propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, imaginons une journée sans les bienfaits de l'art et de la culture: pas de musique, pas de cinémas, pas de télévision, pas de livres. La vie serait vraiment ennuyeuse. C'est pourquoi je suis très heureux de parler du projet de loi , Loi sur la diffusion continue en ligne. Ces mesures législatives mettraient à jour la politique canadienne de radiodiffusion afin d'inclure les services de diffusion en continu en ligne et de veiller à ce que les entreprises de ce secteur contribuent aux ressources culturelles canadiennes de manière équitable.
C'est la première de trois mesures législatives qui font partie de mon mandat de ministre du Patrimoine canadien. Elles portent plus particulièrement sur la diffusion continue en ligne, les nouvelles en ligne et la cybersécurité. Ensemble, ces mesures législatives feront en sorte qu'Internet soit un environnement plus juste, plus inclusif, plus sécuritaire et plus concurrentiel pour les Canadiens.
[Français]
Quand Internet est arrivé, on s’est tous dit que c’était génial et agréable, qu’on allait le laisser se développer tout seul, qu’on n’interviendrait pas du tout, que cela allait créer de nouvelles opportunités et que cela allait renforcer la démocratie et connecter les gens.
C’est vrai. Internet a connecté tellement de monde, a eu tellement d’effets bénéfiques et continue d’en avoir aussi. En fait, Internet est un véritable vecteur de changement, mais qui a aussi permis plus de polarisation et de désinformation. En matière de culture, par exemple, Internet a complètement transformé la façon dont nous produisons et consommons nos produits culturels.
De plus, malheureusement, n'importe qui, surtout les jeunes, est facilement exposé à du contenu en ligne totalement inacceptable, faisant par exemple la promotion de la haine en ligne, de l’exploitation des enfants et de l’intimidation. Nous avons tous un rôle à jouer collectivement, y compris les plateformes qui dominent Internet et occupent un énorme espace dans nos vies quotidiennes.
[Traduction]
Nous devons nous attaquer à ces problèmes maintenant. À défaut de le faire, ils continueront de nuire aux Canadiens, d'éroder notre souveraineté culturelle et d'affaiblir notre société numérique. L'objectif est de faire en sorte qu'Internet offre une meilleure expérience à l'ensemble des Canadiens.
Comment allons-nous procéder? Le projet de loi dont nous sommes saisis, soit la Loi sur la diffusion continue en ligne, constitue la première étape. Dans un premier temps, nous devons nous assurer que les services de diffusion en continu contribuent à la force et à la vitalité du secteur culturel canadien. Rappelons que la vitalité culturelle canadienne n'est pas le fruit du hasard. Nous, Canadiens, avons décidé de nous démarquer et d'être différents de nos voisins du Sud. Nous avons opté pour la souveraineté culturelle.
Nous nous rappelons ce choix tous les jours et particulièrement hier à l'occasion du Jour du drapeau national du Canada. Lorsque nous avons choisi l'unifolié comme drapeau, nous avons choisi un symbole de notre identité nationale qui nous distingue de la superpuissance culturelle au sud du Canada. Après 57 ans, la feuille d'érable constitue le symbole canadien le plus connu au monde. Pour tous les Canadiens, c'est le symbole d'un Canada, d'un pays, que nous avons tous contribué à bâtir ensemble.
[Français]
Notre culture, c'est nous tous. Je le dis souvent, c'est notre passé, notre présent, notre avenir. C'est comment nous nous parlons et comment nous contons nos histoires.
[Traduction]
Depuis plus de 50 ans, la Loi sur la radiodiffusion nous aide à faire connaître nos histoires. Voilà comment nous avons bâti une culture canadienne dynamique. Voilà comment nous avons forgé l'identité canadienne et comment nous avons fait connaître la voix des Canadiens dans le monde. Le gouvernement souhaite faire fond sur cette affirmation culturelle pour l'avenir. Il faut reconnaître que les temps ont changé.
[Français]
La dernière fois que notre système a été mis à jour, le monde était complètement différent. C'était en 1991. On allait louer des films chez Blockbuster. Je suis certain que vous y alliez aussi, monsieur le Président. On allait tous chez Blockbuster chercher des cassettes VHS, qu'on rapportait en retard et pour lesquelles on payait des frais. On avait aussi des Walkman. C'est la façon dont on écoutait la musique.
Tellement de choses ont changé au cours de ces 30 dernières années. La diffusion de contenu en ligne a changé notre façon de créer, de découvrir et de consommer du contenu, et le système en vigueur aujourd'hui doit refléter tout cela.
Depuis des décennies, les radiodiffuseurs canadiens investissent dans le système pour créer le contenu qu'on aime tant. C'est donc une simple question d'équité que de demander aux diffuseurs en ligne de contribuer. Nous ne leur demandons pas d'en faire plus, seulement de fournir leur part, ce qui est juste.
Les entreprises comme Netflix, Amazon et Disney, entre autres, investissent déjà dans l'économie canadienne. C'est génial et nous en profitons tous. Le contenu est vraiment amusant. C'est de l'argent, ce sont des investissements importants dans notre pays. Nous sommes très contents qu'ils continuent à investir chez nous, à réaliser leurs projets au Canada.
Toutefois, il faut être honnête. Il y a aussi une raison pour laquelle ils investissent au Canada. Ils le font parce qu'il y a des talents incroyables chez nous, que ce soit nos directeurs, nos acteurs ou nos techniciens. À tous points de vue, il y a des talents extraordinaires. C'est donc une bonne affaire de venir investir chez nous, au Canada.
Dans le fond, ce que fait le projet de loi , c'est qu'il met à jour des règles pour que l'ensemble des plateformes de diffusion contribuent à notre culture. C'est tout. Voilà ce qu'est le projet de loi.
[Traduction]
La Loi sur la diffusion continue en ligne aura pour effet de soumettre les diffuseurs en ligne à des règles et à des exigences semblables à celles qui régissent les diffuseurs traditionnels. En effet, contrairement aux diffuseurs traditionnels, les plateformes profitent de notre culture mais ne sont pas tenues d'y contribuer. L'argent qui était autrefois dirigé vers les diffuseurs traditionnels se dirige vers les plateformes un peu plus chaque jour, une situation qui met en péril nos créateurs, notre industrie et notre culture. Il faut agir.
Notre système doit aussi ouvrir la voie à de nouveaux artistes canadiens et à la relève. Le Canada regorge de personnes de talent. Pendant plusieurs décennies, le système actuel nous a permis de découvrir des artistes fantastiques que nous aimons tous. Beaucoup d'entre eux font résonner leur art dans le monde entier et sont connus partout. Il y a énormément de talent ici. Je pense par exemple à Anne... la maison aux pignons verts, au groupe The Tragically Hip, à C.R.A.Z.Y., à Drake, à Charlotte Cardin, à Lara Fabian, à Shawn Mendes, à District 31 et à Schitt's Creek.
[Français]
Je pourrais nommer tant d'autres succès de la télévision, du cinéma ou du milieu de la musique.
[Traduction]
Nous tenons à faire le nécessaire pour que nos enfants et les générations futures puissent, comme nous, grandir en regardant les histoires de notre pays et en écoutant ses chansons.
[Français]
La culture, c'est une forme d'expression extrêmement puissante et fondamentale. Elle nous permet de vivre ensemble des moments, des sentiments et des rêves. Elle nous permet de bâtir une identité commune. Elle a une portée et une influence plus grandes que jamais.
On doit pouvoir se reconnaître dans sa culture. Par exemple, nous, les francophones, comptons là-dessus pour notre langue, qui en dépend. Si nous voulons que nos enfants parlent notre langue, nous avons besoin d'une culture forte. Pour cela, il faut un système qui est à la fois juste et équitable.
[Traduction]
Les peuples autochtones comptent aussi là-dessus. La diversité et l'inclusion sont des valeurs canadiennes; elles doivent occuper une place centrale dans notre politique culturelle. C'est l'un des grands piliers de la Loi sur la diffusion continue en ligne. Les Canadiens racisés, les femmes, les personnes LGBTQ2+ et les personnes handicapées méritent d'avoir un espace où raconter leurs histoires à d'autres Canadiens et au monde entier.
Ce projet de loi vise à prendre cet espace et à voir à ce que les plateformes de diffusion continue en ligne contribuent à la culture canadienne, à notre culture.
[Français]
En ce moment, nos diffuseurs canadiens sont soumis à un ensemble de règles, alors que les plateformes de diffusion en continu sont soumises à un autre ensemble de règles. Ce devrait être équitable pour tous et c'est exactement ce que nous allons faire avec le projet de . Si l'on profite du système, il faut contribuer au système.
[Traduction]
Il est vrai que, lors de la dernière législature, il y a eu d’importants débats au sujet du rôle des médias sociaux dans le soutien des artistes canadiens et de la culture canadienne. C’est pour cela que nous avons écouté les préoccupations concernant les médias sociaux et nous avons corrigé le problème.
Pour donner suite à ce débat, le projet de loi énonce clairement que l’organisme de réglementation n’aurait aucun pouvoir sur l’usage des réseaux sociaux par les Canadiens chaque jour. Soyons clairs. Notre projet de loi et nos politiques ne visent pas à encadrer les utilisateurs ou les créateurs sur Internet, ni les créateurs essentiellement numériques, ni les influenceurs, ni les utilisateurs. Les nouvelles responsabilités prévues par cette loi ne s’appliqueraient qu’aux entreprises de diffusion en continu en ligne. C’est notre objectif et nous l’atteindrons.
Comment? Notre nouvelle démarche pour les médias sociaux prend en compte les préoccupations liées à la liberté d’expression. En même temps, elle reconnaît que la diffusion de musique se fait en grande partie sur Internet. C’est pour cette raison que le projet de loi comprend des mises à jour très importantes qui concernent particulièrement certains types de contenu commercial. En effet, une étude menée par l’Observateur des technologies médias en 2020 a constaté que deux tiers des Canadiens adultes utilisent YouTube pour écouter de la musique, soit une plus grande part d’auditeurs que les services spécialisés en diffusion de musique comme Apple Music et Spotify.
