STFC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON TAX EQUITY FOR CANADIAN FAMILIES WITH DEPENDENT CHILDREN OF THE STANDING COMMITTEE ON FINANCE
SOUS-COMITÉ SUR L'ÉQUITÉ FISCALE POUR LES FAMILLES CANADIENNES AVEC DES ENFANTS À CHARGE DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 11 mai 1999
Le président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Conformément à la motion adoptée le 17 mars 1999 par le Comité permanent des finances, le sous-comité reprend son étude sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes avec des enfants à charge.
Nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi Me Thomas Schuck, de NSWB, avocats.
Maître Schuck, nous disposons d'environ 45 minutes. Ayez donc l'obligeance de limiter votre témoignage à une dizaine de minutes, de telle sorte que les députés puissent avoir amplement le temps de vous poser des questions.
Au nom de mes collègues, je tiens à vous souhaiter la bienvenue et je vous prie de commencer.
Me Thomas A. Schuck (Nimegeers, Schuck, Wormsbecker & Bobbitt, avocats): Merci beaucoup.
Comme notre documentation l'indique, je suis avocat, spécialiste du droit fiscal, et en particulier de l'imposition des particuliers, de la planification des successions, de la réorganisation des entreprises, des fiducies familiales, des testaments et de l'administration des successions. Je suis également le mari d'une femme au foyer à temps plein et le père de six enfants. Je vous sais vivement gré de me permettre de faire valoir mes vues sur la discrimination économique que notre fiscalité exerce à l'endroit des familles à revenu unique.
Mon exemplaire de la Loi de l'impôt sur le revenu et du règlement annexe de la CCH fait 2 500 pages. Malheureusement, en dépit de la complexité de la Loi de l'impôt sur le revenu, au bout du compte, nous nous retrouvons avec une fiscalité qui peut imposer plus lourdement les familles à revenu unique avec enfants que les couples qui ont le même revenu et qui n'ont pas d'enfants.
J'ai produit en annexe une comparaison des familles à revenu unique avec enfants et des familles à revenu double sans enfants mais où les revenus du ménage sont les mêmes. Dans chaque cas, là où le revenu du ménage est supérieur à la moyenne—c'est-à-dire 40 000 $ et davantage—, la famille à revenu unique avec enfants paie plus d'impôt. C'est vraiment une honte de voir que le soutien de famille à revenu unique qui gagne 75 000 $ par an et qui fait vivre son conjoint et sept enfants—c'est-à-dire neuf personnes en tout—paie plus d'impôt qu'un couple qui n'a pas d'enfants et où chaque membre du couple gagne la moitié de cette somme.
Autant que possible, la fiscalité devrait être neutre. Le revenu d'un soutien de famille qui fait vivre entre quatre et huit personnes ne lui appartient pas. Il appartient à la famille. Les taux d'imposition supérieurs qui accablent les familles constituent une discrimination non seulement à l'égard des femmes et des hommes au foyer mais à l'égard de tous les membres de la famille.
Élever et éduquer une famille est une tâche énorme. Deux de mes fils sont bacheliers en commerce, et les deux ont fait leur droit aussi. L'un de mes fils a étudié la physiologie pendant cinq ans et est aujourd'hui à la faculté de médecine. Ma fille est diplômée en génie civil. Mon fils Paul est à l'Université de Calgary. Trois de mes enfants ont fait le Conservatoire de musique. À un moment donné, je devais avoir six voitures pour que tous soient mobiles.
Lorsque mon cinquième avait 11 ans, j'ai proposé à ma femme de changer de carrière. Elle a décidé que ce qui lui plaisait le plus, c'était d'être mère, elle a donc eu un sixième enfant, qui a maintenant dix ans.
Mes enfants ont le potentiel de devenir des contribuables et des soutiens de famille à revenu élevé. J'ai la certitude qu'ils vont enrichir le Canada. Mais ils n'auraient pas réussi aussi bien si leur mère n'était pas restée à la maison et si elle n'avait pas consacré tout ce temps et tous ces efforts à leur éducation comme elle l'a fait.
Je sais que la famille est très importante pour tout le monde, mais il est très difficile d'élever une famille nombreuse au Canada avec ce genre de discrimination fiscale. Et j'ai veillé à ce que mes enfants sachent bien qu'en immigrant aux États-Unis, ils pourront avoir plus d'enfants, gagner probablement 50 p. 100 de plus et payer un tiers de moins d'impôt. Tout cela à cause de la fiscalité qui opprime nos familles.
J'aimerais dire quelques mots au sujet de ma femme étant donné que ce sont les femmes et les hommes au foyer qui sont le plus accablés par cette discrimination fiscale. Mes enfants ont réussi parce qu'elle était une mère à plein temps, elle leur donnait le soutien émotif voulu, elle les a aidés dans leurs études et elle les a aidés à apprendre la musique. Elle est membre du comité exécutif de l'organisation féminine de son église, elle joue de l'orgue à l'église et elle assiste aux obsèques. Elle fait de la sollicitation de porte à porte pour la Fondation des maladies du coeur du Canada. Elle s'occupe d'une femme âgée, qui a 92 ans, et qui était notre gardienne autrefois, et elle la conduit à ses rendez-vous chez le médecin. Ma femme est également membre du comité exécutif du festival de musique depuis une vingtaine d'années.
Alors que le gouvernement a des programmes visant à améliorer la condition féminine, il est assez évident qu'on ne songe pas à élever la condition des femmes au foyer. Pour les organisations féminines que finance le gouvernement, améliorer la condition féminine, cela signifie généralement créer des débouchés pour les femmes sur le marché du travail. Ces organisations ne parlent pas de l'amélioration de la condition des femmes au foyer.
• 1315
J'ai aimé ce qu'a dit ce matin M. Szabo, lorsqu'il a déclaré
que l'une des premières choses que nous devons faire, c'est
reconnaître la valeur des femmes au foyer. Mais le fait est que la
condition économique de ma femme au foyer dépend de moi.
On exerce une discrimination double à l'égard des familles à revenu unique. Tout d'abord, notre revenu familial est la moitié moins de ce qu'il aurait été si Marilyn avait eu une carrière au lieu d'élever des enfants. Nous aurions pu gagner deux fois plus, mais à la place, nous sommes plus imposés que les couples sans enfants.
Par-dessus le marché, le gouvernement met en oeuvre des programmes d'action positive pour les femmes, qui ont essentiellement pour effet dÂaccentuer la discrimination contre les femmes au foyer, dont le sort économique est entre les mains de leur mari.
Le Canada aura un avenir s'il y a des parents capables d'élever leurs enfants, habituellement des femmes au foyer, qui pourraient gagner des revenus élevés si elles étaient sur le marché du travail. Tout le monde sait que les enfants qui sont élevés par leurs parents ont moins de problèmes, et que ces enfants ont plus de chances d'obtenir une éducation supérieure si les parents sont eux-mêmes diplômés de l'université, et de devenir des citoyens et des contribuables à revenu élevé du Canada. Comment peut-on penser que notre pays peut rester un pays fort pendant longtemps si nous pénalisons les familles qui élèvent leurs enfants?
Voici quelques recommandations que j'aimerais faire.
Premièrement, il faut reconnaître que les enfants sont beaucoup plus qu'un passe-temps coûteux pour les parents. Les enfants élevés par des parents capables sont l'avenir du Canada. Si le gouvernement continue de financer les groupes d'intérêts, il devrait à tout le moins financer un groupe d'intérêts qui peut parler au nom des hommes et femmes au foyer et des familles à revenu unique, afin de créer un certain équilibre.
Deuxièmement, le soutien de famille à revenu unique devrait pouvoir partager son revenu avec son conjoint de telle sorte que le gouvernement n'aurait jamais l'air de préconiser un mode de vie par rapport à un autre. Même après que les enfants quittent le foyer, les hommes et les femmes au foyer rendent de précieux services à la famille élargie qui les entoure. Comme vous pouvez le voir dans le tableau en annexe, pouvoir partager son revenu avec son conjoint vaut beaucoup plus que l'ensemble des crédits d'impôt et déductions qui existent pour les enfants.
Troisièmement, les familles avec enfants devraient profiter de déductions généreuses, et non de crédits d'impôt, pour tous les enfants qu'elles ont. Il ne s'agit pas pour le gouvernement de leur faire un cadeau mais bien de reconnaître qu'une partie du revenu du parent devient vraiment le revenu de l'enfant et ne saurait être imposé. Il s'agit simplement de permettre aux familles qui sont prêtes à élever des enfants de réserver une partie de leur revenu pour l'enfant. Les parents pourraient utiliser une partie de cette déduction pour financer la garde d'enfants ou pour compenser le parent qui reste à la maison et qui perd ainsi un revenu.
Accorder une déduction fiscale, c'est reconnaître qu'une partie du revenu de chaque parent est réservée à l'enfant. Si l'on ne reconnaît pas cela, il est inévitable que certains parents de la classe moyenne et de la classe moyenne supérieure ne recevront pas une partie de leur revenu libre d'impôt pour l'enfant qu'ils élèvent—un revenu qui appartient en réalité à l'enfant.
La déduction est préférable au crédit parce qu'ainsi, le parent n'est pas imposé pour le revenu qu'il n'a pas. La déduction provient du revenu du parent et indique qu'il s'agit d'un montant minimal essentiel qui ne doit pas être imposé, mais qui doit être mis de côté pour l'enfant. Le crédit d'impôt a pour effet d'imposer le revenu qui devait être mis de côté pour l'enfant, et on n'en redonne qu'une petite partie aux parents.
L'État n'a nullement intérêt à décourager les parents, quel que soit leur niveau de revenu, d'élever des enfants. Si le gouvernement tient à ses crédits d'impôt, il devrait à tout le moins en faire un crédit d'impôt semblable à celui qui existe pour les dons de charité, où le crédit d'impôt est de 50 p. 100 ou comparable à la tranche d'imposition de 50 p. 100. On ne saurait imposer le revenu qu'une personne n'a pas, et les parents avec enfants n'ont pas le même genre de revenu disponible que les parents sans enfants.
Ce matin, j'ai entendu un quatrième argument que j'avais oublié. Les couples à revenu double et sans enfants peuvent également cotiser deux fois à un régime enregistré d'épargne-retraite. Si vous regardez les chiffres que j'ai inscrits à l'arrière du mémoire que je vous ai donné, vous allez voir que c'est une forme de discrimination de plus à l'égard des familles à revenu unique.
Merci beaucoup. J'espère maintenant pouvoir répondre à vos questions.
Le président: Merci, maître Schuck.
Nous allons passer tout de suite aux questions avec M. Forseth, qui a six minutes.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup.
Comme vous le savez parfaitement bien, le différentiel comparatif entre le cas A, le cas B et les autres, est, comme vous dites, le plus grand lorsqu'on a, d'un côté, un couple mari et femme avec un revenu, et de l'autre côté, mari et femme avec deux revenus, les deux couples n'ayant pas d'enfants. Cela est attribuable à la fiscalité progressive. Il y a des cas où le partage du revenu ne serait pas nécessairement favorable si, disons, le conjoint numéro un est imposé au taux le plus élevé et le conjoint numéro deux est imposé à 17 p. 100. S'ils unissent leurs revenus et les partagent 50-50, ils pourraient se retrouver avec un taux d'imposition beaucoup plus élevé. Donc tout dépend où l'on se situe, et si le partage du revenu dans ce cas particulier vous fait passer d'un taux d'imposition à un autre.
C'est inhérent à la fiscalité, et j'aimerais savoir si vous avez des solutions à proposer à cela. Nous avons entendu plusieurs témoignages sur les désavantages de cette formule, dans les cas où la déclaration d'impôt sur le revenu comprend des enfants. Mais oublions les enfants un instant et comparons seulement un ménage à revenu unique à un ménage à deux revenus, où il n'y a pas d'enfants. C'est là où le différentiel fiscal est le plus grand. Ce n'est pas nécessairement de la discrimination, c'est simplement attribuable à la façon dont le système a été conçu. Je me demande si vous pourriez nous faire des suggestions ici pour éviter ce genre de problème.
Me Thomas Schuck: Il me semble que si vous avez deux ménages avec des revenus identiques, les deux devraient payer les mêmes impôts. Cela ne me pose aucun problème.
M. Paul Forseth: Mais comprenez-vous pourquoi ce n'est pas le cas?
Me Thomas Schuck: J'ai du mal à comprendre pourquoi ce n'est pas le cas; c'est vrai. Si l'on permet au conjoint qui a un revenu élevé de le partager avec le conjoint qui gagne moins, ou si vous additionnez les revenus des deux membres du ménage et les imposez comme s'ils ne formaient qu'un seul revenu, ce qui aurait pour effet de mettre ces personnes dans une tranche de revenu supérieure, cela revient au même.
Ce que je dis, c'est que souvent, il y a des raisons pour lesquelles un seul conjoint travaille—il peut même s'agir de raisons de santé—mais le fait est que vous avez deux ménages avec un revenu identique. On a peut-être des motifs pour favoriser le couple qui a deux emplois, parce qu'ils ont peut-être des dépenses supplémentaires et ils doivent prendre la peine d'aller travailler, mais au bout du compte, si vous avez deux ménages avec un revenu identique, pourquoi ne pas les imposer de la même façon?
M. Paul Forseth: La raison tient au fait qu'il y a une différence entre l'imposition et les avantages fiscaux. Dans votre esprit, le ménage est une unité économique, mais chaque conjoint est imposé à titre individuel.
Me Thomas Schuck: Cela explique probablement pourquoi nous avons de moins en moins de familles. Si l'on imposait la famille et non le particulier, vous auriez plus que...
M. Paul Forseth: Vous parlez de l'incitatif aux effets iniques.
Parlons maintenant de la déduction pour enfants, où le parent achète des services de garde et obtient un reçu, et le parent peut alors obtenir une compensation ou faire une réclamation. D'après les témoignages que nous avons entendus, il y a l'autre côté de la médaille, et c'est le fait que pour la famille qui choisit un mode de vie différent où l'un des parents reste à la maison, il leur est très difficile de se mettre de l'argent dans les poches de la même manière. Il est facile d'obtenir des déductions quand on a des reçus pour des services de garde qui existent autour de soi, mais si c'est votre conjoint qui assure les services de garde chez vous, il n'y a pas moyen d'établir la valeur de cela. Alors comment notre société va-t-elle attribuer une valeur financière à ce qui est un choix de vie?
Me Thomas Schuck: On pourrait y arriver en accordant une déduction fiscale pour l'enfant, et alors le fait que les parents travaillent ou non importerait peu. Ils obtiendraient la déduction, qu'ils s'en servent pour acheter des services de garde ou qu'ils assurent eux-mêmes la garde des enfants.
M. Paul Forseth: D'accord, donc ce que vous proposez avec votre crédit de 6 000 $ ou...
Me Thomas Schuck: Une déduction.
M. Paul Forseth: ...cette déduction, c'est l'élimination de l'autre aspect, à savoir les reçus qu'on présente pour les services de garde.
Me Thomas Schuck: C'est cela.
M. Paul Forseth: D'accord, merci.
[Français]
Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît.
[Traduction]
Me Thomas Schuck: Je dirais que le fait de partager le revenu et d'avoir des déductions pour les enfants que n'empêche pas d'autoriser aussi des dépenses pour les services de garde.
M. Paul Forseth: D'accord.
[Français]
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Vous êtes avocat de formation, et j'ai envie de me faire un peu l'avocat du diable.
Quand on part de l'idée qu'il y a une iniquité entre les familles qui ont deux revenus et celles qui n'en ont qu'un, est-ce qu'on n'a pas tendance à oublier des éléments importants?
Prenons le cas d'une personne qui a un revenu x, par exemple de 50 000 $; j'ai bien dit une seule personne. Dans l'autre cas, deux personnes gagnent un revenu total de 50 000 $, mais il y a deux fois plus de travail qui est fait.
Dans votre tableau, vous avez pris l'exemple d'un couple marié sans enfant ayant un revenu de 20 000 $ chacun, pour un total de 40 000 $; ensuite vous prenez le cas d'un couple marié ayant deux enfants, avec un revenu unique de 40 000 $. Il aurait été intéressant que vous preniez aussi le cas d'un couple marié ayant deux enfants, avec un revenu de 20 000 $ chacun, pour un total de 40 000 $. Cela aurait permis de voir s'il y a un bénéfice dans ce cas-là.
Dans le troisième exemple, vous prenez le cas d'une famille nombreuse ayant plus d'enfants à charge pour un seul revenu. Un couple ayant deux enfants et un revenu unique de 75 000 $ paie 27 942,67$ d'impôt. Le couple ayant sept enfants et un revenu unique de 75 000 $ ne paie plus que 22 091 $. On ne cherchera pas à savoir si le montant est suffisant pour élever cinq enfants de plus, mais il y a une différence de 5 800 $ environ, ce qui est positif. Lorsque vous avez des enfants, au plan fiscal, cela a un effet sur vos impôts.
Par contre, je trouve qu'on mêle un peu les choses dans ce tableau. On compare deux salaires de 37 500 $ et un salaire unique de 75 000 $. On ne peut pas comparer cela parce qu'à la base on a une taxation individuelle. Comme le taux d'impôt est croissant, plus vous gagnez, plus le taux marginal est élevé et plus le coût moyen est élevé aussi.
Vous disiez tout à l'heure qu'on devrait diviser les revenus dans une famille, qu'on devrait considérer une famille comme une entreprise familiale. On aurait un revenu pour l'ensemble de l'entreprise ainsi que des déductions globales pour la famille. Ce serait considéré comme une entreprise.
Comme je l'ai déjà demandé à d'autres témoins, ne vaudrait-il pas mieux avoir des exemptions individuelles? On sait que l'exemption personnelle de base doit être ajustée. Celle du conjoint qui reste à la maison devrait aussi être ajustée, ainsi que celles des enfants en fonction des coûts réels engendrés par les enfants.
[Traduction]
Me Thomas Schuck: Oui, je crois sincèrement qu'on a besoin d'exemptions de base, qui tiennent compte du nombre de personnes que le soutien de famille fait vivre. Il est tout à fait irréaliste de penser qu'un soutien de famille à revenu unique, qui fait vivre une famille de neuf personnes, devrait payer davantage d'impôt qu'un couple sans enfants. Vous pouvez le considérer comme un soutien de famille à revenu unique, et c'est bien le cas, mais il ne peut pas dépenser son revenu comme il le veut; son revenu appartient à la famille. Neuf personnes dépendent de lui pour vivre, et elles comptent sur lui pour partager ses gains.
• 1330
Le problème avec les déductions fiscales, c'est qu'elles sont
restées à l'âge de pierre. Je pense que les problèmes ont commencé
avec l'avènement même des déductions fiscales. On a fini par les
convertir en crédits, puis on s'est demandé: pourquoi accorder des
crédits aux personnes qui ont un revenu élevé; et c'est comme ça
qu'on a annulé tous les crédits d'impôt. Du jour au lendemain, on
s'est retrouvé devant une situation où les familles avec enfants
paient davantage d'impôt que les familles sans enfants. Si notre
pays attache de l'importance à la famille, on ne devrait pas avoir
ce genre de résultat. Malheureusement, c'est le cas.
[Français]
M. Serge Cardin: Merci.
Le président: Avez-vous d'autres questions?
M. Serge Cardin: Non, ça va.
[Traduction]
Le président: Madame Dockrill, s'il vous plaît.
Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or—Cape Breton, NPD): Merci.
En écoutant votre exposé, j'ai relu le mandat du sous-comité. Cela vaut la peine d'être répété. Il est dit que nous allons étudier le système d'imposition et de transfert tel qu'il s'applique aux familles qui ont des enfants à leur charge. Je pense qu'il est très important que, dans le contexte de ce mandat, nous reconnaissions tous que les familles canadiennes n'entrent pas toutes dans la catégorie du soutien de famille à revenu unique ou des soutiens de famille à deux revenus. Un grand nombre de familles canadiennes sont monoparentales. À mon avis, il est important de s'assurer que nos mesures rejoignent tout le monde.
Ce matin, un de nos témoins a fait une remarque intéressante, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Elle a dit qu'il est futile de viser l'activité parentale. Ce que nous devons faire, c'est reconnaître l'enfant. Nous avons entendu également des témoins qui nous ont parlé d'un programme ou d'un avantage universel. Certains ont parlé des allocations familiales d'autrefois. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.
Me Thomas Schuck: Je pense que j'étais ici ce matin lorsqu'on a parlé de ça, de la question de savoir si cela devrait être versé à la mère, au père ou à l'enfant. Il me semble qu'il importe peu qui l'on vise; dans la plupart des familles, tout est versé dans la caisse commune. Si l'avantage fiscal vise l'enfant, on dépensera l'argent pour l'enfant, ce qui libérera le revenu des parents.
Je comprends ce que vous dites aussi au sujet des familles à revenu unique, mais je pense que si vous voulez un régime fiscal d'application universelle, vous devez vous assurer en premier lieu de n'exercer aucune discrimination à l'égard des familles que vous voulez encourager au Canada, parce que si c'est le cas...
Mme Michelle Dockrill: J'aimerais penser qu'aucune famille ne sera victime de discrimination.
Me Thomas Schuck: C'est exact. Malheureusement, on exerce énormément de discrimination à l'égard des familles qui élèvent leurs enfants, et si vous regardez les chiffres de Statistique Canada, vous allez voir que le nombre de ménages avec quatre enfants ou davantage est moins de 3 p. 100, et pour cinq enfants ou plus, c'est moins de un pour cent; et pour mon genre de famille à moi, c'est seulement quatre dixièmes de un pour cent. Je ne peux pas donc concevoir que toute déduction forte que vous accorderiez aux personnes avec enfants ait de grands effets sur la fiscalité et les recettes publiques, de manière générale, à moins que les gens décident d'avoir plus d'enfants en conséquence de vos mesures.
Franchement, je pense que ce serait une bonne chose pour le Trésor public que d'avoir des parents capables d'élever et de faire vivre leurs enfants. Il y a des sommes colossales en recettes publiques que le gouvernement oublie lorsqu'il pense simplement au court terme. Il m'a fallu longtemps pour élever mes enfants, mais ils vont payer un jour beaucoup d'impôt. Chose certaine, si l'on éprouve aujourd'hui tant de difficultés avec le Régime de pensions du Canada, c'est parce qu'on a projeté une augmentation constante du nombre d'enfants, et cela ne s'est pas produit. Le gouvernement augmente constamment les impôts pour combler ce manque à gagner, et le nombre d'enfants par famille baisse.
Mme Michelle Dockrill: Les groupes de défense des intérêts des enfants ont fait valoir à ce sujet que la configuration de la famille canadienne peut 0changer du couple à deux revenus, au couple à un seul revenu, à la famille monoparentale. Voilà pourquoi, si l'on veut une mesure qui soit universelle et qui s'adresse directement aux enfants à charge, il faut prévoir ces divers changements.
Me Thomas Schuck: Excusez-moi, je n'ai pas compris.
Mme Michelle Dockrill: Une mesure qui serait universelle et qui viserait l'enfant tiendrait compte des diverses configurations familiales aux diverses époques de la vie. Êtes-vous d'accord sur ce point.
Me Thomas Schuck: Une déduction fiscale n'aurait-elle pas cet effet? La déduction fiscale ne serait-elle pas fonction de l'enfant? En fait, il est possible d'avoir un système où l'on accorde une déduction plus grande pour les personnes qui ont plus que deux enfants, une déduction plus grande pour le troisième. Mais essentiellement, les déductions fiscales seraient axées sur l'enfant. N'est-ce pas?
Mme Michelle Dockrill: J'en reviens à ce que je disais plus tôt. Est-ce que c'est le parent qui nous intéresse, ou l'enfant à charge? Chose certaine, d'après moi, il s'agit ici des enfants canadiens, et notre gouvernement, s'il est responsable, doit s'assurer d'aider les parents qui font des choix pour leurs enfants.
Me Thomas Schuck: D'accord. Je pense que je vous suis, mais je crois qu'il faudrait...
Mme Michelle Dockrill: Mon commentaire porte sur l'activité parentale et non sur l'enfant.
Me Thomas Schuck: D'accord. En fait, je préfère que cela soit axé sur les parents parce que ce sont eux qui ont la responsabilité d'élever les enfants. Ce sont les parents qui sont les premiers responsables des enfants, et non l'État, et ce sont les parents qui décident s'ils ont les moyens ou non d'avoir ou d'élever plus d'enfants. Je trouve d'ailleurs curieux qu'on parle toujours de la pauvreté infantile, ce qui est en fait une fausse appellation, parce que tous les enfants sont pauvres, même ceux qui ont des parents riches, si leurs parents ne partagent par leur richesse avec eux. On parle vraiment donc de familles, et je pense qu'il faut remédier à la discrimination à l'égard des familles.
Le président: Merci, madame Dockrill.
Monsieur Herron, s'il vous plaît.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci.
Ne trouvez-vous pas qu'il y a presque un paradoxe étrange dans le fait que la plupart des déductions qui sont prévues pour les enfants et les services de garde sont fondées sur le revenu familial et la situation familiale, alors que notre fiscalité est fondée sur le revenu individuel? Nous avons une déduction pour services de garde pour les familles qui ont besoin de ces services de garde, mais, dans le sens contraire, notre fiscalité est fondée sur une base progressive et individuelle. Pensez-vous que l'injustice de la fiscalité est naturelle du fait que nous avons un système qui va dans des directions différentes?
Me Thomas Schuck: Je pense qu'il en est résulté une injustice dans le système, parce que ça n'a pas toujours été comme ça. Autrefois, chaque parent avait une déduction pour chaque enfant. Ce n'est qu'après qu'on a converti tout cela en crédits d'impôt et qu'on s'est mis ensuite à reprendre ces crédits des personnes à revenu élevé qu'on a abouti à une situation où les familles nombreuses paient davantage d'impôt que les couples sans enfants.
