La Chambre reprend l'étude, interrompue le 2 mars, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Madame la Présidente, c'est un honneur pour moi de participer au débat d'aujourd'hui sur le projet de loi , Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et édictant la Loi sur la radiation de certaines condamnations liées à la drogue et la Loi sur la stratégie nationale sur l’usage de substance.
Le parrain de ce projet de loi d’initiative parlementaire est un compatriote de la Colombie‑Britannique, le député de . Je souhaite le remercier d'avoir présenté cette mesure législative. Elle tombe à point parce que le Canada est aux prises avec une crise des surdoses d'opioïdes. C'est l'autre pandémie qui sévit dans notre pays.
Cependant, il existe de nettes distinctions entre les deux. La pandémie de COVID‑19 diminuera. En fait, elle perd déjà du terrain et elle sera bientôt derrière nous. De plus, on a mis au point un vaccin pour combattre la COVID‑19, et nous sommes en train de développer une immunité collective ou une immunité de groupe, comme certains l'appellent. Il existe des mesures de réduction des méfaits pour la COVID‑19 qui sont simples et généralement efficaces. Rien de cela ne s'applique à la crise des opioïdes.
J'aimerais lire quelque chose qui se trouve sur le site Web du gouvernement. On y dit ceci: « La crise des surdoses d'opioïdes s'est aggravée durant la pandémie de COVID‑19, de nombreuses communautés de partout au Canada faisant état de nombres records de décès, d'appels d'urgence et d'hospitalisations liés aux opioïdes. » Le site Web précise aussi qu'on a observé une hausse de 95 % — ce qui est presque le double — des décès liés aux opioïdes au cours de la première année de la pandémie, leur nombre grimpant à 7 200.
Ce chiffre est énorme. Il est choquant. On parle de vraies personnes, de nos concitoyens canadiens. Ces personnes sont des mères et des pères, des frères et des sœurs. Ces personnes sont aimées de leur famille et de leurs amis. Elles sont dépendantes aux opioïdes ou elles souffrent de toxicomanie, et malheureusement pour elles, elles sont tombées sur des opioïdes contenant du fentanyl.
Je partage la souffrance d'un ami de ma famille dans ma circonscription, qui vient juste de célébrer l'anniversaire de la mort de son fils, décédé d'une surdose d'opioïdes. Il était aimé par sa famille. Il avait beaucoup d'amis. Il était populaire. Il avait un excellent travail. Son employeur pouvait compter sur lui, et ses collègues l'appréciaient. Il est mort seul, à la maison, d'une présumée surdose d'opioïdes. Dorénavant, il fait malheureusement partie des statistiques.
Le parrain de ce projet de loi d'initiative parlementaire, comme je l'ai mentionné, vient aussi de Colombie‑Britannique, alors j'aimerais parler des statistiques dans notre province pour ce qui est des décès attribuables à une intoxication aux drogues illicites. Le nombre de décès imputables à cette cause en Colombie‑Britannique est de cinq par jour. Chaque jour, cinq personnes meurent en Colombie‑Britannique à cause d'une intoxication par des drogues illicites. En 2022, 74 % de ces personnes avaient entre 30 et 59 ans, et 77 % étaient des hommes. Plus de la moitié de ces décès ont eu lieu à la maison, alors que la personne était seule.
Il y a eu une forte hausse des décès par intoxication aux drogues illicites depuis le début de la pandémie de COVID‑19, même si l'on pouvait déjà constater une augmentation importante de cette catégorie de décès dès 2015, lorsqu'elle est devenue la principale cause de mort non naturelle en Colombie‑Britannique. On remonte à 2015; il y avait déjà une hausse importante. À l'époque, la consommation de fentanyl était en croissance et elle était devenue la principale cause des décès par intoxication aux drogues illicites.
Nous pensons que ce projet de loi arrive à point nommé et qu'il s'agit d'une discussion importante. Regardons de plus près le projet de loi. Il modifiera la Loi réglementant certaines drogues et autres substances de façon à abroger les dispositions qui rendent criminelle la possession de certaines substances. Il édicte également une nouvelle loi concernant la radiation de certaines condamnations liées à la drogue, ce qui signifie que ce sera comme si ces infractions n'avaient jamais été commises. Le projet de loi édicte également la Loi sur la stratégie nationale sur l'usage de substances, qui prévoit l'obligation pour le d'élaborer une stratégie sur la réduction des méfaits.
Je veux parler en particulier de la stratégie nationale sur l'usage de substances. L'objectif de cette stratégie, selon le projet de loi, est de s'attaquer aux méfaits causés par l'abus de substances, plutôt que de s'attaquer à l'abus de substances en soit. La stratégie garantirait également l’accès, sans obstacles majeurs, à un approvisionnement sûr en substances nocives qui créent une dépendance et mettrait l'accent sur les sites de consommation supervisée et la prévention des surdoses, ainsi que sur l'atténuation des préjugés associés à l’usage de substances.
Je crois qu'avec ce projet de loi, on a l'intention ou l'espoir qu'il conduise à une diminution du nombre de victimes de la toxicomanie. C'est un objectif digne d'éloges, mais je doute que l'on propose les bons outils. Le Parti conservateur et moi-même préconisons de toujours mettre l'accent sur le rétablissement et le traitement.
Pour revenir à la stratégie nationale sur l'usage de substances qui est proposée, elle est louable pour sa promotion de l'accès universel à la guérison. Je suis d'accord avec cela. Elle mettrait l'accent sur les programmes de prévention des rechutes, ce qui mérite d'être considéré, et sur les programmes de prévention fondés sur des données probantes. Bien sûr, ce sont là toutes des choses importantes, et j'appuierais ces mesures.
Au cours de la campagne électorale fédérale de 2021, les conservateurs ont présenté un plan qui prévoyait la création de 1 000 lits pour le traitement de la toxicomanie, la création de 50 centres communautaires de rétablissement, le soutien des traitements locaux et culturellement appropriés pour la toxicomanie et un partenariat avec les provinces pour l'accès au naloxone. À ce titre, nous trouvons un certain terrain d'entente.
Cependant, nous sommes d'avis qu'il faut donner aux gens l'espoir d'un rétablissement, pas seulement une réduction des méfaits, pas seulement un approvisionnement sûr, pas seulement des sites d'injection sûrs, mais des solutions réelles, durables et pleines d'espoir pour une vie meilleure. Pour faire face à la crise des opioïdes, nous soutenons que le Canada devrait adopter un cadre de base axé sur le rétablissement et le traitement.
