HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HEALTH
COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 26 mars 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Pour cette 32e réunion du Comité permanent de la santé, nous allons poursuivre notre étude des produits de santé naturels. Nous devions accueillir quelqu'un qui n'est pas...
Une voix: Elle vient juste d'arriver.
La présidente: Nous pourrions peut-être commencer par le groupe qui est déjà présent, l'Association des Fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada, représenté par Laurie Curry qui en est la vice-présidente, et par M. Richard Black, qui en est le directeur, Affaires scientifiques et régulatoires.
Je vais tout de même vous présenter l'autre témoin, qui va comparaître à titre personnel: il s'agit du Dr Michèle Brill-Edwards.
Nous allons accorder quelques minutes au Dr Brill-Edwards pour qu'elle reprenne son souffle et nous allons donc tout de suite débuter par les Fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada.
Avant de commencer, je tiens à rappeler au comité que nous tiendrons une réunion de travail mardi et j'invite mes collègues à réfléchir, durant le week-end, à l'orientation qu'ils veulent retenir et à ce qu'ils pensent de tout cela.
Je vous en prie, commencez.
Mme Laurie Curry (vice-présidente, Politique publique et Affaires scientifiques, Fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada): Merci et bonjour. Je m'appelle Laurie Curry et je suis vice-présidente, Politique publique et Affaires scientifiques, à l'Association des Fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada. Je suis accompagnée de M. Richard Black, qui va se présenter lui-même.
M. Richard Black (directeur, Affaires scientifiques et régulatoires, président, Comité des allégations sanitaires, Fabricants des produits alimentaires et de consommation du Canada): Je m'appelle Richard Black. Je suis directeur des Affaires scientifiques et régulatoires à Nestlé Canada, professeur adjoint de sciences de la nutrition à l'Université de Toronto et président du Comité des revendications sanitaires des FPACC.
Mme Laurie Curry: Merci.
L'Association des Fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada, l'AFPACC, regroupe plus de 180 entreprises, d'un littoral à l'autre, qui se spécialisent dans la fabrication et le marketing de produits alimentaires, de boissons et de produits de consommation vendus par le biais des canaux de distribution suivants: magasins de détail, épiceries, pharmacies, dépanneurs, grandes surfaces et services alimentaires. En 1996, les ventes de ce secteur atteignaient quelque 11 milliards de dollars (soit 13 p. 100 du produit intérieur brut de la fabrication).
• 1115
Le secteur des produits alimentaires et de consommation
emploie plus de 250 000 Canadiennes et Canadiens et s'emploie à la
croissance, tant à l'échelle nationale qu'internationale.
L'Association des FPACC est heureuse d'avoir la possibilité de
présenter le point de vue de ses entreprises membres au Comité
permanent.
L'heure est propice au changement—les consommateurs réclament des produits qui leur offrent un bien-être accru, mais l'industrie n'est pas en mesure de satisfaire les besoins du marché en raison des restrictions désuètes qui freinent la croissance éventuelle des affaires et les possibilités d'emploi dans le domaine du développement de produits nouveaux.
Les FPACC réalisent que le comité a entendu de nombreux points de vue, qui étaient sans doute variés et parfois contradictoires, afférents aux mérites des plantes, produits botaniques et alimentaires, pour la santé, et des façons dont on peut les réglementer, ainsi que les allégations dont elles sont assorties concernant leurs vertus salutaires.
Nous sommes ici au nom du secteur des produits alimentaires et de consommation pour proposer au Comité permanent une option viable pour l'élaboration d'un cadre réglementaire ou même législatif qui régira efficacement les allégations concernant les vertus salutaires.
L'option que nous proposons repose sur des principes et permettra aux consommateurs de faire des choix éclairés des manières suivantes: elle veillera à ce que les exigences actuelles en matière de santé et de sécurité soient respectées; elle veillera à la vérité et à l'intégrité des communications au consommateur afin de ne pas induire celui-ci en erreur; enfin, elle favorisera un marché concurrentiel équitable.
Nous proposons dans cet exposé trois critères principaux sur lesquels nous nous étendrons.
Premièrement, l'Association des FPACC est convaincue qu'il est inutile de créer une nouvelle catégorie réglementaire pour les produits de santé naturels.
Deuxièmement, l'Association estime qu'on peut remplir les critères de sécurité tout en conservant et en améliorant les droits des consommateurs en matière de choix, en autorisant trois catégories distinctes d'allégations—soit «structure et fonction», «diminution du risque» et «thérapeutique».
Troisièmement, l'Association estime qu'il est important d'établir un statut réglementaire semblable pour les médicaments, les plantes, les tisanes, les produits botaniques et les aliments, en veillant ainsi à ce que les consommateurs soient informés des vertus salutaires de la plus grande diversité possible de produits.
Nous jugeons inutile de créer une nouvelle catégorie réglementaire. Les deux catégories actuelles des aliments et des médicaments sont marquées par une zone d'incertitude.
Qu'arrivera-t-il si l'on crée une troisième catégorie comme le suggèrent d'autres organismes et comités? Il est manifeste que d'autres zones d'incertitude apparaîtront, donneront lieu à une confusion accrue et, à long terme, mèneront probablement à plus de formalités administratives et de restrictions réglementaires que nous n'avons déjà.
Les FPACC estiment également qu'il est inutile d'élaborer une définition réglementaire de «produits de santé naturelle», de «nutraceutiques», «d'aliments fonctionnels» et toute autre dénomination utilisée actuellement en plus des termes «aliment» et «médicament». De nos jours, on admet généralement le concept de continuité entre les aliments et les médicaments, et il devient donc superflu d'introduire de nouvelles définitions. De nouvelles définitions ne feront que créer plus de confusion, particulièrement lorsque les produits englobent ces définitions ou les débordent.
À titre d'exemple, il a été démontré que l'avoine, et plus particulièrement le béta-glucane qu'il contient, permet de réduire la teneur en cholestérol sanguin, et donc les risques de maladie cardiaque. On peut profiter des bienfaits de la consommation d'avoine pour la santé de plusieurs manières, dont les suivantes: la consommation d'avoine ordinaire; la consommation de son d'avoine, dont la teneur en béta-glucane est naturellement élevée, comme céréale au petit déjeuner, ou mêlé à d'autres ingrédients dans des aliments bons pour la santé, comme les muffins ou une boisson désaltérante; la consommation d'un supplément nutritif à teneur élevée en béta-glucane.
À quel moment l'avoine cesse-t-elle d'être un aliment et devient-elle un produit de santé naturel et même un médicament? Ou plus exactement, à quel moment l'avoine lorsqu'elle est consommée, a-t-elle cessé de nourrir, de contribuer à réduire les risques de maladie cardiaque ou de faire partie intégrante de la gestion diététique d'un cholestérol sanguin élevé? Du point de vue scientifique comme de celui du consommateur canadien, c'est du pareil au même—seul le besoin de se conformer à des définitions superflues a brouillé les cartes et semé la confusion.
Compte tenu de la recommandation et de l'exemple donnés ci-dessus, comment donc convient-il de réglementer les allégations en matière de santé? L'opinion actuelle veut que c'est le type de produit qui doit déterminer les allégations qu'on avance à son égard. Or, les FPACC recommandent que l'on aborde le problème sous l'angle contraire, c'est-à-dire que la définition et la réglementation des allégations vont éliminer ou résoudre la majorité des questions présentées devant ce comité, sinon toutes.
• 1120
En quelques mots, les FPACC recommandent que l'on divise les
allégations en matière de santé en trois catégories générales, sur
lesquelles on s'accorde généralement et qui ont déjà été présentées
par d'autres parties à ce comité. La Direction des produits
thérapeutiques a proposé ces trois catégories dans son énoncé des
choix de politique: Un, les allégations relatives à la structure et
à la fonction—je ne vais pas les définir, mais par exemple, «le
calcium contribue à la solidité des os». Deux, la réduction du
risque—par exemple, «l'acide folique réduira les possibilités de
malformation congénitale chez votre bébé». Trois, les allégations
thérapeutiques—par exemple, «la fibre alimentaire peut soulager la
constipation».
Ces allégations peuvent s'appliquer à tout l'éventail des produits alimentaires et des médicaments et être couvertes par les règlements pertinents qui engloberont les critères essentiels qu'il faut remplir, lesquels sont les suivants: Y a-t-il des preuves tangibles que ce produit est sûr? L'utilisation de ce produit comporte-t-elle des problèmes, et si tel est le cas, ont-ils été clairement indiqués au consommateur? L'efficacité du produit est-elle corroborée par des preuves scientifiques solides et claires, et a-t-elle été expliquée en termes non trompeurs qui sont pertinents pour la population canadienne?
Certains pourront soutenir que les allégations thérapeutiques ne peuvent être traitées de la même façon que les allégations relatives à la structure et la fonction. Ici encore, l'Association des FPACC n'est pas de cet avis, car elle estime que c'est le niveau de risque qui représente le noeud du problème—plus le risque que présente le produit est élevé, plus il doit être étroitement contrôlé; plus ce risque est élevé, plus nous devons prêter attention aux manières dont le produit est utilisé; et plus ce risque est élevé, plus les essais scientifiques doivent être exhaustifs et détaillés pour en justifier l'allégation.
