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Publications de la Chambre

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TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 24 octobre 1994

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR L'IMMIGRATION

    Reprise de l'étude de la motion 7065
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 7067
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 7072

LES VOIES ET MOYENS

L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

    Adoption de la motion 7074

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES PROGRAMMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

    reprise de l'étude de la motion 7074
    M. Chrétien (Frontenac) 7082
    M. Chrétien (Frontenac) 7084
    M. Speaker (Lethbridge) 7087
    M. Harper (Simcoe-Centre) 7089

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA JUSTICE

LES PEUPLES AUTOCHTONES

L'IMMIGRATION

LES FORÊTS

L'UNIVERSITÉ DE GUELPH

LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LA CAMPAGNE DU RUBAN BLEU

LA RAFFINERIE IRVING

M. BERTRAM BROCKHOUSE

LES PILOTES DE CHASSE DE L'ÉQUIPE CANADIENNE

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

L'INFRASTRUCTURE

LE MAINTIEN DE LA PAIX

LA VIOLENCE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LES DROITS DE LA PERSONNE

QUESTIONS ORALES

LES SERVICES FÉDÉRAUX DE RENSEIGNEMENT

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 7096
    M. Martin (LaSalle-Émard) 7096
    M. Martin (LaSalle-Émard) 7097

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LA FONCTION PUBLIQUE

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

    M. Gauthier (Roberval) 7098
    M. Gauthier (Roberval) 7098

L'IMMIGRATION

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LES AÉROPORTS

LA DÉFENSE NATIONALE

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

ULTRAMAR CANADA

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LE CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 7102
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 7102

L'ACCORD D'ENTRAIDE JURIDIQUE

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 7102

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

    M. Leroux (Shefford) 7103

LA PETITE ENTREPRISE

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LA JOURNÉE DES NATIONS UNIES

    Mme Gagnon (Québec) 7104

LA LOI CANADIENNE SUR L'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE

    Projet de loi C- 56. Adoption des motions portant présentation et première lecture 7105

PÉTITIONS

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

LE SUICIDE ASSISTÉ

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA JUSTICE

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE SUICIDE ASSISTÉ

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

L'EUTHANASIE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 7106

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 7107

L'AVORTEMENT

L'INDUSTRIE MINIÈRE

LE SUICIDE ASSISTÉ

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA RÉFORME DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

    Reprise de l'étude de la motion 7107
    M. Harper (Simcoe-Centre) 7108
    Mme Gagnon (Québec) 7116
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 7117
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 7131
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 7134
    M. Leroux (Shefford) 7135

MOTION D'AJOURNEMENT

LE CHÔMAGE


7065


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 24 octobre 1994


La séance est ouverte à 11 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LA LOI SUR L'IMMIGRATION

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 23 septembre, de la motion.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, il me fait extrêmement plaisir de prendre la parole en cette Chambre dans le cadre de la présentation de la motion de mon collègue de Calgary-Nord-Est, une motion qui m'a profondément surprise, et je dois déclarer d'entrée de jeu que j'y suis totalement opposée.

Avant de préparer mon discours, j'ai lu attentivement l'allocution qu'a présentée en cette Chambre le député de Calgary-Nord-Est pour tenter de comprendre sa position, et je dois avouer avoir sursauté à quelques reprises durant ma lecture.

À première vue, le député semble prétexter une raison financière pour justifier le refus d'admettre en sol canadien les immigrants séropositifs. Mais après une lecture attentive de son allocution, on remarque que les raisons qui motivent sa position sont plus profondes et plus troublantes. Ainsi, la question des coûts n'est pas réellement pertinente dans ce débat, pour les deux raisons suivantes: premièrement, en ce qui concerne les coûts réels pour soigner un sidéen, mon collègue amplifie les chiffres. Selon les expertises disponibles, un sidéen ne nécessite sûrement pas des soins totalisant 200 000 $; on parle d'un coût qui se situe approximativement à la moitié de la somme avancée par mon collègue.

De plus, rien n'indique qu'en procédant au test de dépistage du sida chez les immigrants que cela épargnerait plus d'argent qu'en ciblant d'autres maladies. Une vaste étude menée par un groupe de chercheurs du Centre de médecine, d'éthique et de droit de l'Université McGill démontre que si le Canada choisit de tester systématiquement les immigrants pour savoir s'ils sont séropositifs, ce sera un choix politique et non le résultat de prise en considération économique.

Pour faire leur étude, les chercheurs ont comparé la question du sida avec celle des maladies coronariennes en se basant sur les données disponibles concernant tous les immigrants qui sont venus au Canada en 1988 pour montrer que les deux problèmes sont aussi lourds financièrement pour le système de santé canadien.

Cibler seulement l'infection au VIH me paraît discrimina- toire.

(1105)

Le député, dans son allocution du 23 septembre, continue à nous surprendre en disant, et je cite: «si elle était mise en oeuvre, cette motion constituerait une étape importante dans la lutte au sida.» Ici, mon collègue fait preuve de bien peu de connaissance à l'égard du sida. Le sida est un fléau international qui frappe sans distinction et qui n'épargne aucune société, aucune culture et aucun pays.

Comment le député peut-il penser un instant que fermer les frontières réglera le problème! Si on adoptait cette logique, il faudrait également imposer à tous les Canadiens, revenant d'un séjour à l'étranger, de passer ledit test. Et que faire de la frontière ouverte avec les États-Unis, les diplomates et les coûts qui découleront de ces millions de tests?

Comme porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, il va de soi que le sida est une de mes grandes préoccupations. Cette maladie est terrifiante et le rythme de propagation est effarant. Selon les prévisions les plus conservatrices, plus de 30 à 40 millions de personnes seront atteintes du sida en l'an 2000, soit dans moins de six ans. On prévoit que 30 000 Canadiens développeront le sida au cours des cinq ou six prochaines années. Ces chiffres sont alarmants et la fermeture des portes du pays aux immigrants ne changera rien à cette réalité.

Alors que pouvons-nous faire? En attente d'un médicament, les seuls mécanismes qui sont à notre disposition pour tenter de contrer la propagation de cette terrible maladie sont la sensibilisation et la prévention. Voilà pourquoi l'opposition officielle demande au gouvernement la création d'un comité d'examen de la stratégie canadienne de lutte contre le sida, Phase II.

Voilà aussi pourquoi je demande régulièrement à la ministre de la Santé de mieux allouer son budget, car ce n'est pas en coupant à chaque année dans les paiements de transferts pour la santé, destinés aux provinces, que celles-ci pourront être en mesure de créer des campagnes de sensibilisation et de prévention efficaces.


7066

Ce n'est pas non plus en consacrant 12 millions de dollars dans un forum qui s'avérera totalement inutile que nous protégerons la population québécoise et canadienne. Si le gouvernement fédéral prenait sérieusement la menace du sida, il aurait investi les 12 millions de dollars du forum dans la recherche ou dans les programmes d'aide ou de sensibilisation, car malgré plusieurs années de sensibilisation, il y a manifestement encore beaucoup de préjugés concernant cette terrible maladie et le virus qui lui est associé.

La motion à l'étude reflète très bien cette incompréhension et les préjugés qui la remplacent. Certains pensent encore que le VIH s'attrape par contact occasionnel, comme on attrape la grippe. On sait tous que cela est erroné. D'autres y voient même un châtiment divin. Il est grand temps que tous se sensibilisent à cette maladie qui deviendra de plus en plus présente dans notre société.

Ce qui est pire, c'est que ceux qui supportent cette motion semblent croire à tort qu'une personne porteuse du VIH ne peut plus apporter de contribution à la société, que dorénavant elle ne sera plus qu'une charge pour la société. Cette attitude est regrettable. Elle est même choquante pour les Canadiennes et les Canadiens porteurs de cette terrible maladie qui doivent non seulement apprendre à vivre avec ce virus, mais également avec les préjugés, l'incompréhension et la peur des autres.

Nous du Bloc québécois rejetons cette perception qui consiste à dénigrer et à s'attaquer à tout ce que l'on ne comprend pas et à tout ce qui fait peur; qui consiste à se refermer sur soi au lieu de faire preuve d'ouverture d'esprit; qui consiste à dire aux Canadiens: «Faisons l'autruche, fermons les yeux sur ce qui se passe ailleurs et peut-être que lorsque nous les ouvrirons à nouveau, lorsque nous sortirons la tête du sable, le problème du sida aura passé, il nous aura épargnés.»

Non, monsieur le Président, ce n'est pas là l'attitude à adopter. Ce n'est pas l'attitude qu'adoptent les Québécoises et les Québécois, et ce n'est sûrement pas l'attitude que voudrait adopter la grande majorité des Canadiens et des Canadiennes.

Cette motion fait preuve d'ignorance à l'égard du problème terrifiant du sida. Si elle devait voir le jour, cette initiative rétrograde nous ramènerait à l'époque de la noirceur, et c'est pourquoi moi et le Bloc québécois nous nous opposons avec énergie à cette motion.

(1110)

[Traduction]

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, je suis reconnaissant de pouvoir intervenir dans le débat sur la motion d'initiative privée dont le député de Calgary-Nord-Est a saisi la Chambre. Ce dernier voudrait que tous ceux qui demandent à immigrer au Canada subissent un test de dépistage du VIH, ou virus du sida, et que le résultat positif d'un test de détection du VIH soit inclus dans les motifs d'inadmissibilité au Canada.

Dans le hansard du 23 septembre dernier, le député de Calgary-Nord-Est a déclaré qu'il n'y avait pas lieu de débattre sa motion puisque la question relevait du simple bon sens et que le bon sens devrait dicter la marche à suivre au gouvernement. Or, ce qui est une question de bon sens pour le député et les gens de son acabit ne l'est peut-être pas pour ceux qui ont un esprit d'analyse et qui veulent arriver à la vérité en définissant les liens entre des idées, des principes, des faits, des événements et divers phénomènes.

La Loi sur l'immigration exige effectivement que les visiteurs et les immigrants répondent à deux critères en matière de santé avant d'être admis au Canada. Premièrement, ils ne doivent pas constituer une menace pour la santé et la sécurité des Canadiens; deuxièmement, leur admission au Canada ne doit pas imposer un fardeau excessif à nos services sociaux et à nos services de santé.

Pour prouver qu'ils satisfont à ces critères, les aspirants immigrants subissent un examen médical qui se déroule conformément à des normes reconnues partout dans le monde. Cet examen médical comporte l'établissement de tous les antécédents médicaux, un examen physique complet, un test d'urine pour les requérants âgés de cinq ans et plus, une radiographie pulmonaire pour ceux qui ont plus de 10 ans et une analyse de sang visant à déceler la syphilis chez ceux qui ont 15 ans et plus.

Cette analyse de sang représente le seul test visant une maladie précise, soit la syphilis. Par ailleurs, les radiographies peuvent révéler diverses autres affections, notamment des troubles cardiaques, des tumeurs et la tuberculose.

Même si l'on s'efforce de toujours observer les procédures établies, il peut y avoir des différences dans le mode d'administration des tests d'un pays à un autre, ou d'un médecin à un autre, selon les compétences et les ressources disponibles.

Il faut noter que les immigrants ne subissent pas automatiquement les tests de dépistage du VIH. Cependant, le médecin qui procède à l'examen ordinaire peut ordonner d'autres tests particuliers. Parfois, lorsque l'examen médical initial révèle des symptômes pouvant indiquer une infection au VIH ou si la personne entre dans un groupe à haut risque, le médecin exige un test de dépistage du VIH.

Récemment, plusieurs candidats à l'immigration se sont vu refuser l'entrée au Canada d'abord et avant tout en raison de l'état avancé de leur maladie. La plupart de ces gens ont été déclarés inadmissibles au Canada parce qu'ils imposeraient un fardeau excessif au système de santé canadien et non pas parce qu'ils présentaient un risque pour la santé publique.

L'infection au VIH et le sida ne sont pas des maladies contagieuses comme la tuberculose. Le VIH et le sida ne peuvent être transmis que dans le cadre d'activités à haut risque précises comme le partage de seringues pour l'injection de drogues ou les pratiques sexuelles non protégées, et non par le simple contact physique. Par conséquent, un Canadien qui est prêt à s'adonner à des activités à risque avec un visiteur ou un immigrant est tout aussi susceptible de s'adonner à ces activités avec un autre Canadien. Le risque d'infection au VIH ne découle pas de la présence d'étrangers, mais de comportements précis.

Le meilleur moyen de défense contre la propagation du VIH, que ce soit par des étrangers ou par des Canadiens, c'est l'éducation du public. Il n'est donc pas étonnant que des organismes comme l'Association canadienne de santé publique, la Société canadienne de l'hémophilie, la Croix-Rouge canadienne, le Parlement européen et la British Medical


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Association, et j'en passe, estiment que les visiteurs ne posent pas de danger pour la santé publique.

En janvier 1991, Emploi et Immigration Canada, après un examen des critères médicaux d'inadmissibilité précisés dans la Loi sur l'immigration, déclarait dans son rapport:

(1115)

«Pour le moment, Santé et Bien-être social Canada ne croit pas que les personnes infectées au VIH ou porteuses du sida présentent un danger pour la santé ou la sécurité de la population. L'infection au VIH et le sida proprement dit ne constituent pas des maladies infectieuses dangereuses, mais entrent plutôt dans la catégorie des maladies chroniques comme le cancer et les maladies cardiaques.»

La communauté scientifique s'est dite d'avis que l'on ne faisait peser aucune menace sur la santé et la sécurité des Canadiens en laissant entrer au Canada une personne porteuse du VIH. Le gouvernement du Canada appuie cette position.

En avril 1991, le ministre de la Santé de l'époque, Perrin Beatty, annonçait à Vancouver: «Notre comité consultatif d'experts a conclu que le sida et l'infection au VIH ne constituent pas une menace pour la santé publique pendant une visite de courte durée au Canada et je suis heureux d'annoncer que nous avons modifié les lignes directrices remises à nos médecins pour que les visiteurs atteints du sida ou porteurs du VIH soient traités exactement comme tous les autres visiteurs au Canada.»

La position du gouvernement a été renforcée par l'honorable ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration lorsqu'il a déclaré: «Le gouvernement estime que les personnes infectées au VIH ou porteuses du sida ne représentent habituellement aucun danger pour la population. Notre principale préoccupation, c'est le respect du critère portant sur le fardeau excessif sur notre système de santé.» Ces affirmations figurent dans une lettre, datée du 3 août 1994, adressée à la Société canadienne du sida.

Quant au deuxième critère lié à la santé, celui de la demande excessive, il n'y a pas vraiment lieu de s'inquiéter à propos des gens qui viennent au Canada pour un bref séjour, car ils ne seraient pas admissibles aux services de santé et la plupart des visiteurs sont protégés par leur propre régime d'assurance-maladie. Le critère relatif à la demande excessive serait invoqué lorsqu'il y aurait lieu de croire que le requérant aurait besoin de traitements médicaux durant son séjour au Canada.

Dans le cas des immigrants, il ne serait pas convenable d'établir une exclusion générale des personnes séropositives. Selon la Commission canadienne des droits de la personne, une évaluation individuelle complète doit demeurer le principal outil pour établir l'admissibilité d'une personne, et il est discriminatoire de regrouper les individus dans des groupes ou des catégories générales.

Il y a de nombreux facteurs à prendre en considération en évaluant si un immigrant séropositif imposerait une demande excessive auprès des systèmes de services médicaux et sociaux. Il faut notamment voir si la personne est malade ou non et quelles sont les contributions qu'elle peut apporter à la société canadienne.

Nous savons que certaines personnes sont infectées par le VIH depuis au moins 12 ans mais ne présentent aucun symptôme de la maladie. Nous ne savons pas si une personne infectée par le VIH finira par avoir le sida. Comment pouvons-nous refuser à quelqu'un d'immigrer parce qu'il pourrait devenir malade? Même ceux qui présentent des symptômes de maladie peuvent quand même apporter une contribution importante à la société canadienne.

La politique canadienne d'immigration actuelle attache trop d'importance à la maladie d'une personne et omet de tenir compte de sa capacité de contribuer à la société. On doit juger du cas de chacun selon ses mérites.

Voici ce qu'a déclaré le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration: «Notre gouvernement est d'avis que les personnes séropositives ou atteintes du sida ne devraient pas faire l'objet de distinctions aux fins de l'immigration. Je tiens à vous assurer que les fonctionnaires de la Citoyenneté et de l'Immigration et moi ferons tout en notre pouvoir pour veiller à ce que les personnes séropositives ou atteintes du sida soient traitées avec le même respect et le même souci de leurs droits que n'importe quel autre visiteur au Canada.»

La loi actuelle sur l'immigration exige que les gens qui désirent entrer au Canada comme visiteurs ou immigrants soient assujettis à des normes d'admission qui n'établissent pas de discrimination de façon incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés. Voici ce que stipule en effet la Charte, à l'article 15: «La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment des discriminations fondées sur [. . .] les déficiences physiques.»

Le Canada a toujours été en tête pour ce qui est de reconnaître les droits de la personne et venir en aide à ceux qui en ont besoin. Le député de Calgary-Nord-Ouest de même que les députés de son parti seraient sûrement fiers de voir le Canada continuer à poursuivre ces aspirations honorables et dignes d'éloge.

(1120)

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de dire que je suis complètement renversé par les affirmations auxquelles la motion a donné lieu. Ces déclarations traduisent une méconnaissance absolue de la maladie et, pis encore, un manque de considération pour la santé et le bien-être des citoyens canadiens.

De toute évidence, le sida est une maladie qui jouit d'une protection politique. Nous sommes désolés pour les séropositifs et les sidatiques, mais il importe qu'on sache que nous ne pouvons pas mettre en péril la santé et le bien-être des Canadiens.

Quoi qu'il en soit, je prends aujourd'hui la parole pour appuyer la motion no 285 proposée par mon estimé collègue, motion qui préconise l'imposition de tests de dépistage du VIH à


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tous les immigrants en vertu des paragraphes 11(1) et 11(3) de notre Loi sur l'immigration.

Le sujet n'a rien de réjouissant, car, jusqu'en 1993, cette peste des temps modernes a fait 9 910 victimes, dont 107 enfants. De ce nombre, 6 930 personnes ont été emportées. Il s'agit d'une maladie qui est aussi horrible que n'importe quelle autre maladie mortelle, mais qui est plus tragique encore parce qu'elle frappe des personnes dans la force de l'âge. En effet, les victimes du sida succombent entre 25 et 45 ans, pendant la période la plus productive de la vie, quand elles ont encore de longues années devant elles.

J'ai eu par le passé de nombreux patients atteints de cette maladie, et j'ai personnellement trouvé que c'était une expérience profondément tragique et qui donnait à réfléchir que de traiter ces patients, notamment ceux de mon groupe d'âge, qui font face à la mort.

Il n'y a pas de guérison possible. Tout ce que nous pouvons faire, c'est donner à ces patients des soins palliatifs et traiter les maladies intercurrentes. Le spectacle de leur dépérissement est atroce. Quiconque a des contacts avec des personnes atteintes du sida devrait essayer de les connaître et de comprendre la profonde douleur et l'angoisse qu'elles éprouvent, elles et leur famille.

La situation n'est pas moins tragique pour les survivants, la famille, les amis, les proches, qui doivent rebâtir leur vie après la mort de l'être cher. Aucune parole de réconfort ne comblera jamais le vide laissé par la mort d'un être cher, et il est impossible d'évaluer ou de quantifier cette perte de quelque manière que ce soit.

Mon collègue a présenté cette motion non pas parce que nous avons quelque chose contre les personnes qui sont séropositives ou qui ont contracté le sida et qui ont ainsi des manifestations physiques du virus, mais bien parce que nous sommes au service de l'État et que nous avons le devoir et l'obligation, à titre de représentants élus, de protéger la population de notre pays et d'adopter des dispositions législatives en ce sens. Nous agissons ainsi à l'égard de maladies ou d'événements susceptibles d'être très préjudiciables.

La séropositivité mène inévitablement au sida, et le sida, lui, est fatal. S'il y a des députés sceptiques, je les invite à s'interroger sur la réaction qu'ils auraient si un médecin leur annonçait qu'ils sont séropositifs. Nous agissons donc de la sorte au nom de la sécurité publique de tous les Canadiens.

Je tiens d'ailleurs à signaler que nous protégeons déjà la santé et le bien-être des Canadiens de diverses façons, par exemple, en testant les médicaments et les modalités thérapeutiques pour nous assurer qu'ils sont sûrs et en vérifiant les produits sanguins qui ont causé tout un émoi dernièrement, les produits en vente libre pour nous assurer que leur utilisation est sans danger et les stocks alimentaires locaux et importés. Enfin, nous faisons subir à ceux qui veulent immigrer dans notre pays des tests pour déterminer s'ils souffrent de certaines maladies, dont la tuberculose et la syphilis, des maladies qui ne sont généralement pas fatales, des maladies qui ne coûtent pas cher à traiter et qui peuvent se guérir, contrairement au sida.

Pourquoi s'oppose-t-on aussi bruyamment à la mesure proposée par mon collègue? La maladie est pandémique, ce qui signifie qu'elle s'étend à l'ensemble de la planète. Elle est universellement fatale. Elle est incurable et elle coûte cher à soigner. Elle coûte même très cher. Chaque patient séropositif finira par coûter aux contribuables au moins 100 000 $ par année, et cela ne tient pas compte d'un facteur très important, celui des années potentielles de vie perdues pour ces personnes.

(1125)

Entre 1987 et 1991, les années potentielles de vie perdues pour les hommes sont passées de 17 650 années à près de 40 000 années. Pourquoi une proposition que nous estimons indispensable pour protéger les Canadiens suscite-t-elle une réaction aussi brutale? Pourquoi suscite-t-elle pareille opposition?

C'est parce que l'opposition ne vient pas d'une majorité de Canadiens. Au moins 77 p. 100 des gens interrogés récemment dans des sondages favorisent fortement l'imposition de tests de dépistage du VIH à tous les immigrants. L'opposition vient d'un très petit groupe qui se fait beaucoup entendre. Les groupes semblables ne représentent pas la majorité de la population du pays et, de l'avis général, ne défendent que leurs propres intérêts. Ils estiment que si les tests déterminent que certains immigrants sont porteurs du VIH, ces derniers pourraient être stigmatisés, faire l'objet de discrimination.

Heureusement pour la population canadienne et malheureusement pour elles, ces personnes ne seraient pas admises au Canada. Cela n'a rien de personnel. Nous ne visons par là qu'à protéger la santé et le bien-être des Canadiens. Les personnes qui sont porteuses du virus du VIH, et qui seront plus tard atteintes du virus du sida, méritent notre sympathie et notre compassion, mais leur entrée au Canada risque d'exposer les Canadiens à cette maladie, qui est fatale dans tous les cas.

On peut invoquer des motifs purement moraux pour les tests de dépistage, mais il y a aussi les coûts qui représentent un motif très sérieux. Tout à l'heure, la députée a déclaré qu'elle ne croyait pas que cela coûterait plus cher. Tout professionnel de la santé vous dira que le traitement d'une personne porteuse du VIH est coûteux.

La personne en cause doit se soumettre à une batterie de tests sanguins servant à tenir un suivi d'une fraction des lymphocytes et prendre des médicaments pour prévenir des maladies intercurrentes. Grâce à de meilleurs médicaments ainsi qu'à de meilleures modalités de traitement et à des traitements prophylactiques, nous pouvons prolonger la vie de ces personnes, ce qui augmente les coûts du système de santé. Je dirais que notre régime de santé va de mal en pis, qu'il n'a plus le sou. Les coûts en question ne sont pas négligeables. Comme l'a dit notre éminent collègue d'en face, il y aura 30 000 autres cas de personnes atteintes du sida. Combien est-ce que cela va coûter aux contribuables? Trois milliards de dollars.

Notre régime de soins de santé tombe en lambeaux actuellement. Les lignes d'attente s'allongent. Des lits d'hôpitaux sont fermés. Des gens meurent pendant qu'ils sont sur une liste d'attente. Dans la propre province de la députée, des dizaines de milliers de gens sont sur des listes d'attente, et des centaines d'entre eux attendent des opérations urgentes. Si on


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laisse entrer des immigrants porteurs du VIH, ce qui fera monter les coûts de santé, tous les citoyens canadiens qui attendent n'auront pas les soins qu'ils méritent.

Le VIH est-il une menace réelle ou imaginaire? Regardons la situation ailleurs dans le monde. Comme je l'ai déjà dit, c'est une pandémie. Dans certaines régions de l'Afrique, où j'ai travaillé, le taux de porteurs du VIH est de 30 p. 100 ou plus. Dans le Sud-Est asiatique, le nombre de porteurs du VIH a explosé. Certes, c'est une véritable tragédie pour ces pays, mais est-ce à dire que nous devons l'importer, la transplanter chez nous et exposer ainsi les Canadiens à cette maladie?

Selon l'Organisation mondiale de la Santé, le sida est une maladie pandémique qui se perpétuera encore longtemps au XXIe siècle. Voici les paroles même du directeur de l'OMS responsable du programme relatif au sida: «On est encore loin du pire, puisque des millions de personnes infectées sont malades et meurent.»

On n'enregistre pas de percée pour le moment, et je ne crois pas que ce soit pour très bientôt. Si l'épidémie du VIH continue de se répandre à ce rythme sur le continent asiatique, il y aura bientôt plus de personnes infectées par le VIH dans cette région du monde qu'il n'y en a en Afrique où l'on enregistre une explosion de cas d'infection par le VIH. Si ce n'était pas un problème, si cette maladie n'était pas infectieuse, si cette maladie n'était pas mortelle, pourquoi donc l'OMS s'en soucierait-elle autant?

(1130)

En conclusion, je dois souligner qu'il ne s'agit pas d'une diatribe contre les personnes qui ont le VIH. Ce n'est pas une diatribe contre les sidatiques, les toxicomanes, les homosexuels, les hémophiles ou tous les autres malheureux qui souffrent de cette maladie. Ces personnes méritent la sympathie et la compassion que tous les députés de ce côté-ci de la Chambre leur expriment. Comme je l'ai dit, ce qui importe pour nous, c'est d'assurer la santé, le bien-être et la sécurité des Canadiens.

Telle est la raison d'être de cette motion. Quiconque refuse d'appuyer la motion de mon collègue fait l'autruche et met gravement en péril la santé et le bien-être des Canadiens.

M. Gar Knutson (Elgin-Norfolk, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais répondre à certains commentaires du député d'en face.

D'abord, il s'est attaqué à nos motifs. Il dit que nous répondons aux pressions d'un groupe minoritaire. Le gouvernement a annoncé qu'il examinait sa politique sur les tests de dépistage du VIH, ce qui devrait rassurer le député qui a présenté ce projet de loi.

Nous nous opposons au projet de loi d'initiative parlementaire aujourd'hui parce que nous voulons donner au gouvernement le temps d'étudier le projet de loi et de prendre une décision. Une fois cette décision prise, nous pourrons peut-être entreprendre un débat mieux ciblé et plus productif.

Je sais comme tout le monde que le VIH mène au sida et que le sida est une maladie mortelle. Sur les 55 personnes qui ont terminé l'école secondaire en même temps que moi, trois sont maintenant décédées du sida et l'une d'elles était un ami très proche. Je ne crois pas que qui que ce soit de ce côté-là de la Chambre, comme de ce côté-ci, ait le droit de nous accuser d'indifférence à cet égard. Personne ne peut nous accuser de faire l'autruche ou formuler d'autres commentaires personnels de ce genre.

Les Canadiens comprennent que le sida tue, mais d'autres questions viennent souvent embrouiller le débat. On mêle trop souvent la question de base et l'intolérance envers certaines communautés de notre pays. On voit trop souvent intervenir des groupes homophobes, qui affirment que le sida est la peste de la communauté homosexuelle et qu'il exprime la colère de Dieu. C'est exactement ce que nous voulons éviter, car nous voulons que le débat soit raisonnable, logique et fondé sur les faits.

La Chambre accomplirait bien peu en prenant une décision mal informée. Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement étudie les informations considérables qu'il a reçues sur le VIH et il annoncera sa décision sous peu. Nos décisions tiendront compte des préoccupations de la population concernant le fardeau que constitue la santé publique pour notre système de soins de santé, la justice sociale et les problèmes économiques qui nous inquiètent tous de nos jours.

Nous ne devons pas maintenir la population dans l'ignorance à propos du VIH. Trop de gens pensent encore qu'un simple contact suffit pour être infecté par le VIH et contracter le sida. Trop de gens pensent qu'on peut devenir séropositif en serrant la main de quelqu'un, alors que le VIH se transmet dans des liquides organiques, plus précisément le sang et le sperme.

Il faut examiner et démystifier les questions qui sont trop souvent à l'origine des préjugés et de la discrimination. Il faut les analyser avec objectivité. Il n'est pas correct de dire qu'un simple contact peut servir à transmettre le sida. Trop de gens vont penser qu'il ne faudrait même pas faire entrer dans notre pays les visiteurs qui ont le sida. L'an dernier, par exemple, un forum sur le sida a eu lieu à Vancouver. Certains députés de la Chambre ont dit: «Non, nous ne devrions pas laisser ces personnes entrer au Canada parce qu'elles présentent un risque pour les Canadiens.»

Bref, nous devons prendre le temps de réfléchir avant d'adopter une politique qui se base plus sur la peur que sur des faits, une peur qui vient souvent d'une absence de compréhension, d'un manque d'information et de l'ignorance. L'absence de compréhension du public pourrait susciter une attitude négative envers les immigrants, même si ces derniers ne sont pas plus susceptibles d'être séropositifs que les personnes nées ici.

Les députés d'en face ont souligné que le sida prenait des porportions épidémiques dans certaines régions du monde. Il est clair que, pour ces régions, nous faisons subir des tests de détection du VIH et du sida.

M. Hanger: Mais vous ne le faites pas.

M. Mills (Red Deer): Vous ne le faites pas.

M. Knutson: Oui, nous le faisons. Vérifiez vous-mêmes. Cela ne fait qu'accroître le genre d'idées fausses et de craintes à propos du VIH que nous devons chercher à éliminer.

Le gouvernement est conscient des préoccupations des Canadiens au sujet du VIH et du dépistage du virus chez les immigrants. Nous faisons de notre mieux pour répondre à ces préoccupations en effectuant, comme je l'ai dit, un examen


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approfondi de tous les tests médicaux, avec l'aide d'experts, et des consultations. Une fois l'examen terminé, le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens et préserver l'intégrité de notre régime de soins de santé et de nos services sociaux.

(1135)

Le test de dépistage du VIH a lieu dans certaines circonstances et, selon les lignes directrices actuelles, les candidats à l'immigration dont le test est positif peuvent être jugés non admissibles pour des raisons médicales. Ces motifs sont fondés sur les conséquences que l'admission d'un immigrant aurait pour le Canada, quel que soit son état de santé.

Les professionnels de la santé s'entendent pour dire qu'une personne infectée par le VIH ne représente pas une menace pour la santé ou la sécurité publique du simple fait qu'elle souffre de cette infection. Autrement dit, ce n'est qu'en se livrant à des activités sexuelles à haut risque, c'est-à-dire habituellement sans protection, qu'on risque d'être infecté par le virus.

Pour refuser l'entrée au Canada de candidats à l'immigration infectés par le VIH, il faudrait avoir déterminé qu'ils représentent un fardeau excessif pour notre régime de santé ou nos services sociaux. La loi et le règlement n'exigent pas que les médecins administrent le test de dépistage du VIH, mais ils sont autorisés à le faire s'ils ont des motifs de soupçonner une infection. À l'heure actuelle, ce test est effectué lorsqu'il y a des motifs de le faire. Nous devons nous demander si les lignes directrices actuelles permettent de protéger le régime de santé canadien contre des demandes excessives.

En terminant, permettez-moi de dire que le gouvernement examine la question. Attendons sa décision, puis nous pourrons tenir un débat mieux ciblé et plus productif.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à appuyer la motion qui a pour objectif d'exiger que tous les aspirants immigrants subissent un test de dépistage du VIH et du sida.

Je voudrais parler, aujourd'hui, d'un énorme problème de soins de santé qui risque de se poser et que nous pourrions facilement éviter en adoptant les mesures voulues à la Chambre. Il s'agit de l'entrée au Canada d'immigrants porteurs du VIH ou sidatiques. Il est question des immigrants, et non des visiteurs.

Le sida est un phénomène relativement nouveau par rapport à d'autres maladies. Ce terme est entré dans le vocabulaire de la plupart des Canadiens au cours de la dernière décennie et la population est beaucoup moins sensibilisée à cette maladie qu'elle le devrait. Ainsi, les gouvernements et les institutions tardent souvent à s'attaquer à ce problème. Nous savons que le sida ne peut être transmis que de certaines façons, et non par un simple contact. Cependant, nous devons remédier à la situation dès aujourd'hui.

On propose donc un test de dépistage obligatoire du VIH et du sida pour tous les nouveaux immigrants arrivant au Canada. Cette proposition est tout à fait logique et sensée. Je crois que cette initiative recevra l'appui d'une grande majorité de Canadiens.

Les faits sont simples. Le traitement des patients porteurs du VIH ou sidatiques est extrêmement coûteux et, malgré les millions de dollars consacrés à la recherche à ce stade-ci, il semble y avoir très peu d'espoir de trouver un remède ou même un vaccin efficace. Les experts continuent de prétendre que la prévention est encore la meilleure solution pour l'instant.

Cette motion pourrait jouer un rôle essentiel dans la réduction du nombre de Canadiens qui seraient autrement infectés par cette maladie qui se répand rapidement dans le monde entier. Voici les chiffres actuels à ce sujet. Au premier semestre de 1994, il y avait 986 000 cas connus. Cependant, comme l'Organisation mondiale de la Santé l'a fait remarquer, plusieurs facteurs font croire que ce n'est là que la pointe de l'iceberg. De nombreux pays ont mis du temps à admettre qu'ils avaient un problème de sida et à mettre en place des mesures systématiques de surveillance et de déclaration.

Dans les régions ne disposant pas de l'expertise voulue et de laboratoires d'analyse de sang, il peut être difficile de faire la distinction entre le sida et d'autres maladies courantes. Dans les régions reculées du monde en développement, beaucoup de gens tombent malades et meurent sans jamais avoir eu de contact avec les services de santé modernes. Étant donné ces facteurs, l'Organisation mondiale de la Santé estime que le nombre de séropositifs est beaucoup plus élevé. L'OMS estime que, en date du début de 1994, il y avait eu plus de trois millions de cas de sida, dont 500 000 chez des bébés nés de mères infectées par le VIH.

Certains diront peut-être que trois millions de cas sur une population mondiale de plus de cinq milliards de personnes ne constituent pas une crise majeure sur le plan de la santé. Cependant, le nombre de cas de sida n'est en fait qu'une petite partie d'un problème beaucoup plus vaste. Le sida est le dernier stade d'une infection due à un virus qui peut prendre plus d'une décennie à provoquer la maladie.

(1140)

La vraie mesure de l'ampleur de l'épidémie, c'est le nombre de personnes infectées par le VIH. L'Organisation mondiale de la Santé estime qu'il y a dans le monde entier plus de 15 millions de personnes infectées par le virus, dont un million d'enfants. D'ici l'an 2 000, si les estimations prudentes sont exactes, le total cumulatif du nombre de personnes infectées par le VIH pourrait atteindre entre 30 et 40 millions et le nombre de cas de sida pourrait dépasser 10 millions.

Selon une publication de l'Organisation mondiale de la Santé intitulée AIDS, Images of the Epidemic (sida-Images de l'épidémie), une surveillance adéquate est nécessaire pour mieux comprendre la maladie. On fait remarquer dans cette publication que la façon la plus pratique d'assurer la surveillance est d'en faire une composante du système de soins de santé et de faire subir des tests aux personnes qui viennent se faire soigner.

À mon avis, la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui est tout à fait conforme à l'esprit de cette recommandation. Le


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Canada avait déjà les moyens d'obliger les candidats à se soumettre à un test de dépistage du VIH et du sida, puisque le paragraphe 19(1) de la Loi sur l'immigration l'y autorise.

Il y a longtemps déjà que le Canada doit faire face aux infections et aux maladies mortelles apportées chez nous par des immigrants et de nouveaux venus. On connaît bien, par exemple, la quarantaine imposée aux immigrants européens à Grosse-Île, au Québec, afin de prévenir la propagation du choléra et du typhus. L'île, qui fait maintenant partie de l'histoire canadienne a récemment été visitée, à cause de son importance, par la présidente de l'Irlande, Mme Mary Robinson. Même si Grosse-Île a été à une certaine époque le théâtre de grandes souffrances et de morts nombreuses, la quarantaine a néanmoins permis de protéger la population canadienne contre la propagation de ces terribles maladies. Ce principe, dont on s'est inspiré à l'époque, doit demeurer aujourd'hui encore le principe de base des fonctionnaires de l'immigration.

Les députés sont responsables devant la population, qu'ils ont pour mandat de servir. En tant que députés, nous entendons souvent parler des échecs du système. Il peut s'agir du cas d'un criminel qui récidive à la faveur d'une libération conditionnelle, ou encore d'une ordonnance d'expulsion qui n'a pas été appliquée et qui a entraîné le meurtre d'un policier.

Je crois que si nous ne donnons pas suite à la motion dont nous sommes saisis, le gouvernement devra un jour ou l'autre rendre des comptes aux victimes, à leurs amis et aux familles des victimes qui ont contracté la maladie à cause de l'inaction gouvernementale.

Pourquoi permettre que cela se produise? Comment se fait-il que trop souvent les gouvernements, ce gouvernement-ci et ses semblables, attendent d'être confrontés par les victimes avant de modifier leurs politiques? Il n'est pas indûment cruel de refuser l'entrée au Canada à des personnes séropositives ou atteintes du sida si cela peut empêcher ne serait-ce qu'un Canadien de contracter la maladie. Les personnes séropositives ou atteintes du sida constituent clairement, selon la Loi sur l'immigration, ou sont susceptibles de constituer un danger pour la santé et la sécurité du public. Nous devons agir.

La protection du public n'est pas le seul motif justifiant le refus du droit d'immigration aux personnes atteintes du sida ou infectées par le VIH. La deuxième partie de la loi tient compte d'un autre aspect important, dans toute discussion concernant les soins de santé, ce sont les coûts. La loi reconnaît que l'admission au Canada de personnes qui représenteront un fardeau pour le système de soins de santé canadien ne doit pas constituer une priorité pour le gouvernement.

Il ne fait aucun doute que des immigrants séropositifs ou atteints du sida imposeraient des coûts excessifs au système de soins de santé canadien. Cette maladie est aussi coûteuse à traiter que peu coûteuse à prévenir. De récentes statistiques des États-Unis montrent qu'il en coûte en moyenne 32 000 $ par année pour traiter une personne atteinte du sida, comparativement à 5 150 $ pour une personne séropositive. En 1991, les soins aux séropositifs et sidatiques aux États-Unis étaient estimés à 5,8 milliards de dollars, soit 4,4 milliards de dollars pour les personnes atteintes du sida et 1,4 milliard pour les séropositifs.

Au Canada, certains chiffres établissent le coût d'une personne atteinte du sida à 33 900 $ par année. Notre système de soins de santé est déjà surchargé, et de nombreux Canadiens figurent sur des listes d'attente en raison des réductions de financement. Je demande au gouvernement de ne pas aggraver le problème en acceptant des immigrants atteints d'une maladie mortelle contagieuse.

Il y a d'autres facteurs à prendre en compte. Le système médical du Canada, financé par les contribuables, est accessible à volonté à tous les citoyens. Ce n'est pas ainsi dans la plupart des autres pays. On peut imaginer que des personnes qui se savent atteintes du virus viennent au Canada pour profiter de notre système de soins de santé financé par la population et accessible universellement. Notre système peut même attirer des Américains atteints du sida, puisque des millions d'entre eux n'ont pas d'assurance-maladie.

Je veux aussi faire remarquer que les demandeurs de visa d'immigration aux États-Unis doivent déjà passer le test de dépistage du sida et du VIH.

En conclusion, je veux préciser que tous les immigrants doivent déjà subir toute une série d'examens médicaux, qui comporte une batterie de tests sanguins. Le fait d'y ajouter le test de dépistage du VIH n'en fera pas augmenter le coût substantiellement, puisque la plupart des tests sont aux frais des utilisateurs du service. Le test de dépistage du VIH et du sida coûte 12 $, soit environ le tiers de ce qu'il en coûte pour dépister la tuberculose. Il n'y a aucune raison de ne pas faire subir le test de dépistage du VIH aux candidats à l'immigration afin d'exclure les porteurs du virus, puisque ceux qui sont atteints d'autres maladies contagieuses graves ou qui sont incurables sont déjà exclus.

(1145)

[Français]

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, au risque de décevoir mon honorable collègue, j'aimerais souligner qu'il n'est pas le premier à s'être penché sur la question qu'il porte aujourd'hui à notre attention.

[Traduction]

Le gouvernement a déjà commencé à se pencher sur l'inadmissibilité fondée sur des raisons médicales. Cet examen aurait dû être réalisé bien avant, d'ailleurs. Le dernier examen des textes législatifs portant sur cette question remonte à 1978. Il est clair qu'une mise à jour s'impose. Nous en convenons tous.

La portée de l'examen va beaucoup plus loin que l'administration de tests de dépistage du VIH à d'éventuels immigrants.

[Français]

Car même si elle est un élément important du problème, cette question n'en constitue qu'une composante parmi d'autres. La situation est en effet beaucoup plus complexe qu'il n'y apparaît. Nous examinons actuellement toute la question de non-admissibilité pour des raisons médicales. Des recommandations découlant de cet examen ont d'ailleurs déjà


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fait l'objet de consultations avec les provinces et les organismes non gouvernementaux intéressés.

Il faut comprendre que la pratique des examens de routine actuels est largement antérieure à l'apparition du sida. La nature des tests a évolué au rythme des progrès technologiques, d'où la nécessité de préciser quel examen particulier devraient maintenant subir les candidats à l'immigration.

On étudie notamment l'efficacité de recourir à des examens de routine, soit pour découvrir des maladies qui représentent une menace pour la santé des Canadiens, soit pour repérer les personnes dont l'état de santé imposerait un fardeau excessif pour nos systèmes sociaux ou de santé.

[Traduction]

Il importe de souligner que, selon tous les médecins experts, le sida ne menace pas la santé des Canadiens puisqu'il s'agit d'une maladie qui ne se transmet pas par contact ordinaire et qui peut être prévenue. À l'heure actuelle, si un examen médical révèle des signes cliniques indiquant qu'une personne est susceptible d'être infectée par le VIH ou même d'avoir le sida, la personne doit se soumettre à un test de dépistage.

[Français]

Si elle refuse de s'y soumettre, elle ne peut être admise au Canada, et ce parce qu'elle n'a pas passé les examens médicaux requis. Le test de dépistage vise dans ce cas à vérifier si, au stade où en est la maladie, son traitement constituerait un fardeau excessif pour nos services sociaux ou de santé. C'est pour cette raison, et non à cause de la nature de la maladie, que la personne risque de ne pas être admise au Canada.

[Traduction]

On peut se demander pourquoi ces gens devraient faire l'objet d'un traitement différent de celui qui est accordé à des malades chroniques, par exemple, ceux qui sont atteints d'insuffisance rénale ou du cancer. Ces derniers imposent aussi des exigences à notre régime de soins de santé.

La recherche se poursuit sur l'évolution et le traitement du sida. Ceux qui reçoivent un diagnostic de séropositivité ont une espérance de vie beaucoup plus longue aujourd'hui qu'il y a à peine 10 ans. Même si le test anti-VIH est positif, la personne peut souvent contribuer à la société canadienne pendant de nombreuses années.

[Français]

Par ailleurs, il faudra aussi concilier nos intérêts économiques et sociaux avec nos engagements humanitaires. Certes, nous devons continuer de faire preuve de vigilance, mais il faut aussi veiller à préserver les traditions canadiennes au chapitre de l'équité et de la compassion. Notre gouvernement s'est d'ailleurs engagé, dans son livre rouge, à continuer à appliquer une politique d'immigration dynamique qui concilie les considérations humanitaires et nos besoins démographiques et économiques.

La question du dépistage obligatoire du VIH chez les candidats à l'immigration peut sembler simple à première vue, mais c'est loin d'être le cas.

(1150)

Nous ne pouvons et ne devons pas l'étudier en faisant abstraction des autres problèmes qu'elle soulève. Cette question doit être abordée dans un contexte beaucoup plus général, un contexte dans lequel il faut tenir compte de l'évolution des tests utilisés aux fins de l'examen médical, de la notion de fardeau excessif pour les systèmes sociaux et de santé du Canada, de la nature du traitement pour cette maladie, de la contribution des personnes séropositives à notre société et de la longue tradition humanitaire du Canada. Mon honorable collègue admettra qu'il s'agit là de considérations importantes qu'on ne peut se permettre de négliger.

[Traduction]

Mes collègues et moi sommes conscients des inquiétudes qu'ont exprimées des députés en disant qu'il fallait éviter d'imposer un fardeau excessif sur les services sociaux et les services de santé du Canada. Nous devons veiller à analyser calmement ces questions qui soulèvent trop souvent des préjugés et de la discrimination. Comme mon collègue l'a déclaré à la Chambre, nous devons absolument éviter d'adopter à la vapeur une politique qui serait fondée davantage sur la peur que sur la réalité et davantage sur des considérations financières que sur des préoccupations humanitaires. Ce serait contraire à l'esprit des Canadiens et à leurs sentiments humanitaires.

Nous devons en tenir compte, quand nous adoptons des politiques à la Chambre. Nos lois et nos institutions doivent refléter les progrès que nous avons réalisés dans nos attitudes face aux maladies en général. La responsabilité du gouvernement consiste à manifester un esprit de leadership et c'est précisément ce que nous avons fait en ordonnant l'examen de l'inadmissibilité fondée sur des raisons médicales.

J'espère que le député reverra sa motion.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, avant de prononcer mon discours, je voudrais commenter quelques observations qui ont déjà été faites au cours du débat. Je me demande vraiment ce que les députés de l'autre côté de la Chambre peuvent avoir contre le test de dépistage du VIH.

Certains ont affirmé que des tests de dépistage étaient déjà effectués. C'est vrai, mais non de façon régulière.

D'autres ont déclaré que le Canada devrait être un pays bon et généreux. J'imagine que cela veut dire que nous devrions accueillir des immigrants porteurs du VIH. Je rejette complètement cette philosophie et je suis persuadé que la plupart des Canadiens font de même.

Nous devons nous attaquer au fond du problème. La vérité, c'est que le sida pose un problème très grave qui touche toutes les régions du monde. Pourquoi accepter d'intensifier ce problème au Canada lorsque nous pouvons le prévenir dans une certaine mesure en exigeant que les immigrants éventuels subissent un


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test de dépistage du sida avant leur arrivée au pays? Cette solution est tellement logique, tellement simple. Je crois qu'elle échappe aux libéraux. Cela leur arrive parfois. Des solutions logiques, simples et pratiques ont tendance à leur échapper.

J'appuie fermement la motion de mon collègue qui veut faire subir un test de dépistage du VIH à tous les immigrants. Les raisons derrière cette proposition sont claires et n'ont rien à voir avec des phobies quelconques ou des préjugés quelconques. Elles sont plutôt liées à un problème très grave, c'est-à-dire au fait que d'innocentes victimes contracteront le virus si nous laissons délibérément entrer des porteurs du virus au Canada.

Le problème, c'est que nous vivons dans un monde aux prises avec de dures réalités, y compris l'épidémie du VIH et du sida pour ne nommer que ces deux-là. Nous devons absolument nous demander à quel point le gouvernement prend la question du sida au sérieux, étant donné la gravité de cette maladie et les coûts importants qu'elle entraîne.

On nous dit qu'il ne faut surtout pas appuyer la motion du député, parce que le gouvernement va de nouveau évaluer la situation, étudier la question, recueillir des données et réfléchir au tout. Les Canadiens en ont assez d'entendre ce genre de déclarations de la part du gouvernement libéral. Ce que nous voulons, c'est qu'on agisse. Ce projet de loi d'initiative parlementaire vise à faire quelque chose pour remédier à la situation.

(1155)

Je ne comprends vraiment pas comment le gouvernement peut remettre à plus tard la solution de ce problème en disant qu'il va l'examiner. Jamais, dans toute l'histoire de notre pays, un gouvernement n'a autant remis ainsi à plus tard que depuis un an et quelques mois. Franchement, c'est une honte! On ne peut pas se permettre d'attendre. Il faut prendre des mesures fermes, comme le réclament à grands cris divers secteurs de notre société.

Il faut tout particulièrement considérer cette affaire du point de vue des personnes qui sont confrontées tous les jours à la propagation et aux conséquences de cette maladie, et non de celui des personnes d'autres régions du pays qui viennent à Ottawa débattre et débattre encore. Occupons-nous du vrai problème et des gens qui sont infectés par ce virus.

Dans la lettre de présentation qu'il a adressée, le 2 mai 1994, aux abonnés de la revue trimestrielle Surveillance Update: Aids in Canada, le Dr Don Sutherland affirme que la situation ne s'améliore pas. Le sida continue à tel point de se propager, sauf par transfusion sanguine où la tendance est à la baisse, qu'on estime à 14 000 le nombre de personnes qui auront contracté le sida au Canada entre le début de l'épidémie et la fin de 1993.

Le Dr Sutherland parle d'épidémie et, selon le dictionnaire, une épidémie est «ce qui touche un grand nombre de personnes en se propageant». Pour le gouvernement libéral actuel, l'épidémie semble être un simple ennui négligeable dans le secteur de l'immigration. C'est vraiment ce qui arrive, ici.

Le problème est tellement grave et il y a tellement de choses qui entrent au Canada sous le couvert de l'immigration. Le Parti réformiste doit être contre l'immigration puisqu'il s'inquiète du fait que des criminels entrent au Canada, puisqu'il réclame des tests de dépistage du sida.

