Passer au contenu
;

Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
PDF

36e Législature, 1ère Session


HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 154

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 18 novembre 1998

. 1400

VDÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
VLA SCLÉROSE EN PLAQUES
VM. Joe McGuire
VLA CAISSE DE L'ASSURANCE-EMPLOI
VM. Monte Solberg
VLA JOURNÉE NATIONALE DE L'ENFANT
VM. John Godfrey
VL'HOLOCAUSTE
VMme Elinor Caplan

. 1405

VL'HOLOCAUSTE
VM. Joseph Volpe
VLES DROITS ET LIBERTÉS
VM. Jake E. Hoeppner
VLA CAMPAGNE ÉLECTORALE AU QUÉBEC
VMme Marlene Jennings
VMME MARGUERITE-ROSE PESANT-BÉDARD
VM. René Laurin
VLA CAMPAGNE ÉLECTORALE AU QUÉBEC
VM. Yvon Charbonneau

. 1410

VLA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ
VM. Charlie Penson
VLA CAMPAGNE ÉLECTORALE AU QUÉBEC
VM. Claude Drouin
VL'ÉCONOMIE
VM. Chris Axworthy
VL'ÉCONOMIE DE MONTRÉAL
VM. Benoît Sauvageau
VLES DROGUES
VM. Greg Thompson

. 1415

VQUESTIONS ORALES
VLES SOINS DE SANTÉ
VM. Preston Manning
VL'hon. Allan Rock
VM. Preston Manning
VL'hon. Allan Rock
VM. Preston Manning
VL'hon. Allan Rock
VM. Grant Hill

. 1420

VL'hon. Allan Rock
VM. Preston Manning
VLES SURPLUS BUDGÉTAIRES
VM. Gilles Duceppe
VL'hon. Paul Martin
VM. Gilles Duceppe
VL'hon. Paul Martin
VM. Yvan Loubier

. 1425

VL'hon. Paul Martin
VM. Yvan Loubier
VL'hon. Paul Martin
VLES DROITS DE LA PERSONNE
VM. Svend J. Robinson
VL'hon. Lloyd Axworthy
VM. Svend J. Robinson
VL'hon. Andy Scott
VLA FISCALITÉ
VM. Scott Brison

. 1430

VL'hon. Paul Martin
VM. Scott Brison
VL'hon. Paul Martin
VLES SOINS DE SANTÉ
VM. Keith Martin
VL'hon. Allan Rock
VM. Keith Martin
VL'hon. Allan Rock
VLA POLITIQUE DE DÉGLAÇAGE
VM. Yves Rocheleau

. 1435

VL'hon. David Anderson
VM. Yves Rocheleau
VL'hon. David Anderson
VLES SOINS DE SANTÉ
VM. Monte Solberg
VL'hon. Paul Martin
VM. Monte Solberg
VL'hon. Paul Martin
VLE PROJET DE LOI C-54
VMme Francine Lalonde

. 1440

VL'hon. John Manley
VMme Francine Lalonde
VL'hon. John Manley
VLA FISCALITÉ
VM. Jason Kenney
VL'hon. Harbance Singh Dhaliwal
VM. Jason Kenney
VL'hon. Harbance Singh Dhaliwal
VLE TRANSPORT ROUTIER

. 1445

VL'hon. David M. Collenette
VLA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA
VMme Sarmite Bulte
VL'hon. Marcel Massé
VL'ENVIRONNEMENT
VM. Rick Casson
VL'hon. Christine Stewart
VM. Rick Casson
VL'hon. Christine Stewart
VLE TABAC
VMme Judy Wasylycia-Leis
VL'hon. Allan Rock

. 1450

VMme Judy Wasylycia-Leis
VL'hon. Allan Rock
VL'ENQUÊTE SUR LES ÉVÉNEMENTS DU SOMMET DE L'APEC
VM. Peter MacKay
VL'hon. Andy Scott
VM. Peter MacKay
VL'hon. Andy Scott
VL'AMÉRIQUE CENTRALE
VM. Pat O'Brien
VL'hon. Lucienne Robillard
VLA SANTÉ
VM. Eric Lowther

. 1455

VL'hon. Allan Rock
VAUGUSTO PINOCHET
VM. Daniel Turp
VL'hon. Lloyd Axworthy
VLA DÉFENSE NATIONALE
VM. Gordon Earle
VL'hon. Arthur C. Eggleton
VL'IMMIGRATION
VM. Norman Doyle
VL'hon. Lucienne Robillard
VLES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
VMme Jean Augustine

. 1500

VL'hon. David Kilgour
VLES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
VL'hon. Don Boudria
VLA SANCTION ROYALE
VLe Président

. 1505

VAFFAIRES COURANTES
VL'ADMINISTRATION DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
VLe Président
VL'EXPORTATION DE BIENS MILITAIRES
VL'hon. Lloyd Axworthy
VNOMINATIONS PAR DÉCRET
VM. Peter Adams
VRÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
VM. Peter Adams
VDÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES
VM. Bernard Patry

. 1510

VLOI SUR LA RESPONSABILITÉ DE L'INDUSTRIE DU TABAC
VProjet de loi S-13. Première lecture
VMme Carolyn Bennett
VL'hon. Don Boudria
VLES COMITÉS DE LA CHAMBRE
VGarde et droit de visite des enfants
VMotion d'adoption
VM. Peter Adams

. 1515

VPÉTITIONS
VL'environnement
VMme Rose-Marie Ur
VL'équité salariale
VM. Howard Hilstrom
VL'APEC
VM. Svend J. Robinson
VL'objection de conscience
VM. Svend J. Robinson
VLA SANCTION ROYALE

. 1525

VAFFAIRES COURANTES
VPÉTITIONS
VLa réforme de la fiscalité
VM. Nelson Riis
VLa cruauté envers les animaux
VM. Nelson Riis

. 1530

VLa réunion de l'APEC
VM. Nelson Riis
VLe projet de loi C-68
VM. John Cummins
VQUESTIONS AU FEUILLETON
VM. Peter Adams
VM. John Cummins
VM. John Solomon

. 1535

VDEMANDES DE DOCUMENTS
VM. Peter Adams
VRECOURS AU RÈGLEMENT
VLe projet de loi S-13
VL'hon. Don Boudria

. 1540

. 1545

. 1550

VMme Carolyn Bennett

. 1555

. 1600

. 1605

. 1610

VM. Grant Hill
VMme Judy Wasylycia-Leis

. 1615

. 1620

VM. Peter MacKay

. 1625

. 1630

. 1635

VM. Bob Speller

. 1640

. 1645

VM. Keith Martin
VM. George Proud
VM. Nelson Riis

. 1650

VM. Bernard Patry

. 1655

VM. Greg Thompson

. 1700

. 1705

VM. Clifford Lincoln

. 1710

. 1715

VM. John Cummins

. 1720

VMme Judi Longfield
VM. Svend J. Robinson

. 1725

VM. John Bryden

. 1730

VLe Président
VINITIATIVES PARLEMENTAIRES
VLE CODE CRIMINEL
VProjet de loi C-207. Deuxième lecture
VM. Paul Forseth

. 1735

. 1740

. 1745

VMme Eleni Bakopanos

. 1750

. 1755

VM. Peter MacKay

. 1800

. 1805

VM. Paul Forseth
VMOTION D'AJOURNEMENT
VLe Sommet sur la Coopération économique Asie-Pacifique
VM. Gilles Bernier

. 1810

VM. Peter Adams

(Version officielle)

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 154


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 18 novembre 1998

La séance est ouverte à 14 heures.



Prière


 

. 1400 +

Le Président: Comme nous le faisons tous les mercredi, nous allons maintenant chanter Ô Canada, qu'entonnera la députée de Saint John.

[Note de la rédaction: Les députés se lèvent et chantent Ô Canada.]



DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA SCLÉROSE EN PLAQUES

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur le Président, il y a certes des fois où la persévérance paie. Un exemple classique est celui de Margaret Penwarden, de Victoria West, dans ma circonscription, Egmont, dans l'Île-du-Prince-Édouard.

On a découvert que Margaret souffrait de sclérose en plaques il y a près de trois ans. Elle a commencé à prendre du Betaseron en juillet 1996. Ce médicament a beaucoup amélioré sa condition. Le problème cependant résidait dans le fait que ce médicament est très coûteux, puisqu'il coûte en moyenne 17 000 $ environ par année. Même avec un régime d'assurance-médicaments, Margaret devait verser 6 000 $ de sa poche.

Beaucoup de personnes de l'Île-du-Prince-Édouard atteintes de sclérose en plaques n'avaient pas de régime d'assurance-médicaments et ne pouvaient donc se permettre ce médicament. Margaret, appuyée par la division Atlantique de la Société canadienne de la sclérose en plaques, s'est lancée dans une croisade pour que le coût de ce médicament soit couvert par le régime de santé provincial.

La lutte a été longue et ardue. Margaret a dû prendre toutes sortes d'initiatives allant d'une campagne de lettres à l'occupation de l'assemblée législative provinciale. En fin de compte, Margaret et les autres personnes souffrant de la sclérose en plaques ont réussi. En octobre de cette année, le gouvernement provincial a finalement annoncé que le régime provincial allait couvrir en partie le coût du Betaseron et de trois autres médicaments destinés à traiter la sclérose en plaques.

*  *  *

LA CAISSE DE L'ASSURANCE-EMPLOI

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, j'ai reçu récemment une lettre du propriétaire de l'entreprise Toby Theatre & Video Rental, à Invermere, en Colombie-Britannique. En voici un extrait: «Je voudrais vous parler de la caisse d'assurance-emploi que notre gouvernement pense pouvoir utiliser comme bon lui semble. Ce qui me fâche vraiment, c'est le fait que les étudiants du secondaire qui travaillent pour moi doivent verser des cotisations d'assurance-emploi même si le gouvernement reconnaît qu'ils sont admissibles à des prestations, mais pas tant qu'ils fréquentent l'école. Faire cela à un groupe de Canadiens qui n'ont même pas le droit de voter est sinon illégal du moins immoral. En ce qui concerne les fonds d'assurance-emploi, ils appartiennent aux travailleurs et aux entreprises du pays et non au gouvernement fédéral. Je pense qu'on devrait remettre l'argent aux gens, surtout à nos jeunes, de qui les ministériels empruntent»—l'euphémisme est de moi—«cet argent.»

Cette lettre est signée par Ron Peters, d'Invermere, en Colombie-Britannique, et c'est très bien dit.

Le Président: Je rappelle à tous les députés que nous ne pouvons reprendre dans cette enceinte des mots venant d'une autre personne qu'il ne nous est pas permis d'utiliser ici. Je vous demande à tous de faire preuve de prudence dans vos déclarations.

*  *  *

LA JOURNÉE NATIONALE DE L'ENFANT

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, le vendredi 20 novembre marquera la sixième édition de la Journée nationale de l'enfant, une journée destinée a sensibiliser la population à l'importance d'un développement sain des enfants.

En tant que président du caucus responsable de l'organisation du programme de la journée, je pense qu'en donnant aux jeunes enfants un milieu accueillant, aimant et responsable, notre société peut leur offrir un meilleur avenir.

On a choisit le 20 novembre pour cette Journée nationale de l'enfant parce que c'est l'anniversaire de deux événements historiques pour les enfants, la déclaration des Nations Unies sur les droits de l'enfant, en 1959, et l'adoption de la Convention sur les droits de l'enfant, en 1989. La convention reconnaît aux enfants des droits humains fondamentaux, exige la protection contre les mauvais traitements et souligne le rôle essentiel de la famille dans le développement de l'enfant.

La Journée nationale de l'enfant a aussi une autre fonction. Elle nous rappelle que tous les enfants ont besoin d'amour et de respect pour atteindre leur plein potentiel. C'est pour cela qu'il nous appartient à tous de veiller au développement sain des enfants.

*  *  *

L'HOLOCAUSTE

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de rendre hommage au 50 survivants de l'holocauste qui sont actuellement à la tribune de la Chambre des communes. Ils sont ici en tant que représentants de tous les survivants canadiens.

Ces personnes distinguées, qui ont survécu à des horreurs inimaginables, ont contribué à faire du Canada le plus grand pays du monde.

Les héros qui sont à la tribune aujourd'hui et tous les autres survivants de l'holocauste au Canada nous aident à apprendre du passé. Ils ont vu, personnellement, les conséquences de la discrimination et ils se sont engagés à faire leur part pour qu'elle soit éliminée une fois pour toutes.

Alors que beaucoup auraient renoncé, ces vaillants Canadiens travaillent à l'éradication de la discrimination, du sectarisme, de la haine et de la violence que nous voyons toujours.

 

. 1405 + -

Ils veulent que nous apprenions de nos erreurs, afin que nous puissions entrer dans le siècle prochain sans les intolérances du passé.

Je voudrais demander à tous les députés de se joindre à moi pour remercier ces héros. C'est seulement si l'on n'oublie pas ces horreurs que nous pourrons dire: «Jamais plus».

[Note de la rédaction: Les députés se lèvent et applaudissent.]

*  *  *

L'HOLOCAUSTE

M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Monsieur le Président, je tiens moi aussi à rendre hommage aujourd'hui aux survivants de l'holocauste, tout comme la Canadian Society for Yad Vashem les salue aujourd'hui.

Le Canada s'est retrouvé enrichi de la contribution exceptionnelle de ces survivants qui ont décidé de s'établir dans notre pays. Après avoir subi des épreuves déshumanisantes sans précédent dans l'histoire de l'humanité, après avoir perdu leurs biens, leurs parents et leurs amis, ces hommes et ces femmes, les survivants de la pire infamie jamais perpétrée par des êtres humains contre leurs semblables, sont venus au Canada pour vivre au sein d'une société où ils pourraient promouvoir la tolérance, le respect de la diversité et l'élimination de la discrimination et du fanatisme.

Leur vie au Canada est celle de citoyens exemplaires. En résumé, ils sont venus, ils ont vu et ils ont choisi d'exceller dans le monde des affaires, dans le secteur de l'éducation et dans le développement de la conscience communautaire.

Je suis fier d'être associé à de véritables héros comme ceux qui sont présents à notre tribune aujourd'hui et comme mes électeurs Alex Grossman, Elas Chandler, Fanny Silberman et mon bon ami Michael Rosenberg. À l'instar de tous les Canadiens, je les remercie.

*  *  *

LES DROITS ET LIBERTÉS

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, le 11 novembre dernier, les Canadiens ont rendu hommage aux anciens combattants qui ont consenti d'énormes sacrifices pour défendre notre liberté.

Ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale et agriculteur, Stuart Scott, de Radville, en Saskatchewan, s'est vu imposer une amende de 1 500 $ le 6 novembre et a dû remettre sa voiture de 1988 à Douanes Canada, parce qu'il avait voulu transporter quatre sacs d'orge cireux à grain nu aux États-Unis. Comme le disait M. Scott: «Alors que j'ai défendu la liberté de mon pays, mon pays me prive de ma liberté.»

Des étudiants manifestant contre un dictateur sont aspergés de poivre, des agriculteurs cherchant à vendre leurs propres céréales sont emprisonnés. L'histoire sera dure envers ce gouvernement qui néglige de protéger la liberté pour laquelle tant de Canadiens ont combattu et sont morts.

*  *  *

[Français]

LA CAMPAGNE ÉLECTORALE AU QUÉBEC

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a plus de doute possible maintenant. Un gouvernement péquiste travaillerait encore, pour les quatre prochaines années, à la préparation d'un référendum et à la promotion de la séparation du Québec.

Plus de doute possible, le débat des chefs a permis d'éclairer la population québécoise sur l'avenir du Québec. Du côté péquiste, on veut un référendum. On veut travailler fort en ce sens. On veut investir temps, efforts et argent pour atteindre cet objectif et mener à la séparation du Québec, même au détriment du bien-être des Québécois qui, eux, ne veulent pas de référendum.

Alors, qu'on se le tienne pour dit: un vote pour le PQ est un vote pour la tenue d'un référendum. Un vote pour le Parti libéral, c'est un vote pour la croissance économique, c'est un vote pour une meilleure qualité de vie au Québec.

*  *  *

MME MARGUERITE-ROSE PESANT-BÉDARD

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux de féliciter Mme Marguerite-Rose Pesant-Bédard, de Notre-Dame-des-Prairies, qui vient de se voir attribuer le Prix du Gouverneur général pour l'entraide, lors d'une cérémonie officielle à la Citadelle de Québec, dimanche dernier.

Fondatrice et présidente de l'Association de la fibromyalgie du Québec, Mme Pesant-Bédard a poursuivi des recherches, participé à des programmes télédiffusés, aidé les membres à défendre leurs droits, organisé des collectes de fonds, diffusé un bulletin d'information et a accompli d'autres tâches des plus utiles pour apporter espoir et réconfort aux personnes atteintes de fibromyosite.

Mme Pesant-Bédard mérite toute notre admiration pour son dévouement exemplaire et son sens civique exceptionnel qui font honneur à tous les citoyens et citoyennes de ma circonscription de Joliette, ainsi qu'à tous les Québécois et les Québécoises.

*  *  *

LA CAMPAGNE ÉLECTORALE AU QUÉBEC

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le Président, il y a deux jours, je demandais quel Lucien Bouchard allait se présenter au débat des chefs qui s'est tenu hier soir.

 

. 1410 + -

Nous avons maintenant la réponse. Nous avons eu droit à un Lucien Bouchard répétant son engagement à tenir un référendum, à condition qu'il soit gagnant. Première ambiguïté.

Nous avons eu droit à un Lucien Bouchard qui n'a pas osé rappeler que la raison d'être de son parti est la souveraineté et l'indépendance. Pas un mot là-dessus. Deuxième ambiguïté.

Nous avons eu droit à un Bouchard ambigu, sur la défensive, qui annonce, s'il est réélu, une autre période d'incertitude politique et de confrontations stériles.

D'autre part, nous avons bien constaté qu'un vote pour le Parti libéral est un vote pour un Québec fort, ouvert au monde, et un Québec qui considère qu'il a les meilleurs moyens de se développer pleinement à l'intérieur de l'espace canadien.

*  *  *

[Traduction]

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, le Canada envoie des observateurs dans les pays du tiers monde pour s'assurer que les élections s'y déroulent de façon juste et régulière.

Récemment, le Canada a surveillé le processus électoral au Chiapas afin de garantir notamment le principe du scrutin secret. Et pourtant, au Canada, la Commission canadienne du blé tient des élections pour combler des postes d'administrateur et chacun des bulletins de vote est renvoyé dans une enveloppe numérotée.

Stéphanie Mainil, qui vit en Saskatchewan, a le no 8-8948. Son père a le no 8-8938. Si cela se passait au Mexique, tout le monde parlerait d'intimidation et de tripatouillage. En outre, des bulletins de vote sont envoyés à des gens qui sont morts depuis plusieurs années.

Voici qu'on apprend que le ministre va nommer les représentants au scrutin. En démocratie, ce sont les candidats qui nomment ces représentants. Doit-on s'étonner que les agriculteurs se plaignent de ce que tout le processus est corrompu?

*  *  *

[Français]

LA CAMPAGNE ÉLECTORALE AU QUÉBEC

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Monsieur le Président, Lucien Bouchard a finalement montré son vrai visage hier soir: il n'a pas hésité une seconde en disant que dans un prochain mandat péquiste, le gouvernement du Québec mettrait tout en oeuvre pour tenir un autre référendum sur l'indépendance du Québec.

Lors d'un mandat péquiste, les séparatistes se remettraient à l'ouvrage pour convaincre la population québécoise que la séparation du Québec est la voie à privilégier, et ils sont prêts à toutes les astuces pour y arriver.

Or, le problème, c'est que la population québécoise ne veut pas de ce référendum. Pour éloigner cette menace, les Québécoises et les Québécois devraient voter majoritairement pour le Parti libéral pour enfin pouvoir s'occuper des vraies priorités que sont la santé, l'éducation et l'emploi.

*  *  *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Chris Axworthy (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Monsieur le Président, l'économie canadienne connaît un ralentissement. Nous traînons de l'arrière en matière d'innovation et d'investissement dans la recherche et le développement.

Ces dernières années, notre productivité affiche le taux de croissance le plus bas des pays du G7 et nous sommes à l'avant-dernier rang des pays du G7 pour l'investissement dans la recherche et le développement.

Les libéraux n'ont pas su investir dans les compétences et les technologies nouvelles qui sont un gage de succès, accordant ainsi un énorme avantage aux concurrents du Canada au plan économique.

Il est temps que le gouvernement reconnaisse que notre pays ne peut pas se permettre de garder une politique qui aggrave notre retard en ce qui a trait à l'innovation et à la productivité. Les Canadiens veulent savoir pourquoi le gouvernement a permis un tel simulacre de politique et quand il se décidera à faire quelque chose pour améliorer la vie des Canadiens et pour assurer que ceux-ci aient les moyens de payer les programmes sociaux dont ils ont tous besoin.

*  *  *

[Français]

L'ÉCONOMIE DE MONTRÉAL

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, plusieurs fédéralistes, même parmi les Québécois, se font un plaisir de dénigrer le potentiel économique du Québec et plus précisément celui de Montréal.

Ces fédéralistes y vont même des scénarios les plus catastrophiques qu'ils associent au soi-disant climat d'incertitude politique qui sévirait au Québec.

Ironiquement, c'est un journal de Toronto qui rappelle ces fossoyeurs à l'ordre.

En effet, la semaine dernière, on pouvait, lire dans le National Post, que Montréal a repris sa place comme capitale canadienne des affaires. Alors que Toronto perdait 119 sièges sociaux en 10 ans, Montréal a vu augmenter de 6 p. 100 le nombre de grandes firmes sur son territoire.

Il faut bien se rendre à l'évidence que les gens d'affaires, les investisseurs et les Québécois et Québécoises ne sont plus impressionnés par les discours alarmistes et apocalyptiques.

Je tiens donc à féliciter le gouvernement du Parti québécois pour les efforts déployés pour la relance économique du Québec et de Montréal.

Moi aussi, j'ai confiance.

*  *  *

[Traduction]

LES DROGUES

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Monsieur le Président, du 15 au 22 novembre se tient la Semaine nationale de sensibilisation aux drogues et autres dépendances. Il est assez paradoxal que le ministre de la Santé ait choisi précisément cette semaine pour présenter dans cette enceinte un projet de loi qui permet aux fabricants de tabac d'attirer les jeunes Canadiens dans un monde de dépendance, en l'occurrence le tabagisme.

 

. 1415 + -

Fait tragique, l'usage du tabac et des drogues illicites est nettement en hausse chez les jeunes Canadiens. Ainsi, en Nouvelle-Écosse, le nombre des élèves qui consomment des drogues illicites a doublé au cours des sept dernières années. Dans ma province natale, le Nouveau-Brunswick, une étude effectuée au printemps dernier révèle que sur 3 925 jeunes des écoles publiques 31 p. 100 disent avoir consommé du cannabis et 56 p. 100, de l'alcool. Et fait plus inquiétant encore, quand on leur pose la question, la plupart d'entre eux répondent qu'ils n'ont pas besoin qu'on leur vienne an aide.

Le gouvernement du Canada doit être un chef de file dans la lutte contre la drogue chez les jeunes. Nous pouvons commencer aujourd'hui...

Le Président: La parole est à l'honorable chef de l'opposition.



QUESTIONS ORALES

[Traduction]

LES SOINS DE SANTÉ

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, parlons un peu de l'attaque lancée par les libéraux contre les soins de santé: des milliers de victimes de l'hépatite C ont été abandonnées à leur sort, 188 000 malades sont sur des listes d'attente, 1 400 médecins ont quitté le pays au cours des deux dernières années et les transferts aux provinces ont été réduits de 7 milliards de dollars.

Jusqu'à quel point le ministre de la Santé laissera-t-il la situation se détériorer avant de reconnaître qu'il a un problème?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens d'un bout à l'autre du pays s'inquiètent de l'avenir de l'assurance-maladie. Ils ont été témoins de changements et de réductions ces dernières années. Le gouvernement actuel a dit clairement que l'époque des réductions était révolue.

Le premier ministre a dit clairement que notre prochain réinvestissement majeur serait dans le secteur des soins de santé. Nous avons dit que, dans le prochain budget, le gouvernement réinvestira les dividendes que des années de discipline budgétaire nous ont rapportés.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, plus personne ne croit ces réponses toutes faites des libéraux. Les Canadiens portent attention à ce que les libéraux ont fait dans le secteur des soins de santé et non à ce qu'ils disent.

Les transferts financiers du ministre de la Santé aux provinces n'ont jamais été aussi bas. En Ontario, la portion du financement des hôpitaux assumée par le gouvernement fédéral est tombée de 50 p. 100 à 11,5 p. 100.

Avec 10,4 milliards de dollars en banque, pourquoi les libéraux n'ont-ils rien fait dans un secteur qu'ils disent être leur première priorité?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, nous avons fait beaucoup, qu'il s'agisse du fonds de transition en matière de santé, de l'augmentation de 1,5 milliard de dollars des transferts l'an dernier ou encore de l'augmentation du financement de la recherche sur la santé dans le dernier budget. Je prie instamment le chef de l'opposition d'attendre le prochain budget pour voir la preuve de notre engagement à l'égard de ce réinvestissement.

À propos des transferts, comme le député a parlé de l'Ontario, je tiens à signaler que les réductions d'impôt que cette province a choisi de faire au lieu d'éliminer son déficit lui ont coûté 4 milliards de dollars en recettes fiscales. Voilà la véritable source du problème auquel se heurtent M. Harris et son équipe.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le ministre défend son piètre bilan en s'attaquant aux autres, mais c'est le gouvernement libéral qui a réduit les transferts de 7 milliards de dollars. C'est le ministre qui est responsable des 188 000 malades qui sont sur des listes d'attente.

Je veux savoir combien de gens il doit y avoir sur ces listes d'attente, 250 000, 300 000 ou 500 000, avant que le ministre reconnaisse qu'il a un problème et qu'il ne fait rien pour le régler.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, mis à part le fait que les chiffres cités par le chef du Parti réformiste sont erronés, je crois qu'il y a quelque chose de plus important que les Canadiens devraient remarquer, et c'est l'ironie de voir le chef du Parti réformiste prendre la parole à la Chambre pour s'enquérir de l'état de notre régime d'assurance-maladie.

