidants de Winnipeg seraient très mécontents de cette situation, car ce n’est pas une manifestation légale et respectueuse de la loi. Elle lèse les habitants d’Ottawa, en particulier ceux du centre-ville.
Mais ce n’est pas tout. Je ne compte plus les bidons d’essence rouges et jaunes que j’ai aperçus sous de gros semi-remorques et sur le toit de véhicules. Il y a des voitures et des camions dont le moteur roule sans arrêt. Samedi dernier, à une heure du matin, je pouvais entendre les klaxons retentir et je suis assez loin du centre-ville, sur Lisgar. Je ne peux qu’imaginer ce qu’il en est pour ceux qui sont encore plus près. Imaginez amener des enfants dans un environnement où ils inhalent constamment des gaz d’échappement.
On peut voir que plusieurs tentes ont été montées sur la rue Wellington et que du foin a été apporté. Je suppose que c'est pour recouvrir le sol, mais je n'en ai aucune idée. Tout ce que je sais, c'est que ce foin recouvre le sol entre des tentes installées de façon permanente sur la rue Wellington. J'en ai vu sur la rue Metcalfe aussi. Il ne s'agit là que des secteurs où je me déplace à pied quotidiennement.
De plus, j'ai vu un camion assez impressionnant juste devant la Flamme du centenaire. C'est une sorte de grue munie d'une grosse boule de fer. Les députés ici présents n'ont pu la manquer. C'est une boule de démolition, que l'on fait balancer pour démolir des immeubles. Je ne sais pas ce que contiennent ces camions, et je pense que personne ici présent ne sait ce qui s'y trouve.
Je crois sincèrement qu'il est nécessaire d'agir. Je suis déçu de la façon dont le Parti conservateur a décidé d'aborder le problème. Si nous présentions tous les faits aux Canadiens, je pense que la grande majorité comprendraient la nécessité d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence. C'est un sujet que je vais aborder plus en détail.
Je trouve curieux que les conservateurs collaborent de nouveau avec le Bloc québécois. Cela va presque de soi entre les conservateurs et les bloquistes. Ils parlent d'autres coalitions, mais il n'y en a aucune qui soit plus solide à la Chambre des communes aujourd'hui que l'alliance contre nature entre le Parti conservateur du Canada et le Bloc québécois. C'est l'alliance la plus solide que je vois.
Au bout du compte, les députés conservateurs et bloquistes nous critiquent parce que les députés néo-démocrates sont au moins disposés à réfléchir sérieusement à la question. Ils écoutent leurs concitoyens, comme j'écoute les miens, et ils se rendent compte qu'il faut enlever les barrages, car ils nuisent aux Canadiens. Ils nuisent à l'économie. Ils nuisent à la société de bien des manières.
L'opposition officielle va dans tous les sens. Récemment, on m'a montré une photo de la qui dînait avec des organisateurs de l'événement. J'aimerais bien savoir de quoi la cheffe de l'opposition a discuté en dînant avec eux.
Parlons d’incohérence. D’un côté, nous avons la , récemment élue, qui conseille les ténors conservateurs à ce sujet dans un courriel ayant fait l’objet d’une fuite. Comme l'a indiqué CTV News:
La nouvelle cheffe intérimaire du Parti conservateur [...] conseille aux ténors conservateurs de ne pas dire aux membres du convoi de quitter Ottawa, pour que la manifestation repose sur les épaules du premier ministre, d’après un courriel interne obtenu par CTV News.
Dans un courriel envoyé lundi à ses collègues, celle qui était alors leader adjointe dit: « Je ne crois pas que nous devrions leur demander de rentrer chez eux ».
En quoi cela sert-il les intérêts des Canadiens? Il s’agit à mon avis d’une manœuvre politique. C’est un plan purement politique de la part de l’opposition officielle.
Passons à l’étape suivante. Sur le site Politico, on peut lire: « La cheffe de l’opposition [...] veut [que le ] intervienne pour résoudre la “crise”, une semaine après avoir rencontré les manifestants et leur avoir dit: “N’arrêtez pas, cela fonctionne.” » Voilà, elle mange avec eux et leur dit: « N’arrêtez pas, cela fonctionne. »
L’autre jour, alors que j’avais la parole à la Chambre, j’ai demandé aux conservateurs d’être cohérents. À la Chambre, la déclare que les barrages sont néfastes et qu’il est temps pour les manifestants de rentrer chez eux. Quiconque suit le débat ce soir peut l’avoir entendu dire cela et bien d’autres choses. Notons bien que ses propos n’ont pas eu une grande incidence. J’ai alors fait une observation à la députée, lui disant qu’il est bien beau de dire cela à la Chambre, mais reste à savoir ce qu'elle dit à l'extérieur. Si l’on consulte les comptes de réseaux sociaux des députés conservateurs et qu'on écoute leurs discours à la Chambre aujourd’hui, je dirais qu’ils envoient, pour le moins, des messages contradictoires. À mon avis, ils font plus de mal que de bien.
Cependant, ils ont leurs amis du Bloc qui sont plus qu'heureux de les aider de la meilleure façon possible. Je signale à mes amis conservateurs que le Bloc a un programme différent. Le programme du Bloc est très différent, j'aime à penser, de celui des conservateurs. Avant que les députés ne commencent à critiquer les autres partis politiques, ils devraient peut-être commencer à réévaluer les alliances qu'ils créent à l'intérieur de la Chambre sur cette question et les alliances qu'ils créent avec le convoi à l'extérieur et les manifestants, et le rôle qu'ils jouent à leur égard.
L'ironie de la manifestation ne m'échappe pas. Vers la fin du mois de janvier, elle a commencé avec des camionneurs qui s'inquiétaient des exigences relatives à la vaccination imposées aux camionneurs se rendant aux États‑Unis. Avant que quiconque n'arrive à Ottawa, les États-Unis ont fait savoir très clairement qu'à moins d'être vaccinés, les camionneurs ne pouvaient pas entrer aux États‑Unis.
M. James Bezan: Qui a téléphoné à la Maison-Blanche pour leur dire de faire cela? Est-ce toi, Kevin?
M. Kevin Lamoureux: Non, madame la Présidente, c'est le président des États‑Unis qui l'a fait. Je n'ai pas de moyen pour le joindre par téléphone. Je n'ai donc pas dit au président de dire cela.
Que se passe-t-il ensuite? Revenons à aujourd'hui: des semi-remorques et des camions entravent la circulation dans le centre-ville d'Ottawa, et c'est sans parler des autres barrages.
Je veux faire un survol rapide. Je pense aux semaines d’occupation et de barrages illégaux et à l’importance que nos frontières restent ouvertes. À Coutts, en Alberta, je pense à 48 millions de dollars de pertes par jour en commerce. À Windsor, c’est environ 390 millions. À Emerson, dans ma province, c’est 73 millions par jour.
Les députés nous demandent pourquoi nous avons pris cette mesure. Je pourrais parler du maire d’Ottawa, qui a déclaré l’état d’urgence dans la ville. Je pourrais parler du premier ministre de l’Ontario, qui a déclaré l’état d’urgence dans la province.
Je vais plutôt parler de ma province d’origine, le Manitoba. J’ai lu l’édition d’hier du Winnipeg Free Press. Un article parle d’une lettre datée du 11 février, dont j’ai obtenu une copie, et il se lit comme suit:
Dans une lettre datée du 11 février, obtenue par le Free Press, Stefanson a demandé [au premier ministre] de prendre des mesures « immédiates et efficaces » tout en réclamant « le leadership national dont seuls [le premier ministre] et le gouvernement fédéral peuvent faire preuve.
C’était seulement deux jours avant que nous invoquions la Loi sur les mesures d'urgence lundi.
L’article poursuit ainsi:
Sa lettre du 11 février affirmait que la situation était urgente et que les barrages qui bloquaient ce corridor essentiel, même temporairement, créaient des dangers potentiels, causaient de graves difficultés à tous les Manitobains et entraînaient des pertes et de grands préjudices économiques pour les entreprises du Manitoba et du Canada.
Sa lettre signalait l’urgence de la situation et les dangers encourus. Encore une fois, je ne m’arrête qu’aux effets au poste d’Emerson. Voici un autre extrait d’un article paru dans le Free Press:
Le blocage du poste frontalier d’Emerson par les camionneurs a non seulement engendré des retards et des coûts supplémentaires pour les expéditeurs, mais a également entaché la réputation de la province, selon les fabricants et les acteurs du milieu.
Mardi après-midi, la GRC a annoncé que les manifestants quittaient les lieux et qu’ils seraient partis d’ici mercredi; néanmoins, selon Ron Koslowsky, vice-président et chef des opérations du Manitoba pour les Manufacturiers et Exportateurs du Canada (dont 95 % des membres manitobains dépendent des expéditions transfrontalières régulières au poste d’Emerson), « le blocage d’Emerson a eu d’énormes répercussions ».
Winpak Limited, un grand fabricant de matériau d’emballage dont le siège social est à Winnipeg et qui possède des usines de fabrication partout aux États‑Unis, a dû interrompre une de ses chaînes de production parce qu’il n'arrivait pas à obtenir la matière première nécessaire.
Olivier Muggli, PDG de Winpak, a déclaré: « En somme, le blocage porte atteinte à la réputation du Canada en général et à celle de Winpak en particulier. La situation à Emerson nous a causé un tort considérable. »
Le gouvernement fédéral a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence lundi. Les mesures sont ciblées géographiquement et déployées uniquement là où elles sont nécessaires. Elles seront aussi limitées dans le temps. Nous ne limitons en aucun cas la liberté d’expression des gens ni le droit de manifester pacifiquement.
Depuis lundi, le barrage à Coutts a été levé. Mercredi, la même chose s'est produite à Emerson. Nous avons fourni plus d'outils aux forces de l'ordre, lesquels sont déjà partiellement utilisés.
Au bout du compte, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes conscients que les torts causés à la société canadienne sont de nombreuses façons le résultat direct de ces manifestations et de ces barrages illégaux. Nous invitons le Parti conservateur à revoir sa position.
Ce n'est pas comme si vous n'aviez jamais fait volte-face. Changez encore une fois de direction pour vous retrouver du bon côté. Faites ce que les Canadiens s'attendent de la loyale opposition: veillez à ce qu'il y ait une reddition de comptes quant aux mesures requises en ce moment pour rétablir l'ordre et assurer le type d'échanges commerciaux et de soutien que les Canadiens méritent et que l'opposition devrait offrir.
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Monsieur le Président, il est décevant que nous soyons ici à débattre l'utilisation des pouvoirs d'urgence décrits par le . C'est un signe de son manque de leadership. En effet, nous sommes dans cette situation parce que le a non seulement mal géré cette crise, mais il n'a pas non plus réussi à unir les Canadiens, car il ne cesse de diviser, de stigmatiser, d'insulter et de marginaliser les gens qui émettent des réserves sur les exigences vaccinales et les restrictions imposées par le gouvernement fédéral. Il ne semble pas les écouter.
Je ne crois pas qu'il est nécessaire d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence. Je ne crois pas que le seuil requis pour justifier le recours à cette loi a été atteint. Je ne crois pas non plus que le gouvernement a utilisé les pouvoirs déjà à sa disposition pour résoudre la situation. Je crois cependant que le décret, aux termes de l’article 19 de la Loi sur les mesures d’urgence, confie des pouvoirs illimités à l'actuel .
Au début de cette pandémie, nous avons vu le essayer de jauger le pouvoir et le contrôle qu’il pouvait exercer sur le Parlement, le Trésor et l’exécutif du gouvernement, car il estimait qu’il devait s’accrocher à ce pouvoir. Nous savons que sa soif de pouvoir nous a conduits à des élections anticipées, car il pensait parvenir à remporter une majorité de sièges en plein milieu d’une pandémie. Il a fait fi de la détresse des Canadiens aux prises avec les problèmes causés par la pandémie comme il a ignoré la détresse des réfugiés afghans qui avaient collaboré avec nos soldats et qui tentaient de gagner le Canada, tout cela parce qu’il voulait accroître son pouvoir et pensait devenir majoritaire.
Auparavant, nous avions la Loi sur les mesures de guerre. Je reconnais que la Loi sur les mesures d’urgence en est une version modernisée, mais elle a toujours le même objet: la gestion des grandes catastrophes dans notre pays. Avons-nous été victimes d’un ouragan ou d’un tremblement de terre majeur? Avons-nous été attaqués? Non, pas du tout. Sommes-nous en pleine guerre mondiale, comme lors de la Première ou de la Seconde Guerre mondiale? Avons-nous vécu quelque chose de semblable à la crise du FLQ en 1970? Des chefs de gouvernement ont-ils été kidnappés ou assassinés? Non, pas du tout. Rien ne menace la souveraineté du Canada au point de justifier le recours à la Loi sur les mesures d’urgence.
Ce qui se passe dans la rue est certes ennuyeux pour les résidants du quartier. Je suis moi-même propriétaire alors je comprends. Il n’y a pas de doute, je dénonce tous ceux qui arborent des symboles de haine. Durant toute ma carrière politique, et même avant, je n’ai cessé de dénoncer le racisme, l’antisémitisme et ceux qui brandissent des drapeaux nazis ou se déguisent en soldats nazis. Je dénonce aussi ceux qui brandissent des drapeaux confédérés. Nous devons lutter contre le racisme. Toutes ces personnes qui se sont infiltrées dans le convoi doivent être dénoncées et tenues responsables de ces gestes haineux.
Cependant, pour attirer l’attention et faire valoir ses arguments, manifester de manière pacifique fait partie de l'identité canadienne. Parfois, cela peut aller jusqu’à la désobéissance civile. Je l’ai déjà raconté à la Chambre. Lorsque les libéraux ont mis en place leur registre des armes d’épaule, j’ai refusé d’y inscrire mes propres armes. C’était un acte de désobéissance civile pour m’opposer à ce que je considère comme une politique gouvernementale libérale autoritaire et excessive.
J’ajouterai qu’il y a beaucoup d’inquiétudes concernant le blocage de la circulation, des frontières et des infrastructures. Je me suis toujours opposé aux barrages. Nous ne pouvons pas prendre notre économie en otage. Je pense que tout le monde a fait valoir ses arguments. Je suis heureux que les manifestants rentrent chez eux, et ils ont quitté nos postes frontaliers sans que nous ayons recours à la Loi sur les mesures d’urgence. Ce sont les gouvernements provinciaux, les services de police locaux et les responsables municipaux qui sont allés négocier pour démanteler les barrages. C’est ainsi que le gouvernement actuel avait géré les barrages par le passé, que ce soit au port de Vancouver, près des pipelines ou sur les passages à niveau. Ces barrages-là ont aussi duré des jours et nous n’avons pas invoqué la Loi sur les mesures d’urgence pour les démanteler. Nous avons écouté les gens et entendu leurs préoccupations. Aujourd’hui, le gouvernement refuse de parler avec les camionneurs sur la rue Wellington. C’est inquiétant, et je pèse mes mots.
Ma principale préoccupation au sujet de cette loi est la suspension de nos libertés civiles et de nos droits garantis par la Charte, car aucune balise n'a été fixée pour le moment.
Je suis d'origine ukrainienne et je veux rappeler à la Chambre que pendant la Première Guerre mondiale, mon baba et mon gedo sont venus au Canada avec des passeports autrichiens. En vertu de la Loi sur les mesures de guerre, ils ont été déclarés sujets d'un pays ennemi. Ils ont dû, pendant quatre ans, parcourir chaque semaine 32 kilomètres pour se présenter au poste de la GRC. Été comme hiver, peu importe ce qu'ils faisaient à la ferme, ils devaient se rapporter, même si le frère de mon baba avait combattu pour le Canada pendant la Première Guerre mondiale. Ils ont dû continuer à le faire pendant les deux années suivant la fin de la guerre parce que le gouvernement a refusé de révoquer la Loi sur les mesures de guerre et de respecter leurs droits garantis par la Charte.
J'ai peur que le gouvernement libéral continue à éroder nos libertés civiles. Nous devons à tout prix éviter cela. Je comprends que la Loi sur les mesures d'urgence est soumise à la surveillance parlementaire. Nous tenons donc le débat de ce soir pour nous assurer d'avoir la possibilité de la révoquer si jamais elle est adoptée grâce à l'appui du NPD. Je suis outré de voir le NPD s'opposer à la liberté et à la Charte pour appuyer les libéraux et le, qui prônent une approche coup de poing pour juguler la crise qui, selon eux, fait rage dans la rue.
