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Monsieur le Président, le projet de loi vient modifier la Loi sur les langues officielles des libéraux de Pierre Elliott Trudeau de 1969, qui a été ensuite modifiée une fois par les conservateurs de Brian Mulroney en 1998, en reprenant les mêmes principes.
Avant cela, pendant presque un siècle, la supposée égalité des langues instaurée par la Constitution de 1867 n'a jamais vraiment existé autrement qu'en théorie.
Quand Gilles Duceppe dit qu'il existe deux langues et que le bilinguisme au gouvernement fédéral, c'est l'anglais et la traduction en français, cela ne date pas d'hier. En fait, le français est demeuré la langue de la traduction, et les députés francophones qui voulaient se faire comprendre devaient parler anglais, parce qu'il n'y avait pas d'interprétation simultanée.
Les anglophones détenaient les portefeuilles économiques importants, ainsi que la vaste majorité des postes de cadre de la fonction publique. Cela non plus n'a pas changé tant que cela, mais, jusque dans les années 1970, il y avait une absence presque totale des francophones au sein de la fonction publique fédérale.
Pendant près d'un siècle, il y a eu des lois qui bannissaient le français dans toutes les provinces aujourd'hui majoritairement anglophones. On n'a qu'à penser au Règlement 17 en Ontario. Malheureusement, ce n'était pas une exception, et cela a causé l'anglicisation de près de 70 % des francophones au Canada. Ce sont les chiffres qu'on a eus la dernière fois que cela a été mesuré.
En toute objectivité par contre, il faut noter qu'il y a eu certains progrès, comme l'adoption des timbres bilingues en 1927, des billets de banque bilingues en 1936 et des chèques fédéraux bilingues en 1962. C'est sûr qu'avec des progrès aussi fulgurants, beaucoup de gens n'étaient pas contents au Québec, qui a connu un état d'ébullition. C'était le temps de la Révolution tranquille, du « maîtres chez nous » de Jean Lesage et des débuts du mouvement indépendantiste moderne. Je ne veux dire par là que c'était mieux hors Québec. C'est toujours un combat de tous les jours de parler français à l'extérieur du Québec. C'est un geste de résistance.
Pour revenir à la Loi sur les langues officielles, on dit qu'elle est le résultat des travaux de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, ou commission Laurendeau‑Dunton. Ce n'est pas tout à fait cela. La commission Laurendeau‑Dunton répondait à une demande formulée dans un éditorial d'André Laurendeau, où il proposait de tenir une commission d'enquête plutôt que de faire des débats sur les chèques bilingues ou d'autres miettes pour les Canadiens français.
André Laurendeau était fédéraliste. Il considérait que la nation canadienne-française pouvait coexister avec le Canada anglais. Il aurait voulu qu'on reconnaisse au Québec un statut spécial, en tant que cœur de la société canadienne‑française. Il voulait créer un partenariat égalitaire entre le Canada français et le Canada anglais. Pour lui, le bilinguisme était un instrument secondaire. Il voulait une nouvelle répartition des compétences entre le gouvernement central et la province francophone.
Le premier ministre Pearson a fait de la commission d'enquête un enjeu électoral. Il a été élu. Il disait souhaiter « que la Confédération canadienne se développe d'après le principe de l'égalité [des] peuples qui l'ont fondée », mais cela ne s'est pas passé comme prévu, parce qu'André Laurendeau est décédé entretemps, et un nouveau chef libéral est arrivé. Il s'agissait d'un féroce antinationaliste québécois, c'est-à-dire Pierre Elliott Trudeau.
Contrairement à ce qui est souvent écrit, les principales recommandations de la commission Laurendeau‑Dunton ont été balayées du revers de la main par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, qui a rejeté l'idée des deux peuples et de deux cultures nationales pour ne conserver que celle des deux langues associées à des droits individuels et au multiculturalisme, et non au biculturalisme, ce qui ramenait la culture québécoise à une culture parmi d'autres.
C'est important de considérer l'histoire parce que les principes fondamentaux de la Loi sur les langues officielles n'ont pas vraiment changé, malgré les belles déclarations contenues dans le projet de loi C‑13 et dans le discours du Trône.
L'étude des modes d'aménagement linguistique dans le monde classe les politiques linguistiques en deux grandes catégories, selon qu'elles sont fondées sur le principe de territorialité ou sur le principe de personnalité.
Pratiquement tous les spécialistes considèrent que seule une approche fondée sur la territorialité et les droits collectifs peut assurer la survie et l'épanouissement d'une langue minoritaire.
Il est aussi intéressant de noter qu'André Laurendeau parlait justement des modèles belges et suisses, qui sont des exemples de l'efficacité du principe de territorialité pour défendre les langues minoritaires.