Les Canadiens se souviendront que c'est cet homme et son parti qui avaient promis de modifier la Loi canadienne sur la santé pour offrir ce qu'ils appelaient un choix. Nous savons ce que cela veut dire. Ils veulent un régime d'assurance-maladie à l'américaine. Ils veulent des soins de santé à l'américaine. Nous sommes ici pour dire que nous n'abolirons jamais l'assurance- maladie comme le feraient les réformistes.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, le ministre peut bien parler de chiffres erronés. Ne sait-il pas que le gouvernement Harris a augmenté les fonds qu'il consacre à l'assurance-maladie? Je suis certain qu'il le sait.

Le gouvernement a un excédent de 10 milliards de dollars, et pourtant nous avons les plus longues listes d'attente dans l'histoire du Canada. Le gouvernement a un excédent de 10 milliards de dollars, et pourtant nos médecins quittent le pays.

À combien doit s'élever l'excédent et combien de gens doit-il y avoir sur les listes d'attente avant que le ministre réagisse?

 

. 1420 + -

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, il est difficile de prendre le député au sérieux parce que nous savons que l'assurance-maladie et la Loi canadienne sur la santé ne sont pas des choses qui lui tiennent à coeur.

C'est un gouvernement libéral qui a fait adopter la Loi canadienne sur la santé. C'est un gouvernement libéral qui a mis en place le régime national d'assurance-maladie dans notre pays et c'est le gouvernement libéral actuel qui montrera encore une fois sa volonté de respecter les principes de la Loi canadienne sur la santé lorsqu'il déposera son budget l'an prochain et qu'il honorera l'engagement pris par le premier ministre lorsqu'il a dit que notre prochaine grande réévaluation serait dans le secteur des soins de santé.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Santé critique l'engagement du député de Macleod à l'égard des soins de santé, mais faisons une comparaison.

Le député de Macleod a passé sept ans à étudier la médecine. Il a ensuite passé 25 ans à pratiquer la médecine. Il voyait 25 malades par jour. Quant à l'avocat qui est devenu ministre de la Santé, son seul contact avec les questions de santé a consisté à courir les ambulances, à Toronto.

Des voix: Bravo!

Des voix: Oh, oh!

M. Preston Manning: J'ai une question, monsieur le Président. Si vous étiez malade, lequel de ces députés iriez-vous voir?

*  *  *

[Français]

LES SURPLUS BUDGÉTAIRES

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, les chiffres sont connus. Après six mois, le surplus budgétaire fédéral est de 10,4 milliards de dollars, dont la moitié vient de la caisse d'assurance-emploi. Par ailleurs, le vérificateur général a déjà écrit que le ministre n'a pas le droit de prendre l'argent dans la caisse d'assurance-emploi. C'est illégal et immoral.

Quand le ministre des Finances va-t-il nous dire s'il respecte l'avis du vérificateur général, ou s'il va changer la loi pour arriver à ses fins?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, ce que le gouvernement fait, c'est de suivre les recommandations du vérificateur général qui, en 1986, a dit au gouvernement précédent qu'il fallait consolider les fonds de l'assurance-emploi dans le Fonds consolidé du gouvernement.

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, quant à suivre l'avis du vérificateur général, est-ce qu'il ne serait pas temps qu'il suive l'avis que celui-ci a donné depuis deux ans, à savoir que le ministre n'a pas d'affaire à se mettre les mains dans la caisse d'assurance-emploi pour prendre l'argent dans les poches des travailleurs? C'est cela qu'il a dit.

Est-ce que sa stratégie ce n'est pas d'attendre que les Fêtes arrivent, et que la Chambre ne siège pas, pour pouvoir tripoter les chiffres de façon immorale et illégale, sans qu'on puisse le questionner, ce vendeur de bateaux?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, depuis qu'on a pris le pouvoir, on a baissé, à chaque année, les cotisations d'assurance-emploi. C'est notre intention, à l'avenir, de baisser les cotisations d'assurance-emploi, de baisser les impôts pour la classe moyenne au Canada et d'investir dans les secteurs d'avenir.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, il y a toujours des limites. Est-ce que le ministre va comprendre que les surplus à l'assurance-emploi appartiennent aux chômeurs à qui on a coupé les prestations et aux cotisants qui ont trop payé?

J'aimerais qu'il réponde à la question suivante. Que veut-il faire avec les milliards de dollars qu'il a accumulés sur le dos des chômeurs? Qu'il nous réponde aujourd'hui, et non pas le 23 décembre pour nous passer un sapin alors que la Chambre ne siège pas.

 

. 1425 + -

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Je viens de répondre, monsieur le Président. C'est notre intention de baisser les cotisations, de baisser les impôts, de baisser la dette et d'investir dans les secteurs d'avenir, de nous donner une économie en croissance, une économie qui, le mois dernier, a créé au-delà de 51 000 nouveaux emplois.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances nous en prépare une belle: des petites baisses du taux de cotisation à l'assurance-emploi. Il va partir avec l'essentiel du surplus pour décréter des baisses d'impôts pour les riches.

Est-ce que le ministre des Finances sait que les ministres, les députés et certains professionnels ne paient pas de cotisations à l'assurance-emploi? Dans ce cas-là, est-ce qu'il ne trouve pas indigne de faire payer par les chômeurs les baisses d'impôts des ministres?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, l'année dernière, on a baissé les cotisations de 1,5 milliard de dollars. Peut-être que ce n'est pas beaucoup d'argent pour le Bloc, mais pour les Canadiens, cela représente une somme énorme.

Lorsqu'on regarde les résultats, au cours des 10 premiers mois de 1998, 321 000 nouveaux emplois ont été créés. Lorsqu'on regarde les intentions d'investissements, lorsqu'on regarde les mises en chantier, lorsqu'on regarde tous les indicateurs de l'économie canadienne, il faut dire qu'ils sont à la hausse. Ça va bien au Canada.

*  *  *

[Traduction]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Le vice-président des États-Unis, M. Al Gore, a fait une intervention énergique au sommet de l'APEC pour manifester son appui à des Malaisiens comme Irene Fernandez, qui luttent pour la démocratie et contre la loi répressive sur la sécurité intérieure et d'autres grossières violations des droits de la personne.

Pourquoi le premier ministre du Canada reste-t-il silencieux sur ces questions et préfère-t-il louanger les élections démocratiques en Malaisie? Le Canada appuie-t-il les exhortations de M. Gore pour la démocratie, ou laissera-t-on Bombardier et d'autres intérêts privés réduire au silence le premier ministre de Malaisie, comme ils l'ont fait en Chine et en Asie?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, comme d'habitude, le député présente une interprétation très sélective et très erronée de ce qui s'est passé là-bas.

Je suis allé en Malaisie et j'ai rencontré personnellement Irene Fernandez, l'épouse d'Anwar et plusieurs autres personnes qui ont fait de la prison. Nous avons soulevé ces questions auprès des ministres du gouvernement malaisien. Le premier ministre vient de dire qu'il a abordé ces questions avec Mahathir lui-même. Contrairement au député, qui fulmine et tient des propos ronflants, nous passons aux choses sérieuses et abordons les vrais problèmes.

Le Président: Je rappelle aux députés d'être très judicieux dans le choix des mots qu'ils emploient à la période des questions, tant dans leurs questions que dans leurs réponses.

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, le ministre sait que le premier ministre n'a pas abordé ces questions avec Mahathir.

Ma question complémentaire s'adresse au solliciteur général. C'est aujourd'hui le moment de vérité pour ce ministre en ce qui a trait à l'enquête sur l'affaire de l'APEC. Mon collègue le député de Palliser a déposé en preuve une déclaration assermentée concernant le fait que le ministre aurait préjugé de l'issue de l'enquête.

Le ministre présentera-t-il lui aussi une déclaration assermentée afin que les Canadiens sachent enfin ce qu'il a dit à bord de cet avion d'Air Canada?

L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai présenté une déclaration assermentée.

*  *  *

LA FISCALITÉ

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, le ministre des Finances a dit hier à la Chambre que les revenus nets avaient augmenté entre 1996 et 1997. Il a omis de dire à la Chambre que les revenus nets ont en réalité diminué entre 1997 et 1998.

Sous son règne aux Finances, les impôts ont augmenté, la rémunération nette a diminué et la dette à la consommation a atteint un sommet sans précédent. Le ministre comprend-il qu'en utilisant des impôts élevés pour garnir son budget et en se reposant sur une politique d'impôts élevés, il a complètement détruit la prospérité future des Canadiens?

 

. 1430 + -

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le député sait sans doute que la valeur nette des Canadiens a augmenté d'une année à l'autre sous notre gouvernement. Le niveau de vie des Canadiens s'est aussi amélioré sensiblement sous notre gouvernement. Nous avons bel et bien réduit les impôts dans le dernier budget, dans une proportion de 7 milliards de dollars au cours des trois prochaines années, et nous continuerons de le faire. Nous nous trouvons en fait à descendre de la montagne d'impôts élevée par le gouvernement précédent.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, le ministre se trompe.

Le fait est que, sous son règne aux Finances, les Canadiens paient les impôts les plus élevés qu'ils aient jamais payés, et que ce sont les Canadiens les plus pauvres qui portent le fardeau fiscal le plus lourd.

Il avait l'habitude de qualifier la TPS d'impôt régressif. Or, la TPS a contribué à combler son déficit. Il s'est servi des politiques qu'il critiquait lorsqu'il siégeait dans l'opposition pour éliminer le déficit.

Réduira-t-il maintenant les impôts et donnera-t-il aux Canadiens l'avenir qu'ils méritent?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, si j'ai bien compris le député, il vient de reprocher au gouvernement de se servir de la TPS pour combler le déficit.

Quand les conservateurs ont introduit la TPS, ils ont dit que c'était pour réduire le déficit. Ils ont institué un plan de réduction du déficit.

Nous nous trouvons à appliquer le plan que le gouvernement conservateur a institué. Il y trouve maintenant à redire, et je puis comprendre qu'il trouve à redire à ce que le gouvernement conservateur a institué. La grande différence, cependant, c'est que nos prédécesseurs ont fait des grimaces devant le déficit alors que nous, nous l'avons éliminé.

*  *  *

LES SOINS DE SANTÉ

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, si un proche parent du ministre de la Santé était malade ou mourant et qu'il était sur une liste d'attente, le ministre changerait d'opinion.

Cela fait cinq ans que le gouvernement prétend qu'il veut améliorer le régime de soins de santé, mais en fait il l'a saigné à blanc, le privant de 7 milliards de dollars.

Voyons si le gouvernement va joindre le geste à la parole. Quelle proportion du surplus de 10 milliards le ministre va-t-il réinvestir dans les soins de santé?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, quand ils sont à bout d'arguments, les réformistes se lancent dans des discours creux. Quand ils sont à bout d'arguments et qu'ils n'arrivent pas à faire valoir leur point de vue, ils se lancent dans ce genre de supposition.

Nous avons dit très clairement que le prochain gros réinvestissement du gouvernement se fera dans le secteur des soins de santé. Même pendant les difficultés des cinq dernières années, nous avons fait preuve d'une détermination soutenue dans le secteur de la santé en augmentant le financement de la recherche sur la santé, les paiements de transfert de 1,5 milliard de dollars...

Le Président: Le député d'Esquimalt—Juan de Fuca.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, en tant que médecin urgentiste, je puis dire au ministre que faire attendre un malade pendant deux jours avant de l'admettre aux soins intensifs, ce n'est pas le soigner.

Je répète ma question au ministre. Pendant que le gouvernement fait traîner les choses, les Canadiens meurent. Les gens veulent plus de lits dans les hôpitaux. Ils veulent être opérés quand ils en ont besoin. Ils en ont assez des beaux discours du gouvernement. Ils veulent des mesures concrètes, pas des paroles en l'air.

Je demande à nouveau au ministre: va-t-il remettre de l'argent dans les soins de santé, et si oui, combien? Sur les 7 milliards que vous avez retirés des soins de santé, combien allez-vous en réinvestir?

Le Président: Chers collègues, n'oubliez pas d'adresser vos questions à la présidence.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le député sait que ce sont les gouvernements provinciaux qui sont responsables de la prestation des services. Il se souviendra également que c'est notre gouvernement qui, dès qu'il a eu assaini ses finances, a haussé de 1,5 milliard de dollars les transferts en matière de santé.

Il ne faut pas oublier non plus que ces questions proviennent d'une source surprenante. Elles viennent du parti qui éliminerait l'assurance-maladie, qui proclame que la Loi canadienne sur la santé est dépassée, qui veut imposer des frais d'utilisation et faire payer aux Canadiens les services médicaux dont ils ont besoin. C'est ce même parti qui...

Le Président: Le député de Trois-Rivières.

*  *  *

[Français]

LA POLITIQUE DE DÉGLAÇAGE

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, un autre exemple de l'absurdité de la politique de déglaçage, c'est que les traversiers entre Québec et Lévis, entre Baie-Comeau et Matane, entre Rivière-du-Loup et Saint-Siméon vont payer, cet hiver, pour le déglaçage, alors que les navires du gouvernement fédéral et les traversiers de Terre-Neuve, eux, ne paieront pas.

 

. 1435 + -

Pourquoi le ministre des Pêches et des Océans a-t-il décidé de traiter injustement les traversiers du Québec par rapport à ceux de Terre-Neuve et aux navires du gouvernement fédéral?

L'hon. David Anderson (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, la proposition actuelle ne s'appliquerait pas au traversier Québec-Lévis, parce que les mouvements intraports, tels que ceux effectués à l'intérieur du port de Québec par ce service de traversier, seraient exemptés.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, le ministre pourrait-il nous dire s'il s'agit seulement de la traverse Québec-Lévis, ou si tous les traversiers du Québec seront exemptés?

L'hon. David Anderson (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, les traversiers qui ne sont pas dans la situation où il y a une garantie constitutionnelle, comme les traversiers entre Terre-Neuve et les autres ports des provinces de l'Atlantique et du Québec, sont maintenant en cours de discussions. Il n'y a pas de décision qui a été prise, malgré ce que le Bloc québécois dit au public ainsi qu'à la Chambre.

*  *  *

[Traduction]

LES SOINS DE SANTÉ

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, je ne peux pas croire le ministre de la Santé. Son gouvernement affiche le pire bilan que le Canada ait connu en matière de soins de santé.

Il a réduit de sept milliards de dollars les transferts aux provinces au titre de la santé. Mille quatre cents médecins ont quitté le Canada pour les États-Unis. Cent quatre-vingt-dix mille malades sont sur les listes d'attente des hôpitaux canadiens.

À combien doit s'élever le surplus budgétaire et combien de gens doit-il y avoir sur les listes d'attente avant que le ministre mette un chiffre sur ce qu'il prétend être sa première priorité? Quel est son chiffre? Combien pour les soins de santé?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le Parti réformiste nous dit aujourd'hui qu'il consacrerait la totalité de l'excédent de 10 milliards de dollars à la santé.

Il y a deux jours, le chef du Parti réformiste déclarait qu'il consacrerait 100 p. 100 du surplus aux réductions d'impôt. Il y a trois semaines, il voulait consacrer tout ce surplus à la réduction de la dette. La seule chose que les réformistes n'ont pas promise, c'est d'utiliser l'excédent pour changer le papier peint de Stornoway.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, écoutez le jumeau Kevorkian, l'homme qui administre une injection fatale au système de santé. Voyez-le se targuer de son rôle.

Le ministre a la tribune aujourd'hui. Après toutes ces questions, il peut nous dire tout de suite combien d'argent il veut réinjecter dans le système de santé. Il prétend que c'est sa première priorité.

Si c'est vraiment sa priorité, combien d'argent veut-il y consacrer? Combien remettra-t-il dans le système de santé?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le ministre de la Santé a déjà répondu à cela. Dans le dernier budget, nous avons augmenté de 1,5 milliard de dollars les transferts aux provinces, surtout pour le système de santé. Pourtant, le Parti réformiste a protesté en affirmant qu'il fallait réduire le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux de 3,5 milliards de dollars.

Pour avoir une idée de ce que veulent vraiment les réformistes, il suffit de jeter un coup d'oeil sur ce que contient leur budget des contribuables, en plus de ces compressions. Ils réduiraient les pensions de vieillesse de trois milliards de dollars. Ils prendraient...

Le Président: La députée de Mercier.

*  *  *

[Français]

LE PROJET DE LOI C-54

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Hier, le ministre de l'Industrie a déclaré, à propos du projet de loi C-54, et je cite:

      [...] Ce n'est pas une intrusion dans les compétences des juridictions provinciales. En effet, il ne s'applique pas du tout à la province de Québec, où il existe déjà un tel projet de loi.

 

. 1440 + -

Comment le ministre de l'Industrie a-t-il pu faire une telle déclaration, quand il sait que tous les ministres de la Justice des provinces et des territoires soutiennent exactement le contraire, et qu'il a été démontré que le projet de loi C-54 aura bel et bien des implications néfastes au Québec?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, nous avons discuté de ce projet de loi pendant la réunion des ministres responsables pour les affaires des consommateurs.

Je leur ai expliqué la situation. Ils ont accepté le fait qu'il était nécessaire que le gouvernement fédéral présente un tel projet de loi pour protéger les intérêts des consommateurs et des particuliers et protéger l'information privée à leur sujet.

Dans le cas de la province de Québec, il y a déjà un projet de loi qui touche aux entreprises de juridictions provinciales et ce projet de loi ne s'appliquera pas. C'est simple.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, le ministre sait qu'en vertu de ce qu'on retrouve dans le projet de loi, la loi s'appliquera au Québec et que, de l'avis de la Commission d'accès à l'information du Québec, le projet de loi C-54 affaiblit la protection que les Québécoises et les Québécois ont maintenant.

Qu'a-t-il à répondre à la Commission d'accès à l'information du Québec?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, le projet de loi qui existe en ce moment au Québec, qui a été adopté par l'ancien gouvernement de Daniel Johnson, protège très bien les intérêts des Québécois et des Québécoises, sauf dans les secteurs comme les télécommunications, les banques et autres, qui sont de juridiction fédérale.

Nous allons protéger les intérêts des Québécois et des Québécoises, même dans ces secteurs qui ne sont pas de juridiction provinciale, et assurer aussi une protection pour tous les autres Canadiens dans les provinces où il n'existe pas de protection dans les secteurs provinciaux.

*  *  *

[Traduction]

LA FISCALITÉ

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, le projet du gouvernement de remplacer Revenu Canada par une gigantesque agence de perception des impôts est inutile, coûteux et risquerait d'entraîner un fouillis comme le IRS, aux États-Unis, qui ne rend pas de comptes.

J'ai une question à poser au ministre du Revenu. Pourquoi le gouvernement impose-t-il à notre pays une agence de perception des impôts à l'américaine si la fonction publique, les provinces et les Canadiens n'en veulent pas?

L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, au cours de la dernière année, j'ai parcouru le pays pour consulter les Canadiens, les autorités provinciales et les intéressés. Les Canadiens ont dit que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient collaborer. Les Canadiens veulent que nous réduisions les chevauchements et le double emploi. Ils veulent que nous supprimions les tracasseries administratives. Les provinces sont favorables. C'est ce que veulent les Canadiens. Nous les avons écoutés, nous les avons entendus et nous répondons à leurs désirs.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, il y a donc des provinces intéressées par ce projet? C'est un peu comme les sans-abri que le premier ministre compterait parmi ses amis. Ils n'existent que dans son imagination. Que le ministre nomme une seule province qui s'engage à collaborer avec cette agence de style IRS.

Pourquoi le ministre va-t-il de l'avant, alors qu'il a sillonné le pays et que pas une seule province se s'est montrée disposée à appuyer ce projet? Les provinces ne sont pas d'accord. Pourquoi le ministre ne prend-il pas un instant pour consulter les Canadiens, avant de commettre l'irréparable en mettant sur pied une agence de style IRS n'ayant aucun compte à rendre? collègues

L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, nous avons consulté les Canadiens de tout le pays, et c'est la première fois depuis le 23 février que le député pose cette question. Nous avons signé une entente avec la Nouvelle-Écosse pour envisager de percevoir les cotisations à la Commission des accidents du travail. Le député devrait lire les propos qu'ont tenus le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick et celui de la Saskatchewan. Si le député s'intéressait davantage à ce qui se passe au ministère du Revenu plutôt qu'à l'Alternative unie, il en saurait beaucoup plus sur ce ministère.

*  *  *

[Français]

LE TRANSPORT ROUTIER

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, suite aux demandes répétées du gouvernement du Québec de reconduire le Programme stratégique d'amélioration routière, le ministre des Transports a toujours rejeté la faute de son inaction sur le dos des provinces.

Le ministre convient-il que plusieurs projets essentiels au développement économique et à la sécurité routière, comme la route 175 entre le Saguenay et Québec et la route 389 entre Baie-Comeau et le Labrador, sont menacés parce qu'il refuse de bouger dans ce dossier? Quand va-t-il bouger?

 

. 1445 + -

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, les deux routes en question font partie d'un réseau routier national. J'ai dit publiquement, non seulement à la Chambre, mais aussi aux ministres des provinces, qu'un autre programme de routes nationales sera mis en place si des fonds sont disponibles. Le cas échéant, il appartiendra aux provinces de décider d'affecter des fonds à ces routes.

*  *  *

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au président du Conseil du Trésor.

Le projet de loi C-44 propose que les administrateurs de la Société Radio-Canada soient nommés à titre amovible alors que, en ce moment, ils sont nommés à titre inamovible.

Le ministre peut-il donner à la Chambre l'assurance que l'indépendance de la SRC ne sera pas compromise?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, l'indépendance de la SRC est reconnue dans la Loi sur la radiodiffusion. Cependant, le gouvernement veut dissiper l'incertitude. Des consultations ont donc été menées auprès des membres de notre groupe parlementaire, dont la députée de Parkdale—High Park. Je leur suis reconnaissant de leurs propositions. Le gouvernement a décidé d'amender le projet de loi C-44 pour que les personnes nommées par décret administrateurs de la SRC soient toujours nommées à titre inamovible.

[Français]

Je veux souligner ici que le gouvernement a décidé de modifier le projet de loi C-44 pour maintenir le mode de nomination...

Des voix: Oh, oh!

Le Président: L'honorable député de Lethbridge a la parole.

*  *  *

[Traduction]

L'ENVIRONNEMENT

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, un an s'est écoulé depuis que le Canada a signé l'accord sur l'environnement à Kyoto et le gouvernement refuse toujours d'admettre combien cet accord coûtera aux Canadiens. Nous posons cette question depuis plus d'un an.

Selon une étude de Standard and Poor's réalisée à la demande du gouvernement, étude qu'il avait en main quand il est allé à Kyoto, l'observation de l'accord de Kyoto coûterait jusqu'à 7 000 $ par ménage.

La ministre de l'Environnement peut-elle nous dire où les contribuables canadiens, qui sont déjà surtaxés, vont aller chercher ces 7 000 $ supplémentaires?

L'hon. Christine Stewart (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, il est incroyable que le Parti réformiste connaisse si mal la question des changements climatiques.

Depuis Kyoto, il y a eu beaucoup de discussions au Canada, d'un océan à l'autre et à l'autre. La vaste majorité des Canadiens nous disent qu'ils se préoccupent de cette question. Ils veulent que des mesures soient prises et ils passeront à l'action. Nous leur fournissons les outils pour le faire.

Je me réjouis que d'autres Canadiens estiment que c'est une question très importante et qu'ils ne laissent pas ce parti leur servir de guide.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, les discussions de Kyoto et d'Argentine n'ont rien donné.

Le Sénat américain a déclaré qu'il ne signerait pas l'accord, quoi que fasse le Canada. Des pays en développement ne le signeront pas non plus.

Je pose de nouveau ma question. Où les familles canadiennes, qui sont déjà surtaxées et dont le revenu disponible diminue, vont-elles trouver 7 000 $ de plus?

L'hon. Christine Stewart (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le député est très mal renseigné sur ce que le gouvernement a fait au sein de la communauté internationale.

Les pays en développement sont en faveur de l'accord. À Buenos Aires, ils ont souscrit au calendrier et à l'élaboration de définitions pour trois mécanismes. Un de ces mécanismes est celui du développement propre et ils comprennent que cela leur procurera d'importants avantages sur le plan de la protection de l'environnement et du développement durable.

Le Canada travaille avec toutes les parties à l'échelle internationale pour s'assurer que tous les objectifs en matière de changements climatiques seront atteints. C'est important pour la sécurité non seulement du Canada, mais encore du monde entier.

*  *  *

LE TABAC

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, le 3 juin 1998, le ministre de la Santé a déclaré publiquement qu'il appuyait les principes qui sous-tendent le projet de loi S-13. Il a dit que ce projet de loi était astucieux, puisqu'il établit un lien entre l'imposition d'un droit sur le tabac et les programmes de prévention.

Lundi dernier, le ministre a refusé de répondre quand on lui a demandé ses intentions concernant un prélèvement sur les cartouches de cigarettes.

J'espère que le ministre ne se dérobera pas aujourd'hui, car je voudrais savoir s'il pense que l'imposition, aux fins de prévention, d'un droit de 50¢ par cartouche est une bonne chose ou non.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, depuis 1994, le gouvernement actuel a haussé les taxes sur les cigarettes à trois reprises, les faisant passer de 2,50 à 5 $ la cartouche selon la province.

 

. 1450 + -

Depuis 1994, nous avons mis en application les mesures législatives les plus rigoureuses de tout l'Occident. Nous avons affecté 100 millions de dollars à la lutte antitabac. Nous avons maintes fois prouvé le sérieux avec lequel nous poursuivons cette lutte au Canada et nous continuerons de le faire.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, aux fins du compte rendu, je rappelle que le 3 juin le ministre a déclaré que le projet de loi S-13 était excellent, astucieux et bien fondé, et que nous devrions l'adopter. Mais il est intéressant de noter qu'il a ajouté que certaines institutions résistaient à l'idée du prélèvement d'un droit de 50¢ par cartouche.

Le ministre peut-il me dire si la résistance vient du gouvernement dont il fait partie?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, en principe, nous appuyons tous la lutte antitabac, en particulier chez les jeunes. Nous voulons tous les empêcher de fumer, mais là n'est pas la question. La députée sait pertinemment que ce projet de loi soulève des questions procédurales et constitutionnelles.

Peu importe ce qui arrivera à ce projet de loi, je tiens à dire que nous allons examiner les principes qui le sous-tendent pour voir comment les intégrer à nos plans et comment nous allons dépenser l'argent, l'énergie et les forces que nous pourrons rassembler pour lutter contre le tabagisme chez les jeunes. Peu importe le sort qu'aura ce projet de loi, nous allons utiliser ses principes pour consolider nos efforts.

