STFC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON TAX EQUITY FOR CANADIAN FAMILIES WITH DEPENDENT CHILDREN OF THE STANDING COMMITTEE ON FINANCE
SOUS-COMITÉ SUR L'ÉQUITÉ FISCALE POUR LES FAMILLES CANADIENNES AVEC DES ENFANTS À CHARGE DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 10 mai 1999
Le président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à la motion adoptée le 17 mars 1999 par le Comité permanent des finances, le sous-comité reprend son étude sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes ayant des enfants à charge.
• 1335
J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue cet après-midi à
M. Darrel Reid, président, et à M. Jim Sclater, directeur des
politiques publiques, de Focus on the Family; et à
Mme Leslie Zenger, qui témoigne à titre personnel.
Je crois que Mme Zenger doit partir à 14 heures. Par conséquent, nous allons commencer par entendre son exposé, et selon la longueur de l'exposé de Focus on the Family, peut-être pourrons-nous entendre les deux avant que vous partiez. Sinon, nous vous poserons des questions, et vous pourrez ensuite partir.
Je vous sais gré de votre patience. Nous avons terminé plus tard que prévu ce matin.
Mme Leslie Zenger (témoignage à titre personnel): Je vais donc commencer.
Le président: Je vous en prie.
Mme Leslie Zenger: Merci. Est-ce qu'il y a une façon particulière de s'adresser au comité de la Chambre des communes?
Le président: Non, la réunion est très informelle.
Mme Leslie Zenger: Je dois dire que je me sens un peu nerveuse, avec l'heure qui tourne, et qu'en tant que personne non active je dois retourner à la maison pour m'occuper de mes enfants.
Le président: Nous aimerions tous rentrer pour nous occuper de nos enfants.
Mme Leslie Zenger: Eh bien, ils n'ont personne aujourd'hui pour s'occuper d'eux, et...
Je dois aussi vous dire que les enfants m'ont raconté dernièrement que selon les statistiques les gens ont plus peur de parler en public que de la mort. Je ne suis pas conférencière.
Le président: Détendez-vous.
Mme Leslie Zenger: D'accord.
Le président: La seule personne qui risquerait de vous mordre est Paul Szabo, et nous allons le tenir en laisse.
Mme Leslie Zenger: D'accord.
Je crois que l'accent est mis sur les familles biparentales à revenu unique. C'est de cela dont j'aimerais parler.
D'entrée de jeu, j'aimerais dire que depuis l'introduction de la déduction pour frais de garde d'enfants pour les familles où les deux parents travaillent—et je crois que cela comprend aussi les familles à revenu unique—ceux d'entre nous qui restent à la maison pour élever leurs enfants font l'objet de discrimination. Auparavant, aucune valeur n'était attribuée à l'éducation des enfants, et nous étions donc malheureusement égaux dans cette injustice.
Le système actuel, où les familles biparentales à revenu unique paient des impôts en fonction d'un soutien de famille avec des déductions, à l'exclusion de celles relatives aux frais de garde, ne reconnaît pas que le parent qui reste à la maison travaille. L'éducation des enfants et le travail ménager ont bien une valeur. Notre régime fiscal le reconnaît lorsque ce travail est effectué par des bonnes d'enfants ou par des moniteurs de garderie.
Une famille biparentale à revenu unique compte deux parents qui travaillent. La contribution à la maison et à la collectivité du parent qui reste à la maison est souvent bien supérieure à celle d'une bonne d'enfants.
Je suis allée dernièrement à une réunion de parents à une école fréquentée par 830 enfants. Dix parents étaient à la réunion, ce qui illustre bien le nombre d'entre eux qui peuvent s'acquitter des tâches nécessaires à l'école.
Les parents qui restent à la maison pour élever leurs enfants sont aussi ceux qui font du bénévolat dans les écoles et les collectivités. Les bonnes d'enfants ne le font pas. Bien sûr, de nombreux parents qui travaillent s'impliquent à l'école et dans la collectivité, mais pas autant pendant les heures de classe. Et les parents qui restent à la maison n'arrêtent pas à 17 heures.
Il devient difficile de trouver de l'aide dans les écoles et les collectivités lorsque de moins en moins de parents sont disponibles et que ceux qui le sont se lassent de faire du bénévolat pour leurs enfants et les enfants de parents qui gagnent un revenu additionnel. Certains se lassent de payer un véhicule, de l'essence et des réparations alors que des parents non disponibles peuvent gagner un revenu additionnel et probablement se faire rembourser leurs dépenses d'essence.
Est-ce que les bonnes d'enfants travaillent? Est-ce que le personnel des garderies travaille? Est-ce que les parents qui restent à la maison pour élever leurs enfants travaillent?
Le régime fiscal doit reconnaître que le parent qui reste à la maison travaille. Le régime actuel, qui reconnaît le travail effectué à l'extérieur du foyer et le travail effectué par les bonnes d'enfants et d'autres fournisseurs de soins, ne reconnaît pas le travail fait par le parent qui reste à la maison dans un ménage biparental à revenu unique. Je crois que le travail effectué doit être reconnu, peu importe le revenu du parent qui travaille à l'extérieur de la maison. Ce travail, qu'il soit effectué par un membre de la famille ou quelqu'un de l'extérieur, est précieux, et ceux qui le font doivent être reconnus dans le régime fiscal.
D'après ce que je comprends, le régime fiscal actuel favorise les ménages où les deux parents travaillent à l'extérieur du foyer. Il est conçu de manière à permettre aux deux parents de travailler à l'extérieur. Il dit que si vous travaillez à l'extérieur, l'éducation de vos enfants a une valeur monétaire. Il dit que l'éducation des enfants a une valeur pour autant qu'un étranger s'en charge. Le système est discriminatoire. Il pénalise les parents qui restent à la maison pour élever leurs enfants et les familles qui ont la chance de compter sur un grand-parent. On ne peut pas valoriser le travail pour les uns et pas pour les autres.
• 1340
La valeur des services de garde ne se résume pas à un crédit
pour les familles à faible revenu; il est question d'un travail
précieux, qu'il soit effectué par un membre de la famille ou non.
Il n'est pas nécessaire de changer le régime fiscal afin que les
familles à faible revenu puissent déduire les frais de garde
d'enfants. Il faut le modifier afin que les soins aux enfants aient
une valeur universelle, qu'on valorise le travail, peu importe qui
le fait.
Les familles à revenu élevé paient encore davantage d'impôt que les familles à faible revenu, mais la déduction pour frais de garde doit être universelle. Cela permettrait d'offrir un choix équitable, que le deuxième parent travaille à la maison ou à l'extérieur.
La valeur attribuée à l'éducation des enfants doit être la même dans l'ensemble du pays, peu importe le revenu familial. L'éducation des enfants est précieuse, et les personnes qui s'en chargent doivent être valorisées. Lorsque ce travail sera reconnu à sa juste valeur, les femmes pourront véritablement exercer un choix équitable. Les femmes—et je parle des femmes parce que cette question les intéresse principalement—doivent pouvoir choisir entre travailler à l'extérieur ou rester à la maison. Le choix doit être équitable. Si une femme veut une vie professionnelle ou qu'elle a les aptitudes nécessaires pour travailler à l'extérieur du foyer, elle doit avoir l'occasion de le faire.
Trop de femmes travaillent simplement pour avoir un revenu additionnel. Une fois les frais de garde payés, leur situation est à peine meilleure, mais elles ont besoin de ce revenu. D'autres sont tout simplement fatiguées de travailler pour rien. Elles préfèrent payer des frais de garde et toucher une rémunération ailleurs. De nombreux hommes dans ces deux derniers groupes occupent des postes à l'embauche ou de premier échelon qui pourraient être comblés par des jeunes au chômage.
Vous devez aussi savoir que le travail ne s'arrête pas une fois que les enfants commencent la maternelle ou la première année. Il ne s'arrête pas lorsque les enfants ont 12 ans. Non seulement le travail n'arrête jamais, mais le parent qui reste à la maison pour élever les enfants, s'occuper des tâches ménagères et faire du bénévolat dans la collectivité renonce aussi à des années d'ancienneté et de rémunération possible. Ce parent, qu'il ait reçu une formation ou non, doit plus tard se recycler avant de réintégrer le marché du travail lorsque les enfants sont élevés et indépendants.
Tant que les jeunes auront besoin d'emplois, je favoriserais un régime fiscal qui offrirait aux parents un choix équitable entre travailler à la maison et dans la collectivité ou intégrer la population active. La déduction pour frais de garde d'enfants devrait être offerte rétroactivement à toutes les familles biparentales à revenu unique à partir du moment où la valeur de ce travail a été reconnue par la déduction pour frais de garde d'enfants. La pratique qui consiste à reconnaître le travail d'un groupe sans reconnaître celui d'un autre est hautement discriminatoire.
Le président: Merci beaucoup.
Quelle est la longueur de votre exposé, monsieur Reid?
M. Darrel Reid (président, Focus on the Family): L'exposé que je ferai avec M. Sclater fait de huit à dix minutes.
Le président: Peut-être allons-nous entendre votre exposé et ensuite poser des questions à Mme Zenger. Êtes-vous pressée?
Mme Leslie Zenger: Je dois partir à 14 heures.
Le président: Je vais donc demander aux députés de l'opposition de poser leurs questions.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci de vous être déplacée aujourd'hui.
Le principal thème que vous avez exprimé est sans contredit que les soins aux enfants devraient avoir une valeur universelle. Vous signalez le peu d'importance que la société canadienne accorde aux enfants en n'indemnisant pas ceux qui veillent sur eux. La société doit examiner d'une façon plus large la place qu'elle accorde aux enfants et les soutiens offerts pour les élever, peut-être par l'entremise du régime fiscal, car cela reflète en quelque sorte les valeurs canadiennes en général.
Il est intéressant que vous ayez parlé d'une solution rétroactive. Cela risque de ruiner la Banque du Canada, mais cela réglerait certainement le problème de justice ou d'équité.
• 1345
Vous avez examiné l'ensemble des mesures disponibles, et si
vous pouviez changer quelque chose sur le formulaire de l'impôt,
qu'est-ce que ce serait, pour essayer au moins d'atténuer le
problème dont vous avez parlé quant à la valeur de l'éducation des
enfants? Compte tenu du fait qu'on ne peut pas tout faire du jour
au lendemain et que l'idéal, qui serait peut-être d'instaurer un
revenu annuel garanti assorti d'un taux d'imposition fixe et ce
genre de choses, serait plutôt révolutionnaire, dans le mandat de
ce comité, que pourrait-on faire à court terme?
Mme Leslie Zenger: La première chose serait d'évaluer les soins aux enfants. Si vous pensez à la semaine moyenne de travail, cela deviendrait la journée de travail moyenne du fournisseur de soins. Tous les parents travaillent 24 heures par jour, qu'ils travaillent à l'extérieur de la maison ou non, et j'aimerais qu'on reconnaisse cette contribution. Que ce soit au moyen d'une déduction ou qu'un conjoint paye l'autre, je n'ai pas vraiment réfléchi à ce que je préférerais. Mais il y a véritablement deux choses.
Je crois aussi que le fractionnement du revenu est souhaitable dans un ménage. Mais pour ce qui est des soins aux enfants, ce qui est accordé aux parents qui travaillent à l'extérieur du foyer doit aussi être accordé lorsque l'enfant est gardé à la maison. Si cette déduction est de 5 000 $ par année, toutes les familles devraient pouvoir la réclamer. Peu importe que je sois effectivement rémunéré, les soins que je prodigue à mes enfants doivent être reconnus.
M. Paul Forseth: Que pensez-vous de ce que nous avons entendu à cette table, à savoir que pour le parent qui travaille à l'extérieur, les frais de garde constituent une dépense d'emploi? C'est un sujet de controverse.
Il y a beaucoup de personnes dans une situation comparable—comme des hommes de métier, etc.—qui ont clairement des dépenses d'emploi, comme un mécanicien qui doit dépenser des milliers de dollars pour s'acheter des outils et se tenir à jour, sans pouvoir rien déduire. Il y a de nombreux autres exemples de dépenses d'emploi que la Loi de l'impôt sur le revenu ne reconnaît pas. C'est peut-être un cas spécial. Au lieu de le voir comme une prestation pour enfants ou quelque chose d'autre, c'est vu comme une dépense d'emploi, et par conséquent cette déduction ne devrait être accordée qu'à quelqu'un qui déclare un revenu d'emploi et qui paie des frais de garde d'enfants.
Mme Leslie Zenger: Je crois que le gouvernement a fait un pas dans la bonne direction lorsqu'il a reconnu que quelqu'un devait être payé pour les services de garde. Il attribue une valeur au service de garde d'enfants, ce qui a permis à des femmes de travailler à l'extérieur du foyer. C'est une mesure sociale progressive. Les femmes doivent pouvoir choisir entre des options équitables.
Mais il faut aller plus loin et se rendre compte qu'il ne faut pas seulement donner aux femmes la possibilité de travailler à l'extérieur du foyer, qu'il y a des femmes qui font une meilleure contribution à la maison. On peut certainement soutenir les femmes qui ont des aspirations professionnelles. Nous devons aussi reconnaître la valeur du travail, et c'est ce que le régime d'impôt sur le revenu fait lorsqu'il permet aux travailleurs de déduire des dépenses d'emploi. Mais le fait d'aller travailler à l'extérieur du foyer est en général un choix personnel.
M. Paul Forseth: Que peut-on faire pour valoriser le travail du parent qui reste à la maison?
Mme Leslie Zenger: Dans le cas d'un enfant d'âge scolaire, une famille peut déduire jusqu'à 5 000 $ par année de frais de garde, je crois. Est-ce ce à quoi ils ont droit? Je ne suis pas sûre du montant réel; je n'ai jamais eu l'occasion de le réclamer. Est-ce 7 000 $? Au bas mot, peu importe ce qu'une famille à double revenu peut déduire au titre des frais de garde, la famille à revenu unique doit pouvoir le déduire aussi. Les enfants sont gardés par quelqu'un à la maison; c'est donc une économie réalisée par le ménage—quelque chose s'ajoute à son revenu. Cela valorise quelque peu le travail fait à la maison.
• 1350
Selon un article publié dans une revue dernièrement, les trois
emplois les plus stressants au Canada étaient médecin de famille,
pasteur d'une Église de 300 membres ou plus, et mère au foyer de
deux enfants ou plus. Bien sûr, nous savons tous que nous ne
pouvons pas toucher autant qu'un médecin; le pays serait en
faillite. Mais le travail doit être indemnisé de manière équitable.
Il ne suffit pas d'inciter des gens à aller travailler à l'extérieur du foyer. Notre société a besoin de parents qui restent à la maison. On ne semble pas vouloir discuter aujourd'hui de ce qui est préférable pour la société, et j'en discute donc comme d'un travail qui doit être reconnu à sa juste valeur.
M. Paul Forseth: Vous avez dit que ce n'est pas...
Le président: Le temps nous manque. Nous avons déjà dépassé de huit minutes et nous avons deux autres témoins.
M. Paul Forseth: Je vais donc m'arrêter ici.
Le président: J'aimerais donc que toutes les questions soient posées ensemble et que Mme Zenger y réponde ensuite.
Michelle.
Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or—Cape Breton, NPD): J'ai une observation et une petite question. Je vous ai entendue parler de choix au sujet des femmes qui travaillent à l'extérieur du foyer. Dans le cas de certaines femmes, ce n'est pas un choix; c'est une nécessité.
Mme Leslie Zenger: C'est vrai.
Mme Michelle Dockrill: Je crois que vous êtes d'accord pour dire qu'il faut reconnaître le travail non rémunéré—c'est une expression épouvantable. Mais que diriez-vous au sujet des familles monoparentales?
Mme Leslie Zenger: Est-ce que vous parlez des parents seuls avec un revenu ou sans revenu?
Mme Michelle Dockrill: Les deux. Je préfère l'expression famille monoparentale.
Mme Leslie Zenger: Bien sûr, le travail d'un chef de famille monoparentale est aussi important. Dans le cas d'un parent seul qui travaille à domicile, la question des frais de garde est sans équivoque. Le parent a droit à toute la déduction de frais de garde d'enfants. La situation se complique dans le cas d'un parent seul qui n'a aucun revenu. Nous ne voulons pas encourager les gens à avoir des enfants uniquement afin qu'ils puissent toucher un revenu garanti du gouvernement. Je connais des jeunes qui pensent de cette façon.
Les besoins des familles où les parents n'ont aucun revenu seront satisfaits, mais leur revenu sera faible. Il faut agir de manière responsable lorsqu'on décide d'avoir des enfants. Mais avoir des enfants afin que les autres contribuables vous paient le salaire d'une bonne d'enfants ne peut pas être une option valable.
Nous devons assurer un revenu suffisant aux parents seuls qui sont à la maison. Ils ont davantage de problèmes que ceux qui ont un revenu. Mais ce n'est pas d'eux dont je parle ici, mais plutôt de la discrimination dont font l'objet les familles biparentales à revenu unique, où il est évident qu'un groupe peut déduire ses frais de garde d'enfants tandis que l'autre ne le peut pas.
Selon moi, la famille sans revenu est une autre question, par ailleurs très grave, mais qui n'a pas directement trait à la déduction de frais de garde d'enfants offerte à un groupe et non à l'autre. Je sais que je travaille aussi fort que n'importe quelle bonne d'enfants. Je ne fais pas que nettoyer la maison. J'estime que j'apporte une contribution valable à la collectivité dans mon travail. Cela m'irrite de savoir que la bonne d'enfants est rémunérée et que je ne le suis pas. Je crois que quelque chose cloche dans le système. La valeur du travail est reconnue. Nous avons la déduction pour frais de garde d'enfants qui reconnaît la valeur du travail, mais c'est un système discriminatoire qui dit que le travail n'est valable que s'il est effectué par quelqu'un qui ne fait pas partie de la famille.
Je pourrais discuter des questions sociales. Ce n'est pas qu'une simple discrimination économique. Ce n'est pas quelque chose qui favorise une société en bonne santé. Le gouvernement a décidé d'aider les parents à travailler à l'extérieur du foyer.
Mme Michelle Dockrill: Aurait-on raison alors de supposer qu'un parent seul, comme vous dites, serait sans doute irrité parce qu'il ou elle n'a pas le choix de rester à la maison avec les enfants?
Mme Leslie Zenger: C'est aussi une autre question. Comment quelqu'un devient-il un parent seul? Parfois ce n'est pas du tout sa faute. Aucun mariage n'est facile. Tous les mariages peuvent se terminer par le divorce. Certains couples y travaillent plus que d'autres. Ce sont de grandes questions.
Mme Michelle Dockrill: Je vous pose cette question parce que le comité étudie entre autres les différentes formes de famille. Dans la société canadienne, il y a des familles monoparentales. Cela me fait réfléchir lorsque j'entends dire qu'un parent est seul...
Mme Leslie Zenger: Non, cela peut arriver à...
Mme Michelle Dockrill: Cela fait partie de la réalité de la société dans laquelle nous vivons, et je crois qu'il est important de reconnaître qu'ils n'ont pas le choix, car c'est le seul moyen qu'ils ont de subvenir aux besoins de leurs enfants.
Mme Leslie Zenger: Ma famille pourrait facilement être monoparentale. Le mariage n'est pas facile et parfois pas agréable. Je pourrais très facilement être dans leur situation. Certaines personnes ont encore moins le choix de rester mariées que moi. Lorsque le mari décide de partir, la femme n'exerce pas vraiment de choix.
Mme Michelle Dockrill: Mais vous convenez que c'est un problème—qu'une famille monoparentale peut être aussi irritée que vous, mais pour les raisons inverses.
Mme Leslie Zenger: Si la famille monoparentale a un revenu, elle aura droit à la déduction pour frais de garde, et la valeur de l'éducation des enfants sera reconnue. Si le parent reste à la maison et vit de l'aide sociale... sans service de garderie, c'est très difficile.
Mme Michelle Dockrill: Avez-vous une opinion au sujet d'un programme national de garderies?
Mme Leslie Zenger: Mon opinion est que pour nous tous, que nous travaillions à la maison ou à l'extérieur, la valeur du travail est celle que le bien-être social accorde pour élever les enfants, et nous sommes rémunérés en fonction de cette valeur. L'aide au revenu, comme on l'appelle maintenant. Mais je ne connais pas les détails. Je n'ai pas examiné les chiffres, la paperasse.
Mme Michelle Dockrill: Est-ce à dire que vous êtes en faveur d'un programme national de garderies?
Mme Leslie Zenger: Un programme national de garderie, de garde d'enfants...?
Mme Michelle Dockrill: Pour garantir l'accès à des services de garde d'enfants à l'extérieur du foyer.
Mme Leslie Zenger: Dans ce cas-là, je ne suis pas certaine de comprendre ce qu'on entend par un programme national de garde d'enfants. Est-ce que cela signifie que les services de garde n'ont de valeur que s'ils sont assurés par quelqu'un à l'extérieur du foyer, ou est-ce que cela englobe aussi les parents qui choisissent de rester à la maison pour élever leurs propres enfants? Je ne veux pas appuyer la position selon laquelle les enfants devraient être élevés surtout par des gens autres que les membres de la famille.
Mme Michelle Dockrill: Des témoins nous ont dit que des parents sont contraints de rester à la maison faute de politiques ou de systèmes qui les aideraient à participer à la population active, et notamment des services de garde d'enfants accessibles et abordables. Dans un tel contexte, seriez-vous d'accord avec un programme national de garde d'enfants?
Mme Leslie Zenger: Je ne comprends toujours pas au juste de quoi il s'agit. Qu'en est-il de l'aspect qui m'apparaît le plus important, à savoir que s'occuper des enfants est une activité qui a de la valeur? Un programme national de garde d'enfants... plutôt que d'évaluer la valeur du travail des parents qui restent à la maison? Comme je l'ai dit, je ne comprends pas. Je veux que les gens aux plus faibles échelons de salaire, que tous les parents, aient accès à des services de garde d'enfants, qu'ils optent ou non d'offrir eux-mêmes ces services.
Mme Michelle Dockrill: Voilà ce qui nous intéresse aussi, l'accès à des services abordables. Nous nous retrouvons tous pour dire que la société y trouve son compte si les enfants ont accès à des services de garde de qualité.
Mme Leslie Zenger: Oui.
Mme Michelle Dockrill: Un très grand nombre de parents disent très clairement qu'ils n'ont pas accès à des services de garde d'enfants parce qu'ils n'ont pas les moyens de se les payer. Dans un tel contexte,...
Mme Leslie Zenger: Et beaucoup de parents disent: «Je ne peux pas rester à la maison, car je n'en ai pas les moyens», et voilà pourquoi ils travaillent en soirée et pourquoi les deux parents se relaient par quarts.
Mme Michelle Dockrill: C'est exact.
Mme Leslie Zenger: Le travail qui consiste à s'occuper des enfants a-t-il une valeur? Mis à part tout le reste... j'estime que c'est un travail qui a de la valeur et que nous devons reconnaître cette valeur. En ce sens-là, ce n'est pas une valeur liée au revenu. Ce n'est pas un travail qui vaut 3 000 $ par mois si je suis riche—ou les riches voudront peut-être dépenser plus—ou qui vaut 500 $ par mois si je suis pauvre. La valeur est calculée en fonction d'un salaire, 1 000 $ par mois, ou peu importe; ce n'est qu'un chiffre. Mais la valeur correspond à ce salaire qui est le même, peu importe que les revenus soient élevés ou faibles. Il m'arrive même parfois de penser que si on évaluait à sa juste valeur le travail de la mère, sans mettre autant l'accent sur les enfants, elle s'en trouverait valorisée, et cela se répercuterait sur la qualité des soins qu'elle apporterait à ses enfants. Nous devrions repenser tout notre système social autour d'une telle idée.
Le président: Merci, Michelle.
Monsieur Szabo, vous avez exactement cinq secondes.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Leslie, j'aimerais vous remercier de votre excellent exposé, qui avait le mérite d'être très clair. J'aimerais que vous sachiez que je ne pense pas que vous avez pris la décision de vous occuper de vos enfants pour des raisons d'argent. Vos valeurs ressortent très clairement. Merci.
Mme Leslie Zenger: Merci.
Le président: J'aimerais vous remercier de votre participation.
Monsieur Reid, si vous le voulez bien.
M. Darrel Reid: Merci, monsieur le président et membres du Sous-comité sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes avec des enfants à charge. Je suis ravi d'avoir été invité à vous parler cet après-midi de cette question très importante.
Depuis que j'ai quitté Ottawa, et cela fait maintenant près d'un an, j'ai appris deux choses: d'abord, la vie ne s'arrête pas aux limites d'Ottawa; et ensuite, on peut souvent influencer le cours des vies autrement qu'en tranches de 10 minutes. Je fais de gros efforts pour en venir au vif de mon propos cet après-midi, et je vais partager mon temps avec M. Sclater. Je sais que je viens d'utiliser déjà 30 secondes.
Focus on the Family est une oeuvre chrétienne qui s'est donné pour mission de soutenir la famille au Canada grâce à des émissions de radio et des ressources destinées aux parents et aux enfants dans le but de les aider à renforcer les liens familiaux. Nous sommes aussi membre de la Canadian Family Tax Coalition, et vous trouverez en annexe à notre mémoire des copies de notre communiqué et de celui de la coalition.
Grâce à nos émissions de radio, nous parlons toutes les semaines à environ un million de Canadiens, dont certains communiquent régulièrement avec nous, certains plus souvent que d'autres, comme les Canadiens communiquent avec ceux qui exercent votre métier. Comme vous, nous voyageons régulièrement dans tout le Canada et nous écoutons les familles canadiennes nous faire part de leurs préoccupations et de leurs difficultés à boucler les fins de mois. Avant d'aller plus loin, j'aimerais préciser que nous ne sommes pas experts en matière de fiscalité, mais nous rencontrons de nombreux Canadiens, et c'est à ce titre-là que nous venons vous rencontrer cet après-midi.