Sur le territoire flamand, en Belgique, tout se passe en néerlandais; toute la fonction publique et le système éducatif, de la maternelle à l'université, fonctionnent en néerlandais. Cela ne les empêche pas d'apprendre cinq ou six langues secondes de façon très efficace.
En Wallonie, c'est la même chose pour le français, mais l'État central à Bruxelles est bilingue et c'est là qu'il y a eu le plus de problèmes. Or ce n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui.
Le modèle québécois est fondé sur le principe de la territorialité, avec la Charte de la langue française, qui vise à faire du français la seule langue officielle et commune sur le territoire du Québec, dans le respect de la communauté historique anglophone et en reconnaissant le droit des Premières Nations de maintenir et de développer leur langue et leur culture d'origine.
En fait, le Québec traite éminemment mieux la communauté anglophone que les provinces canadiennes traitent les communautés francophones et acadiennes.
Pour répondre à une certaine démagogie libérale, je dirai que le principe de territorialité pourrait très bien s'appliquer en dehors du Québec, dans les territoires où les communautés francophones et acadiennes sont davantage concentrées, comme l'a mentionné un des spécialistes qui a récemment témoigné devant le Comité permanent des langues officielles.
Cela ne veut pas dire qu'il ne pourrait pas y avoir maintien d'une forme de bilinguisme institutionnel, comme celui qui existe déjà pour les régions où les francophones sont moins nombreux et plus éparpillés. Ce serait un geste de réparation minimal pour les tous les torts causés par les politiques assimilatrices du gouvernement canadien.
Le modèle canadien de la Loi sur les langues officielles est fondé sur le principe de personnalité. Il établit des droits linguistiques individuels transportables sur l'ensemble du territoire canadien. Il proclame une égalité d'accès aux services gouvernementaux fédéraux pour les citoyens des deux grands groupes linguistiques, en limitant toutefois cet accès aux territoires où le nombre le justifie.
Cette approche fondée sur le principe de personnalité produit une situation où, parmi plusieurs langues officielles, la langue la plus forte est la seule qui se développera au détriment des autres langues plus vulnérables. Partout dans le monde, des modèles comme le modèle canadien de bilinguisme institutionnel non territorial aboutissent à l'assimilation des langues minoritaires.
C'est ce qu'on a constaté depuis 52 ans, avec la Loi sur les langues officielles: le taux d’assimilation des francophones hors Québec a augmenté constamment. Il est passé à 40 % en 2016. Cela veut dire que 40 % des francophones hors Québec utilisent maintenant l'anglais à la maison. Pour ce qui est de la langue d'usage, il est passé de 4,3 % en 1971 à 2,3 %. Cette dégringolade du français est le résultat de la Loi sur les langues officielles.
L'Office québécois de la langue française prédit un effondrement du poids démographique des francophones au Québec, de 78,9 % en 2011 à 69 % en 2036. On prévoyait ce scénario avec une immigration forte, mais cette dernière est bien moindre sous le gouvernement libéral.
Le bilinguisme fédéral est aussi partiellement territorial, parce que, comme je l'ai dit tantôt, il est limité aux régions où le nombre le justifie, où la demande est suffisante. Ce principe est vraiment une aberration. Lorsqu'un déclin du français se produit, on coupe les services en français. C'est un peu comme si une loi visant à soutenir l'emploi prévoyait que les services à l'emploi seront coupés lorsqu'il y aura une augmentation du taux de chômage. Les gens seraient portés à gonfler les chiffres pour masquer le réel taux de chômage, afin que les services de soutien à l'emploi ne soient pas coupés. C'est un peu cela qui se passe.
Les francophones hors Québec sont incités à gonfler les chiffres, à se montrer plus nombreux, parce qu'ils ne veulent pas se faire enlever des services en français. C'est avantageux pour Ottawa, qui présente une image selon laquelle tout va bien. En même temps, cela fait que le gouvernement fédéral a nié le déclin du français, même si toutes les données étaient évidentes, jusqu'à très récemment. Il a trouvé toutes sortes de façons et d'indicateurs pour présenter une image selon laquelle le français se portait bien et, supposément, pour aider les communautés francophones et acadienne.
Au Québec, il y a un effet pervers, parce que des organismes comme le QCGN, ou Patrimoine canadien, utilisent des indicateurs comme la PLOP, la première langue officielle parlée, qui est trafiquée un peu pour gonfler les chiffres. Cela fait que le QCGN revendique le droit des anglophones qui sont définis ainsi et qui correspondent souvent à des nouveaux arrivants que le Québec, en fait, devrait franciser.
