STFC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
SUB-COMMITTEE ON TAX EQUITY FOR CANADIAN FAMILIES WITH DEPENDENT CHILDREN OF THE STANDING COMMITTEE ON FINANCE
SOUS-COMITÉ SUR L'ÉQUITÉ FISCALE POUR LES FAMILLES CANADIENNES AVEC DES ENFANTS À CHARGE DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 13 mai 1999
Le président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib)): Conformément à la motion adoptée le 17 mars 1999 par le Comité permanent des finances, le sous-comité reprend son étude sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes avec des enfants à charge
Cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir M. Claude Snow, qui représente le Groupe des 12 pour la justice sociale. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue, monsieur Snow. Je vous demanderais de prendre au maximum cinq à dix minutes pour faire votre présentation, pour qu'on puisse laisser amplement de temps aux députés pour poser leurs questions.
M. Claude Snow (représentant, Groupe des 12 pour la justice sociale): Oui, je comprends que le temps est très limité. Je vais simplement reprendre certains points saillants de ma présentation plutôt que d'aller dans tous les détails.
J'aimerais d'abord vous situer. Je viens du nord-est du Nouveau-Brunswick, qui est la région la plus pauvre de cette province. Beaucoup de personnes sont bénéficiaires de l'aide au revenu; il y en a 7 500 sur une population de 50 000. C'est presque une personne sur sept qui est bénéficiaire de l'aide au revenu.
• 1330
Dans notre région, ce qui nous a fait énormément de
tort, ce sont les coupures à l'assurance-chômage. On
continue d'appeler cela l'assurance-chômage parce qu'on
trouve que c'est un terme plus approprié
qu'«assurance-emploi». En effet, cela assure une sécurité
du revenu pendant que les gens sont en chômage, et on ne
comprend pas pourquoi le terme a été changé.
On calcule que dans notre région élargie de 100 000 habitants, on perd 35 millions de dollars par année en assurance-chômage. Nos emplois sont surtout saisonniers et nous avons un manque à gagner d'environ 3 000 $ pour chacun des 12 000 ménages affectés; 3 000 $ par année, c'est 250 $ par mois. Inutile de vous dire que cela a durement affecté les familles.
J'aimerais parler du courant de néolibéralisme qui affecte énormément les familles à faible revenu. Ce courant amène le gouvernement à transmettre ses responsabilités vers les provinces, et les provinces vers les municipalités, les communautés et les familles. En bout de ligne, ce sont les familles qui reçoivent tout cela, qui sont très affaiblies et qui ne reçoivent plus des services d'aussi bonne qualité qu'auparavant.
À cela s'est ajoutée toute la privatisation qui a fait en sorte que des services qui étaient anciennement publics sont devenus privés, et seules les familles les mieux nanties peuvent se les procurer.
Au Nouveau-Brunswick, notre gouvernement a mis beaucoup l'accent sur l'autosuffisance, ce qui a été un désastre pour les familles pauvres parce qu'on mettait beaucoup plus de pression sur ces familles-là.
On considère très important que le fédéral soit là pour combler les besoins de base, les besoins primaires. Avec le transfert qui s'est fait du fédéral au provincial, la province a fait énormément de coupures à cause de sa politique d'équilibre budgétaire. Cette politique fait que le gouvernement investit moins dans les programmes de sécurité du revenu de la province et, comme le fédéral a coupé de son côté, un vide s'est créé. C'est pourquoi il y a un tel manque à gagner.
L'avantage de bons programmes fédéraux pour soutenir le revenu, c'est qu'il y a des normes nationales. Je suis travailleur social. Je travaille en service social depuis l'année 1967, après l'arrivée du Régime d'assistance publique du Canada, qu'on appelait le RAPC. J'ai vécu avec ce régime jusqu'en 1997, alors qu'il a été remplacé par le Transfert social canadien. Ce régime nous donnait de la sécurité parce qu'il y avait des normes que la province devait respecter.
Je pense entre autres aux prestations d'urgence; c'est là que cela me frappe le plus. Il est inconcevable que la province ne vienne pas aujourd'hui en aide aux personnes qui sont dans un dénuement extrême, qui ont perdu l'électricité, qui n'ont rien à manger la dernière semaine du mois ou qui gardent leurs enfants à la maison parce qu'elles ne peuvent pas les habiller.
Anciennement, cela ne se serait pas vu parce qu'en vertu du programme d'aide au revenu qui était financé à 50 p. 100 par le fédéral dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada, il était possible d'accorder à ces gens des prestations d'urgence.
• 1335
Le problème actuel est qu'il n'y a plus de
normes et que la province peut faire ce qu'elle veut.
Elle adopte les politiques qu'elle veut, et
beaucoup de gens sont laissés pour compte.
Je vais reprendre
l'exemple que j'ai donné
et vous dire ce qui arrive maintenant.
La personne se présente au bureau
et explique sa situation; elle n'a plus rien à
manger et tout ce qu'elle reçoit, c'est un billet pour
aller chercher à un comptoir alimentaire une boîte de
nourriture dont la qualité laisse parfois à désirer.
Voilà un système qui est complètement différent du système antérieur. La personne recevait son assistance pour le mois et, lorsqu'il y avait une urgence quelconque, une assistance complémentaire lui était donnée conditionnellement, avec parfois certaines remontrances, etc., parce qu'il y avait eu de la négligence. En tout cas, une assistance était donnée sous forme d'argent, de sorte qu'elle pouvait, dans la dignité, aller se procurer un peu de nourriture, etc. pour pouvoir passer à travers la période critique.
Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. C'est ce qui nous amène à dire que le filet de sécurité sociale est troué de partout. Il y a de gros trous et les gens passent à travers, alors que les mailles étaient tricotées plus serré auparavant. Cela donnait de la sécurité aux gens. Comme le terme l'indique, il s'agissait bien d'un filet de sécurité sociale. Aujourd'hui, cette sécurité n'existe plus, et les gens vivent dans la peur. Beaucoup de gens ont peur de parler, de s'exprimer pour dire les choses ouvertement; ils ont peur de perdre le petit peu qui leur reste. Ce phénomène de la peur qui est si malsain dans une société, je ne le voyais pas quand il y avait des programmes fédéraux plus forts, avant le Transfert social canadien.
On parle maintenant de l'union sociale. Alors là, vraiment, c'est encore plus inquiétant parce que les règles deviennent encore plus souples. On se demande dans quel bateau on se retrouvera lorsqu'on aura cette sorte d'arrangement.
En terminant, j'aimerais vous expliquer que notre situation au Nouveau-Brunswick est spéciale parce que, même si la loi nous assure qu'il n'y a pas de communauté minoritaire—on est censés être deux communautés égales au Nouveau-Brunswick car la loi nous garantit l'égalité—dans les faits, il y a une communauté minoritaire et une communauté majoritaire. Il n'y a pas à en sortir.
Ce qui est important pour une communauté minoritaire, ce n'est pas une égalité de moyens, mais une égalité de résultats. Quand on a des formules de calcul per capita pour un même montant tant pour la communauté minoritaire que pour la communauté majoritaire, cela désavantage la communauté minoritaire. Il est important que les politiques publiques tiennent compte de ce fait: pour arriver à l'égalité, il faut regarder les résultats et non pas les moyens.
Les politiques trop centralisatrices qui ne permettent aucune exception sont très injustes parce qu'elles manquent de nuances et de sensibilité pour les circonstances particulières.
