propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Madame la Présidente, c'est un immense honneur d'avoir reçu le troisième rang dans l'ordre de priorité de la présente législature, ce qui me permet de présenter cette mesure législative extrêmement importante. Je suis ému parce que le projet de loi est important. Il s'agit du projet de loi , Loi sur une approche axée sur la santé concernant l'usage de substances.
Je tiens à remercier la porte-parole adjointe du NPD, la députée de , d'appuyer le projet de loi. Il n'est pas nouveau. Il a été initialement présenté par le député de au cours de la 43e législature, mais il est mort au Feuilleton à cause du déclenchement bien inutile d'élections.
Le temps est venu de l'adopter, et nous ne pouvons plus le remettre à plus tard. Nous nous servons de ce troisième rang pour débattre de ce projet de loi à la Chambre parce que des vies sont en jeu. Nous le savons grâce aux mêmes experts en santé publique qui nous ont demandé de nous fier aux données scientifiques au début de la pandémie. Nous le savons grâce aux rapports des coroners des provinces, qui, en s'appuyant sur des données statistiques, mettent en lumière les nombres record de décès par surdose dans les villes et les régions rurales du Canada.
Nous savons que le temps est venu de débattre de telles mesures quand les chefs de police du Canada et les administrations municipales de nos plus grandes villes appuient la décriminalisation de la possession de drogues illicites pour un usage personnel et l’accès à un approvisionnement en drogues sûr et réglementé.
Nous savons que le temps est venu, parce que nous avons entendu les témoignages des familles et des proches des si nombreuses victimes de surdoses et les reportages bouleversants dans les médias qui nous relatent leur douleur. Chacun d’entre nous à la Chambre, sans exception, sait très bien que le temps est venu d’apporter des réformes sensées à la législation canadienne sur les drogues en raison des appels que nous recevons de nos concitoyens, de mères et de pères, de frères et de sœurs, d’amis et de voisins, au sujet de décès par surdose de drogues. Ils nous disent que le temps est venu d’agir pour décriminaliser la simple possession de drogues et pour fournir un accès à un approvisionnement en drogues sûr et réglementé. Ils nous demandent tous de sauver des vies.
Comme l’a dit récemment le Dr Perry Kendall, ancien médecin hygiéniste de ma province natale, la Colombie-Britannique, les dernières statistiques sont « inadmissibles » et « il est plus que temps que nous discutions sérieusement des politiques en matière de drogue ». Le projet de loi est la démarche la plus saine pour ce qui est de l'usage de substances, et le débat consiste en cette discussion sérieuse qui n’a jamais eu lieu dans l’histoire de la Chambre des communes.
D'après les données dont nous disposons, la supposée guerre contre la drogue ne fonctionne pas depuis de nombreuses décennies. Les travailleurs de première ligne qui se battent pour sauver des vies dans les rues de nos villes nous rappellent que ce n'est pas tant une guerre contre la drogue qu'on a menée et qui se poursuit toujours, mais plutôt une guerre contre les gens qui la consomment.
Qu'un fils, une fille, un ami ou un voisin soit toxicomane ou consommateur occasionnel, cette consommation ne devrait pas être une condamnation à mort, ce qui est souvent le cas, puisque des consommateurs sont empoisonnés par le fentanyl et les autres substances dangereuses que le crime organisé ajoute à ces drogues pour accroître ses profits le plus possible. Précisons que le fentanyl est 100 fois plus puissant que la morphine, et 50 fois plus puissant que l'héroïne. En raison de cet écart considérable, il est plus économique d'en faire le trafic comparativement aux autres drogues, ce qui représente un incitatif économique énorme dont on tire parti au prix de vies humaines. Quelques grains de fentanyl suffisent à causer une surdose et la mort.
Je sais que les mesures proposées dans le projet de loi ont l'appui de nombre de députés et de partis, et j'en suis reconnaissant. Je suis particulièrement reconnaissant de l'appui de mon propre parti, qui a soutenu cette initiative depuis le début. Nous ne sommes peut-être pas tous d'accord sur les mesures requises, mais nous voulons tous mettre fin aux méfaits.
En 2020, Santé Canada a demandé à 18 experts du domaine de la consommation de substances et des dépendances de former un groupe de travail sur l'usage des substances et d'envisager des solutions de rechange aux sanctions pénales pour la possession simple de drogues illicites. Le gouvernement a promis de s'inspirer des recommandations de ce groupe de travail dans l'élaboration de ses politiques futures. En fait, il en a fait une promesse électorale. Le groupe d'experts s'est penché sur cinq questions fondamentales: la stigmatisation, les préjudices disproportionnés pour les populations victimes d'inégalités structurelles, les préjudices liés au marché des drogues illicites, le fardeau financier pour les systèmes de santé et de justice pénale, et les maladies sous-jacentes non traitées.
En mai 2021, ces experts nous ont communiqué leurs recommandations quasi unanimes. Comme on pouvait s'y attendre, ces recommandations ont inspiré l'approche de la consommation de substances véritablement axée sur la santé proposée aujourd'hui dans ce projet de loi. Tout comme nous écoutons les conseils des professionnels de la santé publique pour gérer la COVID-19 et la pandémie, nous devons écouter ces experts au sujet de la crise des surdoses, qui tue un nombre croissant de Canadiens d'un océan à l'autre.
Premièrement, « Le Groupe d'experts a conclu que la criminalisation de la possession simple cause des préjudices et doit cesser. » Ce ne sont pas mes mots, mais ceux de ce groupe d'éminents experts réunis par le gouvernement pour orienter les mesures destinées à sauver des vies. Je vais répéter: « Le Groupe d'experts a conclu que la criminalisation de la possession simple cause des préjudices et doit cesser. » Il s'agit d'une question de droits de la personne.