Une autre chose qui me frappe est que, généralement, lorsque l'on parle de fiscalité, l'on parle de soutirer de l'argent. Mais on est également conscient des besoins des familles pauvres qui devraient obtenir davantage d'aide financière, ce qui nous amène aux crédits d'impôt remboursables. Même s'il n'y a qu'un seul régime fiscal, il répond à deux objectifs différents, celui de percevoir de l'argent et celui d'aider les pauvres.
C'est une erreur que de dire que nous allons pénaliser les enfants ou les familles qui ont un revenu élevé pour aider les gens à faible revenu dans le cadre du régime fiscal, car cela cause une injustice envers les familles nombreuses qui paient plus d'impôt qu'un couple sans enfants ayant le même revenu.
M. John Herron: Étant donné que, comme on l'a souligné, seulement une famille sur trois qui a droit à la déduction de frais de garde d'enfants se prévaut de cette disposition et que cela représente des prestations nettes d'environ 700 $, ne serait-il pas plus équitable d'opter pour le crédit d'impôt remboursable, comme pour les allocations familiales, en accordant un avantage monétaire équivalent?
Me Thomas Schuck: Je ne sais pas ce qu'il en est du crédit remboursable, mais un crédit d'impôt serait certainement plus équitable. Un crédit remboursable est la formule qui convient pour les dons de charité, mais si nous agissons dans le cadre du régime fiscal, je crois que tout le monde devrait avoir droit à un crédit d'impôt. Pourquoi un parent n'obtiendrait-il pas une aide financière si quelqu'un de sa parenté ou un grand-parent prend soin des enfants? Je suis sûr que ces personnes ne rendent pas ce service pour rien. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement devrait favoriser les garderies privées plutôt que les membres de la parenté. Où est le problème? Je suis donc d'accord en ce qui concerne les crédits d'impôt.
M. Jim Herron: Très bien, merci.
Le président: Monsieur Szabo, s'il vous plaît.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vais partager mon temps avec Mme Redman. Elle va commencer.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci.
J'ai apprécié votre exposé et le fait que vous vous placez du point de vue d'un père de famille nombreuse et aussi d'un particulier.
Je voudrais quelques éclaircissements au sujet de votre septième argument où vous dites:
-
Par-dessus le marché, le gouvernement met en oeuvre des programmes
d'action positive pour les femmes qui ont pour effet d'accentuer la
discrimination contre les familles traditionnelles et les femmes au
foyer qui dépendent de leur mari. Si le mari d'une femme au foyer
perd une possibilité d'avancement à cause d'un programme d'action
positive pour les femmes, une femme au foyer risque également d'y
perdre sur le plan financier.
Pourriez-vous préciser un peu plus votre pensée?
Me Thomas Schuck: J'ai une soeur qui élève ses six enfants à la maison. Son mari est professeur d'histoire médiévale. S'il y avait un programme d'action positive pour recruter davantage de professeurs d'histoire du sexe féminin, cela aurait certainement répercussions économiques sur ma soeur en tant que femme au foyer.
Dans ma propre carrière, bien des gens semblent vouloir nommer des juges en fonction de leur sexe. Je ne serai certainement pas le prochain juge de la Cour suprême si je ne suis pas une femme et cela a des répercussions sur mon avancement professionnel et pour ma conjointe qui dépend de moi et de ma carrière et qui a sacrifié sa propre carrière, en partie pour nos enfants, mais aussi pour que je devienne un meilleur avocat. Cela a des répercussions négatives pour elle sur le plan financier.
Mme Karen Redman: Donc, selon vous, même si 52 p. 100 de la population est du sexe féminin, il est inutile de vouloir recruter les personnes compétentes dans certains domaines de façon à refléter les réalités démographiques du pays?
Me Thomas Schuck: Il faudrait cesser de faire de la discrimination à l'endroit des gens et de penser qu'une femme rend la justice autrement qu'un homme ou que les choses seront différentes selon que le président d'une société est du sexe masculin ou féminin.
Mais sur le plan économique, les femmes sans enfants vont davantage bénéficier de cette discrimination économique à l'endroit des mères de famille. J'irais jusqu'à dire que le prochain juge de la Cour suprême que vous nommerez n'aura pas élevé cinq ou six enfants. Ses valeurs ne refléteront pas autant celles de ma femme que les valeurs d'un homme qui a élevé une famille et qui sont les mêmes que celles de sa femme qui se trouve être mon épouse.
Vous devriez mettre l'accent sur les valeurs et non pas sur les apparences.
Mme Karen Redman: Mais si vous étiez le conjoint qui s'occupe des enfants et si votre femme était l'avocate qui sera le prochain juge de la Cour suprême, vous dites qu'en étant le conjoint qui reste à la maison, vous auriez davantage d'expérience que votre femme qui ferait partie du système juridique?
Me Thomas Schuck: Je vais vous dire ce que j'aimerais. J'aimerais que vous nommiez à la Cour suprême un avocat qui a élevé quatre, cinq ou six enfants à la maison. Mais nous savons que cela n'arrivera pas parce que généralement, et sans doute la raison pour laquelle je ne siégerai pas à la Cour suprême, quand on élève six ou sept enfants, on sacrifie également sa carrière. Je pourrais sans doute avancer plus facilement si je consacrais moins de temps à ma famille et davantage aux questions juridiques. J'essaie de vous faire comprendre que, malgré les apparences, on fait une discrimination économique contre les familles.
Mme Karen Redman: Votre septième argument soulève un tas d'autres questions. Vous avez mentionné que votre femme, Marilyn, a choisi de rester à la maison et qu'elle a eu un autre enfant.
Comme Mme Dockrill y a fait quelque peu allusion, ce n'est pas à nous de choisir pour les autres. Votre femme a choisi de rester à la maison. Elle a décidé de rester à la maison pour élever les enfants.
D'après ce que vous dites, si la Loi de l'impôt sur le revenu traitait les conjoints comme une famille ou considérait le revenu total plutôt que les deux revenus, cela inciterait les gens à faire des choix différents quant au nombre d'enfants et la préservation du mariage. Je me demande si j'ai bien interprété vos propos.
Me Thomas Schuck: Un très grand nombre de femmes aimeraient beaucoup rester à la maison et avoir quatre ou cinq enfants si le système leur en donnait les moyens financiers. Mais si vous êtes deux salariés qui partagez le revenu familial, le régime fiscal vous permet d'économiser énormément, ce qui est un puissant incitatif pour les couples. Je dis que les femmes n'ont pas vraiment le choix. Il suffit de voir les chiffres de Statistique Canada selon lesquels plus de trois pour cent des femmes du pays aimeraient avoir quatre enfants ou plus.
Le président: Paul m'a dit qu'il a déjà partagé suffisamment de temps avec vous et que c'est votre tour de lui en accorder un peu.
M. Paul Szabo: Merci, maître Schuck. J'ai examiné votre document rapidement et si vous prenez le troisième exemple en ce qui concerne l'impôt total à payer, vous constaterez que le fardeau fiscal d'une personne mariée avec deux enfants se trouve allégé de quelques milliers de dollars. Mais peu importe car vous suivez ici un raisonnement que nous avons rejeté, à savoir que vous comparez, par exemple, une famille à un seul revenu qui gagne 60 000 $ avec une famille avec deux salariés gagnant 30 000 $. C'est une analyse économique de la situation qui reflète une certaine malhonnêteté intellectuelle.
En réalité, sur le plan économique,—et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Par exemple, prenons un couple qui travaille à l'extérieur et gagne un certain salaire. Un enfant naît. Cette famille doit alors faire un calcul. Dois-je engager quelqu'un pour prendre soin de notre bébé, payer des frais de garde d'enfants et obtenir la déduction, ou l'un de nous doit-il quitter son emploi pour prendre soin de l'enfant?
Disons que l'un des conjoints gagne 60 000 $ et l'autre 25 000 $. La question qui se pose est de savoir si l'un de nous, disons le conjoint qui gagne le moins, renonce à son emploi de 25 000 $ par an pour s'occuper de l'enfant, ce qui réduit le revenu familial à 60 000 $. Il faut comparer un revenu familial brut de 85 000 $ avec une déduction pour frais de garde d'enfants avec un revenu de 60 000 $ et un parent qui reste à la maison. Le seul avantage qu'obtient le parent qui reste à la maison est que le crédit d'impôt non remboursable peut être transféré au conjoint qui travaille à l'extérieur.
Peu importe comment vous faites votre calcul, si l'un des conjoints renonce à un emploi à 25 000 $ par an, il renonce à un chèque de paie, à de l'argent dans ses poches. C'est ce que coûte réellement la décision d'élever l'enfant à la maison. Si ce parent retourne sur le marché du travail, il obtiendra sans doute 15 000 $ environ, même après avoir payé les frais de garde d'enfants pour un enfant.
Tout dépend du niveau de revenu que vous choisissez. Cela représente 10 000 $ à 15 000 $ pour un emploi moyen. Voilà pour le revenu auquel vous renoncez. Il y a ensuite les possibilités d'avancement professionnel auxquelles vous renoncez également. En troisième lieu, vous renoncez à votre pension de retraite. Ce sont là les considérations financières. Il y a aussi les aspects non financiers, le service communautaire, le bénévolat, les oeuvres de bienfaisance et tout le reste.
• 1350
Il y a donc des valeurs économiques et des valeurs
intrinsèques ou sociales qui existent pour tout le monde, et dont
le montant est différent. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
Pensez-vous que nous devrions comparer deux familles ayant le même
revenu familial total, qui ont simplement fait des choix
différents, ou ne faudrait-il pas plutôt analyser la situation
d'une famille en fonction des deux directions qu'elle pourrait
choisir?
Me Thomas Schuck: À mon avis, cela importe peu. En fin de compte... Trouvez-vous équitable qu'une famille de neuf paie davantage d'impôt qu'un couple sans enfants qui a le même revenu?
M. Paul Szabo: Si vous comparez deux revenus de 37 500 $ avec un revenu de 75 000 $, et qu'il n'y a pas d'enfants dans le tableau, il y aura quand même une différence.
Me Thomas Schuck: Très bien, mais cela devrait favoriser...
M. Paul Szabo: Non, il n'y a pas d'enfants. Prenons l'exemple d'un seul revenu de 75 000 $ par rapport à deux revenus de 37 500 $. Notre régime fiscal établit une différence et c'est parce que nous avons des taux d'imposition progressifs. La question que vous avez soulevée aujourd'hui n'a rien à voir avec les enfants et avec notre mandat.
Me Thomas Schuck: Je crois que oui.
M. Paul Szabo: Non, car si le revenu augmente, vous passez à un niveau d'imposition plus élevé.
Me Thomas Schuck: Non, je ne pense pas que ce soit vrai.
M. Paul Szabo: Qu'est-ce qui n'est pas vrai? Ne pensez-vous pas qu'il est vrai que... Monsieur le président, laissez-moi lui expliquer.
Si vous gagnez 75 000 $, les premiers 29 590 $ sont imposés à 17 p. 100, ce qui donne à l'impôt fédéral de 5 030 $. La deuxième tranche de 29 590 $ est imposée à 26 p. 100, ce qui donne 7 693 $. Les derniers 15 820 $ de ce revenu de 75 000 $ sont imposés au fédéral à un taux de 29 p. 100. Cela donne au total 17 310 $. Le crédit d'impôt personnel et le crédit pour conjoint, qui sont des crédits d'impôt non remboursables, valent 2 959 $, ce qui donne un impôt fédéral total d'un peu plus de 14 000 $. Vous pouvez ajouter environ 7 000 $ pour l'impôt provincial. Qu'elle soit mariée ou non, étant donné que notre régime fiscal s'applique individuellement à chaque contribuable, une personne qui gagne 75 000 $ paie au total 21 000 $ d'impôt et non pas 27 000 $ comme vous l'indiquez sur votre tableau. Si nous partageons ce revenu en deux...
Me Thomas Schuck: C'est avec deux enfants. J'ai un imprimé d'ordinateur...
M. Paul Szabo: Si vous partagez ce montant en deux revenus de 37 500 $, les mêmes calculs montrent qu'une personne qui gagne 37 500 paiera...
Me Thomas Schuck: N'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire qu'une famille dont le mari gagne 75 000 $ et doit faire vivre sa femme et sept enfants paie plus d'impôt qu'un couple sans enfants ayant le même revenu? Le contestez-vous?
M. Paul Szabo: La différence est de 2 200 $, ce qui est largement compensé par la prestation fiscale pour enfant. Vos chiffres sont faux. Je vais m'asseoir avec vous après la réunion pour que nous examinions vos chiffres. Vous pouvez me montrer vos calculs...
Me Thomas Schuck: Ces chiffres ont été préparés par Tax Prep, l'une des plus grandes...
M. Paul Szabo: C'est merveilleux. Je peux vous assurer...
Me Thomas Schuck: J'ai ici un crédit d'impôt de 4 000 $ pour une famille de sept...
M. Paul Szabo: ...je peux vous assurer...
Me Thomas Schuck: ...et c'est soustrait de la facture d'impôt.
M. Paul Szabo: ...je peux vous assurer qu'il y a une différence et qu'elle dépend davantage du fait que les taux d'imposition sont progressifs que du nombre d'enfants.
Me Thomas Schuck: Voyons si je comprends bien. Dites-vous qu'un couple sans enfants paie plus d'impôt que la famille à un seul revenu qui a sept enfants?
M. Paul Szabo: Non.
Me Thomas Schuck: Vous êtes donc d'accord avec moi, n'est-ce pas?
M. Paul Szabo: Je vous dis simplement qu'il faut laisser les enfants de côté dans cette équation.
Me Thomas Schuck: Je pense que nous parlons des enfants.
M. Paul Szabo: Un salarié qui gagne 75 000 $ va payer plus d'impôt que deux salariés qui gagnent 37 500 $ chacun.
Me Thomas Schuck: Et je vous dis que s'il fait vivre neuf personnes, c'est tout à fait injuste. Et si votre conception de la justice vous amène à rejeter ce principe, j'aurais certainement du mal à m'entendre avec vous.
M. Paul Szabo: Je constate que votre plainte concerne la progressivité du taux d'imposition plutôt que les enfants. C'est ainsi que je vois les choses.
Le président: C'est la dernière fois que je vais vous laisser partager votre temps tous les deux. Vous avez pris deux fois plus de temps.
Maître Schuck, d'après votre exposé, je crois que vous approuvez en principe la déduction pour frais de garde d'enfants et que vous la considérez comme une déduction légitime, n'est-ce pas?
Me Thomas Schuck: Je n'ai pas vraiment d'objection à ce sujet, non.
Le président: Par conséquent, si nous voulons adopter des mesures qui aideront les enfants, que ce soit sous la forme de déductions d'impôt...
Me Thomas Schuck: La famille.
Le président: ...ou d'un crédit d'impôt, quel devrait être son montant pour que cela ait des effets concrets? On nous a dit par exemple que l'exemption pour invalidité, ne représente qu'environ 400 $ par an, ce que certaines personnes semblaient juger insignifiant.
• 1355
J'essaie d'établir quel devrait être le montant, selon vous,
de la contribution du gouvernement.
Me Thomas Schuck: Je dirais d'abord qu'il faudrait autoriser un partage du revenu, permettre au mari de faire un chèque à sa femme et de lui remettre un formulaire d'impôt afin qu'elle déclare une partie de ce revenu et qu'il obtienne la déduction. Mais à part cela, je pense qu'il faudrait accorder des déductions importantes pour les enfants.
Au lieu de citer des chiffres en l'air, une bonne façon de procéder... Prenez les chiffres de Statistique Canada et voyez combien de parents pensent pouvoir élever quatre enfants. Après avoir examiné ces chiffres, songez à établir la déduction pour un enfant à 4 000 $ ou 6 000 $. Dans cinq ans, vous verrez si cela a modifié le taux de fécondité au Canada. S'il n'y a pas eu de changement, vous saurez que vous ne donnez pas suffisamment...
Le président: Cela ne changera rien au taux de fécondité. Au Québec, on a accordé un paiement direct de 8 000 $ pour le quatrième enfant, mais cela n'a pas fait augmenter le taux de fécondité. Nous savons que ces programmes ne donnent pas de résultat.
Me Thomas Schuck: C'est exact. Dès que j'ai eu mon dernier fils, on a annulé les allocations familiales et j'insistais pour obtenir l'argent tout de suite avant d'en avoir un autre.
Le président: Très bien. Je crois que nous allons examiner ce principe et tenter d'en voir les détails de plus près.
Me Thomas Schuck: Il faudrait une déduction importante pour compenser cet état de choses afin que les familles nombreuses ne paient pas plus d'impôt que les couples sans enfants.
Le président: C'est là que se trouve le dilemme. Si nous accordons 1 000 $ par enfant à une famille...
Me Thomas Schuck: Oui, mais vous ne donnez rien. Vous permettez seulement aux parents de garder cet argent pour élever leurs enfants.
Le président: Mais peu importe que l'on accorde cette somme sous forme de crédit ou de déduction, le montant d'argent tangible dont les gens disposent... Si nous accordions un crédit d'impôt de 1 000 $, par exemple, un crédit remboursable que la famille toucherait directement, cela représenterait une dépense importante de 7 milliards de dollars, et je ne pense pas que nous en ayons les moyens. C'est ce que je veux vous faire comprendre.
Me Thomas Schuck: Très bien. Mais il s'agit de vous demander si vous voulez que les Canadiens aient des enfants ou non. Vous ne pouvez pas compter éternellement sur l'immigration pour maintenir la population au même niveau. Une fois que vous aurez déterminé que les enfants ont une certaine valeur, vous serez peut-être prêts à débourser de l'argent.
Le président: Très bien. Je vous remercie encore de votre témoignage.
Je vais demander à M. Guy de commencer. M. Guy est chef d'équipe de l'optimisation de l'actif chez Numac Energy Inc., mais il est ici à titre personnel. Monsieur, vous êtes le bienvenu. Si vous voulez bien nous faire votre exposé en nous laissant du temps pour vous poser quelques questions, je l'apprécierais.
Merci.
M. Kerry S.B. Guy (témoignage à titre personnel): Tout d'abord, je tiens à vous remercier de donner aux Canadiens l'occasion de faire connaître leurs opinions sur cette question que je crois importante. Je témoigne sans doute du fait que si l'on envoie suffisamment de courrier électronique à suffisamment de députés, l'on finit par être invité à prendre la parole dans l'une de ces tribunes. Je crois toutefois que vous allez entendre le même refrain que tout à l'heure. Je crois connaître déjà certaines de vos réponses, mais je vais quand même parler.
Je tiens à souligner que mon titre était indiqué dans la documentation, mais que je suis ici à titre personnel et que je ne représente aucun organisme. Nous formons une famille à revenu unique, ma femme et moi et nos deux filles qui sont adolescentes. Mon exposé d'aujourd'hui durera seulement de cinq à dix minutes.
Je n'aborderai que deux questions dont l'une a déjà été soulevée. Je suis certain qu'on vous en a déjà parlé et qu'on vous en parlera encore.
Je commencerai par un sujet bien connu, à savoir le fardeau fiscal des ménages à un revenu par rapport à celui des ménages à deux revenus. À première vue, cette question ne semble pas directement liée à celle des enfants à charge, mais elle l'est certainement en pratique, comme c'est le cas pour ma famille. Ma femme travaillait à plein temps à l'extérieur du foyer avant que nous n'ayons des enfants, mais à la naissance de nos filles, elle est restée à la maison pour les élever et c'est elle qui s'en occupe.
• 1400
C'est certainement un choix que nous avons fait et je tiens à
souligner aujourd'hui qu'à mon avis, le régime fiscal actuel
favorise injustement les couples dont les deux conjoints
travaillent à l'extérieur et qui font élever leurs enfants par un
tiers. J'estime que la famille à revenu unique est défavorisée.
La deuxième question que je veux aborder, qui a été soulevée au cours des discussions que j'ai eues avec mes collègues et mes pairs, c'est la planification de la retraite dans l'unité familiale, où il y a un seul revenu plutôt que deux, et voilà l'iniquité que les règles des REER imposent aujourd'hui aux ménages comme le mien, ou plus précisément aux ménages à un seul revenu.
Pour illustrer mon argumentation, je vous propose trois types de ménage. D'entrée de jeu, je dois vous dire que je suis un ingénieur, et non comptable fiscaliste. J'ai utilisé mon programme CANTAX pour brosser le portrait que je vais vous présenter aujourd'hui. Les seuls éléments dont j'ai tenu compte dans mes modèles sont le revenu familial brut et les frais de garde d'enfants. J'ai examiné la situation de trois types de ménage. Je représente le ménage A, un seul revenu, une famille de quatre personnes avec deux enfants à charge. Nous n'avons pas de frais de garde d'enfants dans notre ménage.
Mon deuxième exemple est un ménage à deux revenus égaux—ce n'est peut-être pas tout à fait exact, mais c'est ce que j'ai employé pour mon exemple—avec deux enfants à charge et aucun frais de garde. Dans mon exemple, j'ai deux enfants à charge, deux adolescents, et même si ma femme travaillait, je n'aurais aucun frais de garde.
Le ménage C aurait deux revenus égaux, qui s'élèveraient au même revenu familial total, deux enfants à charge, avec des frais de garde de 7 000 $ par année.
J'ai présenté sous la forme d'un tableau le fardeau fiscal fédéral total et les frais de garde d'enfants pour différents revenus familiaux. Plus précisément, un revenu total de 30 000 $, 40 000 $, 50 000 $, 75 000 $, 100 000 $, 125 000 $ et 150 000 $. À titre d'exemple, le ménage A, avec un revenu de 50 000 $, tirerait tout son revenu d'une seule source. Le ménage B aurait deux revenus de 25 000 $, mais aucun frais de garde. Le ménage C gagnerait 50 000 $, c'est-à-dire encore deux revenus de 25 000 $ chacun, mais aurait des frais de garde de 7 000 $ pendant l'année.
On peut voir que chez les ménages où le revenu total est inférieur à 75 000 $, ceux qui engagent des frais de garde, même en tenant compte des déductions fiscales connexes, ont un fardeau plus lourd que ceux qui ne paient aucun frais de garde. Peu importe qu'il y ait une ou deux sources de revenu, ces familles s'en tirent moins bien. Je dois reconnaître que ce n'est pas la conclusion que je cherchais à tirer aujourd'hui, car cela ne me touche pas personnellement, mais j'estimais important de la porter à votre attention.
Chez les ménages à revenus plus élevés, la situation est quelque peu inversée. Les ménages à un seul revenu paient beaucoup plus d'impôt—comme l'a dit le dernier témoin—que les ménages à deux revenus, même lorsque la garde des enfants est assurée par un tiers. Ce tableau, bien sûr, ne tient compte que du régime fiscal fédéral. Cependant, comme la plupart des provinces, sinon toutes, établissent l'impôt provincial exigible en pourcentage de l'impôt fédéral, les inégalités chez les revenus élevés accentuent lorsque l'on examine l'impôt total, tel que je le montre dans mon graphique suivant.
J'ai utilisé un taux de 50 p. 100 de l'impôt fédéral. C'est supérieur à l'impôt exigible en Alberta, mais inférieur à celui exigé dans d'autres provinces, comme à Terre-Neuve et Labrador, où le pourcentage est beaucoup plus élevé. Je mentionne ces provinces, car ce sont les deux seules où j'ai vécu et payé des impôts.
C'est en examinant la situation fiscale globale des ménages à un seul revenu qu'on peut mieux comprendre leur triste sort. Après tout, lorsque nous remplissons nos déclarations de revenu, nous voulons simplement savoir à combien s'élève la note finale. Cela nous est égal de savoir qui s'empare de notre argent, nous voulons simplement savoir ce que nous avons à payer.
Aux tranches supérieures, les ménages à deux revenus ont un fardeau fiscal global inférieur aux ménages à un seul revenu. Selon mon programme CANTAX, pour un revenu de 50 000 $, selon qu'il soit simple ou double, l'économie fiscale est de 3 000 $ par année. À 100 000 $, c'est 7 000 $. À 150 000 $, cela s'élève à presque 10 000 $.
• 1405
Je répète que le but n'est pas d'établir des comparaisons
entre les Canadiens nantis et les Canadiens démunis. Cela montre
simplement que la situation du couple à deux revenus qui paie des
frais de garde est nettement meilleure que celle du couple à un
seul revenu où l'un des parents reste à la maison pour s'occuper
des enfants, peut-être parce que le revenu unique est plus élevé,
tous les autres facteurs étant égaux. Cela représente une inégalité
appréciable.
La deuxième question que j'aimerais aborder est celle de la planification de la retraite. Je crois que les règles actuelles régissant les REER favorisent les ménages à deux revenus avec personnes à charge, plutôt que les ménages où l'un des parents décide de rester à la maison pour s'occuper des enfants. Cette question touche seulement les ménages où le revenu total s'élève à plus de 75 000 $, car à ce niveau, la cotisation maximale du soutien de famille a un REER est de 13 500 $. Les ménages qui souhaitent investir davantage en prévision de la retraite doivent faire des placements dans des régimes non enregistrés, pour lesquels ils ne reçoivent aucun avantage fiscal et où les gains en capital sont imposés.
Pour le démontrer—les ingénieurs adorent faire des démonstrations—, j'ai supposé que la plupart des ménages essaient d'économiser 18 p. 100 de leurs salaires. C'est ce que nous faisons, mais peut-être que tous les ménages n'ont pas cette chance. Dans mon exemple, pour chaque famille et chaque niveau de revenu, j'ai placé autant d'argent que possible dans des régimes enregistrés, et j'ai réduit le coût total de ces économies en soustrayant les avantages fiscaux ou la réduction d'impôt accordée aux familles en raison de leurs cotisations à un REER.