La population canadienne s'occupe de plus en plus de son état de santé elle-même. On ne s'arrête pas simplement à l'autodiagnostic et à l'automédication d'un mal bénin comme un mal de tête ou un simple rhume, mais on adopte des choix de régime alimentaire et de style de vie qui optimisent la santé et la qualité de vie. Les FPACC sont d'avis que l'offre de produits sûrs et efficaces aux allégations prouvées en matière de santé profitera grandement aux Canadiennes et Canadiens. Il est bien entendu que certaines maladies exigent les soins d'un professionnel de la santé et, par conséquent, qu'il existera des produits dont les allégations portent sur certains domaines de santé, comme les médicaments utilisés dans le cadre d'un traitement chimiothérapique du cancer, qui doivent faire partie d'un régime de traitement supervisé par un professionnel de la santé qualifié, et dont la promotion devrait donc s'adresser seulement à ces personnes-là.
Cette méthode simple et efficace, qui repose sur la réglementation des allégations, laisserait intactes les définitions d'aliment et de drogue qui figurent dans la Loi sur les aliments et drogues, et n'exigerait qu'une modification réglementaire afférente à la Partie 3 (Annexe A) de la Loi. Nous sommes disposés à débattre d'une proposition de modification dans la période de questions qui suivra cet exposé.
L'Association des FPACC est convaincue qu'en réglementant les allégations en matière de santé, plutôt qu'en élaborant des catégories artificielles et restrictives qui entraîneront des formalités réglementaires coûteuses, il est possible d'établir un cadre réglementaire cohérent, quel que soit le type de produit. Cette méthode a l'avantage de donner aux Canadiennes et Canadiens l'accès aux renseignements sur des produits qui pourraient les aider à avoir une santé meilleure. Une personne pourra consommer de la farine d'avoine, tandis qu'une autre pourra choisir un supplément nutritif. Si le jus d'orange a une teneur élevée en acide folique, et que celui-ci réduit les risques de maladie cardiaque, les Canadiens devraient le savoir. S'il est prouvé que le thé vert en tisane réduit le risque de cancer de la peau, les Canadiens devraient être en droit de le savoir. Nous savons que l'aspirine réduit les risques de crise cardiaque, bien que la plupart des Canadiens s'en servent comme analgésique. Alors pourquoi, sous prétexte qu'elle est consommée au petit déjeuner, empêchons-nous les Canadiens de savoir qu'une céréale à teneur élevée en fibre alimentaire peut aider à prévenir le cancer du colon?
La réponse est la suivante: les Canadiens devraient être en mesure de faire des choix éclairés. Pour ce faire, il faut un cadre réglementaire cohérent qui repose sur les preuves, en fonction d'un barème de preuve scientifique plus ou moins élevé selon le type d'allégation qui est avancée.
En résumé, les FPACC ne recommandent qu'une seule option—celle de la réglementation des allégations en matière de santé. Elle englobe non seulement le type d'allégation—structure et fonction, réduction du risque, thérapeutique—, mais également la qualité des preuves nécessaires pour corroborer ces allégations. Cette option protégera la réputation du Canada, qui est celle d'être doté d'un régime de réglementation des aliments et des médicaments judicieux et solide. Elle permettra au Canada de se tailler une place prédominante dans le domaine de la réglementation internationale. Après tout, c'est ce que les Canadiens et le reste du monde attendent de nous.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
Docteur Brill-Edwards.
Dr Michèle Brill-Edwards (présentation à titre personnel): Merci, madame la présidente.
Mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs, je m'appelle Michèle Brill-Edwards. Je suis ici à l'invitation du comité et par égard à la question très importante—pour la population canadienne—dont il est saisi.
Je suis médecin et experte scientifique et médicale dans les domaines du développement de médicaments et des lois de nature réglementaire au Canada. J'ai travaillé à la Direction générale de la protection de la santé et j'ai démissionné de mon poste il y a deux ans, précisément pour pouvoir dénoncer ouvertement la façon dont est tournée en dérision la Loi sur les aliments et drogues, phénomène que j'ai personnellement constaté à plusieurs reprises, en ma qualité de responsable des affaires réglementaires.
L'incident particulier qui m'a incitée à démissionner a été la gabegie qui s'est produite dans le cas des inhibiteurs calciques—famille de médicaments pour les soins cardiaques. Je suis déjà intervenue sur cette question devant un comité et les mémoires antérieurs que j'ai soumis sont d'ailleurs annexés à celui-ci, que je vais déposer.
Mon témoignage d'aujourd'hui poursuit essentiellement trois objectifs: premièrement, je veux vous rappeler l'intention de la Loi sur les aliments et drogues qui est de protéger le public; deuxièmement, je veux faire ressortir la dichotomie entre, d'une part, le laxisme réglementaire qui règne vis-à-vis des produits présentant des risques élevés et, d'autre part, une réglementation par trop zélée pour les produits à faible risque, lesquels relèvent de votre mandat; troisièmement, je veux vous recommander de faire enquête sur la Direction générale de la protection de la santé.
L'objet de la Loi sur les aliments et drogues est exprimé de façon très simple et éloquente dans son avant-propos: «protéger le public». C'est une petite phrase qu'il ne faut surtout pas oublier. Elle ne dit pas qu'il faut servir l'industrie pharmaceutique; elle ne dit pas qu'il faut répondre à des besoins politiques et commerciaux. Elle est là pour signifier la nécessité de protéger le public. Contre quoi? Contre les dangers pour la santé et la fraude dans la vente et l'utilisation de médicaments, d'aliments, de produits cosmétiques et d'appareils médicaux divers. Je vous exhorte à faire de cet objectif le principe directeur de toutes vos délibérations.
Il convient de souligner deux ou trois aspects importants de la loi. Son application incombe au ministre de la Santé et à la Direction générale de la protection de la santé, en vertu d'une loi d'autorisation énonçant les responsabilités du ministère. Ainsi, l'application de la loi n'est pas discrétionnaire, elle est obligatoire et cette application doit être généralement juste et équitable.
De plus, la loi relève du droit criminel canadien, si bien que tout manquement au devoir d'appliquer la loi pourrait être considéré comme une négligence criminelle, étant donné que cela pourrait occasionner des lésions corporelles ou des décès, et donner lieu à des cas de fraude.
Deuxièmement, pour ce qui est de la façon dont la loi est appliquée et de votre mandat qui est d'examiner la réglementation des produits naturels, je n'insisterai pas suffisamment sur la contradiction à laquelle votre comité est confronté, c'est-à-dire le contraste flagrant que de nombreux Canadiens et Canadiennes ont porté à votre attention: le laxisme réglementaire vis-à-vis des à des produits à haut risque, comme le sang, comme les médicaments vendus sur ordonnance, notamment la Nifédipine... La liste est longue et je ne vous la lirai pas. Vous devez donc comparer cela avec l'autre extrême, celle d'une réglementation exagérément rigoureuse qui considère le poivre de Cayenne en capsule comme un médicament de plein titre posant certains risques. C'est illogique.
À quoi doit-on cet illogisme, cette approche erratique à l'application de la loi? Qui cela sert-il? Certainement pas la population canadienne, ce que vous prouvent les nombreux témoignages que vous avez entendus. Toutes ces contradictions réglementaires servent l'industrie pharmaceutique et l'industrie des produits nutraceutiques, parce que la déréglementation des produits à haut risque permet en fait de minimiser les risques des médicaments vendus sur ordonnance et des produits de biotechnologie, qui présentent habituellement des risques élevés.
• 1130
Le fait de minimiser ces risques permet d'élargir le marché
pour de tels produits et de les laisser sur le marché pour qu'ils
rapportent des bénéfices, bien après qu'on a fait la preuve des
dangers qu'ils représentent. Soit dit en passant, cette façon de
faire va à l'encontre de la Loi sur les aliments et drogues.
D'un autre côté, la réglementation exagérée des produits à faible risque profite aussi à l'industrie pharmaceutique car elle crée des obstacles qui écartent les petits fabricants de l'industrie des produits naturels et permet ainsi aux compagnies traditionnelles de faire main basse sur ce marché florissant. Vous doutez qu'il s'agit là d'un marché bourgeonnant? Jetez donc un coup d'oeil au site Internet d'Agriculture canada et sur les documents présentant le marché en plein essor des aliments fonctionnels. Regardez aussi les documents produits récemment par la Banque mondiale sur les plantes médicinales, dans lesquels on fait état des inquiétudes que soulève la préservation des produits naturels dans les pays en développement, à cause de la très forte demande dont ils sont l'objet dans les pays développés. C'est une histoire de marché.
Quel est le mandat de votre comité? Eh bien, vous avez pour mandat d'examiner la réglementation des produits naturels. Cependant, quand on vous soumet ce genre de preuve établissant que la loi est détournée, quand on vous montre les applications erratiques dont elle est l'objet, je pense que vous devriez envisager d'élargir votre mandat et d'aller au-delà des strictes considérations touchant à la réglementation des produits naturels pour vous pencher sur l'application de la loi, dans son principe.