Les modifications touchant les médias sociaux que l'on trouve dans la Loi sur la diffusion continue en ligne ne s'appliqueront pas au contenu téléversé par les utilisateurs ni à ces derniers. Elles s'appliqueront uniquement au contenu commercial qui répond aux critères bien précis qui sont énoncés dans le texte. Cela répond aux demandes du milieu musical, selon lequel les plateformes qui diffusent de la musique commerciale doivent contribuer au système. Il s'agit d'une façon créative d'y parvenir. Nous balisons le cadre à l'intérieur duquel les autorités réglementaires devront travailler. Car il y en a, des balises, et il s'agit d'un compromis, d'un geste de bonne foi de la part du gouvernement.
J'ai rencontré de nombreux créateurs de contenu destiné aux médias sociaux, dont des youtubeurs et des créateurs essentiellement numériques, et j'ai écouté ce qu'ils avaient à dire. J'ai beaucoup aimé notre discussion. Ce sont des gens formidables. Ils travaillent de partout dans le monde, ils sont créatifs et ils m'épatent. J'ai bien compris ce qu'ils voulaient me dire et je continuerai de les écouter. Ces créateurs font voir et entendre du contenu extraordinaire aux publics d'ici, bien évidemment, mais aussi d'ailleurs, comme je le disais. Ce ne sont toutefois pas eux que le projet de loi cherche à encadrer. Ils n'auront rien de nouveau à faire et rien ne changera pour eux.
Je vais le répéter une dernière fois au cas où je n'aurais pas été assez clair: une fois que ce projet de loi aura franchi toutes les étapes du processus parlementaire et qu'il aura reçu la sanction royale, nous transmettrons une directive aux autorités réglementaires afin qu'elles sachent hors de tout doute que ce texte législatif ne s'applique pas aux usagers, mais seulement aux plateformes de diffusion en continu. Les plateformes oui, les usagers, non.
Je tiens absolument à ce que l'on me comprenne bien: cette loi ne déterminera jamais ce que les Canadiens peuvent ou non regarder en ligne. Ils pourront toujours choisir ce qu'ils veulent écouter et regarder. Les usagers ne sont pas des radiodiffuseurs. Le contenu en ligne ne sera pas réglementé, pas plus que celui créé par un créateur en particulier. C'est simple, mais je le répète encore une fois, au cas où: les plateformes oui, les usagers non.
[Français]
L'objectif de mettre à jour notre système n'a pas changé. Il faut le mettre à jour. L'année 1991, c'était il y a longtemps.
En tant que pays, nous avons fait le choix, il y a plusieurs décennies, de protéger notre identité culturelle pour que nos artistes et nos créateurs aient leur place sur nos ondes et rayonnent chez nous, et partout sur la planète. C'est pourquoi, comme condition à l'obtention d'une licence, les radiodiffuseurs ont dû investir dans la création de contenu canadien et le mettre en valeur.
Notre objectif, ici, nous l'avons dit plus d'une fois, est que tous contribuent à la culture canadienne, qu'ils mettent en valeur la musique, les émissions et les films de chez nous. L'objectif n'a pas changé, c'est le milieu, le marché et les choses qui ont changé. Il est temps qu'on s'adapte à cela. On n'est plus en 1991.
Depuis sa dernière réforme majeure, en 1991, le système a bien servi les Canadiens et les Canadiennes, en créant un espace distinct pour notre culture. Grâce à ce système, des générations de Canadiens ont grandi en écoutant de la musique canadienne à la radio, en regardant des films canadiens à la télé, des générations d'artistes ont pu diffuser leur art et toucher la vie de tant de Canadiens. Maintenant que l'Internet a ouvert de nouvelles connexions culturelles, nous voulons que le succès culturel du Canada se poursuive, s'amplifie et s'accélère. On n'en a jamais eu autant besoin. Je dirais que c'est maintenant ou jamais.
On l'a dit, on l'a vu et on l'a vécu: la COVID‑19 a accéléré notre transition en ligne, pour tout un chacun d'entre nous, j'en suis certain. La distanciation physique a poussé les Canadiens vers des plateformes et les services de diffusion en ligne. Les Canadiens communiquent avec leurs amis et leur famille en ligne et des millions de personnes font du télétravail. Les étudiants, dont ma fille, suivent leur cours en ligne et, en ces temps difficiles, beaucoup d'entre nous s'évadent grâce à la musique, aux séries et aux films en ligne.
[Traduction]
À cause de la pandémie, les artistes et les créateurs canadiens doivent faire face à de nombreuses difficultés qui diminuent grandement leurs sources de revenus depuis près de deux ans. Un système déséquilibré où les obligations ne sont pas les mêmes pour tous ne fait qu'aggraver la situation pour les artistes, les créateurs et la culture au Canada. Avec la diminution des ressources, des débouchés et des productions, il sera de plus en plus difficile d'accéder à de la musique et à des émissions canadiennes, et nous ne voulons pas cela. Nous voulons le contraire. Sans intervention, les tendances actuelles sur le marché devraient mener, d'ici 2023, à un recul dans la production de contenu télévisuel canadien de près de 1 milliard de dollars comparativement à 2018, et ce n'est qu'une estimation des pertes économiques. En réalité, c'est notre identité culturelle qui est en jeu.
[Français]
Un espace distinct permet de nous parler, de nous comprendre, de bâtir l'identité canadienne qui est la nôtre, et cela nous aide à trouver ensemble des solutions aux enjeux nationaux. Au fur et à mesure que notre espace s'érode, que nos liens s'effacent, que nos histoires, nos valeurs et nos perspectives s'estompent, il y a un problème, et ne pas agir n'est pas une option.
Nous avons agi et nous allons continuer d'agir pour protéger notre culture, nos emplois, nos créateurs et la voix des Canadiens.
La loi sur la diffusion continue en ligne va contribuer directement à la vitalité de la culture canadienne. Nous voulons simplement que les diffuseurs en ligne fassent leur juste part, pas plus, pas moins, dans le financement, la création, la production, la distribution de contenus d'ici. La loi va permettre d'assurer l'avenir de la radiodiffusion canadienne en plus de promouvoir et de protéger notre souveraineté culturelle.
[Traduction]
Ce projet de loi est le résultat de plusieurs années de travail et de consultations auprès des Canadiens, de l'industrie, des intervenants et des parlementaires, et je tiens à les remercier de leur excellent travail et de nous avoir fait part de leurs observations judicieuses. Alors que nous commençons le débat sur ce projet de loi très important, n'oublions que, au bout du compte, il faut moderniser notre système en fonction du contexte numérique actuel.
Les choses ont changé, et les plateformes de diffusion en continu sont les nouveaux grands joueurs. Avec ce projet de loi, nous pourrions veiller à ce que tout le monde contribue à notre culture selon des modalités similaires et équitables. Les objectifs de notre politique sur la culture et la radiodiffusion n'ont pas changé. Nous voulons un secteur culturel équitable qui offre de bons emplois pour la classe moyenne. Il faut pouvoir façonner la culture de façon à ce que tout le monde puisse s'y reconnaître. Il faut que nous puissions être fiers de notre identité canadienne.
:
Monsieur le Président, c'est un grand honneur de prendre la parole à la Chambre à titre de porte-parole conservateur en ce qui concerne le patrimoine canadien et de présenter la réponse de l'opposition officielle au projet de loi .
Je veux commencer par souligner et célébrer l'apport de nos créateurs: les artistes, les acteurs, les musiciens et tous ceux qui travaillent dans le domaine des arts, de la culture et du patrimoine du Canada. Il ne fait aucun doute que le Canada abrite des talents de renommée mondiale qui ont trouvé le succès chez nous et dans le monde entier.
Qui plus est, nous continuons de voir se développer de jeunes talents qui contribueront à notre culture nationale pour les années à venir. Cela est particulièrement vrai pour les talents québécois et francophones exceptionnels que nous voulons tous voir s'épanouir.
Ces créateurs et artistes méritent d'être traités équitablement et de disposer des outils nécessaires à leur réussite. Ils méritent de bénéficier d'un environnement économique qui leur permet d'être rémunérés équitablement pour leurs œuvres lorsqu'ils racontent nos histoires. Ils racontent nos histoires en musique, par écrit, au grand écran et à la télévision, et de plus en plus en ligne.
[Traduction]
La Loi sur la radiodiffusion n'a pas été modifiée de manière significative depuis 1991. Croyez-le ou non, les choses ont changé un brin depuis ce temps. Quand j'étais un petit garçon de sept ans, en 1991, l'expression « N'oubliez pas de rembobiner » était représentative d'une grande partie du monde de la télédiffusion. Maintenant, trois décennies plus tard, en tant que législateur, je peux dire que les choses ont bien changé. La technologie a évolué et la manière dont les Canadiens regardent les histoires canadiennes a changé.
Ce qui n'a pas changé, comme on l'a souligné, c'est le cadre législatif et réglementaire qui régit le secteur. Le gouvernement du Canada et, par son intermédiaire, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications doivent moderniser leur approche à l'égard des arts, de la culture et des médias pour mieux refléter les réalités de la troisième décennie du XXIe siècle. Comme le savent bon nombre de députés, ma circonscription abrite de grandes institutions canadiennes de la culture, notamment le Festival de Stratford, la compagnie de théâtre Drayton Entertainment et le Musée et Temple de la renommée du baseball canadien. De plus, notre collectivité a une scène musicale dynamique grâce aux événements comme le festival Stratford Summer Music; elle attire de plus en plus de projets de production télévisuelle et cinématographique.