Il n'y a pas si longtemps, dans ma circonscription, une jeune femme a été violée par un réfugié illégal. Elle a dû attendre six mois les résultats d'un test de dépistage du VIH, alors que l'individu en question n'était absolument pas préoccupé par la situation. Si celui-ci avait passé un test en arrivant au Canada, la victime n'aurait pas eu à subir en plus ces six mois de torture.

On n'a pas besoin d'aller bien loin pour voir à quel point les Canadiens considèrent comme grave l'épidémie de sida et de VIH. On pouvait lire dans le Globe and Mail du 10 novembre 1993 que plus d'un millier de personnes meurent chaque année par suite de cette maladie. Est-ce que les députés peuvent s'imaginer? Un millier de personnes par année en 1994, alors qu'il y a cinq ans, on entendait à peine parler de décès de ce genre.

Les épidémiologistes s'attendent à ce qu'un nombre encore plus grand de personnes décèdent des suites du sida en 1993. Le Dr Martin Schecter, épidémiologiste à l'Université de la Colombie-Britannique, ma province, reste préoccupé par la propagation de la maladie. Il déclare: «Les signes que nous percevons sont préoccupants. Je crois que le VIH se répand implacablement.»

Devant toutes les opinions exprimées par des experts du VIH, je n'arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement ne reconnaît pas la gravité du problème et ne décide pas d'adopter le projet de loi d'initiative parlementaire à l'étude puisqu'il permettrait de faire échec sur un front à la propagation de la maladie.

Ce n'est pas parce que le projet de loi d'initiative parlementaire réclamant le dépistage du VIH chez les immigrants a été présenté par le Parti réformiste qu'il faut tomber dans le sectarisme politique. Ce qu'il faut examiner, c'est l'importance du projet de loi pour l'ensemble de la société. Oubliez le sectarisme libéral.

Le Dr Martin Schecter estime qu'entre 35 000 et 40 000 Canadiens ont été infectés par le virus du sida depuis que la maladie a été diagnostiquée pour la première fois. Un article paru dans le Vancouver Sun du 11 septembre 1993 donne davantage à réfléchir.

(1200)

Voici un extrait de cet article: «Selon une équipe de chercheurs de Vancouver, le sida réduit l'espérance de vie de davantage d'habitants de Vancouver de sexe masculin et de moins de 75 ans que le cancer, les maladies cardiaques et les accidents. En 1992 seulement, le sida a coûté aux hommes de Vancouver 6 000 ans de vie, soit 50 p. 100 de plus que les trois autres grandes causes de décès.» Le démographe Robert Hogg a fait un commentaire encore plus troublant sur les observations de son équipe lorsqu'il a déclaré: «Si j'avais dit cela l'an dernier, personne n'aurait voulu me croire.»

Dans la minute qui me reste, je voudrais exhorter le gouvernement libéral actuel à renoncer à ses discours ronflants, à renoncer à son esprit de parti, à mettre l'étude de côté. Nous y reviendrons un peu plus tard. J'exhorte ce gouvernement à aller à l'essentiel du projet de loi de mon collègue, car il touche à notre

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mission ici, soit la protection de la vie et de la propriété des citoyens canadiens.

Le gouvernement a l'obligation de faire subir des tests de dépistage du VIH aux personnes qui viennent s'installer au Canada. Il en a la responsabilité devant la population canadienne. J'exhorte les députés à renoncer aux discours vides et à l'esprit de parti et à appuyer le projet de loi de mon collègue.

Le président suppléant (M. Kilger): L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Conformément à l'article 93 du Règlement, l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

* * *

LES VOIES ET MOYENS

L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

L'hon. Alfonso Gagliano (au nom du secrétaire d'État (Institutions financières internationales)) propose: Que la motion des voies et moyens concernant la mise en oeuvre de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, déposée à la Chambre le jeudi 20 octobre 1994, soit adoptée.

(La motion est adoptée.)

_____________________________________________


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES PROGRAMMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 7 octobre, de la motion.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de participer à cet important débat aujourd'hui.

Je peux dire en toute sincérité que, pendant tout le temps que j'ai passé ici à la Chambre et dans d'autres assemblées législatives, la réforme sociale est l'une des plus importantes questions que j'ai eu l'occasion de débattre. Nous savions depuis longtemps que la situation devenait de plus en plus critique. Le temps est maintenant venu de passer à l'action. Je sais que je parle non seulement en mon nom mais aussi au nom de beaucoup de mes collègues lorsque je dis à quel point nous sommes heureux d'avoir une personne qui a la compétence et la conscience sociale du ministre pour diriger la réforme de la sécurité sociale dans notre pays.

Les Canadiens comprennent depuis déjà un certain temps que notre système de sécurité sociale a besoin d'être modifié. Nous connaissons des difficultés économiques depuis quelques années à cause de la récession et du taux de chômage élevé. Ce dernier facteur exerce une forte pression sur le Canada et est une source de nouveaux défis. Comme je l'ai dit plus tôt, nous sommes chanceux d'avoir un ministre qui a le courage de relever ces défis.

Nous en sommes arrivés à ce point seulement après avoir consulté les Canadiens. Nous savons que, l'an dernier, le Comité permanent du développement des ressources humaines a tenu des audiences d'un bout à l'autre du pays pour connaître les opinions des personnes qui seraient touchées par les changements qu'on pourrait apporter à notre système de sécurité sociale. On a dit au comité que le système actuel est conçu de telle sorte qu'il peut dissuader les gens de chercher du travail, tandis que les personnes les plus nécessiteuses n'obtiennent tout simplement pas l'aide dont elles ont besoin.

Tous les Canadiens savent que des changements sont inévitables. La différence, c'est que le gouvernement actuel fera preuve de compassion pour le Canadien moyen dans sa réforme. Les plus faibles et ceux qui sont le moins en mesure de se défendre eux-mêmes seront protégés, quel que soit le changement entrepris par le gouvernement. On ne luttera pas contre le déficit au détriment des pauvres.

(1205)

Depuis quelques années, nous entendons beaucoup parler du village planétaire, de la nouvelle économie mondiale et de la nécessité de nous préparer à faire face à une situation économique en évolution partout dans le monde. Voilà pourquoi il ne s'agit pas ici d'une recommandation de couper et de sabrer dans l'économie, mais plutôt d'une réforme constructive qui aidera les Canadiens à retrouver du travail.

C'est un fait reconnu que la formation et l'éducation sont les clés du développement économique. Nous devons veiller à ce que les Canadiens soient formés de la façon la plus efficace et la plus efficiente possible. L'argent à dépenser pour l'éducation doit être destiné à ceux qui en ont le plus besoin. Au sortir du système scolaire, les diplômés doivent avoir reçu une formation de premier ordre, car ils devront soutenir la concurrence des diplômés du monde entier et ils doivent être préparés pour le faire.

Au cours des trois dernières années, comme les statistiques le révèlent, il y avait 17 p. 100 de plus d'emplois pour des diplômés d'université, mais 19 p. 100 de moins pour ceux qui n'avaient pas terminé leurs études secondaires. Ces chiffres sont éloquents: éducation est synonyme de chances d'emploi. Nous devons donc encourager plus de jeunes à faire des études et nous devons leur donner un meilleur accès à l'enseignement et à la formation tout au long de leur vie.

Dans le coin de pays d'où je viens, nous croyons que si nous avons plus de gens bien formés, nous serons mieux en mesure d'y attirer des entreprises, car ces dernières recherchent en général une main-d'oeuvre stable et bien formée.

À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral dépense plus de huit milliards de dollars par année pour l'enseignement postsecondaire d'un bout à l'autre du Canada. Le temps est maintenant venu de nous demander si nous dépensons cet argent de la façon la plus appropriée. Dans l'état actuel des choses, si le statu quo est maintenu, la contribution fédérale en argent à l'éducation diminuera progressivement et pourrait même disparaître en une dizaine d'années. Nous devons donc trouver le moyen d'aider un plus grand nombre de personnes à financer leurs études supérieures pour qu'elles soient en mesure de livrer concurrence dans le monde entier.

L'investissement dans le savoir se justifie sur le plan économique, mais nous devons assurer la formation de la manière la plus efficace et efficiente possible. Nous devons donc


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veiller à ce que tous les jeunes, quelle que soit leur situation financière, puissent faire des études.

Comme d'autres députés l'ont certainement fait l'année dernière pendant la campagne électorale, j'ai visité des établissements d'enseignement. Or, les étudiants, dans ma circonscription, n'étaient pas satisfaits des modalités des prêts étudiants. Ils réclamaient des changements dans le régime. Nous venons de faire des propositions. J'invite les étudiants de ma circonscription et d'ailleurs à nous dire ce qu'ils en pensent, à proposer d'autres idées qui leur semblent meilleures, et nous allons les étudier.

Un autre élément de la déclaration du ministre qui a attiré une très grande attention, surtout dans ma région, est celui qui portait sur l'assurance-chômage. Cela donne le frisson de penser que 13 p. 100 des gens sont sans travail depuis un an ou plus. Ce taux est trois fois plus élevé qu'en 1976, et 40 p. 100 des prestataires ont demandé des prestations au moins trois fois au cours des cinq dernières années. Il y a forcément un problème réel.

Comme je viens d'une région où le taux de chômage est élevé, je puis garantir à mes collègues députés que ceux qui sont prisonniers du chômage n'en sont pas là de leur propre volonté. Ils sont au chômage à cause de la faiblesse de l'économie, à cause d'une formation qui ne leur permet pas d'avoir un emploi à longueur d'année. Nous devons continuer de nous préoccuper de ces gens qui constituent notre actif le plus important dans les diverses régions de notre pays. Nous devons leur donner les compétences fondamentales dont ils ont besoin pour pouvoir être employés toute l'année.

Je crois que, dans une certaine mesure, le gouvernement doit, par ses politiques économique ou commerciale, veiller à offrir des possibilités aux Canadiens, quelle que soit la région où ils vivent.

Je me réjouis que le ministre ait formé un groupe de travail chargé d'étudier les effets du travail saisonnier sur l'assurance-chômage, car il existe un lien entre l'assurance-chômage et les régions du pays où le travail saisonnier prédomine. Dans la province d'où je viens, 50 p. 100 de la main-d'oeuvre a un emploi saisonnier. Cela fait partie de notre histoire. Le tourisme, l'agriculture et l'industrie de la pêche fonctionnent en effet d'une manière saisonnière.

(1210)

Dans le document de travail qu'il a rendu public, le ministre du Développement des ressources humaines a demandé aux Canadiens comment on peut résoudre ces problèmes dans un esprit de coopération et de compassion. Le gouvernement ne veut pas lutter contre le déficit en accablant les pauvres et les chômeurs et il ne souhaite pas non plus l'effondrement du système, ce qui ne servirait les intérêts de personne.

Comme je l'ai dit plus tôt, il y a actuellement un immense défi à relever. Le moment est venu pour le gouvernement, les parlementaires et les Canadiens de le relever. Nous n'avons pas la prétention de croire que nous sommes les seuls à pouvoir le faire. Les Canadiens savent ce qui est dans leur intérêt. D'ici au mois de janvier, les membres du Comité des ressources humaines et les parlementaires demanderont conseil aux Canadiens.

L'étude du document de travail nous mènera de St. John's à Vancouver. En consultant les Canadiens, nous découvrirons comment atteindre nos objectifs. Le but de cet exercice est de trouver de meilleures façons de procéder. Ce qui allait comme sur des roulettes durant les années 60 et 70 ne fonctionne plus bien maintenant. En cette période d'austérité financière, il est possible de faire mieux avec moins. En travaillant avec tous les Canadiens, le gouvernement s'acquittera de sa promesse électorale, celle d'assurer la prospérité économique de notre pays tout en réduisant les besoins au chapitre des programmes sociaux.

Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il des questions ou observations? Reprise du débat. Avant que le député de Malpèque prenne la parole, je veux vérifier la répartition du temps et m'assurer que 10 minutes seront consacrées au discours, et cinq aux questions et observations.

M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole dans ce débat qui commence sur la réforme de la sécurité sociale.

Le document rédigé par le ministre se traduira par une loi et une orientation particulières. J'estime que cette question donnera sans doute lieu à l'une des plus importantes décisions que le gouvernement prendra pendant son mandat. Je tiens à souligner que la réforme de la sécurité sociale ne doit pas être considérée à part des autres programmes ou activités, comme le développement économique et la réforme fiscale. Ce qui se passera dans ces secteurs est directement lié à la réforme de la politique sociale.

À titre d'exemple de ce qui pourrait se produire, je voudrais attirer votre attention un moment sur ce qui s'est passé aux États-Unis pendant la présidence de Ronald Reagan. John Kenneth Galbraith en parle abondamment dans son ouvrage A Journey Through Economic Time. J'invite les députés à lire ce livre, car il comporte de bons passages quant à ce qu'il ne faut pas faire dans l'intérêt de la population et de l'économie. Voici ce que M. Galbraith écrit:

Pour justifier l'aide consentie aux riches sous forme de réduction des taux d'imposition marginaux en 1981, le président Reagan a dit que cette mesure avait pour but de stimuler les énergies, l'initiative et les investissements. Les taux d'imposition marginaux élevés entravaient les efforts des bien nantis.
Il poursuit en énumérant tous les grands avantages qui ont été accordés aux nantis par le gouvernement Reagan. Par ailleurs, pour les moins bien nantis, il dit ceci:

La position de Reagan sur l'aide aux pauvres est semblable et a sans doute donné de meilleurs résultats. Dans ce domaine, le gouvernement Reagan estimait que toute forme d'aide destinée aux pauvres, quelle qu'elle soit, nuisait à la volonté, à l'initiative et aux efforts des défavorisés, et donc à leur bien-être. Comme les riches avaient besoin du stimulant que constitue le fait d'avoir toujours plus d'argent, les pauvres avaient besoin de celui d'en avoir moins.


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Tels étaient les principes du président Reagan en matière de développement économique. Voilà ce que nous voulons éviter et ce que, j'en suis convaincu, l'actuel gouvernement veut éviter dans nos débats sur la réforme de la sécurité sociale et sur la réforme économique de notre pays.

(1215)

Ce dossier revêtira une importance fondamentale pour nous, les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, et pour la capacité à produire et à prospérer qui sera celle de notre province et de la circonscription de Malpèque que je représente. Je ne saurais trop insister sur la nécessité de se renseigner, de comprendre les options possibles et de prendre part au processus en formulant des solutions. J'encourage les gens à se procurer le document de travail publié par le cabinet du ministre et d'examiner les faits, plutôt que de s'en remettre à certaines critiques ou à certaines hypothèses formulées par les médias.

Ce projet de réforme de la sécurité sociale aura des incidences, positives ou négatives, probablement encore plus grandes pour l'Île-du-Prince-Édouard que pour toute autre province canadienne, vu la structure de son économie. J'espère que tout le monde mesure les conséquences qui peuvent en résulter à titre personnel, sur le plan du travail, pour les employeurs, pour les étudiants, en un mot, pour notre économie tout entière.

Dans cet esprit, j'ai donc organisé une réunion publique dans ma circonscription pour essayer de faire connaître ces faits de mon mieux. Je donnerai les résultats de cette réunion dans un instant. J'ai agi de la sorte parce que j'avais l'impression que les collectivités et les groupes d'intérêts doivent se préparer à présenter leurs points de vue concrètement et de façon constructive devant le comité permanent qui tiendra bientôt ses séances.

Comme je l'ai dit au début de cette réunion, je veux être on ne peut plus clair. Les choses vont changer. Pour nous, il ne saurait être question de parler en faveur du maintien du statu quo et de laisser les choses telles qu'elles sont. Ce n'est pas un argument gagnant. Il nous faut comprendre cela, puis prendre part au processus et y participer de façon très positive, aussi bien collectivement que personnellement.

Je voudrais maintenant expliquer certains points que j'ai soulevés à cette réunion parce que certains aspects de notre position sont controversés. Nous acceptons qu'on les critique parce que les remarques constructives sont indispensables à un bon débat et que c'est ainsi que nous aboutirons à de meilleures solutions.

J'ai encouragé la participation du public à cette réunion. Le public est venu en grand nombre et n'a pas hésité à faire connaître ses opinions. Je dois dire d'abord que, aux yeux de mes électeurs, des changements s'imposent. Ils ont toutefois l'impression actuellement que les changements ne visent qu'un seul groupe, les plus démunis de la société. Permettez-moi d'exposer les déclarations que mes électeurs ont faites à cette réunion.

Premièrement, même si le gouvernement continue d'affirmer qu'on consacre trop d'argent aux programmes sociaux et que des compressions s'imposent, personne ne veut admettre que notre régime fiscal n'est pas équitable. Ce sont les gens de la classe moyenne qui paient 58 p. 100 des impôts, tandis que les entreprises et les sociétés en paient moins de 15 p. 100.

Deuxièmement, ils disent que d'importantes échappatoires fiscales évitent aux sociétés et aux gens riches du Canada de payer leur juste part. C'est du moins la perception qui prévaut. Ces échappatoires fiscales équivalent à des subventions, à des dépenses fiscales et font perdre des recettes au gouvernement.

Troisièmement, ils disent que le gouvernement aborde la réforme sociale de façon unidimensionnelle et que, avant de couper dans les programmes, il devrait entreprendre une réforme fiscale. La classe moyenne et les moins bien nantis ne peuvent porter à eux seuls le poids du déficit. Du point de vue de mes électeurs, voilà quelle devrait être la démarche globale quant à la réforme de la sécurité sociale.

Je n'accepte pas entièrement ces critiques. Le gouvernement a l'intention d'examiner la possibilité d'entreprendre une réforme fiscale et d'autres réformes, comme nous devons le faire dans ce contexte.

L'éducation suscite aussi de nombreuses discussions et les étudiants se sont dits inquiets de l'importante dette qu'ils devront supporter, une fois leurs études terminées, si cette nouvelle démarche est adoptée. Dans le domaine de l'éducation, je crois que ce document pourrait être encore largement amélioré.

(1220)

Enfin, selon les participants à la réunion, ce sont les changements apportés au régime d'assurance-chômage qui produiront les répercussions les plus négatives. L'Île-du-Prince-Édouard et les Maritimes les ressentiront plus que les autres régions du pays, en raison de leurs industries saisonnières.

Les deux principales industries de l'Île-du-Prince-Édouard sont l'agriculture et le tourisme, deux industries qui comptent justement en grande partie sur les travailleurs saisonniers. Sans ces derniers, les employeurs de ces deux secteurs ne pourraient pas exploiter leurs entreprises. Les travailleurs saisonniers jouent un grand rôle dans la rentabilité de ces deux secteurs. Comme mon collègue de Hillsborough l'a dit tout à l'heure, nous sommes heureux que le ministre du Développement des ressources humaines ait maintenant nommé un comité spécial chargé d'examiner le cas des industries saisonnières, étant donné les modifications qu'on va apporter sous peu à l'assurance-chômage.

Si l'on n'étudie pas très sérieusement ces modifications, tout ce qui va arriver, c'est qu'il y aura moins de prestataires d'assurance-chômage, mais plus d'assistés sociaux et, une fois de plus, on fera porter le poids du déficit aux provinces les plus pauvres. Nous ne pouvons laisser cette réforme nous entraîner dans cette situation.

Dans le document de travail sur la réforme de la sécurité sociale, on parle beaucoup de formation professionnelle et de recyclage. Mes électeurs jugent que le recyclage est nécessaire, mais n'est utile que s'il y a des emplois dans le secteur de spécialisation où les gens sont formés. Ainsi, cela ne sert pas à grand-chose de donner à un travailleur qui a perdu son emploi une formation en électricité, s'il y a déjà trop d'électriciens. Avant d'offrir la formation professionnelle, nous devons savoir dans quels secteurs il va y avoir des emplois, et je veux souligner à nouveau la nécessité de former les gens pour des secteurs viables si nous voulons qu'ils puissent ensuite compter sur un emploi.


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Certains de mes électeurs croient que cette réforme n'est, en fait, qu'une façon de réduire le déficit, de faire supporter ce fardeau aux plus démunis. Nous ne pouvons perdre de vue le fait que le Canada est un pays bâti sur des idéaux qui consistaient à offrir des programmes sociaux à tous les citoyens pour leur donner des chances égales de réussir. J'ai certes montré que ces gens avaient tort de penser ainsi, car, dans notre document de travail et par les mesures que nous prenons, nous reconnaissons qu'on doit apporter des modifications, mais il faut le faire de façon très constructive pour répondre aux besoins des gens ordinaires.

J'ai vécu une expérience intéressante au cours du week-end, il y a une semaine, alors que j'étais le seul député à assister à une réunion du Conseil des Canadiens. À cette réunion, tous les députés, et plus particulièrement ceux qui siègent de ce côté-ci de la Chambre, ont fait l'objet d'attaques au sujet de la réforme de la sécurité sociale. Je suis intervenu alors et j'ai demandé à ces gens combien d'entre eux s'étaient adressés à nous en notre qualité de députés. Très peu ont levé la main. C'est l'objet même de ce débat. Cela n'avance à rien que ces groupes attaquent notre document de travail et se contentent d'en parler entre eux. Ils doivent faire connaître leurs points de vue à ces audiences de façon très constructive et soumettre d'autres solutions. Nous allons alors les écouter.

Enfin, en terminant, je voudrais citer ce que le premier ministre a déclaré à Montréal dans son discours lorsqu'il a précisé l'orientation que nous prenions au sujet de cette question. Il a dit, à ce moment-là, que nous avions besoin de tenir un débat national sur les solutions qui s'offraient à nous, que nous attendions que les provinces, le secteur privé, les syndicats et les Canadiens nous soumettent de bonnes idées. Il a ajouté que les nouvelles mesures législatives présentées l'année prochaine refléteraient ce que nous avons appris durant ce processus de consultation.

Ce qui importe, c'est cette consultation, ce débat, pour que nous puissions avoir un meilleur filet de sécurité sociale qu'à l'heure actuelle.

(1225)

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'exposé de mon collègue de Malpèque. Il a fait rapport des critiques qu'il a entendues dans son comté, parce que l'Île-du-Prince-Édouard va être très affectée par cette réforme de la sécurité sociale, comme elle l'a déjà été par les coupures à l'assurance-chômage. La même situation s'est produite dans la province de Québec, particulièrement dans mon comté.

Je suis satisfait du fait qu'il essaie de trouver d'autres voies pour financer la sécurité sociale au Canada, particulièrement du côté de la fiscalité. J'aimerais l'inviter à pousser son analyse du côté des paradis fiscaux. Il faut supprimer ces paradis fiscaux et contrôler les fiducies familiales. C'est le seul moyen de financer ces programmes sociaux. Il ne faut pas les détruire. Il a fallu beaucoup de temps pour ériger le système de sécurité sociale au Canada; il faut l'améliorer, pas le détruire.

[Traduction]

M. Easter: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question et je suis d'accord avec lui. Au cours des discussions que notre parti et notre caucus ont eues, nous avons certes traité de ces questions, à savoir que nous devons examiner tous les domaines de la fiscalité. Cela nous préoccupe et nous devons nous assurer qu'il existe un équilibre. Un avantage fiscal accordé aux riches constitue en effet une subvention aux riches. Je suis d'accord là-dessus. À mon avis, il faut établir un équilibre. Nous devons examiner les subventions aux riches que représentent les avantages fiscaux.

Par ailleurs, nous devons nous assurer qu'il existe un bon filet de sécurité sociale pour tous les Canadiens. Nous pouvons être fiers du régime que le Canada a mis en place jusqu'ici, mais nous reconnaissons qu'il faut désormais le réformer. Nous allons l'examiner d'une manière exhaustive et, au bout du compte, j'espère que tous les Canadiens en bénéficieront.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, il est toujours intéressant d'entendre les discours de libéraux qui adoptent l'opinion du Parti réformiste selon laquelle des changements s'imposent. Il est curieux que rien de tout cela ne soit ressorti lors de la dernière campagne électorale.

Le député parle de demander à ses électeurs et au Conseil des Canadiens combien se sont entretenus avec des députés. S'ils s'étaient entretenus avec les libéraux lors de la dernière campagne électorale, ils n'auraient pas entendu les mêmes propos que le député tenait devant ses électeurs au cours de la réunion qu'il mentionnait.

Par contraste, le Parti réformiste a constamment répété qu'il faut protéger les personnes défavorisées dans notre société et que la seule façon de le faire, c'est de s'assurer qu'elles aient une meilleure part du gâteau.

Le député convient-il que le principe désuet de l'universalité que les libéraux ont prôné sans relâche pendant la campagne électorale est désormais chose du passé? Ou croit-il, comme le député assis derrière lui semblait le croire lors du débat, l'autre jour, qu'il s'agit d'universalité si c'est nécessaire, mais pas nécessairement d'universalité?

M. Easter: Monsieur le Président, non, je ne crois certainement pas que le principe de l'universalité est désuet. Ce principe est important, surtout dans un pays comme le Canada, où la sollicitude et le partage sont de rigueur.

J'ajouterais qu'il est dommage que le député n'ait pas été dans ma circonscription lors de la dernière campagne électorale. J'y ai parlé abondamment de l'importance de protéger et d'accroître les capacités des personnes défavorisées et des difficultés que nous éprouvons dans certaines régions, où nous avons besoin de programmes de développement régional pour améliorer les programmes sociaux au moyen de changements dans les politiques fiscales et d'autres réformes que le gouvernement pourrait entreprendre.


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Nous ne pouvons pas examiner chaque réforme isolément. Le gouvernement examine plusieurs réformes, notamment celles de la sécurité sociale et de l'économie. Il est prêt à montrer la voie à suivre. À mon avis, c'est ce qu'il fait.

(1230)

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Nous reprenons le débat avec l'honorable députée de Drummond. Je demanderais à la députée si elle peut me confirmer que les députés du Bloc vont se partager leur temps.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je voudrais partager mon temps de parole avec mon collègue.

Il me fait plaisir de prendre la parole en cette Chambre pour vous apporter les réactions et les commentaires que suscitent les détails de la réforme des programmes sociaux annoncée par le ministre du Développement des ressources humaines.

Premièrement, je crois que l'on devrait désigner cette réforme par sa vraie signification. En effet, il ne faut pas voir dans l'initiative du ministre du Développement des ressources humaines une réforme de notre système des programmes sociaux, mais plutôt une opération qui s'inscrit dans un projet de coupures des dépenses affectées aux programmes sociaux. Cette initiative va produire, en bout de ligne, une réduction de 15 milliards de dollars en cinq ans.

Le document rendu public par le ministre le dit d'ailleurs très bien à la page 24: «La réforme de la sécurité sociale doit absolument tenir compte des réalités financières auxquelles fait face le gouvernement du Canada.» Quatre pages plus loin, le document du ministre en dit encore un peu plus long sur les véritables intentions de ce gouvernement en édictant ce qui suit: «Tout système de sécurité sociale qui n'est pas rentable est voué à l'échec.» On ne pourra pas accuser le ministre de faire preuve d'un manque d'imagination: rentabiliser un système social dont la raison d'être première est d'aider ceux qui sont dans le besoin.

Ce que nous avons devant nous, ce n'est pas ici un projet pour venir en aide aux particuliers en détresse. Ce n'est pas non plus un projet pour garantir aux Canadiens et aux Québécois une sécurité. Ce n'est pas un projet pour assurer à tous un monde meilleur. Au contraire, c'est un projet pour un gouvernement qui veut couper ses dépenses, qui veut réduire son déficit sur le dos des plus affligés de la société. Cette réforme, en effet, est un outil, un instrument mis à la disposition du gouvernement pour venir sabrer dans ses dépenses et pour tenter de rétablir ses finances.

Cette réforme a aussi une autre raison d'être: centraliser les compétences à Ottawa. C'est là le rêve de tout fédéraliste qui se respecte et cette réforme s'avère un instrument fort utile. La majorité des options présentées dans cette réforme sont de nature centralisatrice. En somme, les deux principaux objectifs du gouvernement sont clairs: diminuer de façon draconienne ses dépenses sociales afin de tenter de rétablir ses finances publiques, et avec ce qui lui reste, centraliser de nouveaux pouvoirs à Ottawa, dans les domaines qu'il choisit, peu importe la Loi constitutionnelle du Canada et les priorités du Québec et des provinces.

Les contribuables québécois et canadiens confient au gouvernement fédéral des sommes importantes dont une portion a toujours été destinée aux soins de la santé et à l'éducation, et ce, en vertu de l'entente de 1977. Le problème, c'est que le fédéral ne retourne plus cette portion d'argent préférant lui passer son déficit. Le gouvernement fédéral doit être sensible et conscient qu'en augmentant le fardeau fiscal du Québec et des provinces, il affecte directement le système et le réseau social de la population québécoise et canadienne. Il est estimé que le gouvernement fédéral a épargné 22 milliards de dollars depuis le début des compressions et du gel des paiements de transfert. C'est 22 milliards que le fédéral éponge sur le dos du Québec et des provinces.

Malgré une augmentation des impôts et des taxes, les contributions fédérales aux programmes de santé et d'aide sociale via les paiements de transferts ont diminué de façon draconienne allant jusqu'à ébranler et remettre en cause les principes fondamentaux de notre système de santé et de services sociaux.

Cette réforme vient confirmer l'intention du fédéral de continuer à couper dans les paiements de transfert. Ainsi, après avoir coupé dans la santé, le fédéral, avec la réforme du ministre du Développement des ressources humaines, vient maintenant s'attaquer aux transferts de paiements touchant l'éducation.

Passons rapidement en revue les conséquences qu'aura cette réforme sur l'éducation. La réforme prévoit l'élimination complète des paiements de transfert pour l'éducation postsecondaire, ce qui représente au bas mot un montant de 2,6 milliards que le fédéral coupe aux provinces.

(1235)

Ce retrait aura deux impacts. Premièrement, il va de nouveau réduire son déficit sur le dos des provinces, en augmentant de façon très substantielle le fardeau fiscal des provinces. Deuxièmement, ce manque à gagner obligera les provinces et les universités à augmenter leur contribution au financement du système d'éducation. La suite est facile à prévoir: les coûts de l'éducation et les frais de scolarité devront augmenter et ce sont évidemment les étudiants, en bout de ligne, qui devront en payer la note et s'endetter davantage.

Pour le Québec seulement, on parle d'un manque à gagner de 300 millions de dollars. C'est 300 millions de dollars par année que les étudiants québécois devront verser de leur poche pour absorber les frais de scolarité, qui doubleront. En même temps que le gouvernement fédéral réaffirme l'importance de la formation universitaire, sa proposition fait en sorte de freiner l'accès à l'enseignement supérieur, en augmentant l'endettement des étudiants. Cela signifie que cette réforme met en cause l'accessibilité à l'éducation postsupérieure pour les étudiants qui sont peu fortunés.

Nous nous battons depuis au moins 20 ans, au Québec, pour démocratiser l'accès à l'éducation aux études supérieures et voilà que le fédéral vient mettre en cause cet acquis. Le gouvernement va même plus loin, en proposant des idées


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dangereuses et loufoques. Premièrement, il propose d'établir un système de prêt unique, centralisé à Ottawa. Le jeu n'est pas difficile à comprendre: d'une main, le fédéral retire aux provinces les fonds promis et les laisse s'arranger avec leurs problèmes d'argent, et de l'autre, il s'accapare du système de prêt, qu'il veut uniformiser. Deuxièmement, il avance même l'idée que les étudiants utilisent leur REER pour financer leurs études. Monsieur le Président, connaissez-vous beaucoup d'étudiants qui possèdent plus de 25 000 $ de REER? Moi, je n'en connais pas.

Ce gouvernement, qui a tant promis d'emplois à tous et chacun, que l'on a vu crier pendant des mois «jobs, jobs, jobs» avait une bonne occasion de mettre en place une structure de création d'emplois. Pourtant, nous ne voyons aucune politique d'emploi dans cette réforme, aucune mesure incitative pour créer des emplois. Alors qu'il y a consensus au Québec et dans les provinces quant à l'urgence d'un plan d'action concerté pour la création d'emploi, le gouvernement libéral dépose un projet de consultation dont le principal objectif est de couper plusieurs milliards de dollars, annuellement, dans les programmes sociaux.

Le livre vert du ministre du Développement des ressources humaines n'est rien d'autre qu'un livre de recettes indiquant la marche à suivre pour mieux cataloguer, ensuite mieux appauvrir, les programmes d'assurance-chômage, d'éducation et d'assistance sociale. Pour contrer le chômage structurel lié à une formation inadéquate de la main-d'oeuvre, la première décision qu'aurait dû prendre le gouvernement fédéral aurait été de permettre au Québec de mettre sur pied un système cohérent de formation de la main-d'oeuvre. Il s'agit là d'une revendication traditionnelle du Québec, qui fait depuis longtemps consensus dans tous les milieux patronaux, syndicaux et politiques. Il est à déplorer que ce gouvernement n'ait pas saisi cette chance de faire un ménage sérieux dans les chevauchements coûteux qui découlent de ce fédéralisme malade.

Les chevauchements et les dédoublements administratifs entre le gouvernement québécois et le gouvernement fédéral sont en partie responsables du marasme politique et économique que subissent quotidiennement Québécois et Canadiens. Le gouvernement fédéral, qui persiste à imposer sa volonté de devenir un gouvernement centralisateur, est largement responsable de la prolifération coûteuse et inefficace des chevauchements et des dédoublements administratifs entre les deux paliers de gouvernement. En recourant massivement à son pouvoir de dépenser, le fédéral s'immisce progressivement et délibérément dans le domaine de la santé québécoise et ce, sans se soucier de ce que fait déjà le gouvernement québécois.

Selon une étude réalisée en 1991 par le Conseil du Trésor fédéral, 45 p. 100 des programmes des ministères, sociétés d'État et organismes fédéraux, totalisant des dépenses de 40 milliards de dollars par année, viennent se superposer à des interventions équivalentes déjà amorcées par les gouvernements provinciaux. Ce gaspillage des ressources humaines et financières, engendré par les chevauchements et les dédoublements administratifs entre Ottawa et les provinces, nous permet d'affirmer que la crise des finances publiques et la détérioration de la capacité concurrentielle de l'économie canadienne découlent directement de la crise des structures politiques du Canada. Le gaspillage honteux qui découle de ces chevauchements doit cesser. Le Québec a depuis toujours exigé que le fédéral cesse de s'ingérer dans ses juridictions.

(1240)

Dernièrement encore, le Québec demandait à nouveau au fédéral de mettre fin au cafouillage dans le domaine de la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle qui coûte 250 millions de dollars par année aux contribuables québécois. Le fédéral, au lieu de comprendre et de se retirer de ce champ de compétence, choisit avec cette réforme d'étendre son ingérence et de rendre ce fouillis administratif encore plus dispendieux.

En ce domaine comme dans bien d'autres, l'entêtement du fédéral doit faire place à l'efficacité et à l'efficience. Notre niveau d'endettement et le constat d'échecs frappants que nous livrent chaque jour le taux de chômage et le volume d'assistés sociaux ne nous autorisent plus à permettre ce gaspillage de chevauchements administratifs motivés uniquement par le désir du fédéral de tout contrôler.

Les chevauchements nous empêchent aujourd'hui de mettre en oeuvre des programmes efficaces et adaptés aux besoins économiques et sociaux. Il faut donc conclure sur ce point que si le fédéral avait vraiment à coeur le bien-être des Québécois et des Canadiens, il retirerait cette mauvaise réforme et s'attarderait plutôt à régler le problème des chevauchements. Chemin faisant, il réaliserait que la majorité des intervenants dans le milieu social relèvent des provinces et que la place du fédéral n'est pas là. Le Québec et les provinces occupent déjà le terrain et réussissent malgré un sous-financement à faire mieux que le fédéral.

Loin de vouloir s'attaquer à ces chevauchements destructifs, le gouvernement fédéral avec cette mauvaise réforme en crée de nouveaux avec sa proposition de regrouper sous un même toit l'ensemble des programmes de main-d'oeuvre gérés de manière parallèle.

En tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, il va de soi que j'aborde cette mauvaise réforme avec un point de vue sur la santé.

Nous de l'opposition officielle croyons au maintien des cinq grands principes qui sont l'universalité, l'intégralité, l'accessibilité, la transférabilité et la gestion publique. Ce que nous contestons cependant c'est que le gouvernement fédéral continue d'être celui qui les impose alors qu'il se retire du même coup de leur financement, car ce désengagement financier, qualifié à maintes reprises d'inacceptable et d'incohérent par le gouvernement québécois, ne fut aucunement suivi par une réduction de l'interventionnisme d'Ottawa. Ce dernier continue malgré tout à maintenir ses normes nationales et à intervenir dans les champs de juridiction du Québec et des provinces en


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créant des programmes parallèles entraînant du même coup des problèmes de chevauchements.

Le lien entre la pauvreté et la santé a été nettement démontré par plusieurs études. Les gens à faible revenu sont plus souvent malades, consomment plus de médicaments et nécessitent plus de soins de santé. On le sait, la pauvreté chez les jeunes a augmenté de façon effarante ces dernières années. Ces enfants, en plus de coûter plus cher en soins de santé parce qu'ils sont plus souvent malades, seront victimes de problèmes d'apprentissage et seront des candidats de choix au décrochage scolaire, deux fois plus que chez les mieux nantis.

En bout de ligne, ces enfants aboutiront à l'aide sociale au lieu de participer activement au développement de notre société. Pour mieux contrôler l'état global de la santé de la population québécoise et canadienne, et par le fait même réduire les coûts de notre système de santé, il faut d'abord mener une lutte sans merci à la pauvreté. Et que propose le fédéral à ce chapitre? Moi, je n'y vois rien. La réforme prévoit, elle, de réduire les prestations des familles à faible revenu. Cette réforme ne fera qu'aggraver la situation déjà dramatique dans laquelle se retrouvent plus de 1 200 000 enfants canadiens et québécois, et ce sont les enfants pauvres.

En refusant de reconnaître le lien de la pauvreté avec celui des problèmes de la santé, le gouvernement fédéral compromet l'efficacité de notre système.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre! Je regrette d'interrompre l'honorable députée, mais les 10 minutes allouées sont certainement écoulées. Je vais quand même prendre la liberté de demander à nos collègues si on peut permettre à la députée de Drummond de finir ses commentaires et on laissera tomber la période de questions et de commentaires de 5 minutes. La Chambre est-elle d'accord?

Des voix: D'accord.

Mme Picard: Monsieur le Président, il ne me restait juste qu'un dernier paragraphe.

Au nom des gens pauvres, des plus démunis et des gens de la classe moyenne, nous rejetons la proposition du ministre du Développement des ressources humaines et incitons le gouvernement à proposer des vraies mesures, des mesures de création d'emploi.

(1245)

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur le projet de réforme de la sécurité sociale proposé par le ministre des «coupures aux programmes sociaux».

D'entrée de jeu, je vous rappellerai que ce projet de réforme tant attendu et présenté sous forme de document de travail ne se traduira par une véritable mesure législative qu'à l'automne prochain au plus tôt, «. . .et peut-être même en 1996», écrit Chantal Hébert dans La Presse du 5 octobre dernier.

Ce scénario visant à utiliser les consultations publiques pour désamorcer les objections des provinces et des groupes de pressions accrédite la thèse que ce gouvernement entend encore faire cavalier seul en passant par-dessus la tête des provinces, comme on l'a vu récemment lors du Forum national sur la santé.

Plus ça change, plus c'est pareil: «. . .il y a du Pierre Trudeau, du Brian Mulroney, du Joe Clark dans la recette de la réforme de la sécurité du revenu. . .», écrit encore Chantal Hébert.

Le document du ministre fait de ce projet de réforme la recette magique pour relancer l'économie et la création d'emplois. Ne nous y trompons pas: l'objectif principal du gouvernement fédéral est de couper dans les programmes sociaux pour réduire le déficit et la dette.

La compassion et la justice évoquées dans ce document ont une saveur plutôt conservatrice, et le visage réel de cette réforme est plutôt hideux. D'autant plus que nous savons que d'ores et déjà ce gouvernement, dans un document secret présenté au Cabinet et rendu public par le Toronto Star le 5 octobre dernier, précisait qu'aux 7,5 milliards de coupures annoncés dans le dernier budget s'ajouterait un autre 7,5 milliard sur cinq ans. Quelle compassion!

Quant à la création d'emplois et à l'assurance-chômage, j'aborderai principalement quelques aspects des propositions relatives à la création d'emplois et les modifications apportées au programme d'assurance-chômage.

Les propositions de réforme apportées par le document reposent en fait sur un mauvais diagnostic de la situation actuelle. Le problème auquel sont confrontés le Canada et le Québec est la rareté de l'emploi. Le projet de réforme ne s'attaque en fait qu'à l'employabilité alors que la vraie nécessité est une réelle politique de création d'emplois.

Un groupe de professeurs de droit social de l'Université du Québec à Montréal écrivait récemment: «On parle d'employabilité, d'adaptation des individus au marché du travail pour former des gens à des emplois qui n'existent pas, plutôt que d'adopter une véritable politique de création d'emplois.» Et le groupe ajoute : «C'est postuler faussement que le problème du chômage vient de l'inadaptation des individus au marché, les transformant ainsi en marchandise [. . .]Pour pouvoir retourner les gens au travail, il faut d'abord qu'il y ait autre chose que des emplois précaires et sous-payés.»

Quant à la situation de l'emploi, le ratio emploi/population constitue l'indicateur le plus fiable de la situation réelle de l'emploi. Actuellement, ce ratio, au Québec, est de 54,7 p. 100, alors qu'en avril 1990, immédiatement avant le début de la dernière récession, il oscillait à 58,6 p. 100. Cette statistique démontre donc que nous sommes toujours très loin du niveau d'emploi d'avant la récession et qu'à cet égard la reprise est fort lente.

En tenant compte de la croissance de la population, il faudrait créer 800 000 emplois au Canada, dont plus de 200 000 seulement au Québec pour revenir au niveau d'avril 1990; au rythme actuel de création d'emplois, en prenant pour acquis qu'il n'y aura pas de ralentissement d'ici la fin de 1995, cela prendra au minimum trois ans pour revenir au niveau d'avant la récession.


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Ceci renforce le caractère anémique de la reprise dont nous parle le gouvernement fédéral. En réalité, celle-ci se traduit davantage par une augmentation de la productivité plutôt que par une augmentation de l'emploi. Les statistiques de septembre 1994 nous révèlent qu'après une importante hausse le mois passé, le taux de chômage au Québec s'est stabilisé à 12,2 p. 100, alors qu'en Ontario ce taux a continué à baisser à 9,2 p. 100.

Plus particulièrement, sur le marché montréalais, l'emploi croît un peu moins rapidement qu'au premier trimestre de 1994. Son rythme de croissance annualisé dans la région métropolitaine est passé de 4,8 à 2,6 p. 100. De plus, Montréal continue à être en retard par rapport au reste du pays, n'ayant pas récupéré le cinquième des emplois perdus en récession. Et c'est tiré de L'économie de Montréal, 2e trimestre 1994.

Le taux de chômage des résidants de la ville de Montréal demeure de 3 points supérieur à celui de la région métropolitaine de recensement de Montréal.

(1250)

Quant aux recommandations du projet de réforme, une des options privilégiées par le gouvernement envisage d'introduire une deuxième classe de chômeurs, soit celle des travailleurs aux emplois précaires. On sait très bien que les principales personnes occupant ces emplois se retrouvent justement parmi les jeunes et les femmes, sans oublier les artistes. Ces chômeurs de seconde classe, d'une part, seraient soumis à des mesures d'employabilité «obligatoires» et, d'autre part, contraints de participer à des travaux communautaires. De plus, ces chômeurs devraient payer des cotisations plus élevées pour obtenir des prestations moins élevées.

Il faut un certain cynisme pour proposer de telles mesures; celles-ci accréditent manifestement la perception de ce gouvernement voulant que les chômeurs et les chômeuses soient des gens paresseux, des buveurs de bière, comme disait le premier ministre, et que ce gouvernement, de façon très paternaliste, doit les contraindre afin qu'ils posent les gestes nécessaires pour se trouver de l'emploi.

Nous sommes donc forcés de constater que le gouvernement fédéral n'a aucune politique de création d'emplois, car on sait fort bien que les mesures contraignantes ne sont pas génératrices d'emploi; et pourtant, on trouve ce mot «emploi» partout dans le document. On parle même d'assurance-employabilité. Expression trompe-l'oeil, on devrait plutôt parler d'assurance-pauvreté ou de réforme de l'insécurité sociale.

En cherchant à réduire sa dette par des coupures arbitraires dans les programmes sociaux, tout ce que ce projet de réforme réussira à produire, c'est d'augmenter le nombre d'assistés sociaux.

En fait, la première décision que devrait prendre le gouvernement fédéral face à ce problème de chômage est de permettre aux provinces qui le demandent de mettre sur pied un système cohérent de formation de la main-d'oeuvre, comme il vient de le faire à l'endroit des Mohawks du Québec. «C'est vraiment deux poids, deux mesures», a dit au Devoir la ministre québécoise de l'Emploi, Mme Louise Harel, ajoutant que ce qui est bon pour les Mohawks est mauvais pour les Québécois, aux yeux du gouvernement fédéral.

Mais revenons au régime des deux paliers de chômeurs: les travailleurs qui ont des emplois précaires et les travailleurs saisonniers, ceux que les bureaucrates appellent des prestataires fréquents, puisque c'est très politically correct.

Un des impacts les plus troublants de ces recommandations est que les femmes en seraient les premières victimes par l'évaluation de revenu familial: le test du revenu.

«En tenant compte du revenu familial, on transforme l'assurance-chômage en un programme plus sélectif, se rapprochant de l'assistance sociale. [. . .]Cela mettrait fin au principe de l'universalité des droits et de l'autonomie de chacun face au travail. Ce sont encore les femmes qui écoperont», affirme encore le groupe de travail de l'UQAM.

Plusieurs autres questions demeurent sans réponse. Par exemple, qu'est-ce que la réforme recommande pour les travailleurs de 50 ans et plus? Des gens qui ont occupé un même emploi pendant 20 à 25 ans? De la formation? Du recyclage pour un an ou deux, et pour des emplois qui n'existent pas? Qu'arrivera-t-il du minuscule Programme d'adaptation des travailleurs âgés, le PATA, qui est injuste pour Montréal à cause, justement, des critères du fédéral?

Tout cet exercice, finalement, pour se soumettre aux ordres du ministre des Finances: on coupe l'aide aux pauvres plutôt que de taxer les plus riches. Aussi, ne faudra-t-il pas se surprendre de nouvelles coupures encore plus arbitraires, histoire de rencontrer l'objectif de réduction du déficit fédéral fixé à 25 milliards d'ici à 1997.

Le ministre du Développement des ressources humaines prend un ton délibérément compassionnel et alarmiste en laissant croire que:

si nous n'entreprenons pas la réforme-entendons: si nous ne coupons pas les programmes sociaux-la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la finance internationale pourraient le faire pour nous.
Il y a d'autres solutions, tant pour réduire le déficit que pour mettre sur pied une véritable politique de création d'emplois, et nous en avons indiqué à ce gouvernement. Ce n'est certainement pas en coupant dans les programmes sociaux que le fléau du chômage trouvera sa solution.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec une certaine inquiétude que j'ai écouté les commentaires du député devant moi. Il me semble qu'il a cité de façon très déprimante des commentaires qu'il portait à notre gouvernement, c'est-à-dire qu'une des interventions que nous avons faites était contre des chômeurs parce que nous les trouvons paresseux.

Il a aussi dit à un moment donné que nous sommes en train, par la réforme des programmes sociaux, de taxer les pauvres. Ce n'est évidemment pas la première fois qu'on entend du Bloc québécois des commentaires qui sont assez néfastes et qui ne représentent pas la réalité.

Où le député a-t-il pris ses informations et peut-il nous citer ses sources?

(1255)

M. Daviault: Monsieur le Président, je désire remercier mon collègue de ses commentaires. Dans le document Instaurer un climat financier sain du ministre des Finances, paru la semaine dernière, le ministre dit: «D'importants changements structurels ont également été apportés au Régime d'assurance-chômage dans ce budget. Ces changements ne constituent cependant


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qu'une première étape.» Le document intitulé: La sécurité sociale dans le Canada de demain expose des propositions qui modifieraient encore la structure des régimes et entraîneraient d'importantes diminutions supplémentaires de dépenses, et ce, dans deux buts: réduire les taux de cotisations et renforcer les services du développement de l'emploi.

Naturellement, le gouvernement est là pour parler positivement de ses projets. Il y en a d'autres qui s'interrogent sur la cohérence du gouvernement libéral. Dans ce sens aujourd'hui, dans une analyse faite par Mark Kennedy dans le Citizen, celui-ci mentionnait.

[Traduction]

En 1990, le gouvernement Mulroney a modifié les programmes d'assurance-chômage pour faire en sorte que les gens aient à travailler plus longtemps avant d'être admissibles aux prestations d'assurance-chômage et que la période de prestations soit réduite. À l'époque, les libéraux ont dit que cette mesure avait entraîné une augmentation spectaculaire du nombre de personnes qui, ne pouvant plus recevoir d'assurance-chômage, devaient s'en remettre à l'aide sociale. Ils ont demandé au gouvernement d'annuler immédiatement cette mesure.

En 1990, le gouvernement Mulroney a gelé les paiements de transfert aux provinces au titre des soins de santé et de l'éducation postsecondaire. Les libéraux ont vivement dénoncé cette mesure. Du temps où ils faisaient partie de l'opposition, les libéraux ont dit que la réduction des fonds consacrés aux programmes d'aide sociale ne ferait que causer du tort aux personnes qui n'avaient pas d'autres ressources. Une fois au pouvoir, ils n'ont pas abrogé la formule de financement des conservateurs. Au contraire, ils songent même à adopter une nouvelle formule qui réduirait encore les fonds consacrés à l'aide sociale.

Du temps où ils faisaient partie de l'opposition, les libéraux ont déclaré qu'un gel des fonds consacrés aux soins de santé allait nuire aux efforts faits en vue d'éliminer la pauvreté chez les enfants. Une fois élus, ils n'ont pas mis fin au gel. Le premier ministre a dit, la semaine dernière, qu'il fallait réduire les fonds consacrés aux soins de santé, faute de quoi le régime d'assurance-maladie allait disparaître.