*  *  *

L'ENQUÊTE SUR LES ÉVÉNEMENTS DU SOMMET DE L'APEC

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, en juin 1991, alors qu'il était dans l'opposition, le premier ministre a dit que si le système de responsabilité et d'intégrité ministérielles n'était pas respecté, la population n'aurait jamais confiance dans la fonction publique du Canada.

En refusant de rendre compte pleinement de ses discussions irresponsables et indiscrètes du 1er octobre, le solliciteur général et son chef n'ont toujours pas respecté ce principe.

Je pose la question suivante au solliciteur général. Maintenant qu'il a déposé un affidavit, est-il disposé à comparaître devant la Commission des plaintes du public, à témoigner sous serment et à se soumettre à un contre-interrogatoire?

L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit plus tôt, j'ai déposé un affidavit et, de ce fait, c'est dorénavant à la Commission des plaintes du public qu'il incombe de déterminer ce qui se produira à partir de maintenant; je suis prêt à coopérer de la façon qu'elle le jugera utile.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, j'espère que cela comprend le fait de témoigner.

Si le solliciteur général se contente de tout nier, les Canadiens ne seront pas satisfaits. Ceux-ci veulent connaître la vérité et ils souhaitent qu'on leur rende des comptes. Ils veulent à ce sujet des détails crédibles du solliciteur général qui semble mal comprendre la notion de sincérité.

Le député de Palliser...

Le Président: Le député devrait bien peser ses mots. Je l'invite à poser sa question sans plus tarder.

M. Peter MacKay: Monsieur le Président, selon certaines sources, le solliciteur général aurait discuté de questions financières concernant Gerald Morin. Je demande au solliciteur général s'il va maintenant confirmer ou nier que ces discussions ont eu lieu. S'il refuse de nous le dire ici, va-t-il nous le dire si c'est prévu dans l'affidavit?

L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, compte tenu de son expérience, le député sait sûrement que, maintenant que j'ai déposé un affidavit, le processus suit son cours, Essentiellement, j'attends que la Commission des plaintes du public décide de la suite des événements qu'elle jugera adéquate.

*  *  *

L'AMÉRIQUE CENTRALE

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Compte tenu des dégâts que l'ouragan Mitch a causés en Amérique centrale et des bouleversements sociaux et économiques qu'il a provoqués, la ministre s'engage-t-elle à retarder les expulsions vers cette région en difficulté?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à donner au député de London—Fanshawe et à tous les autres députés l'assurance que nous suivons de très près l'évolution de la situation en Amérique centrale et que nous examinons tous les dossiers d'expulsion vers cette région au cas par cas. Il est évident que nous ne voulons pas faire courir de risques aux personnes en cause.

Je dois ajouter que les ressortissants de l'Amérique centrale qui se trouvent légalement chez nous en ce moment, qu'il s'agisse de visiteurs, d'étudiants ou de travailleurs temporaires, ont la possibilité de faire prolonger leur visa.

*  *  *

LA SANTÉ

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens ont beaucoup entendu parler dernièrement du climat de peur qui sévit à la Direction générale de la protection de la santé. Les scientifiques sont censés être indépendants. Ils sont censés être les protecteurs des Canadiens.

 

. 1455 + -

Ces mêmes scientifiques ont rapporté que le ministère avait recours à des tactiques d'intimidation. Le sous-ministre lui-même a reconnu qu'il y avait des problèmes qu'on ne pouvait ignorer. Une enquête interne a été annoncée. Le ministre est-il prêt à s'engager, aujourd'hui à la Chambre, à rendre le rapport public?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, comme le sous-ministre l'a reconnu, il y a certains problèmes à la Direction générale de la protection de la santé sur lesquels on doit se pencher et on s'en occupe.

De nombreuses mesures ont été prises au cours des dix-huit derniers mois seulement. Nous avons supprimé certaines réductions annoncées dans les laboratoires d'analyse d'aliments. Nous avons nommé un conseil consultatif scientifique autonome. Nous avons entrepris un processus de transition intensif d'une durée de trois ans prévoyant des consultations publiques dans le cadre de la restructuration de la Direction générale de la protection de la santé.

Nous avons prévu une somme de 125 millions de dollars au cours des cinq prochaines années pour améliorer les règles sur l'approvisionnement en sang. Nous sommes déterminés à voir à ce que la Direction générale de la protection de la santé fasse bien son travail pour le bien-être de tous les Canadiens.

*  *  *

[Français]

AUGUSTO PINOCHET

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, l'ex-dictateur du Chili, Augusto Pinochet, a été accusé de crimes contre l'humanité par les tribunaux espagnols et est aujourd'hui détenu dans un hôpital de Londres, dans l'attente d'un verdict de remise en liberté ou d'extradition.

Ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères. Si le gouvernement ne considère pas que les droits de la personne sont seulement de la rhétorique, et compte tenu de la demande qui vient d'être adressée par une citoyenne canadienne victime de torture, le gouvernement est-il prêt à appuyer la demande d'accuser le général Pinochet de crimes contre l'humanité et de demander son extradition au Canada?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je crois qu'on peut classer cette question purement hypothétique sous la rubrique de la politique générale.

Le fait est que M. Pinochet se trouve à l'heure actuelle en Grande-Bretagne. Son dossier est à l'étude par le comité juridique de la Chambre des lords. Nous nous attendons à ce qu'une décision soit rendue par le comité en vertu de la loi britannique. Il restera à déterminer en temps et lieu la façon dont cette décision pourra être appliquée en vertu de la loi canadienne actuelle.

J'aimerais rappeler que la Chambre des communes étudie en ce moment un projet de loi important portant sur l'extradition et que ce projet pourrait modifier de façon substantielle les règles du jeu s'il était adopté.

*  *  *

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Le gouvernement tente actuellement de conclure avec la province de la Nouvelle-Écosse une entente pour la vente d'actifs liés à la base Shearwater, dont les droits fonciers et les droits de propriété sur l'ensemble de l'infrastructure, de la jetée au terrain d'aviation, ainsi que certains immeubles au centre-ville.

Il est temps que le gouvernement nous dise honnêtement quel sera l'impact de ses négociations à huis clos sur les travailleurs de la région de Halifax. À combien se chiffreront les pertes d'emplois? Certains travaux seront-ils effectués à contrat? Dans l'affirmative, lesquels?

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, les pourparlers que nous menons actuellement avec la province de la Nouvelle-Écosse et avec la Shearwater Development Corporation, ont pour but d'utiliser les terres dont le ministère de la Défense nationale n'a plus besoin au profit des habitants de cette province et de cette ville, de développer l'économie et de créer des débouchés pour la création d'emplois. Nous poursuivons nos discussions, qui devraient avoir une issue très positive.

*  *  *

L'IMMIGRATION

M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de l'Immigration. Un certain nombre de Kurdes turcs victimes de persécutions sont arrivés au Canada et ont obtenu le statut de réfugié.

Le ministre n'ignore sans doute pas que la situation des Kurdes en Turquie les amène souvent à utiliser de faux documents. Deux de ces réfugiés ont été pris en possession de faux documents par les autorités turques. Ces deux personnes sont maintenant en sécurité au Canada, mais le ministère de l'Immigration exige de chacune d'elles un droit de réhabilitation de 1 000 $ pour avoir utilisé ces documents.

Comment la ministre peut-elle justifier l'imposition de ce droit à des réfugiés sans le sou, dont le seul crime est d'avoir utilisé de faux documents pour fuir la répression dans leur pays d'origine?

[Français]

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, comme on le sait, on a un processus des plus généreux au monde en matière de reconnaissance du statut de réfugié, et notre législation permet justement d'accueillir ces personnes, à travers le monde, qui sont persécutées.

Cela étant dit, il est très clair que lorsque les personnes demandent la protection du Canada, elles doivent déclarer des renseignements exacts aux autorités canadiennes.

*  *  *

[Traduction]

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, le secrétaire d'État chargé de l'Afrique, l'Amérique latine et les Antilles est récemment revenu de la Trinité, du Suriname et de la Guyane. Le ministre peut-il nous dire ce qui a été fait pour promouvoir les relations bilatérales et les intérêts du Canada dans cette région?

 

. 1500 + -

L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Monsieur le Président, j'ai poursuivi, dans les trois pays, la coopération aux chapitres de la lutte contre le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée, la promotion des échanges commerciaux et des investissements et la négociation d'une zone de libre-échange des Amériques.

À la Trinité, j'ai participé au lancement d'une mission canadienne de promotion du commerce et des investissements. En Guyane et au Suriname, j'ai rencontré les présidents de ces deux États pour discuter de ces deux questions et d'autres sujets.

En définitive, je crois que mon voyage a été utile à la fois pour les Canadiens et pour les habitants de ces trois pays. Je remercie la députée de sa question.

*  *  *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je veux informer la Chambre que demain, 19 novembre 1998, sera un jour réservé à l'opposition alors que nous débattrons d'une motion présentée par un député du Bloc québécois.

Je veux également informer la Chambre que mardi le 1er décembre 1998 sera le dernier jour désigné de la présente période de crédits.



LA SANCTION ROYALE

[Traduction]

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. J'ai l'honneur d'informer la Chambre que j'ai reçu le message suivant:

    Résidence du Gouverneur général,
    Ottawa,

    le 18 novembre 1998

    Monsieur le Président,

    J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable Roméo LeBlanc, Gouverneur général du Canada, se rendra à la Chambre du Sénat aujourd'hui, le 18 novembre 1998 à 15 heures, afin de donner la sanction royale à un projet de loi.

    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

    Le secrétaire du Gouverneur général,
    Judith A. LaRocque

 

. 1505 + -

En attentant que le messager du Sénat arrive, je propose que nous amorcions les affaires courantes. Je les interromprai au moment opportun.



AFFAIRES COURANTES

[Français]

L'ADMINISTRATION DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

Le Président: J'ai l'honneur de déposer sur le Bureau le Rapport sur le rendement de l'administration de la Chambre des communes pour la période d'avril 1997 à septembre 1998.

*  *  *

[Traduction]

L'EXPORTATION DE BIENS MILITAIRES

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 32 du Règlement, j'ai le plaisir de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 1997 sur l'exportation de biens militaires en provenance du Canada.

*  *  *

NOMINATIONS PAR DÉCRET

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, quelques décrets annonçant les nominations faites récemment par le gouvernement.

Conformément au paragraphe 110(1) du Règlement, ces décrets sont renvoyés d'office aux comités permanents énumérés dans la liste jointe.

*  *  *

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 20 pétitions.

*  *  *

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Monsieur le Président, en vertu de l'article 34 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, deux rapports de la section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, ainsi que le rapport financier y afférent.

Le premier rapport a trait à la réunion du bureau qui s'est tenue à Abidjan, Côte-d'Ivoire, le 4 juillet 1998 et le second a trait à la 24e session ordinaire qui s'est tenue du 7 au 9 juillet 1998 à Abidjan, Côte-d'Ivoire.

*  *  *

 

. 1510 + -

[Traduction]

LOI SUR LA RESPONSABILITÉ DE L'INDUSTRIE DU TABAC

 

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.) propose: Que le projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes et instituant un prélèvement sur l'industrie du tabac, soit lu pour la première fois.

—Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour proposer que le projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes et instituant un prélèvement sur l'industrie du tabac, soit lu pour la première fois. Le projet de loi S-13 est important en ce qu'il va permettre un prélèvement de 120 millions de dollars sur l'industrie pour combattre le tabagisme chez les jeunes au moyen de programmes éducatifs.

Le produit du prélèvement servira à financer une fondation indépendante, la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme, et est contrôlé par le conseil d'administration de celle-ci, qui se compose de spécialistes de la publicité destinée aux enfants. Je me réjouis de parrainer ce projet de loi à la Chambre des communes.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la première fois.)

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement à cet égard. Je laisse à la présidence le soin de décider si je dois procéder maintenant, étant donné que nous pourrions être interrompus d'un moment à l'autre. Je peux exprimer mon opinion maintenant ou plus tard, selon le voeu de la présidence.

Le Président: On m'informe que le messager arrivera sous peu. Ce recours au Règlement suscitera probablement un certain nombre d'interventions, je crois.

J'aimerais, si possible, entendre toute l'information en même temps et donc attendre à plus tard pour entendre le recours au Règlement du leader du gouvernement à la Chambre des communes. J'ai l'intention d'écouter les conseils des députés sur la façon dont nous devrions procéder.

Si vous le voulez bien, c'est ce que nous allons faire. Nous suspendrons le tout jusqu'après la sanction royale.

M. Peter Adams: Monsieur le Président, nous pourrions poursuivre avec les affaires courantes.

Le Président: Je veux bien, mais je veux soumettre cela à la Chambre.

Y a-t-il consentement unanime pour poursuivre les affaires courantes et pour revenir plus tard à ce recours au Règlement?

Des voix: D'accord.

*  *  *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

GARDE ET DROIT DE VISITE DES ENFANTS

 

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il y a eu des consultations entre tous les partis à la Chambre, et vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour que la motion suivante soit adoptée sans débat:

    Que le 1er rapport du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants, présenté le mardi 17 novembre 1998, soit agréé.

(La motion est adoptée.)

*  *  *

 

. 1515 + -

PÉTITIONS

L'ENVIRONNEMENT

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par des habitants de Grand Bend, de Forest et de Sarnia. Ces pétitionnaires signalent que le MMT ajouté à l'essence nuit au fonctionnement des dispositifs antipollution et entraîne des niveaux supérieurs de smog, ce qui sera préjudiciable aux orientations sur les changements climatiques que nous avons adoptées à Kyoto.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'interdire l'utilisation du MMT.

L'ÉQUITÉ SALARIALE

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions signées par des électeurs de ma circonscription. Ces pétitionnaires disent que le gouvernement du Canada ne s'est pas encore conformé à l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, article concernant un traitement égal pour un travail de valeur égale.

Les pétitionnaires estiment que le Parlement devrait enjoindre au gouvernement de se conformer immédiatement aux ordonnances que le Tribunal canadien des droits de la personne a rendues dans le dossier de l'équité salariale.

L'APEC

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, j'ai aujourd'hui l'honneur de présenter deux pétitions. La première est signée par des habitants de la Colombie-Britannique qui s'inquiètent de ce que les participants à l'APEC entretiennent des relations économiques avec des pays dont le dossier est déplorable au chapitre des droits de la personne.

Les pétitionnaires soulignent que l'APEC n'offre aucune tribune pour la discussion des conditions sociales, y compris les droits de la personne et ceux des travailleurs, qu'elle est antidémocratique et qu'elle permet simplement à des élites du milieu des affaires et du monde politique de se rencontrer derrière des portes closes.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'interrompre ses pourparlers avec l'APEC tant que cet organisme refusera de discuter des droits de la personne, de la main-d'oeuvre et d'autres préoccupations sociales et de démocratiser ses travaux en faisant participer à ses discussions des représentants des travailleurs et d'autres groupes de la société.

L'OBJECTION DE CONSCIENCE

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une deuxième pétition. Les pétitionnaires font remarquer que la Loi constitutionnelle du Canada garantit la liberté de conscience et de religion dans la Charte des droits et libertés et que même avant cela, l'objection de conscience était reconnue au Canada. Ils demandent au Parlement d'instituer une taxe pour la paix en adoptant le projet de loi sur l'objection de conscience que j'ai présenté.

Ce projet de loi reconnaît le droit des objecteurs de conscience de ne pas contribuer aux dépenses militaires. En vertu de ce projet de loi, le gouvernement s'engagerait à utiliser la partie des recettes fiscales, qui autrement serait réservée au budget militaire, à des fins pacifiques, notamment la sensibilisation à la paix, l'aide aux victimes de la guerre, l'aide humanitaire, les causes écologiques et le logement.



LA SANCTION ROYALE

[Traduction]

Le gentilhomme huissier de la verge noire apporte le message suivant:

    Monsieur le Président, c'est le désir de Son Excellence le Gouverneur général que cette honorable Chambre se rende immédiatement auprès de lui dans la salle du Sénat.

En conséquence, le Président et les députés se rendent au Sénat.

 

. 1525 + -

Et de retour:

Le Président suppléant (M. Earle): J'ai l'honneur de faire savoir à la Chambre que, lorsqu'elle s'est rendue au Sénat, il a plu à Son Excellence le Gouverneur général de donner, au nom de Sa Majesté, la sanction royale au projet de loi suivant:

    Projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les juges et d'autres lois en conséquence—Chapitre 30.



AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

PÉTITIONS

LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition au nom d'un certain nombre d'habitants de Kamloops, en Colombie-Britannique, qui ont analysé le régime fiscal et ont un certain nombre de recommandations à formuler en vue de la réforme fiscale.

Plutôt que de vous énumérer ces recommandations, je me contenterai de dire qu'elles visent une importante réforme fiscale dans l'esprit de celle proposée par la Commission Carter dans les années 60.

LA CRUAUTÉ ENVERS LES ANIMAUX

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Monsieur le Président, sur un autre sujet, des pétitionnaires de diverses collectivités du centre de la Colombie-Britannique se disent préoccupés par l'attitude plutôt apathique des tribunaux à l'égard des gens qui se montrent cruels de diverses façons envers les animaux.

 

. 1530 + -

Ils jugent que les peines imposées sont tout à fait inadéquates et que les juges devraient suivre un cours sur la gravité de ce crime.

LA RÉUNION DE L'APEC

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Monsieur le Président, j'ai une autre pétition sur la réunion des pays de l'APEC. Les pétitionnaires craignent que les ententes possibles découlant de la réunion des pays de l'APEC ne mettent inévitablement de côté toutes les préoccupations au sujet des droits de la personne ou des normes environnementales ou du travail.

Ils espèrent que toutes les ententes conclues à l'avenir par le gouvernement du Canada engloberont ces éléments essentiels.

M. Peter MacKay: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je tiens à dire, en tant que concitoyen de la Nouvelle-Écosse, à quel point je suis heureux de vous voir au fauteuil aujourd'hui.

LE PROJET DE LOI C-68

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter une pétition de citoyens de Delta qui souhaitent attirer l'attention de la Chambre sur leurs préoccupations relativement à la loi C-68.

Ils voudraient que les centaines de millions de dollars de deniers publics qu'on gaspille pour l'enregistrement des armes à feu soient utilisés plutôt pour assurer une plus grande présence policière dans nos rues.

*  *  *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

[Traduction]

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.

J'ai trois questions. La question no 119 a été posée le 17 septembre, la question no 132 le 21 septembre et la question no 138 le 24 septembre. Le temps passe et je n'ai toujours pas reçu de réponse.

Deux de ces questions concernent l'utilisation par le gouvernement de la méfloquine et le fait que la famille d'un ancien combattant ne peut toucher des prestations de pension, car elle n'a pas reçu les renseignements nécessaires pour appuyer sa cause. Ces questions devraient permettre d'obtenir une partie de ces renseignements. Je voudrais savoir quand on va y répondre.

M. Peter Adams: Monsieur le Président, j'ai pris note des questions nos 119, 132 et 138. Je peux garantir au député que je vais voir où elles en sont rendues le plus tôt possible.

Je signale que cette semaine, notamment, nous avons déposé la réponse à près de 100 pétitions. Cela a été une semaine très occupée et productive. Je vais voir où on en est avec ces questions.

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.

Depuis les élections de 1997, nous avons constaté à maintes reprises que le gouvernement ne se préoccupe pas de répondre aux questions, alors que le Règlement l'oblige à répondre dans un certain délai.

Je me demandais si le secrétaire parlementaire ne pourrait pas, au lieu de simplement étudier cette question, nous dire demain quand on répondra à ces questions. Ce sont des questions très importantes, qu'elles viennent du Parti réformiste, du Parti conservateur, du Bloc québécois ou du Nouveau Parti démocratique.

Ces questions sont au Feuilleton parce que des dispositions du Règlement permettent qu'on le fasse de façon à obtenir des renseignements du gouvernement. Pourtant, celui-ci refuse de respecter le Règlement.

Je demande que le secrétaire parlementaire fasse rapport à la Chambre demain et nous dise à quelle date on répondra à ces questions.

M. Peter Adams: Monsieur le Président, les députés ont tout à fait raison de se préoccuper de ces questions. Je continuerai de faire tout mon possible.

 

. 1535 + -

Pour le moment, nous avons répondu à 85 p. 100 des pétitions et presque 75 p. 100 des questions. Je continuerai de faire tout mon possible pour avoir les réponses.

Le Président: Sommes-nous d'accord pour que toutes les questions restent au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

*  *  *

DEMANDES DE DOCUMENTS

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les motions portant production de documents soient reportées.

Le Président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

*  *  *

RECOURS AU RÈGLEMENT

LE PROJET DE LOI S-13

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement au sujet du projet de loi S-13.

Le projet de loi a été adopté dans l'autre endroit et en est à l'étape de la première lecture à la Chambre. Bien que le débat n'ait pas encore débuté, ce projet de loi a été présenté, et c'est la première occasion que j'ai de prendre la parole à son sujet par un recours au Règlement. Je veux voir si la Constitution et nos règles de procédure permettent à l'autre endroit d'avoir l'initiative de ce projet de loi.

Je tiens à préciser au départ que je ne prends nullement position, pour l'instant, au sujet du contenu du projet de loi. J'aurai tout le temps voulu pour le faire plus tard. Pour l'instant je défends, à titre de leader du gouvernement à la Chambre des communes, les règles, les droits et privilèges de cette Chambre et de tous les députés qui y siègent.

La difficulté que soulève le projet de loi S-13, dont l'autre endroit a eu l'initiative, c'est que, comme j'entends le démontrer, ce projet de loi est un projet de loi financier et qu'en vertu de la Constitution et des règles de procédure, seule la Chambre des communes peut avoir l'initiative de ce genre de mesure, et seulement après que la Chambre ait adopté une motion de voies et moyens proposée par un ministre.

Je sais que le Président de l'autre endroit a pu statuer sur cette question lorsque le projet de loi y était à l'étude. La question qui se pose ici cependant concerne les droits constitutionnels de la Chambre des communes et seul le Président de la Chambre des communes, et nul autre que lui, est autorisé à faire valoir ces droits.

D'autre part, j'estime que le projet de loi S-13 contrevient à des articles du Règlement de la Chambre des communes, et aucune décision rendue dans l'autre endroit ou ailleurs ne peut influer sur l'interprétation que le Président de la Chambre des communes fait du Règlement de la Chambre.

Deux principes sont en cause ici. Le premier est énoncé à la page 491, 4e édition, de l'ouvrage de Bourinot, Parliamentary Practice:

    Règle générale, les projets de loi d'intérêt public peuvent provenir de l'une ou l'autre Chambre; mais du moment que ces projets de loi... entraînent directement ou indirectement la levée d'impôts, la Chambre des communes doit en avoir l'initiative, conformément à la loi...

Ce commentaire est fondé sur l'article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui précise:

    Tout bill ayant pour but l'appropriation d'une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d'impôts, devra originer dans la Chambre des communes.

À la page 430 de son ouvrage, Bourinot énonce le principe suivant:

    C'est maintenant un principe établi de tout gouvernement constitutionnel que toute proposition à l'effet d'imposer des taxes ou impôts ne sera faite que du consentement des ministres de la Couronne.

Selon la première proposition, le projet de loi doit provenir de la Chambre des communes et, selon la seconde proposition, ce projet de loi doit être présenté avec le consentement des ministres.

Ce principe est repris dans les dispositions du Règlement qui régissent les mesures financières. L'article 83.1 du Règlement dispose que seul un ministre de la Couronne peut déposer un avis de voies et moyens; la motion qui en découle, en vertu de notre procédure, doit être adoptée avant qu'un projet de loi financier ne puisse être présenté. Étant donné que, de toute évidence, le projet de loi S-13 ne répond ni à l'un ni à l'autre de ces principes, il faut se demander si c'est un projet de loi fiscale. Selon moi, il ne répond pas à ces principes et c'est un projet de loi fiscale.

 

. 1540 + -

Ce que j'affirme s'explique par les raisons suivantes. Le projet de loi S-13 propose d'instituer ce qu'on appelle un prélèvement de 50 cents la cartouche de cigarettes et autres produits du tabac. Ce prélèvement permettrait, nous dit-on, de percevoir 70 millions de dollars qui seraient versés à une fondation non gouvernementale, laquelle appuierait des programmes d'éducation sanitaire et de lutte antitabac, et fournirait un financement transitoire pour les arts, les sports et les producteurs de tabac.

Les partisans du projet de loi affirment qu'il ne s'agit pas d'une taxe, mais bien d'un prélèvement et que, par conséquent, il n'a pas à faire l'objet d'une motion de voies et moyens et qu'il peut être présenté dans l'autre endroit. Cette affirmation est basée, prétendent-ils, sur un commentaire tiré de la vingt-deuxième édition, page 779, de l'ouvrage Parliamentary Practice d'Erskine May , qui dit ce qui suit:

    Les prélèvements sur une industrie à des fins qui lui sont bénéfiques ne sont pas couverts par les règles de la procédure financière et n'ont pas à être autorisés par une motion de voies et moyens.

Même si Erskine May s'arrêtait là, on est en droit de se demander si le prélèvement proposé est bénéfique pour cette industrie.

Mais le commentaire poursuit ainsi:

    Les lois modernes contiennent souvent des dispositions imposant d'autres genres de tarifs ou de paiements qui, s'ils ne constituent pas des impôts au sens strict, s'en rapprochant suffisamment pour être traités comme étant «des charges pour les contribuables» et doivent donc être autorisés par une motion de voies et moyens proposée par un ministre.

La distinction entre les paiements qui sont et ceux qui ne sont pas couverts par les règles de procédure financière n'est pas toujours très claire. De l'avis de May, «lorsque le paiement est imposé pour couvrir les coûts d'un système de réglementation d'intérêt général par opposition à un système de réglementation visant un seul secteur», il faut recourir à la motion de voies et moyens.

Erskine May est très clair: il faut que le droit s'applique à un secteur bien défini et qu'il soit levé dans l'intérêt de ce même secteur. Ce n'est pas le cas en l'occurrence.

Par sa nature, le projet de loi, dont les objectifs sont très louables, en est un de politique gouvernementale générale puisqu'il vise à réduire les coûts médicaux liés au tabagisme chez les jeunes et également à soutenir les agriculteurs qui cultivent le tabac et d'autres personnes. Ce ne sont de toute évidence pas les fabricants de produits du tabac qui bénéficieront du droit, mais bien les fumeurs, les agriculteurs et la population en général. C'est clairement l'intention et le fond du projet de loi.