La liberté de réunion pacifique prévue à l'article 2 de la Charte est menacée en ce moment. Je traverse le convoi chaque jour. Toutes les personnes que je croise me saluent et sont très polies. Parfois, les klaxons retentissent, ce qui était désagréable à sept heures moins dix ce matin. Par contre, on ne les entend plus à longueur de journée, mais seulement pendant de courtes périodes une fois de temps en temps. Disons que c'était un peu extrême la première semaine.
Ce qui dépasse les bornes dans tout cela, c'est qu'ils enfreignent l'article 8 de la Charte, relativement aux perquisitions et aux saisies abusives. Ils vont geler les comptes bancaires de gens qui ont généreusement donné pour aider le convoi de camionneurs. Ce sont des gens qui n'ont pas pu se joindre au convoi et qui, estimant n'avoir aucune autre façon de se faire entendre, ont apporté leur soutien financier au convoi. Le gel de leurs comptes bancaires est révoltant. C'est une ingérence excessive de la part du gouvernement du Canada et je crains, maintenant qu'ils sont inscrits auprès du CANAFE, qu'ils ne soient traités comme s'ils avaient financé une organisation terroriste, ce qui les empêchera d'obtenir des prêts, d'accéder à leurs comptes d'épargne ou même d'obtenir un prêt hypothécaire. À mes yeux, c'est vraiment inquiétant.
Sérieusement, en quoi consistera la prochaine étape? L'article 19 de la Loi sur les mesures d'urgence, mentionné dans le décret, prévoit que d'autres mesures temporaires pourront être autorisées. On ignore lesquelles.
Je reviens encore une fois au manque de leadership, à l'inaction et à l'inertie du . Je suis député depuis quelque temps — 17 ans —, et je suis sidéré par le fait qu'il n'y a pas de plans de gestion des urgences pour les édifices du Parlement et Ottawa, la capitale. J'étais présent lors de l'attaque terroriste qui a eu lieu en 2014. Nous avons été témoin des émeutes du 6 janvier 2021 au Capitole. Nous savons qu'il y aurait dû y avoir des plans pour faire face à une situation comme celle-ci.
Lorsque le était chef de la police de Toronto en 2010, et que des manifestations avaient lieu à l'occasion du G20 à Toronto, 1 100 manifestants ont été arrêtés en quelques jours. La GRC, la Police provinciale de l'Ontario, le service de police de Toronto et la police régionale de l'endroit ont été mis à contribution pour régler la situation. Si la Loi sur les mesures d'urgence n'a pas été nécessaire à ce moment‑là, pourquoi le serait-elle maintenant?
Il est temps de désamorcer la situation. Le doit cesser de réprouver, de marginaliser, de traumatiser et d'insulter ceux qui ne sont pas d'accord avec ses politiques, et faire en sorte que les gens s'entendent, que la situation se calme et que l'on mette fin aux restrictions relatives à la vaccination, lesquelles sont contraignantes et sèment la discorde, afin que nous puissions reprendre une vie normale, dans un Canada fort et uni.
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Monsieur le Président, j'aimerais parler de la décision du gouvernement d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence, qui est sans précédent. Cette loi existe depuis 34 ans, mais elle n'a jamais été appliquée une seule fois pendant tout ce temps: pas pour la crise d'Oka, pas pour la crise de Caledonia, pas dans la foulée des événements du 11 septembre, et pas pour régler les barrages de 2020 qui ont paralysé pendant deux mois des infrastructures essentielles comme les voies ferrées et les pipelines. Cette loi n'a jamais été invoquée auparavant.
Il y a une très bonne raison pourquoi cette loi n'a jamais été invoquée: c'est parce qu'il s'agit d'une mesure exceptionnelle pour des circonstances extrêmes. Cette loi procure au gouvernement de vastes pouvoirs qui empiètent sur les droits garantis par la Charte et les libertés civiles des Canadiens. Ces pouvoirs se traduisent, entre autres, par une interdiction de rassemblements publics, la saisie de biens, le gel de comptes bancaires sans mandat, en plus de restreindre ou d'interdire les déplacements au Canada. Je pourrais continuer. Ce sont vraiment des pouvoirs extraordinaires.
Comme il s'agit d'une loi exceptionnelle, qui ne doit servir que dans des cas extrêmes, les critères à satisfaire pour qu'une situation soit considérée comme une crise nationale sont extrêmement rigoureux. Selon la loi, « une situation de crise nationale résulte d’un concours de circonstances critiques à caractère d’urgence et de nature temporaire [...] qui [...] met gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens [ou] menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de garantir la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du pays ».
De plus, la crise en question doit échapper à la capacité ou aux pouvoirs d'intervention des provinces, et il ne doit pas être possible d'y faire face adéquatement sous le régime des lois du Canada.
De toute évidence, la situation actuelle ne satisfait pas à ces critères très rigoureux. Elle est même loin d'y satisfaire.
Pour se justifier d'avoir recours à ces pouvoirs extraordinaires, le gouvernement parle de mettre fin aux barrages. Quand on regarde la proclamation faite lundi, qui précise la nature de cette supposée urgence, on voit qu'elle parle des barrages continus concernant des infrastructures essentielles, notamment les axes commerciaux et les postes frontaliers internationaux. Elle parle des effets néfastes découlant des barrages sur les relations qu'entretient le Canada avec ses partenaires commerciaux, notamment les États‑Unis, et elle parle d'une rupture des chaînes de distribution et de la mise à disposition des denrées en raison de ces barrages.
Le gouvernement se trouve toutefois confronté à un grand problème: à l'heure actuelle, il n'y a aucun barrage au Canada, que ce soit à la frontière canado-américaine ou ailleurs. Il n'y en avait pas non plus lundi, quand le gouvernement a eu recours à une proclamation et à la Loi sur les mesures d'urgence.
La frontière Canada—États‑Unis a été bloquée à Coutts, à Windsor et à Surrey. Ces barrages étaient illégaux. Ces barrages n'avaient pas leur raison d'être et ils ont été démantelés avant la mise en vigueur de la Loi sur les mesures d'urgence, grâce aux lois déjà existantes et aux outils dont disposaient déjà les forces de l'ordre.
Je rappelle au gouvernement que la Loi sur les mesures d'urgence précise que, pour que celle-ci puisse être invoquée, le gouvernement doit démontrer qu'aucune autre loi ne peut raisonnablement servir à dénouer l'impasse. Ce n'est tout simplement pas le cas ici.
Il reste maintenant les manifestations d'Ottawa. Il y a des camions devant le Parlement, sur la rue Wellington. Il y a aussi un certain nombre de manifestants. Sont aussi touchées un certain nombre de rues immédiatement autour de la Cité parlementaire et au centre-ville d'Ottawa. Je ne nierai pas que ces manifestations ont pu créer certains désagréments. Il s'agit même d'un irritant de taille. C'est aussi vrai que certains gestes illégaux ont été posés. Cela n'en fait pas pour autant une urgence nationale.
Dans les faits, tous les outils nécessaires existent déjà et ils ont déjà été utilisés. Les coups de klaxon, par exemple, ont été largement circonscrits par la délivrance d'une injonction. Le Code criminel, les lois sur les transports et les règlements municipaux figurent tous parmi l'arsenal des autorités. Rien ne peut toutefois justifier l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence.
Le recours à la Loi sur les mesures d'urgence n'est ni nécessaire ni justifié, car il ne s'agit pas d'une urgence nationale. Nous sommes en présence d'un qui a décidé d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence sans qu'il y ait urgence nationale. C'est de l'abus de pouvoir de la part du premier ministre. Cela va à l'encontre de la primauté du droit. C'est une menace pour les droits et libertés des gens de partout au Canada, et non seulement ceux qui manifestent dehors sur la Colline du Parlement. On est aussi en train d'établir un dangereux précédent en normalisant les pouvoirs exceptionnels prévus par la loi.
Le sait que les conditions nécessaires ne sont pas réunies, mais il s'en fiche, car tout cela est une mise en scène politique. Le premier ministre sait que ce qu'il fait est inacceptable et qu'il agit de façon illégitime. Les députés de ce côté-ci de la Chambre, les députés du NPD et les partenaires de la coalition avec le gouvernement ont un choix à faire. Ils peuvent respecter les critères établis dans la Loi sur les mesures d'urgence ou se faire complices de cet abus de pouvoir de la part du premier ministre. Le choix est évident.
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Monsieur le Président, Karl Marx disait de l’histoire qu’elle se répétait au minimum deux fois. La première fois comme une tragédie, la seconde fois comme une farce.
Pour le Québec, la Loi sur les mesures de guerre relève du souvenir tragique. Aujourd’hui, après trois semaines de crise, dont une où il était complètement absent, le premier ministre a besoin de vivre son moment Just Watch Me en jouant les gros bras pour sauver un leadership en déroute, un leadership défaillant dénoncé par deux de ses propres députés.
Résumons. Dans les jours précédant la manifestation de la fin de semaine du 29 janvier, les organisateurs affirmaient qu’il ne s’agirait pas d’une simple manifestation, mais d’un Woodstock, et ce, jusqu’à la levée complète des mesures sanitaires. Cela envoyait quand même un message clair. Il n’y avait aucun secret que les camionneurs n’étaient pas là pour crier leurs revendications le temps de faire le tour du quartier et de repartir ensuite. Ils étaient là pour rester. Woodstock, cela veut dire que cela va être long.
Le premier ministre en a alors pris pour son rhume. Quelques jours plus tard, il est sorti de son mutisme pour insulter et stigmatiser les camionneurs, multiplier les épithètes et retourner se coucher.
Pendant la première semaine, on peut presque en venir à croire que la crise servait politiquement le gouvernement. Elle a même mené à l’éjection rapide et sans appel du chef de l’opposition officielle. Le gain partisan immédiat, cependant, a vite laissé place à l’incrédulité vis‑à‑vis d’une situation qui se retournait contre le pouvoir en place. Plus le temps passait et plus il était clair que le premier ministre ne savait pas que faire de cette patate chaude.
Pendant deux semaines et demie, le premier ministre a jeté sa responsabilité dans la cour de la police d’Ottawa. Tous les partis politiques, à des degrés divers et en promouvant des solutions fort différentes, bien sûr, enjoignaient au premier ministre d’agir.
Le 7 février, l’ex‑chef de la police d’Ottawa, qui était encore en exercice à ce moment‑là, a demandé à Ottawa 1 800 agents en renfort. C’est finalement un peu plus de 275 agents que la GRC a envoyés, mais principalement pour protéger le premier ministre et la Colline parlementaire. Selon le chef de la police d’Ottawa, seulement 20 agents ont été affectés aux manifestations.
La Ville d’Ottawa a contacté les organisateurs pour demander certains mouvements des camionneurs pour rendre la vie un peu plus facile pour les résidants et les résidantes. Pourquoi n’est‑ce pas le fédéral qui a pris le téléphone?
Où est le fédéral justement dans tout cela? La vérité, c’est qu’il n’y avait pas de pilote dans l’avion. La base du leadership aurait été de créer une cellule de crise pour coordonner tous les paliers ensemble.
Faut‑il se surprendre, quand on voit comment ce gouvernement et ce premier ministre ont géré les crises précédentes? Qu’on pense à la crise des chemins de fer impliquant les Wetʼsuwetʼen, ou au début de la crise de la COVID‑19 en 2020, quand à peu près tout le monde demandait la fermeture préventive des frontières face à un virus qui nous était encore très largement inconnu. On le connaissait encore très peu. Néanmoins, le gouvernement laissait les choses aller. Dans le dernier exemple d'ailleurs, le laisser‑faire fédéral a atteint un point si critique que la mairesse de la Ville de Montréal, Mme Valérie Plante, a décidé de se rendre elle‑même en personne à l’aéroport international de Dorval. En 2022, rien n’a changé.
Maintenant, soudainement, au moment même où plusieurs mesures sanitaires sont levées et que différents paliers d’autorité, provincial, fédéral et municipal, ont réussi à lever certaines occupations, la tortue s’est soudainement mise à se prendre pour le lièvre. La Loi sur les mesures d’urgence, rejeton de la Loi sur les mesures de guerre, allait être invoquée, et ce, même si le premier ministre a clamé pendant trois jours qu’il n’y aurait pas recours. Au moment où la situation commence à se régler sans le fédéral, ce dernier veut pouvoir mettre dans son CV qu'il a fait quelque chose. C’est ce qu’on appelle un constat d’échec.
La Loi sur les mesures d’urgence vise à donner des pouvoirs exceptionnels au gouvernement. Par décret, le gouvernement peut donc imposer la réglementation ou l’interdiction des déplacements, l’utilisation de biens désignés et les assemblées publiques dont il est raisonnable de penser qu’elles auraient pour effet de troubler la paix. Il peut désigner et aménager des lieux protégés, prendre le contrôle des services publics ou en assurer la restauration et l’entretien, autoriser ou ordonner la fourniture de services essentiels et le versement d’une indemnité raisonnable pour ces services.
Il peut également imposer, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 500 $ et un emprisonnement maximal de six mois, ou juste un des deux, ou, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, une amende maximale de 5 000 $ et un emprisonnement maximal de cinq ans, ou une seule de ces deux peines.
La Loi sur les mesures d'urgence, précisons-le d'emblée, n'est pas illégitime en soi. L'état d'exception fait partie intégrante de la démocratie. Tant et aussi longtemps qu'il aspire à faire face à une crise qu'on veut temporaire par définition, il est normal que l'État puisse avoir des mesures dites d'exception.
Cependant, parce que l'état d'urgence est nécessairement momentané, qu'il est nécessairement temporaire, il s'agit d'une opération qui est ciblée dans le temps. On reconnaît alors qu'il n'est pas optimal et qu'il n'aspire pas à être permanent. La situation exige parfois de suspendre le fonctionnement habituel du système démocratique pour régler un problème qui exige une rapidité inhabituelle. Tout le monde le reconnaît. Je suis convaincu que toutes les formations politiques à la Chambre vont être d'accord sur cela.
La Loi sur les mesures d'urgence sert normalement en cas de sinistre, en cas d'état d'urgence, en cas de crise internationale ou lorsque le pays est en guerre. Si son emploi peut être juste, et j'insiste là-dessus, il peut l'être absolument — aucun doute ni aucun débat à avoir là-dessus —, mais il ne peut l'être qu'en dernier recours. Or, les recours n'ont justement pas été épuisés.
La Loi sur les mesures d'urgence est une décision extrême qui survient maintenant après deux semaines où le problème a été traité comme étant mineur pendant les premiers temps. On laisse la situation s'envenimer, on laisse les choses déraper et se dégrader, et on vient ensuite soudainement crier au loup. C'est tout un retournement.
Pourtant, pourquoi ne pas utiliser les recours légaux et les institutions légales ordinaires? Si l'occupation du centre-ville d'Ottawa n'est pas légale, pourquoi dans ce cas aurait-on besoin d'une loi d'exception, plutôt que de tout simplement appliquer les lois ordinaires?
Donnons quelques exemples. Des manifestations ont eu lieu les 4, 5 et 6 février à Québec. Il n'y a eu aucun siège, aucune occupation. La Ville était prête. Les forces de l'ordre ont prévu leurs mesures d'aménagement. Le Service de police de la Ville de Québec a laissé les camions circuler jusqu'à un certain périmètre, qui avait été prévu, mais il a veillé à faire respecter les règlements municipaux. Il y a eu respect total du droit fondamental de manifester pacifiquement, mais également clarté dans le fait qu'il y aurait protection et sécurité de tous et de toutes, que ce soit du côté des manifestants, des résidants ou des résidantes. A-t-on eu besoin de la Loi sur les mesures d'urgence à Québec, ce jour-là? La réponse est non.
Le 13 février, 13 personnes ont été arrêtées au poste frontalier à Coutts, en Alberta. Ils avaient des armes, incluant des semi-automatiques de type militaire, des vestes tactiques, des chargeurs haute capacité. Un des leaders du groupe avait même réalisé des vidéos appelant à prendre les armes contre le gouvernement, mais la barricade a été démantelée et le poste frontalier est accessible aujourd'hui. Avait-on besoin de la Loi sur les mesures d'urgence pour le faire? La réponse est non.