Notre grand problème, c'est que pour arriver à maintenir le poids démographique des francophones au Québec, il faudrait que 90 % des transferts linguistiques se fassent vers le français. En ce moment, c'est un peu plus de 50 %, mais c'est principalement attribuable au fait que le gouvernement du Québec, pendant un certain temps, a pu sélectionner, grâce à une entente, davantage d'immigrants francophones ou francotropes. Cependant, c'est de moins en moins le cas, parce que le gouvernement fédéral a adopté une stratégie en deux étapes qui fait que l'immigration se fait de plus en plus en fonction des permis temporaires d'études. Or, comme on en a entendu parler dans les médias, les principaux bassins d'immigration francophone connaissent des taux de refus anormalement élevés. Parallèlement, le gouvernement fédéral a toujours nié le déclin du français, jusqu'à très récemment.
Un autre principe au fondement de la Loi sur les langues officielles, c'est la symétrie qui a été établie entre les anglophones au Québec et les minorités francophones et acadienne. C'est une autre aberration qui a été critiquée notamment par le Bloc québécois, mais aussi par toutes sortes d'auteurs et de journalistes au Québec. C'est très facile de démontrer que cela ne correspond pas à la réalité.
Même la commission Laurendeau-Dunton montrait qu'au Québec, non seulement les anglophones détenaient des privilèges considérables, mais les francophones étaient moins diplômés, et c'est toujours le cas. De plus, les francophones avaient des revenus inférieurs. Sur 14 groupes linguistiques, ils arrivaient au 12e rang. Bien qu'il y ait eu un certain rattrapage, il y a toujours un recul et la moyenne salariale des francophones, par exemple, si on n'utilise pas les indicateurs trafiqués de Statistique Canada, est encore largement inférieure à la moyenne salariale des anglophones au Québec.
Le principe même des minorités de langue officielle est éminemment contestable, puisque, tant que le Québec est dans le Canada, malheureusement, il est soumis à la volonté du gouvernement fédéral, qui est contrôlé par la majorité canadienne-anglaise. On a vu les résultats. Ce gouvernement ne s'est pas privé de changer et d'imposer une Constitution dans laquelle étaient enchâssés les principes de la Loi sur les langues officielles contre la volonté du Québec. On n'a jamais réussi. Aucun gouvernement du Québec n'a signé cela. C'est cadenassé, pour ainsi dire.
En 1993, même le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a affirmé que les citoyens canadiens anglophones ne pouvaient être considérés comme une minorité linguistique dans le contexte canadien, où ils sont majoritaires. Encore aujourd'hui, dans la réalité sociolinguistique, l'anglais se comporte au Québec comme une langue majoritaire au Canada et non comme une langue minoritaire au Québec.
Comme dans le reste du Canada, les transferts linguistiques favorisent la langue anglaise d'une façon disproportionnée. Cette symétrie qui est au fondement même de la notion de communauté de langue officielle minoritaire a un autre effet pervers, c'est-à-dire qu'elle a divisé le Québec d'avec les communautés francophones et acadienne. Cela a fait en sorte que le gouvernement fédéral a ignoré les groupes de défense du français en alléguant qu'ils représentaient une majorité. Il y a eu une étude sur la situation du français au Comité permanent des langues officielles, la première depuis 52 ans.
Alors, malgré toutes ces critiques, la Loi sur les langues officielles a maintenu cette symétrie fictive entre la communauté anglophone et les communautés francophone et acadienne. Cela a permis au gouvernement fédéral de justifier son financement massif des institutions et des groupes de pression anglophones, contribuant ainsi, comme plusieurs chercheurs l'ont constaté, à l'anglicisation du Québec.
Revenons au projet de loi . Après que le gouvernement canadien a annoncé qu'il allait moderniser la Loi sur les langues officielles, le gouvernement du Québec a formulé ses attentes. Il a notamment demandé que la Loi sur les langues officielles reconnaisse que, des deux langues officielles, le français est la seule à être minoritaire dans l'ensemble du Canada.
Cela semble avoir été entendu parce que cela a été repris dans le discours du Trône et dans le projet de loi C‑13, mais en maintenant que le gouvernement fédéral a la responsabilité de protéger et de promouvoir la minorité anglophone du Québec. On a donc acquiescé un peu à la demande du gouvernement du Québec, mais en maintenant les mêmes principes.
Dans le projet de loi C‑13, il n'y a aucune mesure spécifique pour défendre le français au Québec. C'est donc un peu dire une chose et son contraire. On verra comment cela va évoluer.
Un mois avant que soit présenté le premier projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement du Québec avait dévoilé sa position de façon plus complète et présenté cinq grandes orientations.