D'ailleurs, il est précisé dans le sommaire du projet de loi qu'il vise à réduire l'usage du tabac parmi les jeunes Canadiens. Il est donc clair que cela ne répond pas au critère donné par Erskine May, à savoir, que le droit doit être payé par un secteur industriel bien précis et viser l'intérêt de ce secteur. En l'occurrence, ce serait plutôt le contraire.

[Français]

À l'autre endroit, ceux qui appuient le projet de loi S-13 dépendaient sur le projet de loi C-32 de la dernière session, les modifications à la Loi sur le droit d'auteur, qui impose un prélèvement sur une industrie, mais qui n'a pas été précédé par une motion des Voies et des moyens à la Chambre des communes. Une comparaison entre ces deux projets de loi, soit le projet de loi S-13 et le projet de loi C-32 de la dernière session, souligne l'inadmissibilité en matière de procédure du projet de loi S-13.

Le projet de loi C-32 de la dernière session imposait un prélèvement aux manufacturiers ou aux importateurs de cassettes vierges au Canada et arrangeait la distribution des fonds aux auteurs et interprètes, auxquels leur créativité résulterait en une plus grande utilisation et une plus grande demande pour les mêmes cassettes qui sont distribuées par les manufacturiers et les importateurs.

 

. 1545 + -

Ceci agit comme un bénéfice pour tous ceux et celles qui sont affectés par le prélèvement. Ceci est aussi un contraste avec le projet de loi S-13 qui est avantageux pour tous, sauf ceux qui doivent payer le prélèvement.

L'objectif du projet de loi S-13 n'est pas d'augmenter la demande pour le tabac, bien sûr—autrement, on n'en parlerait pas—mais de réduire la demande ou, en d'autres mots, d'entraîner le contraire d'un bénéfice.

Il y a en effet plusieurs exemples de lois qui, comme le projet de loi C-32 précédent, imposaient des prélèvements à des fins étroites pour le bénéfice de certaines industries spécifiques. Ceux-ci incluent les prélèvements de dépenses et les prélèvements d'égalités, qui font partie des plans des conseils de marketing, les frais de licence payés par les radio-diffuseurs et les frais pour supporter les formulaires d'assurances pour des activités spécifiques au sein des industries spécifiques.

Toutefois, dans chaque cas, lorsque les procédures des voies et des moyens n'ont pas été nécessaires, les prélèvements ont été basés étroitement, leur utilité étroitement définie et leur bénéfice direct, pour ce qui concerne le prélèvement, directement et spécifiquement apparents.

Erskine May, à la page 780 de la 22e édition, fait référence à un cas qui illustre notre sujet. Celui-ci se rapporte au projet de loi concernant la marine marchande qui avait été étudié à la Chambre des communes du Royaume-Uni en 1973-1974. Ce projet de loi exigeait que les importateurs de pétrole contribuent à une réserve internationale pour la compensation par rapport aux dommages causés par la pollution du pétrole, avec les fonds qui ne passaient pas par le fonds consolidé. Ce projet de loi nécessitait une résolution des voies et des moyens.

Son parallèle avec le projet de loi S-13 est évident. Comme pour le prélèvement proposé par le projet de loi S-13, l'argent prélevé n'était pas pour passer par le fonds consolidé mais, comme dans le projet de loi S-13, les sommes amassées seraient avantageuses seulement aux personnes qui ne font pas partie de l'industrie et qui ont contribué lesdites sommes. Comme je l'ai déjà indiqué, ce projet de loi a été assujetti à la procédure des voies et des moyens.

Comme je l'ai indiqué au début, je ne veux pas que mes objections par rapport à la procédure du projet de loi S-13 soient mal interprétées. Elles le seront probablement de toute façon.

Je crois que les objectifs de ce projet de loi sont très désirables. Les politiques proposées par le projet de loi sont créatives et innovatrices. Toutefois, j'ai une difficulté avec ce projet de loi, c'est-à-dire que les implications en matière de procédure sont totalement régressives et anti-démocratiques.

[Traduction]

Depuis plus de 300 ans, une règle fondamentale de la démocratie parlementaire interdit de présenter d'abord à la chambre haute les mesures fiscales. L'initiative en est réservée aux Communes, et c'est le gouvernement responsable qui doit présenter la motion nécessaire. C'est la même chose au Royaume-Uni et même aux États-Unis.

Si intéressant que puisse me sembler un programme proposé dans un projet de loi qui nous arrive de l'autre endroit, il est de mon devoir, Votre Honneur, de vous signaler que cette mesure va à l'encontre des usages constitutionnels et, plus important encore, des règles de la Chambre.

Le fait que le Président de l'autre endroit ait jugé le projet de loi recevable n'a aucun poids dans notre débat. C'est ainsi que le veut notre régime constitutionnel. Dans ce régime, Votre Honneur, à titre de Président de la Chambre, est le seul à pouvoir décider ce qui constitue un projet de loi de finances ou de fiscalité.

Monsieur le Président, je soutiens que le projet de loi S-13 est une mesure fiscale. À ce titre, il aurait dû provenir des Communes. Il ne peut être présenté qu'aux Communes après adoption d'une motion de voies et moyens proposée par un ministre.

Je demande à Votre Honneur d'examiner cette affaire et de décider que la Chambre ne peut étudier le projet de loi pour les raisons que je viens de donner.

 

. 1550 + -

Le Président: Il y aura plusieurs interventions sur ce sujet. Les députés qui comptent prendre la parole pourraient-ils se lever pour que je les identifie?

Voici comment je propose d'attaquer ce problème particulier. Tout d'abord, nous n'allons pas débattre les 44 ou 45 articles du projet de loi. Je demande strictement aux députés de dire si, à leur avis, le projet de loi devrait être présenté ou non à la Chambre des communes. Si les députés font valoir des arguments qui, d'après moi, se rapportent aux articles, j'interviendrai. Je vous exhorte, chers collègues, à ne vous en tenir qu'à ce point très précis. Je demande votre avis, le meilleur que vous puissiez me donner.

Voici comment je compte procéder. Je vais d'abord entendre la députée qui propose le projet de loi. J'entendrai ensuite le porte-parole du Parti réformiste. S'il y a un porte-parole pour le Bloc Québécois, je l'entendrai. Puis je donnerai la parole au porte-parole du Nouveau Parti démocratique et à celui du Parti conservateur. Je reviendra alors au côté des libéraux et j'alternerai ensuite avec un député de l'opposition jusqu'à ce que nous ayons recueilli tous les renseignements nécessaires.

Je vous demande, chers collègues, de vous en tenir rigoureusement à la question et de vous abstenir d'aborder les articles du projet de loi, que nous traiterons peut-être plus tard, si je décide de soumettre la mesure à l'étude de la Chambre.

La députée de St. Paul's.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de commenter le rappel au Règlement concernant le projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes et instituant un prélèvement sur l'industrie du tabac.

Monsieur le Président, j'interviens, comme vous nous l'avez proposé, non pas pour débattre du mérite de ce projet de loi, mais pour traiter des quatre grands sujets de préoccupation qu'a mentionnés le leader à la Chambre. J'ai l'intention d'analyser, tour à tour, chacun de ces quatre sujets de préoccupation. Il se peut que certains sujets se chevauchent. J'espère que nous pourrons examiner attentivement la situation et clarifier quelque peu la question.

Je reconnais que le gouvernement jouit d'une prérogative lorsqu'il est question d'initiatives financières et qu'il peut imposer des taxes selon les coutumes et, comme le signalait le ministre, aux termes de l'article 53 de la Loi constitutionnelle. Ces mesures financières doivent faire l'objet de projets de loi présentés à la Chambre des communes.

La question, ici, est de savoir si le prélèvement prévu dans la partie II du projet de loi est bien un prélèvement ou une taxe. La principale autorité en la matière, Erskine May, précise qu'un prélèvement sur une industrie pour son propre bénéfice n'est pas une taxe.

Le leader à la Chambre a soulevé les quatre questions suivantes: quels sont les critères utilisés pour déterminer un prélèvement; quel est l'objectif visé par l'industrie; le projet de loi prévoit-il un prélèvement ou une taxe qui nécessiterait une motion de voies et moyens; et la mesure prévue doit-elle bénéficier à un groupe spécifique, ce qui est le cas dans le projet de loi C-32 comme le faisait remarquer le leader à la Chambre.

Le simple fait que les groupes susceptibles de profiter de la mesure ne sont pas clairement précisés ne justifie pas, à notre avis, de déclarer le projet de loi S-13 irrégulier. Rien dans l'ouvrage d'Erskine May ne laisse entendre que le prélèvement doit profiter à des groupes spécifiques, comme c'est le cas avec le projet de loi C-32.

J'ai bien peur que le député faisait allusion à la version précédente du projet de loi. Je voudrais souligner que la version adoptée par le Sénat en juin dernier ne traite ni de commandite ni d'agriculteurs. Elle ne vise simplement qu'à l'établissement de la fondation. Je crois que le leader parlementaire a fait allusion à une version précédente du projet de loi.

D'abord, je voudrais parler des critères relatifs au prélèvement. Dans la pratique britannique observée au Canada, un prélèvement est conforme à la procédure. Il ne faut pas oublier que nous ne traitons que de questions de procédure et de la définition de prélèvement. Ce prélèvement doit être imposé à l'industrie. Il doit servir à l'industrie. L'argent prélevé ne doit jamais faire partie des recettes du gouvernement. Je puis dire aux députés que le projet de loi S-13 a été rédigé avec soin pour répondre à ces trois critères.

 

. 1555 + -

L'objet du projet de loi est de donner à l'industrie canadienne du tabac les moyens de réaliser son objectif énoncé publiquement. M. Robert Parker a déclaré devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, au mois d'avril 1997:

    Les sociétés membres sont prêtes à travailler avec n'importe quel organisme responsable sur la question de la consommation du tabac chez les jeunes pour réduire celle-ci davantage [...]. J'ai quelques doutes légitimes quand à leur crédibilité. [...] Un programme que l'industrie de la cigarette mettrait volontairement en oeuvre pour recommander aux jeunes de ne pas fumer ferait l'objet d'attaques très virulentes de la part des militants antitabagistes.

Voilà pourquoi nous avons le projet de loi S-13 pour les aider à cet égard.

Imaginez, l'an prochain, l'avantage que cette industrie tirerait en matière de relations publiques si M. Parker pouvait dire, en brandissant un exemplaire du projet de loi: «Nous dépensons 120 millions de dollars par année pour empêcher les jeunes Canadiens de fumer.»

Il est bien clair que les deux premiers paragraphes de l'article 3 parlent des objectifs de l'industrie. L'article 3 porte sur l'objectif que s'est donné l'industrie.

À l'alinéa 3a), le projet de loi évoque le désir de l'industrie de participer à des initiatives visant à réduire le tabagisme chez les jeunes, mais son manque de crédibilité pour le faire. L'industrie pourrait cependant, d'après l'alinéa 3b), participer à une initiative mise en oeuvre par un organisme crédible.

Pas plus tard qu'en octobre dernier, M. Don Brown, président du conseil et président de la société Imperial Tobacco, a tenu devant la Chambre de commerce de Vancouver des propos similaires concernant le tabagisme chez les jeunes et l'absence de crédibilité de l'industrie. Il a dit:

    Nous croyons que les enfants ne devraient pas fumer [...] Nous pourrions obtenir de meilleurs résultats si nous tâchions de travailler ensemble. Une meilleure approche consisterait peut-être à amener des groupes animés des mêmes idées à jeter un regard neuf sur le problème du tabagisme chez les mineurs.

    Nous savons que nous ne pouvons pas jouer le rôle de messager. Nous n'avons tout simplement pas la crédibilité qu'il faut.

Le projet de loi S-13 est une mesure qui a été créée pour aider l'industrie à réaliser l'objectif qu'elle s'est imposé publiquement de réduire l'usage du tabac chez les jeunes. Le projet de loi S-13 énonce explicitement six considérations motivant cet objectif. Le paragraphe 3(1) précise l'objet de la loi.

    La présente loi a pour objet de donner à l'industrie canadienne du tabac les moyens de réaliser l'objectif qu'elle s'impose publiquement de réduire l'usage du tabac chez les jeunes au Canada...

L'alinéa 3(1)c) traite du manque de crédibilité:

      ...l'industrie est incapable de régler elle-même ce problème de l'usage du tabac chez les jeunes parce que, de son propre aveu, ses membres et ses mandataires manquent de crédibilité pour promouvoir la diminution de l'usage des produits de tabac.

L'alinéa 3(1)e) prévoit la possibilité de nouvelles restrictions:

      ...il est prévisible que de nouvelles restrictions seront apportées à la capacité de l'industrie de produire et vendre des produits du tabac si le taux d'usage du tabac chez les jeunes n'est pas réduit...

L'industrie est au courant du grand nombre de lois qui touchent l'usage du tabac aux États-Unis et elle reconnaît que la même situation ne tardera pas à se produire au Canada, si l'on se fie aux lois adoptées récemment en C.-B. et au Québec.

L'article 3(1)e) traite de coordination:

      ...il est nécessaire de coordonner à l'échelle nationale les efforts de l'industrie pour réaliser cet objectif.

Comme les compagnies de tabac commercialisent leurs produits à l'échelle nationale, il faut une coordination nationale des efforts de l'industrie pour réduire ou éliminer le tabagisme chez les jeunes.

L'article 31 traite des commanditaires:

      ...un commanditaire de la fondation peut se servir du nom de cette dernière...

Malgré le débat sur cette question, le projet de loi permet à l'industrie d'utiliser le nom de la fondation dans le but de faire reconnaître la commandite. Au sein de l'industrie, il n'y a rien à gagner à contribuer à cette entreprise si cela ne lui rapporte pas la reconnaissance qui convient. L'article 31 permet nommément à l'industrie de demander à être reconnue en tant que commanditaire de cette fondation.

Le paragraphe 32(1) traite de l'indépendance:

    La fondation est constituée pour le compte de l'industrie canadienne du tabac, mais en est indépendante.

C'est l'indépendance même de la fondation qui fait que la loi a la crédibilité qui manque à l'industrie, selon ce qu'en a dit M. Parker dans sa déclaration du 1er avril 1997.

Le projet de loi est aussi avantageux de différentes façons moins directes pour l'industrie. Il va probablement contribuer à améliorer son image négative. Il réduira probablement les risques de poursuites civiles et d'adoption de lois restrictives, deux choses qui menacent l'existence même de l'industrie.

On accepte généralement l'idée que le tabac crée une dépendance, qu'il est nocif et, dans bien des cas, mortel. Face aux risques de poursuites, la défense de l'industrie tient au fait que le fumeur a accepté volontairement de courir ces risques. L'industrie reconnaît que le risque de dépendance est plus élevé chez ceux qui commencent à fumer jeunes. Or, les jeunes sont moins capables de prendre des décisions éclairées concernant ce risque.

Le projet de loi S-13 pourrait venir appuyer efficacement une telle défense, si l'industrie était tenue responsable de cette dépendance chez des jeunes. Cela témoigne des efforts de l'industrie pour lutter contre le tabagisme chez les jeunes.

 

. 1600 + -

Il n'est pas indispensable que le prélèvement se limite aux objectifs de l'industrie.

Le projet de loi S-13 vise aussi des objectifs plus vastes.

Le prélèvement proposé dans le projet de loi S-13 permettra à l'industrie du tabac de soutenir de façon crédible que ses produits ne sont pas délibérément destinés aux jeunes et qu'elle appuie les efforts visant la réduction du tabagisme chez les jeunes.

Le fait que toute réduction du tabagisme chez les jeunes vise également un objectif d'intérêt public ne met pas en cause la recevabilité du projet de loi.

Le Traité des lois, privilèges, procédures et usages du Parlement de Erskine May ne dit nulle part que l'objectif d'une industrie ne saurait également correspondre à une politique d'intérêt public. En effet, les précédents cités dans cet ouvrage visent à la fois un objectif privé et public. Ce sont notamment la Industry Training Act de 1964. Ce projet de loi visait à établir un mécanisme pour créer un certain nombre de conseils industriels, dont le mandat était de fournir des possibilités de formation aux employés. Une telle mesure n'était donc pas seulement dans l'intérêt de l'industrie, mais aussi dans l'intérêt public.

Un de mes exemples favoris est la Betting Levy Act de 1961. Ce projet de loi visait à améliorer l'élevage des chevaux et à faire avancer la science vétérinaire. Il allait donc clairement au-delà des fins propres à l'industrie et visait l'intérêt public.

Dans la Sea Fish Industry Act de 1951, une organisation a été établie pour développer et réglementer la pêche aux gadidés. Non seulement cette mesure visait à aider l'industrie, mais elle servait aussi l'intérêt public en protégeant les emplois dans le secteur des pêches.

En fait, les projets de loi cités dans l'ouvrage de May qui n'étaient pas soustraits aux procédures financières et qui devaient donc faire l'objet d'une motion de voies et moyens ne satisfaisaient pas aux critères parce qu'ils n'étaient pas liés aux objets de l'industrie, ou parce que les fonds étaient intégrés aux recettes publiques.

En 1974-1975, il y a eu le projet de loi sur le fonds de réserve pour les voyages aériens. Cette mesure législative prévoyait la perception d'un droit afin d'indemniser les passagers qui subissaient des pertes par suite de l'échec financier d'une entreprise de voyages. Ce droit était considéré comme présentant un avantage pour l'industrie. Par conséquent, il satisfaisait au premier des deux critères déterminant qu'un prélèvement est effectué pour les objets de l'industrie.

Toutefois, il ne satisfaisait pas au second critère portant que les fonds ne devaient pas faire partie du fonds consolidé. Le droit en question fut considéré comme une taxe, parce que le gouvernement avait le pouvoir de disposer de l'actif du fonds si celui-ci était liquidé, de telle sorte qu'il devenait possible que le fonds consolidé bénéficie de cet actif, au détriment des organisateurs de voyage.

En vertu du projet de loi S-13, tout surplus est remis aux fabricants de produits du tabac.

Le projet de loi sur le transport maritime auquel le député a fait allusion établissait un droit devant être payé relativement aux dommages causés par la pollution. Cet impôt fut considéré comme n'étant absolument pas à l'avantage de l'industrie en cause, au point qu'on estimait qu'il s'agissait d'une taxe, malgré le fait que le produit n'était pas versé au fonds consolidé.

Le député a fait allusion à un précédent, soit le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, adopté au cours de la dernière législature, qui renferme une disposition prévoyant un prélèvement. Dans ce cas, le prélèvement était imposé sur la vente de bandes sonores vierges, et les fonds perçus devaient être distribués aux auteurs, aux artistes de spectacle et aux maisons de disques. Ce prélèvement ne nécessitait pas non plus une motion de voies et moyens.

La Loi sur la marine marchande du Canada adoptée en 1987 prévoyait qu'un prélèvement serait payé par les propriétaires de bateaux afin de créer un fonds de lutte contre la pollution causée par les déversements de pétrole provoqués par les bateaux et pétroliers. Le taux du prélèvement est fixé par le ministre des Transports et l'argent perçu est déposé dans un compte spécial du Trésor. Cette loi fut présentée deux fois sans être précédée d'une motion de voies et moyens.

La Loi fédérale sur les hydrocarbures a créé un compte appelé le Fonds pour l'étude de l'environnement. Ce compte est placé sous la responsabilité administrative du ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources, ou celle du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, pour financer des études environnementales et sociales visant à évaluer l'impact des activités de prospection, de mise en valeur et de production sur les terres domaniales. Chaque personne détenant un intérêt dans les terres domaniales doit contribuer au fonds, selon le taux prescrit par le ministre. Encore une fois, cette loi fut déposée deux fois sans être précédée d'une motion de voies et moyens.

Ce sont là les deux premiers points. Le troisième point est la notion de prélèvement, par opposition à celle de taxe.

Nous sommes d'avis que le projet de loi S-13 ne nécessite pas un avis de motion de voies et moyens, parce qu'il n'impose pas une taxe. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que la mesure législative soit d'abord présentée à la Chambre des communes.

Le prélèvement prévu dans le projet de loi S-13 n'est pas une taxe. Cela est clair lorsqu'on lit la disposition pertinente. Les articles du projet de loi font allusion à un prélèvement, et non à une taxe. Pour les fins de l'industrie et, comme on l'a mentionné dans l'ouvrage d'Erskine May, ces prélèvements sont reconnus par toutes les autorités en matière de procédure comme étant différents d'une taxe.

 

. 1605 + -

Si le prélèvement prévu dans le projet de loi S-13 était effectivement une taxe, celui-ci serait une charge imposée à la population. On peut lire à la page 726 de la 21e édition d'Erskine May qu'une charge imposée à la population est normalement imposée de façon générale et est destinée à servir à des fins générales.

C'est la raison pour laquelle, comme May l'explique plus en détail, les prélèvements imposés à une industrie—lorsque le produit doit constituer un fonds pour les objets de cette industrie—n'ont pas été considérés comme des charges.

Erskine May énumère 12 projets de loi qui ont été considérés comme imposant des prélèvements pour les objets de l'industrie et non des taxes, et qui, par conséquent, n'ont pas nécessité un avis de motion de voies et moyens. Qu'il suffise de mentionner les Industrial Training Act, Betting Levy Act and Sea Fish Industry Act, dont on a parlé.

En outre, comme je le disais à l'instant, il existe un certain nombre de précédents canadiens en matière de prélèvements pour les objets de l'industrie qui n'ont pas fait l'objet d'une motion de voies et moyens, notamment le projet de loi C-32 visant à modifier la Loi sur le droit d'auteur, la Loi sur la marine marchande du Canada et la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Je le répète, les deux derniers exemples ont été présentés deux fois sans motion de voies et de moyens.

Les précédents canadiens donnent à penser que les critères applicables à l'examen de projets de loi prévoyant des prélèvements au Canada ne sont pas aussi rigoureux que ceux en usage dans la tradition britannique. Le projet de loi S-13 répond non seulement aux critères que semblent évoquer ces précédents canadiens, mais aussi les critères plus rigoureux qui sont énoncés dans Erskine May.

Rappelons que les prélèvements pour les objets de l'industrie ont trois caractéristiques: ils doivent être faits auprès de l'industrie, ils doivent être imposés relativement à l'industrie, et les sommes prélevées ne doivent jamais servir à grossir les recettes de l'État.

Le prélèvement proposé dans le projet de loi S-13 est manifestement imposé à l'industrie. En effet, l'article 36 du projet de loi porte expressément que les fonds proviennent des fabricants de tabac.

    36.(1) Quiconque, dans un but commercial, fabrique, produit ou importe des produits du tabac pour consommation au Canada, est tenu, au moment de vendre ou de céder ce produit ou d'en disposer autrement, de verser un prélèvement...

Le prélèvement dont il est question dans le projet de loi S-13 est imposé aux fins de l'industrie. Bien sûr, il y a aussi un objectif d'ordre public plus général dont nous ne débattrons pas ici. Les deux buts ne sont cependant pas incompatibles, et il existe, tant au Canada qu'en Grande-Bretagne, des précédents qui tendent à prouver que la procédure est acceptable.

Enfin, les sommes ainsi prélevées ne deviendront jamais des recettes publiques. Les dispositions spécifiques du projet de loi sont claires à cet égard. Le paragraphe 33(1) énonce que la fondation n'est pas mandataire de Sa Majesté et ses fonds ne sont pas des fonds publics du Canada. Les fonds sont perçus par la fondation, versés dans son propre compte et distribués uniquement par elle. Tout solde après la dissolution de la fondation est remboursé aux fabricants de tabac.

Le paragraphe 35(3) prévoit qu'en cas de dissolution de la fondation, tous ses biens restants sont transférés au conseil, c'est-à-dire le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac.

Quoi qu'il en soit, c'est aux tribunaux, et non à la présidence, de déterminer si le prélèvement imposé est en fait un impôt.

La question de procédure se limite à celle de savoir si le projet de loi, en tant que tel, prévoit un impôt ou un prélèvement aux fins de l'impôt sur le revenu. Le projet de loi prévoit expressément que la fondation est établie pour l'industrie et que l'objet du projet de loi est de réaliser les objectifs de l'industrie. En posant des questions au-delà de cela, au-delà des dispositions expresses du projet de loi, on sort du cadre de la procédure et on entre dans celui du droit, ce que ne peut faire la présidence.

Plus on cite des avis juridiques favorables ou non à la question de savoir si le projet de loi S-13 prévoit un prélèvement ou un impôt, plus il devient évident que c'est une question d'interprétation juridique. Ces questions ne relèvent habituellement pas de la compétence du Président de la Chambre des communes.

Du point de vue juridique, un certain nombre de juristes ont déjà fait valoir devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie que le prélèvement imposé par le projet de loi S-13 n'est pas un impôt. Ils ont également fourni des avis juridiques écrits à cet effet. M. Mark Siegel, fiscaliste principal chez Gowlings, Strathy & Henderson, estime que le prélèvement prévu dans le projet de loi S-13 fait partie d'un plan réglementaire. L'argent recueilli ne servira pas à des fins publiques en général, mais à réaliser les objectifs de la fondation pour l'industrie du tabac. Il a réaffirmé cette opinion le 5 novembre 1998, par suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Eurig Estate.

M. Michael Clegg, expert en matière de droit et de procédure parlementaires, a également conclu que ce prélèvement n'est pas un impôt.

Le dernier point concerne la question de savoir si les bénéficiaires du prélèvement sont des gens en particulier, comme le leader parlementaire l'a souligné en ce qui concerne le projet de loi C-32.

 

. 1610 + -

Si on prétend que le projet de loi S-13 est irrecevable parce que les bénéficiaires du prélèvement ne sont pas précisés, ce n'est pas parce que les bénéficiaires ne sont pas bien identifiés que cela justifie sur le plan de la procédure de juger le projet de loi S-13 irrecevable. Rien dans Erskine May n'appuie la notion selon laquelle les bénéficiaires du prélèvement doivent être désignés de façon précise. Il faut simplement que le prélèvement serve aux objets de l'industrie.

On ne retrouve dans les sources britanniques et canadiennes aucun précédent selon lequel les bénéficiaires doivent être un groupe précis. Un certain nombre d'exemples en Grande-Bretagne et au Canada permettent de penser que les bénéficiaires du prélèvement peuvent être définis largement et qu'ils n'ont pas à être directement liés à l'industrie qui est tenue de verser ce prélèvement.

Ainsi, prenons la Betting Levy Act, qui était censée encourager l'éducation en sciences vétérinaires. Cet objectif était beaucoup plus large que les objectifs précis de l'industrie pour ce qui est d'améliorer les races et les courses de chevaux. Nous croyons que certains chiens et chats et certaines vaches en ont profité également.