En ce qui concerne la décriminalisation de la possession, qui fait partie de ce projet de loi d'initiative parlementaire, je tiens à souligner qu'en 2020, le Service des poursuites pénales du Canada a donné la directive d'éviter les poursuites dans les cas de possession simple. Cela concorde avec ce qui se passe dans certains pays européens, où la possession demeure une infraction criminelle, mais où on ordonne aux policiers et aux procureurs de ne pas intervenir en fonction du recours discrétionnaire à leurs pouvoirs et à leurs lignes directrices. Je pense que cette directive donne au système de justice pénale la souplesse nécessaire pour traiter la toxicomanie comme un problème de santé dans les cas appropriés, mais laisse aussi aux forces de l'ordre les outils nécessaires pour garder les drogues dangereuses hors de nos rues.
Je siège au comité de la sécurité publique et nationale et nous venons de terminer une étude sur le contrôle des armes à feu et le trafic illégal des armes, qui était axée sur l'augmentation des crimes commis par armes à feu par des personnes issues des gangs de rue. Dans cette étude, nous avons entendu un certain nombre de témoins qui nous ont montré qu'il existe un lien inextricable entre le trafic de drogues et le trafic d'armes. Les deux vont de pair.
J'ai ici deux citations de témoins. La première est de Mitch Bourbonniere, qui travaille à Winnipeg. Il a dit: « À Winnipeg, on peut se procurer illégalement une arme à feu à peu près aussi facilement que de la drogue ».
Voici une autre citation, de Michael Rowe du service de police de Vancouver. En réponse à une question concernant la corrélation possible entre la contrebande d'armes et le trafic de drogues, il a dit: « certainement, [...] il y a une corrélation qui, je crois, est irréfutable, en particulier puisque la production et la vente de fentanyl sont un marché extrêmement lucratif. Ce très lucratif marché de la drogue crée habituellement des conflits qui vont mener à la violence des gangs ». Il y a de toute évidence un lien entre le trafic de drogues et le trafic d'armes.
Je ne crois pas qu'en retirant la consommation personnelle de ces drogues de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, nous réglerons le problème. Nous devrions continuer de nous attaquer à la source des opioïdes mortels contenant du fentanyl et aux criminels qui produisent du fentanyl et qui font de gros profits.
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Madame la Présidente, je prends aujourd'hui la parole au sujet du projet de loi . Si on le résume dans ses plus grandes lignes, on peut dire que ce projet de loi porte principalement sur la décriminalisation des cas de possession simple de drogue et qu'il s'articule autour de trois volets.
En premier lieu, le projet de loi établit les modifications législatives pertinentes pour l'atteinte de l'objectif qu'il vise, soit la décriminalisation. On parle ici de modifications notamment à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, au Code criminel, ainsi qu'à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. En gros, on vise surtout à abroger le paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, de même que les éléments de cette même loi du Code criminel et de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes qui y font référence. Le paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances prévoit ce qui suit: « Sauf dans les cas autorisés aux termes des règlements, la possession de toute substance inscrite aux annexes I, II ou III est interdite. »
La seconde partie du projet de loi édicte quant à elle une nouvelle loi: la loi sur la radiation de certaines condamnations liées à la drogue. C'est une loi qui se veut d'application un peu rétroactive, d'une certaine façon, puisque ce qu'elle vise est l'établissement d'une procédure à suivre par la Commission des libérations conditionnelles du Canada pour la radiation de condamnations qui seraient antérieures à l'entrée en vigueur du présent projet de loi, s'il est adopté. Cette portion de la loi permettrait donc de passer l'ardoise sur des infractions commises dans le passé, puisque la radiation d'une condamnation a pour effet que la personne condamnée est réputée n'avoir jamais fait l'objet d'une accusation et d'une condamnation pour cette infraction, ce qui permettrait de carrément faire disparaître un dossier criminel. La radiation ne se ferait toutefois pas automatiquement. Il faudrait que l'individu présente une demande de radiation, que la Commission effectue un examen de la demande pour voir si elle est valide et qu'ensuite un avis soit transmis à la GRC, aux ministères et aux organismes afférents pour que leurs dossiers relatifs à la condamnation soient supprimés.
La troisième et dernière partie du projet de loi crée également une nouvelle loi: la loi sur la stratégie nationale sur l'usage de substances. Cette nouvelle loi viserait à forcer le ministère de la Santé à élaborer une stratégie en consultant le milieu, et elle lui imposerait de faire rapport sur l'avancement de cette stratégie. Bien que l'un des buts de la stratégie soit de réduire la criminalisation liée à l'usage de drogues, la troisième partie du projet de loi propose que le but principal en soit un qui tienne davantage de la santé publique, avec une approche visant surtout à remédier aux méfaits causés par la consommation problématique de substances.
Si on se fie au projet de loi , la stratégie doit être élaborée en consultation avec les gouvernements provinciaux responsables des services de soins de santé et certains intervenants clés, notamment des organismes de défense des droits, des fournisseurs de soins de santé de première ligne, des personnes qui ont une expérience concrète de l'usage de substances, des travailleurs du domaine de la réduction des méfaits et des experts de l'usage problématique de substances et des troubles liés à l'usage de substances.
Bien que, de façon générale, le Bloc soit ouvert à l'idée de déjudiciariser les gens qui sont aux prises avec des problèmes de consommation, on pense que le projet de loi C‑216 rate malheureusement un peu sa cible principale. Depuis quelques années, on a tendance à analyser les problèmes liés aux drogues comme étant davantage des problèmes de santé publique que des problèmes de criminalité, et ce, pour plusieurs raisons.
On ne peut pas ignorer la crise des opioïdes qui sévit sévèrement en Amérique du Nord depuis 2016. Il s'agit d'un problème grave qui demande une réponse gouvernementale. On peut penser, au niveau purement criminel, à l'approche tough on drugs de Nixon, laquelle n'a jamais donné les résultats escomptés. On constate l'expérience positive de pays comme le Portugal et la Suisse, qui ont adopté une approche de santé publique en ce qui a trait aux questions liées à l'usage des drogues. On a aussi une meilleure compréhension des problèmes liés aux dépendances grâce à l'avancement des connaissances scientifiques sur ce sujet.
Le problème, quand on regarde le projet de loi dans son ensemble, c'est qu'on met un peu la charrue avant les bœufs. Le troisième volet du projet de loi, celui qui traite d'une stratégie sur l'usage des substances, est probablement l'un des plus importants du projet de loi dans l'optique où, ce qu'on souhaite réellement faire, c'est surtout accompagner les gens qui ont des problèmes de dépendance et les aider à s'en sortir. Le but principal du projet de loi, dans le fond, c'est de sauver des vies dans un contexte où la consommation d'opioïdes est en augmentation, et ce, depuis les années 1980. À titre d'exemple, depuis 2016, les décès attribuables aux opioïdes sont en forte progression. Ils sont passés de près de 3 000 en 2016 à plus de 6 000 en 2020, soit quatre ans plus tard.