La première était la reconnaissance du statut minoritaire du français. Comme on l'a vu, le projet de loi offre une certaine reconnaissance très ambigüe et qui maintient le principe que la minorité anglophone au Québec doit être aidée. Ce qu'on voit, c'est que tout l'argent des programmes des langues officielles va continuer à être consacré à défendre l'anglais au Québec.
La deuxième demande, c'était qu'il y ait une approche autre que symétrique. Cependant, on ne la retrouve pas dans le projet de loi C‑13, qui maintient la symétrie entre les anglophones du Québec et les minorités francophones hors Québec.
La troisième orientation visait à ce que la Loi sur les langues officielles reconnaisse que l'État du Québec est le seul maître d'œuvre de la politique linguistique sur le territoire du Québec et que c'est la Charte de la langue française qui doit prédominer. Or, ce n'est pas du tout le cas et on fait plutôt le contraire: on impose des mesures qui vont avoir des conséquences pour le français, langue commune, et qui vont nuire à ce que le gouvernement du Québec tente d'accomplir.
Il y a un consensus très fort au Québec. Tous les partis politiques ont adopté à l'unanimité une motion à l'Assemblée nationale. Les maires de toutes les grandes villes et les ex-premiers ministres — y compris le très libéral Jean Charest — veulent que la loi 101 s'applique aux entreprises de compétence fédérale.
L'ancien projet de loi empêchait le Québec de faire cela en incluant une clause qui rendait l'application de la loi 101 optionnelle. L'actuel projet de loi C‑13 va jusqu'à soulever la notion d'un projet de loi séparé qui empêchera le Québec d'appliquer la loi 101 aux entreprises de compétence fédérale en leur laissant le choix de la loi qui s'appliquera à elles. On l'a vu en posant la question au PDG d'Air Canada, Michael Rousseau: ce dernier a répondu naturellement qu'il préférait que ce soit la Loi sur les langues officielles.
En conclusion, le Bloc québécois reconnaît les avancées qui ont été faites en matière de promotion et de protection du français pour les communautés francophones hors Québec. Nous croyons toutefois qu'il y a moyen d'aller beaucoup plus loin et nous allons appuyer les revendications des communautés francophones et acadiennes. Là aussi, nous voyons l'utilité d'une approche différenciée.
Par contre, les demandes du gouvernement du Québec et du Bloc québécois ont été complètement ignorées, tant dans l'ancienne mouture du projet de loi que dans l'actuelle.
À l'époque de la commission Laurendeau‑Dunton, on disait que deux choix s'offraient aux Québécois: une modification profonde de la Confédération et de la Constitution, ou l'indépendance du Québec. Aujourd'hui, 52 ans plus tard, c'est la même chose, sauf qu'on a reculé: on perd graduellement notre langue et on risque de perdre notre poids politique.
Il est important que tous les Québécois en soient bien conscients.
Je terminerai en disant ceci: vive le Québec français et libre!
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Monsieur le Président, aujourd'hui, je me lève à la Chambre au nom du NPD pour souligner l'importance de moderniser la Loi sur les langues officielles, le cadre protégeant les droits linguistiques des Canadiens et des Canadiennes.
Je suis une fière francophile. Je suis née et j'ai grandi à Thompson, au Manitoba, de deux parents immigrants. Ma langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais: c'est le grec.
Mes parents croyaient dur comme fer que, comme citoyens du Canada, mon frère et moi devions avoir accès à l'éducation en français. Si j'ai réussi à apprendre le français, ce n'est pas parce que j'avais un don inné, mais grâce au fruit de la lutte menée par les francophones, les éducateurs et leurs alliés, qui se sont battus pour leurs droits et pour de l'investissement public, et qui ont insufflé une volonté politique dans la société manitobaine.
Nous devons une fière chandelle à nos prédécesseurs, tant au niveau provincial que fédéral. Je suis reconnaissante du travail du gouvernement NPD du Manitoba, dont mon père faisait partie. Dans les années 1980, ce gouvernement s'est battu contre la discrimination et il a étendu la portée des droits linguistiques des francophones, tant dans les lois que dans les services au Manitoba.
Je suis fière de faire partie d'une génération de Canadiens qui ont pu apprendre le français, une de nos langues officielles. Grâce aux éducatrices francophones, j'ai découvert le Québec, l'Acadie et les communautés francophones de ma propre province. Grâce au système en place, les gens se sont fait ouvrir de nombreux horizons, de nombreuses possibilités d'emploi et des expériences de vie.
Les possibilités offertes à notre génération ne peuvent pas être tenues pour acquises. Nous devons continuer de demander de faire preuve d'audace en appui aux communautés francophones et en appui aux droits fondamentaux des francophones.
