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Publications de la Chambre

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36e Législature, 1ère Session


HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 88

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 20 avril 1998

VINITIATIVES PARLEMENTAIRES

. 1100

VLE PROGRAMME NATIONAL BON DÉPART
VMotion
VM. Chuck Cadman

. 1105

. 1110

VM. Lynn Myers

. 1115

. 1120

VMme Maud Debien

. 1125

. 1130

VM. John McKay

. 1135

VM. Jack Ramsay

. 1140

. 1145

VM. Rick Laliberte

. 1150

. 1155

VM. Benoît Serré

. 1200

VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLOI SUR LE NUNAVUT
VProjet de loi C-39. Deuxième lecture
VL'hon. Jane Stewart

. 1205

. 1210

. 1215

. 1220

. 1225

VM. Preston Manning

. 1230

. 1235

. 1240

. 1245

. 1250

. 1255

. 1300

. 1305

. 1310

. 1315

. 1320

. 1325

. 1330

. 1335

. 1340

. 1345

. 1350

. 1355

VDÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
VLE PEUPLE ARMÉNIEN
VM. Sarkis Assadourian
VLES BÉNÉVOLES
VM. Derrek Konrad

. 1400

VLA SEMAINE NATIONALE DU TEXTILE
VM. Janko Peric
VLE MOIS DE LA SENSIBILISATION AU CANCER
VMme Karen Redman
VLES PRIX D'EXCELLENCE DU RÉSEAU YTV
VMme Sarmite Bulte
VL'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT
VM. Jim Hart

. 1405

VLE DRAPEAU CANADIEN
VM. Lynn Myers
VRADIO ETHOS
VMme Rose-Marie Ur
VLE SÉNAT
VM. Bill Gilmour
VM. FERNAND LABRIE
VMme Hélène Alarie
VLE PARTI QUÉBÉCOIS
VM. Denis Coderre
VL'HÉPATITE C
VMme Alexa McDonough

. 1410

VLE SÉNAT
VM. John Bryden
VL'INSTITUT C.D. HOWE
VM. Yves Rocheleau
VLA SEMAINE NATIONALE DE L'ACTION BÉNÉVOLE
VM. Jim Jones
VLA SEMAINE NATIONALE DU DON D'ORGANES
VM. Joseph Volpe

. 1415

VLE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
VM. Myron Thompson
VQUESTIONS ORALES
VL'HÉPATITE C
VM. Preston Manning
VL'hon. Allan Rock
VM. Preston Manning
VL'hon. Allan Rock
VM. Preston Manning

. 1420

VL'hon. Allan Rock
VM. Grant Hill
VL'hon. Allan Rock
VM. Grant Hill
VL'hon. Allan Rock
VM. Gilles Duceppe
VL'hon. Allan Rock

. 1425

VM. Gilles Duceppe
VL'hon. Allan Rock
VMme Pauline Picard
VL'hon. Allan Rock
VMme Pauline Picard
VL'hon. Allan Rock
VLE SECTEUR BANCAIRE
VMme Alexa McDonough
VL'hon. Paul Martin
VMme Alexa McDonough

. 1430

VL'hon. Paul Martin
VL'HÉPATITE C
VMme Elsie Wayne
VL'hon. Allan Rock
VMme Elsie Wayne
VL'hon. Allan Rock
VLES BANQUES
VM. Monte Solberg
VL'hon. Paul Martin
VM. Monte Solberg

. 1435

VL'hon. Paul Martin
VM. Yvan Loubier
VL'hon. Paul Martin
VM. Yvan Loubier
VL'hon. Paul Martin
VM. Jason Kenney
VL'hon. Paul Martin
VM. Jason Kenney
VL'hon. Paul Martin
VL'INSTITUT C.D. HOWE
VM. Pierre Brien
VL'hon. Paul Martin

. 1440

VM. Pierre Brien
VL'hon. Paul Martin
VLA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS
VM. Chuck Cadman
VL'hon. Anne McLellan
VM. Chuck Cadman
VL'hon. Anne McLellan
VLE PRIX DES CIGARETTES
VM. Richard Marceau
VL'hon. Andy Scott
VLE COMMERCE EXTÉRIEUR
VM. David Pratt
VL'hon. David Kilgour
VLA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS
VM. Jack Ramsay

. 1445

VL'hon. Anne McLellan
VM. Jack Ramsay
VL'hon. Anne McLellan
VL'HÉPATITE C
VM. Peter Mancini
VL'hon. Allan Rock
VM. Peter Mancini
VL'hon. Allan Rock
VM. Greg Thompson
VL'hon. Allan Rock
VM. Greg Thompson

. 1450

VL'hon. Allan Rock
VL'AN 2000
VMme Susan Whelan
VL'hon. Marcel Massé
VLE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
VM. Gurmant Grewal
VL'hon. Diane Marleau
VL'ACQUISITION DE SOUS-MARINS
VM. Stéphane Bergeron
VL'hon. Arthur C. Eggleton
VLES BANQUES
VL'hon. Lorne Nystrom

. 1455

VL'hon. Paul Martin
VLA SANTÉ
VM. Greg Thompson
VL'hon. Herb Gray
VLES PERSONNES HANDICAPÉES
VM. Reg Alcock
VL'hon. Pierre S. Pettigrew
VLES SONDAGES
VM. Jim Gouk
VL'hon. Alfonso Gagliano
VLA FISCALITÉ DES ENTREPRISES
VMme Maud Debien
VL'hon. Paul Martin
VLES BANQUES
VM. Nelson Riis

. 1500

VL'hon. Paul Martin
VPRIVILÈGE
VLa mondialisation des marchés
VM. Stéphan Tremblay
VAFFAIRES COURANTES

. 1505

VNOMINATIONS PAR DÉCRETS
VM. Peter Adams
VRÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
VM. Peter Adams
VPÉTITIONS
VL'hôpital régional de Thunder Bay
VM. Stan Dromisky
VL'Accord multilatéral sur l'investissement
VM. Nelson Riis
VLes pensions
VM. Nelson Riis
VL'Accord multilatéral sur l'investissement
VM. Pat Martin
VQUESTIONS AU FEUILLETON
VM. Peter Adams
VL'hon. Alfonso Gagliano
VM. John Cummins

. 1510

VM. Peter MacKay
VDEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE
VLes banques
VL'hon. Lorne Nystrom

. 1515

VM. Monte Solberg
VLe Président
VLES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
VM. Peter Adams
VMotion
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLA LOI SUR LE NUNAVUT
VProjet de loi C-39. Deuxième lecture
VM. Preston Manning

. 1520

. 1525

. 1530

. 1535

. 1540

. 1545

VM. Claude Bachand

. 1550

. 1555

. 1600

. 1605

. 1610

. 1615

. 1620

. 1625

. 1630

VM. Gordon Earle

. 1635

. 1640

VM. Norman Doyle

. 1645

. 1650

. 1655

VMme Nancy Karetak-Lindell

. 1700

. 1705

. 1710

. 1715

VM. Alex Shepherd

. 1720

VM. Peter Adams
VM. Roy Bailey

. 1725

. 1730

. 1735

VM. Peter Adams

. 1740

VL'hon. Don Boudria

. 1745

. 1750

. 1755

. 1800

. 1805

VM. Jake E. Hoeppner

. 1810

VM. Dick Harris

. 1815

VM. Rick Laliberte

. 1820

VM. Derrek Konrad

. 1825

VMOTION D'AJOURNEMENT

. 1830

VLes droits de la personne
VM. Gordon Earle
VM. Ted McWhinney

. 1835

VL'Accord multilatéral sur l'investissement
VM. John Solomon

. 1840

VM. Julian Reed
VLoi sur les jeunes contrevenants
VM. Carmen Provenzano

. 1845

VMme Eleni Bakopanos
VLe dragage du fleuve Saint-Laurent
VM. Yves Rocheleau

. 1850

VM. Wayne Easter

. 1855

VL'Office d'investissement du régime
VM. Alex Shepherd
VM. Wayne Easter

. 1900

(Version officielle)

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 88


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 20 avril 1998

La séance est ouverte à 11 heures.



Prière


INITIATIVES PARLEMENTAIRES

 

. 1100 +

[Traduction]

LE PROGRAMME NATIONAL BON DÉPART

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 19 février, de la motion.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux d'exprimer mon appui à la motion no 261 proposée par mon collègue, le député de Esquimalt—Juan de Fuca.

Je me réjouis de l'appui accordé à cette motion par les autres partis. Comme on l'a souvent dit, l'esprit de parti ne devrait pas intervenir ici. Il est regrettable que les députés du Bloc semblent essayer de le faire intervenir.

Ils ont parlé d'empiétement sur le champ de compétence des provinces. Ils ont lié cette motion au débat sur l'unité canadienne. Quelle imagination. Cela montre la paranoïa des séparatistes qui voient dans toute chose une tentative d'attaque contre le Québec. Cette motion devrait être considérée uniquement comme une tentative de régler les problèmes que connaît notre société. Elle touche tous les Canadiens.

Pour ce qui est des champs de compétence des provinces, je ferai remarquer qu'il est dit dans la motion «...élaborer, en collaboration avec ses homologues provinciaux, un grand programme national Bon départ pour les enfants âgés de huit ans ou moins.»

Tout comme il s'intéresse à la santé et à l'éducation, le gouvernement fédéral s'intéresse de très près au développement des enfants. Ainsi, l'objectif principal de cette motion est d'assurer aux enfants un bon départ dans la vie. D'importantes études ont montré que les huit premières années de la vie sont cruciales pour le développement de l'individu.

Une attention et des soins inadéquats peuvent souvent entraîner des problèmes de développement chez les jeunes. Les enfants qui connaissent un mauvais départ dans la vie ont souvent maille à partir avec la loi. L'enjeu que présente pour le gouvernement fédéral tout ce qui se rapporte au droit criminel, la police, les tribunaux, les prisons et le régime de libération conditionnelle, bref le droit pénal peut suffire à lui seul à justifier la compétence fédérale en la matière. Après tout, le gouvernement fédéral devrait voir d'un bon oeil toute mesure qui contribue à prévenir la criminalité et qui, pour chaque dollar investi dans le but d'assurer un bon départ, permet d'économiser à plus ou moins long terme de nombreux dollars par une réduction de la criminalité. Toutefois, comme je le disais, cette motion propose seulement de créer un programme en collaboration avec les provinces.

 

. 1105 + -

Le gouvernement a déjà mis sur pied des programmes Bon départ au sein des communautés autochtones. Ces programmes visent essentiellement les réserves, mais les autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves et les non-autochtones ont eux aussi besoin de programmes semblables.

Le Conseil national de prévention du crime, un organisme gouvernemental, appuie entièrement la création d'un programme national Bon départ. On peut lire ceci à la page 2 du résumé de son rapport de 1996:

    Il existe suffisamment de preuves démontrant que des programmes de développement social bien conçus peuvent contribuer à prévenir la criminalité tout en étant efficaces en termes de coûts. Des évaluations rigoureuses, principalement américaines, montrent que la prévention de la criminalité au moyen des programmes de développement social rapporte beaucoup. Après près de 30 années de suivi des participants, le programme préscolaire Perry, au Michigan, a contribué à réduire très sensiblement la criminalité chez les jeunes et chez les adultes.

La motion propose que le gouvernement examine des modèles inspirés du programme préscolaire Perry, entre autres.

La secrétaire d'État chargée de l'Enfance et de la Jeunesse a déjà pris la parole au sujet de la motion. Elle a notamment parlé du succès qu'a connu l'Initiative d'aide préscolaire aux autochtones et que les bons résultats du programme avaient permis de doubler son financement. Elle a recommandé d'adopter des mesures qui permettraient d'inclure tous les enfants et d'aider les parents qui en ont besoin à dispenser les soins et l'attention nécessaires à la prochaine génération. Cette motion coïncide tout à fait avec les propos de la secrétaire d'État.

On a également dit à la Chambre qu'un programme national Bon départ pourrait constituer une bonne façon de prévenir la criminalité et on a comparé ce genre de mesure à un régime enregistré d'épargne-retraite, dans lequel chaque dollar investi peut rapporter gros dans l'avenir.

Le ministre des Finances devrait s'empresser d'appuyer des programmes de ce genre. Il doit non pas se limiter à résoudre les problèmes présents, mais également planifier l'avenir. L'argent que nous dépensons aujourd'hui pour nos enfants nous permettra de réaliser de grosses économies par une réduction des coûts de soins de santé, de la criminalité et des coûts sociaux.

Le ministre de la Santé sait que des enfants bien nourris, bien adaptés et issus de familles équilibrées connaissent une existence beaucoup plus saine. La ministre de la Justice sait que des enfants élevés dans ces conditions risquent beaucoup moins de se retrouver devant la justice. Le solliciteur général, en retour, sera très heureux que les ressources limitées des établissements carcéraux et du système de libération conditionnelle soient moins sollicitées.

Il y a quelques années, le ministre des Finances avait reconnu qu'en investissant dans nos enfants aujourd'hui, nous leur éviterions la prison dans 20 ans. Il avait déclaré que nos enfants devaient constituer la priorité absolue du Canada. C'est justement l'objectif de la motion dont nous sommes saisis.

Récemment, l'Ontario a affecté 10 millions de dollars au programme de visites à domicile Healthy Babies, Healthy Children, créé à l'intention des nouvelles mères. Les hôpitaux examineront le cas de chaque nouvelle mère afin de reconnaître les bébés et familles qui ont besoin de soutien et de services supplémentaires. Le programme vise à aider les parents de familles à risque à s'acquitter de leurs tâches parentales et à prévenir la violence et la négligence à l'égard des enfants. Les autorités responsables de la santé disent déjà que les fonds accordés au programme ne sont pas suffisants.

Il semble que tout le monde s'entende sur la nécessité et l'applicabilité de mesures de ce genre. Cependant, en toute déférence, je tiens à dire qu'on a bel et bien besoin de la participation du gouvernement fédéral. La mise en commun des ressources va réduire les coûts de mise en oeuvre. On peut partager des idées et des réussites. Des normes nationales vont permettre de s'assurer que les enfants de toutes les régions du pays reçoivent l'aide et la protection nécessaires.

Le Centre international pour la prévention de la criminalité critique le Canada. Il signale que la Belgique, qui compte dix millions d'habitants, consacre chaque année 140 millions de dollars à la prévention de la criminalité. Par contre, le Canada, avec une population près de trois fois supérieure, n'y consacre que dix millions de dollars.

La criminalité coûte aux Canadiens 46 milliards de dollars par année environ. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas pour priorité de nous occuper des enfants grâce à des mesures de prévention de la criminalité, comme on le propose dans cette motion.

En août 1996, l'ancien ministre de la Justice a parlé du système de justice et a précisé que les torts avaient déjà été causés au moment où les gens sont traduits devant les tribunaux. Il a déclaré qu'il ne fallait pas simplement se pencher sur les symptômes du problème, mais s'attaquer à ses racines.

C'est ce que font les programmes proposés dans cette motion. En 1996, la Ligue canadienne pour la protection de l'enfance a défendu la nécessité de créer un programme universel complet et permanent dans tout le Canada, dans le but de financer des mesures d'intervention précoce afin d'aider nos enfants. Dans le cadre de rencontres avec les anciens ministres de la Justice et solliciteur général, Sandra Scarth, directrice exécutive de cette organisation, a signalé la nécessité d'identifier les mères et les enfants qui risquent fort d'éprouver des problèmes et qui ont besoin d'un appui intensif régulier dès la naissance de l'enfant jusqu'à son entrée à l'école.

 

. 1110 + -

Voici certains des faits présentés:

On estime que 20 p. 100 des enfants sont victimes de mauvais traitements au Canada.

Quarante mille enfants sont placés dans des institutions de remplacement comme des familles d'accueil et des foyers de groupe.