Du temps où ils faisaient partie de l'opposition, les libéraux ont dit que la réduction de l'aide fédérale au titre de l'éducation postsecondaire avait entraîné une hausse des coûts de l'éducation, entre autres, des frais de scolarité, et que cela avait donné lieu à une augmentation du chômage chez les jeunes.

[Français]

Au pouvoir, ils font la même chose.

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais que mon collègue d'Ahuntsic m'aide à rassurer les personnes âgées, notamment les personnes vivant seules.

Dans ma circonscription, il y a une dame Lessard d'East Broughton qui m'appelle pratiquement toutes les semaines et cette dame a besoin d'être rassurée. Encore vendredi dernier, à mon bureau, elle me faisait part des difficultés qu'elle éprouvait à joindre les deux bouts. Elle m'a rappelé encore une fois que le gouvernement libéral qui a été élu avait promis de faire sauter la TPS. Elle dit: «J'ai retardé pour faire remplir mon réservoir d'huile espérant que la TPS sauterait avant l'hiver.» Mais là, elle était rendue au dernier moment, elle a dû faire remplir son réservoir d'huile, et payer la fameuse TPS et également la TVQ.

Je demanderais à mon collègue d'Ahuntsic s'il ne pourrait pas m'aider à sécuriser les personnes âgées, surtout celles qui vivent seules encore une fois.

Le président suppléant (M. Kilger): Je demanderais une courte réplique du député d'Ahuntsic, s'il vous plaît.

M. Daviault: Monsieur le Président, j'aimerais bien sécuriser nos aînés, mais cette mesure a été prise de manière impromptue, sans stratégie. Le document de l'UQAM mentionnait: «On veut nous faire croire qu'on nous consulte.» D'abord, on nous menace de compressions, quel que soit le résultat de la consultation. Ensuite, on néglige de faire les liens avec les autres politiques, que ce soit la sécurité de la vieillesse, la politique de santé du Canada ou encore la réforme concrète et globale de la fiscalité qui sont pourtant des plans importants. On n'examine cette question que sous l'angle des coûts, sans par ailleurs se donner les moyens de les résoudre fiscalement. On n'étudie pas la fiscalité, ce sera pour dans six mois.

[Traduction]

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat sur l'avenir des services sociaux au Canada.

(1300)

Je tiens à féliciter le ministre du Développement des ressources humaines, qui s'est engagé à faire en sorte que tous les Canadiens puissent participer aux consultations. Les services sociaux subiront des changements fondamentaux dont la raison est évidente. Comme le disait le premier ministre, le statu quo n'est pas une option.

Ce sont les libéraux qui ont répondu à la nécessité de créer des programmes de services sociaux et qui ont mis en place ceux que nous avons aujourd'hui. Les gouvernements libéraux précédents ont notamment créé les pensions de vieillesse, l'assurance-chômage, le Régime de pensions du Canada et les prêts aux étudiants.

Le gouvernement libéral demande maintenant aux Canadiens d'accepter de relever un défi, celui de redéfinir les priorités, de discerner les choses importantes et de créer une nouvelle politique sociale pour le siècle prochain. Le défi à relever ne consiste pas à apporter des changements pour le plaisir de la chose. En agissant comme il le fait, le gouvernement répond aux Canadiens qui ont demandé que des changements soient apportés au fonctionnement du système social. La réforme constitue une réponse à une société en mutation. Ce sont les Canadiens qui nous ont demandé de procéder à cette réforme.

Les programmes actuels ont été créés dans des circonstances et à une époque différentes. La récession et la restructuration, que des millions de Canadiens ont profondément ressenties, font que non seulement la réforme qui s'amorce s'impose de toute urgence, mais aussi qu'elle est fondamentale à la survie de la nation.

Les solutions d'hier ne répondent pas aux problèmes d'aujourd'hui. De nouvelles solutions sont nécessaires et nous entendons les proposer aux Canadiens.


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Qu'on ne s'y trompe pas, la tâche est énorme. Nous demandons à la population canadienne de redéfinir une chose qui est fondamentale pour beaucoup d'entre nous. La réforme touchera tout, de l'assurance-chômage à l'aide sociale. Cette tâche n'incombe pas uniquement au gouvernement. Tous les Canadiens ont été invités à participer et à soutenir la réforme, qui vise à offrir de meilleurs services.

La nécessité d'une réforme est évidente et claire. Nous adoptons une attitude responsable à l'égard d'une question difficile. Il est facile de se limiter à revendiquer des réductions de dépenses. La tâche qui nous attend, c'est l'édification d'une nation. Nous participons à un projet historique, la restructuration des programmes de sécurité sociale, qui devrait faire en sorte que le Canada continue d'être vu comme un pays qui s'est pris en main et qui a reconstruit ses programmes sociaux afin de répondre aux besoins de l'heure.

L'exercice est plus qu'une réduction du déficit. Bien sûr, nous ne ressentirions pas une telle urgence d'agir si ce n'était de la nécessité de contrôler la dette et le déficit, mais la raison première est la nécessité de modifier des programmes qui ne répondent plus aux besoins d'une société en mutation. De toute évidence, comme le premier ministre l'a dit, le statu quo n'est plus acceptable.

Les habitants de ma circonscription savent que nous devons prendre des décisions graves. Ils veulent que le gouvernement agisse. Ils veulent aussi participer à un processus qui les rende partie de la solution. Ils veulent qu'ensemble, nous nous attaquions à la pauvreté, qu'ensemble, nous veillions à ce que nos enfants puissent avoir la meilleure éducation postsecondaire qui soit, ils veulent enfin qu'on les protège des circonstances imprévues. Ils veulent que le gouvernement assure ces services. Néanmoins, ils se rendent compte que nous ne pouvons plus nous permettre les services que nous avions par le passé, notamment les services qui ne sont pas adaptés aux besoins actuels.

Le niveau de vie à Guelph-Wellington est très bon. Cependant, même si le taux de chômage y est inférieur à la moyenne, il y a des enfants vivant dans la pauvreté, il y a des travailleurs saisonniers qui sont plus touchés par la récession économique que la plupart d'entre nous, il y a des personnes âgées et des étudiants qui ont peur pour leur avenir, il y a des gens qui continuent à faire appel aux services de Centraide et d'autres organismes. Comme le reste du Canada, Guelph-Wellington n'a pas été épargnée par la récession. Il y a des gens qui dépendaient et dépendent encore du type de services sociaux que l'on nous demande d'améliorer.

Ce que les habitants de Guelph-Wellington ont toujours demandé au gouvernement, c'est la qualité. Ils veulent que leur argent soit bien utilisé, ils en veulent pour leur argent et ils exigent l'excellence. Ils veulent un réseau de services sociaux qui protège les plus nécessiteux, qui permette une certaine flexibilité, qui encourage la croissance de l'esprit humain et, surtout, qui contribue à la création d'emplois et au renouveau économique, car c'est vraiment là la voie du succès. Ils ne veulent pas que les gens dépendent du système. Ils veulent qu'ils soient indépendants. Ils veulent aider à mettre en place un système qui permette aux gens d'être indépendants. Ils ne veulent plus du statu quo.

(1305)

Les habitants de ma circonscription savent que nombre des propositions dont il est question dans le livre vert sont nouvelles et hardies, mais il veulent tenter leur chance car ils veulent des changements. J'ai, par exemple, discuté avec le président et les étudiants de l'Université de Guelph des propositions concernant le remboursement des prêts en fonction du revenu. Ils savent que cette proposition comporte des risques, mais ils veulent la liberté de mieux planifier leur formation postsecondaire. Ils veulent un rôle plus actif dans les décisions qui les touchent.

L'Université de Guelph est heureuse des innovations et des nouvelles idées. Les gens de Guelph-Wellington sont heureux de pouvoir participer à la modification de l'enseignement postsecondaire et d'autres programmes. Ils veulent partager les responsabilités avec le gouvernement. Ils veulent des programmes qui seront justes et qui profiteront équitablement à tous les Canadiens.

Dans les prochains mois, nous devrons nous prononcer sur des questions fondamentales et très réelles. Nous ne parlons pas seulement de programmes, nous parlons de vraies personnes avec de vrais besoins. Nous parlons du travailleur saisonnier de la construction qui devra attendre deux ans avant de travailler de nouveau, parce qu'il y a une liste d'attente pour des emplois dans sa branche. Nous parlons de l'adolescent d'Erin, en Ontario, qui espère aller à l'université. Cette réforme concerne la personne âgée de Guelph et le nouveau-né de Puslinch.

Nous allons parler de nouvelles façons d'aider ceux qui tentent de joindre les deux bouts. Nous allons trouver de nouvelles manières de venir en aide aux Canadiens qui, aujourd'hui, ne savent pas qu'ils auront besoin d'aide sociale à l'avenir. Cependant, en raison de circonstances malheureuses, il y aura un moment dans leur vie où ils auront besoin d'aide.

Dans ma circonscription, un majorité de gens ont voté libéral parce qu'ils font confiance aux libéraux. Ils savent que, par le passé, les libéraux ont répondu dans des conditions difficiles similaires. Ces gens désirent que les réductions de dépenses soient raisonnables et raisonnées. Ils veulent une attitude responsable face au renouvellement des services sociaux et ils veulent une vraie consultation.

Le processus conduira à une nouvelle façon, améliorée, de fournir les services sociaux. Il mettra fin aux dédoublements de services et fera naître de nouveaux partenariats.

Les gens de Guelph-Wellington ne veulent plus entendre parler de blâmer quelqu'un, ils veulent savoir qui assurera leur avenir. Ils veulent qu'on prenne des décisions à leur avantage et à l'avantage de tous les Canadiens. Ils veulent se joindre au gouvernement dans son effort de réorganisation. Ils veulent des emplois, de la sécurité et des possibilités d'éducation pour leurs enfants et eux-mêmes, et ils veulent qu'on vienne en aide aux chômeurs. Il veulent des services d'aide sociale qui servent à instruire, à encourager et à permettre l'acquisition de nouvelles compétences, et non pas une aumône du gouvernement, qui


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dévalorise et décourage les gens. Ils veulent des possibilités d'alphabétisation et d'emploi. Ils veulent avoir ce genre de dignité que notre premier ministre encourage ardemment, la dignité conférée à celui qui travaille. Ils veulent contribuer à bâtir la nation, et non à la diviser.

Nous répondons maintenant aux exigences posées par notre histoire. L'automne dernier, les libéraux ont demandé aux Canadiens de les aider à multiplier les possibilités. Cet automne, nous leur demandons de saisir l'occasion pour bâtir un Canada meilleur. Les gens de Guelph-Wellington sont prêts à répondre à l'appel. Ensemble, nous bâtirons un Canada qui restera le meilleur pays du monde.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention la députée de Guelph-Wellington sur ses commentaires concernant la réforme de la sécurité sociale au Canada.

(1310)

Durant le dernier week-end, j'ai passé plusieurs heures à rencontrer des groupes d'électeurs dans ma circonscription de Frontenac et lorsqu'on leur explique, bien sûr, que le pays est au bord de la faillite, avec 550 milliards de dollars de déficit, certains nous rappellent que ce déficit monstrueux a été créé non pas par les conservateurs, mais par les libéraux, un gouvernement dont le premier ministre actuel faisait partie depuis sa jeunesse, à toutes fins utiles.

Il faut se rappeler que les 550 milliards de dollars ne sont pas tombés du jour au lendemain. Alors, les déficits ont commencé à se faire sentir au début des années 1970, à l'ère Trudeau, et actuellement, on est en train de créer, au niveau du pays tout entier, une psychose, presque une culpabilité. Lorsque les personnes reçoivent leur chèque d'allocation pour les enfants ou encore les pensions de vieillesse des personnes âgées, des personnes qui vivent de prestations d'aide sociale, certains ont actuellement un sentiment de culpabilité, comme si on trichait le pays, alors que ce n'est pas cela.

Ces mesures sociales, pour la plupart, ont été amenées par un gouvernement libéral, et aujourd'hui, ça va coûter une fortune en frais de publicité, de tournées pancanadiennes pour essayer de faire avaler la pilule aux électeurs. Moi, je posais la question à mes commettants, en fin de semaine: Que proposez-vous pour abaisser ce fameux déficit? Et comme c'était d'actualité, ils nous ont dit: «La pratique de Robin des Bois, Guillaume Tell, Top Gun, 2 millions de dollars, pourquoi ne pas faire sauter cela?»

Évidemment, vous allez me dire, monsieur le Président: «Deux millions de dollars, c'est une goutte d'eau.» Bien sûr, un brin de neige n'arrête pas une locomotive, mais des milliards et des milliards de brins de neige vont arrêter le convoi tout entier. Voyez-vous, ce sont deux millions de dollars qu'on vient de donner pour qu'une soixantaine de nos militaires aillent s'amuser en Floride.

Il y a deux semaines encore, on nous disait qu'il y avait deux millions de dollars par année pour le restaurant, ici, au 6e étage, alors que des sénateurs ou des députés invitaient leurs électeurs, leurs amis à luncher et oubliaient de payer avant de partir. Deux millions de dollars par année, une vraie honte! Une vraie honte et après cela, on dit que les politiciens sont peu populaires. Avec des choses comme celles-là, les électeurs de Frontenac ont raison de mettre en doute la bonne volonté des politiciens.

Je me demande si la députée de Guelph-Wellington ne pourrait pas nous donner son point de vue, le sien, pas celui de son gouvernement, je le connais, mais le sien, sur les abris fiscaux ou encore les fiducies familiales, où il y a des milliards de dollars qu'on pourrait aller chercher auprès de personnes bien nanties.

[Traduction]

Mme Chamberlain: Monsieur le Président, je pourrais poursuivre indéfiniment là-dessus. Au député de Frontenac, je dis ceci: vous avez raison de dire que les libéraux sont à l'origine de nombreux programmes qui ont aidé la population. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Les députés doivent prendre garde de s'adresser à la présidence, et de ne pas échanger leurs propos directement.

Mme Chamberlain: Monsieur le Président, je commençais à peine. Il n'y a aucun doute que les libéraux soient à l'origine de bon nombre de nouvelles réformes innovatrices sans lesquelles le Canada ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire le meilleur pays du monde, et reconnu comme tel pour la deuxième fois. Qu'on le sache.

Il importe de comprendre que tout le pays jouit de ces avantages offerts par un gouvernement libéral, y compris le Québec. Le député doit bien comprendre que nous veillons au bien-être de tous les Canadiens.

Le député de Frontenac prétend que nous faisons grossir la dette. Je tiens à lui faire savoir que le gouvernement fédéral doit accepter la responsabilité d'une partie de la dette, la partie initiale. Ensuite, le nouveau régime, celui des conservateurs, a fait grossir cette petite dette en une dette énorme.

(1315)

Le député de Frontenac affirme que nous sommes au bord de la faillite. Je serai très claire sur ce point: nous ne sommes pas au bord de la faillite. Cette affirmation est nettement formulée dans le cadre d'une tactique visant à induire les Québécois en erreur. Comme nous le savons depuis les élections tenues récemment, bon nombre de Québécois ne partagent pas cette idée. Nous savons que c'est faux.

Toutefois, nous vivons un instant critique. Il est évident que le gouvernement fera une réforme des programmes sociaux. Je me permets de citer le Financial Post au député, qui affirme aujourd'hui sans détour que les Canadiens appuient cette réforme. Nous revenons tranquillement à ce que les Canadiens veulent vraiment- tous les Canadiens, y compris les Québécois.

M. Robert D. Nault (Kenora-Rainy River, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui en faveur du changement. Même si j'ai pas encore arrêté ma position sur toutes les propositions que contient le document de travail du gouvernement intitulé La sécurité sociale dans le Canada de demain, je les étudie attentivement. Franchement, j'attends que mes électeurs aient réfléchi à toutes ces propositions et m'aient fait part de leurs réactions.

Cependant, je suis certain qu'ils appuient le processus que ce document de travail enclenche. C'est un processus qui conduit au changement. Le gouvernement montre encore une fois qu'il


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s'engage à innover et à consulter les Canadiens de façon approfondie, ouverte et constructive.

Le changement dont je parle est nécessaire parce que notre système de sécurité sociale ne fait tout simplement pas l'affaire. Nos programmes sociaux ne donnent plus satisfaction, puisqu'ils laissent souvent tomber ceux qui ont besoin d'aide. Pour le prouver, je n'ai qu'à rappeler les récentes statistiques sur les enfants pauvres.

De toute évidence, certaines personnes sont prises au piège de l'assistance sociale alors qu'elles ont la capacité et la volonté de travailler. Ce problème nuit au système et empêche la prestation de programmes efficaces. Nous devons améliorer le système. Nous devons procéder à un changement.

Quand le ministre du Développement des ressources humaines a rendu son document de travail public dernièrement, nous avons immédiatement été confrontés aux nombreuses critiques de nos vis-à-vis et aux plaintes de divers groupes d'intérêts partout au Canada.

Pour ma part, j'ai été comblé. À mon avis, la parution de ce document de travail est un franc succès puisque nous avons ainsi atteint notre but, qui était d'amener les Canadiens à discuter de leur système de sécurité sociale. Peu importe que les Canadiens fassent des observations positives ou négatives, l'essentiel, c'est qu'ils aient entamé le débat sur la politique sociale; c'était précisément ce que nous voulions. En fait, de ce débat ressortiront des suggestions innovatrices qui nous aideront à améliorer nos programmes de sécurité sociale.

Je rappelle aux députés d'en face que le document de travail n'est pas une politique gouvernementale, mais bien une série de propositions qui devrait nous permettre de trouver des solutions. Le débat se poursuivra. Le gouvernement écoute les critiques de ses adversaires politiques et des groupes d'intérêts spéciaux. Puis, voilà que la majorité silencieuse se met à exprimer ses opinions. Nous avons récemment demandé aux Canadiens de nous faire connaître leur avis. Des sources scientifiques nous affirment que la grande majorité des Canadiens estiment qu'il faut changer notre régime de sécurité sociale.

C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles je fais partie de ce gouvernement majoritaire. Nous avons promis du changement. Nous avons été élus avec une majorité pour apporter des changements et c'est exactement ce que nous faisons. De plus, une vaste majorité de Canadiens semblent croire que certains programmes, comme le régime d'assurance-chômage et le système d'aide sociale, ont besoin d'énormément de changements. Je le répète, je suis en faveur du changement.

J'approuve également la tradition exemplaire de notre nation, qui aide les pauvres, les défavorisés et les démunis. Ce qui m'inquiète, c'est de voir que le système qui devait à l'origine venir en aide aux pauvres, aux chômeurs et aux défavorisés s'est transformé en piège social. Dans le cadre du régime actuel, on accorde de l'aide sociale à ceux qui n'y sont pas admissibles. On rate ainsi la cible tout en faisant augmenter les coûts. Le régime de sécurité sociale du Canada s'est éloigné de son but original. Voilà pourquoi nous réexaminons la question dans le but d'améliorer le régime.

(1320)

Je ne peux pas parler au nom de mes collègues, mais j'ai reçu plusieurs lettres d'électeurs fâchés. Ces gens soutiennent que nous subventionnons de façon inéquitable le régime d'aide sociale et nous devons apaiser leurs craintes.

Je ne condamne pas les victimes au sein de notre société. Je veux un régime de sécurité sociale qui protégera et aidera les infortunés. Si nous n'améliorons pas le régime, nous serons incapables à l'avenir de secourir ces gens. Nous devons aussi faire face à nos problèmes financiers. Lorsque les programmes sociaux sont appliqués de façon injuste, ce sont les gens qui sont vraiment dans le besoin qui en souffrent.

Je veux maintenant aborder quelques-unes des options qui sont offertes. Il y a d'abord la nécessité de redonner du travail aux Canadiens, puis, bien sûr, l'idée bien ancrée que cela résoudra une bonne partie de nos problèmes de sécurité sociale.

Les régimes d'aide sociale et d'assurance-chômage présentent une grande lacune. Ainsi, il est souvent plus logique de percevoir de l'aide sociale que de chercher un emploi parce que les prestations de l'aide sociale rapportent davantage que les emplois bas de gamme. Rien ne pousse les prestataires à intégrer le milieu du travail et à gravir les échelons jusqu'aux emplois bien rémunérés. C'est un fait bien documenté.

Il n'est pas déraisonnable de s'attendre à ce que nous mettions au point une politique qui encourage les prestataires de l'aide sociale à intégrer le milieu du travail. En encourageant les Canadiens à se trouver un emploi, nous les aidons aussi à acquérir la dignité que nous souhaitons tous.

L'idée de permettre aux gagne-petit de recourir à l'aide sociale comme supplément de revenu tant qu'ils n'ont pas réussi à se hisser au-dessus du seuil de la pauvreté est louable. Il faut aussi mettre au point des programmes de formation professionnelle de telle sorte que les gens puissent acquérir les compétences dont ils ont besoin pour exceller sur le marché du travail.

Les programmes sociaux doivent aller de pair avec des programmes de formation. Il faut trouver le moyen de débloquer des fonds fédéraux pour offrir de l'instruction et de la formation aux assistés sociaux. Beaucoup trop d'enfants vivent sous le seuil de la pauvreté au Canada parce que leurs parents n'ont pas les moyens de poursuivre leurs études et de faire carrière. Plus il y aura de possibilités de s'instruire et de se former, moins il y aura d'assistés sociaux.

L'idée d'un système d'assurance-chômage à deux niveaux a reçu un appui considérable dans ma circonscription en ce début de réforme de la politique sociale. J'estime qu'on abuse du régime d'assurance-chômage. Le régime ne devrait servir que d'assurance, pour les périodes où les Canadiens se trouvent de façon tout à fait involontaire entre deux emplois. C'est pour cela que le régime a été créé à l'origine, mais ce n'est pas ainsi qu'il sert aujourd'hui.


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Malheureusement, beaucoup de Canadiens en sont venus à compter sur l'assurance-chômage comme source régulière de revenu. Je ne crois pas qu'il soit juste de demander aux Canadiens qui travaillent de subventionner ceux qui font systématiquement entrer les prestations d'assurance-chômage dans le calcul de leur revenu annuel. Cependant, je crois que nous devons faire un cas particulier des travailleurs saisonniers. Il y a beaucoup de Canadiens dont le travail ne peut être que saisonnier. Ces gens ne peuvent pas être livrés à eux-mêmes, mais nous devons nous occuper du coût excessif, pour les contribuables canadiens, d'un système qui laisse des gens capables de travailler vivre de l'aide sociale.

Plutôt que de tout simplement ne tenir aucun compte des personnes qui réclament fréquemment des prestations d'assurance-chômage, nous devons les aider à trouver des emplois à long terme et peut-être des emplois saisonniers multiples. Bien sûr, le gouvernement actuel est ouvert à toute suggestion. Cependant, il faut améliorer le régime d'assurance-chômage, nous ne pouvons pas y échapper.

En terminant, je dirai que j'appuie le document de travail sur la politique sociale parce qu'il annonce du changement. Le Canada subit en ce moment des transformations profondes et pour quelques personnes, certaines ne peuvent que conduire au désastre. À mon avis, ces personnes se trompent. L'examen de la politique sociale ne constitue qu'un volet d'un programme de renouvellement. Nous demandons aux Canadiens de modérer leurs attentes pour l'immédiat. Nous leur demandons de faire un sacrifice aujourd'hui pour assurer la prospérité de leurs enfants.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le discours de mon collègue de Kenora-Rainy River sur ce très important sujet qu'est la réforme sociale.

(1325)

Le député aurait-il l'amabilité de nous faire part de ses opinions personnelles sur deux sujets très fondamentaux? Premièrement, le député d'en face estime-t-il que les prestations devraient être fondées sur les besoins? Deuxièmement, ces prestations devraient-elles être accessibles à tous? Troisièmement, quelles seraient, selon le député, les conditions minimales pour qu'un enfant soit considéré comme vivant dans la pauvreté? C'est là une question de la plus haute importance.

M. Nault: Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de dire clairement à mon collègue d'en face que les prestations devraient être fondées sur les besoins.

Une fois que nous aurons terminé nos consultations avec les Canadiens, il est fort possible, à mon avis, que nous soyons capables, en tant que gouvernement, de mettre en place des politiques et des programmes qui tiennent compte des besoins que certains Canadiens ont.

Pour ce qui est de la définition de la pauvreté, j'ai grandi dans une famille qu'on pourrait considérer comme appartenant à la classe pauvre ou à la classe moyenne inférieure. Nous étions 10 enfants, et nos parents ont travaillé très dur pour nous permettre de faire des études et pour nous conduire à un point où nous pouvions réussir comme un Canadien devrait pouvoir réussir. La pauvreté, pour moi, c'est quand on n'a même pas une chance de réussir. C'est une définition assez simple qui veut dire que je n'aurais jamais pu aller à l'université sans la participation du gouvernement à ce programme. Mes parents n'auraient jamais pu envoyer 10 enfants à l'université.

Il est essentiel que les gouvernements aident les Canadiens à continuer leurs études, à passer d'un niveau à un autre lorsqu'ils ont les aptitudes nécessaires. Je crois que notre bilan prouvera que nous l'avons fait dans le passé et que nous le ferons encore à l'avenir.

La pauvreté veut aussi dire pour moi qu'un enfant ne devrait pas aller à l'école l'estomac vide parce qu'il n'a pas de quoi se nourrir. Je représente la circonscription de Kenora-Rainy River, qui compte plus de localités autochtones que toute autre circonscription, soit un total de 46. Je dirais que la vaste majorité des enfants des premières nations que je représente se couchent l'estomac vide et vont à l'école l'estomac vide.

Si, en tant que gouvernement, nous ne reconnaissons pas cette réalité et ne créons pas de programmes visant à aider ces jeunes, comment pouvons-nous nous attendre à ce qu'ils se sortent seuls de cette situation? Les gouvernements devraient donner aux jeunes une chance de réussir en s'assurant qu'ils sont convenablement logés et bien nourris afin qu'ils aient envie d'apprendre lorsqu'ils vont à l'école-et nous fournissons l'éducation. Nous devons leur donner le désir de passer à l'étape suivante.

J'ai eu l'occasion, lorsque j'étais jeune, de faire des études postsecondaires pour parfaire mes connaissances afin de pouvoir donner une meilleure vie à ma famille.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, le député a dit que le document de consultation, ou ce qui a été énoncé depuis quelques jours, répondait à un besoin de changement. J'aimerais lui souligner qu'on va attendre pour voir la réaction des gens, à savoir s'ils sentent qu'ils ont réellement des besoins de coupures dans le filet de sécurité sociale. Je vais lui donner un exemple de l'impact d'une des mesures du document.

Puisqu'il ne s'agit que d'un document consultatif, je vais lui demander son opinion, plus particulièrement sur les coupures dans les programmes établis, les programmes à frais partagés entre le gouvernement fédéral et les provinces pour l'enseignement postsecondaire. On envisage une coupure de près de 300 millions de dollars. L'impact de la coupure de ces transferts-là pour les provinces qui n'ont pas plus de moyens financiers que le gouvernement fédéral ferait en sorte que pour maintenir le système d'éducation, on devra à tout le moins doubler les frais de scolarité.

(1330)

D'un autre côté, le même document parle d'objectifs au niveau de la formation, que dans un marché compétitif comme celui d'aujourd'hui on doit arriver à avoir une bonne formation, à bien cibler la formation, à s'assurer que les gens vont avoir une formation adéquate, et en même temps, on pousse une mesure qui va faire en sorte que les frais de scolarité vont doubler-parce qu'il faut admettre que les frais de scolarité doublent, et je l'ai entendu parler de son exemple d'une famille nombreuse. Ne


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croit-il pas que cette mesure va affecter l'accessibilité aux études postsecondaires, et de ce fait, va nuire à la formation des individus, particulièrement tous ceux qui vont chercher une formation dans le domaine des études secondaires et postsecondaires par après?

[Traduction]

M. Nault: Monsieur le Président, cette question a déjà été soulevée. Je ne sais pas depuis combien de temps le député d'en face a terminé ses études, mais on peut voir qu'il n'y a pas si longtemps dans mon cas. Je me souviens de l'époque où j'ai emprunté de l'argent du gouvernement dans le cadre du système qui était alors en place et qui est demeuré en grande partie inchangé depuis.

Le député fait référence à une proposition qui vise à réduire l'aide financière directe aux provinces. Je suis tout à fait en faveur d'une telle mesure. Par suite des discussions auxquelles j'ai participé avec certains de mes collègues, nous sommes arrivés à la conclusion que le système actuel, qui consiste à verser des fonds aux provinces pour l'enseignement postsecondaire, n'a pas répondu aux besoins des jeunes Canadiens et est inefficace.

Si mon collègue s'inquiète de la hausse des frais de scolarité, qu'il regarde ce qui se passe autour de lui. Les frais d'études ont augmenté de 10 p. 100 par année au cours des quatre ou cinq dernières années et la hausse se poursuit.

Le gouvernement propose un système qui permet à chacun de rembourser son emprunt au gouvernement en fonction de son revenu à la fin de ses études. Cette formule est appliquée ailleurs dans le monde et est beaucoup plus efficace.

Si mon collègue demandait au personnel de son bureau quel est l'un des problèmes susceptibles de lui être régulièrement soumis dans sa circonscription, il saurait que des jeunes s'adressent souvent à nous parce qu'ils sont incapables de rembourser leurs prêts d'études. Nous devons trouver une solution à ce problème majeur que connaît notre système.

Enfin, au sujet de la formation, une des mesures proposées qui consisterait à réduire l'aide sociale et à utiliser l'argent retranché pour la formation, notamment celle des prestataires de l'aide sociale, n'aurait pas pour effet de réduire les sommes qui sont versées à ces Canadiens mais plutôt de les accroître au moyen d'un facteur d'incitation. Voilà une solution beaucoup plus efficace que de dire à quelqu'un: voilà votre chèque d'aide sociale. Ne vous donnez pas la peine de réintégrer le système, restez là où vous êtes. Nous aimons vous voir au seuil de la pauvreté. En fait, nous voulons donner un montant minimum aux prestataires de l'aide sociale, mais compléter ce montant par une aide à la formation qui leur permettra de s'améliorer, de réintégrer le marché du travail et de contribuer ainsi à la société dynamique que nous voulons édifier.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, au nom de mon whip, je vous informe que les députés réformistes vont partager leur temps de parole conformément au paragraphe 43(2) du Règlement.

Je voudrais commenter brièvement le document de travail publié par le ministre du Développement des ressources humaines sur la sécurité sociale. Je voudrais notamment dire un mot des commentaires suscités par le Financial Post et le sondage qu'il a publié. Apparemment, ce qu'on appelle «la réforme Axworthy» recueille de larges appuis. La question était fort simple: Êtes-vous en faveur de la réforme du régime de sécurité sociale? N'importe qui répondrait oui. La question ne fait pas très sérieux, si l'on y regarde de près.

Le sondage donne aussi une autre statistique pertinente dont je voudrais parler également: 78 p. 100 des personnes interrogées estiment que les réformes ont pour but de faire des économies et de contribuer à la réduction du déficit. Les Canadiens sont très conscients de leurs responsabilités et de la situation du gouvernement.

Le document de travail propose trois objectifs: premièrement, aider les Canadiens à trouver du travail et à le garder; deuxièmement, secourir les plus vulnérables; troisièmement, assurer un régime à prix abordable. Ce sont assurément de bons objectifs et je crois que nous pouvons tous les appuyer. Par contre, je ne crois pas que le document propose un plan réaliste pour les atteindre.

(1335)

Tout d'abord, le document ne reconnaît pas comme il se doit toute la gravité de notre situation financière. Deuxièmement, le document n'indique le prix d'aucune des propositions qui sont avancées. Si le document a pour but de permettre aux Canadiens de faire des choix intelligents relativement à leur régime de sécurité sociale, il doit indiquer le coût des programmes et dire, de façon réaliste, combien d'argent nous pouvons nous permettre de dépenser en ce moment. J'insiste sur ce dernier aspect.

Le premier objectif de l'examen de la sécurité sociale est d'accroître le nombre d'emplois. Comment le ministre va-t-il s'y prendre? Trois idées sont avancées. Il importe de signaler qu'aucune n'est présentée dans le détail et que les coûts ne sont pas précisés.

Le ministre propose tout d'abord d'améliorer les services de développement de l'emploi. Le document de travail traite notamment de services d'orientation d'emploi, de formation, d'information sur le marché du travail et d'autres idées à la mode dont il est fait mention dans des documents comme celui-ci.

On y explique que les programmes qui dispensent actuellement ces services n'ont pas très bien fonctionné, mais on ne précise pas les raisons de cet échec. C'est de ce point de vue que le document de travail laisse tout d'abord à désirer. On n'y prend pas la peine de s'interroger sur les raisons pour lesquelles les programmes existants n'ont pas atteint leurs objectifs. Au lieu de cela, on suppose automatiquement qu'il faut simplement adopter un nouveau programme pour réparer le gâchis causé par l'ancien.

Il est aussi question de mesures d'encouragement à l'embauche de chômeurs dans le document de travail. Pareils programmes prévoient souvent que le gouvernement paie une partie du salaire du travailleur pour lui permettre d'acquérir une


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expérience de travail utile. De prime abord, cela semble excellent. Cependant, de tels programmes ont tendance à réorganiser les emplois au lieu d'en créer de nouveaux.

Qui plus est, lorsque les mesures de stimulation de l'emploi prennent fin, les entreprises rayent simplement de leur liste de paye les employés auparavant subventionnés, et le cycle recommence. Un autre chômeur est pris en charge dans le cadre du programme et il finit par être abandonné peu après. Ce n'est pas la solution au problème. Après avoir étudié la question des programmes de subvention, l'OCDE a conclu qu'ils coûtaient plus cher que les avantages qu'on en retirait.

Le document dont nous sommes saisis traite aussi du régime d'assurance-chômage. Il est certain qu'une réforme s'impose à ce chapitre, mais le ministre devrait savoir que le simple fait de rebaptiser l'assurance-chômage pour qu'elle s'appelle désormais l'assurance-emploi n'épargnera pas un cent aux contribuables canadiens et ne créera pas un seul emploi dans la conjoncture économique actuelle.

Au moins, à l'égard de l'assurance-chômage, le document propose deux solutions assez claires. Encore une fois, cependant, aucune analyse coûts-bénéfices n'est présentée à ce sujet. Combien cela coûtera-t-il de plus? Nous ne pouvons répondre à cette question, et c'est justement pour cela que le document de travail laisse à désirer comme outil de consultation dans la conjoncture financière actuelle. Il y a des décisions financières difficiles à prendre, et ce document de travail ne semble pas tenir compte des choix que devront faire non seulement la Chambre des communes, mais aussi l'ensemble des Canadiens.

Le document de travail traite aussi du financement de l'éducation. Il est certain que l'alphabétisation et l'acquisition continue du savoir sont des idées d'avant-garde, mais quelles sont leurs modalités d'application? Comment le gouvernement accroîtra-t-il le taux d'alphabétisation et améliorera-t-il l'accès à l'éducation? C'est peut-être cette partie du document qui présente le moins de suggestions réalistes et détaillées. C'est dommage, puisque, de l'aveu même du gouvernement, l'éducation est un facteur clé de la productivité et de la croissance économique.

Outre le statu quo, deux options s'offrent à nous, à savoir l'utilisation des REER pour financer l'éducation et la formation ou un système de prêts aux étudiants en fonction du revenu.

En ce qui concerne d'abord l'utilisation des REER, le gouvernement a déjà mis ces derniers au service de sa politique sociale. Il ne veut pas s'attaquer à la vraie cause du problème: les dépenses publiques excessives. Les REER ont été utilisés pour stimuler le secteur du logement en aidant les acheteurs d'une première maison. Le gouvernement songe maintenant à les utiliser pour l'éducation.

(1340)

On ne peut remédier à l'incapacité grandissante du Canada de financer ses programmes essentiels au détriment des REER, même si cela peut sembler une bonne idée non seulement pour les études de la personne en cause, mais encore pour sa retraite. En fait, le gouvernement doit plutôt supprimer les dépenses inutiles afin de contrer les effets paralysants de notre dette qui monte en flèche.

En ce qui touche la question des prêts aux étudiants en fonction du revenu, j'invite simplement les députés à se reporter au projet de loi d'initiative parlementaire qui a justement été présenté par le chef du Parti réformiste. Nous invitons les députés d'en face à lire le livre bleu. J'ai pris grand plaisir à voir le ministre des Finances passer du livre rouge au livre mauve et au livre gris. Je ne doute pas qu'un de ces jours il comprendra et acceptera le livre bleu.

Le deuxième objectif de l'examen de la sécurité sociale du gouvernement est de soutenir les plus vulnérables. Nous, du Parti réformiste, souscrivons aussi à cet objectif. Je répète, toutefois, que nous divergeons d'avis quant à ce qu'il faut faire pour atteindre cet objectif. Le rôle de la politique sociale doit être de rechercher l'équilibre entre la responsabilité personnelle et la responsabilité de prendre soin de nous-mêmes et de notre famille, ainsi que de tous ceux qui ont besoin de soins de santé publics et privés; bref, il faut mieux cibler l'aide et le soutien.

Depuis les années 60, le gouvernement a créé une foule de programmes qui ont incité les gens à être moins responsables et poussé nombre de Canadiens à dépendre de l'État pour leur subsistance. Nous savons quels effets dévastateurs cela a eus.

L'examen du régime de sécurité sociale vise un troisième objectif, soit de garantir que nous ayons les moyens de conserver les programmes sociaux. Nous appuyons cet objectif. Cependant, comment va-t-il être réalisé? Dans le livre vert, dont nous sommes maintenant saisis, on dit que le problème de la dette doit être réglé parce qu'il est vraiment dommageable pour les emplois et la sécurité. Où donc était le ministre? La dette nuit à l'emploi et à la sécurité depuis pas mal de temps déjà.

Le ministre devrait peut-être prêter davantage attention à ce que dit son collègue, le ministre des Finances. Ce dernier admet en effet que la dette et le déficit font mal à l'économie en ce moment même. En fait, ils handicapent notre compétitivité. Ce que nous savons, c'est que, mis à part le programme d'assurance-chômage qui s'autofinance, nous consacrons annuellement au service de notre dette de 535 milliards de dollars 42 p. 100 des recettes fédérales.

Le ministre du Développement des ressources humaines comprend-il à quel point cela a des répercussions importantes sur notre capacité de financer des programmes sociaux? Qu'en est-il de la possibilité d'une récession? Cela pourrait se produire avant que le gouvernement n'atteigne ou dépasse de façon marquée son objectif de réduction du déficit à 3 p. 100 du PIB. Quelle incidence cette situation aura-t-elle sur les recettes du gouvernement? Cela pourrait entraîner une chute de ces recettes, une augmentation des taux d'intérêt et peut-être la montée en flèche de la dette. Je crains fort alors pour le sort de nos programmes sociaux et de l'assurance-maladie dans ces circonstances.

Il existe un autre problème grave concernant le processus d'examen d'un point de vue financier, à savoir l'exclusion du Régime de pensions du Canada et de la sécurité de la vieillesse de tout le processus. Si l'on conserve le cadre actuel, ces deux programmes deviendront plus coûteux à cause de changements démographiques et, avec cette expansion, les charges sociales des entreprises augmenteront, ce qui entraînera des suppressions d'emplois et une insécurité accrue sur le plan économique. Ce n'est que symptomatique d'un problème plus large. Si l'on ne fait rien, la croissance des dépenses sociales et l'intérêt sur la


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dette absorberont toutes les recettes gouvernementales d'ici l'an 2010.

Je le répète, la vision libérale traditionnelle face à la politique sociale qu'on retrouve dans ce document de travail nie les réalités financières actuelles. Il est essentiel de reconnaître l'extrême gravité de notre problème de déficit et de réduire les dépenses sociales, si nous voulons être encore en mesure d'aider les gens vraiment dans le besoin.

(1345)

Les compressions de dépenses ne sont pas cruelles. Voici le conseil que le ministre des Finances a donné à notre Comité des finances:

Si des gens se présentent devant vous et affirment que le moment est mal choisi pour effectuer des compressions, demandez-leur de vous dire dans quelle mesure il est moral et juste de laisser notre dette monter en flèche, sans prendre de mesures pour remédier à la situation, et de ruiner ainsi l'avenir de nos enfants.
C'est une déclaration importante dont on doit tenir compte lorsqu'on se penche sur cet examen de notre système de sécurité sociale. Lorsqu'on prend cet examen dans le contexte de la situation économique actuelle du Canada, il y a un fait très important qui ressort et dont on tient peu compte dans le livre vert. Cet examen doit déboucher sur des compressions de dépenses. Soixante-dix-huit pour cent des personnes interrogées ont déclaré que ce devait être notre objectif.

Le ministre des Finances a reconnu cette réalité dans son discours du budget de février lorsqu'il a déclaré que l'époque où le gouvernement. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Je demanderais l'assistance de la Chambre. Les 10 minutes sont certainement écoulées. Je sais que ce n'est pas bien long, 10 minutes, pour traiter d'une question aussi importante. Si la Chambre accepte que le député termine ses observations, nous nous dispenserons de la période de questions et d'observations de cinq minutes.

Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, je vous en suis fort reconnaissant.

Si le gouvernement désire atteindre son objectif d'aider les gens à trouver et à garder un emploi, à protéger les personnes vulnérables et à faire en sorte que les services soient abordables, il doit reconnaître que des réductions majeures s'imposent dans les dépenses. Ce n'est que lorsque la situation financière du pays sera maîtrisée que nos programmes sociaux ne seront plus menacés.

Compte tenu de cela, il y a lieu de critiquer le ministre du Développement des ressources humaines d'avoir négligé d'insérer des détails financiers dans le document de travail. Si le gouvernement poursuit sa politique actuelle à l'égard de la réforme sociale et refuse d'apporter les réductions nécessaires dans les dépenses, le jour viendra où le Canada ne pourra plus s'occuper de ceux qui sont vraiment dans le besoin. Les réformistes sont beaucoup trop responsables pour laisser cela se produire.

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que j'interviens aujourd'hui à la Chambre pour prendre la parole au sujet de la motion du gouvernement sur la réforme de nos programmes sociaux. En effet, il est encourageant de voir le Parti libéral, qui est le grand responsable de toutes ces expériences ratées en sociologie appliquée, concéder enfin que ses programmes ne fonctionnent pas et ne sont pas viables.

Le Canada est actuellement en butte à des attaques. Ce sont des attaques beaucoup plus sérieuses que celles que nous pourrions subir en temps de guerre. Ces attaques prennent la forme d'un déficit et d'une dette qui nous submergent. Le ministre des Finances a fini par s'en rendre compte. La semaine dernière, il a déclaré que nous étions endettés jusqu'au cou et que cet endettement ne faisait pas qu'influer sur la création d'emplois, mais constituait une menace pour nos programmes sociaux.

Je suis heureux que l'on tienne aujourd'hui ce débat parce que les programmes sociaux dont il est question représentent une énorme part du budget du gouvernement fédéral. Il nous faut trouver un moyen de réaliser ces programmes à moindres frais et mieux. Selon moi, c'est possible. Voilà des années que nous jetons notre argent par les fenêtres sans parvenir à régler ces problèmes. Loin d'améliorer la situation, nous l'avons empirée.

Je me réjouis de la tenue du débat d'aujourd'hui, mais j'aimerais que les enjeux soient clairs. Cet exercice doit nous faire réaliser des économies. Cela ressort clairement de l'étude dont fait état aujourd'hui le Financial Post et qui conclut que les contribuables canadiens souscrivent au processus en cours ici parce qu'ils sont convaincus qu'il représente une mesure destinée à réaliser des économies, ce dont nous avons tous désespérément besoin. Je tiens à insister là-dessus. Le gouvernement n'a pas à en rougir. C'est précisément ce que la population souhaite et réclame.

La tentative des libéraux en vue de modifier ou réorienter la société est plus particulièrement perceptible dans les programmes sociaux qui constituent une mainmise directe sur la famille. Le dossier des frais de garde d'enfants et de l'État qui joue le rôle de bonne d'enfants est un exemple frappant de ce type d'ingérence. Aujourd'hui, je vais passer en revue les idées et les programmes actuels du Parti libéral et proposer la solution praticable du Parti réformiste.

Dans le document de travail des libéraux sur la sécurité sociale, la garde des enfants en établissement apparaît comme une priorité en cas de réforme des programmes sociaux. Il dit que nous devons fournir aux parents qui travaillent des services de garde de qualité. Toutefois, qui pourrait offrir de meilleurs soins aux enfants que leurs propres parents? Aucun programme du gouvernement ni initiative gouvernementale, peu importe sa conception ou les sommes qu'on y consacre, ne peut donner aux enfants l'amour et l'affection des parents ou leur assurer des soins d'une qualité que seuls des parents peuvent donner.

(1350)

Lorsqu'on lui a posé une question au sujet des services de garde non officiels, comme la famille, les amis et les voisins, le ministre a déclaré à la Chambre que les parents étaient forcés de travailler pour obtenir un revenu suffisant. Il aurait dû dire un revenu disponible suffisant, car presque tous les Canadiens ont


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un revenu suffisant. Or, les divers paliers de gouvernement en prélèvent plus de la moitié. Ce sont les impôts excessifs qui obligent les deux parents à travailler.

Lorsque mes collègues du Parti réformiste et moi-même sommes arrivés à Ottawa, nous avons promis d'offrir un choix constructif, d'être ouverts et honnêtes et de participer aux débats en offrant nos meilleures solutions. Nous l'avons fait de bien des façons, notamment en présentant un plan pour éliminer le déficit en trois ans et un guide d'orientation fort complet, le livre bleu.

Aujourd'hui, j'affirmerai très clairement à la Chambre quelle est la position du Parti réformiste sur la réforme des programmes sociaux s'adressant aux enfants. Je donnerai aussi au ministre certaines indications claires quant aux domaines où il pourrait réduire les dépenses ou, en fait, dépenser plus efficacement.

Le Parti réformiste est d'avis que la garde des enfants est du ressort familial et que, dans notre société canadienne, la responsabilité de combler les besoins des enfants, de leur assurer les soins requis et de les élever devrait incomber entièrement aux parents. Les programmes actuels du gouvernement fédéral empiètent sur la vie privée et restreignent le choix des parents quant au meilleur type de garde pour leurs enfants.

Le gouvernement doit mettre en place un régime fiscal et un régime de prestations équitables afin que les parents puissent adéquatement assurer la garde de leurs enfants, et ce, de la façon qu'ils préfèrent. Le gouvernement doit respecter l'exclusivité de l'autorité et des responsabilités parentales. Le seul rôle direct que le gouvernement devrait jouer est celui d'intervenant, dans les cas d'abus ou de négligence, pour protéger les enfants.

Selon le livre écrit à l'encre rouge, le gouvernement libéral consacre déjà annuellement plus de 400 millions de dollars d'impôts aux services de garde officiels et il prévoit dépenser 720 millions de dollars de plus au cours des trois prochaines années. Étant donné qu'on a récemment découvert que le déficit était effectivement aussi grave que nous l'avions dit depuis toujours, comment peut-on justifier cette dépense? Un gouvernement réformiste fermerait toutes les garderies publiques.

Nous croyons que le gouvernement fédéral ne devrait pas s'occuper, de quelque façon que ce soit, des programmes de garde d'enfants. S'il faut absolument réglementer les services, alors que ce soit au palier de gouvernement le plus près des Canadiens qui reçoivent ce service, car c'est ce gouvernement qui peut assurer ce service de la manière la plus efficace qui soit. La réglementation des garderies est de compétence provinciale et devrait le rester. Il faudrait mettre fin à la participation et au financement du gouvernement fédéral sur le chapitre des garderies.

Ne nous méprenons pas. Depuis longtemps, les gouvernements fédéraux justifient leur ingérence dans les questions de compétence provinciale en disant que les provinces ne sont pas capables de tout financer elles-mêmes. Si les provinces ne le peuvent pas, c'est parce que c'est trop cher. L'argent, peu importe le palier de gouvernement, vient d'une seule source: les contribuables. Si les contribuables ne peuvent se payer un service à l'échelon provincial, pourquoi le gouvernement libéral penserait-il qu'il peut se payer ce service?

Le programme de soutien des familles de militaires est une autre petite bureaucratie au sein du ministère de la Défense nationale qui coûte aux contribuables 16 millions de dollars par année et qui ne profite directement à aucun enfant. On pourrait aussi économiser 100 millions de dollars en éliminant le Bureau des enfants de Santé Canada. Ce bureau n'a pas été mis sur pied par les libéraux. C'est un projet que l'ancien gouvernement de Brian Mulroney aimait bien. Personne ne s'opposera à ce que le gouvernement libéral élimine cette importante bureaucratie créée par les conservateurs qui ne fait qu'étudier les garderies et préconiser une sexualité sans risque. Une infime partie de ce 100 millions de dollars profite directement aux enfants.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien consacre 270 millions de dollars à divers programmes de garderie. Ces fonds vont, en grande partie, à des institutions et à des soi-disant professionnels. Le Parti réformiste estime que c'est inacceptable, que cela doit cesser.

La déduction pour frais de garde d'enfants est un exemple de l'injustice flagrante de notre régime fiscal. Cette déduction, qui établit une discrimination contre les parents qui restent à la maison, représentera un manque à gagner de plus de 1,5 milliard de dollars, tandis que les plus petites allocations complémentaires s'élèvent à 400 millions de dollars.

(1355)

Il y a plusieurs solutions de rechange intéressantes à cette situation, mais le fait est que toute allocation qui est donnée aux parents pour prendre soin de leurs enfants doit être accordée également, qu'ils travaillent ou non.

Il y a quelques semaines, le secrétaire parlementaire du ministre des Finances a rejeté à la Chambre un projet de loi qui aurait permis aux parents de partager une partie de leur revenu aux fins de l'impôt. Une telle mesure aurait introduit en partie l'équité et la justice que nous cherchons, en tant que parti. Elle aurait également reconnu la valeur du travail des parents qui restent à la maison et qui sont en majorité des femmes.