Lorsqu'on m'a demandé d'être le ministre du cabinet fantôme en matière de patrimoine canadien, j'ai été très honoré d'accepter. Ce poste m'a donné une occasion remarquable de rencontrer beaucoup d'intervenants du domaine des arts et de la culture de partout au Canada. J'ai rencontré beaucoup d'artistes, de musiciens et de créateurs qui ont vraiment à cœur l'avenir de l'industrie et qui s'intéressent beaucoup à ce projet de loi en particulier.
[Français]
L'opposition conservatrice convient que le système actuel est désuet. Cependant, nous avons vu le gouvernement échouer et vaciller dans ses efforts pour moderniser la Loi sur la radiodiffusion, s'adapter au nouveau monde numérique dans lequel nous vivons et se préparer aux perturbations futures du paysage que nous ne pouvons même pas prévoir aujourd'hui.
[Traduction]
Voici ce que le gouvernement et le CRTC devraient faire. Ils devraient s'assurer de ne pas entraver la prochaine perturbation ou la prochaine innovation. Ils devraient plutôt établir les règles de base afin que, lorsque la prochaine perturbation ou la prochaine innovation surviendra, elle se produise ici, au Canada, et qu'elle permette aux Canadiens et aux créateurs canadiens d'en profiter et d'exporter notre talent de premier ordre partout sur la planète.
Selon notre plateforme électorale de 2021, un gouvernement conservateur procéderait à un examen complet du CRTC afin de veiller à ce qu'il reflète mieux les besoins des Canadiens et qu'il n'empêche pas les diffuseurs canadiens d'innover ou de s'adapter aux changements du marché. Parlant de plateformes électorales, je tiens à ce que la position de l'opposition conservatrice soit claire en ce qui concerne les mises à jour de la Loi sur la radiodiffusion portant sur les services étrangers de diffusion continue.
[Français]
Notre plateforme a dit clairement que nous soutiendrions une mesure législative mettant à jour la Loi sur la radiodiffusion, afin de répondre aux réalités du marché de plus en plus en ligne et à la nécessité de donner une certitude aux entreprises et un choix aux consommateurs.
Notre approche va exiger que les grands services de diffusion continue comme Netflix, Disney+ et Amazon Prime réinvestissent une part considérable de leur revenu brut canadien à la production de programmation originale au Canada, dont une part fixe sera en langue française.
S'ils ne le font pas de leur plein gré pendant une année donnée, ils devront verser la différence au Fonds des médias du Canada. La proportion choisie variera selon la nature du service et sera déterminée selon les meilleures pratiques d'autres pays, dont l'Europe et l'Australie, et selon la nature du marché canadien.
Les exigences sur le réinvestissement dans le contenu vont aussi reconnaître et encourager les partenariats avec des producteurs canadiens indépendants.
[Traduction]
Nous avons également énoncé très clairement dans notre plateforme que nous le ferions en veillant à ce que les Canadiens qui téléversent du contenu sur les plateformes de médias sociaux continuent de jouir de la liberté de parole et de la capacité de s'exprimer librement dans les limites de la loi canadienne.
Soyons clairs. La plupart des Canadiens s'attendent à ce que les grands fournisseurs étrangers de services de diffusion en continu ne bénéficient pas d'avantages par rapport au secteur canadien réglementé de la radiodiffusion. Ils comprennent que ce ne devrait pas être le cas. Les grands fournisseurs étrangers de services de diffusion en continu doivent payer leur juste part. En outre, il est logique de s'attendre à ce que ceux qui bénéficient du régime de réglementation du Canada contribuent également au contenu canadien. Nous voulons voir des Canadiens raconter des histoires canadiennes.
On a beaucoup parlé des origines de l'actuel régime de réglementation. Après avoir passé en revue les interventions d'anciens collègues sur ce sujet, j'ai été attiré par les commentaires qui ont été faits le 3 novembre 1989 par l'honorable Marcel Masse, ministre des Communications de l'époque. À la page 5 546 du hansard, le ministre Masse dit ceci:
Évoquons [...] la trame évolutive de notre système de radiodiffusion. D'où vient-elle? Qu'est-ce qui la caractérise? Depuis ses tout débuts, la radiodiffusion canadienne a dû s'ajuster à nos réalités: proximité avec les États‑Unis, immensité du territoire, peuplement épars, dualité linguistique. Toutes les mesures prises par les pouvoirs publics depuis le début du siècle s'expliquent par la nature de ces défis économiques, sociaux et culturels, fondement du projet de loi que nous débattons aujourd'hui.
Le ministre a ajouté:
Ce qui a changé en revanche c'est, d'une part, la technologie des communications et d'autre part, l'évolution significative des valeurs entretenues par les Canadiens.
À mon avis, même si elles ne mentionnent pas l'importance de prendre en considération la culture et les langues autochtones, ces remarques faites à la Chambre le 3 novembre 1989 reflètent toujours fidèlement les défis que posent le système canadien de radiodiffusion et les possibilités qu'il offre.
Puisque nous parlons du passé, j'aimerais parler de quelque chose qui s'est produit plus récemment qu'en 1989, soit durant la législature précédente, avec l'ancien projet de loi . Tous les députés et de nombreux Canadiens qui suivent le débat se souviendront qu'il s'agissait d'une des mesures les plus mal gérées et rédigées jamais présentées par l'actuel gouvernement.
Le projet de loi prend le relais du projet de loi , une mesure législative boiteuse qui avait fait les manchettes pour les mauvaises raisons. Que ce soit lors de la rédaction du projet de loi, de sa présentation ou de sa troisième lecture, le gouvernement semblait avoir pris toutes les mauvaises décisions.
Les conservateurs n'étaient pas les seuls à émettre des réserves sur le projet de loi . De nombreuses personnes et organisations s'inquiétaient pour la liberté d'expression et craignaient vivement que cette mesure législative permette une ingérence excessive de la part du gouvernement. Le professeur Michael Geist de l'Université d'Ottawa, titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, a déclaré que le projet de loi C-10 représente « une approche réglementaire exceptionnellement autoritaire, dans le cadre de laquelle un organisme de réglementation nommé par le gouvernement établirait les priorités en ce qui concerne le contenu créé par les utilisateurs ».
Il a ajouté que « personne, littéralement aucun autre pays, n'a recours à la réglementation de la radiodiffusion pour réglementer de cette manière le contenu généré par les utilisateurs ». Même le Sénat, qui est désormais rempli d'une multitude de sénateurs qui ont été nommés par le libéral actuel et qui partagent habituellement son programme et son idéologie, a refusé d'adopter le projet de loi avant que le premier ministre déclenche des élections inutiles à l'été 2021 pour tenter de s'emparer du pouvoir.
L'une des principales lacunes de l'ancien projet de loi concernait le contenu généré par les utilisateurs, dont je parlerai beaucoup dans mon intervention et dont nous entendrons beaucoup parler tout au long du débat. Initialement, le projet de loi prévoyait une exception, proposée à l'article 4.1, qui aurait permis aux personnes générant du contenu sur des sites de médias sociaux comme YouTube et d'autres sites de diffusion de contenu d'être exemptées de la loi. Toutefois, lors de l'étude en comité, les députés ministériels ont retiré cette exclusion, ce qui signifie que le CRTC aurait pu réglementer le contenu publié par des utilisateurs sur les sites de médias sociaux.
Pour compliquer davantage les choses, le projet de loi proposait d'accorder des pouvoirs nébuleux au CRTC sans que ce dernier ait de comptes à rendre. En effet, le projet de loi C‑10 proposait d'accorder de nouveaux pouvoirs très larges au CRTC, mais il ne donnait aucune orientation claire pour déterminer en quoi consisteraient ces règlements. La surveillance gouvernementale étant pratiquement inexistante, il était inquiétant qu'un organisme gouvernemental n'ayant aucun compte à rendre impose et contrôle ce que les gens voient ou non sur les sites de médias sociaux, ce qui nous amène au projet de loi dont la Chambre est actuellement saisie, soit le projet de loi .
Je trouve un peu paradoxal que ce projet de loi ait été présenté le 2 février, jour de la Marmotte, car j'ai vraiment une impression de déjà-vu. Lorsque j'ai été nommé ministre du Patrimoine canadien au sein du cabinet fantôme, j'ai écrit au , je lui ai parlé, et j'ai eu avec lui des conversations excellentes et productives. Je l'ai vivement encouragé à faire deux choses. La première, c'était de ne pas présenter de nouveau l'ancien projet de loi , une mesure boiteuse, sans le modifier. J'ai aussi demandé une deuxième chose qui m'apparaissait importante: j'ai demandé, si le ministre présentait des modifications à la Loi sur la radiodiffusion, que le gouvernement n'entrave pas le travail du Comité permanent du patrimoine canadien, et que les parlementaires puissent examiner adéquatement la mesure proposée et, au besoin, apporter des amendements. Je l'espère encore.
Maintenant, parlons un peu de ce que ce projet de loi n'accomplirait pas. Il ne réduirait pas le fardeau réglementaire ni les coûts avec lesquels les diffuseurs canadiens en place doivent composer. Pourtant, le gouvernement pourrait dès aujourd'hui soutenir les diffuseurs canadiens en adoptant des politiques conservatrices.
Comme je l'ai déjà dit à la Chambre et ailleurs, on devrait éliminer les droits de licence de la partie II imposés par le CRTC. Ces frais sont, en fait, une taxe imposée aux diffuseurs canadiens. Ils ont pour seul effet de fournir des revenus supplémentaires aux autorités réglementaires et, du même coup, au gouvernement du Canada. Soulignons que pendant l'exercice financier 2019-2020, les droits de licence de la partie II ont totalisé 116 594 742 de dollars. Pendant l'exercice financier 2018-2019, ils étaient de 113 millions de dollars. C'est donc dire que, seulement pendant cette période de deux ans, un quart de milliard de dollars s'est retrouvé dans les coffres du CRTC au lieu de contribuer à une programmation canadienne. Le projet de loi à l'étude n'éliminerait malheureusement pas les droits de licence de la partie II.