Nous pourrions toujours parler, et je serais heureuse de le faire avec vous, des éventuelles solutions pour la réglementation des produits naturels. Je suis d'accord avec la plus grande partie de ce qui a été dit avant moi, autrement dit que l'essentiel est de s'engager envers le principe d'une réglementation réduite pour les produits à faible risque et de définir les procédures d'agrément des allégations concernant les produits alimentaires.
Cela n'a rien d'extraordinaire, c'est compliqué mais pas infaisable. Il faut, de nouveau, insister sur le contrôle de la qualité en tant que premier moyen de protection relativement aux produits naturels et autres produits à faible risque. Il faut redonner au Ministère la capacité d'exercer ce contrôle de la qualité. Il faut remettre sur pied les laboratoires de produits alimentaires, rouvrir les laboratoires sur les drogues et médicaments, surtout pour ce qui est des sections de ces laboratoires qui traitaient de produits naturels.
Il s'agit là d'un mandat très étroit et j'ai l'impression que ce n'est pas la chose la plus importante qui incombe à votre comité. Ce qui importe, par-dessus tout, c'est de régler cette question de disparité dans l'application de la loi, parce que peu importe le genre de raccommodage auquel vous pourrez vous livrer, peu importe jusqu'à quel point vous modifierez la loi, vous n'aurez pas changé la culture du Ministère ni la culture de la Direction générale de la protection de la santé qui permettent ce genre d'application à deux vitesses que je considère, personnellement, en me fondant sur ma propre expérience, comme illégal.
En soi, cette application erratique de la loi mériterait qu'on s'intéresse plus près à l'organisme chargé de l'appliquer. Il est un deuxième trait de fonctionnement à Santé Canada, qui est devenu de plus en plus évident au fil des ans, surtout au cours des douze derniers mois, et qui mériterait, selon moi, une enquête publique: je veux parler de la nature pernicieuse et répandue de ce que je qualifierais de culture de la tromperie régnant à la Direction générale.
Au cours des douze à vingt-quatre derniers mois, j'ai recueilli de nombreuses preuves indiquant que les hauts fonctionnaires de la Direction générale et du Ministère trompent le public sur des questions graves, comme la fermeture de nos laboratoires de recherche sur les aliments et les médicaments. Oui, ils trompent le public de façon éhontée. Il est établi que des ministres ont été trompés. Pas plus tard que le 28 février dernier, on constaté que ce comité était trompé par des déclarations truffées de demi-vérités ou obéissant à une désinformation flagrante.
Personnellement, je dirais que si vous n'essayez pas de faire de l'ordre dans tout cela, vous passerez à côté du mandat élargi du Comité permanent de la santé. Avant de décider si vous allez mener enquête ou non, je vous demande de ne pas vous intéresser tant au commerce—même si c'est une partie tout à fait légitime de la vie canadienne, et dont il a été grandement question ici—, mais de penser aux Canadiens et aux Canadiennes dont la vie a été dévastée parce que la Direction générale de la protection de la santé n'a pas administré la loi d'une façon juste et équitable.
• 1135
Je vous demande de penser à Joseph Gil. En même temps que je
me demandais si j'allais démissionner pour dénoncer ouvertement le
danger des inhibiteurs calciques, le médecin de M. Gil constatait
que celui-ci avait une pression artérielle élevée et lui
prescrivait de la Nifédipine qui, 48 heures plus tard, allait
provoquer chez son client un infarctus massif. Sa vie venait de
basculer, sa vie familiale venait d'être détruite et il allait être
invalide pour le reste de ses jours.
Pensez aussi à Brian Baskin, qui a contracté l'hépatite C à l'occasion d'une transfusion de sang. Pire encore, il avait lui-même donné son sang pour en faire du plasma, deux fois par semaine pendant plus de deux ans, avant que la Croix-Rouge ne découvre qu'il était porteur de l'hépatite C. Quand il a demandé qu'on retrace ses dons de sang pour qu'il puisse aviser, comme il se devait, les receveurs de ses produits sanguins, on lui a dit de tout laisser tomber. On lui a même dit que s'il insistait dans ce sens, la Croix-Rouge pourrait le poursuivre en justice. Tout cela malgré les dispositions du droit canadien, de la Loi sur les aliments et drogues et du code criminel qui obligent les fabricants à informer le Ministère des risques de ce genre, et qui donne aussi au Ministère le pouvoir de s'attaquer à ces risques. Songez donc à tout cela, quand vous vous demanderez si vous devez ou non enquêter sur le Ministère.
Je vous dirai enfin, que si vous décidez de ne pas enquêter ou de ne pas faire faire enquête sur la Direction générale de la protection de la santé, malgré l'application irrégulière et illégale de la loi et la désinformation pernicieuse et répétée du public canadien et de votre comité par des fonctionnaires fédéraux, je vous invite à plier bagage pour la journée parce que tout ce processus ne serait plus qu'une simple façade. Tout ce travail ne servirait absolument à rien si un tel détournement du droit canadien et si un tel degré de souffrance des Canadiens et des Canadiennes devait n'avoir aucun effet sur un Comité du parlement.
Merci.
Des voix: Bravo, bravo!
La présidente: Merci beaucoup.
Docteur Hill, voulez-vous commencer?
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Merci à toutes deux pour vos présentations. Je vais poser ma première question au Dr Brill-Edwards.
On nous a dit qu'un des problèmes à la DGPS tient au fait que, si elle conserve une certaine capacité sur le plan scientifique, toute son administration a maintenant été confiée à des gens qui, je cite, ont un style «secteur privé». On nous a dit que, dans les années... On nous a parlé du Dr Morrison, un scientifique responsable de la DGPS, qui semblait davantage capable d'évaluer et de corriger le cap de ce service. Êtes-vous d'accord qu'il règne maintenant ce genre de déséquilibre au ministère?
Dr Michèle Brill-Edwards: Bien sûr que je suis d'accord. Et si cela intéresse votre comité, je pourrais vous soumettre des preuves recueillies sur plus de dix ans établissant la disparition systématique de tout le bagage médical et scientifique de la direction générale, ce qui a facilité la mise en oeuvre d'une telle politique de déréglementation. Il en a découlé exactement ce que vous venez de dire: que la direction générale est maintenant gérée comme une entreprise privée et pas comme un groupe responsable de détecter les risques pour la santé, parce que les dirigeants des hauts échelons ne comprennent pas ou ne connaissent pas la Loi sur les aliments et drogues, dans ses applications médicales et scientifiques, et qu'on n'a nullement l'intention, au Ministère, de se doter de ce genre de capacité.
Un comité de consommateurs qui se chargeait de surveiller la réglementation sur le sang a rencontré des représentants du Ministère l'été dernier; les membres du comité ont été éberlués de découvrir qu'il n'y avait aucun spécialiste des produits sanguins au Bureau des produits biologiques. Il n'y a, dans ce Bureau, aucun médecin spécialiste en produit de transfusion sanguine, susceptible de donner un coup de main dans le sillage du scandale du sang. C'est scandaleux, mais le Ministère s'est justifié en demandant à quoi pourrait bien servir un spécialiste du genre, en demandant ce qu'il devrait faire, s'il devait assumer un rôle d'administrateur.
Et voilà que maintenant ce sont des soi-disant administrateurs qui croisent le fer, alors qu'ils n'ont pas les compétences voulues pour s'acquitter de la mission qu'on leur confie, et qu'on pourrait se reposer sur des gens compétents qui auraient voix au chapitre, au Ministère, dans le cadre d'une prise de décision un peu plus sagace.
M. Grant Hill: Supposons que la DGPS fasse l'objet d'une enquête ou qu'elle soit modifiée, y a-t-il un modèle que nous pourrions suivre ailleurs dans le monde?
Dr Michèle Brill-Edwards: D'abord, il faut savoir qu'au cours des 20 dernières années, la réglementation a fait l'objet de profonds changements dans le monde entier. Nous avons connu une période prolongée de déréglementation. Presque tous les organismes du monde développé ont été sujets aux mêmes pressions que celles auxquelles nous avons assisté au Canada. Le monde des affaires n'a cessé de réclamer l'instauration de processus d'approbation accélérée, sans égard aux risques pour la santé; on a exigé pour cela qu'on se débarrasse des experts qui auraient pu entraver les décisions purement commerciales.
Il y a peut-être un organisme ou deux qui ont été très secoués mais qui s'en sont sortis intacts; je vous recommanderais notamment de suivre le modèle de la FDA. N'oubliez pas, cependant, que la FDA évolue dans un climat politique caractérisé par un fort penchant pour le principe des enquêtes, approche que défendent des membres du congrès déterminés à protéger le public.
Certains membres du congrès, comme Waxman, en connaissent plus sur le développement des médicaments et sur les aspects scientifiques et médicaux des lois de nature réglementaire que la plupart des médecins. Si vous envisagez d'autres modèles, veillez à les analyser dans le contexte qui est le leur.