Ce gouvernement aime bien dire qu'il défend les droits des femmes et qu'il préconise l'égalité pour les femmes. En fait, il a même nommé une secrétaire d'État chargée des présumées questions concernant les femmes. Je me demande de quelles questions s'occupe ce secrétariat. S'agit-il de questions défendues par le CCN et le lobby des garderies? On ne défend certainement pas les intérêts et les préoccupations des parents canadiens qui travaillent, et dont la majorité voudrait que l'un des deux parents puisse rester à la maison pour élever les enfants. C'est ce que révèle clairement un récent sondage Angus Reid sur la famille.

Nous croyons que la réforme fiscale doit constituer un aspect fondamental de toute véritable réforme des programmes sociaux. Le Parti réformiste croit que l'application d'un impôt uniforme permettrait de réduire considérablement les coûts administratifs et rendrait l'impôt équitable.

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Dans le cas des enfants, le Parti réformiste continuerait de tenir compte des coûts liés aux soins qui leur sont donnés, au moyen d'un crédit d'impôt qui serait offert aux familles ayant des enfants à charge et qui ont besoin d'une aide financière. Le crédit, qui occuperait une simple ligne de la déclaration de revenus, s'appliquerait directement aux impôts de chaque année. Ce système assurerait un traitement équitable pour toutes les familles et laisserait aux parents la liberté de choisir eux-mêmes la meilleure façon de prendre soin de leurs enfants.

La politique centrée sur la famille, que prône le Parti réformiste, comporterait des retombées évidentes. La famille constitue le milieu le plus propice au bien-être des enfants. Les statistiques montrent que les enfants qui ne sont pas élevés par leurs parents sont plus susceptibles de tomber dans la criminalité, d'avoir de piètres résultats scolaires et de devenir un fardeau pour le filet de sécurité sociale. Nous devons, dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens, que ce soit sur le plan financier ou autre, faire en sorte que les enfants reçoivent les meilleurs soins possibles, c'est-à-dire ceux que la famille est en mesure de leur prodiguer.

J'ai mentionné des secteurs d'activité où le gouvernement libéral pourrait réaliser des économies de l'ordre de centaines de millions de dollars. J'ai décrit des moyens fondamentaux qui permettraient de rendre les programmes sociaux pour enfants plus équitables et offriraient plus de possibilités aux parents.

Ne nous occupons plus directement des garderies, créons plutôt un système d'impôt équitable et laissons aux familles la liberté de prendre leurs propres décisions. Les besoins et les préoccupations des familles doivent venir en premier. Nous pouvons atteindre nos objectifs en matière de réduction de déficit, sauver le filet de sécurité sociale. . .

Le Président: Cher collègue, il vous reste quelques minutes. Nous avons évidemment hâte d'arriver au point culminant de votre discours, après la période de questions.

Comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe aux déclarations de députés en vertu de l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA JUSTICE

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, le 30 septembre, la Cour suprême du Canada-entendant un certain Henri Daviault déclarer ne pas savoir ce qu'il faisait lorsqu'il a arraché une femme de 65 ans de son fauteuil roulant pour la violer-, a accepté l'état d'ébriété comme moyen de défense.

Quand la plus haute instance au Canada acquitte un homme accusé de viol sous prétexte qu'il était en état d'ébriété, c'est revenir 100 ans en arrière, alors que la femme n'avait pas le statut de personne. C'est de l'insensibilité. C'est une attaque. L'état d'ébriété n'est pas une excuse pour commettre un crime contre une femme.

Au nom de toutes les femmes, je demande instamment au ministre de la Justice de se ranger sans attendre à la recommandation de la Commission de réforme du droit, selon laquelle un degré dangereux d'intoxication peut constituer une infraction criminelle.

* * *

[Français]

LES PEUPLES AUTOCHTONES

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones vient d'annoncer qu'elle reporte pour une deuxième fois la date de son rapport final. Ce rapport qui a déjà coûté 58 millions de dollars ne sera disponible qu'au début de 1996. Les peuples autochtones aux prises avec une pauvreté accablante, des taux de chômage et de suicide inégalés, avec des conditions de logement qui font la honte du Canada dans le monde n'ont pas besoin d'étude supplémentaire.

Pendant que la commission étudie à outrance, le gouvernement prend des décisions à la pièce ou les reporte après le rapport de la commission qui ne fera que constater les évidences.

Les 58 millions auraient mieux servi à la construction de 1 000 maisons. Le ministre devrait enfin passer à l'action et consacrer aux autochtones les fonds essentiels à leur avenir qu'une commission royale est présentement en train de gaspiller.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, cela fait plus de deux ans qu'un troupeau de 800 alpagas appartenant à des Canadiens est bloqué en Australie en attendant qu'Agriculture Canada donne le feu vert pour leur expédition. Ces animaux proviennent de Nouvelle-Zélande, où il se peut qu'ils aient été contaminés par un neuroparasite, E-Cervi, transmis par des cerfs.

Il n'existe aucune preuve indiquant que les alpagas peuvent être porteurs de ce parasite et le transmettre, mais il n'existe pas non plus de preuve du contraire. Le parasite peut rester inactif pendant plusieurs années. Il n'existe aucun test clinique pour le détecter.

On se demande pourquoi le ministère de l'Agriculture se préoccupe plus de la santé des animaux au Canada que le ministère de l'Immigration de la santé et du bien-être des Canadiens. Chaque année, des milliers d'immigrants sont admis au Canada sans qu'on leur fasse subir un test de détection du VIH. Les vecteurs de transmission de ce virus sont bien connus. De nombreuses années peuvent s'écouler avant que les porteurs du VIH ne souffrent des symptômes du sida, mais le virus est facilement décelable au moyen. . .

Le Président: Le député de Moncton a la parole.


7092

[Français]

LES FORÊTS

M. George S. Rideout (Moncton, Lib.): Monsieur le Président, pendant la pause parlementaire, le Canada et la Malaisie ont été l'hôte d'une conférence internationale ici, dans la capitale.

[Traduction]

Cette conférence a porté essentiellement sur les efforts nécessaires pour améliorer les méthodes de gestion durable des forêts du monde. Le fait que le Canada, la Malaisie et d'autres participants aient réussi à s'entendre sur un processus qui raffermit les objectifs établis à Rio en 1992 est lourd de signification. La direction que nous assurons et notre engagement dans ce processus montrent bien l'importance critique des forêts pour le bien-être économique et social de notre pays, et notre volonté de favoriser le développement durable.

Cette rencontre, comme les suivantes, pourrait bien donner lieu à un engagement ferme de tous les pays possédant des forêts, à l'égard d'un développement durable à l'échelle de la planète.

* * *

L'UNIVERSITÉ DE GUELPH

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, un centre d'information des jeunes libéraux sur le gouvernement et les politiques vient d'ouvrir ses portes à l'Université de Guelph. Il s'agit d'un organisme de ressources pour les étudiants qui ont besoin d'information sur divers projets et programmes du gouvernement.

Je félicite M. Jeff Paul, président des libéraux de l'Université de Guelph, d'avoir pris l'initiative d'organiser ce centre, après en avoir conçu l'idée. Jeff espère ainsi encourager les étudiants de cette institution à mieux connaître le gouvernement et favoriser le dialogue et la discussion.

Les jeunes sont nos chefs de gouvernement de l'avenir. Les centres de ressources comme celui-là peuvent aider les étudiants à comprendre les programmes gouvernementaux, mais surtout, ils peuvent encourager leur participation au processus de prise de décision.

Je souhaite tout le succès possible à Jeff Paul et à tous ceux qui sont associés à cet important projet.

* * *

LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, il y a eu sept ans mercredi, le 18 octobre, les principaux dirigeants du monde se réunissaient pour discuter du rapport de l'ONU, Notre avenir à tous.

Ce rapport confirmait que partout dans le monde il y avait conflit entre les activités humaines et l'environnement. Il invitait à passer de toute urgence à des pratiques durables.

Depuis sept ans il y a eu beaucoup de discussions. Certaines choses sont maintenant faites plus efficacement. Nous gaspillons un peu moins et nous recyclons beaucoup plus, mais essentiellement les façons de faire de notre société sont restées inchangées et notre bien-être à long terme est sérieusement menacé.

Une partie du problème vient du manque de clarté du terme. Les gens l'interprètent de différentes façons, ce qui conduit à des mises en oeuvre différentes de la notion de développement durable.

Un certain nombre d'initiatives gouvernementales actuellement en cours doivent aider à préciser ce que l'on entend par cette expression, pour que l'on s'oriente enfin vers la durabilité, c'est-à-dire la permanence. Nous devons faire en sorte de ne pas compromettre par nos actions les besoins des futures générations.

* * *

[Français]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, malgré la promesse du premier ministre lors du congrès du Parti libéral du Canada en mai dernier, malgré la promesse maintes fois répétée du ministre de la Justice en cette Chambre, les Québécois et les Canadiens attendent toujours une loi sur un meilleur contrôle des armes à feu. On savait ce gouvernement enclin à l'inertie, perméable aux influences néfastes et occultes des groupes de pression, mais on ne savait pas que l'action de quelques grands lobbies était plus importante aux yeux de ce gouvernement que la sécurité de la population.

Les événements de la semaine dernière en Ontario allongent la triste liste des victimes de cette absence d'un contrôle efficace des armes à feu.

(1405)

En fin de semaine, le premier ministre tentait de se faire rassurant en disant: «Le plus tôt sera le mieux.» Quand? Ça fait un an que les Québécois et les Canadiens attendent!

* * *

[Traduction]

LA CAMPAGNE DU RUBAN BLEU

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, nous avons l'occasion aujourd'hui d'honorer les hommes et les femmes des Forces canadiennes qui ont participé à des missions de maintien de la paix, dans le monde entier, de façon professionnelle et courageuse.

Il faut noter que notre participation à 26 missions de l'ONU a valu à nos soldats huit prix Nobel de la paix. Chaque jour, les soldats canadiens se méritent le respect du monde, alors qu'au Canada la reconnaissance est faible.

C'est pour cela que Mme Jocelyne Fleurant, de Colombie-Britannique, la mère courageuse d'un de ces soldats de maintien de la paix, a lancé la campagne du ruban bleu.


7093

Mme Fleurant a distribué 44 000 rubans bleus pour cette journée particulière. Dans sa lettre elle dit: «Nous devrions tous nous lever et affirmer notre fierté, nous devrions unir nos voix pour exprimer aux soldats canadiens de maintien de la paix la reconnaissance qu'ils méritent.»

J'invite tous les députés à honorer ces Canadiens et Canadiennes qui nous ont si bien représentés. Portons notre ruban bleu avec fierté. Montrons-leur que nous pensons à eux.

* * *

LA RAFFINERIE IRVING

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, la section locale 691 du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier est en grève à la raffinerie Irving de Saint John, au Nouveau-Brunswick.

La société Irving insiste pour rallonger la semaine de travail et réduire la rémunération des heures supplémentaires. Non seulement elle cherche ainsi à éviter le processus national des négociations, mais elle illustre à merveille que des emplois ne sont pas créés là où ils sont désespérément nécessaires.

La société Irving peut créer 30 emplois à temps plein, soit l'équivalent de ce qui est demandé sous forme d'heures de travail additionnelles, mais elle préfère recourir à des briseurs de grève.

Il est grand temps que tous les paliers de gouvernement qui ne l'ont pas fait adoptent des mesures interdisant le recours à des briseurs de grève. Il est inadmissible que des travailleurs aient à faire la grève pour faire augmenter les débouchés pour les chômeurs et voient ensuite leur travail confié à des briseurs de grève.

* * *

M. BERTRAM BROCKHOUSE

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens à la Chambre aujourd'hui pour rendre hommage à l'un de nos concitoyens, Bertram Brockhouse, qui a reçu avec l'Américain Clifford Shull, le prix Nobel 1994 de physique décerné par l'académie royale des sciences de la Suède.

M. Brockhouse a remporté cette prestigieuse récompense pour avoir ouvert la voie aux techniques de diffusion neutronique servant à l'étude de la matière.

M. Brockhouse a été récompensé pour ses travaux sur les réacteurs de recherche de l'EACL, pendant son affectation aux laboratoires de Chalk River de 1950 à 1962. Entre autres réalisations, il a inventé le spectromètre à trois axes, un instrument puissant dont il s'est servi avec grand succès pour définir les propriétés des solides et des liquides au niveau atomique. Cet instrument est aujourd'hui utilisé partout dans le monde, dans tous les grands laboratoires de diffusion neutronique.

M. Brockhouse a donc placé le Canada au premier rang dans le domaine de la diffusion neutronique. Je profite de l'occasion pour le féliciter.

LES PILOTES DE CHASSE DE L'ÉQUIPE CANADIENNE

M. Fred Mifflin (Bovavista-Trinity-Conception, Lib.): Monsieur le Président, en fin de semaine, les pilotes de chasse canadiens ont fait honneur à leur réputation et à leur pays en offrant leur meilleure performance de leur carrière en se classant deuxièmes lors de la 40e compétition Guillaume Tell de tir air-air, qui se tenait en Floride.

L'équipe canadienne, composée de pilotes de la 3e escadre de la base des Forces canadiennes de Bagotville, était dirigée par le capitaine François Garceau, de Saint-Donat, au Québec, qui a terminé deuxième à l'épreuve Top Gun mettant en vedette les pilotes ayant les meilleures performances générales.

Le capitaine Marc Charpentier, de Lasalle, au Québec, a remporté le concours des tireurs. Les capitaines Garceau et Charpentier ont fait équipe pour remporter la principale épreuve de cette compétition.

Les Canadiens sont fiers de leurs militaires qui risquent leur vie pour servir leur pays, que ce soit en remplissant leurs fonctions régulières ou en participant à des missions de maintien de la paix un peu partout dans le monde. Ils sont également fiers des hauts faits des membres des Forces canadiennes qui se distinguent à de rigoureuses compétitions axées sur l'entraînement.

Je suis sûr que tous les députés se joignent à moi pour dire aux pilotes et aux membres du personnel de piste de l'équipe canadienne: «Félicitations à chacun d'entre vous pour votre performance extraordinaire! Bon travail!»

* * *

[Français]

LE COMMERCE INTERNATIONAL

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre, Lib.): Monsieur le Président, la Chine, d'ici quelques années, deviendra peut-être le pays le plus important au monde, du point de vue des exportateurs, surtout pour le Canada, qui dépend beaucoup de ses exportations. L'initiative du premier ministre du Canada d'aller en Chine avec une délégation de premiers ministres des provinces est une étape extrêmement importante et il était nécessaire d'avoir une représentation des plus hauts niveaux du pays pour aller en Chine, afin de démontrer que nous, sur le marché mondial, avons quelque chose à faire en tant que pays d'exportateurs.

(1410)

Donc, je trouve que le premier ministre du Québec devrait reconsidérer sa décision et accepter d'aller en Chine avec les autres premiers ministre du Canada, parce que c'est dans ces moments-là que la solidarité de notre pays est importante en tant que pays exportateur.

* * *

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, le quotidien Le Devoir rappelait en fin de semaine ce que nous savons hélas depuis déjà fort longtemps. En matière de formation de la main-d'oeuvre, le Canada fait piètre figure. On le qualifie, dans cet article, de cancre du G-7 et même de mouton noir de l'OCDE.


7094

Dans son document de travail, le ministre du Développement des ressources humaines reconnaît lui aussi que les programmes de formation sont un véritable fouillis. Le Québec avait dressé ce constat il y a plus de cinq ans au cours du forum pour l'emploi et réclamait dès lors le transfert à son gouvernement de toutes les responsabilités en matière de formation.

Que les gestes du ministre soient conséquents avec son analyse et qu'il annonce enfin le transfert des ressources d'Ottawa vers Québec.

* * *

[Traduction]

L'INFRASTRUCTURE

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, pendant que la saison régulière de la Ligue nationale de hockey demeure en attente, des inondations continuent à frapper la circonscription de Calgary-Centre.

Malheureusement, ce n'est pas la glace de l'Olympic Saddledome qui fond, mais les vieux égouts pluviaux du nord-ouest de Calgary qui débordent. Récemment, les habitants de Calgary ont vu leurs maisons inondées pour la troisième fois cette année, pendant que les travaux de rénovation d'une valeur de huit millions de dollars du vieux Saddledome délabré se poursuivent sans interruption.

Le gouvernement avait décrit les infrastructures comme des installations physiques permettant d'offrir des services publics, et non des services privés. Selon la définition même du gouvernement, il ne s'agit pas ici de moderniser des infrastructures, mais bien de subventionner directement l'entreprise privée.

Je m'interroge sur le sens des priorités du gouvernement lorsque les besoins du monde du sport passent avant ceux du vrai monde.

Ce qui est vieux et délabré à Calgary, ce n'est pas le Saddledome, construit il y a 10 ans, mais la politique de l'assiette au beurre du gouvernement libéral.

Au cas où le gouvernement l'aurait oublié, je lui rappelle que la dette atteint aujourd'hui 535 538 939 082,82 $.

* * *

LE MAINTIEN DE LA PAIX

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui la Journée des Nations Unies. Lester B. Pearson, prix Nobel de la paix, a été à l'origine de l'une des plus importantes fonctions des Nations Unies.

Lorsqu'il était ministre des Affaires extérieures du Canada, M. Pearson a présenté une résolution visant à mettre sur pied la première force de maintien de la paix des Nations Unies, pour intervenir dans la crise du canal de Suez. Cette force était composée en majeure partie de Canadiens. La contribution du Canada aux missions de maintien de la paix est remarquable.

Cette semaine, on nous demande de porter un ruban bleu, comme mon vis-à-vis l'a déclaré, pour rendre hommage à tous ceux qui participent aux missions de maintien de la paix des Nations Unies partout dans le monde.

Au nom des députés, je remercie Mme Jocelyne Fleurant, de la Colombie-Britannique, qui s'est dévouée pour faire la promotion de cette idée. J'invite tous les députés à porter le ruban bleu.

* * *

LA VIOLENCE

L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, les tirs d'arme à feu à l'école Brockton nous forcent à réfléchir à la violence et à sa prévention.

Il est évident que la possession d'armes de poing n'est pas un droit, mais un privilège qui doit être rigoureusement réglementé. L'arme utilisée à Brockton était illégale. L'étudiant a commis un acte violent inacceptable en utilisant une arme parce qu'il se sentait financièrement menacé, et il s'est retrouvé en prison.

Comment pouvons-nous prévenir la violence si les citoyens peuvent se procurer illégalement des armes? Est-ce que des sentences plus lourdes feraient échec à la violence? Apparemment non, si l'on en juge d'après ce qui se passe aux États-Unis.

Je crois que nous devons aller jusqu'aux sources de la violence, c'est-à-dire à ce que nous enseignons à nos jeunes, y compris à la télévision et dans les jeux vidéos, à la qualité de nos services de santé mentale, à la sécurité économique et à la sécurité d'emploi, de même qu'à la qualité du logement social et des services communautaires.

Il est évident que la source de la violence se retrouve au sein même de notre société et de nos familles. Somme toute, les meilleurs moyens de prévenir les actes violents passent par les mesures socio-économiques et la fin de la glorification de la violence.

* * *

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Jag Bhaduria (Markham-Whitchurch-Stouffville, Lib. ind.): Monsieur le Président, il y a une question urgente sur laquelle nous devons nous pencher en tant que parlementaires. Il s'agit du problème que pose l'utilisation illégale d'armes à feu dans les rues de notre pays.

Bien que je félicite le premier ministre de la position qu'il a adoptée relativement à l'enregistrement de toutes les armes à feu au Canada, je crois que d'autres mesures préventives doivent être prises. Le gouvernement doit mettre en place des moyens de dissuasion pour mettre un terme à la violence dans nos rues.

(1415)

En avril dernier, j'ai proposé l'imposition d'une peine obligatoire de 10 ans d'emprisonnement pour toute personne reconnue coupable d'avoir utilisé une arme à feu pour commettre un crime. Je crois fermement que cette peine devrait être imposée en plus de la peine que la personne reçoit normalement pour avoir commis un crime.

7095

Nous devons modifier le Code criminel pour y ajouter cette disposition. Tant que cela ne sera pas fait, les criminels ne comprendront pas le message.

* * *

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Comme vous le savez, monsieur le Président, à propos des droits des couples formés de personnes de même sexe, le gouvernement néo-démocrate provincial a présenté récemment un projet de loi qui aurait eu pour effet de donner aux couples gais et lesbiens des droits qui sont actuellement reconnus aux seuls couples hétérosexuels. Le projet de loi a été rejeté en deuxième lecture et est mort au Feuilleton.

Pour ma part, je m'oppose à toute mesure qui aurait pour effet de mettre les couples homosexuels sur le même pied que les couples hétérosexuels. Je combattrai toutes les formes de discrimination fondée sur des motifs de race, de sexe, de religion ou autre, mais je ne crois pas que les homosexuels devraient être traités comme des familles.

«Ma femme et moi ne prétendons pas être des homosexuels. Pourquoi donc les homosexuels prétendraient-ils former une famille?» La déclaration ci-dessus est tirée d'une lettre que le député libéral de Glengarry-Prescott-Russell a adressée en juin dernier à un de ses électeurs. Le whip libéral veut de toute évidence voter selon sa conscience et selon les voeux de ses électeurs.

J'invite le premier ministre à permettre un vote libre sur cette question afin que le whip ministériel puisse faire exactement cela.

_____________________________________________


7095

QUESTIONS ORALES

[Français]

LES SERVICES FÉDÉRAUX DE RENSEIGNEMENT

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre a affirmé en cette Chambre, le 19 octobre dernier, qu'en 30 ans de vie politique, et je cite: «Il n'a jamais été mis au courant d'aucun espionnage.»

Mais samedi, au sortir d'un conseil spécial des ministres, et à la suite des questions du Bloc sur les confessions de l'espion Mike Frost, et de révélations additionnelles de la veille, au Téléjournal de Radio Canada, le premier ministre a annoncé soudainement avoir donné des directives précises à ses ministres pour les enjoindre de ne pas espionner les citoyens qui mènent des opérations légitimes.

Ma question s'adresse à la vice-première ministre. Quand le premier ministre a-t-il appris que des services fédéraux espionnent ou ont espionné des citoyens canadiens engagés dans des activités légitimes?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, c'est exactement ce que le premier ministre n'a pas affirmé. Ce qu'il a dit, ce qu'il a répété en Chambre, ce qu'il a répété samedi, ce qu'il répète à tout le monde, c'est qu'il n'a jamais, jamais, jamais participé à aucun espionnage d'aucun parti politique. Il demande la même courtoisie de la part de tous les Canadiens. C'est ce qu'il a affirmé samedi, c'est ce qu'il a affirmé la semaine dernière, et c'est justement la politique du gouvernement.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, la vice-première ministre nous dit que le premier ministre n'a jamais participé à des activités d'espionnage. Ce n'est pas la question. Elle concerne l'État fédéral, les services fédéraux.

Selon des informations officielles divulguées en 1991, les activités d'intelligence et de sécurité du CST relèvent du Conseil privé, donc du premier ministre. Par conséquent, le premier ministre actuel a un accès direct aux renseignements qui ont été colligés dans le passé par le CST.

Je demande donc si, dans le contexte des récentes révélations, le gouvernement a spécifiquement vérifié auprès du CST si des personnalités souverainistes comme René Lévesque ou Jacques Parizeau ou Louise Beaudoin ont déjà fait l'objet de surveillance électronique ou autre.

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, les prétentions du député sont fausses. Deuxièmement, le premier ministre lui-même, samedi, a défendu le droit des séparatistes de s'exprimer et de faire tout leur travail de façon légitime. Je me pose la question: Est-ce qu'il parle maintenant de ce qui aurait pu être une politique du passé? Est-ce qu'il n'accepte pas la parole du premier ministre qui, lui-même, affirme le droit de tous les Canadiens, y compris des séparatistes, de faire leur travail sans être examinés ou espionnés par qui que ce soit? Est-ce qu'il n'accepte pas la parole du premier ministre?

(1420)

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je n'accepte pas de réponses pleines de trous qui permettent toutes les réalités dissimulées. Il y a ceux qui savent et il y a ceux qui ne veulent pas savoir. Il est évident que le premier ministre et la vice-première ministre sont de la seconde catégorie, des gens qui préfèrent se fermer les yeux, les oreilles et le nez.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Ils préfèrent se fermer les yeux et se boucher le nez pour ne pas voir, pour ignorer des gestes illégaux.

Je demande à la vice-première ministre, comme gardienne, et au gouvernement qui est gardien lui aussi, d'une façon plus large, des droits fondamentaux, de nous dire, et la question est la même que je posais tout à l'heure et je veux une réponse précise: Est-ce que le gouvernement a vérifié auprès du CST si ce dernier a déjà espionné René Lévesque, Jacques Parizeau ou Louise Beaudoin?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit vendredi dernier, le premier ministre l'a affirmé la semaine dernière et il l'a répété samedi: Le CST n'a pas le mandat d'espionner aucun Canadien, y compris les membres du Parti québécois, le Bloc québécois, le Parti réformiste, les libéraux ou


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n'importe quel parti politique. On n'a pas le droit de faire de l'espionnage. Est-ce assez clair?

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

Samedi, à la sortie d'une réunion de stratégie du Conseil des ministres, le premier ministre a tenté de minimiser l'ampleur des révélations relatives aux activités d'espionnage des services fédéraux. Il a prétendu qu'il ne s'intéressait pas à ces choses, ni à ce qui s'est fait sous les précédentes administrations, y compris celles dont il fut membre.

La vice-première ministre peut-elle nous dire ce que le gouvernement a appris de si important ces derniers jours pour l'inciter à donner des directives claires, afin que cesse l'espionnage de citoyens engagés dans des activités politiques légitimes?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, les députés d'en face cherchent un filon à exploiter, mais ils ne regardent pas du bon côté.

Personne n'a été pris la main dans le sac. Le premier ministre a réaffirmé la position du gouvernement: la loi n'autorise l'organisme en question à espionner ni les Canadiens, ni les partis politiques légitimes.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, je désire poser une question supplémentaire à la vice-première ministre.

Doit-on comprendre que le premier ministre a émis ces directives de fin de semaine à la sauvette aux seules fins de calmer l'opinion publique, suite aux révélations très sérieuses relatives à des agissements illégaux des services fédéraux de renseignement?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre a affirmé samedi, comme il l'a fait la semaine dernière, et comme je l'ai fait vendredi, comme nous le ferons certainement à la suite de plusieurs questions demain et après-demain, que le CST n'a pas le mandat d'espionner aucun Canadien. Le premier ministre, démocrate qu'il est, a renforcé l'idée qu'aucun député ne devrait être espionné, aucun parti politique ne devrait l'être, y compris les séparatistes. Parce que c'est un démocrate, il est capable de travailler sur le champ de bataille avec les séparatistes et le vrai champ de bataille, c'est le référendum, quand ils auront le courage d'en fixer la date.

* * *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, l'Institut C.D. Howe n'a pas mâché ses mots pour dire que l'objectif de réduction du déficit à 3 p. 100 du PIB trahissait l'absence de sentiment d'urgence, et nombreux sont ceux qui doutent que le gouvernement saisisse l'occasion de mettre de l'ordre dans ses finances.

L'Institut C.D. Howe, le Globe and Mail, le Financial Post et divers autres observateurs se font les porte-parole d'un groupe de plus en plus nombreux qui reproche au ministre des Finances de ne pas prendre de mesures décisives pour ramener le déficit à zéro.

La croissance économique que le Canada connaît temporairement donne au gouvernement une excellente occasion de mettre de l'ordre dans ses finances. Voici la question que je veux poser au ministre des Finances: Le gouvernement va-t-il renoncer à son objectif timide de réduction du déficit à 3 p. 100 du PIB pour en fixer un plus ambitieux, soit l'élimination complète du déficit d'ici la fin de son mandat actuel?

(1425)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, l'Institut C.D. Howe a fait une contribution très utile au débat. Je souhaite seulement que le Parti réformiste l'imitera en tentant de contribuer utilement au débat lui aussi.

Je répondrai simplement que nous allons nous en tenir à notre objectif de 3 p. 100 parce que c'est, et de loin, la meilleure façon d'amener tout le monde à prendre les choses au sérieux. Le député sait fort bien que notre objectif ultime est d'éliminer le déficit.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à donner au ministre des Finances l'assurance que le Parti réformiste fait tout son possible pour l'aider à convaincre les députés de son caucus d'agir comme il se doit et de réduire les dépenses gouvernementales.

En vertu du plan de réduction du déficit proposé par le ministre, dans à peine trois ans, notre dette aura augmenté de 100 milliards de dollars et l'intérêt à payer sera passé de 40 milliards à 50 milliards de dollars par année. Si le gouvernement ne peut faire mieux, nous serons dans une situation désastreuse lorsque l'économie connaîtra un nouveau ralentissement, voire une récession.

Comme notre économie n'est pas à l'abri des récessions, le ministre des Finances est-il prêt à risquer d'affronter la prochaine récession avec un déficit de 25 milliards de dollars, 50 milliards de dollars à payer au titre des intérêts annuels et une dette nationale totalisant 630 milliards de dollars?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, de toute évidence, le député a suivi les exposés de la semaine dernière. Il semble maintenant comprendre la notion d'intérêt composé, et je l'en félicite.

Cela dit, j'inviterais maintenant le député et son parti à imiter l'Institut C.D. Howe cité dans le préambule de la question et à commencer à faire des suggestions constructives sur les façons d'atteindre nos objectifs, au lieu de planifier la prochaine récession.


7097

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances sait pertinemment que nous avons présenté des plans qui pourraient l'aider à atteindre l'objectif qu'il nous a invités à réaliser. Nous sommes disposés à travailler d'une manière constructive.

Il a fallu un an au ministre pour reconnaître que le Parti réformiste avait raison et pour admettre que lui s'était trompé quant à la réalisation de ses timides objectifs de réduction du déficit. J'espère qu'il tiendra compte de nos conseils un peu plus rapidement cette fois-ci.

Pour l'exercice 1996-1997, le ministre a prévu un fonds de prévoyance de trois milliards de dollars. S'il appliquait ce fonds à la réduction du déficit, il atteindrait déjà la moitié de son objectif.

Le Président: Les questions sont un peu longues aujourd'hui. C'est sans doute parce que c'est lundi. Je demanderais au député de poser sa question sans plus tarder.

M. Hermanson: Monsieur le Président, le ministre des Finances peut-il nous dire si les réductions qu'il prévoit faire tiennent compte du fonds de prévoyance de trois milliards de dollars ou si ses objectifs de réduction du déficit sont si timides qu'il doive compter sur son fonds de prévoyance pour les atteindre?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, la réponse à la question du député se trouve à la page 10 du livre gris. Je l'invite à la lire, elle n'a qu'un paragraphe et demi. Qu'il en profite pour lire le reste du document, car il obtiendra ainsi une foule de réponses à d'autres questions qu'il soulève.

De plus, le député prétend que le Parti réformiste a déposé ses plans pour que nous puissions en prendre connaissance. Nous avons donné au Parti réformiste l'occasion de le faire durant le débat prébudgétaire, mais il n'a absolument rien proposé. Les réformistes ont eu tout l'été et ils siègent maintenant au Comité des finances.

Les réformistes n'ont pas déposé de plans. Ils n'ont pas fait la moindre proposition. Ils n'ont rien d'autre à offrir que des paroles creuses.

* * *

[Français]

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre. Le Centre de la sécurité des télécommunications a conclu des ententes de coopération avec des services de renseignement de sept pays étrangers, afin d'échanger des informations. Le Centre a procédé à l'écoute électronique de deux ministres du gouvernement britannique de Mme Thatcher, à la demande de celle-ci.

La vice-première ministre peut-elle confirmer si les soi-disant directives que le premier ministre a données en fin de semaine comportent également l'interdiction pour le Centre de la sécurité des télécommunications de faire faire par d'autres son sale boulot d'écoute électronique de citoyens canadiens?

(1430)

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, malheureusement, le député fonde ses questions sur les dires d'un livre non corroboré que le premier ministre de la Grande-Bretagne a déjà qualifiés de bobards.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, la vice-première ministre peut-elle nous dire si elle a vérifié l'exactitude des allégations à l'effet que le Centre de la sécurité des télécommunications a effectué de l'écoute électronique auprès de deux ministres du gouvernement britannique, dirigé par Mme Thatcher, et en échange de quoi le CST a-t-il fait le travail?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, ces allégations non fondées ont fait l'objet d'une analyse de la part du premier ministre de la Grande-Bretagne qui les a lui-même qualifiées de bobards.

* * *

LA FONCTION PUBLIQUE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre chargé du Renouveau de la fonction publique. Le ministre nous dira-t-il quand son rapport sur l'examen des programmes de la fonction publique sera déposé?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, l'examen des programmes n'est pas censé faire l'objet d'un rapport.

Le député aurait dû vérifier les propos que j'ai tenus à la récente conférence de presse. J'y ai précisé exactement de quoi il retournait. L'examen des programmes est une série de vérifications effectuées par un comité du cabinet chargé de formuler des recommandations qui s'inscriront dans le processus budgétaire. Le comité n'a pas encore tiré ses conclusions, mais tâchera de les transmettre au ministre des Finances au cours des prochaines semaines.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, le 5 novembre de l'année dernière, le ministre a promis un renouveau de la fonction publique. En mars, il a lancé son examen des programmes. Près de 12 mois se sont écoulés et, à notre grande surprise, on ne voit pas encore les résultats de cet examen. Un an plus tard! C'est comme pour toutes les autres


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politiques du gouvernement libéral. Celle-ci a été examinée, revue, remaniée et réduite à de vagues généralités.

Les ministères ont déjà présenté au ministre leurs plans de réaménagement des effectifs. Le ministre fera-t-il connaître immédiatement ces plans ministériels, puisqu'ils constitueront, à mon avis, un facteur important dans l'examen prochain de la politique sociale?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, l'examen des programmes ne fait pas partie de celui de la politique sociale. Il est parallèle.

Le député confond aussi l'examen des organismes, qui nous a permis jusqu'ici de supprimer 21 organismes et plus de 275 postes dont les titulaires sont nommés par décret du conseil, dans le cadre de l'examen des programmes qui fait partie du processus budgétaire. Le budget est déposé une fois par année. Lorsqu'on commence à examiner les programmes en vue du prochain budget, on le fait de toute évidence immédiatement après le budget précédent, et cela s'étend sur une année.

Le député devra donc attendre que le ministre des Finances dépose son budget pour connaître ces conclusions.

* * *

[Français]

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, aux questions que lui posait le chef de l'opposition, la vice-première ministre a répété à quelques reprises que le CST n'a pas le droit ni le mandat d'espionner des personnalités politiques. Or, en 1970, la GRC n'avait pas non plus le droit de commettre des crimes, mais ils l'ont fait quand même, et sous un gouvernement libéral à part ça.

Ce qu'on veut savoir, ce n'est pas si le CST a le droit ou le mandat, c'est est-ce qu'ils l'ont fait? La vice-première ministre peut-elle, de son siège, nous certifier qu'ils ne l'ont pas fait? Peut-elle le certifier?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le député parle de ce qui s'est passé il y a 24 ans.

Ce qui s'est passé, il y a 24 ans, a entraîné la création d'une commission royale d'enquête et l'apport de changements importants au Service canadien du renseignement de sécurité. Ce qui arrive aujourd'hui, c'est que le CST est régi par les lois du Canada qui interdisent que l'on espionne des Canadiens. Ça ne peut pas être plus clair.

Le premier ministre l'a répété en fin de semaine, et je l'ai répété à la Chambre la semaine dernière. Le CST n'a absolument pas le mandat d'espionner les Canadiens.

(1435)

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, la vice-première ministre réalise-t-elle que tous les efforts qu'elle déploie pour essayer de tourner autour de la question sans y répondre, autant que les autres membres du gouvernement qui n'y répondent pas, constituent un aveu que des activités d'espionnage ont effectivement eu lieu à l'endroit de personnalités souverainistes du Québec? Si ce n'est pas le cas, qu'elle se lève et, de son siège, qu'elle le dise clairement: oui ou non.

Des voix: Bravo!

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, que je le dise vendredi, samedi, dimanche ou lundi, en français ou en anglais, le CST n'a pas le mandat d'espionner les Canadiens. Et je peux ajouter, pour le député d'en face que, personnellement, le seul espion que j'aie connu dans le passé est Claude Morin.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, le ministre ne prend aucune mesure pour faire respecter les contrats de parrainage d'immigrants qui sont rompus.

La région de Peel, en Ontario, a récemment signalé au ministre que jusqu'à 70 p. 100 des contrats de parrainage étaient rompus et que les immigrants n'avaient d'autre choix que de se tourner vers l'aide sociale. Même le Globe and Mail reconnaît que les contrats de parrainage, malgré l'engagement qui a été pris, ne valent plus tripette.

Le ministre de l'Immigration peut-il dire à la Chambre s'il estime que l'on a échoué dans l'application de ce programme?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, la rupture des contrats de parrainage de familles est inquiétante. Cela est ressorti très clairement du processus de consultation.

À l'heure actuelle, il y a, en gros, 14 p. 100 des contrats de parrainage dans la catégorie de la famille qui sont rompus, ce qui coûte environ 700 millions de dollars au gouvernement fédéral et aux provinces. C'est inquiétant, je l'avoue. Je demanderais au député d'attendre au 1er novembre, quand le gouvernement présentera ses niveaux d'immigration pour 1995. Nous nous pencherons très attentivement sur cette question.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, le ministre est-il au courant du cas de la famille qui a touché plus de 106 000 $ de prestations d'assurance-chômage et d'assistance sociale au cours des cinq dernières années et qui a maintenant parrainé cinq parents de plus? Est-il au courant du cas de cet homme qui touchait illégalement des prestations d'assurance-chômage et qui vient tout juste de parrainer son


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épouse? Ces demandes ont été approuvées par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Si le ministre ne pense pas que le programme de parrainage est un échec, va-t-il alors reconnaître que la commission a une fois de plus prouvé sa stupidité et qu'on devrait la supprimer?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, lorsqu'on parle de stupidité, je pense que le député devrait écouter la réponse avant de lire sa seconde question. J'ai dit très clairement que. . .

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Je suis persuadé que le ministre voudra reformuler quelque peu le début de sa réponse.

M. Marchi: Puisque mon collègue a lancé ce mot avec autant de désinvolture, j'ai jugé bon de lui rendre la monnaie de sa pièce, mais je respecte la position de la présidence.

Je voulais donc dire, comme je l'ai précisé très clairement dans ma première réponse, que le gouvernement s'inquiète de cette situation, même si cela ne touche qu'une minorité, car la note est très élevée pour le contribuable. J'ai rencontré à mon cabinet des agents de la région de Peel. J'ai discuté avec eux du problème. Nos fonctionnaires ont fait de même. Nous avons une solution que nous allons annoncer le 1er novembre.

* * *

[Français]

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense.

Le ministre de la Défense refuse, depuis la semaine dernière, de donner quelque information que ce soit sur les activités du CST, comme s'il s'agissait d'un sujet tabou ici, au gouvernement. J'espère que je serai plus chanceux que mes collègues et que j'obtiendrai une réponse réelle à ma question.

Le ministre de la Défense pourrait-il nous dire qui agit comme directeur du Centre de la sécurité des télécommunications? De qui relèvent les 1 800 employés de ce service?

(1440)

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, à mon avis, le gouvernement s'est montré très ouvert dans les réponses qu'il a données sur cette question, étant donné qu'il s'agit de domaines délicats et de nos relations avec nos alliés.

Pour ce qui est du CST en particulier, ce centre fait partie intégrante du ministère de la Défense nationale. Son budget est inclus dans le budget des dépenses du ministère. Si le député a des questions précises à poser, il peut venir les poser au Comité de la défense.

Le ministre de la Défense nationale est comptable devant la Chambre des communes et je suis certes prêt à répondre en comité aux questions sur le Centre de la sécurité des télécommunications.

Les réponses données par la vice-première ministre et le premier ministre sont exactes. Le CST se conforme à la Charte des droits et libertés, au Code criminel, à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la législation canadienne en matière des droits de la personne. En fait, en 1987, l'ancien commissaire à la protection de la vie privée, M. John Grace, avait fait procéder à un examen des activités du CST dont il est ressorti que tout était dans les règles et conforme à la législation canadienne.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, il m'apparaît que je ne suis pas plus chanceux que mes collègues. Il me semble que je n'ai pas obtenu de réponse. Ma question supplémentaire est la suivante: De qui relève le service du CST et de qui dépendent les 1 800 employés de ce service?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà répondu. Je suis désolé que le député ne comprenne pas.

Le Centre de la sécurité des télécommunications relève du ministre de la Défense nationale, lequel est membre du Cabinet et répond à la Chambre des communes.

* * *

LES AÉROPORTS

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

J'ai récemment assisté à une réunion publique organisée par Transports Canada, dans ma circonscription, au sujet de l'étude sur les aéroports du sud de l'Ontario. Cette étude examine, entre autres choses, si l'on aura un jour besoin d'un aéroport sur les terres fédérales de Pickering, acquises il y a quelque 25 ans. Se rattache à cela la question de savoir ce que l'on fera des terres qui ont été déclarées excédentaires.

Le ministre peut-il garantir à cette chambre que les résultats de l'étude seront rendus publics avant qu'on ne prenne une décision finale au sujet de l'aéroport de Pickering et, naturellement, des terres excédentaires?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, l'étude se poursuit. Elle devrait se terminer prochainement. Je suis prêt à m'engager vis-à-vis du député et de la Chambre, par votre entremise, à rendre les rapports publics lorsqu'ils seront terminés. Ils ne seront peut-être pas tous prêts en même temps, mais dès qu'ils seront prêts-il y a des études techniques sur la construction des aéroports à l'avenir et sur la disposition des terres excédentaires-nous les rendrons publics.


7100

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): En réponse à des questions concernant le rapport Lagueux, le ministre de la Défense nationale a déclaré que le rapport ne mettait nullement en cause les hauts fonctionnaires du ministère. Or, deux directeurs généraux ont été réprimandés par suite de la publication de ce document. L'un d'entre eux s'est suicidé, et l'autre a été promu d'un échelon et occupe toujours son poste. En fait, le droit d'accès à l'information a permis d'établir que deux ans après la publication du rapport Lagueux, cette personne continuait d'approuver régulièrement des contrats pour des montants dépassant son pouvoir d'autorisation.

Le ministre peut-il expliquer ces contradictions contenues dans sa réponse, surtout après avoir affirmé qu'on avait réglé les problèmes et les cas des personnes en cause?

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je rappelle que toutes ces activités datent d'avant l'entrée en fonction du gouvernement actuel. Nous tenons néanmoins beaucoup à ce que toutes les questions touchant l'administration du ministère de la Défense nationale soient traitées comme il se doit.

En ce qui concerne mes déclarations antérieures à la Chambre, elles concernaient le sous-ministre et les sous-ministres adjoints. Je reconnais que des hauts fonctionnaires ayant rang de directeur général ont fait l'objet de mesures disciplinaires et qu'il s'est produit un cas malheureux, celui dont parlait le député.

Je voudrais également ajouter quelque chose, puisque le député et ses collègues semblent croire que tout n'a pas été dévoilé. Le vérificateur général est pleinement au courant du dossier depuis un an ou deux, il a été tenu au courant de tous les détails qui s'y rapportent et il a le droit de déclencher une enquête, ce que je l'invite à faire, s'il juge insuffisantes les mesures internes qui ont été prises.

Ces mesures ont nécessité l'intervention de la GRC, de la Commission de la fonction publique et d'autres organismes d'enquête internes du gouvernement. Cela signifie que si le vérificateur général désire lancer une enquête, il le peut. Il lui suffit d'en informer mes fonctionnaires.

(1445)

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, comme on nous l'a appris au Parlement, le vérificateur général est un homme extrêmement occupé. Je doute qu'il ait le temps de procéder à des enquêtes individuelles de la sorte.

J'ai appris de sources ministérielles que cette situation a entraîné une dégradation du moral et même une certaine crainte de représailles envers les gens qui osent la dénoncer.

Comment le ministre peut-il justifier de n'avoir pas demandé la tenue d'une d'enquête professionnelle, indépendante et tout à fait neutre sur ces aspects des méthodes de gestion appliquées au ministère de la Défense? En refusant de prendre une telle mesure, il tend à confirmer l'impression qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans son ministère.

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, pour ce qui est du vérificateur général, je précise qu'il poursuit toujours de front entre sept et 12 vérifications au ministère de la Défense nationale.

Le vérificateur général sait ce qui se passe dans cette unité administrative depuis quelques années. On lui a expliqué ce que faisait le ministère pour régler la situation et il n'a jamais jugé bon de faire faire une enquête plus approfondie. Si le vérificateur général souhaite mener une enquête plus poussée, il peut certainement le faire.

Pour ce qui est du moral, monsieur le Président, lorsqu'une équipe de travail comptant 45 ou 50 personnes entend dire que des fonds auraient été détournés, qu'on aurait employé des tactiques de harcèlement et passé des marchés illégalement, quand des accusations au criminel sont portées et que quelqu'un est condamné, c'est sûr que le moral est plutôt bas.

Je demande au député de ne pas faire en sorte que le moral-plutôt bon dans l'ensemble, au ministère de la Défense nationale-paraisse encore plus fragile qu'il ne l'est en réalité en portant des accusations malavisées, comme il l'a fait ainsi que ses collègues, au cours des dernières semaines.

* * *

[Français]

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, samedi, le premier ministre émettait des directives pour que cessent les activités de surveillance du Centre de la sécurité des télécommunications auprès des milliers de citoyens canadiens sur lesquels le centre dispose d'importantes banques de données constituées à même les conversations téléphoniques interceptées.

Ma question s'adresse au ministre de la Défense. Suite aux directives du premier ministre, le ministre de la Défense peut-il nous dire ce qu'il a fait précisément pour mettre fin aux opérations de la section «French Problem» ou de toute autre section effectuant des activités similaires au sein du CST?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, concernant les observations que le premier ministre a faites samedi, je crois que la réponse de la vice-première ministre était tout à fait appropriée.

Quant aux activités du CTS, elles ne ciblent pas les communications des Canadiens, c'est tout. Je ne dirai rien de plus.


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[Français]

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, le ministre entend-il prendre des sanctions contre ceux qui se sont rendus coupables d'opérations de surveillance illégale?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je rejette catégoriquement toute insinuation qu'il peut y avoir dans la question du député.

* * *

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, comme le premier ministre ne saisit manifestement pas le problème, le Toronto Star annonce ceci en manchette: «Toutes les armes à feu seront enregistrées». Toutefois, la réalité est décrite en page 15 en ces termes: «Les contrebandiers font entrer beaucoup d'armes au Canada. Un trafiquant clandestin se vante de pouvoir vendre tout ce qu'il peut obtenir.»

Ma question s'adresse au ministre du Revenu national. Quand va-t-il se décider à s'attaquer au vrai problème de la contrebande d'armes?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, le député a peut-être oublié que, le 8 février dernier, notre gouvernement a accru d'un bon 25 p. 100 la surveillance à la frontière. Cela visait à réduire la contrebande de cigarettes et d'alcool, mais aussi celle des armes.

Nous avons très considérablement accru cette année les ressources douanières consacrées à la lutte contre la contrebande de ces divers articles.

(1450)

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, la semaine dernière, j'ai reçu des collaborateurs du ministre à mon bureau. Bien sûr, ils m'ont dit la même chose que ce que le ministre vient de dire à la Chambre. Ils ne voient vraiment pas où est le problème.

Le problème, c'est que des gens meurent dans nos rues. Ils sont abattus avec des armes qui ne seront jamais enregistrées.

Le ministre s'engagera-t-il au moins à réexaminer les méthodes de travail de telle sorte qu'on puisse bloquer les milliers d'armes qui entrent clandestinement au Canada?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, la réforme que réclame le député est, bien sûr, déjà en cours. Il est bien connu que le solliciteur général, le ministre de la Justice et moi-même nous efforçons de modifier le plus possible notre système afin de pouvoir réduire le nombre d'armes de contrebande qui entrent au pays.

Je signalerai simplement au député une chose qu'il semble ignorer. Chaque année, 130 millions de personnes traversent la frontière entre le Canada et les États-Unis. Beaucoup d'Américains possèdent des armes de poing, mais d'autres armes aussi. Il est extrêmement difficile, en temps normal, d'empêcher que des armes n'entrent au Canada et il faut nous concerter avec les autorités américaines et, en fait, avec beaucoup d'organismes gouvernementaux pour réduire le nombre de ces armes.

Nous souhaitons certes faire tout en notre pouvoir pour réduire la contrebande d'armes au Canada.

* * *

ULTRAMAR CANADA

M. Ron MacDonald (Dartmouth, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Ultramar Canada a entrepris la mise hors service de sa raffinerie dans l'est de la Nouvelle-Écosse, même si la demande qu'elle a faite à ce sujet et qui a été déposée au Bureau de la politique de la concurrence se retrouve dans un vide juridique et même si la société refuse de négocier sérieusement avec un acheteur éventuel qui garderait l'usine ouverte, la rendrait compétitive et préserverait aussi près de 150 emplois.

Comme il est évident que, lorsque le Bureau rendra sa décision, l'usine ne sera plus qu'un tas de ferraille, le ministre peut-il intervenir pour accélérer les choses? Dans la négative, peut-il nous dire pourquoi?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi tout d'abord de signaler que je partage les inquiétudes du député en ce qui concerne les employés de cette usine d'Ultramar et leur famille, inquiétudes que le député et ses collègues de Halifax ont maintes fois exprimées ces derniers mois.

Le député n'est pas sans savoir que, dans l'affaire Ultramar, les travaux du directeur des enquêtes et recherches portent sur des questions relatives aux contrats qui relèvent de sa compétence. Aux termes de la Loi sur la concurrence, le directeur est un agent indépendant d'application de la loi et je ne peux m'immiscer dans ses affaires.