Cela fait plus de 10 mois — pendant lesquels il y a eu des centaines et des centaines de décès — que la Ville de Vancouver a demandé une exemption relative à la décriminalisation au titre de l'article 56, avec l'appui de la médecin hygiéniste et du chef de police. Il s'agit du même processus que Vancouver avait utilisé pour obtenir le premier centre de consommation supervisée, il y a près de 20 ans. Le gouvernement fédéral de l'époque avait soutenu la Ville, malgré l'opposition de la province, car les besoins étaient criants. Il a fallu du courage et une volonté politique. Aujourd'hui, les besoins sont encore plus criants. Nous le savons tous. Toutefois, pour une raison quelconque, la demande présentée par Vancouver est toujours sur le bureau du , tout comme les demandes présentées par la Colombie-Britannique et la Ville de Toronto.
Deuxièmement, le gouvernement s'est fait recommander par son groupe d'experts de veiller à ce que:
Dans le cadre de la décriminalisation, [...] les casiers judiciaires provenant de délits antérieurs pour possession simple soient entièrement expurgés. Il devrait s’agir d’une suppression complète, automatique et gratuite.
C'est écrit noir sur blanc dans le rapport. Le projet de loi prévoit la radiation complète des condamnations liées à la possession simple. Il est temps de délivrer les Canadiens de ce fardeau inutile. Pourquoi? Parce que les Canadiens qui ont un casier judiciaire pour possession simple de substances illicites se heurtent à des obstacles souvent insurmontables qui les empêchent de voyager ou d'obtenir un emploi, un logement ou la garde d'un enfant.
Troisièmement, le projet de loi demande l'établissement d'un plan national, c'est-à-dire une stratégie pour accroître l'accès à des services de rétablissement, de traitement et de réduction des méfaits dans l'ensemble du Canada. Il importe de noter que cette stratégie doit prévoir des mesures visant à garantir aux consommateurs l'accès à un approvisionnement sûr réglementé. Au lieu de laisser les bandes criminalisées approvisionner les gens en drogues alors qu'elles cherchent à maximiser les profits au risque de coûter des vies, nous devons offrir un approvisionnement plus sûr en appuyant la réglementation et la production au pays des substances qui sont déjà facilement accessibles aux consommateurs.
Cela fait près de deux décennies que le premier centre de consommation supervisée autorisé a ouvert ses portes. Cela fait une décennie que la Cour suprême a statué, dans une décision unanime, que ce centre doit demeurer ouvert. Pourtant, on ne compte toujours que quelques dizaines de tels centres au pays. Pourquoi y en a-t-il si peu? Pourquoi l'accès à ce service est-il si limité pour les personnes qui en ont besoin? Selon moi, la raison, ce sont les préjugés sociaux qui persistent et le fait que l'on continue de criminaliser les gens qui consomment de la drogue.
Malheureusement, même si ces réformes, qui tiennent du gros bon sens, sont recommandées quotidiennement par les professionnels de la santé, les forces de l'ordre, les médias, les travailleurs de première ligne ainsi que les consommateurs de drogues et leur famille, le gouvernement actuel leur accorde bien peu d'attention. Cela fait six ans. Dans sa lettre de mandat à l'intention du , le ne mentionne même pas la crise des surdoses, et celle-ci figure bien bas dans la liste des priorités énoncées dans la lettre de mandat de la . Il n'en est même pas question dans le discours du Trône.
Cette crise doit être gérée de toute urgence. Il s’agit d’une urgence sanitaire. Le fait de tarder à mettre en œuvre des réformes essentielles en s'étendant sur de longues délibérations politiques et bureaucratiques — ou pire encore, le fait de les ignorer totalement — ne fera qu'entraîner de nombreux décès qui auraient pu être évités. Nous voulons tous sauver des vies, alors sortons la politique de la crise des surdoses et de l'approvisionnement en drogues toxiques.
Les personnes autochtones sont touchées de façon disproportionnée, et nous devons collaborer avec elles pour mettre en œuvre une approche axée sur la santé. Les travailleurs de première ligne qui s’efforcent jour et nuit de sauver des vies doivent aussi faire partie de cette approche. Les professionnels de la santé publique et les forces de l’ordre doivent se mobiliser, tout comme les administrations territoriales, provinciales et municipales.
En résumé, je demande que la Chambre prenne en considération les trois mesures essentielles présentées dans ce projet de loi.
Pour commencer, il faut faire tomber les préjugés contre la consommation de substances en abrogeant la disposition de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui érige en infraction le fait de posséder personnellement certaines substances.
Deuxièmement, il faut éliminer les obstacles à l’emploi, au logement et à d’autres nécessités de la vie pour les Canadiens ayant fait l’objet de certaines condamnations liées à la drogue, en détruisant ou en supprimant les casiers judiciaires des personnes visées sur le plan fédéral.
Pour finir, il faut créer une approche axée sur la santé concernant l’usage de substances au moyen de la Loi sur la stratégie nationale sur l’usage de substances, ce qui obligerait le à se pencher sur les préjudices causés par l’usage de substances. La stratégie nationale devra notamment inclure un accès à un approvisionnement sûr et réglementé en substances pour les consommateurs et un accès universel au rétablissement, aux traitements fondés sur le traumatisme, aux services de réduction des méfaits ainsi qu'aux programmes de prévention, d'approche et de sensibilisation du public.
Rien de tout cela ne devrait inciter le gouvernement à repousser davantage l’approbation des demandes d’exemptions en vertu de l’article 56 provenant de la Colombie-Britannique et des villes de Vancouver et de Toronto. Malheureusement, les ministres et leurs collaborateurs continuent de tergiverser à propos des différences relatives à la limite des quantités de substances possédées qui figurent dans les demandes. Cela ne devrait pas servir d’excuse pour retarder le passage de notre pays vers la décriminalisation.