M. Grant Hill: Je ne vois rien de politique dans ce que vous avez dit. Je n'ai pas eu l'impression, dans vos remarques, que vous vous attaquiez au gouvernement ou à un parti politique quelconque. J'ai l'impression que vos remarques visent le Bureau lui-même. Comme nous sommes un comité, nous avons tendance à vouloir protéger notre terrain. Pourriez-vous me mettre un peu plus à l'aise et me dire que vous ne parlez pas de politique mais de...?
Dr Michèle Brill-Edwards: Il est indéniable que la politique joue un rôle dans tout ça.
À l'interne, les gens travaillant pour la DGPS lui avaient donné le petit nom de «direction générale de l'autoprotection», ce qui désigne toute bureaucratie donnant dans l'autojustification, sans égard à ce que les faits peuvent démontrer. Ce genre de réflexe existe en soi, qu'il y ait ou non interférence politique, et je tiens à ce que cela soit bien clair.
Si je me fonde sur mon expérience, l'existence d'interférences politiques ne fait aucun doute, sous une forme très subtile, sophistiquée et très difficile à percevoir. L'ingérence politique émane essentiellement du Cabinet et elle est due à l'influence des divers ministres, pas uniquement du ministre de la Santé, d'infléchir les politiques pour qu'elles soient favorables aux intérêts des grandes sociétés.
La présidente: Madame Picard.
[Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Bonjour et bienvenue. Ma question va s'adresser à Mme Brill-Edwards. Je voudrais vous dire, en passant, que je vous trouve très courageuse d'avoir livré ce témoignage ici aujourd'hui. Je vous en remercie.
J'ai plein de questions à poser, mais j'en ai une en particulier. Cette semaine, nous avons reçu un groupe qui m'a fait voir un aspect très contradictoire. Il s'agit du Centre de recherches pour le développement international, qui est financé par le gouvernement. Ce centre distribue des subventions à des laboratoires scientifiques de pays en voie de développement où, en collaboration avec des chamans, dans des communautés, on fait de la recherche sur des plantes en vue de soigner les gens. Dans les pays en voie de développement, les médicaments de nos entreprises pharmaceutiques sont trop chers. Donc, on développe, selon la culture de chaque communauté, des produits dits naturels qui sont sécuritaires pour ces gens.
• 1145
Ici, on démantèle tous nos laboratoires, on envoie
nos scientifiques et on dit que ce n'est pas efficace.
On a de
la difficulté à trouver des moyens de faire
approuver ces produits naturels.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Dr Michèle Brill-Edwards: Merci beaucoup.
[Traduction]
Je répondrai en anglais, parce que cela m'est plus facile.
Je suis en train de chercher un rapport que je vais trouver dans un instant. Il s'agit d'un rapport de la Banque mondiale qui traite exactement du sujet dont vous parlez: les tentatives déployées à l'échelle internationale pour protéger et améliorer la capacité des pays en développement de produire leurs propres produits et ce, pour deux raisons. D'abord, parce que ces produits sont demandés dans le monde entier et qu'ils constituent une forme intéressante de commerce; deuxièmement, et plus important encore, parce que dans les pays en développement ces produits naturels sont les seules sources de traitement pour des millions de gens.
Vous avez tout à fait raison. On constate une énorme contradiction. D'une part, le monde entier reconnaît la valeur des produits naturels, de façon globale et générale, et même notre gouvernement veut favoriser cette reconnaissance. D'un autre côté, la Direction générale de la protection de la santé invoque une pléthore de règlements pour ces produits ce qui empêche quasiment tout petit fabricant de produits à base d'herbe médicinale de rester en affaire au Canada.
J'en reviens à la seule hypothèse pouvant expliquer une telle contradiction: l'industrie pharmaceutique bénéficie de cette réglementation excessive qui libère le terrain dans le domaine des produits à base d'herbes officinales, et qui leur permet de dominer ce marché naissant. Il est indéniable que le secteur des produits naturels constitue, pour l'industrie des produits pharmaceutiques et nutraceutiques, le secteur rentable et en plein essor de la décennie.
La présidente: Madame Caplan, pour cinq minutes.
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Je vais d'abord m'adresser à Mme Brill-Edwards. Madame, rien ne me fâche plus que d'être trompée, surtout à coup de demi-vérités.
Pourriez-vous soumettre au Comité des documents établissant que nous avons été effectivement trompés. Je ne vous demande pas de le faire maintenant, mais nous aimerions disposer des informations que vous dites posséder.
La présidente: Faites-les parvenir au greffier pour qu'il nous les remettent.
Dr Michèle Brill-Edwards: Je m'engage à vous fournir une réponse par écrit, parce que j'ai tout de prêt, mais je vous demanderai de me rendre la pareille. J'aimerais obtenir une réponse du comité plutôt que de voir tous ces documents propulsés sur orbite et flotter dans de l'espace intersidéral.
Mme Elinor Caplan: Je crois pouvoir m'exprimer au nom de tous les membres de ce comité. Ils sont sans doute tout aussi troublés que moi à l'idée qu'on a pu les tromper ou les induire en erreur. Nous prendrions très au sérieux toutes les preuves que vous produirez et nous nous ferions un plaisir de nous appuyer sur ces preuves. C'est du moins ce que je pense et je ne vois personne ici qui soit en désaccord avec moi.
Je veux, cependant, consacrer le reste du temps à la question dont ou avons été saisie et qui consiste à déterminer quel rôle Santé Canada devrait jouer et qui, au sein du Ministère, devrait assumer ce rôle.
J'adresse ma question à Mme Curry.
Vous estimez qu'il n'y a pas besoin de plus de réglementation. Le cas échéant, qui décidera de ce qui est sûr, qui décidera de ce qui est de bonne qualité et qui décidera que le contenu d'une bouteille correspond bien à l'étiquette? Qui décidera si les allégations et les preuves sont appropriées et légitimes? Selon moi, il est question de savoir qui, dans un milieu réglementé, va trancher les questions que vous posez à la page 3 de votre mémoire. Comment les consommateurs seraient-ils protégés?
Mme Laurie Curry: Je tiens tout d'abord à préciser que nous ne réclamons pas une complète déréglementation. Tout ce que nous disons, c'est qu'il existe actuellement une définition pour ce qui est produit alimentaire et une définition pour ce qui est médicament et que les aliments ne peuvent faire l'objet d'allégations sanitaires.
Mme Elinor Caplan: J'ai cru comprendre que dès l'instant où vous formulez une allégation sanitaire ou que vous décidez de demeurer dans la catégorie des aliments, il devient difficile de se conformer aux normes du Codex international.
Mme Laurie Curry: Dès que vous établissez un lien entre un aliment et une des maladies énumérées à l'Annexe A de la Loi sur les aliments et drogues, l'aliment en question est considéré comme un médicament et l'on entre dès lors dans une zone grise.
Mme Elinor Caplan: Voudriez-vous que ces produits soient évalués en tant qu'aliments et, dans l'affirmative, redoutez-vous les répercussions des normes internationales du Codex? Êtes-vous préoccupés comme je le suis? Si cela ne vous inquiète pas, les produits jugés à faible risque subiront le processus d'agrément des médicaments. Cela ne vous inquiète pas?
Mme Laurie Curry: Nous disons que les allégations peuvent s'appliquer à tout l'éventail des produits alimentaires et des médicaments. Nous demandons que toutes les allégations soient réglementées. Il convient de resserrer progressivement les normes réglementaires quand on passe d'une allégation portant sur la structure et la fonction d'un produit à une allégation concernant ses valeurs thérapeutiques.
Mme Elinor Caplan: Je comprends bien, mais vous aimeriez que Santé Canada ou le PPT, ou encore la Direction générale des produits alimentaires... Tout ce que je veux savoir c'est qui, selon vous, devrait réglementer ce genre d'allégations. Voudriez-vous qu'on adopte des BPF relativement à la qualité? N'éprouvez-vous aucune crainte quant à la sécurité, à la toxicité et ainsi de suite?
M. Richard Black: Permettez-moi d'intervenir. Revenons-en à ce que vous avez dit à propos du Codex. Jusqu'à présent, la question des allégations sanitaires et du Codex n'a pas encore été réglée. Pour l'instant, c'est encore entre crochets comme on dit; on ne s'est pas entendu sur cette disposition, on en discute encore.
Mme Elinor Caplan: Nous ne voulons pas attendre...
M. Richard Black: Absolument pas.
Si nous devions permettre que les allégations sur les produits alimentaires—le document en question va être soumis au comité, je suppose, à la fin de la semaine, quand il aura été traduit—, nous pourrions certainement le faire par voie de décret. Vous pouvez exonérer les aliments de certains critères énoncés dans certaines parties du règlement ou de la loi. Vous pourriez très certainement formuler un règlement qui permettrait d'émettre des allégations sanitaires pour les aliments, sans pour autant que ceux-ci soient considérés en tant que médicaments.
Voilà une première réponse à votre question.
