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Monsieur le Président, aujourd'hui, nous débattons du projet de loi , qui a été déposé par le .
J'aimerais informer un peu les gens sur le contenu de ce projet de loi avant d'expliquer en détail la position du Bloc québécois.
Le projet de loi est présenté comme étant un projet de loi qui vise à favoriser une plus grande participation électorale. C'est un principe auquel on ne peut pas vraiment s'opposer. Il y a certains éléments de contenu dont je pourrais parler. Par exemple, on veut « ajouter deux jours au vote par anticipation ». Si les gens ont deux jours de plus pour voter, ce n'est pas nécessairement mauvais. Nous ne nous opposons pas à cela.
On veut aussi « permettre au directeur du scrutin de créer des sections de vote constituées d'un seul établissement où résident des personnes âgées ou ayant une déficience, ou d'une partie d'un tel établissement […] » Grosso modo, on veut permettre qu'un bureau de vote soit installé dans les CHSLD ou dans les résidences où il y a des gens qui sont plus lourdement handicapés, qui sont vieillissants ou qui ont des difficultés liées à la mobilité afin que ces gens puissent voter sur place. Encore une fois, nous ne nous opposons pas à cela, même que c'est assez positif.
On veut « prévoir l'installation de bureaux pour le vote par bulletin de vote spécial dans des établissements d’enseignement postsecondaire ». On veut permettre aux gens de voter dans les écoles. Ce sont des choses qu'on a déjà faites, notamment au Québec. Nous n'avons aucun problème avec cela; nous sommes plutôt d'accord sur cette mesure.
Ensuite, il y a d'autres éléments qui ne seraient pas mis en place tout de suite, mais qui pourraient être mis en place plus tard si les conclusions des rapports du directeur général des élections sont intéressantes. Cela pourrait faire l'objet d'un second projet de loi plus tard. Le directeur général des élections serait chargé de présenter quelques rapports sur quelques sujets. Parmi les sujets visés, on parle des « mesures à prendre pour mettre en œuvre une période de scrutin de trois jours ». On veut déterminer comment le directeur général des élections pourrait s'organiser pour que le scrutin dure trois jours plutôt qu'une seule journée. On parle du scrutin final, le jour J, comme on dit.
Le projet de loi prévoit aussi que le directeur général des élections présente un « rapport sur les mesures à prendre afin de permettre aux électeurs de voter à tout endroit dans leur bureau de scrutin ». Souvent, quand on va voter, il y a plusieurs petits bureaux un peu partout. Il y a des listes et les bureaux de scrutin sont divisés en plusieurs listes. Il y a donc quatre ou cinq bureaux de vote. Grâce à cette mesure, on pourrait se rendre à n'importe quel bureau de vote afin de voter, ce qui ferait qu'on n'aurait pas besoin d'attendre, si, par exemple, tout le monde partait voter à la même heure et qu'il y avait une file d'attente. Ainsi, une personne pourrait aller voter dans le bureau de vote d'à côté afin d'éviter d'attendre. Cela accélérerait peut-être le débit de traitement. Encore là, il faudra voir comment on peut mettre en place cette mesure. Comment fera-t-on pour s'assurer de rayer les personnes appropriées sur la bonne liste? Comment assurera-t-on un suivi en temps réel? Ce sera au directeur général des élections de nous dire si c'est faisable ou non.
C'est la même chose pour ce qui est du scrutin sur trois jours. Ce n'est déjà pas évident de trouver des bureaux pour que les gens puissent aller voter. J'ai déjà travaillé à certaines élections et j'ai eu des discussions avec les directeurs de scrutin. On doit trouver plusieurs établissements, car il y a plusieurs bureaux de scrutin dans chaque circonscription. Ensuite, on répartit les gens en fonction de leur lieu de résidence. Il faut trouver des salles qui ne sont pas loin de leur lieu de résidence et qui sont libres durant les heures visées.
Le fait de disposer de trois jours, est-ce que c'est quelque chose de positif? Si c'est faisable, pourquoi pas? Cela pourrait entraîner certaines difficultés. Il reviendra au directeur de scrutin de voir s'il est possible de remédier à ça. Par exemple, il serait peut-être difficile de fermer les écoles pendant trois jours. Si des événements sont prévus dans certains lieux, il faudra donc réserver ces salles. Cela peut poser des problèmes logistiques.