Comme vous le voyez, économiser 18 p. 100 du revenu coûte moins cher pour les ménages à double revenu dès que le revenu du ménage s'élève à plus de 75 000 $, et l'inégalité s'accroît à mesure qu'augmente le revenu. Je signale que cela s'ajoute au niveau d'imposition déjà plus élevé auquel le ménage à simple revenu est déjà assujetti à mesure que son revenu augmente.
En résumé, j'ai présenté trois constatations aujourd'hui. Premièrement, les ménages à faible revenu qui engagent des frais de garde sont dans une situation pire que les ménages ayant des revenus identiques et aucun frais de garde. Les déductions fiscales au titre de frais de garde d'enfants ne compensent pas ces frais.
Chez les ménages à revenu plus élevé, la situation des ménages à double revenu est meilleure que celle des ménages à simple revenu. De plus, chez les ménages à revenu élevé, le plafond actuel de la cotisation à un REER est inéquitable, favorisant les ménages à double revenu au détriment des ménages à simple revenu. Je souligne encore une fois que cela n'est vrai que dans le cas des ménages à revenu élevé.
En terminant, même si je sais que le sous-comité n'a pas pour mandat de déterminer s'il est préférable pour une famille canadienne qu'un parent reste à la maison pour s'occuper des enfants—et je ne pourrais pas vous donner de preuves tangibles pour le démontrer—, je crois qu'il est malheureux que le régime fiscal canadien actuel propose des incitatifs de ce genre aux familles canadiennes afin que les deux parents travaillent à l'extérieur, même si cela signifie qu'ils doivent payer un tiers pour s'occuper des enfants.
Cela met fin à mon exposé.
Le président: Merci beaucoup.
Cinq minutes, s'il vous plaît.
M. Paul Forseth: Dans vos différents exemples, avez-vous essayé de comparer des pommes et des pommes plutôt que des pommes et des oranges? Il faudrait comparer une famille à simple revenu avec une famille à simple revenu. Le problème, comme je l'ai mentionné au témoin précédent, c'est que bon nombre d'inégalités semblent résulter de la comparaison entre des couples à un seul revenu et des couples à deux revenus sans enfants et des taux de 17 p. 100, 26 p. 100 et 29 p. 100 selon le niveau de revenu de chacun.
• 1410
C'est l'impôt progressif qui est à l'origine des écarts entre
un ménage à revenu unique de 100 000 $ sans enfants et un ménage à
double revenu de 100 000 $, où le deuxième revenu provient
peut-être d'un emploi à temps partiel imposé à seulement 17 p. 100,
selon l'importance du deuxième revenu et le taux d'imposition
applicable.
Il faut tenir compte de ces facteurs si nous voulons essayer d'évaluer le coût de l'éducation des enfants et examiner les différentes permutations possibles. Il faut faire abstraction de toutes les disparités, si l'on veut, qui résultent du régime d'imposition progressive.
Nous revenons donc essentiellement à la même question que j'ai posée aux autres. Nous offrons une déduction pour frais de garde d'enfants afin que le deuxième parent puisse travailler à l'extérieur. Les parents ayant des enfants achètent des services de garde. C'est facile à calculer, car on leur remet des reçus. C'est un service acheté.
D'autres personnes nous demandent par ailleurs comment nous pouvons reconnaître la contribution d'un parent qui, au lieu de faire appel à un service de garde, s'occupe lui-même des enfants. Comment pouvons-nous reconnaître cette situation? En d'autres termes, il ne devrait pas y avoir d'écarts fiscaux simplement à cause du genre de service de garde choisi. En êtes-vous arrivé à des conclusions à ce sujet?
M. Kerry Guy: Je n'ai pas utilisé cet exemple. J'aimerais m'assurer de bien comprendre. Vous parlez d'une famille à revenu unique et vous vous demandez s'il ne serait pas préférable d'accorder des déductions additionnelles afin que le deuxième parent reste à la maison au lieu d'aller travailler et d'acheter des services de garde. Est-ce la situation dont vous parlez?
M. Paul Forseth: Oui. Le problème est qu'il y a deux facteurs qui expliquent la différence dans l'impôt payé. Le premier a trait au régime d'impôt progressif, deux revenus plutôt qu'un, et n'a rien à voir avec les enfants. La différence est appréciable. Si l'on y ajoute la panoplie d'avantages fiscaux pour enfants, les déductions, le congé parental payé par l'assurance-emploi, et tous les autres, cela devient fort complexe.
Dans vos projections, vous avez essayé d'écarter le premier aspect, qui explique peut-être la principale différence monétaire, et vous avez essayé d'examiner les dispositions prévues à l'intention des parents, de façon à ce qu'il n'y ait pas de disparité simplement parce qu'un parent décide de s'occuper lui-même de ses enfants au lieu de les placer en garderie. J'aimerais que vous m'en parliez.
M. Kerry Guy: Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faut respecter le choix d'un parent de rester à la maison et de s'occuper des enfants. Je pense à ma propre situation. Je gagne plus de 100 000 $ par année, et je n'ai droit à aucune déduction pour enfants, et que j'aie des enfants à charge ou non, je paierais les mêmes impôts. Cependant, mon épouse a décidé de rester à la maison précisément pour s'occuper des enfants. En ce moment, son travail n'est aucunement reconnu. Si elle avait décidé de travailler à l'extérieur, la situation serait différente.
M. Paul Forseth: Ainsi, après le départ de vos enfants, si vous étiez travailleur autonome ou si vous aviez une entreprise, vous pourriez verser un salaire de 18 000 $ à votre épouse et réduire votre salaire. Vous deviendriez une famille à double revenu. Mais son taux d'imposition serait de 17 p. 100, tandis que le vôtre serait plus élevé. L'impôt total de votre ménage sur un revenu de 100 000 $ serait alors inférieur à ce que vous auriez payé si tous les revenus étaient à votre nom.
• 1415
C'est donc vraiment là où se situe la comparaison dans votre
exemple, et votre exemple n'a rien à voir avec les enfants. Les
dispositions relatives aux enfants ne font que compliquer
l'exemple. Nous cherchons donc à obtenir des conseils, du moins
pour ce qui est des enfants.
M. Kerry Guy: D'accord.
M. Paul Forseth: Vous pourriez peut-être y réfléchir et nous envoyer vos commentaires. Le problème semble assez simple au départ, et la seule solution serait d'accorder une déduction personnelle élevée et un taux fixe, et je crois que cela dépasse le mandat de ce comité.
J'ai terminé, à moins que vous ayez d'autres commentaires.
M. Kerry Guy: Non.
Le président: D'accord.
[Français]
Monsieur Cardin, s'il vous plaît.
M. Serge Cardin: Je m'excuse. Il a fallu que je m'absente. Mes commentaires ne rendront donc probablement pas justice à votre document.
Dans votre premier tableau, vous avez fait une comparaison, pour le coût total des taxes et de soins aux enfants, entre une famille à un revenu, une autre ayant deux revenus et des frais de garde, et une dernière ayant deux revenus sans frais de garde.
Pour une famille ayant deux revenus avec deux enfants, le coût est plus élevé lorsqu'il y a des frais de garde, mais on arrive à un niveau où cela est égal. Pour un revenu de 100 000 $ environ, le coût est à peu près identique.
Je voudrais dire qu'il y aurait une certaine iniquité si l'on voulait partager les revenus équitablement. Deux conjoints n'ont pas d'autre choix que de jouer avec un revenu séparé équitablement entre les deux. La famille n'a pas le choix; elle peut avoir un revenu unique de 100 000 $ ou deux revenus de 50 000 $ pour un total de 100 000 $. Les gens ont souvent des revenus différents. Je ne crois pas que le fait de vouloir toujours ramener cela à un revenu total divisé par deux démontre l'iniquité du système.
Ici, on arrive à au montant égal. Les conjoints n'auraient pas le choix, même s'ils avaient un seul revenu, de changer leur revenu. Ce n'est plus une question de choix, à un certain niveau. À un moment donné, il y a des réalités et on doit faire avec.
Je vais laisser un peu de côté cette prétendue iniquité du système. On sait que c'est tout simplement dû au taux marginal d'imposition qui devrait se retrouver sur l'aide directe aux enfants. Comme je l'ai dit plus tôt, on devrait avoir des exemptions plus réalistes pour les personnes qui travaillent, pour celles qui restent à la maison et pour les enfants qui ont besoin d'un appui, qu'il soit donné par un conjoint ou par des services de garde à l'extérieur. C'est ce que je pense. J'aimerais avoir vos commentaires sur cette question.
[Traduction]
M. Kerry Guy: J'ai une idée générale des réactions du sous-comité. J'estime que le régime fiscal actuel n'accorde pas suffisamment de crédit lorsqu'un conjoint décide de rester à la maison. Je tiens à répéter que je ne suis pas fiscaliste. Je ne peux pas vous signaler les échappatoires dans le régime fiscal, ou vous dire qu'un crédit devrait être plus élevé, ou que l'on devrait accorder telle autre déduction.
Toutefois, lorsque je compare le niveau de vie de mon ménage à celui d'autres ménages à double revenu qui ont des frais de garde, je me rends compte que je suis pénalisé. C'est une inégalité, et je ne sais pas exactement quelle est son origine. Peut-être qu'il faudrait examiner le cas des ménages avec enfants à charge et se demander comment nous pouvons tenir compte du fait qu'un conjoint décide de rester à la maison et que cette famille n'a pas à être pénalisée pour cette décision, comparativement à un ménage qui fait appel à des services de garde. C'est la base de mon argument. On semble trop s'attarder sur le fait que j'aie choisi d'illustrer des familles à simple revenu et des familles à double revenu, et je comprends vos commentaires à cet égard.
Le président: Monsieur Herron, s'il vous plaît.
M. John Herron: Le véritable problème, c'est l'équité. Vous ne voulez pas avoir l'impression de payer des impôts à un régime fiscal national et que certaines familles reçoivent des déductions, des crédits ou des avantages alors que d'autres familles ne reçoivent rien. C'est l'un des problèmes relatifs à la déduction pour frais de garde d'enfants.
Le régime devrait favoriser le choix. Si une famille juge préférable qu'un parent reste à la maison pour s'occuper des enfants, elle ne devrait pas être pénalisée. Elle ne devrait pas être obligée de faire un choix différent.
D'autres collègues vous diront peut-être qu'une personne admissible sur trois demande cette déduction. On demande habituellement en moyenne une déduction nette de 2 600 $. Cela signifie que l'on reçoit environ 700 $.
Ainsi, il est davantage question des enfants que du revenu. Peut-être qu'il est préférable d'accorder un crédit d'impôt remboursable semblable à l'allocation familiale afin que les familles qui ont des enfants à charge en profitent dans la même mesure. C'est un débat que nous pouvons tenir. Qu'en pensez-vous?
M. Kerry Guy: Je ne suis pas sûr de comprendre votre question. Si vous me demandez si une solution serait d'accorder un crédit d'impôt pour les enfants à charge, cela constituerait un élément de solution. Cela ne règle pas le deuxième point, que je juge épineux, c'est-à-dire la décision d'un conjoint de rester à la maison pour s'occuper des enfants. Je crois que cet aspect a trait aux enfants.
M. John Herron: Tout à fait.
M. Kerry Guy: Ma capacité de planifier ma retraite et celle de mon épouse est moindre que si cette dernière travaillait à l'extérieur et payait des frais de garde. Elle pourrait alors contribuer à un REER. Le régime actuel ne le permet pas.
M. John Herron: Dans la même veine, au sujet du fractionnement du revenu dont on a parlé pendant tout le processus, on s'est aperçu que l'une des raisons pour lesquelles les gens n'y étaient pas en faveur c'est parce que le fractionnement du revenu est perçu comme étant progressif étant donné qu'il profite davantage aux personnes à revenu moyen ou élevé.
Cependant, dans certains cas, des professionnels—pas tous les médecins, ni tous les dentistes, mais ce genre de professionnels—versent un salaire à leur conjoint. Ils peuvent fractionner leur revenu et être considérés comme des familles à revenu moyen; la famille moyenne au Canada ne peut pas le faire.
M. Kerry Guy: C'est exact.
M. John Herron: Le ministère des Finances a dit qu'il nous en coûterait environ 4 milliards de dollars pour autoriser le fractionnement du revenu...
M. Kerry Guy: Était-ce pour toutes les familles ou uniquement les familles avec enfants?
M. John Herron: Je ne m'en souviens pas.
Le président: Quelle était votre question?
M. John Herron: Le ministère des Finances a fait état de 4 milliards de dollars pour le fractionnement du revenu. Est-ce que cela s'appliquait uniquement lorsqu'il y avait des enfants à charge ou...
Le président: Non, pour toutes les familles.
M. John Herron: Cela dit, cet allégement fiscal ne semble pas excessif comparativement à d'autres solutions dont nous avons parlé. Vous avez dit plus tôt que le comité ne semblait pas très chaud à cette idée. Personnellement, j'y suis plutôt favorable que défavorable, si on peut le dire ainsi.
Le président: D'accord. Avez-vous un commentaire à ce sujet, monsieur Guy?
M. Kerry Guy: Vous voulez dire au sujet du mandat du sous-comité?
M. John Herron: Vous vous dites préoccupé lorsque vous vous comparez à vos voisins. Croyez-vous que le fractionnement du revenu serait plus équitable? Est-ce que cela vous intéresserait? Pensez-vous que le régime serait plus équitable si cela était souvent permis?
M. Kerry Guy: Si cela a trait à la décision de mon épouse de rester à la maison pour s'occuper des enfants au lieu de faire appel à un service de garderie... je serais intéressé. Dire que le fractionnement du revenu m'intéresse en soi reviendrait à dire que si le ménage n'a pas d'enfants, qu'une personne peut rester à la maison et ne rien faire.
À mon avis, le fractionnement du revenu serait un élément de solution, mais même moi je pourrais vous dire qu'on ne pourrait pas le généraliser. Il faut vraiment que cela soit fonction des arrangements pris par les familles pour s'occuper des enfants.
M. John Herron: D'accord. Merci.
Le président: Merci, monsieur Herron.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur Guy, de votre exposé. Vous avez entendu l'échange précédent, et nous n'allons pas nous mettre à comparer les revenus familiaux. Essentiellement, ce que comprennent les Canadiens ordinaires est que si les deux parents travaillent, ils ont droit à une déduction fiscale. La déduction pour frais de garde d'enfants vaut quelque chose. Elle les aide à mettre un peu d'argent de côté. Si elle n'existait pas, ils devraient payer un peu plus d'impôts. Les Canadiens y voient donc un avantage. L'avantage réel pour les familles est de loin inférieur à ce qu'il pourrait être, car très peu de Canadiens réclament le maximum auquel ils ont droit.
Ils nous ont donc demandé deux choses. Premièrement, de nous dire que vous reconnaissez la valeur du travail non rémunéré ou le fait que nous faisons quelque chose qui mérite un peu de respect. C'est davantage une reconnaissance sociale.
Deuxièmement, nous devrions uniformiser les règles du jeu. S'ils reçoivent une prestation au titre des frais de garde d'enfants, ne devrait-on pas nous en savoir gré? Ma question est que si la plupart des Canadiens sont d'accord, ne croyez-vous pas que l'on devrait reconnaître sur le plan social et économique au moyen d'une prestation, même si elle est seulement de 500 $, le parent qui reste à la maison et qui renonce à la possibilité de gagner un revenu?
M. Kerry Guy: Je ne sais pas si je serais prêt à convenir qu'un certain montant serait approprié. Je suis certainement d'accord avec vous lorsque vous dites que la société doit reconnaître le parent qui reste à la maison. Je trouve assez inquiétant que ma femme ne puisse pas contribuer à un REER. Je peux contribuer à son REER, mais cela fait partie de ma déduction tandis que si elle allait travailler et faisait garder les enfants par un tiers, elle aurait jusqu'à un certain point la possibilité de contribuer à un fonds de retraite. Lorsque nous serons vieux et que nous vivrons dans un parc pour caravanes à Kelowna, nous aurons les mêmes dépenses que n'importe qui.
M. Paul Szabo: Je suis d'accord avec vous. Pour ce qui est de déterminer le montant—on a parlé de 500 $ simplement à titre d'exemple. Nous savons qu'il existe maintenant une prestation pour ceux qui s'occupent d'un parent âgé. Cette prestation a été introduite il y a un an et représente environ 400 $. Donc nous savons que pour ce genre de choses, nous pourrions considérer qu'il s'agit d'un point de départ jusqu'à ce que nous voyons comment évolue notre situation financière. Cela pourrait au moins être un point de référence qui nous permettrait de faire des comparaisons.
En ce qui concerne les REER, de toute évidence si vous ne touchez pas de revenu, il est difficile de déterminer le niveau de REER auquel vous seriez admissibles. Même si vous pouviez acheter des REER, vous n'avez pas de revenu duquel vous pouvez le déduire de manière à obtenir un report d'impôt.
• 1430
Ce que vous nous dites, c'est que le travail non rémunéré
devrait être reconnu comme du travail et devrait en fait offrir la
possibilité d'accumuler un revenu de pension.
Une autre option pourrait consister à permettre aux parents qui restent à la maison d'accumuler des crédits dans le système de Régime de pensions du Canada et de les acheter une fois qu'ils réintègrent le marché du travail ou lorsque les enfants quittent la maison et que la famille a un peu plus de revenu disponible. Il pourraient peut-être racheter les années passées de service et en fait accumuler des prestations de retraite dans le cadre du Régime de pensions du Canada existant.
M. Kerry Guy: C'est certainement une option, effectivement.
M. Paul Szabo: Est-ce une option qui vous plaît?
M. Kerry Guy: Est-ce une option qui me plaît?
M. Paul Szabo: Disons que nous offrons aux parents qui restent à la maison la possibilité de participer en fin de compte au Régime de pensions du Canada. À votre avis, est-ce que ce serait une façon de reconnaître la valeur de leur travail puisque cela signifierait que ce travail non rémunéré est en fait du travail?
M. Kerry Guy: Je serais d'accord mais avec une réserve. Je ne recevrai ma pension de retraite du Canada que dans 25 ans, et je ne crois pas vraiment que j'y aurai droit, vu mon revenu.
M. Paul Szabo: Vous savez que des changements ont été apportés. Les retraités aujourd'hui reçoivent en fait 8 $ pour chaque 1 $ qu'ils ont versés. Nous avons accordé des prestations très généreuses parce que nous avions beaucoup de travailleurs pour un petit nombre de retraités.
Comme la situation a changé, de toute évidence le fardeau devient plus lourd et il a fallu augmenter les cotisations de retraite. Le rapport actuariel, comme vous le savez sans doute, a été publié. L'actuaire en chef a préparé un rapport où il recommande un barème de cotisations qui vous permettra de récupérer tout votre argent en plus d'un rendement de 3 à 5 p. 100 en fonction du rendement du fonds d'investissement. Donc le rapport actuariel indique que le régime est sain à condition que nous adoptions le barème de cotisations proposé.
Donc, à cette condition... J'entends beaucoup parler de notre passif non capitalisé, mais c'est uniquement parce que lorsque le régime a débuté pendant la crise, les gens n'avaient pas prévu de revenu de retraite et ne le pouvaient pas. Lorsqu'ils ont pris leur retraite dans les années 60, ils n'avaient rien. Donc les travailleurs d'aujourd'hui leur donnent quelque chose pour rien et c'est pourquoi nous sommes toujours en train de rembourser le fonds.
Je vous remercie de vos réflexions. Elles nous seront utiles et je crois que nous sommes probablement sur la même longueur d'ondes.
Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier pour votre exposé. Vos commentaires sont très utiles et nous ne manquerons pas de réfléchir à certaines des idées que vous nous avez présentées et à examiner de plus près certains de vos chiffres. Nous ne manquerons pas de tenir compte de votre point de vue. Merci beaucoup.
M. Kerry Guy: Merci beaucoup.
Le président: Je demanderais à M. Frankel de bien vouloir venir prendre place à la table.
Nos prochains témoins sont des représentants du Social Planning Council de Winnipeg. Il s'agit de l'analyste adjoint des politiques, M. Scott DeJaegher et du membre du conseil d'administration, M. Sid Frankel.
Bienvenue, messieurs. Y aura-t-il un ou deux exposés ou allez-vous chacun en présenter une partie?
M. Sid Frankel (membre du conseil d'administration, Social Planning Council of Winnipeg): Nous allons chacun en présenter une partie.
Le président: Je vous demanderais de vous en tenir à une dizaine de minutes afin que nous ayons suffisamment de temps pour les questions.
M. Sid Frankel: Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de vous présenter notre point de vue cet après-midi. En fait, nous espérons que le travail du sous-comité représente une première étape dans l'examen des nombreuses questions d'équité dans le système canadien de transfert et d'imposition.
Nous estimons qu'il existe d'importantes questions d'équité horizontale dans le traitement des familles qui contribuent au bien collectif en s'occupant des enfants, des membres âgés de la famille ou des membres handicapés et qui assument ainsi des coûts qui autrement devraient être assumés par les pouvoirs publics.
Nous estimons également qu'il existe d'importantes questions d'équité verticale en ce qui concerne le niveau de progressivité de nos systèmes d'imposition et de transfert, qui devraient être prises en considération afin d'améliorer l'équité.
Notre conseil craint que des réductions d'impôt généralisées nuisent à l'équité du système en profitant aux salariés à revenu élevé.
Nous mettrons l'accent sur trois aspects de l'équité. Tout d'abord, le système d'imposition et de transfert doit égaliser les possibilités de développement des enfants de familles à revenu faible afin qu'elles correspondent à ceux des familles à revenu élevé.
• 1435
Deuxièmement, l'éducation des enfants devrait être reconnue
comme une entreprise utile à la société et par conséquent la
situation des familles avec et sans enfant ayant des niveaux de
revenu semblables devrait être égalisée.
Troisièmement, il faudrait reconnaître les coûts supplémentaires qu'assument les parents qui choisissent de travailler, non pas comme une incitation à travailler mais comme une façon de reconnaître les coûts supplémentaires non assumés par les familles où les parents ne travaillent pas.
Nous tenons tout d'abord à reconnaître que la prestation fiscale pour enfants a nettement contribué à égaliser les chances de succès de nombreux enfants de familles à faible revenu. Cependant, nous aimerions faire écho aux commentaires du Conseil national du bien-être en signalant le traitement inéquitable de certains types de familles en vertu de cette prestation.
Tout d'abord, il existe de la discrimination en fonction de la source de revenu. Par suite du remboursement fiscal de la prestation par les bénéficiaires de l'aide sociale dans toutes les provinces sauf Terre-Neuve et le Nouveau-Brunswick, seulement 36 p. 100 des familles avec enfants admissibles ont touché la prestation en 1996. Cette discrimination est attribuable à la volonté d'égaliser l'utilisation des transferts gouvernementaux entre les petits salariés et les bénéficiaires de l'aide sociale afin de limiter les obstacles au travail. Nous estimons toutefois que la question primordiale de l'équité consiste entre autres à égaliser les possibilités de développement des enfants liées au revenu, quelle que soit la source du revenu. C'est le genre d'équité qui vise à limiter les répercussions permanentes de la pauvreté chez les enfants sur les plans cognitif, social et affectif. C'est l'objet même de la prestation qui rapportera au bout du compte les plus importants dividendes à la société.
De plus, la recherche sur le revenu garanti a permis de constater la présence d'effets de dissuasion extrêmement faibles, et surtout pour le deuxième soutien de famille. Cependant, nous convenons que les petits salariés devraient faire l'objet d'un investissement public accru qui pourrait comporter un supplément au revenu gagné, un salaire minimum plus élevé, des subventions plus généreuses aux garderies et ainsi de suite.
Deuxièmement, cette discrimination en fonction de la source du revenu entraîne une discrimination en fonction de la configuration familiale. D'après les chiffres du Conseil national du bien-être, seulement 17 p. 100 des familles monoparentales pauvres reçoivent la prestation par opposition à 59 p. 100 des familles biparentales pauvres. Cette situation est encore pire pour les personnes autres que les parents qui fournissent des soins. Seulement 9 p. 100 d'entre elles reçoivent la prestation.
Troisièmement, étant donné que plus de 90 p. 100 des familles monoparentales pauvres sont dirigées par des femmes, cela constitue en fait de la discrimination en fonction du sexe.
Quatrièmement, il existe une forme particulièrement inquiétante de discrimination en fonction de la source de revenu qu'il importe d'examiner. Même les familles ayant un revenu gagné ne sont pas admissibles à la prestation si elles reçoivent un revenu de bien-être social. Cela nous semble insensé.
En ce qui concerne la prestation, de façon plus générale, nous aimerions faire valoir que la capacité de la prestation fiscale pour enfants en vigueur au Canada pour les enfants de familles à faible revenu se trouve gravement restreinte parce que les niveaux de prestation ne sont pas des seuils de revenu admissibles ou indexés en fonction de l'inflation. La prestation perdra de son efficacité en tant qu'outil destiné à assurer l'équité, au fur et à mesure que l'inflation augmente avec les années.
Enfin, nous craignons que la prestation ne soit pas suffisamment générale ou importante pour permettre d'égaliser les possibilités pour les familles à revenu faible, modeste et moyen. À cet égard, nous appuyons la recommandation de la Campagne 2000 qui préconise une prestation de 4 200 $ par enfant, réduite de façon assez radicale, après le seuil de 18 000 $, de 10 à 30 p. 100, en fonction du nombre d'enfants.
J'aimerais maintenant passer à une question dont vous avez parlé avec certains témoins précédents et également ce matin.
Nous estimons qu'il est fondamentalement injuste d'imposer les familles qui élèvent des enfants au même niveau que les familles sans enfants qui touchent des revenus similaires, en raison des dépenses qu'entraîne l'éducation des enfants et de la nécessité sociale de cette activité. Par conséquent, nous appuyons un élément universel, comme une déduction universelle, offerte à toutes les familles qui élèvent des enfants. Une telle déduction constituerait un élément symbolique important, en reconnaissant la responsabilité qu'a l'ensemble de la société canadienne d'appuyer le développement de notre principal source de régénération de la population. Cette mesure aura également des conséquences pratiques, surtout dans les tranches inférieures de revenu. Si cette déduction est introduite, le Canada ne sera plus le seul pays industrialisé qui ne reconnaît pas la nécessité de ce type d'équité horizontale dans le système d'imposition.
