HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HEALTH
COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 11 février 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare ouverte la 16e séance du Comité permanent de la santé, qui se penche sur les produits de santé naturels.
Nous accueillons cet après-midi trois groupes, et je les nommerai dans l'ordre dans lequel ils ont été imprimés sur la feuille de convocation. Il s'agit d'abord de l'Association ontarienne des herboristes, représentée par Keith Stelling et Mona Rainville; puis de la Guilde des herboristes, représentée par Marie Provost et Valérie Lanctôt-Bédard. Florence Jullion n'est pas ici?
Mme Marie Provost (vice-présidente du conseil d'administration, Guilde des herboristes): Non, elle est malade.
La présidente: Bien. Et enfin, de l'Académie de phytothérapie du Canada, Mme Linda Brosseau.
Bienvenue à tous. Je crois que vous connaissez nos règles de base. Nous vous demandons de limiter votre exposé à cinq minutes chacun, car si vous avez d'autres éléments à ajouter, ils ressortiront sans doute au moment de la période de questions. C'est que tous les membres du comité voudraient avoir le temps de vous poser des questions. Les députés qui vous interrogeront auront droit à cinq minutes chacun, mais cela inclut également votre réponse; vous comprendrez donc que s'ils ont deux ou trois questions à vous poser, ils pourraient vous demander d'être bref. Nous vous remercions de votre collaboration en ce sens.
Nous allons donc commencer dans l'ordre dans lequel je vous ai présentés. Est-ce M. Stelling ou Mme Rainville qui commencera?
M. Keith Stelling (éditeur, Canadian Journal of Herbalism, Association ontarienne des herboristes): C'est moi.
Mesdames et messieurs de la Chambre des communes, la médecine par les plantes est la forme la plus ancienne et la plus naturelle de médecine qui existe. Son innocuité et son efficacité ont été éprouvées dans tous les pays au fil des siècles. Cela fait même 10 siècles que nous utilisons au Canada avec succès les plantes médicinales. En effet, nos peuples autochtones ont survécu grâce aux plantes médicinales.
• 1540
Les herboristes d'aujourd'hui sont les gardiens de cette
sagesse ancienne. Comme tous les praticiens de la médecine
parallèle, ils sont fermement convaincus que le ressourcement le
plus facile et le plus sûr de l'être humain se fait en suivant la
nature.
Dans son rapport récemment publié, «The Prince of Wales' Initiative Report», son altesse royale le Prince de Galles a à nouveau exhorté les praticiens de la médecine orthodoxe et de la médecine parallèle à la collaboration.
On voit déjà en Grande-Bretagne des membres de l'Institut national des herboristes médicaux organiser des cliniques sur la médecine par les plantes au sein même des hôpitaux étatiques, et les médecins de médecine générale accrédités par l'État renvoient couramment certains de leurs patients chez les herboristes, particulièrement lorsque ces derniers ne tolèrent pas les effets secondaires des médicaments à base de produits chimiques.
Au Royaume-Uni, l'Université du pays de Galles et l'Université de Londres offrent un programme de premier cycle de quatre ans en médecine par les plantes.
La médecine clinique par les plantes compte déjà plusieurs succès à son actif, particulièrement dans les pathologies du foie, en dermatologie et dans les affections dues au stress. Ainsi, en France, les oncologues Jean-Claude Lapraz et Christian Duraffourd, de l'Hôpital Boucicaut de Paris, ont démontré que le recours aux plantes médicinales, conjointement avec le traitement conventionnel du cancer, permet d'éliminer nombre des effets secondaires de la chimiothérapie et de la radiothérapie et permet de prolonger la survie des patients et de réduire le taux de récidive de la maladie.
Outre les bénéfices évidents que la médecine par les plantes offre aux patients, elle se traduit par des économies potentielles de l'ordre de millions de dollars si l'on pense aux coûts dus aux traitements, aux maladies récurrentes et aux hospitalisations.
Il se fait également du travail très prometteur sur l'hépatite C, mais les herboristes de formation ont besoin d'avoir un accès permanent et illimité à toutes les plantes pour pouvoir traiter de façon efficace.
Les praticiens de la médecine holistique par les plantes prennent le temps d'écouter avec soin le patient pour déterminer les raisons pour lesquelles le modèle naturel a failli à sa tâche. Est-ce à cause d'une mauvaise nutrition, d'un manque d'exercice ou d'une incapacité de gérer son stress? L'herboriste recherche la cause sous-jacente de l'affection, et le patient est encouragé à participer au processus de guérison en prenant en main sa propre santé et en commençant à pratiquer la prévention personnelle.
Il est important de faire la distinction entre, d'une part, les soins professionnels, grâce auxquels le patient bénéficie de la formation de qualité de l'herboriste et de son expérience clinique, et, d'autre part, l'auto-administration d'un médicament manufacturé à l'échelle industrielle et en vente libre. Il ne faut pas confondre non plus les plantes médicinales avec les autres produits non botaniques, tels que la mélatonine, le DHEA ou les plantes glandulaires. Aucun de ces derniers produits n'a été utilisé de façon traditionnelle à long terme, et aucun n'a été reconnu au fil des ans pour son efficacité et pour son innocuité.
Bien qu'il soit tout à fait judicieux de permettre l'accès public à la plupart des plantes qui sont inoffensives et font partie d'une tradition bien établie de médecine folklorique, on s'inquiète des autres plantes dont la posologie pourrait être critique et qui pourraient être absorbées par certaines personnes présentant des contre-indications spécifiques. Ainsi, la convalaria majalis L, ou lys de la vallée, peut être d'une très grande utilité aux praticiens herboristes formés, mais ne devrait pas être distribuée en vente libre.
Les législateurs du Royaume-Uni ont établi ce qui est la solution de réglementation la plus rentable qui soit. Au titre de la loi de 1968, la «Medicines Act», mise à part une courte liste de poisons—qui contient des plantes que les herboristes n'utilisent même pas, telles que la ciguë—la plupart des plantes utilisées dans la médecine folklorique traditionnelle sont en vente libre.
Les herboristes ont également pour responsabilité d'administrer les herbes dont la posologie est critique ou qu'il ne convient pas que le patient s'administre lui-même. La loi précise que l'herboriste doit permettre au patient de le consulter dans un endroit privé, non public—pas un magasin, par exemple—et qu'il doit faire preuve de jugement professionnel pour déterminer le meilleur traitement par les herbes.
Les herboristes sont protégés par le droit anglais depuis la charte de Henri VIII, selon laquelle ils ont le droit spécifique de préparer leurs propres remèdes à partir de plantes. Bien que la charte d'Henri VIII ne mentionne pas nommément le Canada, elle légalise la pratique de la médecine par les plantes par tout sujet du roi qui aurait la connaissance et la pratique de la nature des herbes, racines et eaux, où qu'il soit sur le territoire du roi, sans qu'il soit passible de poursuites, de mesures vexatoires, sans être perturbé, sans être mis à l'amende ou sans perdre ses biens.
• 1545
Plus récemment, le texte réglementaire de 1994 exemptait de
façon spécifique les herboristes de tout critère d'accréditation
qui leur aurait été imposé par la Communauté européenne. Cette
mesure a été prise parce que la population s'était massivement
rangée du côté des herboristes.
Il pourrait sembler que des exemptions spécifiques à l'égard des praticiens de la médecine par les plantes soient de peu d'importance économique, mais il faut souligner que les grandes percées dans la médecine moderne par les plantes ont été rendues possibles grâce à des herboristes cliniques bien formés, et non pas grâce à des fabricants de produits industriels ou aux milieux de la recherche scientifique.
Les consommateurs canadiens veulent s'assurer que les produits d'herboristerie qu'ils se procurent n'ont pas été contaminés et qu'ils n'ont fait l'objet ni de substitution, ni d'une formule inappropriée ni d'une mauvaise identification. L'aide financière du gouvernement et de l'industrie en vue de la formation des phytothérapeutes et des phytotechniciens canadiens contribuera à court terme à assurer notre compétitivité à l'échelle internationale et permettra à long terme d'avoir une population en bonne santé.
Les herboristes canadiens devraient bénéficier de la même protection que ceux de la Grande-Bretagne et de l'Australie. La médecine par les plantes, de même que les professionnels accrédités qui la pratiquent avec soin, sont un atout pour la santé des Canadiens.