Des politique publiques trop rigides font que les besoins de trop de personnes ne sont pas comblés et que ces personnes sont laissées pour compte. C'est pourquoi la qualité de vie a beaucoup diminué au cours des dernières années. C'est à se demander si notre province veut et peut assurer à la population la même qualité de vie qu'elle avait anciennement. Même si on trouvait anciennement que la qualité de vie des personnes démunies n'était pas très bonne, elle s'est encore détériorée au cours des dernières années.
• 1340
Il est important que les
politiques gouvernementales tiennent
compte non seulement des différences entre les
capacités et les besoins des individus et des familles,
mais aussi des différences
régionales. Par exemple, dans une région comme la
nôtre, le statut socioéconomique moyen est très inférieur à la
moyenne provinciale; on note un écart de 5 à 20 p. 100 sur
différents plans.
Les politiques gouvernementales devraient être suffisamment nuancées pour qu'il puisse y avoir un rattrapage là où le statut socioéconomique est trop faible.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Snow.
Nous passons à la période de questions. Je vous accorde cinq minutes chacun.
[Traduction]
Vous avez cinq minutes, monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup.
Vous connaissez le mandat du comité. Je me demande si, en plus des vastes mesures d'aide sociale que vous proposez de manière générale pour les personnes à faible revenu, vous n'avez pas une ou deux suggestions à faire quant aux modifications de forme qui pourraient être apportées au régime fiscal pour venir en aide aux parents avec des enfants.
[Français]
M. Claude Snow: Je ne suis malheureusement pas en mesure de vous fournir des détails précis au sujet de la taxation comme l'ont fait les témoins qui m'ont précédé. J'ai préféré axer ma présentation sur la question des transferts fédéraux-provinciaux parce que je crois que c'est à ce niveau que les familles sont davantage affectées.
[Traduction]
M. Paul Forseth: D'accord.
Qu'en est-il des transferts directs du gouvernement fédéral? Pour ce qui est de l'idée d'accorder des transferts aux plus démunis au moyen de mesures de récupération, de déductions, ainsi de suite, on a laissé entendre que l'écart est trop marqué. On pourrait, par exemple, modifier l'écart établi pour la récupération, les déductions, l'inadmissibilité aux prestations, parce que cet écart crée lui-même des problèmes.
[Français]
M. Claude Snow: On constate que les différentes mesures fiscales ont eu très peu de retombées positives sur la vie quotidienne des familles. Dans notre région, elles ne jouissent pas de la même protection et de la même sécurité financière que lorsque les anciennes mesures prévalaient, dont les allocations familiales auxquelles Mme Boyd a fait allusion ce matin.
Lorsqu'on a chambardé les différentes mesures législatives, les gens se sont appauvris. Ces mesures ne relevaient pas uniquement du gouvernement fédéral, puisqu'on peut aussi faire allusion à la TVH. Malgré le fait que le gouvernement nous a dit que cette taxe n'a eu aucun effet négatif, nous croyons que les familles démunies ont souffert de cette mesure.
[Traduction]
M. Paul Forseth: Je vais vous arrêter là, parce que vous avez parlé de la taxe harmonisée ou de la TPS dans le reste du pays. Il s'agit d'une taxe uniforme, d'une taxe à la consommation. Elle est progressive, puisqu'on accorde un crédit pour TPS. Je me demande si les personnes à revenu modeste se prévalent de ce crédit, ou peut- être ne le réclament-t-elles pas quand elles remplissent leurs déclarations de revenus? Ne sont-elles pas au courant de l'existence de ce crédit? Est-ce qu'elles le réclament?
M. Claude Snow: : Oui, je dois avouer que je n'ai jamais vu autant de femmes aller réclamer des crédits de TPS. Les gens s'assurent d'aller les chercher. Bien qu'ils bénéficient de ces crédits, les sommes qu'ils touchent ne sont pas suffisantes pour compenser la taxe à la consommation qu'on a imposée.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Cardin, s'il vous plaît. Je vous accorde cinq minutes.
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Je reviens toujours au mandat de base du comité, qui consiste en une étude sur l'équité fiscale pour les familles avec des enfants qui touchent un ou deux revenus.
Vous êtes venu nous dire que la situation n'était pas partout pareille. Dans certaines régions, on ne se préoccupe pas de savoir si un couple qui gagne 60 000 $ paiera un peu moins ou un petit peu plus d'impôt, ou s'il devrait remplir une déclaration d'impôt ou deux. Vous êtes venu pousser un cri d'alarme pour des régions en difficulté. Vous voulez resserrer un peu ce filet social que vous avez perdu. Comme des témoins nous le disaient ce matin, il n'y a pas vraiment d'enfants pauvres, mais plutôt des parents qui vivent dans la pauvreté et dont les enfants souffrent. Outre le filet social dont on devrait, selon moi, vérifier l'efficacité à l'égard des familles et qu'on devrait mettre à jour, j'aimerais que nous discutions des gens dans votre secteur qui travaillent de façon régulière et des femmes qui décident de travailler à la maison ou à l'extérieur. Est-ce qu'il est facile pour les parents de faire un choix entre rester à la maison pour garder les enfants et aller travailler à l'extérieur et faire appel à des services de garde de qualité?
M. Claude Snow: Les services de garde n'existent pratiquement pas dans des régions rurales comme la nôtre. C'est de l'inconnu. Nos choix nous sont tout simplement dictés par des facteurs économiques plutôt que la qualité de soins donnés aux enfants. Nos choix s'effectuent à des niveaux beaucoup plus primaires. Ici, les familles gagnent généralement de 10 000 $ à 12 000 $ par année et doivent lutter quotidiennement pour leur survie. Ces personnes ne pensent jamais aux REER. C'est une chose impensable.
M. Serge Cardin: C'est un concept virtuel; ça n'existe pas.
M. Claude Snow: Elles n'ont pas de vision à long terme parce qu'elles sont constamment préoccupées par leur survie d'une saison à l'autre et leur admissibilité aux prestations d'assurance-emploi. C'est une lutte à laquelle elles se livrent de jour en jour. Elles ne pensent jamais à des fonds de pension ou à d'autres choses du genre. Elles vivent en marge.
Lorsqu'elles ont fini de remplir leur formulaire d'impôt, elles se hâtent de les vendre à des intermédiaires qui les achèteront moyennant 10 à 20 p. 100 de la somme de leur remboursement. Ces personnes n'ont qu'une seule idée en tête: avoir enfin un peu d'argent.
Dans notre région, on vit une triste réalité depuis quelques années. De plus en plus de familles voient leurs services d'électricité interrompus parce qu'elles n'ont pas pu acquitter leur facture. C'est le sort d'environ 1 000 familles par année dans notre petite région, qui compte 50 000 habitants. C'est un pourcentage énorme. Comme nous l'indiquions ce matin, ces personnes doivent faire des choix qui sont différents de ceux dont vous parlez. Elles ont le choix de manger ou de payer l'électricité. Elles doivent choisir d'envoyer les enfants à l'école ou de payer le loyer. Cela n'a pas rien à voir avec les questions que vous posez. Est-ce qu'on devrait avoir une meilleure qualité de vie? Est-ce que la qualité de vie serait meilleure si l'un des parents restait à la maison au lieu d'aller travailler? En bout de ligne, est-ce qu'on serait plus avancé si on faisait cela? Ce n'est pas du tout comme cela que les choix se font. C'est simplement pour survivre.
M. Serge Cardin: Donc, à toutes fins pratiques, vous lancez un cri d'alarme au gouvernement.
M. Claude Snow: Oui.
M. Serge Cardin: Il doit savoir qu'à bien des endroits, d'un océan à l'autre, la question n'est pas de savoir si on peut économiser un peu plus ou un peu moins d'impôt. Votre préoccupation est d'avoir un revenu.