Mme Elinor Caplan: Quel effet le Codex pourrait-il avoir sur tout cela, puisque la décision n'a pas encore été prise au sujet des aliments? Quelle incidence les normes Codex pourraient-elles avoir?
M. Richard Black: Codex a une incidence sur le plan de l'étiquetage. Un produit exporté doit être réétiqueté de toute façon pour le pays de destination. On a la possibilité d'apposer une allégation sur l'étiquette, si cela est légal dans le pays importateur. En revanche, si l'on veut se conformer aux définitions et au règlement du Codex en matière d'étiquetage de produits alimentaires, on ne peut préciser d'allégation.
Mme Elinor Caplan: Le Canada, selon vous, devrait-il ou ne devrait-il pas adhérer aux normes internationales du Codex?
M. Richard Black: Je pense que le Canada devrait prendre part aux discussions du Codex. Il ne peut être régi par le Codex, mais il pourrait prendre la tête des débats au sein du Codex.
Mme Laurie Curry: Nous avons dit que le Canada avait la possibilité d'assumer un rôle de premier plan sur la scène réglementaire internationale, parce que ce problème n'a pas encore été résolu par le Codex. Le Canada a été invité à diriger le Comité du Codex sur l'étiquetage, en la personne du Dr Anne MacKenzie de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments; ce comité se rencontre annuellement ou tous les deux ans. Le Canada joue donc un rôle de premier plan en matière d'étiquetage d'autres produits alimentaires.
Mme Elinor Caplan: Et la sécurité et les normes BPF?
M. Richard Black: Au fur et à mesure que le risque augmente, vous pourrez certainement classer les produits dans la catégorie des produits thérapeutiques. Je ne veux pas forcément dire qu'il faudra alors les réglementer comme des médicaments. Ce que je veux dire, c'est qu'il y aura une structure en place, à condition qu'on ait le personnel compétent. Je ne veux pas parler de ce qui se passe maintenant. La structure est en place et elle permettrait d'évaluer les risques accrus que présentent les produits dont il est ici question. Il y a un rapport à établir entre les risques et les avantages.
La présidente: Merci, monsieur Black.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Elinor Caplan: Puis-je faire une remarque? Je ne vais pas poser une question, je veux simplement comprendre ce qui vient d'être dit.
La présidente: Nous devons aller voter et je crois que nous sommes déjà en retard de quatre minutes.
Mme Elinor Caplan: Je ne demande qu'une minute, même moins.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg North Centre, NDP): Pas de problème si je peux, moi aussi, ajouter une minute à mon temps.
La présidente: Très bien.
Mme Elinor Caplan: Si je vous comprends bien, vous voulez que la réglementation soit appliquée dans le cadre de l'actuel PPT?
M. Richard Black: De même que pour les aliments, nous resterons dans les aliments.
Mme Laurie Curry: Le problème, c'est que les directives ont été établies en fonction des dispositions actuelles de la loi. Il existe une définition pour les produits alimentaires et une autre pour les médicaments. Il y a la Direction générale des produits alimentaires et il y a l'ancienne Direction générale des médicaments. Nous, nous nous projetons dans l'avenir et voulons voir comment on pourrait faire intervenir les compétences nécessaires dans le cadre d'un système d'homologation des produits.
Un peu plus tôt, vous vous êtes posés la question de savoir s'il reste suffisamment de ressources scientifiques au sein de Santé Canada et si le ministère a conservé une certaine capacité sur ce plan pour évaluer les produits qui nous intéressent. Eh bien, dans l'avenir, on pourrait envisager de conclure des partenariats avec les universités, avec d'autres ordres de gouvernement et avec l'industrie, pour régler le problème sur un plan scientifique et adopter un point de vue international. Même en ce qui concerne la recherche nous ne pouvons pas nous centrer uniquement sur le Canada. Nous devons nous demander comment bénéficier des compétences qu'on pourra trouver ailleurs. Les experts ne sont pas toujours au Canada.
La présidente: Parfait.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, madame la présidente.
Je vais adresser mes questions au Dr Michèle Brill-Edwards, qui vient de porter des accusations très graves. Est-il besoin de rappeler que celles-ci n'ont rien de nouveau? Je ne compte plus le nombre de témoins qui ont dénoncé ce qui se passe à la Direction générale de la protection de la santé.
Il est capital que notre comité se penche sur ce problème, sinon nous ne parviendrons pas à terminer notre étude du processus de réglementation des produits de santé naturels et nous ne pourrons pas non plus mettre le doigt sur le fond du problème, c'est-à-dire la capacité scientifique de la direction générale.
Je vais vous poser quatre questions portant sur des aspects à propos desquels je n'ai pas l'impression d'avoir obtenu de réponses franches du Ministère. Je crois que cela va nous aider dans l'analyse de ce problème.
Ma première question concerne la fermeture du laboratoire de recherche sur les médicaments. Nous avons posé cette question à moult reprises. Dann Michols, de la Direction générale de la protection de la santé, nous a répondu que le Ministère n'a rien perdu de sa capacité nationale en services de recherche et de tests en laboratoire, dans le cadre du Programme des produits thérapeutiques.
Docteur Michèle Brill-Edwards, est-ce vrai ou faux?
Dr Michèle Brill-Edwards: Pourriez-vous me répéter la dernière phrase à partir de «sa capacité nationale...»?
Mme Judy Wasylycia-Leis: «N'a rien perdu de sa capacité nationale en services de recherche et de tests en laboratoire», par rapport à la situation d'avant le changement organisationnel qui a présidé à l'élimination du Bureau de recherche sur les médicaments.
Dr Michèle Brill-Edwards: On parle ici de la capacité de réglementer les produits biologiques, si je ne m'abuse.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Nous sommes revenus plusieurs fois sur cette question avec Dann Michols, en ce qui concerne tant les produits biologiques que les produits pharmaceutiques. Chaque fois, il nous a répondu la même chose: que le Ministère n'a rien perdu de sa capacité d'assumer sa mission dans ce domaine.
Dr Michèle Brill-Edwards: Eh bien, je crois que vous avez affaire ici à une demi-vérité très intelligente. J'ai lu le compte rendu des témoignages du 26 février et j'ai constaté que M. Michols parle sans arrêt... Il parle sans arrêt de la capacité de recherche en biologie, secteur qui a échappé aux coupures parce que, comme la Commission Krever était en train de siéger à l'époque où qu'on se demandait ce qu'il fallait faire, on a craint que des coupures dans le secteur de la biologie auraient fait les manchettes.
Personnellement, j'estime que le comité a été désinformé. M. Michols n'a pas reconnu devant votre comité qui étudie les produits naturels que nous n'avons plus la capacité d'entreprendre de nouvelles recherches sur la qualité et la toxicité des produits naturels. Il ne nous reste plus que quelques laboratoires d'analyse dans les régions, en mesure d'effectuer des tests courants sur des produits connus, mais le Ministère n'a plus la capacité d'effectuer des enquêtes indépendantes concernant de nouveaux dangers.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.
Ma deuxième question concerne un autre aspect auquel notre comité s'est intéressé, c'est-à-dire l'ancienne section des produits naturels de la Direction générale de la protection de la santé. À ce propos, M. Dann Michols nous a répondu qu'il n'y avait jamais eu de laboratoire de produits de santé naturels. Est-ce vrai ou faux?
Dr Michèle Brill-Edwards: C'est absolument faux. Il y a eu une section des produits naturels qui relevait de la division de la chimie au sein du Bureau de recherche sur les médicaments. C'était une vraie section, même si l'on dit qu'il s'agissait d'un laboratoire parce qu'en fait, elle était constituée d'un groupe de laboratoires. La section se consacrait à l'étude de dangers particuliers liés aux produits naturels. Elle conduisait également des travaux sur des antibiotiques et d'autres médicaments, mais à la fin des années 80 et au début des années 90, elle s'est consacrée de plus en plus aux produits naturels, parce qu'on admettait déjà à cette époque qu'on avait affaire à un marché naissant qui nécessitait la tenue de tests.
• 1200
Fait intéressant, la fermeture de ce laboratoire en 1991 a
provoqué une levée de boucliers, tant à l'étranger qu'au Canada. Le
ministre et le Premier ministre de l'époque ont été inondés de
lettres—venues non seulement du Canada mais du monde entier—, les
enjoignant de ne pas fermer ce service qui accomplissait un travail
novateur apprécié à l'échelle internationale.
Eh bien, la personne qui a défendu le démantèlement de cette section sur les ondes radio de la CBC—nous possédons les retranscriptions de cette entrevue—est Mary Carman, qui était assise aux côtés de M. Michols et qui est demeurée bouche cousue pendant qu'il vous déclarait qu'un tel laboratoire n'avait jamais existé. Comment votre comité va-t-il réagir à ce genre de tromperie?
Mme Judy Wasylycia-Leis: Troisièmement, nous avons parlé du dossier de la Nifédipine, que vous connaissez très bien puisque vous y avez travaillé. Nous avons situé cette question dans le contexte de la perception qui a cours, à savoir que les procédures d'approbation des drogues à haut risque sont moins rigoureuses que les règles d'homologation des drogues à faible risque. Voici ce que Mary Carman nous a déclaré au sujet de la Nifédipine:
-
Le rapport conclut que, bien qu'il faille augmenter les
avertissements et les précautions, le produit tel qu'il est
approuvé à l'heure actuelle, aux fins indiquées, est approprié.
Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de cela?
Dr Michèle Brill-Edwards: Cela aussi c'est complètement faux. La Nifédipine n'a jamais fait l'objet de tests sérieux et le Ministère a toujours soutenu qu'il faisait appel, pour ce dossier, à des compétences externes échappant à tout conflit d'intérêt. Or, ce n'est pas vrai.
À partir de 1995, ce dossier a été examiné à trois reprises par des groupes d'experts. J'ai démissionné après le premier examen à cause du conflit d'intérêt patent que je voulais dénoncer. La deuxième fois, un examen rapide a été effectué par des experts maison, dont l'un d'ailleurs n'était pas expert du tout et a admis avoir lu le rapport à l'heure du déjeuner avant de l'envoyer à l'impression, ce qui ne lui a pas donné le temps de faire des changements. L'autre expert, d'Ottawa, a admis dans une entrevue sur les ondes de la CBC qu'il était directement en conflit d'intérêt. Il participait en effet à des recherches financées par un des fabricants, ce qui n'a pas empêché le Ministère de déclarer à maintes reprises qu'il n'y avait pas eu de problème de conflit d'intérêt.
Le dernier comité qui s'est penché sur la sécurité des inhibiteurs calciques a produit un rapport au terme d'un examen qui s'est étalé sur un an à peu près. Fait intéressant, les auteurs de ce rapport prétendument exhaustif se sont débrouillés pour conclure que cette catégorie de médicaments ne présente, pour la santé, aucun danger qui ne pourrait être évité par le strict respect des posologies, ce qui n'est pas vrai.
Dans tous ces travaux d'enquête, les experts sont passés à côté d'une publication établissant sans l'ombre d'un doute que la Nifédipine à action brève, celle vendue en capsules, ne devrait pas être commercialisée en vertu de la loi canadienne. Les preuves sont là et, aussi étrange que cela puisse paraître, l'étude en question a été réalisée par Bayer et par Pfizer.
Il y a décidément quelque chose qui ne va pas quand un comité d'experts consacre autant de temps et d'argent à étudier un aspect, soit disant en profondeur, et passe à côté d'un article déterminant que je pourrais trouver lors d'une petite recherche informatique, en moins d'une demi-heure.
Y avait-il un seul expert, à ce comité, qui n'ait pas été en situation de conflit d'intérêt, selon la définition courante qu'on en donne? La réponse est non. Pourtant, on vous a déclaré sans ambages que ce comité était parfait, qu'il n'y avait pas eu de conflit d'intérêt. Sur quelles normes s'appuie-t-on pour affirmer une telle chose?
Mme Judy Wasylycia-Leis: Ma dernière question va porter sur cet aspect, parce que plusieurs scientifiques du Ministère et du secteur privé nous ont déclaré faire l'objet de pressions de la part de l'industrie pour approuver des produits qui ne sont pas sûrs.
• 1205
Quand on lui a demandé si l'industrie pharmaceutique
n'exerçait pas une influence excessive sur la Direction générale de
la protection de la santé, voici ce que nous a répondu M. Dann
Michols:
-
J'affirme avec la plus grande fermeté qu'il n'y a pas de collusion
entre mon organisation, en tant qu'autorité réglementaire, et
quiconque dans l'industrie pharmaceutique ou celle des appareils
médicaux.
Que pensez-vous de cela?
Dr Michèle Brill-Edwards: Étant donné qu'il est important de savoir qui est le client, je crois que le comité a le devoir de faire revenir M. Michols. Lisez-lui son propre témoignage, ce qu'il a dit à propos du client de la Direction générale de la protection de la santé et de l'influence indue que pourrait avoir l'industrie sur la direction générale à cause de l'orientation de la gestion interne; ensuite, demandez-lui comment il peut justifier ce document, un document dont il est responsable, le Bulletin n« 2 sur l'initiative d'amélioration de la qualité, daté de février 1997 et publié dans le cadre du Programme des médicaments et matériels médicaux. On y trouve une réponse à la question, «Qui est notre client?» La réponse est la suivante—et cela s'adresse au personnel de la direction—«Votre client est le bénéficiaire direct»—direct est en caractères gras—«de vos services. Dans bien des cas, il s'agit de la personne ou de l'entreprise qui finance ces services.»
Dans ce document, on dit au personnel de se dépêcher, d'accélérer le processus d'examen et de ne pas perdre de temps à chercher des preuves de nocivité, de faire le travail rapidement parce qu'ainsi, la compagnie sera satisfaite. La démocratie ne fonctionne pas quand des hauts fonctionnaires du gouvernement comparaissent devant vous et, en réponse aux préoccupations exprimées par les citoyens canadiens, vous trompent délibérément et disent au comité de ne pas s'inquiéter.
-
Mon service adhère pleinement au principe selon lequel la
population canadienne est le client du Ministère. Il faut protéger
la population...
Et ensuite, il se lance dans une belle rhétorique sur la protection du public mais, croyez-moi, c'est seulement de la rhétorique. Au sein du Ministère, le personnel sait pertinemment que c'est cette attitude pro-industrie, le service de l'industrie avant tout, qui fait loi.
Merci.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci de votre exposé. Nous attendons avec impatience de recevoir votre mémoire. Je pense parler au nom de tous les membres du comité en disant que les allégations que vous avez portées nous préoccupent beaucoup et que nous allons approfondir la question.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je suis d'accord.
Nous avons entendu de nombreux témoignages et je pense que nous avons décelé des incohérences. Le comité, je crois, en a entendu assez pour estimer que...
Il faut que je mette les choses au clair. Je me bats contre la Croix-Rouge depuis l'âge de 16 ans et c'est la raison pour laquelle j'estime que devant certains problèmes, il est utile d'avoir un point de vue nouveau de l'extérieur. Il se peut que les délibérations du comité prennent quelque temps. Je pense que, probablement, le consensus au sein du comité est que nous en avons assez entendu pour estimer qu'un point de vue indépendant sur cette question serait utile. Je ne suis pas sûre qu'aujourd'hui soit le bon moment de faire cette proposition, mais je crois que nous devrions au moins vous assurer que cela ne va pas passer aux oubliettes, que nous ferons tout en notre pouvoir pour nous assurer que l'intérêt public est protégé, car c'est ce que les Canadiens attendent de nous, en tant que gouvernement et en tant que comité parlementaire.
C'est uniquement dans des occasions comme celle-ci que nous apprécions le poids de nos responsabilités au sein des comités, et j'aimerais demander à la présidente s'il y a quelque directive ou si...
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Ce qui serait approprié, je pense, c'est d'attendre d'avoir reçu le mémoire du Dr Brill-Edwards pour discuter des mesures que le comité aimerait prendre.
Mme Carolyn Bennett: Je suis d'accord avec ce qu'a suggéré le Dr Brill-Edwards, nous devrions sans doute réinviter les fonctionnaires et leur demander de commenter le rapport et ensuite, si nous sommes toujours mal à l'aise après cette présentation, nous pourrions alors proposer une motion.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): De fait, il y a une chose que les recherchistes pourraient faire et qui serait appropriée, je crois, car il y a eu un certain nombre de personnes—dont le témoignage est consigné dans hansard—qui ont avancé de semblables allégations, ou en tout cas qui ont fait des déclarations et soulevé des questions qui doivent certainement être considérées très sérieusement et à propos desquelles, à mon avis, le comité va exiger des réponses. Nous pouvons donc demander que tous ces témoignages soient rassemblés et prendre le temps de les examiner lors d'une prochaine réunion du comité où ce sujet sera mis à l'ordre du jour. Je vais suggérer cela à la présidente.
Monsieur Elley, vouliez-vous faire une observation?
M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): Oui, madame la présidente, j'aimerais faire une observation à ce sujet.
La semaine prochaine, il y a deux jours où, je crois, nous allons parler de nos futurs travaux et mettre en commun nos idées et nos réactions à propos des témoignages. Je pense que ce serait le moment d'envisager, comme vous l'avez suggéré, Carolyn, ce que nous pourrions faire à ce sujet; nous devrions approfondir cela très sérieusement la semaine prochaine lorsque tous les membres du comité se réuniront.
Mme Carolyn Bennett: Ce qui me déçois, c'est que je serai en déplacement avec le Comité sur la garde et le droit de visite. Je suis sûre que mes collègues savent quel est mon sentiment à ce propos.
Je pense que c'est une chose de rédiger la loi ou de participer effectivement à l'élaboration de règlements et de documents de ce genre. C'en est une autre d'avoir le sentiment que, dans un contexte ou dans un environnement administratif, leur application est possible. Et à mon avis, tel est notre sentiment: en tant que comité, nous avons la responsabilité d'assurer que tout ce que nous faisons se traduit concrètement et protège effectivement l'intérêt public.