Jusqu'à preuve du contraire, les menaces et les appels à l'insurrection, c'est déjà illégal et ce l'était avant la Loi sur les mesures d'urgence.
Le 14 février, le blocus du pont Ambassador, un des plus importants points chauds de cette crise, a été démantelé. Avait-on besoin de la Loi sur les mesures d'urgence? La réponse est non.
Il y a moyen de moyenner avec l'arsenal légal conventionnel. Jusqu'à preuve du contraire, c'est en tout temps que bloquer une rue ou appeler à la violence est illégal. A-t-on besoin d'une loi sur les mesures d'urgence pour nous rappeler l'évidence? La réponse est évidemment non.
Les provinces et les municipalités ont les moyens d'agir; le fédéral aussi s'il s'en donne la peine, mais c'est une autre histoire.
Pire encore, le décret gouvernemental sera lourd de conséquences. La plus importante de ces conséquences sera de diviser la population. Comme lorsqu'il a formulé ses insultes à l'endroit des manifestants au début de cette crise, le procède à une récupération partisane des événements, se disant qu'il sortira sans doute gagnant de cette polarisation malsaine.
Le feu s'éteint peut-être petit à petit? Rien de mieux que d'amener une bonne chaudière d'huile pour le raviver. J'espère que le gouvernement est prêt pour le regain de colère populaire et la lassitude qui s'en vient. Le gouvernement a non seulement déplacé le problème, il l'a empiré. Sept provinces sur dix s'opposent ouvertement à l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence.
L'Assemblée nationale du Québec a unanimement voté son opposition et son rejet de l'application en sol québécois de la Loi sur les mesures d'urgence: la Coalition avenir Québec, le parti au pouvoir, le Parti libéral du Québec, qui n'est pas une formation indépendantiste, il faut le préciser, Québec solidaire, qui n'est pas réputé sympathique aux positions et aux revendications des camionneurs, le Parti québécois et la députée du Parti conservateur du Québec. La totalité du Parlement québécois a dit d'une seule voix de ne pas aller là où le gouvernement veut nous amener. C'est ce message que nous reprenons à la Chambre.
Au Québec, le traumatisme est important. En 1970, comme on le sait, 500 personnes ont été détenues sans avoir droit à un procès. C'étaient des travailleuses et travailleurs, des mécaniciens, des libraires, des militantes et militants, des poètes, des artistes, des esprits libres dont le seul crime était de vouloir l'indépendance du Québec. Le tout avait été rendu possible par la proclamation de la Loi sur les mesures de guerre par un soi-disant champion des droits et libertés, Pierre Elliott Trudeau. Ottawa n'a jamais publié de liste officielle des personnes arrêtées en vertu de cette loi.
L'application de la Loi sur les mesures de guerre a généré environ 32 000 perquisitions sans mandat. Des 500 personnes arrêtées, précisons que 90 % ont été relâchées sans que des accusations soient portées, alors que 95 % de celles qui ont été inculpées ont finalement été acquittées ou ont bénéficié d'un abandon des poursuites. On sait même aujourd'hui que la liste d'innocents arrêtés a été dressée par Ottawa. La police avait demandé à Trudeau, Marchand et Pelletier, les « trois colombes » comme on les appelait, de jouer avec la liste, d'en enlever des noms ou d'y en rajouter. On appelle cela une république de bananes et on a là un épisode qui en est digne. René Lévesque disait de l'administration Trudeau à l'époque qu'elle s'était comportée comme un gouvernement totalitaire en temps de paix. Il avait bien raison.
Ce n'est pas la même époque et chaque contexte est unique. L'ancienne Loi sur les mesures de guerre n'était pas illégitime en soi non plus. Elle a été utilisée deux fois pour les deux grands conflits mondiaux tragiques du XXe siècle. En ce qui concerne octobre 1970, par contre, le recours à la Loi sur les mesures de guerre n’était plus justifié. On sait aujourd'hui que le commissaire de la GRC affirmait à l'époque que les enquêtes avançaient bien, que les corps policiers collaboraient et que des mesures comme celles de la Loi sur les mesures de guerre, notamment les arrestations massives, allaient ralentir l'enquête sur les événements d'octobre.
Le rapport sur les événements d'octobre 1970, rédigé par Me Jean-François Duchaîne et remis en 1980, nous confirme que l'idée de faire appel à l'armée canadienne provenait des milieux policiers, mais que celle d'utiliser les pouvoirs de la Loi sur les mesures de guerre n'émanait pas de la GRC. Autrement dit, selon la GRC — qui n'est pas un think tank indépendantiste —, les troubles pouvaient être pleinement gérés en vertu des lois ordinaires, sans suspendre les droits fondamentaux des Québécois et des Québécoises.
Cela ne rappelle rien, cette utilisation d'une loi d'exception à des fins partisanes? En 2022 comme en 1970, dans un cas comme dans l'autre, cette utilisation aurait pu être évitée en se fiant aux seules règles d'institution conventionnelle de l'État de droit.
Tout parallèle a bien entendu ses limites, cela va sans dire. Je suis conscient que la Loi sur les mesures d'urgence présente des différences réelles avec la Loi sur les mesures de guerre, qu'elle a remplacée en 1988. On le sait et il est donc inutile d'utiliser cela comme argument.
Le préambule de la nouvelle Loi fait référence à la Charte canadienne des droits et des libertés, à la Déclaration canadienne des droits et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. C'est surtout symbolique, parce que l'ancienne Loi sur les mesures de guerre devait elle aussi se conformer aux chartes même si elle n'incluait pas symboliquement de références dans son préambule.
Une autre grande différence est qu'il faut maintenant que le Parlement se prononce sur le recours à la nouvelle Loi dans les sept jours qui suivent. C'est pourquoi on est en train d'en débattre et c'est pourquoi on votera à ce sujet prochainement.
Malgré ces grandes différences, entre les deux lois, entre les époques et entre les contextes — il ne faut pas me faire dire ce que je n'aurai pas dit, c'est-à-dire que ce serait identique, car ce n'est pas le cas —, une vérité demeure. Le gouvernement banalise de façon irresponsable une loi d'exception, aux dispositions radicales, qui peuvent être justifiées, mais qui demeurent radicales néanmoins, en l'utilisant, lorsque de toute évidence rien n'indique hors de tout doute que nous étions rendus à devoir nous résigner à ce dernier recours. C'est aussi simple que cela.
S'il y a une preuve quelconque qu'on pouvait l'utiliser, que la voie légale et que les lois institutionnelles actuelles, que ce soient celles d'Ottawa, des municipalités ou des provinces, ne suffisent plus, nous aimerions les voir. Il faut la déposer, la prouver et nous convaincre. Le cas échéant, nous serons les premiers à réévaluer et étudier tout cela, mais il faut nous convaincre. Actuellement, nous n'avons pas la preuve. C'est un recours déplacé.
Que les choses soient claires: la gestion chaotique de cette crise par l'actuel gouvernement risque d'être longtemps enseignée dans les livres d'histoire comme un gâchis monumental. Elle sera aussi sans doute étudiée dans les écoles de leadership comme l'exemple parfait de ce qu'il ne faut pas faire.
C'est quand les vagues sont fortes qu'on reconnaît les bons capitaines. À ce chapitre, nous assistons à un échec flagrant. Nous ne laisserons pas le et le gouvernement couler le navire.
Nous, du Bloc québécois, nous opposerons donc clairement à cette proclamation inutile, injuste et injustifiée de la Loi sur les mesures d'urgence.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet de la situation historique et sans précédent à laquelle fait face notre pays. Pour la première fois depuis son adoption en 1988, la Loi sur les mesures d'urgence est invoquée par le . La loi énonce les situations qui justifieraient son invocation. Elle ne doit servir qu'en situation de crise causée par des menaces envers la sécurité du Canada d’une gravité telle qu’elle constitue une situation de crise nationale.
Bien que la décision d'invoquer la loi soit celle du , les députés élus de la Chambre ont la responsabilité de rejeter ou de ratifier les mesures présentées et de veiller à ce que les mesures prises, le cas échéant, soient justifiées et appropriées.
La Loi sur les mesures d’urgence énumère quatre situations qui justifieraient d'avoir recours à celle-ci. Je vais énoncer ces situations afin que l'on puisse voir si l'affrontement dont il est question aujourd'hui répond aux critères.
Le premier critère concerne l’espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préjudiciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favoriser ce genre d’espionnage ou de sabotage. Je n'ai pas vu de preuve claire de barrages infiltrés par des espions ni d'autres actes d'espionnage, et le gouvernement n'a pas présenté de preuves en ce sens à la Chambre.
Le deuxième critère porte sur les activités influencées par l’étranger qui touchent le Canada ou s’y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d’une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque. Le a fait allusion à des fonds étrangers provenant de particuliers, mais on ignore en quoi ces fonds seraient préjudiciables aux intérêts des Canadiens. Aucun pays étranger ne finance ou ne soutient financièrement les barrages, et c’est là le critère. Si le premier ministre croit qu’un gouvernement étranger les finance, il a l’obligation d’en faire part à la Chambre.
Le troisième critère porte sur les activités qui touchent le Canada ou s’y déroulent et visent à favoriser l’usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d’atteindre un objectif politique, religieux ou idéologique au Canada ou dans un État étranger. Les participants au barrage n’ont mené aucune action violente et concertée. En fait, nous avons assisté à un retrait essentiellement pacifique des manifestants sur le pont Ambassador. Il ne faut pas confondre les actes de violence isolés et ceux de grande envergure qui visent à atteindre des objectifs politiques.
Le quatrième critère concerne les activités qui, par des actions cachées et illicites, visent à saper le régime de gouvernement constitutionnellement établi au Canada ou dont le but immédiat ou ultime est sa destruction ou son renversement, par la violence.
Tous les jours, comme tous les députés, je me rends à pied à mon bureau et à la Chambre des communes sans que les manifestants entravent mes déplacements. Il est vrai qu'ils ont bel et bien bloqué plusieurs rues, qu'ils ont fait beaucoup de bruit et qu'ils ont compliqué la vie des gens qui vivent au centre-ville. Eh bien, la situation au centre-ville d'Ottawa depuis trois semaines n'a absolument rien à voir avec un renversement par la violence du régime de gouvernement constitutionnellement établi au Canada.
La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité interdit explicitement l'utilisation de ce type de pouvoirs pour les activités licites de protestation ou de manifestation. Si les circonstances actuelles ne justifient pas l'utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence pour la première fois, elles ne sont absolument rien en comparaison aux situations où la loi qui a précédé celle-ci a été invoquée.
J'étais adjoint législatif pour le gouvernement qui a créé cette loi afin de remplacer la Loi sur les mesures de guerre. Elle visait à empêcher la suspension des droits garantis par la Charte et l'intervention excessive du gouvernement. Au fil de notre longue histoire, une telle loi n'a été invoquée qu'à trois autres reprises: pendant les deux guerres mondiales et pendant la crise d'Octobre. Cette crise a été marquée par une insurrection armée et l'enlèvement d'un diplomate et d'un politicien. Pierre Laporte a été assassiné, et des bombes ont explosé au Québec.
C'était une expérience horrible, mais certains pensent tout de même que le gouvernement est alors allé trop loin. Est-ce que l'embouteillage devant la Colline du Parlement mérite le même type de réponse que ces trois événements? Bien sûr que non.
La loi ne doit servir qu'en dernier recours. C'est ce que le a dit. Si cette mesure est le dernier recours, quels ont été ses plans A, B et C? Nous ne les avons pas vus. A-t-il dit être disposé à rencontrer une délégation de manifestants pour écouter ce qu'ils avaient à dire? Bien sûr que non. À l'inverse, a-t-il envoyé une délégation de ministres, de membres clés de son caucus ou de hauts fonctionnaires, outre des représentants de la GRC? Bien sûr que non. C'est ce que confirme le rapport sur les consultations ayant mené à la Loi sur les mesures d'urgence que le gouvernement a présenté au Parlement.
La liste contient 58 engagements, que j'ai parcourus. Est-ce qu'une seule fois il a été question qu'un représentant du gouvernement, un ministre ou même le rencontre les Canadiens à ce sujet? Non. Le gouvernement et le premier ministre ont organisé des réunions entre eux, et non avec les Canadiens. Après être restés les bras croisés dans des réunions inutiles, ils ont appliqué la loi la plus autoritaire à laquelle le gouvernement peut recourir. Le premier ministre a dit qu'il ne prenait pas la chose à la légère, mais force est de constater que ses propres documents démontrent le contraire.
Le gouvernement n'a pas besoin de la Loi sur les mesures d'urgence pour arrêter des gens participant à des manifestations illégales. Beaucoup d'entre eux sont arrêtés, comme pourrait en témoigner le . Cette loi n'est pas non plus nécessaire pour mettre fin au financement d'une activité illégale. La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité permet déjà de le faire. Lors de sa comparution devant un comité parlementaire, le directeur adjoint du CANAFE a affirmé qu'il n'y avait pas de preuve que ces manifestations étaient financées par des extrémistes étrangers. Il n'est donc pas nécessaire d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence pour arrêter le financement étranger.
Depuis 21 jours, le gouvernement fédéral aurait pu utiliser des outils législatifs ordinaires pour contrer les manifestations à Ottawa, mais il ne l'a pas fait. Il n'a pas empêché le transport de jerricans, l'installation d'une baignoire à remous et la livraison de réservoirs de propane pour les barbecues, sous les yeux mêmes des policiers. Entretemps, les gouvernements provinciaux de l'Ontario, du Manitoba et de la Colombie‑Britannique se sont servis d'outils standards de maintien de l'ordre pour écarter les manifestants.
Quelques jours avant l'arrivée du convoi à Ottawa, le stigmatisait et vilipendait déjà ses participants. Il les traitait de misogynes et de racistes, et il disait qu'ils représentaient une minorité de marginaux dont les opinions sont inacceptables. Il s'agit du modus operandi du premier ministre. Il divise et stigmatise les gens, et il creuse un fossé entre lui et les gens qui ne partagent pas son point de vue. Il agit ainsi à des fins bassement politiques. Il croit que cela avantage politiquement son parti et lui et que cela plaît à sa base.
Le premier ministre ne défend pas l'intérêt de l'ensemble du Canada ou de l'ensemble des Canadiens. Il choisit de façon très sélective les causes qu'il embrasse en fonction du degré auquel elles sont avantageuses pour sa magnifique image vaniteuse ou du degré auquel elles servent les intérêts du Parti libéral. Il n'y a pas si longtemps, le premier ministre a calculé qu'il serait dans son intérêt de donner son opinion sur les réformes agricoles proposées par le gouvernement de l'Inde, la plus grande démocratie du monde et un pays qui, comme le Canada, est membre du Commonwealth.
Dans la querelle diplomatique provoquée par ses observations non sollicitées et moralisatrices, le a justifié son intervention dans les affaires intérieures de la plus grande démocratie du monde en disant, et je sais que le gouvernement est à l'écoute: « Le Canada défendra toujours le droit de manifester pacifiquement partout dans le monde. » Sauf au Canada, apparemment. Le premier ministre appuie ardemment les principes de la liberté d'expression et du droit de manifester pacifiquement. Il s'oppose simplement à ce qu'on les exerce, surtout chez nous, devant le symbole de la liberté d'expression et de la démocratie, la Colline du Parlement.
Les conservateurs sympathisent avec les Canadiens que les barrages perturbent. Des liens commerciaux ont été interrompus, mais ils sont maintenant rétablis, et de nombreuses petites entreprises ont dû fermer leurs portes en raison des manifestations. Ici à Ottawa, les manifestants sont venus livrer un message, et ce message a été entendu. Les conservateurs les ont entendus. Nous défendrons leurs intérêts et ceux de tous les Canadiens qui souhaitent que la vie reprenne son cours normal. Nous n'abandonnerons pas tant et aussi longtemps que les mesures obligatoires ne seront pas levées.
Les Canadiens ont fait d'énormes sacrifices. Nous le savons tous. Chaque député a entendu parler de ces sacrifices et les a vus de ses propres yeux. Cependant, alors que le pays est plus divisé que jamais, le a décidé de politiser à dessein la pandémie dans le but de servir son propre intérêt.
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Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
C'est avec tristesse, mais aussi avec détermination, que je prends la parole dans ce débat historique. Les gens de tout le pays, voire du monde entier, regardent ce qui se passe ici. J'espère que nous saurons nous comporter avec dignité pendant cette période historique pour le Canada.