M. Claude Snow: C'est cela. Est-ce que le gouvernement fédéral n'a pas une obligation vis-à-vis des régions comme la nôtre? Cette responsabilité a été donnée à la province, et la province néglige cette réalité. C'est un enjeu électoral en ce moment, mais cette réalité a été ignorée pendant longtemps. Nous avons toujours vu le fédéral comme une planche de salut, mais cette planche de salut n'existe plus parce que le filet de sécurité sociale s'est échancré.
M. Serge Cardin: On s'entend là-dessus. Nous ne voyons pas le gouvernement fédéral comme une planche de salut non plus.
M. Claude Snow: Non.
Le président: Merci, monsieur Snow.
Madame Dockrill.
[Traduction]
Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or—Cape Breton, NPD): Merci, monsieur le président.
Le mandat du sous-comité précise que nous devons examiner l'équité du système fiscal et du système de transferts canadiens en ce qui concerne la famille avec enfants à charge. Comme nous l'avons constaté aujourd'hui, le fait que votre groupe, tout comme d'autres, ait choisi de mettre l'accent sur un volet particulier de notre mandat donne à penser qu'il y a peut-être des iniquités régionales à l'intérieur du pays qui doivent être prises en considération et auxquelles nous devons nous attaquer de manière efficace.
Je me demande si vous seriez d'accord avec l'idée d'avoir un programme universel auquel toutes les familles canadiennes auraient accès.
[Français]
M. Claude Snow: Bien sûr. Comme Mme Boyd le disait, ce sont les programmes universels qui protègent le mieux les gens; ce ne sont pas les programmes qui ciblent les catégories de besoins, mais les programmes universels. On dit toujours que quand on élabore des programmes pour les pauvres, cela fait de pauvres programmes. Un programme universel s'adresse à l'ensemble de la population et est habituellement bien meilleur. La preuve s'en trouve dans le domaine de la santé. On reçoit les même soins, qu'on soit riche ou pauvre. C'est donc un bon programme.
On avait auparavant deux bons programmes. Le Régime d'assistance publique du Canada était un excellent programme. Notre pays a subi une perte énorme quand ce programme a disparu.
[Traduction]
Mme Michelle Dockrill: J'ai une dernière question. D'après certains témoins, nous devrions examiner... En fait, je pense qu'on a dit qu'il est inutile de cibler les parents; il faut plutôt cibler les enfants.
J'aimerais savoir si vous êtes du même avis.
[Français]
M. Claude Snow: Je suis un fervent de la vie familiale. Si la pauvreté infantile existe, c'est parce qu'il y a de la pauvreté familiale. Les enfants pauvres ont des parents pauvres.
Plus on réduit les mesures à l'intention des familles, plus les enfants en souffrent. Je souhaiterais qu'on favorise la vie familiale, non seulement en termes économiques, mais aussi en termes de protection et d'encadrement. Les enfants ont besoin de la protection et de l'encadrement de leurs parents, et l'instabilité qu'il y a aujourd'hui dans les familles a d'énormes coûts sociaux. Les enfants n'ont plus de système de soutien. naturel. C'est là qu'est notre gros problème.
• 1355
On sait bien que le
gouvernement n'offre pas un système de soutien naturel,
mais d'autre part,
les familles ont besoin d'aide pour prendre leurs
responsabilités. Vous comprenez cela, n'est-ce
pas? Les familles sont surchargées et très
stressées et elles ont besoin d'aide pour
prendre leurs responsabilités parentales, mais le
gouvernement réduit son aide. C'est pourquoi cela ne se
fait pas.
[Traduction]
Mme Michelle Dockrill: J'ai un dernier commentaire à faire.
Si j'ai posé cette question, c'est parce que les discussions que nous avons tenues dans les diverses régions du pays nous ont permis de constater qu'il y a différentes configurations de la famille. Certains soutiennent qu'il serait impossible de trouver une solution pour aider toutes les configurations familiales. Or, si nos politiques d'intérêt public et notre régime fiscal étaient axés sur l'enfant, est-ce que cela ne nous permettrait pas de répondre aux besoins des différentes configurations de la famille que l'on observe à l'échelle du pays?
[Français]
M. Claude Snow: En allant vers les enfants. Par exemple, on donne des repas aux enfants dans les écoles pour s'assurer qu'ils seront bien nourris. Pour ma part, je ne suis pas en faveur de cela. Je préfère un programme de sécurité du revenu qui fait en sorte que les familles ont plus d'argent dans leurs poches pour pouvoir nourrir leurs enfants.
Maintenant, je sais que c'est complexe parce que l'argent ne servirait peut-être pas à l'alimentation des enfants. C'est pourquoi il faut trois sortes d'aide: de l'aide en nature, de l'aide en espèces et de l'aide en services. On ne peut pas donner seulement de l'aide monétaire. Il faut parfois donner de l'aide en nature et parfois de l'aide sous forme de services. Et il faut parfois donner les trois types d'aide en même temps.
Maintenant, même s'il y a différentes configurations familiales, il reste que ce sont des familles, des parents et des enfants qui appartiennent à un parent ou à deux parents, qu'ils appellent leur famille. Je pense que l'obstacle n'est pas là. Je pense qu'il faut revenir à ce qui était sacré dans le Régime d'assistance publique du Canada, c'est-à-dire les besoins et les moyens. On appelait cela le needs test et le means test. Que la famille compte un ou deux parents, on examine ses besoins et ses moyens et on comble la différence entre les deux.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Szabo, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.
Monsieur Snow, je suis content que vous ayez abordé la question de la pauvreté, parce que c'est quelque chose que l'on doit constamment garder à l'esprit.
Quand une personne cesse de vivre de l'aide sociale et commence à travailler, à occuper un emploi rémunéré, elle engage des dépenses—et d'après le ministère des Finances, c'est le cas de tous les travailleurs—d'environ 1 500 $ par année, en moyenne. Or, ces dépenses ne sont pas déductibles du revenu imposable. Donc, quand vous obtenez un premier emploi, vous perdez automatiquement certaines dépenses parce qu'elles ne sont pas prises en considération.
De plus, si vous travaillez pour un employeur qui n'offre pas d'avantages sociaux intéressants, vous vous retrouvez, tout à coup, avec des dépenses nouvelles que vous devez assumer, comme les frais médicaux et dentaires, les frais pour les soins de la vue, les médicaments. Ce sont des services auxquels vous aviez droit en vertu du programme d'assistance sociale, en plus des prestations sociales.
En fait, beaucoup de personnes, quand elles abordent la question de la pauvreté, parlent davantage des travailleurs pauvres que des assistés sociaux, parce que ceux qui entrent sur le marché du travail, dans de nombreux cas, se trouvent financièrement plus mal en point qu'ils ne l'étaient quand ils vivaient de l'aide sociale.
• 1400
Quelles mesures pourrions nous prendre pour offrir aux
travailleurs pauvres une aide aussi importante, sinon plus
importante, que celle que nous offrons aux assistés sociaux?
[Français]
M. Claude Snow: Je ne connais pas les mesures que le fédéral peut prendre. Je trouve que ce que vous dites est très important parce que c'est un problème crucial. Mais j'aimerais d'abord apporter quelques nuances.
Dans notre région, les personnes qui quittent l'aide au revenu pour aller travailler occupent des emplois à 6 $ ou 7 $ l'heure, pas plus. Je n'en connais pas qui gagnent plus de 7 $ de l'heure. Ce sont des emplois très peu payants, et les personnes qui les occupent restent pauvres.