• 1440
Nous appuyons le maintien de la prestation pour frais de garde
d'enfants. Cette une façon équitable de reconnaître les coûts
supplémentaires que doivent débourser les parents qui travaillent
et que les familles dont un parent reste à la maison n'ont pas à
assumer. Cependant, nous sommes sensibles au problème du travail
non reconnu et non rémunéré que représente l'éducation des enfants,
les soins du ménage et ainsi de suite. Nous ne croyons pas
toutefois qu'il faille pour cette raison négliger les coûts
légitimes du travail, mais plutôt procéder à un examen approfondi
de la façon dont la société peut reconnaître la valeur du travail
utile non rémunéré sur le marché du travail.
Nous pensons que cette question prendra de plus en plus d'importance au fur et à mesure que notre économie continue d'évoluer. Elle n'a pas évolué aussi rapidement que l'avaient prédit les disciples de l'école de Rifkin, mais je crois que nous sommes en train de nous acheminer vers une situation où le travail rémunéré aura moins d'importance. Donc nous aimerions que cet aspect comprenne le travail bénévole dans la collectivité de même que le travail non rémunéré dans la famille.
Scott.
M. Scott DeJaegher (analyste adjoint des politiques, Social Planning Council of Winnipeg): J'aimerais faire quelques recommandations. Je serai bref.
Nous aimerions tout d'abord recommander que la prestation fiscale pour enfants en vigueur s'applique à toutes les familles à faible revenu quelle que soit la source de leur revenu. Les familles dont la totalité ou une partie de leur revenu provient de l'aide sociale devrait obtenir le plein accès à la prestation sans une déduction correspondante dans les taux de bien-être provinciaux.
Deuxièmement, en ce qui concerne le problème de l'inflation, nous proposons que le critère d'admissibilité au paiement de la prestation fiscale pour enfants du Canada soit entièrement indexé afin que le système puisse assurer le plus efficacement possible l'égalité des chances pour les familles à faible revenu et leurs enfants.
Troisièmement, nous aimerions proposer une prestation fiscale pour enfants plus vaste afin de tâcher d'égaliser les possibilités de développement des enfants de familles à revenu faible, modeste et moyen avec celles dont bénéficient les familles à revenu élevé. Quant au taux de diminution du montant de la prestation en fonction du revenu familial, nous aimerions également que ce taux soit rajusté afin de permettre une diminution plus lente des taux au fur et à mesure que le revenu augmente.
La prochaine recommandation est que l'on conserve la déduction pour frais de garde d'enfants pour les familles où les deux parents travaillent, reconnaissant qu'il s'agit d'un coût légitime lié au fait de gagner un revenu.
L'avant-dernière recommandation, c'est de faire un examen approfondi des questions qui entourent la reconnaissance, par la société, du travail bénévole, communautaire ou familial non rémunéré.
Enfin, comme on l'a déjà indiqué, nous tenons à appuyer l'adoption d'une déduction universelle pour toutes les familles qui élèvent des enfants. On reconnaîtrait ainsi la valeur symbolique et utile sur le plan social du rôle des parents dans la société d'aujourd'hui.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Paul Szabo): Merci beaucoup.
Nous commencerons par M. Forseth.
M. Paul Forseth: À la page 6, vous recommandez que l'on conserve la déduction pour frais de garde d'enfants pour les familles où les deux parents travaillent. La déduction pour frais de garde d'enfants concerne de toute évidence les services de garderie qui sont achetés et pour lesquels on produit des reçus.
Vous avez entendu les questions que j'ai posées aux témoins précédents sur la façon pour la société de reconnaître le revers de cette médaille. Simplement parce qu'un parent choisit la formule de la garderie, cela a d'importantes incidences sur le plan financier. On pourrait peut-être trouver un moyen non pas forcément d'indemniser ces frais complètement mais de reconnaître en quelque sorte le choix fait en matière de garde d'enfants.
M. Sid Frankel: Dans un certain sens, nous sommes d'accord avec l'un de vos témoins ce matin lorsqu'il parlait de la difficulté technique d'évaluer l'activité parentale. Par exemple, un parent et conjoint qui reste à la maison pour s'occuper d'un enfant fait plus que de s'occuper de l'enfant. Il s'occupe de la maison, etc. Nous ferions valoir qu'essentiellement il est préférable de les considérer comme deux problèmes distincts: le problème de reconnaître l'avantage pour la société des soins aux enfants, donc nous estimons qu'il devrait y avoir un élément universel, peut-être une déduction... Mais considérer le fait de rester à la maison comme un choix de garde d'enfants, je ne crois pas que ce soit valable techniquement.
M. Paul Forseth: Que voulez-vous dire par valable techniquement?
M. Sid Frankel: En ce sens que, premièrement, il est difficile de croire que le choix de la garde des enfants fait par les familles est vraiment le seul élément du choix. Deuxièmement, qu'un parent qui reste à la maison exécute toutes sortes de tâches. Troisièmement, que leur statut et leur rôle peuvent changer, souvent rapidement. Donc il semble difficile de déterminer comment lier techniquement la reconnaissance de l'activité de garde d'enfants proprement dire. Cependant, nous convenons qu'il devrait y avoir une reconnaissance générale pour toutes les familles.
M. Paul Forseth: Et concrètement, comment cela se ferait-il?
M. Sid Frankel: Nous recommanderions un élément universel comme une déduction universelle pour toutes les familles.
M. Paul Forseth: Pouvez-vous nous proposer un chiffre?
M. Sid Frankel: Je dois avouer que nous n'avons pas encore vraiment fait le travail nous permettant de déterminer un chiffre.
M. Paul Forseth: À une époque, nous avions 400 $ ou 500 $, et nous avons eu un exposé plus tôt aujourd'hui qui proposait 6 000 $ par enfant, donc les montants varient. Mais vous n'êtes pas en mesure de nous proposer un montant pour l'instant.
M. Sid Frankel: Je ne sais pas si cela répondra à votre question, mais en examinant les divers objectifs de politique et les secteurs où pourraient être attribuées de nouvelles ressources, tout d'abord, nous considérons que l'inégalité du développement lié au revenu est l'aspect le plus important et celui auquel devraient être consacrées la majorité des nouvelles ressources. Ensuite, nous pensons qu'il faudrait reconnaître, dans une certaine mesure, peut-être dans la fourchette inférieure dont vous parlez, la question de l'équité horizontale, à savoir que toutes les familles qui élèvent des enfants jouent un rôle nécessaire dans la société.
M. Paul Forseth: Oui. Il s'agit simplement d'essayer de cerner cette question de société dans son ensemble. Si nous commençons à accorder une reconnaissance économique à la question des soins aux enfants, nous devons le faire d'une façon équitable sur le plan social de manière à reconnaître la valeur du rôle des parents et la valeur des soins fournis à ces enfants et non pas à choisir des gagnants et des perdants en fonction d'autres permutations. Si vous vous occupez d'un enfant, vous ne devriez pas être pénalisé à cause du style particulier de la garde choisie, que vous ayez recours en partie à des services payants et que vous assumiez une autre partie de la garde ou que vous assumiez exclusivement la garde de vos enfants. C'est en quelque sorte une requête de principe de la part de la collectivité et je vous demande s'il existe des moyens de répondre à cette préoccupation de la société.
M. Sid Frankel: Dans un sens, nous pourrions faire valoir entre autres qu'il y a plusieurs aspects à cette question. Un aspect concerne la prestation sociale universelle et à notre avis elle devrait être reconnue universellement. Deuxièmement, nous reconnaissons que les parents qui choisissent d'aller travailler assument effectivement des coûts légitimes et concrets que les parents ou le parent qui décide de rester à la maison n'assume pas. En fonction de cet argument, nous...
M. Paul Forseth: Certains pourraient dire qu'ils paient un prix énorme en ce sens qu'ils renoncent à un revenu. Mais je pense que cela fait partie du raisonnement circulaire.
M. Sid Frankel: Oui.
M. Paul Forseth: Très bien, j'en resterai là pour l'instant.
Le président suppléant (M. Paul Szabo): Je cède maintenant la parole à M. Cardin.
[Français]
M. Serge Cardin: Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des arguments qui ont fait l'objet de discussions aujourd'hui. Vous ouvrez toutefois une porte assez grande quand vous parlez de reconnaître—bien sûr, cela va de soi, et on en parle depuis le début des consultations—le travail non rémunéré des conjoints qui restent à la maison. Vous ouvrez une porte encore plus grande à la reconnaissance du travail bénévole.
• 1450
J'ai été conseiller municipal pendant 12 ans dans une
municipalité d'environ 75 000 habitants ayant un
budget d'à peu près 100 millions de dollars. Je m'occupais
à l'époque des
services récréatifs communautaires, et
nous avions essayé de
calculer ce que représentait le travail bénévole.
Si on avait payé ces
gens-là, ne serait-ce que le salaire minimum et même
moins, cela aurait représenté des sommes
considérables que le
gouvernement municipal dont je faisais partie
n'aurait jamais été capable de défrayer.
Vous ouvrez une porte assez large à cela. Je me demande ce qu'on fait alors du goût qu'ont les gens de s'impliquer dans la société, du don de soi, de l'amour pour son prochain et, pour ramener cette question au niveau de la famille, de l'amour qu'on a pour ses enfants. Nous en sommes rendus à quantifier des valeurs fondamentales. Que pensez-vous de cela?
[Traduction]
M. Sid Frankel: J'ai deux réponses à vous donner. Tout d'abord, nous ferions valoir que la principale question dont vous traitez, les soins non rémunérés des enfants à la maison, n'est qu'un exemple de toute une série de travail non rémunéré qui est bénéfique pour la société, et qu'il ne devrait pas être envisagé de façon isolée. Ce n'est même pas le seul type de travail avantageux pour la société qui se fait dans le cadre familial.
Deuxièmement, nous ferions valoir que c'est une porte qui devrait être ouverte du moins sur le plan conceptuel, à l'heure actuelle. C'est un problème complexe qui doit être attentivement examiné. Nous nous rendons compte de toute la portée des propositions visant à déterminer et reconnaître la valeur du travail qui ne l'est pas sur le marché du travail. Cependant, comme je l'ai dit, le scénario envisagé par les disciples de l'école de Rifkin ne s'est pas concrétisé aussi rapidement que prévu. Mais je pense que nous nous acheminons lentement et graduellement vers une économie où le travail salarié deviendra de moins en moins important et il nous faudra à long terme songer au rôle du secteur bénévole et de la famille dans le contexte du travail à l'avenir.
[Français]
M. Serge Cardin: Selon vous, on s'en va vers des activités de moins en moins rémunérées, vers des activités de plus en plus sociales. On sait qu'aujourd'hui on parle toujours d'économie. Ce sont les propos qu'on entend le plus souvent. Toutefois, il faut aussi adhérer aux valeurs sociales.
Quand vous parlez de travail bénévole rémunéré pour quelqu'un qui s'occupe de ses enfants, cela fait partie, à toutes fins pratiques, de cette grande famille. Si on a des ajustements ou des interventions à faire, à part certains ajustements techniques, comme par exemple la possibilité de la participation à un REER pour un conjoint qui reste à la maison ou la possibilité d'une participation reportée au Régime de pensions du Canada ou Régime des rentes du Québec, il devient de plus en plus clair qu'il faut les faire en fonction des enfants et de leurs besoins, et que la participation du parent demeurera toujours un choix. Les gens qui veulent rester à la maison sont confrontés à un choix entre des valeurs de base intrinsèques importantes et des valeurs économiques. On sait que les deux peuvent être présentes parce qu'il faut quand même avoir les moyens de faire vivre ses enfants et de les éduquer.
• 1455
Vos propos laissent sous-entendre que les interventions
devraient plutôt être destinées aux
enfants. Il peut aussi y avoir des éléments techniques
destinés aux parents qui restent à la maison.
[Traduction]
M. Sid Frankel: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Comme je l'ai dit, j'estime qu'il s'agit d'une question très vaste et qu'il faudrait peut-être commencer par examiner la valeur du travail non rémunéré tel qu'il touche les enfants. Et bien entendu, cela touche les enfants, tant au sein de la famille qu'à l'extérieur de la famille, parce qu'une bonne partie du travail bénévole communautaire est également axée sur les enfants.
[Français]
M. Serge Cardin: Vous parlez de déductions universelles. L'impôt lui-même est la redistribution des revenus par les gestionnaires et les dirigeants. Vous semblez dire qu'on devrait accorder des déductions universelles, peu importe le revenu, plutôt que d'accorder des crédits qui peuvent diminuer en fonction des revenus familiaux. En faisant cela, on dit que les impôts représentent la répartition la plus équitable possible des revenus des personnes.
Si on avait des déductions universelles, peu importe les revenus, on serait confronté à un manque à gagner important parce que les gens qui ont des revenus importants bénéficieraient des déductions à des taux plus élevés. Il faudrait prévoir des impôts pour payer ces bénéfices universels.
Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
[Traduction]
M. Sid Frankel: Oui. Nous reconnaissons qu'il s'agit d'un problème complexe, ce compromis entre l'équité horizontale et verticale. Tout ce que nous disons c'est qu'il faudrait prévoir un élément qui profite à tous les Canadiens quels que soient leurs revenus et que cela devienne un élément important de l'économie des ménages. Donc nous comprenons que ce type d'équité horizontale entraîne un coût, et nous estimons qu'il est raisonnable de reconnaître ce principe.
[Français]
Le président: Monsieur Cardin.
M. Serge Cardin: Ça va, je n'ai pas d'autres questions
Le président: Monsieur Herron, vous avez la parole.
[Traduction]
M. John Herron: L'aspect qui me préoccupe concerne les trois principes énoncés à la page 2 de votre mémoire, en particulier le troisième qui se lit comme suit:
-
qu'il faudrait reconnaître le coût supplémentaire assumé par les
parents qui choisissent de travailler non pas comme une incitation
au travail mais comme une reconnaissance des coûts supplémentaires
non assumés par les familles où un parent ne travaille pas.
Puis vous indiquer parmi l'un de vos points principaux, que vous appuyez le maintien de la déduction pour frais de garde d'enfant.
Comment conciliez-vous cela avec ceux qui disent que—et je sais que vous voulez assurer la plus grande équité et justice possible, surtout pour ceux qui sont en marge de notre société—ceux qui profitent le plus de la déduction des frais de garde d'enfant, c'est-à-dire ceux qui peuvent en fait réclamer la déduction même, se trouvent probablement à être les plus riches? De même, est-il juste que des personnes qui renoncent peut-être à un deuxième revenu ne reçoivent aucune forme de récompense financière pour élever leurs enfants?
M. Sid Frankel: À notre avis, les différents éléments devraient être appliqués pour tenir compte de l'équité sous ses différents aspects. Ainsi, si l'on perdait une partie de la progressivité du système en raison de la déduction fiscale pour enfants, il faudrait peut-être rajouter un élément de progressivité dans les taux d'imposition de base. Si l'on veut pouvoir reconnaître—et nous croyons que cela devrait être le cas—qu'il y a des avantages sociaux à élever des enfants, cela devrait pouvoir se faire par l'imposition d'un élément universel qui le reconnaît. Je sais que le jeu des différents objectifs en matière d'équité est complexe, mais c'est pourquoi il faut le reconnaître par un heureux mélange d'éléments.
M. John Herron: Vous seriez d'accord pour que nous aidions les parents dont l'un d'eux reste à la maison et dont l'autre travail à l'extérieur en mettant sur pied un système universel complémentaire et additionnel?
M. Sid Frankel: Universel, en effet, puisqu'il avantagerait toutes les familles qui élèvent des enfants.
M. John Herron: Oui.
Le président: Merci.
Madame Dockrill.
Mme Michelle Dockrill: Merci.
Je dois d'abord vous remercier de votre exposé. J'étais ravie de vous voir, au départ, inclure dans votre définition de parent les familles monoparentales. Il sont parfois laissés pour compte quand on définit les familles canadiennes comme étant uniquement composées de un ou de deux gagne-pain. Merci d'avoir apporté cette précision importante.
Dans cet ordre d'idées, je reviens aux chiffres que nous avons vu récemment au sujet de l'augmentation de la pauvreté chez les enfants; d'ailleurs, mes collègues ont signalé à diverses reprises que c'était vraiment le grand problème chez les enfants. Donc, d'après les chiffres cités, 90 p. 100 des familles monoparentales pauvres ont des femmes comme chefs de famille.
Vous avez parlé de la discrimination qui s'exerçait en fonction du revenu d'aide sociale. Avez-vous d'autres suggestions à nous faire dans le cadre du régime d'imposition et de transfert actuels en vue d'éliminer la pauvreté chez les enfants? Après tout, la pauvreté chez les enfants découle directement de la pauvreté chez les femmes.
M. Sid Frankel: Le problème est complexe, et il ne peut être résolu qu'en partie par le régime d'imposition et de transfert. Comme vous nous l'avez entendu dire, nous étions ravis que le gouvernement propose une prestation qui est devenue la prestation fiscale pour enfants. Toutefois, nous étions déçus que certains éléments du programme ne parviennent par à percer des brèches dans la pauvreté chez les enfants, alors que c'était là l'objectif avoué de la prestation.
Ce qui nous préoccupait le plus, c'est que dans la plupart des provinces, les ententes conclues entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont permis à ces derniers d'imposer les paiements d'assistance sociale à hauteur de la prestation fiscale pour enfants. Autrement dit, les plus pauvres parmi les enfants pauvres du Canada ne reçoivent pas la prestation. C'est une de nos grandes sources d'inquiétude, et nous sommes ravis que deux provinces n'aient pas consenti à imposer les prestations. Toutefois, ce qui nous inquiète plus, ce sont les huit provinces qui le font, car cela atténue l'avantage que peut présenter la prestation fiscale pour enfants pour les familles pauvres; en fait, cela ne fera pas disparaître la pauvreté, même si le nouveau programme peut en atténuer l'ampleur. C'est là une de nos grandes sources d'inquiétude.
Une autre de nos sources d'inquiétude, c'est l'absence de la pleine indexation à la fois du critère d'admissibilité et de la prestation, ce qui a pour conséquence que la prestation aura de moins en moins d'effet avec le temps. Nous préférerions évidemment que la prestation soit plus importante. Nous aimerions qu'elle parvienne de façon plus efficace à résorber la pauvreté. Nous qui appartenons à la Coalition Campagne 2000, aurions préféré que la prestation maximale atteigne 4 200 $. La démarche est bonne, et c'est un bon point de départ, mais elle pourrait être améliorée de la façon suggérée.
Bien sûr, à la lumière des divers objectifs d'équité concurrents, nous croyons que l'iniquité qui se fonde sur le revenu est celle qui est la plus dommageable du point du vue social et une des plus graves; et nous espérons que le comité se penchera sérieusement sur cette iniquité. Les autres remèdes qu'il faudrait envisager ne se trouvent pas dans le régime d'imposition et de transfert, mais plutôt sur le marché du travail et dans les systèmes de services sociaux des provinces.
Mme Michelle Dockrill: J'ai une autre question.
Dans votre mémoire, vous abordez la question des parents et de leur transition de l'aide sociale au travail. Nous avons entendu dire aujourd'hui à plusieurs reprises qu'il faut soutenir les Canadiens dans les choix qu'ils ont faits. Bien que nous soyons d'accord avec les parents qui préfèrent rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants, il faut également reconnaître que d'autres Canadiens préféreraient pour leur part retourner à temps partiel sur le marché du travail, s'ils en avaient la possibilité.
L'évolution que l'on a pu constater ces dernières années, qui se traduit par une plus grande souplesse des congés de maternité et des congés parentaux, vous semble-t-elle à votre avis aider les femmes dans leurs choix ou leur nuire?
Certains des témoins nous ont bien affirmé qu'à la suite de la naissance de leur enfant, elles auraient préféré retourner sur le marché du travail à temps partiel pour pouvoir rester avec leur enfant plus longtemps à la maison. J'ai eu l'impression que pour toutes ces femmes, le système n'était pas suffisamment souple pour le leur permettre.
M. Sid Frankel: Commençons par regarder les hypothèses sur lesquelles se fonde votre question.
L'idée d'appuyer les Canadiens dans leurs choix tourne autour de leur revenu. Autrement dit, les parents qui vivent d'assistance sociale provinciale, et particulièrement les familles monoparentales, n'ont pas le choix de rester à la maison, sauf lorsque les enfants sont très jeunes. Les programmes d'aide obligent ces femmes à chercher du travail, et c'est pourquoi je dis que les choix que font ces femmes dépendent de leur revenu.
Si l'on élargit cette dimension et que l'on tient compte de toutes les femmes, de tous les hommes, et de tous les parents, qu'ils soient parents par adoption ou autrement, nous estimons que le gouvernement devrait leur donner accès—en les soutenant financièrement—à une plus grande gamme d'options. Les études démontrent de plus en plus que plus le lien affectif est fort entre le parent et l'enfant dans les premières années, plus cela rapporte à long terme. Il est donc de l'intérêt public de soutenir des arrangements familiaux souples à la naissance de l'enfant ou lors d'une adoption.
Mme Michelle Dockrill: Tout le monde parle des obstacles et reconnaît les iniquités du système, et accepte qu'on ne trouvera jamais la solution unique pour tous. Ne croyez-vous pas que notre sous-comité pourrait être le point de départ d'une vaste stratégie nationale de soins aux enfants?
M. Sid Frankel: Certainement, mais il est difficile de séparer le problème de la fiscalité du grand objectif de soins des enfants, puisqu'il y a différentes façons d'offrir des services aux familles canadiennes. J'ai l'impression que les grands sujets sur lesquels se penche votre comité s'inscrivent mieux dans un cadre politique ayant comme objectif les soins des enfants, les garderies et le développement de la petite enfance, avec le système d'imposition et les prestations fiscales comme moyen plutôt que comme fin en soi.
Mme Michelle Dockrill: Bien. Je vous remercie.
Le président: Merci, madame Dockrill.
Madame Redman, à vous.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir à une des remarques de Mme Dockrill, soit l'imposition de la prestation de bien-être par les provinces et le refus de deux d'entre elles de le faire. Le gouvernement fédéral permet aux provinces d'agir ainsi, sans toutefois exiger d'elles qu'elles le fassent, dans la mesure où les sommes perçues sont redirigées vers la même clientèle.
Je vois que vous êtes déjà au courant, puisque vous hochez la tête.
Revenons maintenant à ce qui pourrait être perçu comme un moyen pouvant inciter les prestataires à aller sur le marché du travail: à votre avis, est-ce efficace ou non? Si la prestation dissuade véritablement de se trouver un travail, du simple fait qu'en se trouvant du travail, ou n'y aurait plus droit, comment le gouvernement peut-il faire pour inciter les prestataires à retourner sur le marché du travail?
M. Sid Frankel: Regardons la situation sous un angle différent.
D'abord, je crois que l'on exagère beaucoup l'effet de dissuasion. Même si l'on envisage les effets de l'expérience tentée dans les années 60, 70 et même 80, avec le revenu annuel garanti dont les niveaux étaient très généreux, on constate que l'effet de dissuasion était relativement faible. La crainte d'un effet dissuasif chez les pauvres vivant d'aide sociale provient du fait que l'on croit à tort que les assistés sociaux sont des gens différents des autres. Voilà pourquoi j'affirme que l'effet de dissuasion est exagéré.
Je crois qu'il faut néanmoins aider les gens à passer de l'assistance sociale au monde du travail. Or, lorsque l'on s'arrête à la transition et au prétendu effet de dissuasion, il faut se rappeler que, d'après les chiffres, et peu importe l'année, 25 p. 100 au moins des assistés sociaux sont des assistés sociaux à long terme. Certains d'entre eux vivent d'aide sociale pendant très peu de temps. D'autres encore reviennent à l'aide sociale par cycle, selon les aléas d'un marché du travail marginal.
Il faut se demander comment on peut aider ces gens-là à rester plus longtemps sur le marché du travail, et il faut que les moyens choisis soient plus importants que les mesures de dissuasion: on songe par exemple à l'assurance-maladie et à l'assurance-médicaments que plusieurs provinces commencent à offrir; à l'accès aux garderies, que plusieurs provinces prétendent offrir, mais les subventions sont à si faibles que ce n'est pas le cas en réalité; à l'accès aux services d'orientation et de soutien social, etc. Tout démontre que ces mesures sont des investissements excellents à court terme qui permettent le maintien à plus long terme sur le marché du travail, et tout prouve que les résultats sont meilleurs qu'avec les programmes de travail obligatoire, qui, d'après ce que l'on a constaté, réussissent rarement à maintenir les gens à long terme sur le marché du travail.
Mme Karen Redman: Merci de cette précision.
Votre organisme s'est-il demandé quels autres moyens le gouvernement aurait à sa disposition, tel que de consacrer certains fonds de recyclage de l'assurance-emploi aux parents qui restent à domicile mais qui songent à réintégrer la population active? Ces subventions de perfectionnement pourraient aider le parent à domicile à faire la transition sur le marché du travail et à recommencer à contribuer au RPC, par exemple.
M. Sid Frankel: Non, nous ne nous sommes pas posés la question, mais nous le ferons désormais.
Mme Karen Redman: Bravo. Merci beaucoup.
M. Paul Szabo: À la page 6 de votre exposé, vous recommandez l'instauration d'une prestation fiscale pour enfants plus globale qui servirait à donner autant l'accès aux programmes de développement aux enfants de familles pauvres, modestes et de revenu moyen qu'aux enfants de familles plus aisées. Vous dites:
-
Le risque de diminution de la prestation fondée sur le revenu
familial devrait être rajusté à la baisse pour que la diminution
soit plus lente au fur et à mesure que le revenu augmente.