J'aimerais d'abord remercier les membres du Service de protection parlementaire, qui travaillent fort pour protéger chacun d'entre nous afin que nous puissions poursuivre sans interruption le travail que nous faisons au nom de la population. Il est important que nous puissions continuer notre travail et que nous montrions aux gens à l'extérieur, et aux gens de partout dans le monde, que notre démocratie est forte et que nous ne nous laisserons pas intimider.
Nous en sommes à la troisième semaine d'occupation à Ottawa. Comme la manifestation se déroule autour de notre lieu de travail, nous ne pouvons pas en éviter les conséquences. Pendant que nous faisons part de nos observations, je prie les députés de ne pas oublier que leur expérience peut être différente de la mienne. Certains sont peut-être à l'aise de marcher parmi les manifestants sans avoir peur. Cependant, en tant que femme racialisée qui est très visiblement de confession musulmane, puisque j'ai choisi de porter le hidjab, j'ai vécu les choses différemment. Je ne peux pas faire abstraction des liens entre ce mouvement et les tenants de la suprématie blanche, l'islamophobie et l'antisémitisme.
L'une des personnes arrêtées au poste frontalier de Coutts pour possession d'arme, entre autres, a déjà publié des messages et des mèmes islamophobes sur les médias sociaux, avançant une théorie du complot selon laquelle le travaille avec les « islamistes » pour prendre le contrôle du Canada au moyen de l'immigration. Nous avons vu comment la haine en ligne peut se transformer en violence dans le monde réel. C'est donc avec crainte que je marche jusqu'au Parlement tous les jours, en regardant attentivement les gens autour de moi. C'est un poids lourd à porter. Il pèse lourd sur mon âme. Mon mari et mes enfants s'inquiètent pour moi, mais je leur ai dit que je continuerai de me présenter dans cette enceinte. Je ne me laisserai pas intimider.
J'aimerais répondre à certains arguments que j'entends souvent de la part des partisans des occupants. Les partisans prétendent qu'il s'agit d'une manifestation pacifique avec des baignoires à remous et des châteaux gonflables. Non, c'est bien plus que cela. Ces statistiques datent d'une journée ou deux, mais la police d'Ottawa a lancé plus de 172 enquêtes criminelles. Elle a procédé à 18 arrestations, porté 33 accusations et dressé plus de 3 000 contraventions. À Coutts, quatre personnes ont été accusées de complot en vue d'assassiner des agents de la GRC, et il y a eu 13 arrestations. En outre, on a saisi plus d'une dizaine d'armes d'épaule et d'armes de poing, de même que des munitions et des gilets pare-balles. À Windsor, la police a arrêté plus de 42 personnes et a confisqué 37 véhicules depuis le début des manifestations. Des gens ont été agressés verbalement et physiquement parce qu'ils exerçaient leur droit de porter un masque. Il ne s'agit pas d'une manifestation pacifique.
Les gestes n'ont pas à être physiques ou violents. Empêcher quelqu'un de gagner sa vie, d'aller travailler ou de faire fonctionner son entreprise est un geste violent. Le Centre Rideau et de nombreuses entreprises du centre-ville d'Ottawa sont fermés depuis des semaines parce que la police ne peut pas assurer la sécurité des gens. Des manifestants sans masque cherchent à intimider les employés et les clients et à leur faire peur. Des centaines de travailleurs qui gagnent le salaire minimum des secteurs de la vente au détail et de l'alimentation ne peuvent plus aller travailler et gagner l'argent dont ils ont besoin pour payer le loyer et nourrir leurs enfants. Chaque jour de fermeture du pont Ambassador entraîne des pertes de 360 millions de dollars en commerce transfrontalier. Les travailleurs du secteur automobile, entre autres, qui dépendent de ce commerce ont dû être mis à pied temporairement. On ne parle pas d'une manifestation pacifique.
Les deux plus grandes épiceries du centre-ville ont dû fermer leurs portes pendant l'occupation pour des raisons de sécurité, ce qui fait que les habitants du quartier ont même de la difficulté à faire leur épicerie. Le service d'autobus a été interrompu dans presque tout le centre-ville; ce n'est pas tout le monde qui peut marcher, surtout quand il fait -30 degrés Celsius. On ne parle pas d'une manifestation pacifique.
À cause des manifestants, les résidants du secteur ont peur de sortir avec leurs enfants. En occupant les rues, les manifestants violent la liberté de circulation des résidants et ils polluent l'air avec les émanations incessantes de diésel. Le bruit des klaxons n'arrête jamais et il est tellement assourdissant qu'une injonction des tribunaux a été obtenue pour limiter leur utilisation. On ne parle pas d'une manifestation pacifique. On parle de torture.
Je suis en faveur des manifestations pacifiques. Je souligne, à l'intention des personnes qui considèrent que la manifestation porte sur les exigences de vaccination, particulièrement les gens qui ne sont pas à Ottawa et ne voient pas comment la vie des gens d'Ottawa a été chamboulée, qu'il s'agit d'un enjeu valable. Ces gens ont le droit de manifester et de se faire entendre; je comprends leur exaspération.
Nous sommes tous à bout. Nous en avons tous assez de la pandémie. Je voudrais qu'elle soit finie autant que le veulent les manifestants. Depuis deux ans, je n'ai pas pu aller voir les membres de ma famille qui vivent outre-mer. Croyez-moi, nous entendons les manifestants et nous les comprenons. Cela dit, il ne suffit pas de souhaiter la fin de la pandémie pour qu'elle disparaisse comme par magie. Les Canadiens ont fait trop de sacrifices pour abandonner. Je crois et j'espère que la fin de la pandémie approche, mais je ne veux pas qu'on prenne le risque d'éliminer les restrictions trop tôt et que des gens meurent inutilement à cause de cette décision. C'est le grand défi, selon moi.
J'appuie le droit de manifester sur ces sujets-là. Les gens peuvent stationner leur véhicule d'une manière pacifique, prendre le train léger jusqu'au centre-ville, se tenir sur la pelouse et manifester pendant toute la journée. Quand on manifeste pacifiquement, on ne bloque pas les rues d'une ville. On ne bloque pas les échanges commerciaux ni le commerce. On ne menace pas et on n'intimide pas les résidants qui cherchent simplement à vivre leur vie. Il est temps de redonner la ville d'Ottawa aux gens d'Ottawa.
Permettez-moi de dire aux gens d'Ottawa que je suis désolée. Nous sommes désolés de ce qu'ils ont vécu et enduré. Ils ne le méritent pas. Je ne vais pas préjuger des conclusions des commissions et des enquêtes qui s'ensuivront. En ce moment, la priorité doit être de rétablir l'ordre, mais ils méritent mieux de la part de nous tous.
J'aimerais m'adresser au personnel. J'ai entamé ma carrière de politicienne en tant qu'adjointe à Queen's Park. Je sais donc très bien à quel point le personnel travaille fort. Nous, les députés, pouvons rentrer chez nous la fin de semaine, dans nos circonscriptions, loin de l'occupation. Or, bon nombre de nos employés d'Ottawa doivent rester ici parce qu'ils habitent ici, soit au centre-ville ou dans le marché By, au cœur de tout ce qui se passe ici.
J'exhorte mes collègues à demander aux membres de leur personnel, eux qui sont si essentiels à notre travail, comment ils se sentent. Comment vont-ils? Comment se porte leur santé mentale dans tout cela? Quelle est la situation la fin de semaine, tandis nous rentrons chez nous, mais que des milliers de personnes supplémentaires, déterminées à troubler l'ordre public et à user de violence, envahissent le centre-ville? Je suis si désolée que leur famille et eux aient à endurer cela. Je suis désolée que certains d'entre eux aient dû regarder leurs patrons prendre des photos avec les gens qui leur rendent la vie intolérable, photos qu'ils ont ensuite dû publier sur les comptes de médias sociaux de leurs patrons. Je suis désolée, et j'espère qu'ils ont le soutien dont ils ont besoin pour traverser cette épreuve.
Je crois à la Charte des droits et libertés, mais j'ai le sentiment que beaucoup de gens la citent sans l'avoir vraiment lue. Les droits s'accompagnent de responsabilités, et les droits des uns n'ont pas préséance sur ceux des autres. Nous avons un devoir les uns envers les autres. Cela fait partie de la vie dans une société démocratique. Le Canada est fondé sur les principes de la paix, de l'ordre et de la bonne gouvernance. Cela est menacé au pays aujourd'hui en raison d'un mouvement financé par des intérêts étrangers qui, sous prétexte de manifester contre les exigences relatives à la vaccination, cherche à perturber nos vies et nos échanges commerciaux ainsi qu'à ébranler notre foi en nos institutions et les uns envers les autres.
Les mesures prévues dans cette loi sont ciblées. Elles sont proportionnelles. Elles respectent la Charte et procurent aux forces policières les outils et les pouvoirs dont elles ont besoin pour rétablir le respect de la loi et l'ordre au pays. Il est temps faire passer notre démocratie en premier. Je vais appuyer cet ordre.
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Madame la Présidente, j'ai un message ce soir pour tous mes collègues à la Chambre des communes et surtout pour les gens de mon coin de pays, Fleetwood—Port Kells, qui ont avec raison un bon débat en ce moment sur le bien-fondé d'invoquer la Loi sur les mesures d’urgence. Je veux faire part de mes réflexions et de mon raisonnement justifiant mon appui pour les mesures prises par le gouvernement. Pour y arriver, je vais me concentrer sur les questions soulevées par ce débat. Le recours par le gouvernement à la Loi sur les mesures d’urgence est-il justifié et les mesures sont-elles invoquées légalement?
La deuxième question est la plus facile à répondre. La réponse est oui, si les mesures utilisées pour gérer la situation sont conformes aux dispositions législatives qui existent depuis les années 1980. Étant donné que cette loi est utilisée pour la première fois, les mesures doivent faire l'objet d'un examen pour garantir qu'elles sont conformes à la loi. Cependant, c'est la partie facile de l'exercice.
Il faut parler de la justification. La loi va droit au but en prévoyant ce qui suit:
[...] une situation de crise nationale résulte d’un concours de circonstances critiques à caractère d’urgence et de nature temporaire [...] et qui, selon le cas:
a) met gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens et échappe à la capacité ou aux pouvoirs d’intervention des provinces;
b) menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de garantir la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du pays.
Analysons cette définition et examinons les faits.
La situation actuelle met-elle en danger la vie des Canadiens? Eh bien, les perturbations à la frontière ont très certainement mis en danger la qualité de vie économique des Canadiens et, par conséquent, leur bien-être. À cet égard, les preuves ne manquent pas à Windsor, en particulier dans le secteur automobile, et c'est aussi le cas de nombreuses entreprises d'Ottawa et de leurs employés. Les menaces de violence physique envers des habitants du centre-ville d'Ottawa sont bien réelles, et des accusations ont été portées contre 13 personnes à Coutts, en Alberta, apparemment parce qu'elles semblaient prêtes à assassiner des agents de la GRC.
L'activité met-elle en danger notre santé? Il ne fait aucun doute que la levée prématurée des mesures de santé publique que réclament les manifestants aurait cet effet. Nous l'avons vu très clairement en Alberta l'année dernière lorsqu'elle a levé les exigences afin que les gens puissent passer le meilleur été de tous les temps. Ce ne fut pas le cas. Nous ne voulons pas que la situation se reproduise. Cependant, l'objectif déclaré de la manifestation consiste à forcer le gouvernement à abandonner les mesures de santé publique, peu importe les avis de l'Agence de la santé publique du Canada et des autorités provinciales.
Les barrages portent-ils atteinte à la sécurité? Lorsque des manifestants harcèlent et intimident des gens et les menacent d'agression, la réponse est oui. Lorsque des manifestants tentent supposément de mettre le feu à un immeuble résidentiel à Ottawa et de coller les portes fermées au passage, la réponse est bel et bien oui. Lorsque la police a trouvé et saisi la cache d'armes à Coutts, en Alberta, comment ne pourrait-on pas avoir l'impression que la sécurité publique est menacée?
La situation dépasse-t-elle la capacité ou l'autorité d'une province à y remédier? Ce n'est pas vrai dans tous les cas, mais cela l'est certainement dans certains, notamment en Ontario. C'est pourquoi il est prévu clairement dans la Loi sur les mesures d'urgence qu'elle peut être utilisée spécifiquement dans des endroits où les autorités provinciales ont besoin d'aide supplémentaire pour rétablir l'ordre. Quelques députés ont fait valoir que tous ces problèmes ont été réglés au moment où la Loi sur les mesures d'urgence a été annoncée. Soyons réalistes. Nous voulons empêcher les gens de semer à nouveau le désordre dans ces endroits, ce qui constitue une menace réelle et actuelle.
Les agissements actuels menacent-ils la souveraineté et la sécurité du Canada? Le manifeste du groupe propose de destituer le gouvernement démocratiquement élu du Canada et de le remplacer par un comité composé en partie par des membres du groupe. On peut donc répondre oui à cette question.
D'aucuns diront que la réponse est non et que, si l'on croit les manifestants sur parole, il ne s'agit que de bons vieux amis et d'enfants dans de gros camions qui défient le gouvernement pour préserver leurs droits et libertés sacrés et garantis par la Charte. Cependant, ceux qui croient une telle chose, comme certains de nos collègues conservateurs, ont été trompés. Ils se sont fait duper par des agents rusés, excessifs et au visage sévère qui tentent de manipuler les gens de façon passive agressive et de fomenter la sédition. On ne peut qu'imaginer les renseignements que les services de sécurité détiennent sur ces gens.
La manipulation qu'ils ont pratiquée a effectivement été intense. Le Canada a une longue histoire de désobéissance civile, parfois haute en couleur: des gens enfreignent la loi, mais la police fait preuve de patience et de retenue alors que les manifestants font valoir leur point de vue. Puis, après avoir fait valoir leur point de vue au sujet d'un programme assez transparent, les manifestants et le gouvernement échangent des idées, ils concluent un accord, et les manifestants rentrent chez eux.
Les personnes qui sont à l'origine des barrages et des occupations le savent et elles nous ont bernés avec leurs au revoir. Elles auraient également berné le Service de police d'Ottawa en prétendant qu'elles ne resteraient que quelques jours, alors qu'elles planifiaient déjà utiliser la période de grâce pour s'incruster. Elles ont peut-être aussi fait marcher le maire d'Ottawa, qui pensait avoir conclu un marché pour qu'une partie des camionneurs sortent de la zone résidentielle, jusqu'à ce qu'une des têtes du groupe, Patrick King, dise au contraire qu'il n'y avait aucune entente et que personne n'allait nulle part.
Est-ce que la situation actuelle représente une menace grave pour la souveraineté et la sécurité du Canada? Les faits démontrent que c'est le cas. Si on examine attentivement et objectivement les gens qui prennent les décisions dans le groupe de manifestants, peut-on dire que leurs actions constituent une menace grave pour la souveraineté et la sécurité du Canada? C'est indéniable.
Patrick King, qui a joué un rôle déterminant dans l'occupation d'Ottawa, a diffusé beaucoup de contenu en ligne. Je vais le citer en mentionnant qu'il s'adresse au : « Un jour, quelqu'un va te tirer dessus. Quant au reste du gouvernement, quelqu'un va vous détruire. » Il a aussi déclaré: « La seule façon dont ça va se régler, c'est avec des balles. »
Les 13 individus qui ont été accusés à Coutts, en Alberta, représentent un réel danger pour la police et la société canadienne de par leurs antécédents d'arrestations et de violence. Les députés savent-ils quelle est leur devise pour faire changer les choses au Canada? C'est « les armes ou la corde ». Combien de fois avons-nous entendu aux nouvelles des reportages sur des fusillades de masse, des effusions tragiques de sang et des pertes de vie pour se rendre compte après coup que les autorités avaient ignoré les signes précurseurs. Eh bien, cette fois-ci, on a porté attention aux signes et le gouvernement ne voudra pas que les Canadiens l'accusent de ne pas avoir agi si un acte de terrorisme intérieur avait été prévisible.
Ce qui m'amène à vous parler de la véritable raison d'être des manifestations, le vrai programme des individus qui les soutiennent. Ils vivent dans un monde de colère, de ressentiment et de haine à l'égard des minorités, des immigrants, des valeurs libérales et de la démocratie que ces valeurs représentent. Le noyau dur de dirigeants de ces manifestations correspond exactement à la description que le en a fait.