Deuxièmement, on exerce beaucoup de pressions pour que les gens quittent l'aide au revenu et acceptent ces emplois parce que cela diminue les statistiques sur les assistés sociaux. Il y a des personnes qui sont placées dans des programmes d'une à cinq semaines et payées à des salaires minimes, qu'on appelle des participants. Ce sont des participants à des projets ou à des programmes quelconques. En d'autres mots, c'est précaire. Il y a seulement un mot pour décrire cela, et c'est «précaire». Ces personnes n'ont pas de fonds de pension, pas d'avantages sociaux, pas de syndicat. Elles n'ont aucune sécurité. Elles sont souvent obligées de rester près du téléphone parce qu'elles sont appelées au travail seulement deux ou trois heures par jour. Il faut qu'elles retournent au travail, etc. Ces personnes ne peuvent habituellement pas supporter le stress, à cause ce que vous avez dit, et leurs dépenses médicales deviennent très importantes. De plus, elles perdent la carte médicale de l'aide au revenu. Elles sont souvent plus pauvres qu'elles ne l'étaient lorsqu'elles vivaient de l'aide sociale, comme vous l'avez mentionné. C'est pourquoi la province a un plan pour ces personnes. Elle leur laisse leur carte médicale pour les inciter à rester au travail.
Maintenant, au niveau du fédéral, j'ai de la difficulté à répondre à votre question. Ce matin, on a parlé du salaire minimum. C'est de compétence provinciale et non de compétence fédérale.
[Traduction]
M. Paul Szabo: Mais j'ai l'impression que vous êtes en train de dire que la situation financière de certains travailleurs est plus précaire que celle des assistés sociaux...
[Français]
M. Claude Snow: Oui.
[Traduction]
M. Paul Szabo: ...une fois tous les facteurs pris en compte. Il faudrait peut-être prévoir, si nous voulons les aider à réintégrer le marché du travail, une prestation pour les travailleurs pauvres calquée sur le modèle de la prestation fiscale canadienne pour enfants, qui est offerte à tous ceux qui travaillent, mais pas aux assistés sociaux.
Pensez-vous que cette mesure serait raisonnable?
[Français]
M. Claude Snow: Vous parlez des crédits d'impôt?
[Traduction]
M. Paul Szabo: Non. Je veux savoir si vous pensez qu'il serait raisonnable, en raison de la récupération des prestations fiscales pour enfants, que des prestations... Il s'agit d'un programme de lutte contre la pauvreté, et les prestations, y compris la prestation fiscale canadienne pour enfants, sont versées aux Canadiens les plus nécessiteux. Elles visent en fait à aider les personnes à réintégrer le marché du travail, tout en tenant compte du fait qu'elles subissent des pertes quand elles trouvent un emploi. Donc, la prestation fiscale canadienne pour enfants est une mesure positive pour celui qui intègre le marché du travail, mais pas pour celui qui continue de vivre de l'aide sociale.
Est-ce une mesure raisonnable, à votre avis?
[Français]
M. Claude Snow: Eh bien, il faut plusieurs sortes d'aide pour qu'il vaille la peine de travailler pour ces personnes. Autrement, cela ne fonctionnera pas à cause des problèmes qu'on a mentionnés. Je crois qu'une telle mesure inciterait les gens à rester sur le marché du travail plutôt que de retourner à l'aide au revenu. Même si le niveau est très bas, il y a encore plus de sécurité à l'aide au revenu qu'il n'y en a sur le marché du travail quand on gagne 6 $ ou 7 $ l'heure et qu'on a un emploi précaire.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Szabo.
Je voudrais vous remercier, monsieur Snow, d'avoir pris le temps de partager vos points de vue avec nous.
M. Claude Snow: Merci.
Le président: Sachez que nous en tiendrons compte dans notre rapport final. Ce n'est pas un dossier facile, comme vous le savez. Il y a beaucoup d'enjeux.
Merci infiniment.
[Traduction]
Bonjour, Jack.
M. Jack Harris (témoignage à titre personnel): Bonjour, comment allez-vous?
Le président: Très bien.
M. Jack Harris: Je commence à avoir l'habitude de comparaître devant les comités de la Chambre des communes.
Le président: Oui, et comment expliquez-vous cela?
M. Jack Harris: Je ne le sais pas. Nous sommes venus récemment à Ottawa pour comparaître devant le Comité des pêches. Un comité composé de membres de tous les partis de l'assemblée législative est venu rencontrer le Comité des pêches pour discuter des phoques.
Le président: Chers collègues, c'est avec plaisir que j'accueille M. Jack Harris, chef du Nouveau Parti démocratique de Terre-Neuve.
Il semble que les chefs de la plupart des partis, à Terre- Neuve, aiment jouer un rôle actif sur le plan politique.
Monsieur Harris, je vais dire à Mme McDonough de faire attention puisque je pourrais m'y retrouver, un jour.
Bienvenue. Vous connaissez la procédure. Vous avez été présent pendant presque toute la matinée.
M. Jack Harris: Oui. En fait, comme certains d'entre vous le savent, j'ai été député de St. John's-Est, de 1987 à 1988. Qui sait, je vais peut-être me joindre de nouveau à vous un de ces jours.
Je n'ai pas rédigé de mémoire, mais je voudrais vous exposer mes vues sur ce sujet intéressant et important. Il s'agit d'une question d'intérêt public qui nous permet de voir comment le gouvernement canadien traite les familles avec des enfants.
À mon avis, le débat ne devrait pas porter sur la déduction pour frais de garde d'enfants qui est offerte aux familles à double revenu par opposition à celle qui est offerte aux familles à revenu unique où un des conjoints décide de rester à la maison, mais plutôt sur le genre d'aide que le régime fiscal, ou autre, fournit aux familles avec des enfants dans ce pays.
Si vous jetez un coup d'oeil sur les chiffres—et certains représentent des dépenses fiscales, d'autres des transferts aux particuliers—le gouvernement canadien consacre actuellement environ 5 milliards de dollars aux enfants. En 1984, nous leur avons consacré, en dollars courants, 7,9 milliards de dollars. Nous en sommes actuellement à environ 5 milliards. Les dépenses vont passer à 7 milliards après l'an 2000, quand les changements annoncés dans le budget de 1999 entreront en vigueur.
Tout cela découle des changements qui ont été apportés au régime universel de l'époque, qui prévoyait le versement d'une allocation familiale, d'un crédit d'impôt remboursable pour enfants, et d'exemptions fiscales pour enfants à charge. Nous sommes maintenant passés à des programmes ciblés.
Je suppose que le seul programme sérieux que nous avons aujourd'hui est la prestation fiscale canadienne pour enfants. L'ironie de la chose, compte tenu du mandat du comité, c'est que cette prestation n'est pas offerte, à dessein, aux mères seules qui vivent de l'aide sociale. Elle est offerte aux mères seules qui vivent de l'aide sociale et qui réintègrent le marché du travail, mais elle n'est pas offerte aux autres, sauf à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick—et je vais y revenir—parce qu'elle n'est versée qu'aux personnes qui cessent de vivre de l'aide sociale et réintègrent le marché du travail.
• 1410
Cette étude, et je trouve cela ironique, a pour but de trouver
des moyens d'encourager, de motiver—peu importe le mot que vous
choisissez—les femmes de la classe moyenne qui choisissent de
rester au foyer pour s'occuper de leurs enfants pendant que l'autre
conjoint travaille.
Franchement, je trouve la comparaison étonnante. Les politiques sociales et fiscales ne devraient pas traiter une classe ou un groupe social d'une façon, et traiter ceux qui ont la possibilité de faire un choix d'une autre façon. Le fait est que, dans la plupart des familles biparentales, les deux parents vont choisir de travailler pour des raisons économiques. Ils ont besoin du revenu. L'enjeu le plus important est d'avoir un revenu adéquat pour répondre aux besoins des enfants.
