Le programme quotidien / Affaires courantes

Dépôt de projets de loi émanant du gouvernement : projet de loi contenant la mise en œuvre d’un traité international; politique du dépôt des traités relève du gouvernement

Débats, p. 5220–5221

Contexte

Le 28 avril 2014, Marc Garneau (Westmount—Ville-Marie) invoque le Règlement pour signaler qu’un traité qui sera mis en œuvre par le projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d’autres mesures, n’a pas été déposé. Il fait valoir qu’il existe un usage parlementaire voulant que la Chambre doive être avisée de tout traité au moins 21 jours avant le dépôt de la mesure législative menant à sa mise en œuvre. Peter Van Loan (leader du gouvernement à la Chambre des communes) soutient qu’il existe une politique de dépôt de traités. Cependant, il fait valoir que celle-ci n’est ni encadrée par le Règlement, ni une pratique de la Chambre, mais relève plutôt du gouvernement et non pas du champ de compétences du Président. Après l’intervention d’un autre député, le Vice-président (Joe Comartin) affirme que le Président tiendra compte des observations au moment de rendre sa décision[1].

Résolution

Le Président rend sa décision le 12 mai 2014. Il confirme que la politique relève du gouvernement et qu’il n’appartient pas au Président d’intervenir dans les affaires des ministères ni de trancher à savoir si le gouvernement souscrit à ses propres politiques. Il ajoute qu’il ne peut s’agir d’un usage adopté explicitement par la Chambre étant donné que le dépôt de traités n’est pas mentionné dans les règles ni dans les pratiques de la Chambre. Il conclut que le rappel au Règlement n’est pas fondé et que l’étude du projet de loi C-31 peut se poursuivre.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé le 28 avril 2014 par le député de Westmount—Ville-Marie au sujet de la recevabilité sur le plan de la procédure du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Je remercie le député de Westmount—Ville-Marie d’avoir soulevé cette question, ainsi que le leader du gouvernement à la Chambre des communes et le leader de l’Opposition à la Chambre pour leurs observations.

Lors de son intervention, le député de Westmount—Ville-Marie a soutenu que le projet de loi C-31 n’avait pas été présenté comme il se doit à la Chambre ou devant le Comité permanent des finances étant donné que le gouvernement n’avait pas auparavant déposé le traité inclus dans le projet de loi, c’est-à-dire :

Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’améliorer l’observation fiscale à l’échelle internationale au moyen d’un meilleur échange de renseignements en vertu de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune.

À son avis, l’habitude qu’a prise le gouvernement de déposer les traités au moins 21 jours avant la présentation de la loi de mise en oeuvre, conformément à sa Politique sur le dépôt des traités devant le parlement, est devenue un usage parlementaire et constitue donc une condition préalable aux débats.

Bien qu’il reconnaisse que la politique prévoit des exemptions, le député de Westmount—Ville-Marie a soutenu que, dans le cas qui nous occupe, le gouvernement avait contrevenu à sa propre politique et ainsi violé les usages de la Chambre, ce qui a donné lieu à ce qu’il qualifie de « vice de procédure ».

Le leader du gouvernement à la Chambre a répondu que la procédure régissant le dépôt des traités est en fait une politique du gouvernement et que, par conséquent, elle n’est ni encadrée par les règles ou les usages de la Chambre, ni du ressort du Président. Il a cité de nombreuses décisions du Président à l’appui de sa position. En outre, il a fait observer que la politique prévoit en effet des exemptions et que la procédure suivie dans le cas du projet de loi C-31 est en fait conforme aux dispositions de la politique.

Le leader du gouvernement à la Chambre a ajouté que, parce que le traité est mis en œuvre par une mesure législative, la Chambre aura l’occasion d’en débattre et de le soumettre à un vote avant sa ratification.

Dans son intervention, le député de Westmount—Ville-Marie a mentionné ce qu’il considérait comme des vices de procédure. Il est important en l’espèce de bien comprendre de quel type de procédure — issue du gouvernement ou de la Chambre — il s’agit. Le député a également demandé à la présidence de préciser si l’application de cette politique sur les traités est devenue suffisamment répandue pour être désormais considérée comme un usage parlementaire dont tout écart entraînerait des irrégularités sur le plan de procédure. En d’autres mots, s’agit-il d’une question de procédure parlementaire sur laquelle la présidence a compétence?

Il m’apparaît clairement que la politique en question relève du gouvernement et non pas de la Chambre. Il est tout aussi clair que le Président n’a pas le pouvoir de se prononcer sur les politiques ou les processus établis par le gouvernement, ce qui comprend déterminer si le gouvernement se conforme ou non à ses propres politiques.

Dans une décision récente, rendue le 7 février 2013, à la page 13869 des Débats, j’ai rappelé à la Chambre ce qui suit :

Il n’appartient pas à la présidence d’intervenir dans les affaires des ministères ni de se mêler dans des processus gouvernementaux, peu importe à quel point ils semblent frustrants aux yeux du député.

La présidence a néanmoins examiné le fil des événements mentionnés par le député de Westmount—Ville-Marie afin de vérifier s’il existe des motifs de procédure — par opposition aux directives d’un ministère — étayant la thèse que les traités doivent être déposés à la Chambre, voire même y faire l’objet d’un débat.

L’examen a révélé, sans surprise, que nombre de dispositions du Règlement ou de lois portent sur le dépôt de documents et que l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, aux pages 430 et 609, énumère les types de documents devant être déposés à la Chambre, notamment des états, des rapports et d’autres documents dont le dépôt est exigé par une loi, un ordre de la Chambre ou le Règlement. Or, les traités n’y sont pas mentionnés. En fait, les règles et les pratiques de la Chambre ne font aucunement mention du dépôt de traités.

C’est pourquoi la présidence se doit de conclure qu’on ne peut interpréter l’application habituelle par le gouvernement de sa politique sur les traités comme un usage adopté par la Chambre. Comme toujours, les règles et pratiques de la Chambre doivent provenir explicitement de cette dernière. Il ne s’agit pas ici de nier l’importance de recevoir les renseignements essentiels avant de procéder à l’examen d’une mesure législative. Cependant, la distinction entre les procédures établies par le gouvernement et celles établies par la Chambre demeure bien réelle et il faut la respecter.

Par conséquent, la présidence n’a trouvé aucune preuve à l’appui de l’affirmation du député selon laquelle le projet de loi C-31 n’aurait pas été présenté devant la Chambre en bonne et due forme en raison de ce qu’il a qualifié d’« écart » de ce qu’il estime être la pratique habituelle.

Ainsi, je ne peux conclure que son rappel au Règlement est fondé ou que le cours normal du processus législatif lié au projet de loi C-31 est vicié de quelque façon. L’étude du projet de loi par la Chambre peut donc se poursuivre de la façon habituelle.

Je remercie tous les députés de leur attention.

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[1] Débats, 28 avril 2014, p. 4602, 4607–4610, 5 mai 2014, p. 4930–4931.