Les responsables du bien-être des enfants surveillent près de 200 000 enfants qui sont peut-être placés dans des situations insatisfaisantes ou inacceptables chez eux.

Un délinquant sexuel sur trois a subi un traumatisme sexuel quelconque dans son enfance.

Quatre-vingt pour cent des femmes détenues ont été victimes de mauvais traitements physiques ou d'agressions sexuelles lorsqu'elles étaient enfants.

Le risque de la toxicomanie est sept fois plus important chez les enfants qui ont été victimes de violence sexuelle que chez les autres et celui de suicide chez ces enfants est dix fois plus élevé.

Les principaux facteurs qui contribuent à ce qu'un parent inflige des mauvais traitements à un enfant sont les expériences vécues dans son enfance, l'isolement social et des problèmes physiques ou de développement chez l'enfant.

Des données comme celles-ci devraient suffire pour nous amener tous à nous demander comment nous pouvons le mieux offrir un bon départ à nos enfants. Ce sont les membres de notre société qui sont le plus sans défense et le moins protégés. Cette motion est un bon début pour ce qui est de s'attaquer à certains des problèmes auxquels ces enfants font face. Nous allons tous profiter des mesures proposées par le député d'Esquimalt—Juan de Fuca.

Dans tout le pays, beaucoup de gens demandent, à juste titre, qu'on renforce la Loi sur les jeunes contrevenants surtout en ce qui concerne les crimes violents. Ne serait-il pas bon de pouvoir prévenir les problèmes avant que ces jeunes ne deviennent des criminels? Ne serait-ce pas merveilleux si nous ne devions jamais invoquer la Loi sur les jeunes contrevenants ou le Code criminel au départ? Bien entendu, nous savons que c'est un objectif inaccessible. Ce serait utopique, mais la Chambre pourrait peut-être faire progresser quelque peu le Canada dans cette direction en souscrivant à cette motion.

J'exhorte mes collègues à la Chambre à l'étudier sérieusement.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Madame la Présidente, je suis très heureux de pouvoir prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour parler de la motion no 261, qui préconise l'élaboration d'un programme national Bon départ pour les enfants canadiens.

Au cours de la dernière décennie, nous en avons appris beaucoup au sujet du développement des jeunes enfants. Ce qui se passe durant les premières années de la vie, et même durant la période prénatale, peut avoir un effet durable sur le développement de l'enfant. Souvent, les premières expériences d'un enfant ont une incidence sur sa capacité d'apprendre, d'être en santé et d'être productif tout au long de sa vie. Nous savons maintenant, par exemple, que le cerveau se développe plus rapidement durant la première année de vie qu'on ne le croyait auparavant.

Bien que la plupart des enfants aient tout ce dont ils ont besoin durant les premières années de leur vie pour se développer pleinement, certains enfants n'ont pas cette chance. Malheureusement, la pauvreté est le plus grand problème qui touche les jeunes Canadiens aujourd'hui. Beaucoup d'enfants qui vivent dans la pauvreté sont logés de façon inadéquate et ne mangent pas à leur faim. D'autres enfants canadiens vivent dans des familles qui sont isolées, qui n'ont pas le soutien social nécessaire ou encore qui n'ont pas accès à des soins de santé et à des services sociaux de qualité. D'autres enfants encore sont négligés ou maltraités. On estime qu'un enfant sur cinq vit dans des conditions qui le rendent vulnérable.

Le député sera heureux de savoir que les investissements dans le développement des jeunes enfants est une priorité du gouvernement. Ce dernier adopte une approche préventive en ce qui concerne la santé physique et mentale en optimisant le développement de tous les jeunes enfants et en intervenant de façon précoce dans le cas des enfants à risque et des enfants marginalisés. Le gouvernement reconnaît l'importance du soutien à la famille, puisque c'est sans doute celle-ci qui a le plus d'influence sur le développement d'un enfant. Il reconnaît aussi la nécessité d'appuyer les parents dans leur rôle d'éducateurs et de protecteurs des enfants.

Le gouvernement du Canada a élaboré trois programmes qui fournissent du financement à long terme à des groupes communautaires pour l'élaboration et la réalisation de programmes répondant aux besoins des femmes enceintes, des jeunes enfants et des familles à risque. Le premier programme est le Programme canadien de nutrition prénatale, ou PCNP. Le deuxième est le Programme d'action communautaire pour les enfants, ou PACE. Enfin, le troisième est l'Initiative d'aide préscolaire aux autochtones.

Le Programme canadien de nutrition prénatale, ou PCNP, finance 264 projets dans 751 localités. Ces projets offrent des suppléments nutritifs, des conseils en nutrition ainsi que de l'aide, de l'éducation et du counseling sur des questions comme l'abus d'alcool, le stress et la violence familiale. On a également fait 8 500 renvois à d'autres services durant les six premiers mois d'existence de ces projets.

Les participantes au PCNP sont des adolescentes enceintes, des femmes qui vivent dans l'isolement, des femmes qui abusent de l'alcool ou d'autres substances, des femmes qui vivent dans des situations de violence et des femmes chez qui d'autres problèmes, comme le diabète, etc., ont été diagnostiqués. Ce programme réussit à atteindre les femmes enceintes qui risquent de donner naissance à des bébés présentant une insuffisance pondérale. En fait, le nombre de participants pour 1997 et 1998 est supérieur de 30 p. 100 aux prévisions.

 

. 1115 + -

Le Programme d'action communautaire pour les enfants, ou PACE, finance plus de 450 projets à travers le Canada afin que les enfants prennent un meilleur départ dans la vie, soient prêts pour l'école et améliorent leurs chances de devenir des adultes productifs et en bonne santé. Les activités comprennent des visites à domicile, des cours sur le rôle parental, des groupes de jeu, des groupes de discussion et des conseils. Plus de 30 000 parents et enfants participent chaque semaine à des activités financées par le PACE.

Par ailleurs, ces projets ont entraîné la création de 1 000 emplois dont 20 p. 100 sont occupés par des parents bénéficiant du PACE. Quelque 30 000 heures de bénévolat par mois sont consacrées à ces projets. Quand je parle du PACE, je le fais en connaissance de cause. C'est un programme exceptionnel qui est fort apprécié des habitants de ma circonscription, Waterloo—Wellington.

Dans le cadre de Bon départ pour les autochtones, les enfants passent en moyenne trois heures par jour et quatre jours par semaine en salle de classe. Près de 30 000 enfants sont inscrits à ce programme et le nombre moyen de participants dans un local donné est de 30 à 40. Environ 400 autochtones sont employés dans les centres de Bon départ et les collectivités autochtones prennent part à la planification, à l'élaboration et au fonctionnement de tous les projets entrepris dans le cadre du programme Bon départ pour les autochtones.

Bon départ pour les autochtones, le PACE et le PCNP se sont révélés des instruments très utiles pour former, avec les collectivités, des partenariats très larges qui permettent d'injecter des ressources là où elles ont le plus d'effets sur les enfants à risque ou marginalisés. Le succès de ces programmes en dit long sur la valeur des interventions auprès des enfants qui sont basées sur la coopération avec la collectivité.

Cette approche communautaire produit des dividendes en donnant à un plus grand nombre d'enfants un meilleur départ dans la vie, en accroissant leur maturité scolaire et en améliorant leurs chances de devenir des adultes productifs et en bonne santé qui seront des membres à part entière de la société canadienne.

La motion soulève des questions essentielles concernant la programme national pour les enfants ou PNE, que j'aimerais souligner maintenant.

Tout d'abord, la motion représente un thème nouveau d'importance du programme national pour les enfants, mais ce n'est qu'une partie de ce programme. Le développement des jeunes enfants, qui est un thème central du PNE, n'en représente qu'un élément; les discussions n'en sont encore qu'au stade préliminaire. Aucune décision n'a encore été prise concernant les domaines précis d'intervention. Le programme national pour les enfants repose sur une approche beaucoup plus globale du développement des enfants que la motion dont nous sommes saisis puisqu'il englobe toute leur enfance. Par exemple, parmi les autres domaines d'intérêt, on compte l'aide aux familles en matière de travail, l'équilibre familial et des collectivités sûres et efficaces. Il est important d'aider les enfants durant leurs premières années, mais ce soutien doit se poursuivre durant tout leur développement.

En deuxième lieu, il faut se pencher davantage sur la stratégie à adopter pour centrer nos efforts sur les premières années de l'enfance. Le nombre exact d'années de développement à inclure dans la première enfance est encore matière à discussion. La motion ne porte pas sur la période prénatale, qui est capitale pour le développement des enfants. Par exemple, les bébés présentant une insuffisance pondérale risquent davantage d'avoir des problèmes de développement. En outre, bien que la motion porte sur les enfants âgés de huit ans ou moins, il vaudrait peut-être mieux commencer par les enfants d'âge préscolaire, soit, par exemple, les enfants de moins de quatre ou cinq ans pour lesquels il n'existe aucun système officiel actuellement. On pourrait ensuite élargir le programme pour qu'il comprenne les enfants de six à huit ans, âge où se posent les problèmes de transition scolaire.

En troisième lieu, la motion passe à côté de l'importance de l'engagement des citoyens dans des plans visant à améliorer le bien-être des enfants au Canada. Cette motion traite du besoin de travailler avec les provinces et les territoires pour ce qui concerne les enfants. Cependant, il n'y est fait aucune mention de l'importance de solliciter la participation du public. Le Programme national de l'enfance sera plus qu'une entreprise commune des divers ordres de gouvernement, il fera également appel à la collaboration d'autres partenaires. Tous les Canadiens auront l'occasion de donner leur point de vue sur des domaines où l'on pourrait agir et sur les moyens à prendre pour accroître le bien-être de tous nos enfants.

En quatrième lieu, la pleine mise en oeuvre d'ici l'an 2000 est trop optimiste. Bien que les programmes énumérés dans la motion et le Programme d'action communautaire pour les enfants du gouvernement fédéral fournissent de bons modèles pouvant servir de fondements, il est trop optimiste de viser la pleine mise en oeuvre du programme national Bon départ d'ici l'an 2000. Compte tenu des domaines où il y a chevauchement de compétences et de la démarche multi-sectorielle nécessaire pour traiter correctement des questions liées aux enfants, les négociations relatives au programme national Bon départ prendront du temps, sans parler du temps qu'il faudra consacrer aux plus larges consultations visant à faire participer la population.

Compte tenu de la recherche, qui montre de plus en plus que des possibilités existent durant la première enfance, et de l'intérêt croissant de la classe politique et du public à l'égard du développement de l'enfant, il est capital de mettre sur pied un système pour faciliter le développement des enfants pendant leurs premières années et cela devrait même être une priorité.

Il est clair que les questions concernant les enfants, surtout celles qui portent sur le développement dans la première enfance, sont prioritaires, comme l'attestent le discours du Trône du 23 septembre 1997, la récente conférence des premiers ministres, qui s'est tenue le 12 décembre 1997, et l'engagement des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à l'égard du développement du Programme national de l'enfance. C'est évident.

 

. 1120 + -

La motion no 261 va certes dans le sens d'améliorer le bien-être des enfants. Mais, compte tenu de l'état d'avancement de notre programme national de l'enfance, il ne serait pas opportun d'adopter la motion.

Au début de 1997, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se sont engagés dans un processus collectif d'élaboration d'un programme national de l'enfance. Il ne convient donc pas de changer de cap maintenant pour aller dans le sens que suggère cette motion d'initiative parlementaire.

Il n'y a pas si longtemps, soit lors de leur réunion du 12 décembre 1997, les premiers ministres ont réaffirmé leur engagement à l'égard de nouvelles approches coopératives axées sur le bien-être des enfants. À la lumière des progrès accomplis dans le cadre du programme national de l'enfance, les premiers ministres ont convenu d'accélérer le processus. Tant et aussi longtemps que le travail en cours n'aura pas fait l'objet d'un compte rendu et d'un débat, il ne convient pas d'adopter la motion no 261.

Je demande donc à tous les députés de la Chambre de voter en conséquence.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Madame la Présidente, je veux rappeller brièvement le libellé de la motion M-261 présentée par mon collègue d'Esquimalt—Juan de Fuca qui se lit comme suit:

    Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait: a) élaborer, en collaboration avec ses homologues provinciaux, un grand programme national Bon départ pour les enfants âgés de huit ans ou moins; b) veiller à ce que ce programme intégré mette à contribution à la fois les hôpitaux et les écoles et se modèle sur les programmes d'intervention familiale précoce de Moncton et d'Hawaii et sur le programme préscolaire PERRY; et c) veiller à ce que le programme soit mis en oeuvre d'ici l'an 2000.

Loin de moi l'idée de mettre en doute la bonne foi du député d'Esquimalt—Juan de Fuca et ses nobles intentions de prévenir la criminalité chez les enfants et les jeunes. Assurer un bon départ aux enfants dans la vie nous concerne tous. La prévention de la criminalité chez les jeunes et, qui plus est, son augmentation, suscite de vives inquiétudes.

Tous les députés à la Chambre ont été en mesure d'observer, soit dans le cadre de leur travail parlementaire ou dans leurs activités professionnelles, des situations de criminalité juvénile. Nous nous entendons tous sur la nécessité de livrer une lutte féroce aux causes profondes de cette criminalité.

Cependant, et une fois de plus, le Bloc québécois tient à préciser que cette motion s'inscrit dans un champ de compétence exclusive aux provinces et qu'elle instaure de nouvelles normes et directives nationales centralisatrices que nous n'appuyons pas.

Le Bloc québécois s'oppose donc aux mécanismes proposés par le député d'Esquimalt—Juan de Fuca pour lutter contre la criminalité juvénile. Nous croyons que les provinces sont davantage en mesure d'identifier et d'évaluer les besoins du milieu et de mettre en place les programmes et les différents types d'intervention auprès des jeunes.

Nous savons, et l'expérience l'a démontré, que chaque province a une philosophie d'intervention et de prévention de la criminalité qui lui est propre, tant chez les jeunes que chez leurs aînés. C'est une question possiblement d'identité et de culture. Pensons seulement aux débats que nous avons eus à la Chambre concernant la Loi sur les jeunes contrevenants. On a vu poindre d'énormes divergences entre les députés quant à leurs attitudes, leurs réactions et leurs solutions face à cette loi.

Dans ce débat, la même problématique se pose. Les Québécois et les Canadiens ont souvent une façon différente d'appréhender le monde et leurs pratiques sociales en sont le reflet. En mettant sur pied un programme mur à mur tel que le propose le député d'Esquimalt—Juan de Fuca, le gouvernement fédéral, en plus d'intervenir dans des champs de compétence qui ne sont pas les siens, ne rendrait pas service aux enfants et aux jeunes dont la situation nécessite une intervention adaptée.

Si les autres provinces désirent l'intervention du gouvernement fédéral et la mise en place de programmes pour prévenir la criminalité juvénile, nous respectons ce choix. Faudrait-il également respecter le choix du Québec.

Il faut dire qu'au Québec, le travail dans ce domaine est déjà bien amorcé. D'ailleurs, j'ai été étonnée tout à l'heure d'entendre le député réformiste qui m'a précédée parler de la paranoïa du Bloc québécois parce que nous nous opposons à ce projet.

 

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Si les députés réformistes venaient au Québec s'informer de ce qui s'y fait, peut-être n'auraient-ils pas ce genre de jugement sur nous.

En effet, comme je l'ai mentionné plus tôt, le Québec a déjà pris les devants en ce domaine. Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, dans sa Politique de la santé et du bien-être, priorise le règlement de la délinquance chez les jeunes. Ainsi, on a constaté que le nombre de jeunes délinquants n'a pas augmenté au cours des dernières années, mais que les gestes délinquants qu'ils posent sont beaucoup plus graves.