Comme j’y ai fait allusion tout à l’heure, nous parlerons beaucoup du contenu généré par les utilisateurs. Dans l’ancien projet de loi , il y avait une exclusion pour le contenu généré par les utilisateurs, et cette exclusion a été retirée à l’étape de l'étude en comité, pendant la mêlée de la lecture article par article du projet de loi C‑10. Dans le projet de loi , le gouvernement a réintroduit une exclusion du contenu généré par les utilisateurs sur les médias sociaux, qui est proposée à l’article 4.1. Par contre, dans ce que l'on pourrait qualifier de comble du jargon administratif, les libéraux ont ajouté une exclusion à l’exclusion à l’article 4.2 proposé. Cette exclusion est si vague que le gouvernement, par l’entremise du CRTC, pourrait encore une fois réglementer de larges pans du contenu téléversé sur les médias sociaux.
Je veux citer des intervenants importants du milieu. Matt Hatfield du site Open Media a affirmé ceci:
Essayer d’exclure le contenu généré par les utilisateurs de la responsabilité du CRTC est une bonne chose, et cela veut dire que le gouvernement reconnaît que le projet de loi C‑10 de l’an dernier était une erreur. [...] Le problème, c’est qu’il n’est pas clair que le gouvernement ait vraiment exclu ce contenu. Il part du principe qu’il y a une distinction nette entre le contenu amateur et le contenu professionnel en ligne, et cette distinction n’existe tout simplement pas. Les grandes entreprises de production de contenu en ligne canadiennes, comme les baladodiffuseurs, pourraient se retrouver dans la pire des situations: être assujetties aux règlements du CRTC, mais ne pas pouvoir recevoir de financement pour produire du contenu canadien.
Ce qui m’inquiète, et ce qui inquiète l’opposition officielle, c’est l’impact que cela aura sur les créateurs, en particulier les créateurs numériques, qui ont obtenu du succès sur la toile et que nous devrions encourager plutôt qu’entraver.
Selon un rapport de recherche publié en 2019 par l’Université Ryerson, « il y a environ 160 000 créateurs de contenu canadiens sur YouTube, dont 40 000 ont un public assez vaste pour monétiser leur chaîne. Ces 40 000 créateurs ont entraîné la création de près de 28 000 emplois à temps plein. » Je le répète, 28 000 emplois à temps plein découlent de ces créateurs numériques canadiens. Ce n’est là qu’un petit exemple, un aspect économique positif que nous pourrions atteindre grâce aux nouveaux médias.
Il n'y a pas que les politiciens conservateurs qui ont des préoccupations à propos de l'impact de cette mesure législative sur les créateurs numériques. Les conservateurs soulèvent ces préoccupations au nom de tous les créateurs d'un bout à l'autre du Canada.
Scott Benzie, directeur général de Digital First Canada, a dit ceci à propos du projet de loi : « Selon les créateurs numériques, le projet de loi C‑11 comporte encore divers problèmes. Les balises qui régissent le CRTC ne sont pas assez précises et, par conséquent, tout le contenu en ligne pourrait être visé. La plus grande inquiétude réside dans le fait que le projet de loi offre toujours la latitude nécessaire au gouvernement pour forcer les plateformes à manipuler artificiellement les algorithmes pour faire passer le contenu canadien “approuvé” devant le contenu canadien indépendant. Même dans le meilleur des scénarios, ce projet de loi apporte seulement des effets négatifs pour les créateurs numériques, alors que les créateurs de l'industrie des médias traditionnels voient leur financement doublé. »
Il y a aussi Morghan Fortier, présidente-directrice générale de Skyship Entertainment, qui a fait la déclaration suivante: « Au Canada, les créateurs numériques ont bâti une industrie dynamique et florissante sur des plateformes comme YouTube, TikTok et autres qui exportent une quantité gigantesque de contenu canadien vers l'étranger. Les recettes de ces créateurs qui se trouvent au Canada proviennent d'autres pays et ceux-ci s'en servent pour embaucher des travailleurs canadiens, en plus de payer les impôts au Canada. Ils y sont arrivés grâce à leur esprit d'entreprise et à leurs efforts acharnés, et ce, pratiquement sans aide ni intervention gouvernementale. Leur réussite doit être soutenue, célébrée et encouragée. »
Je sais qu'il me reste peu de temps, mais il y a certains éléments du projet de loi que je tiens à aborder avant de terminer, à commercer par les vastes pouvoirs qu'il accorde au CRTC. Les parlementaires ont pour tâche d'examiner et de décortiquer les propositions du gouvernement. Le problème, avec ce texte, c'est l'ampleur des pouvoirs réglementaires qu'il va déléguer à une autre entité, en l'occurrence le CRTC, et ce, sans aucune directive claire de la part du gouvernement, du moins jusqu'à présent, sur la manière dont ces pouvoirs doivent être interprétés.
En général, les gens qui demandent qu'on leur fasse confiance n'inspirent pas trop confiance. Prenons par exemple la notion de découvrabilité. Elle est tellement vaste et floue que les Canadiens auront toutes les raisons de s'interroger sur la nature du contenu qui, de l'avis du CRTC, devrait être consulté en priorité par les Canadiens, donc par extension, sur la nature du contenu non prioritaire.
Les Canadiens veulent en outre savoir ce qui constitue du contenu canadien dans le monde numérique actuel. Comme je le disais plus tôt, nous voulons que les Canadiens racontent des histoires canadiennes, mais rien ne nous dit comment le CRTC s'y prendra pour ajuster ses critères afin que les véritables histoires canadiennes soient couvertes par les règles sur le contenu canadien.
La position de l'opposition officielle concernant ce projet de loi est sans équivoque. Nous ne l'appuierons pas à l'étape de la deuxième lecture, mais nous comptons tout de même nous acquitter des responsabilités qui nous incombent à titre de loyale opposition de Sa Majesté en proposant des amendements raisonnables au comité. L'opposition conservatrice sera là pour défendre les intérêts des créateurs, des artistes et des radiodiffuseurs canadiens et elle n'hésitera pas à poser des questions difficiles et à faire ressortir les problèmes dignes de mention, que ce soit ici ou en comité.
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Monsieur le Président, c'est avec honneur et humilité que je prends la parole aujourd'hui afin de discuter de la finalité des moyens d'un projet de loi d'une telle importance pour les créateurs et les citoyens québécois et canadiens. Je vais me permettre un petit détour par quelques éléments conceptuels, puis je vais offrir quelques recommandations pratiques.
Il est temps que l'on sorte de l'âge de pierre et que nous arrimions le Canada au monde entier. La plupart d'entre nous seront d'accord sur cet impératif. Nous sommes aussi d'accord que, ce faisant, nous devons absolument protéger les artistes qui sont les transmetteurs vivants de notre culture. Avant de se hâter rapidement, il convient de se hâter lentement et quelques réflexions s'imposent.
Au siècle dernier, c'est‑à‑dire lors de la rédaction de l'actuelle Loi sur la radiodiffusion, le monde était tout autre. La guerre avait tracé des nouvelles lignes entre les pays. Les seuls moyens de s'informer à l'époque étaient la radio ou la télévision.
Certains philosophes anciens ou classiques avaient postulé que l'espace et le temps étaient les deux seuls éléments sans lesquels rien n'était possible. En effet, un événement doit survenir quelque part et à un moment donné. Il ne peut pas survenir nulle part ni jamais, parce que ce ne serait pas un événement. Rien ne pouvait donc être pensé sans l'espace ni le temps.
À l'époque, beaucoup se sont amusés à demander combien de temps un oiseau qui vole dans le ciel mettrait à tomber au sol s'il n'y avait pas de temps. La réponse est qu'il ne mettrait aucun temps, puisqu'il ne tomberait pas en l'absence de temps. C'est un peu l'idée, mais, cela, c'était avant Internet.
Internet est venu abolir les notions d'espace et de temps. Il est à la fois nulle part et partout et sa durée s'appelle toujours. Pour nous qui sommes habitués à penser de manière cartésienne, nous sommes parfois déstabilisés par Internet parce qu'il n'a pas de centre. On a beau l'appeler la Toile, il n'a pas de centre.
En matière de législation, quelque chose qu'on ne peut pas situer, c'est difficile. J'y reviendrai un peu plus tard. Il convient de changer nos paradigmes si on veut parler d'Internet, qui est nulle part et partout, et de réglementation, qui se situe quelque part par sa nature même.
Pour ce faire, je vais proposer une autre référence philosophique, Héraclite, qui nous a donné une phrase très courte de trois mots simples: « tout est un ». Internet, c'est un peu cela, tout est un. La géographie et la temporalité sont abolies, c'est nulle part et partout, toujours et jamais. Que faire alors en matière de réglementation?
Dans le projet de loi , on parle d'accroître les pouvoirs du CRTC. Je me demande si c'est la solution. Ne devrait-on pas plutôt, à l'instar d'autres instances gouvernementales, envisager la création d'une agence séparée, dédiée et composée de spécialistes du numérique?
Il faut souvent rappeler à l'État canadien que c'est l'État qui définit les règles, pas les entreprises. Le passé nous donne des raisons de douter aujourd'hui. Dans le cas du monde numérique, il est temps que l'État fasse plus que simplement constater les dégâts.
Qu'attendrait‑on d'une nouvelle agence du numérique? Évidemment, on en attendrait de la transparence, qui inspire la confiance. Il faut aussi rappeler que la confiance n'exclut pas le contrôle. On devrait être capable de vérifier ce qui se passe et on doit pouvoir responsabiliser les entreprises en question.
Avec le projet de loi C‑11, l'État va avoir la tâche titanesque de convaincre et d'obliger des géants du Web à consentir à un équilibre entre leurs intérêts commerciaux et l'intérêt public. Ce n'est pas une mince tâche. Cela prend 14 lignes dans le projet de loi C‑11, mais ce n'est pas fait.