Le problème de ce nouveau projet de loi se situe, d'une certaine façon, sur le plan de la temporalité, c'est-à-dire l'ordre dans lequel les étapes se déroulent. Dans les faits, on constate que lorsque le projet de loi entrerait en vigueur, les articles qui prévoient les infractions pour la simple possession tomberaient immédiatement, mais la stratégie nationale verrait le jour seulement au cours de l'année suivante, au mieux.
Si on peut voir des avantages dans l'adoption immédiate du projet de loi pour des gens qui en sont, par exemple à une première infraction, le projet de loi n'aurait pas d'incidence à court terme sur les gens qui ont des problèmes de dépendance chronique. Surtout, on n'a aucune idée de ce à quoi ressemblera la politique nationale ni comment elle s'articulera par rapport à la collaboration avec les gouvernements du Québec et des provinces, qui sont responsables des services de soins de santé.
En fait, nous craignons qu'on rate le bateau si on ne fait que décriminaliser la possession simple de drogue pour consommation personnelle sans, au préalable, s'être assuré d'avoir tout rattaché le reste aux services de santé, notamment, qui veillent aux mesures d'accompagnement, d'encadrement, de cure de désintoxication et autres, surtout dans un contexte où il y a un risque d'ingérence assez claire dans les champs de compétence du Québec et des provinces.
D'une certaine façon, on semble trop facilement vouloir s'inspirer de la réussite de ce que le Portugal a mis en place pour justifier le projet de loi , mais en omettant de considérer dans son ensemble ce que le Portugal a fait. Si le succès du Portugal est largement cité à titre de preuve que la décriminalisation fonctionne, la réalité, elle, est beaucoup plus complexe.
Au Portugal, un individu n'est généralement pas envoyé en prison si la totalité de sa possession ne dépasse pas une consommation personnelle. Cet individu s'expose malgré tout à des conséquences pénales, bien que ce soit des cas plus rares. Il est à noter que ce n'est pas exclusivement la décriminalisation qui contribue au succès du Portugal, mais plutôt des mesures de déjudiciarisation et de services d'accompagnement sur le terrain, comme les sites d'injection supervisée, la sensibilisation et les ressources en réinsertion.
Il faut comprendre que la politique du Portugal repose sur des alternatives juridiques à la possession simple de drogue pour consommation personnelle. Lorsqu'un individu est arrêté pour possession simple, il est amené au commissariat pour déterminer si la quantité de drogue qu'il possède est inférieure aux limites permises. Son cas est par la suite transmis à une Commission for Dissuasion of Drug Addiction pour évaluer le risque que pose sa consommation. La Commission fait ensuite comparaître l'individu devant un comité d'experts composé de travailleurs sociaux, de professionnels de la santé, de conseillers juridiques pour évaluer les risques liés au comportement de l'individu. Selon le risque, l'individu se voit offrir une série de mesures qui vont de la simple sensibilisation à la cure de désintoxication, en passant par l'amende et les travaux communautaires. Dans les cas les plus graves comme les récidives ou le fait de poser des risques à autrui, les individus peuvent être contraints de suivre des traitements et un refus peut mener à des conséquences pénales. L'objectif principal est d'encourager l'observance du traitement ou la décision de s'abstenir carrément de consommer de la drogue.
Si le projet de loi est adopté, on peut craindre que les individus qui consomment des drogues ne soient effectivement pas criminalisés, mais ils risquent autrement de tomber entre deux chaises, puisqu'il n'y aura pas de mesure de suivi et d'encadrement systématique. C'est un peu pour cela que je parlais un peu plus tôt de mettre la charrue devant les bœufs.
Dans le contexte, je crois qu'il serait plus sage de considérer une approche plus complète, plus globale, un peu à l'image de ce que le Québec fait déjà, notamment avec le PTTCQ, le Programme de traitement de la toxicomanie de la Cour du Québec. Ce programme vise à permettre au système de justice de prévenir la criminalité associée à la toxicomanie grâce à des mesures favorisant le traitement des contrevenants toxicomanes plutôt que leur criminalisation systématique.
Par le biais de ce que permet déjà le paragraphe 720(2) du Code criminel, le PTTCQ autorise la Cour à reporter le prononcé de la peine, le temps qu'un contrevenant puisse suivre un traitement sous la supervision du tribunal pour mettre fin à sa dépendance.
Le programme prévoit également une étroite collaboration entre le tribunal et les ressources en toxicomanie pour établir les modalités de traitement, dont les activités de thérapie et de réadaptation et de réinsertion sociale.
Je crois donc que, si le projet de loi C‑216 vise un objectif louable, il est probablement voué à l'échec tant qu'on n'aura pas assuré l'encadrement et la prise en charge des personnes toxicomanes avant de procéder à la décriminalisation pour possession simple de drogue. Sans cet encadrement, il demeure aussi un risque que les gens, s'ils ne sont pas encadrés et soutenus, finissent par être quand même criminalisés pour des crimes indirectement liés à leur problème de consommation, comme des vols, dans la mesure où ils n'ont pas accès à des programmes comme le PTTCQ, puisque celui-ci n'est pas déployé dans tout le territoire. Il va sans dire qu'afin d'assurer le succès d'une entreprise comme la décriminalisation efficace de la possession simple de drogue, il faudra des ressources en matière de santé.
Je terminerai en rappelant qu'il s'agit une fois de plus d'un bel exemple où une augmentation inconditionnelle des transferts en santé aurait une incidence importante sur la vie de plusieurs personnes.
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Madame la Présidente, la conversation concernant le projet de loi est difficile en raison du contexte dans lequel nous en débattons. En réfléchissant à mon intervention d'aujourd'hui et à ce que j'allais dire au sujet du projet de loi, j'ai d'abord pensé au nombre incroyable de familles qui ont été profondément touchées par cet enjeu et qui ont perdu un fils, un frère, un père, une sœur ou un cousin. La crise des opioïdes a fait des ravages.
Dans ma circonscription, Cowichan—Malahat—Langford, de nombreuses collectivités ont été gravement touchées. Les statistiques sont frappantes. Hier, nous avons perdu 20 personnes à cause de cela. Aujourd'hui, nous allons en perdre 20 autres, et demain 20 autres, et ainsi de suite.
La Colombie-Britannique, ma province natale, a été l'épicentre de ce phénomène. Rien qu'au cours des trois premiers mois de cette année, 548 personnes sont mortes. Tel est le résultat de la vente de drogues dans les rues de nombreuses collectivités de ce pays. Trop de familles souffrent de cette situation, et cela dure depuis des années. Je suis député depuis 2015. C'est en 2016 que la Colombie-Britannique a déclaré une urgence sanitaire provinciale. Il semble que chaque année, depuis que je suis à la Chambre, nous avons la même conversation où nous déplorons publiquement le nombre de décès. Nous n'avons toutefois toujours pas réussi à mettre en place une politique législative pour remédier au problème.