On a identifié en plus les facteurs explicatifs et les facteurs de risque pour expliquer cette importante modification de la criminalité chez les jeunes; par exemple, la monoparentalité, l'absence et l'abandon du père, la pauvreté, la toxicomanie, l'exclusion sociale, les problèmes d'adaptation scolaire, la fréquentation de pairs délinquants, la criminalité des parents, les conflits conjugaux, et j'en passe. Les causes sont très nombreuses et elles ont été clairement identifiées.

Enfin, il y a des solutions où le Québec privilégie cinq voies d'actions prioritaires dont l'effet sera de diminuer la prévalence et la gravité de la délinquance d'ici l'an 2002: responsabiliser davantage les pères, raffermir les liens père-enfant, agir au sein du milieu scolaire, privilégier des interventions souples contrairement à des interventions mur à mur, rechercher un meilleur équilibre dans les investissements consacrés aux garçons et aux filles en difficulté, accorder une attention spéciale aux filles, et ajuster, entre autres, toutes les nouvelles mesures et les interventions qui sont liées à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Alors, comme on peut le constater, la démarche effectuée par les intervenants québécois parle d'elle-même. Ils ont identifié les problèmes, leurs causes et leurs facteurs de risque. Ils ont émis des hypothèses de solution et fixé des objectifs réalistes. Ce cheminement s'inscrit dans la réalité de la société québécoise, ainsi que dans celle, plus spécifique, des jeunes délinquants.

Ce plan d'action fait partie des Priorités nationales de santé publique où tous les acteurs sociaux ont été consultés et mis à contribution: le réseau de la santé et des services sociaux, les organismes communautaires, les groupes de professionnels, les municipalités, les milieux de l'éducation, de l'environnement, des transports, de la justice et des loisirs. Tous ont participé à l'élaboration de ce programme. Né d'un consensus, il repose sur la concertation et s'assure d'une grande flexibilité d'adaptation. Ce ne serait malheureusement pas le cas s'il fallait que le Québec mette en place un programme décidé et élaboré dans les officines bureaucratiques fédérales.

Il faut se dire les vraies choses. En quoi le gouvernement fédéral serait-il plus en mesure de régler les problèmes des jeunes enfants, alors que depuis que le présent gouvernement est au pouvoir, la pauvreté n'a cessé d'augmenter? Oui, il y a de graves problèmes de pauvreté des enfants au Canada. Ils sont 1,5 million qui ne peuvent satisfaire leurs besoins élémentaires et qui n'ont pas ce qu'il leur faut pour bien démarrer dans la vie.

Mais n'oublions pas que si ces enfants sont pauvres, c'est parce que leurs parents sont aussi pauvres. Une étude publiée en mars dernier par l'économiste Pierre Fortin indiquait que 58 p. 100 des chômeurs exclus du régime d'assurance-emploi n'ont d'autre choix que de recourir au régime de l'aide sociale. Ces chômeurs ne peuvent se qualifier à l'assurance-emploi. On leur donne donc un ticket vers l'aide sociale, vers la pauvreté.

Qu'a fait le gouvernement pour aider les enfants à sortir de cette pauvreté? Pas grand-chose. Au contraire, on a coupé dans les transferts aux provinces, on a attaqué les chômeurs et les chômeuses sur tous les fronts pour augmenter les surplus à la caisse de l'assurance-emploi et aider le ministre des Finances dans ses opérations comptables. Et l'injection d'un maigre 425 millions de dollars dans le Programme de prestations fiscales pour enfants ne les aidera certainement pas à sortir de la pauvreté dans l'immédiat.

Cette politique centralisatrice que veut mettre de l'avant le Parti réformiste sera une fois de plus inutile et coûteuse à cause des chevauchements qu'elle créera au Québec.

 

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Il faut éviter à tout prix de tomber dans ce piège. Il faut que le gouvernement fédéral et le Parti réformiste comprennent, une fois pour toutes, que le Québec est capable de gérer ses propres affaires et de gérer aussi ses propres problèmes. Il n'a pas besoin du grand frère fédéral qui regarde par-dessus son épaule pour mener à bien ses projets.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, le Québec a déjà pris les devants pour s'attaquer au problème de la criminalité juvénile. J'invite le député d'Esquimalt—Juan de Fuca à venir voir ce qui s'y fait, et ainsi, peut-être les députés réformistes changeront-ils d'idée.

[Traduction]

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Madame la Présidente, je félicite le député d'avoir présenté cette importante motion à la Chambre. J'espère qu'il mettra en oeuvre ce programme de changements avec le même succès qu'il a connu dans le dossier des mines terrestres.

Il s'agit d'une motion sérieuse, qui mérite d'être prise au sérieux et de recevoir une réponse réfléchie. En gros, la motion établit des liens entre la montée de la criminalité chez les jeunes contrevenants et la dynamique des familles dysfonctionnelles.

Faut-il consacrer des ressources dès les débuts de l'existence d'un enfant ou le faire plus tard, dans le cadre de la justice pénale? Les ressources doivent-elles servir à aider les familles ou à construire de plus grandes prisons? D'une façon ou de l'autre, nous allons employer les ressources. Quelle est la meilleure façon de le faire?

Poser la question, c'est simple comme bonjour. Mais ça se complique quand il s'agit d'y répondre. Malheureusement, l'influence dans la société n'est pas comme la physique. En physique, toute action entraîne une réaction opposée et équivalente, mais on ne peut pas en dire autant de la sociologie des programmes sociaux.

Dans ses documents à l'appui, le député mentionne des programmes en vigueur à Hawaii et au Nouveau-Brunswick. Je n'ai pas la prétention de contester l'efficacité de ces programmes ou de la recherche dans ce domaine. Cependant, on n'obtient pas forcément de tels résultats dans un environnement social plus vaste et moins contrôlé. Autrement dit, plus la collectivité ciblée est vaste, moins les résultats sont mesurables.

Il semble y avoir une corrélation entre une baisse de la criminalité chez les jeunes et la satisfaction des besoins fondamentaux des enfants. Toutefois, la question n'est pas aussi tranchée que nous le voudrions. Cette corrélation semble exister, mais elle n'est pas très nette.

J'attire l'attention du député sur un article qu'a publié Cathy Campbell dans le numéro d'hiver 1998, volume 20, de la revue Child Health, dans lequel elle cite le Dr Clyde Hertzman, professeur de soins de santé et d'épidémiologie à l'Université de la Colombie-Britannique. Il dit: «Les enfants de familles à faible revenu qui reçoivent une bonne éducation dès la petite enfance sont en meilleure santé, font de plus longues études, obtiennent de meilleurs emplois et sont moins dépendants du régime d'aide sociale.»

Le Conseil national de la prévention du crime estime que la criminalité coûte au Canada 46 milliards de dollars par année. Si nous prenions un million de dollars et que nous l'investissions dans des places de prison pour les criminels de profession, 60 crimes seraient évités chaque année. Si nous prenions le même montant et que nous l'utilisions pour surveiller des délinquants de 12 et 13 ans, 72 crimes par année seraient évités. En outre, si ce montant de un million de dollars était investi dans des mesures visant à encourager les jeunes à terminer leurs études secondaires, on peut estimer que nous empêcherions la perpétration de 258 crimes par année.

D'une certaine façon, nous affrontons ce dilemme chaque fois qu'un crime grave mettant en cause un adolescent suscite l'attention des médias ou lorsqu'un projet de loi gouvernemental est présenté dans ce domaine. Si le gouvernement dépose sa réponse au rapport et aux recommandations du Comité de la justice à l'égard des jeunes contrevenants, ce débat refera surface.

Le Canada incarcère des enfants à un rythme quatre fois plus élevé qu'aux États-Unis et 15 fois plus élevé qu'un pays européen moyen. Et on me dira que le Canada est plus bienveillant et moins sévère que les États-Unis. Nous remportons la palme pour ce qui est de l'incarcération d'adolescents.

 

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Je ne pense pas que ce soit une chose dont nous puissions être fiers. Cela nous amène sans aucun doute à réfléchir à ce que nous sommes en tant que Canadiens.

Les Canadiens pensent que la criminalité juvénile connaît une croissante explosive, qu'ils sont en danger chaque fois qu'ils se rendent au dépanneur du coin pour acheter du lait ou des cigarettes. Je dirais pourtant que la loi sur les jeunes contrevenants est suffisamment stricte et prive de leur liberté plus de jeunes que dans n'importe quel autre nation civilisée.

Il y a un vaste écart entre ce que pensent les Canadiens et la réalité. Le député propose une solution à long terme qui a un certain mérite. On pourrait dire de certains députés de son parti qu'ils sont partisans de la ligne dure en matière de criminalité, qu'ils pensent que le gouvernement est trop mou et que la loi sur les jeunes contrevenants n'est pas assez stricte.

Le gouvernement répond, comme il l'a fait par la bouche de la ministre d'État chargée de l'enfance et de la jeunesse: «Regardez tout ce que nous faisons. Le discours du Trône annonçait une programme Bon départ pour les autochtones, un programme de nutrition prénatale, il promettait 850 millions puis un autre 850 millions pour un régime de prestations pour enfants.» Le débat n'en finit pas.

D'un côté on croit fermement qu'il faut renforcer toutes les mesures concernant la criminalité juvénile, tandis que l'autre côté nous dit qu'il faut davantage de programmes «bon départ».

Je ne suis pas en désaccord sérieux avec la motion du député. Je pourrais contester le libellé, car je souhaiterais que l'on voie les enfants comme faisant partie d'une famille, ce qui fait que les programmes devraient être centrés sur les besoins de la famille. En dehors de cela, je vois plutôt sa motion comme quelque chose qui appuie les initiatives du gouvernement et la direction générale suivie par celui-ci. La seule différence réelle, c'est qu'il veut une vision plus cohérente.

J'appuie le principe de la motion. Cependant, ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'y a pas de corrélation facile à faire entre les programmes bon départ et la réduction de la criminalité. Le gouvernement devrait continuer à surveiller ses initiatives à la lumière des critères énoncés dans cette motion.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole pour appuyer la motion d'initiative ministérielle no 261, présentée par le député d'Esquimalt—Juan de Fuca. Je le félicite d'avoir porté cette question à l'attention de la Chambre.

La préoccupation qu'exprime la motion au sujet des enfants, et surtout à l'âge mentionné dans la motion, soit de la naissance à 8 ans, sera bien reçue dans la population, partout au pays. Je crois que tous les députés seront d'accord avec cette motion.

Quand nous avons entrepris l'examen de la Loi sur les jeunes contrevenants, après 10 ans, nous avons voyagé d'un bout à l'autre du pays et entendu des témoins, spécialistes et professionnels, ainsi que des gens ordinaires, qui s'intéressent à la question des jeunes, à la prévention de la criminalité chez les jeunes et aux solutions possibles considérant le très petit pourcentage de jeunes contrevenants violents qui représentent une menace pour la vie et la sécurité de nos concitoyens.

Au cours des audiences, des spécialistes nous ont dit que les enseignants pouvaient déceler dès les trois premières années d'école primaire les comportements déviants et trop agressifs.

Je tiens à dire à mes collègues du Bloc que, quand nous sommes arrivés au Québec, nous avons constaté que cette province avait des programmes beaucoup plus avancés que certaines autres. Je suppose qu'ils seront contents de savoir, au moment où se tiennent les audiences concernant la Loi sur les jeunes contrevenants, dans l'ouest du Canada, que les programmes du Québec méritent d'être examinés et peut-être imités par d'autres provinces désireuses d'implanter des programme pour déceler rapidement et prévenir les comportements délinquants.

C'est l'approche en trois niveaux adoptée par mon parti sur l'ensemble de la question de la Loi sur les jeunes contrevenants. Bien sûr, les deux domaines relèvent des compétences des provinces. Le premier domaine, c'est la détection précoce et la prévention. Pour ce faire, il faut investir les ressources dans des programmes qui permettent, par exemple, quand un enseignant constate qu'un enfant a des difficultés, de faire bénéficier l'enfant d'un programme provincial destiné à lui fournir l'aide nécessaire, ainsi qu'à ses parents, afin qu'il reste dans le droit chemin.

 

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Nous sommes d'avis que ce programme en vaut vraiment la peine et va pratiquement dans le même sens que le programme national Bon départ auquel mon collègue d'Esquimalt—Juan de Fuca se reporte dans sa motion. De tels programmes sont déjà en oeuvre au Canada. Le député d'en face a mentionné les programmes Bon départ en place dans des collectivités autochtones au Canada.

Au moyen de cette motion, nous voulons sensibiliser davantage la population à la nécessité d'aider les enfants et à l'avantage qu'y gagneraient non seulement la société, mais aussi l'économie, comme l'a mentionné le député qui vient de parler, car nous pensons que c'est extrêmement important.

De plus, nous avons notamment examiné les programmes Sparwood et Maple Ridge, en Colombie-Britannique, qui sont excellents et qui permettent à des jeunes qui sont aux prises avec la justice pour la première ou deuxième fois d'avoir affaire à un système de justice communautaire plutôt que de comparaître devant les tribunaux ordinaires.

La semaine dernière, nous avons rencontré Lola Chapman qui dirige le programme Maple Ridge. Elle nous a cité des statistiques impressionnantes qui nous ont donné, à moi et mes collègues, beaucoup d'encouragement et d'espoir que nous pourrons faire en sorte qu'un plus grand nombre de nos enfants ne soient pas impliqués dans le système de justice pénale et que nous pourrons intervenir à temps pour que nos efforts de réadaptation donnent les meilleurs résultats possibles.

Voici un exemple. Les statistiques que Mme Chapman a citées remontent à trois ans. À cette époque-là, dans la région, un tribunal pour enfants siégeait une fois la semaine et de 45 à 60 jeunes contrevenants y comparaissaient au cours de la journée. La moyenne se situe maintenant à huit par jour. C'est une réalisation admirable de la part de bénévoles dévoués qui appuient le programme et qui travaillent auprès des jeunes qui leur sont renvoyés au lieu de comparaître devant les tribunaux. Aujourd'hui, la police et la Couronne peuvent renvoyer les enfants à ce programme qui est en place depuis environ trois ans.

Mme Chapman a fait état du taux de réussite et je lui ai demandé d'expliquer ce que cette réussite signifiait. Elle a dit qu'on considérait comme un succès le fait qu'un jeune contrevenant ne récidive pas pendant au moins un an. Elle a précisé que le taux de réussite s'établissait à 94 p. 100. C'est magnifique. Le programme Sparwood est un peu différent, mais connaît aussi un taux de réussite supérieur à 90 p. 100 chez les jeunes aux prises avec la justice pour la première fois, et cherche à les amener à ne pas récidiver. Ces initiatives sont dignes d'éloges.

Lorsqu'on considère la question du point de vue fédéral, c'est-à-dire comment faire pour réduire le nombre de jeunes qui ont affaire au système de justice et ce que l'on devrait réellement faire de la Loi sur les jeunes contrevenants, ces deux programmes nous semblent très encourageants. Je parle ici du système de dépistage précoce et de prévention, dont le meilleur à mon avis est celui du Québec, et du programme de déjudiciarisation. Ce dernier s'applique aux jeunes qui ont des problèmes pour la première ou pour la deuxième fois et que l'on ne poursuit pas devant les tribunaux. Ces jeunes sont suivis de près par des intervenants qui sont disponibles pour les aider et les guider vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Dans tous les cas où la restitution a été exigée, les montants ont été payés en entier et c'est là une grande réussite. Cela montre bien le niveau de responsabilité que nous devons inculquer à nos jeunes pour qu'ils deviennent des adultes responsables.

Pour ce qui est de toute cette question qui touche au système de justice pour les jeunes et à la Loi sur les jeunes contrevenants, nous pourrions prévoir et demander à chaque communauté de mettre sur pied son propre programme, dans le genre de ceux de Sparwood et Maple Ridge. Je crois qu'on les retrouve un peu partout maintenant et que l'Alberta commence à en faire l'expérience.