Je sais que depuis le début de vos audiences vous avez déjà entendu de nombreux experts en matière de politique sociale et de fiscalité—et ce n'est pas fini—sur les questions énumérées dans l'ordre de renvoi de votre comité. Nous aimerions aborder ces questions dans l'optique des Canadiens moyens.
Que pensons-nous? Eh bien, nous pensons que la famille est l'unité sociale fondamentale de la société et que le foyer est le coeur de la vie sociale, éducative, économique et spirituelle. Nous croyons aussi que c'est aux parents, et non pas aux gouvernements ou à d'autres entités sociales, qu'incombe la responsabilité ultime—et je souligne le mot «ultime», car je sais qu'il existe de nombreuses autres responsabilités—de tous les déterminants du bien-être de leurs enfants. Toute initiative qui aurait pour résultat d'affaiblir cette responsabilité serait nuisible à la santé de la famille et, partant, de la société.
Le comité a notamment pour mandat de déterminer s'il est juste de dire que la véritable équité fiscale suppose que les parents doivent pouvoir faire des choix en ce qui a trait à leurs enfants à charge sans être privilégiés ou pénalisés par le régime fiscal. Nous sommes heureux de cette initiative et nous félicitons Paul Martin et le Comité des finances d'avoir entrepris cette étude, car nous croyons que la plupart des familles canadiennes appuieraient toute initiative qui aurait pour but de rendre le régime fiscal plus équitable envers les familles.
C'est une question de choix, et c'est dans cette perspective que nous abordons la question. Je suis certainement d'accord avec ce que disait Mme Dockrill plus tôt, à savoir que ce n'est pas toujours possible de faire le choix de travailler. De très nombreuses personnes n'ont pas ce choix, qu'elles appartiennent à des familles biparentales ou monoparentales. Moi je veux parler du choix que feraient les familles si elles pouvaient choisir.
C'est un fait que les Canadiens veulent pouvoir choisir les arrangements familiaux qui conviennent à leurs enfants, et ils croient qu'actuellement le système les empêche de choisir librement. J'aimerais citer, à titre d'exemple, le sondage d'opinion Compas d'octobre 1998, qui révélait ce qui suit: 91 p. 100 des Canadiens croient que les gouvernements devraient réexaminer leurs programmes et leurs politiques en fonction de leur incidence sur la vie familiale; 82 p. 100 des répondants croient qu'il faudrait accorder la priorité aux initiatives qui rendraient abordable le choix d'un parent de s'occuper des enfants à la maison; et 81 p. 100 croient que le gouvernement devrait accorder «beaucoup plus» ou «plus» d'importance à la création de conditions financières et sociales qui favoriseraient la survie des familles.
• 1405
Les Canadiens croient foncièrement que s'ils pouvaient prendre
des décisions liées à la garde des enfants sans tenir compte de
considérations d'ordre financier la grande majorité d'entre eux
choisiraient qu'un parent reste à la maison particulièrement
pendant les premières années de leurs enfants, et ils croient que
leur choix dépend largement de considérations d'ordre financier et
particulièrement fiscal.
Je vous invite à réfléchir à ce qui suit: d'après un grand sondage sur la famille réalisé en mars 1997 en Ontario, mais dont les résultats reflètent à mon avis les sentiments de tout le pays, les Ontariens renoncent à ce qu'un parent s'occupe des enfants à la maison pour des raisons financières. Les répondants ont dit que s'ils n'avaient pas eu de soucis d'argent—et nous pourrions tous en dire autant, j'imagine—ils auraient préféré s'occuper eux-mêmes de leurs enfants plutôt que de les placer en garderie, et cela à dix contre un.
La question était la suivante: si l'argent avait été un facteur d'importance secondaire, vous ou votre conjoint auriez-vous choisi de rester à la maison? À 89 p. 100 les répondants ont dit oui. Ou enverriez-vous votre enfant en garderie? Et 11 p. 100 ont dit oui.
Nous ne disons pas que les services de garderie ne sont pas nécessaires et nous ne nions pas le fait que certaines personnes doivent avoir accès à de tels services. Nous soutenons toutefois que quand on leur en donne le choix et qu'ils en ont les moyens, les Canadiens préfèrent qu'un des parents s'occupe des enfants à la maison.
Les familles canadiennes comprennent que les couples mariés dont un seul conjoint travaille font l'objet de discrimination. D'après les résultats du sondage d'opinion Compas dont j'ai déjà parlé, 79 p. 100 des Canadiens croient qu'il faudrait en priorité permettre aux couples de payer moins d'impôt en préparant une déclaration de revenus commune. Dans le détail, 21 p. 100 ont dit que cela devrait être une priorité, 31 p. 100 une grande priorité et 27 p. 100 une très grande priorité. Nous de Focus on the Family Canada croyons qu'il est grand temps de corriger ces effets discriminatoires.
J'aimerais maintenant céder la parole à Jim Sclater, notre directeur des politiques publiques, qui décrira certains des effets des politiques fiscales sur les familles.
M. Jim Sclater (directeur des politiques publiques, Focus on the Family): Merci, monsieur le président et membres du comité.
Ce débat sur les effets discriminatoires prend sa source dans un recul général des revenus, et certains commentateurs, dont ceux du Ottawa Citizen, disent que la première moitié des années 90 a été particulièrement brutale pour les familles, qu'elles soient riches ou pauvres. Je suis convaincu que dans vos déplacements dans tout le pays vous entendrez souvent parler de désindexation et de fardeau fiscal en général.
Or, nous souhaitons parler plus précisément des effets discriminatoires de l'actuel code fiscal. Kenneth J. Boessenkool—et je ne sais pas si c'est lui ou un autre représentant de l'Institut C.D. Howe qui comparaîtra—a dit ceci:
-
Ces dernières années, toutefois, les avantages fiscaux ont été
accordés en priorité aux familles très pauvres et aux familles où
les deux conjoints travaillent; les familles à revenu moyen qui ont
des enfants à charge et où un seul conjoint travaille sont imposées
aussi lourdement que les familles sans enfant.
Il a ajouté:
-
C'est injuste [...] le régime fiscal devrait prendre en compte les
coûts d'entretien des enfants à charge, que les deux parents
travaillent ou non à l'extérieur du foyer [...]
...comme nous l'a dit Leslie il y a quelques minutes.
On vous citera de nombreuses statistiques, mais comme notre organisation ne réalise pas elle-même de sondages d'opinion, nous avons mis en bas de page les renvois voulus. Il existe d'importantes divergences dans les chiffres cités par les uns et les autres, mais dans la première source mentionnée en bas de page, le conseil du premier ministre de l'Alberta fait état d'un écart pouvant atteindre 5 654 $ de l'impôt payé par deux familles ayant un revenu identique, où dans un cas l'un des conjoints reste à la maison tandis que dans l'autre cas les deux conjoints travaillent. Dans notre deuxième exemple, pour un revenu de 30 000 $, la famille où un seul conjoint travaille a payé 590 $ d'impôt de plus qu'une famille où les deux conjoints travaillent, l'un gagnant 20 000 $ et l'autre 10 000 $. Ainsi, les revenus des deux conjoints qui travaillent n'étaient pas identiques.
Je pense que le comité peut, par l'entremise d'experts ou directement grâce aux moyens techniques modernes, faire lui-même les simulations, voire préparer des graphiques, qui révéleraient qu'il y a effectivement discrimination, afin de prendre les mesures pour la corriger. Dans notre mémoire, à l'alinéa 2d) du chapitre D, vous pouvez voir qu'en Ontario un couple marié dont un conjoint travaille moyennant une rémunération de 60 000 $ a un revenu net, après impôt, de 42 951 $, tandis qu'une famille dont les deux conjoints travaillent, l'un gagnant 40 000 $ et l'autre 20 000 $, a un revenu net de 47 430 $.
• 1410
Vous pouvez donc analyser tous les chiffres et découvrir dans
quels cas il y a discrimination. Le problème nous apparaît
important. Nous croyons qu'il n'existe aucune justification
rationnelle pour de tels écarts dans un système qui, d'après
l'ordre de renvoi du comité et d'après ce que dit lui-même
M. Martin, devrait assurer l'équité fiscale, indépendamment du
choix que font les parents.
Les recommandations que nous avons formulées comme membre de la Canadian Family Tax Coalition figuraient dans le communiqué que nous avons publié plus tôt cette année et dans une lettre ouverte adressée au premier ministre et dans une lettre adressée à M. Martin.
Nous recommandons—et il s'agit de nos recommandations d'ordre général—que le gouvernement admette la discrimination dont font l'objet les familles à revenu unique. Ensuite, nous aimerions savoir pourquoi les familles dont l'un des conjoints décide de s'occuper des enfants à la maison doivent subir une pénalité de plusieurs milliers de dollars en plus du revenu auquel elles ont déjà renoncé. Nous croyons que ce dernier commentaire mérite réflexion. De nombreuses personnes ont tenté d'écarter cet argument, mais c'est pour nous un facteur important.
Quant aux recommandations précises, j'aimerais m'en tenir aux trois premières avant que notre temps ne s'épuise.
Nous croyons que la déduction pour frais de garde d'enfants devrait être transformée en crédit d'impôt pour enfants, et, ce pour toutes les familles.
Ensuite, nous croyons que les familles à revenu unique devraient avoir le choix de remplir une déclaration de revenus commune ou de fractionner leur revenu afin de réduire le montant d'impôt à payer. Si les familles avaient le choix, elles pourraient de leur propre initiative ou sur l'avis d'un comptable choisir l'une ou l'autre option en fonction de leur tranche d'imposition.
Troisièmement, nous sommes d'avis que le montant pour conjoint devrait être égal au montant de l'exemption personnelle pour reconnaître une valeur égale au conjoint qui travaille au foyer.
Je vais m'arrêter ici. Comme l'a dit M. Reid, nous tenons surtout à prendre position en faveur des familles. Elles communiquent avec nous, nous avons étudié tous les écrits, les mémoires et les livres écrits par des gens mieux en mesure de comprendre le système que nous, mais nous tenions à nous exprimer et à défendre les intérêts des familles biparentales à revenu unique avec un ou plusieurs enfants à charge.
Nous sommes heureux d'avoir eu l'occasion de venir vous rencontrer et nous félicitons le ministre d'avoir confié cette mission au comité. Nous croyons que le problème est pris au sérieux. Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Reid, vous serez heureux d'apprendre que cela a pris 11 minutes et 45 secondes. Bravo!
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci.
Ce qui ressort des chiffres que vous nous avez cités au sujet des familles à revenu unique comparativement aux familles à double revenu, c'est qu'il y a iniquité fiscale, que la famille compte ou non des enfants, et que cela est dû surtout à la progressivité du régime fiscal.
Si l'un des conjoints avait un revenu plus faible, il aurait droit à la déduction de base et au taux d'imposition plus faible—parce que nous avons maintenant trois tranches d'imposition—et l'autre conjoint aurait un taux d'imposition plus élevé. Comme vous l'avez dit, on peut faire les calculs et constater l'écart des impôts à payer par les familles à revenu unique ou à revenu double, mais tout cela, en définitive, n'a rien à voir avec les enfants. Il n'est pas question d'enfants dans ces comparaisons.
Dans un deuxième temps vous ajoutez les avantages fiscaux pour enfants, et l'écart se creuse. Nous devons toutefois faire une distinction très nette entre deux problèmes distincts. Il nous sera peut-être impossible de corriger certains défauts du régime fiscal progressif sans tout remettre en question, jusqu'à envisager un impôt à taux unique, mais nous pourrons peut-être corriger le tir pour les éléments du régime fiscal liés aux enfants.
Il est question ici d'assurance-chômage, et je note que l'une des recommandations est de permettre au parent qui reste au foyer de contribuer à son propre REER. C'est la première fois que cette idée est avancée aujourd'hui. Nous pourrions peut-être en discuter plus longuement. L'idée me semble intéressante et très sensée, mais comment calculer le montant maximal de la contribution? Pour quelqu'un qui a un revenu gagné, ce montant est fonction du revenu. Comment établir le montant maximal de la contribution pour quelqu'un qui n'a pas de revenu gagné?
• 1415
Vous pourriez peut-être répondre à cette question et je
laisserai à mes collègues le soin d'aborder d'autres aspects du
dossier.
Le président: Vous pourriez peut-être aussi nous parler des REER et nous dire pourquoi vous pensez que le REER de conjoint ne permet pas d'atteindre l'objectif que vous souhaitez.
M. Jim Sclater: La réponse la plus concise, c'est que les autres membres de la coalition ont souligné l'importance de reconnaître qu'une femme pourrait hériter de sommes sur lesquelles elle devrait pouvoir limiter le montant d'impôt à payer. La question se posait dans ce contexte-là.
Bien entendu, nous savons qu'existe le REER de conjoint. Je n'ai pas poussé l'analyse ni fait les calculs, mais nous avons jugé utile de formuler cette recommandation, car il n'existe à l'heure actuelle aucune disposition permettant de limiter l'impôt sur un héritage que ferait une mère au foyer. Elle ne pourrait pas placer cette somme à l'abri de l'impôt. Il nous apparaît important de lui reconnaître ce droit à titre de personne travaillant au foyer.
M. Paul Forseth: Je crois savoir que les héritages ne sont pas imposables, et pourtant, si vous possédez une propriété aux États-Unis et que vous héritez d'une maison de campagne patrimoniale construite dans les années 20 sur les bords d'un lac et qui peut valoir maintenant un million de dollars, il vous faut tout à coup payer l'impôt sur cet héritage. C'est une des dispositions de la loi de l'impôt. Nous n'avons pas normalement d'impôt sur les successions au Canada, mais il y a un problème si l'on hérite de biens récréatifs situés de l'autre côté de la frontière. C'est un nouveau problème.
Ce serait bien que vous poussiez un peu votre analyse et que vous fassiez parvenir au comité un commentaire écrit sur les principales recommandations formulées à répétition à l'intention du comité, et particulièrement sur la nécessité ou l'opportunité d'un programme national de garderies.
Par ailleurs, il me semble que les résultats des sondages que vous nous avez cités sont diamétralement opposés aux données que je retrouve dans les mémoires que nous ont soumis d'autres groupes. Si nous supposons que vos données sont exactes, alors nous devons nous demander pourquoi nous avons un régime fiscal dont les dispositions sont si contraires à ce que souhaitent les Canadiens.
M. Darrel Reid: Je suppose que cette question ouvre la porte à toutes sortes de réponses politiques. Toutefois, j'aimerais dire que quand on analyse les exposés faits ici aujourd'hui, il en ressort que les familles sont les mieux placées pour savoir quels soins donner à leurs enfants et quels choix sont les meilleurs. Dans ces sondages d'opinion, les questions avaient pour but de déterminer qui doit prendre de telles décisions. Il me semble qu'il existe de nombreux groupes qui supposent, en s'appuyant sur certaines connaissances universitaires ou autres, soit que le gouvernement a toujours raison, soit que les organismes sociaux possèdent toutes les réponses. Nous rejetons cela, et nous croyons que la plupart des familles canadiennes rejetteraient elles aussi de telles prétentions de façon intuitive ou en s'appuyant sur ces résultats.
Nous ne sommes pas contre un programme national de garderies. Le problème tient au fait que les fonds sont limités et les possibilités d'allégements fiscaux aussi. Cela étant, comment choisir? Pour notre part, nous estimons que le meilleur choix, ce serait de redonner l'argent aux familles pour qu'elles puissent faire les choix qui leur conviennent en ce qui a trait à la garde d'enfants.
[Français]
Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît, cinq minutes.
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Bonjour, messieurs, et merci de votre présentation.
Certains nous ont dit que l'énoncé de notre mandat était passablement limité, et on entend de plus en plus de représentations qui touchent la politique familiale, la garde des enfants, la possibilité d'élever nos enfant, etc. Je voudrais revenir sur le mandat comme tel, dans lequel on parle d'équité fiscale, au point D. On dit qu'il existe une iniquité entre un revenu simple et un revenu double.
• 1420
L'autre jour, j'ai fait l'exercice et j'en ai parlé
aux collègues du comité. Quand une personne seule
a un revenu de 60 000 $
et travaille 37,5 heures par semaine, elle gagne
environ 20 $ l'heure. Quand les deux conjoints d'un couple
travaillent et gagnent ensemble le
même revenu, cela suppose
que ces gens travaillent à eux deux 70 heures par
semaine; ils gagnent donc un peu plus de 9 $ l'heure.
Quand on parle d'une personne qui travaille 37 heures et d'un couple qui travaille 70 heures, peut-on vraiment parler d'iniquité même si les deux ont des avantages fiscaux différents en bout de ligne?
[Traduction]
M. Jim Sclater: Veuillez m'excuser de ne pas avoir bien suivi la traduction. J'ai cru comprendre que vous m'interrogiez sur une certaine rémunération pour les familles à revenu unique par opposition aux familles à double revenu, et j'espère ne pas me tromper en répondant que les véritables différences s'observent surtout entre deux familles ayant le même revenu familial, selon que le revenu est gagné par un seul conjoint ou divisé, également ou non, entre deux conjoints.
Je ne sais pas si c'est vraiment la question que vous avez posée, mais c'est la raison pour laquelle j'ai suggéré de faire appel à des fiscalistes et à un bon ordinateur pour faire la part réelle de ces iniquités. Nous avons délibérément tiré ces divers exemples d'un vaste éventail d'options—des couples à deux salaires ou des couples séparés—afin de montrer que, quel que soit le cas d'espèce, il y a toujours iniquité. Nous essayons simplement de dire qu'il doit y avoir une solution, puisqu'on voit bien que dans le cas le plus favorable, dans celui de deux revenus de 60 000 $ où on réclame la déduction pour enfants, qui est d'un minimum de 7 000 $ par enfant au moins pour le premier enfant, il peut y avoir un écart allant jusqu'à 12 000 $. Il y a quelque chose qui ne va pas, et il faut trouver une solution. J'espère que je réponds plus ou moins à votre question.
Le président: Vous avez dit que sur une base horaire la moyenne pour la famille à un seul revenu est de 20 $, mais que pour la famille à deux revenus, c'est 9 $.
[Français]
Étaient-ce bien vos calculs?
[Traduction]
Et il vous demande si ce n'est pas une iniquité.
M. Jim Sclater: Précisément parce que...
Le président: Il faut travailler deux fois plus fort pour gagner la même somme, de toute évidence, mais...
M. Jim Sclater: En toute honnêteté, il est impossible d'occulter la difficulté de s'entendre sur la notion de pauvreté—M. Szabo nous a fait remarquer qu'il n'y avait pas véritablement de définition de la pauvreté, voire, de seuil de pauvreté. Selon moi, ne gagner que 9 $ l'heure, c'est appartenir au monde des économiquement faibles, que l'on soit deux ou seul. C'est un problème auquel il faut trouver une solution, et M. Martin, bien entendu, a fixé certains objectifs. Cependant cette politique a ses défauts, qui sont dénoncés—par exemple, la fiscalisation des avantages accordés aux économiquement faibles, une double pénalisation qui ne devrait pas exister.
Nous reconnaissons donc la complexité du problème. Cependant, je continue à prétendre que tout notre système est unique si deux personnes ne peuvent trouver que des emplois à 9 $ pour élever une famille. Il faut trouver le moyen de les aider. Ce n'est pas l'objet principal de notre réflexion. Ce n'est pas notre spécialité. Mais, bien entendu, nous ne faisons absolument pas abstraction des économiquement faibles, surtout ceux qui ont charge de famille. Je ne sais pas si cela répond directement à votre question, mais je crois que nous en comprenons l'orientation générale.
[Français]
M. Serge Cardin: Notre énoncé de mandat parle d'iniquité en termes de salaire pour une personne ou deux, mais ce n'est pas nécessairement là qu'est le problème. Lors des consultations, on s'aperçoit que les gens demandent la possibilité d'avoir des choix et veulent que le gouvernement les aide à faire ces choix, dont celui d'élever leurs enfants pendant un certain temps, du moins pendant la première enfance. Ils demandent d'être aidés directement.
Je pense que l'énoncé de notre mandat ne correspond plus beaucoup aux recommandations qui seront énoncées à la suite de nos consultations. Les gens veulent recevoir de l'aide pour que leurs enfants soient élevés convenablement, que ce soit par les parents ou par les garderies. C'est mon commentaire.
M. Jim Sclater: J'ai écrit quelques petites notes à propos des économiquement faibles. Il est évident que d'autres groupes ont suggéré—et je suis sûr que vous les entendrez—une exemption personnelle plus élevée pour tout le monde. La désindexation, d'après certains calculs, a fait entrer plusieurs millions d'économiquement faibles dans la catégorie des imposés. C'est une erreur qu'il faut rectifier. Je serais probablement d'accord avec Leslie, qui vient juste de partir, et qui propose une indemnisation rétroactive.
Donc, je pense que pour commencer il faudrait majorer l'exemption personnelle. Il y a peut-être d'autres mécanismes qui pourraient être utilisés. La fiscalisation, pour citer un autre fiscaliste dont j'ai lu les documents... Il semble vraiment étrange que certains—j'utiliserai l'expression «économiquement faibles»—soient imposés parce que dans le tableau ils se retrouvent dans la catégorie des imposables, mais qu'ils finissent par récupérer certaines prestations. Le système est devenu trop complexe. Il doit y avoir un moyen plus simple d'augmenter le seuil sans que cela devienne un problème pour ces gens.
M. Darrel Reid: Je tiens également à faire un commentaire.
Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui veulent que les gouvernements les aident à faire des choix. Je crois, et nos recherches le montrent, qu'il y a un nombre relativement important de gens qui ne veulent pas que les gouvernements faussent les choix qu'ils doivent faire en matière familiale. Le gouvernement peut de toute évidence influer sur ce genre de décision. Je crois qu'il serait raisonnable que le gouvernement s'abstienne d'influer sur ces choix en les défiscalisant—je crois que c'est le terme qu'utiliseraient les fiscalistes—pour que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde.
À mon avis, une très bonne solution serait de permettre aux familles canadiennes de récupérer une plus grande partie de leurs impôts, puis de leur laisser le choix entre les garderies—et il reste à régler la question du caractère national ou non de ces garderies—ou rester à la maison pour s'occuper des enfants, l'économie réalisée étant considérée comme une rémunération non imposée.
Ce que j'aimerais que vous compreniez, c'est que selon nous le gouvernement ne devrait absolument pas se mêler de prendre, par implication, des décisions que les parents devraient prendre eux-mêmes.
Le président: Merci, monsieur Reid.
[Français]
Monsieur Serge Cardin.
M. Serge Cardin: J'aimerais faire un petit commentaire. Le gouvernement n'a pas à orienter les choix, mais il doit par contre les appuyer de plus en plus, comme monsieur le disait tout à l'heure, à cause du déclin des revenus des ménages. Donc, sans orienter les choix des gens, le gouvernement doit quand même appuyer les gens.
[Traduction]
M. Darrel Reid: Je ne nie absolument pas cette diminution des revenus. Je crois qu'ils augmenteraient pour un bon nombre de Canadiens si la fiscalité était moins lourde.
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur Herron, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Nous avons entendu pas mal de témoins se prononcer contre la notion de partage des revenus. Je vous demande de vous mettre à la place de certaines de ces personnes. Qui d'après vous sont les gagnants et les perdants lorsqu'il y a partage des revenus?
M. Jim Sclater: Qui sont les gagnants et qui sont les perdants? Cela dépend de votre place sur le tableau. C'est la raison pour laquelle je dis qu'il faut faire tourner les ordinateurs. Je suis sûr que c'est ce qu'ils font tout le temps à l'impôt, et il y a probablement des tableaux sur les murs qui nous montreraient clairement les disparités et les discriminations.
D'après ce que je crois comprendre, un des principaux arguments contre le partage du revenu est la disparition potentielle d'une attribution de revenu propre à la femme. Je suis certain qu'il y en a pour qui c'est important, mais nous croyons que dans la majorité des familles—et c'est ce que dit très bien quelqu'un dont je viens de lire le document—le revenu est considéré comme collectif, non pas comme le mien ou le tien. Nous croyons que c'est en fait une bonne idée. Nous croyons que les familles sont des unités et que plus nous les traitons comme des unités plutôt que comme des entités séparées, moindres sont les risques de divorce ou de séparation, les risques de familles éclatées. Donc pour nous c'est un argument relativement faible.
• 1430
La réponse technique, c'est qu'il semble que cela milite
principalement contre les revenus moyens, qui sont très durement
touchés. C'est la raison pour laquelle, malgré toute notre
sympathie pour les économiquement faibles, nous estimons que les
vraies victimes de discrimination sont les familles à revenu
soi-disant suffisants. Elles sont au-dessus du seuil officiel,
quelle que soit la norme appliquée actuellement, mais cela ne veut
pas dire que leurs enfants ne sont pas victimes de ce que je
qualifie de discrimination.
Si le revenu de la famille de votre voisin est de 49 000 $, disons, mais que dans votre cas vous êtes deux à gagner cette même somme, vous êtes en meilleure situation. Dans le vrai monde social où grandissent nos enfants—et nous avons suffisamment vu dans les médias au cours des dernières semaines ce qui peut arriver aux enfants qui se sentent étrangers au vrai monde—quand ils sont victimes de discrimination, peu importe que leur famille bénéficie d'un revenu suffisant ou non, la discrimination est tout aussi réelle. Ce serait tout aussi bête, de notre point de vue d'adulte, que de ne pas pouvoir acheter la bonne marque de chaussure de sport. Mais cela reste une réalité, importante selon nous, à solutionner.
M. John Herron: À propos du premier point de vos recommandations—nous avons aussi entendu un peu plus tôt des témoignages dans le même sens—il est peut-être possible de poursuivre le même objectif que celui que vous proposez, mais de le faire plutôt par le biais de l'ancienne formule des allocations familiales que selon la formule actuelle de crédit d'impôt pour enfants ou de déduction de dépenses. Que pensez-vous de la formule des allocations familiales?