Nous sommes maintenant en 2022, et nous en parlons encore. Près de 25 000 Canadiens sont décédés ces six dernières années. Combien de décès supplémentaires faudra-t-il avant qu’on finisse par avoir honte du peu de progrès réalisé? Nous sommes une assemblée législative, au Parlement du Canada. Nous pouvons adopter une politique permettant de sauver des vies. Ce sont les Communes qui ont le pouvoir de modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et de renforcer le Code criminel. C'est le gouvernement fédéral qui, grâce à ses pouvoirs, peut aider à coordonner une stratégie permettant de gérer efficacement cette crise, mais nous continuons d'en parler. J'admets que certaines mesures ont effectivement été prises, mais les chiffres indiquent qu'elles ne sont vraiment pas suffisantes.
Le problème, c'est que le fentanyl, le carfentanil et les opioïdes synthétiques ont complètement changé la donne sur le terrain. En ce moment, lorsque les gens achètent de la drogue dans la rue, ils jouent ni plus ni moins à la roulette russe avec leur vie. Dans ma circonscription, je n'ai pas besoin de marcher bien longtemps pour trouver des drogues illégales. En fait, je pourrais probablement en obtenir plus rapidement que si j'allais à la pharmacie pour un médicament sur ordonnance. C'est à ce point facile. Si on ajoute à cela les divers traumatismes personnels que les gens ont vécus, qu'ils soient de nature physique, émotionnelle ou sexuelle, les motifs pour consommer de la drogue sont innombrables.
La réalité est que le problème est toujours là, et chaque jour, des collectivités comme la mienne voient les ambulanciers répondre aux appels d’urgence liés à cette crise. Les ambulanciers arrivent avec les trousses de naloxone et ils essaient en vain de réanimer une autre victime. Et si, par une chance inouïe, ils y parviennent, elle risque de souffrir pour le reste de ses jours de séquelles au cerveau et de devenir un fardeau pour notre système de santé de manière permanente. Voilà où nous en sommes rendus, et nous devons garder ces personnes vulnérables dans notre cœur pendant nos débats sur cette crise.
Plus tôt ce mois-ci, j’ai lu, dans un journal de la Colombie-Britannique, un article à propos de tests toxicologiques effectués sur des échantillons de drogue. Selon les résultats obtenus, 94 % des échantillons prélevés en mars contenaient du fentanyl ou l’une de ses substances analogues. Ce n’est même plus un jeu de roulette russe, car, à 94 %, c’est maintenant presque une garantie que la drogue dans la rue contient du fentanyl. Les gens savent que s’ils achètent de la drogue dans la rue, ils risquent fort de consommer une dose qui les tuera.
Au sein de mon caucus, je suis le porte-parole en matière de sécurité publique, et un de mes collègues a fait référence à une étude sur les armes à feu et la violence des gangs que nous avons faite au comité. J’aimerais faire écho à ses observations, car un grand nombre d’agents de la police qui sont venus témoigner devant le comité ont expliqué à quel point les problèmes de la violence armée et des drogues illégales sont interreliés en raison des profits faramineux que les réseaux de groupes criminalisés engrangent avec le fentanyl et le carfentanil.
La valeur marchande dans la rue de ces drogues, qui sont mélangées à d’autres substances, a créé un marché très lucratif. Quand des sommes d’argent aussi élevées sont en jeu dans la rue, cela amène toujours des conflits. Les policiers d’un bout à l’autre du pays nous ont dit que chaque fois qu’ils sont appelés à faire une saisie de drogue, ils savent qu’il y aura presque toujours des quantités massives d’armes sur les lieux. Les deux problématiques ne peuvent pas être considérées séparément.
J'ai posé une question à ce sujet au chef Evan Bray, de l'Association canadienne des chefs de police. Voici ce qu'il a dit au nom de son association:
La position à l'égard de la décriminalisation équivaut simplement à comprendre que ce n'est pas en passant les menottes à quelqu'un qui a un problème de toxicomanie que nous réglerons les problèmes. Ces personnes seront temporairement retirées du milieu, sans plus. À moins qu'elles puissent obtenir l'aide dont elles ont besoin, ces personnes récidiveront et retourneront dans ce milieu.
Voilà, en résumé, l'échec de l'approche pénale.
À présent que nous avons placé les choses dans leur contexte, parlons maintenant du projet de loi , qui a été présenté par mon ami, voisin et collègue le député de . Je tiens aussi à souligner que d'autres députés de notre caucus, comme le député de , ont aussi tenté de faire adopter des projets de loi semblables au cours d'autres législatures.
Je tiens aussi à féliciter le chef du NPD et député de , qui a proposé cette politique audacieuse pendant la course à la direction du parti en 2017. Cinq ans ont passé depuis, et nous avons maintenant la chance d'en discuter sérieusement. En 2017, il a pris un risque lorsqu'il a adopté cette position. Je souligne donc son courage, qui a rendu possible la conversation que nous avons aujourd'hui.
Le projet de loi accomplirait principalement trois choses. Il éliminerait l'infraction concernant la possession pour usage personnel prévue par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, un changement qui m'apparaît essentiel pour mettre fin à la stigmatisation liée à la possession de substances. Dans la deuxième partie, le projet de loi radierait certaines condamnations liées à la drogue. La troisième partie, la plus importante, porte sur la mise en place d'une stratégie nationale sur l'usage de substances.
Selon certaines conversations que j'entends à la Chambre, il faudrait se concentrer sur les traitements. Je crois, en effet, que les traitements font partie du continuum de soins. Chaque fois qu'il en est question, je réponds toutefois qu'il est impossible de traiter une personne morte.
Il faut donc avoir recours à une variété de mesures. Il n'existe pas de solution miracle, mais bien un continuum de soins. Comme me l'ont dit des experts qui travaillent sur le terrain dans ma circonscription, dans les faits, certaines personnes ne sont pas encore prêtes à suivre des traitements. Tenter de les placer de force dans un programme de traitement mènerait à un échec total, puisqu'elles ne sont pas encore rendues à cette étape.
Plusieurs interventions sont nécessaires, mais l’une des plus importantes est la décriminalisation, car trop de gens, par peur d'être judiciarisés, consomment de la drogue seuls et décèdent seuls. Ils consomment sans qu’aucun membre de leur famille ni aucun ami ne le sache, car ils ont honte de l’admettre. Voilà les conséquences de la stigmatisation. Elle empêche les gens d’obtenir l’aide dont ils ont besoin.