Il m'a semblé surprenant que ces mêmes géants du Web nous répondent toujours qu'il ne faut jamais cesser d'innover et qu'on doit suivre. Or, on ne peut pas tout faire au nom de l'innovation. Il y a des innovations qui ne devraient peut‑être pas voir le jour. Au nom de l'innovation, on ne peut pas gommer une langue ou la cacher derrière un algorithme faussé qui donne automatiquement des résultats discriminatoires pour certaines populations. On ne peut pas faire cela au nom de l'innovation. Au nom de l'innovation, on ne peut pas capter les données des citoyens sans rien leur donner en retour. On ne peut pas faire cela. Au nom de l'innovation, on ne peut pas laisser s'installer un capitalisme de surveillance.
Plusieurs des amendements proposés par le Bloc québécois à l'ancien projet de loi se retrouvent dans l'actuel projet de loi C‑11 et cela nous réjouit. Toutefois, cette réjouissance ne devrait pas empêcher la vigilance ni la pensée critique.
Quelquefois, entre les deux versions, ce ne sont que quelques mots qui ont changé. Or, on peut changer le sort du monde avec un mot. Un mot, c'est la construction d'un son et d'un sens. Il faut prendre garde parce que, parfois, on a vidé les mots de leur sens et ce ne sont plus que des sons. C'est donc un langage vide.
Orwell disait il y a longtemps que moins grand est le nombre des mots, moins grande est la tentation de réfléchir.
Je le fais en aparté, mais, à l'époque de la rédaction de la première bible en anglais, la Bible du Roi Jacques, il y avait environ 6 000 mots dans l'univers du langage. Shakespeare avait 150 000 mots dans son univers langagier.
De nos jours, on a environ 750 000 mots avec lesquels on peut composer des phrases, de la poésie, de la littérature et de la musique. Toutefois, au même moment, le lexique de Donald Trump était de 200 mots. Avec 200 mots, on ne peut que faire des idées brutes.
Préserver la langue, le langage et la culture, voilà donc ce à quoi servent les mots; faire de la nuance, pouvoir vivre, être cultivé. Les mots ne doivent pas disparaître. Ils sont les instruments avec lesquels on peut dire la culture et l'histoire.
Or revenons sur terre un instant. Je conçois que ce bout était un peu dans les nuages. Alors que le monde se numérise de plus en plus chaque jour, il est impensable que les grands acteurs médiatiques, qui sont les géants du Web, n'aient que peu d'obligations envers les citoyens et les États qui les rendent riches.
Par le passé, le gouvernement canadien a été faible par rapport aux géants du Web. J'aimerais lui rappeler que, en tant que gouvernement canadien, il a le pouvoir d'être fort et que c'est son devoir de s'assurer que les géants du Web paient leur juste part.
Plusieurs personnes ont parlé de la juste part aujourd'hui. Cependant, la juste part n'est pas ce que les géants du Web consentent à payer. Ce n'est pas tout à fait cela. Il faut qu'ils paient leur juste part en taxes. Il faut qu'ils paient leur juste part dans la production des contenus canadiens. Il faut qu'ils paient la juste part dans le but de rémunérer les créateurs de contenu. La juste part, ce n'est pas l'égalité, c'est de pouvoir accorder la juste mesure de ce qui est dû à chacun.
Ce ne sera pas facile. Il faudra prendre garde, parce que les géants du Web ne sont pas rendus des géants pour rien. Ils ont l'habitude de décider eux-mêmes ce qu'est leur juste part. Il faudra donc être vigilant.
Dans ce monde où nos références à l'espace et au temps sont à repenser, le gouvernement du Canada, par son projet de loi , devra s'assurer de ne pas penser ce projet de loi en solitaire. Il devra arrimer ses instruments de régulation avec nos voisins proches que sont les nations du monde entier. Plusieurs instances, notamment la communauté européenne, ont déjà réfléchi sur ces éléments. Certains pays anglo-saxons ont fait de même. J'invite le gouvernement à s'inspirer d'au moins ces deux sources, parce que les sources anglo-saxonnes sont très similaires.
Je terminerai sur ce point: on ne doit jamais céder sans combattre. Je crois que le projet de loi C‑11 est un bon projet de loi, qu'il faut le modifier pour augmenter un peu sa portée et la façon dont on peut lui donner du mordant, et que la création d'une agence dédiée serait appropriée.
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Monsieur le Président, je suis très content de prendre la parole sur cet enjeu.
En ce moment, je suis député, un homme politique, mais, dans une vie antérieure, j'étais comédien et artiste. J'ai participé à de nombreux films et à de nombreuses téléséries. J'ai eu des compagnies de théâtre. Le sort de la culture et des artistes me préoccupent évidemment beaucoup. C'est justement ce dont je veux parler aujourd'hui: la culture.
Je ne veux pas m'enfarger dans les détails techniques, les algorithmes, les streamings. Je veux essayer de centrer le débat sur ce dont il est question dans le projet de loi . Pour moi, ce qui est en jeu là-dedans, c'est la culture québécoise.
Je m'excuse d'avance auprès des interprètes. J'ai écrit un texte en lien avec la culture québécoise, mais je pense qu'ils vont avoir beaucoup de difficulté à interpréter certains termes. Peut-être que mes collègues anglophones ne pourront pas comprendre de quoi je parle. Cependant, ce qui est important de comprendre, c'est que notre culture est minoritaire dans cette grande Amérique du Nord. On est dans une espèce de révolution technologique, et la culture québécoise est menacée.
Je commencerai par citer l'un de mes grands amis, le cinéaste Pierre Falardeau qui, en parlant de la culture, disait ceci:
Pour moi, c'est ça, la culture québécoise. C'est un contact direct, physique, profondément sensuel avec cette terre d'Amérique. La culture, c'est un paysage que te serre le cœur. C'est une montagne, un lac, une vallée qui remonte du fond de ta jeunesse. La culture québécoise, c'est un vers de Gaston Miron, [des images] de Pierre Perrault, la couleur de la neige dans un tableau de Clarence Gagnon. La culture, c'est aussi l'odeur de la cuisine de ma mère. C'est le hockey à la télévision, le samedi soir, frais lavé, frais peigné dans ton pyjama [de] flanellette qui sent le savon, [pis] le vent. La culture québécoise, c'est aussi mes tantes qui se faisaient exploiter à l'Imperial Tobacco à Saint‑Henri. C'est mon oncle, un immigrant lithuanien, qui marchait sur les mains. [C'était merveilleux]. La culture québécoise, c'est mon père, qui m'a montré la justice, la solidarité, l'amour de mon peuple. La culture, c'est les ruelles du bas d'la ville, les poings de Reggie Chartrand. C'est une chanson de la vieille France, qui te remonte de 400 ans en arrière, sans raison. C'est Champlain. C'est la courbure du toit de nos maisons. La culture québécoise, c'est la sauce à « spaghatte » de ma blonde, mon couscous du « Faubourg à m'lasse » et mes enfants qui chantent du rap en français. C'est ça, la culture. C'est mille petites affaires qui font la saveur de la vie.
Évidemment, il y a plein d'autres choses quand on parle de culture. La culture québécoise, c'est tout un vocabulaire. En fait, ce sont des vocabulaires pour dire chaque saison au Québec, comme on les dit nulle part ailleurs. À commencer par l'hiver, bien sûr, avec la chanson nationale des Québécois: « Mon pays, ce n'est pas un pays, c'est l'hiver ». La culture québécoise, c'est savoir faire la différence entre le frais, le frisquet, le froid et le frette. C'est pouvoir passer de la poudrerie à la pluie verglaçante, en passant par la sloche. C'est être prêt à attacher nos tuques avec de la broche, même si on en a ras le pompon et qu'on a peur de péter au frette, de pas passer l'hiver. Y a-t-il quelqu'un ailleurs dans le monde qui dit ça, « pas passer l'hiver »?
C'est aussi évidemment mille et une façons de s'émerveiller du printemps: des embâcles aux têtes de violon, en passant par les sucres. Au Québec, quand on dit « les sucres », il y a tout de suite des images et des odeurs qui débarquent. C'est en fait un monde et des souvenirs. Ça dit tellement dans un mot.
C'est communier à cette volonté farouche de s'écourticher dès les premiers rayons printaniers; pourtant, à la même la température, on va commencer à se mettre une petite laine, l'automne venu, comme si s'habiller pour le temps chaud pouvait aider à le faire arriver plus vite.
C'est aussi mille et une façons de savourer l'été: de la Saint‑Jean jusqu'aux confitures, en passant par les épluchettes, en s'épivardant dans la nature, de pourvoiries en ZEC, tant qu'on peut encore ouvrir les fenêtres partout.
C'est évidemment aussi mille et une façons d'apprécier l'automne, du temps des cerises au temps des couleurs. En essayant d'oublier le soleil perdu, en s'obstinant avec nos colocataires sur les trios que le grand club devrait mettre sur la glace pour le début de la saison, même après une saison de misère, on va même trouver que ça sent la coupe en première série de victoires. Nous, au Québec, même vide, une coupe, on trouve qu'elle sent quelque chose, mais, en ce moment, elle ne sent pas grand-chose.
Le père Noël et la Fée des dents sont peut-être universels, mais, au Québec, on a aussi des Séraphin, des Donalda, des Ti-Coune, des Lyne la pas fine et des Capitaine Bonhomme qui viennent se joindre à d'autres personnages encore plus mythiques, tellement mythiques qu'ils sont connus de tous sans que personne ne les ait jamais vus. On peut penser à Roger Bontemps, à Madame Blancheville et au toujours sympathique Joe Bleau, l'inconnu le plus célèbre au Québec. D'ailleurs, c'est intéressant, il vient sûrement de Saint-Glinglin.
Saint-Glinglin, c'est très particulier; tout le monde sait que c'est loin, mais personne ne sait où c'est. Il faut dire que le Québec est un pays bien « écartant » pour qui ne le connaît pas, avec notre frontière Est qui est sur la Côte-Nord et notre frontière Sud qui est dans les Cantons-de-l'Est. Il y a aussi nos arrondissements carrés et nos révolutions tranquilles. C'est un pays où on peut faire du pouce sur une idée et des verbes avec des mots d'église, même si, des fois, on se garde une petite gêne.