Je dois dire qu'il y a aussi quelque chose qui, de mon point de vue, n'est pas très clair et qui fausse notre perception et nous ramène à la première présentation qui a été faite. On estime, je pense, que ce serait une bonne idée de créer une troisième catégorie de produits parce que cela serait l'occasion d'embaucher tout un tas de gens qui savent ce dont ils parlent, si bien qu'au moins les produits qui entrent dans cette catégorie seraient protégés ou appartiendraient, ce me semble, à une section distincte parmi tous ceux qui doivent être étudiés.
Comme vous le savez, lors de la première séance de ces audiences, j'ai demandé si tous ces comités consultatifs marchaient parfaitement et comment on pouvait en arriver, au bout de ce genre de consultation, à dire que la consommation d'ail pourrait être un acte criminel, bref, peu importe ce dont nous avons commencé à discuter? Je me sens donc un peu mal à l'aise.
La seule autre question que je voudrais poser porte sur les aliments. J'ai été surprise de vous entendre dire qu'à votre avis, le Canada est un chef de file en matière d'étiquetage des aliments, parce que cela ne correspond certainement pas à ce que je peux lire sur les cartes et dans les lettres et l'information qu'on envoie à mon bureau. J'aimerais savoir si vous qui représentez l'industrie, vous ne pourriez pas tout simplement faire le nécessaire pour protéger la population canadienne en spécifiant ce que contient un aliment ou si vous êtes tenus d'attendre que le gouvernement vous dise de le faire?
Je ne pense pas que cela marche aussi bien que cela devrait et puisque vous dites que cela s'inscrit dans un continuum, il va falloir clarifier les choses et indiquer si dans la composition d'un aliment, il entre du gluten ou de l'huile d'arachide, bref, le genre de choses dont se soucient, je suppose, les gens qui ont des besoins très spéciaux et qui pensent que les produits canadiens ne sont pas étiquetés de façon aussi précise que les autres.
Mme Laurie Curry: Eh bien, en ce qui a trait au leadership du Canada et aux observations que j'ai faites à ce sujet, cela fait longtemps que le Canada est un chef de file dans le domaine des critères qui permettent d'attribuer certaines propriétés à un produit, par exemple, sa teneur en substance nutritive avec des références à la graisse saturée, la graisse, le sucre et ce genre de choses. C'est dans ce domaine que le Canada a exercé un certain leadership, dans le domaine des critères scientifiques qui permettent d'attribuer certaines qualités à un produit.
Pour l'industrie, tout cela est stipulé soit dans les règlements, soit dans le guide canadien sur l'étiquetage des aliments et sur la publicité. C'est vraiment la bible de l'industrie. Ce document est produit par l'Agence canadienne d'inspection des aliments; c'est l'outil qui permet d'appliquer toutes les lignes directrices et les critères en matière d'étiquetage au Canada. C'est donc ce que doit respecter l'industrie en ce qui a trait à l'étiquetage et à l'emballage. Aujourd'hui même, en fait, Santé Canada a annoncé la tenue d'un séminaire d'une journée portant sur l'étiquetage nutritionnel.
Plusieurs précisions peuvent être données sur une étiquette: la liste des ingrédients, une indication comme «peut contenir des arachides», ainsi que des informations sur les éléments nutritifs. De fait, l'étiquetage nutritionnel fait l'objet de discussion actuellement au Canada, parce que notre pays est au diapason de ce qui se fait à travers le monde et suit également le Codex en la matière.
• 1215
Les États-Unis ont procédé différemment. Cependant, dans
l'industrie alimentaire, la plupart des produits que nous
exportons, 80 p. 100, sont dirigés vers les États-Unis. Par
ailleurs, on peut dire que les Canadiens sont des consommateurs
nord-américains. En ce qui a trait à l'étiquetage, nous devons
déterminer ce que les Canadiens estiment logique de préciser sur
une étiquette tout en tenant compte du contexte canadien en ce qui
a trait à la teneur en éléments nutritifs. Certaines des lignes
directrices canadiennes en matière de nutrition diététique ne sont
peut-être pas exactement les mêmes que celles qui s'appliquent aux
États-Unis. Au bout du compte, l'étiquetage reflète les lignes
directrices et les critères qui existent.
Mme Carolyn Bennett: Vous avez clairement recommandé qu'il n'y ait pas de troisième catégorie, que tout pouvait être traité selon les critères qui s'appliquent aux aliments, mais à titre de médecin, j'estime que si quelqu'un entre dans un magasin et achète une bouteille ou consulte un homéopathe qui lui remet quelque chose qui contient de l'arsenic ou de la strychnine, les non-initiés ne considéreront pas cela comme un aliment, à mon avis. Je ne crois pas qu'ils pensent que, dès que quelqu'un embouteille un produit, l'offre sous forme de capsule et met une étiquette dessus... Je pense qu'ils attendent autre chose de nous, le gouvernement, pour leur donner des assurances à propos des produits qu'ils se procurent. Je ne pense pas qu'ils se soucient autant de...
Pour reprendre votre exemple, quand vous avez parlé du son, je sais exactement quelle distinction je ferais: disons que j'ai le choix entre trois produits et que dans le troisième, il y a du son; je m'attendrai à ce que l'on me dise que, si j'en prends, il faut que je boive une certaine quantité d'eau. Il y a tout un tas de choses différentes que je mentionnerais à propos d'un produit qui a une valeur thérapeutique plutôt que des propriétés préventives, comme lorsqu'on dit que c'est une bonne chose de manger du son tous les jours parce le Dr Burke a dit que l'on n'aurait plus jamais froid. Ce serait une série de lignes directrices tout à fait différentes. Je pense que dans le continuum dont vous avez parlé, certains d'entre nous pourraient indiquer clairement à partir de quoi faire la distinction.
M. Richard Black: Nous ne disons pas que tout devrait entrer dans la catégorie des aliments. Il faut que cela soit clair. Ce que nous disons, c'est qu'il y a certains produits qui, intrinsèquement, présentent très peu de risques, soit parce que l'on ne peut pas en prendre de grandes quantités, soit parce qu'ils ont très peu d'effets secondaires et ainsi de suite. On devrait examiner ces produits et peut-être les faire entrer dans la catégorie des aliments. On ne devrait pas interdire de leur attribuer des propriétés qui en font des produits bons pour la santé. Ils devraient être réglementés à titre d'aliments, tout dépendant des risques qu'ils présentent. Et en ce qui concerne les risques, les critères ont été établis: il ne s'agit pas uniquement de déterminer dans quelle mesure le produit lui-même est sûr et efficace, mais de prendre en compte également les propriétés qu'on lui attribue.
Mme Carolyn Bennett: Mais pour les produits homéopathiques, vous les mettriez dans la catégorie des médicaments?
M. Richard Black: Non. Cela dépend des risques. Je ne suis pas homéopathe; je travaille dans l'industrie alimentaire. Je ne prétends pas qu'il devrait y avoir des normes différentes pour les aliments. Pas du tout. Il faut que les règles du jeu soient équitables. Si...
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): J'ai été très coulante en ce qui concerne le temps de parole, parce que la liste des gens qui veulent intervenir n'est pas longue, mais Mme Wasylycia-Leis voudrait, à son tour, avoir la parole. Je voudrais savoir ce qu'en pense le comité et si je dois faire preuve d'indulgence à cet égard. Mme Bennett a maintenant bénéficié d'un temps de parole égal à celui de Mme Wasylycia-Leis. Avez-vous une question à poser, M. Hill?
M. Grant Hill: J'en ai encore quelques-unes. Les aliments enrichis en vitamine font partie de ce continuum, je crois, et je pense que le Canada est à la traîne en ce domaine. Nous avons quelques réticences à accepter les jus de fruit enrichis de vitamines. À votre avis, est-ce à cause de la réglementation? Pourriez-vous commenter?
M. Richard Black: Je fais partie du groupe d'experts-conseils que consulte la Direction générale de la protection de la santé sur la question des aliments fonctionnels et des nutraceutiques. Je siège également au Comité consultatif de la DGPS sur l'enrichissement des aliments en matières nutritives.
La DGPS a reconnu dans une lettre ouverte que les règlements actuellement en vigueur étaient trop restrictifs, que la science a fait des progrès et qu'il faut rouvrir le dossier et prendre des initiatives pour pouvoir non seulement contribuer à la santé publique par exemple, en ajoutant de l'iode dans le sel, de la vitamine B dans le lait pour combattre le rachitisme, etc., mais pour optimaliser effectivement la santé. C'est maintenant le point de vue de la direction générale. Nous aimerions que les choses avancent un peu plus vite et nous poussons les responsables dans cette direction. Demain, il va y avoir un atelier qui va lancer le processus concernant l'enrichissement des aliments en matières nutritives. Je pense que la direction générale reconnaît la nécessité d'agir ainsi. L'industrie, tout comme de nombreux groupes de consommateurs militants, se sont exprimés très énergiquement sur cette question.
Mme Laurie Curry: Rappelez-vous qu'il y a deux éléments que l'on pourrait ajouter. Peut-on ajouter les vitamines et les minéraux aux aliments eux-mêmes, ce qui représente un enrichissement en matières nutritives?