Même si l'objectif pour l'industrie de la Loi sur la marine marchande du Canada est de protéger l'industrie contre une responsabilité excessive en cas de poursuites à la suite de dommages dus à la pollution, il est clair qu'il y a un objectif d'intérêt public plus vaste qui consiste à s'assurer que les déversements sont bien traités et que l'environnement est préservé.

Il est important de comprendre que nous sommes ici pour déterminer s'il s'agit d'un impôt ou d'un prélèvement pour les objets de l'industrie. Monsieur le Président, nous croyons que vous êtes un serviteur de la Chambre et que vous prendrez vos décisions dans l'intérêt de la Chambre dans son ensemble. Je le répète, la question de savoir si le prélèvement imposé est une taxe est en fait de nature juridique.

Sur le plan de la procédure, nous devons nous limiter à déterminer si, à première vue, ce projet de loi est une taxe ou un prélèvement pour les objets de l'industrie. Le projet de loi S-13 prévoit expressément que la fondation est établie pour l'industrie et que l'objectif du projet de loi est de l'aider à réaliser son objectif. En ne s'en tenant pas au libellé du projet de loi et en remettant en question des dispositions précises, on déborde du cadre de la procédure et on tombe dans le domaine de la loi, domaine dont le Président ne s'occupe pas.

En cas de doute, nous savons que le Président est en faveur d'une solution qui permettra à la Chambre de discuter du pour et du contre du projet de loi et de décider plutôt que la présidence le fasse. Cela ne peut se produire que si le Président laisse le projet de loi passer à l'étape de la deuxième lecture.

Si le Président décide qu'il y a d'autres arguments et précédents dont on n'a pas discuté dans le cadre du débat, nous serions heureux d'avoir l'occasion de les aborder à ce moment-là.

La pratique canadienne se fonde sur un précédent basé sur l'expérience britannique, prouvant qu'il est possible, au besoin, de présenter une motion de voies et moyens après la deuxième lecture d'un projet de loi. Je crois que le Président devrait envisager cette option.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, je souscris personnellement aux principes qui sous-tendent le projet de loi S-13, et cela, en raison des ramifications de cette mesure sur la santé. Ce projet de loi comble bon nombre des lacunes que comportent les mesures antitabac libérales, notamment le projet de loi C-42 qui est actuellement à l'étude et dont les dispositions affaiblissent la Loi réglementant les produits du tabac.

Les groupes de santé à l'échelle nationale souscrivent à ce projet de loi.

Les réformistes considèrent les projets de loi d'initiative parlementaire comme des occasions de s'exprimer par un vote libre sur des enjeux importants qui touchent de près les électeurs.

Le Cabinet tout entier devrait avoir honte de se lancer dans une telle querelle de procédure à propos de ce projet de loi. merci !de le signaler

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir participer à cette discussion sérieuse sur la question de savoir si le projet de loi S-13 est recevable, s'il peut être soumis à l'examen de la Chambre.

La députée de St. Paul's a fait valoir des arguments de poids quant à la recevabilité, sans recommandation royale aucune, du projet de loi S-13 en première lecture. Je vous les soumets, monsieur le Président.

Je porte à votre attention l'autorité citée plus tôt, pour votre gouverne. Il est dit très clairement dans Erskine May, 21 édition, page 716:

    L'imposition de charges à des fonds autres que le Fonds consolidé ou le Fonds des prêts nationaux ne requiert pas de recommandation royale, à moins qu'il ne s'agisse d'augmenter un paiement prélevé sur ces fonds, ou d'augmenter leur responsabilité financière [...] ou qu'il ne s'agisse d'une subvention automatique payée avec de l'argent voté par le Parlement.

 

. 1615 + -

Le Président du Sénat a estimé que le projet de loi ne requérait pas de recommandation royale et l'a donc renvoyé à cette Chambre en conformité parfaite avec les règles actuellement en vigueur.

Aujourd'hui, le gouvernement entend faire valoir qu'il est un principe constitutionnel voulant que les projets de loi financiers ne puissent pas provenir du Sénat. Pour faire suite aux propos de ma collègue libérale, je vais moi aussi faire référence au commentaire 324, page 100, de Beauchesne. Ce commentaire porte précisément sur la référence du leader de la Chambre au passage de Bourinot consacré aux deux principes énoncés à la page 491. Ces deux commentaires, qui se trouvent aux pages 100 et 101, portent les nos 324 et 325. Le commentaire 324 stipule:

    Le Président ne décide d'aucune question d'ordre constitutionnel ni juridique, bien qu'il soit permis de soulever une question de ce genre par rappel au Règlement ou question de privilège.

Le commentaire 325 stipule:

    En cas de doute face à une situation donnée, le Président prend en considération les opinions des députés. Parfois, au lieu de se prononcer dans un sens ou dans l'autre, il demande des directives à la Chambre ou remet sa décision à plus tard, ou rappelle à la Chambre qu'elle peut, si elle le juge opportun, s'écarter du Règlement au besoin. Face à une situation équivoque, il agit dans une large mesure suivant les circonstances.

Les pouvoirs du Sénat ne sont pas la seule question de procédure en cause ici. Il serait très utile aux députés et à vous-même, monsieur le Président, de passer en revue l'historique des lois sur le tabac pour voir comment elles ont été traitées par les institutions gouvernementales du pays.

Je rappelle que la phase actuelle de la Loi sur le tabac, dont le projet de loi S-13 est un volet, fait suite à la décision de la Cour suprême qui a statué que certains articles de la Loi sur le tabac étaient inconstitutionnels parce que le gouvernement n'avait pas suffisamment fait la preuve qu'il devait, dans l'intérêt de la santé publique, empiéter sur la liberté d'expression des fabricants de produits du tabac. Essentiellement, la cour a imposé le fardeau de la preuve aux gouvernements qui désirent réglementer la publicité sur des substances engendrant une dépendance chez les enfants. En fait, le tribunal a permis à ceux qui convainquent les enfants de devenir dépendants de substances nuisibles à la santé, de le faire sous la protection de la liberté d'expression reconnue par la Constitution.

Plus tôt, le gouvernement n'a pas tenu compte des délais prévus dans la Loi sur le tabac relativement à l'entrée en vigueur d'une réglementation plus rigoureuse concernant les commandites de l'industrie du tabac. Il a agi comme si une entente qu'il avait conclue en privé avec les fabricants de produits du tabac avait force de loi. J'ai porté cette question à votre attention, monsieur le Président, en soulevant la question de privilège le 30 septembre 1998.

Le gouvernement tente d'invoquer une question de procédure pour écarter une urgente mesure de santé publique qui vise à protéger les enfants. Ce même gouvernement refuse également de prendre des mesures pour assurer l'application des lois en vigueur qui interdisent la vente de tabac à des enfants. Il préfère encaisser 80 millions de dollars par année provenant de la vente de tabac à des enfants.

Si le gouvernement se préoccupe de questions de forme et de procédure, il devrait de toute évidence porter son attention sur un aspect en particulier, à savoir les aspects techniques liés à l'application des lois qui interdisent la vente de tabac à des enfants.

Tout au long de ce triste épisode, le gouvernement a utilisé tous les atouts juridiques et constitutionnels et a invoqué toutes les questions de procédure possibles contre ceux qui veulent améliorer la santé publique, mais en faveur de ceux qui cherchent à tirer profit de la vente de substances toxiques qui engendrent une dépendance.

 

. 1620 + -

Je vous demande d'en tenir compte dans votre décision, monsieur le Président, car, à mon avis, les questions de procédure, les questions constitutionnelles et les questions juridiques entourant le projet de loi S-13 dont nous sommes saisis ne sont pas claires. Étant donné que la procédure et l'histoire de la procédure à la Chambre en ce qui concerne les occasions précises où une recommandation royale est nécessaire et la définition d'un projet de loi de finances ne sont pas très claires, je vous demande d'accorder le bénéfice du doute à ceux qui veulent faire avancer la cause des enfants sur le plan de la santé.

Pour terminer, il est curieux—je crois que ça vaut la peine de le mentionner—qu'en invoquant le Règlement, le gouvernement ait en fait exprimé certaines inquiétudes au sujet des droits démocratiques des Communes, qui est un corps élu, par opposition aux droits du Sénat, qui n'est pas un corps élu.

C'est certes un sujet qui nous préoccupe car nous savons que ce gouvernement a fait revivre la pratique antidémocratique, contre laquelle le Nouveau Parti démocratique s'est rigoureusement élevé, de présenter des projets de loi au Sénat avant de les présenter à la Chambre.

Ce gouvernement s'est fermement refusé à répondre aux appels du Nouveau Parti démocratique et de millions de Canadiens qui lui demandent d'abolir ce corps non élu qu'est le Sénat. Aussi pensons-nous déplacé à ce stade de se concentrer autant sur les questions constitutionnelles entourant un projet de loi émanant du Sénat, ainsi que sur les origines de ce projet de loi. Le gouvernement ne peut pas tout avoir. Il ne peut pas se servir du Sénat quand cela l'arrange et s'en servir comme prétexte lorsqu'il ne veut pas donner suite à une mesure particulière.

En conclusion, le message le plus important est que la procédure entourant le projet de loi S-13 n'est pas claire. Nous devons sérieusement nous pencher sur les circonstances entourant ce projet de loi et l'histoire de la loi sur le tabac au pays. Nous devons tenir compte de l'intérêt public et de la santé des enfants dans nos délibérations. C'est la recommandation que je vous fais, monsieur le Président.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole dans le cadre de ce recours au Règlement pour offrir mes humbles remarques. Je félicite la députée de St. Paul's pour son initiative à cet égard ainsi que l'auteur du projet de loi au Sénat.

Je suis fier de prendre la parole après des députés de l'opposition, particulièrement des réformistes et des néo-démocrates, qui pour une fois semblent disposés à appuyer un projet de loi venant du Sénat, ce qui est un heureux changement.

J'aurais espéré que le leader du gouvernement à la Chambre reviendrait sur sa stratégie qui consiste à vous laisser vous débrouiller avec cette patate chaude, monsieur le Président, au lieu de déclarer carrément l'opposition du gouvernement, ou devrais-je dire du Cabinet, à cette initiative.

Le leader du gouvernement à la Chambre a admis, le compte rendu en témoignera, qu'il existe une différence technique entre une taxe et un prélèvement. Cette admission est importante.

Je doute que les décisions que vous prendrez à l'avenir, monsieur le Président, auront des répercussions aussi importantes sur la santé et sur la longévité des jeunes Canadiens que celle que vous allez prendre à l'égard de ce rappel au Règlement. Ces propos tiennent lieu de toile de fonds aux arguments de procédure que j'aimerais présenter.

Je fais entièrement confiance à la présidence pour prendre sa décision en fonction uniquement du Règlement de la Chambre, et non des mérites du projet de loi ou des émotions et des déclarations enflammées que suscite parfois un projet de loi de cette nature.

Je crois sincèrement qu'il y a des zones grises sur lesquelles la présidence va devoir trancher. Votre Honneur s'engage en terrain inconnu. Selon moi et comme l'ont avancé d'autres avant moi, les zones grises devraient faire l'objet d'une décision en faveur de l'ensemble de la Chambre et non du gouvernement, qui refuse de débattre le projet de loi S-13. Il semblerait qu'il n'y ait que le Cabinet qui n'ait pas encore pris position sur le projet de loi.

Vous pouvez aussi, monsieur le Président, vous inspirer de la décision du Président de l'autre Chambre. J'admets qu'elle ne vous lie pas, monsieur le Président, mais elle pourrait être déterminante et elle mérite d'être prise en considération.

 

. 1625 + -

Le leader du gouvernement à la Chambre a laissé entendre que le prélèvement proposé dans le projet de loi équivalait à une taxe, à un fardeau fiscal. À première vue, il ressemble certes à une taxe. Il a toutes les caractéristiques d'une taxe, mais il n'en est pas une. On pourrait dire qu'un droit serait imposé à quiconque vend des produits du tabac et qu'il commettrait une infraction s'il n'acquittait pas ce droit. Cependant, si on examine en détail les dispositions de ce projet de loi, on se rend compte à l'évidence qu'il ne s'agit pas d'une taxe.

Examinons la question de près. Le droit serait imposé non pas à la population en général, mais à l'industrie elle-même, et les bénéfices seraient destinés à un organisme précis, de sorte qu'ils ne pourraient servir au gouvernement. Les bénéfices ne devraient pas être utilisés par le gouvernement. Ce projet de loi indique expressément qu'ils ne doivent pas servir à cette fin.

Il existe des précédents dans ce domaine, et l'on en traite à la page 763 de la 18e édition de l'ouvrage d'Erskine May. Lorsqu'il traite des cas où des prélèvements sont tenus pour des questions non assujetties aux règles régissant les voies et les moyens, Erskine May cite dix exemples de projets de loi dans lesquels on a imposé des prélèvements ayant servi à d'autres fins que les bénéfices positifs et directs d'une industrie. Le prélèvement peut servir à d'autres fins. Je soutiens que c'est le cas en ce qui concerne le projet de loi S-13. Je cite la page 763 de l'ouvrage d'Erskine May:

    Il peut être difficile, parfois, de définir les limites d'une industrie, comme dans le cas du Wheat Bill de 1932 (qui a été réputé assujetti à cette règle), aux termes duquel les prélèvements imposés aux importateurs de farine ont servi à constituer un fonds réservé aux paiements destinés aux producteurs de blé. Un cas encore plus difficile à trancher a été celui du Mineral Workings Bill de 1951, aux termes duquel un fonds provenant des contributions des exploitants et des propriétaires d'usines de produits de grès ferrugineux, ainsi que du Trésor, a été constitué pour remettre en valeur les terres agricoles dont on avait extrait du minerai de fer. Encore une fois, on a considéré qu'il s'agissait d'un prélèvement imposé aux exploitants et aux propriétaires, bien que la règle ait été élargie quelque peu.

La recommandation royale s'imposait dans le cas du Mineral Workings Bill, en raison de la contribution demandée au Trésor. Cet aspect fut important pour la Chambre, comme on peut le voir dans le volume 486 du hansard, à la colonne 1809. Aucune recommandation royale n'a été nécessaire dans le cas du Wheat Bill. Les deux projets de loi ont été adoptés par les deux Chambres, sans que les prélèvements soient considérés comme des taxes.

À mon avis, le projet de loi S-13 n'a absolument rien à voir avec les fonds publics. De plus, il se distingue de la définition traditionnelle d'une taxe, puisqu'il n'y est aucunement mention des fonds publics.

Au cours de la dernière législature, la Chambre a approuvé une redevance aux termes des modifications apportées à la Loi sur les droits d'auteur. Une redevance est prélevée sur la vente de cassettes audio et les fonds recueillis sont versés à une commission, non pas pour le bénéfice des manufacturiers de cassettes audio, mais bien pour celui des compositeurs. À l'époque, la Chambre n'a pas considéré cette redevance comme une taxe. La mesure approuvée au cours de la dernière législature est très similaire à ce que prévoit le projet de loi S-13 dont la présidence est saisie. Il s'agit d'un précédent éloquent que j'exhorte la présidence à examiner attentivement.

Il serait peut-être préférable, comme le mentionnait le député d'en face, de renvoyer aux tribunaux la question de savoir si le prélèvement prévu dans le projet de loi S-13 correspond à une taxe.Il existe une définition légale dont je voudrais faire part à la présidence et qui découle de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Lawson c. Interior Tree Fruit and Vegetable Committee of Direction, 1931, R.C.S., 357.

Permettez-moi de citer une note qui figure dans cette décision et qui définit ce qu'est une taxe. La question de savoir si un prélèvement constitue une taxe ou des frais a été examinée dans l'affaire Lawson et le juge Duff, au nom de la majorité, a conclu que le prélèvement en question était une taxe parce que—et ce sont les critères qui furent appliqués—premièrement, il était exécutoire aux termes de la loi. Il est clair que ce serait le cas ici. Deuxièmement, le prélèvement était imposé par le Parlement. Cela ne fait aucun doute dans le présent cas. Troisièmement, il était prélevé par un organisme public. Ce n'est pas le cas en l'occurrence. Quatrièmement, le prélèvement était effectué dans l'intérêt public. Encore là, la mesure dont nous débattons aujourd'hui ne correspond pas exactement à la définition envisagée par la Cour suprême.

 

. 1630 + -

Monsieur le Président, dans cette discussion, vous lirez sur l'évolution de la taille aux taxes. Le thème principal est que les taxes sont des fonds réservés à l'usage de la Couronne. Le prélèvement prévu par le projet de loi S-13 ne rapporte rien à la Couronne. On dit spécifiquement que le produit de ce prélèvement ne doit pas aller à la Couronne. C'est important.

Les recettes de ce prélèvement ne vont pas à la Couronne et ne sont pas non plus destinées à des fins publiques, c'est-à-dire des fins définies par un organe de gouvernement. L'organe est non gouvernemental. Les recettes iront à un organisme privé, une fondation, qui les utilisera dans les limites fixées par la présente loi.

La collectivité dans son ensemble pourra vraisemblablement profiter du travail de la fondation, mais celui-ci n'est pas effectué par la Couronne ou un agent de la Couronne. Le travail de la fondation n'est pas sujet à examen par le Parlement. D'ailleurs, une des critiques du projet de loi c'est que le vérificateur général ne sera pas en mesure d'examiner le fonds. C'est là aussi, à mon avis, une preuve que la fondation échappe au contrôle du gouvernement.

Pour parler en termes clairs, il ne s'agit pas d'un organisme gouvernemental, financé par des recettes fiscales ou le Trésor. Cela démontre clairement que l'organisme échappe à la réglementation ou à la surveillance du gouvernement et qu'il ne peut être soumis à un contrôle direct.

Je prétends donc, monsieur le Président, que s'il y a un doute dans votre esprit quant à la différence entre une taxe et un prélèvement, comme en parle Erskine May, ce doute devrait être levé en faveur de l'étude par la Chambre, la détermination finale pouvant revenir aux tribunaux s'il y a un recours.

Quant aux précédents qui peuvent être invoqués de cas où le Président a interdit l'étude de projets de loi du Sénat parce qu'il s'agissait de mesures fiscales, il ne faut pas oublier que, la plupart du temps, ces projets de loi modifiaient les taux de taxes ou d'impôts. Dans ces précédents, il n'y avait aucun doute ni aucun flou.

Il n'y a pas lieu ici de se ranger du côté de la prudence ou de l'exclusion, indifféremment de l'intérêt que présente le projet de loi. Notre Règlement permet à la Chambre de renoncer à son privilège en matière financière vis-à-vis du Sénat. Si on veut que la Chambre ait l'occasion de renoncer à ce privilège ou de tenir une conférence avec le Sénat au sujet d'un projet de loi comme le S-13, ce qui est une autre possibilité, le Président ne devrait pas intervenir pour empêcher la Chambre d'examiner ces questions. Ce serait l'équivalent d'une frappe préventive par le gouvernement. Toute intervention du Président à ce moment-ci, avant que la Chambre ne soit vraiment saisie de toutes les complexités du projet de loi S-13, équivaudrait à priver la Chambre de la possibilité de remplir ses fonctions habituelles, c'est-à-dire délibérer sur ces questions.

J'exhorte donc la présidence à s'abstenir d'intervenir. Cette frappe préventive empêcherait la Chambre d'accomplir un travail important qui est souhaité par tous les Canadiens et tous les députés.

Un dernier point. Il s'agit d'un détail de forme. Dans son intervention, le leader du gouvernement à la Chambre a fait allusion au sommaire. Votre Honneur n'est pas sans savoir que le sommaire ne fait pas partie du projet de loi, et il n'y a donc pas lieu de s'y reporter.

Ce que le gouvernement essaie de faire, en somme, c'est d'étouffer le projet de loi tout en donnant l'impression qu'il lui plaît. Le leader du gouvernement l'a qualifié de digne d'éloge et de louable. «Je veux bien qu'on me lave, mais je ne veux pas qu'on me mouille.» C'est essentiellement ce que dit le gouvernement.

Il y a un dernier point que je voudrais faire valoir. Le leader du gouvernement à la Chambre s'est prononcé à ce sujet au cours d'une entrevue publique et il a affirmé que le projet de loi n'était pas acceptable sous sa forme actuelle. C'est ce qu'il a dit.

Le leader du gouvernement à la Chambre, tout comme le gouvernement d'ailleurs, a le pouvoir de corriger chacune des prétendues irrégularités contenues dans ce projet de loi si c'est cela qui préoccupe le gouvernement. Si c'est ce qui préoccupe le gouvernement, le ministre de la Santé ou tout autre ministre du Cabinet peut décider d'adopter ce projet de loi, de le prendre sous son aile et de le faire sien. Je ne crois pas que les parrains actuels du projet de loi, que ce soit à la Chambre ou au Sénat, s'objectent à ce que le gouvernement procède de cette façon.

Plus tôt ce mois-ci, j'ai demandé au leader du gouvernement à la Chambre s'il était prêt à accorder du temps du gouvernement pour ce projet de loi et il a refusé. Le gouvernement devrait assumer la responsabilité de l'adoption de ce projet de loi. Je demande à la Chambre de renoncer à toute revendication possible d'atteinte à ses privilèges. Voici ce que le gouvernement devrait être prêt à faire.

 

. 1635 + -

C'est tout ce que j'avais à dire relativement à ce rappel au Règlement. Pour terminer, monsieur le Président, je vous exhorte à ne pas faire ce que le gouvernement lui-même n'est pas prêt à faire. Si nous annulons le projet de loi S-13 maintenant, la Chambre et le gouvernement n'auront jamais la chance de discuter de la question ou de proposer des solutions aux objections soulevées par le gouvernement et tous les députés de la Chambre, et par le fait même tous les Canadiens que nous représentons, seront privés d'un discours franc et sain sur la question.

Monsieur le Président, nous devons rendre le gouvernement politiquement responsable. Le gouvernement n'a pas l'appui nécessaire pour renverser ce projet de loi si c'est ce qu'il a l'intention de faire. Au nom de la patience et du bien de tous les foyers canadiens, je vous exhorte, monsieur le Président, à rejeter les arguments présentés par le leader du gouvernement à la Chambre. Faisons passer les enfants avant les considérations politiques dans ce dossier.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement aussitôt que je le peux le faire, afin de me conformer à la directive que vous avez énoncée à la Chambre dans votre décision du 16 octobre 1995, quand vous avez dit: «De plus, l'article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 dit: Il incombe à tous les députés d'être vigilants à cet égard et d'examiner soigneusement les projets de loi, d'où qu'ils proviennent.»

Comme vous le savez, monsieur le Président, l'article 53 de la Loi constitutionnelle prescrit que tout projet de loi «ayant pour but l'appropriation d'une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d'impôts, devra originer dans la Chambre des communes».

Je soumets respectueusement que, même si le projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes et instituant un prélèvement sur l'industrie du tabac, n'est pas un projet de loi ayant pour but l'appropriation d'une portion quelconque du revenu public exigeant une recommandation royale, il est néanmoins un projet de loi qui crée une taxe ou un impôt et, par conséquent, il aurait dû originer dans la Chambre des communes.

À la page 491 de la quatrième édition de Bourinot, on trouve ce qui suit:

    Règle générale, les bills d'intérêt public peuvent originer dans les deux Chambres; mais du moment que ces bills comportent l'octroi de subsides de quelque nature ou entraînent directement ou indirectement l'imposition de taxes sur le peuple, ils doivent originer dans la branche populaire, conformément à la loi et à la pratique constitutionnelles établies en Angleterre.

Au sujet de cette pratique, Bourinot souligne que, selon un principe désormais établi au sein d'un gouvernement constitutionnel, toutes les propositions visant la création de taxes devraient originer d'un ministère.

Aux termes du Règlement, pour présenter une mesure législative visant la création d'une taxe ou d'un impôt, il faut qu'une motion de voies et moyens soit d'abord proposée et adoptée, ce que seul un ministre d'État peut faire.

En vertu de l'article 36 du projet de loi S-13, quiconque fabrique, produit ou importe des produits du tabac est tenu de verser un prélèvement. Au Canada, le tabac a toujours été assujetti à des taxes en vertu d'une mesure législative précédée d'une motion de voies et moyens qui sert de «mesure de circonstance créant un prélèvement à imposer et à percevoir sur le tabac et les cigares fabriqués au Canada». Je me reporte ainsi à la page 233 des Journaux des Communes de 1918 et à la loi fondée sur cette motion de voies et moyens, la Loi modifiant la Loi du revenu de l'intérieur, C.28, 2.1.

En fait, si l'on remonte encore plus loin dans l'histoire du Canada, l'article 248 de la Loi du Revenu de l'intérieur de 1883 dit la même chose, c'est-à-dire que, sur le tabac et les cigares fabriqués au sein du Dominion du Canada, sont imposés, prélevés et perçus les droits d'accise suivants.

On maintient encore la même formulation. Dans les Lois révisées du Canada de 1985, l'article 200 de la Loi sur l'accise, chapitre E-14, se lit comme suit: «Les droits d'accise...sont imposés, prélevés et perçus sur le tabac et les cigares fabriqués au Canada.»

Comme le disait Shakespeare: «Qu'y a-t-il en un nom? Ce que nous nommons rose sous tout autre nom sentirait aussi bon.» Autrement dit, dans le cas du projet de loi S-13, on pourrait démontrer qu'un prélèvement est, en réalité, une taxe.

Au cours du débat tenu à l'autre endroit, pour faire accepter le projet de loi sur le plan de la procédure, l'auteur du projet de loi S-13 s'est beaucoup fondé sur le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, qui a été adopté par le Parlement en 1997. Le projet de loi C-32 impose une redevance, c'est-à-dire un prélèvement, aux personnes qui fabriquent des bobines d'enregistrement vierges au Canada ou qui les importent et prévoit la distribution de ces redevances à différents groupes, notamment les représentants des auteurs et des artistes de la scène.

 

. 1640 + -

Le projet de loi C-32 n'a peut-être pas été précédé d'une motion des voies et moyens, mais il a été présenté par un ministre. En outre, le sommaire du projet de loi C-32, et maintenant du chapitre 24 des Lois du Canada de 1997, précise que l'entrée en vigueur prévoit, entre autres, un régime de protection des prestations d'artistes-interprètes conforme aux dispositions d'une convention internationale, et établit un régime de rémunération pour la copie privée d'oeuvres musicales, de prestations d'artistes-interprètes et d'enregistrements sonores.