 

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Nous pourrions réduire davantage le nombre déjà restreint de jeunes contrevenants violents qui menacent la vie et la sécurité des Canadiens. Le gouvernement fédéral et nous, politiciens, devons nous pencher sur ce problème. Que pouvons-nous faire face à ces jeunes dont la violence constitue une menace pour la vie et la sécurité de nos concitoyens?

Nous ne devons certes pas cesser d'avoir recours aux peines de prison. Par ailleurs, nous devons voir à ce que les programmes d'éducation et de réadaptation offerts soient appropriés et qu'ils aident réellement les jeunes, de façon à leur donner la meilleure chance qui soit de se réadapter.

Nous avons visité des établissements de garde en milieux ouvert et fermé. Nous n'avons pas vu grand-chose d'encourageant au chapitre des programmes de réadaptation parce que la plupart sont volontaires; la participation n'est pas obligatoire. Les jeunes délinquants peuvent regarder la télévision ou jouer aux cartes s'ils ne veulent pas prendre part aux programmes.

La motion à l'étude vise à nous faire prendre conscience d'un problème. Si nous cherchons à le résoudre, cela nous permettra de renforcer nos programmes de dépistage précoce et de prévention au moment où le besoin s'en fait particulièrement sentir.

Il me reste à peine une minute, mais je veux signaler le projet de mines de Sydney, à l'extérieur de Sydney, en Nouvelle-Écosse, que nous avons visité. On y accueille les enfants qui sont passés entre les mailles du filet, qui ont dû quitter l'école, qui ont commis des infractions à la loi et ainsi de suite. On y accomplit un travail formidable en offrant à ces enfants des cours de rattrapage scolaire, en les ramenant dans le droit chemin et en les faisant progresser. Le projet est un énorme succès.

Nous devons détourner des ressources du traitement de la criminalité pour les consacrer à la prévention afin de ne pas avoir un système de justice pénale de plus en plus énorme qui ne fait que nous coûter toujours plus cher sans s'attaquer aux causes véritables de la criminalité.

Si la pauvreté est une cause de la criminalité, comme cela est avéré dans bien des cas, nous devrions remédier au problème des taux élevés d'imposition qui ont condamné à la pauvreté une famille sur cinq.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir pour appuyer la motion M-261. Le député d'Esquimalt—Juan de Fuca a lancé au pays un défi très important.

J'interviens en m'autorisant de mon expérience dans le domaine de l'éducation, car je m'occupais de l'administration d'un district scolaire depuis douze ans. J'ai également assisté à la mise en oeuvre du programme d'aide préscolaire pour les autochtones dans ma localité.

Le député soutient que les huit premières années de la vie de l'enfant sont cruciales pour son développement. Je rappelle à la Chambre et aux Canadiens que les enfants des localités autochtones ont souffert de la politique des internats, au grand détriment du processus d'éducation des enfants par leurs parents dans ces localités. Je dois mettre en garde contre l'institutionnalisation de nos enfants à un très jeune âge. Il ne faut pas abandonner la structure familiale de toute notre population. Tous les Canadiens veulent vivre dans un cadre familial.

Il est indispensable d'assurer un bon départ si le cadre familial n'est pas intact. Si les parents ne sont pas capables d'assurer un soutien scolaire, social, économique et psychologique, le programme d'aide préscolaire joue un rôle important. Avec l'aide préscolaire, la collectivité prend l'initiative en jouant un rôle de famille élargie.

La base collective est cruciale. Le programme d'aide préscolaire pour les autochtones en a fait une grande priorité. Il fallait que les organismes communautaires participent à l'élaboration du programme. L'autre aspect réside dans les systèmes d'éducation au Canada.

 

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Pourquoi les écoles ne pourraient-elles pas administrer le programme Bon départ, de façon à éviter la création d'une nouvelle structure administrative? Nous n'avons nullement besoin d'un nouvel appareil administratif. Nous voulons créer des programmes et des services pour les enfants et leurs familles, pas consacrer notre argent à les administrer. Nous devrions permettre aux systèmes scolaire d'administrer le programme, comme cela se fait au Québec.

Le programme Bon départ nécessitera l'élaboration d'un programme scolaire. La langue doit être un élément qui fait partie intégrante du programme chez les autochtones. Nous devons préserver les langues de nos peuples autochtones. Neheyo-watsin, comme on dit dans ma langue, et le Canada est la patrie de cette langue. Si le programme Bon départ impose l'anglais ou le françaisà la place de la langue première de la collectivité, cela nous sera préjudiciable et nous ramènera aux politiques appliquées dans les pensionnats d'autrefois. Ce n'est pas le but des programmes Bon départ dans les collectivités autochtones.

Les collectivités veulent tout d'abord préserver leur langue. Si les enfants peuvent la garder intacte jusqu'à l'âge de huit ans, ils pourront plus facilement acquérir une deuxième, une troisième ou une quatrième langue. Mais il faut d'abord que la langue maternelle soit bien ancrée.

Même si la motion parle d'un partenariat entre les gouvernements fédéral et provinciaux, elle devrait aussi mentionner le partenariat avec la collectivité. Il y est question des hôpitaux et des écoles. Dans le développement pédagogique et collectif, les écoles jouent un rôle plus important que les hôpitaux. Les écoles de nos collectivités sont mieux équipées que les hôpitaux à cet égard.

C'est faire fausse route que de transporter des enfants de trois, quatre ou cinq ans vers une autre ville ou un autre village pour suivre un programme Bon départ ou recevoir des services. De nombreux programmes communautaires comme ceux-là se donnent dans la collectivité même. Cela permet aux parents qui sont à la maison d'aider leurs enfants à se développer à la maison avec des services de soutien offerts par le programme Bon départ. Il est très important que les familles restent ensemble.

J'ai un autre exemple, qui concerne cette fois la criminalité. Des députés réformistes ont présenté cela comme la principale mesure pour réduire la criminalité. Il y a une statistique que j'ai trouvée renversante. Pendant la visite d'un établissement carcéral en Saskatchewan, au cours des audiences de la commission royale, beaucoup de détenus ont présenté des mémoires aux commissaires. À la fin de la journée, le coprésident, M. Erasmus, a demandé à tous les détenus présents combien d'entre eux étaient passés par un programme de familles d'accueil. C'était le cas de 80 p. 100 d'entre eux. Cela nous doit nous amener à réfléchir à la structure familiale.

Si la famille immédiate ne peut assumer la charge de l'éducation d'un enfant, la famille élargie doit intervenir immédiatement. La collectivité doit avoir le pouvoir et les moyens d'assurer un soutien pour l'enfant dans son milieu immédiat. Il n'est pas dans l'intérêt de ces enfants qu'on les envoie dans une autre région de la province ou du pays. Il faut que les membres des familles vivent le plus près possible les uns des autres dans leur région. Voilà ce qui me préoccupe à l'égard aussi du programme Bon départ.

J'ai vu les progrès de l'urbanisation dans ma collectivité. À cause de faibles revenus et du logement social, les familles sont forcées d'habiter une localité dotée d'un réseau de canalisations d'eau et d'égouts. Toutefois, elles vivaient autrefois au bord des rivières et des lacs où les clans s'aidaient les uns les autres. Compte tenu de la façon dont les quartiers sont aujourd'hui conçus, une soeur ou un oncle peuvent vivre à l'autre bout de la ville, ce qui fait que la structure communautaire n'offre aucun système de soutien à la famille.

Il y a aussi une évolution dans les exploitations agricoles familiales, qui ont été durement frappées par la baisse des revenus. Les conjoints doivent compter sur une seconde source de revenu, ce qui amène des membres de la famille à s'éloigner du foyer. Les gouvernements fédéral et provinciaux devraient soutenir le plus possible la famille. Les agriculteurs assurent la richesse de la collectivité agricole et nourrissent notre pays et le monde entier. Les pêcheurs qui nous nourrissent ne réduisent pas leurs responsabilités ni leur rôle au Canada. Il faut garder leurs familles intactes et ne pas les compromettre en créant des programmes qui empêchent les parents d'assumer leurs responsabilités. Tel est mon message: il faut garder les familles intactes.

 

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M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.): Madame la Présidente, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui sur la motion M-261, qui encourage le gouvernement à élaborer un grand programme national Bon départ. Je remercie mon collègue, le député d'Esquimalt—Juan de Fuca, d'avoir proposé cette motion. Je le félicite pour sa compassion et pour le travail qu'il a accompli sur cette question très importante.

Il ne fait aucun doute que la criminalité chez les jeunes est alarmante. Des travailleurs sociaux reçoivent des appels de parents qui soutiennent que leurs enfants sont d'une violence implacable. Cela pose même un problème chez les enfants du primaire et ceux d'âge préscolaire. Il n'est pas rare que des enfants de dix ans soient violents à l'école ni que des frères et soeurs soient violents entre eux. Il est effectivement impensable qu'un garçon de 11 ans commette un viol ou qu'un enfant de 14 ans en poignarde jusqu'à mort un autre de 7 ans.

En vérité, des peines plus sévères ou du counselling et de bons parents ne suffisent tout simplement pas. Quelle est la solution? La solution pourrait résider dans des mesures comme les programmes Bon départ, qui aident les enfants vulnérables au cours de leur croissance. Pareils programmes visent à établir des règles du jeu égales avant que les enfants n'accèdent au système scolaire publique. C'est une approche constructive pour résoudre le problème.

Chaque année, des milliers d'enfants défavorisés vont à l'école pour la première fois. Bon nombre ont des problèmes de santé et manquent de confiance en eux. Si on laisse les enfants accuser un retard dès les premières années, leurs difficultés risquent de s'aggraver au fil des ans. Des recherches approfondies ont démontré qu'il est possible d'améliorer la capacité d'un enfant défavorisé de composer avec l'école et avec l'ensemble de son milieu.

[Français]

Un véritable programme Bon départ répond aux besoins affectifs, sociaux et psychologiques des enfants, ainsi qu'à leurs besoins en matière de santé et de nutrition. Tous les programmes Bon départ qui existent ont été très bien accueillis par les éducateurs, les spécialistes du développement de l'enfant, les dirigeants des collectivités et les parents.

Ce programme aura d'importantes répercussions sur les collectivités. Il permettra de remédier, jusqu'à un certain point, à diverses situations: familles monoparentales, grossesses chez les adolescentes, analphabétisme, itinérance, consommation abusive d'alcool et de drogues et mauvais traitements infligés aux enfants.

Un programme Bon départ aide les enfants à mieux réussir en classe et procure aux parents les connaissances et les services dont ils ont besoin pour mieux composer avec la vie. Les parents doivent participer directement au développement de leurs enfants et ils doivent jouer un rôle plus important à cet égard.

Le programme Bon départ va dans le sens du Programme national d'action pour les enfants et de l'entente conclue par les premiers ministres en vue d'accélérer les travaux prévus dans le cadre de ce programme.

Bien entendu, le programme Bon départ réunirait un financement fédéral, un financement provincial et communautaire et la participation de bénévoles dans la collectivité. Il reconnaîtrait que les besoins des enfants varient selon les collectivités, les provinces et les régions.

[Traduction]

Quelle est la priorité? Ce sont nos enfants qui doivent être la priorité. Ils apprennent tôt des modes d'apprentissage. Y a-t-il des députés qui ont déjà visité un service de soins intensifs à l'intention des nouveau-nés? Ont-ils déjà vu un nourrisson qui souffre d'une dépendance à la drogue ou à l'alcool? Sont-ils au courant des coûts qui s'ensuivent? Les coûts sont de l'ordre de centaines de milliers de dollars. L'enfant devient alors sous la tutelle de la collectivité et peut avoir subi des préjudices permanents.

 

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Voilà pourquoi nous discutons aujourd'hui de cette question. Nous voulons souligner l'importance des petits, des jeunes qui sont des êtres fragiles. Les enfants sont et doivent rester notre priorité.

[Français]

Nous devons instaurer, à l'intention des enfants défavorisés, un programme spécial de développement de la petite enfance. C'est un investissement que nous n'aurons jamais à regretter.

[Traduction]

Au cours des 18 premiers mois de son existence, l'enfant apprend à avoir une bonne ou une piètre estime de lui-même. C'est pendant les deux premières années de leur existence que les enfants acquièrent ou non des modes d'apprentissage. Voilà pourquoi nous devons leur fournir les outils nécessaires à leur épanouissement et les guider sur la bonne voie. Il est beaucoup plus coûteux d'envoyer des enfants en prison que de les envoyer à l'école.

Je m'intéresse vivement à l'éducation des très jeunes enfants défavorisés et vulnérables. Des études prouvent que si ces petits êtres fragiles reçoivent de l'amour, de bons soins et de l'affection, ils deviendront de brillants élèves. De plus, certaines études confirment que l'on peut réaliser des économies supérieures à 7 $ pour chaque dollar investi dans de tels programmes.

Nous devons être à la fine pointe dans ce domaine. Nous avons éliminé le déficit. Le moment est maintenant venu d'investir dans nos enfants, notre plus grande richesse. Nous devons assumer les responsabilités qui nous incombent.

Établissons un consensus dans le cadre de ce débat. Nous devons repenser constamment le principe des programmes Bon départ de manière à ce qu'ils deviennent les programmes les plus rentables jamais mis en oeuvre.

Je vois que l'heure touche à sa fin. Je continuerai mon intervention quand la chambre reprendra l'étude de la question.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le temps prévu pour l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulé, et l'article retombe maintenant au bas de la liste de priorité du Feuilleton.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LE NUNAVUT

 

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.) propose: Que le projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi sur le Nunavut et la Loi constitutionnelle de 1867, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

—Madame la Présidente, c'est pour moi un véritable honneur d'amorcer le débat sur le projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi sur le Nunavut et la Loi constitutionnelle de 1867.

Je rappelle à la Chambre et à tous les Canadiens qu'un événement très important se produira le 1er avril 1999, un événement qui illustrera ce qu'est le Canada, ce que sont les Canadiens, qui décrira la façon dont nous avons pu, au cours du XXe siècle, trouver des moyens de moderniser notre démocratie et de tenir compte des désirs des habitants de notre pays. Nous avons opté pour des formules innovatrices, la négociation, la signature de traités et le dialogue, pour trouver de meilleures façon de construire des structures gouvernementales représentatives de la population que nous sommes élus pour représenter.

Le 1er avril 1999, le Canada aura un nouveau territoire, le Nunavut. Au cours du XXe siècle, notre pays a trouvé des façons d'édifier une nation, d'apporter des changements. Par exemple, en 1905, deux nouvelles provinces ont été créées, soit la province de l'Alberta et la province de la Saskatchewan, qui se sont détachées des Territoires du Nord-Ouest. De manière pacifique, nous avons tenu compte des intérêts, des besoins et des exigences de la population qui occupait un territoire qui est devenu deux provinces très importantes et spéciales de notre fédération, l'Alberta et la Saskatchewan.

Au début du XXe siècle, nous avons vécu un événement très important et voici que, à la fin du XXe siècle, nous nous apprêtons à en vivre un autre tout aussi important.

Nous devrions tous être fiers de la création du Nunavut, qui capte l'attention du monde entier. Comme nous le savons, il est très rare que des pays parviennent de manière pacifique, par la négociation, à apporter des changements, à modifier leurs frontières internes et à prouver que les gouvernements existent pour le bien de leur population. Notre défi consiste à trouver des moyens modernes de faire en sorte que la population canadienne sente qu'elle entre en ligne de compte et que ses idées et ses préoccupations se reflètent dans les structures du gouvernement.

 

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Le projet de loi C-39 est un élément extrêmement important du cadre législatif qui nous permettra de réussir la transition devant conduire à la création du nouveau territoire du Nunavut le 1er avril 1999.

Après des conversations avec mes vis-à-vis au sein du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, des dirigeants de la société Nunavut Tunngavik et grâce au travail du commissaire provisoire, Jack Anawak, et de la Commission d'établissement du Nunavut, nous avons déterminé qu'il nous faut tabler sur ce qui a déjà été construit jusqu'à maintenant et adopter des modifications qui assureront une transition stable, sûre et régulière vers le nouveau territoire du Nunavut, d'ici le 1er avril 1999.