Le directeur des élections générales devra aussi fournir « un rapport sur la possibilité pour les électeurs de voter à tout bureau de scrutin dans leur circonscription ». Non seulement les électeurs pourraient changer de bureau de vote lorsque le leur est occupé, mais ils pourraient se rendre dans n'importe quel bureau de scrutin dans leur circonscription. Par exemple, plutôt que d'aller voter au centre communautaire à côté de chez lui, l'électeur pourrait aller voter dans l'école de la ville voisine, dans un bureau de scrutin qui est situé trois coins de rue plus loin, ou même dans une église. C'est souvent un endroit choisi pour ce type d'événement. On permettrait aux gens de se promener d'un bureau de scrutin à l'autre pour pouvoir aller voter. Encore là, cela pose le même problème: il faudra s'assurer qu'une personne ne puisse pas aller voter à trois ou quatre bureaux différents. Il faudra faire un suivi des listes. Le directeur du scrutin pourra nous dire comment gérer cet élément.
Encore là, ce sont toutes des choses que nous sommes prêts à explorer pour déterminer comment cela peut être mis en œuvre. Ce n'est pas nécessairement de mauvaises propositions, au contraire. Cela peut même avoir un aspect positif si on arrive à trouver des façons pour que cela puisse se faire.
Le seul élément qui présente une difficulté supplémentaire en étalant le scrutin sur trois jours en plus d'ajouter deux jours au vote par anticipation, c'est l'effet sur les membres du personnel électoral. Ce sont souvent des étudiants ou des personnes à la retraite, puisque les gens qui travaillent à temps plein sont au travail et ont parfois de la famille dont ils doivent s'occuper. Ils n'ont pas nécessairement le temps de travailler aux élections. Si on demande aux travailleurs d'élection d'en faire davantage, ça peut prendre plus de travailleurs pour remplir toutes les plages horaires. Ça peut vouloir dire d'engager plus de travailleurs d'élection ou de demander aux mêmes travailleurs d'élection d'en faire davantage. Pour le directeur général des élections, ça peut être un problème d'avoir suffisamment de gens formés et disponibles. On verra ce que le directeur d'élection va dire, mais c'est sûr qu'il y a des problèmes potentiels. Les directeurs de scrutin, c'est le cas chez nous, nous signalent que c'est déjà parfois difficile de trouver des travailleurs d'élection.
Comme dernier élément, le projet de loi prévoit un « rapport qui fait état d'un processus permettant d'établir si un parti politique a pour objectifs [ou mise sur] la promotion de la haine envers un groupe identifiable de personnes identifiables. » Personne ne souhaite qu'on se mette à avoir des propos haineux ou à faire de la politique haineuse à l'encontre d'un groupe identifiable de personnes. Le directeur des élections sera donc aussi chargé d'examiner cette question.
Tous les éléments que j'ai mentionnés sont relativement intéressants et positifs. Par contre, je me demande si on a pensé au côté pratique de la mise en application de tout cela. Comme je l'ai mentionné, les derniers éléments dont on a parlé ne seraient pas mis en vigueur tout de suite, ça irait à plus tard. Nous avons donc le temps d'y réfléchir davantage, mais je pense qu'il faut réfléchir au côté pratique avant d'implanter quelque chose, au cas où toutes sortes de problèmes surgiraient.
Nous le savons, notre système électoral est important. Les gens font généralement confiance à notre système électoral. Nous ne voulons pas briser cette confiance dans l'intégrité du processus électoral. C'est quelque chose de précieux. La confiance du public dans ce processus l'est aussi. Il faut donc faire les choses comme il le faut si on décide de le faire.
Or, il y a un autre élément dans le projet de loi dont les libéraux ne parlent pas. Nous les avons écoutés et, jusqu'à présent, ils n'en ont à peu près pas parlé dans leurs discours. Chaque fois que les libéraux déposent un projet de loi, je me demande toujours pourquoi ils le déposent. Y a-t-il un intérêt partisan quelconque? On peut se poser la question. Dans le projet de loi à l'étude, il est prévu de reporter l'élection d'une semaine, la faisant passer du 20 octobre 2025 au 27 octobre 2025. Pourquoi déplacer l'élection d'une semaine?
La raison officielle qu'on nous a donnée, c'est que le gouvernement veut accommoder les communautés indiennes pour les célébrations de la Diwali, qui est une fête des lumières. C'est la raison que le gouvernement nous a donnée. Si c'était un jour férié, nous pourrions comprendre, mais déplacer une élection parce qu'il y a une fête religieuse, je trouve ça particulier. En effet, le Canada est censé être un État laïque. Un État laïque, par définition, n'est pas censé se plier aux volontés de chacune des religions.