M. Jim Sclater: Les spécialistes de l'Institut C.D. Howe ont proposé de regrouper tout cela dans une formule de ce genre. C'est peut-être la meilleure solution. Encore une fois, ce n'est pas notre spécialité, nous n'avons pas examiné tous les chiffres permettant de déterminer ce qui serait la meilleure méthode ou le résultat...
M. John Herron: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Jim Sclater: Ils n'en parlent pas en ces termes, mais ils parlent du bon vieux temps des allocations familiales. Comme M. Reid l'a dit, cependant, je crois que l'objectif ultime de votre comité et du Comité des finances est de trouver le moyen de laisser cet argent à ces familles, et non pas sous forme de remboursement après impôts.
C'est un exercice de ravaudage qui ne donne pas toujours les résultats espérés. C'est la raison, je crois, des audiences de votre comité, car le système a pris des proportions dont la compréhension échappe à la majorité d'entre nous. Et quand on lit ce qu'écrivent les spécialistes, ils parlent aussi bien de «crédit» que de «déduction», sans faire la différence. Je suis suffisamment intelligent pour savoir que ce n'est pas la même chose, mais je ne connais pas la bonne réponse.
Je crois qu'il est possible, comme je le dis dans une des recommandations, qu'un crédit d'impôt pour enfants soit la solution. Cela rappelle pas mal l'idée d'allocation familiale, mais d'une manière peut-être un peu plus élargie.
Le président: Merci, monsieur Herron.
Madame Dockrill. Si vous pouviez être brève, je vous en saurais gré.
Mme Michelle Dockrill: Je ferai de mon mieux.
Vous avez dit ne pas avoir vraiment étudié les chiffres pour ceux qui se trouvent tout au bas de l'échelle. Ne pensez-vous pas que c'est important, étant donné que ce sous-comité a pour mandat d'examiner les nouvelles configurations familiales, d'inclure ces personnes et de déterminer si elles sont ou non victimes du système actuel?
M. Jim Sclater: Si je comprends bien votre question, nous estimons que toute solution doit être inclusive. Toutes les familles doivent en profiter.
Mme Michelle Dockrill: Comment le partage du revenu peut-il profiter à un parent seul?
M. Jim Sclater: Il est évident que dans ce cas cela ne s'applique pas. Mais le problème des familles monoparentales reste un des plus difficiles à résoudre dans notre société. Je pense certainement me faire le porte-parole de notre organisation en disant que tout le monde est d'accord pour reconnaître que les familles monoparentales ont des besoins spéciaux. Nous avons peut-être des divergences au niveau des solutions parce que nous pensons—et j'ai du mal à assurer ma voix en le disant—qu'il est inévitable, ce faisant, d'exacerber le problème, de le multiplier. Je vois que M. Reid, ou quelqu'un d'autre, y a déjà fait allusion.
• 1435
Nous n'avons donc pas de réponse brillante ni simple. Mais
comme je l'ai fait remarquer un peu plus tôt, il est évident qu'il
faut cibler d'une manière ou d'une autre les plus démunis, surtout
les mères seules. La mère seule et ses besoins sont devenus un
paradigme dans notre pays. Notre organisation a un magazine, des
documents que nous leur destinons. Nous croyons en elles
passionnément et nous voulons qu'elles réussissent. En revanche,
nous croyons passionnément que ce n'est pas un modèle à soutenir
pour notre société, financièrement ou sous une autre forme, ce qui
laisse le problème entier.
Je n'ai pas un dossier contenant toutes nos principales recommandations, bien que je vous aie parlé tout à l'heure de recommandations, mais il s'agit simplement d'objectifs. Je sais par mes contacts avec notre propre organisation religieuse... Il y a des mères seules qui viennent me voir pour me demander pourquoi je ne peux pas les aider à régler leurs problèmes. Le principal, ce sont les nouveaux seuils qui donnent droit au bien-être social. Elles ne peuvent même pas essayer d'améliorer leur situation, parce quÂimmédiatement elles dépassent le seuil et perdent leurs prestations. Comment peut-on parler d'encouragement?
Ce sont des questions très complexes. Je n'essaie pas de me défiler, mais tout le monde reconnaît qu'elles sont très complexes.
Mme Michelle Dockrill: J'aimerais être certaine de bien comprendre ce que vous dites. Depuis trois semaines nous entendons tous parler des diverses complications posées par le système actuel, mais dois-je comprendre que pour vous il faut trouver plusieurs solutions, par opposition—et je ne sais pas si c'est possible—à une seule solution, une solution universelle?
M. Jim Sclater: Comme M. Forseth l'a dit, soit on revient à un régime fiscal réellement simple, un taux unique et tout ce que cela implique, soit on cherche des solutions complexes à des problèmes complexes. Nous disons que le mandat de votre comité vous permet pour le moins de régler certaines des iniquités. Je crois que c'est votre mandat.
Au niveau des choix, les solutions devraient éviter tout résultat négatif. C'est la question la plus ardue, et il est évident que le partage du revenu ne concerne absolument pas les mères seules. Elles n'ont absolument rien à y gagner. Mais il y a d'autres petites choses qui peuvent être intéressantes. Je parle tout le temps du «ciblage». Les recommandations de M. Martin reposent sur des ciblages, et même dans certaines des initiatives qui doivent démarrer en juillet, je crois, il y en a qui visent tout particulièrement les familles et qui ne sont peut-être pas idéales.
M. Darrel Reid: J'aimerais également faire un commentaire. Il est certain que pour les familles économiquement faibles à un seul revenu—ces familles sont à la limite de l'indigence et n'ont aucun espoir—il faut des solutions différentes. Cependant, j'ai parlé à beaucoup de parents seuls, surtout des mères seules, qui estiment que la politique fiscale du gouvernement limite leurs choix en matière d'éducation des enfants, tout comme pour les familles à deux parents avec un seul revenu.
Il faut que la majorité ait cette possibilité de choix, qu'il s'agisse de familles à un seul parent ou de familles à deux parents. Nous estimons que dans la majorité des cas les parents savent le mieux quel genre de choix faire et préféreraient qu'on les laisse les faire quand ils le peuvent. Il y a beaucoup d'autres cas pour lesquels les choix sont très limités, et c'est à ce niveau que le gouvernement et le filet de sécurité sociale doivent intervenir. Mais nous estimons que si la fiscalité était moins lourde, tant les familles monoparentales que les familles à deux parents auraient beaucoup plus de liberté et de souplesse.
Mme Michelle Dockrill: Je crois avoir parlé de familles monoparentales, et non pas de familles économiquement faibles... Vous semblez associer les deux, et cela me gêne un peu. Quand on parle de familles monoparentales, on semble prendre comme hypothèse que ce sont des familles économiquement faibles, et cela me laisse un arrière-goût pas très agréable dans la bouche...
M. Darrel Reid: Non, mais il est également vrai que si on veut un indice de pauvreté, généralement on regarde vers les mères seules. J'en suis désolé, mais c'est comme ça.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Szabo, pour conclure.
M. Paul Szabo: Merci beaucoup, messieurs, de tous ces documents. J'ai bien l'intention de les consulter.
• 1440
Sauf erreur de ma part, vous croyez que les parents sont tout
à fait capables de déterminer ce qui convient le mieux à leurs
enfants et que le plus sage peut-être serait de leur donner les
ressources que nous sommes prêts à consacrer aux familles avec des
enfants et de les laisser eux-mêmes faire leurs choix. C'est à peu
près ça?
M. Darrel Reid: C'est à peu près ça.
M. Jim Sclater: Exactement. Si vous me le permettez, c'est une hypothèse de notre part, mais il est évident que cela ne peut pas marcher pour toutes les familles. Malheureusement, je constate que lorsque le gouvernement propose une solution universelle, généralement il cible les problèmes et ne fait que les exacerber parce qu'il manque de vision globale. Monsieur Szabo, vous semblez faire des recommandations générales qui visent avant tout les problèmes les plus extrêmes, comme les ruptures acrimonieuses, alors qu'il y a bien d'autres formes, comme par exemple les séparations à l'amiable, etc.
M. Paul Szabo: Pensez-vous, pour finir, qu'il serait utile d'étendre le congé parental dans le cadre du programme d'assurance-emploi aux parents qui aimeraient s'occuper de leurs enfants jusqu'à concurrence, disons, d'un an?
M. Jim Sclater: Je crois que c'est un phénomène de plus en plus reconnu. Je n'ai pas de chiffres, mais le congé parental est de plus en plus considéré comme crucial. Nous le vivons avec notre propre personnel, bien entendu, lorsque nous avons des employés qui ont des enfants et qu'il nous faut déterminer combien ils ont besoin de temps libre, car nous avons des gens qui travaillent à Focus on the Family qui ont le choix entre placer leurs enfants en garderie ou prendre congé. Je ne suis pas sûr du terme technique que nous utilisons mais nous leur accordons un congé.
M. Paul Szabo: Enfin, à propos des REER, cela semble assez problématique mais vous proposez que le travail à la maison, le travail non rémunéré, donne droit à des prestations de pension. Que penseriez-vous de la possibilité suivante. Les parents qui s'occuperaient directement des enfants, auraient la possibilité de rattraper plus tard cette période pour qu'elle ouvre droit à des prestations du Régime de pensions du Canada. S'ils s'occupaient par exemple des enfants d'âge préscolaire pendant cinq ans, ils pourraient par la suite lorsqu'ils retournent sur le marché du travail toucher une sorte d'héritage, comme vous l'avez mentionné, l'argent nécessaire pour financer leur arriéré de cotisations, ce qui serait post facto reconnaître la valeur de ce travail.
M. Jim Sclater: C'est une idée à creuser.
M. Paul Szabo: Merci beaucoup.
Le président: Je sais pourquoi vous les aimez. Ils semblent être toujours d'accord avec vous.
M. Darrel Reid: Vous ne lui avez pas encore posé de questions.
Le président: Je n'ai pas le temps, mais je veux faire deux petites remarques.
Dans votre recommandation B.2, vous parlez de déclaration commune ce qui est politiquement correct. Cela semble excellent, mais je ne connais pas de Canadiens qui choisiraient volontairement de payer plus d'impôt. En conséquence, pourquoi ne pas être franc et ne pas dire que vous êtes pour le partage du revenu plutôt que de dire comme vous l'avez fait dans votre exposé que vous voulez donner aux Canadiens le choix de partager ou de ne pas partager le revenu. En réalité, vous dites que vous voulez donner aux Canadiens le choix, en tant qu'unité familiale, entre payer plus d'impôt ou ne pas en payer plus. Je ne crois pas que ce choix les intéresse. Seriez-vous donc prêt à dire que vous êtes complètement pour ou que vous continuez à tenir à ce que cela reste un choix?
M. Jim Sclater: Au niveau des choix, il est évident que votre comité a pour mandat de choisir pour les Canadiens, mais nous croyons que dans certains cas ce n'est pas la meilleure solution pour tous. Ils devraient donc pouvoir, comme je l'ai dit, être conseillés sur l'opportunité d'une telle solution compte tenu de leur configuration familiale.
Le président: Pourquoi est-ce que ce ne serait pas avantageux dans tous les cas?
M. Jim Sclater: Certains estiment qu'à certains niveaux, en fonction des autres programmes offerts, ce n'est pas évident.
Le président: Très bien.
M. Jim Sclater: Ou il peut s'agir d'une décision personnelle. Une femme peut très bien décider que cela ne l'intéresse pas. Cette décision doit être respectée. Je vous ai dit que nous croyons au concept de l'unité familiale, mais nous ne pouvons dicter aux Canadiens comment interpréter leurs propres situations—il faut donc leur laisser le choix.
Le président: Si vous avez des exemples de propositions... [Note de la rédaction: Inaudible]... J'aimerais que vous nous les transmettiez.
M. Jim Sclater: Bien sûr.
Le président: J'ai un autre commentaire. Toujours à propos de votre recommandation B.3... Je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne dites pas mais, d'une manière inhérente, vous semblez accepter le fait que par le biais de l'exemption du conjoint, nous reconnaissons indirectement la valeur de ceux qui choisissent de rester au foyer d'une manière ou d'une autre. Ce n'est peut-être pas une pleine valeur, mais je crois sur la base de votre recommandation que c'est une chose que notre comité pourrait cibler pour lui donner une reconnaissance publique.
M. Jim Sclater: Je répondrais à cela que c'est même une reconnaissance purement symbolique. Mais les symboles peuvent être importants et je crois que cela en vaut la peine.
Le président: Je vous remercie tous les deux, messieurs. C'était un exposé très intéressant que nous allons étudier plus en détail. Comme je l'ai dit, si vous avez des observations à ajouter, veuillez nous les faire parvenir.
Le président: Nous allons maintenant passer au témoin suivant, M. Paul Kershaw, étudiant au niveau du doctorat à l'Université de Colombie-Britannique. Nous recevons également quelqu'un que le comité connaît déjà, John Richards, professeur à l'université Simon Fraser. C'est à vous de décider qui va commencer.
M. Paul Kershaw (étudiant, Université de Colombie-Britannique): Je suis étudiant de troisième cycle à l'Université de Colombie-Britannique où je fais ma thèse de doctorat sur les services de garde et la fiscalité. Je travaille aussi comme consultant à temps partiel et, plus récemment, j'ai travaillé au projet sur les options de financement des services de garderie de Colombie-Britannique, qui est financé en partie par Ressources humaines Canada et le ministère de l'Enfance et de la Famille de la Colombie-Britannique.
Au cours des dix prochaines minutes, je voudrais parler de la déduction des frais de garde d'enfants plutôt que de savoir si l'unité d'imposition devrait être ou non la famille au Canada. C'est une question dont on a déjà beaucoup parlé et les publications sur le sujet offrent de nombreux arguments qui militent pour le maintien de l'unité individuelle.
Je crois qu'on a moins parlé de la déduction pour frais de garde d'enfants et, au cours des dix prochaines minutes, je voudrais donc non pas formuler des recommandations, mais plutôt examiner les différentes façons dont cette déduction est envisagée. La façon dont nous comprenons la déduction et son but nous amènera à nous demander s'il y a lieu de maintenir la déduction, de la transformer en crédit d'impôt, de l'offrir à toutes les familles ou de la réserver aux familles qui doivent acheter des services de garde d'enfants.
• 1450
Je dois toutefois apporter une précision. En participant à un
débat sur la déduction des frais de garde d'enfants, je ne voudrais
pas laisser entendre que la voie de la fiscalité est la meilleure.
Encore une fois, les publications sur le sujet fournissent un tas
de raisons de croire le contraire.
Parmi les objections exprimées à l'égard du financement assuré par le régime fiscal est que cela perpétue la sous-évaluation du travail ménager et des soins aux personnes, favorise l'achat de services de soins rémunérés à un bas salaire sans promouvoir la stabilité des services de garde d'enfants.
Cela dit, j'aimerais parler de la façon contradictoire dont on considère la déduction pour frais de garde d'enfants. On la voit, d'une part, comme un instrument de politique sociale et, d'autre part, comme un instrument de politique fiscale qui joue un rôle différent.
Pourrais-je vous demander de passer à la page 4 de mon mémoire, tableau 1? Ce tableau tente de montrer la façon dont la déduction d'impôt a été décrite au cours du débat qui a eu lieu au début du mois de mars à la Chambre des communes.
Le Parti réformiste et les autres partis de l'opposition ont contesté cette déduction en disant que c'est un instrument de politique sociale et qu'il devrait remédier à la sous-évaluation des soins rémunérés. Comme il ne le fait pas, ce n'est pas un instrument efficace de politique sociale.
En réponse à ces arguments, le gouvernement libéral a déclaré qu'il s'agissait peut-être d'un instrument de politique sociale, mais qu'il tentait de remédier à une injustice sociale entièrement différente, à savoir l'injustice résultant des obstacles qui se posent au retour des mères sur le marché du travail en raison du coût élevé des services de garde d'enfants.
De plus, reconnaissant peut-être que la portée du débat allait plus loin, les libéraux ont dit que cette déduction jouait un autre rôle. C'est un instrument de politique sociale qui tente d'éliminer le désavantage fiscal que subissent les familles qui doivent payer des frais de garde d'enfants par rapport à celles qui peuvent compter sur un parent qui reste à la maison ou un autre dispensateur de soins non rémunéré.
Vous ne pouvez pas gagner sur les deux tableaux. Cette déduction ne peut pas être à la fois un bon instrument de politique fiscale et un bon instrument de politique sociale. Nous devons décider de ce qu'elle sera. C'est ce que j'espère vous aider à faire au cours des six minutes ou du temps qui me restent.
Il est assez facile de concevoir la déduction pour frais de garde d'enfants comme un instrument de dépenses. Plusieurs témoins vous en ont déjà parlé. Cette déduction est perçue comme accordant une économie d'impôt. Cette économie d'impôt équivaut, dit-on, à une subvention qui serait accordée en dehors de la fiscalité et il faut donc la considérer comme une subvention. Le tableau 2 de la page 6 indique les différentes valeurs de cette subvention pour divers types de familles. D'autres que moi ont certainement souligné que la déduction peut être considérée comme une subvention régressive.
Il est un peu plus compliqué de concevoir la déduction pour frais de garde d'enfants comme un instrument de politique fiscale. Cela part du principe que nous devons traiter de la même façon les gens dans la même situation. Autrement dit, si le revenu monétaire de deux familles est le même, cela ne signifie pas qu'elles ont les mêmes moyens de payer des impôts ou de faire un certain nombre d'autres choses pour répondre à leurs besoins fondamentaux et poursuivre le bonheur.
Le tableau 3 de la page 6 présente la situation de la famille A et de la famille B, une famille avec deux parents, mais un seul revenu et une famille disposant d'un revenu comparable, mais qui doit acheter des frais de garde d'enfants. J'ai pris des familles à très faible revenu afin d'éviter la question du taux marginal d'imposition et de la progressivité, mais le désavantage fiscal sera le même à un taux plus élevé. C'est masqué par le fait que les gens doivent payer des impôts à des taux progressifs.
De toute façon, il est clair que si vous avez deux familles ayant toutes deux un revenu de 23 000 $ mais dont l'une doit dépenser 7 000 $ pour faire garder ses enfants, une fois qu'elles ont payé leurs impôts et pris soin de leurs enfants, les deux familles ne disposent plus du même revenu pour répondre à leurs autres besoins fondamentaux. Une différence de 7 000 $ est très importante lorsque vous avez un faible revenu. C'est d'ailleurs une différence importante, quel que soit votre revenu.
Par conséquent, il est clair que la famille A et la famille B de mon tableau ont le même revenu aux fins de l'impôt, mais qu'en fait, la famille A, dont le revenu reste de 23 000 $ une fois qu'elle a pris soin des enfants, s'apparente davantage à la famille C de mon exemple qui a un revenu de 30 000 $, mais qui dépense 7 000 $ pour des frais de garde d'enfants. Une fois ces soins obtenus, il reste aux deux familles un revenu de 23 000 $.
Mais cela ne tient pas compte de la déduction pour frais de garde d'enfants. En réalité, la famille C, qui doit acheter des services de garde d'enfants, finit par payer près de 2 000 $ de plus d'impôt que l'autre famille dont l'un des parents garde les enfants. Cette différence d'impôt sera encore plus marquée pour les familles à revenu moyen et supérieur.
• 1455
Selon certains, la seule façon d'éliminer ce désavantage
fiscal est d'accorder une déduction pour frais de garde d'enfants
et c'est ce que j'ai essayé d'illustrer au tableau 5. J'espère que
c'est clair. C'est vraiment résumé de façon succincte.
L'important à retenir est qu'on ne peut pas gagner sur les deux tableaux. Si la déduction pour frais de garde d'enfants doit être un bon instrument de politique sociale, vous ne pouvez pas vous en servir pour accorder la subvention la plus importante aux familles qui sont le plus à l'aise et la moins importante à ceux qui sont dans la situation financière la plus précaire. C'est une chose que vous avez certainement entendu dire plusieurs fois aujourd'hui et que vous entendrez encore souvent.
Dans le jargon de la politique fiscale, les gens diront que vous violez le principe de l'équité verticale selon lequel les gens doivent être traités différemment lorsqu'ils sont dans une situation différente. Dans le contexte d'un instrument de politique sociale, cela veut dire qu'on ne peut s'écarter de l'obligation d'accorder la même subvention à toutes les familles que si c'est dans l'intérêt des plus démunis.
Si l'on veut rendre la déduction pour frais de garde d'enfants conforme au principe de l'équité verticale, il faut la transformer en crédit d'impôt étant donné que ce crédit aura alors la même valeur pour toutes les familles, quel que soit leur revenu. Mais si vous transformez la déduction en crédit d'impôt, elle ne jouera plus son rôle d'instrument de politique fiscale ou du moins pas aussi bien.
Si vous prenez la proposition réformiste qui consiste à convertir la déduction pour frais de garde d'enfants en crédit de 1 200 $ pour toutes les familles, vous ne tiendrez aucun compte du fait que les familles qui doivent acheter des services de garde d'enfants sans pouvoir déduire ces dépenses se trouvent désavantagées sur le plan fiscal. De plus, même si vous limitez ce crédit d'impôt aux familles qui achètent ce service, ce crédit n'annulera probablement pas entièrement le désavantage fiscal et cela parce qu'il n'aura sans doute pas la même valeur pour les familles que la déduction pour frais de garde d'enfants. C'est ce que j'ai cherché à illustrer au tableau 7 de la page 10.
Par conséquent, le même mécanisme fiscal ne peut pas être à la fois un bon instrument de politique sociale et un bon instrument de politique fiscale favorisant l'équité horizontale entre les familles qui achètent des services de garde d'enfants et celles qui ne le font pas. Il s'agit donc de se demander ce que cet instrument devrait être et c'est une question à laquelle il est plus difficile de répondre.
Si vous optez pour un bon instrument de politique sociale, vous devez répondre à l'autre question soulevée par le débat actuel, à savoir comment remédier à la sous-évaluation des soins dispensés aux enfants ou permettre aux mères de réintégrer le marché du travail en supprimant l'obstacle que représente le coût élevé des services de garde d'enfants?
Mes 10 minutes sont sans doute écoulées et c'est avec plaisir que j'ai présenté ces quelques observations. Il est important d'étudier attentivement ces questions afin de comprendre comment nous concevons la déduction pour frais de garde d'enfants car elle est souvent prise hors contexte et fait parfois l'objet de commentaires inexacts.
Le président: Pourquoi avez-vous choisi un revenu de 30 000 $ pour la famille C?
M. Paul Kershaw: C'était plus simple que de prendre 29 100 $ ou le niveau auquel débute actuellement la tranche d'imposition médiane.
Le président: Ne faussez-vous pas les résultats en comparant 23 000 $ à 30 000 $?
M. Paul Kershaw: Non. J'essaie de montrer dans ce tableau que les deux familles disposent du même revenu une fois que leurs enfants ont été gardés.
Le président: D'accord.
M. Paul Kershaw: C'est ainsi que vous pouvez voir que des gens sont dans la même situation. Si vous prenez seulement le revenu monétaire, vous prenez des bases de comparaison différentes.
M. Paul Szabo: Quelle est la principale raison de cette différence?
M. Paul Kershaw: Ces frais de garde d'enfants de 7 000 $...
M. Paul Szabo: Non, les deux familles ont un revenu imposable de 23 000 $. La famille à un revenu gagne 23 000 $ et le taux d'imposition fédéral est de 17 p. 100.
M. Paul Kershaw: C'est exact.
M. Paul Szabo: L'autre a deux revenus dont le total donne 23 000 $ et le taux fédéral est de 17 p. 100. Ce devrait être la même chose.
M. Paul Kershaw: Oui, mais dans le cas du premier tableau...
M. Paul Szabo: Nous examinons la différence entre le montant pour le conjoint.
M. Paul Kershaw: Ce que vous dites est exact, mais si vous prenez le montant d'argent qui reste à ces familles une fois qu'elles ont pris soin de leurs enfants, l'une des deux se retrouve quand même avec 7 000 $ de moins. Si elle a 7 000 $ de moins de revenu pour répondre à ses autres besoins, elle n'est pas dans la même situation.
Au tableau 3 de la page 6, la famille B qui doit acheter des services de garde d'enfants n'a plus qu'un revenu de 13 000 $ après avoir payé ses impôts et ses frais de garde d'enfants tandis que la famille qui gagnait le même revenu dispose d'environ 20 000 $. C'est une différence importante. Ces familles ne sont donc pas dans la même situation même si le revenu monétaire est semblable.
Le président: Nous n'allons pas nous lancer dans un débat sur ces questions, car il faudrait tenir compte également des possibilités de revenu auxquels renonce la famille A.
M. Paul Kershaw: Sans aucun doute. Je ne prétends pas qu'il faille ne tenir aucun compte des possibilités perdues ni de qui en fait les frais, car trop souvent c'est généralement la femme, ce qui entraîne d'autres problèmes.
Le président: Monsieur Richards, s'il vous plaît.
M. John Richards (professeur, université Simon Fraser): Merci.
Permettez-moi de me présenter brièvement. Mon mémoire est très court. Il comporte seulement deux pages que je vous forcerai à lire en temps voulu. J'ai déjà eu largement l'occasion de m'exprimer sur ce sujet.
Je suis le coauteur d'un ouvrage publié par l'Institut C.D. Howe intitulé It Takes Two: The Family in Law and Finance. Ce travail a réuni ensemble des gens très différents. Pendant ma folle jeunesse, j'ai été député néo-démocrate à l'Assemblée législative de la Saskatchewan. L'un des autres auteurs de ce livre, Ken Boessenkool, a été, quant à lui, l'un des recherchistes du caucus du Parti réformiste à Ottawa. Un troisième est un conservateur avec un petit c qui enseigne avec moi à l'université Simon Fraser, Doug Allen, l'économiste.
Le président: Paul et moi devrions nous sentir insultés.