De la même manière, avec l'augmentation du nombre de centres d’injection supervisée et l'approvisionnement en drogues sécuritaires prévus par les lois existantes, nous ne pouvons pas laisser ce débat et les mesures législatives et réglementaires qui devront être prises être repoussés et retarder l'accès à un approvisionnement sûr. Les données indiquent que les consommateurs ne meurent pas de surdose dans les centres d'injection supervisée. D'ailleurs, il n'y a eu aucun décès par surdose dans les centres d'injection supervisée au Canada. Pas un seul. Il n'y a eu aucun décès par surdose. Nous devons en conclure qu'un approvisionnement sécuritaire et encadré sauve des vies. Comme je l'ai dit au début de mon discours, ce projet de loi, qui se veut une approche sanitaire face à la consommation de substances, vise à sauver des vies.
L'Agence de la santé publique du Canada prévoit qu'au moins 3 000 Canadiens de plus périront dans la première moitié de l'année. Ce n'est pas qu'une statistique. C'est une tragédie impliquant des pertes de vies énormes. Évidemment, d'après ce que nous disent les familles qui ont perdu un proche des suites d'une intoxication par la drogue, d'après les données et d'après les conseils des spécialistes de la santé publique, ces décès étaient évitables.
Qui sont les gens qui décèdent? À 75 %, ce sont des hommes, dont la majorité est âgée de 20 à 49 ans. Les Autochtones sont particulièrement à risque au pays. En Colombie‑Britannique, ma province, il y a eu 5,3 fois plus de décès par surdose chez les membres des Premières Nations que dans le reste de la population en 2020. La plupart des personnes décédées étaient en situation économique précaire. Seuls le quart des hommes et le tiers des femmes avaient un emploi. Parmi eux, la plupart travaillaient dans les métiers ou avaient un travail physique exigeant où le risque de blessure est élevé et où on ne se préoccupe pas de la douleur. Ces personnes meurent seules. En Ontario, 75 % des surdoses mortelles en 2021 sont survenues lorsque personne n'était présent pour intervenir. En Colombie‑Britannique, 83 % des morts par surdose ont eu lieu à l'intérieur et plus de la moitié sont survenues dans une résidence privée.
L'Agence de la santé publique du Canada nous a appris qu'en l'absence d'interventions significatives, les taux de mortalité et de méfaits s'aggraveront et qu'il sera encore plus difficile de s'attaquer à la crise des surdoses. Au cours des six dernières années, plus de 25 000 vies ont été perdues, et le Canada n'a toujours pas de stratégie. Nous savons, grâce aux rapports des médecins légistes, aux travailleurs de première ligne et aux toxicomanes, que les morts sont principalement causées par des drogues additionnées de fentanyl et d'autres produits chimiques afin de maximiser les profits du crime organisé.
Certaines personnes ont une dépendance à des drogues, mais ce n'est pas le cas de tous. Ce sont des consommateurs occasionnels qui cherchent à soulager la douleur d'un traumatisme passé ou les problèmes de la vie quotidienne. Je sais que certains députés diront que notre approche devrait se limiter à offrir un traitement de la dépendance. Bien que les modèles de traitement fondés sur le traumatisme menant à la guérison d'une dépendance représentent un volet important d'une approche de la toxicomanie fondée sur la santé, nous devons d'abord nous attaquer aux méfaits. Comme l'a dit la députée de le mois dernier, les morts n'ont pas à se faire soigner.
Je tiens à remercier tous mes collègues pour l'attention qu'ils portent à ce projet de loi très important. Il me tarde d'entendre leurs observations, leurs idées et leurs questions.
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Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole ce soir pour appuyer le projet de loi présenté par mon collègue le député de .
Je remercie le député de son dévouement et de son leadership dans ce dossier. Même si nous nous connaissons depuis peu, je sais qu'il défend depuis longtemps les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Je tiens donc à profiter de l'occasion pour le remercier.
Ces questions sont d'une grande importance pour moi aussi. Pendant des années, chacun de nous a travaillé à sa manière — lui, à la Chambre et moi, dans mes anciennes fonctions de médecin hygiéniste en chef du Yukon — pour sensibiliser les gens et chercher à lutter contre la crise engendrée par les drogues toxiques. D'ailleurs, j'occupais le poste de médecin hygiéniste en chef du Yukon en 2016 lorsque le premier décès lié au fentanyl est survenu dans le territoire. Depuis, plus de 26 000 personnes sont mortes d'une surdose au Canada. Un nombre incalculable de Canadiens ont vu leur vie bouleversée à jamais en raison de la mort prématurée d'un être cher, mort qui aurait pu être évitée.
Mon territoire, le Yukon, affiche actuellement le taux de mortalité par habitant le plus élevé parmi les provinces et les territoires pour ce qui est des surdoses liées à des drogues toxiques. Je ne saurais trop insister sur les répercussions de ce fléau sur chacun des habitants de ma circonscription, mais nous savons qu'il s'agit d'un problème qui touche l'ensemble du Canada.
Lorsque j'étais médecin hygiéniste en chef du Yukon, j'ai travaillé en collaboration avec le gouvernement, les Premières Nations et les partenaires communautaires du Yukon afin d'apporter des améliorations à la prévention, aux soins cliniques, à l'accès aux traitements, à la sensibilisation et à la réduction des méfaits. Je suis heureux que le gouvernement libéral — que je suis fier de représenter — ait pris des mesures pour s'attaquer à cette crise engendrée par les drogues toxiques. Je sais que sans les multiples mécanismes de soutien du gouvernement fédéral, nous n'aurions pas obtenu les résultats favorables que nous avons eus jusqu'ici au Yukon.
La a déjà fait preuve d'un solide leadership au sein de ce nouveau ministère. Le gouvernement reconnaît désormais que la consommation problématique de substances est, d'abord et avant tout, une question de santé publique. Nous nous efforçons de détourner les personnes qui consomment des drogues du système de justice pénale pour les orienter vers des relations fondées sur le soutien et la confiance.