Si c'est le jour du Mardi gras, le jour de la Sainte Vierge ou le dimanche des Rameaux, va-t-on se mettre à dire qu'on ne peut pas voter parce qu'il y a une fête religieuse cette journée-là? Si on prend toute la liste des fêtes religieuses qui existent dans le calendrier, on ne s'en sortira pas. J'ai l'impression que c'est une pente glissante et que ce n'est peut-être pas la bonne direction à prendre. Je me pose même la question à savoir si c'est la vraie raison.
Je rappelle que les gens ont déjà six jours pour aller voter par anticipation. Donc, s'ils veulent aller célébrer la Diwali, par exemple, grand bien leur fasse, mais ça ne les empêchera pas d'aller voter les six autres jours de vote par anticipation, puisqu'on ajoute deux jours dans ce projet de loi aux quatre jours de vote par anticipation qui existaient déjà. Ils peuvent aussi aller voter en tout temps au bureau du directeur de scrutin.
Si on peut déjà aller voter à tout moment au bureau du directeur du scrutin en période électorale, le fait que le dernier jour où on peut exercer son droit de vote tombe en même temps qu'une fête religieuse crée-t-il un si gros problème que ça? Je n'en suis pas certain non plus.
Les gens peuvent aussi voter par la poste. Cela a été intégré lors du dernier scrutin et c'est maintenant répandu de façon plus large. Les gens peuvent voter dans les écoles. C'est ce qu'on a mentionné tantôt. On va même permettre le vote itinérant pour les personnes à mobilité réduite. Ainsi, si certaines personnes ont de la misère à se déplacer physiquement, parce qu'elles sont en fauteuil roulant, par exemple, on va aller les voir et leur permettre de voter. Les gens peuvent aussi voter dans les CHSLD. Je ne suis donc pas tout à fait certain que les célébrations de la Diwali soient la vraie raison.
De plus, cela crée un autre problème. Les libéraux n'y ont pas pensé ou, peut-être, cela ne les intéresse pas, mais des élections auront lieu dans 1 108 municipalités du Québec à peu près au même moment. En effet, la date des élections municipales est le 3 novembre 2025. Au départ, la date des élections fédérales était fixée au 20 octobre 2025. Si on la déplace au 27 octobre, il y aura six jours entre les deux élections. Je ne sais pas si quelqu'un a une idée de ce que cela peut créer comme situation.
Il y aura des pancartes de tous les partis représentés sur la scène fédérale: le Bloc québécois, le Parti libéral, le NPD et les autres partis possibles. Ensuite, des pancartes de tous les partis municipaux viendront s'ajouter à cela. Il va y avoir une belle guerre des poteaux pour le premier qui arrivera à mettre une pancarte. Il va aussi y avoir une situation sur le plan médiatique alors que tout le monde voudra apparaître au bulletin de nouvelles. Tout le monde sera dans une espèce de bataille en ce qui concerne la couverture médiatique. Parlera-t-on des élections municipales ou seulement des élections fédérales? Les journalistes, déjà de moins en moins nombreux, auront de la misère à trouver du temps pour couvrir adéquatement les deux campagnes électorales.
Ce sont 1 108 municipalités qui procéderont à des élections en même temps. Ce n'est pas comme si une seule petite ville dans un coin ou alors une seule commission scolaire était en élection — de toute façon, il n'y en a plus. Tout ça, c'est pour dire que 1 108 municipalités, ça fait beaucoup de monde. Tous ces gens vont devoir se poser la question, réfléchir, écouter les débats, s'informer, car ce ne sont pas tous des gens qui font de la politique à temps plein, puis faire un choix. On va maintenant leur demander de faire ces deux choix-là au cours de la même période.
En outre, j'ai l'impression qu'il n'y aura pas assez d'espace, que ce soit de l'espace mental, de l'espace média, de l'espace physique ou de l'espace pour les bénévoles. On demande aux gens de s'impliquer, mais, si je me fie à ce qui se passe dans ma circonscription, ce sont les mêmes personnes qui s'impliquent lors des élections municipales, provinciales et fédérales. Ce sont aussi les mêmes personnes qui vont organiser les activités sociales et les activités communautaires. Ce sont souvent les mêmes bénévoles qui vont s'impliquer partout. Là, on va dire à ces bénévoles de s'impliquer dans toutes les élections. Or, il n'y a pas que les bénévoles. Il y a aussi les travailleurs d'élection. En effet, les gens qui travaillent pour les élections municipales et qui sont payés par le directeur de scrutin vont aussi être recrutés pour travailler aux élections fédérales. Cela va créer de la compétition. Il va falloir ouvrir des bureaux de scrutin fédéraux et des bureaux de scrutin provinciaux, et il va falloir former le personnel. Ce sera tout un bazar.