Nous devons, à mon avis, mettre l'accent sur les coûts associés à l'éducation des enfants et sur le rôle joué par le régime fiscal dans le partage de cette responsabilité. Voilà comment nous arriverons à enrayer la pauvreté. Comme on l'a déjà mentionné, les enfants ne sont ni pauvres, ni riches. Ils ont plutôt des parents qui sont pauvres ou riches. Le régime fiscal et les autres programmes sociaux agissent sur la pauvreté infantile, selon le traitement qu'ils accordent aux familles.
Dix ans se sont écoulés depuis que la Chambre des communes s'est engagée en 1989, avec l'appui de tous les partis, à éliminer la pauvreté infantile d'ici l'an 2000.
[Note de la rédaction: Inaudible]
Une voix: ...
M. Jack Harris: Oui, eh bien, on n'y a pas attaché beaucoup d'importance, parce que la pauvreté infantile a augmenté depuis 1989 au point où il y a maintenant au moins 20 p. 100 des enfants qui vivent dans la pauvreté, alors que le chiffre était de 15 p. 100 en 1989.
Vous coupez les cheveux en quatre, monsieur Szabo, mais...
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Paul Szabo: ...Ed Broadent, soit dit en passant.
M. Jack Harris: Je comprends cela, oui. C'était un excellent néo-démocrate et le chef de mon parti quand j'étais à la Chambre des communes. C'était assurément une bonne résolution, et je pensais qu'elle aurait servi à guider la politique nationale dans ce domaine.
Malheureusement, l'engagement en faveur de programmes universels a disparu, et nous avons maintenant des programmes ciblés. D'après certaines études récentes, les pays qui ont adopté des programmes ciblés n'ont pas réussi à réduire la pauvreté. Ceux qui ont adopté des programmes universels ont réussi à le faire. Je voudrais aujourd'hui vous parler, en partie, des mesures que nous pouvons prendre pour venir en aide aux familles qui ont des enfants à charge.
Je suis contre l'idée de régler ce problème précis au moyen de ce qui constitue, à mon avis, une sorte d'impôt sur le revenu de la famille—le fractionnement du revenu. Je ne sais pas comment on s'y prendrait pour éliminer l'injustice perçue, mais il y aurait sans doute des dépenses fiscales d'un certain ordre. J'imagine qu'on pourrait offrir une déduction fiscale aux familles biparentales, mais cela serait injuste à l'égard des familles monoparentales. On peut très facilement créer d'autres anomalies quand on cherche à éliminer une iniquité apparente bien précise.
La plus grande iniquité, à mes yeux, est celle qui existe entre les familles pauvres, qui n'ont pas les moyens d'élever leurs enfants sans les exposer à des risques, et les familles qui ont la possibilité de faire des choix et de décider si les deux conjoints vont travailler.
• 1415
Nous devrions donc commencer à examiner les programmes que
nous avons. Je pense que la prestation fiscale canadienne pour
enfants est une excellente initiative. Terre-Neuve et le
Nouveau-Brunswick ont choisi de ne pas récupérer les prestations
que touchent les assistés sociaux, et à mon avis, toutes les
provinces devraient leur emboîter le pas. Le fédéral a exercé des
pressions sur tous les gouvernements pour qu'ils récupèrent les
prestations versées aux assistés sociaux. Terre-Neuve et le
Nouveau-Brunswick ne l'ont pas fait. Cette décision a eu des
retombées très positives sur les habitants de Terre-Neuve, puisque
leur revenu effectif a augmenté.
Le taux d'activité de la main-d'oeuvre à Terre-Neuve est très faible. Ce n'est pas parce qu'un plus grand nombre de personnes choisissent de rester au foyer et d'élever leurs enfants. C'est parce qu'il n'y a tout simplement pas d'emplois.
Il est assez évident, d'après les recherches qui ont été effectuées, que la grande majorité des femmes soit travaillent, soit recherchent activement un emploi. Huit femmes sur dix âgées entre 25 et 54 ans travaillent. Deux femmes sur trois avec des enfants travaillent à l'extérieur du foyer.
Il est vrai que si nous n'avions pas de familles à double revenu, la pauvreté infantile au sein des familles biparentales doublerait, passant de 10 à 20 p. 100. Ce n'est qu'un petit aspect d'un problème beaucoup plus vaste. Il serait donc injuste de dire, d'abord, nous considérons cela comme une iniquité énorme, et ensuite, nous allons effectuer des dépenses fiscales pour régler cette anomalie et laisser les autres iniquités et problèmes en suspens.
Il faudrait revenir à la résolution de 1989 et voir quelles recommandations permettraient, en fait, de réduire la pauvreté infantile d'ici l'an 2000, ou peu de temps après cela. Nous devons trouver des moyens d'atteindre cet objectif.
Je pense que le moment est venu de réexaminer la question de l'abattement pour charges de famille. On pourrait peut-être s'inspirer de la prestation fiscale pour enfants. Il n'est pas nécessaire que cet abattement se présente sous forme d'allocations familiales. On pourrait établir une prestation universelle ou majorer de façon considérable le niveau de revenu à partir duquel les prestations sont récupérées. Je pense que toutes les familles tireraient parti de cette mesure. De plus, au fur et à mesure qu'elles grimperaient l'échelle des salaires, les personnes qui seraient en mesure de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants recevraient-elles aussi la prestation fiscale pour enfants.
Passons maintenant aux programmes d'éducation de la petite enfance ou aux programmes de services de garde. Si nous avions un programme universel ou national offert à toutes les familles, et pas seulement aux familles où les deux conjoints travaillent, alors la famille à revenu unique pourrait bénéficier des programmes d'éducation de la petite enfance au même titre que la famille à double revenu.
J'aimerais ajouter un dernier commentaire. Concernant le régime fiscal—et je suppose que le régime d'assurance-emploi fait partie de cela, même s'il s'adresse directement aux travailleurs—nous avons constaté, entre autres, que les prestations de maternité sont maintenant beaucoup moins accessibles. Permettez-moi de vous donner un exemple plutôt étonnant.
Il y a, dans la ville où j'habite, une femme qui a enseigné au primaire pendant sept, huit ou neuf ans. Elle a deux enfants. Après la naissance de son premier enfant, elle a pris un congé de maternité. Elle a fait la même chose après la naissance de son deuxième enfant, encore une fois par l'entremise du programme d'assurance-emploi.
Malheureusement, comme son deuxième enfant est atteint d'infirmité motrice cérébrale, elle a choisi de rester à la maison pendant deux ou trois ans de plus, jusqu'à ce qu'elle puisse en confier la garde à d'autres. Elle est retournée à l'enseignement en septembre dernier. Elle est tombée enceinte à nouveau, sauf qu'elle n'aura pas droit aux prestations de maternité parce qu'elle n'a pas accumulé suffisamment d'heures de travail pour être considérée comme un travailleur permanent. Elle n'aura pas droit à des prestations de maternité pour son troisième enfant.
• 1420
C'est une lacune du système dans un pays où, la plupart
d'entre nous en conviendront, nous essayons de soutenir les choix
des familles, qu'elles travaillent ou non. Nous devrions essayer de
concevoir nos programmes pour permettre aux gens de faire des
choix, dont certains comportent peut-être des sacrifices. C'est la
vie. Certains comportent peut-être des sacrifices financiers. Les
choix des gens sont motivés par toutes sortes de raisons, mais nous
ne devrions pas avoir des politiques qui pénalisent les gens pour
les choix qu'ils font.