Le projet de loi C-39 n'est pas une fin en soi, mais marque une page de la longue histoire des peuples de l'est de l'Arctique, qui désirent tout à fait légitimement un gouvernement dans lequel ils se retrouvent à l'époque moderne et qui ont besoin d'un tel gouvernement.

L'histoire de ces peuples est fascinante. Nous savons maintenant que les Inuit sont dans l'Arctique canadien et l'Extrême-Arctique depuis plus de 4 000 ans. J'ai eu la grande chance de voyager dans le Nord. Je ne cesse d'être étonnée de la manière dont les Inuit et les autres peuples qui vivent dans l'est de l'Arctique ont réussi à s'acclimater, à vivre et à survivre dans un environnement extrêmement dur. L'établissement des Inuit dans cette région il y a 4 500 ans est un vibrant hommage à la condition humaine et à la nature humaine, ainsi qu'aux grandes qualités des Inuit eux-mêmes, qui ont su s'installer et prospérer. Ils élèvent des familles dans le climat septentrional et nous en sommes venus à voir en eux un trait très distinctif du Canada.

Vers le milieu du XVIe siècle, Martin Frobisher cherchait un passage vers l'Orient. Il a navigué dans les îles de l'Arctique. Plus tard, vers 1870 et 1880, la Couronne britannique a transféré au Canada la responsabilité de l'Arctique et des îles de l'Extrême-Arctique.

Au début du XXe siècle, les Territoires du Nord-Ouest ont subi des changements structurels et les provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan ont vu le jour. Dans les années vingt, il y a eu des discussions avec les autres intervenants internationaux que sont les Danois et les Norvégiens et encore une fois, nous avons considéré ces terres comme faisant partie du Canada et avons vivement défendu cette position.

Il est intéressant de constater que, durant les années soixante, dans les très vastes Territoires du Nord-Ouest, qui s'étendent sur trois fuseaux horaires, on songeait déjà à les diviser. On se rendait compte qu'il existait des différences d'un bout à l'autre de cette vaste aire géographique.

Dans les années soixante, on a constitué un groupe de travail, la Commission Carrothers, chargé d'étudier la pertinence de l'alignement géographique de ce territoire et dans quelle mesure nous sommes capables de défendre les intérêts de ses habitants au moyen d'une structure de gouvernement unique. Comme nous le savons, dans la Vallée du Mackenzie et dans la région de la mer de Beaufort, on s'intéressait alors de plus en plus aux ressources naturelles, la région connaissait un boom démographique et voulait avoir un gouvernement représentatif plus fort.

En 1973, la Cour suprême a rendu une importante décision qui nous a permis de commencer à voir les Territoires du Nord-Ouest et d'autres régions du Canada d'un autre oeil. En effet, la décision rendue en 1973 dans l'affaire Calder nous a fourni l'occasion de nous pencher sur la question du titre aborigène au Canada et sur le fait qu'il pourrait continuer d'exister. En 1973, l'Inuit Tapirisat a entrepris des recherches sur l'occupation ancestrale du Grand Nord par les Inuit et commencé à réunir renseignements et prétentions et à nous encourager à unir nos efforts pour élaborer une structure et une stratégie modernes en matière de revendications territoriales.

 

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L'année 1973 a marqué un point tournant; nous avons vu l'intérêt d'élaborer la stratégie moderne relative aux revendications territoriales qui est aujourd'hui mise en oeuvre partout au pays, pas seulement dans le Nord, chez les Inuit, les Dénés et les Métis, mais aussi en Colombie-Britannique et au Québec, où l'on signe des accords globaux touchant des revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale.

Les discussions au sujet de la division et des frontières des Territoires du Nord-Ouest se sont poursuivies durant les années soixante-dix et même au début des années quatre-vingt. Diverses stratégies ont été proposées. Les Dénés ont notamment proposé qu'ils soient divisés en trois territoires distincts. Les Inuvialuit, c'est-à-dire les Inuit qui vivent autour de la mer de Beaufort, devinrent très intéressés par la question de l'autonomie gouvernementale dans les ententes sur les revendications territoriales. Nous avons conclu les accords en question et sommes en train de les mettre en oeuvre dans la partie ouest des Territoires du Nord-Ouest.

C'est en 1992 que nous avons mieux saisi la nécessité de conclure ce qui est devenu la plus importante entente territoriale au Canada, à savoir l'entente sur le Nunavut. Le Nunavut est un très vaste territoire d'une superficie de plus de 200 millions de kilomètres carrés. La Loi sur le Nunavut adoptée en 1993 nous permet de régler la revendication territoriale et de créer les structures gouvernementales nouvelles et originales qui sont nécessaires afin que les gens de l'est de l'Arctique comprennent que le gouvernement tient compte de leurs intérêts et de leurs préoccupations.

Même si le nouveau gouvernement sera à bien des égards semblable à ceux des territoires, il existera néanmoins certaines différences. L'une d'entre elles, qui présente un intérêt particulier et qui a été fortement prônée par les Inuit de l'est de l'Arctique, veut que le gouvernement soit décentralisé et qu'il soit représenté par des organismes gouvernementaux dans les collectivités éloignées, afin qu'il y ait un lien entre les gens et leur gouvernement.

C'est un engagement extrêmement intéressant qui, comme je l'ai dit, reflète notre capacité en tant que pays de promouvoir la démocratie, de bâtir une nation et de comprendre que la démocratie n'est pas statique mais qu'elle doit changer et évoluer. Cet engagement montre aussi qu'un pays et en fait une fédération aussi fructueuse que le Canada peut trouver des façons modernes d'évoluer et de changer.

Le cheminement qui nous a permis d'en arriver là fut long et ardu. Cela fait 20 ans que notre attention est tournée vers la création d'un nouveau gouvernement dans l'est de l'Arctique. Cette initiative a été fortement appuyée par tous les peuples des Territoires du Nord-Ouest, et il fallait qu'il en soit ainsi, parce que lorsque des frontières changent, il est nécessaire de négocier certaines questions liées à ces changements.

Je suis heureuse de dire que les discussions qui se tiennent actuellement afin de faire en sorte que la plate-forme nécessaire aux structures gouvernementales soit en place au 1er avril se poursuivent de façon fructueuse.

Comme je l'ai dit au début, nous nous sommes aperçus qu'il nous fallait d'autres mesures législatives pour pouvoir continuer à faire des progrès. Le projet de loi et les modifications proposées sont des mesures concrètes et importantes. Elles n'ont pas été tout simplement pondues par ce côté-ci de la Chambre. Ce sont nos partenaires qui nous ont fait valoir les besoins, dans les Territoires du Nord-Ouest, à la Nunavut Tunngavik et à la Commission d'établissement du Nunavut, notamment le commissaire intérimaire, M. Jack Anawak, un de nos anciens collègues à la Chambre, qui se charge de veiller à l'application des recommandations du document L'empreinte de nos pas dans la neige fraîche. Ce document présente le plan général concernant le territoire lui-même.

Les modifications prévues dans le projet de loi C-39 se présentent en deux grandes catégories, soit celles qui sont de nature administrative et celles qui visent à assurer la pleine représentation de la population du Nunavut à la Chambre des communes et à l'autre endroit.

 

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Les modifications d'ordre administratif sont nécessaires surtout pour assurer le déroulement stable des activités d'ici au 1er avril 1999 et après. Nous voulons nous assurer, par exemple, que les gens pourront toujours obtenir leur permis de conduire, que les tribunaux continueront leurs travaux, que les affaires dont ils sont saisis ne seront pas interrompues, bref que tout se passe normalement.

Nous voulons nous assurer que les services sociaux continueront d'être disponibles et que nous avons les programmes nécessaires pour éviter que des services disparaissent ou apparaissent et pour que les habitants de la région puissent savoir qu'il n'y aura pas de changements dans leur vie quotidienne.

Ces amendements d'ordre administratif sont d'importance capitale. Nous croyons que nous pouvons faire en sorte de créer ce nouveau territoire en engendrant un minimum de confusion, de bouleversement et de difficultés pour les habitants de la région qui sera dorénavant divisée en Arctique de l'Ouest et Arctique de l'Est.

Nous sommes conscients du travail que représente ce programme. Le commissaire intérimaire négocie actuellement avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et avec le gouvernement du Canada, tentant de prendre des arrangements au sujet des contrats déjà conclus entre le gouvernement fédéral et les Territoires du Nord-Ouest et de les répartir de manière à partager équitablement les éléments d'actif et de passif, enfin de veiller à ce que la création de ce tout nouveau territoire se fasse dans des conditions acceptables et justes.

Quand on examine l'autre série de modifications proposées, on constate qu'elle est tout aussi importante, parce que nous avons notamment la conviction, dans notre pays, que les citoyens doivent être représentés au sein du gouvernement. Au niveau fédéral, cela signifie pouvoir compter sur une représentation à la Chambre des communes et, bien évidemment, dans l'autre endroit.

Nous pourrons, par ce projet de loi, confirmer le député du Nunavut dans ses fonctions. Mon collègue, le député de Nunavut, était candidat aux élections de 1993 dans ce territoire, désigné pour la première fois sous le nom de Nunavut. Ce nom doit cependant être confirmé dans la Constitution afin d'assurer la représentation de la population du Nunavut à la Chambre des communes.

Comme je le disais, nous devons nous assurer que la population des Territoires du Nord-Ouest, celles de l'Arctique de l'ouest et de l'Arctique de l'est soient représentées et puissent se faire entendre au Sénat. C'est pourquoi nous devons modifier la Loi constitutionnelle de 1867 pour nous assurer que la population de ces territoires soit entendue au Sénat.

Le projet de loi à l'étude ne vise pas à redéfinir les structures gouvernementales actuelles, mais à faire en sorte que la population du Nunavut et de l'Arctique de l'ouest continue d'être entendue dans les deux Chambres du Parlement.

Je voudrais maintenant parler des rapports que nous avons établis entre Canadiens pour assurer une transition positive et réussie vers la création du Nunavut, le 1er avril 1999.

Comme on peut le penser, la tâche n'est pas aisée, mais nous avons constaté que toutes les personnes associées au processus veulent s'assurer de sa réussite. Nos concitoyens sont conscients de leur histoire, de l'importance des ententes sur les revendications territoriales, de la nécessité de prouver que nous pouvons continuer de développer une démocratie, une fédération, un pays qui fonctionnent.

 

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J'ai eu le plaisir de participer à une rencontre, à Iqaluit, avec mon homologue, le vice-premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, M. Goo Arlooktoo, et avec le président de la société Nunavut Tunngavik, M. Jose Kusagak, pour entendre le commissaire par intérim parler des projets et des stratégies d'exécution qui doivent être mis en oeuvre au cours des prochains jours.

Cela représente un défi et nous estimons que la meilleure façon de le relever est de nous référer à notre cadre législatif de base pour que la population du Nunavut, lorsqu'elle élira son gouvernement, élise des hommes et des femmes capables d'adopter des lois adaptées à la réalité de l'Arctique de l'est.

Le projet de loi demande à la Chambre de confirmer et d'approuver la tenue d'élections anticipées. Nous voulons nous assurer que les hommes et les femmes de l'Arctique de l'est qui auront été élus soient prêts à entrer en fonction dès le 1er avril 1999 et à commencer à faire leur travail de représentants des Inuit et des non-Inuit.

Il y a des choses très importantes que nous devons comprendre. Premièrement, nous ne parlons pas, dans le contexte du règlement des revendications territoriales, d'autonomie politique pour les Inuit. Il s'agit ici de bâtir un gouvernement public qui représentera tous les gens vivant dans l'est de l'Arctique, et plus précisément sur le territoire du Nunavut.

Avec ce gouvernement public, nous disposerons d'une structure qui représente mieux les Inuit, soit 45 p. 100 de la population, de même que les autres Canadiens qui habitent le territoire.

À ce propos, la Loi sur le Nunavut dispose que les élections auraient lieu après la période de transition, après la création du territoire, donc, après le 1er avril 1999. De notre point de vue et d'après la Commission d'établissement du Nunavut, ce n'est pas convenable. Les élections devraient avoir lieu avant cela.

D'où l'urgence de cette mesure législative et c'est pourquoi j'encourage tous les députés à favoriser l'adoption rapide du projet de loi C-39.

Tout le monde le sait, le processus électoral, le processus consistant à se présenter devant la population pour se faire élire, prend du temps. Les gens doivent interroger les candidats, apprendre à les connaître, comprendre leur point de vue, afin de savoir si leur façon de voir les choses cadre bien avec les particularités de la région.

Voilà pourquoi je demande à la Chambre de nous appuyer dans notre effort visant à ce que le projet de loi C-39 soit adopté le plus rapidement possible. Il nous faut nous assurer que le peuple du Nunavut soit bien représenté au sein de leur gouvernement, à Iqaluit, et ici, des deux côtés de la Chambre.

Je le répète, c'est un moment très exaltant. Notre tâche à tous, et donc la mienne en tant que la représentante du gouvernement fédéral dans ce dossier très important, consiste à élaborer ce programme, à mettre en oeuvre le cadre législatif fondamental, à faire en sorte qu'une fonction publique soit mise à la disposition des hommes et des femmes qui seront élus avant le 1er avril 1999.

Notre tâche consiste à établir cette infrastructure, puis à la transmettre de la façon la plus harmonieuse et la plus efficace possible aux hommes et aux femmes que la population de l'est de l'Arctique aura choisis pour les représenter au sein du nouveau gouvernement du Nunavut, à Iqaluit.

Les députés peuvent ainsi voir que le projet de loi C-39 est nécessaire. Il est nécessaire pour que, techniquement parlant, nous disposions de la structure qui permette au nouveau gouvernement de fonctionner.

 

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On en a besoin pour que les gens de Nunavut puissent tenir leurs élections et vraiment célébrer leur nouveau gouvernement, le 1er avril. Il est nécessaire pour veiller à ce que les gens de Nunavut puissent se faire entendre ici, à Ottawa, dans leur capitale nationale, à la Chambre des communes et au Sénat.

Comme je l'ai dit au départ, cela n'est qu'une petite partie de la longue, captivante et extrêmement importante histoire de la région est de l'Arctique. Je veux féliciter tous ceux qui, jusqu'à maintenant, ont consacré leur temps et leurs énergies à un projet aussi important.

Je pense à John Amagoalik, qui préside la Commission d'établissement du Nunavut, qu'on appelle M. Nunavut et qui a, au cours de sa vie, travaillé sans cesse pour obtenir rien de plus qu'une représentation claire, une structure de gouvernement claire pour les Inuit et les autres Canadiens qui vivent dans l'est de l'Arctique.

Je félicite les hommes et les femmes qui font partie du gouvernement actuel des Territoires du Nord-Ouest et qui ont sans cesse appuyé cette façon de procéder: le ministre des Finances, John Todd, le vice-premier ministre, Goo Arlooktoo, le premier ministre et les représentants des régions est et ouest de l'Arctique qui déploient à l'heure actuelle, des efforts pour faire en sorte que ce soit un bon exemple de la façon dont le Canada fonctionne.

Je veux remercier ces hommes et ces femmes qui siègent ici, au Parlement fédéral. La représentante du Nunavut appuie fortement cette initiative. Elle m'a conseillée à ce sujet et je m'attends à ce qu'elle explique à la Chambre son rôle dans tout ce processus.