M. John Richards: La seule chose que nous avons en commun est que nous sommes tous les trois originaires des Prairies, la source de tout le bon sens que l'on retrouve dans les mesures fiscales et sociales au Canada.
Maintenant que j'ai insulté pratiquement tout le monde autour de cette table, je vais continuer.
Mon propos d'aujourd'hui sera très simple. La nature de la pauvreté a changé radicalement depuis la dernière génération. J'invite tous ceux qui désirent en savoir plus à lire ce que j'ai écrit à ce sujet dans l'ouvrage It Takes Two. Selon les mesures conventionnelles, les pauvres représentent plus de la moitié des familles avec enfants, ce qui représente un changement important par rapport à la génération précédente. Les familles monoparentales sont en augmentation au sein de ce groupe.
Deuxièmement, cette réalité a conduit à insister davantage sur l'octroi de prestations aux familles avec enfants, ce qui a notamment donné la prestation fiscale canadienne pour enfants, une initiative fédérale importante à laquelle les provinces ont ajouté leur propre programme.
Mon message sera, très rapidement, le suivant: on a trop mis l'accent sur les vrais pauvres, ceux qui gagnent moins de 15 000 $. Étant donné l'octroi de ces prestations aux familles très pauvres, nous avons imposé un taux marginal d'imposition indûment élevé aux familles ayant un revenu modeste de 15 000 $ à 35 000 $.
Je vais vous en donner un exemple. Comme je n'ai pas de photocopieuse couleur, vous devrez vous contenter de cette teinte de gris. Ma belle diapositive couleur vient d'une conférence où j'ai pris la parole, à Calgary, il y a une semaine, et qui réunissait des hauts fonctionnaires fédéraux et provinciaux travaillant dans le domaine de la politique sociale. Je voudrais vous montrer la gravité du problème que les provinces et le gouvernement fédéral ont créé pour les familles qui gagnent entre 15 000 $ et 25 000 $.
Pour ceux que cela intéresse vraiment, je me ferai un plaisir de parler de la situation des familles qui ont un revenu de moins de 15 000 $ et de la politique sociale que je recommanderais dans ce contexte. Mais permettez-moi de vous décrire ce qui s'est passé dans ma propre province qui est l'une des pires, j'ai honte de l'avouer.
Si vous examinez le graphique, l'important est le montant que vous conservez sur chaque dollar supplémentaire gagné. Vous avez là la situation d'une famille à un seul revenu avec deux enfants. Elle ne serait pas très différente s'il s'agissait d'une famille monoparentale avec deux enfants. Ce serait pire si vous aviez un parent avec plus de deux enfants et un peu moins grave s'il n'y avait qu'un enfant.
Mais sur chaque dollar supplémentaire vous devez d'abord payer l'assurance-emploi et le RPC qui représentent environ 5 p. 100. Puis vous avez sur votre feuille, en gris très pâle, l'impôt fédéral sur le revenu des particuliers. Au-dessus vous avez l'impôt provincial sur le revenu. Au-dessus encore vous avez la récupération de la prestation fiscale canadienne pour enfants. Ce montant qui augmente pour les pauvres diminue pour ceux qui sont moins pauvres.
• 1505
La prestation fiscale canadienne pour enfants qui est
actuellement de l'ordre de 1 500 $ par enfant est maintenue jusqu'à
ce que le revenu dépasse environ 21 000 $. Au-delà de ce montant,
le gouvernement la récupère brusquement. Le carré blanc représente
environ 20 points de récupération ou une réelle perte de revenu
attribuable à cette récupération au-delà d'un revenu de 20 000 à
30 000 $. Ensuite, la récupération est plus graduelle jusqu'à
l'élimination totale de la prestation.
Mais chaque province octroie des prestations supplémentaires et j'ai personnellement joué un rôle dans la création de certaines d'entre elles, par exemple le supplément au revenu gagné en Saskatchewan. Mais mes prestations sont également récupérées si bien que les familles avec enfants dont le revenu se situe entre 15 000 et 35 000 $ ne conservent qu'une faible partie de leurs gains supplémentaires.
Au départ, les familles ne s'en rendent peut-être pas compte étant donné qu'elles ont affaire à plusieurs bureaucraties différentes. Les gens du fisc s'intéressent seulement à l'impôt sur le revenu fédéral et provincial et, comme vous le savez, le taux de l'impôt sur le revenu des particuliers est relativement faible à ce niveau. Pour l'impôt fédéral, c'est environ 17 p. 100 et l'impôt provincial correspond à 50 p. 100 du taux fédéral. Cela donne environ 26 p. 100. Mais étant donné la récupération, la famille conserve une faible partie de ces prestations qui sont administrées par des systèmes différents.
Dans le cas du gouvernement fédéral, la prestation fiscale canadienne pour enfants est réduite au fur et à mesure que les revenus augmentent et chaque province applique le même système.
La situation en Colombie-Britannique est décrite au bas de cette page. Il s'agit seulement du résultat final, abstraction faite de tous ceux qui y contribuent.
En Saskatchewan, la situation est la pire pour les familles qui gagnent entre 18 000 et 23 000 $ et qui conservent seulement 10 sous sur chaque dollar, ce qui est vraiment sidérant,
En Colombie-Britannique, la situation n'est pas si mauvaise pour une fourchette particulière de revenu, mais elle est pire pour l'ensemble. Le graphique vous montre que pour un revenu de 15 000 à 35 000 $, dans la plupart des cas, la moyenne est d'environ 70 p. 100. Néanmoins, une famille ne conserve que 30c. sur chaque dollar.
Autrement dit, quelqu'un qui gagne 25 000 $, c'est-à-dire 15 $ de l'heure pour 1 800 ou 1 900 heures de travail par an, garde 4 $ de l'heure. Votre rémunération après impôt, après la récupération des prestations, n'est que de 4 $ de l'heure. Ces chiffres ont, comme le confirment toutes les publications sur le sujet, de graves répercussions sur le désir de travailler des familles canadiennes modestes qui se sont sorties des rangs des assistés sociaux et qui doivent maintenant faire face à un taux d'imposition beaucoup trop élevé que les provinces et Ottawa ont mis en place par inadvertance.
Qu'allons-nous faire pour régler le problème? En principe, il existe deux options. L'une consiste à réduire les prestations ciblées—pas de prestations, pas de récupération. C'est une façon peut-être inacceptable de procéder, mais dans un certain sens j'y serais favorable. Je ne mâcherai pas mes mots: je pense que l'augmentation de la prestation fiscale pour enfants du Canada, annoncée dans le budget de février, est une erreur. Si je tâchais d'allouer des fonds pour combattre la pauvreté, ce n'est pas ainsi que je procéderais.
L'autre option consiste à ne pas récupérer les prestations aussi brusquement, ce qui m'amène à expliquer pourquoi j'ai accepté de faire front commun avec des gens comme Ken Boessenkool dans ce livre. Ken y fait valoir que la politique fiscale devrait être plus généreuse envers les familles de la classe moyenne avec enfants, relativement aux familles de classe moyenne sans enfant.
La seule façon de se débarrasser de ces taux marginaux d'impôt beaucoup trop élevés qui frappent les gens dans la fourchette de revenu de 20 000 à 35 000 $, consiste soit à réduire les prestations ciblées accordées aux vrais pauvres, soit à les récupérer beaucoup plus lentement et ainsi diminuer le taux marginal d'impôt versé par les familles dans cette tranche de revenu. Une fois encore, je ne mâcherai pas mes mots: cela signifie accorder un allégement fiscal aux familles de la classe moyenne avec enfants. J'estime personnellement qu'il s'agit d'une mesure légitime mais coûteuse.
• 1510
Pour prendre des mesures qui ont vraiment un impact—et la
deuxième feuille que je vous ai remise est l'exemple de ce qui
pourrait être fait—disons, et je fais un peu d'ironie ici, que la
prestation fiscale canadienne pour enfants reste en vigueur sans
disposition de récupération de sorte que l'épouse du vice-président
reçoit les mêmes prestations que la famille ayant un revenu de
20 000 $ et qui tire le diable par la queue, cela coûterait au
trésor fédéral six milliards de dollars par année. Des versions un
peu plus modestes, où on récupère la prestation mais à un taux de
5 p. 100 seulement, par opposition à cette récupération très
agressive dans la tranche de revenu de 20 000 à 29 000 $,
donneraient lieu à un programme qui coûterait aux environs de
quatre à cinq milliards de dollars pour le trésor fédéral.
Personnellement, j'estime que cela en vaut la peine. Le système fiscal canadien n'assure pas une équité horizontale suffisante entre les familles avec et sans enfants dans les différentes tranches de revenu. Mais il s'agit d'une importante décision de politique qui comporte évidemment des incidences financières. Pour prendre des mesures importantes afin de nous sortir d'une situation que nous avons créée par inadvertance, à savoir un obstacle inacceptable pour les salariés à revenu modeste, nous allons devoir dépenser de l'argent, et il y a beaucoup d'autres utilisations que l'on aimerait faire de l'excédent caché de M. Martin.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Richards.
Nous ferons un tour de 15 à 20 minutes maximum, donc vous avez quatre ou cinq minutes, Paul.
M. Paul Forseth: Je vous remercie.
Pour résumer la façon de nous sortir de ce pétrin, l'une des options consiste à réduire les taux de récupération puis il y a, je suppose, l'octroi de prestations non imposables universelles, où de prestations universelles imposables au bout du compte.
On nous a parlé entre autres d'une question de société plus générale, à savoir valoriser le rôle de ceux qui prennent soin des enfants. Il faudrait alors que cela se traduise de façon monétaire, peut-être en tâchant d'attribuer une valeur monétaire à ceux qui fournissent des soins et qui n'ont peut-être pas de revenu et qui s'occupent d'une personne à charge. Il pourrait s'agir d'un parent invalide ou Dieu sait quoi. À l'heure actuelle, toute cette question de soins non rémunérés fournis à une personne à charge, qu'il s'agisse d'un enfant ou de quelqu'un d'autre, est très peu reconnue.
Auriez-vous une recette à nous proposer? Je suis prêt à envisager que nous avons peut-être trop d'ingrédients. Vous pourriez peut-être nous fournir plus de précisions à cet égard. De toute évidence, vous avez réfléchi à cette question.
M. John Richards: Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je ne parlerai pas des personnes handicapées. Il y a de nombreux problèmes très graves qui nous intéressent à cet égard et peut-être que nous pourrons nous entretenir en tête à tête.
Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites, à savoir qu'il faut tâcher de trouver une solution simple. Le conseil que j'ai donné aux collègues qui travaillent dans les ministères fédéraux et provinciaux des Finances, c'est d'examiner les programmes de prestations qui ciblent les familles à faible revenu avec enfants et de réduire les taux de récupération. C'est un concept simple. Cette solution a l'avantage de réduire, dans cette tranche de revenu critique de 15 000 à 35 000 $, les taux marginaux d'imposition qui sont beaucoup trop élevés.
Donc, dans le contexte fédéral, je soutiendrai qu'il ne faut pas en récupérer 20 p. 100; qu'il faudrait établir un taux de récupération de 5 p. 100 à compter de 21 000 $, par exemple. C'est toutefois une solution coûteuse qui coûterait 4 milliards de dollars.
• 1515
Je dirais à mes collègues provinciaux de Regina—et je n'ai
pas l'intention de blâmer les fédéraux pas plus que les provinces
pour ce qui s'est passé ici—qu'ils sont allés trop loin en créant
un supplément de prestations fiscales pour enfants. Ils devraient
envisager de le réduire quelque peu et aussi de prévoir des fonds
pour élargir leur propre crédit provincial à des tranches de revenu
supérieures.
Toutes ces mesures, il faut bien l'admettre, supposent l'octroi d'une prestation fiscale aux familles de la classe moyenne avec enfants, comparativement au statu quo. Nous avons trop ciblé les prestations et avons concentré nos transferts sur les familles très pauvres avec enfants, et en les récupérant brusquement dans cette tranche de revenu, nous sommes en train de créer de très graves obstacles qui empêchent les personnes à revenu modeste d'améliorer leur sort.
M. Paul Forseth: Je terminerai sur ce point. J'ai entendu dire qu'une partie de la dégradation sociale de certains des quartiers défavorisés de grandes villes des États-Unis est attribuable à la perversité dans le système qui incite les adolescentes à tomber enceintes et à cacher l'identité du père, afin d'avoir accès non seulement à une aide financière mais à d'autres types d'aide sociale comme le counselling, l'accès à des listes de logement et ce genre de choses. Il existait un système incroyable à ce niveau auquel les administrations américaines ont voulu remédier, mais elles ont encore beaucoup de travail à faire à cet égard. Je ne sais pas si vous avez examiné ce genre de situation ou lu des documents à ce sujet, mais cela me semble le pire des scénarios dans le cas de la mise sur pied d'un programme à la base ayant des effets très pervers.
M. John Richards: Nous sommes tous les deux des hommes d'âge moyen, et nous sommes probablement tout aussi conscients que nous nous aventurons en terrain miné, dans une perspective féministe, dès que nous commençons à parler de la situation des parents célibataires.
M. Paul Szabo: Oui.
M. John Richards: J'ai lu de nombreuses études qui laissent entendre qu'effectivement il existe des preuves économétriques indiquant que le niveau de générosité de divers programmes de transfert incite probablement les femmes à devenir mère célibataire dans certains milieux, qu'il s'agisse des quartiers défavorisés de Chicago ou de certaines réserves du nord du Manitoba. Ce sont des questions explosives et complexes et je n'ai pas l'intention de me lancer dans une discussion à propos des Autochtones ou des Noirs, quant à savoir s'ils sont inférieurs de quelque façon ou s'ils sont davantage portés à ce genre de comportement que vous et moi.
Enfin, j'aimerais dire que les preuves indiquent également que la source de revenu parmi les personnes très pauvres a de l'importance. Tout compte fait, les enfants d'une mère très pauvre qui touche un salaire seront probablement dans une meilleure situation que les enfants d'une mère qui touche le même revenu, dans le même quartier, mais dont le revenu provient d'un programme de transfert comme l'aide sociale.
Un certain nombre de provinces et d'États, comme le Wisconsin, ont mis à l'essai des programmes dynamiques comme l'utilisation répandue de suppléments du revenu pour rendre les faibles salaires plus intéressants. La Saskatchewan, et il faut reconnaître son initiative, a lancé en juillet dernier un programme de supplément de revenu à l'échelle de la province, accessible à tous les parents avec enfants. Ce programme risque de s'avérer un programme très créatif et efficace pour lier les prestations au travail.
M. Paul Forseth: Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, Paul.
Je vous remercie, monsieur Richards.
Nous n'avons pas besoin de regarder aussi loin, Paul. Les États-Unis ne sont pas les seuls. Au Québec, au début des années 80, M. Lévesque a mis sur pied un programme afin d'accroître le taux de natalité qui diminuait au Québec. Je crois qu'au quatrième enfant, une famille avait droit à un chèque de 8 000 $. Ce programme a été un échec total, parce que le taux de natalité a continué de baisser et aussi parce que ce n'était pas les gens voulus qui s'en prévalaient.
[Français]
Monsieur Cardin, s'il vous plaît.
M. Serge Cardin: Monsieur Richards, compte tenu du fait que dans le cas des crédits, il y a une forme de récupération, ne vaudrait-il pas mieux qu'il y ait, comme autrefois, une allocation universelle mais imposable?
M. John Richards: Je pense que votre question est tout à fait légitime. Il y avait, par le passé, une certaine universalité dans le paiement des allocations familiales, mais ce n'est plus accessible à toutes les familles. Au fur et à mesure que l'on a progressé dans le système de taxation, on a de plus en plus réduit les paiements et de plus en plus ciblé ces montants vers ceux qui étaient vraiment pauvres.
• 1520
Finalement, tout ce système a abouti à ce qu'on a
actuellement, le crédit d'impôt pour enfants. Dans la
mesure où vous croyez que cela est bon, je partage
votre sentiment: il vaut mieux retourner à
l'universalité de ces programmes.
Comparativement aux États-Unis, le Canada offre le grand avantage de l'accès universel à l'assurance-santé. Au Canada, une personne pauvre qui commence à travailler n'a pas à craindre la perte de l'assurance médicale pour elle et ses enfants, tandis qu'aux États-Unis, il existe un système d'assurance médicale pour ceux qui sont vraiment pauvres, auquel on n'a plus accès dès qu'on commence à travailler. C'est encore une barrière au travail que nous n'avons pas. Dans un certain sens, il y a au Canada un universalisme dans le domaine de la santé. Je partage le sentiment que vous prônez, à savoir qu'étant donné la présence d'enfants dans la famille, il devrait y avoir certains avantages fiscaux, quel que soit le niveau de revenu.
M. Serge Cardin: J'ajouterais que cette allocation pourrait être imposable.
M. John Richards: Elle pourrait être imposable, mais cela créerait un certain problème. Cela veut dire que sa valeur diminuerait brusquement dès qu'il y aurait un changement du taux de taxation.
Personnellement, je préfère considérer cette allocation comme un crédit qu'on va retirer—a clawback, comme on dit en anglais—à un taux assez minime, disons 5 p. 100, ce qui aurait pour effet d'éviter ces marges radicales qui existent au moment où on change le taux marginal d'imposition.
M. Serge Cardin: Donc, au lieu d'avoir une allocation universelle imposable...
M. John Richards: On aurait un crédit universel.
M. Serge Cardin: C'est ce que je disais au début; ce serait une allocation universelle imposable qui diminuerait en fonction de l'augmentation du taux de taxation. Vous, vous voulez conserver un crédit universel, mais qui diminuerait graduellement pour atteindre tout simplement zéro à un moment donné.
M. John Richards: Je ne sais pas si M. Martin pense avoir suffisamment d'argent. S'il le laissait en place même pour les très riches, ça ne ferait pas énormément de mal. Je pense que l'essentiel dans cette discussion est de vous poser la question à vous, les politiciens: étant donné les limites fiscales, vaut-il la peine de consacrer une bonne partie du surplus, quelles que soient les modalités précises, à la réduction du fardeau fiscal des familles de la classe moyenne ayant des enfants?
M. Serge Cardin: Au-delà de la fiscalité comme telle, il reste des éléments fondamentaux, des coûts qui sont rattachés à n'importe quel individu.
Il y a un coût réel. Par exemple, j'ai commencé à faire des analyses d'impôt sur mon logiciel. Je suis parti de très bas. Un individu qui gagne 7 000 $ paye de l'impôt au fédéral; même si c'est peu, il paye quand même de l'impôt sur 7 000 $ de revenu.
Je ne sais pas si c'est vous qui avez parlé d'accorder les exemptions en fonction du coût réel de la vie. Je suis certain que même pour une personne seule, cela coûte passablement cher, quand on compte l'alimentation, le logement, etc.
Quand on calcule cela pour une famille, il faut qu'il y ait des exemptions correspondant au coût réel d'un enfant.
M. John Richards: Je ne sais pas si je vous suis bien, mais je pense que mon collègue y est pour quelque chose. Il a abordé la question que vous posez maintenant, soit la différence entre un crédit et une déduction.
Vous dites qu'on devrait imposer un certain montant après avoir pris conscience des déductions légitimes, du coût de la vie en quelque sorte. Le problème de cette approche est la valeur de ces déductions. Elle dépend évidemment du taux marginal d'imposition.
• 1525
Supposons que je crée une déduction pour enfants de
1 000 $. Prenons le cas d'une personne qui a un
enfant. Si la personne est très pauvre, combien lui
rapporte cette déduction?
Cela dépend de son taux de taxation. Si c'est 17 p.
100, la déduction vaut à peu près 170 $. Si je suis à un
taux plus élevé, cette déduction sera beaucoup plus
élevée pour moi que
pour l'autre personne. Voilà le problème qui se pose
quand on règle
cela au moyen de déductions.
M. Serge Cardin: Il doit sûrement y avoir quelque chose entre la déduction et le crédit.
M. John Richards: Je dirais que le crédit assorti d'un small clawback est le compromis que je préfère.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Herron, s'il vous plaît.
M. John Herron: Merci, monsieur le président. Il vaudrait peut-être mieux que je continue en anglais.
[Traduction]
Monsieur Kershaw, à la page 10, vous mentionnez qu'il est peut-être préférable d'examiner la question des soins aux enfants ou des soins parentaux directs en dehors du système fiscal. Pourriez-vous nous donner des précisions sur les options que vous proposez au deuxième paragraphe de la page 11?
M. Paul Kershaw: Deuxième paragraphe à la page 11. Je ne suis pas sûr que nous parlions de la même chose, désolé.
M. John Herron: En ce qui concerne la proposition des Réformistes, vous mentionnez que compte tenu de la réalité selon laquelle le même mécanisme fiscal ne peut pas jouer de rôle, nous devons nous demander si la déduction pour frais de garde d'enfants...
M. Paul Kershaw: Si elle devrait être un instrument de politique fiscale ou servir à établir une politique sociale?
M. John Herron: Exactement. Donc, au bout du compte, qu'est-ce que le gouvernement est vraiment en train de dire aujourd'hui?
M. Paul Kershaw: J'essaie d'attirer l'attention sur la façon dont on donne des messages contradictoires.
D'une part, en 1998, lorsqu'on a haussé la limite maximale de la déduction, on a présenté cette déduction en fait comme un moyen d'aider à subventionner les frais de garde d'enfants des familles. Mais parallèlement, le gouvernement fédéral a aussi, dans la documentation du ministère des Finances, indiqué en fait qu'il s'agissait d'un instrument de politique fiscale tâchant d'assurer des règles du jeu équitables pour ceux qui paient pour des services de garde au lieu de garder eux-mêmes leurs enfants.
Quel devrait en être l'objectif? C'est une question différente, et il s'agit vraiment d'un jugement de valeur.
Je pense qu'à l'heure actuelle le gouvernement fédéral a vraiment de la difficulté à dépenser de l'argent à l'extérieur du système fiscal pour diverses raisons, dont surtout les pressions fédérales-provinciales. Le système fiscal est peut-être devenu une façon plus facile d'effectuer ce genre de dépenses, et je pense que de plus en plus la déduction pour frais de garde d'enfants est considérée comme un outil qui permet de consacrer de l'argent aux soins aux enfants. Je pense que c'est ce qui est en train de se passer.
M. John Herron: Donc vous êtes en train de dire qu'en ce qui concerne le montant de 48 milliards de dollars, ces autres propositions pourraient servir à étoffer les politiques de congé parental au Canada?
M. Paul Kershaw: Je pense qu'il ne fait aucun doute que le Parti réformiste a raison lorsqu'il dit que nous devons reconnaître adéquatement la valeur du travail à la maison non rémunéré, y compris des soins aux personnes à charge, mais nous ne pouvons pas le faire d'une façon telle qu'un groupe de gens continue d'assumer les coûts d'opportunité engagés pour faire ce travail, car nous ne pourrons jamais accorder la valeur monétaire qui permettra en fait de compenser les gens pour le nombre d'heures qu'ils consacrent aux soins aux enfants à la maison.
Donc, nous ne pouvons pas dire qu'un crédit de 1 200 $ permettra de compenser le salaire perdu, les carrières perdues et l'admissibilité perdue à une pension, etc. Mais ce que nous pouvons faire, c'est tâcher de déterminer la valeur des soins fournis à la maison d'une façon telle que nous n'avons pas à obliger un groupe de gens à continuer à assumer ces coûts de renonciation. Et cela est possible grâce à des politiques de congé parental améliorées. Le Canada est nettement à la traîne de bien d'autres pays, à moins que vous examiniez la situation qui existe aux États-Unis, où elle est plus comparable. Mais comparativement aux autres pays du G-7, nous sommes souvent à la traîne.
En ce qui concerne les soins aux enfants, des soins de bonne qualité peuvent aider à la fois les parents qui restent à la maison et ceux qui travaillent. Ces deux groupes de parents peuvent se heurter à des difficultés différentes, mais le répit et l'appui que peuvent fournir des programmes de soins aux enfants de bonne qualité profiteront aux deux familles et profiteront aux deux groupes d'enfants.
M. John Herron: Enfin, dans le cadre de vos études, avez-vous examiné ce sujet sous l'angle du fractionnement du revenu, dont il a été beaucoup question ce matin?
M. Paul Kershaw: Je pense que la question du fractionnement du revenu est un peu plus compliquée, mais je pense qu'il existe beaucoup de preuves documentaires qui indiquent que pour tous ceux qui veulent promouvoir l'égalité des femmes, le fractionnement du revenu est une mauvaise solution, et qu'il existe d'autres moyens de s'attaquer aux problèmes que connaissent les familles biparentales où un seul des conjoints travaille sans aggraver certains obstacles qui entraînent de la discrimination envers les femmes au pays. Donc je pense que nous devons absolument reconnaître la valeur du travail des parents qui restent à la maison, mais je ne crois pas que le système fiscal permette de le faire.
• 1530
En ce qui concerne mon mémoire, comme quelqu'un l'a fait
remarquer, hier soir à minuit, lorsque j'essayais de résoudre cette
question de fractionnement du revenu, j'ai introduit un chiffre
dans l'ordinateur qui a faussé un peu les résultats. Donc dans le
tableau—il s'agit probablement du tableau 3—en fait la famille
dont le revenu est de 30 000 $ ne paie pas autant d'impôt, et n'en
paie probablement pas tellement plus que la famille dont le revenu
est de 23 000 $ et qui prend soin elle-même de ses enfants. Mais
bien que les chiffres soient faux dans ce tableau en particulier,
et ils sont utilisés dans l'ensemble des tableaux, cela ne diminue
pas la validité de la théorie que j'ai exposée. Certains
soutiendront que la déduction pour frais de garde d'enfants est un
instrument de politique fiscale nécessaire pour assurer des règles
du jeu équitable à l'intention de ceux qui paient pour des services
de garde d'enfants, ce qui est tout à fait le contraire de
l'argument invoqué par le Parti réformiste, à savoir que l'on fait
de la discrimination à l'endroit des parents qui restent à la
maison parce qu'on ne reconnaît pas la valeur de leur travail. Les
gens disent, vous avez raison, cette mesure ne reconnaît pas la
valeur de leur travail et ce n'est pas ce qu'elle est censée faire.