Les poursuites entamées par le procureur général de la Nouvelle-Écosse contre le directeur et Ultramar ont eu des conséquences regrettables, puisqu'elles ont empêché le directeur d'accomplir ses tâches et de trancher en ce qui concerne les changements matériels néfastes et la vente de la raffinerie.

Malgré toute la compassion que j'ai pour les gens qui sont touchés par cette affaire, il serait inopportun d'en dire davantage puisque la cause est devant les tribunaux.

* * *

[Français]

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre. Le 20 octobre dernier, la vice-première ministre affirmait dans cette Chambre et je cite: «Le CST ne fait aucun


7102

espionnage auprès des Canadiens, y compris auprès de ceux qui sont impliqués en politique».

La vice-première ministre reconnaît-elle que la cueillette de renseignements personnels effectuée par le CST fait l'objet d'une exemption de non-divulgation en vertu d'un décret adopté par le Conseil des ministres?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Oui, monsieur le Président.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, comment la vice-première ministre a-t-elle pu afficher une telle assurance en écartant toute possibilité d'espionnage à l'endroit de citoyens canadiens, alors que l'exemption accordée au CST, quant à la non-divulgation de renseignements personnels, couvre toute la catégorie grand public, c'est-à-dire tout le monde au Canada?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, ce que j'ai dit vendredi en ce qui concerne le CST, c'est vrai. Ils sont couverts par le Code criminel. Ils sont assujettis à toutes les lois canadiennes, y compris la loi dont le député parle. Autrement, s'ils n'étaient pas couverts, de quelle façon est-ce qu'on pourrait avoir une exception?

* * *

(1455)

[Traduction]

LE CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine canadien. Le président du CRTC a déclaré que, si les câblodistributeurs privés n'acceptaient pas volontairement d'offrir le réseau français de nouvelles de la SRC, des mesures seraient prises pour les y contraindre.

Cette décision est un autre exemple d'intervention gouvernementale malavisée. Pourquoi le ministre ne laisse-t-il pas le libre marché déterminer ce que les Canadiens veulent voir à la télévision?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a eu aucune intervention du gouvernement du Canada. Le président de la SRC a pris un engagement et le président du CRTC a fait une déclaration, c'est tout.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, on ne fait qu'ajouter 32,7 millions de dollars de l'argent des contribuables à la grasse subvention de 1,1 milliard de dollars que reçoit déjà la SRC. Le gouvernement fédéral fait payer tous les Canadiens pour un système qu'ils n'utiliseront peut-être même pas. Comment le ministre peut-il justifier cela?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je crois que la députée a les idées très embrouillées. Il y a quelque temps, la SRC a demandé à fournir un service sur des canaux spécialisés. Le CRTC a accepté sa demande. Tout cela est conforme à la loi. Le CRTC est un organisme indépendant, et ni le gouvernement du Canada ni le ministre ne se sont ingérés dans cette affaire. Il n'y a aucune ponction fiscale.

Je peux comprendre que la députée ait de la difficulté à admettre tout cela, puisqu'elle a déjà déclaré, comme en fait foi la page 6986 du hansard, qu'elle ne voulait rien reconnaître.

* * *

L'ACCORD D'ENTRAIDE JURIDIQUE

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, le Canada et l'Inde ont signé aujourd'hui un traité d'entraide juridique en matière criminelle.

La question que je veux poser au solliciteur général concerne les préoccupations exprimées par certains Canadiens à cet égard. Ces gens veulent savoir si ce traité pourrait donner lieu à des violations de leurs droits fondamentaux et à du harcèlement à leur endroit.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, l'accord d'entraide juridique signé aujourd'hui par le Canada et l'Inde ne se veut pas un prétexte pour violer les droits fondamentaux ou harceler qui que ce soit. Il vise simplement à intensifier la collaboration entre les autorités judiciaires canadiennes et indiennes. Il est semblable aux accords du même genre que nous avons déjà avec d'autres pays.

* * *

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing, NPD): Monsieur le Président, j'ai une question pour la vice-première ministre. C'est à propos d'une contradiction que je relève dans le livre vert sur la sécurité sociale. Nous y lisons beaucoup de belles paroles, comme celles que nous entendons généralement de la bouche des ministériels, sur l'importance de l'éducation, du recyclage et de la formation, et nous nous entendons tous à ce propos.

Pourrait-elle nous dire comment il se fait que le gouvernement a pour politique de doubler ou de tripler les frais de scolarité et d'obliger les étudiants à s'endetter excessivement? Comment cette politique peut-elle favoriser la scolarisation, la formation et le perfectionnement?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de sa question, car je le crois quand il se dit intéressé à participer à ce grand débat. Il se joindra sûrement à moi pour féliciter le ministre du Développement des ressources humaines qui a obtenu un véritable vote de confiance de la part des Canadiens comme en témoigne un sondage dont les résultats, publiés en fin de semaine, révélaient qu'une proportion écrasante d'entre eux sont en faveur d'un véritable changement.

Le ministre propose en effet un changement très réel par rapport au système actuel afin de mettre des fonds directement entre les mains des étudiants. Nous ne voulons pas voir le système d'enseignement postsecondaire manquer de

7103

financement. C'est pourtant ce qui va arriver si les transferts de fonds continuent de décliner.

Le ministre a proposé une façon très ingénieuse de verser l'argent directement aux étudiants de sorte qu'ils puissent fréquenter l'établissement d'enseignement postsecondaire de leur choix.

* * *

(1500)

[Français]

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, le gouvernement prétend qu'il n'y a pas d'espionnage illégal, mais par contre, on ne sait pas qui dirige le CST, on ne sait pas à qui il répond de ses agissements, on ne sait pas quel budget est mis à sa disposition, on ne connaît pas la nature des ententes qui le lie à des agences de renseignement de pays étrangers.

Quelle garantie la vice-première ministre peut-elle donner aux Québécois que le prochain débat référendaire ne se déroulera pas comme les précédents, sur un fond d'espionnage?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre lui-même a déclaré, en fin de semaine, qu'il veut faire le travail de la bataille référendaire sur le vrai champ, le champ du travail, le champ de la croissance économique, le champ de l'espoir pour les Québécois à l'intérieur du Canada. Et moi, j'ai hâte que les séparatistes aient le courage de déclencher le référendum, au lieu de faire des petites histoires qui n'existent pas sur le CST.

* * *

[Traduction]

LA PETITE ENTREPRISE

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Après six mois de coopération et de dur travail de la part de tous ses membres, le comité permanent de la Chambre, qui est composé de députés de tous les partis, a déposé son rapport la semaine dernière. Nombre de ses recommandations profiteront beaucoup aux petites entreprises du pays.

Le ministre peut-il dire à la Chambre quand il a l'intention de mettre en oeuvre les recommandations du rapport?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais d'abord remercier le député et ses collègues du Parti réformiste de même que du Bloc québécois des efforts qu'ils ont déployés avec les députés ministériels pour produire un rapport dont toutes les recommandations ont pratiquement fait l'unanimité. C'est une réelle contribution.

Je souscris à nombre des recommandations du rapport. J'espère que le gouvernement pourra donner très rapidement suite à certaines d'entre elles. Nous allons bien sûr répondre au rapport dans les délais prévus à cet effet. Certaines recommandations devront être étudiées davantage, et d'autres feront l'objet de discussions avec le ministre des Finances. Mais, je le répète, j'espère que d'autres seront très prochainement mises en oeuvre.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: J'attire l'attention des députés sur la présence à notre tribune de l'honorable Shankarrao Bhaorao Chavan, ministre des Affaires intérieures de l'Inde.

Des voix: Bravo!

_____________________________________________


7103

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 60 pétitions.

* * *

[Français]

LA JOURNÉE DES NATIONS UNIES

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, le 24 octobre, nous célébrons la Journée des Nations Unies. Il y a 49 ans de cela, le 24 octobre 1945, la Charte de l'Organisation des Nations Unies entrait en vigueur.

(1505)

L'anniversaire de cette année mérite d'être spécialement souligné car il marque le lancement de l'année du cinquantenaire de cette organisation.

Je voudrais remercier tous les Canadiens et Canadiennes qui ont participé, au cours de ces 49 années, à l'édification de cette grande organisation internationale. Je suis particulièrement reconnaissant à tous ceux et celles qui ont favorisé son évolution au fil des ans et des événements et qui lui ont permis d'être et de rester une organisation soucieuse de répondre aux grands défis des temps modernes et d'oeuvrer sans relâche pour la paix et la sécurité internationale.

Laissez-moi profiter de cette occasion pour rappeler la contribution exceptionnelle de ceux et celles qui risquent leur vie au nom des principes de l'Organisation des Nations Unies. Je pense en particulier aux quelque 2 745 Canadiens et Canadiennes membres de nos forces armées et de la Gendarmerie royale du Canada qui servent sous le drapeau des Nations Unies dans plus de neuf opérations de maintien de la paix à travers le monde.


7104

[Traduction]

Je tiens également à remercier l'Association canadienne pour les Nations Unies qui s'est employée à s'assurer que le travail de cette organisation soit connu du grand public.

Au cours de cette année de célébrations qui débute aujourd'hui, l'association sera doublement présente à l'échelle nationale. En effet, d'une part, elle continuera de s'acquitter de ses tâches quotidiennes et, d'autre part, par l'intermédiaire du Comité canadien pour le 50e anniversaire des Nations Unies, elle assurera la coordination des activités qui, tout au long de l'année, marqueront cet événement important.

Je voudrais insister ici sur le fait que le domaine d'activité dont s'occupent les Nations Unies constitue la pierre angulaire de la politique étrangère du Canada. Les missions qui guettent les Nations Unies dans le domaine du maintien de la paix, de la sécurité internationale, de la promotion de la démocratie et de la lutte en faveur de l'égalité des femmes et des droits de la personne revêtent toutes une importance primordiale pour les Canadiens.

La communauté des nations et des États a plus que jamais besoin d'un organisme international solide, fiable et muni des outils nécessaires pour relever le défi qui l'attend à l'aube du XXIe siècle.

Pour conclure, je prie tous les députés à la Chambre de bien vouloir appuyer cette déclaration puisqu'elle réaffirme l'engagement du Canada à l'égard des valeurs qui, au cours de près d'un demi-siècle, ont présidé à la création de l'ONU, une organisation multilatérale qui, aujourd'hui plus que jamais, est un élément indispensable de l'internationalisme et de ses idéaux.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, au nom de tous les députés du Bloc québécois, il me fait plaisir de souligner, en ce 24 octobre, la Journée des Nations Unies et le lancement de l'année du cinquantenaire de cette organisation universelle.

Comme le rappelait le secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, lors d'un discours prononcé à Montréal en mai 1992, et je le cite: «. . .pour entrer en relation avec l'universel, il faut d'abord être soi-même. C'est pourquoi une saine mondialisation de la vie moderne suppose d'abord des identités solides. Car une mondialisation excessive ou mal comprise pourrait aussi broyer les cultures, les fondre dans une culture uniforme, ce à quoi le monde n'a rien à gagner.»

Cette citation est particulièrement significative aujourd'hui, alors que l'ONU fera l'objet-nous espérons que ce sera le cas bientôt-d'une vaste réforme. Dans les mois et les années à venir, de nombreux défis l'attendent en effet.

Parmi ceux-là, notons celui de l'éclosion d'un très grand nombre d'acteurs internationaux nouveaux avec lesquels l'ONU devra désormais composer. Les transformations radicales du cadre géopolitique mondial ont effectivement débouché sur une multiplication des acteurs. Les problèmes nouveaux qui se présentent à la communauté internationale se retrouvent, par le fait même, encore plus complexes et diversifiés.

(1510)

Il y a cependant quelque chose de bon à cet égard. Ce qu'il y a de bon, c'est que cela reflète la réalité, la volonté des peuples.

Nous pouvons également nous réjouir de trouver là une réponse au danger qu'une culture d'uniformisation prenne la place des identités nationales, à un moment justement où le gouvernement canadien prétend honteusement qu'il existe au Canada une seule et même culture, une soi-disant culture canadienne. C'est d'ailleurs en partie pour contrer ce processus d'uniformisation que le premier geste d'un Québec ayant accédé à la souveraineté aux termes d'un processus tout à fait légitime en regard du droit international sera celui de s'insérer dans le tissu complexe des relations multilatérales en déposant sa demande d'adhésion à l'ONU.

En terminant, je voudrais offrir nos plus sincères remerciements à l'Association canadienne pour les Nations Unies et à tous les Québécois et Canadiens qui ont contribué à façonner l'ONU et à la rendre si respectable à nos yeux.

[Traduction]

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, à la veille du 50e anniversaire des Nations Unies et de la Journée des Nations Unies, je voudrais, en ma qualité de porte-parole du Parti réformiste pour les questions d'affaires étrangères, exprimer mon appui aux valeurs et aux objectifs établis dans la charte initiale des Nations Unies et qui sont la sécurité collective, la liberté, la justice et le développement humain.

Avec le temps, l'universalité de ces valeurs est devenue de plus en plus acceptée et les Nations Unies ont contribué énormément à cette évolution. Comme nous le savons tous, le Canada a joué un rôle essentiel dans le renforcement et le développement des Nations Unies. En innovant dans le domaine du maintien de la paix, en souscrivant au principe du multilatéralisme coopératif et en demeurant toujours attachés à la paix mondiale et au développement humain, les Canadiens ont donné à la communauté mondiale un exemple à suivre.

Je voudrais plus particulièrement remercier tous ces Canadiens qui ont contribué directement à la réussite des Nations Unies. Nous adressons tous nos remerciements à nos gardiens de la paix et à nos travailleurs dans le domaine humanitaire, ainsi qu'à tous les autres Canadiens dévoués qui déploient des efforts pour défendre les principes et les objectifs de l'organisation.

Beaucoup de travail reste à faire et les Nations Unies doivent certes procéder à une réforme pour se moderniser et se préparer au XXIe siècle. Il faut que ce travail avance rapidement et que le Canada joue un rôle de chef de file pour accroître l'efficience et la transparence au sein des Nations Unies, ainsi que faire en sorte qu'elles répondent mieux aux besoins et rendent davantage de comptes dans les années à venir.

Les Nations Unies peuvent s'améliorer et, en tant que députés, nous devrions essayer de nous assurer que cela se produise. En ce 50e anniversaire et cette Journée des Nations Unies, levons-nous pour promouvoir les principes que nous tenons à respecter et que


7105

les Nations Unies défendent depuis 50 ans: la paix et la sécurité internationales, les droits de la personne et la justice, ainsi qu'une contribution au progrès social et une meilleure qualité de vie, avec une plus grande liberté.

Le président suppléant (M. Kilger): Le député de Burnaby-Kingsway demande la parole. J'ignore s'il souhaite invoquer le Règlement, mais, si j'ai bien compris le message que j'ai reçu, il a demandé le consentement unanime pour être en mesure de répondre à la question que nous abordons maintenant. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, je remercie la Chambre de m'autoriser à répondre. Je serai bref.

[Français]

J'aimerais me joindre aux autres députés en commémorant la Journée des Nations Unies et le 50e aniversaire de la fondation des Nations Unies.

[Traduction]

Au nom de mes collègues du Nouveau Parti démocratique, je veux rendre hommage, aujourd'hui, à ces Canadiens, femmes et hommes, qui ont déployé tant d'efforts pour la consolidation de l'Organisation des Nations Unies.

Nos gardiens de la paix en poste dans tous les coins du globe, car le Canada joue un rôle de premier plan dans le maintien de la paix, font honneur aux Canadiens, tout comme ces hommes et ces femmes qui oeuvrent au sein de la structure des Nations Unies.

Nous joignons certainement notre voix à celle du ministre des Affaires étrangères pour demander une réforme fondamentale des Nations Unies. Le concept d'une armée permanente capable de réagir rapidement aux circonstances nous plaît énormément. Nous croyons aussi qu'on devrait accorder plus d'importance à la diplomatie préventive, aux activités qui empêcheraient les crises de se transformer en tragédies nationales et, dans certains cas, internationales.

(1515)

Nous appuyons l'idée d'un tribunal international qui jugerait les criminels de guerre et rendrait justice dans toutes les causes de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.

Enfin, je voudrais ajouter que nous appuyons fermement le concept d'une ONU élargie comptant aussi une assemblée parlementaire. Nous admettons qu'une telle étape ne peut être envisagée qu'à long terme, mais nous voulons encourager le ministre des Affaires étrangères à poursuivre, ici au Canada et à l'étranger, les démarches entreprises en vue d'obtenir un appui en ce sens.

En terminant, je voudrais à nouveau féliciter tous ceux qui au Canada, par exemple les ONG, et partout au monde appuient les Nations Unies.

[Français]

Félicitations à tous les gens à l'occasion du 50e anniversaire des Nations Unies et à l'occasion de la Journée des Nations Unies.

[Traduction]

LA LOI CANADIENNE SUR L'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement) demande à présenter le projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PÉTITIONS

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole et de présenter cette pétition au nom de citoyens d'un bout à l'autre du pays qui réclament des changements à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Ils veulent une loi qui soit assez sérieuse pour dissuader des jeunes de commettre des crimes et assez sévère pour assurer une vraie justice.

Beaucoup de Canadiens d'un peu partout estiment que la Loi sur les jeunes contrevenants ne répond pas à ses objectifs et, dans certains cas, contribue en fait à une hausse de la criminalité en réduisant les peines infligées aux délinquants et en ne punissant pas sévèrement les récidivistes.

Je suis heureux de présenter cette pétition au nom de 284 Canadiens.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition qui est signée par des centaines de pétitionnaires de toutes les régions du Canada, entre autres de ma circonscription, Burnaby-Kingsway, de Port Moody et de Kamloops.

Les pétitionnaires soulignent à la Chambre que le Code criminel refuse actuellement aux malades en phase terminale ou aux personnes qui souffrent d'une maladie irréversible et débilitante le droit de choisir librement et volontairement de mettre fin à leur vie avec l'aide d'un médecin.

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de modifier le Code criminel pour faire en sorte que tous les Canadiens aient le droit de mourir dans la dignité et que les malades en phase terminale ou les personnes qui souffrent d'une maladie irréversible et débilitante aient le droit, avec l'aide d'un médecin, de mettre fin à leur vie au moment de leur choix, sous réserve de conditions rigoureuses pour empêcher les abus et veiller à ce que la décision soit prise par la personne intéressée librement, en toute connaissance de cause, volontairement et quand elle a encore toutes ses facultés.


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LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter deux pétitions signées par des habitants de ma région.

La première est signée par 40 résidents de New Westminster, Burnaby et du Lower Mainland. À l'instar de nombreux Canadiens, les pétitionnaires sont très préoccupés par l'intention déclarée du gouvernement de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Ils demandent au Parlement de n'apporter au Code des droits de la personne, à la Loi canadienne sur les droits de la personne ou à la Charte des droits et libertés aucune modification qui indiquerait que la société approuve les unions entre personnes de même sexe ou l'homosexualité et de ne pas modifier le Code des droits de la personne afin d'inclure dans les motifs interdits de discrimination l'expression non définie «orientation sexuelle».

LA JUSTICE

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, la seconde pétition est signée par 31 habitants de ma localité et des environs.

Les signataires présentent cette pétition en mémoire de Dawn Shaw. Je voudrais, en leur nom, énoncer certaines de leurs préoccupations. Les signataires craignent que le système judiciaire actuel ne protège pas efficacement les enfants de nos collectivités, qui sont de plus en plus souvent victimes d'agressions sexuelles. Les juges ne devraient pas être autorisés à annuler un procès dans le cas d'agressions sexuelles parce qu'on a tardé à mettre l'affaire en état. Les peines d'emprisonnement infligées aux auteurs d'agressions sexuelles devraient être prolongées.

(1520)

On devrait protéger les intérêts de la collectivité en autorisant la police à prélever des échantillons d'ADN sur des personnes soupçonnées d'agressions sexuelles. Les délinquants sexuels devraient être placés sous surveillance policière. Les pédophiles et les délinquants sexuels devraient être obligés de s'enregistrer auprès de la police de la localité où ils résident et la police devrait être tenue d'en informer les écoles et autres organismes.

En mémoire de Dawn Shaw, les pétitionnaires demandent que le Parlement adopte une loi modifiant le système judiciaire afin de mieux protéger les enfants contre les agressions sexuelles et d'assurer la condamnation des auteurs de ces actes.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Brent St. Denis (Algoma, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter deux pétitions.

L'une est signée par plusieurs centaines d'habitants, pour la plupart de la partie ouest de ma circonscription, Echo Bay et Deborah, près de Sault-Sainte-Marie. Les pétitionnaires veulent faire part au public de leurs vives préoccupations à l'égard de toute mesure législative favorisant les relations entre personnes de même sexe.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Brent St. Denis (Algoma, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition est signée par plusieurs douzaines d'habitants de la partie de ma circonscription située près d'Elliot Lake. Les pétitionnaires veulent faire part au Parlement de leurs vives préoccupations au sujet du suicide assisté.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter quatre pétitions signées par 1 101 habitants de ma circonscription, Peace River, et concernant la possibilité d'étendre certains privilèges aux couples de personnes de même sexe.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de n'apporter au Code des droits de la personne, à la Loi canadienne sur les droits de la personne ou à la Charte des droits et libertés aucune modification qui tendrait à indiquer que la société approuve les relations entre personnes de même sexe ou l'homosexualité.

Ils demandent également de ne pas modifier le Code des droits de la personne afin d'inclure l'expression non définie «orientation sexuelle» dans la liste des motifs prohibitifs de discrimination.

Je suis de l'avis des pétitionnaires.

LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, au nom de l'Association canadienne des policiers, je suis heureux de présenter une pétition portant 356 signatures. Les pétitionnaires du Manitoba demandent à la Chambre des communes d'abroger l'article 745 du Code criminel du Canada pour que les meurtriers condamnés à l'emprisonnement à perpétuité, c'est-à-dire 25 ans, ne soient pas admissibles à la libération conditionnelle après avoir purgé seulement 15 ans de leur peine.

J'appuie sans réserve ces pétitionnaires.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, je désire présenter une pétition d'habitants de ma circonscription d'Okanagan-Similkameen-Merritt qui continuent de s'inquiéter des rumeurs persistantes qui circulent au sujet du durcissement des lois et règlements concernant les armes à feu.

Les pétitionnaires font remarquer que la loi actuelle réglemente l'acquisition et la possession d'armes à feu par l'intermédiaire d'un système complexe, coûteux et rigoureux. Ils s'opposent à tout durcissement de ces contraintes. Ils demandent au gouvernement d'imposer des lignes directrices très strictes et des peines minimales obligatoires pour la possession et l'utilisation d'armes à feu pour commettre des crimes.

Je suis de l'avis de ces pétitionnaires.

L'EUTHANASIE

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais présenter deux pétitions au nom des électeurs de Simcoe-Centre. Dans le premier cas, les pétitionnaires demandent de faire respecter les lois en vigueur concernant l'euthanasie active.

7107

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, dans le deuxième cas, les pétitionnaires demandent au gouvernement du Canada de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour y inclure l'expression non définie «orientation sexuelle». Ils craignent qu'en ne définissant pas l'expression, on en laisse l'interprétation libre aux tribunaux, ce qui établirait un dangereux précédent.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions aujourd'hui et je vous remercie d'avoir attendu.

J'ai le privilège de présenter une pétition signée par 174 de mes électeurs qui sont très inquiets parce qu'ils sont d'avis que, d'après la majorité des Canadiens, les couples dont les partenaires sont du même sexe ne devraient pas avoir droit aux mêmes privilèges que les couples hétérosexuels. Je conviens avec eux que tous les Canadiens sont déjà protégés en vertu du Code des droits de la personne et que l'inclusion de l'expression non définie «orientation sexuelle» est superflue et malavisée.

L'AVORTEMENT

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai aussi l'honneur de présenter une pétition signée par 101 de mes électeurs. La pétition porte sur l'avortement, une question qui refait surface depuis l'ouverture d'une clinique d'avortement en face du Parlement.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'agir immédiatement pour protéger les enfants à naître.

Je partage leurs inquiétudes au sujet de l'inexistence d'une loi canadienne sur cette question importante.

L'INDUSTRIE MINIÈRE

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par un certain nombre d'habitants de Logan Lake et des localités avoisinantes. Les pétitionnaires signalent l'importance de l'industrie minière comme principale source d'emplois dans plus de 150 localités canadiennes.

(1525)

Selon les signataires, la Fédération canadienne de l'industrie minière a proposé un plan d'action à 10 volets que devraient appliquer l'industrie et le gouvernement du Canada pour maintenir les activités minières au Canada.

Par conséquent, les pétitionnaires exhortent le Parlement à prendre des mesures pour accroître le nombre d'emplois dans le secteur minier, promouvoir la prospection, renouveler les réserves du Canada en minéraux, soutenir les collectivités minières et maintenir les activités minières au Canada.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): À un autre sujet, monsieur le Président, des électeurs de Kamloops et des environs, principalement, demandent au Parlement de s'assurer que les dispositions actuelles du Code criminel du Canada interdisant le suicide assisté soient rigoureusement appliquées et de ne pas modifier la loi de façon à sanctionner ou à permettre le suicide ou l'euthanasie active ou passive.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les autres questions restent au Feuilleton.

M. McClelland: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Je demanderais par votre intermédiaire au secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre de bien vouloir répondre à la question no 54 inscrite au Feuilleton depuis le 10 mai dernier. Je crois comprendre qu'on doit répondre à de telles questions dans un délai de 45 jours.

M. Milliken: Monsieur le Président, je reconnais que la question du député est marquée d'un astérisque. Par conséquent, il faut y répondre dans les 45 jours.

J'ai vu une ébauche de réponse, mais comme il s'agissait davantage d'une réplique que d'une véritable réponse, je n'en étais pas satisfait.

J'ai renvoyé le texte aux fonctionnaires compétents en leur demandant de faire mieux, de produire une réponse plus circonstanciée, je crois que c'est l'expression utilisée par la secrétaire d'État responsable de la Situation de la femme, que je remercie pour son aide.

Je sais que le député comprend lorsque je dis que j'ai renvoyé l'ébauche en demandant une réponse plus circonstanciée. Lorsque celle-ci sera prête, je la déposerai à la Chambre sans délai. Je remercie le député d'avoir soulevé la question.

Le président suppléant (M. Kilger): Les autres questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais signaler à la Chambre que, conformément à l'alinéa 33(2)b) du Règlement, l'étude des initiatives ministérielles sera prolongée de 10 minutes en raison de la déclaration du ministre.

_____________________________________________


7107

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES PROGRAMMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

La Chambre reprend l'étude de la motion.

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais m'assurer, auprès du député de Simcoe-Centre, qu'il a eu le temps de terminer son intervention avant la période des questions. Sinon, il dispose encore de quelques minutes et de la période de questions et d'observations de cinq minutes.


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M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'avais terminé mon intervention, mais je suis prêt à répondre aux questions que les députés pourraient avoir à me poser.

Le président suppléant (M. Kilger): Questions ou observations? Reprise du débat. La secrétaire d'État chargée du Multiculturalisme et de la Situation de la femme a la parole.

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, je suis ravie de participer au débat sur la réforme de la sécurité sociale. C'est une question vitale pour tous les Canadiens.

[Français]

En effet, les députés de cette Chambre et le peuple canadien ont un défi important à relever: la modernisation de notre système de sécurité sociale. Selon les sondages, je dois dire qu'il paraît qu'ils sont prêts et qu'ils en reconnaissent le besoin.

Depuis 50 ans, les gouvernements libéraux successifs ont instauré une série de programmes sociaux. Ceux-ci nous ont permis de partager les richesses du pays entre tous les Canadiens et Canadiennes.

[Traduction]

Les femmes s'intéressent particulièrement à cette question puisque certains de ces programmes les aident et aident les membres de leurs familles, leurs enfants, à se remettre sur pied après une perte d'emploi. D'autres aident certains Canadiens à faire des études ou à recevoir de la formation, alors que d'autres encore doivent venir en aide aux Canadiens qui n'ont aucun autre recours.

Toutefois, le monde a changé plus vite que nos programmes et notre système n'a pas suivi le rythme des importantes transformations qu'ont subies l'économie, la technologie, la famille canadienne, la concurrence mondiale et notre situation financière.

La société canadienne est encore en mutation. Les femmes jouent un plus grand rôle sur le marché du travail et dans l'économie qu'il y a 40 ou 50 ans. Les besoins d'autres groupes, comme les communautés ethnoculturelles, les autochtones et les personnes handicapées, ont également évolué rapidement au cours de cette période.

Le marché du travail est en pleine transformation. À mesure que les emplois traditionnels disparaissent, les gens sont forcés de travailler dans des situations qui ne leur sont pas familières. Beaucoup de gens doivent se joindre au nombre croissant de personnes qui travaillent à temps partiel, qui ont des emplois temporaires, qui travaillent à la maison ou qui travaillent à contrat. Ces gens ne peuvent pas compter sur la sécurité que représentaient les régimes de pensions et d'avantages sociaux des entreprises traditionnelles.

(1530)

À cause de la transition vers des secteurs davantage axés sur les connaissances, les gens ont besoin de plus d'éducation et de formation. J'ai été témoin de cette transformation dans ma circonscription, Mont-Royal. Durant la dernière récession, nous avons connu notre part de fermetures d'usines, et les gens ont vu des emplois permanents disparaître à jamais.

À bien des égards, la circonscription de Mont-Royal est un reflet de la société canadienne. Nous sommes des gens de tous âges appartenant à divers groupes religieux et ethnoculturels qui vivons et travaillons ensemble dans les deux langues officielles. La plupart d'entre nous travaillons ensemble dans la paix et l'harmonie. Nous avons des vies productives remplies d'espoir et de satisfaction.

Mes électeurs font de leur mieux pour s'adapter à la nouvelle réalité économique de notre pays. Beaucoup réussissent, mais il y en a encore trop qui n'y parviennent pas. Je sais que ma circonscription, Mont-Royal, ne fait pas exception à la règle. Le nouveau défi que mes électeurs doivent relever existe dans toutes les grandes villes du pays.

Depuis 1981, le nombre d'assistés sociaux au Canada a doublé, atteignant maintenant plus de trois millions. Les dépenses au titre du Régime d'assistance publique du Canada sont passées de 2,6 milliards à huit milliards de dollars par année. Notre réseau de soutien social n'a pas masqué les changements qu'a subis notre société au cours des 30 dernières années.

Ce qu'il nous faut reconnaître, c'est que notre façon de vivre et de travailler est en train de se transformer complètement. Nous devons donc refondre nos programmes de sécurité sociale pour répondre à ce changement, et bâtir sur les valeurs de compassion et de partage des chances. Nous devons nous assurer en même temps que nous avons les moyens de les conserver.

Les dépenses combinées pour l'assurance-chômage et l'assistance sociale ont augmenté de 75 p. 100 par rapport au produit économique du Canada entre 1972 et 1992. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre une telle augmentation. Le gouvernement fédéral dépense maintenant plus de 38 milliards de dollars pour tous les programmes de sécurité sociale, mais il doit dépenser 40 milliards pour le service de la dette.

Nous envoyons la plupart de cet argent à New York, à Tokyo et à Berlin. Ce n'est pas ainsi que nous voulons mettre bon ordre à notre système. Si nous ne réussissons pas à mettre bon ordre à notre système de sécurité sociale et autres systèmes, ce sont les marchés étrangers qui décideront ce qu'il adviendra de nos programmes sociaux. Ce n'est pas ce que veulent les Canadiens.

Nous voulons pouvoir concevoir nos programmes pour nous-mêmes. C'est pourquoi je félicite mon collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, d'avoir le courage d'entreprendre une réforme aussi fondamentale des programmes sociaux du Canada. Je répète l'invitation qu'il a lancée à tous les Canadiens à participer à ce débat très important, à se procurer un exemplaire du livre vert et à en prendre connaissance pour tâcher de nous donner le genre de réactions qui reflètent leurs valeurs. Je le félicite de dire avec tant d'insistance que notre système devrait être abordable, efficace et équitable.

Pour respecter l'engagement du ministre, nous aurons besoin de programmes sociaux qui reflètent la réalité des collectivités rurales, urbaines et métropolitaines de notre pays. Nos programmes sociaux doivent protéger les plus démunis: ceux qui ne sont pas en mesure de travailler; les gagne-petit et les familles qui ont peine à joindre les deux bouts; ceux qui font face à des obstacles en raison d'infirmités ou de maladie chronique, et surtout les enfants vivant dans la pauvreté.


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Nous devons améliorer le bien-être de nos enfants, car 1,2 million d'entre eux vivent présentement dans la pauvreté. C'est absolument inacceptable. Les enfants sont pauvres parce que leur mère l'est. Nous devons donc faire en sorte que les femmes aient la possibilité de recevoir une formation pour les préparer à toutes sortes d'emplois. Nous devons également aider les assistés sociaux à se sortir du cycle de la pauvreté.

Trop de gens émargent à l'assistance sociale durant de nombreuses années, même s'ils pourraient trouver du travail en bénéficiant de bonnes possibilités d'emploi et de formation; ils ont cependant besoin d'un système de soutien approprié. Trop de familles défavorisées se trouvent prises au piège de l'aide sociale pour la très bonne raison qu'elles ont l'impression de s'en trouver mieux comme ça. On ne peut pas dire qu'un régime qui donne pareils résultats soit très logique.

(1535)

Notre prospérité de demain exige que tous fassent de leur mieux pour réaliser leurs rêves. Nous devons à ceux qui dépendent des programmes sociaux de les aider à s'affranchir de la dépendance pour participer pleinement à la vie de la société, car la meilleure sécurité sociale, c'est encore un emploi. L'essence même de notre réforme consiste à remettre les gens au travail.

Nous croyons que c'est le moyen le plus rapide de parvenir à la prospérité, et il est capital d'avoir une économie forte si nous voulons assurer indépendance et égalité aux Canadiens qui sont en marge, notamment les femmes et les nouveaux venus, parmi d'autres groupes.

[Français]

Oui, monsieur le Président, nous devons prendre des décisions difficiles. Nos choix d'aujourd'hui détermineront les débouchés de demain. La priorité première du gouvernement est la croissance économique et la création d'emplois. Pour réussir cette mission, nous devons agir sur de multiples fronts. La réforme de la sécurité sociale est l'une de nos initiatives les plus importantes dans cette direction. La réforme de notre système de sécurité sociale doit reposer sur l'égalité pour tous les Canadiens. Nous devons absolument écouter les communautés laissées trop longtemps en marge de notre société: les peuples autochtones, les nouveaux arrivants, les personnes handicapées et les femmes. La nature et la portée des options que nous proposons sont fondamentales. Il est donc impératif que ces groupes participent au processus de consultation en cours.

[Traduction]

J'exhorte vivement tous les groupes à participer, et surtout les groupements féminins et les organisations ethnoculturelles. Je les y encourage personnellement. Cette réforme nous donne l'occasion d'infléchir l'évolution de nos programmes sociaux. Je crois que ces groupes nous doivent, ainsi qu'à ceux qu'ils représentent, de profiter au maximum de cette occasion. Je les incite à ne pas rater la chance de commenter ce document de consultation.

L'un des plus importants facteurs à prendre en considération dans l'étude de ce livre vert est celui des répercussions des réformes sur les femmes. Pourquoi? Parce que les femmes représentent 52 p. 100 de la population canadienne. Parce qu'elles font une énorme contribution à notre société et à notre économie, et que l'avenir de nos enfants repose entre leurs mains. Aujourd'hui, j'exhorte les députés à étudier les moyens de rendre notre nouveau régime de sécurité sociale efficace pour les femmes, et pour les enfants, qui sont notre avenir.

Tout d'abord, nous devons veiller à ce que la voix des femmes soit entendue au cours des consultations, tant dans nos circonscriptions qu'au comité, car les questions féminines sont, essentiellement, des questions qui concernent toute la société. Ces questions nous intéressent tous. Les femmes ne forment pas de groupes d'intérêts particuliers, car elles sont représentatives de milieux divers et elles ont toute une gamme d'intérêts et de préoccupations.

Pour réussir dans notre mission, nous avons absolument besoin de leurs conseils. Il faut qu'elles nous disent quels types de programmes sociaux leur donneraient un sentiment de sécurité et de bien-être et les aideraient à progresser vers l'égalité. Les groupes et organismes féminins ont beaucoup fait pour que les femmes progressent vers l'égalité et participent à part entière à la croissance et au développement du Canada de demain.

Par conséquent, nous bénéficierons tous de leur travail. Nous devons faire en sorte que les organismes qui défendent les intérêts des femmes, les groupes qui ont des ressources limitées et de vastes mandats aient suffisamment de temps et d'aide pour participer à cet exercice capital. En l'occurrence, il faut vraiment remercier le ministre du Développement des ressources humaines d'avoir facilité le processus.

Chacun doit pouvoir participer à ces consultations dont l'issue aura des répercussions sur chaque Canadien. Le ministre du Développement des ressources humaines s'est déjà entretenu avec de nombreux organismes, et lui et moi poursuivrons la discussion avec les groupes et les organisations de femmes préoccupés par le problème de la pauvreté.

Dans l'édification d'un régime de sécurité sociale servant les intérêts de chacun, le deuxième aspect fondamental, c'est de créer un régime tenant compte du sexe des intéressés, c'est-à-dire un régime reconnaissant que les Canadiens et les Canadiennes ne vivent pas les mêmes expériences.

Le document de travail sur la réforme des programmes sociaux présente les principaux domaines où les Canadiens doivent apporter des changements, soit l'emploi, l'acquisition du savoir et la sécurité. Ce sont des domaines où les femmes vivent des expériences différentes, des expériences qui trop souvent les désavantagent. Les femmes ont un rythme d'adhésion différent à la main-d'oeuvre.

(1540)

Nous devons nous assurer que les changements et les mesures que nous proposons dans ces domaines tiennent compte de ces différences, notamment en ce qui concerne les grossesses ainsi que les soins aux malades et aux personnes âgées. La réforme offre de nombreuses perspectives de changement. Grâce à l'adoption de mesures tenant compte du sexe des intéressés, ces perspectives peuvent se traduire par de nombreuses possibilités pour les femmes et la société. Les femmes pourraient bénéficier d'un examen de l'assurance-chômage qui tienne compte des besoins des titulaires d'emplois non normalisés.

Nous savons tous que cette main-d'oeuvre est principalement constituée de femmes et de jeunes Canadiens qui ne peuvent actuellement bénéficier de la protection de l'assurance-chômage. Des services d'emploi conviviaux et


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davantage axés sur les clients seraient mieux adaptés aux besoins des femmes.

Les programmes d'apprentissage permanent sont particulièrement importants pour les femmes, notamment celles qui ont interrompu leurs propres études très tôt dans la vie ou qui ont quitté la population active pour élever leurs enfants, un rôle important dans notre société. Les services de garderie sont tout spécialement importants pour les femmes dont les responsabilités familiales limitent trop souvent les possibilités d'emploi.

Ces exemples montrent de quelle manière nous pouvons envisager toutes les options de la réforme du point de vue des sexes pour voir comment elles influent sur la vie des femmes.

Enfin, je voudrais souligner que pour régler le problème des enfants pauvres, nous devons améliorer la situation économique des femmes au Canada. La réalité, c'est qu'au Canada les femmes risquent plus que les hommes de connaître la pauvreté toute leur vie. Un grand nombre de femmes connaissent la pauvreté à un moment donné durant leur vie. Nous devons reconnaître la complexité du concours de facteurs qui rendent les femmes et les enfants plus vulnérables. Ce sont encore surtout les femmes qui doivent faire le travail non rémunéré que constituent les soins des enfants, les soins des personnes âgées et les travaux ménagers.

En fait, les femmes font souvent partie de la génération dite intermédiaire, celle qui doit s'occuper à la fois de parents âgés et des enfants. Cependant, les femmes doivent de plus en plus gagner un revenu pour maintenir leur famille au-dessus du seuil de la pauvreté, qu'il s'agisse de ménages à deux revenus ou de familles monoparentales.

Un certain nombre de femmes ont fort bien réussi. J'espère que nous serons témoins d'autres grandes améliorations. Il s'agit de femmes qui ont eu la chance de faire des études supérieures et qui ont profité de l'action des organisations de femmes luttant pour l'égalité et contre le plafonnement voilé. Mais elles sont peu nombreuses, et il reste beaucoup à faire. Elles peuvent également prendre part au débat.

Si les femmes sont encore nettement désavantagées sur le marché du travail, c'est largement parce qu'elles ont des enfants et qu'elles doivent les élever. En 1992, les femmes ne touchaient que 77c. par dollar gagné par les hommes. C'est une situation désespérée qui ne peut que déboucher sur la dépendance économique et la pauvreté.

Selon un rapport du Conseil national du bien-être paru en 1990 et intitulé La femme et la pauvreté, dix ans plus tard, le lien entre la maternité et la pauvreté est évident. En outre, la seule garantie qu'aient la plupart des femmes mariées contre la pauvreté est le revenu de leur mari. Voilà qui n'est guère rassurant.

[Français]

En fait, le groupe qui risque le plus d'être frappé de pauvreté au Canada est celui des familles monoparentales dirigées par des femmes. En 1991, elles représentaient 82 p. 100 de toutes ces familles. Les enfants qui vivent avec une mère seule ont cinq fois plus de chance d'être pauvres que ceux qui vivent avec deux parents. Pourtant, nous ne pouvons pas demander aux femmes de demeurer dans une situation familiale précaire pour des motifs uniquement économiques, surtout quand la femme et les enfants y subissent la violence domestique ou en sont menacés. Nous devons aussi nous efforcer d'éviter les stéréotypes des mères seules ayant recours à l'aide sociale.

Une étude de 150 de ces femmes, qui a été effectuée en 1991 par le professeur Carolyne A. Gorlick de l'Université de Western Ontario, a démontré que ces mères avaient en moyenne 32 ans. Près des trois quarts avaient déjà occupé des emplois à temps plein ou à temps partiel. Quarante-et-un p. 100 avaient une éducation de niveau universitaire.

(1545)

La plupart avaient un ou deux enfants et presque toutes possédaient des études ou une formation quelconque. Le premier ministre a très bien dit récemment à Fredericton, et je cite: «Que la réforme n'est pas une question de chiffres et de statistiques. Elle concerne des êtres humains et les défis qu'ils doivent affronter tous les jours de leur vie.» Alors, comment aider une mère seule à réussir la transition entre l'aide sociale et l'emploi?

[Traduction]

Nous devons effectivement aider cette femme en lui fournissant une éducation et une formation.

Le président suppléant (M. Kilger): La situation s'est déjà présentée aujourd'hui. Je sais qu'il s'agit d'un sujet fort intéressant pour les deux côtés de la Chambre et qu'une période de 10 minutes peut parfois sembler beaucoup trop courte pour parler d'un sujet de fond comme celui-là.

Si les députés le veulent bien, nous laisserons donc la secrétaire d'État terminer son discours et nous renoncerons à la période de questions et observations.

Des voix: D'accord.

Mme Finestone: Monsieur le Président, je n'avais pas réalisé que le temps s'écoulait. Je remercie la Chambre de sa générosité.

Je disais donc qu'une femme ayant ce genre d'éducation et de formation n'obtiendrait vraisemblablement, en retournant sur le marché du travail, qu'un emploi peu rémunérateur, peu gratifiant et offrant peu de sécurité. Elle pourrait devoir apprendre une langue ou obtenir la reconnaissance professionnelle canadienne pour des études faites ou une formation reçue à l'étranger. Elle devrait certainement compter sur des mesures efficaces obligeant le père de ses enfants à verser la pension alimentaire et sur des services de garde d'enfants adéquats. Elle devrait trouver un milieu de travail favorable à un juste équilibre entre les responsabilités professionnelles et familiales et aurait éventuellement besoin d'un programme de sécurité sociale qui tienne compte du fait qu'elle vivra plusieurs années de plus que la plupart des hommes.

[Français]

Les femmes ont travaillé pendant des décennies pour progresser vers l'indépendance économique, au travail et à la maison. Nous devons à tout prix nous garder de saper ces progrès si durement gagnés vers l'autonomie économique individuelle. Nous devons reconnaître les liens entre la dépendance économique des femmes, l'inégalité et la violence qui leur sont faites.


7111

[Traduction]

Nous devons appuyer les femmes dans leur capacité de contrôler leur vie.

En terminant, je voudrais souligner que les Canadiens croient à la dignité du travail, au partage et à la compassion. En tant que société, nous reconnaissons l'interdépendance du mieux-être économique et social. Nous savons que l'un ne va pas sans l'autre.

Le Canada, qui suscite l'admiration des autres pays pour sa façon d'équilibrer ces aspects de notre vie en tant que collectivité, désire poursuivre ces efforts. Nous avons déjà traversé des périodes de changement très difficiles au cours de notre histoire, et nous pouvons encore le faire.

Permettez-moi de citer encore une fois les propos de notre premier ministre, car j'estime qu'ils sont importants: «Le changement ne signifie pas changer nos valeurs et nos principes, mais changer nos programmes pour répondre à de nouveaux besoins et de nouvelles réalités, conformément à nos valeurs et à nos principes, afin que nous puissions instaurer ensemble un régime de sécurité sociale qui englobe tous les Canadiens et contribue à une économie très forte. Ensemble, nous pouvons bâtir un pays prospère qui fait une place aux différences et à tout le monde.»

Après tout, les Canadiens et les Canadiennes veulent la sécurité, la dignité et la possibilité de s'assurer une vie décente, pour eux et pour leur famille. Tous les Canadiens veulent offrir un meilleur avenir à leurs enfants et s'assurer qu'ils ont toutes les chances de réussir.

Un régime de sécurité sociale efficace, équitable et abordable pour nous tous contribuera certainement à cela. Nous espérons que tout le monde apportera sa participation.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Suite à une réflexion qui m'a été faite, j'ai peut-être été un peu sévère de suggérer d'enlever la période de questions et de commentaires, particulièrement en raison du fait que c'était une ministre qui avait la parole. Alors, je vais accepter une question.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, les propos de la secrétaire d'État sont des propos généreux. Le problème, c'est que la réforme, à l'analyse qu'on en fait, va toucher d'abord les femmes et ne va pas les toucher en améliorant leur situation, mais au contraire, en la détériorant.

Voici seulement quelques exemples. Les premières touchées par les deux niveaux d'assurance-chômage seront les femmes qui, dans bien des cas, sont dans des emplois-parce que ce sont des emplois plus récents, on le sait-précaires à durée déterminée. Ce sont elles qui seront les premières touchées. Les femmes seront également touchées avec une des recommandations qui dit de tenir compte du salaire du conjoint dans la détermination des prestations d'assurance-chômage. Ce sont les femmes aussi qui seront touchées par les coupures annoncées à l'aide sociale. Et ce seront les femmes encore qui ne voudront pas s'endetter davantage pour étudier.

(1550)

Alors les femmes sont directement et de plein fouet touchées parce que, je le répète, malgré les propos généreux, et je connais le coeur de la secrétaire d'État, mais le fait est que le principal but de cette réforme, c'est de couper 15 milliards en cinq ans. On a beau faire toutes les invitations ou discussions qu'on veut, en réalité, les premières touchées sont les femmes. On les aide à la petite cuillère mais on leur nuit au tonneau.

Mme Finestone: Monsieur le Président, de prime abord, on ne coupera pas, comme vous l'avez suggéré, un montant de 15 milliards. Je crois que c'est ce que vous avez dit, mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai du tout et je crois que le ministre du Développement des ressources humaines vous a déjà répondu à cet égard. Il faut absolument que vous relisiez cette réponse dans le hansard; vous verrez que ce n'est pas vrai.

Deuxièmement, je reconnais que les femmes ont des difficultés et ce sera un défi de taille. Mais je dois dire que la situation qui existe maintenant est inacceptable. Tout ce qui est présentement en place empêche la femme et la garde dans la pauvreté. Ce que je veux, ce que ce parti veut, c'est une consultation en profondeur, surtout avec les femmes. Quand on les rencontre, on veut avoir leurs avis à savoir comment elles aimeraient que cela soit changé, parce que de la façon dont il est construit aujourd'hui, vous ne pouvez pas demander aux femmes de demeurer dans cette situation.

Les femmes ne peuvent retourner sur le marché du travail si elles sont assistées sociales, sur le BS, comme on dit au Québec, parce que toutes les-I was going to say «les stupidités», but I do not know if you say that in French-mais toutes les contraintes qu'on a en vertu du CAP ne permettent pas aux femmes de retourner sur le marché du travail.

[Traduction]

Cela les appauvrit au lieu de leur permettre de participer activement au marché du travail. Par conséquent, je dis à tous les députés de la Chambre et, notamment, à une fervente partisane de l'équité pour les femmes. . .

[Français]

À ma collègue d'en face qui m'a posé la question, je lui réponds qu'elle a raison, mais cette réforme va améliorer la situation de la femme, elle ne va pas lui nuire. Dans toutes les démarches qu'on a entreprises, j'ai insisté pour qu'on examine si la valeur pour les femmes est là et, sinon, que les femmes viennent nous le dire et on va regarder cela de plus près. Je vous invite à nous aider à faire des changements constructifs pour l'avenir des femmes partout au Canada.

[Traduction]

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'intervenir aujourd'hui et de féliciter le ministre du Développement des ressources humaines pour son engagement et sa contribution à l'égard de la mise en


7112

oeuvre du programme de croissance et de la création d'emplois du gouvernement.

Dans son document de travail, le ministre nous a donné l'occasion de participer à la réforme de notre système de sécurité sociale. Nous devons faire en sorte que nos programmes sociaux correspondent aux réalités actuelles, des réalités difficiles et contraignantes dont notre société ne peut plus faire fi.

Près de 80 p. 100 des Canadiens sont d'accord pour dire que nos programmes sociaux ont besoin d'être réformés en profondeur. Nous invitons tous les Canadiens à examiner la question et à nous conseiller sur la meilleure façon d'améliorer nos programmes, ainsi que de les adapter aux besoins des années 90 et, bien entendu, à ceux du siècle prochain.