Beaucoup de personnes sont d'accord avec lui, dont Glen Pearson, rédacteur au National Newswatch, qui a publié ceci, aujourd'hui:
Cette haine au nom de la haine ne s'encre pas aussi facilement au Canada qu'elle ne pourrait le faire au sud de la frontière. Cependant, le convoi de manifestants a démontré que le mouvement de haine prend de plus en plus d'ampleur dans notre pays, dans l'espoir de miner les pouvoirs de nos élus et de semer le chaos. Le but de ces individus sournois n'a jamais été d'aider les camionneurs à faire valoir leur point de vue, mais bien à empêcher les gouvernements et les forces de l'ordre à faire valoir les leurs.
Certains des messages diffusés par les leaders de la manifestation montrent clairement que Glen Pearson a raison et que les barrages et les occupations ont peu à voir avec les exigences relatives à la vaccination et encore moins avec les camionneurs. Ils disent que le Canada devrait lever les exigences relatives à la vaccination pour les camionneurs qui font des allers-retours à la frontière américaine. Ils savent qu'il est ridicule de justifier ainsi la manifestation tant que les États-Unis exigent que toute personne entrant au pays soit entièrement vaccinée. On pourrait lever l'exigence de vaccination dès maintenant pour les camionneurs, mais ces derniers seraient toujours au chômage et auraient toujours le bec à l'eau. Environ 90 % des camionneurs canadiens sont d'accord. Ils sont entièrement vaccinés, donc cette excuse insensée pour les manifestations ne convainc personne.
Les leaders des manifestations et leurs alliers politiques présentent leurs actions comme une contestation légitime des actions du gouvernement. Cela est autorisé au Canada. Cependant, les leaders des manifestations ont essayé de dissimuler les méthodes qu'ils sont capables d'utiliser et qu'ils menacent d'utiliser. Eh bien, nous les avons démasqués. Ils savent et nous savons que ces méthodes ne sont pas autorisées. Elles sont illégales et, compte tenu de l'ampleur et de la portée des barrages et des occupations, et même du montant et des sources de financement qui les soutiennent, la sécurité et la souveraineté du Canada sont très certainement menacées.
Les deux tiers des Canadiens sont d'accord avec des mesures justifiées et prudentes appliquées avec les pouvoirs d'urgence prévus dans la loi, avec une surveillance parlementaire et juridique et en collaboration avec les provinces qui ont besoin de notre soutien. C'est ce que ce débat vise à examiner. La majorité des Canadiens s'attendront à une opposition justifiée, prudente et mesurée dans ce débat, une opposition faite dans le but de faire ce qu'il y a de mieux pour le pays, car ce qu'il y a de mieux pour le Canada, c'est le programme de notre gouvernement, même s'il est parfois difficile à mettre en œuvre. Ce devrait être le programme de tous ceux qui débattront de cette mesure au cours du week-end.
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Madame la Présidente, il est difficile de croire que nous sommes arrivés au point où nous en sommes. Comme bon nombre de mes collègues, je crois, ce n'est pas le genre d'expérience à laquelle j'avais pensé lorsque j'ai été élue députée de la 44
e législature.
Pour commencer, il faut se demander comment nous en sommes arrivés là. Qu'est-ce qui a fait que le en vienne à invoquer la Loi sur les mesures d'urgence, qu'on appelait auparavant la Loi sur les mesures de guerre? Pour comprendre la gravité d'une telle décision, il faut savoir que la Loi sur les mesures de guerre n'a été utilisée que trois fois dans l'histoire: pendant la Première Guerre mondiale, pendant la Seconde Guerre mondiale et pendant la crise d'Octobre. La Loi sur les mesures d'urgence, elle, n'avait jamais été invoquée. Quelle est cette loi? C'est la « [l]oi visant à autoriser à titre temporaire des mesures extraordinaires de sécurité en situation de crise nationale et à modifier d’autres lois en conséquence ».
Leah West, codirectrice de la prestigieuse Norman Paterson School of International Affairs et professeure adjointe d'affaires internationales, de lois sur la sécurité nationale, de contre-terrorisme et de cyberopérations a récemment fait l'objet d'un article de CBC concernant la Loi sur les mesures d'urgence. À son avis, « pour invoquer une urgence nationale, le gouvernement aurait besoin de dire que ces manifestations menacent la sécurité du pays, notre souveraineté ou notre intégrité territoriale. J'ai de sérieuses réserves au sujet de ce traficotage des critères juridiques permettant d'invoquer la plus puissante des lois fédérales. » Si les députés doivent retenir quoi que ce soit de ce que j'ai dit ce soir, ce devrait être cette citation.
Selon l'Association canadienne des libertés civiles, « La Loi sur les [mesures] d’urgence ne peut être invoquée [...] que lorsqu'une situation “menace sérieusement la capacité du gouvernement du Canada de préserver la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du Canada” et lorsque la situation “ne peut être traitée efficacement en vertu d’aucune autre loi du Canada” ». Toujours selon cette association, « Les gouvernements font régulièrement face à des situations difficiles, et ce, en utilisant les pouvoirs qui leur sont conférés par des représentants démocratiquement élus. La législation d'urgence ne devrait pas être normalisée. [Cela] menace notre démocratie et nos libertés civiles. »
Je reviens à ma question initiale: comment en sommes-nous arrivés là? Retournons en arrière de 21 jours et posons-nous la question, à savoir: qu'est-ce qui a mis les Canadiens tellement en colère qu'ils se mobilisent partout au pays, qu'ils font des milliers de milles de route et qu'ils dépensent des milliers de dollars uniquement pour se faire entendre?
Les protestations se traduisent par divers niveaux d'engagement. Les gens peuvent signer une pétition, se joindre à un groupe des médias sociaux ou se mobiliser. La mobilisation constitue un niveau d'engagement supérieur. Que s'est-il passé pour frustrer les gens au point où ils se sont mobilisés partout au Canada?
L'autre jour, je me rendais à mon bureau à l'édifice de la Confédération. Pour ceux qui connaissent Ottawa, il faisait très froid, environ -25 degrés Celsius. On gelait. Je marchais sur la rue Wellington et j'ai vu les camions. Je fais ce trajet à pied depuis le jour où j'ai été élue, une femme, seule, et je ne me suis jamais sentie en danger. En marchant, je me suis dit que les camionneurs voulaient sûrement rentrer chez eux, alors je leur ai posé la question. Je me suis arrêtée et j'ai demandé à un camionneur s'il voulait être là, s'il ne voulait pas rentrer. Il a répondu qu'il voulait bien sûr rentrer, mais qu'il voulait être entendu.
Je me souviens que, dans les premiers jours de la manifestation, j'ai marché jusqu'à la Colline du Parlement et me suis entretenue avec des policiers sur le terrain. Ils étaient polis et aimables. Ils sont fantastiques. Je leur ai demandé comment ils composaient avec la situation, et ils ont dit plutôt bien. Ils m'ont dit que cette manifestation n'a rien de comparable à celle de Caledonia. Ils ont dit avoir travaillé à des manifestations depuis des décennies et que le recours à la force empire toujours les choses. Selon eux, le recours à la force ne mène jamais à une résolution pacifique. Ils ont dit que la meilleure solution, c'est de faire en sorte que les manifestants soient entendus. Ils m'ont demandé si je savais pourquoi le refusait de les entrendre. Je leur ai répondu que je me posais la même question.
Par curiosité, j'ai consulté Google pour voir ce qu'on y trouve sur les tactiques de gestion de crise. Sans grand étonnement, un palmarès des sept tactiques les plus utiles est apparu dans les résultats. J'aimerais en faire part à la Chambre.
Première tactique: dire la vérité.
Deuxième tactique: assumer la vérité et parler avec son cœur.
Troisième tactique: avoir un plan.
Quatrième tactique: fournir une réponse respectueuse.
Cinquième tactique: utiliser le moment comme un outil d'apprentissage.
Sixième tactique: dire la même chose à tout le monde.
Septième tactique: tenir compte de toutes les parties intéressées.
Le a beaucoup plus d'outils à sa disposition que Google n'en propose. Pourtant, cela ne l'a pas empêché d'invoquer prématurément la Loi sur les mesures d'urgence, avant même d'utiliser le plus simple des outils. Je doute que le premier ministre ait employé ne serait-ce qu'une seule de ces sept tactiques.
Jeudi dernier, le 10 février, le Parti conservateur a présenté à la Chambre une motion demandant que le gouvernement fournisse un plan, communique ouvertement et fasse preuve de transparence. Le gouvernement libéral, dont les députés chahutent depuis le début de mon discours et n'ont manifestement aucun respect pour la Chambre, a voté contre cette motion. Les Canadiens réclament et méritent une communication claire et transparente. Si les députés ne veulent pas m'écouter, ils devraient quitter l'enceinte.
Lundi, pendant une conférence de presse, le a dit: « Certains diront que nous avons agi trop rapidement, d'autres diront au contraire que nous aurions dû agir il y a des semaines. La réalité, c'est que le recours à la Loi sur les mesures d'urgence n'est pas à prendre à la légère. Ce ne doit pas être le premier recours, ni le deuxième, ni le troisième. »
J'ai prié le de dire aux Canadiens quelles sont les première, deuxième et troisième mesures qu'il a prises avant de recourir à la Loi sur les mesures d'urgence. Comme tous les Canadiens, j'attends toujours la réponse. Les liens qui ont été détruits au pays pourraient ne plus jamais se rétablir. La division, la ségrégation et la stigmatisation ont eu des effets extrêmement négatifs sur les Canadiens.
Le dirigeant du pays a eu d'innombrables occasions d'unir les Canadiens, mais le a préféré dire des choses comme: « Ce sont des extrémistes qui ne croient pas à la science. Ce sont souvent des gens misogynes et racistes. C'est un petit groupe qui cherche à s'imposer. Les leaders et le pays doivent se demander s'il faut tolérer ces gens. »
Ce sont les propos tenus par le . On est loin des paroles que le premier ministre a prononcées après sa victoire de 2015, lorsqu'il a dit: « Une vision positive, optimiste et axée sur l'avenir n'est pas une utopie, mais un puissant moteur de changement et [...] si on veut que les Canadiens fassent confiance au gouvernement, celui-ci doit faire confiance aux Canadiens. »
Qu'est‑il arrivé au ? Pourquoi a‑t‑il changé son discours?
Notre bureau a reçu des milliers de courriels et de messages de la part d'électeurs terrifiés et fort perplexes. J'ai reçu de tels messages encore aujourd'hui. Les gens sont très préoccupés par le grave abus de pouvoir et l'ingérence excessive du gouvernement fédéral.
Une habitante de ma circonscription pleurait au téléphone en me disant qu'elle était effrayée et qu'elle ne pouvait pas dormir parce que ce que le gouvernement fait lui rappelle la crise d'Octobre. Un autre de mes concitoyens m'a appelée parce qu'il avait peur d'être arrêté s'il parlait en public dans notre collectivité. Les gens qui m'ont téléphoné sont très inquiets parce qu'ils croient que la loi est déjà en train d'être mise en œuvre et que ce débat n'est que de la poudre aux yeux.
Le grand public ne sait pas trop quelle est l'étendue des pouvoirs conférés et pourquoi il n'y aucun moyen de contrôler l'application de la loi par le gouvernement. Les gens craignent que leurs comptes bancaires soient gelés, non pas parce qu'ils ont fait des dons aux camionneurs, mais parce qu'ils les ont appuyés dans les médias sociaux. Ils craignent que, même s'ils ont fait un don d'à peine 50 $, leurs comptes soient gelés, compromettant à jamais leurs cotes de crédit.
Qu'est‑ce qui pousse le gouvernement à croire que les barrages érigés sont associés à des menaces de violence grave à des fins idéologiques? Quel est le fondement juridique de cette mesure extrême prise par le gouvernement?
Un résidant de ma circonscription m'a écrit ce soir, juste avant que je prenne la parole. Il m'a dit avoir reçu un courriel frauduleux lui disant que son compte avait été gelé. Le gouvernement reconnaît-il que le recours à la Loi sur les mesures d'urgence pourrait ouvrir la voie à des fraudes et être une source de nouveaux traumatismes pour des Canadiens innocents?
Un autre de mes concitoyens m'a écrit ceci: « Je suis un aîné, Michelle. Je n'ai pas les moyens de payer l'épicerie. Je n'ai pas les moyens de payer l'hypothèque. Pourquoi le gouvernement ne règle-t-il pas ces problèmes? »
Aux gens d'Ottawa...
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Madame la Présidente, ce n'est pas de gaîté de cœur que je prends la parole ce soir pour débattre de l'invocation de la Loi sur les mesures d’urgence. Je tiens d'abord à dire que je m'oppose vivement à cette mesure et que je voterai contre.
Dans sa version actuelle, la Loi sur les mesures d’urgence n'avait encore jamais été utilisée. Elle a été invoquée cette semaine. Elle a été adoptée en 1988 pour ajouter un examen parlementaire et apporter des modifications à la loi qui la précédait, la Loi sur les mesures de guerre. La Loi sur les mesures de guerre n'a été utilisée qu'à trois occasions: pendant la Première Guerre mondiale, la Deuxième Guerre mondiale et la crise du FLQ au Québec.
Soyons clairs. Les manifestations qui ont lieu à l'extérieur de ces murs sont une urgence politique pour le gouvernement libéral. Elles ne représentent pas une urgence nationale que vivrait le Canada. De plus, c'est une urgence politique pour le , qui l'a lui-même créée de toutes pièces. Il ne peut blâmer que lui-même, le Cabinet et les députés libéraux d'arrière-ban: ils ont permis à cette situation de se produire et de s'aggraver pour atteindre les circonstances actuelles. Cette semaine, le premier ministre a admis que la Loi sur les mesures d’urgence n'est pas quelque chose à prendre à la légère. En fait, il a affirmé que ce n'est pas le premier outil qu'on prend ou même le deuxième.
Les conservateurs du Canada continuent de presser le gouvernement libéral d'expliquer qu'elles étaient les première et deuxième options. Nous attendons toujours. Au lieu de favoriser le dialogue et de présenter un plan de relance et une voie pour l'avenir, le gouvernement libéral est tellement dépourvu de leadership qu'il a décidé de redoubler d'efforts et de continuer à se délecter de la politique de la dissension et de la discorde. Il se soucie davantage de tirer parti des divisions causées par les questions litigieuses que de s'efforcer de rassembler tous les Canadiens.
Le premier ministre n'a fait aucun effort pour désamorcer la situation. Il a plutôt insulté et méprisé les Canadiens. Quand cette question s'est transformée en un mouvement national, au lieu d'écouter ce que les gens préoccupés avaient à dire, le gouvernement a choisi de mettre en œuvre une mesure extrême pour disperser les manifestants dans le centre-ville d'Ottawa.
Soyons clairs: la Loi sur les mesures d'urgence n'était pas nécessaire avant que les barrages à la frontière soient levés. Les policiers des organismes d'application de la loi en Ontario, en Alberta, au Manitoba et en Colombie‑Britannique ont pu utiliser leurs pouvoirs existants pour mettre fin aux barrages sans incident. Qu'est-ce qui est différent dans le maintien de l'ordre au centre-ville d'Ottawa?
Dans ma circonscription, une manifestation était prévue la fin de semaine dernière sur le pont Peace, à Fort Erie. Grâce au travail des autorités policières locales de la police régionale de Niagara, de la Police provinciale de l'Ontario et de la police des parcs du Niagara, on a pu régler le problème tout en permettant à la manifestation de rester pacifique et aux manifestants de faire entendre leurs points de vue avant que la manifestation ne prenne fin naturellement. Ce succès découle de la planification et du maintien de l'ordre efficaces, et non l'application de la Loi sur les mesures d'urgence. Le recours aux pouvoirs prévus par la Loi sur les mesures d'urgence crée un dangereux précédent. Le gouvernement du Canada ne devrait pas avoir le pouvoir de fermer les comptes bancaires de vaillants Canadiens simplement parce qu'ils sont soupçonnés d'appuyer des causes politiques que le gouvernement n'approuve pas ou ne soutient pas.