Je ne dis pas que c'est ainsi que nous devrions considérer cette déduction. Je dis simplement qu'il faut reconnaître que c'est parfois l'argument invoqué par certaines personnes et qu'il faut en tenir compte. Surtout si on abandonne la déduction pour frais de garde d'enfants pour adopter une mesure offerte à l'ensemble des familles—bien qu'à mon avis c'est une très bonne chose, parce que nous devons commencer à reconnaître la valeur de tous les enfants, quelle que soit la situation de leurs parents—il n'en reste pas moins que l'on perpétue un désavantage fiscal pour les familles qui doivent assumer des frais de garde simplement parce que nous devons imposer le revenu gagné. Il est tellement difficile d'imposer le revenu fictif car c'est là la question; je ne sais pas si c'est intéressant à l'heure actuelle.
Le président: Je vous remercie, monsieur Kershaw.
Monsieur Szabo, vous avez quatre minutes.
M. Paul Szabo: Je vous remercie de cette mise au point. J'ai eu le même problème avec les chiffres. Mais je pense que vous nous avez présenté des arguments solides et je tiens à vous féliciter de nous avoir donné l'occasion de voir la situation sous un angle légèrement différent.
J'ai jeté un coup d'oeil au rapport de 1998 de Revenu Canada—le rapport le plus récent—qui analysait les déclarations d'impôt de 1996 et j'ai constaté que seulement un tiers des familles où les deux conjoints travaillent et qui sont admissibles à la déduction pour frais de garde d'enfants l'ont en fait réclamée. Cela indique donc à quel point l'activité économique informelle est répandue.
La demande moyenne de ceux qui réclamaient la déduction pour frais de garde d'enfants n'était que de 2 600 $, ce qui est un montant modeste, et à l'époque, en 1996, les déductions n'étaient que de 5 000 $ et 3 000 $, comparativement au montant actuel de 7 000 $ et 4 000 $. Mais quoi qu'il en soit, en moyenne, ils réclamaient essentiellement moins de la moitié du montant qu'ils auraient pu autrement réclamer, ce qui m'indique qu'une déduction moyenne de 2 600 $ pour la tranche moyenne des contribuables, a une valeur inférieure à une prestation de 1 000 $. Donc la déduction pour frais de garde d'enfants ne profite qu'à un tiers des familles et concrètement, elle vaut moins de 1 000 $.
À mon avis, un montant de 1 000 $ n'incitera personne à aller travailler ou à rester à la maison. C'est un montant beaucoup trop faible lorsque l'on prend en compte tous les autres facteurs importants. Donc à mon avis—et j'aimerais votre opinion à ce sujet—il semble que le plus important facteur qui incite un parent ou un couple à décider que l'un des deux reste à la maison c'est s'ils peuvent se permettre de renoncer aux gains économiques, au revenu net qu'un deuxième emploi procurerait, ou s'ils exercent leur choix d'y renoncer et d'assurer des soins parentaux directs parce que cela est plus conforme à leurs circonstances et peut-être à leur système de valeurs.
Je me demande si la question de la déduction pour frais de garde d'enfants n'est pas en train de fausser le débat. Peut-être ce dont nous parlons vraiment, c'est de la valeur que nous accordons aux enfants, à toutes les familles avec des enfants, et nous devrions cesser d'essayer de trouver la formule magique qui nous rendra d'un seul coup tous égaux grâce à tout un mélange de programmes de prestations. Il me semble naïf de croire qu'on arrivera de cette façon à faire entrer tout le monde dans le même moule. Nous devrions peut-être partir du principe que les Canadiens valorisent les enfants, que nous valorisons les familles qui font le sacrifice de toute une vie d'avoir des enfants, et nous voulons reconnaître la contribution des parents à notre société. Qu'on leur donne une forme quelconque de prestations ou de dépenses fiscales, une forme quelconque de reconnaissance de l'importance que cela revêt pour notre société, et acceptons les choix des parents de recourir au mode de garde qui convient le mieux à leurs enfants, en sachant que cela est dans l'intérêt des enfants.
• 1535
Sur le plan philosophique, je crois que j'essaie toujours de
faire reconnaître certains principes. Je ne pense pas que l'argent
soit important pour qui que ce soit d'autre que le couple qui prend
une décision.
M. Paul Kershaw: Donc la question que vous voulez me poser est...?
M. Paul Szabo: Devrions-nous avoir une reconnaissance universelle des familles avec enfants, une prestation universelle, ou devrions-nous tâcher d'évaluer les choix des gens, par exemple, en accordant une dépense fiscale pour ceux qui choisissent de faire garder leurs enfants par un tiers plutôt que ceux qui veulent prendre soin directement de leurs enfants?
Le président: Paul, vous avez six secondes pour répondre.
M. Paul Kershaw: Je suis convaincu que nous devons reconnaître les enfants peu importe la situation familiale dans laquelle ils se trouvent. Il s'agit alors de déterminer si le système fiscal est le moyen indiqué pour assurer cette reconnaissance de façon appropriée. Je pense que c'est plus discutable. Je trouve que vous avez tout à fait raison—si vous m'accordez six secondes de plus—lorsque vous dites qu'en examinant les chiffres, le raisonnement basé sur la politique fiscale pour justifier la nécessité d'une déduction pour frais de garde d'enfants n'a pas grand mérite. Mais je pense que c'est l'argument invoqué par le gouvernement dans son débat au début mars pour dire qu'il nous fallait une déduction d'impôt plutôt qu'un crédit d'impôt.
Je ne faisais pas de recommandations ou quoi que ce soit. Ce que j'ai essayé de dire, c'est qu'il fallait examiner les types de raisonnement proposés et les évaluer car nous devons décider de la façon dont nous allons considérer la déduction pour frais de garde d'enfants et que nous pourrons alors poursuivre nos travaux en fonction de ce choix.
Le président: Êtes-vous en train de dire que nous devrions continuer à considérer qu'il s'agit d'une déduction, ou êtes-vous en train de proposer, comme tant d'autres, qu'il devrait s'agir d'un crédit?
M. Paul Kershaw: Je propose que l'on considère cela comme un outil de dépense dans le cadre de la politique sociale. Donc dotons-nous d'un bon instrument de dépense en matière de politique sociale en assurant la même valeur à tous ceux qui en bénéficient. Mais je ne veux pas dire qu'il faudrait en faire un crédit remboursable pour toutes les familles. Je pense que ce montant, ce montant de 48 milliards de dollars proposé par le Parti réformiste, permettrait de mieux reconnaître la valeur des soins aux enfants assurés par un parent si cela se faisait en dehors du système fiscal.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
J'ai trouvé vos deux exposés très intéressants.
Monsieur Richards, j'ai apporté mon livre avec moi dans l'avion. Je n'ai pas eu l'occasion de le lire; je suis arrivé assez tard. Mais j'avais très hâte d'entendre votre exposé, comme toujours.
M. John Richards: J'aimerais simplement ajouter que si quelqu'un en veut un exemplaire, et de la documentation supplémentaire à ce sujet, la partie inférieure du document de deux pages que je vous ai remis est tirée d'un ouvrage que nous sommes sur le point de publier sur le problème du taux d'impôt marginal créé par le gouvernement fédéral et les provinces. Surtout...
Le président: Merci beaucoup. Votre exposé a été très intéressant. Merci encore.
Nous accueillons maintenant de REAL Women of British Columbia, Laurie Geschke, vice-présidente; Doris Rankin, membre du conseil d'administration; et Cecilia von Dehn, membre, ainsi qu'Eleanor Girard qui présente un témoignage à titre personnel.
• 1540
Je tiens à vous souhaiter la bienvenue au comité. J'espère que
nous aurons un exposé de REAL Women of B.C. et un témoignage à
titre personnel. Ou allez-vous vous partager l'exposé?
Étant donné que vous allez le partager, je vous demanderais de prendre 7 ou 10 minutes pour le faire afin de laisser suffisamment de temps pour les questions. Je vous remercie.
Mme Laurie Geschke (vice-présidente, REAL Women of B.C.): Monsieur Discepola et honorables députés—ils ne sont pas tellement nombreux ici—je tiens à vous remercier de cette invitation à comparaître devant vous.
J'aimerais vous présenter Cecilia von Dehn, qui est mère de six enfants, dont l'un a une déficience physique et mentale. Doris Rankin est un autre membre de notre conseil d'administration et est mère de sept enfants. J'ai moi-même quatre enfants à la maison.
Notre mémoire est intitulé «Imposer le revenu familial dans l'intérêt des enfants!». Votre comité a pour mandat d'examiner l'impact des politiques fédérales pour vérifier si elles traitent toutes les familles avec enfants à charge de façon équitable. Nous espérons traiter justement de cette question aujourd'hui.
Depuis le début des années 80, notre organisation s'effraie de voir à quel point la situation de la famille se fragilise comme entité sociale protégée au Canada. Nous nous intéressions aux problèmes des femmes et de leur famille bien avant d'apprendre que d'autres femmes, d'un bout à l'autre du pays, partageaient nos préoccupations.
REAL Women of B.C. est un organisme indépendant, à but non lucratif et sans allégeance politique ou religieuse, composé de femmes ordinaires qui militent en faveur de la famille et exercent des pressions sur la scène politique. Nous publions un bulletin d'information provincial afin de sensibiliser nos membres et de leur fournir les instruments dont elles ont besoin pour faire valoir leurs convictions. REAL Women of B.C. a déposé des mémoires à tous les niveaux de gouvernement, auprès d'instances administratives allant des conseils municipaux aux organismes régionaux, de groupes de travail provinciaux et fédéraux ainsi qu'à l'occasion de conférences internationales organisées par les Nations Unies.
REAL Women of B.C. existe grâce à l'ardeur des bénévoles qui composent son conseil d'administration provincial, de même qu'aux cotisations et aux dons versés par ses membres et ses supporters. Nos membres proviennent de tous les coins de la province et de tous les milieux, qu'il s'agisse de l'origine ethnique, du niveau de scolarité, de la classe socio-économique ou de la confession religieuse.
Depuis notre affiliation à l'organisation nationale au milieu des années 80, nous nous intéressons aux effets néfastes de la Loi de l'impôt sur le revenu sur les familles de la Colombie-Britannique et du Canada tout entier. Auparavant, nos préoccupations étaient d'ordre provincial et local, de sorte que nous ne nous occupions pas de la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous sommes tout à fait persuadées qu'il faut carrément réécrire la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'en supprimer toutes les dispositions discriminatoires à l'égard des familles à salaire unique ayant des enfants, qu'on ne cesse d'y inscrire depuis des décennies.
Nous sommes reconnaissantes au gouvernement libéral d'avoir pris cette question au sérieux et d'avoir créé le sous-comité, et nous sommes heureuses de l'occasion qui nous est donnée de vous entretenir de nos idées en vue de corriger certaines inégalités que renferme la Loi de l'impôt sur le revenu telle qu'elle est présentement rédigée.
Selon un sondage COMPAS effectué en octobre 1998 et commandité par la National Foundation for Family Research and Education, également connue sous le sigle NFFRE, et Southam News, 82 p. 100 des répondants sont d'avis que le gouvernement devrait se donner comme priorité de faciliter, pour les parents ayant de jeunes enfants, la possibilité que l'un des parents demeure à la maison. Parmi ces répondants, 23 p. 100 estiment que cette priorité devrait être élevée et 42 p. 100 qu'elle devrait être très élevée. Soixante-dix-neuf pour cent des répondants croient que le gouvernement devrait se fixer comme priorité de permettre aux couples de payer moins d'impôt en faisant une déclaration conjointe. Parmi ces répondants, 31 p. 100 estiment que cette priorité devrait être élevée et 27 p. 100 qu'elle devrait être très élevée.
Lors d'un sondage réalisé par Maclean's/CBC News à la fin de 1997, 58 p. 100 des répondants ont affirmé que «la majorité des femmes ayant de jeunes enfants seraient plus heureuses si elles pouvaient rester à la maison pour prendre soin de leurs enfants».
Selon un sondage COMPAS commandité par la NFFRE et dont les résultats ont été rendus publics en décembre 1997, 90 p. 100 des répondants sont d'avis que le père ou la mère est la personne idéale pour prendre soin durant le jour de son bébé ou de son bambin, au lieu de l'envoyer à la garderie. Quatre-vingt-cinq pour cent des couples qui, à l'échelle nationale, ont eu recours aux services d'une garderie affirment que l'un des parents serait resté à la maison avec ses enfants si leur situation financière avait été moins difficile. Quatre-vingt-un pour cent croient que la politique fiscale est «injuste envers les familles», dont 15 p. 100 qui la disent «extrêmement injuste». Soixante-treize pour cent voudraient que le gouvernement verse de l'argent directement aux parents plutôt que de subventionner les services de garde.
• 1545
La recherche montre abondamment qu'au cours de la période
cruciale de leurs trois premières années, il est plus avantageux
pour les enfants d'être gardés par leur père ou leur mère. À mesure
que les enfants grandissent, le besoin d'avoir un parent de
disponible à la maison ne diminue pas, même à l'adolescence. C'est
le parent qui demeure à la maison, habituellement la mère, qui sert
de chauffeur lors des visites scolaires, donne un coup de main à
l'école, fait du bénévolat dans la collectivité et sert sa famille
afin que l'autre parent, qui est habituellement le père, puisse
concentrer toute son énergie vers ce qui importe le plus pour la
famille.
À mesure que les enfants vieillissent et quittent la maison, il arrive que le parent qui demeure au foyer doive également prendre soin des grands-parents. Voilà l'un des formidables bienfaits des bonnes familles vigoureuses, une preuve d'amour et un don de soi qui allègent en outre le fardeau financier des soins de santé que la société peut de moins en moins assumer. La qualité des soins prodigués avec amour à domicile ne saurait être égalée par celle que procure un professionnel rémunéré, aussi dévoué fut-il. Les personnes qui au sein d'une famille se chargent de cette responsabilité ne doivent pas en être financièrement pénalisées.
REAL Women of B.C. exhorte le gouvernement du Canada à faire une refonte complète de la Loi de l'impôt sur le revenu. À défaut de cela, nous faisons les recommandations suivantes:
Que l'exemption de conjoint à charge soit transformée en crédit d'impôt pour personne au foyer et que ce crédit soit haussé au niveau de l'exemption personnelle, afin de souligner la valeur du travail effectué par le conjoint qui demeure au foyer.
Que le montant du revenu d'emploi non imposable du conjoint soit haussé au niveau de l'exemption personnelle, afin que tous les citoyens soient traités sur un pied d'égalité.
Que la déduction pour enfants à charge soit rétablie jusqu'à 18 ans au niveau de l'exemption personnelle, afin de confirmer la valeur du travail qui s'impose pour guider les enfants et en faire des adultes responsables et productifs, et de manière à procurer aux parents le revenu disponible avec lequel ils pourront élever leurs enfants et assurer l'avenir de la famille.
Que la déduction fiscale pour frais de garde d'enfant soit transformée en crédit d'impôt pour frais de garde d'enfant, afin que les familles à faible revenu qui sont obligées de placer leurs enfants en garderie puissent bénéficier des avantages réservés aux familles à revenu élevé. De plus, que ce crédit soit versé à l'égard de tous les enfants, que ces derniers soient placés dans des garderies commerciales, gardés par des parents ou des voisins ou qu'ils demeurent chez eux avec un parent, de sorte qu'ils puissent recevoir les meilleurs soins possible et conformes à la décision de leurs parents.
Que soit instauré un crédit d'impôt pour la garde à domicile de parents âgés, afin de confirmer la valeur de ces services pour les membres âgés de la famille et la société, et de compenser tant les dépenses associées à la fourniture des soins que le manque à gagner du conjoint à qui incombe principalement leur fourniture.
Que les deux conjoints bénéficient de façon égale des avoirs de retraite accumulés au prix des sacrifices que tous deux ont consentis pendant leur vie active.
Chacune de ces déductions contribuera à redresser les torts causés à la famille canadienne traditionnelle qui préfère que l'un des conjoints demeure à la maison pour s'occuper du soin des enfants et fournir à la famille des services inestimables. Apportées intégralement à la Loi de l'impôt sur le revenu, ces modifications vont procurer aux familles le revenu disponible dont elles ont besoin pour combler leurs besoins présents et futurs et alléger ainsi le fardeau fiscal de tous les contribuables en matière de prestations de soins.
Merci, monsieur Discepola.
Le président: Merci beaucoup pour ces recommandations. Je ne pense pas que nous devions faire une refonte complète de la Loi de l'impôt sur le revenu pour mettre en oeuvre bon nombre de ces recommandations.
Mme Laurie Geschke: Non.
Le président: Ce serait très lourd.
Mme Laurie Geschke: Oui.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Girard, vous avez la parole.
Mme Eleanor Girard (témoignage à titre personnel): Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui. J'ai pris congé de mon travail pour venir ici cet après-midi et j'espère que mes propos seront pertinents à votre mandat.
Le point de vue que j'exprime à ce sujet est partagé par de nombreuses familles. J'ai fait circuler une pétition et j'ai recueilli au moins 145 noms de familles qui veulent que le gouvernement reconnaisse la contribution qu'une personne au foyer verse à la société, à la collectivité, aux écoles et dans la vie de ses enfants, sans compter le sacrifice du revenu, et le fait de mettre sa propre carrière et ses cotisations aux REER en suspens pendant les années que l'on décide de consacrer au bien-être de la famille.
On force les familles ou on les encourage à coup d'incitatifs fiscaux à adopter le modèle des deux parents qui travaillent et qui s'efforcent d'équilibrer le travail et la famille, non pas nécessairement parce que c'est ce qu'ils veulent, mais parce que s'ils choisissent de faire ce qu'ils estiment approprié, c'est-à-dire rester à la maison pour élever leurs propres enfants, ils savent que le gouvernement n'appuiera pas leur choix et même qu'il les pénalisera pour ne pas travailler à l'extérieur et gagner un revenu que le gouvernement pourra ensuite imposer. En plus, ces deux parents devront payer plus d'impôt, pour le même revenu, par rapport aux autres familles auxquelles on permet de déduire les frais de garde d'enfants.
• 1550
Les parents qui restent à la maison pour dispenser des soins,
qu'il s'agisse de mères ou de pères qui s'occupent de leurs jeunes
enfants ou d'un enfant plus vieux et handicapé, de moins de 18 ans,
ou encore il peut s'agit d'enfants qui prennent soin de leurs vieux
parents... Tous ces choix ne sont pas reconnus. Ils font même
l'objet de discrimination. On ne peut obtenir une déduction des
frais que si l'on a des reçus de dispensateurs de soins
indépendants. Peu importe qui fournit les soins, cela devrait être
reconnu comme un emploi, c'est le même emploi. Puisque l'on
reconnaît une forme de ce travail de dispensateur de soins et que
l'on permet même des déductions, il faudrait aussi reconnaître
qu'un membre de la famille peut faire le même travail et lui donner
droit aux mêmes déductions fiscales.
Je ne suis pas libre de choisir le type de soins que je veux pour mes enfants sans payer le prix fort. C'est injuste et cela me met en colère et m'exaspère. J'ai 15 ans d'expérience à titre de professionnelle de la santé dans un hôpital de Vancouver, où je travaille à plein temps, par quart. J'ai quatre fils, dont le plus vieux a 9 ans et le plus jeune 21 mois. Depuis 9 ans que j'ai des enfants, je n'ai jamais cessé de travailler à plein temps et par quart; j'ai travaillé jusqu'au jour de l'accouchement et je suis retournée au travail après mon congé de maternité. J'ai eu 10 bonnes d'enfant au cours des 9 dernières années, pour diverses raisons, et je peux vous dire que cela fait 9 ans que je m'efforce de cumuler la vie professionnelle et la vie familiale et que j'en ai plus qu'assez.
Personne n'est avantagé par le stress que je subis, ni mon emploi, ni ma famille ni moi. Je suis allée jusqu'à l'extrême limite en tentant de répondre aux exigences et d'être à la fois épouse et mère et travailleuse à plein temps dans un emploi lourd et stressant, après quoi je reviens à la maison pour occuper un autre emploi, ou bien je me lève de bonne heure pour m'occuper des enfants et je fais une pleine journée de travail à la maison avant de me précipiter au travail en fin d'après-midi pour travailler jusqu'à 23 heures 30. Cela ne me laisse aucun repos, je suis en manque de sommeil et je ne suis plus d'humeur à m'occuper des enfants comme je voudrais le faire, c'est-à-dire avec amour, patience et générosité. De plus, j'ai un mari qui a lui-même un emploi très exigeant et qui travaille de longues heures et il n'est donc pas en mesure de m'aider grandement. Ce genre de stress est de nature à faire éclater les familles et à perturber les relations entre les enfants et les parents, et ne peut qu'aboutir à la rupture des mariages.
Je ne veux pas renoncer complètement à mon emploi; j'aime mon travail. Je veux seulement établir un meilleur équilibre entre mon emploi à l'extérieur de la maison et mon autre emploi à titre de mère au foyer. Je ne veux plus embaucher de dispensateurs de soins. Je vais faire ce que j'ai à faire pour travailler seulement à temps partiel, en soirée, afin que mon mari et moi-même puissions assumer la garde des enfants, avec un peu d'aide d'une gardienne en attendant que l'autre parent rentre à la maison. Ce sera quand même très dur, sinon même plus dur, pour moi et je devrai renoncer à la moitié de mon revenu, mais de toute façon, je dépensais près de la moitié de mon revenu pour payer la bonne.
Je me rends compte de plus en plus à quel point ma présence est nécessaire dans la vie de mes enfants. Je m'aperçois que mon mari et moi devons être présents dans leur vie depuis leur tout jeune âge et tout au long de leur enfance si nous voulons qu'ils nous fassent confiance et que nous ayons de bonnes relations, afin qu'au cours de leurs années de pré-adolescence et d'adolescence, nous les connaissions bien et soyons en mesure de les guider et de les encourager, et afin qu'ils nous écoutent et que nous soyons là pour les écouter, comme nous l'avons été tout au long de leurs vies.
Les parents ont le rôle le plus puissant et le plus influent sur terre. De bonnes pratiques parentales sont fortement associées à des conséquences positives chez les enfants, sur le plan de leur comportement social et de leur rendement scolaire. Ottawa doit investir dans des programmes universels, à supposer que cela fonctionne, dans le but de renforcer toutes les familles, quelle que soit leur situation économique. Il faut plus qu'un supplément de revenu pour améliorer la vie des enfants, parce que la pauvreté n'est que l'un des nombreux facteurs qui influent sur la situation globale.
Personne ne nous oblige à avoir des enfants, mais lorsque c'est le cas nous avons l'obligation de nous en occuper, que ce soit ennuyeux ou fatiguant, que les circonstances soient bonnes ou mauvaises. L'animalerie de New York ne vous confiera pas un chat ou un chien si vous travaillez à temps plein. Pourquoi serait-on alors moins exigeant lorsqu'il s'agit de nos enfants?
Si je sacrifie mon revenu, ma carrière, ma pension de retraite pour m'occuper de mes enfants sans faire appel à une tierce personne, je me devrais pas avoir à en souffrir. C'est-à-dire que je devrais voir ma contribution reconnue, à savoir que j'élève une famille en faisant de mon mieux, en prenant mes responsabilités au sérieux, exactement comme dans une autre famille on choisira d'envoyer les enfants dans une garderie tout en équilibrant les impératifs du travail à l'extérieur et à la maison. C'est-à-dire que je ne veux pas être considérée inférieure à ces autres mères, ni faire l'objet de quelque mépris que ce soit. Toute famille a ce droit, et ne doit pas faire l'objet d'un traitement fiscal discriminatoire imposé par l'État.
En réalité, il serait même avantageux que les parents divorcent. La fiscalité canadienne ne considère pas la famille comme une unité. En réalité les choses seraient plus justes si l'État permettait au père, disons, lorsque son salaire est plus élevé, d'employer la mère... bien que ce scénario ne corresponde pas toujours à la réalité. La mère serait alors recrutée pour s'occuper de l'enfant, serait payée un salaire assez faible mais juste, disons 8 $ par heure. Cela représente 1 344 $ par mois brut. Nous payons en ce moment 7,50 $ de l'heure, c'est-à-dire 1 260 $ par mois, pour notre gardienne. Mais 1 344 $ par mois représenterait 16 000 $ par an. La mère aurait alors un revenu, elle aurait droit au REER, et son taux d'imposition serait minime. Le père, de son côté, aurait le droit à une déduction pour frais de garde d'enfants tout à fait intéressante.
• 1555
Dans notre cas, avec quatre enfants, dont trois ont moins de
sept ans, le plafond autorisé est de 7 000 $ par enfant, et
seulement de 4 000 $ pour le quatrième qui a neuf ans. Cela fait un
total de 25 000 $ pour frais de garde d'enfants que nous pourrions
déduire. Mais comme je joue le rôle de garde d'enfants, cela ne
coûterait en réalité que 16 000 $, comme je l'ai expliqué. C'est
vraiment intéressant. L'État et son percepteur s'en frotteraient
les mains, de son côté le père pourrait, à ses moments perdus,
batifoler avec celle qui s'occupe de ses enfants. Ça me paraît
idéal. Est-ce que, alors, les familles doivent se résoudre à ce
genre de solution pour être traitées de façon équitable au Canada,
lorsqu'elles décident qu'un des parents va rester à la maison pour
offrir aux enfants un environnement stable, plein d'affection et de
sollicitude et enrichissant en même temps?