Pour clore, je féliciterais le ministre de la Santé, l'honorable Allan Rock, de nous donner la possibilité de discuter de ces enjeux d'importance dans le cadre de notre système parlementaire canadien. C'est la première fois que l'on se penche sur les avantages d'ordre social, écologique, médical et financier que peut représenter la phytothérapie, et c'est la première fois que l'on constate que celle-ci peut jouer un rôle pour la santé et le bien-être des consommateurs canadiens de services de santé, ce qui correspond à peu près à tous les Canadiens.
Merci.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci beaucoup.
Nous allons d'abord entendre tous les témoins, puis nous passerons à la période de questions.
Marie Provost est la suivante.
[Français]
Mme Marie Provost: Bonjour. Je voudrais aujourd'hui présenter le point de vue de la Guilde des herboristes, association qui a été fondée au Québec en 1995 et qui compte plus de 250 membres directement impliqués dans les plantes médicinales de façon professionnelle ou personnelle.
La Guilde est une jeune organisation. Cependant, elle compte parmi ses membres de nombreux herboristes qui pratiquent de façon professionnelle depuis 15, 20 ou 25 ans. Notre intervention d'aujourd'hui nous tient à coeur parce que les plantes médicinales ne sont pas pour nous une question théorique. Elles ne sont pas pour nous un marché potentiel ou un projet éventuel. Elles représentent notre contact quotidien avec les plantes, leur utilisation et leurs usages.
Nous aimerions d'abord démontrer que les gens du Canada emploient et continueront d'employer les plantes médicinales. Nous avons donc tout avantage à ce que la loi et l'encadrement législatif soient viables, tiennent compte de la réalité et respectent la liberté de choix en matière de santé, cela afin que ces pratiques puissent être convenablement encadrées pour éviter de favoriser une circulation illégale et parallèle des plantes médicinales.
Nous considérons que la place des plantes médicinales dans le système de santé canadien est importante, qu'elle complète les traitements médicaux sans toutefois empêcher les gens d'avoir recours aux traitements médicaux et aux spécialistes en la matière que sont les médecins et les pharmaciens.
Il est clair que les citoyens se tournent de plus en plus vers des traitements de santé alternatifs, cela autant pour combler les manques de la médecine moderne quant aux problèmes de santé chroniques et mal traités par la médecine conventionnelle que pour prévenir et traiter certains maux courants et mineurs qui ne nécessitent pas de médicaments lors d'une intervention de première ligne, mais qui pourront éventuellement en nécessiter.
Il est important de noter que les plantes médicinales ne peuvent et ne doivent pas être classées et régies comme des drogues.
• 1550
Tout d'abord, nous aimerions porter à votre attention
l'innocuité des plantes médicinales. Il se consomme par
exemple un million de tasses d'infusion de camomille
allemande par jour dans le monde. Ceci n'est
évidemment pas une preuve scientifique, mais c'est une
preuve raisonnable de l'innocuité des plantes.
Pourtant, selon la loi canadienne, la camomille
devrait être classée comme une drogue puisqu'elle a un
effet thérapeutique reconnu et prouvé cliniquement.
Nous ne pouvons pas non plus, lorsque nous considérons la toxicité d'une plante, considérer un seul de ses principes actifs isolé et introduit en laboratoire à des rats. Nous devons plutôt considérer le risque réel pour la santé lors de la consommation de produits d'herboristerie, puisque c'est de ceci que nous parlons. Il faut faire la différence entre les principes actifs extraits d'une plante et la plante elle-même, de la même façon que tout le monde ici fait la différence entre la caféine et le café qu'on boit.
Il y a aussi impossibilité technique pour les fabricants, les distributeurs, les manufacturiers de traiter les plantes comme des drogues, tout d'abord à cause de l'origine des plantes médicinales, qui sont des produits de la terre, des produits de l'agriculture, et non des produits fabriqués en laboratoire, et ensuite à cause de l'utilisation des plantes en vrac, comme la camomille que je mentionnais précédemment ou la menthe poivrée. Ce serait un recul important pour la liberté des Canadiens s'il fallait réglementer les infusions ayant des effets thérapeutiques comme des drogues.
Ceci nous amène à avoir un système totalement incohérent qui classifie différemment une substance selon la forme de sa présentation. L'ail, le gingembre et la cayenne sont considérés comme des condiments et des aliments, et deviennent des drogues lorsqu'ils sont présentés sous forme de capsules, par exemple.
Il est donc absolument clair pour nous qu'il y a nécessité de classer les plantes selon leur toxicité et non selon leur effet thérapeutique, comme dans la catégorie des drogues. Il faudrait plutôt créer pour les plantes non toxiques mais ayant des effets thérapeutiques une catégorie particulière, qui serait une troisième catégorie entre les aliments et les drogues.
Nous reconnaissons totalement la nécessité de régir et de classer les plantes médicinales. Nous reconnaissons aussi que de nombreuses substances, qui ne sont d'ailleurs pas employées couramment par les herboristes, doivent être classées comme médicaments. Nous proposons cependant la création d'une pharmacopée botanique canadienne qui posséderait des critères spécifiques pour juger et classer les plantes. Nous reconnaissons que les plantes ne devraient pas être automatiquement classées dans cette catégorie, mais étudiées et classées par un comité permanent d'experts en plantes médicinales.
Ceci nous amène évidemment à la question: qui sont les experts en plantes médicinales? Les pharmaciens reconnaissent volontiers qu'ils ont besoin d'être éduqués en ce qui concerne les plantes médicinales. C'est très louable. C'est extraordinaire que les pharmaciens puissent avoir de l'information sur les plantes médicinales pour mieux traiter leurs patients, mais nous ne pouvons pas considérer qu'ils sont les experts. Les experts sont les herboristes, les phytothérapeutes, les botanistes, les ethnobotanistes, les gens qui manipulent, étudient et connaissent les plantes médicinales. Les pharmaciens et les médecins seront plutôt des experts appelés à titre de consultants ou d'experts externes.
Nous aimerions que soit développée une pharmacopée botanique canadienne comprenant des plantes non toxiques ayant des usages thérapeutiques reconnus selon des preuves scientifiques et cliniques ou des usages traditionnels. Les détails pourraient être précisés dans des monographies où se retrouveraient l'identification de la plante, les doses et les parties utilisées, les formes différentes d'extraits, les usages, les contre-indications et les interactions avec les médicaments. Tout ce travail a déjà été, en partie, très bien documenté parce que de nombreux pays industrialisés traitent les plantes médicinales selon des catégories de médecine traditionnelle.
• 1555
L'encadrement législatif et administratif de cette troisième
catégorie et de ce comité d'experts doit absolument
être indépendant de la Direction des
médicaments, ceci à cause de la nature des
modes d'action des plantes
médicinales, qui commande qu'elles soient traitées
spécifiquement et séparément des drogues.
Le risque pour le public est faible, rappelons-le, et les mécanismes d'action des plantes médicinales sont sensiblement différents des mécanismes d'action des drogues.
Nous attendons donc d'une nouvelle réglementation qu'elle garantisse la qualité des produits en circulation, qu'elle garantisse que les informations qui circuleront non plus sous la couverture mais au grand jour soient justes et adéquates, qu'elle garantisse que la culture de l'herborisme traditionnel survive.
Nous attendons que la loi cautionne les gestes que des Canadiens posent chaque année quand ils consomment, transforment, cultivent, prescrivent, distribuent et utilisent des plantes médicinales, ceci s'inscrivant dans un mouvement de prise en charge de la santé et de liberté de choix en matière de santé. Merci.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci beaucoup. Merci de votre exposé.
Mme Linda Brosseau a maintenant la parole.
[Français]
Mme Linda Brosseau (professeure, Académie de phytothérapie du Canada): Bonjour. Je m'appelle Linda Brosseau et je suis de l'Académie de phytothérapie du Canada. C'est une école située à Montréal qui forme des gens à devenir herboristes. Cette école existe depuis maintenant plus de 14 ans; nous entamons notre quinzième année.