Par exemple, la mère qui doit rester à la maison pour s'occuper d'un enfant qui souffre de paralysie cérébrale ne devrait pas perdre son lien avec le marché du travail et la possibilité de toucher des prestations de congé de maternité.
Je vais m'arrêter ici pour répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Pour que vous puissiez reformuler vos recommandations, si vous étiez ministre des Finances et disposiez de 1,5 milliard de dollars pour régler vos problèmes, ou ceux du comité—et j'ai bien dit 1,5 milliard de dollars, ce qui est une somme limitée—que feriez-vous? Quelles sont les une ou deux mesures que vous prendriez pour aider les enfants?
M. Jack Harris: C'est une drôle de façon de formuler la question. Si j'étais ministre des Finances, je reconnaîtrais qu'après avoir procédé à des compressions pour réduire le déficit nous avons maintenant un excédent. Nous devrions essayer d'améliorer les programmes sociaux universels en y consacrant plus d'argent au lieu de chercher des moyens de réduire les impôts.
C'est une question de choix. Avec 1,5 milliard de dollars, j'imagine qu'on peut faire moins qu'avec 7, 8 ou 9 milliards de dollars. Je ne comprends pas très bien votre question. Pourquoi limitez-vous les dépenses à 1,5 milliard de dollars?
M. Paul Forseth: Nous pourrions peut-être les augmenter à 2 milliards de dollars. Je pense à ce qui est possible. J'évalue seulement à l'oeil la latitude que le ministre des Finances a pour tenir compte de ce que le sous-comité envisage.
Je sollicite vos conseils, votre point de vue, parce que c'est votre travail de réfléchir en fonction d'objectifs et de priorités de portée générale. Si vous aviez les leviers du pouvoir au niveau fédéral et que vous disposiez d'un budget de ce montant, que feriez-vous en premier?
M. Jack Harris: D'accord, c'est une bonne question.
Je ne m'occuperais sûrement pas du problème fiscal lié au fait que la famille a un ou deux revenus. Ce ne serait sûrement pas une priorité. La priorité absolue serait d'assurer un revenu adéquat aux familles ayant des enfants.
Dans le cas des exemptions de base, je me rends bien compte qu'il faut beaucoup d'argent pour que l'effet soit significatif. Néanmoins, plus on pourra donner d'argent aux familles dont les enfants vont à l'école sans avoir mangé à leur faim—et c'est quelque chose qui est très fréquent aujourd'hui—mieux ce sera. Si on ne dispose actuellement que de 2 milliards de dollars, la meilleure chose à faire, d'après moi, serait d'augmenter la prestation fiscale pour enfants, parce qu'elle est versée directement aux familles qui ont des enfants. J'utiliserais l'argent à cela.
M. Paul Forseth: On nous a déjà suggéré d'augmenter la prestation et aussi de réduire l'écart de la mesure de récupération, de façon à l'étaler un peu plus.
M. Jack Harris: Je suis d'accord. Les familles à faible et moyen revenus ont vu leur salaire réel diminué de beaucoup. Le régime fiscal les frappe vraiment. J'imagine que cet écart fait partie des problèmes que le comité essaie de régler.
M. Paul Forseth: Pour ce qui est de l'exemple que vous nous avez donné au sujet de l'assurance-emploi, avez-vous une solution simple à nous proposer pour aider cette dame? Il est certain qu'elle n'a pas accumulé assez d'heures de travail depuis sa dernière demande de prestations. Vous soulevez le cas des gens qui, pendant la durée de leur vie active, ont...
Que feriez-vous dans ce cas?
M. Jack Harris: Je crois qu'on pourrait régler toute la question de la participation à la vie active. Une solution simple à ce problème serait de dire que, si quelqu'un a travaillé pendant la moitié des 10 dernières années...
Sans vouloir proposer de mesures arbitraires, je pense qu'on peut facilement assurer le versement de prestations de congé de maternité. Rien n'empêche de verser ces prestations à une femme qui a participé à la vie active. Ces prestations ne devraient pas nécessairement être rattachées au régime d'assurance-emploi. Le Canada a choisi cette formule, mais d'autres pays n'ont pas cette exigence.
M. Paul Forseth: Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît.
M. Serge Cardin: Monsieur Harris, bonjour. Après notre discussion avec M. Snow et votre présentation, on s'aperçoit qu'il n'y a pas un grand problème d'iniquité fiscale au niveau des doubles et simples revenus, mais plutôt au niveau des revenus des familles, de la pauvreté de certaines familles et de la possibilité de s'en sortir pour les familles ayant les revenus les plus faibles.
On sait que les familles ayant des revenus moyens sont aussi affectées par la prestation, la récupération et ainsi de suite. Par contre, si on veut sortir les familles à faible revenu de la pauvreté, on peut accepter la proposition de M. Szabo, qui parlait d'une prestation pour les travailleurs à faible revenu. Si on s'orientait surtout vers des politiques ou des prestations à donner aux enfants, on arriverait à la limite à une situation où les revenus seraient attribués aux enfants. Depuis le début, on dit qu'on vise les enfants et non les activités des parents. Dans certaines circonstances, dans les familles à faible revenu, ce seraient pratiquement les prestations orientées vers les enfants qui feraient vivre convenablement la famille.
On s'aperçoit que nos discussions s'orientent de plus en plus vers la pauvreté des familles à faible revenu, mais aussi vers la responsabilité du gouvernement. Les gens veulent que le gouvernement soit de plus en plus responsable de la qualité des soins apportés aux enfants. Certaines personnes disent que la qualité des soins aux enfants dépend principalement de la présence d'un parent qui reste à la maison pour les garder pendant leurs premières années. D'autres veulent avoir le choix de rester à la maison pour s'occuper des enfants ou d'aller sur le marché du travail et d'avoir recours à des services de garde de la meilleure qualité possible.
D'après vous, comment le gouvernement doit-il orienter les choix des personnes tout en leur donnant ce qui est nécessaire pour qu'elles aient la possibilité de faire un choix?
[Traduction]
M. Jack Harris: J'imagine que nous pourrions tous concevoir un monde idéal mais, dans la réalité, nous ne faisons pas assez pour réduire le nombre de gens qui vivent dans la pauvreté.
Une étude—dont votre comité a peut-être déjà pris connaissance—a examiné les effets des transferts sociaux sur le taux de pauvreté des enfants par rapport à ce qu'il serait, entre autres, avec un revenu avant impôt et sans les transferts. Ce taux serait à peu près le même dans trois pays, la Norvège, les États- Unis et le Canada, c'est-à-dire qu'il serait de 61 p. 100 en Norvège, de 68 p. 100 aux États-Unis et de 66 p. 100 au Canada.
• 1430
En tenant compte cette fois toujours du revenu avant impôt,
mais en incluant les transferts, le taux de pauvreté des enfants
tombe à 14,8 p. 100 en Norvège, à 57 p. 100 ou 58 p. 100 aux
États-Unis et à 41 p. 100 au Canada. La situation du Canada est
assurément meilleure que celle des États-Unis, mais nous sommes
loin derrière la Norvège pour ce qui est des transferts sociaux
destinés aux enfants.
Il faut d'abord s'assurer que les familles ayant des enfants à charge peuvent échapper à la pauvreté. La question des choix vient plus tard, selon moi. Il faut s'attaquer au problème des familles qui n'ont d'autre choix que de travailler parce qu'elles ne disposent pas d'un revenu suffisant.
Nous pourrions concevoir un système qui permet aux gens de faire des choix et de s'occuper davantage de leurs enfants, mais nous créerions un monde idéal qui n'existe pas actuellement. Au lieu d'envisager les choses de cette façon, je pense que nous devrions concevoir un programme qui va éliminer la pauvreté dans les familles. Les autres choix sont un luxe dont on pourra s'occuper plus tard.