[Français]

Le système de sécurité sociale au Canada a été conçu il y a un certain nombre d'années pour répondre aux besoins particuliers d'une époque révolue. Aujourd'hui, ces besoins sont différents, car la société ainsi que les modalités de l'économie ont subi d'importantes transformations.

(1555)

Par exemple, lorsque le programme d'assurance-chômage a été élaboré, il avait pour objectif d'accorder un soutien temporaire aux gens qui perdaient leur emploi. Aujourd'hui, par contre, les Canadiens et Canadiennes doivent s'adapter à une économie qui demande beaucoup moins de main-d'oeuvre. Il faut donc que le gouvernement canadien dote sa population d'un système de soutien différent pour tous ceux et celles qui désirent intégrer ou réintégrer un marché du travail très compétitif.

[Traduction]

Il est clair pour tous les Canadiens que c'est non seulement notre régime d'assurance-chômage, mais également tous nos programmes sociaux nationaux qui doivent être modifiés. Il faut maintenant moderniser le système de sécurité sociale qui vient en aide aux Canadiens depuis des décennies. Il s'agit de redéfinir nos programmes sociaux en fonction des changements socio-économiques auxquels notre société est confrontée.

Cependant, même si le gouvernement est bien décidé à procéder à une réforme en profondeur de notre filet de sécurité sociale, il s'en tiendra quand même aux principes fondamentaux qui ont guidé les gouvernements libéraux dans le passé. Ainsi, la principale priorité de notre gouvernement consiste à préserver les valeurs traditionnelles qui nous sont chères, la justice, la tolérance, la compassion pour les gens les plus vulnérables, tout en offrant à tous les Canadiens la dignité du travail.

Lorsque nous aidons les Canadiens à obtenir de bons emplois, nous devons songer au fait que presque la moitié de tous les nouveaux emplois demandent 16 années ou plus d'études et de formation. Pourtant, il y a encore 30 p. 100 d'étudiants qui décrochent avant d'avoir terminé leurs études secondaires.

C'est l'une des nombreuses contradictions qu'on doit supprimer pour préserver notre tissu social et assurer notre avenir économique. Nous devons offrir de meilleurs services d'orientation professionnelle aux prestataires d'assurance-chômage. Nous sommes conscients du fait qu'une formation de base est essentielle pour n'importe quel emploi et que la formation en classe et la formation en milieu de travail sont également des éléments essentiels pour redonner à notre main-d'oeuvre les compétences dont elle a besoin.

Les Canadiens pensent que nos programmes sociaux sont trop bureaucratiques et inefficients. Ils croient aussi que trop de gens sont forcés d'en dépendre. Nous n'aidons personne en supposant que certains Canadiens ne peuvent rien faire pour améliorer leur sort. Pourtant, c'est exactement l'hypothèse à la base de certains de nos programmes sociaux et il faut mettre un terme à cela.

Notre système de sécurité sociale doit protéger tous ceux et celles qui sont dans le besoin, c'est-à-dire les personnes qui ne peuvent pas travailler, les personnes handicapées ou atteintes d'une maladie chronique, les familles à faible revenu et les enfants vivant dans la pauvreté.

Dans le document de travail, le ministre énonce les quatre objectifs de la réforme: aider les Canadiens et les Canadiennes à trouver et à garder un emploi, soutenir le revenu de ceux et celles qui sont dans le besoin, veiller à ce que les programmes soient équitables, efficaces et dans la mesure de nos moyens, tout en mettant fin au gaspillage, et créer un environnement social qui favorise l'indépendance et le sens des responsabilités mutuelles.

[Français]

Nous voulons réformer notre système social pour protéger nos valeurs universelles d'égalité, de liberté, de compassion et d'entraide. En tant que société bâtie sur ces principes, nous avons le devoir de fournir toute l'aide dont nous disposons à ceux et celles qui en ont un besoin criant.

Cela veut dire que nous devons assurer un partage plus équitable de nos ressources. Le Canada est un pays qui regorge de richesses et qui, pour cela, fait l'envie du monde entier. Malheureusement, trop peu de Canadiens profitent de l'abondance dont dispose notre pays. C'est précisément cette carence que nous allons corriger avec l'aide de toute la population.

[Traduction]

En tant que gouvernement, nous devons nous attaquer aux problèmes que posent une économie où les emplois sont moins nombreux, une société dont la population vieillit, où la classe moyenne s'amenuise et où le taux de pauvreté est à la hausse. J'aimerais profiter de l'occasion pour rappeler à la Chambre et aux Canadiens que les personnes qui ont le plus besoin d'une réforme sociale sont les plus pauvres de notre pays. Et ce sont les femmes et les enfants.

(1600)

Il nous faut prendre en compte les difficultés qu'éprouvent les femmes dans notre société actuelle. Les femmes représentent la plupart des parents seuls et 60 p. 100 d'entre elles vivent sous le seuil de la pauvreté. Les femmes doivent travailler dur pour subvenir aux besoins de leur famille, mais elles souffrent toujours d'injustes écarts de salaires par rapport aux collègues masculins. Elles sont encore très sous-représentées dans les professions et les postes bien rémunérés.

C'est tragique de constater que les femmes qui gagnent leur vie en effectuant un travail sous-payé peuvent s'estimer avoir de la chance parce que, dans les deux tiers des cas, le travail des femmes n'est pas rémunéré. Cette réalité est inacceptable dans


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un pays où l'égalité a toujours été une composante fondamentale de nos valeurs nationales.

Pour toutes ces raisons, les Canadiennes sont en droit de recevoir une aide appropriée. Ainsi, loin d'être un luxe, un réseau de garderies d'enfants à prix abordable est plus que jamais nécessaire. Notre gouvernement, qui reconnaît l'urgence du problème, s'engage à collaborer avec les provinces pour accroître le nombre de places en garderies de qualité partout au Canada.

L'élévation du niveau de vie revêt une importance primordiale pour la destinée de nombreux enfants pauvres de chez nous. Il nous faut agir maintenant pour faciliter l'existence de plus d'un million d'enfants privés d'aide sociale. Dans l'état actuel de nos programmes sociaux, le nombre des enfants pauvres augmente au lieu de diminuer. De toute évidence, des améliorations s'imposent.

Ayant travaillé avec des femmes et des jeunes qui dépendent de l'aide sociale, je peux dire que les femmes sont conscientes de ce besoin, qu'elles sont les premières à reconnaître qu'il faut modifier les programmes, qu'elles sont les premières à reconnaître les obstacles qui les empêchent de décrocher l'emploi dont elles ont besoin et d'obtenir la formation dont elles ont besoin. Notre système est fait de façon telle que, pour y arriver, elles doivent mettre en péril la situation financière de leurs enfants, et ça, très peu de femmes sont prêtes à le faire. Ce sont ces obstacles que nous devons éliminer.

Il y a, dans notre société, d'autres groupes qui se heurtent au manque de services adéquats. Je pense ici aux personnes handicapées. Il faut leur faciliter l'accès à la formation et à des services d'emploi.

S'il y a un engagement dans cette réforme, c'est celui de créer des possibilités pour chacun des citoyens afin qu'ils puissent contribuer à l'édification de notre pays.

En terminant, je voudrais rappeler à la Chambre et aux Canadiens que nous préconisons ici une démarche participative. Le livre que le ministre a publié, il y a deux semaines, renferme un certain nombre de recommandations et d'options. Il est important que tous les Canadiens se renseignent sur le contenu de ce livre et participent aux discussions qui auront lieu au cours des prochains mois.

Samedi prochain, le 29 octobre, j'organise une journée de consultation dans ma circonscription, Ottawa-Ouest. Des consultations semblables ont lieu un peu partout au Canada. Dans les quelques secondes qu'il me reste, je voudrais simplement rappeler qu'il est extrêmement important, pour l'avenir de notre pays, que toutes les organisations et tous les particuliers participent à ces discussions.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, ma collègue a mentionné à plusieurs reprises la situation des femmes. Encore une fois, elle a un discours généreux à leur égard, mais la pratique est différente. Ce qu'elle nous propose est tout à fait contraire aux principes d'égalité, de justice, de tolérance, d'équité qu'elle a mentionnés, surtout lorsqu'il s'agit d'un secteur de femmes qui a encore davantage de problèmes, les femmes immigrantes, que je connais très bien.

Je pense que lorsque les libéraux étaient dans l'opposition, en pratique ils étaient en fait beaucoup plus cohérents. Aujourd'hui, ils font exactement le contraire de ce qu'ils prêchaient dans l'opposition. Je pense que ce n'est pas bon pour un parti politique comme le Parti libéral, le principal parti au Canada.

(1605)

Ma question est la suivante: Les programmes sociaux ont été instaurés lorsque le Canada était moins riche. Ça fait des années et des années. Aujourd'hui, le Canada est beaucoup plus riche. Alors, pourquoi s'attaquer aujourd'hui? Pourquoi ne pas aller chercher le financement des programmes sociaux chez les riches et ne pas supprimer les avantages des acquis sociaux pour lesquels les femmes ont lutté pendant des générations?

Mme Catterall: Monsieur le Président, tout d'abord j'aimerais m'adresser à la question des femmes. Je pense qu'il est très important de répéter ce que j'ai dit pendant mon discours. Il y a des discussions, des propositions. Je pense que la question que le député a soulevée est très importante, qu'elle a un impact sur les femmes et sur les enfants à certains propos. Comment peut-on avoir un meilleur système? C'est un sujet de discussion, de dialogue avec les Canadiennes afin que nous puissions avoir exactement leur opinion sur l'impact de certaines options.

J'espère que le député aura l'occasion de discuter du système actuel avec ses concitoyennes qui sont maintenant sur le bien-être social, parce que s'il discute avec les femmes qui sont dans le système, il va entendre parler des problèmes dans le système actuel, et les problèmes qui les gardent dans une situation de dépendance.

Je ne suis pas certaine que par le passé, lorsque les gouvernements libéraux ont instauré nos programmes sociaux, le pays était moins riche. Il serait très facile pour moi maintenant de dire que ce problème a été créé par le gouvernement précédent, mais je ne le dirai pas.

En vérité, nous sommes maintenant dans la situation où nous dépensons 40c. de chaque dollar pour l'intérêt sur la dette. Évidemment, c'est inacceptable, car nous ne les avons pas pas pour dépenser pour autre chose qui serait beaucoup mieux pour le pays et pour les Canadiens.

Je pense que c'est simplement une question d'utiliser les moyens que nous avons pour en arriver à un progrès pour les gens qui sont dans le système, et non pas les laisser dans un trou.

[Traduction]

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, j'ai un certain nombre de points à faire valoir, mais je devrai m'en tenir à un seul, parce que je vais manquer de temps. C'est ce que je vais faire.

Je veux mettre la Chambre-et le gouvernement en particulier-en garde contre une mauvaise utilisation des statistiques. Il y a bien longtemps, j'ai lu un livre sur la façon de mentir en utilisant les statistiques. On entend souvent dire


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qu'une importante proportion des enfants du Canada vit dans la pauvreté.

Je suis de ceux qui déplorent que des enfants aient à vivre dans la vraie pauvreté. J'ai une anecdote à raconter, très rapidement. Mon fils, qui se trouve actuellement au Rwanda, vivait dans le sud du Soudan, il y a quelques années. Il travaille en Afrique pour une oeuvre de bienfaisance. À cette époque, il nous avait écrit: «Papa, maman, nos efforts ont beaucoup de succès. Là où tous les jours 160 enfants mouraient de faim, nous avons ramené ce chiffre à 60.» Il disait ensuite: «C'est un succès énorme.» Parlant du quartier où nous vivions, il ajoutait: «Évidemment, selon les normes de Sherwood Park, nous sommes encore loin du but.»

C'est tellement vrai. Dans notre pays, nous ne connaissons pas la pauvreté. Selon Statistique Canada, une famille est pauvre si le revenu familial est inférieur à la moitié du revenu médian.

Ce qui est absurde avec ce système, c'est que si le revenu familial moyen atteignait 100 000 $ au Canada, toutes les familles qui gagnent moins de 50 000 $ seraient qualifiées de pauvres, suivant cette définition de la pauvreté. Oui, ces familles gagnent beaucoup moins que les gens qui les entourent, mais elles ne sont pas dans la misère. Je crois qu'il faut faire très, très attention.

(1610)

La pauvreté, c'est aussi un état d'esprit. J'ai grandi dans une famille très pauvre, mais nous n'avons jamais été pauvres dans le sens le plus tragique du terme. Nous avons toujours eu le minimum nécessaire, et l'amour faisait le reste. Quand une personne a tout cela, elle a vraiment tout ce qu'il lui faut.

Mme Catterall: Monsieur le Président, je suis très heureuse de répondre à cette question. Certains de mes collègues se rappelleront que c'est un ancien conservateur, président du comité de l'emploi et de l'immigration, qui a essayé de redéfinir la pauvreté et de prétendre qu'elle avait disparu.

Permettez que je dise au député de l'autre côté un mot au sujet des habitants de ma collectivité, des enfants qui commencent l'école désavantagés parce qu'ils sont reconnus comme pauvres dès qu'ils mettent le pied à l'école. Ils ne sont pas bien nourris. Ils n'ont pas le cheveu brillant. Ils n'ont pas de beaux vêtements. Leur éducation est compromise dès le départ, dès le jour où ils mettent le pied à l'école.

Si nous prétendons que la pauvreté n'est pas vraiment un problème dans ce pays, nous ne réglerons jamais ce problème. Or, si nous ne le réglons pas, les victimes seront nos enfants. Les enfants pauvres sont plus sujets à être victimes d'accidents graves, à tomber gravement malades, à se suicider, à abandonner les études et à finir en prison. Qu'avons-nous besoin de savoir de plus si ce n'est que nous devons régler le problème de la pauvreté?

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, en tant qu'ancien avocat spécialisé en droit du travail au Chili, en tant que syndicaliste qui a oeuvré 19 ans à la FTQ et en tant que député d'un comté modeste à Montréal-Nord, je m'intéresse tout particulièrement à la question des programmes sociaux. Je vous avoue que je suis très inquiet, suite à la publication, le 5 octobre dernier, du document de travail du gouvernement libéral intitulé La sécurité sociale dans le Canada de demain.

Le titre de ce document a peu de relation avec son contenu. Il s'agit simplement d'un document ultra conservateur. Même le gouvernement Mulroney n'avait jamais osé aller si loin comme le fait le gouvernement libéral de Jean Chrétien et de Lloyd Axworthy.

Le président suppléant (M. Kilger): Je veux simplement rappeler que nous nous reconnaissons par le titre des responsabilités que nous détenons. Par exemple, le très honorable premier ministre, l'honorable ministre du Développement des ressources humaines, etc. Je sais qu'on ne peut pas toujours faire preuve du même respect envers les anciens et les anciennes, mais par contre, pour tous ceux et celles qui siègent à la Chambre actuellement, nous nous devons de maintenir ce lien de respect.

M. Nunez: Monsieur le Président, je faisais allusion au gouvernement du premier ministre actuel et de son ministre du Développement des ressources humaines. Alors, je dois ajouter que les libéraux font exactement le contraire de ce qu'ils prêchaient dans l'opposition concernant les programmes sociaux. Je suis d'accord pour procéder à une réforme de la sécurité sociale, mais à une vraie réforme, pour l'améliorer, et non pour la détruire.

Il a fallu des décennies pour bâtir le régime de sécurité sociale du Canada. Maintenant, en l'espace de quelques mois, le gouvernement fédéral tente de le démanteler. Les véritables objectifs, cachés par les auteurs, de ces réformes est la réduction du déficit. Le gouvernement libéral, depuis son élection, fait tout pour équilibrer son budget sur le dos des démunis. Ce document propose une réforme très draconienne de l'assurance-chômage, du financement de l'aide sociale et de l'éducation postsecondaire destinée à lui faire économiser 15 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.

Le gouvernement veut ainsi réduire la dette nationale à la hauteur de 3 p. 100 du Produit intérieur brut, dans un délai de trois ans. Le document ne vise nullement le défi réel qui se pose aujourd'hui au Canada, à savoir la création d'emplois. Il ne cherche pas à éliminer les chevauchements de compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux, chevauchements qui coûtent très cher au pays.

(1615)

Il ne regarde pas du côté d'une fiscalité plus juste, des paradis fiscaux, des fiducies familiales, etc., mais il s'attaque plutôt à des programmes qui protègent les catégories les plus fragiles de la population. Pour le gouvernement, les coupables de la crise sont les démunis, les chômeurs, les assistés sociaux, et c'est incroyable!

Le mouvement syndical qui s'est battu et qui est à la base de l'instauration et de l'amélioration du système de sécurité sociale pendant des générations, aujourd'hui est unanime à s'opposer et


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à condamner la réforme proposée par le ministre du Développement des ressources humaines.

Au Québec, les présidents de trois centrales syndicales, Clément Godbout, de la FTQ, Gérald Larose, de la CSN et Lorraine Pagé, de la CEQ, ont dénoncé avec vigueur les intentions du gouvernement fédéral et préparent une grande offensive et un mémoire conjoint qui sera déposé prochainement dans le cadre des consultations menées par le Comité permanent du développement des ressources humaines. Ensemble, ces trois centrales regroupent plus de 700 000 travailleurs et travailleuses québécois.

Pour sa part, le Congrès du travail du Canada, avec ses 2,2 millions de membres, s'est engagé dans une lutte à fond contre ce projet. Son président, Robert White, reproche au document de ne rien prévoir pour la création d'emplois. Il ajoute: «Le gouvernement semble croire qu'en offrant une formation aux chômeurs et en leur coupant des prestations d'assurance-chômage, ces gens trouveront comme par enchantement des emplois qui n'existent pas. L'idée du travail obligatoire ou du bénévolat forcé qui découle de ce document constitue une insulte pour des centaines de milliers de Canadiens qui ont perdu leur emploi.»

Les milliers de chômeurs et d'assistés sociaux, ainsi que toutes les personnes que j'ai consultées dans mon comté de Bourassa, s'opposent vivement aux coupures et au démantèlement de nos programmes sociaux. Montréal-Nord est une ville dont la population se diversifie de plus en plus, vieillit et s'appauvrit. Au cours des deux dernières années, le nombre des prestations sociales a augmenté de 21 p. 100, et 34 p. 100 de toutes les demandes d'aide sociale sont associées à la perte d'emploi. Le taux de chômage à Montréal-Nord atteint 30 p. 100, en incluant les assistés sociaux aptes à travailler.

Mon comté et la ville de Montréal constituent aujourd'hui l'un des plus gros bassins de pauvreté au Canada. Les plus affectés par cette situation sont les minorités visibles, les jeunes, les femmes et les personnes âgées qui sont très nombreuses dans mon comté.

Je profite de cette occasion pour dénoncer la décision récente de VIA Rail de supprimer immédiatement 478 emplois, dont 273 à Montréal. En décembre 1993, la compagnie avait déjà annoncé le licenciement de 250 personnes également. La plupart de ces travailleurs sont membres du Syndicat canadien de l'automobile, mon syndicat. Ces gens-là veulent travailler.

[Traduction]

Ces gens ont le désir de travailler, d'avoir un emploi rémunéré. Ils s'inquiètent en particulier des modifications proposées à l'assurance-chômage. Les habitants de ma circonscription craignent l'intention du gouvernement fédéral de prendre en considération le revenu du conjoint pour calculer le montant des prestations.

Si elle est adoptée, cette réforme sera particulièrement coûteuse pour les femmes et elle mettra en danger les progrès vers l'égalité réalisés par toute une génération.

L'assurance-chômage est un des piliers de notre système de sécurité sociale. Elle est entièrement financée par les cotisations des travailleurs et des employeurs. Les employés paient pour être assurés contre la perte de revenus résultant de la perte de leur emploi. Donc, le gouvernement n'a ni l'autorité ni le droit moral de retirer à ces travailleurs ce qui leur revient de plein droit.

(1620)

[Français]

Il faut mentionner que les programmes sociaux canadiens dans leur ensemble sont déjà inférieurs à la moyenne des pays industrialisés. En effet, le Canada dépense 18 milliards de dollars de moins chaque année au titre des dépenses sociales que la moyenne des nations faisant partie de l'OCDE. Ce retard du Canada se manifeste surtout en matière de services de garde des enfants, de régime public des pensions et d'assurance-invalidité. Dans plusieurs domaines, les programmes sociaux canadiens sont inférieurs aux normes internationales.

Pour toutes ces raisons, à l'instar de mon parti, le Bloc québécois, du mouvement syndical et de la population de mon comté, à Montréal-Nord, je m'oppose et je dénonce vigoureusement la réforme à la sécurité sociale prônée par le gouvernement fédéral.

[Traduction]

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de constater que les Nations Unies continuent de déclarer au reste du monde que le Canada est le meilleur pays où habiter.

À quand remonte la dernière fois où le gouvernement a donné à l'opposition l'occasion de discuter de la réforme de la politique sociale? À quand remonte la dernière fois où la réforme d'une politique a été approuvée par 91 p. 100 des Canadiens? À quand remonte la dernière fois où, un an après son arrivée au pouvoir, le premier ministre a reçu un appui personnel se traduisant par une cote de popularité de 42 p. 100? À quand remonte la dernière fois où le chef de l'opposition a reçu un appui d'à peine 7 p. 100 de la population?

De toute évidence, tout cela montre que le gouvernement fait du bon travail.

J'ai assisté ce matin aux cérémonies d'inauguration d'un des projets créateurs d'emplois dans ma circonscription de Don Valley-Nord. Des quatre projets créateurs d'emplois qui sont prévus dans ma circonscription, celui-ci créera 111 nouveaux emplois. Des gens pourront mettre du pain sur leur table et voir aux besoins de leurs enfants sans recourir à l'assistance sociale ou à l'assurance-chômage. Voilà le travail que fait le gouvernement pour offrir aux Canadiens de nouveaux débouchés et un meilleur avenir.

Comme on l'a mentionné tout à l'heure, le gouvernement précédent avait formé un comité dont il a chargé les membres de redéfinir la pauvreté, surtout la pauvreté chez les enfants. Ce comité a voulu redéfinir tout le processus du revenu, de sorte que, grâce à une formule magique, il pourrait faire disparaître 50 p. 100 de la pauvreté chez les enfants canadiens. Nous entendons nous y prendre autrement. Nous voulons écouter ce que les autres Canadiens ont à dire, pour que leur participation soit positive et


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que nous puissions modifier le pays de la meilleure façon possible. C'est comme cela que nous allons y arriver.

Je n'ai jamais entendu le moindre commentaire positif des gens d'en face. Ils ne disent que des choses négatives sur le Canada. Comme mon collègue, je dirai qu'ils ne voient qu'un verre à moitié vide. Nous voyons un verre à moitié plein que nous allons remplir jusqu'au bord.

[Français]

M. Nunez: Monsieur le Président, j'ai été positif comme mes collègues du Bloc québécois; nous voulons maintenir les acquis sociaux au Canada. Le seul problème que nous avons avec le parti d'en face, c'est que nous voulons les financer avec l'argent, où il se trouve: des riches, des fiducies familiales, des paradis fiscaux. C'est cet argent qui doit financer les programmes sociaux. Nous sommes très positifs là-dessus.

L'ONU a déclaré le Canada le meilleur pays au monde, mais je pense que l'ONU s'est penchée sur le système macroéconomique. L'ONU ne pourrait probablement pas ignorer, aujourd'hui, qu'au Canada, il y a des écarts énormes. Quand je suis arrivé au Canada, il y a 20 ans, c'était une société plus égalitaire. Aujourd'hui, il y a des gens de plus en plus riches et il y a des gens de plus en plus pauvres. Parmi ces plus pauvres se trouvent les enfants que mon honorable collègue a mentionnés. Mais il y a des enfants pauvres au Canada, parce qu'il y a des familles pauvres, parce qu'il y a des parents qui n'ont pas d'emploi, parce qu'il y a des femmes qui sont désavantagées dans la société. Et c'est cela, la cause de la pauvreté des enfants.

(1625)

Je pense que nous sommes très positifs et nous allons, au cours du processus de consultation, apporter des suggestions et une grande contribution au développement des ressources humaines, mais du bon côté, non pas du côté actuel du gouvernement.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, je traiterai de l'impact du projet de réforme des programmes sociaux sur les femmes. En tant que porte-parole de la condition féminine, j'interviendrai tout spécifiquement sur les retombées de ces propositions qui ont été faites par le ministre du Développement des ressources humaines.

Le projet contient plusieurs éléments qui sont tout à fait inacceptables pour les Canadiennes et les Québécoises. Le premier est le volet qui traite du programme d'assurance-chômage. Une des conséquences du projet sera la diminution des prestations que toucheront les femmes. En effet, la réforme prévoit que si une personne vivant en couple perd son emploi, elle verra ses prestations réduites si son conjoint gagne un bon salaire. Comme les statistiques sont à l'effet que les femmes gagnent environ 70 p. 100 du salaire des hommes, elles seront directement pénalisées par le projet, puisque leurs prestations seront diminuées ou tout simplement réduites à néant.

Cette proposition est totalement inacceptable. Comment peut-on justifier la promotion d'une telle politique et prétendre en même temps, sur la scène internationale, défendre le droit des femmes à l'égalité économique, comme le gouvernement canadien l'a fait à la conférence de Nairobi et s'apprête à le faire à l'automne prochain à Beijing?

Il s'agit ici d'une forme pernicieuse de discrimination. Ou bien on tente réellement de promouvoir le droit des femmes à l'égalité, tout en s'assurant que les politiques internes sont équitables et tiennent compte de la réalité des femmes, ou bien on s'abstient de se vanter d'être un leader mondial dans le domaine des droits des femmes. Il faudrait que ce gouvernement se branche. Il faudrait à tout le moins que le gouvernement s'assure qu'il n'accroît pas, par des politiques irréfléchies, la dépendance des femmes envers les hommes, perpétuant ainsi les contextes favorisant la violence et l'exploitation.

Une autre hypothèse que l'on retrouve dans le document de consultation du ministre est celle de la réduction de l'accès aux prestations. En vertu de cette dernière, les chômeurs fréquents, principalement ceux qui détiennent des emplois précaires, souvent les femmes, verraient leurs prestations réduites. Encore une fois, on pénalise les femmes puisque ce sont elles qui détiennent de façon majoritaire la palme des emplois saisonniers.

Enfin, toujours dans la section de l'assurance-chômage, le document soulève une question: fin de la contribution au régime. Nous sommes en droit de nous demander si on n'exigera pas des femmes qui n'ont pas droit à des prestations à cause du revenu de leur conjoint, de continuer à contribuer au régime, taxant un peu plus le revenu familial. Cette situation constituerait à notre avis une augmentation déguisée du fardeau fiscal, contraire aux promesses de l'actuel chef du gouvernement.

Passons maintenant à un autre aspect de la réforme qui mérite une grande attention, soit le financement de l'éducation postsecondaire. Ici encore, les femmes encaissent un recul. Le ministre déclarait à cette Chambre le 6 octobre dernier, et je cite: «Remettons beaucoup d'argent dans le système. Offrons à tous les types d'étudiants, partout au Canada, un système de prêts et bourses beaucoup plus large afin qu'ils puissent faire des études et rembourser leurs prêts en fonction de leurs revenus.»

La réduction des transferts de paiement aux provinces aura des conséquences directes sur les gouvernements provinciaux. Ainsi, ils auront à faire l'heureux choix entre assumer le nouveau fardeau fiscal ou le transférer aux universités. Donc, d'un côté on hausse les impôts pour parer à ce nouveau coût, ou bien les universités se retrouvent dans l'obligation d'augmenter de façon importante les frais de scolarité, ce qui entraînera par conséquent un accroissement de l'endettement des étudiants. On procéderait ainsi à un retour en arrière, surtout au Québec, où on a réussi à permettre aux personnes défavorisées financièrement à fréquenter le collège et l'université. L'impact sur les femmes est direct. Les femmes, on le sait, sont plus pauvres que les hommes.

Si on retourne au système où seuls les plus riches peuvent se permettre des études postsecondaires, le pourcentage de collégiennes et bachelières diminuera considérablement.

(1630)

Or, point besoin d'être statisticienne pour savoir que le niveau d'instruction a une corrélation directe avec le niveau de revenu. Est-ce ainsi que l'on réduira le décrochage scolaire, en anéantissant chez les moins riches tout espoir d'avoir accès à des études plus poussées et d'améliorer leur sort? Est-ce ainsi que le


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ministre du Développement des ressources humaines améliorera les possibilités d'égalité économique des femmes?

Je crois que c'est plutôt ainsi qu'il incitera les étudiants à poursuivre leurs études et à s'endetter dramatiquement. C'est ainsi qu'on en arrivera à la mise sur pied d'un modèle américain de système universitaire à deux paliers: le privé huppé et le public pauvre. On ne retrouve aucun projet, aucun principe directeur, aucune direction relativement à l'expansion des services de garde, sauf pour dire qu'on y investira éventuellement des fonds. Cette omission est importante et reflète bien l'absence de considération de ce gouvernement pour les besoins quotidiens des femmes.

Comment ces dernières peuvent-elles réintégrer ou fonctionner adéquatement dans un milieu de travail, alors qu'elles ont à composer tous les jours avec un problème de pénurie de services de garde pour leurs enfants? Il faudrait que les femmes gagnent au moins 10 $ l'heure pour être capables de payer les frais de garderie et aussi les déplacements encourus lorsqu'une femme travaille et cela, quand une femme a un enfant. Il faudrait que le salaire de 10 $ l'heure soit haussé pour permettre à une femme d'aller sur le marché du travail et pour permettre que ses enfants soient gardés adéquatement.

Entre autres, on sait que bon nombre d'entre elles, surtout les mères célibataires, quitteront leur emploi ou n'obtiendront pas de promotion parce qu'elles n'ont pas accès à des services de garde ou encore n'ont pas de revenus suffisants. Il y a lieu de se demander où résident les priorités du gouvernement. Ces priorités se situent-elles dans les achats de missiles à 400 000 $ l'unité pour faire bien paraître l'armée canadienne à des compétitions en Floride ou bien donnera-t-on priorité à l'interception de communications privées par le Centre de la sécurité des télécommunications, évaluées au modique coût de 250 millions de dollars par année?

Le ministre du Développement des ressources humaines se souciera-t-il plus du financement des programmes que son chef, qui déclarait ne pas s'inquiéter des dépenses savamment dissimulées dans les comptes publics? N'y aurait-il pas lieu d'investir dans l'avenir des enfants et moins dans des activités non productives? Où sont les priorités de ce gouvernement? Pour quels besoins trouvera-t-on l'argent nécessaire? Il y a également lieu de se demander pourquoi ce gouvernement n'a pas élaboré son projet de réforme en tenant compte de l'inégalité économique des femmes et des hommes et en visant à la corriger.

Nous devons dénoncer ce projet de réforme néfaste pour les travailleuses, les étudiants et les chômeuses fréquentes, qui ne contient aucune stratégie de création d'emplois. Les femmes ont besoin d'emplois rémunérateurs et permanents, alors que la seule mesure créatrice d'emplois connue du gouvernement depuis son élection, le programme des travaux d'infrastructure, n'a nullement développé la participation des femmes au marché de l'emploi, puisque les emplois ne répondaient pas à la formation plus traditionnellement féminine.

Les femmes n'ont pas besoin qu'on leur parle ad nauseam de formation, alors que cette formation ne mène nulle part, puisqu'il n'y a pas d'emplois à combler. Les femmes ont besoin d'une vraie réforme, avec des mesures qui leur faciliteront l'égalité économique et non qui les entraîneront un peu plus loin dans le «pattern» habituel de dépendance et de décrochage. Monsieur le ministre, un grand coup de barre est nécessaire pour que les femmes puissent investir le marché du travail.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, justement, comme le disait la députée de Québec, je crois que le but de l'exercice, enfin de ce sondage, de cette consultation pancanadienne est de voir si on peut trouver des solutions à des problèmes franchement pressants. Un des problèmes relevés par la députée est la condition des mères célibataires. Il y a aussi le problème que souvent les salaires ne suffisent pas à ces femmes, afin qu'elles puissent s'occuper de leurs enfants.

Je crois que nous avons beaucoup à faire à ce niveau et d'ailleurs, je suis un des premiers-et je crois que c'est partagé par l'ensemble des députés-à affirmer qu'il est vrai que dans la situation que nous connaisson actuellement, les femmes ont été franchement maltraitées par le système. Les femmes ont été pénalisées si elles désiraient se trouver un emploi ou se parfaire dans un domaine, afin de se trouver un nouvel emploi.

(1635)

Je voudrais savoir si la députée reconnaît qu'on veut quand même faire des efforts pour soutenir les femmes dans la recherche d'un emploi et d'un revenu franchement acceptables.

Mme Gagnon: Monsieur le Président, on pense peut-être vouloir faire des efforts. Mais entre la rhétorique et ce qui se passe réellement, il y a deux réalités. Je pense qu'il faut avoir des mises en garde à l'égard des propositions abordées dans le document de travail, des mises en garde pour les femmes. Lorsqu'on en revient à tenir compte du salaire du mari pour justifier les prestations d'assurance-chômage, je crois qu'il y a un net recul.

Je ne pense pas que nous prenions la bonne direction, si cette suggestion est approuvée par le gouvernement libéral. Les chômeurs fréquents sont surtout des femmes, donc c'est deux poids, deux mesures. D'un côté, on permet à des fiducies familiales d'avoir des abris fiscaux, et d'un autre côté, on dit qu'on va faire la chasse aux sorcières, on va faire la chasse aux chômeuses, on va essayer de découvrir si, par exemple, les chômeuses ont deux, trois fois accès à des prestations d'assurance-chômage. Et à ce moment-là, on va les leur couper et elles n'auront plus droit à leurs prestations d'assurance-chômage.

Au Québec aussi, il y a un autre aspect de la question. Je pense que le gouvernement libéral a littéralement pour objectif de s'ingérer dans la formation professionnelle. Au Québec, il y a eu un consensus de différents partis, qu'on pense à la Commission Bélanger-Campeau, aux syndicats, aux partis politiques, au Conseil du patronat, et tous sont d'accord pour dire que le Québec devrait gérer sa propre formation professionnelle. C'est une bureaucratie qui coûte cher, qui coûte cher au gouvernement fédéral et qui coûte cher au Québec, en temps et en argent.

Donc, je ne pense pas que le gouvernement libéral aille dans cette direction. Au Québec, depuis 1970, le taux de chômage a doublé. Le gouvernement libéral est en train de continuer la politique du gouvernement conservateur qui, on le sait, a perdu ses élections parce que c'était le même programme qu'on offrait.


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On voulait couper l'assurance-chômage, on voulait réformer les programmes sociaux, mais le Parti libéral avait promis des emplois. C'est à ce chapitre-là que le Parti libéral n'est pas dans la bonne direction. Il devrait plutôt proposer de stimuler l'économie, stimuler les entreprises pour qu'il y ait de l'emploi.

Il est sûr que si le taux de chômage a doublé depuis 1970, c'est parce qu'il n'y a pas d'emploi. Qu'allons-nous faire avec les chômeurs fréquents? Nous allons les pénaliser. Nous allons en faire des travailleurs, des chômeurs de deuxième catégorie et les femmes vont être particulièrement pénalisées par cette suggestion.

M. Gagnon: Monsieur le Président, dire qu'on veut pénaliser ceux qui sont sans emploi, ce n'est pas juste. Je crois que le but de tout gouvernement est de trouver de l'emploi pour les Canadiens et les Canadiennes, de rendre l'éducation accessible, de trouver des moyens d'améliorer le sort des plus démunis, comme les mères célibataires ou ceux qui sont en situation monoparentale, et de tenter de donner un avenir plus prospère à leurs enfants.

Encore une fois, de la part du Bloc québécois, il n'y a qu'un constat. Et le constat, ou le même refrain, c'est qu'on voudrait que le gouvernement fédéral cesse de s'ingérer dans des programmes provinciaux.

Je ne ferai pas le procès du gouvernement du Québec ou du ministère de l'Éducation. Je l'ai fait et d'ailleurs, j'aurai l'occasion d'en parler plus tard. Qu'est-ce qui compte pour cette personne qui se trouve dans une situation difficile? Ce n'est pas de savoir si c'est un fonctionnaire de Québec qui s'occupe de ses affaires ou un fonctionnaire du gouvernement du Canada. Ce qui compte pour elle, c'est de s'assurer qu'on déploie des programmes, qu'on lui donne une chance et qu'on apporte des mesures constructives permettant de relancer l'économie. Ce qui compte, c'est de permettre à ces gens-là, surtout les plus démunis-et je crois que cela a toujours été le credo libéral fédéral, de s'occuper des plus démunis-de pouvoir réintégrer le marché du travail.

Mais dire encore une fois que c'est un problème de chevauchements, que c'est un problème d'ingérence fédérale, c'est tout à fait faux. Malheureusement, la députée d'en face est victime de la propagande de son propre parti.

(1640)

Mme Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, les propos du député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine ne m'étonnent pas du tout. Je pense qu'il y a eu un consensus au Québec sur l'éducation et sur la formation professionnelle. Ce sont des gens crédibles, et c'est en dehors des partis politiques. Je faisais la nomenclature de tous les intervenants du milieu politique, du milieu de l'éducation, du milieu syndical, et on s'entend au Québec que la gestion de l'éducation et de la formation professionnelle devrait relever du Québec.

Je me suis fait dire par des fonctionnaires que l'harmonisation des programmes du fédéral et du provincial est incompréhensible pour quiconque. On voit que M. le député ne s'est pas cherché souvent de l'emploi et qu'il n'a pas eu affaire à ce dédale qui est très difficile à comprendre sur les programmes offerts par le Québec et ceux offerts par le fédéral.

Un des programmes offerts par le fédéral, avant que le programme ne démarre, est l'analyse du besoin. Il s'est passé une période de deux ans avant de pouvoir mettre sur pied le programme; et à partir du moment où le programme démarrait, le besoin avait évolué et on n'avait plus de gens pour participer à ces cours. Pendant ce temps, ces gens n'avaient pas travaillé. Donc, on ne me fera pas dire que c'est de la mauvaise volonté de la part du Bloc québécois s'il ne comprend pas.

Nous avons été élus dans nos comtés avec une forte majorité pour défendre les intérêts du Québec, et je pense que les intérêts du Québec sont de rapatrier notre argent.

Je n'ai pas parlé des transferts aux provinces. Le gouvernement veut couper les transferts aux provinces pour que celles-ci portent l'odieux de cette gestion du chômage à rabais. Donc, les provinces en feront encore les frais. Et on sait que quand les provinces n'ont plus d'argent, ce sont les municipalités qui en écopent.

Donc, je pense que quand les provinces pourront gérer leurs propres programmes, les électeurs et électrices et toute la population sauront qui est fautif. Présentement, le fédéral et le provincial se lancent la balle.

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir: l'honorable députée de Mercier-Le chômage.

[Traduction]

M. Ron MacDonald (Dartmouth, Lib.): Monsieur le Président, j'étais vraiment impatient de participer au présent débat. Au cours de la dernière législature, j'ai souvent pris la parole ici au sujet des principes mêmes dont nous sommes saisis aujourd'hui, des principes fondamentaux de notre pays qui, en dépit de tous nos problèmes, est l'un des plus beaux au monde.

Je viens d'une région qui, pendant sans doute trop longtemps, n'a pas pris part à la grandeur ni, en particulier, à la richesse de notre pays. Nore région est riche de par sa culture, son histoire, sa musique et ses gens, mais ce n'est pas avec cela qu'on nourrit sa famille. À l'instar de nombre de mes prédécesseurs en cette chambre, j'ai fait de mon mieux pour que la politique du gouvernement central tienne compte du fait que notre pays se compose de régions.

Toute la notion de réforme de la politique sociale donne peut-être des frissons à beaucoup de gens, y compris à des premiers ministres provinciaux qui comptent sur un programme généreux, judicieux et rationnel de dépenses sociales fédérales, car c'est le gouvernement fédéral qui a le pouvoir fiscal d'offrir des services de qualité uniforme dans tout le pays.

En fait, il faut revenir un peu en arrière et parler de l'évolution de la politique sociale au Canada. Presque tous les grands programmes que nous avons aujourd'hui sont le résultat de


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débats tenus ici et dans la population. Presque toutes les mesures législatives progressistes que nous débattons à l'heure actuelle dans le cadre de la réforme de la politique sociale ont été proposées par des gouvernements libéraux.

Il faut veiller, dans nos critiques, à ne pas renier la contribution du parti qui montre aux députés à réformer les programmes sociaux au Canada. Lorsque je jette un coup d'oeil sur le passé, il me semble parfaitement clair que le Parti libéral du Canada s'est efforcé de faire que notre pays ne soit pas une copie conforme des États-Unis.

(1645)

Nous avons reconnu que le libre marché devait croître et se développer, mais nous restions convaincus que certains grands principes devaient s'appliquer pour tempérer l'influence du secteur privé et des forces du marché au Canada. Nous n'étions pas comme les Américains et nous n'étions pas non plus comme les petits pays densément peuplés où nous sommes allés chercher des immigrants au début de notre histoire.

Le Canada est l'un des pays les plus étendus du monde et la population y est répartie très inégalement. Actuellement, nous avons 10 gouvernements provinciaux et deux territoriaux. Depuis le début de notre histoire et depuis que l'on a commencé à exploiter toutes les richesses que Dieu nous a données, la doctrine libérale est restée la même et selon cette doctrine, les gouvernements ont la responsabilité de faire en sorte que toutes les richesses du Canada soient partagées le plus également possible entre tous les Canadiens, peu importe où ils vivent.

Comment pouvons-nous faire cela? Peut-on se contenter de dire, lorsque l'on trouve du pétrole en Alberta que la génération actuelle et peut-être la prochaine génération d'Albertains vivront bien? Pouvait-on dire, il y a 100 ans, lorsque la morue était abondante que tous ces foyers qui en tiraient beaucoup d'argent n'avaient pas à le partager? Non. Nous estimions collectivement que le gouvernement avait la responsabilité, dans la mesure du possible, de redistribuer la richesse pour en faire profiter les individus les moins prospères.

Nous avons réussi à atteindre ce but grâce aux programmes sociaux. Nous avons mis sur pied le régime d'assurance-chômage. Nous avons décidé que nous avions besoin d'un mécanisme uniforme pour transférer des fonds de façon régulière et nous avons mis sur pied le financement des programmes établis. Voilà comment le gouvernement fédéral, grâce à ses pouvoirs d'imposition, perçoit de l'argent et le redistribue aux provinces pour essayer d'assurer un certain niveau de qualité dans les services de soins de santé et l'enseignement postsecondaire.

Lorsqu'on a instauré le régime d'assurance-chômage, c'était pour voir à ce que les banques ne viennent pas saisir les fermes des travailleurs qui se retrouvaient temporairement sans emploi. On voulait donner à ces personnes un supplément de revenu en attendant qu'elles se recyclent ou qu'elles trouvent un autre emploi et qu'elles puissent payer leurs factures.

La politique sociale a continué d'évoluer jusqu'à ce qu'une des caractéristiques fondamentales de notre pays, la péréquation, soit établie dans la Loi constitutionnelle. L'un des principaux facteurs qui distingue notre pays des autres pays dans le monde, c'est le fait que notre Constitution dit que le gouvernement a la responsabilité de voir à ce que chaque province soit capable d'offrir des services conformes à des normes nationales, quelle que soit sa situation financière.

Tous nos programmes sociaux, qu'il s'agisse de la sécurité de la vieillesse ou des pensions des anciens combattants, ont été mis sur pied par les gouvernements précédents en vue de respecter cet engagement fondamental, cette caractéristique de notre société qui veut que tous les Canadiens aient des chances égales.

Certains diront que, dans une province comme la Nouvelle-Écosse, nous dépendons trop de cette aide. C'est peut-être vrai. Certains diront que les sommes transférées à la Nouvelle-Écosse n'ont peut-être pas donné les résultats escomptés. Je suis de ceux qui partagent cet avis.

Je crois qu'il est temps que nous examinions les moyens que nous utilisons. Ces programmes sont simplement des instruments pour mettre certains principes en pratique. Il s'agit également pour les Canadiens de réaffirmer ces principes.

Je sais que certains du côté du Parti libéral, et qui siègent peut-être même à la Chambre, estiment qu'il faut lutter farouchement pour conserver ces instruments. Je ne suis pas de cet avis. En cette période d'austérité budgétaire, il nous faut plutôt redéfinir ce que nous tâchons d'accomplir en tant que gouvernements.

Va-t-on conserver le principe de la péréquation comme l'un des éléments fondamentaux de la structure de notre pays? La plupart des députés ici présents diraient sûrement oui. Va-t-on encore tâcher de partager la richesse de notre grand pays de sorte que des gens comme moi, le fils d'un mineur de charbon qui a été plus souvent au chômage qu'autrement au Cap-Breton, puissent fréquenter l'université sans en être empêchés par des frais de scolarité inabordables? Va-t-on s'assurer que le résident du nord de l'Ontario aussi bien que celui du centre-ville de Vancouver ou celui de Baie d'Espoir, à Terre-Neuve, quand il éprouve des problèmes de santé, n'ait pas à se soucier de l'état de ses économies pour recevoir des soins médicaux?

(1650)

Nous faisons face à de grands défis. Je crois que dans le cours de ce débat, les Canadiens réaffirmeront les principes sur lesquels notre pays a été fondé, les principes d'équité, de partage égal des ressources, de bienveillance les uns envers les autres, de même que de libre marché, tout cela mis ensemble.

La réforme dont nous parlons est essentielle. Il est essentiel de nous attaquer aux véritables problèmes économiques dont nous souffrons aujourd'hui. Il est également essentiel que ces


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réformes ne soient pas dictées par l'une ou l'autre région du pays.

La région de l'Atlantique n'est pas celle des Prairies. L'Alberta n'est pas Terre-Neuve. Le Québec n'est pas l'Ontario. Nous avons un pays qui se distingue autant par les différences qu'il a su harmoniser sur le plan intérieur que par sa géographie et par sa population.

Au cours de cette réforme de la politique sociale, au cours du débat qui s'amorce, nous devons faire en sorte que ces principes qui ont été établis et qui ont fait de notre pays un grand pays d'un océan à l'autre, soient réinventés. Il en va là du fondement de notre pays, et s'il existe une meilleure manière de mettre en pratique ces principes de péréquation, ces principes qui permettent à chacun des individus qui forment le peuple canadien de développer pleinement son potentiel, je serai preneur.

J'ai peur du changement. Quand je vois proposer aux fins du débat deux régimes d'assurance-chômage, je crains que cela ne signifie que certains des pêcheurs de la région de l'Atlantique ou de la Gaspésie en pâtiront, et cela m'inquiète beaucoup. Je crains que la réduction des paiements de transferts prévus par le FPE pour les universités n'ait pour résultat de bloquer l'accès aux études de gens qui, comme moi, ont grandi ou grandissent dans des familles qui ont à peine de quoi subvenir aux besoins essentiels et ne peuvent donc mettre de l'argent de côté pour les études universitaires de leurs enfants.

Je suis également convaincu, ce qui fait contrepoids à mes inquiétudes, que ce débat aura pour résultat unique que nous allons nous solidariser et réaffirmer les principes de la péréquation, principes qui permettent à l'économie de libre marché de prospérer, mais aussi à ce grand pays qu'est le Canada de mettre ses ressources, aussi bien que peuvent le faire de simples mortels, à la disposition de tous les citoyens, où qu'ils vivent.

Le débat est important, et j'espère que ma voix sera entendue. Je devrai probablement exprimer ma dissidence sur de nombreux points, mais je ne vais pas rester en retrait, à critiquer sans participer. Rester en retrait, c'est refuser de faire entendre le point de vue de ceux que je représente. Je ne suis peut-être pas imposant, mais j'ai été doté de bonnes cordes vocales, et je suis prêt à m'en servir pour transmettre le point de vue des citoyens non seulement de l'Atlantique, mais aussi de tout le reste du pays. Je veux faire en sorte que le gouvernement, répondant à leurs voeux, satisfasse vraiment à leurs besoins par un nouveau régime social, et que les moyens que nous choisirons pour appliquer la nouvelle politique soient efficaces, répondent aux besoins des plus nécessiteux et, par-dessus tout, fassent en sorte que, dans la génération montante, les Canadiens, dont un bien trop grand nombre vivent dans la pauvreté, puissent espérer un avenir brillant dans notre beau pays.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai trouvé des plus fascinants de venir à la Chambre des communes et de traiter directement avec des gens éminemment qualifiés pour parler au nom du Parti libéral au Parlement.

L'une des difficultés que j'ai éprouvées, c'est d'être incapable d'obtenir une réponse directe à une très simple question portant sur l'universalité. Le député croit-il en fait à l'universalité?

En écoutant le discours fort éloquent du député, il m'a semblé qu'à l'instar de la plupart des libéraux il tentait de gagner sur les deux tableaux. Il veut à la fois que le gouvernement intervienne davantage et que le marché soit libre. Malheureusement, il y a des choses qui s'excluent.

Je ne dis pas que je suis contre le concept de base de la péréquation ni qu'il faut tout égaliser, mais il faut se rendre compte que nous avons poussé les choses au point où nous n'avons plus les moyens de continuer.

Ma question porte donc sur l'universalité. Je crois que c'est la quatrième fois que je pose cette question et que c'est le quatrième député à qui je la pose. Je sais que le député va me donner une réponse simple parce qu'il semble si honnête. Je ne doute pas qu'il me donnera une réponse directe.

(1655)

Où allons-nous avec l'universalité? Le député croit-il au concept d'universalité où tous les Canadiens ont le même accès aux programmes sociaux? Ou croit-il au contraire, comme le Parti réformiste, qu'il va falloir mieux cibler certains de ces programmes? Qu'il va falloir être plus sélectifs et garantir que ceux qui en ont le plus besoin aient accès à ces programmes? Autrement dit, croit-il à l'universalité ou au ciblage des programmes, parce que les deux s'excluent?