À mon avis, votre proposition semble vouloir permettre aux familles aisées de recevoir plus longtemps la prestation fiscale pour enfants, ce qui va justement à l'encontre du principe de base du programme de prestations fiscales pour enfants qui est censée servir de mesure antipauvreté.
M. Sid Frankel: Nous nous sommes sans doute très mal exprimés. En effet, il ne faudrait pas que la prestation soit étendue à tout le monde à ce point-là. En fait, nous nous sommes penchés sur la question et nous pouvons vous envoyer une proposition plus précise.
M. Paul Szabo: Dans la vraie vie, peu importe la grandeur de la tarte, plus la part de quelqu'un est grande, et moins il en reste pour les autres. Par conséquent, si l'on refuse de se fonder sur le revenu pour accorder la prestation, à trop vouloir être équitable envers tous, on risque de rater complètement son objectif social.
M. Sid Frankel: Nous ne vous demandons certainement pas de remodeler votre programme de prestations fiscales pour enfants de façon qu'il ne se base plus sur le revenu. Ce que nous demandons, c'est de modifier le critère du revenu de façon que la prestation soit maintenue plus longtemps, non pas aux échelons de revenu supérieur, mais plutôt aux échelons de revenu moyen.
M. Paul Szabo: Merci.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Monsieur Frankel, vous dites que la déduction pour frais de garde d'enfants devrait être maintenue pour toutes les familles, mais vous adhérez également au principe de l'universalité des déductions qui devraient être offertes à toutes les familles qui élèvent des enfants.
• 1515
J'ai du mal à vous suivre puisque vous avez déjà affirmé
également qu'il était injuste, à votre avis, d'imposer les familles
élevant des enfants au même taux d'imposition que les familles sans
enfants ayant un revenu analogue. À mon avis, la différence est
attribuable au fait que le premier groupe a droit à la déduction
pour frais de garde d'enfants, alors que le deuxième n'y a pas
droit. De plus, la différence est surtout attribuable à mon avis au
fait que notre système d'impôt progressif taxe les Canadiens en
fonction de leur revenu individuel plutôt qu'en fonction de leur
revenu familial. Comment faire pour résoudre ces objectifs
contradictoires et pour que vous soyez moins convaincus de
l'iniquité, réelle ou perçue, du système?
M. Sid Frankel: Je prends note de votre commentaire. J'imagine que nous nous sommes mal exprimés. Nous préférerions évidemment que l'on maintienne la progressivité du système fiscal dans son ensemble et qu'elle soit même intensifiée. Mais ce que nous demandons aussi, c'est qu'il y ait un petit élément d'universalité qui reconnaisse que l'éducation profite à la société.
Le président: Et cet élément devrait être disponible à tous...
M. Sid Frankel: Oui.
Le président: ... même si cela risque d'exacerber le problème?
M. Sid Frankel: Oui, même si cela risque d'exacerber l'iniquité de façon verticale.
Le président: Bien. D'accord.
Monsieur Forseth?
M. Paul Forseth: Une brève question. Vous dites que vous préféreriez que la progressivité du système d'impôt soit encore plus accentuée. J'imagine que, par le fait même, vous rejetez l'idée d'un impôt uniforme. Vous pourriez peut-être nous expliquer en vertu de quels principes vous rejetez l'idée d'un taux d'imposition uniforme.
M. Sid Frankel: Notre conseil est, d'une façon générale, d'accord avec le principe de la progressivité: autrement dit, que ceux qui gagnent plus payent plus.
M. Paul Forseth: C'est ce qu'accomplit également l'impôt uniforme.
M. Sid Frankel: C'est peut-être parce que je ne connais pas bien...
M. Paul Forseth: Si chaque contribuable paye 22 p. 100 de son revenu en impôts, il paiera beaucoup plus d'impôts s'il fait 1 million de dollars en revenu imposable.
M. Sid Frankel: Oui.
M. Paul Forseth: S'il gagne 1 million de dollars plutôt que 10 000 $, il paiera en impôts 22 p. 100 du million.
M. Sid Frankel: Oui. Pour moi, la progressivité se traduit par un taux d'imposition plus élevé pour ceux dont les revenus sont élevés.
M. Paul Forseth: C'est exact. Il existe trois taux, alors qu'il en existait cinq ou six, à une époque. Suggérez-vous que nous revenions à un plus grand nombre de taux d'imposition?
M. Sid Frankel: Oui.
M. Paul Forseth: Brièvement, pouvez-vous m'expliquer pourquoi?
M. Sid Frankel: Nous affirmons, d'une façon générale, que l'équilibrage des budgets s'est fait sur le dos des gagne-petit et qu'il s'est fait sans discernement. Il est temps de renverser la vapeur et de cesser de sabrer dans les programmes destinés aux pauvres pour aller plutôt chercher plus d'impôts dans la poche des riches.
M. Paul Forseth: Que les riches paient!
M. Sid Frankel: En effet.
M. Paul Forseth: Je vois. Merci.
Le président: Merci, monsieur Forseth.
Nous avons débordé de cinq minutes, mais je vous laisserai poser votre question.
Madame Redman.
Mme Karen Redman: Notre gouvernement a consenti 16,5 milliards de dollars en allégement fiscaux, sans que cela se fasse sur le dos des pauvres, je tiens à le préciser.
Le président: Comme j'ai pour politique de laisser le mot de la fin aux témoins, vous pouvez répliquer.
M. Sid Frankel: Ce ne sont pas les allégements fiscaux qui ont nui aux pauvres, mais plutôt les compressions dans les transferts.
Le président: Bien. Merci à messieurs Frankel et DeJaegher d'avoir pris le temps de nous faire part de leur point de vue cet après-midi.
Merci, et bon retour chez vous.
Nous accueillons maintenant cet après-midi M. Mark Genuis, directeur exécutif de la Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille.
Monsieur Genuis, bienvenue.
[Français]
M. Mark Genuis (directeur exécutif, Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille): Merci, monsieur le président. Bonjour et bienvenue à Calgary. Je suis heureux de faire une présentation au nom de la Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille.
[Traduction]
Laissez-moi vous dire d'abord que je ferai tout mon possible pour m'en tenir aux 10 minutes. Puis, je répondrai avec plaisir aux questions que vous pourrez avoir.
Le président: Si vous pensez devoir déborder, je...
M. Mark Genuis: Vous n'aurez pas à me le dire deux fois.
Laissez-moi, d'entrée de jeu, vous féliciter tous d'être venus jusqu'ici d'avoir entrepris cette étude. Depuis sa création en novembre 1994, la Fondation nationale de recherches et l'éducation de la famille a toujours considéré ce sujet comme crucial pour la stabilité, la santé et la productivité de notre nation. Nous nous réjouissons de voir le gouvernement demander à votre comité de se saisir de cette question. Nous vous félicitons d'avoir relevé le défi et vous exhortons à continuer dans le même sens, puisque le débat actuel fera beaucoup pour permettre à notre pays de se développer avec sécurité, stabilité, productivité et santé. C'est avec cet objectif en vue que je me permets de vous faire part de ce qui suit.
Soit dit en passant, je ne vous ai rien envoyé par écrit, puisque nous avons convenu de vous envoyer d'ici quelques semaines un mémoire écrit. C'est qu'actuellement, nous avons plusieurs batailles à mener de front et nous sommes peu nombreux. Veuillez nous en excuser.
Le président: Je vous demanderais de nous faire parvenir votre mémoire d'ici une ou deux semaines, étant donné que nous devons faire rapport au Parlement la première semaine de juin. Si nous pouvions le recevoir...
M. Mark Genuis: Vous le recevrez sous peu.
Le président: ...d'ici la fin mai, nous vous en serions reconnaissants.
M. Mark Genuis: Votre comité a pour mandat de déterminer si le régime canadien d'imposition et de transfert traite de façon équitable les familles canadiennes ayant des configurations différentes mais qui ont toutes des enfants à charge.
Si l'on comprend bien l'objectif du comité, l'équité fiscale présume que les parents ne doivent être ni privilégiés ni pénalisés par la structure fiscale, peu importe la façon dont ils choisiront de faire garder leurs enfants.
Deux observations. En novembre 1997, le groupe d'étude spécial sur la valorisation des dispensateurs de soins cite le Forum national sur la santé dans le document qu'il a présenté au Comité de la politique sociale du caucus libéral national et intitulé «Investir dans les enfants et valoriser les dispensateurs de soins». À la page 7 du document, on cite ce qui suit:
-
Le Forum national sur la santé signale que le Canada est le seul
pays occidental industrialisé qui ne tienne pas compte de ce qu'il
en coûte d'élever les enfants lorsqu'il établit le taux
d'imposition des familles avec enfants par rapport au taux
d'imposition des familles sans enfants.
De plus, dans ce rapport préliminaire, le comité établissait qu'il y avait une iniquité et une discrimination considérables—je crois bien que l'on a parlé de «discrimination»—à l'égard des familles dont l'un des parents reste à plein temps au foyer, et le comité recommandait des changements.
En 1998, un comité permanent qui se penchait sur les problèmes des enfants signalés par le ministère de la Santé—et dont certains des membres se trouvent ici aujourd'hui—recommandait également l'équité fiscale pour les familles, peu importe la façon dont elles faisaient garder leurs enfants.
Chaque fois que notre fondation a comparu devant divers comités, elle a recommandé l'équité fiscale, dans le but d'offrir le choix le plus grand possible aux parents, sans nécessairement les orienter dans un sens ou dans l'autre, puisque nous vivons dans un pays démocratique. Voilà pourquoi nous souscrivons au mandat du comité et nous disons qu'il ne faut ni privilégier ni pénaliser les familles en fonction du choix de garde qu'elles font pour leurs enfants.
Que l'on sache, les Canadiens sont actuellement imposés à titre individuel. Même si cela peut sembler être le système le plus approprié à première vue, il reste que même si des individus deviennent des familles et partagent leurs ressources, l'État continue à les taxer à titre individuel.
Le développement de l'unité familiale implique des changements dans le style de vie qui, si merveilleux soit-il, sont considérables. Notons parmi eux le sacrifice financier personnel visant à soutenir le développement positif de l'unité familiale et le développement des autres individus appartenant à l'unité. Taxer le revenu parental comme s'il s'agissait toujours de revenus individuels impose un fardeau considérable à l'unité familiale, fardeau qui dépend des choix et des sacrifices consentis par les parents en vue du développement satisfaisant de leurs enfants à charge.
De nombreux groupes de réflexion ont abondamment prouvé que la famille à revenu unique ayant un revenu équivalent à une famille à deux revenus de structure équivalente paie des impôts beaucoup plus élevés. Le traitement inéquitable de familles de ce genre montre clairement que les familles sont pénalisées par la structure fiscale actuelle. Et cela—non pas, j'en ai la certitude, parce qu'il y a la moindre intention—constitue par défaut une expression sociale importante—et encore là, ce n'est pas un effort conscient, et je ne veux pas employer le mot «programme»—d'un encouragement, si vous voulez, ou de la promotion d'un mode de vie particulier. Encore là, je ne veux pas dire que c'est motivé, mais que c'est inhérent au système que nous avons maintenant.
• 1525
Il est tout aussi important de faire remarquer que dans de
nombreux sondages, environ les trois quarts des familles
canadiennes à deux revenus affirment que si elles avaient davantage
le choix, elles n'auraient pas deux revenus. Je pense que cela en
dit très long au sujet de l'état d'âme des familles canadiennes.
Elles disent, vous savez, nous ne vivons pas exactement notre vie
de la manière qui convient le mieux à notre famille, la manière que
nous préférerions si nous avions davantage le choix.
L'autre fait, c'est que deux tiers des familles canadiennes affirment d'un sondage à l'autre qu'elles n'ont pas les moyens de structurer leur vie familiale de la manière qui convient le mieux à leurs enfants. Par exemple, beaucoup de familles ont dit que leur plus grande source de tension est le fait qu'elles ne peuvent pas passer suffisamment de temps avec leurs enfants, même pour jouer leur rôle parental de base de la manière qu'elles jugent la plus importante.
Ces familles ont donc pris position de manière très ferme. Même si votre comité étudie non pas le bien-être de l'enfant mais la justice fiscale, nous croyons que dans le concept de la justice fiscale, il y a le désir de faire deux choses. Premièrement, permettre au maximum aux familles de déterminer elles-mêmes un mode de vie qui correspond à leurs moyens et, deuxièmement, réduire au minimum le degré d'intervention du secteur public dans ces choix.
En conséquence, l'enjeu ici est l'égalité, la liberté, le choix et le respect pour la capacité qu'ont les parents canadiens de choisir un mode de vie qui répond le mieux aux besoins de leurs propres familles, si l'on veut assurer le développement sain, productif et unifié de l'unité la plus vitale de la société canadienne.
On fait souvent valoir que la déduction pour les dépenses relatives aux enfants est à l'origine de la discrimination à l'égard des familles à revenu unique, et même si cette déduction contribue pour beaucoup à creuser le traitement différentiel entre les divers modes de vie familiaux, ce n'est pas le seul élément de la structure fiscale qui mérite l'examen de votre comité.
Même si les parents à deux revenus doivent payer pour les services de garde, de leurs enfants pendant qu'ils travaillent, la famille à revenu unique fait aussi des dépenses considérables pour assurer la garde des enfants. On a des exemples des dépenses des conjoints qui restent à la maison... et qui renoncent à l'avancement professionnel, qui renoncent à de vrais salaires, à des avantages sociaux complets, à des pensions—tout cela parce qu'ils se mettent au service de leur famille et de la société. Ne vous y trompez pas. La recherche démontre abondamment que les parents à plein temps fournissent un service important et essentiel sur lequel nous comptons tous et dont nous profitons tous. Il convient donc que l'on valorise ce rôle et que l'on respecte le travail et les efforts considérables que ces gens font.
En plus, il convient de répéter que la vaste majorité des familles à deux revenus préféreraient être des familles à un seul revenu, et elles ont indiqué clairement dans leur recommandation que la fiscalité décourage cette option dans leur vie.
Il y a quelques autres considérations ou aspects auxquels votre comité pourrait réfléchir. Il y a d'autres idées que l'on pourrait explorer pour supprimer la discrimination et optimiser les possibilités qu'ont les familles de s'occuper de leurs enfants de la manière qu'elles jugent mieux leur convenir. Par exemple, on a parlé avant les dernières élections d'imposer la famille comme unité plutôt que les personnes. Je crois savoir qu'il y a—je n'ai pas de statistiques précises aujourd'hui, et je vous en demande pardon—un précédent quelconque où l'on envisageait de donner aux familles l'option d'être imposées à titre individuel ou comme unité familiale.
Vous êtes aujourd'hui dans une province—l'Alberta—qui a proposé l'instauration de l'impôt uniforme d'ici quelques années. Le gouvernement a estimé entre autres que même si les familles et les particuliers dans la province paieraient ainsi des impôts moins élevés, il toucherait des recettes beaucoup plus importantes, ou il y aurait à tout le moins une stabilisation des recettes pour le gouvernement provincial de ce côté. J'avance que c'est une mesure qu'il faudrait à tout le moins étudier sérieusement.
En outre, on parle beaucoup de l'exode des cerveaux, et on en entend parler partout. On entend parler de productivité et de tout le reste. Cela nous touche particulièrement ici, certaines grandes entreprises envisageant de déménager aux États-Unis. Un impôt uniforme pourrait accroître l'avantage compétitif du Canada dans la mesure où cela assurerait la stabilité du pays.
Troisième idée, envisager la possibilité de réindexer l'exemption personnelle de base ainsi que l'exemption pour conjoint, en la haussant aux taux actuels, ce qui donnerait environ 11 300 $ par personne, et l'on réindexerait à partir de là—et ce ne serait pas une indexation partielle—de telle sorte que la déduction à tout le moins suivrait l'inflation, et l'on n'aurait pas des choses comme le non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation, qui nuit à tant de familles à faible revenu. Ce sont ces gens-là qui en souffrent. Un impôt uniforme, à mon avis, est une mesure de soutien aux familles à faible revenu parce que ces familles finissent par payer beaucoup moins d'impôt et ont beaucoup plus d'argent dans leurs poches.
• 1530
Je vous remercie de m'avoir écouté. Tels sont les arguments
que je voulais faire valoir auprès du comité aujourd'hui, et je
serai heureux de répondre aux questions du comité.
Le président: Merci beaucoup.
Ce sera un tour de cinq minutes.
M. Paul Forseth: Merci beaucoup. C'est intéressant. Un certain nombre de vos publications ou des sondages que vous avez produits pour vous-même ou synthétisés pour d'autres ont été cités par plusieurs autres groupes qui ont témoigné devant notre comité. Je tenais seulement à vous dire que l'on semble valoriser votre travail et qu'il est cité par d'autres.
M. Mark Genuis: Merci.
M. Paul Forseth: Dans vos sondages, vous parlez de cette opinion répandue chez les Canadiens qui idéalisent la vie familiale ou qui aimeraient la vivre d'une certaine façon, ce qui ne se traduit pas dans le formulaire de déclaration de revenus que j'ai rempli le mois dernier. Je crois comprendre que ce désir de vivre la vie différemment a beaucoup à voir avec l'économie. Les gens disent: eh bien, si nous avions plus d'argent, nous vivrions différemment. J'imagine que si j'avais moi-même beaucoup plus d'argent, je vivrais différemment. Je ne vivrais pas dans un immeuble de 15 étages; je ferais autres choses.
Il y a donc la réalité d'un mode de vie qui est fonction de l'argent que l'on a, mais c'est aussi en partie, j'imagine, un blâme qui est adressé au gouvernement; on dit que le gouvernement prend trop de notre argent et intervient donc parfois dans certains choix sociaux que nous faisons. À cet égard, on reconnaît certains agents où le gouvernement intervient dans la façon dont un parent s'occupe de ses enfants.
Dans une certaine mesure, on accorde une certaine aide économique aux parents qui achètent des services de garde. Comment peut-on accorder la même aide aux parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants? C'est l'envers de la médaille. Rien que sur ce point, sans tenir compte des autres injustices qu'il y a dans le formulaire de déclaration d'impôt de revenus, comment pouvons-nous accorder une certaine aide économique...? Il ne s'agit peut-être pas de faire droit entièrement à ce choix parental, qui semble confirmé par vos sondages, et qui traduirait un vif désir chez la majorité des Canadiens. Comment allons-nous contourner les problèmes techniques, sur une base comparative, pour ces parents qui choisissent de garder eux-mêmes leurs enfants au lieu de faire appel à des services de garde?
M. Mark Genuis: J'aimerais parler de deux choses qui découlent de votre question. Je vous remercie de l'avoir posée. Je suis flatté et honoré de voir que d'autres organisations se servent des informations que la FNREF recueille depuis plusieurs années. Mais je vous dirai qu'il y a là à mon avis deux problèmes distincts. Voilà pourquoi je crois que votre comité a eu raison d'énoncer sa mission et son mandat comme il l'a fait. Il y a la question de la garde parentale par opposition aux services de garde, et c'est une question sociale ainsi qu'un choix parental et tout le reste. On a fait beaucoup de recherche sur cette question, et c'en est une en soi.
Cependant, la question de l'impôt est à mon avis une question distincte. Nous vivons dans une société libre et démocratique, et nous ne croyons pas qu'il convienne de dire aux gens comment vivre leur vie. Chose certaine, notre institut de recherche a pour responsabilité de partager ses informations, mais lorsqu'il s'agit d'énoncer des options fiscales, je pense qu'il est important de donner le maximum de choix aux gens de telle sorte qu'ils puissent faire les choix qui correspondent le mieux au bien-être de leur famille.
Comment allons-nous y parvenir? Il y a quelques solutions. On peut faire de la déduction pour frais de garde d'enfants un crédit d'impôt et l'offrir à toutes les familles. IL en résulterait deux ou trois choses. À l'heure actuelle, avec la façon dont la déduction pour frais de garde d'enfants est structurée, ce sont les personnes à revenu élevé qui peuvent faire des économies et déduire plus d'argent avec cette déduction que les personnes à plus faible revenu. Si vous en faites un crédit d'impôt et si vous augmentez peut-être le montant, toutes les familles seront admissibles, qu'il s'agisse de familles qui ont des revenus ou non, des revenus élevés ou faibles. On donne ainsi plus de souplesse aux familles. Tout le monde est admissible; tout le monde peut le réclamer. On égalise ainsi le système et l'on supprime toute discrimination.
L'autre possibilité, à mon avis, a trait à deux choses dont j'ai parlé. L'une des deux, c'est le formulaire unique de déclaration des revenus pour la famille, si l'on préfère cette option. La seconde, c'est la réindexation de l'exemption personnelle de base et de l'exemption pour conjoint. Cette façon de procéder est efficace parce que la réindexation et le fait d'autoriser une déduction pour le conjoint unissent essentiellement le conjoint qui a un revenu et celui qui n'en a pas, soit le parent qui s'occupe des enfants à la maison, en une seule unité. Ce serait une manière très équitable de supprimer la discrimination.
• 1535
On pourrait aussi permettre à la famille de dire: écoutez, si
nous sommes une famille à un seul revenu, nous allons remplir un
formulaire d'impôt conjoint. Cela va abaisser nos impôts. Cela va
maximiser le montant d'argent qui finira dans nos poches, de telle
sorte que nous pourrons faire des choix et profiter le plus
possible des choix qui correspondent à nos propres moyens, à ce que
nous gagnons.
La famille à deux revenus pourrait décider de faire cela ou non. Elle pourrait décider de remplir deux formulaires et de profiter le plus de ce qu'elle a. D'une manière, on lui offre aussi un choix. D'après ce que nous savons, le gouvernement ne perdrait pas trop de recettes... et les familles profiteraient au maximum des moyens et des choix que leur offrirait l'option qui convient le mieux à leur situation particulière.
M. Paul Forseth: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Forseth.
[Français]
Monsieur Cardin, je vous accorde cinq minutes.
M. Serge Cardin: Bonjour, monsieur. Vous avez dit que le système fiscal ne tenait pas compte du coût réel que les parents assument lorsqu'ils élèvent leurs enfants. D'après vous ou votre organisme, quel mécanisme permettrait à notre système fiscal de tenir compte de ce coût réel? À toutes fins pratiques, c'est de cette façon que nous pourrions réussir à établir une certaine équité. Ces coûts réels pourraient englober les frais de garde d'enfants, qu'un parent reste à la maison ou non. Nous proposeriez-vous d'avoir recours à une déduction ou un crédit?
M. Mark Genuis: Je vous remercie de votre question. Je m'excuse, mais je ne maîtrise malheureusement pas tout à fait assez bien le français pour pouvoir répondre à votre question dans cette langue. Je fais des efforts pour l'apprendre et la prochaine fois que je comparaîtrai devant vous, je devrais être en mesure de le faire.
M. Serge Cardin: Moi aussi, la prochaine fois, je serai mieux en mesure de vous comprendre lorsque vous parlerez en anglais.
[Traduction]
M. Mark Genuis: Je comprends la difficulté qu'il y a de choisir parce qu'encore là, l'enjeu est très clair. Comment atténuer la discrimination et tenir compte des deux aspects de l'équation? Premièrement, je ne crois pas que l'on saura un jour reconnaître pleinement la contribution qu'un parent apporte à la société. Nous en profitons tous à tant d'égards. La famille qui a un enfant à risque, qui consacre du temps et des ressources pour sortir cet enfant du risque, permet à la société de réaliser une économie colossale, sur le plan des impôts, en cotisant à l'impôt sur le revenu, et avec les divers coûts, en retirant l'enfant d'un système qu'il épuiserait. Je ne crois pas qu'il nous soit possible de reconnaître pleinement l'énorme contribution formidable du parent.
Deuxièmement, il est important de reconnaître que les parents veulent en faire davantage à cet égard, et non moins. Les parents nous disent tous: laissez-nous nous mêler davantage de la vie de nos enfants; c'est ce que nous voulons faire.
Donc, quand on dit qu'on ne pourra jamais remettre pleinement cette contribution, moi je recommanderais d'y regarder à nouveau... Le gouvernement du Canada a réduit les impôts à quelques reprises; cependant, avec le changement involontaire de tranche d'imposition, nous avons vu que ce sont surtout les personnes à faible revenu, à mon avis, qui ne profitent pas de ces réductions d'impôt. Voilà pourquoi j'en reviens toujours à l'idée de la réindexation. C'est très important, surtout au niveau de l'exemption personnelle de base, parce que cela donne aux gens qui sont au bas de l'échelle le soutien dont ils ont besoin, franchement, et ainsi ils paient moins d'impôt et ont davantage d'options pour mieux vivre à l'intérieur de leurs moyens.
Le second élément, c'est que nous semblons avoir une classe moyenne de plus en plus tendue, et c'est pourquoi je recommanderais que l'on permette ou bien aux gens de combiner leurs revenus pour qu'ils puissent optimiser ce qu'ils ont... Ainsi, encore une fois, une famille ayant recours à des services de garde externes peut optimiser son avantage fiscal. La famille dont l'un des parents reste à la maison à plein temps peut aussi tirer le plus grand profit de sa situation.
• 1540
Donc, encore une fois, on cesserait d'encourager un mode de
vie par rapport à un autre, et l'on dirait: écoutez, c'est vous les
parents, vous devez avoir des options, vous devez faire des
sacrifices pour le bien de notre société. Nous respectons cela,
nous valorisons cela, et c'est à notre avis la meilleure façon de
vous donner cette option et de vous accorder ce respect. Ce n'est
qu'une recommandation parmi d'autres.