La culture québécoise, c'est plein de choses. Ce sont des images, la lumière d'un Jean-Paul Lemieux, l'envol d'un Riopelle, l'action d'un Krieghoff, le corps d'un Corno. C'est une esthétique qui ne pense même pas en être une. C'est une sorte de vibration entre la Flore laurentienne et L'Almanach du peuple.
La culture québécoise est parfois si intime qu'il y a des prénoms qui nous touchent sans qu'on ait rien à y rajouter. Si on dit Clémence au Québec, tout le monde sait qui c'est. On peut aussi penser à Janette, à Dédé, à Boucar, à Ginette et évidemment à Céline.
C'est aussi, malheureusement, toutes les histoires de malentendus politico-linguistiques avec le Canada anglais. Quand on dit « laïcité », c'est traduit dans les médias anglos comme « racisme ». Quand on dit « liberté académique », c'est traduit dans le Canada anglais comme « racisme ». Quand on parle de pérennité de la langue française, c'est aussi traduit comme « racisme ».
La culture québécoise, c'est une modernité qui se dit en français: clavardage, courriel, pourriel, balado, sans compter tous les mots qu'on a inventés en même temps que la chose elle-même. On peut penser à la motoneige, bien de chez nous. Il y a la souffleuse aussi, ou le tapis sauve-pantalon. On a inventé ça au Québec. N'oublions pas la poutine, le plat décadent national du Québec qui a conquis le monde. La culture québécoise, c'est tout ça.
Comme le dit le « tôuttt est dans tôuttt » et « tôuttt etô bôuttt » de Raôul Duguay, ou Ariane Moffatt avec son « Je veux tout », c'est cela qui est en jeu avec le projet de loi .
Si on laisse nos médias s'enliser encore plus dans la précarité, si on néglige de soutenir nos créateurs et nos plateformes, on va voir graduellement tous ces mots bien de chez nous s'effacer et tous ces référents culturels communs qui nous rassemblent encore aujourd'hui devenir étrangers à toute une nouvelle génération, dont celle de mes enfants. Cela briserait ainsi le lien qui nous unit à notre histoire et à tout ce qui fait ce que nous sommes aujourd'hui.
C'est le risque de passer d'un peuple à n'être plus qu'une clientèle parmi tant d'autres. Au temps des vents violents de la mondialisation technologique, une culture, en particulier une culture aussi minoritaire que la nôtre, c'est un humus précieux et délicat qui pourrait être balayé et désertifié. Ce serait alors priver la diversité du monde d'une couleur unique et irremplaçable, la nôtre. Ce serait dramatique pour le monde entier, parce qu'une culture qui meurt, c'est une perte pour toute l'humanité.
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Madame la Présidente, je connais un peu le projet de loi puisque j'ai beaucoup travaillé sur le projet de loi précédent, qui n'a pas été adopté au Sénat, le projet de loi , lequel abordait les mêmes enjeux. C'est une nouvelle mouture, mais il est presque identique au projet de loi C‑10 avec quelques modifications.
Pour planter le décor, je trouve cela important de parler d'équité fiscale. Hier, j'écoutais à la radio le grand économiste de gauche Thomas Piketty. Il nous rappelait que le fait de faire payer les ultra-riches, les milliardaires, les grandes compagnies, les géants du Web et les GAFAM de ce monde, c'est la clé pour être capable de créer des sociétés plus justes, plus égalitaires et des sociétés où nous pourrons payer les programmes sociaux pour prendre soin de nos gens, de nos communautés, de nos voisins et de nos voisines.
Ce projet de loi s'inscrit dans cette direction. Malheureusement, on a un gouvernement fédéral, conservateur ou libéral, qui n'a toujours pas agi pour que ces géants du Web paient leurs impôts au Canada. J'entends déjà le me dire que cela ne relève pas du ministère du Patrimoine, que cela relève du ministère des Finances. Je suis d'accord et je le sais.
Je dis simplement que nous avons un problème d'équité fiscale majeur qui nous empêche de faire les investissements nécessaires en santé, en éducation postsecondaire et dans nos infrastructures. C'est toujours les travailleurs et les travailleuses de la classe moyenne qui paient pour cela, alors que les plus riches s'en sauvent et vont cacher leur argent dans les paradis fiscaux. Les grandes compagnies comme les géants du Web ne paient pas encore leur impôt au Canada. C'est un scandale absolu et nous devrions tous être particulièrement indignés de cela.
J'invite et j'incite le gouvernement fédéral à écouter les revendications des gens de gauche, des progressistes et du NPD, entre autres, et à dire à ces compagnies que cela suffit. Il faut que les Google, Apple et Facebook de ce monde paient leur impôt. Ils font des profits mirobolants. Nous nous faisons littéralement voler notre argent et c'est toujours par la classe moyenne, les travailleurs et les gens que nous représentons dans nos circonscriptions que le fardeau fiscal finit par être absorbé.
On ne parle pas de fiscalité en termes d'imposition dans le projet de loi C‑11, mais on parle quand même d'une certaine équité dans les contributions financières pour pouvoir soutenir notre secteur culturel. C'est là le lien entre les deux. C'est une petite avancée, mais une avancée significative pour nos artistes, pour nos créateurs, pour nos productions nationales, locales ou régionales. Cela devient absolument essentiel d'être capable de faire ce virage. Il est plus que temps de le faire. Nous avons déjà pris énormément de retard.
La dernière mouture de la Loi sur la radiodiffusion a été adoptée en 1991. Nous sommes en 2022. En 1991, il n'y avait pas Spotify, il n'y avait pas Netflix et il n'y avait pas tous ces diffuseurs en ligne ou ces diffuseurs de contenu en continu. C'était une tout autre époque, heureusement ou malheureusement, je m'en souviens. Une chose est sûre, nous avons un cadre réglementaire et législatif qui est complètement désuet, archaïque, qui, comme le disait le député de tantôt, date littéralement d'un autre siècle et qui doit être adapté.
À l'époque, le gouvernement fédéral pouvait intervenir pour légiférer sur les télédiffuseurs et les radios parce qu'on avait décrété que les ondes étaient un bien public. Puisqu'il s'agissait d'un bien public, le gouvernement pouvait intervenir et pouvait encadrer et réglementer l'utilisation de ces ondes. Or, ce n'est pas le cas avec Internet. Internet n'est pas considéré comme un bien public ou même un service public. C'est malheureux; selon moi, ce devrait être un service public. À ce moment, on avait une législation basée sur un concept d'ondes publiques pour la radio, et ensuite de cela, pour la télévision. On est à des années-lumière de cela.
Au NPD, nous voyons d'un bon œil ce genre de législation, qui vise à traiter également les gens qui contribuent au financement de la production culturelle québécoise et canadienne et ceux qui n'y contribuent pas en ce moment. Il y a longtemps que cela aurait dû être fait. Nous l'avons dit l'année passée avant les élections. Des gouvernements se sont traîné les pieds sur ce dossier. C'est la culture, notre secteur culturel et nos artistes qui en ont souffert et qui continuent malheureusement d'en souffrir.
Je trouve particulièrement cynique de la part des libéraux d'avoir plaidé l'urgence d'agir avec l'ancien projet de loi , de l'avoir déposé trop tard en 2021 et d'avoir ensuite déclenché des élections en sachant très bien que cela allait tuer le projet de loi, qu'il mourrait au Feuilleton au Sénat et qu'il n'obtiendrait donc pas la sanction royale.
Par leur égoïsme politique, par des décisions partisanes et tactiques dans l'espoir d'aller se chercher une majorité à la Chambre, les libéraux ont sciemment et délibérément abandonné le secteur culturel et nos artistes. Ils leur ont fait perdre des mois, peut-être une année de plus, avant que ce problème ne soit résolu et que les différents acteurs ne contribuent au financement de nos productions culturelles par l'entremise du Fonds des médias du Canada ou d'autres fonds.
L'importance d'être capable de soutenir ce secteur est plus criante que jamais. Le secteur culturel est probablement, avec le tourisme, le secteur qui a le plus souffert pendant la pandémie. C'est particulièrement le cas des arts vivants, un peu moins impactés par le projet de loi et la Loi sur la radiodiffusion, mais qui font quand même vivre beaucoup de gens. Ces derniers connaissent une grande misère et une grande détresse. Les deux dernières années ont été extrêmement difficiles, ce qui donne une raison de plus pour agir de manière diligente, tout en étant vigilant pour avoir le meilleur projet de loi possible.
Si on ne révise cette loi que tous les 33 ans, autant faire un bon travail cette fois-ci, parce qu'on ne sait pas quand on aura l'occasion de le refaire.
En ce moment, comme je le disais précédemment, on a un système qui est complètement dépassé par la technologie. D'un côté, des télédiffuseurs et des câblodistributeurs financent les productions artistiques, télévisuelles, cinématographiques et la chanson. De l'autre, les géants du Web, tous les diffuseurs en ligne et tous les diffuseurs en continu, eux, ne mettent pas un sou pour soutenir la production de nos histoires d'ici.
C'est cette inégalité et cette iniquité qu'on doit régler et qu'on aurait dû régler il y a bien longtemps. Nous sommes prêts à travailler de bonne foi avec nos amis du secteur culturel pour changer cette situation et trouver une solution à ce problème.
Le NPD appuie donc le principe du projet de loi, tout comme il avait appuyé l'ancien projet de loi C‑10 à l'époque. Nous voulons travailler avec notre secteur culturel, non seulement parce que nous aimons la culture et que cela nous définit comme êtres humains, mais aussi parce que c'est un secteur économique important avec des dizaines de milliers d'emplois. Ces emplois font vivre des villes, des villages et des régions. Ces emplois sont présents en très grand nombre au Québec, à Montréal et, je dois l'avouer par fierté pour ma circonscription, dans Rosemont—La Petite-Patrie, où j'ai la chance de représenter une communauté artistique qui est très présente, active et créative et dont je suis très fier.