Nous avons une approche à plusieurs volets qui s'appuie sur des mesures antérieures, y compris des investissements de plus de 700 millions de dollars dans des projets communautaires de réduction des méfaits, de traitement et de prévention dont l'importance n'est plus à démontrer. Il convient ici de souligner que nous avons également reçu des demandes d'exemption aux termes de l'article 56 de la part des services de santé publique de la Colombie-Britannique, de Vancouver et de Toronto, et que ces demandes sont examinées de toute urgence. Le gouvernement a investi plus de 60 millions de dollars pour améliorer l'accès à un approvisionnement fiable en opioïdes d'ordonnance et pour faciliter l'accès à la naloxone, qui peut sauver des vies, dans l'ensemble du pays, y compris dans les collectivités autochtones éloignées et isolées.
Depuis 2017, les centres de consommation supervisée du Canada ont reçu plus de 2,9 millions de visites et évité que près de 27 000 surdoses ne mènent à un décès; il n'y a eu aucun décès dans ces centres. Nous investissons annuellement 425 millions de dollars dans les services communautaires pour répondre aux besoins en santé mentale des Premières Nations et des Inuits. Le gouvernement est formel: il va recourir à tous les outils à sa disposition pour mettre un terme à cette crise nationale de santé publique.
Cela dit, que ce soit au Yukon ou n'importe où ailleurs au Canada, nous pouvons faire plus encore, et nous devrions faire plus.
Nous pourrions entre autres miser sur nos réalisations partout au pays et en élargir le rayonnement. Actuellement, il y a des pratiques efficaces en place qui peuvent être renforcées et partagées.
De plus, il est temps d'envisager officiellement une politique nationale de décriminalisation, c'est‑à‑dire de ne plus considérer comme un crime la possession simple de stupéfiants ou d'autres substances désignées. Elle devrait plutôt être vue d'un point de vue sanitaire et être traitée comme telle.
Il est important d'établir ce qui est exclu. En effet, les personnes qui commettent un délit grave, y compris le trafic de drogues, vont continuer de recevoir des peines importantes.
Ce projet de loi modifierait la Loi réglementant certaines drogues et autres substances afin d’abroger une disposition qui érige en infraction la possession de certaines substances. Il apporterait également des modifications corrélatives à d’autres lois. De plus, il édicterait la Loi sur la radiation de certaines condamnations liées à la drogue, qui établit une procédure permettant de radier certaines condamnations liées à la drogue et prévoit la destruction ou la suppression de tout dossier judiciaire relatif à de telles condamnations des répertoires ou systèmes fédéraux. Enfin, il édicterait la Loi sur la stratégie nationale sur l’usage de substances, qui prévoit l’obligation pour le d’élaborer une stratégie nationale pour s’attaquer aux méfaits causés par l’usage problématique de substances.
La avait raison lorsqu'elle a dit que la décriminalisation à elle seule, avec un approvisionnement en drogues toxiques, ne permettra pas de sauver les vies que nous devons sauver. Les mots clés, ici, sont « à elle seule ». Cette étape importante qu'est la décriminalisation doit s'harmoniser avec tous les autres éléments, faisant fond sur le travail accompli ces dernières années par tous les ordres de gouvernement relativement à l'approvisionnement sûr, à l'éducation, à la réduction de la stigmatisation, à l'accès aux traitements et à une meilleure gestion clinique.
Nous devons offrir une meilleure formation aux travailleurs de première ligne qui interviennent dans ces crises et nous devons peut-être envisager de sensibiliser et de former d'autres membres de la communauté, en particulier dans le cas des communautés isolées. Un approvisionnement sûr, une consommation supervisée, un meilleur accès aux traitements, une prévention efficace et la décriminalisation sont autant d'approches qui, combinées, peuvent contribuer à éviter des décès supplémentaires.
Comme nous le savons, la Colombie‑Britannique, Vancouver, Winnipeg et Toronto réclament tous la décriminalisation de la possession de petites quantités de drogues illicites. Le plus grand hôpital d'enseignement en santé mentale du pays, le Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto, fait également pression en ce sens, et nous savons que c'est aussi la position de l'Association canadienne des chefs de police. L'Association médicale canadienne et, dans ma circonscription, l'Association médicale du Yukon abondent aussi dans le même sens.
En plus de tout ce que le gouvernement a fait pour résoudre cette crise au cours des dernières années, nous avons besoin d'envisager une approche plus vaste de la question, y compris la décriminalisation. Ce sont des discussions cruciales que nous devons tenir, et c'est pourquoi je suis heureux de parler du projet de loi de mon collègue, de l'appuyer et de faire en sorte qu'il soit renvoyé au comité. C'est la direction dans laquelle nous devons aller, et je me réjouis à la perspective d'y travailler avec les députés de la Chambre.
Pour aller de l'avant, nous devons parler avec passion, faire preuve de compassion et nous assurer que nous faisons tout ce que nous pouvons pour présenter les preuves aussi clairement que possible. Les décisions que nous prenons à la Chambre devraient toujours faire passer les intérêts des Canadiens en premier, en se fondant sur les preuves et les faits, médicaux ou autres. Des gens meurent. Nous devons agir.
Nous devons examiner ce projet de loi avec soin et dans un esprit critique, et je suis vraiment ravi que mon collègue l'ait présenté. Je me réjouis vraiment à la perspective de travailler avec le député d'en face sur cette question cruciale, ainsi que sur toute autre mesure visant à lutter contre la crise des opioïdes.
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Madame la Présidente, je tiens à remercier le député de de son travail passionné dans ce dossier. Nous souhaitons tous les deux voir un monde sans problèmes de toxicomanie.
Je remercie également deux amis très chers, Eric et Sheldon, de leur aide dans la rédaction de mon discours d'aujourd'hui, et en particulier de partager leur expérience avec les personnes aux prises avec la toxicomanie, de leur donner de la force et de l'espoir et de les guider sur la voie du rétablissement.
La toxicomanie est un problème de santé qui ravage sans faire de distinction les collectivités canadiennes avec une férocité terrifiante. Elle arrache la vie de tant de Canadiens tous les jours. C'est en 2021 qu'on a enregistré le plus grand nombre de décès liés à des surdoses d'opioïdes. Selon Statistique Canada, 2022 est en voie de devenir une autre année record.