L'autre possibilité consiste à uniformiser la fiscalité. L'uniformisation de la fiscalité devrait être accompagnée d'une augmentation de l'exemption personnelle de base. Il est important de le dire. La fiscalité, d'après ce que j'en sais, ne peut pas fonctionner si l'on continue d'imposer les personnes à faible revenu, parce que cela leur nuit. Si vous augmentez l'exemption personnelle de base, si vous uniformisez l'exemption pour conjoint, cela peut marcher très bien. On en profitera ainsi au maximum.
Telles sont les quelques recommandations précises que j'ai à vous faire. D'après les recherches que nous avons faites et d'après celles que nous avons vues, ce sont les meilleures possibilités. Je vous mets en garde contre l'idée de remboursements aux familles parce que cela devient beaucoup trop complexe. Rien que d'après les recherches que nous avons faites et les sondages que nous avons effectués, nous avons compris que les familles tiennent beaucoup plus à ce que l'argent reste entre leurs mains au lieu de payer des impôts et d'en ravoir une partie après toutes les formalités administratives. Je vous communique aujourd'hui des informations dont nous sommes sûrs.
[Français]
Le président: Une dernière question.
M. Serge Cardin: Vous disiez que les familles préféreraient garder leur argent. Cela peut valoir pour les familles qui ont versé des impôts plus élevés au cours de l'année, mais nous devons aussi tenir compte des familles à faible revenu qui paient peu d'impôt et qui devraient pouvoir bénéficier d'une quelconque prestation.
[Traduction]
M. Mark Genuis: Oui, bien sûr... et si l'on veut parler expressément des familles à faible revenu, permettez-moi de vous donner un exemple. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement de l'Alberta, où se trouve notre siège social. Il y a quelques années, le gouvernement albertain a créé le crédit d'impôt familial à l'emploi dont profitent expressément les familles à faible revenu, et le gouvernement a eu la gentillesse de nous citer dans son document budgétaire.
Le gouvernement a dit que c'était un crédit d'impôt remboursable pour chaque enfant, si bien que si vous ne payez pas d'impôt, vous allez recevoir un chèque pour ce montant par enfant. Cela permettait aux familles à faible revenu qui payaient un peu d'impôt de faire cette économie. Les familles avec enfants qui ne payaient pas d'impôt recevaient en fait un chèque du gouvernement. C'est un système très simple.
Je maintiens pour ma part que ce n'était pas assez, mais c'était au moins un pas dans la bonne direction dans la mesure où l'on essayait d'offrir certains choix aux familles, surtout les moins nanties. Donc, oui, je suis d'accord avec vous.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Cardin.
Madame Dockrill, s'il vous plaît.
[Traduction]
Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.
Vous avez parlé de la déduction pour frais de garde d'enfants. Je me demandais si vous n'étiez pas tenté de répondre à ce que certains témoins nous ont dit et à certains témoins à qui nous avons parlé dans ma région du pays et qui ont dit qu'étant donné l'augmentation des «McJobs» à temps partiel, comme nous les appellerons, et la diminution du nombre d'emplois à temps plein bien rémunérés, ils jugent qu'ils n'ont pas le choix, et que les deux parents doivent travailler pour s'occuper comme il faut de leurs enfants. Voilà donc pourquoi ils jugent que cette déduction pour frais de garde d'enfants est une dépense relative à l'emploi. Je me demandais si vous vouliez répondre à cela.
M. Mark Genuis: En ma qualité de directeur de la fondation, j'ai entre autres pour fonction d'animer une émission de radio hebdomadaire qui est diffusée partout en Alberta et sur l'Internet, et c'est pour moi une joie et un honneur que de faire cela.
Le Dr Hedy Fry est venu à l'émission il y a environ un mois et demi de cela, et elle a dit à deux reprises qu'il y a un grand nombre de familles au Canada qui sont contraintes d'avoir deux revenus. Donc je suis tout à fait d'accord.
La déduction pour frais de garde d'enfants dans ce sens... oui, mais encore là, c'est la raison pour laquelle je ne cesse de répéter qu'il faut donner à ces personnes l'option de faire ce qui correspond le mieux à leurs besoins.
Il y a cependant deux autres choses ici. La façon dont la déduction pour garde d'enfants est aujourd'hui structurée n'aide pas beaucoup les personnes à faible revenu. Cette mesure aide beaucoup plus les personnes à revenu élevé. Je ne suis donc pas sûr que ce soit tout à fait équitable, particulièrement pour le genre de personnes dont vous parlez. S'il y avait moyen de restructurer cela... par exemple, s'il y a deux McJobs dans la famille, cette famille ne paiera probablement pas d'impôt si l'on réindexe l'exemption personnelle de base et l'exemption pour conjoint. L'impôt sur le revenu disparaîtrait.
Nous sommes d'accord sur l'objectif ici. En adoptant une telle mesure, on ferait peut-être preuve d'imagination et ce serait une façon peut-être simple d'aider ces gens très directement, dès aujourd'hui, au lieu de passer par des déductions compliquées. On aide des gens qu'on ne veut pas aider. Ce qui ne veut pas dire que les personnes à revenu élevé ne méritent pas d'aide ou quoi que ce soit de ce genre, mais les gens qui en ont vraiment besoin ne profitent pas vraiment des mesures dont ils pourraient tirer le plus grand parti.
Mme Michelle Dockrill: Seriez-vous d'accord pour dire que pour ces familles-là, les services de garde constituent en fait une dépense relative à l'emploi parce qu'elles n'ont pas d'autre choix?
M. Mark Genuis: Pour les parents qui n'ont pas le choix, oui, je serai d'accord pour dire cela, mais je pense qu'il nous appartient de nous demander s'il y a quelque chose à faire pour aider les familles à vivre à l'intérieur de leurs moyens et à faire un choix. J'encouragerais donc le comité à passer à la prochaine étape et à examiner diverses solutions pour voir s'il n'y a pas moyen d'offrir certains choix à ces familles. C'est une question qui mérite fort d'être étudiée.
Mme Michelle Dockrill: Voyez-vous une différence entre la déduction pour frais de garde d'enfants et le fait qu'un mécanicien, comme quelqu'un l'a dit ici l'autre jour, peut déduire le coût total des outils qu'il doit utiliser dans son travail?
M. Mark Genuis: Si c'est comme ça que vous considérez les choses, je dirais que c'est la même chose pour la famille qui renonce à un salaire complet, à des avantages sociaux et au RPC pour s'occuper de son enfant. Si l'enfant est un actif, alors l'enfant est un actif, pas seulement si l'enfant est un actif extérieur. Il y a beaucoup de familles qui ont une McJob. Elles vivent dans un petit village parce qu'elles refusent absolument de vivre autrement. Je dirais donc que l'enfant est un actif au sens le plus absolu du terme. Il faut reconnaître à chacun le droit de résoudre cette équation.
Mme Michelle Dockrill: Le fait est que le mécanicien ne peut pas faire son travail sans ses outils. Il y a des familles dans notre pays qui sont contraintes d'entrer sur le marché du travail et qui ne peuvent pas laisser leurs enfants à la maison. C'est un aspect essentiel pour elles si elles veulent entrer sur le marché du travail.
M. Mark Genuis: Le conjoint qui reste à la maison avec son enfant ne peut pas faire cela sans renoncer à un revenu important, à une pension et à des avantages sociaux. Donc même si je suis d'accord avec vous, j'insiste toujours pour que vous passiez à la prochaine étape pour définir comment on pourrait offrir ces choix.
Mme Michelle Dockrill: Si je vous comprends bien, vous dites que d'un côté, on a le choix, et que de l'autre côté, on n'a pas le choix.
M. Mark Genuis: C'est exact. Et là où il n'y a pas de choix, j'espère qu'on en aura un. Là où on n'a pas le choix, comme je l'ai dit, il faut donner le maximum de possibilités aux gens.
Mme Michelle Dockrill: D'accord. Très bien. Merci.
Le président: Merci, madame Dockrill.
Monsieur Herron, s'il vous plaît.
M. John Herron: Je veux seulement revenir à la déduction pour frais de garde d'enfants. Si j'en crois les propos que nous avons entendus jusqu'à présent, cette mesure semble en irriter certains. On donne un crédit ou un avantage à un groupe de familles et l'on ne donne rien à la famille à revenu unique. Iriez-vous jusqu'à dire que c'est une initiative nettement discriminatoire, et qu'il faut passer à une mesure plus universelle à cet égard?
M. Mark Genuis: Je dirais que c'est effectivement discriminatoire pour deux raisons. D'abord ça l'est, bien sûr, à l'égard des familles qui décident de sacrifier une partie importante d'un revenu essentiel, etc., comme je l'ai déjà expliqué. Deuxièmement, c'est également discriminatoire à l'égard des travailleurs les plus pauvres, puisque ce sont les riches qui profitent le plus de cette déduction.
M. John Herron: C'est exactement ce que je voulais dire. Cela profite le plus aux personnes des tranches supérieures de revenu.
M. Mark Genuis: Je n'ai rien contre le fait que les gens gagnent beaucoup d'argent, mais pour ceux précisément qui en auraient le plus besoin il faudrait prévoir une déduction au moins égale.
M. John Herron: Lorsque l'on parle de partage de revenu ou de déclaration de revenus conjointe, quel que soit le terme utilisé, certains s'élèvent contre l'idée, parce qu'ils pensent que ce serait introduire une certaine mesure de régressivité. Cela profiterait encore plutôt aux tranches moyennes et supérieures de revenu.
On a expliqué au comité que dans certaines circonstances, les professions libérales—dentistes, médecins et comptables à leur compte—inscrivent parfois leur conjoint sur la liste de leurs employés. Voilà donc des gens qui sont parmi les privilégiés et qui ainsi peuvent profiter de ce système de répartition du revenu. Là encore, les familles des tranches moyennes de revenu n'y ont pas droit.
Diriez-vous alors que notre gouvernement, en n'autorisant pas le partage du revenu, force dans le sens de la discrimination, et de la régressivité?
M. Mark Genuis: Ne pas permettre le partage du revenu est effectivement plus régressif. Il faudrait comprendre que, tout bien pesé et considérée, c'est une des quelques options que nous avons à notre disposition et dont j'ai parlé. Je crois qu'il serait effectivement important que le gouvernement s'engage dans cette direction.
• 1550
Mais pour être bien sûr que je vous comprends, à propos de ces
personnes des tranches supérieures de revenu qui font inscrire leur
conjoint sur la liste de leurs salariés, ou qui le paient
effectivement pour un certain travail, dans le cas des professions
libérales, on suppose qu'effectivement le conjoint joue un rôle
dans l'entreprise, pour lequel un salaire est versé. Effectivement
au bout du compte cela fonctionne tout à fait comme le partage du
revenu. Pour les familles des tranches inférieures de revenu—mais
cela concerne également les tranches supérieures de revenu—et où
il s'agit de salariés, qui n'ont pas leur propre entreprise,
fictive ou autre, ce genre de solution n'existe pas. Elles n'ont
donc pas les mêmes possibilités que ces gens des professions
libérales.
Si c'est cela que vous voulez me dire, je suis d'accord avec vous, nous devons étudier cette question... Voilà pourquoi je recommande que l'on examine sérieusement la possibilité de la déclaration de revenus conjointe. Je pense qu'il est important que nous y réfléchissions, en même temps qu'à la recommandation que j'ai faite. Voilà donc des défis de taille qui s'annoncent. Je pense qu'il est important de se diriger dans cette direction. Beaucoup de gens dans ce pays ne sont pas libres de s'organiser comme ils le désirent, et se reprochent de ne pas donner à leurs enfants ce que ceux-ci mériteraient. Et il y a tous ces problèmes... nous avons ainsi le troisième taux de suicide des préadolescents du monde industrialisé. Tout cela n'est pas absolument évitable, mais ça l'est en partie.
Il y a eu également une augmentation de la criminalité juvénile violente depuis 10 ans, un progression qui est le double de ce qu'elle est aux États-Unis. Une partie de tout cela serait évitable, et précisément grâce à une politique de la famille adaptée. Les familles le savent. Tout ce que nous pourrons faire qui permettra de jouer de toutes ces options que nous avons énumérées, revêt une importance cruciale.
M. John Herron: J'aurais une dernière observation à faire, si vous permettez. Un des arguments que l'on invoque contre le partage du revenu est le fait que cela n'aide pas ceux qui sont au bas de l'échelle des revenus, puisqu'ils bénéficient déjà du taux d'imposition le plus bas.
Je vous félicite sur ce que vous avez dit du relèvement de l'exemption personnelle de base. Si nous décidons de fixer le seuil de pauvreté à 21 000 $, que l'on puisse imposer quelqu'un qui gagne 14 000 $, de moins que ce seuil de pauvreté me paraît jeter une lumière particulièrement défavorable sur ce que notre société représente; tout cela pose le problème de l'exemption personnelle de base.
M. Mark Genuis: Je comprends ce que vous dites. Je suis même d'accord. Nous avons soumis un mémoire à un comité fédéral-provincial du développement social, à l'époque où l'honorable Stockwell Day présidait le comité, il y a de ça quelques années, et c'était exactement notre thèse.
On nous avait demandé de recommander une définition de la pauvreté au Canada, compte tenu de la situation canadienne. Nous avions répondu que nous en avions une; et qu'elle s'appelle Loi de l'impôt sur le revenu. Nous avons un système progressif, et la première démarcation est probablement celle qui définit le seuil de pauvreté familiale. Toute famille dont le revenu est inférieur à cela ne devrait payer pour ainsi dire aucun impôt. Je suis donc d'accord avec vous.
M. John Herron: Merci.
Le président: Merci, monsieur Herron.
Madame Redman, je vous en prie.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Je suis tout à fait émerveillée par l'énergie que vous avez mise dans votre exposé. À partir de cette heure-ci de la journée, on commence facilement à se sentir à plat, et il est vrai que nous avons eu également beaucoup d'interventions tout à fait stimulantes.
Je n'ai pas votre mémoire sous les yeux, j'ai donc jeté ici quelques questions que j'aimerais vous poser pour plus de précisions.
Vous avez parlé de la déduction pour frais de garde d'enfants, en expliquant que cela avait des répercussions très concrètes sur la façon dont les couples s'organisent. Je me demande vraiment... Ce que vous voulez nous dire c'est que les parents qui choisissent de travailler tous les deux, ou au contraire de faire rester un des deux à la maison, ce qui de toute évidence exclut le cas de la famille monoparentale...
M. Mark Genuis: Oui.
Mme Karen Redman: ...prennent leur décision à partir de critères surtout économiques. Est-ce bien ce que vous nous dites?
M. Mark Genuis: Étant donné le taux d'imposition des Canadiens, au niveau provincial, fédéral, etc., l'argument économique commence effectivement a avoir du poids. Ce n'est pas cette seule déduction qui pèse dans la balance, c'est l'ensemble du revenu disponible. Il y a une dizaine de jours, un couple m'a expliqué qu'ils cherchaient tout simplement à gagner un peu plus d'argent pour pouvoir faire face. Ces familles, au jour le jour, ne réfléchissent pas à ce que l'impôt leur enlève. Pourtant, ils nous disent que si cela changeait un tout petit peu, ça pourrait les aider à faire d'autre choix.
Oui, je pense que l'argument économique est devenu un facteur important de ce choix.
Mme Karen Redman: Nous avons entendu un exposé très intéressant, celui de M. Shillington, qui nous a parlé de la répartition entre les parents qui restent à la maison et ceux qui travaillent, une répartition un tiers, un tiers, un tiers. À savoir ceux qui travaillent à temps plein, à temps partiel, et ceux qui restent à la maison à temps plein. Tout cela sans rapport avec le revenu. Tout ça m'a paru être une illustration intéressante du problème, car l'on a tendance à penser que ce sont les personnes des tranches inférieures ou moyennes de revenu, alors que ses chiffres statistique indiquaient très clairement que cela n'avait absolument aucun rapport avec la tranche considérée, qui joue pourtant son rôle lorsque l'on parle de l'impôt qui est versé. Ça n'avait aucun rapport. Et cette répartition reste la même du haut en bas de l'échelle.
M. Mark Genuis: Oui. Ce que je disais c'est que certaines familles qui sont en bas de l'échelle des salaires refusent catégoriquement de changer de style de vie. Il y aura donc cette répartition du haut en bas de l'échelle des salaires. J'aimerais cependant ajouter, en tout humilité, qu'à notre avis, et nous l'avons constaté, beaucoup de familles canadiennes opteraient pour cette solution si elles avaient plus d'argent à leur disposition. Chacun voit midi à sa porte, termine en fonction de motifs qui diffèrent, et les seuils de tolérance ne sont pas les mêmes d'un bout à l'autre du spectre. Il apparaît très clairement que le facteur économique joue un rôle de plus en plus déterminant dans les choix de ces familles, et que pour nombre d'entre elles le seuil de tolérance a été franchi. Nous pouvons continuer à discuter de l'aspect social de la question, cela n'empêchera pas que c'est ce que nous avons constaté de façon régulière.
Mme Karen Redman: Je vais me faire un plaisir de lire votre mémoire écrit.
J'aimerais maintenant parler un peu de l'impôt uniforme. Vous avez parlé du relèvement de l'exemption personnelle de base. Ce sont les classes moyennes qui écoperont si l'on adopte l'impôt uniforme. Ce ne peut pas être autrement. Si vous abaissez le taux d'imposition le plus élevé, et que vous relevez l'exemption personnelle de base pour soulager ceux qui ne devraient normalement payer aucun impôt, qui supportent l'essentiel du fardeau fiscal, ce sont les classes moyennes. Celles qui précisément nous demandent une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers.
M. Mark Genuis: D'après nos scénarios, un relèvement de l'exemption personnelle de base permet de rayer les plus défavorisés des rôles de l'impôt; c'est une solution que beaucoup préconisent. Il est vrai que ceux du haut de l'échelle de revenu bénéficieront de la plus forte réduction d'impôt... cela reste très vrai.
Mme Karen Redman: Effectivement.
M. Mark Genuis: Mais ceux des tranches intermédiaires bénéficieront également d'une réduction importante. Dans toutes les études que nous avons consultées, et cela inclut des études du niveau provincial, cette combinaison d'une augmentation de l'exemption personnelle de base et de l'exemption pour conjoint—qui est alors indexée—et d'une fiscalité familiale, profite pleinement aux classes moyennes. Il est vrai, effectivement, que ce sont les revenus du haut de l'échelle qui profiteront de la déduction brute la plus importante. Cela reste vrai.
Mme Karen Redman: Ces calculs partent-ils du principe de la neutralité sur le plan de la recette globale? La province va-t-elle au contraire se retrouver déficitaire pour financer cet impôt uniforme?
M. Mark Genuis: Non, le Trésor provincial devrait normalement très bien s'en sortir, et cela pour diverses raisons. Un certain nombre de facteurs semblent jouer dans ce sens, et qui n'ont rien à voir avec un prétendu nivellement de l'activité économique. Il semble que de plus en plus de jeunes couples de la province puissent espérer s'y établir, ou dans certains cas, si vous voulez, revenir y retrouver leurs racines après quelques années. Si l'on compare aux autres provinces, nous avons un pourcentage assez élevé de jeunes familles qui sont restées dans la province. On s'attend donc, d'autre part, selon les prévisions des services provinciaux, à une reprise de l'activité économique qui se traduira par une amélioration de l'assiette fiscale, grâce aux impôts des particuliers et des sociétés.
Mme Karen Redman: Mais ce ne sont que des suppositions, des spéculations. Ce n'est pas... Il faudra attendre un an ou deux pour savoir quels sont les résultats.
M. Mark Genuis: C'est vrai, mais l'expérimentation des quatre dernières années sur les programmes de réduction d'impôt a permis de parvenir à certaines conclusions, et au fur et à mesure que ces programmes de réduction ponctuels fonctionnaient, on en récoltait des bénéficies non négligeables. Je suis sûr que tout le monde est au courant de l'excellente situation financière de l'Alberta. Même lorsque les prix du pétrole ont chuté, les gens se sont bien tirés d'affaire. J'ai l'impression qu'avec le dernier budget de l'Ontario se dessine une espèce de compétition tout à fait saine entre les deux provinces dans le domaine de l'imposition des familles. Lorsque le ministre des Finances de notre province a commencé son tour de consultation il y a un an, au mois de décembre, il a expliqué qu'il s'agissait de donner aux familles d'Alberta des possibilités de choix, pour ce qui est de cette question du revenu unique ou double. On s'en souvient comme étant l'objectif que s'était fixé le ministre lorsqu'il a commencé ses consultations, et après une année et demie d'études et de recherches, on est parvenu à cette proposition. Certes, il y a un élément spéculatif dans tout cela, mais on a déjà fait des essais, au cours des dernières années, et ceux-ci ont été tout à fait concluants.
Mme Karen Redman: Je suis précisément d'Ontario, et en dépit de quelques bonnes mesures présentées dans le budget, on attend toujours de la province qu'elle équilibre son budget, puisque pour le moment il y a encore un déficit.
M. Mark Genuis: L'Alberta ne pourrait que s'en réjouir.
Le président: Nous envions beaucoup les Albertains, et tout particulièrement ceux d'entre nous qui viennent du Québec. Nous aimerions bien que notre province adopte des mesures d'incitation fiscale comparables aux vôtres.
M. Mark Genuis: Ma femme est effectivement du Québec et... oui.
Le président: D'autres questions?
Mme Karen Redman: Non.
Le président: Très bien. Il ne me reste plus alors qu'à vous remercier d'avoir bien voulu prendre le temps de nous expliquer quelle était votre vision des choses.
M. Mark Genuis: Merci.
Le président: Nous attendons avec intérêt votre mémoire écrit. Si vous voulez y ajouter quoi que ce soit, n'hésitez pas. Je vous demanderais, si vous voulez bien, de le faire avant la fin du mois de mai, si c'est possible.
M. Mark Genuis: Ce sera fait. Merci de m'avoir accordé une partie du temps dont vous disposez. Si vous avez des questions à me poser, n'hésitez pas à communiquer avec moi. Vraiment encore merci, ce fut un honneur de comparaître devant le comité.
Le président: Bon retour chez vous.
M. Mark Genuis: Merci.
Le président: Nous poursuivons nos travaux. Je suis heureux d'accueillir, au nom de tout le comité, Mme Beverley Smith, qui comparaît à titre personnel. Nous vous souhaitons la bienvenue, madame Smith. Vous avez à peu près 10 minutes pour votre exposé, et nous passerons ensuite aux questions. Certains d'entre nous ont un avion à prendre. Bienvenue. Allez-y.
[Français]
Mme Beverley Smith (témoigne à titre personnel): Si vous me le permettez, je vais m'exprimer en français et en anglais.
[Traduction]
Le président: Nous vivons dans un pays bilingue.
Mme Beverley Smith: J'enseigne en ce moment au niveau secondaire, après avoir passé 23 ans à la maison comme mère de famille. J'avais toujours voulu enseigner. J'apprécie cette dynamique que créent 30 esprits réunis dans une même pièce, et ce sentiment de stimulation que procure le débat. Mais la naissance de mon premier enfant a été le début d'un nouvel amour. J'adorais regarder ses petits doigts. Je ne pouvais pas porter mon regard ailleurs que sur lui. Je voulais également être celle qui lui montrerait comment les feuilles d'automne crissent sous nos pas, et découper avec lui les lettres de l'alphabet dans du fromage pour lui apprendre à lire. Je me suis donc retrouvée face à un dilemme, puisque je voulais être à deux endroits en même temps.
C'est le dilemme que connaissent tous les parents canadiens. Le travail salarié exige de véritables sacrifices, les réunions de travail commencent au petit déjeuner et se poursuivent tard le soir, et parfois en fin de semaine. Vous êtes bien placés pour le savoir. Le bébé, par contre, se soucie peu de vos besoins en sommeil, il peut aussi bien avoir faim à deux heures et faire une fièvre à trois heures du matin, et il faut appeler le médecin. Voilà donc deux formes de travail qui exigent beaucoup d'énergie. Elles profitent l'une et l'autre à notre société, elles sont complémentaires, et à chaque fois il s'agit de travail.
Une mère ne peut véritablement travailler l'esprit tranquille que si une personne de confiance est là pour empêcher le bébé de mettre une cuillère dans la prise de courant, et la mère dont le travail n'est pas rémunéré ne peut bien faire son travail que si elle sait qu'elle aura encore demain l'argent nécessaire pour acheter de la purée de pêche pour le bébé.
[Français]
À moins qu'on réussisse à cloner les parents, le problème restera entier: les parents ne pourront être à deux endroits à la fois. Il est impossible de travailler dans une usine de fabrication d'automobiles et de langer son enfant en même temps. Pourtant, les familles canadiennes sont très habiles à résoudre ce problème: la mère peut emmener son enfant au bureau, comme l'a fait Michelle Dockrill; la mère peut travailler dans un bureau chez elle, comme le font beaucoup d'écrivains; le père peut gagner de l'argent le jour et la mère la nuit, et ils peuvent prendre à tour de rôle la relève auprès du bébé à la maison; la mère peut travailler à mi-temps et la grand-mère peut garder l'enfant; le père peut garder l'enfant à la maison, tandis que la mère travaille à la maison; les parents peuvent travailler à la maison tous les deux et une jeune fille au pair peut prendre soin de l'enfant; ou les parents peuvent travailler à la maison tous les deux, tandis que l'enfant est dans une garderie.
Il y a donc plusieurs possibilités de choix qui s'offrent, et les Canadiens sont appelés à choisir. Je suis donc heureuse que votre comité reste neutre face à ces choix, en demandant simplement plus de justice pour tous.
Lorsque nous réfléchissons aux mesures que le gouvernement pourrait prendre, nous devons nous remémorer les grands principes de base de la fiscalité. Le premier de ces principes c'est que l'impôt est là pour que chacun puisse contribuer au bien-être de tous, dans l'esprit d'une société charitable. Deuxièmement, nous payons cet impôt en fonction de notre capacité de payer... le riche payant plus.