Malheureusement, le constat est clair: la langue française est en déclin au Canada et au Québec. Le poids démographique des francophones ne cesse de diminuer. Il a chuté de 25,5 % en 1971 à 22,8 % en 2016. Pourtant, nos langues officielles et la diversité de nos régimes linguistiques font notre identité et sont un élément majeur de cohésion sociale. C'est pourquoi protéger et revitaliser nos communautés linguistiques en situation minoritaire, garantir leurs droits linguistiques, promouvoir et protéger le français partout au pays font partie de nos objectifs centraux.
Le deuxième constat que l'on peut faire, c'est que la Loi sur les langues officielles en vigueur aujourd'hui et dont la dernière réforme majeure remonte à 1988 n'assure pas l'égalité réelle entre l'anglais et le français au pays. Les exemples ne manquent pas: le manque de personnel francophone; la difficulté à trouver un parcours éducatif complet pour nos jeunes, de la petite enfance aux études postsecondaires; les difficultés à accéder à la justice en français; ou encore l'incapacité à communiquer en français dans une situation d'urgence, à accéder à des informations sur la santé ou la sécurité publique, notamment durant la pandémie de la COVID‑19, comme l'ont révélé les syndicats de la fonction publique et le commissaire aux langues officielles.
On n'a pas encore parlé de l'insécurité linguistique dans le monde du travail. Même à Montréal, selon l'Office québécois de la langue française, deux travailleurs sur trois utilisent régulièrement l'anglais au travail parce que l'utilisation du français n'est pas encouragée et qu'ils hésitent à parler en français.
C'est encore pire dans la fonction publique fédérale, où le commissaire nous informe que le gouvernement n'en fait pas assez. Je cite le plus récent rapport annuel du commissaire:
[...] c’est la dualité linguistique de notre pays qui ne peut s’exprimer ou s’épanouir dans la fonction publique, ce qui a indéniablement un effet sur la qualité du service offert au public. La source du problème vient, selon moi, du manque de leadership en langues officielles au sein de nos institutions fédérales.
Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d'autres, mais cela reflète une situation inquiétante et dramatique qui a déjà trop duré. C'est maintenant que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre le déclin du français et protéger les droits linguistiques des 10 millions de Canadiens et de Canadiennes qui parlent français. Ce pouvoir est justement entre nos mains.
Au fil des années, la société canadienne [inaudible] changé. Le temps d'une réforme était venu depuis bien longtemps et c'est avec un immense retard que ce projet de loi aboutit enfin grâce aux pressions et aux demandes répétées des communautés linguistiques pour l'instauration de nouvelles mesures concrètes et efficaces.
Depuis leur arrivée au pouvoir, les libéraux se sont longtemps montrés sourds aux revendications et aux besoins des communautés. Ces dernières avaient pourtant tiré la sonnette d'alarme quant au déclin du français au pays. Les communautés linguistiques en situation minoritaire sont exaspérées de ne pas être entendues et d'être ignorées par le gouvernement. Elles sont épuisées par l'indifférence et par le manque de leadership du gouvernement. Je dois dire que je les comprends, que je partage leur sentiment. Comment peut-on ignorer 10 millions de citoyens? Comment peut-on leur tourner le dos?
Le commissaire aux langues officielles avait lui-même évoqué un problème systémique et un manque de maturité au sein du gouvernement fédéral en matière de respect des langues officielles. La fonction publique fédérale est elle-même le secteur le plus réticent à faire appliquer la Loi sur les langues officielles. Le temps des fausses promesses doit s'achever; celui du changement est devant nous.
Je voudrais souligner que la modernisation de la Loi sur les langues officielles est un premier pas important. Parmi les avancées notables, je soutiens notamment la reconnaissance du français comme langue minoritaire au Canada et en Amérique du Nord, en raison de l'usage prédominant de l'anglais; l'octroi de nouveaux pouvoirs au commissaire et au Conseil du Trésor; la clarification relative aux mesures positives; l'introduction du bilinguisme à la Cour Suprême et l'obligation d'IRCC d'adopter une politique d'immigration francophone.
Néanmoins, le NPD vise plus haut. Pour que la Loi ait réellement plus de mordant, nous voulons un projet de loi plus ambitieux. Nous voulons une loi réellement adaptée aux réalités d'aujourd'hui et de demain.
Je profite de l'occasion pour rappeler aux communautés que le NPD les a toujours soutenues et qu'il continuera de leur apporter un grand soutien, un soutien dont elles ont besoin, pour que la Loi sur les langues officielles réponde à leurs besoins et à leurs attentes.