Ce projet de loi fait suite à une recommandation très claire du groupe d’experts de Santé Canada, mais je veux conclure sur ceci. J’implore les députés des autres partis qui se demandent encore s’ils voteront pour ou contre cette mesure de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Je les prie de reconnaître que c’est une bonne proposition et qu’elle vaut la peine d’être étudiée davantage. Je leur demande, le 1er juin, de voter pour renvoyer ce projet de loi au comité afin que nous puissions avoir une discussion saine à ce sujet, donner aux toxicomanes la possibilité d’obtenir l’aide dont ils ont besoin et sauver des vies.
:
Madame la Présidente, la crise des opioïdes et de l’approvisionnement en drogues toxiques est déchirante, et elle a un coût tragique pour les familles, les proches et les collectivités de ceux qui en sont décédés partout au Canada. Je remercie le député de de son engagement à l'égard de cet enjeu crucial et d’avoir lancé cet important débat à la Chambre des communes.
[Français]
Le gouvernement du Canada reconnaît que la crise des surdoses est l'une des menaces les plus graves à la santé publique de l'histoire récente du pays. Cette crise sans précédent a des effets dévastateurs sur les gens, les amis et les familles, ainsi que sur les communautés de tout le pays.
Malheureusement, les données nationales les plus récentes indiquent que 26 690 décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes sont survenus entre janvier 2016 et septembre 2021. Le fentanyl et ses analogues continuent d'être les principaux responsables de la crise. En effet, jusqu'à 86 % des décès accidentels apparemment liés à une intoxication aux opioïdes au cours des neuf premiers mois de 2021 sont associés au fentanyl.
[Traduction]
Le gouvernement reconnaît que la toxicomanie est, d'abord et avant tout, un problème de santé publique. Depuis 2017, le gouvernement a pris des mesures importantes, notamment en investissant plus de 800 millions de dollars pour s'attaquer à la crise des surdoses et aux problèmes liés à la toxicomanie. Nous avons amélioré l'accès à des traitements et à des mesures de réduction des méfaits, facilité l'accès à un approvisionnement sûr, réduit les obstacles réglementaires au traitement, renforcé les mesures d'application de la loi, élaboré des produits et des outils d'information pour les fournisseurs de soins de santé et la population en général, et fait avancer les efforts de recherche et de surveillance pour étayer la base de données probantes.
[Français]
Ces investissements clés incluent les 282 millions de dollars du Programme sur l'usage et les dépendances aux substances qui offre des subventions et des contributions à d'autres ordres de gouvernement et organismes communautaires afin de répondre à l'approvisionnement illégal en drogues toxiques et aux enjeux reliés à la consommation de substances.
Les traitements sont une manière essentielle d'aider les gens qui souffrent d'une consommation problématique de substances et qui souhaitent arrêter d'utiliser des drogues et vivre une vie plus saine. Nous avons investi 200 millions de dollars sur 5 ans, avec 40 millions de dollars récurrents annuellement, pour améliorer la prestation de services de traitement et de prévention en consommation de substances culturellement adaptés dans les communautés de Premières Nations.
Notre gouvernement a aussi fourni un financement ponctuel de 150 millions de dollars aux provinces et aux territoires par le truchement du Fonds d'urgence pour le traitement, afin d'améliorer l'accès à des services de traitement basés sur des faits. Les provinces et les territoires versent aussi un montant équivalent au financement fédéral au‑delà des premiers 250 000 dollars.
[Traduction]
Les données probantes indiquent clairement que les mesures de réduction des méfaits sauvent des vies. Depuis 2017, les centres de consommation supervisée ont reçu plus de 3,3 millions de visiteurs et neutralisé près de 35 000 surdoses, et ce, sans qu'un seul décès se produise sur les lieux. Ces centres donnent aussi accès à du soutien et établissent avec les toxicomanes une relation de confiance qui facilite notamment l'accès à un traitement.
[Français]
Ils ont effectué plus de 148 000 références vers des services sociaux et de santé. Depuis le 1er janvier 2016, notre gouvernement a augmenté de 1 à 38 le nombre de sites de consommation supervisée approuvés. Nous avons aussi augmenté l'accès à la naloxone, une substance qui sauve des vies, y compris dans les communautés autochtones éloignées et isolées.
Améliorer l'approvisionnement sûr sera également essentiel pour sauver des vies, et nous allons investir plus de 63 millions de dollars pour étendre l'accès à un approvisionnement sûr en solutions de remplacement de qualité pharmaceutique.
[Traduction]
Traiter la toxicomanie comme un problème de santé publique, c'est aussi s'efforcer de détourner les toxicomanes du système de justice pénale pour les orienter vers des relations de soutien et de confiance avec les services sociaux et de santé.
En décembre 2021, le a présenté le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Le projet de loi vise, entre autres, à amener les policiers et les procureurs à envisager d'autres possibilités, comme orienter les gens vers des programmes de traitement, donner un avertissement ou ne pas intervenir davantage, au lieu de porter des accusations ou de poursuivre des gens pour possession simple.
[Français]
Notre gouvernement a aussi facilité l'adoption de la Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose en mai 2017.
En août 2020, le Service des poursuites pénales du Canada a publié des directives à l'intention des procureurs, indiquant que des solutions de rechange aux poursuites judiciaires doivent être envisagées pour les infractions de possession à usage personnel, sauf en cas de circonstances aggravantes majeures.
[Traduction]
Nous reconnaissons aussi les diverses approches que les villes, les provinces, les territoires et d'autres organisations adoptent pour s'attaquer à la crise des opioïdes, notamment en ce qui concerne leur façon d'aborder la décriminalisation potentielle de la possession personnelle sur leur territoire. Nous continuons de collaborer avec ces partenaires, dont plusieurs mettent en avant des propositions élaborées de décriminalisation pour leur région.
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances interdit généralement de telles activités, y compris la possession de substances désignées pour usage personnel, à moins que ces activités aient été autorisées spécifiquement par une réglementation ou une exemption prévue dans la Loi. L'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances accorde au ministre de vastes pouvoirs pour soustraire des personnes possédant des substances désignées à l'application de toute disposition de la Loi à des fins médicales ou scientifiques, ou dans l'intérêt public. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral étudie les demandes d'exemption au titre de l'article 56 pour la décriminalisation de la possession simple, qui émanent de la province de la Colombie-Britannique, de la Ville de Vancouver et de la santé publique de Toronto.
Le projet de loi d'initiative parlementaire propose de décriminaliser immédiatement la possession de substances désignées pour usage personnel à l'échelle nationale, sans résoudre d'abord les problèmes complexes de mise en œuvre. Cela soulève d'importantes préoccupations. La décriminalisation de la possession de drogues illicites pour usage personnel à l'échelle nationale exige une stratégie de mise en œuvre intergouvernementale globale et mûrement réfléchie. Cela inclut des ressources en santé et services sociaux suffisantes et appropriées; une mobilisation, une formation et des instructions supplémentaires à l'intention des forces de l'ordre; des définitions précises du terme « possession pour usage personnel »; des stratégies de sensibilisation du public; ainsi que des consultations sérieuses auprès des organismes, des partenaires et des gouvernements autochtones.