On a vu défiler chez nous des centaines d'étudiants et d'étudiantes, des gens qui vivent de l'utilisation des plantes médicinales, des gens qui utilisent quotidiennement les plantes médicinales, des gens qui les recommandent à leurs amis, à leurs familles—je le fais personnellement et tous les membres de l'administration de l'académie aussi—, donc des centaines et des centaines de gens qui, depuis 15 ans, vivent par les plantes médicinales.
Nous avons été invités vendredi à venir témoigner à ce comité et nous vous en remercions. Cependant, nous n'avons pu déposer de mémoire à cause du court délai. Nous nous sommes donc réunis brièvement en fin de semaine, et c'est un peu de notre réflexion que je vais vous apporter aujourd'hui.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Si vous le souhaitez, vous pourrez toujours envoyer à notre greffier un texte écrit.
[Français]
Mme Linda Brosseau: Je vous remercie.
Nous sommes arrivés à deux constats. Avec les années d'utilisation et de pratique dans le domaine, nous nous sommes rendu compte que la Loi sur les aliments et drogues qui régit actuellement l'utilisation des plantes médicinales est désuète, et nous irions jusqu'à dire que, non seulement elle limite d'une certaine façon les droits des Canadiens et des Canadiennes aux médecines de leur choix, mais aussi qu'elle leur nuit dans le sens où, par exemple, les bouteilles de produits provenant d'herboristeries ne peuvent comporter de contre-indications. Il est arrivé très souvent que des étudiants, des gens ou des amis à qui ces produits avaient été recommandés se retrouvent dans le doute. Beaucoup de gens vont s'automédicamenter sans avoir d'information pertinente, car l'information qui circule est inégale.
Personnellement, j'ai vu des produits qui pouvaient être distribués dans une boutique alors qu'ils ne pouvaient pas l'être dans une autre boutique deux coins de rue plus loin. L'application de la loi n'est pas toujours cohérente, à cause de la teneur même—comme l'ont expliqué précédemment Mme Provost et M. Stelling—des plantes médicinales, qui sont des remèdes végétaux ayant une action particulière. C'est plus que des aliments, mais ce ne sont pas des drogues de synthèse telles qu'on les définit et qu'on les perçoit dans la loi.
Nous sommes donc arrivés au constat qu'il fallait absolument enchâsser dans la loi une troisième voie, une voie intermédiaire, quel que soit son nom, une voie qui permette de décrire et d'encadrer l'utilisation des plantes médicinales.
Nous croyons également, à l'Académie de phytothérapie du Canada, qu'il faut qu'il y ait une loi et des paramètres. Nous sommes aussi d'avis qu'il faut que tout cela se fasse en complémentarité.
Nous ne voulons pas non plus, à l'Académie, substituer l'utilisation des plantes médicinales à la médecine qui est en place, bien au contraire, mais nous croyons qu'elle a une grande place dans tout ce qui est de l'ordre de la prévention. Il faut donc une voie intermédiaire, et nous sommes arrivés au même constat que la Guilde des herboristes, à savoir qu'il est nécessaire de constituer un comité de spécialistes et d'experts provenant du milieu.
• 1600
Il faudrait, bien sûr, des
gens qui viennent du milieu, des herboristes, des gens qui
utilisent les plantes, des gens qui se soignent avec
les plantes, des gens qui ont une expertise sur le
terrain.
Ce comité va pouvoir définir les monographies et les grandes règles. Je peux vous dire que les scientifiques nous rejoignent d'une certaine façon et qu'un énorme travail se fait au niveau scientifique sur l'étude des plantes médicinales.
Il n'est nullement besoin de réinventer la roue et de recommencer tout ce travail. Ça existe en Europe, ça existe partout, même en Australie, etc. On peut se baser sur ces faits, d'une part, et il y a aussi tout l'aspect traditionnel des plantes, d'autre part. Mme Provost a mentionné la camomille, mais on pourrait mentionner beaucoup d'autres plantes comme le tilleul, la verveine, etc., qui sont utilisées depuis des millénaires. De plus, des millions de gens qui sont passés avant nous les ont utilisées.
Nous croyons qu'il est urgent de changer la loi afin de permettre une utilisation des plantes qui soit équitable, efficace mais aussi sécuritaire, parce qu'il faut dire que l'information n'est pas toujours dispensée de façon égale partout. Je vous remercie.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci beaucoup de votre exposé. Quelqu'un d'autre veut-il prendre la parole?
Je répète que vous pouvez envoyer n'importe quand à notre comité un texte écrit. Si vous l'envoyez à notre greffier, ce dernier le fera distribuer, et il fera partie de notre dossier.
Commençons la période de questions. Monsieur Hill.
[Français]
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Merci pour votre témoignage. J'ai une question pour Mme Provost. Combien de personnes pratiquent cette profession dans la région que vous représentez?
Mme Marie Provost: Combien de personnes nous représentons?
M. Grant Hill: Oui, combien de personnes?
Mme Marie Provost: Si on parle des professionnels qui utilisent les plantes, nous parlons d'environ 200 à 250 personnes qui les utilisent professionnellement et qui en vivent. Si nous parlons d'utilisateurs, il y en évidemment beaucoup plus. Nous parlons bien du Québec?
M. Grant Hill: Oui.
Mme Marie Provost: Donc, des utilisateurs secondaires, il y en a évidemment beaucoup plus. Si on parle uniquement d'herboristes, de phytothérapeutes ou de naturopathes qui utilisent quotidiennement dans leurs cliniques des plantes médicinales, il doit y en avoir quelques centaines.
M. Grant Hill: Et quelle est la formation de ces personnes?
Mme Marie Provost: La formation est certainement inadéquate dans ce cadre. Il y a des formations parallèles qui se sont établies. Nous avons par exemple l'Académie de phytothérapie, qui donne une excellente formation, mais comme les plantes médicinales ne sont pas encadrées par la loi, n'importe qui peut, à n'importe quel moment, faire n'importe quoi avec les plantes médicinales.
Il est clair que le fait de demander un encadrement juridique nous oblige à définir les critères de formation et à cautionner les formations qui existent déjà ou à les transformer de façon à les rendre plus acceptables.
M. Grant Hill: Merci.
[Traduction]
Monsieur Stelling, vous laissez entendre dans votre mémoire que le régime qui s'applique en Grande-Bretagne est bien meilleur. Pouvez-vous nous expliquer la différence par rapport à ce qui existe au Canada?
M. Keith Stelling: Oui. D'entrée de jeu, je précise que j'étais le premier Canadien à devenir membre du National Institute of Medical Herbalists (Institut national des herboristes médicaux) d'Angleterre, car j'ai étudié là-bas pendant quatre ans et j'y ai effectué du travail clinique. L'Institut compte plus de 200 membres, et, comme je l'ai dit, la loi de 1968, la «Medicines Act» protège les herboristes et leur permet de pratiquer leur profession dans la mesure où il y a consultation entre eux et leurs patients et où ils font preuve de jugement pour prescrire des médicaments.
Le droit britannique est quelque peu différent en ce qu'il permet à la population de faire des choses qui ne lui nuisent pas d'une façon générale et qu'il suppose au départ que la plupart des gens savent ce qu'ils font et savent comment consommer ces plantes. On pourrait sans doute dire la même chose des Canadiens d'aujourd'hui, puisqu'ils sont plutôt bien informés.
• 1605
Au titre de la «Medicines Act» de 1968, les habitants de la
Grande-Bretagne peuvent avoir accès à presque toutes les plantes,
à quelques exceptions près. Je vous ai d'ailleurs fourni une brève
liste de plantes exclues. La liste couvre des plantes dont la
posologie est critique, et que l'herboriste ou le phytothérapeute
hésitera peut-être à utiliser conjointement avec d'autres
traitements, ou qui ne sont pas appropriées pour tel ou tel patient
à tel ou tel moment.
Il faut comprendre qu'un herboriste de formation n'utilise pas la racine de bardane pour traiter l'acné, même si tous les livres disent le contraire. Nous commençons d'abord par utiliser de la racine de pissenlit, de façon à ne pas inonder le système sanguin de déchets inutiles, qui sont la cause première de l'acné. Il y a une démarche à suivre lorsque l'on veut traiter un patient. La médecine par les plantes peut faire des miracles, peut-être, mais elle n'est prescrite que par un médecin d'expérience et de formation.