C'est la première fois en une génération que nous avons l'occasion de moderniser la Loi. Je veux que cela soit fait de la meilleure façon possible. Nous ne devons pas manquer notre chance. Alors, faisons le travail qui doit être fait.
J'aimerais maintenant souligner plusieurs de nos priorités relativement à la Loi.
Premièrement, nous voulons nous assurer que le Conseil du Trésor est le seul et unique responsable de la coordination et de la mise en place de l'ensemble de la Loi. Il est le seul qui est en mesure de le faire, et il doit être le maître d'œuvre de l'agence centrale responsable d'appliquer la Loi. Pour remplir son rôle de manière efficace, le Conseil du Trésor doit être en mesure d'exiger que les institutions fédérales produisent des résultats tangibles. De plus, il doit pouvoir émettre des principes et des directives relatives à l'application de l'ensemble de la Loi. Un partage des responsabilités avec Patrimoine canadien, qui n'a pas l'autorité nécessaire pour remplir ce rôle, entraînerait des conflits d'interprétation et un manque de clarté. Il m'apparaît donc indispensable de mettre au point des outils afin de mesurer l'impact des mesures positives et d'évaluer les rendements des hauts fonctionnaires dans leurs ministères.
Je soutiens aussi la proposition de la Fédération des communautés francophones et acadienne visant à supprimer la disposition autorisant le Conseil du Trésor à déléguer ses responsabilités de coordination de la Loi à une autre institution fédérale. Nous voulons un partage des compétences cohérent, clair et efficace. Il ne faut pas répéter les erreurs du passé, qui ont empêché les gouvernements successifs de faire respecter la Loi sur les langues officielles.
Deuxièmement, nous voulons que des clauses linguistiques soient introduites dans les ententes fédérales-provinciales, et ce, afin de respecter les besoins de chaque communauté, sans quoi elles seront oubliées. Il est donc essentiel que les institutions fédérales aient l'obligation de négocier ces clauses linguistiques avec les provinces et les territoires. Je crois qu'il faut aussi inclure une disposition prévoyant que le gouvernement fédéral aura la possibilité de composer directement avec les communautés francophones en situation minoritaire si un gouvernement provincial ou territorial refuse de s'engager à signer une entente comprenant une clause linguistique.
On a raté une occasion en or de faire avancer les droits des communautés francophones en situation minoritaire et d'offrir des occasions aux francophiles lors de la ronde de négociation pour le financement de places en garderie. Les listes d'attente interminables sont encore la norme pour ce qui est des places dans les garderies francophones.
Une étude du Réseau de développement économique et d’employabilité Canada de 2019 révélait que 9 500 jeunes francophones étaient inscrits sur les listes d'attente de 745 services de garde en français existant hors Québec. Un enfant sur une liste d'attente, c'est un enfant qui risque de perdre sa langue et de se retrouver assimilé dans le système anglophone.
Ce n'est pas normal que ce soit un parcours du combattant pour obtenir une place dans une garderie, une école ou une université francophone. Des clauses linguistiques auraient pu avoir un effet pour réduire ces listes d'attente avec un financement dédié. Nous ne pouvons pas manquer notre chance lors des prochaines négociations portant sur les services de santé.
Troisièmement, la politique d'immigration francophone que devrait mettre en place IRCC devra évoquer clairement, comme objectif principal, le rétablissement et la croissance du poids démographique des francophones.
Nous l'avons vu avec les échecs répétés du gouvernement à atteindre la cible de 4,4 % d'immigration d'expression française depuis 2003. Lorsqu'on sait que la proportion annuelle des immigrants d'expression française s'établissant au sein des communautés francophones en situation minoritaire ne dépasse pas les 2 %, il y a de quoi s'indigner.
Moins de 50 000 immigrants francophones ont été admis hors du Québec entre 2008 et 2020. C'est un nombre bien en‑deçà des 125 000 requis pour maintenir la francophonie hors Québec à 4,4 % de la population. On a donc un manque à gagner de 75 000 immigrants francophones.
Je crois que cela ne sert à rien d'établir un pourcentage qui ne reflète pas la réalité. Je suis plutôt convaincue qu'il faut évaluer le nombre réel de francophones qui manquent à nos communautés. J'appelle le à établir des cibles de rattrapage concrètes et ambitieuses. Il faut mettre en place une politique pour atteindre ces objectifs. Dans certaines communautés, on parle de plus de 16 % d'immigration francophone pour rétablir ou augmenter leur poids démographique. On est loin des 4,4 % que continue de répéter le gouvernement. Il faut un changement de cap.