[Français]
Troisièmement, dans un pays démocratique, on ne commande pas au peuple où il doit habiter ou travailler. On lui donne de nombreux choix. Dans un parc, on ne confine pas les gens au terrain de tennis, mais on les invite à se baigner à la piscine et à emprunter le sentier pour vélos. On permet au peuple de choisir. Un des éléments essentiels du bien commun, même s'il présente certains inconvénients, est qu'on célèbre le libre choix.
[Traduction]
Cependant, même si nous voulons rester impartiaux, nous sommes capables d'intervenir de façon charitable en fonction des circonstances. En cas de maladie, de licenciement, ou lorsque quelqu'un est obligé d'aller chercher du travail à 2 000 kilomètres de chez lui, nous sommes en mesure d'accorder des allégements fiscaux, dans un esprit de charité, sachant fort bien que ce genre de circonstances échappe à notre volonté.
Cinquièmement, nous intervenons en faveur de certains choix personnels et délibérés. Contribuer à un organisme de bienfaisance profite à l'ensemble de la société, et mérite une déduction aux fins de l'impôt. Ce genre de déduction agit comme un incitatif. On peut alors choisir d'appartenir à cette catégorie de contribuables qui profiteront de cette déduction, et dont on aura influencé le choix.
[Français]
Sixièmement, on peut se demander si on devrait intervenir face aux choix volontaires qu'ont faits les parents. Personne n'est forcé d'avoir un enfant. Certaines gens diront: «C'est votre enfant, et non pas le mien. C'est vous qui devez en prendre soin et payer la note.» Ils ne veulent pas que leurs impôts financent les écoles et servent à des enfants qui ne sont pas les leurs. Pourtant, la majorité des gens reconnaissent l'importance des enfants pour la survie de notre société. Ce sont ces enfants qui nous soigneront lorsque nous serons malades, qui construiront nos routes et qui paieront les impôts qui serviront à nos pensions de retraite. C'est pour le bien commun qu'on s'assure que certaines personnes aient des enfants et soient en mesure d'en prendre bien soin.
[Traduction]
La question est donc celle-ci: comment le gouvernement devrait-il aider ceux qui ont des enfants? C'est pour cela que vous êtes réunis ici. Je répondrai que la réponse est contenue dans les premiers principes énumérés. Pour ce qui des enfants, nous devons ajuster l'impôt en fonction de la capacité de payer. Deuxièmement, en qualité de démocratie, nous devons donner aux parents la liberté de choisir comment ils veulent élever leurs enfants.
Le problème est que la fiscalité actuelle n'est pas adaptée à la capacité de payer. Tous les pays du G-7, sauf le Canada, accordent des réductions d'impôt à ceux qui élèvent des enfants. Mais le Canada ne tient pas compte non plus, dans sa fiscalité, de la constatation évidente qu'un adolescent coûte plus cher en nourriture et vêtements qu'un petit enfant, et que cela coûte plus cher lorsque l'on en a trois que un, puisqu'il faut en même temps probablement un plus grand logement. Une fiscalité fondée simplement sur le revenu ne tient pas compte du nombre de personnes à charge, facteur essentiel de la capacité de payer.
Deuxièmement, le Canada a une politique discriminatoire face aux diverses façons d'élever les enfants. On accorde des réductions d'impôt à ceux qui ont recours aux garderies ou à des services de garde, mais aucun allégement aux 80 p. 100 des familles qui s'arrangent autrement. Je pense que c'est une injustice.
La façon d'élever ses enfants relève du choix le plus personnel qui soit, et l'État ne doit pas marquer de préférence. Tous les enfants sont égaux. On me répond que l'allégement fiscal n'est pas accordé en fonction des enfants, mais comme dédommagement de ce que cela coûte d'aller travailler. Cette logique ne tient pas. Comme on l'a déjà fait remarquer, il s'agit dans un cas comme dans l'autre de travail. Et l'État ne doit pas favoriser un des rôles aux dépens de l'autre.
Élever un enfant n'est pas une dépense à inscrire au bilan au même titre que l'achat d'un classeur. Et pourtant, et de toute évidence, c'est une dépense qui s'impose à tous. Dès qu'il y a un enfant, il y a des dépenses, et il faudrait donc alors prévoir des déductions d'impôt qui s'appliquent à tous.
[Français]
J'ose dire aussi que le système fiscal actuel est discriminatoire sur certains points. Comme je l'ai déjà indiqué, si on accorde une déduction à l'égard d'un choix volontaire, on encourage ce choix. Si on accordait une déduction aux skieurs, un plus grand nombre de personnes pratiqueraient ce sport. Quand on permet à un homme divorcé de déduire la pension alimentaire qu'il verse pour son enfant et qu'on ne le permet pas à un homme marié, on favorise le divorce. Il doit y avoir un autre système pour l'obliger à assumer son rôle de parent, même s'il est absent, ou bien on devrait permettre à tous les parents de déduire des frais pour élever un enfant.
• 1610
Je suis triste quand je vois que les lois
actuelles obligent les parents non mariés ou divorcés à
travailler tous les deux pour un salaire, sans égard
aux
besoins des enfants. Je pense que l'état civil
d'un parent ne devrait jamais faire en sorte qu'il
n'ait pas un choix complet
parmi les possibilités qui sont offertes
pour la garde de l'enfant.
[Traduction]
On choisit de se marier, ou non. Pour beaucoup le mariage a un rapport avec les enfants. L'État a le choix entre favoriser le mariage, rester neutre, ou pénaliser ceux qui se marient. Fait assez curieux, notre fiscalité pénalise les personnes mariées. Les personnes âgées, par exemple, ont une plus petite pension si elles sont mariées que si elles sont célibataires. Les déductions pour frais de garde d'enfants, les REER, sont calculés en fonction du revenu familial et non pas individuel. On en arrive curieusement à imposer différemment des ménages dont le revenu global est le même, le nombre de personnes à charge identique, selon la façon dont l'argent a été gagné et selon la façon dont les salaires sont répartis.
Du point de vue d'une juste fiscalité, ces variables ne sont pas pertinentes. Il serait plus juste de décider d'avance que ce sera ou la famille ou l'individu qui sera imposé, et s'y tenir, ou au moins de donner à chacun la possibilité de choisir le mode d'imposition qui lui convient, comme c'est le cas aux États-Unis.
Les parents qui viennent manifester sur la colline du Parlement avec leurs enfants pour réclamer de bons services de garde, déploient la même passion que les mères qui veulent rester à la maison élever leurs enfants, sans aucune réduction d'impôt. Dès qu'il est question d'enfants, les passions se déchaînent. Nous avons quelque chose en commun: nous voulons avant tout le bien de nos enfants. Nous ne sommes pas d'accord sur ce que cela signifie, mais nous pourrions au moins nous entendre pour respecter nos désaccords. C'est-à-dire respecter différents styles d'éducation, et être fiers que cela soit possible en démocratie.
Nous ne devons pas rester dans cette situation de cercle vicieux que connaissent beaucoup de parents d'aujourd'hui, et devoir choisir entre rester avec l'enfant mais faire un sacrifice financier, ou ne pas faire ce sacrifice mais se séparer de l'enfant. Je demande donc que la politique fiscale soit révisée, afin que les parents qui se trouvent déchirer face à ce choix, puissent être soutenus de façon juste quelle que soit la solution pour laquelle ils optent.
Je suis heureuse que votre comité parle:
-
de véritable équité
fiscale qui suppose que les parents ne soient ni avantagés ni
pénalisés par la fiscalité, quelle que soit la façon dont ils
décident d'élever leurs enfants.
Et comme nous acceptons tous ce principe, je pense que nous sommes en train de progresser.
Vous ne connaissez pas mon enfant, je ne connais pas le vôtre, mais je reconnais que c'est à vous de savoir de quoi votre enfant a besoin. Je suis sûre, par ailleurs, que vous choisirez toujours ce qui est le mieux pour votre enfant, selon vos moyens, et j'aimerais en ce qui me concerne que la fiscalité permette à chacun de choisir librement.
Le président: Merci pour cet exposé particulièrement sincère.
Je vais demander à mes collègues de se limiter à six minutes.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci, monsieur le président.
Je vais vous poser une question que j'ai posée toute la journée; c'est une question simple qui porte sur la déduction pour frais de garde d'enfants. Par cette déduction, la société tente de reconnaître la situation d'un parent qui travaille et qui doit acheter des services de garde d'enfants. Comment pouvons-nous établir quelque chose de juste et équitable pour ceux qui gardent eux-mêmes leurs enfants? D'un côté on reconnaît la situation d'un parent qui doit acheter des services de garde d'enfants, on lui accorde une compensation, mais par contre, il n'y a rien d'équivalent pour les parents qui choisissent de garder eux-mêmes leurs enfants. Nous nous demandons donc quel genre de mécanisme pourrait accomplir cela.
Aucun des témoins auxquels j'ai posé la question n'a pu me proposer de solution à ce problème. Peut-être avez-vous réfléchi à la question, peut-être avez-vous des suggestions sur les aspects techniques du problème. Est-ce que nous devons envoyer un chèque à ce parent gardien, ou bien devons-nous éliminer la déduction pour frais de garde d'enfants (avec reçu) et introduire un autre programme d'indemnisation? Pouvez-vous nous donner des idées à ce sujet?
Mme Beverley Smith: La Commission royale sur le statut de la femme avait déjà résolu ce problème en 1970. Cette commission avait conclu qu'il devrait y avoir une déduction ou un crédit universel pour quiconque élève un enfant. Les parents étaient libres de décider comment ils élevaient leurs enfants, mais on n'exigeait pas de reçu et la mesure s'appliquait par enfant.
C'est en fait ce que vous dites, il s'agirait de remplacer la DFGE actuelle par un programme universel.
M. Paul Forseth: Quels chiffres avait-on recommandés à l'époque? À quel niveau cela se situait-il, vous en souvenez-vous?
Mme Beverley Smith: La somme?
M. Paul Forseth: Oui.
Mme Beverley Smith: Non, mais c'est du principe dont je vous parle. Quelle que soit la somme en question, qu'elle soit la même pour tout le monde. Quel que soit le niveau juste et possible pour l'État, que cela soit distribué de façon égale.
M. Paul Forseth: D'accord. Par conséquent, on peut faire les calculs, et peut-être même, dans une certaine mesure, l'ajuster selon la situation financière de chacun.
Mme Beverley Smith: Mon argument de base, c'est qu'il n'y a pas de raison d'avoir particulièrement pitié de ceux qui choisissent de ne pas s'occuper eux-mêmes de leurs enfants. En effet, comme tous les enfants sont égaux, il n'y a pas de raison pour que l'État se désintéresse de ceux qui sont gardés par leurs parents.
M. Paul Forseth: Oui. D'accord. Merci.
Le président: Pensez-vous que ce programme devrait être universel ou bien qu'il devrait dépendre de la situation financière de chacun, comme l'a suggéré M. Forseth?
Mme Beverley Smith: Je suis convaincue que tous les enfants sont égaux, et les enfants des riches sont aussi méritants que les enfants des pauvres. Je ne ferais donc pas de différence selon la situation financière des parents, mais par contre, vous pouvez toujours imposer cette somme lorsque l'intéressé a des revenus qui le justifient.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Cardin, s'il vous plaît.
M. Serge Cardin: Merci, madame Smith.
Vos propos font sûrement vibrer des cordes sensibles; ils concernent tout le monde et tous les secteurs.
Vous parlez tout d'abord du monde du travail qui exige beaucoup des employés ayant des enfants; on sait que c'est difficile à concilier. On sait qu'aujourd'hui les premières paroles qui sortent de la bouche des dirigeants d'entreprises sont l'économie et la productivité. Souvent on oublie les vrais trésors et les vraies valeurs, ceux de la famille. Bien évidemment, des coûts y sont rattachés.
Je reviens un peu à ce que je disais plus tôt. Il serait nécessaire d'ajuster les exemptions personnelles, celles des conjoints et des enfants, pour qu'elles reflètent ce qu'il en coûte pour élever des enfants: les frais de garderie mais aussi les frais qu'on doit assumer quand on les garde soi-même à la maison. Pensez-vous que ce serait un moyen efficace pour éliminer les iniquités que les gens perçoivent à l'intérieur du système fiscal?
Vous êtes allée plus loin; vous avez parlé des éléments universels. Il faut savoir qu'on pourrait aller vers quelque chose d'universel, que ce soit des crédits ou des exemptions ajustées, toujours en fonction du coût réel d'un enfant à des âges différents. Ces exemptions pourraient être modifiées en fonction de l'âge de l'enfant. Comme vous l'avez dit, un enfant coûte moins cher en bas âge que lorsqu'il arrive à l'adolescence et entreprend des études. On pourrait donc faire un ajustement complet des exemptions. Cela pourrait être fait sous forme de crédit.
Quand un avantage est universel, à un moment donné, quelqu'un doit payer quelque part. Qu'envisageriez-vous? Une augmentation des taux d'impôt pour payer cet avantage universel? Selon la façon dont on l'organise, il serait plus profitable aux moins bien nantis.
Mme Beverley Smith: Si je comprends bien votre question, je pense que l'important est de concevoir un programme universel pour les foyers. Il ne faudrait pas penser à ce qu'il en coûte pour une garderie, pour une jeune fille au pair ou pour un autre mode de garde. Ce sont les parents qui décideraient. Il ne serait pas nécessaire d'avoir des reçus pour cela.
Les décisions prises par un couple sont des décisions personnelles. Pour moi, l'important est l'enfant. Il faut faire des changements pour l'enfant dans le système de taxation.
Est-ce que cela répond à la question?
M. Serge Cardin: Oui, mais ce que je proposais, dans le fond, concerne l'enfant. À différentes étapes de sa vie, l'enfant représente des coûts différents. Un enfant coûte quelque chose, mais il requiert aussi une présence. On pourrait dire que quand des gens travaillent et envoient leurs enfants en garderie, ils ont des coûts moyens et non des coûts spécifiques. On demande des exemptions pour les enfants. On pourrait considérer un ensemble d'éléments. Si les exemptions sont plus importantes, elles pourront, bien sûr, aider financièrement l'enfant mais aussi le parent qui reste à la maison pour l'élever.
Mme Beverley Smith: Vous dites que l'important est l'argent qu'on gagne? Non?
M. Serge Cardin: Non. Tout le monde dit qu'il y a de l'iniquité dans le système de taxation. Les gens parlent d'iniquité entre les couples ayant un revenu et les couples ayant deux revenus. On parle d'iniquité dans le cas de parents qui ont deux revenus, qui travaillent à l'extérieur et qui ont le droit de déduire des frais de garde.
Je proposais tout simplement une façon d'aplanir ces iniquités. Pour moi, à l'heure actuelle, techniquement, il n'y a pas d'iniquité dans le système actuel.
Quand deux personnes travaillent plus de 37 heures par semaine chacune et ont le même revenu à elles deux qu'une seule personne, il y a deux personnes qui font des efforts pour travailler; si elles retirent un peu plus en bout de ligne, je ne considère pas cela comme une iniquité.
Néanmoins, aux personnes qui veulent rester à la maison et être reconnues, directement ou indirectement, il faudrait donner des exemptions supplémentaires pour les enfants, ce qui correspondrait davantage à la réalité.
Mme Beverley Smith: Vous voulez des commentaires?
M. Serge Cardin: Oui, c'est cela. Je voulais savoir ce que vous en pensiez.
Mme Beverley Smith: Selon ce que ce que je comprends, vous pensez que ceux qui travaillent à la maison font plus d'efforts et qu'il faudrait trouver un moyen d'aider ceux qui restent à la maison. C'est cela?
M. Serge Cardin: Il faudrait presque que je recommence. Ici, l'ensemble des gens...
Mme Beverley Smith: Je vais écouter l'interprétation car il se peut que je n'aie pas très bien compris ce que vous vouliez dire.
M. Serge Cardin: Monsieur le président, vous allez me permettre d'aller assez vite.
Le président: D'accord.
M. Serge Cardin: Les gens disent qu'il y a des iniquités dans le système fiscal pour les personnes qui désirent rester à la maison, iniquités qu'on essaie de faire disparaître.
Je suggérais tout simplement que l'on ajuste les exemptions personnelles de base, celle du conjoint, mais aussi celle pour les enfants à charge, afin qu'elles correspondent davantage à la réalité des coûts qu'il faut assumer pour élever un enfant, l'éduquer et le faire garder. Une exemption supplémentaire donnerait des allègements fiscaux importants à la famille. Je voulais simplement avoir vos commentaires sur cette question.
Mme Beverley Smith: C'est une autre idée. Je ne l'avais pas examinée. Je pense qu'il y aurait alors encore un peu plus de bureaucratie. Il y a sans doute des façons plus simples de procéder.
M. Serge Cardin: Ah oui? Je croyais avoir trouvé une solution simple.
C'est tout, monsieur le président. Je vais céder la parole à M. Herron ou à Mme Dockrill.
[Traduction]
Le président: Madame Dockrill, je vous en prie.
Mme Michelle Dockrill: Merci.
Pour commencer, Beverley, je vous souhaite la bienvenue. Quand vous avez mentionné mon nom, je me suis dit, Seigneur, l'époque où j'amenais mon fils au travail semble tellement lointaine.
Dans l'un de vos exposés, vous avez dit que les politiques du gouvernement forçaient les parents qui élèvent seuls leurs enfants à retourner au travail ou à retourner à l'école alors que leurs enfants sont encore très jeunes. Vous pensez que cela ne sert vraiment pas les intérêts des enfants. Est-ce que vous seriez d'accord pour qu'on donne aux parents qui élèvent seuls leurs enfants des moyens financiers qui leur permettent de rester à la maison avec leurs enfants à temps plein.
Mme Beverley Smith: Comme j'essayais de l'expliquer, je considère que la situation de famille des parents ne regarde absolument pas le gouvernement du Canada. Tous les enfants sont précieux et tous devraient pouvoir profiter des mêmes allégements fiscaux.
Mme Michelle Dockrill: Pensez-vous que des facilités financières se justifient?
Mme Beverley Smith: Oui, absolument, si c'est vraiment le bien de l'enfant qui vous tient à coeur, si vous n'essayez pas d'obtenir un chèque de paye de sa mère.
Mme Michelle Dockrill: À propos du parent qui s'occupe des enfants à la maison, plusieurs groupes nous ont dit que son travail non payé n'était pas suffisamment valorisé. Je ne suis pas certaine qu'on règle le problème en imposant le parent qui travaille à un taux moins élevé. Pensez-vous qu'il serait plus efficace de mettre en place des mesures qui profitent directement au parent qui travaille à la maison.
Mme Beverley Smith: Quand vous parlez d'imposer à un taux moins élevé, vous parlez d'un impôt de la famille, de partage du revenu et de déclaration en commun, ce genre de choses?
Mme Michelle Dockrill: Oui.
Mme Beverley Smith: Et l'autre solution serait ce que vous venez de dire?
Mme Michelle Dockrill: Je ne sais pas si c'est la solution, mais je me demande si à votre avis il ne serait pas plus efficace d'adopter des mesures à l'intention de ceux qui restent à la maison.
Mme Beverley Smith: Non, et vous savez pourquoi? La plupart des gens ne travaillent pas à la maison à temps plein. Les allégements fiscaux seraient un véritable cauchemar. Combien d'heures avez-vous travaillé à la maison cette semaine? D'accord. Alors nous allons en déduire un peu de ce côté-ci. Ce serait tout simplement trop compliqué.
C'est le même problème dans le cas de l'idée de M. Szabo, un crédit d'impôt pour les femmes qui restent au foyer. Je suis désolée. C'est une excellente idée, mais pas vraiment réalisable. Les femmes restent chez elles, disons pendant 38 heures. Est-ce qu'elles travaillent à l'extérieur également...? C'est tout simplement trop compliqué.
Je pense donc qu'il faudrait plutôt un système de partage du revenu, de déclaration d'impôt commune, et laisser les parents décider comment ils répartissent leur temps et leur argent.
Mme Michelle Dockrill: Vous avez mentionné le partage du revenu; certains de nos témoins nous ont dit qu'à leur avis, c'était une question d'égalité entre les sexes, puisque cela n'a aucun effet sur un parent qui élève seul ses enfants. C'est une simple observation.
Dans votre exposé, vous avez parlé de la déduction pour frais de garde d'enfants et des deux options: rester avec ses enfants à la maison ou ne pas le faire. Que pensez-vous de ces différentes configurations familiales, des gens qui disent qu'ils n'ont pas le choix, peut-être parce que les emplois qu'ils pourraient avoir ne payent pas suffisamment? Et cette déduction pour frais de garde d'enfants, considérez-vous que c'est une dépense aux fins de l'emploi ou de participation à la main-d'oeuvre?
Mme Beverley Smith: C'est précisément la raison pour laquelle je suis ici, à cause de cette phrase: «Ils n'ont pas le choix». Vous pouvez rectifier cela. Vous pouvez leur donner un choix. Vous pouvez vous arranger pour qu'ils aient les moyens de rester à la maison. De toute évidence, si vous pesez le pour et le contre, vous voyez que d'un côté vous recevez un salaire et le gouvernement vous paye pour élever vos enfants et, de l'autre côté, vous restez à la maison, vous n'êtes pas payé, et le gouvernement ne vous aide pas. Autrement dit, vous n'avez pas mis tout le monde sur un pied d'égalité. Avec au moins une prestation égale pour élever un enfant, peut-être que les gens auraient le choix. En tout cas, cela faciliterait un peu les choses.
Je ne sais pas quelle expression vous utilisez actuellement, mais il y en a d'autres qui en parlent, et il faut que je le répète: les deux rôles constituent un travail, mais gagner de l'argent et travailler, ce n'est pas forcément la même chose.
Mme Michelle Dockrill: Oui. En tout cas, je l'ai entendu, je l'ai dit moi-même, à un autre témoin, je crois: les familles canadiennes se sentent souvent forcées de travailler parce que les emplois à temps plein bien payés sont devenus plus rares.
Mme Beverley Smith: Et c'est vous qui en êtes responsables avec votre système fiscal.
Mme Michelle Dockrill: Ce n'est pas le mien, je tiens à le dire.
Mme Beverley Smith: Je m'excuse; le gouvernement canadien...
Le président: Et le NPD recommencera, par conséquent...
Mme Michelle Dockrill: D'accord, d'accord. Je vous repousse dans les bras de la Saskatchewan, j'en ai l'impression.
Mme Beverley Smith: Pourquoi le feriez-vous? C'est comme de dire que la seule solution à cette situation terrible est de se résigner, de l'accepter et de continuer éternellement. À mon avis, il vaudrait beaucoup mieux la rectifier. Pourquoi forcer les mères à quitter leur bébé parce qu'elles n'ont pas suffisamment d'argent?
Mme Michelle Dockrill: Avez-vous l'impression qu'il est impossible de trouver une politique «taille unique» pour rectifier les inégalités entre les familles?
Mme Beverley Smith: Non, je suis enchantée que vous soyez ici, que vous examiniez la question, et je pense qu'il n'y a rien d'impossible.
Mme Michelle Dockrill: Exactement.
Mme Beverley Smith: Vous avez affaire à un système fiscal que l'on remanie depuis des dizaines d'années. Il est truffé de problèmes et si nous simplifions...
Comme vous le savez, l'Alberta a choisi un impôt uniforme. Je ne sais pas si cela va marcher, mais cela devrait simplifier les choses. D'une certaine façon, le gouvernement ne veut pas laisser aux gens beaucoup de décisions parce qu'il n'a pas confiance, et pour cette raison, il limite un grand nombre de décisions. Si vous nous redonniez une certaine autonomie, si vous nous faisiez confiance, peut-être que nous prendrions de bonnes décisions au sujet du mariage, du divorce, de l'éducation de nos enfants, etc. Il vaudrait mieux que vous n'interveniez pas, sinon pour nous aider, dans ce que nous faisons, l'important étant que nous ayons une bonne vie.
Mme Michelle Dockrill: Vous pensez donc qu'il faut apporter des changements pour donner plus de choix aux familles.
Mme Beverley Smith: Prenez par exemple la loi sur le divorce. Quand vous forcez une femme à quitter son enfant parce que son mari l'a quittée, c'est cruel pour l'enfant. Donc, oui, cela va beaucoup plus loin que l'impôt...
Mme Michelle Dockrill: Oui, c'est ce que je vous demandais.
Mme Beverley Smith: Exactement. Cela va très loin.
Le président: Merci, madame Dockrill.
Monsieur Herron, je vous en prie.
M. John Herron: Merci, monsieur le président.
• 1630
Pour résumer vos observations, étant donné que la déduction
pour frais de garde d'enfants est discriminatoire, est-ce que
vous...
Mme Beverley Smith: Est-ce que vous avez dit cela?
M. John Herron: En fait, c'est moi qui le dit.
Je veux simplement le répéter: cette initiative est discriminatoire puisqu'elle profite à un type de familles seulement et qu'elle ne fait rien pour les familles qui ont un seul revenu et qui choisissent de garder elles-mêmes leurs enfants. Il faut ajouter à cela le fait que nous imposons les familles à des taux différents selon qu'elles ont un salaire ou deux salaires. Ce que vous demandez au gouvernement, c'est pratiquement de reconsidérer toute sa politique en ce qui concerne les enfants. Dans quelle mesure pensez-vous que cette politique est axée sur...? Je vais vous citer un document que vous connaissez peut-être, c'est la réponse du gouvernement du Canada aux communications de Beverley Smith.
Le président: Merci, c'est très bien.
Mme Michelle Dockrill: J'ai mon exemplaire ici.