M. Grant Hill: Nous suggéreriez-vous, dans ce cas, de faire comme en Grande-Bretagne, et de ne pas toucher aux plantes qui ne sont pas nocives?
M. Keith Stelling: Oui, cela pourrait être une mesure appropriée. Depuis son adoption en 1968, on n'a pas eu de problèmes en Grande-Bretagne, et la loi a même été renforcée en 1994 par d'autres textes réglementaires. Mais il ne faut pas oublier non plus que le niveau des praticiens accrédités doit être très élevé, comme l'ont signalé mes collègues. Il faut faire la distinction entre ceux qui ont été formés avec le plus grand sérieux à cette discipline, d'une part, et ceux qui pratiquent un autre type de médecine et qui veulent tout simplement avoir une corde de plus à leur arc, d'autre part.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci beaucoup, monsieur Hill.
Monsieur Dumas.
[Français]
M. Maurice Dumas (Argenteuil—Papineau, BQ): Vous m'avez rappelé des souvenirs quand vous avez parlé de la camomille. Je me souviens que lorsque j'étais jeune, il y a déjà un bon bout de temps, ma mère avait mis des fleurs de camomille séchées dans une petite boîte de métal. Je dois vous dire que ma mère était belge et que c'était peut-être une tradition qu'elle avait apportée de Belgique. Mais là n'est pas l'objet de ma question.
Vous parlez des herboristes, des naturopathes et des phytothérapeutes qui sont chargés de la surveillance de la qualité des produits et vous dites quelque part que vous aimeriez souligner la bonne volonté de la grande majorité des petites et moyennes herboristeries canadiennes à offrir des produits de qualité. Personnellement, il me semble que la bonne volonté ne suffit pas. Et quand vous parlez de la grande majorité, cela me semble aussi inquiétant. Est-ce que cela pourrait vouloir dire qu'il y aurait des charlatans ou des personnes qui n'auraient pas les qualités nécessaires pour juger de la qualité de ces produits-là?
Mme Marie Provost: Je pense que c'est évident dans une industrie où il n'y a pas vraiment de réglementation. Étant moi-même un petit fabricant dans l'industrie depuis 20 ans, je peux vous dire que la loi est très sévère en théorie, mais qu'elle est appliquée de façon extrêmement erratique, ce qui résulte en un autocontrôle de ce que l'on pratique.
Dans une industrie, il y a toujours des gens qui sont là pour profiter de la situation, pour faire de l'argent et offrir n'importe quoi, ce que vous appelez des charlatans. Ce que nous voulons souligner ici, c'est que la grande majorité des fabricants au Canada sont des petites et moyennes entreprises qui offrent des produits de grande qualité et seraient prêts à collaborer avec un comité qui ne serait pas composé seulement de fabricants mais aussi d'herboristes ou de gens ayant des intérêts non commerciaux, et que la plupart d'entre eux seraient tout à fait disposés à collaborer pour que la loi soit plus stricte. Il est fort possible qu'en ce moment des gens soient en train de fabriquer n'importe quoi, n'importe comment. Nous voulons qu'il y ait un contrôle pour éviter cela.
Dans la situation actuelle, ce que l'on observe, ce n'est pas tant la présence sur le marché de produits dangereux que la présence sur le marché de produits dont on dit qu'ils contiennent quelque chose qu'ils ne contiennent pas. Je pourrais par exemple vous vendre 28,95 $ une bouteille de ginseng qui ne contient pas un gramme de ginseng. Vous voyez? C'est là que nous croyons qu'il y a des charlatans, mais nous pensons que c'est une minorité.
M. Maurice Dumas: Vous parliez aussi tantôt d'écoles d'herboristerie. Est-ce qu'il y en a plusieurs à Montréal, ou au Québec?
Mme Marie Provost: Il n'y en a pas beaucoup au Québec. En fait, la plupart des herboristes sont allés chercher leur formation à l'extérieur. M. Stelling est allé étudier en Angleterre, et moi-même je suis allée étudier aux États-Unis. C'est ce qu'ont fait la majorité des anciens herboristes.
Les jeunes herboristes, ceux de la génération qui monte, étudient dans une école structurée comme l'Académie de phytothérapie ou suivent une formation avec des herboristes, en cours du soir ou de fin de semaine. Ceux qui suivent une formation trop courte ou trop rapide et qui se proclament thérapeutes sont ceux-là même qui utilisent la bardane pour traiter l'acné alors qu'on ne le devrait pas. Vous voyez donc pourquoi je disais tout à l'heure que nous étions d'accord pour qu'il y ait un meilleur encadrement.
Mais l'un ne va pas sans l'autre. S'il n'y a pas d'intérêt à définir le diplôme d'herboriste, parce qu'il n'y aucun champ de pratique réservé à l'herboristerie, il n'y aura pas nécessité d'obtenir un diplôme sauf si on veut vraiment être professionnel. Encore une fois, tout est entre les mains des gens et des compagnies qui produisent de bons produits parce qu'ils le veulent bien. Les herboristes recherchent des formations sérieuses parce qu'ils le veulent bien, et nous souhaitons que le gouvernement vienne y mettre des exigences minimales.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci.
Monsieur Myers, puis Mme Wasylycia-Leis.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, madame la présidente.
Monsieur Stelling, vous dites à la page 14 de votre mémoire que l'on devrait encourager le recours à des thérapies naturelles de prévention pour diminuer les coûts de santé assumés par l'État. Sait-on de combien il s'agit? Combien pourrait-on économiser? J'imagine que c'est ce que vous affirmez.
M. Keith Stelling: Oui, je l'affirme, et je suis ravi que vous souleviez la question.
Je ne crois pas que l'on ait fait d'études là-dessus au Canada. Je suis sûr qu'il existe partout dans le monde des études sur la médecine préventive. Le fait que le gouvernement du Royaume-Uni injecte des fonds dans la médecine douce ou dans les formes naturelles de la médecine, dans le cadre du régime national de santé, me semble aller dans ce sens.
M. Lynn Myers: Nous devrions donc songer à emboîter le pas, ou à tout le moins essayer de mieux cerner cette dimension.
M. Keith Stelling: Ce serait une excellente idée.
M. Lynn Myers: Je m'adresse maintenant à la Guilde des herboristes de Montréal.
Votre idée d'une pharmacopée canadienne des plantes m'intéresse beaucoup. Pourriez-vous nous en parler un peu plus? Comment feriez-vous pour la dresser? Comment s'effectuerait le suivi? Comment ferait-on pour y ajouter une plante ou pour en éliminer, au besoin? À quoi songez-vous?
[Français]
Mme Marie Provost: Nous pouvons évidemment nous baser sur des pharmacopées botaniques existant déjà dans d'autres pays. Il existe, par exemple, une pharmacopée botanique britannique, et différents pays ont des pharmacopées spécifiques. Les modèles existent donc. Ce que nous désirons voir dans cette pharmacopée, ce sont tous les détails qui permettraient d'identifier spécifiquement les agents thérapeutiques de façon à nous assurer que l'agent thérapeutique vendu, le produit d'herboristerie vendu ait bien, premièrement, l'innocuité qu'on lui prête et, deuxièmement, l'effet thérapeutique qu'on lui accorde.
Prenons l'exemple de nos fameuses fleurs de camomille. Si nous récoltons les fleurs de camomille au mauvais moment ou si nous utilisons la feuille de camomille au lieu de la fleur de camomille, nous perdons les usages thérapeutiques. Il est donc important que de telles considérations soient clairement établies dans une structure de base pour développer ces produits-là.
La deuxième chose, c'est qu'il y a des standards à respecter qui sont extrêmement différents. Ainsi, avec nos pratiques manufacturières, qui sont en ce moment celles de l'industrie pharmaceutique, les inspecteurs ont évidemment beaucoup de difficulté avec le fait que nos matières premières arrivent directement de la campagne et du champ.
• 1615
Par contre, il n'y a nulle part dans les bonnes
pratiques manufacturières une quantité maximale de
mauvaises herbes permise dans les matières premières, ce
qui, pour un produit botanique, est une considération
importante. Il doit donc y avoir des critères
spécifiques qui permettent de déterminer cela.