Autrement dit, le projet de loi C-32 est un cas d'exception tel que défini dans la 22e édition de l'ouvrage Parliamentary Practice de May, à la page 779, où il est dit que les redevances ou prélèvements imposés à une industrie à des fins qui sont à l'avantage de cette industrie sont considérées comme n'étant pas assujetties aux règles de procédure en matières de finances, et il n'est donc pas nécessaire qu'elles soient autorisées par une motion des voies et moyens.

À l'autre endroit, l'auteur du projet de loi s'est beaucoup appuyé sur la 21e édition de l'ouvrage Parliamentary Practice de May, pour défendre sa position. Dans la 22e édition de son ouvrage, May souligne ceci à la page 779: «Les lois modernes prévoient souvent des dispositions concernant l'imposition d'autres types de droits ou de paiements qui, sans être des impôts au sens strict du terme, comportent suffisamment de leurs caractéristiques pour qu'il faille les traiter comme des «charges imposées aux contribuables» et, par conséquent, pour qu'ils doivent être autorisés par le biais d'une résolution de voies et moyens présentée par un ministre de la couronne.»

L'auteur ajoute également ceci: «La distinction entre les types de paiements qui sont assujettis ou non aux règles de la procédure financière n'est pas toujours limpide dans la pratique.»

May mentionne notamment «Lorsqu'un paiement est imposé pour payer les coûts de mise en oeuvre d'une nouvelle mesure de réglementation qui est dans l'intérêt général—je dis bien, dans l'intérêt général—plutôt que dans l'intérêt de l'industrie. C'est ce qui est mentionné aux pages 779 et 780. Il faut alors recourir à la procédure financière.

L'article 3 du projet de loi S-13 précise que la loi a pour objet de «réduire l'usage du tabac chez les jeunes au Canada». Bien que cet article précise que c'est là un objectif de l'industrie, il n'y a rien de plus fondamentalement public que les questions de santé, notamment celles qui concernent la santé des jeunes Canadiens.

Dans le cas du projet de loi S-13, ce sont les fumeurs qui seraient les véritables bénéficiaires, pas l'industrie du tabac. Il s'agit d'un objectif d'intérêt public. Telle est son essence et sa substance. Il s'agit d'un objet public. Comme le rappelle le sommaire du projet de loi, l'organisme aurait pour mission de réduire l'usage des produits du tabac chez les jeunes au Canada. Le nouveau titre du projet de loi avalise d'ailleurs l'objet public. En conséquence, le projet de loi S-13 ne correspond pas à l'exception déjà mentionnée.

En fait, le projet de loi S-13 correspond davantage au cas cité dans la 22e édition de l'ouvrage de May, celui du projet de loi de 1973-1974 sur la marine marchande, qui imposait aux importateurs de pétrole l'obligation de contribuer à un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, ce qui exigeait une résolution fiscale, même si les contributions ne devaient pas passer par le Trésor public. Les fonds prélevés en vertu du projet de loi S-13 ne sont pas destinés non plus au Trésor public.

En effet, le prélèvement imposé par le projet de loi S-13 a tout l'air d'une taxe. Il correspond à l'imposition de prélèvements, de frais ou de droits dont les effets et les caractéristiques sont analogues à ceux d'une taxe et qui font donc l'objet d'une résolution fiscale. On peut trouver cela à la page 777 de l'ouvrage de May.

Mise à part la politique publique consistant à permettre à un organisme ou à une industrie de prélever des fonds au moyen d'une taxe, d'un prélèvement ou d'un impôt publics pour un avantage destiné au public, et non simplement à l'industrie, il se trouve également que le projet de loi S-13 violerait non seulement la convention constitutionnelle historique selon laquelle seul l'État peut imposer une taxe à la population, mais irait également à l'encontre du rôle jalousement gardé par la Chambre des communes au Parlement. Comme Bourinot nous le rappelle, l'initiative de telles mesures doit se prendre dans la Chambre du peuple.

L'histoire de la perception de recettes publiques auprès de l'industrie du tabac au Canada montre clairement que cela se faisait au moyen de l'imposition du prélèvement d'une taxe sous l'égide de la procédure financière prévue à notre Règlement. Ce n'est pas le cas pour le projet de loi S-13. Par conséquent, cette mesure ne devrait pas rester inscrite au Feuilleton.

 

. 1645 + -

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je veux intervenir dans le débat sur le rappel au Règlement concernant le projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes et instituant un prélèvement sur l'industrie du tabac. Personnellement, j'appuie ce projet de loi. Cependant, je ne prends pas la parole pour établir le mérite de la mesure législative, mais pour aborder les préoccupations soulevées par le député et pour féliciter la députée de St. Paul's pour son intervention en tant que députée et médecin.

Ce projet de loi n'aurait jamais vu le jour si ce n'était de l'apathie du gouvernement dans le dossier du tabagisme au Canada. Depuis 1994, année où le gouvernement a abaissé les taxes sur les cigarettes, près d'un quart de million d'enfants canadiens ont contracté l'habitude de fumer. Le projet de loi S-13 vise à remédier à la situation. Il est malheureux que le projet de loi ait dû être présenté comme il l'a été, mais il nous a été soumis parce que le gouvernement n'a pratiquement rien fait dans la lutte contre le tabagisme au Canada.

Je voudrais aussi aborder la question sous l'angle de la procédure et parler des précédents qui établissent la recevabilité du projet de loi, notamment le projet de loi C-32, la Loi sur la marine marchande du Canada et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, qui démontrent clairement qu'il s'agit d'un prélèvement et pas d'une taxe.

Monsieur le Président, en votre qualité de gardien de la Chambre des communes et de ses règles, je vous invite à examiner la question et à déclarer que la députée de St. Paul's a bien analysé la situation, tandis que le leader parlementaire du gouvernement se trompe.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Monsieur le Président, mon intervention sur ce rappel au Règlement sera brève, mais je veux quand même reprendre certaines des préoccupations soulevées par le ministre.

Je tiens d'abord à dire que je crains sincèrement que cette mesure législative ne reçoive pas l'attention qu'elle mérite à la Chambre des communes.

Comme les députés le savent, notre régime parlementaire est fondé sur le modèle de Westminster. Il y a trois acteurs très importants dans ce modèle: le gouvernement, la Chambre des communes et l'électorat.

Deux principes fondamentaux régissant la relation entre le gouvernement, le Parlement et l'électorat se sont dégagés de l'histoire brève mais haute en couleur de notre pays: la responsabilité et la représentation. Ces principes existent depuis la naissance de notre pays. Nous avons un Cabinet responsable. Nous avons un Parlement représentatif.

Un Parlement responsable et représentatif exerce des fonctions très importantes. Les parlementaires délibèrent, ils examinent, et ils légifèrent sur les questions dont ils sont saisis. La Chambre haute et la Chambre basse qui composent le Parlement du Canada partagent ces rôles. Les parlementaires délibèrent. Nous examinons des questions et essayons de décider si elles valent la peine d'être débattues, si elles valent la peine d'être modifiées ou si elles valent la peine qu'on y porte attention. Nous nous servons de notre jugement collectif pour décider du travail que nous ferons.

Les parlementaires examinent. Nous avons examiné beaucoup de questions liées au tabac. Nous avons examiné beaucoup de questions, et ces examens conduisent souvent à la création de lois. Nous légiférons. On nous a donné l'honneur de créer des lois, de prendre des décisions qui touchent le bien-être de tous les Canadiens, y compris nos jeunes.

Monsieur le Président, je ne suis pas ici pour vous dire si ce projet de loi devrait ou non être adopté. Je suis ici simplement pour vous dire que ce projet de loi mérite d'être examiné attentivement selon les mécanismes traditionnels de notre régime parlementaire.

Je crois que le projet de loi S-13 mérite l'attention que beaucoup d'autres projets de loi dans l'histoire de notre pays ont reçue. Donnons à ce projet de loi l'attention qu'il mérite et laissons les députés faire leur travail et décider s'il mérite ou non d'être lu pour la deuxième fois.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Monsieur le Président, je tiens à développer des observations que mes collègues ont présentées.

Je crois que j'ai peut-être une solution qui vous aidera à prendre une décision et qui fera, en un sens, que vous ne serez plus sur la sellette.

 

. 1650 + -

Il est manifeste que l'autre endroit 'est intéressé à la question. Il s'est penché sur le projet de loi et l'a dûment adopté.

La Chambre des communes est manifestement captivée par cette question. Celle-ci intéresse certes le gouvernement, mais surtout le peuple canadien et les enfants du Canada.

Peu importe les argumentations constitutionnelles et les argumentations de procédure, peu importe qu'il s'agisse d'une taxe, d'un prélèvement ou d'un tribut—terme auquel je n'avais pas encore pensé—si nous voulons adopter ce projet de loi, nous pouvons certes nous entendre aujourd'hui pour simplement mettre cela de côté en attendant que le gouvernement propose demain matin une motion de voies et moyens. La mesure sera adoptée avant Noël si nous voulons vraiment qu'elle le soit au nom des Canadiens.

Plutôt que d'en discuter pendant des heures, pourquoi ne pas aller de l'avant si la volonté existe? Compte tenu de ce que j'ai entendu, je soupçonne que les Canadiens se sont exprimés par l'intermédiaire de leurs représentants dûment élus à la Chambre et que nous pouvons être saisis du projet de loi demain matin, l'examiner rapidement et faire que le projet de loi dans son ensemble soit adopté et promulgué avant Noël.

De quelle générosité le Parlement fédéral ferait-il alors preuve en offrant aux Canadiens un moyen de sauvetage pour des générations à venir!

Le Président: Il est de mon devoir, conformément à l'article 38 du Règlement, de faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera ce soir, au moment de l'ajournement, à savoir: la députée de Yukon—L'environnement; le député de Tobique—Mactaquac—Le Sommet sur la coopération économique Asie-Pacifique

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Monsieur le Président, je désire intervenir sur ce recours au Règlement, mais sûrement pas pour reprendre l'excellence des argumentaires présentés par ma collègue de St. Paul's.

Je vais m'attarder sur deux points très précis. Le premier porte sur la question de la motion des voies et moyens en ce qui a trait à une taxe comparativement à un prélèvement. Le deuxième point a trait aux critères de prélèvement.

Aujourd'hui, monsieur le Président, vous devez statuer sur la question de savoir s'il s'agit d'un prélèvement ou d'une taxe. Quand un projet de loi propose un prélèvement et non une taxe, il est exempté de certains prérequis. Un projet de loi imposant une taxe à la charge de la population doit être précédé par l'adoption d'une motion des voies et moyens. Un projet de loi proposant un prélèvement n'exige pas l'adoption d'une motion des voies et moyens.

Nul n'est besoin de répéter qu'une motion des voies et moyens ne peut être proposée à la Chambre que par un ministre de la Couronne. Selon les us et coutumes de cette Chambre, un prélèvement doit satisfaire à trois critères bien précis.

[Traduction]

Premièrement, le prélèvement doit être imposé à l'industrie. Deuxièmement, il doit servir aux fins de l'industrie. Et troisièmement, les sommes prélevées ne devront jamais aller grossir les recettes publiques.

[Français]

Monsieur le Président, votre rôle en est un de juge. Tel que vous le disiez précédemment, vous sollicitez notre avis. D'autres avis, incluant des avis juridiques, vous ont ou vous seront certainement soumis. Vous solliciterez aussi, entre autres, d'autres avis, et j'en suis fort aise.

Je termine sur la comparaison, tel que l'a soumis plus tôt le leader du gouvernement à la Chambre, entre le projet de loi C-32 sur le droit d'auteur et le projet de loi S-13 qui est devant nous. Contrairement à l'opinion émise par le leader du gouvernement, je vois beaucoup de similitudes entre ces deux projets de loi. Le projet de loi C-32, incluant le prélèvement sur la vente de cassettes vierges, n'a pas nécessité de motion des voies et moyens et de sanction royale, car il s'agissait effectivement d'un prélèvement.

Ce projet de loi se doit d'être adopté et débattu par ce Parlement, lequel le jugera au mérite. À mon avis, ce projet de loi rencontre tous les critères requis pour aller de l'avant.

Avec votre permission, j'aimerais déposer à la Chambre des avis juridiques à cet effet, avis qui, je l'espère, vous aideront dans votre réflexion.

 

. 1655 + -

Le Président: Si l'honorable député de Pierrefonds—Dollard veut déposer ces avis juridiques, j'aimerais qu'il me les donne, par l'entremise d'un des pages, pour que je puisse les lire.

[Traduction]

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Monsieur le Président, avant de commencer, j'aimerais avoir une idée du temps dont je disposerai, car je voudrais passer en revue quelques jugements de la Cour suprême se rapportant à la question dont nous sommes saisis aujourd'hui. En raison de la nature détaillée de mon exposé, je vais avoir besoin de plus que deux minutes.

Le Président: Je suis prêt à écouter tous les renseignements pertinents que le député peut nous fournir relativement à ce rappel au Règlement. Si le député souhaite attirer mon attention sur une affaire en particulier, il pourrait peut-être résumer l'affaire dans ses propres termes et mettre les documents à ma disposition en les déposant sur le bureau.

M. Greg Thompson: Monsieur le Président, je vais aller aussi rapidement que possible. Ces décisions de la Cour suprême sont certainement pertinentes. Elles ont directement trait à la question dont nous discutons.

L'un des arguments invoqués par le leader à la Chambre est qu'il s'agit ici d'une taxe et non d'un prélèvement. Je veux intervenir ici pour expliquer aux Canadiens de quoi il s'agit. Monsieur le Président, suite à votre étude de cette question, vous avez, j'en suis convaincu, une très bonne idée de ce dont nous discutons. Il importe toutefois de faire consigner toutes ces notions au compte rendu.

Une taxe est généralement définie comme une contribution obligatoire exigée d'une personne par un organisme gouvernemental dans le but de transférer des ressources du secteur privé au secteur public. Une taxe est imposée pour financer des biens et services du secteur public, ainsi que pour redistribuer le revenu entre les divers groupes économiques au sein de la société.

La question de savoir si des frais imposés par un gouvernement constituent ou non une taxe a été examinée par les tribunaux relativement au paragraphe 92(2) de la Loi constitutionnelle de 1867, afin de déterminer le statut de tels frais imposés par les gouvernements fédéral et provinciaux.

En vertu du paragraphe 92(2), une province ou le gouvernement fédéral peut imposer une taxe directe, mais non indirecte. Si les frais imposés sont indirects, ceux-ci sont inadmissibles.

La Cour suprême du Canada a étudié cette question dans les affaires auxquelles je ferai allusion sous peu, et je vais me servir de l'annexe de certaines de ces causes pour fournir plus de précisions. Ces causes sont les suivantes: la Loi sur la commercialisation des produits agricoles, en 1978; la Loi sur le gaz naturel exporté, en 1982; Allard Contractors c. Coquitlam, en 1993; et Ontario Home Builders' Association c. York Region Board of Education, en 1996.

Dans l'affaire des produits agricoles, la Cour suprême du Canada a conclu que les prélèvements imposés par un office de commercialisation étaient des redevances prévues par la réglementation permettant de faire face aux dépenses de l'office de commercialisation. Que ces prélèvements n'étaient pas une taxe étant donné qu'ils n'étaient pas effectués aux fins d'accroître les recettes destinées au Trésor public. La députée de St. Paul's l'a dit très clairement, cet argent n'est pas destiné au Trésor public.

Dans l'affaire de l'entreprise Allard, la Cour suprême du Canada a conclu qu'un droit imposé par une municipalité à des compagnies spécialisées dans l'extraction de gravier n'était pas une taxe étant donné que les fonds recueillis étaient destinés à la réparation des routes et servaient donc à des fins précises. La clef ici réside dans l'expression «à des fins précises». Comme les fonds provenant de ces redevances étaient destinés à des fins précises, ces redevances étaient réglementaires.

 

. 1700 + -

Dans l'affaire de l'Ontario Home Builders Association, la Cour suprême du Canada a conclu qu'une redevance imposée aux promoteurs par les conseils scolaires pour financer la construction de nouvelles écoles était une redevance réglementaire et non une taxe.

La Cour d'appel de l'Ontario a conclu que les droits d'homologation prélevés par la province de l'Ontario faisaient partie d'un système de réglementation se rapportant à l'entretien de la Cour de l'Ontario. Le prélèvement de droits d'homologation faisait partie d'un programme général d'accroissement des recettes et, en tant que tel, n'était pas une taxe.

Dans l'affaire de la taxe sur le gaz naturel, la Cour suprême du Canada, a conclu que la redevance en question avait pour but de générer des recettes à des fins d'intérêt public et en tant que telle, était une taxe.

Il découle de ces affaires qu'un prélèvement imposé par un organisme public peut être considéré comme un frais réglementaire et non pas comme une taxe si les montants reçus en vertu du prélèvement doivent être affectés à un service gouvernemental particulier et qu'il existe un lien raisonnable entre le montant du prélèvement et le coût de prestation du service. La députée de St. Paul's a très bien expliqué, à cet égard, les montants qui seraient prélevés, où et comment ils seraient dépensés, quelle partie de l'argent serait dépensée et ce qui se passerait si la totalité de l'argent demeurait inutilisée.

Le prélèvement visé dans la partie 2 du projet de loi S-13 a clairement pour objet de fournir les fonds nécessaires pour compenser le coût de la prestation des services et des produits visés à l'article 5 du projet de loi. Le produit des prélèvements ne sera pas transféré à une autorité publique et utilisé à des fins publiques générales; il servira uniquement aux objets de la fondation.

Le lien entre le prélèvement et les dépenses de la fondation est indiqué au paragraphe 36(3) du projet de loi, qui prévoit que si le nombre de jeunes au Canada qui consomment des produits du tabac diminue à 5 p. 100 ou moins au cours de son cinquième exercice ou de l'un de ses exercices subséquents, la fondation pourra réduire ou abolir le prélèvement effectué en vertu du paragraphe 36(1) du projet de loi pour l'année. On peut présumer que les dépenses de la fondation diminueraient si le nombre de jeunes au Canada qui consomment des produits du tabac diminuait, si bien que la nécessité d'un prélèvement pour payer ses dépenses irait aussi en diminuant. Le projet de loi le dit très clairement. À mon avis, le prélèvement visé à la partie 2 du projet de loi n'est pas une taxe.

Comme il me reste encore deux ou trois pages, j'aimerais pouvoir les déposer afin de gagner du temps.

Le Président: Je crois que ce serait une bonne façon de faire. Le député peut donner la documentation au page et je m'en occuperai personnellement.

M. Greg Thompson: Monsieur le Président, je sais que nous devons parler des aspects techniques du projet de loi. Le tabagisme cause environ 40 000 décès par année au Canada. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour surmonter ce problème.

Le point que je veux soulever se rapporte à un précédent et je ne crois pas qu'il en ait été question aujourd'hui. La pratique au Canada se fonde sur un précédent basé sur des affaires britanniques. C'est dire qu'il est possible pour une résolution de voies et moyens, si elle est jugée nécessaire, d'être présentée après l'étape de la deuxième lecture d'un projet de loi. Monsieur le Président, c'est une option que vous devriez envisager, car cela permettrait de débattre de ce projet de loi à la Chambre des communes, afin que l'on parle de ses mérites. De toute évidence, c'est une chose dont vous devriez tenir compte.

 

. 1705 + -

J'espère que votre décision se fondera sur les arguments et les précédents qui ont été évoqués aujourd'hui. Si votre décision se basait sur autre chose, je pense que ce serait très injuste pour la Chambre. Je ne pense pas que c'est ce que vous ferez, mais je voulais néanmoins le mettre au compte rendu.

Je pense que, des deux côtés de la Chambre, nous voulons avoir la possibilité de discuter des mérites du projet de loi, mais je sais aussi qu'il est parfois arrivé que des décisions soient rendues sur la foi de détails techniques ou d'arguments qui n'avaient pas été soulevés à la Chambre. J'espère que la décision sera basée sur les mérites de certains des arguments qui ont été entendus aujourd'hui.

J'espère qu'en fin de compte on pourra étudier ce projet de loi et en débattre à la Chambre des communes.

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens pour appuyer les arguments exposés par ma collègue, la députée de St. Paul's, et par tous les autres députés qui se sont dits favorables à ce qu'on reconnaisse que le projet de loi S-13 peut être présenté valablement à la Chambre des communes.

Il est clair pour nous tous qu'une taxe est une contribution imposée à la population. Nous nous entendons sur ce point. Si une taxe est une contribution imposée à la population, son imposition doit être précédée d'une motion de voies et moyens. Nous sommes tous d'accord sur ce point. Une motion de voies et moyens doit être présentée par un ministre du gouvernement. Une mesure fiscale peut émaner uniquement de la Chambre des communes. D'une façon ou d'une autre, les recettes fiscales feront partie des recettes générales de l'État.

Un prélèvement est chose bien différente. Un prélèvement est imposé pour servir un objet bénéfique propre à une industrie. Les fonds prélevés ne font jamais partie des recettes de l'État. Nous devons découvrir si le prélèvement imposé à l'industrie du tabac en l'occurrence représente une contribution imposée à la population et fait partie des recettes de l'État. Si tel n'est pas le cas, s'il ne s'agit pas d'une contribution imposée à la population en général et si les fonds prélevés ne font pas partie des recettes de l'État, on peut conclure que le projet de loi S-13 constitue une introduction et une imposition d'un prélèvement sur une industrie particulière et peut valablement être présenté à la Chambre.

Le texte du projet de loi est très clair. Mon collègue, le député de Haldimand—Norfolk—Brant a cité l'article 36 en disant qu'il s'agit vraiment de l'imposition d'un prélèvement sur une industrie particulière.

 

. 1710 + -

Je me reporte à la décision du Président du Sénat:

    J'ai deux choses à faire ici. Je n'ai aucun pouvoir sur le droit constitutionnel, mais je peux examiner le projet de loi et le comparer à des précédents pour déterminer s'il constitue une taxe ou non.

    Mais je suis par contre autorisé à examiner le projet de loi pour déterminer s'il est bien ce qu'il prétend être. Je m'en suis tenu au sens ordinaire des termes employés et je les ai examinés pour voir si toutes les dispositions concernant la question du prélèvement étaient cohérentes. J'ai ensuite tenté de déterminer si le prélèvement proposé répond aux critères qu'on trouve aux pages 730-737 d'Erskine May et qui permettent d'établir qu'un prélèvement échappe aux règles de procédure financière qui régissent l'imposition de taxes.

    Si l'on s'en tient au sens ordinaire des termes du projet de loi, il est question de prélèvement plutôt que de taxe. La partie II du texte est éclairante à cet égard. Il est également clair que le prélèvement est imposé à l'industrie du tabac exclusivement.

Cela ne constitue donc pas une obligation pour la population, mais bien pour l'industrie du tabac. Il a dit encore:

    Le but du prélèvement, tel qu'énoncé, est de répondre à un objectif qui profite à l'industrie, mais qui est également dans l'intérêt public. L'article 3 indique précisément que le projet de loi a:

      ...pour objet de donner à l'industrie canadienne du tabac les moyens de réaliser l'objectif qu'elle s'impose publiquement de réduire l'usage du tabac chez les jeunes au Canada.

    Ainsi donc, pour ce qui est du libellé du texte, je dois reconnaître que ce qui est proposé est un prélèvement, et non pas une taxe.

Il fait ensuite une comparaison avec Erskine May:

    Le premier critère veut que le prélèvement soit destiné aux objets de l'industrie. Le second est que les fonds recueillis ne doivent en aucune façon faire partie des recettes du gouvernement.

Il conclut en établissant une comparaison avec les dispositions du projet de loi C-32:

    Mais il y a plus encore. Il y a une autre indication qui porte à croire que le prélèvement [dans le projet de loi C-32] n'était pas considéré comme une taxe. Je puis l'affirmer parce qu'au mieux de ma connaissance, le projet de loi n'a pas été précédé d'une résolution de voies et moyens, ce qui aurait été obligatoire si les fonds recueillis avaient été considérés comme une taxe.

Je voudrais aussi parler de l'article 35. Je ne veux pas parler du fond, mais simplement prouver qu'il s'agit d'un prélèvement. Si les fonds en question faisaient partie des recettes générales, du Trésor public, il faudrait qu'ils soient remis au Trésor public. S'il s'agissait d'une charge imposée aux contribuables, cela ferait partie des recettes du gouvernement et, s'il arrivait quoi que ce soit, il faudrait que cela revienne dans les recettes du gouvernement.

Le projet de loi établit une fondation, et l'article 35 stipule clairement qu'en cas de dissolution de la fondation, les recettes doivent être transférées au conseil de la fondation, c'est-à-dire à l'industrie du tabac.

Le projet de loi précise clairement que l'objectif est d'imposer un prélèvement à une industrie particulière, comme le prévoyait le projet de loi C-32 à l'égard des bandes vierges. Il n'y a absolument aucune différence. Le but visé sera avantageux pour l'ensemble de l'industrie. L'industrie du tabac appuie le projet de loi S-13 en disant: «Nous ne pouvons pas faire cette démarche nous-mêmes, car elle manquerait de crédibilité et personne n'accepterait cela, venant de nous. Par conséquent, une fondation indépendante qui est dépositaire de recettes sur lesquelles elle a le plein contrôle peut atteindre cet objectif en notre nom.»

En quoi cette mesure législative est-elle différente du projet de loi C-32? Elle ne l'est pas du tout.

Le député de Pierrefonds—Dollard a déposé deux avis juridiques de Michael Clegg et de Mark Siegel, deux spécialistes de la question.

 

. 1715 + -

Ils ont témoigné devant le Sénat, et il était très clair dans leur esprit qu'il s'agissait d'un prélèvement et non d'une taxe.

Il y a, dans le Citizen d'Ottawa d'aujourd'hui, une lettre venant d'un de nos plus éminents avocats, Lawrence Greenspon, que je voudrais citer, si vous le permettez, car je crois que c'est très important:

    Les tribunaux canadiens ont l'habitude de cette question et ont fait la distinction entre ce genre de frais réglementaires et les taxes. Ce n'est pas la même chose.

    La première condition est que le prélèvement imposé à l'industrie soit destiné aux objets de l'industrie. Ici, le but est clair. Le projet de loi vise les fabricants de produits du tabac, prélève de l'argent auprès de ces fabricants et utilise ensuite cet argent exclusivement pour informer un segment de la population qui est ciblé par ces fabricants.

    La deuxième condition est de faire en sorte qu'aucune partie de l'argent perçu ne soit versé au Trésor. Les dispositions du projet de loi prévoient que tout excédent sera remis aux fabricants de produits du tabac.