J'aimerais soulever les deux questions que nous avons et j'ai hâte d'entendre le ministre à ce sujet et d'en discuter en comité.
Une des choses qui ont fait déraper le débat la dernière fois était les interventions très partisanes de l'opposition officielle. Le Parti conservateur s'amusait beaucoup à soulever des inquiétudes et des doutes de la part de citoyens et de citoyennes qui craignaient d'être réglementés et gérés par une instance gouvernementale comme le CRTC. Or, une lecture honnête de l'ancien projet de loi permettait de voir que cela n'aurait pas été le cas.
On dirait que les libéraux craignent à nouveau ce genre de glissement ou de dérapage. Le nouveau projet de loi semble donc être plus ferme pour ce qui est des vidéos de chat ou de bébé, comme on les appelle généralement, lesquelles ne seront pas assujetties à la réglementation du CRTC. Les utilisateurs et usages personnels en ligne seront donc exclus.
Cela est dit et répété dans le projet de loi. On pourrait avoir des discussions à ce sujet, mais je pense qu'on est plutôt dans une bonne direction. En effet, ce n'est pas l'objectif du projet de loi. Ce qui est recherché, c'est que les gens et les entreprises qui font une utilisation commerciale du média social et où d'importants revenus sont générés soient obligés de contribuer.
C'est là où les choses ne sont pas claires en ce moment. Comment va‑t‑on calculer la contribution de YouTube, par exemple, en faisant la distinction entre l'utilisation commerciale et l'utilisation personnelle ou privée du média social? Je dis YouTube, mais ce pourrait être TikTok, Facebook ou Instagram.
Il y a beaucoup d'utilisation professionnelle et commerciale de ces plateformes et de ces médias sociaux. C'est correct, mais il faut s'assurer qu'on a un mécanisme pour être capable de juger la valeur de l'utilisation commerciale de TikTok ou de YouTube, par exemple, et exclure l'utilisation privée ou personnelle.
D'après les premières discussions qu'on a eues avec des gens du ministère du Patrimoine canadien, la réponse n'était pas évidente. On a l'impression qu'ils pataugent un peu, qu'ils se demandent comment ils vont faire pour trouver une solution. J'ai l'impression que cela va finir en négociation avec chacune de ces plateformes.
Si on n'a pas d'outils de transparence pour avoir l'information sur la proportion d'utilisation personnelle et d'utilisation commerciale, alors que ces informations sont la propriété de ces médias sociaux et de ces diffuseurs en ligne, comment le gouvernement libéral compte‑t‑il négocier avec ces géants‑là pour s'assurer qu'ils ne sont pas en train de nous en passer une petite vite?
Comment s'assurer qu'ils ne continuent pas à ne pas contribuer équitablement et à économiser sur le dos des travailleurs et des travailleuses qui, eux, contribuent en payant leurs impôts et leurs taxes au Québec et au Canada?
Il y a là une clarification à aller chercher, et je pense que cela va être un travail important à faire en comité. Le va devoir nous expliquer cela.
La deuxième chose dont je voudrais parler, c'est la notion de découvrabilité. J'ai un questionnement à ce sujet et je ne suis pas le seul, car j'ai entendu mes collègues du Bloc québécois soulever aussi cette question, notamment l'ancien critique en matière de patrimoine. En effet, le projet de loi touche à la question du financement de plusieurs activités culturelles, et les géants du Web doivent maintenant mettre leur part dans le pot commun.
Une question importante à se poser est celle-ci: est-ce que, ces œuvres, le consommateur va les voir passer? C'est bien beau de dire qu'on a peut‑être un film québécois dans le catalogue de Netflix, si ce film n'est jamais présenté sur la page d'accueil lors de l'ouverture de l'application, si on ne sait pas qu'il existe, on ne va pas le regarder. La même chose s'applique à une série télévisée ou à une chanson.
Pour nos artistes, nos chanteurs et nos chanteuses, YouTube est un énorme moyen de monétisation et de commercialisation de leurs œuvres. Le gouvernement libéral nous dit qu'on veut que les œuvres soient vues et trouvées par les consommateurs, mais on ne va pas intervenir dans les algorithmes de ces médias sociaux et de ces diffuseurs en ligne.
Je me gratte un peu la tête et je me demande comment on arrivera à vérifier. La page d'accueil et ce qui est proposé pour chaque consommateur peuvent être différents selon notre historique, nos recherches antérieures, nos champs d'intérêt, et selon aussi, je pense, pas mal d'informations que ces géants du Web s'échangent entre‑eux pour être capables d'établir des profils de clientèle.
Comment va‑t‑on savoir si la dernière chanson de Cœur de pirate est facilement trouvable par les gens qui cherchent des chansons sur YouTube?
On m'a répondu que les gens vont avoir une obligation de résultat et qu'ils vont regarder le portrait dans son ensemble. Je n'ai aucune idée comment ils vont faire pour surveiller tout cela, recueillir l'information et être capables de vérifier si les éléments de découvrabilité sont réels, ou si ce ne sont que des vœux pieux et une déclaration d'intention.
Je comprends que les algorithmes sont aussi un secret commercial. Cela peut être délicat, mais si on ne passe pas par les algorithmes, je n’ai pas encore de réponse claire sur la façon de pouvoir le faire techniquement. Je pense que ce sont des questions importantes.
Si le projet de loi dit seulement qu’il est très important que les Québécois et les Canadiens aient accès à des séries télévisées, des films et des chansons d’ici et qu’il est important qu’ils puissent facilement les trouver, mais que, dans les faits, ce n’est pas applicable et ce n’est pas appliqué, le projet de loi n’atteint pas du tout son objectif.
Il y a des choses qui sont intéressantes. Il est question de financement, de production nationale, de découvrabilité et de diversité. Il y a dans le projet de loi des pas dans la bonne direction. Il y a notamment des garanties sur de la production en français.
Évidemment, comme député québécois, c’est très important pour moi et pour les gens que je représente un peu partout au Québec, ainsi que pour les francophones hors Québec et les gens d’un peu partout au Canada de pouvoir produire et créer des œuvres en français qui peuvent être trouvées par la suite. Il faut éviter les erreurs que les libéraux ont faites précédemment dans leur super accord avec Netflix où on avait l’impression que la production en français ou la production québécoise avait été larguée aux oubliettes sans aucune garantie.
Au NPD, nous accueillons très favorablement le fait qu’on mette l’accent sur les productions autochtones et les productions en langues autochtones. C’est quelque chose qui a été négligé au fil des ans. Il y a un rattrapage à faire. Il y a des investissements à faire. On parle de montants d’argent, de soutien régional, provincial. Je ne sais pas si on va vouloir parler de quota, mais le fait qu’on parle de ce volet et que ce soit une priorité est un pas dans la bonne direction. C’est un point sur lequel le NPD va beaucoup insister au moment d'étudier le projet de loi.
Il y a d’autres points abordés dans le projet de loi sur lesquels il faut attirer l’attention des gens, notamment toute la notion de souveraineté culturelle. Si nous ne sommes pas capables de nous donner les moyens de produire nous-mêmes nos propres histoires, les histoires de nos régions ou de nos villes, nous allons nous faire écraser et envahir. La question de l’identité, qu’elle soit canadienne, québécoise, autochtone ou autre, va en souffrir. Il faut être réaliste, nous nous trouvons face au centre de l’impérialisme culturel mondial qui s’appelle les États‑Unis. Il faut que nous nous donnions les moyens de protéger les propriétés québécoises et canadiennes de nos capacités de production. Il faut protéger les propriétés québécoises et canadiennes et encourager l’utilisation des talents locaux. Il faut que des artistes québécois et canadiens puissent participer à cela, il faut qu’ils puissent être dans ces œuvres-là et qu’ils puissent être vus et connus. C'est primordial.
Là où on passe un peu à côté de la plaque, c’est qu’on ne parle pas du tout de Radio-Canada dans le projet de loi . On aurait pu le faire. Cela aurait pu entrer dans le mandat. On ne parle pas de l’indépendance de son conseil d’administration, on ne parle pas non plus de la place de la publicité à Radio-Canada. C’est quelque chose que le NPD aurait voulu voir.
Nous attendons aussi impatiemment des projets de loi qui avaient été promis par le gouvernement fédéral, notamment sur le soutien aux salles de nouvelles pour l'utilisation de contenu créé par des sources journalistiques par les diffuseurs en ligne. Des sites comme MSN prennent ces articles à droite et à gauche sans qu'ils paient pour l’utilisation ou la diffusion de ces articles. C’est très problématique.
Avec la situation qu’on subit au centre-ville d’Ottawa et l’ingérence des groupes d’extrême droite dans certaines manifestations, je pense qu’un projet de loi sur la haine en ligne et la radicalisation serait extrêmement important. Nous attendons vraiment que le gouvernement libéral agisse à cet égard. Nous attendons encore le travail du gouvernement libéral sur le soutien de notre travail journalistique et de nos salles de nouvelles et sur les enjeux de la haine en ligne.
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
C'est un immense privilège de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui au nom des habitants de ma circonscription, Davenport, pour appuyer le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois. Je remercie le de son leadership et du travail qu'il a accompli relativement au projet de loi avec son ministère et son équipe.
Comme je l'ai mentionné à maintes reprises à la Chambre, la circonscription de Davenport, dans l'Ouest de Toronto, compte probablement plus d'artistes, de créateurs et de membres du secteur culturel que la plupart des circonscriptions du pays. Tout ce qui a une incidence sur les arts et la culture m'intéresse donc beaucoup, et c'est aussi le cas des habitants de ma circonscription.
Avant d'aller plus loin, je tiens à souligner que je prononce mon discours à partir du territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine.