C'est une pente glissante, et ce n'est pas ainsi qu'un gouvernement devrait fonctionner dans une société libre et démocratique. D'ailleurs, l'Association canadienne des libertés civiles planifie maintenant de poursuivre le gouvernement fédéral au sujet de la Loi sur les mesures d'urgence, une nouvelle qu'on a apprise il y a à peine quelques heures. L'Association a dit ce qui suit au sujet de la décision du gouvernement: « Les gouvernements font régulièrement face à des situations difficiles, et ce, en utilisant les pouvoirs qui leur sont conférés par des représentants démocratiquement élus. La législation d'urgence ne devrait pas être normalisée. [Elle] menace notre démocratie et nos libertés civiles. »
La manifestation à Ottawa entamera bientôt sa quatrième fin de semaine. Si, comme les libéraux veulent nous le faire croire, la situation est si grave qu'elle nécessite la déclaration de l'état d'urgence, pourquoi ont-ils attendu si longtemps avant d'agir?
Il y a deux semaines, la manifestation a incité la Ville d'Ottawa à déclarer l'état d'urgence. Le même jour, le a été tellement préoccupé par la situation qu'il a décidé de prendre une journée de congé, et ce, même s'il vit dans la même ville. Ne nous laissons pas duper. Je le répète, il ne s'agit pas d'une urgence nationale. Il s'agit plutôt d'une urgence politique pour le gouvernement libéral, urgence qu'il a fabriquée de toutes pièces.
Au bout du compte, le travail du gouvernement, le travail de tous les élus en fait, consiste à travailler de concert pour le bien commun afin d'aplanir les différences, à trouver des compromis et à proposer des solutions bénéfiques à tous. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi de me porter candidat à une charge publique. C'est pour aider les gens. Je suis persuadé que tous les députés à la Chambre partagent le même sentiment.
Les conservateurs du Canada avaient pourtant proposé une telle solution. En fait, c'était un moyen de sortir de ce pétrin, mais le gouvernement libéral et le NPD ont décidé de faire la sourde oreille. Notre motion exhortait le gouvernement à présenter un plan détaillé, y compris un échéancier, pour mettre graduellement un terme aux mesures sanitaires obligatoires et aux restrictions fédérales liées à la COVID‑19. Une telle approche aurait atténué les tensions au pays sur ces enjeux essentiels, en plus de répondre aux préoccupations de bien des Canadiens, et je ne parle pas seulement des manifestants. Les conservateurs ont tendu ce rameau d'olivier aux libéraux. Malheureusement, ces derniers ont refusé et décidé d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence à la place.
Voilà maintenant deux ans que nous sommes aux prises avec cette pandémie, et les Canadiens veulent savoir quand ils pourront reprendre leur vie normale. Quand pourrons-nous le faire? Peut-être que cela sera possible quand le gouvernement fédéral fera preuve du leadership requis pour que les Canadiens aient accès aux outils de soins de santé dont ils ont besoin pour eux ainsi que pour leur famille et leurs proches.
Depuis le début de la pandémie, les conservateurs du Canada ont fortement encouragé la vaccination et le recours aux tests rapides. Pourquoi le débat sur l'allocation de 2,5 milliards de dollars pour acheter des tests rapides n'a‑t‑il eu lieu que cette semaine? Nous aurions dû en débattre il y a un an et demi. Voilà qui aurait correspondu au leadership fédéral que les Canadiens attendaient et dont ils avaient désespérément besoin. C'est ce genre de leadership fédéral qui fait cruellement défaut au sein du gouvernement d'en face. Le leadership, c'est rassembler les gens. Au lieu de cela, le polarise les Canadiens. Il les monte les uns contre les autres et il s'efforce constamment de nous diviser. C'est une stratégie politique qui ne rapporte qu'aux libéraux, au détriment de l'unité nationale, de la stabilité économique et du bien-être de notre pays bien-aimé et de ses citoyens.
Je suis aussi très déçu que le et le gouvernement libéral retardent l'accès à des outils de soins de santé critiques, susceptibles de donner à tous les Canadiens une plus grande liberté de choix, surtout en ce qui a trait à la gestion de leurs soins de santé personnels et au bien-être de leur famille. Où sont les ressources additionnelles que les provinces réclament sous forme de transferts fédéraux en santé pour remédier au manque de capacité d'intensification dans le système de santé? Voilà deux ans que les provinces formulent des demandes à cet égard. Plutôt que d'accepter la capacité existante, qui est très limitée et constamment à risque, pourquoi ne pas investir dans l'infrastructure des soins de santé dès maintenant, afin d'augmenter cette capacité et soulager le système?
En janvier dernier, de nombreux habitants de Fort Erie, Stevensville et Crystal Beach, dans ma circonscription, ont été furieux lorsque le Système de santé de Niagara s'est vu obligé de fermer le centre de soins d'urgence de Fort Erie en raison du manque d'effectifs ailleurs dans la région de Niagara. Cela prouve que notre province et les autorités sanitaires locales ont besoin de plus de ressources et de mesures de soutien que le gouvernement fédéral doit autoriser. Quelle est la réponse des libéraux à cet égard? Le affirme que le gouvernement se penchera sur les transferts au titre de la santé une fois la pandémie terminée. C'est tout simplement inacceptable.
Les deux dernières années ont été longues et difficiles. Tous les Canadiens méritent que le gouvernement fédéral se mette à leur service et s'emploie à défendre les intérêts nationaux. Cela vaut pour tous les Canadiens, quels que soient leur allégeance politique, leur lieu de résidence, leur religion ou leur statut vaccinal. C'est ainsi que devrait fonctionner Équipe Canada. Les Canadiens sont en droit de s'attendre à tellement mieux de la part du gouvernement fédéral.
Depuis le début de la pandémie, le gouvernement libéral a montré qu'il n'était aucunement préparé pour une telle crise, tout comme il n'était pas préparé à réagir à la manifestation d'Ottawa lorsqu'elle a débuté il y a maintenant quatre fins de semaine. C'est au gouvernement fédéral qu'il incombe de prévenir les pandémies et d'y réagir, mais au lieu de miser sur la collaboration pour régler les problèmes des Canadiens, le préfère essayer de tourner la page en invoquant la Loi sur les mesures d'urgence.
D'un océan à l'autre, les provinces allègent les restrictions sanitaires et se dotent de plans pour rouvrir l'économie, mais le gouvernement fédéral, lui, refuse encore et toujours de dévoiler ce qu'il compte faire pour que les secteurs qui relèvent de sa compétence reprennent leur essor. C'est maintenant qu'il devrait agir, avant que n'arrive la saison estivale, qui revêt une importance capitale pour les régions qui dépendent du tourisme, comme ma circonscription, Niagara Falls.
La Loi sur les mesures d'urgence ne se justifie pas pour déloger les manifestants au centre-ville d'Ottawa. Il faut laisser la police et les responsables locaux de l'application de la loi faire leur travail, comme ce fut le cas aux postes frontaliers où la circulation a été perturbée dans plusieurs provinces. Pendant que la police fait son important travail, le doit commencer à faire le sien en présentant un plan visant à mettre un terme à toutes les mesures obligatoires et les restrictions fédérales relatives à la COVID‑19, afin que tous les Canadiens puissent retrouver une vie normale, ensemble et en paix.
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Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Être un député est une énorme responsabilité. Dans notre système, les 338 d'entre nous ont un pouvoir énorme pour créer les lois du Canada et superviser les activités du gouvernement. Tous nos débats et tous nos votes sont importants, mais il y en a toujours qui sont plus importants que d'autres. Le débat actuel est l'un d'entre eux. La Loi sur les mesures d'urgence n'a jamais été invoquée depuis son adoption, il y a 34 ans. Chaque fois que nous augmentons les pouvoirs de la police ou que nous imposons des limites aux libertés civiles, nous devons veiller à ce que nos mesures soient raisonnables et proportionnées.
C'est un débat important, et les Canadiens nous regardent. Après avoir vécu avec une épidémie pendant deux ans, nous sommes tous fatigués et excédés. Les nerfs sont à vif. Les politiciens sont des gens passionnés, et nous tenons souvent des propos enflammés, surtout dans les médias sociaux. Cependant, nous devons baisser le volume.
J'ai observé les débats à la Chambre au cours des deux dernières semaines et je suis de plus en plus inquiet. L'année dernière, mon collègue le député conservateur de et moi avons écrit une lettre d'opinion pour rappeler aux Canadiens qu'il est possible d'être en désaccord sans être désagréable. Lui et moi avons déjà été maires. Sur la scène politique municipale, il y a beaucoup moins de partisanerie. On peut être en désaccord sur des politiques et en débattre vigoureusement tout en restant respectueux, mais ce n'est pas ce que j'ai observé à la Chambre au cours des deux dernières semaines. Au lieu de respecter les gens en tant que personnes, il y a eu beaucoup trop d'attaques personnelles, d'insultes et de généralisations fondées sur les allégeances politiques.
Tout n'est pas noir ou blanc en ce qui concerne la plupart des décisions politiques: il y a surtout des zones grises. Montrons aux Canadiens que nous pouvons nous écouter les uns les autres et admettre que, même si nous sommes en désaccord, nous aimons tous notre pays et nous préconisons ce que nous croyons être le mieux pour lui. Nous ne voulons pas finir comme nos voisins étatsuniens qui, depuis quelques années, semblent parfois vivre dans deux réalités différentes selon le réseau d'information en continu qu'ils regardent. Cette responsabilité n'appartient pas à un seul homme: elle appartient à tous les députés.
[Français]
En ce qui concerne la Loi sur les mesures d'urgence, les députés ont deux questions à poser.
Premièrement, croyons-nous que les exigences de la Loi sont respectées, c'est-à-dire qu'elles correspondent à la définition d'urgence nationale en vertu de l'article 3 de la Loi?
Deuxièmement, même si la définition est respectée, est-il souhaitable d'invoquer la Loi?
[Traduction]
Pour savoir si la définition est respectée ou non, nous devons examiner les circonstances des dernières semaines. La liberté d'association pacifique est un droit constitutionnel fondamental prévu au titre de l'article 2 de la Charte des droits, à l'instar de la liberté d'expression. Les gens ont parfaitement le droit de se plaindre du gouvernement, y compris ici, sur la Colline du Parlement. Cependant, comme beaucoup d'autres l'ont dit avant moi, un barrage n'est pas une association pacifique.
Au cours des dernières semaines, d'innombrables règlements ont été enfreints à Ottawa. Bloquer des rues à l'aide de camions, y compris des rues résidentielles, n'a rien d'une association pacifique. Klaxonner toute la nuit et polluer l'air en laissant tourner les moteurs 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, n'a rien d'une association pacifique. Harceler et agresser des résidants, menacer des journalistes et faire fermer de petites entreprises n'a rien d'une association pacifique.
Nous avons vu que la confusion règne à la tête des barrages, les manifestants ayant des revendications idéologiques qui vont de la fin des restrictions de santé publique au renversement du gouvernement élu. Ces barrages se sont étendus à des postes frontaliers partout au pays pour gêner la relation commerciale d'une extrême importance entre le Canada et les États-Unis. Les États-Unis sont notre principal partenaire commercial. Près de 2 milliards de dollars en marchandises traversent la frontière chaque jour. Au cours des dix derniers jours, il y a eu des barrages ou des tentatives de barrages sur le pont Ambassador à Windsor, sur le pont Blue Water à Sarnia, au Peace Bridge à Fort Erie, à Emerson, au Manitoba, à Coutts, en Alberta, et à Surrey, en Colombie-Britannique. Ces barrages ont entraîné l'interruption de la circulation des marchandises et des services et la réduction de quarts de travail dans des usines canadiennes, et des craintes ont été soulevées aux États-Unis quant à la fiabilité du Canada comme partenaire commercial.
En plus des barrages aux postes frontaliers, des manifestants ont tenté de bloquer l'accès à l'aéroport d'Ottawa et ont menacé de bloquer des voies ferrées. Ils ont également fait des menaces d'attentat à la bombe à des hôpitaux et ont envoyé des substances nocives par la poste à des députés. Des personnes associées aux barrages à Coutts ont été arrêtées alors qu'elles étaient en possession d'une grande quantité de munitions. Quatre d'entre elles ont été accusées de complot en vue de commettre un meurtre.
Je pourrais continuer, mais mon temps de parole est limité. À mon avis, la situation actuelle correspond à la définition inscrite à l'article 3 de la Loi sur les mesures d'urgence.
Par contre, en tant que législateurs, nous devons déterminer si la situation satisfait au deuxième critère que nous devons évaluer, c'est-à-dire si le recours à la Loi sur les mesures d'urgence est la bonne solution à ce moment-ci. Il est primordial de comparer les besoins enmatière de sécurité publique et de possibles restrictions des libertés civiles. Notre devoir est de déterminer s'il existe d'autres moyens de mettre fin aux barrages qui seraient plus appropriés.
Je tiens à souligner que, pendant des semaines, la police d'Ottawa a été dans l'incapacité de régler la situation. En vertu de la Constitution, les pouvoirs des corps policiers relèvent généralement des provinces, pour ensuite être délégués aux municipalités. Le gouvernement fédéral n'a qu'un rôle de soutien, si on lui en fait la demande. Toutefois, dès le début des manifestations, les députés de tous les partis ont demandé au gouvernement ce qu'il comptait faire pour régler le problème.
J'ai été l'un de ceux qui ont déclaré que les Canadiens ne se soucient pas des compétences des uns et des autres. Ils veulent seulement que tous les ordres de gouvernement collaborent pour régler le problème. Malheureusement, la situation n'a pas été prise en charge adéquatement. Il est évident que la police avait non seulement besoin de plus de ressources et d'outils dans son coffre à outils, mais d'une personne qui prend les devants et dirige les efforts. En invoquant le recours à la Loi sur les mesures d'urgence, le gouvernement fédéral procure un plus grand nombre d'outils aux policiers, en plus de se donner la possibilité d'intervenir si nécessaire. C'est exactement le leadership que les Canadiens attendaient.
Je tiens à remercier l'ancien premier ministre Brian Mulroney, mieux connu aujourd'hui comme étant le père de Mark, l'ancien ministre Perrin Beatty et les députés qui siégeaient en 1988 pour avoir remplacé la Loi sur les mesures de guerre par la Loi sur les mesures d'urgence. Si nous débattions aujourd'hui de l'application de la Loi sur les mesures de guerre, je serai carrément contre. Force est de reconnaître que lors du recours à la Loi sur les mesures de guerre, avant l'adoption de la Charte et de la Déclaration des droits, nous avons été témoins de violations graves des droits de la personne, notamment l'arrestation de Canadiens d'origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale.
La Loi sur les mesures d'urgence est très différente puisqu'elle est assujettie à la Charte des droits et à la Déclaration des droits et qu'il y est même précisé que son application doit tenir compte du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est effectivement vrai que cette loi permet une restriction temporaire mais limitée des libertés civiles, mais ce resserrement doit se faire dans le respect de la Charte. Autrement dit, toute restriction d'un droit doit être considérée comme raisonnable dans une société libre et démocratique. Cela signifie également que les tribunaux continueront d'exercer une surveillance.
Je trouve plutôt paradoxal que les députés qui se sont plaints du fait que les droits sont restreints aient eux-mêmes appuyé le recours à une disposition de dérogation par des assemblées législatives provinciales, ce qui porte vraiment atteinte aux droits garantis en vertu de la Charte. Je suis contre le recours à une disposition de dérogation quelles que soient les circonstances.
Je souligne également qu'il est important que les députés aient constamment et à juste titre demandé à participer à la prise des décisions pour mettre fin aux barrages et à la surveillance de celles-ci. La Loi sur les mesures d'urgence prévoit exactement ce genre de surveillance. Le recours à cette loi et toute prolongation de son application doivent être autorisés par le Parlement. Un comité parlementaire composé de députés de tous les partis reconnus et de sénateurs doit être mis sur pied pour faire l'examen de l'utilisation des pouvoirs conférés en vertu de la loi, et doit faire rapport au Parlement au moins tous les 60 jours. Une fois la situation d'urgence terminée, il devra y avoir une enquête sur les circonstances entourant la publication de la déclaration et sur les mesures prises pour mener l'enquête.
[Français]
Enfin, je note que certains prétendent que la Loi ne devrait pas s'appliquer à certaines provinces. Selon moi, cela n'a pas de sens.
Deux ordonnances ont été rendues. L'une d'elles concerne les mesures économiques d'urgence. Cela permet par exemple aux compagnies d'assurance d'annuler ou de suspendre l'assurance d'un véhicule impliqué dans le blocus illégal. Il serait insensé que cela ne s'applique pas à un véhicule impliqué dans le blocus à Ottawa, mais provenant de l'autre côté de la rivière, à Gatineau.