[Français]
M. Serge Cardin: Vous dites qu'il faut se fixer des choix, mais chacun de ces choix doit être un échelon vers l'atteinte de mon idéal. On a le droit d'y croire.
[Traduction]
M. Jack Harris: Oui, je peux énumérer les choix que j'aimerais que les parents aient. J'ai deux petites filles, une âgée de quatre ans et demi et l'autre de deux ans. Dans un monde idéal, on offrirait beaucoup de choix aux parents qui pourraient consacrer du temps à leurs enfants, les inscrire à des programmes d'éducation de la petite enfance, avoir des horaires de travail souples, et profiter de congés de maternité et de paternité plus avantageux. Je pense que ce sont des éléments qui pourraient faire partie d'un programme fédéral idéal axé sur la famille.
Certains éléments existent déjà. Par exemple, la situation est meilleure au Québec que dans le reste du Canada pour ce qui est des congés de maternité, par exemple. Nous avons beaucoup d'améliorations à apporter au niveau provincial et au niveau fédéral.
La prestation fiscale pour enfants a l'avantage de compenser les différentes entre les prestations d'aide sociale, ou de contribuer à augmenter le revenu de tous assistés sociaux parce que, depuis la disparition du Régime d'assistance publique du Canada, les provinces ont de plus en plus de mal à fournir de l'aide sans augmenter les impôts. La contribution du gouvernement fédéral est donc très importante.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Cardin.
Madame Dockrill, s'il vous plaît.
[Traduction]
Mme Michelle Dockrill: Merci monsieur le président.
Je suis heureuse de vous revoir, Jack.
M. Jack Harris: Moi aussi.
Mme Michelle Dockrill: Je ne peux m'empêcher de souligner qu'il y a beaucoup de néo-démocrates dans cette région du pays.
M. Jack Harris: Quand j'étais à Ottawa, il n'y avait que moi. J'étais le seul à l'est d'Oshawa.
Mme Michelle Dockrill: Les temps changent.
M. Jack Harris: Oui.
Mme Michelle Dockrill: Jack, vous avez parlé des prestations de congé de maternité et de paternité. Certains témoins nous ont proposé de ne pas rattacher ces prestations à la participation au marché du travail et de les accorder à tous.
Vous nous avez indiqué quelques résultats d'une étude. J'aime bien la souplesse que le régime norvégien offre au sujet des congés de maternité et de paternité. Pendant 42 semaines, on verse la prestation maximale, je pense, et 80 p. 100 du montant pendant 52 semaines. Cela permet aux parents de retourner travailler à temps partiel et de toucher des prestations pour le reste du temps.
M. Jack Harris: Je pense que c'est formidable.
Votre collègue parlait de la façon d'améliorer le système. Ceux qui travaillent dans les chiffres nous disent toujours qu'il est impossible d'appliquer la politique sociale des pays scandinaves au Canada, que cela dépasse la capacité de notre gouvernement et de notre régime fiscal.
Je ne crois pas que ce soit impensable. Si nous avons la volonté politique et si nous sommes prêts à nous dissocier du modèle individualiste de nos voisins du Sud, qui exerce beaucoup d'influence, je pense que nous pouvons concevoir au Canada des programmes de qualité qui offrent la souplesse de la Norvège, comme vous le dites. La Norvège est un pays prospère économiquement.
Ce qui a causé ou accru le déficit, ce sont les politiques de lutte contre l'inflation, les taux d'intérêt élevés et leurs coûts. Je pense que nous pouvons maintenant augmenter le coût des programmes sans accroître le déficit, sans augmenter l'inflation. Nous pouvons aussi améliorer la participation de la population active.
Je pense que nous avons beaucoup de latitude. Je sais que je dis le contraire de ceux qui veulent qu'on utilise le surplus pour réduire les impôts, mais je ne crois pas que ce soit ce qu'il faut faire. Je pense que nous pouvons profiter de l'occasion pour améliorer nos programmes.
Mme Michelle Dockrill: On nous a rappelé plusieurs fois, comme vous l'avez dit, que le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve ne récupèrent pas la prestation fiscale pour enfants. Un témoin nous a dit que l'argent ne changeait pas de main—c'est-à-dire que la province ne récupérait pas ce que le gouvernement fédéral avait donné et qu'il n'y a pas vraiment...
M. Jack Harris: Je pense que c'est cruel.
Mme Michelle Dockrill: J'aimerais savoir si vous pouvez nous dire jusqu'à quel point le fait qu'il n'y a pas de récupération à Terre-Neuve aide les familles à faible revenu?
M. Jack Harris: Je pense qu'il faut se demander pourquoi Terre-Neuve et le Nouveau-Brunswick n'ont pas fait comme les autres.
Mme Michelle Dockrill: Alors je vais vous poser la question.
M. Jack Harris: La raison est politique et a trait à la pression exercée sur le gouvernement provincial quand l'idée que... Le gouvernement se voyait mal avoir une bonne et une mauvaise nouvelle à annoncer: le gouvernement du Canada—ou le ministre des Finances, pourrait-on dire—va vous aider en vous donnant 600 $ et le premier ministre de Terre-Neuve va vous les reprendre.
Les gens dont le revenu ne leur permet pas de vivre décemment se réjouissaient à la perspective de toucher cet argent. C'était une mesure importante pour eux.
Je pense que c'était très difficile politiquement pour le gouvernement d'expliquer qu'une assistée sociale n'aurait pas droit à la prestation fiscale pour enfants tandis que sa soeur, qui travaille à temps partiel à l'usine de transformation du poisson, y aurait droit. Le gouvernement était très conscient de ces inégalités. Je pense qu'il a répondu à la pression de la population ainsi qu'à celle des députés, parce que cet argent était important pour les gens.
Je ne sais pas si on a examiné l'effet de cet argent pour les familles, mais il les a sûrement aidées à mieux se nourrir et à mieux s'occuper de leurs enfants.
Mme Michelle Dockrill: Je pense que les groupes de défense des droits des enfants nous ont bien dit que les familles à faible revenu ont moins d'argent dans leurs poches.
Je vais vous poser une question que j'ai posée à plusieurs autres témoins. Il est assez clair qu'il n'y a pas de solution universelle. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a des inégalités. J'aimerais savoir si les mesures devraient cibler les enfants ou les parents.
M. Jack Harris: Quand j'essaie de répondre à la question du travail des parents, à savoir si un parent peut avoir le choix de travailler ou de rester à la maison—parce que c'est le sens de votre question, n'est-ce pas?—je ne pense pas que ce soit un élément important. Je ne crois pas qu'on peut éliminer la pauvreté des enfants sans éliminer la pauvreté des familles. À mon avis, on peut répondre à la question en disant que les enfants sont pauvres parce que leurs parents sont pauvres.
Je pense que nous devons nous interroger sur la capacité de la famille de s'occuper de ses enfants. Voilà ce qui est important. Qu'elle arrive à s'en occuper avec deux salaires, ou un salaire à temps partiel et un à temps plein, ou encore avec le salaire du parent seul auquel la pension alimentaire s'ajoute ou non, pour moi, ce n'est pas très important. C'est la capacité de la famille de s'occuper de ses enfants qui compte.
Je pense que la petite injustice... Je la qualifie de petite parce qu'il est très difficile d'en déterminer l'effet. De toute évidence, l'injustice dépend de votre revenu.