C'est une période vraiment captivante dans l'histoire du Canada. Nous pouvons être très fiers de notre pays. Nous pouvons nous enorgueillir de son patrimoine. Nous pouvons être très fiers du fait que nous faisons partie d'une nation qui prend très au sérieux les questions de démocratie, les structures de gouvernement et qui met l'accent sur le fait que nous pensons pouvoir établir des façons de représenter tous les habitants de notre pays. Nous pouvons être souples et nous pouvons grâce à des initiatives constructives, c'est-à-dire, des négociations, des traités et des pourparlers, continuer de faire avancer notre pays dans la bonne voie, dans une voie marquée au coin de l'espoir, qui n'est pas statique, qui n'est pas arbitraire, mais qui est réfléchie et reconnaît toujours que le rôle du gouvernement consiste à améliorer la vie de ses citoyens.

Selon moi, cette entreprise, la création du nouveau territoire du Nunavut, est un parfait exemple de la façon dont nous pouvons réaliser des progrès au Canada, dont nous pouvons montrer que notre fédération fonctionne et signaler au reste du monde que nous sommes uniques et que nous bâtissons une démocratie qui est la meilleure du monde.

Je vais simplement demander à tous les députés de réfléchir à ce qu'on demande dans ce projet de loi et de comprendre qu'en l'appuyant, ils appuient les valeurs et les points forts qui font du Canada un pays si merveilleux.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais parler du projet de loi dont la Chambre est saisie, Loi modifiant la Loi sur le Nunavut et la Loi constitutionnelle de 1867.

Je m'arrêterais presque exclusivement sur les dispositions du projet de loi qui modifient la Constitution en ce qui concerne le Sénat. En fait, je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte dans le cadre de ce débat pour critiquer le Sénat sous sa forme actuelle et pour proposer une réforme du Sénat au profit non seulement des gens du Nunavut, mais également de tous les Canadiens. Avant de le faire, permettez-moi d'adresser quelques mots aux braves gens du Nunavut, au nom de l'opposition officielle.

On a créé le territoire du Nunavut en adoptant la Loi sur le Nunavut, en 1993. Comme le ministre l'a déjà dit, on crée un territoire d'une superficie de deux millions de kilomètres carrés qui englobe la plus grande partie de l'Arctique de l'est. C'est une partie immense, accidentée et impressionnante du Canada. Ce territoire est habité par 24 000 personnes, dont 85 p. 100 d'Inuit et 15 p. 100 d'autres autochtones et de non-autochtones. C'est la région la plus vaste du Canada, mais aussi la moins peuplée, ce qui pose des problèmes de représentation au Parlement.

 

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Au nom de l'opposition officielle, je souhaite le succès à la population du Nunavut. Elle aura l'appui entier de l'opposition officielle dans la mise en place d'institutions politiques démocratiques, responsables et efficaces, et nous appuierons toutes les politiques fédérales qui assurent la protection et la promotion de ses intérêts. À ce sujet, je voudrais mettre en garde la population du Nunavut contre deux faiblesses de la politique du gouvernement libéral en ce qui concerne le Nord.

Tout d'abord, le gouvernement n'a pas de vision du Nord autre que celle de le bureaucratiser, de le surréglementer et de le surgouverner. Si l'on veut remplacer cette vision bureaucratique par une autre, il faut que les gens du Nord eux-mêmes fassent valoir leur point de vue. S'ils le font, l'opposition officielle s'engage à les aider à communiquer leur vision aux autres Canadiens, afin qu'elle prenne forme.

Deuxièmement, je regrette de dire que le gouvernement libéral n'est pas compétent en matière constitutionnelle. Il n'a fait aucun effort pour réparer les faiblesses et les défauts de la Constitution canadienne et n'a pas l'intention d'en faire. Nous pensons que le gouvernement fédéral a fait une grave erreur constitutionnelle en adoptant la Loi sur le Nunavut, en 1993. Le Nunavut le paiera cher plus tard si cette erreur n'est pas corrigée.

Je veux parler du point que soulevaient les réformistes lorsque la Loi sur le Nunavut a été adoptée. Nous disions alors que le gouvernement fédéral créait en réalité une nouvelle province. Mais il le faisait sans suivre les dispositions de la Constitution actuelle, c'est-à-dire sans obtenir l'accord des autres provinces. Il créait donc une situation qui pourrait conduire à la contestation devant les tribunaux de toutes les lois adoptées par le nouveau territoire, sous prétexte qu'elles seraient constitutionnellement invalides. C'est une erreur inexcusable de la part du gouvernement fédéral et l'opposition officielle fera tout son possible pour remédier à cette situation.

Plusieurs de mes collègues, notamment le principal porte-parole de l'opposition en matière d'affaires indiennes et du Nord canadien, le député de Skeena, analyseront la partie I du projet de loi et proposeront des améliorations qui offriront des avantages d'ordre pratique aux habitants du Nunavut.

Quant à moi, je me concentrerai entièrement sur la partie 2 du projet de loi. Cette partie tend à modifier la Constitution du Canada. Elle prévoit, en particulier, la représentation du territoire du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut au Sénat du Canada. Cela amène non seulement la population du Nunavut mais l'ensemble des Canadiens à se demander ce que signifie de nos jours la représentation au Sénat du Canada et ce que cela signifiera dans les années à venir. On attend depuis longtemps l'occasion de discuter en détail de cette question.

Lorsque les réformistes ont été élus pour la première fois à la Chambre des communes, malgré la liberté d'expression que garantit notre Constitution et malgré le fait que la réforme du Sénat faisait partie du programme électoral qui nous avait fait élire, nous avons été étonnés de découvrir que le Sénat était souvent considéré comme un sujet tabou et que toute mention du Sénat ou allusion au Sénat était découragée et même réprimée. La disposition du Règlement qui nous interdit de tenir des propos offensants à l'égard d'une des chambres ou d'un de leurs membres n'a jamais été conçue pour interdire la mention des lacunes au niveau du fonctionnement d'une de ces chambres ou encore du rendement d'un parlementaire ou encore de réprimer la tenue de discussions franches et honnêtes sur toute réforme parlementaire qui s'impose.

L'une des meilleures façons de manifester notre respect envers le Parlement, envers les chambres qui le composent et envers la fonction de parlementaire ou les titulaires de ces postes, c'est d'en reconnaître les lacunes et de proposer des solutions de rechange. La critique constructive de la Chambre haute et de ses membres par les députés et la promotion de la réforme du Sénat et même la promotion de son abolition ne devraient pas être mal interprétées et considérées comme une démarche irrespectueuse et irrévérencieuse. L'histoire nous offre de nombreux précédents à cette démarche.

 

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Le Sénat canadien et autres chambres hautes, ainsi que la conduite de leurs membres, ont, dans le passé, fait l'objet d'analyses, d'examens et de débats intenses de la part des assemblées législatives du Canada. Dans le cadre des débats sur la confédération auxquels se sont livrés les assemblées législatives du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, et qui ont donné naissance à notre pays, les discussions ont porté principalement sur la proposition de sénat et sur les limites des conseils législatifs existant alors.

La question de la réforme, du maintien ou de l'abolition des chambres hautes a fait l'objet de débats et de discussions intenses à l'assemblée législative du Manitoba, en 1876, à l'assemblée législative du Nouveau-Brunswick, en 1892, à l'assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard, en 1893, à l'assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, en 1928, à l'assemblée législative de Terre-Neuve, en 1934, et à l'assemblée nationale du Québec, en 1968. S'il est besoin d'exemples ailleurs dans le Commonwealth, citons le débat et les discussions sur le sujet à l'assemblée législative de la Nouvelle-Zélande, en 1951, et les fréquentes discussions sur le sujet dans la chambre basse australienne jusqu'à nos jours.

Bien entendu, toute discussion du Sénat en cette Chambre est découragée par une entente tacite entre les deux partis traditionnels dont les membres dominent le Sénat. Pourquoi un tel accord? Parce que le Sénat est une institution qui, sous sa forme actuelle, ne survivrait pas à un examen véritable et prolongé du public et des médias.

Je suis certain que tout le monde conviendra qu'il existe heureusement des circonstances dans lesquelles nous pouvons débattre pleinement de tous les aspects du Sénat sans que ce soit tabou et sans qu'on puisse nous en décourager ou nous en empêcher. Cette occasion nous est fournie quand le gouvernement lui-même présente une mesure législative qui fait directement référence au Sénat, à la représentation au Sénat, à la modification du Sénat et à la modification des articles de la Constitution qui régissent le Sénat. C'est précisément le cas de la partie 2 du projet de loi dont nous sommes saisis, et plus particulièrement des articles 43 à 47.

Aujourd'hui, le gouvernement nous donne l'occasion parfaite et je dirais rarissime, au nom des habitants du Nunavut, à qui il offre d'être représentés au Sénat canadien, et de tous les Canadiens, de faire les trois choses suivantes: premièrement, de présenter nos arguments contre le statu quo au Sénat; deuxièmement, de peser le pour et le contre de l'abolition du Sénat; et troisièmement, de présenter nos arguments en faveur de la réforme du Sénat pour en faire un sénat élu, égal et efficace. Je vais maintenant présenter à la Chambre mon argumentation dans les trois cas susmentionnés.

L'argument contre le statu quo, contre le Sénat dans sa forme actuelle, contre le Sénat auquel ce projet de loi propose d'envoyer un sénateur du Nunavut, pourrait remplir plusieurs volumes. Quoi qu'il en soit, permettez-moi de n'exposer que sept des arguments les plus sérieux et les plus convaincants contre le Sénat dans sa forme actuelle, arguments dont nous devons tenir compte si nous respectons véritablement cette institution et si nous voulons lui garantir un avenir au cours du XXIe siècle.

Premièrement, dès le départ, le Sénat était déficient et a été édifié de manière frauduleuse. Autrement dit, le Sénat du Canada, si vous me permettez d'utiliser une expression théologique, monsieur le Président, a été conçu dans le péché. Je ne parle pas ici des beuveries qui ont caractérisé les conférences de Québec et de Charlottetown au cours desquelles la création du Sénat a été proposée pour la première fois.

Dans les années 1860, John A. Macdonald et les autres Pères de la Confédération, notamment ceux du Haut-Canada, étaient aux prises avec un dilemme. Ils se trouvaient dans une impasse au Parlement du Canada-Uni: un nombre égal de sièges pour le Bas-Canada et le Haut-Canada, mais la population du Haut-Canada augmentait rapidement. Ils voulaient une nouvelle assemblée fondée sur la représentation selon la population, rep by pop, comme le disait George Brown, mais comment convaincre le Bas-Canada, le Québec, de consentir à renoncer à la représentation égale dont il bénéficiait déjà dans l'assemblée coloniale?

Sir John A. Macdonald et d'autres ont dit: «Nous allons créer deux Chambres, la Chambre basse, avec une représentation selon la population, et la Chambre haute, où il y aura égalité entre le Québec et l'Ontario. En outre, nous assurerons au Québec ainsi qu'à la région de l'Atlantique que la principale fonction de cette Chambre haute, de ce Sénat fondé sur l'égalité, sera de protéger les intérêts locaux et régionaux, y compris la langue et la culture du Québec.» Ainsi, le Sénat du Canada a été conçu et a vu le jour.

 

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Le premier et le meilleur de nos premiers ministres, sir John A. Macdonald a déclaré au cours des débats sur la Confédération: «Afin de protéger les intérêts locaux et les jalousies régionales»—c'est ainsi qu'on désignait l'aliénation régionale, à l'époque—«on a jugé nécessaire que les grandes divisions de l'Amérique du Nord britannique soient représentées à la Chambre haute, selon le principe de l'égalité.»

De même, Georges-Étienne Cartier a avancé que les Québécois devraient accepter cet arrangement qui garderait leur province dans un perpétuel état de minorité à la Chambre des communes puisqu'en contrepartie, le Québec serait représenté au Sénat par un nombre de sénateurs égal à celui des sénateurs de l'Ontario.

Il n'y a qu'une chose qui ne fonctionne pas dans tout cela. Tout le principe était pour le moins déficient, et certains observateurs ont même déjà dit que cela relevait de la fraude. Le nouveau Sénat n'avait pas de responsabilité démocratique. Il devait être nommé, ce qui revenait à assurer que chaque fois que la démocratie serait à la hausse, l'influence, la respectabilité et l'efficacité d'un sénat nommé seraient à la baisse par rapport à celles de la Chambre basse.

Les nouveaux sénateurs devaient être nommés par le premier ministre, ce qui signifiait que plutôt que de représenter des intérêts locaux et régionaux, les sénateurs finissaient par représenter les intérêts partisans du premier ministre qui les avait élus. On peut donc dire que dès le tout début, l'efficacité du Sénat en regard de la protection des intérêts locaux et régionaux, justement l'argument invoqué pour convaincre le Québec, était compromise. À quoi pourrait bien servir l'égalité, quelle que soit la façon de la décrire, dans une Chambre qui avait si peu de comptes à rendre et qui était si peu efficace?

Deuxièmement, j'estime que l'intégrité du Sénat était compromise au départ et qu'il était déjà devenu évident à la fin du XIXe siècle que l'institution était compromise. Elle était compromise au niveau de la responsabilité. Elle était compromise par le favoritisme. Elle était compromise dans sa capacité de représenter les intérêts régionaux. Son égalité même était compromise par son manque d'efficacité.

Il ne faudrait pas mal me juger lorsque je dis que le Sénat est une institution dont l'intégrité est compromise. On accuse souvent les réformistes de ne pas être prêts à reconnaître la valeur des compromis, mais c'est faux. Il est bien évident que nous reconnaissons l'importance des compromis pour atteindre un objectif plus important et plus poussé comme la création ou la sauvegarde d'un pays. Les réformistes s'opposent à la tendance qu'ont les politiciens de la vieille école au Canada à faire des compromis, puis à remettre en question leurs compromis jusqu'à ce qu'on ne puisse plus discerner le moindre principe qui sous-tend leurs positions ou leurs actions.

C'est précisément la situation des institutions que sont la Chambre des communes et le Sénat, qui ont été victimes de la mauvaise gestion des libéraux et de conservateurs pendant tout le XXe siècle. Un Parlement comportant deux assemblées est en soi un compromis, un compromis entre la géographie et la démographie, la représentation à la Chambre des communes étant fondée sur le nombre d'habitants et la représentation à la Chambre haute, sur le principe des régions.

Lincoln a décrit en quelques mots le compromis des fondateurs des États-Unis en disant: «La convention qui encadre la Constitution des États-Unis devait permettre de surmonter la difficulté suivante: d'une part, les petits États tenaient à encadrer le nouveau gouvernement de manière à garantir leur égalité avec les États plus grands, peu importe l'inégalité de leur population et, d'autre part, les États plus grands insistaient sur l'égalité en proportion de la population.» Qu'ont fait les fondateurs des États-Unis? Voici ce que Lincoln a dit: «Ils ont fait un compromis, en fondant la Chambre des représentants sur le principe de la population, le Sénat sur celui des États, peu importe leur population, et le pouvoir exécutif sur les deux principes.»

Au Canada, nous avons d'abord suivi le même cheminement, mais nous avons ensuite remis en question le compromis. Au Sénat, la représentation selon la région ou la province a fait l'objet d'un compromis avec le principe du favoritisme politique. Nous avons alors commencé à jouer avec le nombre de sénateurs attribué à chaque province, nous éloignant de plus en plus du principe que sir John A. lui-même avait énoncé dans les débats sur la Confédération, selon lequel les grandes divisions que présente l'Amérique du Nord britannique devraient être représentées à la Chambre haute selon le principe de l'égalité.

Dans les propositions qui ont été faites ensuite, tel l'accord de Charlottetown, on a même proposé qu'au Sénat, des sièges soient attribués en fonction de la race, d'autres en fonction du sexe, d'élections directes et de nominations provinciales, jusqu'à ce qu'il soit impossible de discerner le moindre principe susceptible de déterminer sur quelle base fonder la représentation au Sénat ou guider les activités du Sénat.

Pendant ce temps, des gouvernements fédéraux successifs ont commencé à faire des compromis concernant la représentation selon la population à la Chambre des communes, le nombre minimum de sièges à attribuer à l'Île-du-Prince-Édouard et au Québec, la surreprésentation des régions rurales afin de compenser pour la géographie, la sous-représentation des villes et la sous-représentation des provinces qui connaissent une croissance rapide, comme la Colombie-Britannique.