Le gouvernement veillera à ce que ces décisions soient fondées sur des données probantes et sur la recherche appliquée. Si nous voulons bien faire les choses, il sera important de posséder des indicateurs, des données et des évaluations efficaces pour orienter notre approche.
[Français]
D'autres juridictions évaluent des approches basées sur les faits et nous travaillons avec nos partenaires pour trouver des solutions innovantes.
[Traduction]
Le lettre de mandat de la demande à la ministre de promouvoir une stratégie globale de lutte contre la consommation problématique de substances au Canada, d'appuyer les efforts visant à améliorer l’éducation du public pour réduire la stigmatisation, de soutenir les provinces et les territoires, de travailler avec les communautés autochtones pour donner accès à une gamme complète de traitements fondés sur des données probantes et à la réduction des méfaits, ainsi que de créer des normes pour les programmes de traitement de la consommation de substances.
[Français]
Nous savons qu'il y a plus à faire et nous allons continuer de travailler avec les provinces et les territoires, les experts, les parties prenantes, les personnes avec une expérience vécue et vivante, et les communautés locales pour mettre fin à cette stratégie.
Notre gouvernement va utiliser tous les outils à sa disposition pour mettre fin à cette crise de santé publique.
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Madame la Présidente, j'aimerais commencer mon intervention en disant ceci: les morts ne font pas de cure de désintoxication.
J'aimerais en particulier que les députés libéraux et conservateurs prennent le temps de bien réfléchir à cette phrase. Je voudrais dire au que l'excuse qu'il avance en affirmant que la la décriminalisation n'est pas une solution miracle n'est qu'un argument fallacieux qui illustre son manque de courage lorsqu'il s'agit de prendre des mesures concrètes pour sauver des vies.
Que les choses soient bien claires: les morts par surdose sont des morts évitables. Des personnes meurent d'intoxication par la drogue, et les choses pourraient se passer bien autrement.
L'adoption du projet de loi sauvera des vies. Il incombe à tous les députés de montrer qu'ils accordent une valeur à la vie, sans porter de jugement, et de mettre fin à la crise des opioïdes dans leur circonscription. La seule chose que les députés ont à faire est de voter en faveur du projet de loi de mon collègue, le projet de loi C‑216.
Ce projet de loi décriminalise la possession de petites quantités de drogues pour usage personnel, il permet d'effacer les casiers judiciaires qui se résument à des condamnations relatives à la possession de faibles quantités de drogue, et il met en œuvre une collaboration avec les provinces pour trouver des solutions axées sur la santé en vue d'éradiquer cette crise une fois pour toutes. Pour y arriver, on propose notamment de garantir un approvisionnement sûr en substances réglementées et de fournir un accès universel à des services de rétablissement, de traitement et de réduction des méfaits.
La crise des surdoses dévaste les familles et les collectivités depuis des années. C'est en Colombie‑Britannique que les ravages sont les plus importants. L'année la plus meurtrière pour ce qui est des surdoses a été 2021, avec 2 224 décès recensés, toutes des vies terminées prématurément.
Depuis que le directeur de la santé publique de la Colombie‑Britannique a déclaré que la crise des surdoses constituait une urgence de santé publique, en 2016, plus de 9 410 personnes sont décédées d'une intoxication aux drogues illicites. Pas plus tard que le mois dernier, il y a eu 165 décès présumément liés à une intoxication aux drogues en Colombie‑Britannique. Cela représente 5,3 morts par jour et c'est maintenant la principale cause de mort non naturelle en Colombie‑Britannique.
En 2018, il y a eu quatre fois et demie plus de décès par surdose que de décès causés par des accidents de la route, des suicides, des homicides et des surdoses de médicaments sur ordonnance combinés. Les décès par surdose surviennent dans tous les groupes de toutes les origines, dans tous les groupes d'âge et dans tous les groupes socioéconomiques. Les parents de juges, de médecins et d'enseignants ont perdu des proches dans la crise des surdoses.
Je me souviens d'une mère dévastée lorsque sa fille est devenue malade et qu'elle a dû subir une intervention chirurgicale. Cette dernière est devenue dépendante aux opioïdes en raison de sa consommation de médicaments contre la douleur qu'on lui avait prescrits en trop grande quantité. Lorsque les médecins ont cessé de renouveler la prescription, la fille s'est tournée vers les drogues illicites pour traiter sa douleur. J'ai vu la souffrance et l'anxiété dans le visage de cette personne lorsqu'elle a appris que les grandes pharmaceutiques avaient caché la nature toxicomanogène des opioïdes.
Je ne peux pas imaginer l'ampleur du désespoir qu'éprouve un parent sous le choc de la nouvelle que son enfant, une élève du secondaire dans ce cas-ci, est morte d'une surdose. Je connais trop de personnes dans ma collectivité qui consomment des drogues pour tenter de gérer les traumatismes qu'elles ont vécus, et qui essaient simplement de survivre du mieux qu'elles peuvent. Cela ne devrait pas constituer pour eux une peine de mort. Je connais trop de personnes dont un proche a été emporté par la crise de l'empoisonnement lié à la consommation de drogues. Il y a eu 9 410 décès depuis 2016, dont 2 224 l'année dernière, et 5,3 décès chaque jour.
Il ne s'agit pas seulement de chiffres. Il s'agit de vraies personnes: des fils, des filles, des amis, des maris, des mères et des êtres chers. Voilà pourquoi nous devons cesser cette guerre contre les drogues. Elle a échoué lamentablement et a fait plus de tort que de bien.
Le gouvernement libéral aime dire qu'il se fie à la science et aux experts médicaux. Il devrait se fier à la Dre Bonnie Henry, administratrice en chef de la santé publique de la Colombie‑Britannique, qui recommande au gouvernement fédéral de décriminaliser la possession de substances contrôlées pour un usage personnel.
Les conservateurs aiment dire qu'ils croient à la loi et à l'ordre. Eh bien, ils devraient croire l'Association canadienne des chefs de police lorsqu'elle convient que la toxicomanie est un problème de santé publique et que les preuves suggèrent que la décriminalisation de la simple possession est un moyen efficace de réduire les méfaits de la consommation de substances sur la santé et la sécurité publiques. Nous ne pouvons pas nous sortir de la crise des surdoses par des arrestations.
Trente administrations dans le monde ont adopté ou commencent à adopter un changement de politique en matière de drogues, passant de la criminalisation des personnes qui consomment des drogues à la décriminalisation. Le modèle portugais a démontré que, lorsqu'elle est associée à d'autres interventions, notamment des stratégies de réduction des méfaits, de prévention, d'application de la loi et de traitement, la décriminalisation entraîne une augmentation du recours au traitement, une réduction des décès liés à la drogue et aucune hausse de la consommation de drogue.