Par exemple, l'an dernier, il est devenu obligatoire d'enrichir la farine en ajoutant de l'acide folique. J'ai entendu le Dr Bennett le signaler. Mais la différence, c'est qu'au Canada nous ne pouvons pas parler de cela. Nous ne pouvons pas faire le lien et dire aux consommateurs qu'il y a de l'acide folique dans la farine pour une raison bien précise: le spina-bifida. On ne peut pas faire le lien pour le consommateur. Aux États-Unis, si, parce qu'il est permis d'indiquer quels effets les produits ont sur la santé.
Il y a donc deux questions à prendre en compte. Avant toute chose, peut-on ajouter des vitamines et des minéraux aux produits alimentaires? Le Canada a une politique très restrictive à ce sujet. C'est assez contraignant: la réponse est essentiellement, non.
C'est la raison pour laquelle les deux choses se combinent en quelque sorte. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Dès que l'on commence à enrichir les aliments, on veut être en mesure d'avertir les consommateurs. À l'heure actuelle, étant donné les critères qui s'appliquent à l'étiquetage des aliments et la définition que l'on donne d'un aliment et d'un médicament, on ne peut pas faire cela. On ne peut pas faire le lien pour le consommateur.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Au nom du comité, je vais vous demander de déposer la lettre ouverte à laquelle vous venez de faire allusion. C'est celle qui, disiez-vous, a été publiée par le Ministère. Par ailleurs, pouvez-vous nous laisser votre cahier de normes? Sinon, nous nous le procurerons, si vous nous dites où s'adresser.
Mme Laurie Curry: J'ai dû acheter celui-ci.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Dans ce cas, si vous pouvez dire aux recherchistes où vous l'avez trouvé, nous nous assurerons que le comité en a également un exemplaire.
Il nous reste très peu de temps. Une très brève intervention.
Dr Michèle Brill-Edwards: Un commentaire très rapide.
Ce qui vient d'être mentionné à propos de l'usage de l'acide folique pour enrichir certains aliments est très instructif du point de vue du comité. Il existe des travaux qui démontrent la valeur de l'acide folique pour prévenir ce que l'on appelle des anomalies du tube neural, qui se traduisent chez les enfants par de graves malformations. Leur moelle épinière ne se développe pas complètement, ce qui les paralyse à vie.
Les travaux démontrant que l'incidence des anomalies du tube neural baisse lorsque les gens ont un régime qui leur apporte une quantité adéquate d'acide folique ont été effectués, dans une large mesure, dans notre pays. Les responsables du Hospital for Sick Children étaient hors d'eux, parce qu'ils n'arrivaient pas à persuader les autorités canadiennes chargées de la réglementation des aliments de l'importance de cette nouvelle information pour la santé publique. Pendant ce temps, aux États-Unis, on prenait des mesures en faveur de l'enrichissement des aliments.
Je voulais simplement le signaler, parce que c'est un bon exemple de la culture d'un ministère qui considère que sa raison d'être est sa propre existence et n'admet pas que la raison première pour laquelle il existe une Loi sur les aliments et drogues est l'amélioration de la santé des Canadiens. Nous ne devrions pas utiliser les lois pour empêcher en fait la prise de mesures judicieuses dont bénéficieraient les Canadiens et, lorsque les lois interdisent de prendre de telles mesures, il faut les réexaminer et les modifier.
[Français]
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Madame Picard, veuillez poser vos questions.
[Traduction]
Vous aussi, Judy, posez votre question et ensuite, nous laisserons nos invités répondre aux deux.
[Français]
Mme Pauline Picard: Un instant, madame la présidente. J'ai l'impression de ne plus m'y retrouver. Je pensais que c'était clair, mais chaque fois qu'on rencontre des témoins, il y a des choses qui s'ajoutent. C'est compliqué.
Docteur Black, vous parlez de produits naturels à risque peu élevé et à risque élevé. On décide en laboratoire qu'un produit est à risque élevé ou à risque peu élevé. Qui décide? On semble dire qu'il n'y a pas d'experts ou de personnes-ressources qui ont les connaissances nécessaires pour évaluer si un produit naturel est à risque élevé ou peu élevé. Qui décide actuellement? On veut parfois enrichir un produit. Vous parliez de l'enrichissement d'aliments de calcium, de vitamines et ainsi de suite. Qui décide qu'on approuve ou qu'on n'approuve pas tel produit?
Dr Richard Black: Est-ce que vous me permettez de vous répondre en anglais?
Mme Pauline Picard: Oui.
[Traduction]
M. Richard Black: Je pense qu'il existe au Canada et ailleurs dans le monde des spécialistes qui peuvent analyser tout herbe médicinale, substance végétale, aliment ou médicament à l'étude.
• 1225
Je ne peux pas parler précisément du programme de la Direction
des médicaments ou des produits thérapeutiques, car ce n'est pas
mon domaine. D'après les contacts que j'ai eus avec le personnel de
cette direction, je dirais que ce sont des gens très qualifiés,
mais je n'ai pas d'exemple précis à donner qui prouve qu'il en est
ainsi ou qu'il y a des problèmes.
À mon avis, il existe actuellement une organisation qui, si elle est convenablement dotée de scientifiques représentant toute une gamme de spécialités, sera en mesure de prendre ces décisions.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Cette dernière observation est très importante. Nous avons entendu à maintes reprises dire que le Ministère manque en fait non seulement de bon sens, mais également de bons scientifiques qualifiés. C'est donc, à mon avis, un élément qui doit entrer en ligne de compte dans tout cela.
Ma question s'adresse à Michèle Brill-Edwards. J'aimerais qu'elle donne des précisions au comité puisque la semaine prochaine, nous devons discuter de la façon de tirer au clair ces allégations avancées par elle et par d'autres. Je crains un peu que, même si le comité est animé des meilleures intentions, quelqu'un, quelque part, nous dise de ne pas nous inquiéter, étant donné que la question va être étudiée par les membres du groupe consultatif scientifique nommés par le ministre et chargés d'étudier la question du moratoire relatif aux laboratoires de recherche sur les aliments.
En passant, je signale au comité que ce moratoire se termine officiellement aujourd'hui. L'avenir des laboratoires de recherche sur les aliments m'inquiète et, plus important encore, je crains que cela ne devienne une excuse pour ne pas approfondir davantage le dossier.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Veuillez poser votre question.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'aimerais que Michèle Brill-Edwards donne plus de détails sur l'idée d'entreprendre une enquête indépendante et sur ce que le comité doit faire à ce propos.
Dr Michèle Brill-Edwards: Une enquête indépendante publique peut prendre bien des formes. Après mûre réflexion, nous recommandons que le comité prenne les dispositions nécessaires pour qu'il y ait une enquête de vérification. C'est une forme d'enquête dans le cadre de laquelle des gens, qui ont été nommés en toute indépendance, fixent les critères selon lesquels le Ministère devrait raisonnablement se décharger de ses fonctions et protéger le public en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et ensuite, toujours en toute indépendance, rassemblent des informations probantes pour déterminer si ces normes d'exécution ont été respectées.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): J'aimerais suggérer, s'il y a des détails que vous voudriez mettre par écrit et transmettre au comité avec votre mémoire, que vous fassiez parvenir ces documents d'ici lundi au greffier qui nous les distribuera de façon à ce que nous puissions en discuter plus avant. Il pourrait être utile, car c'est une question difficile et importante que doit résoudre le comité, d'avoir vos réflexions par écrit, ce qui nous permettrait d'examiner les options qui s'ouvrent à nous.
Dr Michèle Brill-Edwards: Juste à titre d'information, l'exposé présenté ce matin comporte, à la toute fin, une brève description dans le cadre des recommandations. Nous serons heureux de développer cela.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Si vous voulez donner plus de détails, nous en prendrons volontiers connaissance.
Juste avant de lever la séance—il nous reste deux minutes— je voulais savoir si j'ai bien compris ce que vous avez dit à propos de l'association entre certains produits et les aliments. Même si, selon vous, il ne doit pas y avoir de troisième catégorie, je vous ai entendus clairement dire que vous ne vouliez pas d'un processus parallèle pour évaluer les aliments qui, prétend-on, ont certaines propriétés. Est-ce une interprétation exacte? Ce qui existe aujourd'hui n'est pas suffisant?
M. Richard Black: C'est cela. Ce qui existe au plan du processus.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci beaucoup.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'invoque le Règlement.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Je ne pense pas que ce soit un rappel au Règlement.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Si.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): C'est véritablement un rappel au Règlement?
Mme Judy Wasylycia-Leis: Tout à fait. C'est à propos d'un document que le comité a demandé et que nous n'avons pas reçu. Il s'agit de l'évaluation interne des raisons qui ont entraîné la fermeture du Bureau de recherche, médicaments, que les fonctionnaires de la Direction des produits thérapeutiques se sont engagés à nous fournir.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Ce n'est pas un rappel au Règlement, c'est une requête.
Je vous remercie tous d'avoir assisté à la réunion de ce matin.
La séance est levée.