M. MacDonald: Monsieur le Président, je pourrais envoyer un dictionnaire au député. Il aurait peut-être ainsi une réponse plus rapide.

En réponse à la question du député de Kootenay-Est, je crois sincèrement que tout est négociable en matière d'universalité. Quand je constate que plus de 1,5 million d'enfants canadiens vivent dans la pauvreté, je me rends bien compte que les dépenses que nous engageons n'atteignent pas leur cible. Quand je vois des gens qui ont travaillé fort pour bâtir ce pays et qui vivent sous le seuil de la pauvreté parce que l'argent se fait trop rare, non, je ne souhaite pas le maintien de tels programmes.

Je vois des chefs de familles monoparentales, principalement des femmes, incapables d'accéder au marché du travail parce qu'ils ont des enfants à la maison et incapables d'améliorer leur sort parce que les fonds consentis dans le cadre des programmes les maintiennent dans le cycle de la pauvreté et de la non-productivité économique tout en détruisant complètement leur estime de soi. Quand je vois cela, je suis prêt à écouter quiconque préconise un retour au principe fondamental de l'égalité des chances dans notre pays.


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Je crois sincèrement que je ne serais pas ici aujourd'hui si je n'avais pu bénéficier des programmes sociaux. La plupart des députés réformistes seraient peut-être ici, eux, mais je ne le crois pas. Je connais les origines de certains d'entre eux. Ils ont opté pour la vie publique, mais bon nombre sont issus de milieux modestes et ont pu faire des études universitaires grâce aux paiements de transfert dont a bénéficié leur province au titre de l'éducation. Je suis conscient de cela, mais est-ce à dire que tout ce qui existe actuellement doit rester tel quel? Je ne le crois pas.

Le député m'a demandé si je crois à l'universalité. J'y crois pour certains programmes. J'estime que l'on ne peut restreindre certains programmes sans pour autant porter atteinte au tissu social canadien. Dans le domaine des soins de santé, suis-je en faveur d'un système fondé sur le principe de l'utilisateur-payeur? Non. Je sais que le Parti réformiste ne préconise pas cette solution non plus. Nous voulons préserver cette caractéristique fondamentale de notre pays.

Je suis prêt à examiner chaque programme, mais non à pratiquer des compressions systématiques, comme le préconisent d'autres députés, notamment les réformistes et l'aile droite.

Quand on examine ces questions, il faut faire preuve d'ingéniosité. Je sais que les députés doivent trouver des solutions pour faire en sorte que la majeure partie de l'aide soit mise à la disposition des plus nécessiteux. Nous savons tous que les fonds disponibles diminuent de jour en jour, mais est-ce à dire qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain? Je ne le crois pas. Je crois que le bébé doit simplement se contenter d'un peu moins d'eau dans le bain.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de poser quelques questions ou du moins d'émettre quelques commentaires sur le discours du député de Dartmouth.

J'ai eu l'occasion de travailler avec le député au Comité des pêches et océans. Je tiens d'abord à souligner que je trouve très intéressant son inquiétude quant à la formation des deux classes potentielles de chômeurs, selon le document du ministre du Développement des ressources humaines, lorsqu'il dit que les chômeurs chroniques ont recours à l'assurance-chômage deux à trois fois sur une période de cinq ans.

Lui comme moi venons de régions maritimes et nous savons que les gens de notre circonscription sont directement impliqués et directement touchés par cela. C'est d'autant plus inquiétant que les signes avant-coureurs de la réforme du ministre du Développement des ressources humaines ont déjà pris place cette année, par exemple, lorsqu'il y a eu des modifications à l'assurance-chômage ce printemps. On a dit que les périodes pour être admissibles aux prestations allaient passer de 10 à 12 semaines.

(1700)

J'aimerais entendre les commentaires du député, à savoir s'il y a des pêcheurs de homard dans sa région qui, faute d'être empêchés de pêcher la morue à cause d'un moratoire, n'ont pu pêcher autre chose. Pour être admissibles à l'assurance-chômage, ça prenait 12 semaines. Chacun sait que dans les comtés maritimes, pour la pêche au homard, la biologie est conditionnée par un maximum de 10 semaines. Or, voilà un point très intéressant.

Le dernier point que j'aimerais laisser en réflexion au député de Dartmouth, c'est lorsqu'il parle de péréquation et lorqu'il dit que le gouvernement fédéral a le pouvoir de taxer pour régimenter et assurer ses programmes sociaux soi-disant nationaux.

Le problème pour moi, de la façon dont je le vois, c'est que le ministre a déjà son chiffre en tête du montant qu'il faut couper. Là il veut essayer de dire quelle portion d'un programme ou quel programme il voudrait éliminer. Pour moi, cela m'apparaît dangereux, parce que le problème, c'est que les assistés sociaux, ceux qui sont laissés pour compte, ce n'est pas à cause qu'on va faire disparaître un programme ou qu'on va diminuer l'aide dans un tel programme-et je vais conclure là-dessus-que les assistés sociaux vont disparaître.

À ce moment-là, les provinces vont être obligées de payer elles-mêmes. À ce moment-là, la péréquation ne marche pas si le Québec ou l'Ontario, par exemple, voient leur portion d'assistés sociaux qu'elles doivent payer augmenter. Parce que, si le niveau de dépenses du fédéral est gelé, la péréquation ne marchera plus. C'étaient les commentaires que je voulais faire.

[Traduction]

M. MacDonald: Monsieur le Président, je tiens à dire que j'apprécie certes de travailler avec mon vis-à-vis de Gaspé au Comité des pêches. Je pense que nous partageons beaucoup de préoccupations. Notre langue maternelle est peut-être différente, nos régions ne sont peut-être pas tout à fait pareilles, mais nos intérêts sont pas mal semblables.

Je voudrais revenir sur une chose. Le député a signalé que le gouvernement fédéral était chargé d'assurer la péréquation, c'est-à-dire d'égaliser les chances pour tous les Canadiens. Je vais aller plus loin. Étant donné que son parti s'inquiète tant des questions constitutionnelles, je voudrais lui signaler que c'est non seulement là un pouvoir du gouvernement fédéral, mais une obligation pour ce dernier en vertu de la Constitution. Quelles que soient les compressions qui découleront de la réforme de la politique sociale engagée à cause de la montée en flèche du déficit, il faudra les examiner toutes pour voir, aux termes de la Constitution, si oui ou non elles augmentent ou réduisent les disparités au Canada. C'est une bonne chose pour nous, je suppose, que la Constitution prévoit cela.

En ce qui concerne l'autre question qu'il a posée au sujet de l'assurance-chômage, je tiens à dire qu'il s'agit d'un problème important. On ne peut pas se contenter de continuer à verser des prestations, car c'est un peu comme un narcotique pour traiter une douleur au bras. Si l'on ne s'attaque pas vraiment à la cause de la douleur et que l'on continue d'administrer le médicament, très vite la personne traitée ne pensera plus à sa douleur et deviendra dépendante de ce narcotique.

Nous devons plutôt faire face notamment à la réduction des sommes disponibles et nous attaquer aux véritables problèmes, en restructurant le secteur de la pêche pour que les gens qui restent puissent vivre décemment de la pêche et ne jamais plus


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voir cela comme un moyen, grâce à leur permis, d'être admissibles à l'assurance-chômage. Malheureusement, c'est ce qui s'est produit dans le passé. Les titulaires de permis devraient être en mesure de bien gagner leur vie en pêchant du homard, du poisson de fond ou je ne sais quoi, mais nous avons délivré beaucoup trop de permis.

En conclusion, je suis d'accord. Je partage ces préoccupations. J'attends avec impatience de voir ce qui ressortira des assemblées locales qu'il va organiser sur la réforme de la politique sociale et ce que ses électeurs ont à dire là-dessus. Nous pourrons peut-être nous rencontrer pour voir à quel point nos collectivités respectives sont sur la même longueur d'onde au sujet de la nécessité de ce type de restructuration.

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux aujourd'hui de prendre la parole à la Chambre au sujet du très important dossier que constitue la réforme de nos programmes sociaux.

Je tiens à féliciter le ministre du Développement des Ressources humaines et son secrétaire parlementaire d'avoir eu le courage de proposer cette initiative dont on a tant besoin.

Je vais faire porter mes observations sur deux questions. Premièrement, pourquoi avons-nous besoin d'une réforme de notre politique sociale? Deuxièmement, quels sont les principes qui devraient guider ces changements et quels sont les objectifs que nous entendons réaliser?

Les 14 et 15 octobre, j'ai tenu deux séries de consultations publiques dans la circonscription de Timiskaming-French River que je représente, soit une à Kirkland Lake et l'autre à Haileybury. C'était probablement les premières tribunes publiques consacrées à nos réformes sociales. Une centaine d'électeurs étaient présents et 26 particuliers et organismes ont présenté des mémoires.

(1705)

Il y avait unanimité pour dire qu'une réforme sociale était nécessaire et que les objectifs énoncés dans le document de travail du ministre étaient pertinents. Un large consensus s'est fait sur le genre de mesures à prendre pour réaliser ces objectifs. Pour illustrer la nécessité d'une réforme, je vais citer trois cas qui ont été évoqués aux séances de consultation.

Dans le premier cas, il s'agit d'un jeune couple ayant deux enfants et touchant deux revenus légèrement inférieurs au salaire minimum. Une fois retranchés les frais de garderie, les frais de déplacement, l'impôt sur le revenu et une augmentation du loyer en fonction du revenu, on a constaté que le revenu net hebdomadaire de ce couple était de 150 $ inférieur à celui qu'il aurait tiré de l'aide sociale. Ce n'est pas juste et c'est tout à fait inadmissible! De plus, le jeune couple a perdu son régime d'assurance-médicaments et de soins dentaires. Le loyer axé sur le revenu est fondé sur le revenu brut avant le calcul des impôts et de toutes les dépenses liées à l'emploi. En fait, un couple qui travaille et qui touche un revenu net de 1 000 $ par mois paiera un loyer plus élevé qu'un couple d'assistés sociaux qui reçoit 1 200 $ par mois. À mon avis, c'est injuste.

Nous disons là aux Canadiens qui ont la fierté et la motivation personnelle d'aller trouver du travail que nous les pénaliserons s'ils le font.

Le deuxième exemple est celui d'un homme marié et père de quatre enfants. Il possède d'assez bonnes compétences, mais a été incapable de trouver un emploi permanent, de sorte qu'il a dû compter sur l'aide sociale pour faire vivre sa famille. Il a décidé de placer une annonce dans le journal pour trouver un emploi à temps partiel et a touché un revenu brut de 800 $ sur une période d'un mois en travaillant comme menuisier indépendant.

Cet homme a déclaré ses gains au bureau de l'aide sociale. Non seulement le bureau a déduit de son chèque la totalité de ses gains, à l'exception de 50 $, mais il ne lui a permis de déduire aucune dépense liée à son emploi, par exemple, les frais engagés pour placer une annonce dans le journal. Ceci est très important: il a même informé cet homme que s'il plaçait une autre annonce, il serait considéré comme travailleur indépendant et rayé de la liste des assistés sociaux. Est-ce là le genre de politique sociale dont le pays a besoin en ce moment?

Le troisième exemple est celui d'une jeune mère seule qui a deux enfants. Cette jeune femme bénéficie de l'aide sociale, mais désire retourner à l'école. Elle veut réintégrer le marché du travail, mais comme elle habite une région rurale où il n'y a pas de garderies et qu'elle n'a pas de moyen de transport, elle ne peut pas retourner à l'école et se recycler.

Il faudrait que nos réformes répondent-et j'espère qu'elles le feront-aux besoins particuliers des Canadiens qui habitent les régions rurales, pour qu'ils puissent eux aussi bénéficier des possibilités accrues qui, nous le souhaitons, découleront de ces réformes. Il est clair que des réformes s'imposent. «Il était à peu près temps!» Voilà ce que les habitants de ma circonscription ont dit, à l'annonce de l'initiative du gouvernement.

Selon un récent sondage COM-PAS, 91 p. 100 des répondants veulent que l'on donne aux bénéficiaires de l'aide sociale la possibilité-je ne dis pas qu'on doive les obliger, mais qu'on leur donne la possibilité-de se recycler ou de faire des travaux communautaires. Soixante-dix pour cent ont déclaré qu'il faudrait recibler les prestations sociales et les accorder aux personnes qui en ont le plus besoin.

Quels sont les principes qui devraient nous guider alors que nous nous préparons à entreprendre ces réformes dont nous avons tant besoin? Premièrement, nous devons faire en sorte de maintenir un filet de sécurité sociale, un niveau de revenu suffisant pour les plus vulnérables. Nous devons préserver cette société charitable, soucieuse d'autrui que le monde entier nous envie. Nous devons éliminer la pauvreté chez les enfants et favoriser la confiance en soi et les initiatives personnelles. Nous devons aussi faire en sorte que ces programmes demeurent dans nos moyens en mettant fin au gaspillage, au double emploi et à l'exagération. Nous devons le faire pour que nous puissions, dans l'avenir, continuer d'avoir ces programmes.

Cependant, ces réformes visent surtout les emplois et la croissance. Comme le premier ministre l'a dit à maintes reprises, le meilleur programme social qui soit, c'est un emploi décent qui permette aux Canadiens non seulement de subvenir à leurs propres besoins, mais aussi de reprendre confiance en eux-mêmes et de retrouver une dignité. Félix Leclerc, l'un de nos chansonniers et de nos auteurs les plus connus, a dit un jour


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que la meilleure façon de tuer un homme, c'était de le payer à ne rien faire.

(1710)

[Français]

Un même dicton dit: «L'oisiveté est la mère de tous les vices.» En faisant tous les efforts possibles pour remettre les Canadiens à l'ouvrage ou à l'apprentissage, nous ne ferons pas seulement assurer la viabilité future de nos programmes sociaux, mais nous résoudrons du même coup une foule de problèmes sociaux tels que la violence familiale et l'alcoolisme.

[Traduction]

Ces réformes visent précisément à donner aux Canadiens des outils comme les garderies, le recyclage et le counselling dont ils ont besoin pour se sortir de cette dépendance et redevenir des membres actifs de la société.

Cette réforme vise à créer des possibilités et à mettre fin à la dépendance. Dans le cadre de cette réforme, nous demandons à tous les gouvernements, fédéral et provinciaux, aux administrations municipales, aux employeurs et surtout, à tous les bénéficiaires de programmes sociaux, de partager des responsabilités. Nous avons besoin de programmes plus souples qui soient adaptés aux gens et non aux bureaucrates qui les administrent.

Je crois fermement aux principes et aux objectifs qui ont été énoncés dans le document de travail, et j'ai l'intention de continuer de consulter les habitants de ma circonscription pour que nous puissions, ensemble, trouver une stratégie pour renouveler et améliorer notre filet de sécurité sociale. Ensemble, nous trouverons le courage de mettre en oeuvre ces changements qui sont nécessaires si nous voulons construire une société meilleure où les gens auront confiance en eux et auront retrouvé la dignité que leur confère un emploi. Ensemble, nous allons bâtir une société qui continuera de faire l'envie du monde entier au siècle prochain.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, je suis parfaitement d'accord avec le député, et je pense aussi qu'une réforme est absolument nécessaire dans notre pays. Je dis amen à cela.

Je suis également d'accord avec lui lorsqu'il dit que l'emploi constitue le meilleur programme social. Je me demande, si son gouvernement et lui croient vraiment cela, pourquoi ils persistent dans leur politique destructrice antiemploi et continuent d'étouffer l'économie canadienne avec leurs impôts pour pouvoir continuer de dépenser. Cette attitude n'est-elle pas insensée?

M. Serré: Je remercie le député de son appui. Nous avons besoin d'une réforme, mais non du Parti réformiste.

Ceci dit, j'ai eu l'occasion de m'entretenir plusieurs fois avec le député. Je crois que nous avons des points de vue similaires sur un bon nombre de questions.

Le gouvernement est sans aucun doute d'avis que la création d'emplois devrait être la priorité primordiale. C'est de cela que traite la réforme, et non seulement cette réforme de la politique sociale, mais le document déposé par le ministre des Finances, le document qui doit être prochainement déposé par le ministre de l'Industrie. Notre livre rouge et notre programme tendent entièrement vers la création d'emplois et la relance économique.

Dans le premier budget, nous avons pris des mesures afin d'éliminer certains obstacles à la création d'emplois. Nous avons réduit les cotisations d'assurance-chômage. Espérons qu'avec les suggestions constructives des deux partis de l'opposition et des ministériels, nous trouverons ensemble de meilleurs moyens de redonner du travail aux Canadiens.

Car ce n'est pas simplement une question d'argent. Je sais que les membres du Parti réformiste ne pensent qu'à l'argent. Nous, les libéraux, nous pensons aux gens et redonner du travail aux gens, ce n'est pas simplement épargner un dollar ou augmenter l'impôt sur le revenu pour accroître les recettes. C'est rendre aux Canadiens leur dignité, leur permettre de redevenir autonomes. Pour cela, nous devons leur en donner les moyens.

Comme je l'ai dit dans mon intervention, de nombreux facteurs découragent les gens de retourner au travail. Les gens sont découragés. Espérons que ces réformes nous permettront de leur donner les outils dont ils ont besoin pour retrouver du travail.

(1715)

[Français]

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole en réplique au discours que le député du parti formant le gouvernement vient de prononcer.

On se rappellera que durant les neuf dernières années du gouvernement conservateur, à plusieurs occasions, lorsqu'il y a eu des réformes présentées par le gouvernement antérieur, les libéraux, formant alors l'opposition officielle, ont très bien fait leur travail. Ils ont gagné la confiance de la population canadienne puis elle les a portés au pouvoir. Mais malheureusement, je pense que le gouvernement a trompé la population. On se rappellera de l'ex-ministre conservateur et de la réforme Valcourt sur l'assurance-chômage, qui avait fait éclater un scandale ici en cette Chambre.

Les conservateurs ont augmenté le déficit de façon considérable et, bien sûr, le gouvernement actuel a fait la promesse de le réduire. Réduire le déficit, je pense que tout le monde est d'accord. Mais réduire le déficit sur le dos des démunis, c'est là que le bât blesse. La population n'est pas prête à ce qu'on réduise le déficit sur le dos des démunis.

On s'est fait dire la semaine dernière par le ministre des Finances que, malgré que le Bloc québécois soit d'accord pour réduire le déficit, il n'avait pas de solution de rechange pour amener de l'argent nouveau qui le réduirait. Eh bien, je siège au Comité permanent des finances et on a amené au président du comité ainsi qu'au ministre des Finances, à plusieurs reprises, des solutions adéquates qui pourraient permettre au gouvernement de trouver des sommes supplémentaires.

Nous avons également demandé au gouvernement de couper dans le gras des dépenses publiques, à la bonne place, c'est-à-dire dans l'autre Chambre, qu'on appelle communément le Sénat. Elle coûte quand même au gouvernement 628 millions annuellement, incluant tout le personnel.

On se rappellera qu'un des ministres de l'actuel gouvernement a fait un voyage aller-retour dans la même journée au coût de 173 000 $.


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On se rappelle que le premier ministre a décidé. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je regrette, mais les interventions sont de 10 minutes, sujettes à 5 minutes de questions et commentaires. C'est très court.

Comme je veux autant que possible permettre à un grand nombre de députés de participer aujourd'hui au débat, j'accorderai la parole au député de Timiskaming-French River pour une courte réplique, s'il vous plaît.

M. Serré: Monsieur le Président, ce sera très court. Je remercie l'honorable député de son intervention.

Je peux résumer très rapidement leur philosophie. Je pense qu'ils veulent maintenir les familles canadiennes et québécoises dans la pauvreté perpétuelle, parce que c'est ce qu'on fait quand on leur donne un chèque chaque mois et qu'on leur dit: «Ne sortez pas de chez vous, ne faites absolument rien.» Depuis un an, j'entends les députés du Bloc québécois nous dire: «Arrêtez les dédoublements, c'est là qu'on va épargner de l'argent.» C'est ce qu'on essaie de faire avec ces réformes-ci.

Depuis un an j'entends les députés du Bloc nous dire: «Vous devez taxer les riches.» Avec la réforme de l'éducation, c'est ce qu'on veut faire. On veut arrêter de subventionner les fils d'avocats, et en donner à ceux qui en ont vraiment besoin.

[Traduction]

n M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je veux parler d'une philosophie de gouvernement anssez répandue de nos jours. Cette philosophie s'appelle le gradualisme. Je ferai ensuite le lien entre cette philosophie et l'examen de la politique sociale.

Je vais raconter une histoire aux députés pour illustrer mon point. Je sais à quel point les députés apprécient une bonne histoire qui vient à point. C'est une femme qui veut acheter un poulet. Elle se rend à une épicerie de campagne où une grosse affiche annonce une grande quantité de poulets à vendre.

Le commerçant ne dit pas à la femme qu'en fait, il ne lui reste qun'un seul poulet décharné. Il lui offre d'attraper un de ses nombreux poulets et se rend dans le poulailler. Rendu là, il frappe surn le mur, émet quelques gloussements et revient avec son unique poulet.

Il lui dit: «Ce sera 5 $. Merci beaucoup.» La cliente lui répond: «Ce poulet m'a l'air un peu maigre. Pourrais-je en avoir un autre?» Le marchand ne sait trop que faire, mais c'est le genre qui ne manque pas de toupet. Impassible, il retourne au poulailler.

Il tape de nouveau sur le mur en faisant un boucan monstre, émet quelques nouveaux gloussements et ébouriffe un peu les plumes du poulet. Il le présente autrement sur le plat et le rappnorte en disant: «Ce sera 10 $, s'il vous plaît.» La femme lui répond: «Je ne sais pas. Celui-là a l'air un peu maigre aussi. Je crois nnque je ferais mieux de prendre les deux.»

Cette histoire est une magnifique allégorie de l'examen de la politique sociale dont nous discutons maintenant.

(1720)

Au cours des dernières élections, les libéraux ont fait beaucoup de promesses. Ils ont dit: «Nous avons beaucoup de poulets dans le poulailler. Tout ce qu'il vous en coûtera, c'est de voter pour nous. Faites-nous confiance. Élisez-nous et nous vous rendrons votre poulet.» En fait, le 10 octobre de l'an dernier, on rapportait dans le Globe and Mail que le premier ministre avait déclaré: «Laissez-moi d'abord gagner les élections. Ensuite vous me demanderez comment j'ai l'intention de diriger le gouvernement.»

Les pauvres contribuables se sont donc laissés prendre. Un jour, ils ont dit: «Maintenant, vous êtes élus. Retournez au poulailler et rapportez-nous un beau gros poulet. Montrez-nous ce que vous avez en stock.» Le ministre a alors entrepris de consulter des groupes d'intérêts particuliers, ses amis politiques et, je suppose, quelques autres, et il est revenu avec un poulet à présenter aux contribuables. Ce poulet a un nom, c'est «programme-emplois et croissance». Il s'agit d'un document plein de suggestions mais sans plan d'action, et qui surtout ne contient aucune évaluation du coût des vagues propositions qu'il contient.

Les Canadiens ont jeté un coup d'oeil à ce prétendu poulet et se sont dit: Voilà un poulet bien décharné. Il n'a pas de viande. Comment allons-nous en faire un repas?

Permettez-moi de citer ce qu'ont effectivement dit certains Canadiens. L'Institut Vanier de la famille a déclaré: «Nous ne voyons guère d'engagement de la part du gouvernement à mettre en oeuvre une des solutions proposées.» Le Caledon Institute of Social Policy a déclaré: «Dans l'ensemble, ce document est avare de détails.»

Le Toronto Star écrivait: «Ce document est étonnamment mitigé, vague et vide de renseignements essentiels. Il ne contient aucune proposition qui puisse être qualifiée d'originale et d'audacieuse.» Le document a été préparé par les premiers ministres de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan mais n'a été endossé que par un seul de leurs homologues. Le premier ministre de l'Ontario l'a qualifié d'insulte.

Selon l'économiste principal de la Banque Canadienne Impériale de Commerce, on nous demande de croire sur parole. Apparemment, ce dernier préfère cette formule à mon histoire de poulets.

Les Canadiens ont eu la chance de voir à quoi ressemble le poulet. Or, comme l'a démontré le sondage du dernier week-end, ils appuient l'idée générale de réductions, mais ils veulent avoir plus de détails.

Toutefois, le propriétaire du magasin, le ministre du Développement des ressources humaines, qui a autant de culot que cet autre commerçant dira: «D'accord, vous voulez un autre poulet, vous en aurez un.» Il retournera à son poulailler, fera du bruit à saveur politique, ébouriffera les plumes de son pauvre vieux poulet et le présentera aux contribuables. Mais vous savez


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quoi? Ce sera le même vieux poulet, sauf qu'il coûtera plus cher aux contribuables.

Les Libéraux ont attendu neuf mois avant de publier quoi que ce soit sur l'examen de la politique sociale. Le document qu'ils nous présentent est pratiquement nul. Pourquoi s'en étonner? Les libéraux ne disent jamais rien d'important. Ils ont l'habitude de reporter à plus tard, de parlementer et, après avoir fait bien du tapage, de hausser les impôts et de faire la plus petite tentative possible pour régler tous les problèmes qui nous assaillent.

Il y a une chose que je tiens à dire aux députés: au début, les contribuables vont accepter les faibles solutions graduelles que leur propose le gouvernement, parce qu'ils auront l'impression qu'un changement s'en vient. Ce n'est que lorsqu'ils se rendront compte que le gouvernement ne peut leur livrer ni les programmes précis pour modifier la politique sociale ni les mesures pour lutter contre la dette et le déficit, qu'ils sauront vraiment à qui ils ont affaire.

Que dira le ministre quand on aura découvert son jeu? Il ne dira rien d'important. Il est difficile de l'imaginer, mais il restera bouche bée. Les mains et les poches vides, il ne pourra que répéter: «Je le regrette sincèrement, mais nous avions si peu à offrir. Nous n'avons trouvé aucune solution à la dette et au déficit qui sont vraiment en train de ruiner nos programmes sociaux.»

Les libéraux dirigent le pays depuis des générations. Ils ont toujours avancé à petits pas prudents. Mackenzie King était un vrai libéral. Il a déclaré: «La conscription si nécessaire, mais pas nécessairement la conscription.» C'est la déclaration libérale par excellence. Les libéraux sont des équilibristes qui avancent en faisant attention, lentement et sûrement, pour n'offenser personne. Pendant qu'ils s'assoient et réfléchissent, les problèmes ne cessent pourtant pas de s'accumuler.

Quels sont ces problèmes? Les exemples font légion. Il faut absolument modifier le programme d'assurance-chômage. Les réformistes préconisent des changements depuis des années. Le programme doit redevenir autosuffisant, ce sont les employés et les employeurs qui l'utilisent qui doivent le financer, le gérer et le contrôler.

Prenons le cas de l'examen des soins de santé. On a promis un changement l'an passé, il y a six mois, et cet automne. La semaine dernière, le premier ministre s'est rendu compte que les provinces, qui sont les premières intéressées et qui, selon les réformistes, devraient être plus libres de gérer les programmes de soins de santé, ne participeraient même pas à cette dernière étude qui doit coûter 12 millions de dollars. Pensons-y, 12 millions de dollars et 22 autres personnes chargées d'étudier et d'examiner le système pendant encore un an. Les soins de santé auront presque disparu d'ici là.

(1725)

La situation se répète dans tous les domaines. Dans un discours prononcé l'an passé, le ministre chargé du Renouveau de la fonction publique a annoncé qu'il y aurait des changements dans la fonction publique, mais qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter car les études allaient se poursuivre. Les modifications à apporter à la TPS font encore l'objet d'un examen. Une réforme fiscale est nécessaire, mais elle est encore à l'étude. La commission royale sur les peuples autochtones, dont le coût s'élève à 58 millions de dollars, est encore prolongée de six mois.

Si aucune mesure n'est prise à l'égard de nos vieux programmes sociaux, dans un an, la situation sera bien pire, même si l'économie continue à se relever. Même si la conjoncture économique continue de s'améliorer, dans un an, la dette du Canada aura augmenté encore de 40 milliards de dollars. Il est très peu probable que tout aille comme prévu. La perfection n'est pas de ce monde. Nous sommes dans une situation très précaire.

Un léger recul de l'économie ou une légère hausse des taux d'intérêt suffirait pour ravager nos programmes sociaux et nous empêcher de gérer le changement de façon ordonnée.

Le gouvernement accuse souvent le Parti réformiste de manquer de compassion, de vouloir réformer tout de suite les programmes sociaux. Mais est-ce vraiment de la compassion que de vouloir ajouter encore 100 milliards de dollars à la dette nationale? Est-ce faire preuve de compassion que de contraindre les travailleurs canadiens à payer une part toujours croissante de leur salaire en taxes qui sont versées à des étrangers et dont ils ne retireront jamais aucune retombée, même indirecte? Est-ce faire preuve de compassion que d'obliger des employeurs à éliminer toujours plus d'emplois parce que le Canada est de moins en moins concurrentiel à cause de sa dette, de sabrer constamment dans la fonction publique et dans nos programmes sociaux parce qu'il faut consacrer toujours plus de ressources aux intérêts sur la dette?

Une banque se soucie peu que vous ayez de la nourriture sur la table tant que vous payez votre hypothèque. De même, les investisseurs étrangers se soucient comme de leur première chemise de savoir si le Canada a des programmes sociaux ou des fonctionnaires pour fournir des services à la population tant que nous payons l'intérêt sur notre dette.

La philosophie gradualiste des libéraux nuit aux Canadiens et c'est pourquoi les réformistes la rejettent. Ce serait de la compassion que de faire avaler la pilule maintenant, de faire comprendre que l'on ne peut plus ajouter aux responsabilités du gouvernement, de faire en sorte que les initiatives personnelles rapportent davantage, d'accorder plus de poids aux liens familiaux et aux institutions locales, et, enfin, de faire profiter tout le monde de la plus grande liberté qui découlerait nécessairement d'une diminution du fardeau des taxes.

C'est pourquoi les réformistes affirment qu'il faut équilibrer le budget pendant le mandat du gouvernement actuel. C'est ce que nous appelons aimer férocement notre pays.

Ce qui était auparavant une philosophie gradualiste claire n'est plus aussi clair depuis quelque temps. Andrew Coyne, du Globe and Mail, déclarait des propositions gouvernementales: «Derrière des généralités, on trouve un gouvernement figé par la peur. Ce n'est pas une peur qui inspire et pousse à l'action, mais une peur qui paralyse, comme celle du lapin hypnotisé par le cobra.»

Je crois que les libéraux ne sont même plus gradualistes. Ils ont tout simplement trop peur pour agir, ils sont paralysés par les problèmes et par le confort du pouvoir.

À mon avis, il est temps de faire preuve de courage et d'agir. Je voudrais citer un passage de Shakespeare pour détendre


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l'atmosphère. C'est une citation familière que vous savez sans doute déjà par coeur, monsieur le Président. Voici:

Il y a dans les affaires humaines une marée montante;
qu'on la saisisse au passage, elle mène à la fortune;
qu'on la manque, tout le voyage de la vie
s'épuise dans les bas-fonds et dans les détresses.
Telle est la pleine mer sur laquelle nous flottons en ce moment;
et il nous faut suivre le courant tandis qu'il nous sert,
ou ruiner notre expédition.
Cette marée montante est là en ce moment. Il faut la saisir maintenant. Le changement ne sera jamais plus facile qu'aujourd'hui, mais trois autres années de documents de travail et d'examens pourraient ruiner complètement notre système de programmes sociaux.

Les libéraux regretteront toujours d'avoir laissé passer l'occasion en or qui leur était donnée de s'occuper des problèmes dans le budget de l'an dernier. Ils regretteront de laisser aujourd'hui passer l'occasion de stimuler la croissance économique, et leur parti pourrait bien sombrer si l'économie s'échoue sur les récifs de l'endettement. À ce moment-là, un grand vent amènera un changement politique sur tout le pays et le Parti réformiste, arrivé à l'âge mur et tout préoccupé des intérêts à long terme du pays, sera là pour ramasser les morceaux et sauver l'essentiel de ce qui constitue notre filet de sécurité sociale.

Le président suppléant (M. Kilger): Dans cette même veine humoristique, je ne sais pas ce que j'ai aimé le mieux, de l'histoire des poulets ou de la citation de Shakespeare.

(1730)

M. Brent St. Denis (Algoma, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention du député de Fraser Valley-Est.

En l'entendant parler de porc et de poulets, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il faisait le cabotin et que le Parti réformiste fait un gros bide avec bon nombre des idées qu'il préconise.

Je voudrais revenir sur deux points que le député a soulevés. Tout d'abord, les réformistes font grand cas des référendums et de leur volonté d'écouter les gens et de répondre à leurs attentes. Or, ce que nous nous trouvons à faire à l'occasion de ce processus de consultation, c'est écouter les gens.

Quand le député répondra, je voudrais qu'il essaie de concilier la position du Parti réformiste concernant les référendums et la nécessité d'écouter les gens avec le processus de consultation publique que notre gouvernement entreprend pour connaître l'opinion des Canadiens sur les options sérieuses qu'il propose à leur réflexion, non pas seulement sur des idées confuses.

Je donne un exemple dans la deuxième partie de ma question. Nous avons dans ma circonscription la belle ville d'Elliot Lake qui a subi récemment une grande transformation. Dans le cadre de cette transformation, à cause de changements survenus dans l'économie locale, des milliers de personnes âgées sont venues s'établir dans la ville. Grâce aux options préconisées par le ministre, nous avons une occasion d'inviter des Canadiens, qui vivent peut-être maintenant de prestations d'assurance-chômage ou d'aide sociale, à contribuer à leur tour au bien-être de la collectivité et à nous aider à garder nos aînés en sécurité dans leur foyer.

Les propositions du ministre nous ont donné une occasion de faire preuve de créativité et nous ont donné une orientation, et je ne puis guère imaginer que le député puisse répondre en disant que ces options sont rien de moins que des propositions très concrètes pour l'avenir.

J'aimerais bien qu'il aborde ces deux points.

M. Strahl: Monsieur le Président, les réformistes ont à coeur deux ou trois questions, dont celle des référendums. Les référendums permettent d'établir clairement ce que la population souhaite au sujet des impôts, des dépenses, des priorités, des questions sur lesquelles elle veut avoir son mot à dire, par exemple, la peine de mort, des questions qui sont en quelque sorte difficiles à avaler.

Je n'ai rien contre l'idée d'écouter la population. Selon les résultats d'un sondage-il ne s'agit pas d'un référendum-publiés il y a deux ou trois jours, 90 p. 100 des gens veulent une réforme des programmes sociaux. Quand la souhaitent-ils? Maintenant. Quand la demandent-ils? Maintenant. Un an s'est écoulé, mais rien n'a toutefois été fait jusqu'à maintenant.

Si l'on demandait à la population si elle est prête à un changement, si l'on acceptait de la consulter et si les gens souhaitaient la tenue d'un référendum, ils se prononceraient massivement en faveur de l'adoption immédiate de changements.

Ce qu'ils rejetteraient, c'est l'autre partie de l'équation aux termes de laquelle le ministre des Finances continue de jongler avec l'idée d'imposer les REER. Il faut tenir un référendum sur la question. Les gens rejetteront catégoriquement cette idée. C'est en réduisant les dépenses gouvernementales que nous pouvons résoudre le problème du déficit.

Je n'ai rien contre l'idée de chercher des solutions ou de consulter la population canadienne dans le cadre d'un référendum. À mon avis, les référendums confirmeront ce que les réformistes disent depuis le début, c'est-à-dire que les Canadiens veulent résoudre le problème de la dette et du déficit et ils veulent le faire maintenant. Ils veulent que le gouvernement s'attaque au problème en réduisant ses dépenses, et non pas en augmentant de nouveau les impôts.

Non seulement les Canadiens approuveraient souvent de telles mesures dans le cadre d'un référendum, mais ils enjoindraient aussi au gouvernement d'agir en conséquence, autrement que par un sondage. Qu'est-ce qui pourrait unifier davantage les Canadiens que cette volonté exprimée d'un océan à l'autre et préconisant l'adoption immédiate des changements nécessaires? Les référendums ne constituent pas un problème. Nous pourrions certainement en organiser facilement.

Toutes les idées novatrices sont par ailleurs les bienvenues lorsqu'une collectivité se transforme en profondeur. Toutes les idées doivent en effet être exposées. Nous déplorons toutefois que certaines questions, comme celle des pensions, ne soient même pas mentionnées dans le document sur l'emploi et la croissance. Les citoyens d'Elliot Lake aimeraient examiner ces


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questions plus en profondeur que ne le fait le document de travail.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends part au débat d'aujourd'hui. Certes, les choses ont mal tourné.

(1735)

Si les gens là-bas, et je ne parle pas du paradis, pouvaient voir la chaîne parlementaire-ce qu'ils font probablement pendant des heures et des heures chaque jour-je vous assure que tous les libéraux-et Dieu sait qu'ils sont légion-se retourneraient dans leur tombe en ce moment. Comment allons-nous réparer tout ce gâchis? Comment allons-nous redresser tout le mal que les libéraux ont fait il y a 35 ans pour accéder au pouvoir avec notre argent? Voilà la question.

Nous sommes les artisans de notre propre malheur. Les libéraux et les conservateurs, pour se faire élire et réélire, ont jugé que le meilleur moyen d'y parvenir était de nous acheter avec notre propre argent. Certes, les choses ont mal tourné. Notre responsabilité en tant que parlementaires consiste à sauver le pays et à veiller à ce que les futures générations grandissent dans un climat de respect, de confiance et d'amour propre.

Comment allons-nous y parvenir? Mon collègue d'Elliot Lake a parlé d'oeufs et de jambon, ce qui m'a rappelé une histoire de cochon et de poule. Chemin faisant, le cochon dit à la poule: «Je commence à avoir faim.» Et la poule répond: «Moi aussi. Est-ce qu'on s'arrête pour manger?» Le cochon demande alors: «Et qu'est-ce qu'on va manger?» Et la poule de répondre: «Pourquoi pas des oeufs et du jambon?» Réflexion faite, le cochon réplique: «Facile à dire pour toi, les oeufs, tu les donnes, mais moi, en fournissant le jambon, j'engage mon avenir.» C'est de ça que les Canadiens ont besoin aujourd'hui. C'est ça qu'ils veulent. Ils veulent un engagement de la part de leurs gouvernants.

Il n'y a rien d'aussi décourageant que d'entrer dans une période d'incertitude et de voir le capitaine du navire s'en remettre à quelqu'un d'autre pour tenir le gouvernail. En ce moment, notre pays navigue dans des eaux très agitées. Nous avons besoin d'un gouvernement. Il nous faut un gouvernement qui prenne l'initiative de faire ce qu'il est censé faire, c'est-à-dire diriger. Le temps des études, le temps de se regarder le nombril est depuis longtemps révolu. Notre pays a aujourd'hui de graves problèmes, et la situation ne changera pas tant que l'on ne se décidera pas d'agir.

Certains d'entre nous n'approuvent peut-être pas les propos de la philosophe américaine Ayn Rand, mais je pense que nous serons tous d'accord au moins sur ce truisme qui dit qu'il faut prendre les choses telles qu'elles sont, et non telles qu'on voudrait qu'elles soient. Dans notre quotidien, nous savons que peu importe le degré de difficulté d'une situation, dès que nous commençons à nous y attaquer, les choses ne tardent pas à s'améliorer.

Nous savons de quels maux souffre notre économie. Nous savons comment nous en sommes arrivés là. Nous savons également que le premier pas pour nous sortir de là est le plus difficile à faire, et que c'est d'arrêter les dépenses exagérées à tous les paliers de gouvernement.

Je voudrais parler brièvement d'un aspect de cet examen de la politique sociale, de l'assurance-chômage. L'assurance-chômage a commencé il y a 35 ans ou à peu près, avec les plus nobles intentions. On disait alors que l'assurance-chômage allait permettre aux personnes qui avaient perdu leur emploi de rester à flot jusqu'à ce qu'elles aient trouvé un nouvel emploi. C'est une idée noble. Comment ne pas être d'accord? L'assurance-chômage devait être payée par les personnes qui y auraient recours. Elle devait être payée par les entreprises qui embauchaient des employés, ainsi que par l'employeur et par les employés.

À ses débuts au Canada, l'assurance-chômage absorbait 0,9 p. 100 de notre produit intérieur brut.

(1740)

L'assurance-chômage représentait donc 0,9 p. 100 de la valeur de tous les produits fabriqués et les services assurés au Canada. En 1992-1993, la proportion était de 3 p. 100. Elle était passée de 60 millions de dollars par année à environ 20 milliards de dollars. Personne n'a décidé un beau matin de transformer l'assurance-chômage en un programme inefficace ne correspondant plus à ce qu'on souhaitait au départ.

C'est petit à petit que ce programme a servi à d'autres fins. Il est devenu une méthode de redistribution des revenus dans toutes les régions. À l'heure actuelle, il est possible, partout au Canada et selon le taux de chômage, de toucher des prestations. Ainsi, dans un endroit où le taux de chômage est de 16 p. 100, je pense qu'il faut travailler 10 semaines par année pour avoir droit à environ 39 semaines de prestations. Si le taux de chômage au Canada s'établit en moyenne à 10 p. 100, les gens doivent travailler, si je ne m'abuse, 15 semaines pour obtenir 30 semaines de prestations. Cela n'a plus rien d'une assurance.

On propose dans ce livre, quelle que soit sa couleur, de changer le nom, de parler dorénavant de l'assurance-emploi. Pensez-y un instant. Nous n'aimons pas ce que l'assurance-chômage est devenue et nous décidons donc de changer son nom. Nous allons l'appeler, à partir de maintenant, l'assurance-emploi. C'est un peu comme si, au lieu de parler de l'assurance-incendie ou de l'assurance-collision, on parlait plutôt de l'assurance-absence d'incendie et de l'assurance-absence de collision. C'est donc une façon pour le gouvernement de faire tout en son possible pour ne pas s'attaquer au problème lui-même.

Il veut l'occulter, l'enterrer pour ne pas avoir à le régler. Il ya des années, la commission Forget a été justement chargéede faire de l'assurance-chômage une assurance-emploi. Qu'avons-nous fait, nous, parlementaires? Nous avons décidé que les Canadiens n'étaient pas prêts pour des réformes radicales


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comme le financement par répartition et son rapport a été mis sur les tablettes.

Il n'est pas nécessaire de se creuser les méninges pour voir ce qui ne va pas avec l'assurance-chômage. Il suffit d'en faire une assurance. Il y a deux aspects à cela, celui de l'employeur et celui de l'employé. Notre système est devenu si généreux et si facile d'accès que lorsqu'ils doivent mettre des gens à la porte, les employeurs trouvent beaucoup plus facile de leur dire en face qu'ils sont forcés de les mettre à pied, faute de travail, plutôt que de leur donner les véritables raisons, comme le manque de ponctualité, l'absence d'efforts, la mauvaise tenue vestimentaire ou je ne sais quoi.

Il est beaucoup plus aisé pour les employeurs de dire qu'ils licencient quelqu'un faute de travail. Quelles sont les répercussions de tout cela? On impose alors un fardeau financier plus lourd à tous ceux qui travaillent. Cela aide-t-il l'employé qui est congédié? Absolument pas.

Dans notre dédale de l'assurance-chômage, lorsque des employés, pour quelque raison que ce soit, sont mis à pied ou congédiés, que se passe-t-il? Lorsque des employés sont mis à pied sans qu'ils y soient pour quelque chose, la période de carence est assez brève et ils peuvent demander des prestations immédiatement, comme ce devrait être le cas, mais lorsqu'ils quittent leur emploi, ils sont censés être dans une situation où ils ne peuvent pas demander des prestations pendant une longue période. Ils peuvent toujours en demander, mais il faut attendre longtemps pour les obtenir.

Que se passe-t-il en réalité? Un employeur congédie un employé, qui se rend au bureau local d'assurance-chômage et dit qu'il a été congédié. On lui demande pourquoi. Il répond: «Je l'ignore. Je n'aurais pas dû être congédié. Je suis le meilleur employé au monde.»

Ils se présentent donc devant l'arbitre. L'employeur doit passer par un processus long et compliqué pour expliquer pourquoi il a congédié l'employé. L'employeur doit ensuite se présenter devant un comité composé de trois personnes pour justifier son geste. Sinon, l'employé peut dire qu'il a été mis à pied faute de travail.

(1745)

Tout cela ne fait rien pour renforcer l'aspect de l'assurance dont nous parlons. Dans bon nombre de ces grands problèmes que nous éprouvons, il serait relativement simple de tout réduire à certains éléments directs et essentiels.

Dans toutes les décisions que nous prenons, notre mandat fondamental est de faire en sorte que ces décisions soient justes et équitables. Cette justice et cette équité doivent constituer les valeurs sous-jacentes qui régissent toutes les décisions que nous prenons dans l'examen de la politique sociale, y compris à l'égard de l'assurance-chômage. Nous devons inculquer à tous, employeurs et employés, parents et enfants, un sentiment de responsabilité personnelle pour les succès et les échecs que nous connaissons dans la vie.

Si nous le faisions, nous contribuerions grandement à créer chez les gens un sentiment d'autonomie, de confiance et d'estime. Il revient à chacun de faire son chemin dans la vie. Le gouvernement n'est tenu de le faire pour personne.

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté très respectueusement les observations de mon collègue.

Après avoir entendu ces histoires, d'abord celle du poulet, puis celle du poulet et du porc qui faisaient chemin ensemble, et après avoir écouté les commentaires formulés auparavant par les députés d'en face, je me souviens que, venant des provinces de l'Atlantique, dans bien des cas, nous avons de la chance d'avoir encore un peu de poulet à incorporer à notre ragoût. Il m'arrive parfois d'entendre des députés faire des commentaires qui m'effraient. Je me demande s'il nous resterait quelque chose à mettre dans la marmite si nous suivions certaines suggestions du Parti réformiste.

Je voudrais demander à mon collègue d'en face: A-t-il lu le livre vert, le document que le ministre du Développement des ressources humaines a déposé il y a une semaine environ? Se rend-il bien compte que le ministre a fait appel à la consultation? A-t-il l'intention de se présenter devant ses électeurs pour leur dire qu'il s'agit de l'occasion idéale pour eux de participer et d'exprimer leur avis, que leur avis recevra, de la part du ministre, du ministère et du gouvernement, un accueil comparable à celui des députés réformistes et des autres partis représentés à la Chambre?

Voilà bien des années que nous n'avons pas eu l'occasion de tenir une consultation, comme l'ont réclamé les Canadiens. Tendons la main à un gouvernement qui privilégie la participation. Malgré cela, on entend des réformistes réclamer que l'on prenne une décision du jour au lendemain, qu'on impose notre volonté aux Canadiens et qu'on fasse fi de la consultation.

Je suis un peu perplexe quand j'entends des propos de ce genre parce que je crois que c'est précisément ce que les Canadiens veulent. Je crois que c'est ce que veulent les Canadiens de ma circonscription, des provinces atlantiques et des autres régions. Ils veulent faire partie d'un gouvernement qui privilégie la démocratie de participation. Le ministre du Développement des ressources humaines leur a donné cette possibilité. Il vous a offert, à vous, monsieur le Président, ainsi qu'à tous les députés, l'occasion de participer au processus.

Adoptons une attitude constructive de façon à aider le ministre à doter le pays d'un système de programmes sociaux qui soit non seulement bon pour l'ensemble des Canadiens, mais également dans les moyens de l'ensemble des Canadiens.

M. McClelland: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. Cela me donne la possibilité de dire aux habitants d'Edmonton en général et à ceux d'Edmonton-Sud-Est en particulier, que la réunion où nous discuterons de cette question se tiendra le 7 novembre à 19 h 30 au Royal West Edmonton Inn, ceci dans le cadre des discussions et des délibérations que nous avons en permanence avec les électeurs.

Le député a d'abord mentionné la dépendance et la consultation. Les consultations doivent être plus que de simples paroles pour rassurer les gens.


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(1750)

Il faut avoir un but bien précis quand on fait quelque chose. Avant de consulter les autres pour savoir quels sont les avantages d'un programme par rapport à un autre, il faut avoir une idée des coûts. Il faut dire quels seront les coûts de ces programmes. Qui, en affaires, opterait pour le plan A ou le plan B sans chercher à déterminer d'abord où commence et où finit le plan A? C'est ce qui manque dans tout ce processus de consultation.

Pour ce qui est des Maritimes, j'y ai vécu et j'ai énormément de sympathie à l'égard des gens et de ce qu'ils disent dans cette région considérée comme en état de récession chronique. Personnellement, je ne le crois pas. Je ne crois pas que les Maritimes soient dans un état de récession chronique. En fait, il est intéressant de noter que la Banque de Nouvelle-Écosse a vu le jour dans les Maritimes et non à Toronto. La richesse et le pouvoir qui, pendant des années, ont existé dans les Maritimes ont progressivement gagné Toronto, à l'est, avant de se concentrer maintenant dans le sud de l'Ontario?

Si je vivais dans les Maritimes, je réclamerais à cor et à cri un Sénat triple E, de sorte que ma région ait quelque pouvoir et son mot à dire dans le processus national de prise de décision. L'impartialité d'un Sénat triple E aidera bien plus les Maritimes à retrouver une position forte que tous les paiements de péréquation, qui n'ont jamais rien fait.

Mme Judy Bethel (Edmonton-Est, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir participer à ce débat sur la réforme de nos programmes sociaux.

On a soulevé des questions à la Chambre au sujet du processus de consultation, et mis en doute la sincérité de la procédure. On a dit également que le document de travail était coupé de la réalité que vivent les Canadiens. Certains ont même dit que les Canadiens ne veulent pas d'une révision de notre système d'aide sociale, tandis que d'autres affirmaient que les Canadiens souhaitent des coupes majeures dans nos programmes sociaux.