Les conservateurs pensent que la toxicomanie est un problème de santé qui devrait être traité comme tel. Nous croyons qu'il faut augmenter les ressources affectées aux programmes de traitement et changer d'orientation pour nous concentrer sur le rétablissement. Les conservateurs ont proposé une approche axée sur le rétablissement, une approche qui met l'accent sur le traitement des dépendances en tant que problème de santé, directement dans leur dernière plateforme électorale. Si nous avions été portés au pouvoir, nous aurions revu le cadre stratégique sur l'abus de substances du gouvernement fédéral pour faire du rétablissement l'objectif primordial. Nous aurions réorienté la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances afin que chaque personne qui souffre de toxicomanie ait la possibilité de se rétablir et de vivre une vie sans drogue, en plus de faire en sorte que toutes les politiques relevant de cette stratégie visent à réduire les méfaits et à promouvoir le rétablissement.
Nous avons donné des exemples concrets et détaillés des façons qui nous permettraient d'atteindre ces objectifs, notamment faire un certain nombre d'investissements pour créer des places dans des centres résidentiels de traitement et construire des centres de rétablissement, y compris des programmes de traitement axé sur la terre mis au point et gérés par les communautés autochtones. En ce moment, le Canada manque cruellement de centres de traitement de la toxicomanie. Il y a souvent de longues listes d'attente et de nombreux obstacles qui empêchent les Canadiens aux prises avec une dépendance de recevoir le soutien dont ils ont besoin.
J'aimerais illustrer mon propos en prenant pour exemple le travail formidable qui se fait dans ma province, l'Alberta, où la façon d'aborder la toxicomanie a considérablement changé dans les dernières années. L'Alberta s'est employée à mettre en place un système de soins visant le rétablissement pour aider les gens à mettre fin à leur toxicomanie et à se rétablir. Dans les trois dernières années, la province a fait des investissements importants à cette fin.
Elle a créé 8 000 espaces de traitement, ce qui veut dire que, chaque année, 8 000 Albertains peuvent accéder à une cure de désintoxication, à un traitement et à des services de rétablissement. Fait important, tous ces nouveaux espaces sont offerts sans coût supplémentaire pour les Albertains, puisque l'Alberta est la première province à avoir complètement éliminé les frais d'utilisation pour les services publics de traitement de la toxicomanie. D'excellents médicaments pour le traitement de la dépendance aux opioïdes sont offerts sur demande au moyen d'un programme en ligne qui permet aux Albertains d'obtenir des médicaments qui ont fait leurs preuves n'importe où dans la province. L'Alberta construit cinq nouveaux centres de rétablissement qui ajouteront 400 lits aux capacités de traitement de la province.
Bien que je ne croie pas que la prison soit le meilleur endroit pour traiter la toxicomanie, il me semble que nous devons faire preuve de beaucoup de prudence sur la manière de procéder, et j'ai des réserves quant à l'approche mise en avant par le député de . Par ailleurs, l'Association des chefs de police de l'Alberta a indiqué clairement qu'elle n'appuyait pas la décriminalisation sans la mise en place au préalable de mesures de prévention, d'intervention, de traitement et de rétablissement. La décriminalisation sans accès au traitement et à des mesures d'aide équivaudrait à mettre la charrue devant les bœufs.
Les gens parlent souvent de pays comme le Portugal lorsqu'il s'agit de décriminalisation, mais ce que l'on oublie souvent, c'est qu'au Portugal, les drogues demeurent illégales et les personnes qui sont en possession de drogues dangereuses et mortelles sont encore sujettes à des sanctions administratives même si on leur propose un traitement. En outre, le Portugal a bien planifié la transition vers un modèle de rétablissement, afin que les toxicomanes ne se retrouvent pas dans une situation incertaine qui les exposerait à une surdose. Le modèle portugais est un outil de diversion visant à aider véritablement les toxicomanes à obtenir des services de traitement et de rétablissement. Par-dessus tout, le Portugal propose un système de traitement à accès libre et rapide.
Nous ne pouvons pas nous contenter d'éliminer les sanctions en nous attendant à ce que les choses s'améliorent. Nous devons mettre en place un vaste système axé sur le rétablissement avant même de commencer à parler de décriminalisation. Le problème à l'heure actuelle, c'est que le système de santé d'un océan à l'autre est tout simplement incapable de traiter le nombre de personnes qui seraient orientées vers un traitement, si cette approche était adoptée.
L'Oregon est un exemple d'endroit qui a été de l'avant avec la décriminalisation sans que des capacités adéquates soient en place. Malheureusement, les choses ne se passent pas très bien pour cet État. L'approche adoptée par l'administration de l'Oregon était censée aider les gens à obtenir des traitements et à se rétablir, mais les mesures qui auraient été nécessaires pour renforcer la capacité du système de santé n'ont pas été prises. Résultat: les gens là-bas se retrouvent avec un système dysfonctionnel et sous-financé qui n'offre pas suffisamment de places pour le traitement et la guérison. En gros, le système de santé de l'Oregon n'était pas prêt et ne possédait pas les ressources nécessaires pour bien mettre en œuvre les mesures souhaitées. Le Canada a besoin d'un gouvernement qui investira dans la prestation de services de rétablissement et de guérison et dans la mise en place d'un cadre stratégique sur l'abus de substances axé principalement sur le rétablissement des toxicomanes.
Il convient de souligner que le gouvernement de l'Alberta mène actuellement une étude fondée sur des données probantes par l'entremise d'un comité spécial sur l'approvisionnement sûr. Dans le cadre de cette étude, les membres de ce comité ont la chance d'entendre divers témoignages. Je veux m'attarder sur un témoin en particulier, le Dr Keith Humphreys. Il est actuellement le président de la commission Stanford-Lancet, et il était le conseiller sur la politique en matière de drogue du président Obama. Dans son énoncé de principe, il affirme que l'existence d'un approvisionnement sûr ne peut pas être démontrée. Je pense qu'il est vraiment important de s'en souvenir. Je veux rappeler à la Chambre que l'OxyContin, le médicament qui est à blâmer pour un si grand nombre des problèmes actuels de dépendance aux opioïdes, avait été initialement présenté comme un médicament dont l'approvisionnement était sûr. L'expression « approvisionnement sûr » est davantage un outil de commercialisation qu'un terme médical.