Le gouvernement fédéral est déterminé à défendre les intérêts du Canada et de ses citoyens au moyen d'une politique numérique avant-gardiste. Elle inclura des mesures visant à rendre Internet plus juste et plus sûr pour tous les Canadiens, tout en faisant en sorte qu'il demeure un moteur d'innovation.
Depuis des décennies, notre système garantit la création d'émissions de télévision, de musique et de films canadiens. De nos jours, les plateformes de diffusion en continu bénéficient d'un accès au marché canadien sans avoir aucune responsabilité à l'égard des artistes et des créateurs canadiens. Avec le projet de loi sur la diffusion continue en ligne, nous demandons aux services de diffusion en continu de diffuser la culture canadienne et de contribuer à sa création. La Loi sur la diffusion continue en ligne améliorerait aussi l'équité au sein du système de radiodiffusion et elle assurerait la viabilité de notre industrie culturelle et du gagne-pain des artistes et des créateurs canadiens.
L'un des éléments clés de la Loi sur la diffusion continue en ligne est son application aux services de diffusion en continu. On a déjà beaucoup débattu de cette question, mais notre approche restera dorénavant très simple. Les Canadiens pourront continuer d'utiliser les médias sociaux comme ils ont l'habitude de le faire et ils ne seront pas assujettis à cette mesure législative. En effet, les programmes téléversés par les utilisateurs sur les médias sociaux, notamment ceux des créateurs numériques, en sont exclus.
La Loi sur la diffusion continue en ligne concerne la radiodiffusion. Elle vise à ce que les services de diffusion en continu qui offrent un accès à du contenu commercial soient tenus de contribuer de manière équitable. Durant la session parlementaire précédente, la mouture antérieure de ce projet de loi a fait l'objet d'un débat animé sur le traitement des services de médias sociaux et sur le rôle qu'ils jouent pour soutenir nos créateurs et notre culture.
Nous savons que les parlementaires, les radiodiffuseurs, les créateurs culturels et tous les Canadiens apprécient à juste titre la liberté d'expression. Nous avons également à cœur de soutenir notre culture unique et dynamique et de veiller à ce que la musique et les histoires canadiennes occupent une place de choix dans nos réseaux de radiodiffusion et de télédiffusion et sur Internet.
Soyons clairs. La Loi sur la diffusion continue en ligne ne forcerait pas les gens à faire un choix entre ces objectifs importants. Le gouvernement fédéral a écouté les préoccupations de nombreux intervenants, s'est appuyé sur le travail effectué par mes collègues lors de la dernière session parlementaire et a donc modifié l'approche afin de bien tenir compte du rôle des plateformes de médias sociaux. Selon cette approche, les utilisateurs des médias sociaux, y compris les services de diffusion en continu, ne sont pas touchés. Le projet de loi n'aurait pas d'incidence sur leur choix en matière de liberté d'expression.
Les services de médias sociaux jouent un rôle à la fois comme outils de communication et comme diffuseurs. La loi sur la diffusion continue en ligne reconnaît cette double fonction. Lorsque les services de médias sociaux sont utilisés comme outils de communication pour partager du contenu personnel, ils ne sont pas couverts par la loi. D'ailleurs, la grande majorité des activités dans les médias sociaux ne sont pas couvertes par la loi.
Parallèlement, le CRTC peut imposer des obligations aux services de médias sociaux quand leurs activités sont semblables à celles d'autres radiodiffuseurs en ligne. L'approche adoptée est simple.
Premièrement, les utilisateurs des services de médias sociaux ne sont pas considérés comme des radiodiffuseurs. Par conséquent, ils ne seront jamais visés par les obligations prévues dans la loi. Cela signifie que peu importe notre niveau d'activité sur les médias sociaux, ce que nous y publions, ce que nous y lisons ou ce que nous commentons échappera toujours à la portée de la Loi sur la radiodiffusion. La Loi sur la diffusion continue en ligne ne s'applique pas à nos activités sur les médias sociaux.
Deuxièmement, les obligations imposées à des services de médias sociaux tels que YouTube s'appliquent uniquement au contenu commercial qu'ils offrent. Le contenu qui ne génère pas de revenu, le contenu produit par des créateurs numériques qu'on distribue seulement sur les médias sociaux et le contenu amateur ne sont pas assujettis à cette mesure législative.
Enfin, quand des services de médias sociaux diffusent de la musique commerciale, ils pourraient être tenus d'apporter au système canadien de radiodiffusion une contribution semblable à celle d'autres services de diffusion continue en ligne. C'est tout à fait normal. Après tout, les deux tiers des Canadiens écoutent de la musique sur YouTube. Nous devons à nos radiodiffuseurs et à nos créateurs talentueux de faire en sorte que le contenu consommé sur différentes plateformes soit traité équitablement, peu importe son mode de distribution.
Je décrirai cette approche de façon plus détaillée. La Loi sur la diffusion continue en ligne ne cherche pas à réglementer Internet. Elle ne nuirait pas à la capacité des Canadiens de l'utiliser. Les Canadiens seraient encore en mesure de communiquer avec leurs amis et les membres de leur famille, ainsi que de visionner en continu leurs émissions de télévision et leurs films préférés, comme ils l'ont toujours fait. La loi préciserait clairement le contenu que le CRTC pourrait soumettre à des obligations. Le contenu téléversé par des Canadiens sur les plateformes de médias sociaux, comme Facebook et YouTube, ne serait pas assujetti à des obligations, à part dans les circonstances clairement définies à l'article 4.2 de la mesure législative.
Voici quelques exemples. Jade Taylor-Ryan, d'Ottawa, télécharge une vidéo de son chat Ed en train de danser. Cette vidéo obtient plus de 10 millions de mentions j'aime sur TikTok. Jade Taylor-Ryan est une utilisatrice de médias sociaux et ne serait jamais visée par la loi, pas plus que TikTok n'aurait d'obligations relativement à la vidéo de Jade. Les vidéos des danses de Gurdeep Pandher, le célèbre danseur de bhangra du Yukon, ont conquis le cœur de bien des gens sur YouTube. Gurdeep Pandher est un utilisateur de médias sociaux et ne serait jamais visé par la loi, pas plus que YouTube n'aurait d'obligations relativement aux vidéos de Gurdeep. YouTube et d'autres services de médias sociaux ne peuvent être soumis à des obligations relativement à ces vidéos téléchargées par des utilisateurs parce qu'il ne s'agit pas du genre de vidéos offertes par d'autres services de diffusion continue ou de radiodiffusion traditionnels comme les stations de télé ou de radio, ou encore Spotify ou Netflix.
Je le répète, la loi ne s'applique pas si un Canadien télécharge une vidéo de la fête d'anniversaire de son enfant. Même si un Canadien filme les pitreries de son animal de compagnie, télécharge la vidéo dans les médias sociaux, que la vidéo devient virale et qu'elle est vue des millions de fois, la loi ne s'appliquera ni à l'utilisateur ni au contenu de la vidéo. Encore une fois, la loi ne s'applique pas à du contenu généré par des Canadiens ordinaires ni aux services de médias sociaux qui le diffusent.
Cela nous amène à la question des créateurs numériques. Les plateformes des médias sociaux ont permis à beaucoup de Canadiens de devenir de véritables vedettes. Nous avons été témoins de l'ascension fulgurante de talents comme Gigi Gorgeous et le chanteur populaire canadien d'origine asiatique Alex Porat sur YouYube. Les plateformes comme Bandcamp et SoundCloud ont offert des occasions aux artistes comme Hussein Ahmed, aussi appelé Handsome Tiger, un producteur de musique et DJ d'origine anishinabe, métisse et nord-africaine. Ces personnes font partie des nombreux créateurs numériques canadiens de musique. Ils produisent leurs contenus d'abord et avant tout pour une diffusion sur les plateformes des médias sociaux. Ils ne les distribuent pas dans d'autres types de réseaux de diffusion.
Le projet de loi ne vise ni à enterrer ni à étouffer ces voix canadiennes. Voilà pourquoi le gouvernement entend donner instruction au CRTC, par l'entremise d'une orientation stratégique, pour faire en sorte que le contenu des créateurs numériques soit exclu de la loi. Par conséquent, les services de médias sociaux n'auraient pas d'obligations relativement aux programmes des créateurs numériques. Nous avons été clairs à ce sujet, dès le début.
Cette Loi sur la diffusion continue en ligne permettrait seulement au CRTC d’imposer des obligations aux services de médias sociaux en ce qui concerne une sous-catégorie de contenus commerciaux, notamment la musique commerciale. Le projet de loi prévoit trois facteurs que le CRTC devra prendre en compte pour décider si un contenu est commercial. Il devra prendre en compte le montant des revenus générés, vérifier si le contenu est présent chez les diffuseurs classiques ou sur les plateformes en ligne, comme Netflix ou Spotify, et vérifier si le contenu s’est fait attribuer un identifiant unique dans le cadre d’un système international de normalisation.
L’objectif est d’avoir un système plus équitable. Tout service utilisé pour diffuser des programmes commerciaux dans nos maisons, nos voitures ou nos poches devra avoir contribué à la création d’histoires et de musique canadiennes. Ainsi, une musique comme la chanson populaire Dandelions, de Ruth B., une artiste originaire d’Edmonton, serait traitée de la même façon que tout autre contenu diffusé sur YouTube, Spotify, ou à la radio.
En somme, cette nouvelle approche de la Loi sur la diffusion continue en ligne concernant les médias sociaux permettrait que les réseaux sociaux puissent contribuer de façon appropriée au système canadien de radiodiffusion, tout en respectant les droits, les libertés et les choix des Canadiens. Par l’entremise de ce projet de loi, nous demandons aux plateformes de faire la promotion de la création de contenus culturels canadiens et d’y contribuer. Les diffuseurs canadiens et les plateformes de diffusion en continu devraient respecter les mêmes règles du jeu. J’invite tous les députés à appuyer ce projet de loi. Nos créateurs, notre culture et tous les Canadiens le méritent bien.