M. John Herron: Pensez-vous que ce programme pourrait être motivé dans une trop grande mesure par le fait que...? C'est presque du sexisme à l'envers: en effet, le partage du revenu du parent qui travaille et qui reçoit un salaire et de celui qui reste à la maison soulève de graves préoccupations sur le plan de l'égalité entre les sexes. D'une part, d'après cette réponse: «cela exigerait la création d'une relation employeur-employé entre les conjoints, le partenaire de sexe masculin étant le plus souvent l'"employeur"». Quand j'ai lu cela—et cela m'a fait penser à ma femme—je me suis dit que la prestation moyenne qui... Je ne vois pas comment une somme d'argent aussi minime pourrait convaincre des légions de femmes à quitter leur emploi comme des moutons pour rester à la maison. Ainsi...
Mme Beverley Smith: Avez-vous dit des moutons?
M. John Herron: Oui, j'ai dit des moutons, je ne choisis pas très bien mes mots, mais peut-être est-ce une bonne chose.
En fin de compte, pensez-vous que ce soit la question d'égalité des sexes qui empêche le gouvernement du Canada de changer les politiques publiques et de permettre le partage du revenu? D'après le ministère des Finances, c'est une initiative qui ne coûterait que 4 millions de dollars.
Mme Beverley Smith: C'est un argument que je n'accepterais jamais, car cela vaut toujours la peine de dépenser l'argent qui doit être dépensé pour être juste. Cela peut paraître stupide, mais à mon avis, ce n'est pas un problème de sexe. Après tout, si on décidait de partager le revenu, pourquoi supposer immédiatement que c'est l'homme qui est le patron et que je suis la personne à charge? En fait, c'est une situation qui existe déjà. Le partage du revenu réglerait ce problème car nous partagerions... En fait, avec le partage du revenu, si j'ai bien compris, on considère que c'est à nous alors que le système fiscal actuel considère que c'est à moi. D'après ce système, il y a 5 000 $ qui vous appartient et le reste qui m'appartient. Avec le partage du revenu on reconnaîtrait enfin que dans un mariage on partage.
M. John Herron: Je suis d'accord. Une dernière chose, dont j'ai déjà parlé avec d'autres témoins; avec l'ère de l'information, dans une large mesure nous vivons dans une nouvelle économie et, la nature du travail changeant, je pense que les hommes et les femmes vont devenir très égaux lorsqu'il s'agit de chercher du travail, et il est même possible que ce soit la femme qui ait plus de perspectives d'avancement et de salaire, et que de plus en plus ce soit l'homme qui reste à la maison.
Mme Beverley Smith: Vraiment?
M. John Herron: Donc, pour moi, ce n'est certainement pas une question d'égalité des sexes. Est-ce que vous êtes d'accord?
Mme Beverley Smith: En fait, j'ai déposé une plainte auprès des Nations Unies pour raison de discrimination contre les femmes—de toute évidence parce que c'est le rôle traditionnel des femmes—mais à mon avis, cela n'a rien à voir avec les sexes, car il y a beaucoup d'hommes qui aimeraient rester à la maison avec leurs enfants. D'un autre côté, je ne sais pas si c'est là où vous voulez en venir, mais je vais soulever la question car je tiens à en parler moi-même: il y a un programme féministe qui résiste à mes arguments. En effet, il y a beaucoup de féministes qui tiennent avant tout à ce que les femmes acquièrent plus d'indépendance financière—ce qui me semble excellent—et qui pensent que la seule solution est de sortir de la maison et de sortir de leurs rôles traditionnels. À mon avis, c'est un programme féministe qui nous vient des années 60. Les filles des féministes nous disent aujourd'hui: attendez un instant, vous nous dites que les femmes peuvent faire n'importe quoi, alors pourquoi nous forcer à quitter notre foyer si nous voulons y rester? La troisième vague de ce féminisme nous dit: nous voulons avoir la possibilité de faire ce que nous voulons faire. Il y a donc un programme féministe qui me contredit, mais à mon avis, c'est une interprétation fausse du véritable féminisme qui valorise les femmes, quoi qu'elles fassent.
M. John Herron: Merci pour votre patience avec mes quatre questions.
Mme Beverley Smith: Mais pas du tout.
Le président: M. Szabo.
M. Paul Szabo: Beverley, je vous remercie beaucoup d'être venue. Personne ne connaît mieux que vous les principes dont nous discutons ici car cela fait 20 ans que vous vous penchez sur la question. Vous l'avez portée à l'attention des Nations Unies, et il n'y a pas beaucoup de Canadiens qui auront l'occasion d'aller aussi loin. J'ai l'impression que vous n'avez pas besoin de notes pour en parler car c'est un sujet que vous connaissez à fond.
En réponse aux Nations Unies, le gouvernement a préparé une analyse financière ou économique et comparé la situation de deux familles qui ont un revenu identique, mais dans un cas avec un seul salaire et dans l'autre cas avec deux salaires. La conclusion est que la différence est de 4 000 $. Cela se trouve à la page 22.
Mme Beverley Smith: Plus.
M. Paul Szabo: Eh bien, quand ça devient négatif... Mais le calcul est intéressant. Quand il s'agit d'un salaire unique, on paie plus.
Quelle a été votre réaction, qu'avez-vous pensé lorsque vous avez vu cette expression du problème fondamental, du principe même que vous avez porté à l'attention des Nations Unies?
Mme Beverley Smith: Vous savez probablement que les Nations Unies ont reconnu que j'avais raison, et la réponse du Canada ne les a pas fait changer d'avis. Un petit graphique aurait été utile car ce graphique-là, c'est comme quitter un cinéma à la moitié de la séance. On ne sait pas comment cela se termine, et avec ce graphique, on ne sait certainement pas comment cela se termine. Ils n'ont pas pensé que les gens pouvaient avoir des dépenses lorsqu'ils élevaient leurs enfants avec un salaire unique. Avec deux salaires, avec la déduction pour frais de garde d'enfants, toutes ces factures-là sont déjà payées avant que vous ne touchiez votre salaire.
Autrement dit, dans ce graphique-là, toutes les factures ne sont pas payées. Si on avait complété le graphique, si on avait été jusqu'au moment où toutes les factures sont payées, on aurait vu que la famille à salaire unique est défavorisée, ce qui est parfaitement évident. Comment pourrait-on s'en tirer moins bien avec deux salaires qu'avec un?
M. Paul Szabo: En bas de la page on dit que toute nouvelle mesure destinée uniquement aux parents qui gardent leurs enfants à la maison renforcerait encore les obstacles à l'emploi. Nous en avons parlé tout à l'heure avec M. Genuis. Même s'il était possible de déterminer la valeur moyenne de la déduction pour frais de garde d'enfants, les décisions des gens en ce qui concerne la garde de leurs enfants sont toujours basées en fin de compte sur des considérations financières.
D'après ce qu'on nous a dit, que le revenu du mari soit de 10 000 $ ou de 100 000 $ par année, les choix des parents se répartissent de la façon suivante: dans un tiers des cas, les deux parents travaillent, dans un tiers des cas un des parents travaillent à temps partiel et dans un tiers des cas quelqu'un reste à la maison. Apparemment, les choix des parents ne tiennent aucun compte du revenu de la famille ou du mari. Doit-on en conclure que si on accordait aux mères qui restent à la maison une prestation nominale cela pousserait beaucoup de gens à changer d'avis et à choisir une option différente? En fin de compte, est-ce vraiment une question de dollars et de cents, ou bien les gens prennent-ils des décisions pour de nombreuses raisons autres que la valeur de l'allégement fiscal?
Mme Beverley Smith: De toute évidence, vous êtes d'accord. J'ai l'impression que vous prenez pour acquis que les gens choisissent l'option qu'ils préfèrent, mais c'est dangereux, parce que vous ne pouvez pas prendre pour acquis que les gens qui se cassent une jambe et qui portent un plâtre préfèrent porter un plâtre. Les gens préfèrent porter un plâtre quand ils se sont cassés une jambe.
• 1640
À mon avis, c'est une situation où nous ne donnons pas aux
gens suffisamment d'argent pour qu'ils puissent vraiment choisir.
Il est donc difficile de savoir ce qu'ils feraient si vous étiez
justes. Pour l'instant, vous n'êtes pas justes. Quand vous prenez
une décision au sujet de la garde de vos enfants, de vos propres
enfants, il est certain que vous ne pensez pas seulement à des
considérations financières. La plupart des femmes qui travaillent
à l'extérieur disent qu'elles doivent travailler, c'est-à-dire
qu'elles doivent gagner de l'argent. On ne sait ce qu'elles pensent
vraiment, mais ce qu'elles disent, c'est qu'elles ont besoin
d'argent.
Si vous dites que la somme qu'on pourrait donner aux mères au foyer n'a vraiment pas d'importance, que c'est un montant pour le principe parce que ça leur fait plaisir, je ne suis pas d'accord car, à mon avis, vous devez leur donner une somme suffisante, une somme égale à ce que vous donnez à toutes les autres. Mais c'est certain, l'argent n'est pas la seule considération.
M. Paul Szabo: Oui.
En ce qui concerne l'analyse des différents types de revenu familial, nous avons dit qu'il fallait examiner la situation dès le départ, c'est-à-dire à partir de la famille, du couple, et du jour au lendemain, un enfant arrive, et les parents doivent examiner leur situation économique, se demander s'ils doivent embaucher quelqu'un pour s'occuper de leur enfant ou bien s'ils ont intérêt à ce qu'un des deux quitte le marché du travail. Apparemment, les frais de garde d'enfants ne sont pas une considération majeure. Ce qui est important, c'est de décider si on va se passer du revenu net, de décider s'il vaut la peine de quitter le marché du travail pendant une longue période, de risquer de rater des possibilités d'avancement, certainement de perdre des droits de pension, sans compter que du jour au lendemain, on est responsable non seulement de la garde d'un enfant, mais de plus on risque de devenir plus active dans la communauté, les oeuvres de charité, le bénévolat hospitalier, etc. Mais du point de vue économique, la considération la plus importante semble être le chèque de paie net.
Alors pour moi, je dois vous dire que je trouve vraiment que les parents qui... Quelqu'un qui gagne 25 000 $ par année et qui renonce à ce salaire perd probablement entre 10 000 $ et 15 000 $ de revenu disponible pour la famille. C'est beaucoup plus lourd que de dire: si je reste au travail et que je touche mon chèque de paie nette, je devrai payer entre 3 000 $ et 4 000 $ en frais de garde d'enfants. Cela importe peu; vous empochez quand même 11 000 $ nets.
Il me semble que quelqu'un semble croire quelque part que l'avantage fiscal associé à la déduction pour frais de garde d'enfants est un obstacle; que si cela n'existait pas, les gens ne se lanceraient pas sur le marché du travail rémunéré. Je n'arrive tout simplement pas à croire que quelqu'un ferait cela pour toucher ce montant minime.
Mme Beverley Smith: Je suis d'accord. C'est pourquoi quand nous voyons que, dans votre définition de l'impôt, il est question de la fiscalité et des enfants à charge et de la déduction pour garde d'enfants, essentiellement, le problème est dû en partie à la comparaison du revenu unique versus le double revenu, et la présence ou l'absence d'enfants. Et la perte de revenu est le principal facteur, oui.
M. Paul Szabo: Bien sûr.
Merci beaucoup. Je suis absolument certain que la seule et unique raison de notre présence ici aujourd'hui, c'est vous.
Mme Beverley Smith: Merci.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Je dois vous poser la question: sont-ce là au premier rang les quatre bonnes raisons pour lesquelles vous êtes restée à la maison pendant toutes ces années?
Mme Beverley Smith: Oui.
Mme Karen Redman: Je leur souhaite la bienvenue.
Mme Beverley Smith: Voudriez-vous que je vous les présente?
Mme Karen Redman: Oui, nous voudrions bien les connaître.
Mme Beverley Smith: Puis-je le faire?
Mon fils Jacob fait son doctorat en médecine à l'Université de Calgary. Ma fille Sara est en troisième année en histoire de l'art à l'Université de Calgary. Deborah est en première année de journalisme au Mount Royal College; elle vient tout juste d'avoir son baccalauréat. Et Rebecca est en première année de droit à l'Université de Calgary.
Mme Karen Redman: Bienvenue.
Le président: Félicitations.
Mme Karen Redman: C'est bien de voir que vos investissements rapportent.
Mon parti pris fondamental en abordant cette question, c'est que nous ne devons pas faire d'ingénierie sociale. Et bien que je me rends compte que nous avons un mandat précis, nous pouvons recourir à d'autres instruments à part la Loi de l'impôt sur le revenu. Je me demande si vous avez réfléchi à l'existence, pour les personnes qui ont choisi de se retirer du marché du travail mais qui ont l'intention d'y revenir, du fonds consacré à la formation auquel elles peuvent avoir accès, ou bien au fait qu'elles peuvent avoir des crédits à verser au RPC afin de pouvoir toucher des prestations quand elles prendront leur retraite à la fin de leur carrière. À votre avis, ces options sont-elles intéressantes?
Je dois vous dire que je suis convaincue que dans ma propre vie et dans la vie des gens que je connais, c'est beaucoup plus qu'une simple question d'argent. C'est une question de valeurs et bien souvent, les gens prennent des décisions en faisant un choix pour leur famille quant à la façon dont ils veulent élever leurs enfants. En fait, ce que je veux obtenir, c'est le plus grand éventail possible de choix pour les mères et les pères, parce que je sais qu'il y a dans mon quartier des pères qui restent à la maison pour s'occuper des enfants.
Mme Beverley Smith: Oui, c'est une question beaucoup plus vaste. Je pense que quelqu'un a fait observer que le principal problème, la principale divergence entre le Dr Hedy Fry et moi-même, c'est que nous ne sommes pas d'accord quant à la façon de mesurer la valeur des femmes.
Il est évident que j'en ai contre la façon dont vous définissez le travail. Si vous vouliez être poli, vous pourriez changer les documents gouvernementaux de manière à éviter d'utiliser ces horribles expressions du genre «se retirer de la population active», et éviter de parler de gens qui ne travaillent pas, parce que tout cela est extrêmement insultant pour les femmes qui font des journées de 18 heures. Cela ne vous coûterait rien et vous permettrait d'éviter d'aliéner 3 millions de femmes au foyer. C'est un premier point.
Quant à la pension, oui, je crois que certains pays ont envisagé de créer une pension pour personnes au foyer. L'Italie l'a fait. Je trouve vraiment insultant que le gouvernement du Canada trouve tellement formidable de ne pas comptabiliser en votre défaveur les années que vous passez à la maison. Il ne vous donne peut-être pas de crédits pour ces années-là, mais au moins, il ne vous en tient pas rigueur. Je trouve que nous devons avoir une pension pour personnes au foyer afin de reconnaître la valeur de ce travail.
Je suis mécontente quand j'entends que la première chose à laquelle les gens pensent pour aider les personnes au foyer, c'est de voir comment on peut les aider à cesser d'être des personnes au foyer. Quand on parle de programmes de recyclage pour sortir les femmes de la maison, cela ne reconnaît pas la valeur de leur travail.
Mme Karen Redman: Je vais préciser ma position là-dessus. Pour ce qui est de choisir de travailler au foyer, j'ai des amis qui m'ont dit qu'elles avaient l'impression de ne pas avoir le choix, qu'elles devaient retourner au travail à cause du perfectionnement ou du rattrapage à faire, du fait que si vous n'êtes pas à votre bureau en train d'utiliser votre ordinateur, si vous retournez au travail cinq ans plus tard, vos habiletés peuvent être devenues complètement désuètes. Pour elles, ce n'est pas une question de gros sous ou de trouver des gens compétents pour s'occuper de leurs enfants; c'est le fait que dans cinq ans, elles n'auront peut-être plus les compétences pour se tailler une place sur le marché du travail. Par conséquent, en offrant ce genre de recyclage, on se trouve à dire aux femmes: si vous choisissez de rester à la maison et d'être un parent à plein temps, nous vous aiderons quand vous déciderez que vous voulez faire un choix différent.
Mme Beverley Smith: Allez-vous aider les femmes qui font un travail rémunéré et qui veulent prendre la décision de retourner à la maison? Leur donnez-vous des cours à elles aussi? Voilà ce que je veux dire par l'égalité.
Si l'on ne rabaissait pas et n'insultait pas tellement les personnes au foyer, celles-ci ne se diraient plus, mon dieu, je ne sais plus rien faire de mes dix doigts.
Pour ce qui est des femmes qui travaillent à la maison, l'une de mes amies m'a dit hier que nous devrions confier à une femme au foyer le soin d'équilibrer le budget du Canada, parce qu'elles savent comment économiser jusqu'au dernier sou; elles savent comment supprimer le superflu. Vraiment, nous sommes devenues des gestionnaires, des organisatrices. Excusez-moi, je ne prétends pas nous béatifier, mais je trouve que c'est vraiment triste que l'on considère que les personnes au foyer sont des gens stupides qu'il faut recycler. Je sais que ce n'est pas ce que vous dites, mais c'est l'impression que donnent des documents du gouvernement et toutes ces initiatives qui donnent l'impression que l'on tient tellement à former ces femmes-là.
Mme Karen Redman: J'ai vraiment apprécié votre présentation, mais vous avez bel et bien reconnu que c'est sur le plan des principes; il s'agit de voir comment, en principe, et en légiférant, tout en évitant de faire de l'ingénierie sociale, nous pouvons offrir le plus grand éventail de choix. Je table sur mon expérience personnelle et celles des femmes que je connais et qui m'ont dit que c'est un obstacle qui les empêche de choisir librement.
Mme Beverley Smith: Vous voudriez donc que l'on donne des programmes de recyclage?
Mme Karen Redman: Je dis qu'offrir cette possibilité, offrir peut-être une année de congé parental pourrait donner un choix aux parents. Certains pays le font. Je pense qu'en Suède ou au Danemark, on donne un an dont les six premiers mois peuvent être utilisés par la mère et les six mois suivants par le père.
Mme Beverley Smith: Je trouve que ce serait magnifique. Je crois que la Norvège ou un autre pays de cette région offre six ans.
Quand on a des adolescents qui sont en difficulté, qui ne se sentent pas appuyés et qui se mettent à tirer à droite et à gauche—excusez-moi de parler de la sorte, mais je trouve que c'est assez naïf de croire que la première année va sauver l'enfant. La tâche d'un parent ne se limite pas à cette première année. Vous envisagez de régler le problème en donnant peut-être de l'argent aux parents pour qu'ils restent à la maison jusqu'à ce que l'enfant soit âgé d'un an, mais vous donnez d'autre part de l'argent aux utilisateurs des garderies jusqu'à ce que l'enfant ait 16 ans, ce qui est loin de l'égalité.
Il nous faut quelque chose d'abordable fondé sur le principe de l'équité. Sur le plan pratique, je pense qu'il faut donner la même chose à tous les parents au Canada.
Mme Karen Redman: Mais vous accepteriez que le montant soit récupéré par l'impôt pour les tranches de revenu supérieur?
Mme Beverley Smith: Si vous voulez parler du revenu familial par rapport au revenu des particuliers, le gouvernement du Canada prétend que c'est le particulier qui paie l'impôt mais au moment où l'argent est redistribué, ce n'est plus le particulier mais en fonction de la famille, ce qui manque de logique.
Si une femme au foyer ne dispose pas d'argent elle-même, à titre personnel, et que vous voulez lui donner un sentiment de valeur et de dignité, alors le revenu de son mari n'a aucune importance. Vous comprenez ce que je veux dire?
Mme Karen Redman: Oui.
Mme Beverley Smith: Il s'agit de son argent à elle. Ce ne sera pas grand chose mais c'est à elle alors il ne faut pas le reprendre, quel que soit le revenu de son mari, si vous voulez respecter le principe de l'imposition à titre particulier. Mais si vous voulez suivre le principe de l'imposition familiale, alors reprenez cet argent. Si son mari se trouve être riche, alors elle ne reçoit rien, je suppose, mais dans ce cas il s'agirait d'un régime d'imposition familiale avec des barèmes séparés pour les familles.
Mme Karen Redman: Le régime d'imposition familiale serait-il facultatif pour une famille...
Mme Beverley Smith: Oui.
Mme Karen Redman: ...ou bien s'agirait-il d'un régime universel?
Mme Beverley Smith: Il faudrait absolument que ce soit facultatif pour tenir compte d'une certaine situation comme celle de la mère célibataire.
Ce serait au choix. Si une famille est avantagée en choisissant le régime familial, elle le fera. Mais si vous êtes défavorisés et que vous préférez l'imposition à titre particulier, alors ce sera votre choix. Si on faisait confiance aux gens, le système marcherait bien.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Merci.
Vous dites que ce que vous donnez à l'un, vous devez le donner à tout le monde. Le contraire s'applique-t-il? Si on supprime un avantage pour certains afin de rendre le régime équitable, trouveriez-vous cela acceptable? Je pense à la déduction pour les frais de garde d'un enfant. Cela semble constituer un irritant pour bien des gens. Alors si nous devions supprimer cette déduction, pensez-vous que cela permettrait de rétablir l'inéquité?
Mme Beverley Smith: Voulez-vous dire rétablir l'équité?
Le président: Eh bien, ce n'est pas une déduction prévue pour les parents qui restent à la maison. Alors si elle est carrément supprimée pour tout le monde, serait-ce mieux?
Mme Beverley Smith: En fait, ça revient à me demander si je serais disposée à aliéner toutes ces personnes qui peuvent utiliser la déduction pour frais de garde car elles seraient furieuses si elle était supprimée.
Le président: Il s'agirait de la supprimer carrément.
Mme Beverley Smith: Je comprends. Eh bien, elles seraient furieuses. Je l'ai mentionné à Paul Martin dans une conversation téléphonique car il est clair que lui ne veut pas aliéner qui que ce soit. Il m'a répondu qu'il préférerait réduire l'impôt de tout le monde et que ce serait une bonne occasion de s'attaquer à ce problème de l'inégalité. Sur le plan politique, c'est sans doute la chose à faire.
Mais en fin de compte, si quelqu'un obtient 7 000 $ et quelqu'un d'autre n'en obtient que 200 $, ne serait-ce pas plus équitable d'accorder 3 500 $ à chacun? Le perdant ne serait pas content mais il devrait être conscient de ce qu'il a eu comme privilège jusqu'à maintenant.
Le président: Je voudrais examiner le modèle du Québec, car ma province est à bien des égards à l'avant-garde. On y reconnaît la valeur de la contribution d'un conjoint de sorte que, en cas de divorce, même si l'un des conjoints n'a pas travaillé du tout...
Mme Beverley Smith: À l'extérieur de la maison.
Le président: ...la répartition des biens se fait sur la base de l'égalité, à 50-50. Dans quelques autres domaines le Québec est aussi à l'avant-garde.
M. Paul Forseth: C'est la même chose partout au pays.
Le président: Est-ce vrai?
M. Paul Forseth: Oui, la répartition des biens.
Le président: C'est 50-50 aussi?
M. Paul Forseth: Oui.
Le président: Très bien.
Ils accordent aussi une exemption d'impôt pour enfant, et ils vous permettent même de soustraire de tous revenus gagnés par un enfant les dépenses reliées à son éducation. Si la DFGE était éliminée, par exemple, et remplacée par une exemption pour enfant qui s'appliquerait à tout le monde, une exemption universelle, croyez-vous que cela pourrait corriger une partie des iniquités?
Mme Beverley Smith: Ça me semble intéressant, sauf que si je comprends bien, le Québec a des services de garde universelle.
Le président: Oui, mais vous avez aussi droit à une exemption par enfant, et les exemptions varient selon le nombre d'enfants et leur âge.
Mme Beverley Smith: Ce qui m'inquiète, et je ne sais pas comment ça fonctionne, c'est de savoir si cette déduction s'appliquerait aux services de garde d'enfants? Eh bien, non, c'est l'État qui paie pour les garderies. Je crois qu'il s'agit de 4,00 $ par jour, n'est-ce pas?
Le président: C'est 5,00 $.
Mme Beverley Smith: Bien. Ensuite, on a ce programme universel, donc ceux qui utilisent les garderies auront quand même cet avantage?
Le président: C'est ça.
Mme Beverley Smith: Et vous me demandez si ça me plaît?
Le président: Dans un cas il s'agit d'une garderie subventionnée et dans l'autre cas une reconnaissance de la contribution faite par les parents et de ce qu'il en coûte pour élever les enfants.
Mme Beverley Smith: Est-ce que les deux sont égales?
Le président: Je ne vois pas comment il peut y avoir discrimination, mais je...
Mme Beverley Smith: Alors vous allez me donner 5,00 $ par jour pour rester à la maison avec mes enfants?
Le président: Les parents qui restent à la maison ont aussi accès aux services des garderies.
Mme Beverley Smith: Oh, excusez-moi.
Le président: Je ne fais que vous donner...
Mme Beverley Smith: C'est équitable parce que vous pouvez le faire comme je le veux?
Le président: Non. Je vous demande votre opinion. Je ne veux pas débattre de la question. Je vous demande tout simplement votre opinion.
Mme Beverley Smith: Moi je crois que c'est injuste.
Le président: Alors comment peut-on corriger les...? Plusieurs ont dit que nous devrions adopter l'ancien système des allocations familiales ou faire une contribution, permettre une déduction pour les enfants, par exemple. Vous ne croyez pas que cela servirait à régler certains problèmes?
Mme Beverley Smith: Ça pourrait régler certains problèmes, oui. Si vous donnez quelque chose, c'est mieux que rien, mais ça ne règle pas tous les problèmes.
Le président: Auriez-vous un montant à suggérer? S'agirait-il de 1 000 $ par enfant?
Mme Beverley Smith: Non, parce que je ne suis pas une experte en fiscalité. L'idéal pour moi c'est l'équité; c'est tout.
Le président: Très bien. Nous allons nous en tenir à cela.
Mme Beverley Smith: Très bien.
Le président: J'aimerais vous remercier d'être venu pour nous faire part de vos idées. Nous allons nous réunir demain matin à 9 heures, à Toronto, et certains d'entre nous doivent prendre un avion dans une demi-heure.
Mme Beverley Smith: Merci d'être venu.
Le président: Merci.
La séance est levée.