 

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À propos de représentation parlementaire, depuis 1867, les gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédés ont ruiné les compromis au point où nous n'avons plus de véritable représentation populaire à la Chambre ni de véritable représentation provinciale ou régionale à la Chambre haute. En ruinant les compromis, ils ont rendu les deux Chambres moins efficaces pour servir le public et pour représenter les intérêts nationaux qu'elles ne l'auraient été autrement.

Troisièmement, le Sénat est désespérément corrompu par le favoritisme politique; j'ai déjà parlé de ce facteur qui a contribué au déclin du Sénat dans les premières années. Je voudrais maintenant exposer comment le favoritisme politique a été un facteur déterminant du discrédit dans lequel le Sénat est tombé.

Il est devenu évident pour le public, que nous avons pour mission de servir ici et que le Sénat a lui aussi pour mission de servir, que la majorité des sénateurs ont été nommés non pas parce qu'ils sont acceptables aux yeux des électeurs ni parce qu'ils ont les compétences nécessaires ou que leurs réalisations justifient leur nomination, mais surtout parce qu'ils avaient rendu des services au parti et au premier ministre en exercice.

Si vous demandiez aux citoyens moyens qui tiennent surtout leur information des bulletins de nouvelles pour quelle raison à leur avis le premier ministre actuel a nommé 20 des 28 dernières personnes appelées au Sénat, ils répondront tout probablement que c'est parce que ces personnes avaient des liens solides avec le Parti libéral.

Je vais vous donner deux exemples. Le 6 mars dernier, le sénateur Fitzpatrick, un organisateur libéral de premier plan en Colombie-Britannique, dont les liens d'amitié avec le premier ministre remontent à 35 ans, s'est vu appelé au Sénat. Ce n'est que plus tard que le public a entendu parler des relations d'affaires existant entre le sénateur Fitzpatrick et le premier ministre.

En 1987, le sénateur et la société qu'il possédait et qu'il exploitait alors ont coordonné une opération boursière qui a permis au premier ministre de réaliser rapidement un bénéfice de 45 000 $. Autrement dit, le premier ministre a nommé à la Chambre haute un militant libéral de longue date, un ami personnel et un bienfaiteur financier. Une personne raisonnable, s'appuyant sur l'information générale à la disposition du public, ne peut que conclure que cette nomination est attribuable d'abord et avant tout au favoritisme politique.

Le même genre de facteur de favoritisme politique était évident lorsque Brian Mulroney a nommé le sénateur Fernand Roberge au Sénat en 1993. M. Roberge était président de l'hôtel Ritz-Carlton de Montréal, qui avait été un des bars favoris du premier ministre Mulroney et l'endroit où ce dernier avait fait une bonne partie de ses tractations pour déloger Joe Clark de la direction du parti. Le sénateur Roberge était un des proches dont Mulroney s'était entouré pour sa deuxième tentative pour ravir la direction du parti en 1983. Le sénateur Roberge a organisé le rassemblement des Amis de Brian Mulroney qui a réuni 5 000 personnes lorsque Mulroney a lancé sa campagne fructueuse au leadership, et une suite de réception était prévue pour attirer les délégués indécis. Le sénateur Roberge a également été membre du comité de sélection des candidats au Québec aux élections suivantes.

Que peut penser le public lorsqu'il parcourt la liste de ces nominations et apprend des choses semblables? Le sénateur Angus du Québec, ancien président du Fonds PC du Canada et connu comme un collecteur de fonds pour parti politique qui a remporté les plus grands succès dans toute l'histoire de notre pays a participé au financement de la campagne malheureuse de Mulroney, en 1976, et de celle qui a réussi, en 1983.

Le sénateur Buchanan, ancien premier ministre conservateur de la Nouvelle-Écosse, a une réputation à toute épreuve pour ce qui est du favoritisme politique au niveau provincial. Le sénateur Cogger a été coprésident de la campagne électorale des conservateurs au Québec en 1988 et est un ami de longue date de M. Mulroney. Le sénateur Jessiman, du Manitoba, est depuis longtemps un collecteur de fonds pour les conservateurs dans sa province.

Je pourrais poursuivre, mais permettez-moi de parler maintenant de certaines des nominations de l'actuel premier ministre. Il y a tout d'abord le sénateur Bryden, du Nouveau-Brunswick, candidat à la direction du Parti libéral du Nouveau-Brunswick et directeur de la campagne du premier ministre à la direction de son parti, en 1990; le sénateur Joyal, du Québec, ancien député et artisan reconnu dans les coulisses du Parti libéral; le sénateur Robichaud, du Nouveau-Brunswick, ancien secrétaire d'État dans le gouvernement du premier ministre et militant actif des libéraux pendant une bonne partie de sa vie; le sénateur Taylor, ancien dirigeant libéral en Alberta.

Je vais dire à la Chambre comment les Canadiens réagissent à cette liste que je porte sur moi depuis fort longtemps. Ils ne trouvent pas cela très drôle, et ils ne sont pas très impressionnés. Ils sont portés à croire que les principaux critères, pour devenir sénateur au Canada, ce sont les relations personnelles et politiques avec le premier ministre et les liens de favoritisme, et non les compétences ni l'accord des électeurs.

 

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Quatrièmement, le Sénat tombe encore plus profondément dans le discrédit lorsque certains de ses membres sont éclaboussés par des allégations et des accusations de conduite contraire à l'éthique, et le Sénat n'a manifesté aucun empressement à prendre des mesures préventives à cet égard ni à agir à moins que les médias n'interviennent. Il ne prend aucune mesure pour faire enquête, imposer une suspension pendant les enquêtes, imposer des mesures disciplinaires ou destituer les sénateurs incriminés.

Par exemple, cela fait des années que toute une série d'allégations de trafic d'influences sont associées à Michel Cogger. Ce sénateur aurait accepté plus de 200 000 $ d'un homme d'affaires de Montréal en mal de subventions fédérales, aurait usé de son influence en tant que sénateur pour exercer des pressions au nom de la communauté d'affaires pour obtenir 45 millions de dollars de subventions fédérales-provinciales. Ce sénateur du Québec a été acquitté il y a quatre ans d'accusations de trafic d'influences, mais la Cour suprême du Canada a ordonné la tenue d'un nouveau procès dans cette affaire de trafic d'influences.

Si je soulève cette affaire, ce n'est pas pour dire quoi que ce soit en faveur ou contre le sénateur Cogger. Tel n'est pas mon propos. Ce que je veux, c'est demander pourquoi le Sénat lui-même, pour sa propre protection et par dignité, n'adopte pas un rôle plus proactif en enquêtant lui-même sur des rumeurs de ce genre avant qu'elles ne prennent autant d'ampleur et prennent, si nécessaire, les mesures disciplinaires qui s'imposent, non pas au plan criminel, mais au plan éthique lorsque la mauvaise conduite alléguée nuit à cette institution. Et cela ne se limite pas au Sénat. Pour la population, il n'y a pas une grande différence entre les parlementaires de la Chambre haute et ceux de la Chambre basse. Admettons franchement que cette attitude rejaillit sur tous les parlementaires, y compris les membres respectés de la Chambre des communes.

Dans un autre cas, le nom du sénateur Eric Berntson, de la Saskatchewan, a été maintes fois associé à un scandale de fraude impliquant des conservateurs provinciaux bien connus de la Saskatchewan. Le sénateur Berntson subit actuellement un procès sur une accusation d'abus de confiance découlant de ce scandale. L'accusation concerne le transfert, en janvier 1987, de 125 000 $ de fonds publics du caucus progressiste conservateur au Parti progressiste conservateur de la Saskatchewan. On allègue que le sénateur Berntson a obtenu de l'argent de son allocation pour frais législatifs en présentant de fausses factures de trois entreprises. En novembre, le sénateur Berntson a été à nouveau accusé d'avoir fraudé les contribuables pour la somme de 68 000 $.

Encore là, la question n'est pas de savoir si le sénateur Berntson est coupable ou non de fraude, car il revient aux tribunaux d'en décider. Ce que je veux dire, c'est que les rumeurs à ce sujet vont bon train depuis des années, notamment en Saskatchewan, que les sénateurs font trop souvent l'objet d'allégations de conduite contraire à l'éthique et même de mauvaise conduite criminelle et qu'en réagissant lentement, en hésitant et en montrant peu de conviction à reconnaître ce genre de situation et à enquêter sur celle-ci ou à prendre les mesures disciplinaires qui s'imposent à l'égard de ses membres, le Sénat jette le discrédit sur l'institution qu'il forme et, à mon avis, sur tout le Parlement du Canada.

Le cinquième point que je veux faire valoir, c'est le fait que le Sénat est discrédité par les habitudes de travail, les déplacements et les dépenses déraisonnables de certains sénateurs, mais non pas de tous les sénateurs. C'est une nuance importante. Le Sénat voit aussi sa réputation ternie par l'éthique professionnelle ou le manque d'éthique professionnelle de certains sénateurs et par les voyages et les autres privilèges dont ils abusent.

Que doit penser la population de l'éthique professionnelle de l'ex-sénateur libéral Andy Thompson? Le sénateur Thompson s'est présenté au Sénat à peu près une fois tous les deux ans, juste assez souvent pour respecter les conditions lui permettant de conserver son siège au Sénat. Entre 1990 et 1997, le sénateur Thompson a touché 519 550 $ pour avoir assisté à 14 séances du Sénat. Avec un taux de présence de 2,6 p. 100, cela signifie qu'il a reçu 37 110 $ par jour. C'est une rétribution comparable à celle des Wayne Gretzky.

Le Sénat n'est intervenu pour condamner ce comportement inacceptable que lorsqu'il a été contraint de le faire à la suite des pressions exercées par les médias et par l'opposition officielle à la Chambre. Malgré cela, il a dû se contenter de suspendre le sénateur Thompson sans traitement.

Que doit penser la population de la fiche de présence du sénateur Eyton ou de huit autres de ses collègues, les sénateurs Kolber, Lucier, Pitfield, Lawson, Angus, Carney, Austin et Sparrow, qui ont assisté à moins de la moitié des séances entre juin 1990 et novembre 1997? Que doit penser la population des frais de déplacement du sénateur Taylor? Il a fait payer aux Canadiens 105 000 $ en frais de déplacement. Ces frais incluent le prix des billets d'avion de huit de ses neuf enfants, venus assister à son entrée au Sénat. Il a déclaré que c'était une de ces occasions uniques où les déplacements des membres de la famille étaient payés pour assister aux cérémonies.

 

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Que doit penser la population du lieu de résidence du sénateur Lucier? Nous parlons du représentant d'un territoire septentrional au Sénat du Canada. Ce sénateur est censé représenter le Yukon, qui est un territoire septentrional très étendu. Pourtant, il vit en Colombie-Britannique. Il a déclaré que le personnel juridique du Sénat avait approuvé son changement de lieu de résidence il y a cinq ans, lorsqu'il est déménagé à Vancouver.

Je ne voudrais pas présenter un seul côté de la médaille. Les défenseurs de ces habitudes de travail répréhensibles, de ces absences et de ces abus des frais de déplacement affirmeront—et je le déplore sincèrement—que l'on retrouve la même chose à la Chambre basse. Peut-être y a-t-il une regrettable part de vérité dans cela. Je parlerai un autre jour de la nécessité de réformer la Chambre des communes.

Cependant, la grande différence entre la Chambre et le Sénat à cet égard, c'est que, dans le cas des représentants élus, lorsque la population découvre ces abus, ou si elle juge qu'un comportement constitue un abus, que ce soit le cas ou pas, elle peut faire quelque chose. Elle peut refuser de réélire un député. La population peut nous congédier. Cependant, dans le cas des sénateurs, qui ne sont pas élus, qui n'ont de comptes à rendre à personne et qui sont pratiquement intouchables, la population ne peut rien faire pour se débarrasser de ceux qui commettent des abus. C'est ce qui rend encore plus odieux au Sénat qu'à la Chambre des communes le favoritisme politique, les manquements à l'éthique, les absences répétées et les abus de privilèges.

J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit que de certains sénateurs et c'est pourquoi je donne des noms. Je tiens à épargner ceux qui ne méritent pas d'être mis au pilori. Le Sénat est discrédité lorsque certains de ses membres ont pour principale occupation des activités politiques partisanes. Il y a certainement quelques sénateurs qui travaillent dur, mais le travail qu'ils font, grâce à leur traitement de sénateur, à leur bureau de sénateur, à leur personnel de sénateur et à leur allocation de déplacement de sénateur, est un travail principalement fait pour le parti.

En 1996-1997, le sénateur Tkachuk a réclamé 98 329 $ en frais de déplacement, soit la deuxième note en importance pour cet exercice financier. Il a expliqué que sa note de frais était plus élevée à cause de son rôle de coprésident du Parti conservateur et du fait qu'il devait se déplacer dans tout le pays pour exercer diverses fonctions liées à son parti. Le sénateur a expliqué que, en sa qualité de président de la campagne, il avait dû se rendre dans toutes les régions du pays pour le parti avant les élections. Le président du Parti libéral de 1975 à 1980 était un sénateur, le sénateur Graham, nommé en 1972. Ce sénateur a également été coprésident de la campagne libérale nationale en 1997.

Un autre sénateur, le sénateur Hays, était président du Parti libéral durant la campagne de 1997. Le président de la campagne nationale des conservateurs en 1988 était un sénateur, le sénateur Atkins, nommé en 1986. Il y a une étrange coïncidence entre ces nominations, qui sont faites une année donnée, et le travail politique à temps plein deux ans plus tard. En 1993, le président de la campagne électorale en Alberta pour les conservateurs fédéraux était le sénateur Ghitter.

Je ne doute pas que les sénateurs font de l'excellent travail durant ces périodes, mais il s'agit principalement de travail politique partisan. En essayant de justifier ces activités, certains sénateurs diront que c'est du travail essentiel au processus démocratique. Cependant, ce que le public n'approuve pas, c'est que ce travail soit fait à même le budget du Sénat. Le public n'apprécie guère non plus que les sénateurs libéraux et conservateurs payés avec les deniers publics gèrent et dirigent des campagnes électorales contre des partis comme le Parti réformiste, le Bloc québécois et le NPD, qui ne sont pas représentés au Sénat.

Plus grave encore, ce travail politique des sénateurs est parfois d'une nature si équivoque que rien ne saurait le justifier. À cet égard, je voudrais vous parler de mon expérience personnelle. Certains croient peut-être qu'on acquière une opinion défavorable des institutions politiques à cause d'une expérience vécue plus tôt dans la vie. C'est peut-être mon cas.

Quand j'étais adolescent, j'ai eu l'occasion d'assister à une réception donnée pour de nouveaux Canadiens venant tout juste de recevoir leur citoyenneté canadienne. Ma famille participait beaucoup à la politique et à la vie politique en Alberta. J'avais coutume d'aller à ce genre de réception, qui était pour moi une source d'inspiration. Au cours d'une de ces réceptions, je me souviens d'avoir vu un éminent avocat d'Edmonton, un libéral notoire, se lever avec difficulté parce qu'il était ivre et marcher vers l'un de ces nouveaux Canadiens. Je me souviens du type en question.

 

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Je me souviens de l'homme en question, du moins je le vois dans ma tête. Il était d'origine italienne. Cet avocat a pris l'homme par les épaules, cet homme qui venait de recevoir la citoyenneté canadienne quelques minutes auparavant, et il a dit très fort afin que tout le monde dans la salle puisse entendre, particulièrement les autres nouveaux citoyens canadiens: «Vous êtes maintenant citoyen canadien. J'espère que vous vous rendez compte que c'est un gouvernement libéral qui vous a accordé ce privilège, et si jamais vous votez pour un gouvernement conservateur, on vous renverra probablement chez vous».