Est-ce toute la valeur que le Canada attribue aux mariages et à la famille? Ou est-ce que notre pays veut que se multiplient les cas d'enfants et d'adolescents qui se retrouvent abandonnés à eux-mêmes, sans encadrement cohérent, sans amour, et qui deviennent ensuite incapables de se sentir responsables de leurs actes? Qui est le coupable? Les parents, bien sûr. Où étaient-ils? Les parents ne savaient-ils donc pas ce que faisaient leurs enfants tard le soir? Et on continue à se poser des tas de questions sur les parents responsables. Pourtant ceux-ci très souvent font de leur mieux, étant donné les circonstances et les contraintes lorsque les deux parents travaillent, avec les conséquences que cela peut avoir pour leur vie de couple, et alors que cela ne leur laisse aucun temps pour s'occuper des enfants et répondre à leurs demandes.
Pour conclure j'aimerais vous demander de reconnaître la diversité des situations familiales, et de créer un environnement où les parents puissent décider librement. Chacun a une situation qui lui est propre: les exigences du travail, les exigences de la vie de couple, celles des valeurs familiales, celles d'un ménage dont il faut s'occuper, et des enfants, varient d'un cas à l'autre.
Cessez de relever le plafond de la déduction pour frais de garde d'enfants. Seules les tranches supérieures de revenu peuvent s'offrir ce genre de dépenses. En ce qui nous concerne, la garde d'enfants n'a fait que nous enfoncer dans l'endettement. Puisque cette déduction n'est pas là pour toutes les familles qui ont des enfants, je demande qu'elle soit remplacée par un autre système, et si possible un crédit universel remboursable. Cela permettrait à toutes ces familles qui ont des enfants de se retrouver à égalité.
Relevez également le montant prévu pour le conjoint, et qu'il soit au moins équivalant à l'exemption personnelle de base. Les époux ne méritent-ils pas d'être traités de façon égale, chacun étant considéré comme une personne à part entière?
On pourrait également réfléchir à la déclaration d'impôt conjointe, ou au partage du revenu, ce qui permettrait aux familles de diviser le revenu imposable entre les deux parents, ce qui réduirait leur taux marginal d'imposition et permettrait là encore d'établir un minimum d'équité entre toutes les familles et leurs enfants.
Il ne s'agit pas ici simplement d'une question de finance ou de fiscalité. C'est quelque chose de beaucoup plus profond. Pour que la fiscalité canadienne puisse évoluer, il est important que vous compreniez à quel point toutes ces questions que nous vous soumettons, lorsque nous demandons à être entendus, sont d'une portée immense. Toutes les familles et leurs enfants doivent être à égalité et traités de façon juste.
Merci de m'avoir consacré une partie de votre temps.
Le président: Merci, madame Girard, pour cet exposé fort intéressant, et pour vous être déplacée cet après-midi.
Monsieur Forseth, nous allons commencer les tours de cinq minutes.
M. Paul Forseth: Merci.
Lorsque je regarde l'exposé de REAL Women of B.C., dans les recommandations, je vois que le dernier paragraphe demande que l'on transforme les déductions pour garde d'enfants en crédits d'impôt. Et ensuite vous poursuivez en disant que
-
ce crédit soit versé à l'égard de tous les enfants, que ces
derniers soient placés dans des garderies commerciales, gardés par
des parents ou des voisins, ou qu'ils demeurent chez eux avec un
parent [...]
Avez-vous réfléchi à la façon dont cela pourrait s'appliquer. Comment faites-vous votre calcul? Lorsque vous avez vos factures de frais de garderie vous pouvez faire la comparaison avec le plafond prévu, et vous situer par rapport à cette limite. Comment faites-vous votre calcul? Car par ailleurs vous parlez aussi d'enfants qui sont confiés à un parent, un parent éloigné quelquefois, ou même un voisin, etc., est-ce que vous pourriez un petit peu commenter cette recommandation?
Mme Laurie Geschke: Ce serait une recommandation un petit peu secondaire. La première serait que les enfants donnent droit à la même exemption personnelle de base pour le parent qui remplit la déclaration d'impôt, pour que cela fasse 6 460 $ pour tous les membres de la famille. Ce serait l'exemption personnelle. Elle s'appliquerait automatiquement à chaque membre de la famille, puisque nous sommes tous Canadiens. La seule chose qui nous distingue ce sont nos âges et la nature de la relation familiale ou non.
• 1600
Si chaque membre de la famille, ce qui inclut les enfants à
charge, avait droit à cette même déduction personnelle que celui
qui remplit la déclaration d'impôt, on pourrait se passer de cette
déduction ou même du crédit d'impôt pour enfants. Celui-ci, tel
qu'il est conçu à l'heure actuelle, favorise les familles dont les
revenus sont plus importants, puisque c'est un pourcentage. Je ne
suis pas certaine de savoir comment c'est calculé; c'est ainsi que
je le comprends, puisque je suis une mère qui reste à la maison, et
nous n'avons jamais pu réclamer cette déduction.
M. Paul Forseth: Dans l'exposé d'Eleanor Girard, à la dernière page, il y a une recommandation favorable à l'institution d'un crédit d'impôt remboursable.
Avez-vous pensé à la différence qu'il y aurait entre un crédit d'impôt non remboursable et celui qui le serait?
Mme Eleanor Girard: Je n'ai pas pensé aux conséquences ultimes de ces propositions. Je ne suis pas fiscaliste. Je pense simplement que quelque chose doit changer quelque part.
M. Paul Forseth: Oui, il se trouve que très souvent nous avons du mal à bien saisir le problème qui est celui-ci: comment être certain que la personne qui reste à la maison à s'occuper des enfants, et qui n'a pas de revenus, dispose bien de cet argent? Et comment faire le calcul?
Le président: Avez-vous une autre question à poser? On en a déjà débattu cet après-midi.
M. Paul Szabo: Un crédit remboursable... quelque chose comme la prestation fiscale pour enfants...?
Mme Laurie Geschke: Vous pouvez aussi accorder une exemption personnelle par enfant, pour que l'argent déduit du revenu du parent qui paie l'impôt, puisse effectivement alimenter le budget familial, permettre l'achat des vêtements des enfants, des chaussures, des fournitures scolaires, permettre de payer les leçons de ski, de ballet ou de piano, de payer pour le transport jusqu'à l'école, le repas du midi, etc.
M. Paul Forseth: Vous parlez de l'exemption personnelle de base des contribuables. De combien est-elle cette année?
M. Paul Szabo: Elle est de 6 456 $.
Le président: Ce serait alors 6 456 $ pour chaque enfant de moins de 18 ans?
M. Paul Forseth: C'est bien cela? Une exemption de 6 000 $ par enfant?
Mme Laurie Geschke: Oui. Pour notre famille, nous aurions pour mon mari et moi le même montant. En ce moment il a droit à 6 456 $, comme disait M. Szabo, alors que je n'ai que 1 700 $ ou même 1 640 $, si je ne me trompe, lorsque je ne gagne rien. Dès que je gagne un petit peu plus que 1 600 $, l'exemption tombe à zéro.
M. Paul Szabo: Les premiers 538 $ ne comptent pas. Chaque dollar supplémentaire, à partir de 538 $, réduit votre part de 1 $ par dollar gagné.
M. Paul Forseth: Très bien.
Mme Laurie Geschke: Merci. Si donc je gagne 2 000 $, ce que j'ai fait l'an dernier comme bénévole dans une coopérative de crédit, où j'ai touché quelques honoraires, mon mari ne peut réclamer aucune déduction pour moi, non plus que pour les enfants.
M. Paul Szabo: Nous y reviendrons plus en détail plus tard.
M. Paul Forseth: Très bien.
Vous demandez également que la même exemption de base de 6 000 $ soit accordée pour chaque enfant.
Mme Laurie Geschke: Oui, également pour les enfants.
M. Paul Forseth: Est-ce que vous avez calculé ce que cela coûterait à l'ensemble du pays? La facture serait impressionnante, je crois.
Mme Laurie Geschke: Cela ne coûte rien au pays. Il s'agit simplement de permettre aux parents de conserver l'argent qui leur revient de droit, puisqu'ils ont travaillé pour cela.
M. Paul Forseth: Dans ce cas on serait peut-être amené à supprimer les autres programmes.
Mme Laurie Geschke: Oui.
M. Paul Forseth: Ce serait notamment la disparition de tout le crédit d'impôt pour enfants.
Mme Laurie Geschke: Oui.
M. Paul Forseth: On se limiterait à ce que vous proposez.
Mme Laurie Geschke: Oui.
M. Paul Forseth: Ce serait un programme d'exemption de base. C'est intéressant. Il faudrait faire le calcul de ce que cela coûterait.
[Français]
Le président: Merci. Monsieur Cardin, s'il vous plaît.
M. Serge Cardin: Mesdames, je vous remercie de votre présentation. Je remercie entre autres Mme Girard de son témoignage parce que c'est grâce à de tels témoignages qu'on peut avancer. Elle nous a donné des exemples représentatifs de la réalité.
On nous fait beaucoup de recommandations. Cela me fait parfois penser à quelques éléments qu'on pourrait mettre sur pied, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. J'aimerais aussi savoir si un élément semblable vous inciterait à demeurer à la maison.
• 1605
Prenons l'exemple du revenu familial total.
On dit souvent que les frais de garde d'enfants sont engagés dans
le but de permettre à la personne qui gagne le moindre
revenu d'aller travailler. C'est cette personne qui,
normalement, peut déduire les frais de garde d'enfants.
Par contre, on sait que dans un couple, le conjoint qui reste à la maison sacrifie sa carrière. Il la «sacrifie» parce qu'on sait bien que travailler auprès de ses enfants est très valorisant, mais il y a quand même une carrière qui est sacrifiée, cela au bénéfice du revenu le plus important de la famille. Donc, on peut dire que la personne qui reste à la maison y reste pour que la famille puisse bénéficier du revenu le plus élevé. À ce moment-là, la division du revenu familial permettrait de diminuer les impôts familiaux. Bien sûr, une telle approche coûterait passablement cher, mais la réalité est là: il s'agit de permettre au conjoint qui a le revenu le plus élevé de gagner son salaire pour subvenir aux besoins de sa famille.
Des groupes nous ont dit qu'ils n'étaient pas d'accord sur le revenu partagé entre les conjoints, mais je vois dans cette mesure une voie de solution à bien des éléments.
Au niveau de la Loi de l'impôt sur le revenu, on pourrait optimiser l'imposition de façon à ce que la famille paie le moins d'impôt possible. Cet argent pourrait être versé directement au conjoint qui reste à la maison. Il y a d'autres groupes de personnes qui nous ont dit que les avantages devaient aller à la personne qui reste à la maison pour subvenir aux besoins des enfants.
Est-ce un élément qui inciterait une personne à rester à la maison pour élever ses enfants?
[Traduction]
Mme Eleanor Girard: Le partage du revenu est intéressant si vous pouvez faire un partage égal entre les deux parents, avec ensuite un taux d'imposition plus bas. Mais cela ne réglerait pas tout, parce que la différence ne serait pas vraiment importante. Il faudrait d'autres mesures d'accompagnement.
[Français]
Mme Laurie Geschke: J'aimerais ajouter que dans le cas de notre famille, il serait avantageux de partager le revenu de mon mari parce qu'il gagne plus que moi, mais que lorsque les salaires des deux personnes sont presque égaux, l'avantage serait moindre que dans notre cas. Mon mari gagne moins de 50 000 $ par an pour nous soutenir. À Maple Ridge, en Colombie-Britannique, il n'y a pas beaucoup d'argent et n'importe quel bénéfice bien fait serait bon pour nous. Dans les autres cas où il y a deux personnes qui travaillent, c'est différent.
M. Serge Cardin: Évidemment, le partage des revenus ne comble pas les besoins de toutes les famille. Si les revenus sont fermes, même si on les divise en deux, l'avantage n'est pas nécessairement important. Par contre, cela vient se greffer à d'autres mesures comme les crédits dont vous avez parlé et ainsi de suite.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
Madame Dockrill, s'il vous plaît.
[Traduction]
Mme Michelle Dockrill: Merci.
Je vous remercie de vous être déplacée et de nous consacrer une partie de votre temps, Eleanor, je pense que vous nous avez donné, et mes collègues seront sans doute d'accord, une idée assez précise de la situation des mères qui aujourd'hui se battent pour simplement se maintenir à flot.
• 1610
On nous pose assez régulièrement la question du partage du
revenu. Ce matin il y a même eu des exposés qui en ont fait une
question d'égalité des sexes. Lorsque je regarde les documents qui
nous ont été remis depuis quelques semaines... J'ai souligné ici un
certain nombre de déclarations, que j'aimerais vous lire pour
savoir ce que vous en pensez.
Ici la première. Du point de vue de l'égalité des sexes, le partage du revenu entre le parent qui travaille à l'extérieur et celui qui reste à la maison pose un certain nombre de problèmes: a) c'est un système qui dissuade le partage du travail non rémunéré, entre l'homme et la femme; b) à long terme cela risquerait de dissuader les femmes de vouloir travailler à l'extérieur; c) cela profiterait surtout aux familles jouissant d'un certain revenu ou qui, pour différentes raisons, décideraient de laisser un des parents à la maison, alors que parallèlement les mères seules ou les parents, qui de toute façon font un certain travail non rémunéré en plus de leur travail à l'extérieur qui l'est, n'en profiteraient pas.
Est-ce que vous pouvez me dire ce que vous en pensez.
Mme Laurie Geschke: Il y a plusieurs questions qui sont posées. Je suis d'accord avec certaines de ces considérations. Je rappellerai, pour ce qui est de REAL Women of B.C., que notre cible inclut le terme d'égalité. Nous estimons que les femmes sont les égales des hommes, tout en étant différentes, les femmes choisissant de jouer un rôle distinct.
Si je choisis de rester à la maison, pour m'occuper de mes enfants, comme je le fais en ce moment—puisque j'élève effectivement mes enfants chez moi, ceux-ci ne fréquentant pas encore les écoles publiques ni privées—j'ai un emploi à temps plein à la maison, pour lequel je ne suis pas payée. Je pense qu'alors l'État fédéral ne devrait pas me pénaliser en adoptant des politiques fiscales destinées à soutenir les autres familles où l'on a décidé—pour une raison ou une autre—de travailler à l'extérieur de la maison, et qui ont le droit à des allégements fiscaux qui nous sont refusés, même si nous avons le même nombre d'enfants qui ont les mêmes besoins. J'ai simplement décidé d'y subvenir d'une autre façon.
J'ai un petit peu parlé de partage du revenu. Dans notre cas, et si c'était possible, nous le ferions puisqu'il est plus intéressant d'avoir deux revenus de 25 000 $, que d'être imposé une fois pour un revenu de 50 000 $. Ce serait donc un avantage en ce qui nous concerne, mais je n'ai pas réfléchi aux conséquences ultimes de ce système. C'est votre travail, vous pouvez vous pencher là-dessus. Nous avons aussi fait des recommandations concernant les exemptions personnelles, et je crois que c'est la façon de procéder pour que toutes les familles soient à égalité, ainsi que les enfants de ces familles dans tout le Canada.
Mme Michelle Dockrill: Comme nous l'avons déjà dit, certains se sont préoccupés de l'aspect «égalité des sexes» de la question, en disant que les mères seules n'en profiteraient pas; êtes-vous cependant d'accord avec le partage du revenu...? J'aimerais que vous me disiez oui ou non, pour ce qui est de cette question du partage du revenu.
Mme Laurie Geschke: Certains des membres de notre association sont seules. Ma fille a une amie dont la mère vit de l'assistance sociale. À partir du moment où elle était enceinte elle a arrêté de travailler. La fille a maintenant 14 ans. La mère a eu un deuxième enfant, qui a été adopté par un parent éloigné. Depuis deux ans, elle cherche du travail. Cela a été difficile, étant donné son mode de vie; elle a du mal à respecter les horaires, à se lever le matin, à suivre un emploi du temps. À mon avis, elle a du mal à s'imposer une discipline.
Cela est peut-être dû à d'autres raisons. Pour ce qui est de l'éducation de sa fille, elle a fait un travail remarquable. J'aurais trouvé dommage qu'elle soit obligée d'aller travailler, du fait qu'elle n'avait personne pour l'aider. Je suis donc heureuse qu'elle ait pu profiter du soutien des programmes fédéraux-provinciaux pour faire ce travail d'éducation remarquable avec Leanne, sa fille, mais je vois par ailleurs à quel point elle a du mal maintenant à reprendre le collier dans le monde du travail, dont elle a été absente pendant longtemps.
Je crois qu'il y aura toujours une certaine inégalité en ce qui concerne les parents seuls, qui ne sont pas une unité familiale fonctionnelle, mais je crois qu'il est également important de s'occuper de la famille traditionnelle et de s'assurer qu'elle survive, parce que nous ne pourrons pas payer pour tout le monde si nous ne fonctionnons pas tous.
Le président: Madame Cecilia von Dehn.
Mme Cecilia von Dehn (membre, REAL Women of B.C.): J'aimerais dire quelque chose concernant l'égalité. Je ne pense pas que les mères qui vivent du bien-être, les mères seules, aient l'impression qu'il y ait beaucoup de justice. Nous avons, en ce qui nous concerne, aidé financièrement une mère assistée sociale qui voulait travailler, et avoir un emploi qu'elle convoitait tout particulièrement, et pour lequel il lui fallait une formation en technique juridique. Les services sociaux la destinaient au métier de coiffeuse ou de responsable d'un foyer. Je vois donc que le système n'encourage pas véritablement les mères seules à se trouver un emploi qui les intéresse véritablement, et pour lequel elles seraient tout à fait compétentes. Lorsque l'on parle d'équité et de justice, je pense que pour les mères seules, pour les mères assistées sociales, il n'en est pas véritablement question.
Mme Michelle Dockrill: Comme vous le dites, et cela me préoccupe beaucoup, nous supprimons certaines inégalités d'un côté, et nous en recréons d'autres de l'autre. Je pense que c'est ce que vous avez dit. Et cela concerne notamment les parents seuls, lorsqu'il est question de partage du revenu. Ils n'en profiteraient pas vraiment, n'est-ce pas?
Mme Laurie Geschke: C'est ce que je pense, mais le partage du revenu n'est pas dans nos recommandations. Pour ce qui est du parent seul avec un, deux, ou trois enfants, s'il est au chômage cela n'a aucune conséquence pour lui, puisqu'il ne paie pas d'impôt. Mais s'il est employé, et s'il a droit à la même exemption personnelle pour ses enfants que pour lui-même et pour un conjoint—dans le cas où on a un conjoint—c'est certainement un progrès par rapport au mode d'imposition actuel. Dans le cas des parents seuls il n'y a pas de conjoint, ce qui fait une exemption de 6 456 $ en moins, mais ce serait quand même préférable au système actuel.
Le président: Madame Girard.
Mme Eleanor Girard: Ne serait-il pas alors possible de considérer la famille comme une entreprise? Dans ce cas vous devez pouvoir diviser le revenu entre votre conjoint et les enfants, avec alors un taux d'imposition marginal bien inférieur, puisque ce serait considéré comme une entreprise. Je ne suis pas certaine de la façon dont cela fonctionnerait, mais c'est un petit peu l'idée du partage du revenu.
Le président: Nous en sommes déjà à huit minutes. Excusez-moi, mais nous sommes pressés par le temps.
Monsieur Herron, allez-y.
M. John Herron: J'ai juste deux petites questions à poser. La première: pensez-vous que la fiscalité actuelle, étant donné les choix qu'elle permet...? Imaginons qu'un couple attend un enfant. Après la naissance, et peut-être après une période de congé de maternité, six mois plus tard—puisque c'est le cas à l'heure actuelle—le couple doit se décider. Étant donné les circonstances, quelle est la meilleure façon de s'occuper de l'enfant? Pensez-vous que le système actuel désavantage les uns alors qu'il avantage les autres, si l'on considère l'ensemble du système? Est-ce quÂeffectivement c'est un système qui encourage les parents à ne pas s'occuper eux-mêmes de leur enfant à la maison?
Mme Laurie Geschke: Absolument. Il y a un prix à payer si l'on fait certains choix. Je vais vous donner l'exemple de ma soeur. C'est une famille à deux revenus, et un enfant. Une fois terminé son congé de maternité, il a fallu qu'elle réfléchisse au système de garde d'enfants qu'elle choisirait. Elle avait à choisir entre la garderie payante, qui donne droit à la déduction pour frais de garde d'enfants, et le système de garderie où l'on confie l'enfant à la famille. Finalement elle a décidé de se passer de la déduction fiscale pour me confier ma nièce.
Je me suis donc occupée d'elle plusieurs années. Puis ce fut l'école, et comme de mon côté j'enseignais à mes propres enfants chez moi, je n'avais pas le temps de m'occuper d'un cinquième enfant. Ma soeur s'est alors adressée à ma mère, qui s'occupe de ma nièce depuis lors. Ma soeur n'a donc jamais eu droit à la moindre déduction fiscale pour ses enfants. Il est bien évident qu'il s'agit ici d'un cas de discrimination patent... Il s'agit en l'occurrence d'une famille à deux revenus, avec deux bons salaires, mais sur le plan financier ce fut un manque à gagner. Ils gagnent à eux deux 100 000 $ par an.
Le président: Merci, monsieur Herron.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci.
Merci à tous les témoins pour leurs exposés. Chaque fois j'apprends quelque chose de nouveau.
Et ici, en l'occurrence, lorsque vous vous êtes présentés en nous rappelant que les gens n'avaient pas simplement un ou deux enfants. Il y a des familles où il y a trois, quatre enfants et plus, et cela se complique lorsque l'on veut travailler et que l'on a plus de deux enfants. Si les spécialistes ne se trompent pas, une bonne garderie coûte 7 000 $ par an, ce qui ferait pour vous 21 000 $ à prélever sur ce que vous gagnez, rien que pour ce poste de votre budget. On peut se demander pourquoi vous le feriez. Et dans ce cas-là, cela ne vous rapporterait rien.
Donc, de toute évidence, cela devient pratiquement impossible financièrement à moins d'avoir un très bon emploi très bien payé qui vous permet de débourser cette somme. Je tiens à vous remercier de nous rappeler que parfois c'est difficile simplement à cause des besoins des enfants.
Si on accordait à tout le monde, à chaque enfant, cette exemption personnelle, j'ai fait un calcul rapide, et cela coûterait au gouvernement fédéral 7 milliards de dollars, et aux gouvernements provinciaux environ 3,5 milliards de dollars parce que leur impôt provincial est basé sur l'impôt fédéral. Pourtant, en 1996, la déduction pour frais de garde d'enfants a coûté en tout 500 millions de dollars au gouvernement fédéral.
Mme Laurie Geschke: Avez-vous dit 7 milliards de dollars?
M. Paul Szabo: Sept... eh bien, en tout, cela coûterait plus de 10 milliards de dollars. C'est 20 fois plus que ce que nous dépensons pour la déduction pour frais de garde d'enfants. Je soulève cet aspect simplement parce que je sais ce que vous essayez de faire, et c'est très compliqué d'y arriver, mais je voulais vous poser simplement deux questions, à vous ou à vos collègues.
Tout d'abord, si nous laissons de côté pour l'instant l'instrument utilisé pour le faire—car ils sont nombreux et divers—quelle somme à votre avis devrait recevoir une famille avec un enfant d'âge préscolaire pour que soit reconnue la valeur de ses contributions? Quelle est la somme que vous envisagez? S'agit-il d'un montant de 500 $, de 1 000 $, de 5 000 $ ou de 10 000 $? Quelle devrait être cette somme à votre avis?
Deuxièmement, que pensez-vous de la déclaration selon laquelle toute nouvelle mesure qui vise les parents qui restent à la maison pour s'occuper de leurs enfants ne ferait que renforcer les obstacles à l'emploi en réduisant l'incitation à exercer un travail rémunéré, c'est-à-dire, est-ce qu'une prestation pour les parents qui restent à la maison serait un obstacle pour les femmes qui entrent sur le marché du travail?
Mme Eleanor Girard: Je ne crois pas que ce serait un obstacle. Les femmes qui veulent travailler travailleront et les femmes qui veulent avoir une carrière auront une carrière en plus d'avoir des enfants lorsqu'elles se marieront. J'ai attendu 10 ans avant d'avoir des enfants. Je me suis d'abord concentrée sur ma carrière. Puis nous avons décidé, une fois atteint ce chiffre magique, que nous aurions des enfants ou n'en aurions pas. Car de toute façon vous ferez ce que vous voulez faire.
Mme Cecilia von Dehn: Je crois que beaucoup d'entre nous ont interrompu leur carrière. Mme Rankin a interrompu sa carrière de diététicienne en milieu hospitalier pendant de nombreuses années. J'aurai pu retourner travailler comme infirmière, mais mon dernier enfant était handicapé. Il y a beaucoup de femmes qui font ce genre de choix. Elles retournent travailler plus tard. Elles peuvent se tenir à jour entre-temps à l'aide de cours, etc... Ce n'est pas comme si nous étions en hibernation pendant que nous élevons nos enfants.
Mme Laurie Geschke: J'aimerais ajouter que cette déclaration a une connotation philosophique qui laisse entendre que les femmes ne devraient pas se voir offrir le choix, parce que si on leur offre ce choix, elles choisiront toujours de retourner à la maison. La conviction selon laquelle les femmes devraient être sur le marché du travail pour être égales aux hommes est une conviction féministe radicale.
Et ce n'est pas une conviction que nous, REAL Women of B.C., partageons. Nous estimons que les femmes doivent avoir le droit de faire leurs propres choix et que ces choix ne devraient être pénalisés en aucune façon, que je choisisse de rester à la maison avec mes enfants, comme je le fais, et de travailler à temps partiel, ou qu'une femme choisisse, comme ma collègue ici, de retourner au travail en espérant pouvoir ainsi joindre les deux bouts. Aucun de nos choix ne devrait être pénalisé.
• 1625
Donc je dirais, même si je ne sais pas au juste d'où provient
cette déclaration, qu'elle est probablement motivée par un
sentiment anti-famille.