Cela permet aussi aux banques de geler les comptes des personnes qui participent à des activités illégales. Encore une fois, il serait insensé que cela s'applique au compte bancaire d'une personne établie en Ontario, mais pas au Québec.
[Traduction]
En terminant, j'estime que, dans le contexte actuel, l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence constitue une décision raisonnable, pondérée et réfléchie. J'appuierai la motion.
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Monsieur le Président, alors que s'entame la troisième semaine d'occupations et de barrages illégaux, nous avons, à mon avis, besoin d'appliquer la Loi sur les mesures d'urgence pour deux raisons.
Première raison: le moment est venu de faire respecter la primauté du droit.
Deuxième raison: il est temps d'agir pour protéger les infrastructures économiques essentielles avant que la situation ne fasse des dommages permanents à l'économie.
Comme on le sait, la primauté du droit est la philosophie politique selon laquelle tous les citoyens et toutes les institutions d'un État ou d'une collectivité sont responsables devant les mêmes lois.
Le Canada est un pays merveilleux à la population très diversifiée. Des gens de diverses origines ethniques et de différentes confessions vivent ensemble pour faire du Canada le meilleur pays du monde. Des personnes de plus de 100 pays différents sont venues s'établir au Canada. Selon Statistique Canada, 120 langues sont parlées dans Nepean, bien que l'anglais soit la langue maternelle de 60 % à 65 % des habitants de cette circonscription.
Certains Canadiens sont au Canada depuis plusieurs générations; d'autres, depuis plusieurs décennies. Certains sont de nouveaux arrivants. Beaucoup de Canadiens sont venus s'établir au Canada pour la liberté qui y est offerte à tous les résidents. Beaucoup d'entre eux ont fui leur pays natal pour échapper à la persécution. Beaucoup sont venus au Canada pour les perspectives économiques qu'il recèle. Beaucoup ont choisi le Canada pour que leurs enfants aient une meilleure vie que la leur.
Il y a un dénominateur commun chez les Canadiens, et surtout chez les néo-Canadiens. C’est que, fondamentalement, le Canada observe la règle de la primauté du droit. Défendre la primauté du droit est si important et est tellement incorporé dans le tissu même de notre pays que la situation actuelle est incroyable pour de nombreux Canadiens.
Qu’il s’agisse des perspectives économiques ou d’offrir une vie meilleure à nos enfants, c'est essentiellement la primauté du droit qui fait que notre pays est un endroit sûr où les Canadiens peuvent produire de la richesse pour son développement économique et pour leur famille et leurs enfants.
Beaucoup de Canadiens sont incrédules en voyant la primauté du droit méprisée et bafouée si ouvertement. Il est possible que les forces de l’ordre aient construit leurs systèmes et leurs processus en tenant pour acquis que la majorité des Canadiens soutiennent la primauté du droit. C’est peut-être pour cette raison que nous sommes maintenant occupés par un groupe financé par des étrangers qui méprise nos hommes et nos femmes en uniforme.
Il faut soutenir nos hommes et nos femmes en uniforme, qui travaillent fort. Il faut leur donner les outils dont ils ont besoin pour rétablir la loi et l’ordre. C’est pour cette raison que l’utilisation ciblée de la Loi sur les mesures d’urgence est raisonnable et proportionnelle. Elle permet de renforcer et d’appuyer nos services policiers afin qu’ils soient mieux outillés pour rétablir la loi et l’ordre et protéger les infrastructures essentielles.
La deuxième raison d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence, comme je l’ai mentionné, c’est pour protéger nos infrastructures économiques essentielles. Le Canada est un pays riche aujourd’hui. Nous avons une grande qualité de vie grâce à la croissance de notre économie, et notre économie dépend énormément du commerce.
Le commerce international représente entre 60 et 65 % de notre PIB et il dépend de la libre circulation des marchandises et des services entre notre pays et notre plus grand partenaire commercial.
Cette croissance économique et les échanges commerciaux ont enrichi le Canada. C'est ce qui nous permet de prendre soin des aînés. C'est ce qui nous permet de fournir des logements abordables. C'est ce qui nous permet aussi d'offrir des soins de santé de qualité à tous les Canadiens, peu importe leur revenu. C'est tout simplement inacceptable qu'un petit groupe de Canadiens financé par l'étranger puisse faire un usage abusif de la liberté d'expression et de la liberté de manifester pour nuire aux infrastructures économiques fondamentales et essentielles. Il est grand temps que nous prenions des mesures avant que des dommages permanents soient causés à notre économie et, par conséquent, au mode de vie canadien.
La grande économie canadienne et nos importants échanges commerciaux ne sont pas uniquement le fruit des efforts des Canadiens. Ils ont aussi été rendus possibles par des investisseurs de partout dans le monde qui ont conclu que le Canada est un bon endroit où investir. De grandes sociétés étrangères du secteur de l'automobile, du secteur de l'aluminium et du secteur de l'acier font des investissements au Canada. Ils le font parce que le Canada est toujours prêt à faire des affaires, parce qu'il y a peu de perturbations à la conduite des affaires au Canada et parce que le Canada permet le libre-échange et la libre circulation des biens et des services.
C'est ce que tiennent pour acquis les investisseurs étrangers et c'est la garantie à laquelle ils s'attendent, mais celle-ci est mise en péril. Il est donc grand temps de prendre des mesures immédiates.
Des groupes financés par des intérêts étrangers ont dépassé les bornes, et nous devons agir pour protéger les intérêts de tous les Canadiens. Il est temps de défendre les principes, les valeurs et les institutions qui protègent la liberté des Canadiens. Les barrages et les sièges sont illégaux. Ils menacent notre économie et nos échanges avec nos partenaires commerciaux. Les groupes financés par des intérêts étrangers menacent notre chaîne d'approvisionnement et la disponibilité des produits de première nécessité, comme les aliments et les médicaments. Les groupes financés par des intérêts étrangers sont devenus une menace pour la sécurité publique.
Soyons clairs. Tous les Canadiens ont le droit d'exprimer leur opinion, leur désaccord, voire leur colère. Ils en ont le droit. Je serai la première à défendre ces droits dans notre formidable pays libre et démocratique. Cependant, ce droit ne s'applique pas aux groupes financés par des intérêts étrangers qui privent d'autres Canadiens du droit et de la liberté de mener une vie paisible. Le droit de manifester son désaccord ne s'applique pas aux groupes financés par des intérêts étrangers qui bloquent nos infrastructures essentielles. Le droit de manifester ne s'étend pas aux groupes financés par des intérêts étrangers qui causent des préjudices à des familles et à de petites entreprises, et qui nuisent à l'emploi et à l'économie.
Comme le l'a dit, au titre de la Loi sur les mesures d'urgence, la Charte canadienne des droits et libertés continue de protéger les droits individuels des Canadiens. Nous n'allons pas faire appel aux militaires. Nous n'allons pas restreindre la liberté d'expression de la population. Nous n'allons pas limiter la liberté de se réunir pacifiquement. Nous n'allons pas empêcher les gens d'exercer leur droit de manifester légalement.
Aujourd'hui, je demande à tous les députés de prendre des mesures contre les barrages et les sièges illégaux qui nuisent aux Canadiens. Je demande à tous les députés de défendre les intérêts des familles et des travailleurs.
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Madame la Présidente, je dois avouer qu'il n'est pas facile de prendre la parole après le discours passionné du député de .
Néanmoins, nous voilà ce soir à débattre de la Loi sur les mesures d'urgence, qui a déjà été mise en œuvre sans la tenue d'un vote à la Chambre des communes. Je veux nous ramener en arrière d'environ deux ans. Je me souviens très bien qu'on discutait de la possibilité de rendre la vaccination obligatoire. Le comité de la santé avait mené une étude sur la question plusieurs années auparavant — en 2011, je crois — et avait conclu qu'il était inconstitutionnel de rendre la vaccination obligatoire.
Transportons-nous maintenant en 2020: nous sommes confrontés à une pandémie mondiale. Le gouvernement dit que la vaccination sera la solution pour nous en sortir. On fait circuler l'idée qu'un taux de vaccination de 70 % serait une cible appropriée. Le assure à tout le monde que la vaccination ne sera aucunement obligatoire.
Ensuite, on a déclaré des élections et, soudainement, les vaccins allaient devenir obligatoires. Le gouvernement a annoncé, à la veille des élections déclenchées par les libéraux au beau milieu d'une pandémie, qu'il allait rendre la vaccination obligatoire. Les gens devaient se faire vacciner, sinon ils risquaient de perdre leur emploi. Je me souviens que les conservateurs ont fait campagne en promettant de ne pas rendre la vaccination obligatoire.
Je n’ai jamais entendu un premier ministre prononcer des paroles qui semaient autant la discorde que celles du . En entrevue, il a demandé si nous devions tolérer ces gens-là. Quel genre de question est-ce là? Est-ce quelque chose qu’un premier ministre devrait dire? Avant de devenir premier ministre, il a dit: « un Canadien est un Canadien, un point c’est tout ». Ensuite, quand c’est devenu avantageux pour ses fins politiques, il a soudainement demandé s’il fallait tolérer ces gens-là.
J’aimerais parler de l’emploi des mots « ces gens-là ». On m’a fait remarquer que certaines personnes avaient déjà leur emploi pour avoir dit « ces gens-là ». Malheureusement, le n’a pas perdu son emploi pour cela.
L’une de ces personnes est un de mes bons amis, un agent de la GRC. Il avait déjà contracté la COVID et avait passé un test antigénique. Il a été prouvé qu’il avait des anticorps. Toutefois, soudainement, des exigences de vaccination ont été mises en œuvre et il a dû choisir entre se faire vacciner ou perdre son emploi. Il a cinq enfants. Il avait rêvé toute sa vie de devenir un agent de la GRC. Maintenant, son gagne-pain, sa façon de nourrir ses enfants et de payer sa maison est en jeu parce qu’il est obligé de recevoir un vaccin qui sert à donner ce que son corps possède déjà, l’immunité contre le virus.
Le nœud de l'affaire, c'est cette exigence de vaccination qui nous a été imposée. Les libéraux affirment que le pays est uni, que 90 % des gens sont vaccinés, et qu'il n'y a donc pas lieu de se préoccuper des derniers 10 %. L'une des composantes de la démocratie a toujours été la protection des minorités. Sinon, nous vivrions simplement dans une dictature ou sous la tyrannie de la majorité. Voilà donc une raison. Une autre raison, c'est que, même si 90 % de la population est vaccinée, cela ne signifie pas que chacune de ces personnes voulait se faire vacciner.
Dans les faits, 50 % de la population était vaccinée quand les libéraux ont imposé l'obligation vaccinale. Ils ont forcé des gens à se faire vacciner. Ils disent n'avoir forcé personne, mais ils ont bel et bien dit que les gens avaient le choix entre se faire vacciner et perdre leur emploi. Ils n'ont pas cherché à convaincre les gens en faisant valoir les mérites des vaccins. Ils ont opté pour la coercition et non pour le consentement éclairé.
C'est comme s'ils disaient aux Canadiens: « Joli emploi que vous avez là. Ce serait vraiment dommage qu'il lui arrive quelque chose. En passant, nous avons un charmant vaccin par ici. » On assiste à un immense effort de coercition de la part du gouvernement. On a aussi pu voir le gouvernement diaboliser et terroriser les personnes non vaccinées.
Dans certaines provinces, les gens ne pouvaient même pas aller à l'épicerie sans être vaccinés. C'est ce qui a mené aux manifestations qui ont lieu un peu partout au pays. Le était au courant. Pendant plus d'une semaine, le drapeau du Canada flottait partout sur les viaducs et le long des routes. Partout où passait le convoi, les gens sortaient pour en saluer les participants, et nous avons eu droit à des images saisissantes.
Le savait que le convoi était en route. Il avait amplement le temps de prendre une décision, d'agir et d'évaluer l'efficacité des restrictions. Au total, 90 % de la population est vaccinée, alors que les autorités visaient un taux de 70 %. Le nombre de cas était en déclin. La semaine où les camionneurs ont sillonné le pays, il aurait pu prendre un instant pour réfléchir et réévaluer la situation. Deena Hinshaw et Theresa Tam étaient toutes les deux de cet avis, mais le refusait d'admettre qu'il était peut-être temps de revoir ses plans, et c'est pour cette raison que nous sommes ici ce soir.
Les camionneurs sont venus d'un peu partout au pays pour s'opposer aux exigences relatives à la vaccination. Peut-être existe-t-il un site Web qui parle d'insurrection ou d'autre chose du genre, mais la grande majorité des gens qui étaient sur le bord de la route, en train de brandir le drapeau canadien, ou, bien qu'ils ne se sont par rendus à Ottawa, étaient en faveur de la manifestation, ne songeaient pas à une insurrection. Ils appuyaient l'abandon des exigences relatives à la vaccination.
Nous voici maintenant campés sur nos positions, à utiliser la plus grosse masse dont nous disposons, pour ainsi dire, la Loi sur les mesures d'urgence, même si les postes frontaliers et les infrastructures essentielles ne font plus l'objet d'obstruction. Il y a déjà eu des barrages d'infrastructures essentielles au pays. Nous avons été témoins de barrages des chemins de fer au début de 2020, qui ont passablement perturbé le pays. Le propane extrait en Alberta, lequel est expédié par voie ferrée dans l'Est du Canada pour le chauffage des maisons, ne pouvait plus s'y rendre.
Cependant, on n'a pas invoqué la Loi sur les mesures d'urgence à ce moment-là. Je n'aurais pas préconisé le recours à cette loi, bien que l'on faisait entrave à une infrastructure essentielle. On a bloqué l'accès à des infrastructures essentielles et des routes pour protester contre la construction de certains projets et, pourtant, non pas que j'aurais prôné l'application de la Loi sur les mesures d'urgence dans ces situations, mais on n'a pas invoqué cette loi.
On a récemment vu la destruction de millions de dollars d'équipement utilisé dans le cadre du projet Coastal GasLink dans le Nord de la Colombie‑Britannique, mais le ne semble pas reconnaître la situation et il ne suggère pas non plus le recours à la Loi sur les mesures d'urgence dans ces circonstances. Cependant, ici à Ottawa — où pour autant que je sache aucun dommage à la propriété n'a été rapporté —, le gouvernement a déclaré l'état d'urgence nationale, ce qui lui permet d'invoquer la loi la plus importante et la plus puissante du Canada pour gérer cette prétendue situation d'urgence.
Je tiens à parler de l'argent en provenance de l'étranger, puisque que les libéraux ramènent constamment cette question sur le tapis. Premièrement, j'aimerais savoir de quel montant on parle. C'est un élément important. Depuis mon élection, je demande que le Parlement se penche sur les fonds étrangers. Nous savons que la fondation Tides a investi plus de 700 millions de dollars dans une campagne contre l'exploitation des sables bitumineux dans le Nord de l'Alberta. Or, il semble que les libéraux n'y voient aucun inconvénient puisqu'ils ont fermé les yeux sur ce cas d'influence étrangère en politique canadienne.
Toutefois, quand le se fait malmener ou qu'il perd du terrain dans les sondages, soudainement les libéraux craignent que des capitaux étrangers influencent la politique canadienne. Il est grand temps qu'ils commencent à s'inquiéter de cette question, mais il est insensé de geler les comptes bancaires de Canadiens en prétendant que les fonds viennent de l'étranger.
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Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec le député d’.
En tant que représentants élus, notre principale responsabilité est de protéger nos concitoyens et de les garder en sécurité. Au cours des trois dernières semaines à Ottawa, j’ai vu de mes propres yeux les agissements inacceptables, dangereux et menaçants auxquels sont confrontés les habitants d’Ottawa en raison des barrages illégaux qui occupent le centre-ville. La sécurité publique est menacée en raison des actes d’intimidation, du harcèlement, des insultes racistes et homophobes, des agressions physiques, du harcèlement sexuel, des actes de vandalisme, des symboles de haine arborés sans vergogne — comme ce drapeau confédéré que j’ai vu de mes propres yeux — sans parler du bruit constant qui est particulièrement pénible pour les populations les plus vulnérables. Imaginons un instant les répercussions de ces klaxons incessants la nuit sur les enfants autistes et les aînés atteints de démence.