En mai 2021, la ville de Vancouver a présenté à Santé Canada une demande d'exemption à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, réclamant une action urgente pour recevoir une exemption qui décriminaliserait la possession de substances illicites pour usage personnel dans les limites de la ville. Un an plus tard, le gouvernement fédéral n'a toujours pas pris de véritables mesures pour donner suite à cet appel à l'action.
Alors que les libéraux traînent les pieds dans ce dossier, des gens continuent de mourir chaque jour de cette crise des surdoses. Il ne faut pas se leurrer, l'inaction coûte de vraies vies humaines. De plus, elle crée un préjugé personnel, social et structurel persistant contre la dépendance, augmente la prise de risques et constitue un obstacle aux initiatives de santé publique visant à réduire les méfaits.
Comme le qui se targue d'être féministe devrait le savoir, la criminalisation cause plus de tort aux femmes. En Colombie‑Britannique, les femmes incarcérées pour des infractions liées à la drogue ont tendance à être jeunes et souvent peu instruites. En général, elles ont reçu un diagnostic de trouble mental et ont été victimisées par le passé. Le nombre de cas d'hépatite C et de VIH est plus élevé chez les femmes incarcérées que chez les hommes. Beaucoup sont des mères. La séparation des enfants de leur mère a des effets dévastateurs et entraîne souvent un placement en famille d'accueil. Les enfants dont les parents sont en prison sont plus susceptibles d'abandonner l'école et de se retrouver eux-mêmes dans le système carcéral, ce qui perpétue le cercle vicieux.
En tant que législateurs, notre travail consiste à mettre en place des politiques qui contribueront à briser ce cycle. C'est pourquoi j'exhorte tous les députés à appuyer le projet de loi . À tout le moins, renvoyons-le au comité afin de permettre un débat vigoureux et d'entendre des témoins qui pourront répondre à certaines des questions que la secrétaire parlementaire libérale vient de soulever. Même si les députés n'appuient pas le projet de loi ou s'ils ont des doutes à son sujet, ils devraient faire ce qui s'impose en le renvoyant au comité pour entendre des témoins.
En plus de la décriminalisation, le projet de loi demande la radiation des casiers judiciaires liés uniquement à des infractions de possession simple. Un casier judiciaire représente souvent un obstacle insurmontable pour les gens qui tentent de trouver du travail ou un logement. Ils ne devraient pas avoir à traîner ce boulet. Nous devons changer nos lois.
Les torts causés par les interactions avec le système de justice pénale et les obstacles supplémentaires entraînés par un casier judiciaire font plonger des gens dans un cercle vicieux qui touche souvent les plus vulnérables de notre société. C'est exactement pour cette raison que la motion du NPD demande également au gouvernement de travailler avec les provinces pour élaborer une stratégie reposant sur des solutions axées sur la santé qui cible les causes profondes de la consommation problématique de substances.
Pour réussir à gérer la crise des surdoses, la décriminalisation doit être accompagnée des mesures de soutien nécessaires. Nous pouvons briser ce cycle aujourd'hui si nous agissons avec courage et compassion.
Je demande au gouvernement de mettre fin à la guerre contre la drogue et de sauver des vies en décriminalisant la possession pour usage personnel dès maintenant. C'est exactement ce que la motion du NPD demande au gouvernement. On ne peut plus attendre. Il faut agir maintenant.
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Madame la Présidente, c'est un honneur de me lever à la Chambre pour parler de l'important projet de loi de mon collègue néo-démocrate de .
Si la COVID‑19 a fauché la vie de milliers de nos concitoyens et concitoyennes ces deux dernières années et qu'on a consacré beaucoup de temps et d'énergie à aider ces personnes et à prévenir la perte de vies supplémentaires, une autre crise existe depuis des années qui n'a pas reçu autant d'attention.
Elle coûte encore aujourd'hui la vie à des centaines de personnes tous les mois. Des milliers de personnes sont mortes ces cinq dernières années à cause de la crise des opioïdes et de problèmes de dépendance et de toxicomanie. Il s'agit littéralement d'un carnage. Il faut agir rapidement et faire quelque chose.
Nous avons ici une solution basée sur la science, les études, les rapports et les experts. À la Chambre, les députés qui disent voter et agir en fonction de ce que dit la science doivent soutenir le projet de loi C‑216, parce que tous les gens qui s'intéressent à la question depuis des années nous disent que c'est la voie à suivre, le début qui permettra de sauver la vie de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Il faut absolument renvoyer ce projet de loi à un comité parlementaire.
J'entends tout le monde ici dire que la dépendance et la toxicomanie ne sont pas un problème policier ni juridique, mais un problème de santé. Si les députés le croient vraiment, il faudra voter en faveur du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture afin de le renvoyer à un comité parlementaire. S'il faut améliorer, bonifier ou étudier certains de ses éléments, on va le faire et on fera venir des témoins et d'autres experts.
Je pense que c'est la chose à faire. Si on est sincère quand on dit qu'il s'agit d'abord et avant tout d'un problème de santé et de santé publique, il faut décriminaliser la possession simple de drogues.
Il y a deux ou trois semaines, mon collègue de Courtenay—Alberni est venu à Montréal. Nous avons eu la chance d'aller voir des groupes qui viennent en aide à des gens en crise, qui ont des problèmes de drogue et qui risquent de perdre la vie. Nous avons visité les organismes Dopamine et Cactus. Tout le monde nous a dit qu'il fallait absolument que les députés de la Chambre votent en faveur du projet de loi C‑216. C'est la bonne chose à faire, même s'il n'est pas parfait, car c'est vraiment un bon pas en avant. On en a besoin.
Avec mon collègue député néo-démocrate, quand nous sommes sortis des bureaux de Cactus, une femme en crise était couchée sur le trottoir avec une intervenante. Elle nous a regardés. J'imagine que nous avions un air un peu officiel. Elle nous a dit qu'il fallait aider ces organismes, parce qu'ils lui sauvent la vie et font pareil avec des dizaines de personnes, tous les jours, toutes les semaines. Il faut donc aider les organismes comme Dopamine et Cactus.
Ensuite, nous sommes allés voir des médecins, des intervenantes, et des chercheuses du CHUM, spécialisées dans les questions de dépendance et de toxicomanie, toutes des femmes. Elles nous ont dit que c'était exactement ce qu'elles demandaient depuis des années et que c'était aller vers le gros bon sens que de décriminaliser la possession simple de drogues et de ne pas recourir aux policiers ni aux prisons pour ces gens, ce qui les prive de l'aide nécessaire. En effet, une prison n'est pas un hôpital et répond à d'autres besoins, à d'autres fonctions dans la vie.