M. Paul Szabo: Est-ce que l'une d'entre vous a une idée du montant de prestations qui serait raisonnable ou permettrait au moins de reconnaître clairement la valeur de...?
Mme Eleanor Girard: La même valeur que l'on accorde aux services d'une personne qui fournit des soins, au moins.
Une voix: La valeur marchande.
Mme Eleanor Girard: Oui, la valeur marchande.
M. Paul Szabo: Le montant moyen est d'environ 700 $ pour la déduction pour frais de garde d'enfants.
Mme Laurie Geschke: Est-ce 700 $ ou 7 000 $?
M. Paul Szabo: C'est 700 $.
Mme Laurie Geschke: Par mois ou par année?
M. Paul Szabo: Par année.
Mme Laurie Geschke: Par année...?
Mme Eleanor Girard: Non.
M. Paul Szabo: Pour 1996, la déduction moyenne n'était que de 2 600 $.
Mme Eleanor Girard: Cela ne correspond pas à la réalité.
M. Paul Szabo: Je comprends, mais la moyenne pour tout le monde... La raison pour laquelle ils disent ces drôles de choses ici, c'est que seulement le tiers des couples où les deux conjoints travaillent réclament en fait la déduction pour frais de garde d'enfants. Les autres font autre chose sous la table.
Mme Eleanor Girard: C'est exact, et ceux qui...
M. Paul Szabo: Mais même pour ceux qui ont réclamé cette déduction, la réclamation moyenne n'était que de 2 600 $...
Mme Eleanor Girard: La nôtre était de 15 000 $.
M. Paul Szabo: ...et une déduction de 2 600 $ pour la tranche moyenne du revenu ne vaut que 700 $ dans vos poches.
Mme Eleanor Girard: Mais si vous devez payer pour ce service, c'est au moins le montant que devrait se voir accorder la mère qui reste à la maison, comme je l'ai dit dans mon exposé.
Mme Laurie Geschke: Cela s'explique aussi par cette disparité. Ce n'est pas un système qui est pratique. La plupart des parents n'ont pas les moyens de recourir à ces systèmes coûteux ou ne le veulent tout simplement pas. Ils veulent pouvoir s'occuper eux-mêmes de leurs enfants, comme l'ont indiqué les études que j'ai citées ainsi que les sondages Compas, entre autres. Les parents veulent être responsables de l'éducation de leurs enfants. Ils ne veulent pas y renoncer: donc ils travailleront aussi fort qu'ils le peuvent, par exemple comme vous, et ils travailleront le soir et ils travailleront le jour et ils travailleront par quarts. Qui a l'occasion de voir son conjoint? Mais au moins l'un des parents s'occupera des enfants à la maison la majorité du temps.
M. Paul Szabo: Donc essentiellement vous dites qu'il vaut mieux remettre l'argent aux parents et les laisser choisir la façon dont ils veulent prendre soin de leurs enfants?
Mme Laurie Geschke: Exactement!
M. Paul Szabo: Très bien.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie.
J'ai une question qui fait suite à celle posée par M. Szabo. Pourquoi alors le gouvernement devrait-il fournir plus d'incitatifs aux parents qui restent à la maison? Si nous parlons d'équité, si le gouvernement, au moyen du système d'imposition, accorde un crédit de 7 000 $, par exemple, pour une déduction pour frais de garde à des parents qui travaillent, pourquoi devrions-nous accorder une somme plus importante à ceux qui restent à la maison?
Mme Laurie Geschke: Je ne crois pas...
Le président: Vous avez cité le montant de 15 000 $.
Vous avez, par exemple, indiqué qu'il fallait accorder un montant qui correspond à la valeur marchande.
Mme Eleanor Girard: Oui, et j'ai également dit qu'avec quatre enfants, je pouvais déduire 25 000 $. Une bonne d'enfants ne me coûte que 16 000 $, et c'est bon marché comparativement aux services de garderie. Pour quatre enfants, une bonne d'enfants payée 7,50 $ ou 8 $ l'heure, c'est une valeur marchande bon marché.
Le président: Mais ne devrions-nous pas accorder la même déduction dans les deux cas, que les parents travaillent ou non?
Si nous décidons de ne pas financer cela en totalité, pour une raison quelconque, mais que nous choisissons d'accorder 7 000 $, et dans l'autre cas 4 000 $, quel est le nombre d'enfants correspondant, Paul...? Paul, dans un cas c'est 7 000 $ et...?
M. Paul Szabo: Et 4 000 $.
Le président: Dans les deux cas, ne devrions-nous pas accorder le même montant?
M. Paul Szabo: J'ai l'impression que ce que nous entendons, c'est d'assurer des règles du jeu équitables et de laisser les parents choisir.
Mme Laurie Geschke: J'ajouterai simplement que si les enfants avaient une exemption personnelle équivalente à celle des deux parents, qui serait égale en vertu de la loi, alors il n'y aurait pas ce genre d'injustice, et nous n'aurions pas à manoeuvrer comme nous le faisons. Que l'enfant soit en garderie ou non, sur la déclaration de revenus l'enfant vaudrait une déduction de 6 456t<$ du revenu des parents. Ils pourraient se servir de ce revenu exempt d'impôt pour payer des services de garderie ou pour permettre au parent qui reste à la maison d'acheter des provisions et les autres choses indispensables pour élever leurs enfants à la maison.
Le président: Mais vous remplaceriez cela seulement par une déduction pour frais de garde d'enfants, pas par d'autres prestations. Est-ce exact?
Mme Laurie Geschke: Non. L'exemption personnelle serait accordée à tout le monde, à tous les Canadiens, quel que soit leur âge.
Le président: Mais que se passerait-il dans le cas du crédit d'impôt pour enfants en ce qui concerne la TPS par exemple? Est-ce que vous l'élimineriez?
Mme Laurie Geschke: J'aimerais éliminer la TPS, mais je ne crois pas que ce soit l'objet de notre débat ici.
Le président: Non.
M. Szabo vous a indiqué quels seraient les coûts de ce que vous proposez. Je pense que c'est une proposition unique, mais nous devons trouver le financement ailleurs. Donc en ce qui concerne les mesures proposées dans votre exposé—à savoir que nous devrions prendre toutes les prestations et les remplacer par une exemption personnelle, comme une exemption pour enfants, par exemple—j'essaie de voir quelles sont les prestations que nous pourrions inclure ou exclure pour obtenir des sources de financement. M. Szabo a mentionné la déduction d'impôt pour enfants, qui n'est que de 500 millions de dollars; donc il nous reste un énorme manque à gagner. Est-ce que ce financement viendrait d'ailleurs?
Une voix: Oui.
Le président: D'où?
Mme Laurie Geschke: Eh bien, si mes enfants valent 500 $, alors oui, je suppose que nous devrons obtenir ce financement d'ailleurs si je veux qu'ils valent 6 456 $ sur la déclaration de revenus. Mais à mon avis il ne s'agit pas de prendre de l'argent du gouvernement pour me le redonner. Il s'agit du revenu de mon mari que nous devrions être autorisés à garder pour pouvoir élever nos enfants. Il appartient au gouvernement de laisser les citoyens élever leurs enfants comme ils le veulent et de se débrouiller avec le revenu qu'ils touchent, ce qui ne pénalise ni les familles ni les femmes au pays. Si cela veut dire qu'il reste moins d'argent pour aider les groupes d'intérêts spéciaux ou... J'ignore quelles sont les autres options, mais ce n'est pas mon problème.
Le président: Là où je voulais en venir, c'est que nous devons nous assurer que les programmes ciblent aussi les personnes qui ne travaillent pas, car de toute évidence l'exemption ne s'applique qu'à certaines familles, c'est-à-dire celles qui ont un revenu. Nous devons nous occuper d'autres questions, comme celle du crédit d'impôt pour enfants pour les familles à faible revenu, etc.
Je tiens à vous remercier de vos propositions, tant la vôtre que celle de Mme Girard. Je pense que vous nous avez donné un exemple clair d'une personne... Non seulement nous voyons l'autre aspect de la situation, c'est-à-dire les cas où certaines personnes, surtout des femmes, envisagent de retourner au travail, vous avez fait l'inverse, et je constate que les deux systèmes ont des lacunes que nous devons combler. Le fait est, comme je le dis toujours à ma femme—nous avons quatre enfants—que je ne changerais jamais de place avec elle même si elle a décidé de rester à la maison, parce qu'élever quatre enfants—ou sept enfants dans certains cas—est une tâche extrêmement exigeante. Je vous tire mon chapeau ainsi qu'aux gens comme vous.
Je tiens à vous remercier de nous avoir communiqué vos réflexions sur cette question, et je sais que le comité les a trouvées très utiles.
Mme Laurie Geschke: Merci, monsieur Discepola.
Le président: Les trois témoins suivants ont accepté de grouper leurs témoignages, ce qui nous permettra de respecter notre horaire.
Nous allons maintenant entendre le père Joseph Hattie, de l'Archidiocèse de Vancouver, M. Tom Walker, qui comparaît à titre personnel, et Mme Lucinda Cullen, de la Canada Family Action Coalition.
Je tiens à vous remercier de votre patience et d'avoir accepté de grouper vos témoignages pour nous permettre de terminer la séance à temps. Nous avons un avion à prendre à 19 heures; donc nous devrions lever la séance d'ici 17 h 30. Je vous souhaite la bienvenue et je vous demanderais de prendre cinq à dix minutes pour présenter votre exposé afin de laisser autant de temps que possible pour les questions.
Mme Lucinda Cullen (représentante, Canada Family Action Coalition): Bonsoir—ou devrais-je dire bonjour? C'est pratiquement le soir. Je tiens à vous remercier de tenir cette réunion et je vous vous suis vraiment reconnaissante d'examiner les répercussions de l'impôt sur les familles.
• 1635
Notre groupe aimerait essentiellement que la déduction pour
frais de garde d'enfants soit transformée en crédit d'impôt pour
enfants pour toutes les familles. Nous croyons en l'égalité pour
toutes les familles. Nous aimerions également que l'on autorise la
codéclaration ou le fractionnement du revenu pour diminuer l'impôt
sur le revenu payé par la famille où un seul des conjoints
travaille. Nous aimerions également que l'exemption de conjoint
soit égale à l'exemption personnelle afin de reconnaître la valeur
égale de la contribution du conjoint qui reste à la maison, qu'il
s'agisse du mari ou de la femme. Nous savons tous qu'à notre époque
il arrive que le mari décide de rester à la maison.
Nous aimerions également que les parents qui restent à la maison puissent cotiser à un REER. Je suis une maman qui reste à la maison, mais je travaille pour mon mari. Il a une entreprise de camionnage. Je fais sa comptabilité et je m'occupe des enfants à temps plein. Nous avons cinq enfants: le plus jeune a trois ans et le plus vieux 21 ans. Nous avons également un beau-fils et une petite-fille. Nous sommes très axés sur la famille.
Il y a si longtemps que j'ai interrompu ma carrière que j'ai l'impression de n'en avoir jamais eu.
Des voix: Oh, oh!
Mme Lucinda Cullen: Plus tôt, vous avez parlé d'obstacles, et je trouve cela plutôt... Je conviens que c'est une déclaration féministe, l'opinion d'un groupe radical de femmes. Je suis vraiment heureuse de pouvoir élever mes enfants moi-même sans l'ingérence du gouvernement.
J'aimerais pouvoir rester à la maison et bénéficier d'une exemption d'impôt. Nous n'arrêtons pas de payer de l'impôt. Dans notre famille, chaque fin d'année est très difficile. Mon mari doit payer la TPS sur son entreprise, et cela semble un autre énorme fardeau sur ses épaules. La situation de ma famille m'inquiète beaucoup. Nous vivons dans une maison très modeste de trois chambres à coucher, et en raison de la grande différence d'âge entre nos enfants, nous avons pu faire un roulement; il y en a un qui vient de prendre la porte.
Des voix: Oh, oh!
Mme Lucinda Cullen: J'estime que l'égalité pour toutes les familles est vraiment importante, car, comme nous le savons tous, la famille traditionnelle est la clé de voûte de la société. La plupart des femmes que je connais choisissent de rester à la maison et de s'occuper elles-mêmes de leurs enfants, de les élever et de les aimer et de ne laisser personne le faire à leur place. C'est un sentiment que je partage en ce qui concerne ma propre famille.
En ce qui concerne cette exemption d'impôt à laquelle nous n'avons pas droit même si je travaille pour mon mari, si je travaillais pour quelqu'un d'autre, mon employeur paierait pour la moitié du régime d'assurance-maladie. Comme je suis Autochtone, le gouvernement paie mon régime d'assurance-maladie, mais je paie quand même des impôts. Je ne vis pas dans la réserve. Mes parents nous ont élevés pour que nous ne vivions pas dans la réserve. Mes parents ont toujours payé de l'impôt, j'ai toujours payé de l'impôt, et le fait d'être Autochtone est une autre question. C'est une tout autre question.
Voici ce que je considère vraiment comme important. Lorsque je vois ces chiffres et ces données qui indiquent que si je travaillais pour quelqu'un d'autre j'obtiendrais cette exemption de 7 000 $ ou 4 000 $... J'aurais droit à une exemption pouvant aller jusqu'à 19 000 $ pour mes enfants, exemption que je ne reçois pas. C'est injuste. À mon avis, on est loin de l'égalité.
Par ailleurs, à la fin de l'année, nous n'avons même pas suffisamment d'argent pour cotiser à un REER. C'est une autre difficulté que connaît notre famille. De plus, nous n'avons pas de congés. Nous n'avons pas pris de vacances en neuf ans, et c'est un stress pour mon mari. Je trouve que c'est tout simplement injuste. J'aimerais pouvoir le crier: c'est vraiment injuste envers la famille.
• 1640
La cellule familiale est la clé de voûte de la société, et je
suis la maman qui reste à la maison. Pour toutes les femmes qui
travaillent, je suis la maman qui va chercher leurs enfants pour
les conduire à l'école afin qu'ils participent à toutes les
activités différentes qui s'y déroulent, et je suis la maman qui
recueille des fonds pour les écoles qui manquent de fonds. Entre-temps, je
ne reçois aucun allégement fiscal qui me permettrait même
de rester à la maison et de le faire sans avoir l'impression que ce
sont les femmes qui vont travailler qui bénéficient de toutes ces
exemptions fiscales que moi je ne reçois pas.
J'ai entendu Hedy Fry dire à l'émission Jane Hawtin Live que les femmes qui travaillent doivent s'acheter des bas de nylon et des vêtements pour le travail tandis que les autres femmes restent à la maison. Excusez-moi, Hedy! Je pense que les femmes qui travaillent tout comme les mères qui restent à la maison aiment avoir l'air présentable. Les mères qui restent à la maison doivent elles aussi s'acheter des bas de nylon. Elles se font une montagne du fait qu'elles doivent courir à la maison pour préparer le souper. Elle dit que les mères qui restent à la maison ont l'avantage de préparer des soupers plus nutritifs pour leurs familles. Eh bien, ce n'est pas ma faute, Hedy, si vous n'arrivez pas à faire les choix qu'il faut pour offrir des repas nutritifs à votre famille.
Je trouve que notre système fiscal tel qu'il existe à l'heure actuelle est absolument incroyable. Je ne veux pas abandonner ma famille pour aller travailler de manière à pouvoir obtenir des exemptions fiscales. Cela n'a absolument aucun sens. Mes enfants sont beaucoup plus importants pour moi qu'une exemption fiscale quelconque, car, admettons-le, au bout du compte, si j'ai laissé quelqu'un d'autre s'occuper de mes enfants jusqu'à ce qu'ils soient grands et commettent des crimes, j'en suis responsable. C'est toute la société qui devient alors responsable de refaire le travail que je n'ai pas fait.
Je pense qu'il est vraiment important que vous examiniez de près cette situation et que vous reconnaissiez la valeur de la mère qui reste à la maison et qui s'occupe des enfants de la société. C'est vraiment important. Je tiens à vous remercier, et je vous suis reconnaissante d'examiner cette question.
Le président: Je vais devoir parler à votre mari et lui dire qu'il augmente votre salaire. Merci beaucoup pour votre exposé.
Monsieur Walker ou père Hattie, allez-vous présenter un exposé?
M. Tom Walker (témoignagne à titre personnel): Allez-y, père Hattie.
Le révérend père Joseph Hattie (directeur, Office of Marriage and Family Formation, Archidiocèse de Vancouver): Merci, monsieur Walker.
Monsieur le président, je tiens à vous remercier ainsi que les membres du comité de m'avoir offert l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui dans le cadre de cette entreprise commune consistant à élaborer un régime d'impôt sur le revenu qui met toutes les familles canadiennes sur le même pied.
J'aimerais également complimenter votre comité pour la charité avec laquelle vous avez mené votre dialogue. Il y a un peu plus d'une heure que je suis ici à écouter, et je suis impressionné par les membres.
Je comparais devant vous aujourd'hui non pas en tant que fiscaliste, mais en tant que personne qui a consacré la majeure partie de sa vie à préparer des couples fiancés au mariage et à la vie familiale, et également à les épauler lors des moments difficiles qu'ont vécus bien de ces familles. Par conséquent, je comparais ici en tant que personne qui s'intéresse réellement aux conséquences de la structure de l'impôt sur le revenu pour les familles à revenu unique, et qui est réellement préoccupée par cette question.
Mon travail me donne le privilège d'aider plus de 500 couples fiancés par année à se préparer au mariage et à la vie familiale. Je suis tout à fait d'accord avec la note de service que j'ai reçue et la télécopie concernant les paramètres de ce mémoire:
-
La véritable équité fiscale suppose que, quels que soient les choix
que font les parents en ce qui concerne le soin de leurs enfants à
charge, ils ne devraient être ni privilégiés ni pénalisés par le
régime d'impôt sur le revenu.
Il a été démontré—et ces preuves sont nombreuses, si on se fie aux témoignages entendus ici aujourd'hui—que les familles à revenu unique avec des enfants à charge sont pénalisées par le régime actuel d'impôt sur le revenu. Il y a bien des gens intelligents à Ottawa capables de mettre au point les détails techniques nécessaires pour assurer l'équité fiscale dans ce domaine. Ma contribution à la concrétisation de cette équité fiscale consiste à en souligner la nécessité sous l'angle plutôt philosophique des droits des parents et des femmes.
• 1645
Tout d'abord, en ce qui concerne la liberté de choix, je me
fonde une fois de plus sur mes années d'expérience de la
préparation de couples au mariage et sur le privilège d'avoir vu
tant de familles qui se sont confiées à moi. Pas plus tard qu'hier
soir, lors d'un cours de préparation au mariage qui portait sur les
finances familiales, 38 des 39 couples fiancés qui participaient à
ce cours ont dit qu'ils voulaient qu'un parent reste à la maison
lorsqu'ils auront des enfants. Je parle donc en leur nom et au nom
de tous les nombreux couples que nous préparons.
Cette expérience, comme d'autres, confirme que les milliers de parents qui choisissent d'assumer cette fonction à plein temps chez eux sont pénalisés par la structure fiscale actuelle. Le régime actuel mine la liberté que devraient avoir les parents de choisir d'être les principaux dispensateurs de soins pour leurs enfants à charge.
Dans la plupart des cas, ces dispensateurs de soins sont des femmes. Les femmes devraient tout autant que les hommes être libres de choisir ce qui est une priorité dans leur vie. De la même façon, les parents devraient être libres d'établir leurs priorités pour ce qui est d'avoir et d'élever des enfants. Les mères devraient être libres de choisir de développer leur potentiel d'amour et de don d'elles-mêmes en étant les principales dispensatrices de soins pour leurs enfants.
Mais le régime actuel pénalise la plupart des femmes de nos programmes diocésains qui choisissent de développer ce potentiel de cette façon, c'est-à-dire en devenant gestionnaires de foyers, conductrices chevronnées, psychologues pour enfants et bénévoles. Elles ont le droit de choisir d'améliorer la vie de leurs familles—et d'autres également—en étant les principales dispensatrices de soins et les éducatrices de leurs enfants. Les mères ont le droit de contribuer au bien commun de la société en faisant du bénévolat à l'école, par exemple, bénévolat qui, d'après ce que révèle l'expérience, améliore le fonctionnement des écoles.
Lorsque le père ou la mère s'occupe du foyer à plein temps, les parents ont le droit de choisir quelle sera la principale influence dans la vie de leurs enfants, lorsqu'ils les élèvent. Ils ont le droit de choisir d'être les principaux éducateurs de leurs enfants et de leur enseigner la signification de l'amour, du don et des vertus sociales que sont la justice, l'honnêteté et le pardon. Nombreux sont les parents qui se prévalent de ce droit parce qu'ils se rendent compte que souvent les enfants ne font pas ce que leurs parents leur disent, mais plutôt ce que leurs parents font eux-mêmes.
Vous devriez par conséquent envisager un partage des revenus qui permettrait au conjoint sur le marché du travail de payer à celui qui reste à la maison le tarif courant des garderies, par exemple, comme on l'a déjà mentionné dans le premier témoignage.
La famille est une institution de notre société. Elle devrait avoir les mêmes possibilités que les entreprises familiales. Par exemple, une femme qui dirige une entreprise peut embaucher et rémunérer son mari. Une telle structure serait avantageuse pour les familles; elle aiderait à mettre les familles qui ont des enfants à charge sur le même pied que les autres. La structure fiscale actuelle exerce une discrimination en faveur des familles à deux revenus. Je vous pose la question suivante en toute humilité: le préjugé du régime fiscal contre les familles à un seul revenu traduit-il un préjugé du gouvernement? Les gens qui travaillent paient davantage d'impôts au gouvernement.
Deuxièmement, pour être sérieux, je vous encourage également à poursuivre votre recherche sur la façon d'établir la valeur du travail non rémunéré fait au foyer pour la famille. Les personnes qui travaillent à plein temps au foyer veulent, comme elles en ont le droit, que notre gouvernement les prenne au sérieux et qu'on reconnaisse leur contribution positive à la société. La structure fiscale actuelle ne permet pas de les prendre au sérieux. Cette structure n'accorde aucune valeur économique à l'important travail qu'elles font au foyer, et les pénalise même. Voilà une reconnaissance négative dont elles pourraient bien se passer.
J'ai une proposition à vous faire à cet égard. Au cours des 10 dernières années, l'American Council of Life Insurance a estimé la valeur du travail des personnes au foyer à plus de 25 000 $US par année. Il y a déjà de cela plus de 10 ans; cette valeur aura augmenté considérablement. Le gouvernement canadien pourrait profiter des compétences des sociétés d'assurances pour reconnaître de façon positive et sérieuse le travail des personnes au foyer à plein temps dans la structure fiscale canadienne. Je vous encourage à recommander une telle mesure, car elle aiderait le gouvernement à rétablir l'équité afin que le choix de demeurer au foyer soit plus juste et plus viable. De cette façon, on réduirait également le taux de chômage.
• 1650
Dans mon bureau, nous croyons que la famille est l'unité de
base ou la cellule fondamentale de la société. À ce titre, elle
entretient un lien organique avec la société, ce qui signifie une
relation bilatérale. Une famille qui fonctionne comme une cellule
saine contribue à la santé de la société.
En retour, la société contribue à la santé de la famille en lui fournissant ce que celle-ci ne peut faire elle-même, en lui offrant par exemple un réseau de transport—ou un régime fiscal équitable. La structure de l'impôt sur le revenu devrait être au service de toutes les familles, tout comme ces autres services sont offerts à toutes les familles de la société. L'une des pénalités qu'impose le régime actuel d'impôt sur le revenu—et on le constate chez les couples qui se préparent au mariage—c'est qu'il amène souvent les couples qui n'ont qu'un revenu à acheter leur première maison plusieurs années après les familles qui ont deux revenus.
Pour conclure, permettez-moi de citer Jean-Paul II, selon qui l'avenir de l'humanité passe par la famille. L'équité fiscale pour les familles canadiennes qui ont des enfants à charge aidera le Canada à se tailler un meilleur avenir au cours du prochain millénaire.
Merci.
Le président: Merci, père Hattie.
Monsieur Walker.
M. Tom Walker: Permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis chercheur dans le domaine de la politique sociale depuis environ 20 ans et je reste actuellement au foyer avec mon fils de cinq ans. Donc, d'après ce que j'ai entendu cet après-midi, ma situation est assez particulière. Je fais également de la recherche à contrat, et ma femme travaille sur appel.
Je ne suis donc pas travailleur à plein temps, mais je ne suis pas non plus dispensateur principal de soins à plein temps. C'est une situation dont on n'a pas beaucoup parlé encore, et j'aimerais l'aborder, car il y a à mon avis deux façons de traiter la question de l'équité fiscale. Il faut d'abord voir si les lois en matière de fiscalité accordent un traitement équitable aux gens dans diverses situations. Il faut également voir si les lois en matière de fiscalité empêchent en fait les gens de changer leur situation. Les transitions font partie des situations qui touchent un grand nombre de Canadiens, qu'il s'agisse de leur entrée sur le marché du travail ou de leur sortie ou de l'intensité de leur participation à ce marché. C'est à cette question que je m'attacherai plus particulièrement.
La plupart de mes arguments ont déjà été décrits par un groupe consultatif fédéral dans un rapport intitulé «Réflexion collective sur le milieu de travail en évolution», rédigé par Lars Osberg. Dans l'annexe du document que je vous ai remis, j'ai inclus de nombreuses citations de Lars Osberg. Permettez-moi de vous en citer ici deux extraits.
-
La conception de programmes basés sur les charges sociales, comme
l'assurance-emploi et le Régime de pensions du Canada, incite les
entreprises qui ont besoin de plus d'employés à augmenter le nombre
d'heures supplémentaires plutôt qu'à engager de nouveaux employés
[...] Le gouvernement incite aussi implicitement les entreprises à
payer une partie de la rémunération des employés sous forme
d'avantages complémentaires en les exemptant de l'impôt sur le
revenu.