Parlons aussi des ambulances bloquées par les manifestants qui ont empêché des personnes de se rendre à des consultations médicales ou de récupérer des médicaments. Parlons de l’hôpital pour enfants qui a dû renforcer sa sécurité, et de la profanation de nos monuments nationaux, comme la Tombe du soldat inconnu. Des entreprises, des écoles et des cliniques de vaccination ont dû fermer leurs portes. Certaines personnes perdent leur salaire. Des camionneurs circulent autour des écoles primaires et dans les quartiers résidentiels, ils disent des grossièretés et terrorisent les enfants. Ils bloquent les voies d’accès à l’aéroport. Des camions transportant de gros contenants de carburant ou d’autres produits inflammables sont stationnés à proximité de feux de camp et de feux d’artifice. Sans parler de ce qui se passe à nos frontières et ailleurs au Canada, comme la cargaison d’armes qui a été découverte à Coutts.
Certains citoyens de ma circonscription m'ont exprimé leur frustration de voir que les lois ne sont pas appliquées. Nombreux sont ceux qui quittent le centre-ville pour aller vivre avec leur famille ou leurs amis à l'extérieur, et d'autres quittent tout simplement la ville. Les citoyens d'Ottawa exhortent le gouvernement fédéral à intervenir et à rétablir l'ordre. C'est pourquoi je suis particulièrement soulagée de voir le gouvernement invoquer la Loi sur les mesures d'urgence. Certains de mes concitoyens m'ont écrit, comme Judy, une personne âgée, qui m'a dit: « Je suis ravie de voir le gouvernement adopter la Loi sur les mesures d'urgence. C'est la bonne chose à faire, et je dormirai mieux ce soir. »
Ce n'est pas une décision qui a été prise à la légère. Le a clairement indiqué qu'il s'agissait d'une mesure temporaire, proportionnée, géographiquement ciblée et adaptable, visant à rétablir l'ordre public. Elle ne limite en rien l'application de la Charte et elle est assujettie à la surveillance du Parlement, comme en témoigne le présent débat.
[Français]
Il s'agit de fournir certains outils qui mettront fin à l'occupation abusive, haineuse et illégale de notre ville et d'autres infrastructures essentielles, tout en garantissant que la liberté d'expression et le dialogue politique puissent se dérouler de manière respectueuse et pacifique.
Ces outils comprennent les mesures suivantes: geler les comptes des entreprises et suspendre l'assurance des camions utilisés dans ces blocages; contraindre les conducteurs des dépanneuses à se conformer aux demandes des forces de l'ordre; exiger que toutes les plateformes de sociofinancement s'enregistrent auprès du CANAFE; saisir les comptes bancaires et interdire le financement étranger des blocages; autoriser l'ASFC à arrêter les étrangers qui ont l'intention de traverser la frontière pour se joindre à une manifestation illégale; accroître les pouvoirs de la police pour faire respecter la loi, imposer des amendes et emprisonner; désigner, sécuriser et protéger les lieux et les infrastructures critiques assurant la prestation des services essentiels; et interdire l'utilisation de biens pour soutenir les blocages illégaux.
[Traduction]
La primauté du droit est une condition préalable fondamentale pour vivre dans une société libre et démocratique. Dans la ville et dans l'ensemble du Canada, nous avons observé des groupes très organisés qui bénéficient d'un financement étranger considérable et dont l'objectif déclaré est de renverser le gouvernement. Ils demandent aux gens de faire du mal aux élus. Nous avons vu des groupes ayant des liens avec des extrémistes de droite — qui se servent de discours violents et de théories du complot pour provoquer la haine — se déléguer le pouvoir d'arrêter d'autres citoyens. Il s'agit d'une attaque contre notre démocratie et nos institutions de gouvernance. J'appuie entièrement le recours à la Loi sur les mesures d'urgence dans ces circonstances.
Soyons clairs: je suis arrivée à cette conclusion avec beaucoup de réticence. À l'université, je faisais partie du conseil d'administration de l'association des libertés civiles de l'Alberta. Je détiens un doctorat en histoire constitutionnelle canadienne et j'ai consacré la majeure partie de ma carrière à la promotion des droits de la personne et de la démocratie. J'ai vécu et travaillé dans des régions du monde où j'ai mis ma propre sécurité en danger afin de lutter pour la liberté d'expression, la responsabilité démocratique et la primauté du droit.
J'en ferais tout autant pour défendre les mêmes droits pour les Canadiens. Cependant, je n'aurais jamais pensé que j'aurais à le faire. La liberté d'expression, ce n'est pas la liberté d'étouffer la voix des autres. Elle ne donne pas le droit d'enfreindre la loi. Le convoi et le mouvement d'occupation au centre-ville ont forcé bien d'autres personnes à annuler des activités à cause des mesures de sécurité, y compris la veille qui était prévue pour souligner l'anniversaire de l'attentat à la mosquée de Québec.
La liberté d'expression, ce n'est pas lancer des excréments à une jeune femme qui se rend au travail ni menacer une autre personne d'agression sexuelle ou de préjudices corporels simplement parce qu'elle porte un masque. Ce n'est pas poser des gestes obscènes envers des enfants de six ans qui participent à une activité scolaire, lancer des objets à des journalistes ou inonder le service 911 d'appels téléphoniques. Ce n'est pas bloquer l'accès aux travailleurs de la santé pour les empêcher de rentrer dans les hôpitaux où ils peuvent sauver des vies. Ce n'est certainement pas commettre un incendie criminel ou s'introduire de force dans un immeuble résidentiel et bloquer les sorties avec des menottes.
La liberté d'expression, ce n'est pas priver les autres de leur droit de vivre en sécurité. J'ai travaillé dans des pays où c'est la force qui détermine qui a voix au chapitre, où on fait fi des lois en toute impunité, où règne la loi du plus fort. Tout cela n'a rien à voir avec la liberté et la démocratie.
La Loi sur les mesures d'urgence permet de veiller à ce que cette anarchie ne s'implante pas ou ne s'enracine pas au Canada. Elle donne des pouvoirs aux forces de l'ordre pour que nul ne soit au-dessus des lois. Elle est légale et constitutionnelle. C'est une mesure temporaire qui n'a pas préséance sur la Charte des droits et libertés. Elle est seulement utilisée en proportion de la menace existante, et elle fait l'objet d'une surveillance parlementaire ainsi que d'une enquête par la suite.
J'aimerais citer Alex Neve, l'ancien secrétaire général d'Amnistie Internationale Canada, qui a dit ceci:
En mettant un terme à la manifestation, on ne renonce pas aux droits de la personne. Au contraire, on les fait respecter en mettant fin à une occupation qui est une source de crainte, de menaces, de difficultés et de préjudices.
Ce soir, j'aimerais aussi discuter du fait que la manifestation prive des gens de leur gagne‑pain.
[Français]
Je sais aussi que beaucoup de mes concitoyens ont dû fermer leurs entreprises ou perdre des heures de travail et des chèques de paie à cause des blocages. La a annoncé qu'il y aurait une compensation pour les entreprises et les employés qui ont perdu des revenus à cause de cela.
[Traduction]
Les habitants de ma circonscription sont nombreux à sympathiser avec l'objectif déclaré des manifestants, c'est-à-dire la levée des exigences relatives à la vaccination. J'ai encouragé mes concitoyens à continuer à me faire part de leurs préoccupations à cet égard. Toutefois, la décision de lever les mesures sanitaires ou de les renforcer doit être prise par des élus qui s'appuient sur des avis d'experts en santé publique. Elle ne doit pas être prise sous le coup de pressions ou de menaces provenant de la rue.
Je sais que les deux dernières années ont été très éprouvantes. Certains d'entre nous ont perdu des proches en raison de la COVID, que ce soit directement ou indirectement. Des membres de la famille de bon nombre d'entre nous sont aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de dépendance, qui ont été aggravés par l'isolement et la fermeture des écoles et des lieux de travail. Nous sommes nombreux à ne pas avoir vu nos parents ou nos grands-parents dans le but de les protéger. Mais nous avons apporté notre contribution et nous savons que la pandémie ne sera pas éternelle. Les vaccins ont sauvé des dizaines de milliers de vies au Canada, et nous voyons déjà une lueur d'espoir.
J'aimerais aussi souligner que je comprends que les participants aux manifestations n'étaient pas tous d'accord avec le harcèlement, les menaces, les actes haineux ou encore les propos et motifs extrémistes qu'ont exprimés plusieurs organisateurs et participants. Alors, il est grand temps de quitter les lieux et de rentrer à la maison. Cette manifestation de même que les tactiques et les objectifs qui s'y rattachent ne sont plus pacifiques ni légaux. Il existe d'autres tribunes pour exprimer son opinion de façon responsable.
Selon moi, les Canadiens doivent recommencer à communiquer entre eux. La situation divise déjà les familles et rompt des amitiés. Nous devons recommencer à nous traiter décemment les uns les autres, à vraiment nous écouter les uns les autres, mais le faire respectueusement et sans violence. Descendre dans les rues et causer du tort aux autres n'est pas le bon moyen de se faire entendre. Menacer les gens et compromettre leur sécurité et leur gagne-pain ne constituent pas un dialogue démocratique. Enfreindre la loi est inacceptable.
J'aurais préféré ne pas avoir à recourir à la Loi sur les mesures d'urgence. Cependant, dans une société démocratique, nous devons nous opposer aux forces intolérantes qui privent certaines personnes de leur droit à la sécurité et de leur liberté d'expression.
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Je suis désolé, madame la Présidente.
À ma collègue qui m'a précédé, j'aimerais dire que le service de police a été sérieusement touché, effectivement. Nous invoquons la Loi sur les mesures d'urgence afin de renforcer les capacités des autorités provinciales et territoriales à faire face aux barrages et à l'occupation pour assurer la sécurité des Canadiens, préserver les emplois et rétablir la confiance dans nos institutions.
Au cœur de ma circonscription, l'autoroute 50 relie les Laurentides à Ottawa. C'est notamment par cette autoroute que le convoi est passé en partant du Québec pour se rendre à Ottawa, ce qui a créé beaucoup de perturbations.
J'ai reçu des tonnes d'appels de citoyens de partout dans ma circonscription en appui au gouvernement et à notre . Plusieurs d'entre eux proviennent de camionneurs ou d'associations de camionneurs. Ce sont des gens qui se sont rendus aux urnes pour l'élection de 2021, qui ont exprimé leur droit de vote et qui m'ont redonné leur confiance pour un troisième mandat.
Ce n'est donc qu'une minorité de gens qui font tout ce bruit à l'extérieur et qui dérangent les habitants d'Ottawa et de Gatineau jour et nuit, et qui ne veulent pas déplacer leurs camions alors que les corps policiers leur ont demandé de le faire à plusieurs reprises.
Grâce à la Loi sur les mesures d'urgence, nous attribuons de nouveaux pouvoirs aux forces de police pour réglementer les foules, interdire les barrages et garder ouverts les corridors essentiels. La Loi sur les mesures d'urgence permet au gouvernement de mobiliser les services essentiels comme les remorqueuses. Cela permettra à la GRC d'agir plus rapidement pour faire respecter les lois locales. La Loi procure aussi des pouvoirs renforcés pour empêcher les manifestants de se procurer de l'argent. Ces mesures sont ciblées, temporaires et proportionnelles.
Cette Loi est à la fois bonne, efficace et ponctuelle. Cette Loi est la dernière option. Il s'agit d'assurer la sécurité des Canadiens, de protéger les emplois des Canadiens et de rétablir la confiance dans nos institutions. Depuis deux ans, les Canadiens et les Canadiennes se sacrifient et s'entraident pour surmonter cette fameuse pandémie mondiale. Cela fait deux ans que les Canadiennes et les Canadiens ont vu leur vie basculer.
Au début de la pandémie, le gouvernement fédéral était là. En fait, le gouvernement fédéral a été là tout au long de la pandémie, aux côtés des provinces, pour le bien-être des Canadiens et des Canadiennes. Nous serons encore là. Les travailleurs d'Argenteuil—La Petite-Nation, les travailleurs autonomes et les entreprises ont pu bénéficier de ces programmes, dont il faut se souvenir qu'ils ont été adoptés à l'unanimité par les 338 députés de la Chambre des communes, tous d'accord sur les prestations que nous avons données et qui étaient nécessaires.
La prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement a bien aidé, tout comme les régimes d'assurance-emploi, les subventions salariales, la prestation canadienne de maladie pour la relance économique et les autres prestations canadiennes de relance économique, les soutiens au salaire à l'embauche, les soutiens aux dépenses de loyer, les fonds pour l'emploi, la prolongation des programmes du travail partagé, les programmes de crédit, les crédits d'urgence pour les grands employeurs et la prestation canadienne pour la relance économique pour les proches aidants. Ce sont tous là des moyens que nous avons donnés pendant la pandémie.
Aujourd'hui, nous avons besoin de cette Loi. Aujourd'hui, nous allons continuer notre travail. Nous serons là pour les Canadiens et les Canadiennes qui sont pris en otage par les barrages illégaux. Nous avons été là depuis le début de la pandémie et nous serons encore là pour continuer notre travail, un travail pour lequel la majorité des Canadiens nous ont élus.
Le gouvernement a émis une ordonnance avec effet immédiat, autorisant les institutions financières canadiennes à cesser temporairement de fournir des services financiers lorsque l'institution soupçonne qu'un compte est utilisé pour favoriser les occupations et les barrages illégaux. Ce que nous demandons aux institutions financières canadiennes par l'entremise de cette Loi, c'est d'examiner leur relation avec toute personne impliquée dans les barrages et de la signaler, le cas échéant, aux autorités. Les comptes d'entreprises liés aux barrages illégaux seront gelés et les assurances des véhicules seront révoquées.
Il s'agit d'assurer la sécurité des Canadiennes et des Canadiens, de protéger les emplois des gens et de rétablir leur confiance en nos institutions.
Puisque le gouvernement a maintenant déclaré l’état d’urgence, nous avons déposé la déclaration au Parlement dans les sept jours de séance tel que requis.
Notre gouvernement est conscient du besoin de transparence et de surveillance parlementaire. C’est pourquoi le gouvernement donne au Parlement les informations nécessaires pour qu’il puisse jouer son rôle.
La déclaration ne dure que 30 jours, à moins qu’elle soit renouvelée. Cependant, nous pouvons et nous espérons sincèrement révoquer l’état d’urgence plus tôt. De plus, les mesures spécifiques prévues par la Loi sur les mesures d’urgence sont limitées, soumises à de nombreux contrôles et garanties par le Parlement. Elles doivent être conformes à la Charte canadienne des droits et libertés.
La Loi sur les mesures d’urgence n’implique pas l’armée. Cela relève de la Loi sur la défense nationale, qui n’est pas celle que nous invoquons aujourd’hui. Il s’agit d’assurer la sécurité des Canadiens, de protéger les emplois des gens et de rétablir la confiance dans nos institutions.
C'est très important pour les citoyens d’Argenteuil—La Petite‑Nation et pour tous ceux de la capitale nationale, qui méritent que la paix leur soit donnée. Depuis 20 jours, les blocages perturbent illégalement la vie des résidants de la capitale nationale et nuisent à notre économie. Il est temps pour nous de passer à l’action, car ils mettent en danger la sécurité publique et la chaîne d’approvisionnement que nous avons sur notre territoire.
Des gens m’ont téléphoné et raconté des histoires d’horreur. Ma collègue, qui m’a précédé, a nommé une liste d’interventions que la police a dû faire, mais qui sont directement liées au lieu de la manifestation. On n'a pas encore parlé des gens de ma circonscription qui, indirectement, n’ont pas eu accès à leur lieu de travail. Des entreprises locales ont vu des contrats de fabrication être annulés. Je pense entre autres à mon frère, dont la compagnie a des camions sur la route, qui ne pouvait pas envoyer ses employés faire leur travail sur le chantier. Il lui a fallu annuler des contrats et déplacer dans un autre lieu les travailleurs censés être sur des chantiers à Ottawa.
Cela a touché beaucoup plus de gens que nous le pensons, ici, sur la Colline parlementaire. Les partis de l'opposition prétendent que cela ne touche qu'Ottawa et que nous aurions peut-être dû faire autre chose que d'appliquer la Loi sur les mesures d’urgence, mais cela a entraîné des conséquences partout, que ce soit dans ma circonscription, au Québec ou ailleurs au Canada.