Quatrièmement, nous voulons que le commissaire aux langues officielles puisse exercer un réel pouvoir pour dissuader les récalcitrants, à savoir les institutions qui ne respectent pas la Loi sur les langues officielles. Le pouvoir d'ordonnance du commissaire ne touche pas que les parties IV et V de la Loi, alors que la partie VII est celle qui promeut l'égalité des langues officielles et qui appuie le développement des communautés de langues officielles en situation minoritaire. Le commissaire doit pouvoir exercer son pouvoir d'ordonnance ici aussi.
Par ailleurs, il va falloir étudier les pouvoirs du commissaire d'octroyer des sanctions administratives pécuniaires. On ne doit pas se contenter de viser seulement quelques entreprises comme Air Canada ou VIA Rail. Il faut élargir ce champ d'application.
Concernant les mesures positives que doivent prendre les institutions fédérales, je rejoins la Fédération des communautés francophones et acadienne qui souhaite modifier les mesures que ces communautés estiment indiquées par des mesures positives nécessaires. Ce changement de vocabulaire m'apparaît important pour clarifier cette obligation. On doit aussi s'assurer de clarifier les modalités de consultation des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans le cadre de la détermination des mesures positives. Nous devons absolument tenir compte de ces consultations qui nous apporteront des éléments de réponse indispensables.
Finalement, je serai attentive aux critères qui seront utilisés pour définir la notion de région à forte présence francophone. Puisque les réalités géographiques ne sont pas toutes les mêmes au pays, nous voulons une définition claire, précise et pertinente. C'est par ces changements indispensables que nous pourrons nous assurer que cette loi est adaptée aux besoins de nos communautés et orientée vers ceux-ci.
Le NPD a toujours soutenu les communautés francophones qui exigent des garanties et des certitudes. Ce soutien continuera, car nous croyons fermement que le droit de s'épanouir en français doit être offert à tous.
Je voudrais conclure en rappelant que les langues officielles sont l'affaire de tous. Il en va de l'avenir de notre société et de sa cohésion. Nous nous battrons pour obtenir des résultats concrets pour les francophones du Québec et à l'extérieur du Québec.
Au Comité permanent des langues officielles, je continuerai à défendre et à faire valoir les droits linguistiques des communautés en situation minoritaire. Le NPD continuera à défendre la dualité linguistique canadienne dont nous sommes fiers.
Notre travail est loin d'être achevé pour que le français soit bien protégé partout au Canada. Il est temps de se mettre au travail.
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Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
En tant que fier francophone venant de la région de Nickel Belt et du Grand Sudbury ayant une profonde histoire francophone, je suis très reconnaissant de pouvoir prononcer cette allocution aujourd'hui. En effet, le drapeau franco-ontarien, conçu par M. Gaétan Gervais, professeur d'histoire à l'Université Laurentienne, et Michel Dupuis, étudiant de cette même institution, a été officiellement hissé pour la première fois à Sudbury le 25 septembre 1975, à l'Université de Sudbury.
En 1958, mon père, Gaétan Serré, ancien député de Nickel Belt, a également fréquenté l'Université de Sudbury. De plus, en 1969, alors qu'il était député, il a voté ici, à la Chambre, en faveur de l'adoption de la Loi sur les langues officielles. Quelle fierté pour moi d'être ici aujourd'hui.
Depuis 2019, notre gouvernement s'est donné le mandat de faire le point sur la situation linguistique au Canada et de prendre acte de l'évolution des langues officielles depuis l'adoption de la première Loi sur les langues officielles il y a plus de 50 ans.
Le portrait linguistique est en constante évolution. Le monde dans lequel nous vivons a aussi changé depuis 1969. Le temps est venu de se pencher sur les bons coups de cette loi ainsi que sur ses défis, afin de proposer une nouvelle vision modernisée de notre dualité linguistique et de notre bilinguisme. La conjoncture pour moderniser la Loi sur les langues officielles est particulière. Alors que la planète entière est plongée dans une crise sanitaire en raison de la COVID‑19, au Canada, nous avons pu voir comment les pressions et l'urgence d'agir pouvaient avoir des répercussions sur l'application des obligations en matière de communication et de service au public. Nous avions le devoir d'agir et en avons tenu compte dans notre projet de modernisation.
Depuis plus de 50 ans, force est de constater que la Loi sur les langues officielles a permis de modeler le paysage linguistique au pays. Elle a établi le bilinguisme institutionnel et elle a permis aux francophones non seulement d'accéder à une carrière dans la fonction publique fédérale, mais aussi d'être servis et éduqués dans leur langue maternelle.
Depuis 50 ans, en plus de faire la promotion de nos deux langues officielles, la Loi a protégé les droits de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire, tant les communautés francophones partout au Canada que les communautés d'expression de langue anglaise au Québec. Elle a assuré leur dynamisme.