C'est ce qui est prévu dans le projet de loi.

M. Greenspon dit également que, en tant qu'avocat, il est attristé par la possibilité qu'on se serve de façon abusive de l'interprétation juridique pour anéantir cet effort salutaire. Il conclut en disant que, dans son esprit, c'est clairement un prélèvement.

Je vous supplie, monsieur le Président, de reconnaître cette mesure pour ce qu'elle est clairement. Je dirais que mes collègues appuient sans réserves le principe de ce projet de loi. Je ne suis pas d'accord avec les personnes qui affirment le contraire, car je sais que mes collègues lui accordent un appui vigoureux.

Les députés estiment de leur devoir d'intervenir sur une question qui a rapport à ce que nous faisons ici. Et c'est très important qu'ils l'aient fait. Je suis content qu'ils l'aient fait. La décision vous appartient, monsieur le Président.

Je remarque que des députés d'en face ont invoqué l'article 53 de la Loi constitutionnelle. Des députés ont maintes fois mentionné la Constitution et j'estime que Beauchesne prévoit très clairement que vous n'avez pas à tenir compte des questions constitutionnelles ni des questions légales proprement dites. C'est au-delà de ce que vous devriez faire, monsieur le Président.

J'estime, monsieur le Président, que vous pouvez examiner ce projet de loi qui est formulé en termes très clairs et très simples et dont le but, la signification et les objectifs sont nettement définis et convenir avec nous qu'il ne prévoit nullement imposer une taxe à la population, qu'une motion des voies et moyens est inutile, que ce projet de loi pouvait être présenté à l'autre endroit, qu'il est recevable ici et que nous devrions l'examiner.

J'espère que vous en arriverai à la même conclusion dans vos recommandations, monsieur le Président.

Le Président: Je constate que quatre autres députés ont demandé à prendre la parole. À 17 h 30, nous sommes censés passer à l'étude des initiatives parlementaires. Il s'agit d'un ordre de la Chambre.

Comme il reste 12 minutes environ et que vous êtes quatre à vouloir prendre la parole, pourriez-vous résumer ce que vous avez à dire en trois minutes? Je vais accorder la parole au député réformiste, puis au député de Whitby—Ajax et au député de Burnaby—Douglas et vous permettre enfin de conclure.

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, certains députés semblent avoir la fausse impression que le prélèvement de 50 cents par cartouche est une taxe ou un droit. À mon avis, ce n'est ni une taxe ni un droit, mais bien un don obligatoire pour appuyer une cause irréprochable selon moi qui vise à empêcher les jeunes de faire l'expérience d'une drogue absolument mauvaise et nuisible, et d'en prendre l'habitude. L'objectif du projet de loi n'est nullement de remplir les coffres du gouvernement.

En fait, la question d'une taxe ou d'un droit se situe en zone grise. Je pense que cela donne une certaine marge de manoeuvre au Président. Cela vous confère certainement une certaine liberté pour déterminer si la Chambre doit être saisie ou non de ce projet de loi.

 

. 1720 + -

D'après moi, monsieur le Président, comme vous l'avez dit maintes fois, vous êtes au service de la Chambre des communes et des députés. Je crois que les députés des deux côtés veulent que ce projet de loi soit présenté et pleinement débattu à la Chambre. Je vous demande de prendre en considération leur volonté.

Il semble peu probable que le gouvernement invoque un détail technique pour empêcher la présentation de ce projet de loi. Il est temps que nous fassions quelque chose pour nos enfants. Je souhaite que ce projet de loi soit présenté sans délai et fasse l'objet d'un débat.

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Monsieur le Président, vous avez déjà entendu d'éloquents arguments quant à savoir si ce projet de loi prévoit un impôt ou un prélèvement. Je n'ai pas l'intention de les répéter. Je souhaite plutôt souligner un autre aspect du processus qui concerne votre participation en tant que Président de la Chambre.

Monsieur le Président, le fait de vous demander de déterminer si ce projet de loi est un projet de loi de crédit et, partant, s'il est irrecevable équivaut à vous demander de contredire l'objet clairement énoncé du projet de loi. Le projet de loi prévoit imposer un prélèvement et non un impôt. Il prévoit que le prélèvement servira à la réalisation des objectifs que l'industrie s'est imposés publiquement. Il prévoit que les fonds recueillis ne seront pas versés au Trésor. Comme l'a dit mon collègue, le député de Lac-Saint-Louis, le projet de loi énonce clairement que le prélèvement qu'il prévoit n'est pas un impôt.

Monsieur le Président, sauf tout le respect que j'ai pour la présidence, ce n'est pas votre rôle d'imputer des motifs autres que ceux qui sont énoncés dans le projet de loi. On vous demande en fait de spéculer sur les effets possibles de ce projet de loi sur le plan juridique. On vous demande de prendre une décision à la fois juridique et constitutionnelle.

Je sais que vous connaissez bien le Beauchesne, mais, à titre d'information, je vais répéter le commentaire 168(5), que l'on trouve à la page 49 de la 6e édition de cet ouvrage:

    Le président ne décide d'aucune question d'ordre constitutionnel ou juridique, bien qu'il soit permis de soulever une question de ce genre par rappel au Règlement ou sous forme de question de privilège.

C'est le rôle des tribunaux de faire cette détermination, pas celui du Président.

Monsieur le Président, votre rôle, ainsi que vous le savez bien, consiste à préserver le privilège des députés de débattre et de parler librement sur presque toutes les questions. En l'absence de motif convaincant prouvant que ce projet de loi est irrecevable sur le plan de la procédure, votre devoir est de permettre la poursuite du débat et de nous permettre à nous, les députés, de nous prononcer sur les mérites du projet de loi.

En guise de conclusion, je voudrais dire qu'il est malheureux qu'une initiative aussi valable fasse l'objet d'un débat de procédure, d'autant plus qu'il semble que son objectif, protéger la santé des jeunes, jouit d'un large appui au sein de tous les partis.

Monsieur le Président, voici un projet de loi dont l'objectif est déclaré. Vous devez appliquer le Règlement et non pas interpréter la loi ou imputer d'autres motifs.

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, je vais obéir à votre consigne. Je serai bref.

Je veux faire miens les arguments présentés plus tôt avec éloquence par la députée de St. Paul's et la remercier d'avoir saisi la Chambre de cette importante mesure législative. Je tiens également à rendre hommage au sénateur Colin Kenny, qui a sillonné le pays sans relâche, dans l'espoir qu'il partage avec tous les députés, quelle que soit leur affiliation, de ralentir la tragédie humaine que représentent les 40 000 décès par an dus au tabagisme qui malheureusement touche trop de jeunes et d'adolescents.

Nous avons entendu une variété d'arguments sur la différence entre une taxe et un prélèvement et sur la constitutionnalité de cette mesure législative. Pour ma part, j'aimerais présenter une solution qui trouvera peut-être faveur auprès de l'ensemble des députés.

J'ai consulté le Bureau. Il existe à ce stade une option autre que le fait de se soumettre à l'arbitrage de la présidence dont la décision pourrait empêcher qu'il y ait un débat sur le fond du projet de loi. J'exhorte tous les députés à envisager sérieusement cette option.

Je tiens à ce qu'il soit clair qu'elle n'a aucune incidence sur la position que je partage, entre autres, avec la députée de St. Paul's et ma collègue de Winnipeg-Centre-Nord, à savoir que le projet de loi est recevable et qu'il devrait aller de l'avant.

Voici ma proposition: même si la Chambre ne veut pas donner son consentement pour que le projet de loi franchisse toutes les étapes, elle peut consentir maintenant à ce qu'il franchisse les étapes de la deuxième lecture et de l'étude en comité. Les députés peuvent y consentir maintenant. Si le consentement est donné, les Canadiens pourront alors faire valoir leur opinion sur cette question par l'intermédiaire de leur député, tant à la Chambre qu'en comité.

 

. 1725 + -

Cela permettrait aussi au gouvernement de déterminer s'il est nécessaire ou souhaitable de présenter une motion de voies et moyens.

Monsieur le Président, du point de vue de la procédure, je pense que si le consentement est accordé, votre décision serait reportée jusqu'à ce qu'il soit nécessaire de trancher la question précise de savoir s'il faut présenter une motion de voies et moyens.

Je lance un appel aux députés. Il y a une volonté de tous les côtés de la Chambre d'examiner le bien-fondé de cette mesure législative très importante. Par conséquent, je demande à tous les députés de donner leur consentement unanime afin que le projet de loi S-13 puisse se rendre à l'étape de la deuxième lecture et à celle de l'étude en comité.

Si la Chambre donne son consentement, le gouvernement aura tout le loisir de déterminer s'il y a lieu ou non de déposer une motion de voies et moyens. Mais ce qui compte, et j'ai consulté les services du greffier à cet égard, c'est que le bien-fondé de cette mesure législative très importante pourrait être examiné par la Chambre et par un comité. Par conséquent, je demande votre consentement.

Le Président: Je veux être certain de bien comprendre. Le député veut obtenir la permission de demander le consentement unanime de la Chambre afin que le projet de loi se rende à une certaine étape du processus. Sauf erreur, il a parlé de la deuxième lecture et de l'étude en comité. C'est pour cette raison que le député demande le consentement de la Chambre. La requête est recevable.

Le député a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour présenter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Monsieur le Président, je vais essayer de vous faire quelques suggestions constructives.

Il semblerait que ce qui fait problème, dans l'examen du projet de loi S-13, c'est la définition du mot «prélèvement». Je vous signale que, dans la loi, on définit «prélèvement» par le prélèvement. On utilise le même terme. Il s'agit d'un prélèvement pour les objets de l'industrie.

Monsieur le Président, d'aucuns ont soutenu à la Chambre qu'il faut examiner attentivement ce que les tribunaux, et la Cour suprême en particulier, ont dit en la matière. Je vous demande d'intervenir en votre qualité de président de la plus haute instance du pays et de rendre une décision qui aura prépondérance sur celles des tribunaux, puisque l'autorité de cette Chambre est prépondérante.

Cela dit, je ne crois pas qu'il faille aller devant les tribunaux pour établir ce que signifie le terme «prélèvement». Il suffit d'ouvrir le dictionnaire qui se trouve sur le bureau, devant vous. Ce terme y est défini comme l'action de prélever, de percevoir une taxe, un tribut, etc.

Monsieur le Président, si vous consultiez le huitième volume de l'Oxford English Dictionary à la Bibliothèque du Parlement, vous verriez que l'on y définit le prélèvement comme l'action de percevoir une quote-part, une cotisation, une taxe. D'après le Collins English Dictionary, prélèvement désigne l'art d'imposer et de percevoir une taxe, un tarif, et ainsi de suite, ainsi que la somme ainsi prélevée. Quant au American Heritage Dictionary of English Language, il parle de l'imposition et de la perception d'une taxe. Enfin, dans le Larousse, on assimile le prélèvement à une taxe, à un impôt.

Monsieur le Président, le sens que l'on donne en français comme en anglais au terme «prélèvement» est on ne peut plus clair; il s'agit bel et bien d'une taxe, d'un impôt. Vous avez cependant entendu des députés faire valoir que l'on a parfois donné à ce terme le sens d'outil servant à prélever des fonds par voie réglementaire.

Le député de Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest a attiré votre attention sur les droits d'homologation imposés en Ontario. Il a dit que si vous voulez un exemple de prélèvement, il suffit d'examiner les droits ontariens d'homologation, et il a cité des documents judiciaires. Ces droits ont récemment fait l'objet d'une contestation devant les tribunaux et on a jugé qu'ils constituaient une taxe. Si je ne m'abuse, le gouvernement ontarien doit maintenant environ un milliard de dollars à cause de ce prélèvement.

 

. 1730 + -

Je vous demande, monsieur le Président, d'examiner très attentivement ce que nous entendons au juste par un prélèvement. Là encore, le dictionnaire que vous avez devant vous sur le bureau définit ce qu'est une taxe. Nous avons vu dans ce dictionnaire qu'un prélèvement est une taxe et nous allons voir maintenant la définition de taxe. On dit:

      contribution aux recettes du gouvernement prélevée de façon obligatoire sur les particuliers, les biens ou les entreprises.

Certains affirment que cette taxe obligatoire n'en est pas vraiment une, puisqu'on verse l'argent à une fondation. Je prétends que, vu qu'une fondation est créée par le Parlement, par le gouvernement, elle reçoit, en fait, une taxe. Ainsi, nous n'évitons pas la question de savoir s'il s'agit oui ou non d'une taxe du fait que cet argent est versé à un organisme indépendant créé par le gouvernement.

Ce qui importe, c'est que le prélèvement est obligatoire. Je signale que normalement, dans notre loi, nous ne faisons pas une distinction entre les personnes physiques, les particuliers comme moi-même, et les sociétés, les personnes morales. La loi considère souvent que ce sont toutes des personnes et les traite en conséquence.

Monsieur le Président, j'attire votre attention sur une autre définition contenue dans le projet de loi:

      «commanditaire de la fondation» Quiconque verse un prélèvement.

Si on remplace le mot prélèvement par le mot taxe, la définition dit alors qu'un commanditaire de la fondation est quiconque verse une taxe. En d'autres termes, il s'agit toujours de prélever une taxe auprès de quelqu'un.

Le Président: L'après-midi a été très intéressant. Je suppose que la décision aura d'importantes répercussions.

Je vais suivre les conseils que vous m'avez donnés et je vais m'informer auprès d'autres sources afin d'avoir une vue complète du problème. Bien entendu, vous ne voudriez pas que je me limite seulement à ce qui a été dit à la Chambre; j'aurai sans aucun doute besoin d'autres renseignements.

Je prendrai en considération les informations très utiles que vous m'avez transmises aujourd'hui. Après avoir examiné toutes les données pertinentes, je ferai part à la Chambre de ma décision sur ce recours au Règlement.

Mme Carolyn Bennett: Monsieur le Président, si vous trouvez des renseignements qui seraient intéressants pour la Chambre ou peut-être de nouvelles données dont on n'a pas fait mention cet après-midi, pourriez-vous nous en faire part pour que nous puissions livrer nos observations?

Le Président: Je sais que vous ne voulez pas vous lancer dans un débat avec votre Président; lorsque je rendrai ma décision, je préciserai clairement quelles ont été mes sources.

Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.



INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

 

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.) propose: Que le projet de loi C-207, Loi modifiant le Code criminel (intrusion), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

—Monsieur le Président, je me sens certes privilégié d'entamer le débat aujourd'hui sur mon projet de loi C-207 d'initiative parlementaire, qui vise à modifier le Code criminel en ce qui concerne l'infraction d'intrusion.

Ce projet de loi est le fruit des réactions des habitants de ma collectivité. Il est motivé par les plaintes d'agents de police, d'agents de sécurité dans les centres commerciaux, et ainsi de suite, de même que par mon expérience en tant qu'agent du système de justice pénale dans le règlement de conflits familiaux et par les commentaires du grand public.

Je suis animé par le désir de protéger ma collectivité, ainsi que la sécurité des enfants dans les bibliothèques, sur les patinoires, dans les cours d'école ou dans les centres commerciaux de la localité. En ce qui concerne les conflits familiaux, ce projet de loi contribuerait grandement à faciliter l'observation volontaire, ce qui préserverait la paix dans les foyers et protégerait les enfants qui s'y trouvent.

 

. 1735 + -

Ce qui entraîne de la frustration, c'est essentiellement que des personnes font intrusion dans des lieux privés, troublent l'ordre public et détruisent le sentiment de communauté et de sécurité qu'ont les enfants. Pourtant, il est impossible de les retirer de ces lieux pour un court laps de temps. Par exemple, les centres commerciaux sont des endroits que les jeunes aiment fréquenter. On y voit parfois de jeunes trafiquants de drogues qui se pavanent ou des groupes de jeunes désoeuvrés qui cherchent à faire les fanfarons et à s'approprier un endroit particulier.

Les agents de sécurité des centres commerciaux ont constamment du mal à faire respecter les normes de courtoisie. La principale raison en est qu'ils n'ont pratiquement aucun pouvoir lorsqu'ils veulent donner un avertissement à quelqu'un. Les agents de sécurité ne peuvent qu'avertir les perturbateurs qu'ils peuvent être expulsés de la propriété.

Si le service de sécurité d'un centre d'achats ou d'une bibliothèque est forcée d'expulser un perturbateur, celui-ci peut revenir quelques minutes plus tard. Il n'y a rien dans le Code criminel qui dise que l'intrus ne peut revenir sur la propriété avant un certain temps. La personne ne peut être inculpée que si elle résiste à l'expulsion. Si elle ne résiste pas, le même scénario peut se répéter constamment, et cela se produit parfois.

Une chose que les responsables fédéraux semblent oublier trop souvent, c'est que les adolescents sont très au courant des choses. Je me souviens que lorsque je siégeais au Comité permanent de la justice et des questions juridiques, au moment où l'on traitait de la Loi sur les jeunes contrevenants, un témoin voulait me faire croire que les jeunes n'ont aucune idée de ce que sont les peines en vertu de la loi en question. Ce n'est certainement pas vrai.

Il y a longtemps que les réformistes réclament le durcissement de la Loi sur les jeunes contrevenants de manière à dissuader les jeunes de commettre des infractions. Une des raisons de cela c'est que la collectivité sait—pour avoir vu les résultats de l'application de la loi—que les conséquences des infractions sont minimes et que, par suite, il n'y a pas lieu de s'en préoccuper.

Avant d'être député, j'ai été conseiller en justice familiale et agent des libérations conditionnelles au ministère du procureur général de Colombie-Britannique. J'ai passé beaucoup de temps face à face avec de jeunes contrevenants. Après un certain temps, on sait comment ils raisonnent. Dans bien des cas, ils savent exactement ce qu'ils font. Leurs actions sont tout à fait délibérées. Nombreux sont ceux qui savent comment déjouer le système. S'il y a une échappatoire dans le système, un délinquant la découvrira certainement, et la nouvelle se répand vite.

Durant les cinq dernières années, les réformistes ont tenté de modifier le système judiciaire en éliminant certaines de ces échappatoires les plus évidentes, une à la fois et de façon ordonnée.

Chaque province semble avoir une législation qui lui est propre sur la question des intrusions. En Colombie-Britannique, les lois sont plutôt indulgentes à cet égard. Il faut faire quelque chose pour s'attaquer à ce grave problème. Comme les provinces ne font parfois pas grand-chose pour régler la situation, je crois qu'il faut faire quelque chose pour modifier le Code criminel afin que nous puissions avoir une norme nationale de comportement social acceptable dans un lieu public. C'est l'expression du civisme des Canadiens les uns envers les autres.

Dernièrement, un employé du ministère de la Justice a téléphoné à mon bureau pour s'informer du projet de loi dont nous discutons. Le fonctionnaire a demandé à un membre de mon personnel pourquoi nous ne nous contenterions pas d'exercer des pressions sur les provinces pour qu'elles modifient leurs lois puisque, apparemment, cette modification est à la limite des compétences fédérales et provinciales. J'ai répondu que nous ne pouvons pas toujours compter sur les provinces pour rattraper l'inaction du fédéral. Nous ne pouvons pas nous contenter de blâmer les provinces et de dire que cela relève d'elles.

Voici un exemple de domaine où le gouvernement fédéral doit prendre les devants, pour une fois. La modification de l'article 41 du Code criminel est de compétence fédérale, et cela n'empiéterait en rien sur les champs de compétence des provinces.

La modification que je propose dans le projet de loi C-207 donnerait plus de mordant à l'article 41 du Code criminel. L'article 41 (1) prévoit clairement que:

    Quiconque est en possession paisible d'une maison d'habitation ou d'un bien immeuble, comme celui qui lui prête légalement main-forte ou agit sous son autorité, est fondé à employer la force pour en empêcher l'intrusion par qui que ce soit, ou pour en éloigner un intrus, s'il ne fait usage que de la force nécessaire.

Je propose un amendement à l'article 41 du Code pour permettre le dépôt d'une déclaration sommaire de culpabilité, qui constitue une infraction mineure, dans le cas d'une personne qui a déjà été expulsée légalement d'un bien immeuble ou d'une maison d'habitation, pour qu'elle ne soit pas en mesure d'y retourner légalement pendant 24 heures. Ce délai de 24 heures a pour but de donner à la personne le temps de reprendre ses esprits. C'est incroyable comme les gens changent d'attitude en une seule nuit.

 

. 1740 + -

Mais cela permet également un temps d'intervention social pour permettre à la mentalité de foule et de parade face aux autres de s'estomper. C'est souvent une question de délai. Lorsqu'on expulse légalement une personne, il faut pouvoir contrer cette attitude qui veut que cette personne peut revenir quelques minutes plus tard et se moquer du système.

Je vais vous présenter une situation hypothétique. Un adolescent est expulsé d'un centre commercial après avoir causé du désordre à la limite du crime grave. Selon les dispositions que je propose, l'adolescent ne pourrait revenir au centre commercial avant 24 heures, sous peine d'être accusé d'intrusion illicite et d'être reconnu coupable d'un délit punissable sur déclaration sommaire de culpabilité. Autrement dit, il se verrait remettre une contravention.

Un autre exemple. Un homme pénètre sur la propriété de sa petite amie et de ses enfants et se fait dire de quitter les lieux. Supposons qu'il ne part pas et que la police est appelée à intervenir. Les policiers l'expulseront légalement de la propriété. Cependant, rien dans nos lois n'empêche cet individu de revenir une heure plus tard. La femme devra alors appeler à nouveau la police. Les policiers savent qu'ils ne peuvent rien faire, surtout si l'intrusion se produit un samedi après-midi plutôt qu'en pleine nuit.

La modification de l'article 47 obligerait cet homme à rester en-dehors de la propriété pendant 24 heures sous peine de commettre une infraction. Lorsqu'il serait expulsé la première fois, il serait informé de ce qui risque de lui arriver s'il revient dans les 24 heures. Dans la situation actuelle, on ne peut pas donner un tel avertissement.

C'est une grave lacune dans les lois relatives aux disputes au sein d'une famille et à la protection de la paix des enfants. Étant donné la manière dont le gouvernement a manipulé les initiatives parlementaires, le débat sur le projet de loi C-207 sera malheureusement terminé à la fin de la présente heure. Mais je n'ai pas l'intention de renoncer.

Le ministère de la Justice a le devoir d'éliminer toutes les échappatoires du système de justice pénale. C'est pourquoi nous devons de temps à autre étudier des projets de loi omnibus qui abordent différents aspects du Code criminel. Il nous incombe d'assurer la paix, l'ordre et le bon gouvernement et de rendre nos villes et villages plus sûrs.

Nous aurions dû aujourd'hui avoir la première de trois heures de débat sur le projet de loi C-207, mais le sous-comité des initiatives parlementaires a une façon plutôt épouvantable d'effectuer la sélection des projets de loi. Il est extrêmement frustrant pour les députés qui travaillent sérieusement à l'élaboration de projets de loi de ne pas avoir la possibilité d'obtenir de résultats par le processus parlementaire.

J'ai été élu en 1993 et, depuis ce temps, je peux compter sur les doigts d'une seule main le nombre de mes projets de loi qui ont été retenus par le tirage au sort. Après avoir gagné à cette loterie, j'ai rarement eu la chance de voir un de mes projets de loi d'initiative parlementaire adopté et finalement devenir loi. J'ai eu la chance que ça m'arrive une fois.

Le projet de loi que j'avais présenté modifiait la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Il s'agissait quant à moi d'une modification mineure qui comblait une lacune et était similaire à la modification que je propose aujourd'hui. Le ministre de l'Industrie à l'époque avait agi avec raison en faisant sien ce projet de loi qui a été adopté et dont le contenu est devenu loi.

Peu importait d'où émanait le projet de loi. L'important était que le travail se fasse. C'est là la question, essayer de coopérer et de chercher à nous entendre, au lieu de toujours être divisés.

Le Sous-comité des affaires émanant des députés a tenu une table ronde sur la question de faire de toutes les motions émanant des députés une affaire faisant l'objet d'un vote. J'espère, comme tous les simples députés, j'en suis sûr, que cela se fera bientôt.

Tous les députés à la Chambre savent que le Code criminel laisse à désirer. Quand la ministre de la Justice a présenté des projets de loi omnibus comblant d'infimes lacunes existant dans le Code, elle a reconnu qu'effectivement des ajustements étaient nécessaires.

Les Canadiens ne s'attendent pas à ce que le Code criminel soit parfait. C'est une mesure de législation sociale qui évolue sans cesse et, à certains égards, qui reflète les sentiments et les attitudes du public, et qui a donc besoin avec le temps d'être adaptée aux nouvelles réalités. Le public s'attend à ce que le gouvernement le modifie chaque fois qu'une lacune est clairement cernée.

J'ai souligné une lacune dans l'article 41 du Code criminel. Le projet de loi C-207 contribuerait à éliminer un grand nombre de problèmes auxquels sont confrontés les autorités locales et les citoyens, qui ont consacré beaucoup de temps à leur centre communautaire, mais ont assisté à la détérioration de ce centre ou d'un stade de hockey au point où ce dernier est devenu inutilisable et où ils ont peur d'y amener leurs enfants.

Les gens s'inquiètent dans ma circonscription. Mes électeurs m'ont demandé de jeter un peu d'eau sur ce feu.

 

. 1745 + -

Il est regrettable que le projet de loi C-207 ne puisse faire l'objet d'un vote. Je devrai donc dire à mes électeurs que leurs voix n'ont guère de poids à Ottawa à cause de l'arrogance du gouvernement libéral. Le point de vue de la population ne compte pas ici. Hélas, seul compte le bon vieux programme des solutions périmées.

La ministre de la Justice ne s'y connaît pas plus que nous dans les questions de justice communautaire. Tout ce qu'elle a à faire, c'est jeter de temps à autre un coup d'oeil au Feuilleton et prendre connaissance de certains des projets de loi présentés par de simples députés pour se rendre compte de la nécessité d'améliorer l'application des lois au Canada. Ce n'est ni compliqué ni difficile. Tout ce qu'il faut, c'est un peu de courage pour que la ministre et ses collaborateurs se décident à faire du Canada un meilleur endroit où vivre. J'ai fait état d'un besoin communautaire. Puisse la Chambre trouver le même courage pour passer à l'action.