Ces critères sont pour la plupart techniques, comme l'identification microscopique et macroscopique, et permettent d'éviter que certaines substances soient mélangées à des substances botaniques différentes ou soient remplacées par ces substances, et de bien identifier la plante, ce qui n'est pas toujours facile lorsqu'on a une plante séchée. Il faut donc une identification microscopique et macroscopique. Toutes ces considérations très techniques existent déjà, et nous souhaitons qu'un comité puisse cautionner ces critères déjà existants.
Ayant étudié certaines pharmacopées, nous ne voulons pas adopter intégralement l'une ou l'autre de ces pharmacopées. Nous devons donc les regarder et les observer, et définir ensuite les usages thérapeutiques et les contre-indications, ce qu'un comité cautionnerait en se basant sur la documentation qui existe déjà. Je voudrais répéter qu'il existe déjà une grande quantité de documentation, qu'elle est extrêmement bien appuyée et qu'au cours des 10 dernières années, beaucoup de travail a été fait au niveau international à ce sujet.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci beaucoup. Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord-Centre, NPD): Merci. Je voudrais remercier aussi tous ceux qui ont participé à cet exposé très complet.
J'ai deux ou trois questions à poser. Ma première est celle-ci: êtes-vous tous membres de la Coalition canadienne des associations d'herboristes? Je pose la question parce que Michael Vertolli, qui a comparu devant notre comité à titre de représentant de la Coalition canadienne des associations d'herboristes, fait également partie du comité consultatif qui se penche sur l'établissement d'un cadre réglementaire pour les produits de santé naturels. Je me demande donc premièrement s'il existe une seule instance qui représente l'ensemble des associations d'herboristes du Canada, et, deuxièmement, que pensez-vous de l'ébauche de cadre qui a été remise à notre comité le 3 février, à supposer que vous l'ayez vue. C'est ma première question. Je vais poser toutes mes questions en même temps; après vous pourrez choisir d'y répondre dans l'ordre que vous voudrez.
Voici mon autre question. Beaucoup de gens qui ont témoigné devant notre comité, qui sont des utilisateurs, des consommateurs ou des bénéficiaires des herbes médicinales, nous ont dit qu'il n'est absolument pas nécessaire de changer la législation ni de créer une catégorie séparée. Ce qu'il faut, c'est mettre fin à toutes ces restrictions inutiles imposées à l'égard de produits qui sont réputés sûrs depuis des milliers d'années. Il faut faire appliquer la réglementation actuelle et vous laisser vous occuper de la question de l'étiquetage, de la posologie et du remplacement de produits. Et il faut une capacité scientifique quelconque au gouvernement fédéral afin de superviser le marché des herbes médicinales. Je vous pose donc la question suivante. Pourquoi faut-il légiférer? Je pense que vous avez été très clair, Keith, au sujet de la loi. Pourquoi faut-il légiférer?
M. Keith Stelling: Je pense que l'une des raisons pour lesquelles il faut une loi, c'est qu'il faut s'assurer que les produits ne sont pas contaminés, qu'ils ne renferment pas d'herbes de remplacement ou de plantes qui sont mal identifiées. Pour ce faire, le système européen et aussi le système britannique actuel exigent une rigoureuse identification botanique de la plante, depuis le champ où elle est cultivée jusqu'au produit fini. Voilà ce qui manque au Canada; c'est quasiment embarrassant, et cela finira par causer des accidents, ce qui est d'ailleurs déjà arrivé, car nous n'exigeons pas d'apposer sur tous les produits commercialisés le nom botanique, le nom scientifique.
• 1620
Il est très important d'avoir un étiquetage identique ou
semblable à celui du codex britannique. Certaines monographies
européennes comportent également des exigences en matière
d'étiquetage.
Prenons par exemple les herbes laxatives. Ce sont des plantes comme le séné. En Allemagne et en France, on exige, conformément au codex britannique, intitulé: British Herbal Compendium, d'inscrire un avertissement sur l'étiquette de ces produits afin de dire aux gens qu'il y a d'autres manières d'éviter la constipation, par exemple, boire de l'eau, faire plus d'exercice et ingérer davantage de fibres. C'est une exigence gouvernementale applicable à tous les produits.
Au Canada, le problème est que beaucoup de ces produits sont distribués par des réseaux de vente pyramidale, et beaucoup renferment des laxatifs à fortes doses. Ces laxatifs sont de plus toxicomanogènes.
Un herboriste digne de ce nom, comme moi-même, n'utiliserait jamais de laxatif. C'est le dernier recours. Mais pour les produits qui sont en vente libre, c'est la première chose à laquelle les gens ont recours. Si l'on donnait un coup de pouce de ce côté, il y aurait une meilleure garantie de sécurité.
C'est encore une chose que le Dr Frank Chandler a proposée quand nous en avons discuté au comité consultatif d'experts. Il a dit que nous devrions établir, peut-être de concert avec une université, un laboratoire scientifique compétent pour mettre à l'épreuve les propriétés des plantes médicinales que renferment ces produits. Apparemment, cela ne se fait pas vraiment à l'heure actuelle.
Par ailleurs, toute la situation serait également améliorée si l'industrie canadienne partageait les résultats de ses recherches, comme le fait l'association britannique des herbes médicinales. Cette association est un groupe de fabricants qui partagent les résultats de leurs recherches et qui participent aussi à ESCOP, sigle signifiant Coopérative scientifique européenne en matière de phytothérapie, qui est un autre organisme de diffusion de la recherche. Ce sont des fabricants rivaux, mais qui ne se font pas concurrence sur ce plan.
Ai-je apporté un commencement de réponse à votre question?
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci beaucoup. C'était une réponse très complète. Vous avez utilisé tout le temps qui vous était imparti, mais il y aura un autre tour.
Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, madame la présidente. Je vous demande votre indulgence, car je vais peut-être poser des questions redondantes. Je fais partie du comité, mais je siège malheureusement à un autre comité qui est en conflit d'horaire avec celui-ci.
J'ai lu en diagonale toute la documentation que vous nous avez fournie. Quelque chose m'a frappée. C'est peut-être seulement une coïncidence, mais dans tous les documents on met toujours l'accent sur le caractère abordable des produits, et ensuite seulement sur leur qualité thérapeutique. Il me semble que l'on devrait insister sur les qualités intrinsèques, le prix passant au deuxième plan.
M. Keith Stelling: Je dois expliquer que la plupart des herboristes sont des idéalistes. Quand nous avons affaire aux gens qui dépensent l'argent de la nation, nous pensons qu'il faut être pratique. Nous insistons donc sur le caractère abordable des produits, mais chose certaine, à long terme, ces produits contribuent à améliorer la santé et le bien-être des Canadiens. C'est sous-entendu.
Mme Rose-Marie Ur: Comme je suis une professionnelle de la santé, je suppose que j'adopte le point de vue contraire.
M. Keith Stelling: Nous aussi.
Mme Rose-Marie Ur: Je trouve intéressant, et ici je me reporte à votre brochure, que vous fabriquiez vous-mêmes personnellement vos médicaments, vos produits à base d'herbes médicinales. Combien de fournisseurs de produits de santé naturels cultivent eux-mêmes les herbes et fabriquent eux-mêmes leurs produits? Est-ce pratique courante?
M. Keith Stelling: Je crains que ce ne soit très, très rare. Je suis l'un des derniers au sein de l'institut à le faire encore. Mais je crois et j'ai toujours cru qu'il faut préserver ces connaissances au Canada. C'est pourquoi je suis allé en Angleterre pour acquérir une formation en la matière; je voulais ramener ces connaissances au Canada.
Nous devons être en mesure de le faire si nous voulons survivre, car si, à un moment donné, nous avons besoin... Qu'arrivera-t-il si notre devise s'effondre complètement et que nous ne pouvons plus l'échanger contre des devises étrangères? C'était l'une des inquiétudes des Britanniques pendant la guerre, alors qu'il était très difficile d'importer quoi que ce soit, et les Anglais ont commencé à s'en remettre aux vertus curatives des plantes indigènes des îles britanniques.
