Privilège parlementaire / Droits des députés

Protection contre l’obstruction et l’ingérence : ingérence alléguée du gouvernement dans la réponse à une question écrite

Débats, p. 11264–11265

Contexte

Le 26 janvier 2015, Lysane Blanchette-Lamothe (Pierrefonds—Dollard) soulève une question de privilège au sujet de la réponse à la question écrite Q-393. Elle allègue qu’une demande d’accès à l’information prouve que le bureau du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a fait obstruction au travail des fonctionnaires chargés de rédiger la réponse. En outre, elle soutient que la réponse constitue une non-réponse qui l’a gênée dans l’exercice de ses fonctions parlementaires. Chris Alexander (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) rétorque que Mme Blanchette-Lamothe ne soulève pas cette question à la première occasion et que, bien que les fonctionnaires aient tout fait pour lui fournir les renseignements demandés, sa question était trop complexe pour qu’ils y répondent dans les 45 jours, le délai fixé par le Règlement. Il ajoute qu’il est acceptable que le gouvernement déclare qu’il ne peut donner de réponse à une question écrite et qu’il n’incombe pas au Président de se pencher sur les réponses données par le gouvernement à ces questions. Un autre député fait des observations et le Président prend l’affaire en délibéré[1].

Résolution

Le Président rend sa décision le 17 février 2015. Il réitère que le Règlement ne confère pas à la présidence le pouvoir d’examiner les réponses du gouvernement à des questions écrites, et explique que les différends quant au caractère approprié d’une réponse constituent un sujet de débat. Il ajoute aussi que le gouvernement peut, en effet, indiquer qu’il ne peut répondre. Comme il ne peut conclure que la députée a été gênée dans l’exercice de ses fonctions parlementaires, il conclut que l’affaire ne constitue pas de prime abord une atteinte au privilège. Le Président déclare en terminant que la députée dispose d’autres avenues et qu’elle pourrait de nouveau présenter sa question sans exiger que la réponse soit donnée dans un délai de 45 jours.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le 26 janvier 2015 par la députée de Pierrefonds—Dollard au sujet de la réponse donnée du gouvernement, donnée à la Chambre le 14 mai 2014, à la question écrite Q-393.

Je remercie l’honorable députée de Pierrefonds—Dollard d’avoir soulevé cette question, ainsi que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et l’honorable leader de l’Opposition à la Chambre pour leurs observations.

Lors de son intervention, la députée de Pierrefonds—Dollard a fait part de ses réserves quant à la réponse qu’elle avait reçue à sa question Q-393. Elle a soutenu qu’il y avait eu ingérence de la part du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, qui aurait ordonné aux fonctionnaires du ministère qui répondaient à la question de suspendre leur travail et de plutôt se servir de la même réponse que celle donnée le 12 mai 2014 à la question écrite Q-359. Elle a affirmé que cette réponse, donnée à une question posée par le député de Markham—Unionville, constituait une non-réponse. Elle a avancé que le fait d’avoir reçu cette même non-réponse l’avait gênée dans l’exercice de ses fonctions parlementaires, étant donné qu’elle n’avait pas reçu de réponse satisfaisante à sa question. Elle en a conclu qu’il y avait eu atteinte à ses privilèges parlementaires.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a répliqué que c’était la longueur et la portée mêmes de la question très détaillée de la députée qui avaient empêché les fonctionnaires du ministère de respecter le délai de réponse de 45 jours. Une fois informé de la situation, il a fourni la réponse que la députée a reçue.

Les députés connaissent l’article 39(5)a) du Règlement [2], qui est rédigé ainsi :

Un député peut demander au gouvernement de répondre à une question en particulier dans les quarantecinq jours, en l’indiquant au moment où il dépose l’avis de sa question.

Essentiellement, la députée demande réparation pour l’ingérence alléguée du ministre, qui, à son avis, a empêché les fonctionnaires du ministère de répondre à sa question.

Il a déjà été demandé à la présidence de se prononcer sur les réponses du gouvernement à des questions écrites. Chaque fois, la présidence s’est efforcée de rappeler aux députés les limites claires du rôle du Président à cet égard.

Il est écrit à la page 522 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition :

Aucune disposition du Règlement ne permet au Président de contrôler les réponses que le gouvernement donne aux questions.

Le Président Milliken a également fait remarquer ce qui suit, dans la décision qu’il a rendue le 8 février 2005 et qui se trouve à la page 3234 des Débats :

Toute contestation de l’exactitude ou du caractère approprié de cette réponse est un sujet de débat. Ce n’est pas là une question que le Président a le pouvoir de trancher.

Ce principe s’applique également lorsque le gouvernement affirme ne pas être en mesure de fournir une réponse. L’ouvrage d’O’Brien et Bosc le confirme, à la page 522, où il est écrit :

Comme c’est le cas pour les questions orales, le gouvernement peut, en réponse à une question écrite, indiquer à la Chambre qu’il ne peut y répondre.

La manière dont le gouvernement choisit de répondre ou les raisons pour lesquelles il donne telle ou telle réponse, ou non-réponse selon certains, ne peuvent être mises en question par la présidence. Pas plus que celle-ci ne peut mettre en doute la décision des députés de demander qu’il soit répondu à leurs questions écrites dans un délai de 45 jours, par application de l’article 39(5)a) du Règlement[3], même s’il s’agit de questions longues et complexes.

Plus précisément, à titre de Président, je dois évaluer le rôle que le gouvernement a joué dans la préparation des réponses sans outrepasser les limites de mes fonctions, telles que l’usage et les précédents les ont fixées. Comme je l’ai indiqué dans la décision que j’ai rendue, le 3 avril 2014. :

La présidence reconnaît que le député ne demande pas un jugement sur l’exactitude de la réponse qui lui a été fournie. Cependant, il demande à la présidence de juger des actions du ministre et de l’effet qu’elles ont sur sa capacité d’exercer ses fonctions de député. Pour ce faire, la présidence devrait non seulement se prononcer sur le contenu des réponses fournies, mais également se pencher sur les procédures internes passées et présentes du ministère. Indépendamment du fait que la procédure interne du ministère concernant les questions écrites ait changé ou non, la présidence outrepasserait son rôle si elle décidait de mener une enquête ou de porter un jugement sur la question.

Compte tenu de la jurisprudence particulière sur les questions écrites citée par la présidence, je ne peux conclure que la députée de Pierrefonds—Dollard a été gênée dans l’exercice de ses fonctions parlementaires. Par conséquent, je ne peux conclure qu’il y a eu, de prime abord, atteinte à ses privilèges.

Cela dit, la députée de Pierrefonds—Dollard dispose d’un autre recours. Elle pourrait considérer présenter à nouveau sa question, mais sans exiger de réponse dans un délai de 45 jours, particulièrement à la lumière des commentaires du ministre concernant la portée et la complexité de la question.

Je remercie les honorables députés de leur attention.

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[1] Débats, 26 janvier 2015, p. 10556–10557, 10625–10627.

[2] Voir l’annexe A, « Dispositions citées : Règlement de la Chambre des communes », article 39(5)a).

[3] Voir l’annexe A, article 39(5)a)