Mme Eleni Bakopanos (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le projet de loi C-207 vise à modifier le code de façon à créer une nouvelle infraction à l'égard de l'intrusion. Le projet de loi d'initiative parlementaire ferait de l'intrusion subséquente une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Cette infraction aurait lieu lorsqu'une personne commet une intrusion dans une maison d'habitation ou un bien immeuble dans les vingt-quatre heures suivant le moment où elle a été éloignée de celui-ci ou empêchée d'y entrer.

Essentiellement la modification vise à criminaliser une deuxième intrusion qui survient dans un délai de vingt-quatre heures à l'égard de la même propriété.

[Français]

Le projet de loi vise à modifier le Code criminel de façon à créer une nouvelle infraction à l'égard de l'intrusion. Le projet de loi du député ferait de l'intrusion subséquente une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Cette infraction aurait lieu lorsqu'une personne commet une intrusion dans une maison d'habitation ou un bien immeuble dans les 24 heures suivant le moment où elle a été éloignée de celui-ci ou empêchée d'y entrer. Essentiellement, comme je l'ai déjà dit, cela criminaliserait une deuxième intrusion.

[Traduction]

Il convient de commencer par bien définir ce que signifie une intrusion. L'intrusion est un terme juridique bien précis utilisé pour décrire une faute civile ou un délit. Un intrus est une personne qui entre dans un lieu sans la permission de l'occupant ou du propriétaire. Une personne invitée à entrer dans un lieu peut devenir un intrus si elle est chassée par le propriétaire ou priée de quitter les lieux. L'intrusion est le simple fait pour une personne d'entrer dans un lieu sans permission ou d'y rester après avoir été priée de quitter les lieux, rien de plus.

Même la plus minime des incursions dans un lieu constitue une intrusion aux termes de la loi. Il n'est pas nécessaire que la propriété soit endommagée. L'intrusion est une affaire de nature privée entre l'intrus et l'occupant des lieux. Le recours à utiliser en cas d'intrusion est une action civile en dommages-intérêts et des injonctions peuvent être accordées dans des cas extrêmes pour prévenir toute intrusion ultérieure ou mettre un terme aux intrusions incessantes.

Actuellement, la loi permet au propriétaire d'expulser légalement un intrus en tout temps. Les règles relatives à l'intrusion, qui concernent la propriété et les droits civils, relèvent de la compétence législative de chacune des provinces. En plus des règles de droit civil relatives à l'intrusion, bon nombre de provinces ont édicté des lois faisant de l'intrusion une infraction.

[Français]

Les règles relatives à l'intrusion qui concernent la propriété et les droits civils relèvent encore de la compétence législative de chacune des provinces.

[Traduction]

À l'heure actuelle, l'intrusion relative à un bien immeuble n'est pas une infraction criminelle, fondamentalement parce qu'en soi, il peut s'agir d'une entrave relativement mineure aux droits d'une autre personne et que le préjudice en découlant n'est pas suffisamment grave pour nécessiter l'application des règles de droit pénal. Les recours civils ainsi que les lois provinciales couvrent la plupart des cas.

[Français]

À l'heure actuelle, l'intrusion relative à un bien immeuble n'est pas une infraction criminelle, fondamentalement parce qu'en soi, il peut s'agir d'une entrave relativement mineure aux droits d'une autre personne et que le préjudice en découlant n'est pas suffisamment grave pour nécessiter l'application des règles de droit pénal.

[Traduction]

La Commission de réforme du droit du Canada a étudié la possibilité de porter une accusation criminelle contre toute personne ayant commis un simple délit d'intrusion ne traduisant aucune autre intention criminelle ni aucun autre comportement criminel. La commission l'a déconseillé. Tout en rappelant le principe fondamental selon lequel le droit criminel doit être appliqué avec retenue, la commission a établi que les lois provinciales concernant l'intrusion et les règles de droit civil offraient une protection adéquate. La modification proposée par le député ne vise pas à faire de l'intrusion une infraction criminelle. Elle traite plutôt du méfait que commet un intrus qui a déjà été prié de quitter les lieux ou qui a été expulsé des lieux et qui y revient peu après. Elle tend essentiellement à faire d'une seconde intrusion une infraction criminelle.

 

. 1750 + -

Étant donné que la première intrusion n'est pas une infraction criminelle, il est difficile en principe de justifier la création d'une infraction criminelle à l'égard de la deuxième intrusion. Si la première intrusion n'est pas suffisamment préjudiciable pour être considérée comme une infraction criminelle, il est difficile de savoir quel est l'élément de l'intrusion subséquente qui la rend suffisamment grave pour faire de celle-ci une conduite criminelle.

Il est vrai qu'elle exaspère le propriétaire et oblige celui-ci à expulser l'intrus une deuxième fois. Toutefois, cette exaspération n'est pas suffisamment préjudiciable en soi pour rendre l'intrus passible de poursuites pénales, même s'il porte alors manifestement atteinte aux droits civils du propriétaire et soit de ce fait passible d'une action civile, en plus de contrevenir également à d'autres dispositions législatives provinciales.

[Français]

Il est vrai qu'elle exaspère le propriétaire et oblige celui-ci à expulser l'intrus une deuxième fois. Toutefois, cette exaspération n'est pas suffisamment préjudiciable en soi pour rendre l'intrus passible de poursuites pénales, même s'il porte alors manifestement atteinte au droit civil du propriétaire et soit, de ce fait, passible d'une action civile, en plus de contrevenir également à d'autres dispositions législatives provinciales.

[Traduction]

La proposition du député crée une infraction quelque peu arbitraire en criminalisant une deuxième intrusion qui aurait lieu dans les 24 heures suivant une première intrusion. On ne voit pas très clairement pourquoi deux intrusions en 24 heures seraient un crime, et deux intrusions en 25 ou 30 heures ne le seraient pas.

Dans de nombreuses situations, le tort causé à la société peut être minime ou sans gravité. Il se réduit à la seule présence de l'intrus, si celui-ci n'a pas aussi d'autres intentions criminelles plus graves ou s'il n'y a pas atteinte aux droits des autres. Il est bien possible que le propriétaire soit indisposé ou exaspéré par un intrus qui se présente de nouveau, mais la proposition du député ferait un criminel de toute personne qui retourne à un endroit après avoir été invité à partir.

Par exemple, un vendeur à domicile qui, nous le savons tous, revient toujours à la charge, et l'adolescent qui distribue des dépliants contre le gré d'un propriétaire deviendraient des criminels. Il se peut que ces gens-là importunent le propriétaire et que leur comportement aille à l'encontre d'une disposition civile ou provinciale, mais il faudrait des preuves d'un préjudice plus grave avant que le comportement ne soit considéré comme criminel aux termes du Code criminel.

Je comprends les préoccupations du député. Il peut être difficile de se défaire d'un adolescent qui retourne flâner dans son coin favori ou d'une personne qui retourne à une soirée après qu'on lui a demandé de partir. L'important, dans ces cas, c'est la volonté du propriétaire de contrôler ce qui se passe chez lui, et cela relève du droit civil des provinces et, parfois, des infractions prévues par des lois provinciales.

Cela ne signifie pas pour autant que les règles de droit pénal dans son état actuel ne protègent pas les droits des propriétaires et occupants. Le gouvernement protège et appuie fermement les droits de propriété; en fait, le Code criminel renferme diverses dispositions interdisant différentes conduites de l'intrus qui constituent un vrai risque pour la société et les individus.

Ainsi, quiconque s'introduit dans un endroit avec l'intention de commettre un acte criminel commet un acte criminel. Une personne s'introduit par effraction dans un endroit non seulement lorsqu'elle réussit à entrer par la force, mais aussi lorsqu'elle s'introduit sans justification ou excuse légitime par une ouverture permanente ou temporaire. Dans le cas d'une maison d'habitation, le fait de s'y trouver sans excuse légitime avec l'intention de commettre un acte criminel constitue également une infraction.

Ces dispositions criminalisent le comportement de l'intrus qui a l'intention de commettre une infraction criminelle grave. Dans ces cas, l'intrus cause un préjudice grave ou risque de le faire. Il est également reconnu que, si l'intrus est présent pour des raisons innocentes, par exemple un randonneur perdu qui s'abrite des éléments dans une cabane, il n'y a aucune infraction criminelle. Il peut cependant y avoir délit civil et le propriétaire peut intenter des poursuites en dommages.

L'article 177 du Code criminel prévoit une autre infraction, celle de l'intrusion de nuit, qui interdit de flâner ou de rôder la nuit sur la propriété d'autrui, près d'une maison d'habitation. Ici, les circonstances de l'intrusion sont en soi assez graves pour justifier la criminalisation.

Le Code criminel renferme également différentes dispositions interdisant le comportement qui porte atteinte aux droits d'occupation des tiers, qu'il s'agisse d'espaces publics ou privés. Ainsi, l'article 175 du Code criminel prévoit que quiconque fait du tapage dans un endroit public en criant, en vociférant ou en gênant d'autres personnes, commet une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

 

. 1755 + -

De plus, le fait de flâner dans un endroit public et de gêner des personnes qui s'y trouvent constitue une infraction, de même que le fait de troubler la paix et la tranquillité des occupants d'une maison d'habitation en y causant du désordre.

Ces infractions visent les conséquences préjudiciables ou dérangeantes d'un comportement pour les autres qui ont un droit légitime à être en paix ou à se déplacer sans entraves dans les lieux publics. Un intrus qui va ainsi jusqu'à gêner l'exercice des droits des autres en causant du désordre ou en entravant leurs déplacements commet une infraction et peut être inculpé en conséquence. Ainsi, l'adolescent qui flâne dans un centre commercial commet une infraction si son comportement dérange les autres ou les empêche de se déplacer librement.

Si le même adolescent reste assis tranquillement bien qu'on lui ait demandé à plusieurs reprises de partir, il viole peut-être les droits du propriétaire du centre commercial d'une façon quelconque ou il commet peut-être une infraction de ressort provincial, et alors le propriétaire peut avoir des recours en vertu des lois provinciales. Mais il n'y a pas lieu de qualifier l'adolescent de criminel s'il ne dérange pas et ne nuit à personne.

La proposition du député criminaliserait la simple intrusion sans qu'il soit nécessaire de prouver qu'elle a des conséquences préjudiciables pour les déplacements des personnes ou la libre jouissance des lieux publics. Les dispositions pénales doivent viser les conséquences préjudiciables des actes au lieu de criminaliser tous ces actes sous prétexte qu'ils ont parfois des conséquences négatives.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir dans le débat et d'appuyer le projet de loi C-207 qui a été présenté par le député de New Westminster—Coquitlam—Burnaby.

Le projet de loi C-207 est une mesure très simple et, me semble-t-il, marquée au coin du bon sens, visant à sévir contre ceux qui se trouvent de façon répétée sur un bien immeuble ou entrent dans une maison d'habitation dont ils ont déjà été éloignés ou qui ont été empêchés d'y entrer.

Comme on l'a déjà dit, cette mesure vise à modifier l'article 41 du Code criminel pour créer une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire du fait, pour une personne qui a déjà été éloignée d'une maison d'habitation ou d'un bien immeuble ou a été empêchée d'y entrer dans les vingt-quatre heures précédentes, d'entrer illégalement dans cette maison d'habitation ou de se trouver illégalement sur ce bien immeuble.

Avec une telle disposition au Code criminel, les policiers et les tribunaux disposeront d'un outil de plus pour protéger les personnes qui peuvent être terrorisées. En tant qu'ancien substitut du procureur de la Couronne, je mets au défi n'importe quel député à la Chambre d'intervenir pour dire que cette mesure n'aurait pas d'effet positif pour tenir les criminels loin de leurs victimes. Ce serait une mesure dissuasive efficace.

Plus particulièrement, le projet de loi C-207 donnerait à notre système de justice un outil de plus pour leur permettre de lutter contre le grave problème du harcèlement criminel. C'est une infraction dont les victimes sont le plus souvent des femmes. Le harcèlement criminel existe depuis longtemps, mais ce n'est que récemment qu'il est entré au Code criminel.

J'appuie le projet de loi C-207, mais j'estime qu'il faut faire davantage pour nous attaquer plus précisément au problème créé par ceux qui se livrent au harcèlement avec menaces. Comme ce fut le cas à propos de la plupart des sujets de préoccupation, le gouvernement conservateur a cherché activement à faire adopter des mesures pour sévir contre cette pratique.

En avril 1993, l'honorable Pierre Blais, le ministre de la Justice de l'époque, a présenté une mesure législative qui a créé pour la première fois de l'histoire juridique du Canada l'infraction de harcèlement criminel. Ce projet de loi a été rapidement adopté à la Chambre des communes et au Sénat et a reçu la sanction royale le 1er août 1993.

C'était la première d'une importante série de mesures visant à offrir aux victimes de cet horrible crime un certain recours dans notre système de justice criminelle. Malheureusement, l'efficacité de ce projet de loi s'est depuis révélée moins qu'excellente.

En octobre 1996, le ministère de la Justice a publié un rapport évaluant l'efficacité de la nouvelle loi pour ce qui est de poursuivre en justice les personnes qui se rendent coupables de harcèlement et de protéger les victimes.

Les auteurs du rapport concluaient que le délit de harcèlement criminel n'était pas pris suffisamment au sérieux par les juges et les avocats. Plusieurs indices le prouvent.

Par exemple, le nombre d'accusations de harcèlement criminel qui ont été retirées ou suspendues par la Couronne de même que le nombre d'accusations qui ont été retirées en échange d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public sont extrêmement élevés comparativement aux accusations liées à d'autres catégories de crime. Cela arrive très souvent dans le cadre du marchandage de plaidoyers, à savoir qu'une accusation de harcèlement criminel peut être portée en même temps qu'une autre accusation, celle de voies de fait par exemple, et être essentiellement abandonnée.

 

. 1800 + -

Cela montre bien que, malheureusement, la création de ce genre d'infraction criminelle n'a pas été aussi efficace que ce qui avait été prévu à l'origine.

Selon le rapport du ministère de la Justice, 60 p. 100 des accusations de harcèlement criminel sont retirées ou suspendues. Il est aussi décourageant d'entendre que, selon les informations du ministère de la Justice, 75 p. 100 des personnes reconnues coupables de harcèlement criminel sont assujetties à la probation ou se voient infliger une peine avec sursis. Le rapport concluait que la sévérité des peines imposées par les tribunaux dans les cas de harcèlement criminel ne répondait pas aux attentes créées par cette mesure législative.

Certains députés demanderont peut-être pourquoi c'est là un problème. C'est un problème parce que les antécédents judiciaires faisant état de violence contre la même victime ou de non-respect d'une ordonnance de tribunal ne garantissent pas l'imposition d'une sanction plus sévère par notre système de justice pénale, contrairement au but visé dans cette mesure législative. Cette dernière donne plus de flexibilité aux procureurs, aux policiers et aux juges pour imposer des sanctions à ceux qui se livrent à ce genre d'activité criminelle. De plus, la grande majorité des accusés sont libérés avant leur procès même si beaucoup d'entre eux avaient déjà un casier judiciaire. Beaucoup d'entre eux avaient déjà enfreint des ordonnances de tribunaux et beaucoup d'entre eux avaient commis des actes de violence envers leur partenaire dans le passé.

En fait, le rapport de 1996 du ministère de la Justice semble indiquer que le message clair que devait faire passer cette mesure législative contre le harcèlement criminel n'a pas été bien capté par ceux qui pratiquent le droit pénal dans notre pays. Les nouvelles dispositions du Code criminel n'ont pas été mises en oeuvre de façon adéquate.

Nous devons faire plus que définir le harcèlement criminel dans une loi. J'appuie le projet de loi C-207 et son objet simple et positif, mais nous devons adopter une loi qui va beaucoup plus loin et qui indiquerait de façon claire et nette que la société canadienne condamne ce type de crime sous quelque forme que ce soit.

Je saisis donc cette occasion pour parler d'un projet de loi connexe, le projet de loi S-17, Loi modifiant le Code criminel relativement au harcèlement criminel et à d'autres sujets connexes. Un concitoyen de la Nouvelle-Écosse et collègue progressiste conservateur, le sénateur Donald Oliver, a déposé le projet de loi S-17 au mois de mai dernier.

De nombreux députés, en particulier des réformistes, ont la fâcheuse habitude de porter inutilement des coups bas à la Chambre haute. L'institution sénatoriale a certainement besoin d'une réforme en profondeur, pour mieux répondre aux besoins des Canadiens à l'aube du XXIe siècle, mais la majorité des sénateurs contribuent utilement au processus législatif fédéral. Le projet de loi S-13, débattu aujourd'hui, est un exemple particulièrement réussi du rôle utile des sénateurs.

Il y a également le projet de loi S-11 modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, présenté par le sénateur Erminie Cohen et parrainé à la Chambre des communes par mon collègue, le député de Shefford. Le sénateur Forrestall, un autre collègue conservateur de la Nouvelle-Écosse, a proposé avec succès, au printemps, plusieurs modifications à la Loi maritime du Canada. Le dur labeur du sénateur Forrestall lui a même mérité les applaudissements du député de Sackville—Eastern Shore, bien que son parti, le Nouveau Parti démocratique, soit en faveur de l'abolition pure et nette du Sénat.

Au lieu de traiter le Sénat comme un accessoire politique désuet, ce que semble ne pouvoir s'empêcher de faire constamment le député de Calgary-Ouest, travaillons avec les sénateurs pour permettre au Parlement d'adopter les meilleures lois possible pour les Canadiens.

Je souhaite, dans cette optique, que le projet de loi S-17, qui est actuellement à l'étude devant le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, soit renvoyé à la Chambre. Si la Chambre en est effectivement saisie, j'espère obtenir l'appui de tous les députés et même de l'auteur de ce projet de loi. Peu importe notre affiliation politique, nous devrions nous faire un devoir de préserver la loi en adoptant de bonnes mesures législatives.

Revenons au projet de loi C-207. Au nom du Parti progressiste conservateur, je l'appuie. Il va dans le sens de la grande tradition de notre parti, à savoir rendre nos rues plus sûres par le recours à des mesures législatives efficaces. Mais je ne le dirai jamais assez, l'adoption de mesures législatives efficaces passe par une collaboration accrue de la part de tous les côtés de la Chambre. Il faut nous montrer plus impitoyables envers les harceleurs et protéger davantage les victimes innocentes. Ce projet de loi y veillera.

Si nous continuons de travailler ensemble et favorisons l'adoption de mesures législatives telles que le projet de loi C-207 et le projet de loi S-17, les Canadiens sauront que le Parlement est sérieux quand il parle de tolérance zéro en ce qui concerne le harcèlement criminel. Voilà un but louable. J'exhorte tous les députés à appuyer cette mesure législative. Encore une fois, je félicite le député qui a proposé cette motion.

 

. 1805 + -

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Madame la Présidente, je voudrais résumer les propos que nous avons entendus aujourd'hui.

Malheureusement, les arguments du ministère de la Justice sont des plus obscurs et n'ont pas vraiment de rapport avec la question que j'ai fait valoir à la Chambre.

Ce qu'il faut surtout comprendre au sujet de ce projet de loi, c'est qu'il favorise un règlement de ces conflits par la collectivité, sans qu'il faille recourir à des mesures sévères. Dans ces situations, on envisage de donner des avertissements. En général, si l'avertissement s'accompagne d'une menace de sanction pénale, le conflit se règle autrement et personne ne fait face à des accusations, car l'individu qui fera fi de l'avertissement saura que des accusations seront alors portées contre lui. Par conséquent, le projet de loi vise manifestement à protéger l'ordre public.

Un des autres aspects qu'on néglige souvent, ce sont les conflits familiaux. Il est fort difficile d'obtenir, surtout auprès de la Cour suprême ou d'un tribunal provincial, des ordonnances de non-communication comme des ordonnances de non-ingérence auprès d'enfants. Dans ces cas, il est donc souvent difficile d'obtenir ces ordonnances. Reste ensuite la question de la validité de l'ordonnance. Une dame appelle la police et lui demande d'appliquer une ordonnance. Le policier ignore si l'ordonnance est encore en vigueur et de quel tribunal elle relève vraiment. On peut se poser bien des questions sur toutes ces ordonnances additionnelles qui portent sur les situations difficiles qui se présentent quand des inconnus s'introduisent dans des immeubles.

Ce projet de loi apporterait une aide fort appréciable surtout dans les cas où l'accès à un enfant est difficile et où il faut garantir la paix d'un enfant.

Il serait aussi utile dans des incidents se déroulant sur les lieux publics près des écoles. Je pense notamment aux trafiquants de drogues. Même s'ils ne transportent pas toujours des drogues sur eux, ils viennent sur les terrains des écoles primaires pour tenter d'entrer en contact avec des enfants. Ils gagnent la confiance des enfants, mais ce n'est que pour les inciter ensuite à se prostituer. Les autorités scolaires ont beaucoup de mal à protéger les enfants contre de tels individus sur le terrain de l'école.

Je suis vraiment troublé quand je constate cette timidité, cet immobilisme de la part du ministère de la Justice. C'est incroyable. Cette attitude ne reflète pas du tout l'opinion de la population à l'égard de ces atteintes manifestes à la paix publique, mais le système semble totalement incapable d'y remédier.

Le fait d'avoir déjà dû éloigner une personne est l'élément déclencheur de l'infraction visée. On ne procède pas à la légère, puisque la personne devra avoir été éloignée une première fois pour être impliquée dans un deuxième incident. Il est dans l'intérêt public de préserver la paix. Ce projet de loi n'est pas radical. Il est très raisonnable et fera beaucoup pour préserver la paix et l'ordre dans la population, et surtout pour protéger les enfants.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Étant donné qu'aucun autre député ne veut prendre la parole et que la motion n'a pas été désignée comme une affaire pouvant faire l'objet d'un vote, j'informe la Chambre que la période consacrée aux initiatives parlementaires est maintenant terminée et que l'article est rayé du Feuilleton.



MOTION D'AJOURNEMENT

[Français]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LE SOMMET SUR LA COOPÉRATION ÉCONOMIQUE ASIE-PACIFIQUE

M. Gilles Bernier (Tobique—Mactaquac, PC): Madame la Présidente, pendant plusieurs semaines, le premier ministre et le solliciteur général ont évité de répondre aux questions concernant l'APEC, avec l'excuse qu'ils ne pouvaient rien dire, parce que l'affaire faisait l'objet d'une enquête de la Commission des plaintes du public contre la GRC.

Le solliciteur général a complètement contredit ses déclarations précédentes en discutant de l'APEC à bord d'un avion, en public.

[Traduction]

Le solliciteur général a mis en doute l'exactitude des notes prises par le député de Palliser dans l'avion, mais il n'a jamais nié qu'il avait parlé de l'APEC pas plus qu'il n'a révélé la teneur exacte de sa conversation. En fait, le premier ministre a confirmé la véracité du récit en ce qui a trait à l'affaire des Airbus. En essayant d'impressionner un ami et en discutant, dans un lieu public, de renseignements confidentiels qui lui avaient été communiqués en sa qualité de ministre responsable de la GRC, le solliciteur général a démontré qu'il ne méritait pas de faire partie du Cabinet.

 

. 1810 + -

En fait, ses indiscrétions en font un objet de ridicule auprès de ses collègues, des médias, de l'électorat et même de ses propres électeurs.

Un éditorial du Globe and Mail du 8 octobre a fort bien résumé cela en ces termes: La stupidité n'est pas un crime, mais ce n'est pas une condition propice à l'obtention d'une charge ministérielle non plus.

Voici ce qui a été écrit dans le Hill Times: Cela a porté préjudice à la carrière du solliciteur général et cela soulève de graves questions quant à sa compétence.

Dans le Halifax Herald, on a dit: Le député de Fredericton ne devrait pas être solliciteur général. Son erreur a été de parler d'une question dont est saisi un tribunal public relevant de sa responsabilité ministérielle. Cette conduite est aussi répréhensible que celle d'un juge qui parlerait avec désinvolture, à l'extérieur du tribunal, des affaires dont il est saisi.

Le député de Fredericton a commis une indiscrétion en parlant publiquement d'informations confidentielles. Il importe peu de connaître précisément la teneur de sa conversation. Il importe peu de savoir qui l'a entendue. Ce qui importe, c'est que, du simple fait qu'il a eu cette conversation, le député a compromis les fonctions du solliciteur général. Il a placé ses intérêts personnels avant ceux du Canada et de la commission d'enquête sur le sommet de l'APEC.

Je n'ai pas changé d'avis. Le député devrait agir honorablement et remettre sa démission.

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, le pouvoir de contester ce qui semble être un méfait constitue un élément fondamental de notre système de justice criminelle et même de nos droits de la personne en tant que nation.

En vertu de la Loi sur le GRC, le public peut se plaindre de la conduite des membres de la GRC à la commission des plaintes du public, laquelle a le pouvoir de faire enquête et de formuler des recommandations relativement à la conduite des membres de la GRC.

Les paramètres des audiences sur l'APEC font clairement ressortir l'énorme portée que peut avoir une telle enquête. Le groupe chargé d'étudier la question entendra tous les témoins et fera rapport «sur les événements qui sont survenus pendant les manifestations lors du sommet de l'APEC, à Vancouver, ou sur les événements en rapport avec ces manifestations».

Le président de la commission des plaintes du public a déclaré que le groupe verra où mènent les éléments de preuve et que la portée de l'enquête sera très grande. Toute question concernant l'activité de la GRC avant et durant le sommet de l'APEC relève clairement du mandat de la commission.

Le député de Tobique—Mactaquac a laissé entendre qu'il y a eu ingérence politique relativement aux gestes posés par la GRC pour assurer la sécurité à la conférence de l'APEC.

Bien que le solliciteur général soit le ministre responsable de la GRC, il ne faut pas oublier que le commissaire de la GRC est seul responsable des enquêtes criminelles menées par la GRC.

Comme le solliciteur général l'a souligné à la Chambre à de nombreuses occasions, celui-ci ne se mêle pas des opérations de la GRC. Dans le cas de la conférence de l'APEC, il a été tenu informé par le commissaire d'une façon générale des mesures prises pour assurer la sécurité au cours de cet événement important.

Dans le cas du sommet de l'APEC, comme pour d'autres grandes rencontres internationales, il était approprié et nécessaire que la GRC consulte les parties intéressées, notamment les ministères des Affaires étrangères et du Commerce extérieur et le cabinet du premier ministre, pour arrêter définitivement les mesures de sécurité. Cela dit, c'est la GRC qui a pris les décisions concernant la sécurité lors de cet événement.

Les policiers travaillent dans des conditions difficiles.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je regrette d'interrompre le député. La motion portant que la Chambre s'ajourne maintenant est réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 10 heures, conformément au paragraphe 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 13.)