Dans ma circonscription, l'appui et l'engagement du gouvernement fédéral se sont concrétisés par un soutien direct à des projets francophones, comme la Place des arts du Grand Sudbury; le Conseil des arts de Nipissing Ouest; Le réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord de l’Ontario; et, dans le domaine de l'éducation postsecondaire, des institutions comme le Collège Boréal.
Il s'agit ici d'une réalité canadienne incontournable, d'une distinction canadienne appréciable, mais c'est aussi un défi. C'est une situation qui demande une intervention du Canada. Nous avons le devoir et l'obligation d'appuyer la vitalité de ces communautés d'un océan à l'autre pour demain et pour les générations à venir. Notre riche histoire tient compte de la présence, de la préservation et de la résilience des communautés francophones en situation minoritaire partout au pays et des communautés d'expression anglaise au Québec.
Le maintien du poids démographique de ces communautés est important pour nous. Les chiffres parlent et en disent long. Le poids démographique de la population francophone s'effrite. La proportion des gens dont la première langue parlée est le français à l'extérieur du Québec est passée de 6,6 % en 1971 à 3,9 % en 2011. Les projections de statistique ne sont guère plus reluisantes.
En dépit d'efforts en matière d'immigration francophone et de protection du droit d'accès à des services fédéraux de la langue de son choix, il faut en faire plus pour respecter la responsabilité et l'engagement de notre gouvernement à favoriser l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Nous avons besoin d'institutions fortes qui agissent comme un phare au sein de leurs communautés. Il faut aussi de meilleures données pour mieux cibler nos interventions au sein de ces communautés. Pour ce faire, il faut aussi que les institutions fédérales soient à l'écoute de nos communautés. On le sait: la communauté en situation minoritaire, tant francophone que d'expression anglaise, a besoin d'institutions et de services dans sa langue. Ces institutions font partie de l'espace public dont les communautés ont besoin pour vivre et s'épanouir dans leur langue.
Lorsqu'on parle de services, on parle de ceux qu'offrent les plus grandes institutions publiques, les administrations provinciales, municipales et les organisations communautaires. Ceci inclut les commissions et les conseils scolaires, les garderies, les cliniques de santé communautaires et les organisations culturelles.
Le projet de loi que notre gouvernement a déposé vise, entre autres, le développement du plein potentiel de ces communautés en appuyant la vitalité des institutions dans des secteurs clés. Pour ce faire, nous voulons apporter des modifications à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, notamment en y inscrivant des exemples concrets de mesures positives: fournir un appui aux secteurs clés des communautés de langue officielle en situation minoritaire comme l'éducation, l'emploi, la santé, l'immigration, la culture et la justice; inclure une obligation pour le gouvernement du Canada de contribuer à une estimation des enfants ayant droit à l'instruction dans la langue de la minorité officielle; et affirmer l'engagement du gouvernement du Canada à renforcer le continuum en éducation de la petite enfance au postsecondaire dans la langue de la minorité.
Ces modifications auront pour effet d'obliger le gouvernement à apporter plus de mesures positives pour appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire et de clarifier les obligations des institutions fédérales, notamment de consulter ces communautés et de protéger les services et les programmes clés dans ces communautés.
Le projet de loi que nous avons déposé présente des solutions concrètes et durables visant à protéger la pérennité de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire et de leurs institutions. Le projet de loi propose aussi des avancées innovantes. On pense notamment à la création du nouveau droit d'être servi et de travailler en français dans les entreprises privées de compétence fédérale.
Notre gouvernement est profondément engagé envers nos deux langues officielles et envers ces communautés partout au Canada. Le dépôt du projet de loi pour la modernisation de la Loi sur les langues officielles est un grand moment pour notre identité en tant que Canadiens et Canadiennes et pour la défense de nos droits linguistiques aujourd'hui et pour les générations à venir.
Pour avoir parlé directement à des militants francophones et des organisations passionnées de Nickel Belt et du Grand Sudbury, comme le Centre de santé communautaire, l'ACFO et des établissements postsecondaires, je sais qu'ils sont fiers de ces initiatives.
On sent que le gouvernement comprend les besoins des francophones et la volonté de bâtir une région et des services pour et par les francophones, en plus de favoriser l'épanouissement de la langue et de la culture en milieu minoritaire.
Nous savons depuis longtemps que nos objectifs en matière de langues officielles ne peuvent réellement améliorer la vie des Canadiens que sous forme de mesures entreprises de concert avec les communautés visées.
Ce projet de loi met sur la table une collaboration qui va renforcer les institutions fédérales et les communautés de langue officielle en situation minoritaire.