Il n'y aura pas de solution universelle pour régler tous les enjeux liés au rétablissement et à la toxicomanie. Pour sortir de cette crise, il faut mettre en place un ensemble de programmes et d'initiatives. Cela dit, la priorité est d'élargir l'accès à une gamme de traitements dès maintenant. La prestation de ces services doit se faire de manière communautairement équitable, efficace dans le traitement de la toxicomanie comme maladie et empathique envers la personne en difficulté. Le rétablissement doit toujours être considéré comme un but atteignable, et il faut encourager activement les patients à progresser vers ce but. Cela implique d'avoir recours à des méthodes de traitement novatrices favorisant la guérison et le rétablissement et de miser sur des solutions qui s'attaquent aux causes profondes de la toxicomanie et ne se limitent pas à des mesures temporaires de gestion de la consommation. D'ici à ce que l'aide au rétablissement soit aussi facile d'accès que les drogues, nous ne devrions même pas songer à aller dans cette direction.
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Madame la Présidente, je prends la parole au sujet du projet de loi du député de Courtenay—Alberni, que j'aime bien et que je côtoie depuis 2015. C'est un homme de cœur. Je suis persuadé qu'il soumet son projet de loi à notre examen aujourd'hui, à l'étape de l'adoption de principe, avec le sentiment de vouloir régler cette question aiguë et dramatique.
Je vais lire le sommaire parce que le projet de loi se déploie à trois niveaux. Je croyais que le gouvernement voudrait mettre ces œufs dans le panier de son projet de loi , mais il semblerait que non. Il reste que le Bloc québécois, et je réfléchis à haute voix aujourd'hui, se situe entre les deux. Je vais expliquer cette position.
Dans un premier temps, le texte modifie la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, afin d'abroger une disposition qui érige en infraction la possession de certaines substances. Il apporte également des modifications corrélatives à d'autres lois.
Dans un deuxième temps, il édicte la Loi sur la radiation de certaines condamnations liées à la drogue. Nous avons eu ce débat et avons parlé de la situation où quelqu'un qui se fait intercepter pour possession simple est dans le trouble non seulement sur le plan humain, car il a des problèmes de consommation, mais parce qu'il se retrouve en plus avec un casier judiciaire et tout ce que cela comporte comme stigmatisation.
Le troisième volet est à mon avis un volet important, mais c'est en même temps celui qui me titille le plus pour l'instant, non pas parce que ce n'est pas important qu'il y ait une stratégie pancanadienne sur l'usage des substances, un phénomène et un problème complexes, mais parce qu'il prévoit l'obligation pour le ministre de la Santé d'élaborer une stratégie pour s'attaquer aux méfaits causés par l'usage problématique des substances.
Toutefois, lorsqu'on va voir dans le projet de loi, on s'aperçoit finalement que toute cette stratégie serait mise en place dans l'année qui suivrait la proclamation de la loi, et donc les dispositions de décriminalisation de possession simple. Pour l'instant, je dois continuer de réfléchir, car cela pose un certain nombre de problèmes.
Je vais faire quelque chose que je n'ai jamais fait à la Chambre. Même si l'aide médicale à mourir est aussi quelque chose de dramatique, je n'ai jamais parlé d'une expérience personnelle. Or, je veux que les gens comprennent qu'il y a eu toute une évolution et qu'il y a une sociologie du droit. Là où on est rendu, cela fait plaisir d'entendre l'ensemble des législateurs de la Chambre, car on ne voit plus, en 2022, les problèmes associés à la consommation comme étant un problème de criminalité, mais comme un problème de santé publique, un problème socio‑économique, et, à la limite, un problème de santé mentale.
Je voudrais dire que, dans ma vie, j'ai eu le privilège de participer à une expérience qui m'a fait grandir. C'était en 1998, il y a 24 ans. Plus jamais je n'ai pu regarder une personne itinérante aux prises avec un problème de polytoxicomanie de la même façon lorsque je la voyais dans la rue par la suite. Pourquoi?
C'est parce que des étudiants en communication sont venus me voir pour me demander de les guider d'un point de vue éthique. Ils m'ont parlé d'une maison, Chez ma cousine Evelyn, qui est un genre de zone tampon. Parlant de déjudiciarisation, il y avait à ce moment-là un projet pilote. Pour pouvoir avoir un lit, une place, une chambre dans cette maison — il n'y avait pas beaucoup de lits —, il fallait au départ être sans abri, toxicomane et atteint du VIH. Il fallait être confronté à ces trois problèmes conjugués.
Au centre-ville, nous nous sommes mis à la recherche de tels gens et nous avons dénombré énormément de jeunes de moins de 35 ans qui présentaient ces caractéristiques. Malheureusement, il n'y avait pas de ressources.
Nous avons fait parler ces gens en allant à leur rencontre. Ces gens peuvent être n'importe qui: elle, moi, un petit-fils, ma fille ou la fille d'un voisin. Ces gens avaient un parcours de vie qui n'avait rien à voir avec leur état actuel. Certains étaient fabuleux. Je me souviens notamment d'une personne qui avait étudié à Oxford. Nous prenions un café très tôt dans la journée et elle m'apprenait des concepts philosophiques. Pourtant, elle en était rendue à ne plus se préoccuper d'autre chose que sa consommation.
Ces gens interagissaient avec la police de quartier et pouvaient donc aller dormir Chez ma cousine Evelyn, consommer sur place et être supervisés par des intervenants qui géraient leur consommation. Ils nous ont raconté, et c'est assez drôle, que les premières fois où ils s'injectaient, ils se cachaient dans la chambre pour le faire, alors que c'était un endroit où ils pouvaient le faire sans problème. Si les policiers les voyaient sur la rue, tard le soir, ayant besoin de se faire reconduire, on les ramenait Chez ma cousine Evelyn.