Mme Rose-Marie Ur: Je regarde votre brochure et j'y lis: «Votre visite chez l'herboriste: l'auto-diagnostic ou l'auto- traitement». Quand quelqu'un vient vous voir à votre clinique, faites-vous une prise de sang? Que faites-vous? Examinez-vous cette personne? Regardez-vous ses yeux pour voir s'ils sont jaunes ou blancs? Comment établissez-vous les besoins de cette personne? Quels déterminants utilisez-vous?
M. Keith Stelling: J'ai un entretien d'une heure et demie avec le patient à sa première visite, et d'autres entretiens d'une heure à chaque visite subséquente, et je consigne tous les renseignements pertinents, depuis le début.
• 1625
Pour vous donner un exemple, un monsieur qui est encore en vie
aujourd'hui est venu me voir—je venais d'ouvrir ma clinique—pour
se plaindre d'hémorroïdes. Je lui ai dit que je lui donnerais un
traitement d'herbes médicinales pour hémorroïdes pendant deux
semaines, mais que si son état ne s'était pas amélioré à sa
prochaine visite, alors c'est qu'il ne s'agissait pas d'hémorroïdes
et il lui faudrait donc aller voir le médecin. Après deux semaines,
il n'y avait aucune amélioration, les saignements persistaient, et
nous l'avons donc convaincu d'aller voir le médecin. Il a été
difficile de le convaincre, parce que ce sont des gens qui n'ont
pas l'habitude d'aller voir le médecin. Le médecin n'a pas hésité,
il l'a renvoyé à un chirurgien, lequel l'a envoyé tout droit à
l'hôpital, où il a été opéré d'une tumeur au rectum dans les deux
semaines.
Si je ne l'avais pas écouté, si je ne m'étais pas méfié—car durant notre formation, on nous enseigne les symptômes précurseurs de troubles médicaux—cet homme serait probablement mort aujourd'hui.
Mme Rose-Marie Ur: Est-ce une pratique courante chez tous les herboristes?
M. Keith Stelling: Je pense que tous les herboristes sont très, très prudents. C'est presque un défaut chez nous. Nous sommes extrêmement prudents. Nous prescrivons une pincée d'un produit plutôt qu'une cuillère à thé.
Un témoin: Nous n'avons pas d'assurance.
Mme Rose-Marie Ur: J'ai pris connaissance de vos titres. Vos études sont-elles suivies d'un programme d'apprentissage ou d'un stage, et de quelle durée?
M. Keith Stelling: Oui, absolument. Le stage dure environ six mois, après quoi il faut subir un examen devant des membres de l'institut et des docteurs en médecine—je pense qu'il y avait même un psychiatre à mon examen—au cours duquel il faut examiner un patient et prescrire les médicaments qui conviennent.
Mme Rose-Marie Ur: Qui décide de ce qui convient?
M. Keith Stelling: Dans mon cas, c'est l'Institut national des herboristes médicaux. Ce sont des phytothérapeutes et des herboristes qui ont étudié quatre ans à l'École de phytothérapie, ou à l'Université d'Exeter; aujourd'hui, on donne aussi le cours à l'Université du pays de Galles et aussi à l'Université de Londres. Ce sont des gens qui ont une vaste expérience professionnelle et qui ont beaucoup contribué à l'épanouissement de leurs professions.
Mme Rose-Marie Ur: Je constate que vous mentionnez la Grande-Bretagne, l'Australie et d'autres pays. Qu'est-ce qui empêche les écoles canadiennes de donner des cours équivalents?
M. Keith Stelling: L'absence de normes rigoureuses.
Je dois admettre que Marie Provost a raison. Nous avons besoin d'encouragement. Je crois qu'il faut enseigner cela à l'université.
Simplement pour vous rappeler les dangers qui guettent les herboristes praticiens, je vous signale que les pharmaciens ne connaissent absolument rien à ces plantes, bien qu'elles soient maintenant omniprésentes dans les pharmacies. Ils doivent les vendre.
Récemment, une erreur a été commise dans ma région. Un pharmacien a prescrit à une cliente la mauvaise espèce de ginseng; au lieu de recommander l'eleuthrococcus sinticosus pour les femmes, il a donné à la cliente une autre sorte, destinée aux hommes.
Mme Rose-Marie Ur: J'ai déjà entendu cela...
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Votre temps est écoulé, madame Ur.
Monsieur Hill, avez-vous une question à poser? Vous n'êtes pas sur ma liste.
M. Grant Hill: Oui, j'en ai une.
Je m'intéresse beaucoup aux produits qui ne sont pas sur le marché au Canada aujourd'hui et qui devraient y être. J'ai ici votre liste des produits qui sont autorisés et interdits en Grande-Bretagne et en Australie. Pourriez-vous comparer la situation au Canada et en Grande-Bretagne?
M. Keith Stelling: Eh bien, à l'heure actuelle, il me semble que tout est permis, et une foule de produits dont je n'ai jamais entendu parler ont soudainement envahi les magasins d'aliments santé. Je ne sais donc pas trop ce qui est interdit. Il me faudrait obtenir des précisions là-dessus de Santé Canada, car je l'ignore.
Normalement, on s'attendrait à ce que les plantes vénéneuses comme la ciguë, par exemple, ou les variétés vénéneuses, soient interdites.
Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question.
M. Grant Hill: Vous avez très bien répondu à ma question, parce que vous avez signalé que la réglementation canadienne applicable à votre groupe est très relâchée. Nous avons entendu beaucoup d'autres groupes affirmer que le cadre réglementaire est très contraignant et que beaucoup de produits ne sont pas permis.
M. Keith Stelling: Je pense que c'est sporadique, et je parle de la situation présente. Si vous m'aviez posé la question il y a un an, alors que je craignais comme la peste que la GRC ne m'oblige à fermer boutique en m'accusant de vendre des médicaments, je vous aurais répondu autrement, parce qu'à ce moment-là nous avions une liste de plantes que nous n'avions pas le droit de vendre, notamment le poivre de Cayenne... bien que je ne sache pas trop comment ce produit pourrait être retiré de la liste des ingrédients que les restaurateurs achètent.
[Français]
Mme Marie Provost: Il est important de savoir que le cadre théorique de la loi actuelle existe mais que l'application de cette loi est totalement erratique et vraiment imprévisible.
• 1630
Comme le disait M. Stelling, nous
communiquons beaucoup entre nous. Les herboristes
canadiens se parlent beaucoup entre eux pour essayer de
comprendre quelles sont les herbes permises ce mois-ci,
quelles sont celles qui ne le sont pas, de savoir ce que
nous pouvons faire cet été et que nous ne pourrons pas
faire cet automne, etc.
Si le cadre législatif est très restrictif, l'application de la loi ne l'est pas toujours, mais elle l'est parfois, ce qui, quand on est dans une pratique comme celle de M. Stelling ou quand on est un petit manufacturier, est extrêmement stressant et nous empêche de gérer notre quotidien convenablement. Cela a conduit à la fermeture de certaines petites entreprises qui n'en pouvaient plus de gérer ce stress et cette incompréhension.
Cette fameuse liste dont parle M. Stelling, nous tentons régulièrement de l'obtenir de Santé Canada, qui nous renvoie continuellement d'un bureau à un autre. C'est très flou, très vague.
M. Grant Hill: Est-ce qu'il y a des experts à Santé Canada dans ce domaine?
Mme Marie Provost: Personnellement, je ne les ai jamais rencontrés. Non, pas vraiment. Que je sache, il n'y a pas d'experts en plantes médicinales. Il y en a eu un, je crois, le Dr Awang, qui a travaillé à Santé Canada mais qui n'y est plus. C'est un expert en plantes médicinales.
Que je sache, il n'y a pas d'experts en ce moment, et nous le voyons d'ailleurs dans l'application, non pas de la loi mais de certaines réglementations. En effet, certaines plantes sont bannies au Canada alors qu'elles sont permises partout ailleurs dans le monde, et c'est tout simplement parce qu'il y a eu une mauvaise interprétation d'un vieux texte ou une erreur dans l'identification de la bonne espèce botanique. Donc, non, il n'y a pas d'experts.
M. Grant Hill: À votre avis, y a-t-il de grands problèmes avec les plantes médicinales au point de vue morbidité, mortalité?