Je ne comprends pas que les libéraux n'aient pas pensé à cela, à moins qu'ils ne s'y intéressent pas. On sait qu'ils passent souvent par-dessus les villes du Québec, qu'ils ne les écoutent même pas, qu'ils ne veulent rien savoir. Les villes du Québec n'existent pas pour eux. Les libéraux s'ingèrent parfois même carrément dans leurs champs de compétence. Nous en parlons souvent à la Chambre. Je trouve ça triste parce que ça n'a pas d'allure. C'est comme si on cherchait volontairement à mélanger le monde. Pourquoi faire une telle chose?
En fait, c'est parce que les libéraux sont un peu désespérés. Je suis allé voir le site 338Canada, ce matin. Les libéraux ont 156 sièges en ce moment, mais les dernières projections nous indiquent que les libéraux remporteraient 71 sièges si des élections avaient lieu demain matin, ce qui veut dire que 85 députés libéraux perdraient leur travail. Il y en a certains parmi eux qui ne perdraient pas juste leur travail. Si l'élection avait lieu à la date qui a été fixée, ils n'auraient pas de pension. Toutefois, si on déplaçait cette date d'une semaine, ils auraient droit à une pension.
Ce qu'on comprend, finalement, c'est que les libéraux ont trouvé un moyen de dire qu'ils seront possiblement battus lors de la prochaine élection, mais qu'ils donneront au moins une petite tape dans le dos à leurs amis en les laissant partir avec un meilleur chèque. On va les enrichir. La famille libérale, il ne faut pas l’abandonner et la laisser tomber. En fait, ça fait pitié.
Finalement, le chat est sorti du sac. Toutes les belles intentions et les belles affaires qu’on nous vantait dans le projet de loi sont vite gâchées quand on découvre la vraie raison du projet de loi qui nous est présenté. C'est tout simplement de se payer la traite avec l’argent des contribuables.
En fait, ça me décontenance. Depuis plusieurs semaines à la Chambre, souvent pendant la période des questions orales, le député libéral d'Honoré-Mercier, qui est même et lieutenant du Québec, se fait parfois un plaisir de répondre, quand nous posons des questions, que les députés du Bloc québécois ne sont pas là pour leurs convictions, mais pour leur pension. C’est ce qu’il a dit. Moi, j’ai 35 ans; j'annonce que ce n'est pas demain matin que je vais toucher ma pension.
Or, on découvre que, pendant que les les libéraux nous disent ça, ils sont en train de traficoter et de s'arranger, avec la complicité du NPD, pour eux-mêmes avoir de belles pensions. Il faut le faire. Peut-être qu’il a sorti ça à la période des questions orales parce que c'est à ça qu'il réfléchissait. C'est ce qu'il avait en arrière de la tête. Il se demandait comment arranger la Loi électorale du Canada pour en tirer le meilleur pour le Parti libéral.
Cela me fait penser à la fameuse subvention salariale. On disait qu’on allait aider les entreprises en difficulté pour qu'elles puissent garder leurs employés pendant la COVID‑19 et qu’on allait subventionner les salaires. Les libéraux ont trouvé une bonne astuce aussi dans ce programme. Ils se sont dit qu’eux aussi avaient besoin d’argent, ils ont donc touché la subvention salariale. Il n’y a rien de trop beau pour les libéraux. On voit la même chose se reproduire dans le projet de loi C‑65. C’est assez décourageant.
En fait, c’est décourageant et c’est triste parce que jouer avec la loi électorale, c’est quelque chose de sensible. Jouer avec la loi électorale, en fait, c’est l’essence même de la démocratie. La confiance du public, c’est sacré; on ne devrait pas jouer avec cela, se permettre des largesses et essayer de travailler à s’avantager constamment. Au bout du compte, ces petites manigances libérales ne font qu'alimenter le cynisme de la population et augmenter la déconnexion des gens par rapport à nos institutions. Les gens se disent que dans le fond ça ne les représente pas et qu’ils n’ont pas confiance en ça.
Pour ces raisons, c’est évident que nous allons voter contre le projet de loi. Nous disons non au chaos dans les élections municipales en même temps que les élections fédérales, non à des accommodements pour des fêtes religieuses alors que nous sommes dans un État laïque et qu’on nous dit que ce sont les fêtes religieuses qui vont déterminer le moment des élections. Est-ce qu'on comprend cela? Moi, je ne comprends pas cela. Surtout, c’est non aux libéraux qui décident d’engraisser leur fonds de pension juste avant de partir.