Pour en venir au fait, c'est après trois mois d'immersion que nous avons pu allumer les caméras, pas avant. Quand ils nous ont parlé, nous avions l'impression que les caméras avaient disparu. Pendant tout ce temps, nous avons appris plein de choses. Chez ma cousine Evelyn a réussi à les accueillir alors qu'ils étaient au fond du baril, la tête en bas, avec un bloc de ciment attaché au cou. Certains pensent qu'il n'y a qu'à faire preuve de volonté et à sortir la tête de l'eau, mais ces personnes y replongeaient aussitôt.
Cette réalité a été pour moi une expérience assez particulière. Quand ces gens sont rendus au fond du baril, il n'y a plus personne autour d'eux. Ils reconnaissent eux-mêmes s'être aliénés des autres. Dans certains cas, on a réussi à faire en sorte que la personne puisse mourir Chez ma cousine Evelyn entourée de sa famille, avec laquelle elle avait pu renouer. C'était des moments d'humanité intenses.
C'est à cause de cette expérience que je dis oui à la décriminalisation. Par contre, il faut des moyens pour y arriver. Un rapport fort intéressant du Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances souligne que l'intervention législative, c'est-à-dire la décriminalisation, n'est en fin de compte qu'un des piliers d'une approche exhaustive, dont la mise en œuvre nécessite temps et efforts. Le Portugal, par exemple, a lancé la prestation à grande échelle de services de prévention, de traitement, et de réduction des méfaits, mais deux ans avant la décriminalisation.
Une stratégie pancanadienne devrait donc précéder la décriminalisation pour ne pas que l'État ou certains paliers de gouvernance se déresponsabilisent en arguant que ces gens-là ne sont plus dans le système judiciaire.
C'est le principal problème que nous voyons dans ce projet de loi. C'est aussi la raison pour laquelle nous aimerions pouvoir l'améliorer. Nous allons réfléchir à ce sujet.
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Madame la Présidente, c'est un grand honneur pour moi de prendre la parole au sujet du projet de loi , Loi sur une approche axée sur la santé concernant l’usage de substances.
J'aimerais remercier le député de pour avoir présenté ce projet de loi et pour ses efforts acharnés pour que notre pays se dote d'une politique axée sur la compassion et les données probantes en matière de toxicomanie.
Dans l'ombre de la COVID‑19, l'épidémie des surdoses s'est vite aggravée partout au Canada. Qui aurait pu croire que cela aurait pu être possible. En Colombie‑Britannique, 2 224 personnes sont mortes d'une surdose en 2021. Cela en fait l'année où il y a eu le plus de tels décès depuis que ces données sont compilées au Canada, et représente une augmentation de 26 % par rapport à 2020. De plus, le mois de décembre 2021 a été le plus meurtrier pour la province; durant ce mois, 215 habitants sont décédés des suites d'une surdose d'opioïdes toxiques. C'est l'équivalent de sept décès par jour. D'un bout à l'autre du Canada, plus de 25 000 Canadiens sont morts en raison de l'épidémie de surdoses toxiques au cours des six dernières années.
Bien que la COVID‑19 ait aggravé cette crise, elle n'en est pas la cause. Cette catastrophe est la suite logique des décennies de criminalisation; d'approvisionnement en substances toxiques, frelatées et illicites; et du manque de services accessibles en temps opportun pour réduire les méfaits ainsi que traiter les patients et aider ces derniers à se rétablir.
Le gouvernement libéral affirme que les mesures qu'il a prises pour lutter contre la COVID‑19 sont fondées sur des données probantes, sur la science et sur les avis des experts de la santé publique. Il est temps d'appliquer la même méthode sur une autre épidémie qui sévit au Canada. Il est temps de traiter la toxicomanie comme le problème de santé publique qu'elle est. La mesure législative présentée à la Chambre aujourd'hui remplirait exactement cet objectif.
La Loi sur une approche axée sur la santé concernant l'usage de substances renferme un train de mesures exhaustives qui permettraient de contrer l'épidémie de surdoses au Canada. Cette loi décriminaliserait la possession de drogues à des fins personnelles; elle permettrait d'effacer les casiers judiciaires; elle assurerait un accès avec un minimum de restrictions à un approvisionnement sûr et réglementé; elle élargirait l'accès à des services de réduction des méfaits, de traitement et de rétablissement partout au Canada tout en misant sur la prévention et la sensibilisation.
La décriminalisation est une des problématiques pour lesquelles les électeurs sont nettement à l'avant-garde des politiciens. Pour ce type de politiques, l'opinion publique se rapproche plus des données empiriques que les lois, car toutes les communautés au Canada sont touchées par la toxicomanie. Tous ont une mère, un frère, une sœur, un oncle, une tante, un cousin, un grand-père ou une grand-mère, un partenaire, un ami, un voisin, un collègue ou un enfant qui est aux prises avec une forme ou une autre de toxicomanie, ou certains le sont peut-être eux-mêmes. En effet, les Canadiens comprennent intuitivement un principe d'une importance critique, que la Chambre doit absolument reconnaître ce soir: les personnes qui souffrent ne sont pas des criminels. Ce sont des personnes vulnérables aux prises avec une souffrance immense.
Durant les années pendant lesquelles il a travaillé dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, le Dr Gabor Maté, que je considère comme un grand Canadien et un spécialiste de calibre mondial, a découvert que les traumatismes de l’enfance et les souffrances émotionnelles sont à l’origine des problèmes de dépendance. Il a aussi déclaré: « Il ne s’agit pas d’une guerre contre la drogue, mais bien d’une guerre contre les toxicomanes ».