-
Tant sur le plan de l'équité que sur le plan de l'efficacité, il
serait souhaitable d'égaliser les choses [...]
...et on a beaucoup entendu parler d'égaliser les choses...
-
[pour ce qui est des heures de travail]. Nous n'autorisons pas les
employeurs et ne les incitons pas à verser divers régimes de
rémunération à des travailleurs d'âges différents, et nous ne
devrions pas élaborer des politiques gouvernementales qui
favorisent la création de régimes de rémunération distincts pour
les travailleurs selon qu'ils soient à plein temps ou à temps
partiel.
Pour élaborer davantage sur la question des travailleurs à temps partiel, le Conseil canadien de développement social a récemment examiné les divers échelons de rémunération et d'avantages que reçoivent les travailleurs à temps partiel. Le conseil a constaté que les sommes sont beaucoup moins élevées que ce que reçoivent les travailleurs à plein temps. Statistique Canada a étudié la structure de l'emploi au Canada et constaté qu'il existe un vide croissant dans la tranche médiane. Moins de gens travaillent de 35 à 40 heures par semaine et davantage ont des semaines de travail très longues, de 50 à 60 heures—ou des semaines de travail très courtes, de 20 heures environ, sans avantages sociaux et avec une rémunération très différente de celle des gens qui travaillent à plein temps.
Bref, votre comité peut aborder la question de l'équité fiscale sous deux angles distincts. D'abord le traitement équitable des gens dans diverses situations, puis les gens qui sont en transition. Vous constaterez probablement, surtout si vous consultez le rapport sur la réflexion collective menée par le ministère du Travail, que ces transitions sont de plus en plus importantes et que, de nos jours, de plus en plus de mères—des femmes qui ont de jeunes enfants—se trouvent sur le marché du travail.
• 1655
Vous devez donc, comme Salomon, choisir entre retirer quelque
chose au très grand nombre de femmes qui sont, de leur plein gré,
sur le marché du travail et les gens qui ne travaillent pas et ne
veulent pas non plus travailler. Mais il existe des cas de
transition, des gens qui veulent travailler, d'autres qui veulent
cesser de travailler, et des gens qui veulent modifier leur degré
de participation. C'est une question très importante que votre
comité devrait examiner avec soin.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Walker.
Nous avons tout au plus une demi-heure.
[Français]
Monsieur Cardin, s'il vous plaît.
M. Serge Cardin: Merci beaucoup de votre présentation.
Mme Cullen s'est présentée à nous comme une femme collaboratrice qui travaille avec son mari, qui lui apporte de l'aide au niveau du travail. On pourrait considérer l'entreprise familiale comme toute autre entreprise et faire en sorte que les gens qui y participent en tirent un certain bénéfice pour les aider à mener à bien l'éducation des enfants de la famille.
Il est cependant difficile de savoir faire la part des choses. Il y a des choix qui se font. Un père a dit que le travail des femmes à la maison valait 25 000 $. C'est un montant beaucoup plus élevé que le salaire de bien des gens. Ceux qui travaillent au salaire minimum ne gagnent pas cela. Donc, il pourrait se créer un déséquilibre. Tout le monde voudrait rester à la maison si on consentait des avantages comme celui-là.
Il y a un juste milieu à atteindre. Si la volonté du gouvernement est de favoriser la famille et de faire en sorte qu'un des parents, que ce soit l'homme ou la femme, désire rester à la maison, il y a un juste milieu à atteindre au niveau des avantages à consentir aux gens qui veulent travailler à la maison avec leurs jeunes enfants.
C'est pour cela que j'ai de la misère à voir cela. Des gens comme vous nous font des propositions, mais les gens du gouvernement nous disent de leur côté que cela coûterait 10 milliards de dollars, par exemple. Une somme de 10 milliards de dollars à donner en avantages aux gens qui restent à la maison ou aux familles peut sembler élevée, mais cela dépend des priorités.
Ce sont des commentaires, et j'aimerais que vous nous disiez comment cela pourrait se faire de façon beaucoup plus pratique. Il y a différents éléments et on en a parlé toute la journée. On parle souvent du partage des bénéfices. Faut-il diviser les salaires de certaines personnes, qui sont très bas? Si on divisait en deux le salaire de quelqu'un qui gagne 100 000 $ ou 200 000 $, il y aurait des bénéfices évidents, mais cela ne présente aucun avantage pour des gens qui gagnent des salaires plus bas. Il va donc falloir donner des avantages plus concrets que celui-là. Il faut que le gouvernement consente des crédits d'impôt. Il y a cette évaluation de 25 000 $ du père dont j'ai parlé. Où pourrait-on se situer pour faire en sorte qu'une femme qui désire rester à la maison soit incitée à le faire?
[Traduction]
Le président: Lucinda, vous avez une observation à faire?
Mme Lucinda Cullen: Mon mari partage avec moi son revenu, et nous demeurons donc une famille à un seul revenu. Je fais divers travaux afin que mon mari n'ait pas à embaucher quelqu'un d'autre pour les faire. Je fais ces travaux après avoir accompli mes tâches familiales, en soirée, avec les enfants dans les pattes. J'aimerais beaucoup que nous ayons une déduction pour... Les femmes qui travaillent ont droit à une déduction au titre de leurs enfants, mais nous n'obtenons rien d'autre que... Il y a les 243 $ pour la TPS pour mes quatre enfants et moi, mais c'est ridicule.
J'ai vu les chiffres. C'est vrai, nous ne voulons pas de 10 milliards de dollars divisés entre toutes les familles qui ont des enfants. Je connais bien des femmes qui resteraient chez elles s'il était plus avantageux pour elles de s'occuper de leurs propres enfants. Elles resteraient au foyer et laisseraient des emplois à d'autres familles sur le marché du travail. Il faut trouver là aussi un juste milieu.
Il faut bien que quelqu'un s'occupe des enfants, et il m'arrive parfois de me demander ce que vous faites, vous. Pourquoi essayez-vous aussi désespérément de diviser les familles et de faire croire que les femmes doivent nécessairement avoir une «carrière» pour se sentir valorisées? Je suis tout à fait satisfaite d'être une mère au foyer. Je dis bien volontiers que je suis mère au foyer, que je m'occupe de mes enfants et des enfants d'autres gens sans rémunération. C'est mon choix.
En outre, je m'occupe de gens qui travaillent. Je m'occupe de vos personnes âgées, dans les foyers pour personnes âgées. Je ne suis pas non plus rémunérée pour m'occuper de vos parents. C'est triste. Je vais visiter ces personnes âgées dans les foyers, et elles sont très contentes de recevoir un visiteur. Leurs propres enfants sont trop occupés à gagner ces deux revenus pour avoir le temps de visiter leurs vieux parents. C'est incroyable.
Comme je l'ai dit, le système d'éducation ne me rembourse pas le prix de l'essence de mon mari, essence que j'utilise pour amener des enfants au cinéma IMAX. C'est mon mari qui paie les frais. J'habite dans East Surrey, et ce sont des choses que je souhaite faire pour mes enfants—et pour vos enfants pendant que vous travaillez. Cela fait partie des choses que nous faisons, et nous n'avons pas d'exemptions fiscales pour le travail que nous faisons pour vous, qui travaillez. C'est injuste.
Je ne connais vraiment pas la formule, mais je sais que lorsque vous commencez à passer au peigne fin les dépenses du gouvernement... Vous n'y allez pas de main morte. J'estime qu'un bon nombre des dépenses du gouvernement pourraient être réduites. Un grand nombre de groupes d'intérêts spéciaux et de groupes minoritaires agissent contre l'intérêt de la famille, et le gouvernement ne s'y oppose pas.
C'est un tort, car c'est la prochaine génération qui s'occupera de vous. C'est notre prochaine génération qui nous soutiendra dans la vieillesse et qui s'occupera de ses propres enfants. Si nous enseignons à nos enfants qu'ils ne valent rien, qu'ils peuvent aller vivre avec d'autres parce que nous ne voulons pas nous occuper d'eux pour le meilleur et pour le pire, lorsqu'ils sont malades ou lorsqu'ils reviennent à la maison contents de ce qu'ils ont fait à l'école... Il est très important à mon avis que les mères s'occupent elles-mêmes de leurs enfants, du moins jusqu'à ce qu'ils soient tous à l'école.
Je ne suis pas comptable, loin de là; je ne connais pas la solution. Tout ce que je sais, c'est qu'il semble injuste que les femmes qui travaillent soient avantagées par rapport à celles qui ne travaillent pas. Oui, il faut équilibrer les choses.
[Français]
M. Serge Cardin: Dans le fond, vous dites clairement que le gouvernement devrait avoir pour priorité la famille. Vous nous disiez tout à l'heure que nous, en haut, ne nous occupions pas de la famille. Je crois au contraire que nous avons la famille à coeur. La plupart de ceux qui sont ici en ont une et font tout ce qui est en leur pouvoir pour qu'elle se développe le mieux possible.
• 1705
On se rejoint quand même sur un niveau, une fois que
le gouvernement aura accordé la priorité à la
famille dans toutes ses politiques.
D'après moi, vous avez raison de dire que si on
éliminait
plusieurs dépenses inutiles au gouvernement,
on pourrait financer
une politique familiale assez importante.
[Traduction]
Le président: Père Hattie.
Le père Joseph Hattie: Permettez-moi de préciser cette idée des 25 000 $US. D'après les sociétés d'assurances, c'est pour cette somme qu'il faudrait assurer votre femme si elle n'était plus là et que vous deviez payer pour remplacer ses services. C'est ce qu'il en coûterait pour payer ses services. Ce tarif remonte à plus de dix ans. Je ne dis pas qu'il faudrait verser 25 000 $ à toutes les femmes.
Le président: Même encore, je ne comprends pas, puisque si une épouse fournit des services pour 25 000 $ chaque année, il faudrait assurer celle-ci pour bien davantage que...
Le père Joseph Hattie: Oh, oui.
Le président: ...si vous deviez embaucher quelqu'un pour obtenir les mêmes services. Ce que disait M. Cardin, c'est qu'il existe tout un débat sur la valeur qu'il faudrait accorder au travail fait au foyer, par exemple.
La seule iniquité, madame Cullen, c'est qu'un parent qui travaille peut se prévaloir d'une déduction pour enfants. C'est la seule iniquité. Entre les 25 000 $ que semble préconiser le père Hattie et les 7 000 $ du crédit d'impôt pour enfants dont les parents au travail peuvent se prévaloir, pour que la situation soit plus équitable pour ceux qui choisissent de rester au foyer... Nous essayons d'établir quelle devrait être cette valeur afin que les choses soient plus équitables pour ceux qui demeurent au foyer.
C'est une question fondamentale, et je ne sais pas si notre comité en trouvera la réponse. Comme on l'a dit ce matin, ce n'est pas parce qu'un parent travaille, par exemple, que ces tâches au foyer cessent d'exister dès qu'il franchit le seuil de la maison ou qu'elles recommencent à exister lorsqu'il revient chez lui. Par conséquent, même si l'on indemnisait les parents qui décident de rester au foyer, il faudrait néanmoins indemniser dans une certaine mesure ceux qui doivent se rendre au travail, car ils doivent également s'occuper de leur famille et de leurs enfants, même si c'est en combinant la famille et le travail. Voilà quel est le débat.
Mme Lucinda Cullen: Donc, si je m'occupe de mes enfants, ne puis-je pas recevoir une déduction ou une rémunération correspondant, pour le même travail, à ce que paie, pour des soins en garderie, une mère qui travaille?
Le président: C'est ce que nous essayons d'évaluer. Comment mesurez-vous cela?
Mme Lucinda Cullen: D'accord. Vous n'êtes pas sortis de l'auberge.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Merci.
Père Hattie.
Le père Joseph Hattie: Merci.
Il ne faudrait pas se limiter seulement à l'aspect économique. On ne saurait évaluer la valeur de l'amour qui se donne dans une famille—plus particulièrement de l'amour d'une mère. Cela comprend tant de choses; cela comprend pour la mère la volonté de faire totalement don d'elle-même et de développer son potentiel d'amour et de don. On ne saurait fixer la valeur économique de ces choses, mais si le gouvernement peut montrer manifestement qu'il accorde de la valeur à la famille et à la contribution essentielle de la famille au bien de notre société... La reconnaissance économique est un aspect de la question, mais cela va beaucoup plus loin.
Le président: Merci, père Hattie.
Madame Dockrill.
Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.
Père Hattie, dans vos observations, vous dites entre autres qu'une mère a le droit de contribuer au bien commun de la société. Au cours des dernières semaines, on nous a dit entre autres que le gouvernement doit appuyer les femmes dans leurs choix. Je peux me tromper, mais j'espère que vous appuyez aussi les mères qui jugent plus favorable à l'intérêt de leurs enfants d'entrer sur le marché du travail. Quelquefois, ces mères n'ont pas le choix, soit parce qu'elles sont le seul parent de la famille, soit parce que le père travaille à très faible salaire. J'estime qu'il est important de le préciser. Vous semblez appuyer l'un et l'autre choix, si j'ai bien compris.
• 1710
Récemment, on pouvait lire une observation intéressante dans
un article du National Post, l'un des nombreux articles que nous
avons lus au cours des derniers mois. Je vais vous le lire, et,
Tom, vous pouvez peut-être me dire ce que vous en pensez—ainsi que
les deux autres témoins.
Je cite:
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[...] le grand problème, pour les parents, ce n'est pas de décider
de rester ou non au foyer, mais plutôt de trouver le moyen de payer
les dettes des années 90 avec un salaire qui n'a à peu près pas
augmenté depuis la fin des années 70.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette déclaration, si vous pensez qu'elle est pertinente.
M. Tom Walker: En fait, nous vivons dans une illusion en croyant qu'en travaillant davantage d'heures, les gens seront mieux payés. À l'heure actuelle, les familles à deux revenus travaillent probablement deux fois plus d'heures qu'une famille à un seul revenu d'il y a 20 ans tout en réussissant à peine à se tirer d'affaire—avec le même revenu. Les revenus diminuent, les dépenses augmentent, et tout le monde se demande où va l'argent et comment on en est arrivé là.
Cela peut s'expliquer entre autres par le fait que nous n'avons pas pris conscience de l'obstacle à la productivité que constituent les longues heures de travail et le fait qu'il faut combiner ces longues heures de travail avec des responsabilités toujours croissantes au foyer, comme le font les femmes qui travaillent à plein temps, plus de 40 heures en moyenne par semaine. Les hommes qui travaillent à plein temps travaillent 47 heures par semaine. Voilà ce qu'est un foyer à double revenu. Mais quelqu'un doit revenir au foyer et faire la lessive, s'occuper des enfants, ramasser les enfants à la garderie, etc. Les gens retournent au travail le lendemain tendus et fatigués, et ils ne sont pas productifs.
Si la productivité a diminué au Canada, c'est qu'on dit qu'une heure, c'est une heure. Si vous travaillez 40 heures, c'est quatre fois plus que si vous travaillez 30 heures; si vous travaillez 50 heures, c'est 10 heures de plus que si vous travaillez 40 heures. Les gens se rendent au travail assommés, fatigués et stressés, et ils ne peuvent pas produire beaucoup. Les économistes ne reconnaissent pas ce fait. Cela n'entre pas dans leurs calculs.
J'ai écrit des lettres aux sous-ministres, qui défendent tous les politiques qui sont en place depuis les 20 dernières années. Ils disent qu'on ne peut rien changer, qu'on fait les choses ainsi depuis 20 ans. Par conséquent, les gens brûlent la chandelle par les deux bouts et deviennent stressés. On n'attaque pas de front un problème reconnu depuis des dizaines d'années: à mesure que les méthodes de production et de travail deviennent plus efficaces, on peut réduire le nombre d'heures de travail. Si les deux époux travaillent, ils devraient pouvoir réduire leur temps de travail. Voilà ce que j'en pense.
Mme Michelle Dockrill: Père Hattie.
Le père Joseph Hattie: Ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais j'aimerais dire quelques mots au sujet de ce que me disent les couples qui viennent me voir.
Il appert qu'au Canada beaucoup d'entreprises ont adopté la politique de McDonald, selon laquelle un employé ne travaille qu'un certain nombre d'heures qui ne donnent pas droit à des avantages sociaux. Ainsi, la compagnie embauche plus d'employés. Cette politique d'emploi s'est répandue. Au début, McDonald en a profité, et il semble que d'autres en profitent également.
Par exemple, je connais un jeune homme qui vient de se marier et qui travaille pour une compagnie qui a une politique d'embauche comme celle que je viens de décrire. Il travaille 38 heures par semaine et gagne 850 $ par semaine. Il peut faire un peu d'heures supplémentaires, mais la compagnie refuse de lui donner un emploi à temps plein, ce qui lui donnerait accès à des avantages sociaux. Je suis entièrement d'accord avec vous: les gens gagnent ce qu'ils peuvent pour survivre...
Mme Michelle Dockrill: J'aimerais faire une dernière remarque, puisque le président a déjà dit en partie ce que j'allais dire.
Merci, monsieur le président.
Le président: De rien.
Mme Michelle Dockrill: Dans un des exposés faits par Condition féminine, j'ai trouvé intéressant qu'à la première page on dit: «La question clé concerne les personnes à charge: comment les familles peuvent-elles gagner un bon salaire et s'occuper des personnes à charge?» Ce qui a suit est également intéressant: «Le système fiscal n'est pas la solution à tous les problèmes.» Beaucoup de témoins ont également dit la même chose. Il n'existe pas de solution universelle, car chaque famille a des besoins différents. Certains parents préfèrent travailler à temps partiel et jouir d'une certaine souplesse. Êtes-vous d'accord avec le fait que le système fiscal n'est pas la solution à tous les problèmes?
M. Tom Walker: Absolument, mais le système fiscal peut quand même être modifié pour aider les familles.
Le père Joseph Hattie: C'est ce que nous avons également essayé de dire dans notre mémoire. Les réponses se trouvent d'abord et avant tout dans notre attitude envers la famille et sa contribution à l'épanouissement d'une société saine.
Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, madame Dockrill. Je vous promets de ne plus voler vos questions à l'avenir.
Monsieur Herron.
M. John Herron: Je vais céder mon temps de parole à Paul.
Le président: Merci.
M. Paul Szabo: Madame Cullen, merci beaucoup pour votre intervention. Ce sujet soulève beaucoup de passion, et il est important de se souvenir que les parents ne sont pas là simplement pour gagner des sous. Vous avez parlé de bénévolat, de service communautaire, de l'entraide entre voisins, d'oeuvres de bienfaisance, du fait de visiter les pauvres, les malades et ceux qui sont dans le besoin, sans parler du fait que rester à la maison signifie souvent qu'on gagne moins, qu'on a moins d'occasions de suivre des cours ou de se perfectionner, ou d'avancer dans sa carrière... ou du moins on remet à plus tard toutes ces choses.
Mais on récolte ce qu'on sème... Mon père, il est bien que vous soyez là, puisque votre présence nous rappelle constamment ce qui importe: la famille... Évidemment, nous devons nous garder de juger des choix des autres. Parfois les gens n'ont pas d'autre choix que le travail. Parfois les gens n'ont pas ce qu'il faut pour s'occuper des enfants, et c'est dans l'intérêt de notre société de ne pas les obliger à le faire. C'est la réalité. Nous avons besoin d'une politique qui répond aux besoins du plus grand nombre de personnes possible.
Tom, vous avez fait de la recherche pendant 20 ans... vous avez parlé de la qualité de vie et de la productivité. Ces thèmes sont également ressortis au cours de nos discussions, puisqu'une famille doit prendre des décisions directement reliées à sa qualité de vie. Certains parents trouvent trop stressant de ne pas être avec leurs enfants ou de devoir s'adapter à l'horaire d'une gardienne. Ils ne sont pas prêts à faire ce sacrifice. D'autres parents sont motivés par d'autres facteurs, tels leurs valeurs familiales, sociales ou morales. Ils font des choix en conséquence.
Par contre, il y a un domaine qui m'intéresse et dont je n'ai pas encore entendu grand-chose. Vous l'avez peut-être étudié au cours de vos recherches. Il s'agit du groupe en transition, c'est-à-dire les travailleurs à temps partiel. J'aimerais en savoir davantage là-dessus.
Le ministère du Développement des ressources humaines et M. Shillington en ont parlé. Il appert que, peu importe le revenu annuel du mari, que ce soit 10 000 $ ou 100 000 $, un tiers des femmes travaillent à temps plein, un tiers restent à la maison, et le dernier tiers travaillent à temps partiel.
Pouvez-vous nous en dire plus long sur cette situation? Qui sont ces gens qui essaient de faire les deux choses, soit s'occuper des enfants et travailler? Travaillent-ils la nuit? Les femmes partagent-elles la journée de travail avec leur conjoint afin d'assurer la présence d'au moins un parent auprès de l'enfant pendant une bonne partie de la journée? Qu'en savez-vous?
M. Tom Walker: Tous les cas que vous avez mentionnés existent. Dans le marché du travail aujourd'hui, les gens doivent parfois travailler très longtemps à temps partiel ou être longtemps en disponibilité avant d'obtenir un emploi à temps plein. Je connais des cas comme ceux-là, des gens qui ont dû attendre dix ans. On ne peut pas décider qu'on veut travailler à temps plein, puis obtenir ce qu'on veut immédiatement.
• 1720
Beaucoup de travailleurs à temps partiel n'attendent que
d'avoir un emploi à temps plein; mais il s'agit également de savoir
si on veut vraiment travailler à temps plein. Beaucoup de gens
préféreraient travailler à mi-temps, surtout les parents d'enfants
d'âge scolaire, qui veulent accueillir leurs enfants lorsqu'ils
rentrent à la maison. Mais le problème qui accompagne souvent le
travailleur à temps partiel, c'est que non seulement il voit son
salaire réduit—et parfois de beaucoup—mais il perd également tous
ses avantages sociaux. On ne gagne à temps partiel que la moitié de
ce qu'on gagne à temps plein.
On retrouve donc les deux genres de situations: les travailleurs à temps partiel qui veulent du boulot à temps plein, donc ceux qui travaillent à temps partiel contre leur gré, et les travailleurs à temps plein, surtout les parents, qui préféreraient travailler à temps partiel. Ce sont les conclusions d'une étude canadienne sur la garde des enfants faite en 1989 ou en 1991. Cela se chiffrait autour de 20 p. 100. J'ai cité ce chiffre dans mon mémoire. Voici ce qui a été dit:
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Les parents d'enfants de moins de trois ans qui travaillent
préféreraient ne pas travailler à temps plein. Seulement 25 p. 100
des parents dans cette catégorie voulaient travailler à temps
plein, quoique 71 p. 100 étaient déjà dans cette situation.
Cela représente beaucoup de gens. Par exemple, si une mère prend un congé de maternité pour ensuite retourner au travail, elle n'a souvent d'autre choix que de travailler à temps plein ou de rester à la maison. Elle ne peut pas travailler à temps partiel, même si c'est ce que la majorité des femmes préfèrent. Une raison à cela, c'est que les employeurs croient qu'il leur en coûterait plus cher de payer une employée à temps partiel qui reçoit tous ses avantages sociaux et son plein salaire. Puis il y a les emplois précaires à temps partiel qui payent peu et ne sont pas accompagnés d'avantages sociaux. Ou bien c'est les emplois à temps plein avec tous les avantages sociaux où on travaille de longues heures, ou bien c'est rien.
M. Paul Szabo: Les travailleurs à temps partiel sont-ils aussi stressés que ceux qui travaillent à temps plein?
M. Tom Walker: Permettez-moi de vous parler de ma propre expérience. Ma femme est bibliothécaire et est en disponibilité. Elle a une maîtrise en bibliothéconomie. Je travaille sur des contrats dès qu'ils rentrent et j'écris des soumissions entre les contrats. En principe, nous ne pouvons pas jouir de nos fins de semaine. Ma femme travaille les samedis et dimanches parce que c'est à ce moment-là qu'on a souvent besoin d'elle, et elle travaille également beaucoup le soir. Pour ma part, j'alterne entre la rédaction de propositions, les demandes de recherches et la garde de mon enfant de cinq ans. J'ai peu de temps de répit, sauf lorsque je vais à la plage ou que je fais de la natation avec mon fils. De façon générale, notre famille passe très peu de temps à relaxer ensemble.
M. Paul Szabo: Avez-vous une idée de la faculté d'adaptation des travailleurs à temps partiel à n'importe quel changement? Au cours d'une discussion précédente avec d'autres témoins, on s'est demandé si une incitation à rester à la maison encouragerait un parent à ne pas retourner sur le marché du travail. Je présume qu'il y aura toujours des gens comme ça, qui, selon qu'on leur offre 100 $ ou 500 $, décideront de bouger. Existe-t-il beaucoup de gens qui sont déchirés entre travailler et rester à la maison?
M. Tom Walker: Oui. John Richards a traité de cette question de façon éclairée tout à l'heure. Beaucoup de gens qui gagnent un salaire moyen-inférieur se trouvent à payer un taux d'impôt marginal très élevé. S'ils prenaient la peine de faire les calculs—et peu de gens le font—ils devraient décider si cela vaut vraiment la peine de travailler une heure de plus à 4 $.
M. Paul Szabo: Oui. C'est triste, n'est-ce pas?
Merci beaucoup. Vous avez tous contribué à ce débat.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
• 1725
Nous en sommes donc arrivés à la fin de notre réunion. Merci
beaucoup pour votre excellent exposé. Vous avez apporté beaucoup
d'éléments de réflexion à cette discussion, qui traite d'un sujet
très complexe qui donne lieu à beaucoup de défis. Nous allons
consulter d'autres groupes à travers le pays au cours des deux
prochaines semaines, et nos recommandations refléteront ce que nous
aurons entendu.
J'aimerais également remercier le personnel pour nous avoir organisé un bon itinéraire. Tout s'est bien passé aujourd'hui.
J'aimerais rappeler à mes collègues que nous devons prendre l'autobus pour l'aéroport à 18 heures.
Merci.