On pourrait effectivement se dire que les intervenants devraient être déjà préparés, que le financement devrait être amélioré et qu'on devrait être capable de faire de l'accompagnement. Cependant, je pense qu'en tant que législateurs fédéraux, notre responsabilité est d'agir là où nous le pouvons en ce moment. Si nous estimons que des modifications au Code criminel sont la chose à faire, ces modifications relèvent de notre responsabilité.
Dans le cas présent, c'est la bonne chose à faire. Toutes les expériences internationales le prouvent. Tous les gens qui sont sur le terrain au Québec et au Canada nous demandent de le faire. Même si des gens s'interrogent ou ont des doutes, votons au moins en faveur du principe du projet de loi C‑216 pour le renvoyer à un comité parlementaire. En comité, on y apportera les amendements, les correctifs ou les améliorations nécessaires.
Cependant, si on refuse et qu'on tue tout de suite le projet de loi C‑216, cela signifiera qu'on n'écoute pas les gens du terrain et que d'autres personnes vont perdre leur vie. On va retourner à la case départ et rien ne va se passer. D'autres personnes vont mourir dans les rues de Montréal, de Vancouver ou de Toronto.
Je pense que nous avons la responsabilité d'être courageux, d'aller de l'avant et de voter en faveur du projet de loi C‑216 pour qu'au moins, on puisse l'étudier en comité.
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Madame la Présidente, à la fin de cette étape du débat sur le projet de loi , je veux d'abord remercier les députés qui ont pris la parole aujourd'hui. Les Canadiens méritent un débat sur la façon de répondre à une urgence de santé publique qui sévit depuis plus de six ans et a coûté la vie à plus de 27 000 personnes. Le projet de loi est la première mesure législative exhaustive visant à régler cette crise dont nous débattons à la Chambre.
En toute déférence pour mes collègues présents ici aujourd'hui, je crois que nous avons vraiment besoin d'entendre l'opinion des experts en santé publique et en toxicomanie, des personnes qui travaillent en première ligne de cette crise, ainsi que des personnes directement touchées par la crise parce qu'ils l'ont vécue ou la vivent. C'est avec ces gens que j'ai parlé depuis que je suis devenu porte‑parole du NPD en matière de santé mentale et de réduction des méfaits.
Au cours des derniers mois, j'ai parcouru le pays pour entendre comment cette crise engendrée par les drogues toxiques touche les localités canadiennes. Les gens m'ont dit qu'ils sont frustrés de voir que le gouvernement n'aide pas les Canadiens qui souffrent. Ils sont fâchés que les politiciens ne semblent pas se soucier de la vie de leurs proches. Quand la COVID‑19 a frappé, le gouvernement a agi de toute urgence et a été prêt à prendre des mesures audacieuses pour protéger les Canadiens. Il a agi rapidement pour mettre en place des mesures de soutien du revenu et obtenir assez de doses de vaccin pour chaque Canadien.
La réponse du gouvernement à la COVID‑19 n'est pas parfaite, mais elle démontre une volonté d'agir et de s'adapter au besoin, car l'inaction présente un plus grand risque. Pourtant, après 27 000 décès dus à l'épidémie de surdoses, le gouvernement parle encore de programmes pilotes. Il a mené des consultations et a commandé des rapports qui n'ont apparemment pas été entendus. J'espère que tous les députés conviendront qu'il est temps non seulement d'écouter, mais aussi d'agir comme si des vies en dépendaient, car c'est le cas.
Au printemps dernier, Santé Canada a chargé un groupe de travail d'experts de formuler des recommandations sur la politique fédérale en matière de drogues. Le groupe de travail comprend des personnes possédant une expertise en santé mentale et en toxicomanie, en santé publique, en application de la loi, en criminologie et en réduction des méfaits. Le groupe de travail a également bénéficié de l'expérience de membres des communautés noires et autochtones, de consommateurs de drogues et de personnes qui ont perdu des êtres chers en raison de la drogue. Il a publié deux rapports qui transmettent un message très clair: les politiques canadiennes en matière de drogues ne fonctionnent pas et doivent changer. Elles causent des dommages irréparables à nos collectivités. Elles coûtent énormément d'argent et elles coûtent des vies.
Les propositions contenues dans le projet de loi reflètent les recommandations formulées dans les rapports du groupe d'experts. Ce projet de loi permettra de mettre fin aux préjudices causés par les politiques inefficaces en matière de drogues et mettra le Canada sur la bonne voie pour lutter contre la toxicomanie grâce à une approche globale et empreinte de compassion. Avant que les députés ne votent le 1er juin, je les exhorte à lire les rapports du groupe d'experts, ou tout du moins leurs recommandations.
Je les implore aussi — même s'ils ne sont pas d'accord avec toutes les propositions contenues dans le projet de loi — de voter en faveur de ce projet de loi afin que nous puissions le renvoyer en comité. Il faut que le comité entende les experts et les personnes touchées par cette crise afin de proposer des modifications au projet de loi.
La sénatrice Gwen Boniface, en tant qu'ancienne commissaire de la Police provinciale de l'Ontario, et le sénateur Vern White, en tant qu'ancien chef de police de la région de Durham et de la ville d'Ottawa, ont tous les deux soutenu ce projet de loi pour qu'il soit étudié en comité. Si certains députés envisagent de se prononcer contre le projet de loi à ce stade-ci, je leur demande de penser à ce qu'ils diront à leurs concitoyens dans six mois, dans un an ou dans trois ans. Cette crise ne cesse d'empirer. Chaque jour, des Canadiens perdent des êtres aimés. Que comptent dire ces députés à leurs concitoyens pour justifier qu'ils n'ont même pas voulu discuter des solutions envisageables?
Ce matin, une de mes collaboratrices m'a parlé du discours qu'elle a prononcé aux funérailles de son frère, qui est mort d'une surdose accidentelle une semaine avant son 35e anniversaire. Elle m'a fait remarquer que chaque jour, des Canadiens rédigent un discours pour des funérailles qui ne devraient pas avoir lieu.
Le discours de ma collaboratrice contenait une citation du poète favori de son frère, Oscar Wilde, qui a écrit: « La seule différence entre le saint et le pécheur, c'est que chaque saint a un passé et chaque pécheur, un futur ».
Son discours poursuit en disant: « J'aurais voulu que Ryan ait une autre chance de bâtir l'avenir dont il rêvait. Nous sommes tous imparfaits, et j'espère que son souvenir rappellera au monde entier que chaque vie est à la fois belle et précieuse. Nous méritons tous de l'amour et de la compassion, même dans les moments les plus sombres ».
Ce projet de loi nous donne l'occasion d'affirmer que nous nous soucions de ceux qui éprouvent des difficultés et que nous les aiderons. Nous avons l'occasion de sauver des vies. J'exhorte la Chambre à se montrer à la hauteur de la situation.