Je discuterai de tous ces arguments, non pas en me perdant en conjectures ou en faisant part de ma propre opinion, mais en présentant les résultats d'une tribune publique sur l'avenir des programmes sociaux, qui s'est tenue en juin dernier, à Edmonton. Les résultats de cette rencontre ont été présentés au gouvernement avant la rédaction finale du document de travail, et j'apprécie que le document déposé ce mois-ci tienne compte de beaucoup d'arguments avancés par les électeurs. Ce document n'est pas coupé de la réalité que vivent les Canadiens.

En guise d'introduction, je rappelle que lors de mon premier discours à la Chambre, j'avais dit qu'Edmonton-Est était, de bien des façons, un microcosme du Canada. La population y est très diversifiée, les professions, niveaux de revenus, conditions sociales et cultures y étant très diversifiés. Toute cette diversité, qui est un peu à l'image de la diversité canadienne, était représentée à la tribune. Ce que le groupe avait en commun, c'était le désir de faire ce qu'il y a de mieux pour les localités de la région, ce qui répondrait le mieux aux besoins des habitants. C'est cette même valeur fondamentale qui garde les Canadiens ensemble.

Le large consensus qu'on a atteint sur la nécessité de réformer nos programmes sociaux pour les adapter à la réalité actuelle est donc représentatif. Ce soir-là, j'ai entendu discuter de deux grandes questions. D'une part, on a admis que nos programmes sociaux et l'évolution qu'ils avaient connue constituaient un moyen valable de faire preuve d'humanité et de bâtir la nation. Personne n'a demandé qu'on s'en débarrasse. D'autre part, on a proposé des modifications et des améliorations. Personne ne croyait que le statu quo ferait l'affaire.

Il y a eu des divergences d'opinions, il y en a eu beaucoup, comme c'est toujours le cas dans notre vaste pays. Plus important encore, on a jugé que le gouvernement était prêt à s'attaquer au problème et à enrichir notre patrimoine, au lieu de le détruire. Les habitants d'Edmonton-Est ont aussi fait valoir des orientations générales pour améliorer la situation et ils ont présenté des propositions. Je suis heureuse de déclarer à la Chambre que le document de travail inclut un grand nombre de ces propositions. Permettez-moi d'en rappeler quelques-unes.

Comme on aurait pu le prévoir, la multiplication des débouchés a été la grande priorité de tous les groupes de discussion. «La formation ne vaut pas grand-chose s'il n'y a pas d'emplois,» a dit un participant, que les autres ont approuvé. Il est à noter qu'on a reconnu que le gouvernement pouvait jouer un rôle positif à l'égard de la création d'emplois en concluant des partenariats avec le secteur privé et les collectivités. Personne ne réglera le problème en agissant seul.

En vue du débat qui se tiendra à la Chambre dans les prochains mois, il importe particulièrement de signaler que mes électeurs ont reconnu que la question la plus difficile serait de trouver des emplois et de distribuer le travail partout au Canada. Ils réclament un meilleur partage des perspectives d'emploi. Ils veulent s'assurer que les gens qui contribuent à bâtir nos collectivités aient les ressources nécessaires pour subvenir à leurs besoins essentiels, peu importe la nature de leur contribution, qu'ils occupent des emplois traditionnels ou accomplissent d'autres tâches nécessaires, comme la garde d'enfants ou des travaux communautaires.

(1755)

Mes électeurs reconnaissent que nous sommes aux prises avec une pénurie d'emplois rémunérés. Il y a quand même beaucoup de travail à faire. Ils ont affirmé que «le bénévolat constitue du travail productif et devrait être reconnu par les programmes fédéraux». Ils savent aussi que les employeurs exploitent parfois les employés que la pénurie d'emplois rend vulnérables. Comme le disait l'un des participants: «Dans la conjoncture actuelle, les employeurs n'ont pas de comptes à rendre.»

De plus, notre société doit trouver de nouveaux moyens de partager la dignité et les justes fruits du travail. Quelqu'un a dit que personne ne devrait pouvoir faire d'heures supplémentaires alors que tellement de gens n'ont pas d'emploi. D'autres ont contesté la notion voulant qu'il n'est plus acceptable de rester à la maison pour s'occuper de ses enfants. Nous sommes impatients de voir ce que recommandera le groupe de travail qui se penche à l'heure actuelle sur la question de la distribution du travail dans notre société.


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Un autre thème important était la nécessité d'améliorer les programmes de formation et les possibilités de s'instruire. Les gens font preuve d'une sagesse inouïe. Ils s'intéressent à la qualité des programmes-et veulent en avoir pour l'argent de leurs impôts-mais se fichent pas mal de savoir qui les offrira.

Le document de travail parle de compétences exportables, de formation sur le tas et de connaissances pratiques. On a proposé, notamment, que les femmes de tout âge aient accès à des programmes d'apprentissage afin qu'elles puissent réintégrer le marché du travail après avoir élevé leurs enfants. On a aussi insisté sur la nécessité d'offrir davantage de possibilités aux jeunes qui ne tiennent pas nécessairement à poursuivre leurs études. Il faut non seulement prévoir un meilleur accès à l'université, mais davantage de programmes de formation visant à développer les aptitudes très diverses des jeunes et à les aider à trouver leur place dans l'économie mondiale.

Outre améliorer la qualité des programmes individuels, les gens réclament une meilleure coordination entre les emplois, les programmes et les services. Les programmes de soutien du revenu doivent aller de pair avec les programmes de formation et les programmes de formation, avec les véritables possibilités d'emploi. Selon un groupe, beaucoup de bons programmes sont trop limités. Plusieurs groupes ont proposé que l'on remplace plusieurs petits programmes par un mélange de revenu garanti et d'emploi garanti.

Les participants au forum d'Edmonton-Est savent que ce qui est efficace n'est pas nécessairement bon marché. Ils reconnaissent qu'il faut un bon appui pour arriver à l'autonomie. Nous devons investir dans nos ressources humaines si nous voulons qu'elles s'investissent dans l'édification de notre pays. Les gens doivent être capables de répondre à leurs besoins fondamentaux pour pouvoir être productifs, acquérir de nouvelles compétences ou prendre soin de leurs enfants.

Une des questions importantes dans ce débat, c'est la nécessité de mettre l'accent sur les besoins des enfants et de leur donner un bon départ dans la vie. Je pourrai juger du succès de notre réforme des programmes sociaux en voyant dans quelle mesure la situation des enfants de ma circonscription qui vivent dans la pauvreté s'est améliorée ou non. Le premier ministre Kline peut fermer les yeux sur ce qui se passe dans les rues de ma ville, mais je ne peux pas. Je vois des enfants pauvres qui ont trop faim pour pouvoir apprendre. La semaine dernière, j'ai rencontré des écoliers qui n'avaient pas de vêtements assez chauds pour aller planter des tulipes dans le cadre du programme «Le Canada se souvient».

Tout ne va pas à merveille en Alberta, et ce n'est pas la vision du Canada que nous voulons pour nos enfants. Certaines personnes ne voient peut-être pas le lien entre les logements inhabitables, le chômage, les jeunes frustrés et la sécurité publique. Les habitants de ma circonscription voient ce lien parce qu'ils vivent cette réalité tous les jours. Ils savent ce qu'il faut pour créer de solides collectivités, et c'est ce dans quoi ils veulent que les gouvernements investissent.

Cela m'amène au dernier point soulevé, qui est peut-être le plus fort, soit l'importance de l'aide communautaire, de l'aide non financière. Un chèque n'est pas synonyme de sécurité. Les jeunes et les personnes âgées doivent avoir un sentiment d'appartenance à la collectivité et non un sentiment d'isolement. Les jeunes familles n'ont pas seulement besoin d'argent. Elles ont besoin de l'aide de la collectivité pour élever la prochaine génération, une tâche des plus importantes.

Edmonton est reconnue pour ses fortes associations de quartier et ses nombreux organismes communautaires qui répondent aux besoins de la collectivité et contribuent à bâtir des réseaux locaux de services communautaires. Ces réseaux éprouvent de graves difficultés, à cause des réductions budgétaires provinciales imposées sans consulter les gens qui sont touchés. Paradoxalement, c'est surtout dans les périodes d'incertitude et de changement rapide comme celle que nous connaissons aujourd'hui que chaque collectivité a besoin de services et de réseaux d'aide sociale.

Les participants au forum d'Edmonton-Est veulent que le gouvernement fédéral joue un rôle actif en coopération avec les villes et les collectivités locales qui savent ce qu'il s'impose de faire. Si nous ne voulons pas que des gens passent entre les mailles du filet de sécurité et deviennent dépendants des prestations du gouvernement fédéral, nous devons veiller à ce que les collectivités locales, et non seulement les provinces, aient leur mot à dire quand il s'agit de déterminer quel genre de réseau d'aide sociale est efficace.

(1800)

Il faut mettre l'accent sur l'action locale, m'ont dit mes électeurs, non sur les comités nationaux ou les interminables consultations fédérales-provinciales. Ce sont les réseaux de services communautaires, par exemple, qui donnent aux jeunes un sentiment d'appartenance qui les éloigne de la criminalité et rend nos rues plus sûres.

Nous souffrons peut-être d'une fixation trop étroite sur les relations fédérales-provinciales. Les collectivités, surtout les grands centres urbains, devraient avoir plus directement leur mot à dire en matière de développement social de notre pays. Les habitants de ma circonscription craignent que nous ne perdions ce sentiment communautaire qui a bâti notre pays et ils veulent le rebâtir. Voilà l'objectif le plus important pour la revitalisation des programmes sociaux du Canada.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, je crois que la députée était présente la dernière fois que j'ai posé cette question sur l'universalité. Elle doit donc savoir à quoi s'en tenir.

On ne répétera jamais assez que le Parti réformiste tient à ce que notre pays ait le moyen de secourir les plus nécessiteux de notre société, ceux dont la députée vient de parler.

Toutefois, malgré mon profond respect pour les autres députés libéraux qui ont répondu à la question, je n'ai toujours pas obtenu de réponse directe à ma question.

Nous pourrions peut-être reformuler la question sur l'universalité. Supposons que l'universalité s'applique non seulement aux programmes offerts à l'ensemble de la société canadienne, mais aussi qu'elle s'applique automatiquement. Nous connaissons les problèmes, les difficultés que cela nous a valus au Canada. Nous devons donc cibler davantage les programmes vers les plus nécessiteux, qu'il s'agisse de la sécurité de la vieillesse, des services de santé ou de l'éducation,


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peu importe. Nous pourrions peut-être arriver à délimiter davantage le champ d'application du principe de l'universalité.

Quels sont les programmes qui, selon la députée, doivent rester universels au sens le plus large? La question ainsi formulée, la réponse ne sera pas un simple oui ou non, et nous pourrons voir en quel sens la députée voit évoluer les choses d'après le point de vue de ses électeurs.

Mme Bethel: Monsieur le Président, je comprends la question. Je pense que l'universalité est l'un des mots les plus mal définis et mal compris que nous ayons. C'est sans doute pour cette raison-là que je ne l'utiliserai pas.

À mon avis, l'élément incroyablement important de tous les programmes que nous offrons, qu'ils soient sociaux ou économiques, est l'équité. Autrement dit, il faut que chacun jouisse d'un même accès, de possibilités équitables, égales et justes.

Le député demande quels programmes sociaux devraient être exclus. Je crois vraiment que le processus de consultation en cours est inestimable. D'abord, il a permis aux Canadiens de déterminer avec exactitude ce que doit être la politique sociale. Il est clair que nous devons cibler ceux qui ont besoin des programmes.

Ensuite, nous avons discuté de cette question non seulement avec les provinces, non seulement avec ceux qui offrent les programmes, mais aussi avec les bénéficiaires. Ce sont eux qui connaissent le mieux les programmes et qui peuvent proposer les changements les plus judicieux et les plus sages. En fait, ils ont fait certaines des meilleures suggestions quant aux changements à faire pour rendre les programmes plus efficaces, plus efficients et plus rentables.

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Je voudrais poser une question très brève à ma collègue.

Vous avez signalé que votre collectivité souhaitait participer davantage au processus. Y a-t-il des programmes dans le cadre desquels la collectivité pourrait assurer une partie des responsabilités actuelles du gouvernement fédéral?

(1805)

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de donner la parole à la députée d'Edmonton-Est, je voudrais rappeler aux députés de ne pas s'adresser directement à leurs collègues, mais de passer plutôt par la présidence.

Mme Bethel: Monsieur le Président, je pense que nous constatons, depuis quelques années, que les collectivités souhaitent vraiment être autosuffisantes et répondre fondamentalement à leurs propres besoins. Lorsque ces derniers touchent aux enfants, qu'il s'agisse de programmes de loisirs, de nutrition ou je ne sais quoi, je crois certes qu'il serait très utile que des groupes et des organisations communautaires assument ces responsabilités.

Il est important de savoir qu'il faudra apporter, au départ, un certain appui à ces organisations. C'est ce qui se produit à l'heure actuelle.

[Français]

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il ne fait pas de doute que le gouvernement peut moderniser notre système de sécurité sociale. Et selon les derniers sondages, les Canadiens sont d'accord. Mais d'abord et avant tout, nous devons tous nous interroger sur le genre de société dans laquelle nous voulons vivre. Nous devons tous chercher ensemble les solutions qui nous conviennent. C'est une question de responsabilité mutuelle.

Nous devons considérer tout particulièrement notre façon de dépenser et pas seulement le montant de nos dépenses. C'est ce que nous propose la réforme sociale. Je crois que nous nous entendons tous sur l'analyse du problème, soit que la nature du travail a bien changé au cours des 30 ou 40 dernières années et que nos programmes de formation de la main-d'oeuvre ne sont plus adéquats et ne répondent évidemment plus aux nouvelles technologies et aux marchés d'aujourd'hui.

Je crois que nous sommes tous d'accord, et c'est même l'avis de l'opposition, pour dire que nos campagnes et nos villes possédaient une main-d'oeuvre mieux formée qui attirait plus d'investissements et de nouveaux emplois. C'est pour cela que nous avons proposé une réforme de l'assurance-chômage à deux volets: l'un pour soutenir les personnes qui sont généralement au travail mais ont parfois besoin de faire appel à l'assurance-chômage; l'autre, plus concentré sur la formation, pour ceux qui ont de la difficulté à se réinsérer ou à se maintenir sur le marché du travail. C'est la raison d'ailleurs, comme vous le savez, pour laquelle il y a eu la création d'un sous-comité.

Le deuxième élément du plan que nous proposons touche l'enseignement postsecondaire. Au Canada, l'éducation est de compétence provinciale ou territoriale. Toutefois, depuis le début de la Confédération, le gouvernement fédéral a assuré un soutien à l'enseignement postsecondaire en raison du lien fondamental entre l'éducation et l'emploi.

Ce soutien a permis en partie d'édifier le système universitaire et collégial du Canada. Le nouveau grand défi auquel doit faire face le système d'enseignement supérieur est celui de l'accessibilité. Notre système doit instruire et former beaucoup plus de personnes que par le passé; la formation doit être mieux adaptée aux nouveaux emplois.

De fait, au cours des trois dernières années, le nombre d'emplois offerts aux diplômés universitaires a augmenté de 17 p. 100, tandis que le nombre d'emplois offerts aux personnes n'ayant pas de diplômes d'études a baissé de 19 p. 100.

L'idée que l'acquisition du savoir est réservée aux enfants et aux jeunes adultes est désormais dépassée. Les Canadiens et Canadiennes doivent pouvoir profiter de meilleures possibilités d'éducation et de formation tout au long de leur vie active; ici, on parle de formation continue. Il faut moderniser le système pour éviter de restreindre l'accès à l'éducation et à la formation, à la fois pour les jeunes qui entament leur carrière et pour les travailleurs qui veulent suivre l'évolution de la nouvelle économie.


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Dans une économie mondiale concurrentielle, investir dans l'acquisition du savoir est une sage décision sur le plan économique, mais cet investissement doit être une responsabilité partagée. L'objectif est de maintenir et d'élargir l'accès à l'enseignement postsecondaire et à la formation.

Trop de gens passent des années à vivre de l'aide sociale, alors qu'elles pourraient trouver du travail si elles pouvaient faire appel à un soutien efficace en matière d'emploi et de formation. Le constat est que, depuis 1981, le nombre de personnes qui touchent des prestations d'aide sociale a doublé pour atteindre un peu plus de 3 millions dans tout le Canada.

Notre système de sécurité sociale doit protéger les plus démunis, soit les personnes qui ne peuvent pas travailler, les familles à faible revenu, ceux et celles qui souffrent de handicap ou de maladie chronique, et surtout les enfants qui vivent dans la pauvreté.

(1810)

Une chose est claire: même si le gouvernement du Canada avait un excédent plutôt qu'un déficit, il faudrait quand même moderniser nos programmes sociaux. Il nous faut un système de sécurité sociale qui soit viable à long terme. Il nous faut un système qui offre aux gens des moyens de se libérer, soit de se séparer, comme dirait l'opposition, de l'aide sociale. Il y a trop de chômage, trop d'enfants pauvres. Il est temps d'agir, il est temps de régler ces problèmes.

Cela dit, nous incitons toute la population à exprimer son point de vue au cours du processus de réforme de la sécurité sociale. Au cours des prochaines semaines, un comité tiendra des consultations dans toutes les régions du pays. Simultanément, les députés organiseront, comme je l'ai fait dans mon propre comté, des rencontres publiques dans leur circonscription pour connaître l'avis de leurs commettants.

Un peu plus tard, le gouvernement fédéral discutera de la réforme avec les gouvernements provinciaux, et je souhaite vivement, et c'est l'avis de la majorité des Québécois, que le gouvernement du Québec participe à cette consultation pancanadienne.

La réalité est claire. Nous devons donc nous concentrer sur ceux et celles qui sont les plus vulnérables. C'est une question de justice, c'est une question d'équité.

Bien sûr que le document de travail ne règle pas tout. Il s'adresse à un problème structurel. Il nous ouvre la voie vers une société mieux adaptée aux réalités sociales de l'an 2000. Toutefois, le gouvernement du Canada prend aussi des initiatives dans tous les autres secteurs, de façon à régler nos autres difficultés, dont l'examen détaillé de chaque programme du gouvernement fédéral et la modernisation de leurs opérations. De même, la mise en place de mesures concrètes pour aider les entreprises à tirer parti des nouvelles technologies et de s'implanter sur les marchés étrangers. C'est pour cela qu'on fait appel à Jacques Parizeau de faire partie de l'équipe Canada qui se rendra en Chine dans les prochains jours.

Il faut du temps et beaucoup de bonne volonté pour appliquer des réformes substantielles, mais je peux vous dire que le premier ministre, le gouvernement et le ministère du Développement des ressources humaines ont la vision, la patience et la détermination nécessaires pour moderniser nos programmes sociaux et pour les adapter aux besoins de la société canadienne et aux exigences du prochain siècle.

[Traduction]

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, je signale au député que j'ai une question.

J'étais préoccupé par la réponse de sa collègue, la députée qui l'a immédiatement précédé, à ma question concernant l'universalité. Elle a dit, et je pense avoir bien transcrit ses propos: «Nous devons cibler ceux qui sont dans le besoin», ce qui correspond, bien sûr, à la position de toujours du Parti réformiste.

Voilà qui est très intéressant. D'aucuns croiront que je veux refaire ici le processus électoral d'il y a un an. On dirait que cette position qui veut que l'on cible ceux qui sont dans le besoin a été avancée par les députés libéraux et qu'elle appartient en propre aux députés du Parti libéral qui ont été élus à la Chambre. Or, durant la campagne électorale, je n'ai jamais entendu personne l'exprimer.

Lorsque j'ai dit que nous devions cibler les personnes dans le besoin, nos adversaires politiques, dont certains appartiennent à ce parti, ont rétorqué: «Oh! vous voulez détruire les programmes sociaux. Mon Dieu! qu'est-ce qui va se passer maintenant? Nous croyons au caractère sacré du principe de l'universalité!»

Par conséquent, je voudrais poser exactement la même question au député, en lui demandant s'il voudrait bien lui aussi retourner en arrière, il y a un an environ, ou 364 jours, je crois, puisque demain sera l'anniversaire des élections. Je me demande si nous pourrions trouver quelque part, dans un discours qu'il a prononcé ou une annonce qu'il a faite publiquement pendant la campagne électorale, les propos suivants: «Moi, candidat libéral dans ces élections, j'affirme que nous devons axer nos programmes sociaux sur les personnes dans le besoin», ou s'il ne disait pas plutôt, comme certains de mes autres adversaires: «Non, non, nous ne pouvons pas faire cela. Nous devons conserver le principe de l'universalité.» Le député a-t-il changé d'avis depuis les élections?

M. Patrick Gagnon: Monsieur le Président, je crois que le concept d'universalité est bien accepté chez nous. Au chapitre des soins de santé par exemple, tous les Canadiens sont traités de la même façon. Nous avons un système canadien, non pas américain. Si nous prenons les soins de santé comme exemple, nous croyons en l'universalité. Nous sommes contre l'imposition de frais modérateurs dans le cas des traitements contre le cancer, comme cela se fait dans certaines provinces,


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notamment le Québec et, sauf erreur, l'Alberta où les services de santé ont subi des réductions considérables.

(1815)

Le gouvernement s'oppose, et moi aussi en tant que député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine, à de pareilles réductions dans le domaine de la santé.

Cela dit, le concept de l'universalité est préservé, mais d'autres questions se posent, notamment en ce qui concerne la réorientation des services, les soins aux enfants et le besoin de faire plus pour les démunis.

Nous examinons aussi la possibilité de réorienter les dépenses, notamment en ce qui concerne les prestations pour enfants à l'intention de personnes à revenu élevé. L'argent devrait être consacré à ceux qui en ont vraiment besoin.

Je crois que d'une façon ou de l'autre, l'universalité sera maintenue mais, dans le cas des soins de santé, elle le sera là où c'est nécessaire de manière à éviter toute différence dans la qualité des soins donnés aux patients cancéreux au Québec et en Alberta, par exemple. Ils souffrent tous de la même maladie et devraient par conséquent recevoir le même traitement.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je vais essayer d'être bref.

J'ai trouvé fort intéressant l'appui inconditionnel que le député a manifesté à l'endroit de l'universalité de notre régime d'assurance-maladie. Le problème qui se pose actuellement dans le contexte de ce régime est un peu comparable à l'achat d'une voiture.

Si quelqu'un voulait acheter une voiture de 20 000 $ et constatait qu'il n'avait que 15 000 $ et qu'il devait emprunter 5 000 $, qui devrait avoir le contrôle de la voiture? Lui, qui a acheté la voiture et qui a investi la plupart des fonds, ou le prêteur, qui lui a prêté les 5 000 $?

Notre régime d'assurance-maladie est surtout financé par les provinces. Pourtant, le gouvernement fédéral semble vouloir prendre les commandes et décider des modalités de la Loi canadienne sur la santé. Je voudrais connaître l'opinion du député là-dessus.

M. Gagnon: Monsieur le Président, les soins de santé n'ont aucun rapport avec l'achat d'une voiture. Ce n'est pas un luxe. C'est un droit. Les Canadiens ont droit à des soins de santé équitables où qu'ils habitent au pays.

Si le député veut continuer avec ces paiements de transfert-je n'exprime pas le point de vue de mon gouvernement, mais mon point de vue personnel-les provinces doivent reconnaître que nous ne pouvons appuyer le ticket modérateur. On ne peut pas commencer à créer des cliniques privées dans tout le pays.

Telle personne ne doit pas pouvoir dire que telle autre qui souffre du cancer va avoir droit à un traitement parce qu'elle a de l'argent ou que telle autre, qui n'a pas d'argent, va devoir avoir affaire à un système américain où les gens doivent compter sur les oeuvres de bienfaisance pour payer pour leurs soins de santé.

Ce n'est pas le Canada où j'ai grandi. Ce n'est pas le genre de Canada que mes grands-parents ont bâti et, croyez-moi, monsieur le Président, quand j'en aurai, mes enfants resteront canadiens. Nous aurons encore l'universalité qui est l'un des sceaux du Canada, notamment de notre système de soins de santé.

Le président suppléant (M. Kilger): Il nous est arrivé de faire des promesses.

[Français]

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Monsieur le Président, sur cette note, permettez-moi tout de même de vous dire que je suis ébranlé, voire déconcerté devant ce document qui nous est présenté par le gouvernement libéral concernant les programmes sociaux.

On a produit un Livre vert qui ne veut rien dire, ou plutôt, qui veut dire réformer sur le dos des plus démunis et pour moi, c'est un recul. Où sont les promesses faites par le gouvernement libéral dans son livre rouge?

Le gouvernement a-t-il fini de prendre les citoyens du Canada, du Québec et des autres provinces pour des naïfs? On fait des promesses que l'on cache derrière des consultations nébuleuses qui vont durer des mois et des mois. Un nombre considérable d'organismes défileront devant le comité pour démontrer leur insatisfaction. On les écoutera poliment, sachant qu'en réalité, les dés sont pipés, les dés sont jetés. Les décisions sont prises. Oui, le ministre coupera 15 milliards de dollars dans les dépenses sociales. Qui en subira les contrecoups? Les familles des classes moyennes, les familles modestes.

Le ministre, par son projet de réforme, a l'intention éhontée de réduire le déficit et la dette sur le dos de ces gens-là. Le gouvernement libéral s'attaque, le sourire aux lèvres, aux pauvres et non à la pauvreté.

(1820)

Par-dessus tout, le gouvernement ne remplit pas le rôle que devrait avoir un bon gouvernement. Un bon gouvernement devrait se préoccuper davantage des réalités actuelles, réalités qui sont des excès dans les dépenses de fonctionnement de l'État, du gaspillage, parce qu'on tient absolument à conserver les chevauchements entre les différents paliers de gouvernement.

Le projet de réforme s'attaque durement aux citoyennes et citoyens qui veulent travailler et ne se trouvent pas d'emploi et pour qui il n'y en a pas. Le gouvernement instaure une deuxième classe de chômeurs, soit les travailleurs aux emplois précaires. Ces travailleurs représentent 40 p. 100 de la masse ouvrière. Parmi ces emplois précaires, on retrouve un certain nombre d'emplois cycliques ou saisonniers. Demandons à un bûcheron de travailler lorsque la coupe est terminée. Demandons à un travailleur de la construction de construire quand le chantier est fermé. Demandons à un travailleur autonome de se donner lui-même des contrats. C'est ridicule, tout ça.

Ces gens devront trouver un travail qui n'existe pas, simplement pour montrer au gouvernement libéral leur bonne volonté. C'est tout à fait ridicule, d'autant plus que ce gouvernement s'est fait élire sur trois mots: jobs, jobs, jobs. Est-ce seulement un voeu pieu, qui n'a rien donné jusqu'à maintenant? Le gouvernement libéral n'a pas compris que les personnes qui occupent un emploi précaire sont déjà soumises à des instabilités économiques. Non, le gouvernement veut ajouter


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au stress, au sentiment d'impuissance, au découragement de ces gens.

Une autre option est l'étiquette sociale. Le ministre, de par sa réforme, soumettra ces chômeurs à des mesures d'employabilité obligatoires, des programmes de formation et des travaux communautaires. C'est l'enfer! Mes collègues d'en face n'ont pas compris qu'un problème de chômage structurel demande une révision de la structure, une révision de la structure de l'emploi. Le gouvernement fédéral devrait permettre au gouvernement du Québec de mettre sur pied son propre système de formation de la main-d'oeuvre. Alléger les dédoublements de la formation est déjà une économie.

Qu'on laisse aux provinces la juridiction en matière de formation de la main-d'oeuvre. La réforme place les classes sociales déjà fortement touchées sur la ligne de feu. Les jeunes, les femmes monoparentales, les travailleurs saisonniers, les gens âgés de 50 ans et plus, les gens de la classe moyenne vont subir la réforme plus que quiconque. Ils devront en plus payer des cotisations plus élevées pour obtenir des prestations moins élevées.

Les femmes, ici, seront les premières victimes. Le ministre s'attaque à leur autonomie financière, autonomie durement gagnée suite à des combats de chaque instant depuis des années. Et on recule encore. Est-ce cela, la visée futuriste du gouvernement libéral? Effectivement, le revenu du conjoint deviendra un critère d'accessibilité aux prestations d'assurance-chômage. Est-ce dire que la femme a le droit de travailler, mais qu'elle n'a pas le droit à l'assurance-chômage si elle perd son emploi?

Le gouvernement fédéral ne s'attaque pas aux vrais problèmes. Il accentue les différences entre les classes de la société. Le fossé se creusera de plus en plus entre les gens riches et les gens de la classe moyenne et modeste. Il polarise la société. De plus, le gouvernement instaure des coupures dans les paiements de transferts aux provinces pour l'éducation postsecondaire, des coupures de plusieurs milliards de dollars, ce qui représente à peu près 300 millions de dollars pour le Québec.

Des coupures comme celles-là dans des programmes d'études postsecondaires vont forcer les cégeps et les universités à augmenter et à doubler leurs frais de scolarité. L'évidence même est que l'éducation deviendra inaccessible à des étudiants peu fortunés.

(1825)

Le choix sera simple pour les étudiants des milieux sociaux défavorisés: ou ils s'endettent de façon tout à fait désastreuse, ou ils oublient les études supérieures. Oui, le choix est simple. Il n'y aura qu'une seule et même classe sociale pour qui l'accès à l'éducation supérieure sera permis: les étudiants des familles riches, des familles fortunées.

À cela, le Bloc québécois dit non. Il n'est pas question de reculer de vingt ans dans le système de l'éducation. L'accessibilité aux études supérieures est un droit pour tous, un droit que les étudiants devraient être les seuls à choisir sur des bases personnelles et non pas sur des bases économiques. Les étudiants n'ont pas les moyens de s'endetter pour poursuivre des études. À cela, le ministre a trouvé une solution irréaliste. Il parle de l'utilisation des REER. Mais comment un étudiant peut-il utiliser un REER qu'il n'a pas? Éventuellement, le ministre me répondra qu'il parle des REER des parents. Mais oui, la réalité veut que les parents de la classe moyenne aient besoin de leurs REER pour survivre à leur retraite. Et s'ils ont eu les moyens de contribuer à un REER, c'est qu'ils ont fait des sacrifices.

Le Bloc québécois est persuadé que le projet de réforme des programmes sociaux présenté par le gouvernement libéral est l'outil rouge du renforcement centralisateur d'Ottawa. Le gouvernement fédéral utilise tous les moyens qu'il connaît pour s'approprier les compétences des provinces. Il ne veut aucunement couper dans le gaspillage et les dépenses de dédoublement.

Le gouvernement Chrétien coupe dans les programmes sociaux plutôt que d'établir des politiques cohérentes et globales centrées sur l'emploi. Il réforme des chômeurs au lieu de s'attaquer au problème du chômage. Il se sert de cette réforme pour s'ingérer de plus en plus dans des domaines de compétence exclusifs aux provinces.

Le ministre n'a-t-il pas pensé à des coupures budgétaires légitimes? Il serait plus pertinent de travailler au recouvrement des mauvaises créances qui se situent aux alentours de six milliards de dollars. Se retirer des champs de compétence rapporterait des économies de plus ou moins trois milliards. Également, une réforme de la fiscalité permettrait de mesurer et de contrer le déficit. Il y a des centaines de millions à récupérer à ces égards. Qu'on pense aux fiducies familiales. Je suis assuré qu'en utilisant la méthode préconisée pour abaisser ce déficit, amoindrir la dette et les intérêts que nous payons à l'extérieur le gouvernement fait fausse route.

Ce dont nous avons besoin, c'est d'une vraie réforme, une vraie réforme de la fiscalité qui nous donnera des moyens réalistes de redresser les finances du pays.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, on parle de compétence provinciale, compétence fédérale. On dit que le fédéral s'ingère dans des programmes qui sont gérés par le Québec.

Vendredi dernier, j'ai lu dans Le Soleil, l'éditorial de Lise Bissonnette qui parlait de la coûteuse faillite de l'éducation au Québec: «Une véritable boucherie, relève un rapport interne de la Commission des écoles catholiques de Montréal sur l'abandon des études secondaires.» C'est une compétence provinciale, monsieur le Président. Dans ce même éditorial, j'apprends que 46 p. 100 des inscrits au secteur français de la CECM ne terminent pas leurs études. C'est cela, la compétence provinciale.

J'apprends aussi que 3 000 jeunes, dont 50 p. 100 ont moins de 16 ans, abandonnent l'école sur l'île de Montréal. Encore de la compétence provinciale. J'apprends aussi que dans les quartiers défavorisés de l'île de Montréal, huit étudiants sur dix ne terminent pas leurs études secondaires. Il s'agit d'une étude menée par la Commission catholique de Montréal. J'apprends aussi que globalement 35 p. 100 des Québécois et Québécoises ne terminent pas leurs études secondaires, que le Québec se trouve dans le peloton arrière des pays industrialisés. Je crois


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qu'il est temps qu'on cesse de camoufler la réalité, qu'on cesse de dire que c'est la faute du fédéral. On a les preuves.

(1830)

Lise Bissonnette, qui écrit un éditorial dans un quotidien nationaliste bien connu, met au défi le gouvernement du Québec de régler cette question une fois pour toutes. Ça fait vingt ans qu'on attend que le Québec s'organise à s'assurer de prendre ses vraies compétences. Le Québec a ses compétences, faites-le. Là vous me dites qu'on devrait remettre les pouvoirs du fédéral au provincial, alors que l'on voit que le Québec ne fait pas ses devoirs.

M. Fillion: Monsieur le Président, en tant qu'enseignant dans une polyvalente du Québec, je dois vous affirmer que ce qu'on veut décrire comme étant un mauvais système au niveau de l'éducation dans la province de Québec, c'est complètement faux. Ici, les 46 p. 100 dont on parle, ce sont justement des étudiants qui décrochent, et voilà les raisons, parce qu'on ne leur donne pas les cours appropriés, parce que ceux qui commandent les cours qu'on doit leur donner sont dictés par Ottawa, alors que celui qui connaît exactement ce que les jeunes ont besoin dans leurs écoles, c'est le gouvernement du Québec. Donc, à ce moment-là, il s'agit de faire le partage des deux choses.

Lorsqu'on regarde les 46 p. 100, il s'agit de décrocheurs. C'est que nous ne leur donnons pas les moyens de se réaliser, et les moyens de se réaliser ce sera lorsque le gouvernement du Québec aura ses pleins pouvoirs, ses pleins leviers de décision. À ce moment-là, nous serons capables d'assumer et de donner à nos étudiants, que ce soit des garçons ou des filles, toutes les options nécessaires dont ils ont besoin pour se réaliser.

Il est bien sûr qu'à ce moment-là, au niveau du chômage, il y aura une répercussion. Qu'est-ce que ça donne dans une région comme la mienne, celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de former des soudeurs alors qu'à ce moment-ci, au moment où on se parle, le taux de chômage est à 16 p. 100, et les industries n'en ont pas besoin? Donc, il faut former des gens dans les disciplines là où on en a besoin, et seul le Québec est capable de connaître l'endroit où il doit former ses jeunes.

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, le 5 octobre dernier, le ministre du Développement des ressources humaines dévoilait un document qui s'intitule Programme: emploi et croissance: La sécurité sociale dans le Canada de demain.

Tout d'abord, je voudrais vous dire que ce plan de travail m'apparaît trompeur, puisque le titre même fait état de fausses représentations. Bien sûr, le livre vert traite du sujet de l'emploi, mais à ma grande déception et au grand désappointement de tous ceux et celles qui l'ont lu, il n'est pas question de croissance.

À la page 20, nous pouvons y lire, et je cite:

La situation financière de nombreuses familles canadiennes s'est détériorée au cours des années 1980 et au début des années 1990. En général, le revenu disponible moyen des ménages n'a pas augmenté depuis le début des années 1980.
Ces dernières années, de plus en plus de Canadiennes et Canadiens qui ne peuvent trouver un emploi se sont rabattus sur l'aide sociale.
Monsieur le Président, comme vous le savez, il y a plus de 3 millions de personnes vivant d'aide sociale, et ces chiffres ne font pas état des 960 000 bénéficiaires de prestations d'assurance-chômage. Je n'ai nul besoin de rajouter à ces chiffres les gens qui ne se qualifient ni à l'aide sociale, ni à l'assurance-chômage. C'est une situation honteuse et inadmissible dans un pays qui affirme très haut avoir le meilleur système de sécurité sociale au monde.

Comment le ministre peut-il alors prétendre parler de croissance avec de tels faits! Le ministre aurait plutôt dû ajouter le mot «dette» à la suite de croissance. Ainsi, on aurait pu lire sur son document le titre suivant: Croissance de la dette et la sécurité sociale de demain. Cela aurait un titre beaucoup plus approprié pour son document de travail et les mesures qu'il entend mettre de l'avant.

(1835)

À ma connaissance, cette ébauche de plan d'action est une monographie de l'état de l'emploi au pays et de l'inefficacité des programmes fédéraux à répondre aux besoins de création d'emplois.

La sécurité sociale dans le Canada de demain que souhaite le ministre est appelée à disparaître tout simplement. Voilà l'agenda réel du ministre du Développement des ressources humaines et du gouvernement libéral qu'il représente.

De plus, le discours du premier ministre camoufle les intentions réelles de son gouvernement. Le premier ministre tente de nous faire croire qu'il sympathise avec ceux qui ne peuvent plus trouver d'emploi. Ainsi, devant la Chambre de commerce du Canada, il déclarait, et je le cite: «Nous n'aidons pas suffisamment les Canadiens et les Canadiennes à trouver des emplois et à les conserver. Nous ne les aidons pas assez à acquérir les connaissances et les compétences qui leur permettront de rivaliser avec leurs concurrents étrangers.»

Paradoxalement, la réforme proposée qui devrait, selon les termes employés, aider le gouvernement à rentabiliser son système s'accompagnera d'une réduction considérable des prestations d'assurance-chômage, d'une réduction indexée des transferts aux provinces au titre de l'aide sociale et d'une réduction substantielle des transferts aux provinces au volet de l'enseignement postsecondaire.

Quand le premier ministre parle d'investir dans les ressources humaines et dans l'acquisition du savoir, pourquoi son ministre propose-t-il des coupures dans les programmes de formation de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu? Qui faut-il croire? Le ministre du Développement des ressources humaines, le premier ministre ou le ministre des Finances qui réclame des coupures importantes? Qui faut-il croire?

Le motif réel, selon moi, de la réforme des programmes sociaux n'est pas de voir à la création d'emplois et à l'acquisition du savoir mais bien d'enclencher les compressions budgétaires du ministre des Finances. Cela veut dire couper aveuglément dans tous les programmes sociaux.

Un document secret, présenté au Cabinet fédéral et rendu public par le Toronto Star le 5 octobre, précisait qu'aux 7,5 milliards de dollars de coupures annoncées dans le dernier budget s'ajouterait un autre 7,5 milliards sur cinq ans.

De plus, le ministre du Développement des ressources humaines nous indique, à la page 24 de son document, et je cite:

7136

Si d'autres mesures sont nécessaires pour respecter les objectifs du gouvernement relatifs à la maîtrise du déficit, elles seront annoncées dans le budget de 1995.
Monsieur le Président, on ne peut être un peu plus explicite.

Les principaux objectifs du gouvernement fédéral sont clairs: le premier est d'amputer littéralement les programmes sociaux, et le deuxième est d'assurer sa mainmise sur des compétences de juridiction provinciale. Et cela, dans le maintien d'une décision prise unilatéralement.

Après lecture du livre vert, je constate que la majorité des options présentées sont de nature centralisatrice. Quelles sont donc les véritables intentions du gouvernement libéral?

D'abord, il veut récupérer des sommes appréciables auprès des plus démunis et de la classe moyenne, puis subtilement il s'insère dans des domaines de compétence provinciale sans toutefois effleurer l'ombre de la Constitution canadienne.

Il faut l'admettre, le gouvernement libéral fédéral a bien planifié son coup. Il a attendu le résultat de l'élection québécoise pour présenter son ébauche de plan de travail. De plus, le ministre pense maintenant retarder le dépôt de sa réforme aussi tard qu'à l'automne 1995.

On comprend aujourd'hui l'insistance du premier ministre lorsqu'il demande au Québec de tenir le référendum sur la souveraineté d'ici 8 à 10 mois. Ainsi, le premier ministre tient à ce que la décision du référendum au Québec soit prise avant le dépôt de la réforme des programmes sociaux.

Le ministre ne peut plus continuer à cacher ses intentions sous prétexte qu'il désire encore et une fois de plus consulter la population et les provinces. Il faut le dire, ce gouvernement n'a fait que cela depuis un an, consulter et reconsulter, mais il n'a pas agi beaucoup.

Sachant que le ministre n'a fait preuve d'aucune considération pour la première phase de consultation sur la réforme de l'assurance-chômage, pourquoi en serait-il autrement pour sa réforme des programmes sociaux?

Nous, du Québec, constatons que l'échéancier du gouvernement fédéral est établi principalement en fonction des événements politiques du Québec, ce qui confirme notre crainte qu'il veuille s'attaquer aux compétences du gouvernement du Québec et des autres provinces.

(1840)

En tant que parti de l'opposition officielle, le Bloc québécois, par son rôle d'opposition officielle à la Chambre des communes, participera au processus de consultation de la réforme, même si nous croyons que le gouvernement a déjà fait son lit. Soyez assuré, monsieur le Président, que nous serons là pour défendre les intérêts des Québécoises et des Québécois. Également, nous souhaitons que le ministre ait la décence de déposer sa réforme avant la tenue du référendum sur la souveraineté du Québec.

Les Québécois ont le droit de savoir ce que le gouvernement fédéral trame derrière toute cette réforme. On ne leur fera pas une deuxième fois le coup de 1980. On se rappellera tous que le premier ministre Trudeau, pour gagner sa cause, avait dû dire à la population qu'un non signifierait un oui, et on connaît la suite: rapatriement unilatéral de la Constitution et cela, sans le consentement du Québec, le rejet de Meech et de Charlottetown.

Mes collègues du Témiscamingue et de Saint-Hyacinthe-Bagot, membres du Comité permanent des finances, ont déjà formulé des suggestions concrètes et réalistes pour éliminer le déficit fédéral et cela, sans toucher aux programmes sociaux. Voici les suggestions: premièrement, recouvrement des mauvaises créances. Il y aurait là environ 6 milliards de dollars. Deuxièmement, retrait total du fédéral des champs de compétence provinciale, un minimum de 3 milliards de dollars. Troisièmement, réforme de la fiscalité en regard des fiducies familiales. On dit qu'il y aurait 300 à 400 millions de dollars à y récupérer. Quatrièmement, coupure des subventions aux entreprises, celles jugées improductives et non concurrentielles, un potentiel de 3,3 milliards de dollars de coupures. Cinquièmement, coupures de 1,6 milliard de dollars au budget de la Défense. Sixièmement, se retirer immédiatement d'Hibernia; il en coûtera aux coffres fédéraux 250 millions de dollars cette année. Voilà des mesures concrètes présentées par l'opposition officielle pour aider à éliminer le déficit fédéral et cela, sans toucher aux programmes sociaux.

En conclusion, nous aurions été en droit de nous attendre à ce que le document fasse plus clairement ressortir la diversité des marchés du travail au pays. Et en conséquence, comme l'ont indiqué les sondages commandés par le ministère du Développement des ressources humaines, la nécessité de confier aux provinces le niveau le plus habilité à cet égard, soit la responsabilité des programmes des services d'emplois ainsi que la formation professionnelle de l'aide sociale.

Au contraire, par cette réforme, le gouvernement fédéral s'entête à vouloir réduire le déficit sur le dos des plus démunis et de la classe moyenne. Le gouvernement libéral s'attaque à ceux qui n'ont déjà rien, ceux que l'on appelle les pauvres. Le gouvernement, dans son document, utilise de manière abusive le mot emploi. Aucune stratégie de création d'emplois n'est perceptible dans ce document. Au lieu de s'attaquer aux problèmes du gaspillage, de la mauvaise gestion et du manque d'emplois, le gouvernement libéral fédéral s'attaque désormais aux sans-emploi et à la classe moyenne.

J'aimerais rappeler, en terminant, que la défense des plus démunis de notre société fait aussi partie du mandat d'un député. Il doit être le porte-parole de tous ses concitoyens et en particulier de ceux qui sont le plus souvent lésés ou laissés pour compte, les pauvres, les chômeurs, les personnes âgées et surtout, les jeunes familles. Je pense sincèrement que la réforme des programmes sociaux ne réglera rien des problèmes auxquels le gouvernement veut s'attaquer.

_____________________________________________

7136

MOTION D'AJOURNEMENT

[Français]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office, en conformité de l'article 38 du Règlement.

7137

LE CHÔMAGE

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, je posais en cette Chambre, le 19 septembre, une question au ministre des Finances.

(1845)

Je lui soulignais que selon Statistique Canada, le taux de chômage, en août, avait augmenté de 7 dixièmes de un p. 100 au Québec, et qu'il se situait maintenant à 12,2 p. 100. Je disais que malgré une certaine reprise économique, et en tenant compte de l'augmentation de la population, il manque toujours au Québec 210 000 emplois pour retrouver le niveau qui existait avant la récession.

Je lui demandais en conséquence: Comment ne décide-t-il pas de s'occuper de création d'emplois en proposant des mesures concrètes?

C'était en septembre. Nous sommes maintenant à la fin d'octobre et je dois vous dire que le chômage au Québec est toujours à 12,2 p. 100 et que le ministre me répondait que 77 000 emplois avaient été créés depuis le début de l'année. Ces chiffres doivent être révisés à la baisse parce qu'il y a eu, le mois passé, 28 000 emplois de moins, et le mois suivant 4 000 emplois de moins.

Cela veut donc dire que, malgré la reprise, le Québec a une situation économique qui, même si en chiffres semble reluisante, dans les faits, pour les gens sur le terrain, il y a encore 12,2 p. 100 de chômeurs officiels et on ne voit, de la part du gouvernement fédéral, aucune initiative qui fasse en sorte d'aider vraiment le Québec à se sortir de cette situation difficile.

Je demandais également au ministre des Finances: Quand va-t-il enfin réduire les cotisations à l'assurance-chômage qui peuvent soulager le fardeau des petites et moyennes entreprises? Quand? Parce que l'opposition, depuis un an, a dénoncé le fait que ce gouvernement a augmenté les cotisations à l'assurance-chômage.

Le ministre me disait que c'était une excellente question et qu'il allait, mais il ne l'a pas fait. . . Or, vous me permettez de dire que je lui repose la question et que nous allons continuer à lui reposer la question, d'autant plus qu'il a fait payer un prix fort au Québec, aux Québécois, par la première phase de la réforme sur l'assurance-chômage. Depuis ce temps, et nous le savons maintenant, les milliards se sont accumulés dans la caisse d'assurance-chômage. Le ministre, contrairement à ce qu'il prétend, contrairement à ce qu'on voit dans son Livre vert et dans tous les autres livres, se fiche de la création d'emplois, en tout cas pour le Québec, puisqu'il semble se satisfaire de la situation.

Alors je ne peux faire autrement que répéter ma question: Quand va-t-il baisser les cotisations à l'assurance-chômage? Il n'y a pas d'autre réponse que l'on peut accepter, que ce soit maintenant.

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme la députée l'a souligné, l'emploi au Québec demeure inférieur au sommet atteint avant la récession. C'est une situation inacceptable que le gouvernement a l'intention de redresser.

La faiblesse de la situation de l'emploi dans la province reflète la perte de 135 000 emplois et la hausse du taux de chômage de plus de 4 points de pourcentage au cours des trois années et demie qui ont précédé l'élection du présent gouvernement.

En moins d'un an après l'élection du présent gouvernement, le nombre d'emplois créés représentait plus de la moitié de la perte subie. En effet, d'octobre 1993 à septembre 1994, 102 000 emplois ont vu le jour au Québec et le taux de chômage a baissé d'un point de pourcentage, passant de 13,2 p. 100 à 12,2 p. 100.

À ce rythme, le Québec aura atteint le sommet enregistré avant la récession, dans les sept prochains mois. La forte croissance de l'emploi observée récemment au Québec et dans tout le pays tient en partie: au gel des cotisations d'assurance-chômage à un niveau inférieur au taux statutaire requis en 1994; à la mise en oeuvre du programme fédéral d'infrastructure de 6 milliards de dollars, qui vise à favoriser les dépenses en immobilisations.

En outre, la croissance de l'emploi bénéficiera d'une baisse du taux des cotisations d'assurance-chômage en 1995, tel qu'annoncé dans le budget de 1994.

Les modifications au Programme d'assurance-chômage annoncées dans le dernier budget et les changements additionnels qui résulteront de la réforme de la sécurité sociale, menée par le ministre Axworthy, favoriseront d'autres réductions des cotisations d'assurance-chômage dans l'avenir. Grâce à la réduction de ces charges sociales, il sera plus facile, pour les entreprises établies au Québec, de créer des emplois.

Nous avons des raisons de penser que la fermeté de la croissance de l'emploi se maintiendra. La croissance observée au cours des deux derniers trimestres est la plus forte enregistrée en plus de cinq ans.

Qui plus est, la croissance économique prend de la vitesse. Au deuxième trimestre, le PIB réel s'est accru de 6,4 p. 100 (taux annuels), soit une hausse marquée par rapport aux deux trimestres précédents (4 p. 100) et à l'année dernière dans son ensemble.

Ce sont maintenant tous les secteurs de l'économie qui alimentent et renforcent la croissance de l'emploi. L'essor des exportations a abouti, en juillet, à un excédent commercial réel record. La forte croissance des investissements, réels et prévus, dans le secteur de la construction non résidentielle est une indication que les entreprises commencent à accroître leur capacité de production, ce qui les amènera à augmenter leurs effectifs.

Les perspectives d'emploi à la hausse ont entraîné un regain de confiance des consommateurs et, partant, stimulé les dépenses de consommation.

Toutefois, pour que le Québec profite pleinement des perspectives de ferme croissance de l'emploi pour l'économie canadienne dans son ensemble, l'incertitude politique qui règne quant à l'avenir du Québec au sein du Canada doit être atteint.

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, la motion portant que la Chambre s'ajourne est maintenant réputée adoptée.

La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain à 10 heures, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 53.)