On ne pourra jamais comprendre la dépendance si on l’observe sous l'angle du moralisme et du jugement. Il est temps que la société dans son ensemble se demande d’où vient la souffrance et non d’où vient la dépendance. En effet, lorsqu’on accepte que les causes profondes de la dépendance sont la souffrance et le traumatisme, alors la criminalisation ne peut être perçue que comme cruelle et contre-productive, car elle ne fait qu’aggraver le problème qu’elle cherche à corriger. La stigmatisation, la honte et la maltraitance sont les principaux problèmes émotionnels des personnes atteintes d’un trouble lié à la consommation de substances, et le fait criminaliser leur comportement accentue la honte et la stigmatisation. C’est une évidence.
Les sanctions pénales sont un moyen pour la société d’imposer à des citoyens un traumatisme maximal. Ceux-ci sont harcelés par la police. Ils subissent l’humiliation d’une arrestation. Ils comparaissent devant un tribunal, ce qui est une situation très sérieuse et intimidante. Ils sont jugés. Ils vont en prison. Ce système est conçu pour imposer les pressions les plus fortes que la société puisse imposer. Autrement dit, ce que nous faisons quand nous criminalisons la consommation de substances, c’est traumatiser de nouveau des personnes qui sont déjà aux prises avec des traumatismes.
En outre, nous disposons depuis des décennies de preuves qui montrent que la criminalisation ne fait qu’empêcher les personnes qui consomment des drogues d’accéder aux services de prévention et de traitement précoce, car elles ont peur de se faire arrêter, étiqueter ou exclure. La criminalisation pousse aussi les consommateurs à s’approvisionner en drogues manifestement toxiques, et ce, de façon illicite.
Si criminaliser la consommation de drogues fonctionnait, nous l’aurions éliminée depuis des années. Au lieu de cela, nous avons dépensé des milliards de dollars, nui à des millions de gens, déchiré des familles et des collectivités, ruiné la vie de nombreuses personnes, sans aboutir à aucun résultat. On dit que la folie, c’est le fait de répéter les mêmes gestes en espérant des résultats différents. Si tel est le cas, des générations de législateurs à la Chambre ont été, et sont atteints, de folie.
La partie 1 du projet de loi mettrait fin une fois pour toutes à la guerre contre les drogues au Canada en supprimant de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances l'interdiction de possession de drogue pour usage personnel. Elle mettrait un terme à la guerre insensée contre les drogues.
En outre, les casiers judiciaires aggravent les méfaits de la judiciarisation en exposant les personnes qui consomment des drogues à une discrimination permanente et ils les empêchent de trouver un logement et un emploi rémunérateur, ainsi que de voyager et de participer à la vie communautaire. Cette situation entraîne à son tour une stigmatisation et une marginalisation accrues.
L'incidence disproportionnée des casiers judiciaires sur les communautés racialisées et autochtones est également bien documentée. C'est pourquoi la partie 2 du projet de loi est essentielle pour élaborer une approche axée sur la santé en matière de consommation de drogues. Elle garantirait que les casiers judiciaires découlant d'infractions antérieures liées à la possession de drogue pour usage personnel soient entièrement radiés afin qu'une personne ne soit pas stigmatisée pour le reste de sa vie. Contrairement à la politique inefficace du gouvernement libéral actuel des pardons en lien avec le cannabis, le processus décrit dans le projet de loi prévoit la suppression automatique, sans frais et complète des casiers.
Enfin, la partie 3 du projet de loi exigerait l'élaboration et la mise en œuvre d'une stratégie nationale globale pour s'attaquer aux méfaits causés par l'usage problématique de substances. Cette stratégie ciblerait la véritable cause des décès. Elle serait élaborée en collaboration avec des intervenants clés, notamment des organismes de défense des droits, des fournisseurs de soins de santé de première ligne et, surtout, des personnes qui ont une expérience concrète du problème. Elle ciblerait les causes profondes de l'usage problématique de substances, garantirait l'accès à un approvisionnement sûr et réglementé, fournirait un accès universel à des services de rétablissement, de traitement et de réduction des méfaits, et atténuerait les préjugés associés à l'usage de substances. Il est urgent que tout le monde ait accès dès maintenant, sans obstacles majeurs, à un approvisionnement sûr de substituts de qualité pharmaceutique à tous les types de drogues illicites vendues dans la rue. Étant donné que la principale cause de la crise de surdoses est le fait que l'approvisionnement en drogues illicites empoisonnées est toxique et imprévisible, les experts ont clairement indiqué que le nombre de décès ne peut être réduit sans cette mesure fondée sur des données probantes.
Bien qu'un accès limité à un approvisionnement sûr ait été fourni dans certaines régions, les programmes actuels sont loin de répondre à la demande dans l'ensemble du Canada. À titre de précision, ce sont les drogues toxiques et empoisonnées qui sont vendues dans la rue par des fabricants criminels sans réglementation qui tuent des milliers de Canadiens. Toute loi qui ne tient pas compte de cette réalité n'est pas axée sur la santé; elle contribue aux décès.
Certains des députés ministériels affirment qu'ils croient qu'il faut traiter la toxicomanie comme un problème de santé et non comme un problème criminel. J'ai entendu trois ministres de la Santé libéraux consécutifs et un libéral le dire à maintes reprises, mais ils refusent d'y donner suite. La Loi réglementant certaines drogues et autres substances est la loi qui criminalise la consommation de drogues et la toxicomanie, et il s'agit d'une loi fédérale.
Ce soir, j'interpelle tous les députés, en particulier les libéraux, sur cette contradiction, car c'est une contradiction qui tue. Ils ne peuvent pas, d'un côté, dire qu'ils considèrent la consommation de drogues et la toxicomanie comme un problème de santé et, de l'autre, laisser les lois fédérales traiter ce problème comme une infraction criminelle, ce qui a pour effet de continuer à tuer des gens.
J'espère que tous les parlementaires mettront fin à cette folie. Il est temps de traiter la consommation de drogues et la toxicomanie comme le problème de santé qu'elles représentent réellement.