Mme Marie Provost: Non, pas du tout. Est-ce que beaucoup d'experts sont venus témoigner devant vous de nombreux cas de mortalité causés par les plantes médicinales au Canada? Il y a eu toute l'histoire des gens qui sont morts, Dieu sait où, à cause de l'éphédra, mais lorsqu'on a voulu avoir de l'information sur ces fatalités causées par l'éphédra, on n'a pu sortir aucune preuve ni aucune documentation.
Il y a eu, je crois, une mort et quelques incidents relativement graves liés à la consommation d'éphédrine, dont le principe actif est l'alcaloïde de l'éphédra. Mais cela reviendrait à dire que le café est dangereux parce qu'il contient de la caféine alors qu'il est bien évident qu'on ne consomme pas la caféine à la petite cuillère. De la même façon, nous ne vendons pas d'éphédrine, ni d'éphédra d'ailleurs puisque la loi nous l'interdit, mais c'est autre chose.
M. Grant Hill: Merci, madame.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Drouin.
M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): C'est à mon tour de vous remercier de venir nous informer avec autant de clarté.
Madame Brosseau, est-ce que votre école est la seule en charge de toute la formation des herboristes au Canada ou s'il y en a d'autres?
Mme Linda Brosseau: Non.
M. Claude Drouin: Il y en a d'autres?
Mme Linda Brosseau: Oui, tout à fait. L'Académie de phytothérapie est une école située à Montréal qui dispense une formation qui se veut la meilleure possible. Mais non, nous ne sommes pas particulièrement chargés de faire cela. Il n'y a pas d'école spécialement en charge de la formation des herboristes au Canada. Il y a des écoles qui donnent ce genre d'enseignement. Mais, comme cela a été expliqué précédemment, il n'y a pas vraiment de standard et chacun procède selon sa bonne foi et ses connaissances.
M. Claude Drouin: Mais quelles sont vos exigences pour la formation des herboristes?
Mme Linda Brosseau: À l'Académie de phytothérapie du Canada, l'exigence numéro un est d'avoir un baccalauréat. Nous voulons des gens qui ont suivi une formation de niveau universitaire parce que les enseignants que nous avons sont des spécialistes. Il y a 350 heures d'anatomie et physiologie, par exemple, et ces cours sont donnés par des diplômés d'université en anatomie et en physiologie. Les gens qui donnent de la formation en nutrition sont des nutritionnistes, etc. Ce sont tous des spécialistes dans leur domaine.
Par conséquent, les cours sont de niveau universitaire. Les études sont longues et demandent quatre ans à temps plein. C'est donc très exigeant. C'est la raison pour laquelle nous demandons au moins un DEC, sinon un bac, pour qu'un étudiant puisse suivre le rythme de la formation.
M. Claude Drouin: Merci.
Madame Provost, vous parliez tantôt d'un cadre minimal. Pourquoi un cadre minimal? Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir le cadre le plus sécuritaire possible? Je voudrais bien comprendre ce que vous voulez dire par «cadre minimal».
Mme Marie Provost: J'ai parlé d'un cadre minimal parce qu'en fait—et je reviens toujours à l'innocuité et à la non-toxicité des substances avec lesquelles on travaille—, ce cadre serait en quelque sorte un cadre de contrôle de base. Il faut à tout le moins s'assurer que ce dont on parle correspond à ce que l'on veut vendre et il faut établir les critères qui vont faire la différence entre ce qui est toxique et ce qui ne l'est pas. C'est une sécurité minimale.
Ce que je voulais dire aussi par «cadre minimal», c'est qu'il y a dans l'application des produits d'herboristerie toute une gamme de concentrations. Je prends l'exemple d'une plante qui est très, très populaire en ce moment, l'échinacée. Vous savez que cette plante peut être vendue en simple produit d'herboristerie alors qu'on peut avoir un standard plus élevé ou des concentrations différentes où nous aurons un extrait standardisé qui garantit un minimum de principe actif.
Quand nous parlons d'un encadrement minimal, nous demandons que les produits d'herboristerie soient vendus avec un minimum de garantie: nous avons bien de l'échinacée qui est la bonne partie de la plante récoltée au bon moment, sans pour autant que ce soit un produit pharmaceutique qui, lui, serait un extrait des principes actifs de cette plante-là. Il y a toute une gamme entre le cadre minimal et un produit plus brut qui serait un extrait plus raffiné. J'espère avoir été claire.
M. Claude Drouin: Est-ce que vous verriez d'un bon oeil que Santé Canada régisse la formation ainsi que les critères nécessaires pour s'assurer que le produit soit bien identifié?
Mme Marie Provost: Soit identifié? Oui. Nous demandons à Santé Canada que l'administration d'une troisième catégorie ne soit pas dévolue à la Direction des médicaments parce que nous ne croyons pas que ces gens-là puissent régir les plantes médicinales, pas plus qu'ils ne peuvent régir les aliments. Nous croyons cependant qu'il y a des standards qui doivent être définis par un comité d'experts sur la question.
M. Claude Drouin: Les experts seraient nommés par vous ou...?
Mme Marie Provost: Les experts seraient nommés par le gouvernement canadien. La structure administrative et gouvernementale ne m'est pas très familière, mais disons que nous ne prétendons pas nommer nous-mêmes nos experts.
Par contre, nous demandons que les experts soient réellement des experts, car c'est ce que nous voulons. Nous souhaitons qu'il y ait une juste représentation au niveau du comité d'experts et je pense qu'il y a des personnes tout à fait compétentes et indépendantes qui peuvent venir siéger à ce comité-là.
M. Claude Drouin: Merci. Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Drouin.
[Traduction]
Comme je n'ai personne d'autre sur ma liste, je vais en profiter pour poser quelques questions. Mme Wasylycia-Leis aura ensuite la parole.
Je pourrais peut-être en profiter pour récapituler ce que j'ai entendu, après quoi vous me direz si j'ai bien résumé le tout. Si ce n'est pas le cas, n'hésitez pas à dire que ce n'est pas ce que vous avez demandé.
Vous avez dit qu'à votre avis, la population canadienne doit avoir la garantie que les produits à base d'herbes médicinales sont sûrs, sont de bonne qualité, et qu'il y a à Santé Canada une procédure pertinente pour l'évaluation de ces produits, parce que ce ne sont ni des aliments ni des médicaments aux termes de la Loi sur les aliments et drogues. Santé Canada doit avoir l'expertise voulue, soit à l'interne, soit dans le cadre d'un comité consultatif, ou enfin une méthode quelconque permettant de juger, comme partie intégrante de cette procédure. Les produits à base d'herbes médicinales peuvent être nocifs, dangereux et toxiques, ou bien ils peuvent être sans aucun risque; il y a toute la gamme, et cela dépend souvent de la concentration ou de la nature même de la plante. Vous avez donné l'exemple de la ciguë qui est un poison. Vous vous attendez donc à ce qu'il y ait une liste indiquant clairement ce qui est interdit ou ce qui peut être très nocif, et ces produits seraient interdits ou il serait obligatoire de les vendre avec un avertissement.
• 1640
Enfin, vous avez abordé la question de la réglementation des
praticiens. Je signale que c'est de compétence provinciale et non
pas fédérale et notre comité ne peut donc pas s'en occuper.
J'aurais une question à vous poser au sujet des propriétés que les fabricants attribuent à leurs produits, car je ne crois pas que vous en ayez parlé. C'est une question simple. Croyez-vous que le fabricant qui attribue des propriétés à un produit devrait être tenu, dans le cadre de la procédure envisagée, de prouver les attributions en question?
M. Keith Stelling: Le fait que la réglementation européenne autorise déjà certaines attributions nous aiderait probablement à accélérer le processus; il n'est pas nécessaire de réinventer la roue.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Ils autorisent certaines attributions sans preuves. Autrement dit, vous dites qu'il y a une base internationale sur laquelle nous pourrions nous appuyer.
M. Keith Stelling: Oui. C'est fondé sur les monographies ESCOP, les monographies allemandes, ainsi que la recherche européenne, mais aussi sur la pharmacopée herboriste britannique et aussi le Codex, bien sûr.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Répondez par oui ou par non. À votre avis, si un fabricant attribue des propriétés à un produit, devrait-il être tenu de prouver les attributions en question?