L'autre aspect, ce sont les choix des parents. À qui donner l'argent? Allez-vous accorder un crédit d'impôt au conjoint qui travaille? Si oui, l'autre conjoint va-t-il en profiter? L'autre conjoint, celui qui reste à la maison—et soyons réalistes, c'est surtout la mère—sentira-t-il vraiment la différence, ou est-ce que ce sera seulement une déduction fiscale offerte au salarié?
Mme Michelle Dockrill: Puis-je poser une autre brève question?
Le président: Nous avons un avion à prendre dans 15 ou 20 minutes et M. Szabo a une question à poser.
Mme Michelle Dockrill: Oh! Nous serons encore ici demain.
M. Paul Szabo: C'est certain.
Des voix: Oh, oh.
M. Paul Szabo: Quand vous avez parlé d'une travailleuse à temps partiel de l'usine de transformation du poisson et de sa soeur assistée sociale, vous avez dit qu'il était injuste que la travailleuse touche la prestation fiscale pour enfant. Est-ce ce que vous avez dit?
M. Jack Harris: Oui.
M. Paul Szabo: Est-il possible qu'un travailleur à temps partiel des usines à poisson gagne plus qu'un assisté social?
M. Jack Harris: Vous me demandez si c'est possible?
M. Paul Szabo: Combien gagne un travailleur des usines à poisson?
M. Jack Harris: Ce serait une combinaison d'assurance-emploi et... Quand je dis à temps partiel, c'est une partie de l'année, je pense.
M. Paul Szabo: Bien.
M. Jack Harris: Le revenu combinerait des prestations d'assurance-emploi et un salaire.
M. Paul Szabo: Vous dites, dans l'exemple que vous nous avez donné, que la travailleuse de l'usine à poisson connaît une situation financière meilleure que la personne assistée sociale.
M. Jack Harris: Je dirais que c'est le cas.
M. Paul Szabo: Vraiment. Quand un assisté social décide qu'il est prêt à retourner travailler...
M. Jack Harris: Je ne pense pas que cela fonctionne ainsi.
M. Paul Szabo: Je n'ai pas encore posé ma question.
L'assisté social qui veut entrer sur le marché du travail commencera probablement à travailler au salaire minimum. Peut-être aura-t-il la chance de gagner un peu plus. En plus de perdre ses prestations d'aide sociale, les paiements directs—et vous avez entendu qu'il perd les prestations accessoires...
M. Jack Harris: Il perd sa carte d'assurance-médicaments, ce qui est très important.
M. Paul Szabo: Donc, probablement que la situation financière de certains petits salariés serait plus difficile que celle des assistés sociaux.
M. Jack Harris: La transition est effectivement très difficile pour quelqu'un qui a l'habitude de toucher un chèque chaque mois et qui se retrouve sur le marché du travail à temps partiel, dans un emploi mal rémunéré et précaire. Je favorise depuis longtemps les programmes qui aident les gens à accepter un emploi qui s'offre à eux. Comme vous dites, il y a des cas où celui qui touche un chèque chaque mois peut travailler quelques heures au bar du coin ou ailleurs...
M. Paul Szabo: Nous sommes donc d'accord pour dire qu'une aide transitoire peut être nécessaire.
M. Jack Harris: Tout à fait. Je pense que c'est important.
M. Paul Szabo: On pourrait se demander si la prestation fiscale est une forme d'aide, ou si c'est trop ou pas assez.
M. Jack Harris: Les choses vont tellement mal que c'est une forme de revenu à laquelle les gens aimeraient avoir accès.
M. Paul Szabo: J'ai une dernière question à poser.
Vous avez dit que les gens travaillent à l'extérieur parce qu'ils sont obligés de le faire. Vous présumez donc que le revenu familial compte dans la décision de la mère de travailler à l'extérieur ou non.
M. Jack Harris: Il y a un lien entre les deux, mais ce n'est pas le seul facteur qui entre en ligne de compte.
M. Paul Szabo: Bien.
Pour votre information, M. Shillington, de Développement des ressources humaines, nous a confirmé des données qui indiquent que la décision, pour la femme, de travailler à temps plein ou à temps partiel ou de rester à la maison n'avait absolument rien à voir avec le revenu du mari. Dans les faits, quel que soit le revenu du mari, dans le tiers des familles, les deux parents travaillent, dans un autre tiers, un conjoint reste à la maison, et dans le dernier tiers, les familles comptent sur un revenu à temps partiel.
Cela me surprend, parce que je pense que nous sommes portés à croire que, dans les familles où le salaire du mari est élevé, la femme reste à la maison parce que la situation du couple le permet mais, pourtant, les chiffres montrent que les parents font des choix qui semblent indépendants du revenu familial. C'est donc dire que les choix sont peut-être motivés par autre chose. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles le mot «choix» revient si souvent dans nos discussions.
Il semble que beaucoup de familles, indépendamment de leur revenu, préfèrent, quand elles le peuvent, qu'un des deux parents reste à la maison pour s'occuper des enfants. Cet arrangement est mieux adapté à leurs valeurs et à l'accessibilité des soins de garde, par exemple. Cela montre simplement que l'argent n'est pas le seul facteur pris en considération.
M. Jack Harris: Bien, je ne sais pas. Je ne dirais pas que l'argent n'est pas un facteur. Le fait que les gens ayant un revenu familial moindre aimeraient aussi pouvoir faire ce choix, s'ils le pouvaient...
M. Paul Szabo: J'imagine qu'ils aimeraient ça, assurément.
M. Jack Harris: ...ne me surprend pas non plus.
Je suis d'accord pour offrir le choix, et nous devrions essayer de faire en sorte que le choix ne défavorise pas l'enfant.
M. Paul Szabo: Je suis très heureux de vous l'entendre dire.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Monsieur Harris, j'aimerais vous remercier d'être venu nous faire connaître votre point de vue. Vous avez exposé des éléments importants, c'est évident.
J'aimerais peut-être terminer par une observation plus que par une question. Pour régler le problème de la pauvreté des enfants à long terme, il faudra compter sur la participation de plus d'un niveau de gouvernement. Je vous demanderais de suivre l'exemple de votre province et du Nouveau-Brunswick. Quand le gouvernement fédéral essaie de négocier avec les provinces, les premiers ministres provinciaux devraient peut-être essayer de tenir compte des intérêts de l'ensemble des Canadiens et non seulement de ceux de leur province.
C'est ce qui s'est passé récemment dans le cadre des négociations sur l'union sociale, et le transfert relatif au financement de la santé. Certains premiers ministres provinciaux ont refusé de s'engager à dépenser dans ce domaine. C'est aussi le cas avec la prestation fiscale pour enfants, dans les provinces où elle est récupérée.
Il est malheureux que, quand un ordre de gouvernement prend l'initiative, les autres n'emboîtent pas le pas. Si nous voulons éliminer la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000—et, de toute évidence, nous devrons reporter l'échéance—nous aurons besoin de l'aide de tout le monde. Je vous demanderais de travailler en ce sens.
M. Jack Harris: Je vais le faire. Je vous remercie de le signaler. Je suis d'accord avec vous.
Avec les pouvoirs de dépenser—je crois que c'est l'expression utilisée—tous les Canadiens ont accès à des programmes sociaux très avantageux, qui assurent l'universalité et les normes nationales.
• 1450
Je trouve malheureux que la situation devienne plus difficile
pour des gens de notre pays. Ce n'est pas le cas de tout le monde,
mais c'est le cas des personnes à faible revenu, de celles qui
vivent en région et dans les régions rurales. C'est très
malheureux. Nous savons que nous pouvons faire mieux.
Le président: Merci, et bon retour chez vous.
M. Jack Harris: Merci.
Le président: Collègues, nous allons suspendre nos travaux pour les reprendre demain matin à 8 h 30, à Montréal.