M. Keith Stelling: La preuve existe déjà dans les connaissances traditionnelles qui sont à la disposition de tous.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Vous répondez donc oui; vous dites oui, mais pas nécessairement en fonction des mêmes critères que pour les produits pharmaceutiques. Est-ce bien...
M. Keith Stelling: Oui, sur la base de l'usage traditionnel et que nous avons documenté.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Vous dites donc oui, mais dans le cadre d'une procédure différente qui ne comporte pas des exigences si rigoureuses que pour les produits pharmaceutiques.
Mme Mona Rainville (membre, Association des herboristes de l'Ontario): Madame la présidente, je suis contente que vous ayez soulevé ce point, parce que c'est le noeud du problème. Actuellement, d'après la loi, les médicaments à base d'herbes médicinales doivent se conformer aux mêmes règlements que les produits pharmaceutiques, c'est-à-dire les substances synthétiques artificielles. Le problème est que les substances synthétiques sont tout à fait étrangères au corps humain. Il faut les étudier en profondeur. Il faut les tester d'abord sur des animaux et ensuite dans le cadre d'essais cliniques qui sont longs et coûteux, qui doivent être conformes à des codes de déontologie et autres complications; tout cela ne convient pas à des substances qui ne sont pas fabriquées de main d'homme, mais qui viennent directement de Dieu; je parle de substances qui existent tout autour de nous, souvent depuis non pas des siècles, mais des millénaires.
Quand on parle de plantes médicinales, on parle d'une tradition. Par définition, une tradition est prouvée. La réponse à votre question est donc «oui», mais il faut comprendre que la mise à l'épreuve des herbes médicinales se fait dans le cadre d'applications quotidiennes qui sont le fait de milliers et même de millions d'herboristes du monde entier. Cette réalité se reflète dans le nom même des plantes que nous utilisons: Calendula officinalus, par exemple, contient le mot «officinal», qui signifie «qui est utilisé en pharmacie».
Donc, oui, bien sûr qu'il faut respecter certaines lignes directrices afin d'empêcher des opportunistes de faire de fausses attributions. Absolument. Mais faut-il aller jusqu'à dire que les herboristes doivent être astreints aux mêmes essais cliniques que les fabricants de substances artificielles? Non, je ne le pense pas.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je ne comprends toujours pas clairement pourquoi il faudrait créer une troisième catégorie, ou légiférer en vue de le faire. Si l'on peut prendre des règlements garantissant l'assurance de la qualité ou l'authenticité botanique, si l'on peut établir des critères pour l'évaluation de tous les produits, exigeant qu'ils renferment des extraits d'herbes authentiques, et non pas des succédanés, sans aucun contaminant ajouté; si l'on peut résoudre la question de la toxicité; et si l'on peut assurer, grâce aux règlements existants, un étiquetage adéquat, alors pourquoi avons-nous besoin d'une autre catégorie ou d'une loi?
Mme Mona Rainville: Premièrement, je voudrais vous expliquer qui je suis. Je suis avocate. Je suis également herboriste, et ce depuis 27 ans. Je suis aussi homéopathe. J'ai donc plusieurs cordes à mon arc.
En tant qu'avocate, je peux vous dire qu'aucune loi n'existe dans le vide. Actuellement, le contexte juridique canadien est tel que quand on importe une herbe médicinale d'un pays étranger, la loi exige que le produit en question soit aspergé de fongicides et d'autres produits au point d'entrée. Il y a donc un problème dès le départ.
Il y a aussi la Loi sur les aliments et drogues qui pose un problème. Cette loi a été promulguée à une époque où les compagnies pharmaceutiques affirmaient leur présence dans le domaine de la santé. On y a accordé certaines concessions qui font en sorte qu'il devient très difficile pour tout autre intervenant de fonctionner. Prenons par exemple l'annexe A, ou encore la définition de «praticien», ou encore les 1 057 annexes différentes où il est fait mention de cette loi, qui essentiellement traite toutes de substances artificielles ou de dispositifs. Rien de tout cela n'a de rapport avec la réalité des herbes médicinales dans leur contexte et leur application.
Nous pouvons légiférer de différentes manières et garantir l'efficacité et l'innocuité pour le public canadien et établir une structure qui permettrait à la pratique de la médecine fondée sur les herbes non seulement de survivre mais aussi de s'épanouir et de prendre sa place aux côtés des thérapies médicales actuelles qui sont également disponibles pour les Canadiens.
Je crois savoir que l'honorable Grant Hill a proposé ou proposera un amendement au projet de loi, mais si l'on prenait la loi actuelle pour y apporter des modifications à coups de ciseau et de papier collant, on se retrouverait avec une loi bancale qui ne correspondrait pas au cadre fondamental nécessaire pour encadrer la pratique des herbes médicinales. Ce n'est pas l'instrument adéquat.
En Grande-Bretagne, on l'a reconnu. Les Européens l'ont reconnu. L'Australie l'a reconnu également. Heureusement, nous en sommes au point où nous pouvons nous inspirer de l'expérience de diverses autres lois qui, je puis vous l'assurer, sont tout à fait valables et semblent donner des résultats parfaitement satisfaisants. Nous devrions nous inspirer de ces modèles. Nous n'avons pas besoin de repartir à la case zéro.
Donc, pour répondre à votre question, non, on ne saurait se contenter de modifier l'actuelle Loi sur les aliments et drogues, parce qu'elle n'a pas été conçue pour s'appliquer le moindrement aux herbes médicinales. En fait, en 1958, la pharmacopée canadienne, qui était fondée sur les herbes médicinales, a été abolie pour faire place aux substances artificielles.
Nous disons donc que nous avons peut-être commis une erreur en 1958 en jetant le bébé avec l'eau du bain. Le temps est venu de se réveiller et peut-être de faire marche arrière, d'admettre que nous avons peut-être agi à la hâte, et d'établir des lignes directrices et un cadre législatif qui permettraient à la pratique des herbes médicinales de s'épanouir.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci beaucoup pour votre présentation.
Il reste seulement assez de temps pour une autre question. L'attaché de recherche a demandé à poser une question. Avec la permission du comité, je pense que je lui permettrai de poser une question.
Est-on d'accord?
Des voix: D'accord.
M. Gérald Lafrenière (attaché de recherche du comité): Je me demande si vous proposeriez un cadre réglementaire différent pour les produits qui sont présentés dans leur état naturel, par opposition aux ingrédients actifs synthétisés et présentés sous forme d'unités posologiques.
M. Keith Stelling: Je voudrais certainement que l'on fasse la distinction—et c'est d'ailleurs ce que fait la législation britannique—entre les plantes présentées dans leur forme originale, qui ont probablement à notre avis un champ d'activité présentant beaucoup moins de risques, parce que la plante naturelle renferme des tampons, des tannins, des mucilages et une foule d'autres éléments constitutifs qui protègent contre la suractivité de l'ingrédient actif principal. Quand on isole cet ingrédient, on crée des problèmes et, de notre point de vue, c'est justement le problème des produits pharmaceutiques synthétiques et de leurs effets secondaires.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Merci beaucoup pour cet excellent exposé qui nous donne beaucoup de matière à réfléchir.
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Madame la présidente, permettez-moi de faire un bref commentaire.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): L'adjoint parlementaire aimerait faire un commentaire.
M. Joseph Volpe: Le secrétaire.
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Excusez-moi, monsieur le secrétaire parlementaire. Cela témoigne de mon expérience au niveau provincial.
M. Volpe, secrétaire parlementaire.
M. Joseph Volpe: J'ai beaucoup aimé vos exposés et je vous en remercie. Certains de mes collègues pourraient peut-être penser que ce que je vais dire est un peu superficiel ou frivole, mais je ne pouvais pas m'empêcher de remarquer que votre groupe doit être le plus jeune de tous ceux qui ont comparu, et ensuite j'ai regardé les qualifications de certaines des personnes ici. C'est vous, madame Rainville, qui m'avez fait penser à cela lorsque vous avez dit que vous étiez herboriste depuis 29 ans. On dirait que pour vous le temps s'est arrêté.
Est-ce que cela s'explique par les produits de phytothérapie ou y a-t-il quelque chose de spécial...?
Des voix: Oh, oh!
La vice-présidente (Mme Elinor Caplan): Sur ce point, nous allons conclure. Merci.
La séance est levée.