Cet avocat faisait du travail politique. Je dirais que le fait d'intimider les nouveaux Canadiens pour qu'ils votent en faveur des libéraux est un travail politique plutôt ignoble.

Pourquoi ai-je mentionné cet incident dans le contexte d'une discussion sur le Sénat? C'est parce que cet avocat a fini par être nommé au Sénat et a continué de faire le même travail politique, particulièrement à Edmonton, mais avec plus de prestige et plus d'autorité.

Ce genre de travail politique fait par des sénateurs et financé par l'État jette le discrédit sur cette institution et sur l'ensemble du régime politique fédéral, particulièrement aux yeux des nouveaux Canadiens qui en sont les victimes.

Certains protesteront, disant que ces critiques sont d'une injustice criante. N'y a-t-il pas de bons sénateurs? N'y a-t-il pas de sénateurs qui travaillent fort et qui sont consciencieux? N'y a-t-il pas de sénateurs qui servent bien le public? N'y a-t-il pas de sénateurs qui sont des personnes distinguées? Je répondrai: «Évidemment qu'il y en a».

Pour être juste, j'en nommerai quelques-uns, même si les députés reconnaîtront que, pour de simples mortels comme nous, et même encore plus pour le public qui ne dispose que d'informations fragmentaires et qui doit se fier aux médias, il est difficile de séparer les brebis des chèvres.

Voici une liste partielle des sénateurs qui sont des personnes distinguées.

Le sénateur Keon est un cardiologue célèbre qui, en 1969, a aidé à fonder l'Institut de cardiologie d'Ottawa. Soeur Peggy Butts a consacré une grande partie de sa vie à enseigner dans des écoles d'un bout à l'autre du pays et à travailler pour aider les femmes et les pauvres. Elle a reçu le prix Weiler, qui vise à reconnaître et à honorer les contributions exceptionnelles au développement communautaire et social au Canada.

Le sénateur Archibald Johnstone est un ancien combattant distingué de la Seconde Guerre mondiale. Il faisait partie de l'escadron des bombardiers lourds de l'Aviation royale du Canada et avait le grade de capitaine d'aviation lorsqu'il a pris sa retraite.

Madame le sénateur Anne Cools est une ancienne travailleuse sociale qui a consacré sa vie à aider les femmes et les pauvres.

Dans quelques minutes, je vais lancer un appel à ces sénateurs et à d'autres sénateurs distingués pour les inviter à se dissocier de leurs collègues et à devenir des alliés de la réforme du Sénat. Mais, auparavant, je me dois de dire ce qui doit être dit, sans vouloir manquer de respect envers qui que ce soit. Chacun leur tour, les premiers ministres qui se succèdent abusent de la nomination de ces personnes distinguées.

Parmi les proches, c'est ce qu'on appelle appliquer le principe de l'eau bénite. Un premier ministre veut nommer un de ses amis au Sénat pour des raisons purement politiques; pour que cette nomination passe plus facilement aux yeux des gens, il nomme en même temps une personnalité éminente pour consacrer l'autre nomination.

Je vous donne un exemple. Pour obtenir un appui en vue de faire adopter la loi sur la TPS à la Chambre haute, le premier ministre Mulroney a spécialement nommé huit sénateurs. Il s'agissait pour la plupart de nominations par favoritisme: Normand Grimard, un collecteur de fonds du parti; James Ross, un militant conservateur de longue date; Eric Berntson, un ancien vice-premier ministre conservateur de la Saskatchewan; Michael Forrestall, un ancien député conservateur; et d'autres encore.

Il y avait aussi parmi eux le sénateur Keon, un chirurgien cardiaque renommé non lié au Parti conservateur, fondateur de l'Institut de cardiologie d'Ottawa, une personnalité éminente dont la nomination avait pour but de sanctifier les nominations par favoritisme.

Lorsque le premier ministre en poste procède à des nominations au Sénat, il fait exactement de même.

Quand, en 1997, il a nommé au Sénat l'ancien premier ministre libéral de l'Île-du-Prince-Édouard et un ancien député libéral de son propre gouvernement, il a en même temps nommé Soeur Peggy Butts, une nomination qui n'avait rien de sectaire.

Lorsque, cette année, il a nommé au Sénat un éminent organisateur et collecteur de fonds du Parti libéral de la Colombie-Britannique, et un candidat libéral de Terre-Neuve deux fois malchanceux aux élections, il a en même temps nommé Archibald Johnstone, un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale.

La tactique consiste à sanctifier les nominations par favoritisme en procédant simultanément à la nomination de personnalités éminentes, ce qui, en fin de compte, nuit à la réputation de tous, y compris à celle du Sénat, au lieu de l'améliorer.

Permettez que je passe maintenant au septième argument. Je suppose que certains experts politiques diraient que c'est là l'un des principaux arguments contre le Sénat dans sa forme actuelle. Je veux parler du coût du Sénat, qui est énorme, surtout par rapport aux bénéfices minimes.

 

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Au cours des 30 dernières années, le Sénat du Canada a coûté environ 1 milliard de dollars aux contribuables de notre pays, somme qui se divise à peu près comme suit: le traitement des sénateurs, 354 millions de dollars; les déplacements des sénateurs, 133 millions; les frais de bureau des sénateurs, 72 millions; l'administration et les services du Sénat, 441 millions de dollars.

Nous considérons que cette institution n'a certainement pas rapporté pour 1 milliard de dollars d'avantages aux Canadiens. Les Canadiens n'ont certainement pas bénéficié d'améliorations législatives attribuables à un second examen objectif pour une valeur de 1 milliard de dollars. Ils n'ont certainement pas reçu pour 1 milliard de dollars de représentation efficace des intérêts régionaux.

Par exemple, je ne sais pas exactement quel pourcentage de ce milliard a été consacré à la représentation des intérêts de la Colombie-Britannique.

Au cours des 30 dernières années, aucun des grands enjeux provinciaux et régionaux en Colombie-Britannique, que ce soit la situation de la pêche sur la côte Ouest, les questions autochtones spécifiques à la province, la position constitutionnelle unique de la Colombie-Britannique ou les points de vue particuliers de la Colombie-Britannique sur la péréquation, n'ont été défendus sur la scène nationale comme ils devraient l'être en tant qu'intérêts d'une province sur le point de devenir la deuxième en importance au Canada. Au cours des dernières années, la seule façon qu'un sénateur de la Colombie-Britannique a trouvée d'attirer l'attention sur sa province a été de plaisanter en public au sujet de la sécession de la Colombie-Britannique.

La défense des intérêts régionaux de la Colombie-Britannique au Sénat a été complètement inefficace, et la même chose est vraie pour la défense des intérêts de toutes les autres régions du pays au Sénat.

Le coût du Sénat est renversant. Ses avantages, surtout en ce qui a trait à la représentation des intérêts régionaux, qui était la raison d'être du Sénat selon sir John A. lui-même, sont négligeables.

C'est la terrible conclusion à laquelle j'arrive puisque, quand on a étudié l'abolition des Chambres hautes dans les provinces canadiennes et dans d'autres juridictions britanniques, le principal argument qu'on a invoqué était le coût excessif de cette institution par rapport aux faibles avantages qu'elle rapportait.

Le temps ne me permet pas d'en dire plus sur les défauts de ce Sénat d'ancien style. Je veux passer maintenant à des considérations plus positives. Ça ne devrait pas être nécessaire d'en dire plus.

Les sept péchés mortels de cette institution, dans sa forme actuelle, sont donc ses débuts frauduleux, ses écarts par rapport aux principes, sa pratique d'un favoritisme de la pire espèce, une conduite et des habitudes de travail contraires à l'éthique, les abus de privilège, la priorité qu'elle donne au travail politique sectaire par rapport au service au public et le coût excessif qu'elle représente par rapport à ses avantages négligeables.

Si l'on ne fait rien pour régler ces torts et ces défauts, quelles seront les conséquences inévitables? La population sera de plus en plus mécontente, elle passera du mécontentement à la colère et finira par demander non pas la réforme, mais l'abolition pure et simple de l'autre endroit.

Il serait peut-être indiqué de mettre un terme à ce plaidoyer contre le Sénat du Canada en parlant d'une des fins les plus honteuses qu'ait connue un Parlement dans toute l'histoire du parlementarisme.

Nous ne sommes pour rien dans la tenue de ce débat aujourd'hui, mais, fait ironique, il y a 349 ans aujourd'hui, soit le 20 avril 1649, Oliver Cromwell faisait son entrée dans ce qu'on appelait à l'époque le Parlement croupion en Angleterre.

Cette institution s'était tellement discréditée par son oisiveté, sa corruption et la défense de ses propres intérêts que l'un de ses propres membres, Cromwell, l'homme qui avait défendu ce Parlement contre le Roi, qui avait mis sa propre vie en danger et qui avait risqué et perdu la vie de soldats pour tenter de sauver cette institution, s'élevait maintenant contre elle.

L'histoire raconte que Cromwell s'est présenté au Parlement britannique le 20 avril 1649, mais qu'au début il est demeuré assis au fond de la salle. Il écoutait les débats du Parlement croupion, pour lequel il avait sacrifié des vies, ce Parlement dont les membres étaient censés discuter de la réforme parlementaire et de la façon de mieux servir la population et le Roi, mais qui, en fait, discutait des moyens de se perpétuer tel qu'il était.

Selon les historiens, Cromwell s'est levé et, contrairement à l'usage, s'est rendu devant l'assemblée. Marchant d'un bout à l'autre de l'allée centrale située entre les sièges, il s'est livré à l'une des dénonciations les plus courtes et les plus véhémentes jamais entendues contre un Parlement.

J'en lirai ici un extrait pour donner aux députés une idée du ton du discours.

    Il est grand temps de mettre un terme à votre présence en ces lieux, que vous avez déshonorés; vous êtes une poignée de factieux, les ennemis du bon gouvernement, une bande de mercenaires. Y en a-t-il un seul parmi vous qui se préoccupe du bien du Commonwealth? Vous êtes devenus tout à fait odieux pour toute la nation. La population vous a envoyés ici pour redresser les torts, mais vous êtes vous-mêmes devenus la principale source de torts. La nation demande un nettoyage des écuries d'Augias, en mettant un terme à vos délibérations iniques en cette Chambre. Quittez immédiatement cet endroit! Dehors! Et vite! Sortez!

 

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C'est afin de prévenir la tenue d'un discours aussi terrible ou la prise de mesures aussi radicales à l'égard du Sénat du Canada que je parle maintenant des plaidoyers en faveur et contre l'abolition du Sénat et d'une authentique réforme du Sénat.

Si le Sénat a été mal conçu, s'il a renié ses principes fondamentaux, s'il est sali par le favoritisme et une conduite non conforme aux règles de déontologie, s'il a de mauvaises habitudes de travail et s'il coûte excessivement cher, on peut comprendre que certains parlementaires proposent tout simplement de l'abolir.

Le Nouveau Parti démocratique prône l'abolition du Sénat et cette position va de soi pour beaucoup de monde, tant qu'on ne l'examine pas de près.

En dépit de leur opposition véhémente au Sénat dans sa forme actuelle, les réformistes s'opposent majoritairement à son abolition, et cela pour une raison bien simple. Cela tient à la nature même de notre pays et aux conditions essentielles à un bon gouvernement et à l'unité nationale.

Si nous abolissions le Sénat—et nous demandons aux députés NPD de penser à cela, en particulier ceux qui viennent de la région atlantique et de l'Ouest—le Parlement canadien n'aurait plus qu'une Chambre où les régions fortement peuplées du sud de l'Ontario et du sud du Québec auraient la majorité des sièges.

Dans un tel Parlement, comment s'intéresserait-on aux intérêts régionaux de l'atlantique, de l'ouest du Canada, du nord du Canada, de l'Ontario rural et du Québec rural? Si le Canada était un petit pays, il ne serait peut-être pas aussi important d'avoir une représentation effective ou de se préoccuper des intérêts régionaux, mais le Canada est le deuxième pays du monde en superficie. Nos régions sont suffisamment vastes pour être des pays.

L'unité nationale ainsi que le bon gouvernement demandent donc que nous ayons des institutions nationales qui reconnaissent les intérêts régionaux au lieu de les ignorer ou de les bafouer, plutôt que de laisser la représentation régionale aux gouvernements provinciaux.

Les autres grandes fédérations comme les États-Unis, l'Allemagne ou l'Australie ont cherché à concilier les intérêts des régions fortement peuplées et ceux des régions moins densément peuplées en adaptant le système bicaméral à leurs besoins. Il est grand temps que le Canada fasse de même.

J'invite ceux qui pourraient penser que cela représenterait une certaine américanisation de notre fédération ou du régime parlementaire britannique à étudier le modèle australien plutôt que le modèle américain, si c'est ce qu'ils préfèrent.

Pour ce qui est des institutions parlementaires, qu'il me suffise de dire que nous devrions essayer d'avoir un système bicaméral qui fonctionne. une chambre basse où la représentation est équitable et dans laquelle les secteurs les plus populeux ont le plus d'influence, mais également une chambre haute dans laquelle on retrouve un nombre égal de sénateurs pour chaque province ou État, comme aux États-Unis ou en Australie, et où les régions les moins populeuses ont plus d'influence.

Puis, dans ce parlement bicaméral, il faudrait que les deux chambres aient des liens si forts qu'aucune loi et aucune politique fédérale ne pourraient être adoptées sans l'approbation des deux chambres, ce qui permettrait de répondre à la fois aux revendications en vue d'une représentation selon la population et selon le territoire occupé.

L'opposition officielle est bien sûr d'avis que nous devrions abolir les éléments du Sénat qui le rendent inutile et répugnant aux yeux des contribuables et des électeurs. Abolissons donc les nominations politiques. Abolissons l'inégalité dans les niveaux de représentation. Abolissons les activités et les pratiques contraires à l'éthique. Abolissons l'inefficacité. Cependant, il ne faudrait pousser trop loin.

N'allons pas jusqu'à croire que l'abolition globale ne serait que la première étape en vue d'une réforme du Sénat.

Si le Sénat était complètement aboli, il est peu probable qu'il serait remplacé dans un proche avenir par un Sénat réformé. Parmi les députés de cette Chambre qui sont soudainement en faveur de l'abolition du Sénat, je n'ai pas noté d'intérêt marqué pour la mise sur pied de quelque autre système que ce soit qui permettrait la vérification ou l'équilibre, particulièrement au niveau des vérifications et des mesures d'équilibre qu'un Sénat réformé pourrait assurer.

Les premiers ministres qui préféreraient conserver leur monopole au niveau de la représentation des intérêts provinciaux au lieu de partager cette responsabilité avec une institution fédérale, ne seraient nullement pressés de réinventer le Sénat s'il était aboli. Si le Sénat était aboli, il est peu probable qu'un Sénat réformé y serait substitué, et le régime fédéral canadien continuerait d'échouer dans sa tentative d'établir un équilibre entre la représentation selon la population et la représentation selon les provinces.

 

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L'opposition officielle est donc d'avis que les caractéristiques inutiles et offensantes du Sénat actuel devraient être supprimées et qu'un Sénat élu, égal et efficace devrait le remplacer. Les intérêts à long terme du fédéralisme canadien sont mieux servis par une réforme du Sénat que par l'expédient à court terme qu'est l'abolition du Sénat.

Il est grand temps que je présente à la Chambre les renseignements et les arguments qui, je l'espère, amèneront tous les députés à souscrire à la thèse de la réforme du Sénat le plus rapidement possible. J'exposerai les objectifs de la réforme du Sénat et ses avantages pour la population du Canada, pour les citoyens ordinaires qui aspirent à trouver des emplois et à bénéficier de meilleurs services et qui sont préoccupés par les impôts, par la détérioration des soins de santé et par l'unité nationale.

L'opposition officielle envisage une réforme du Sénat qui comprenne trois objectifs. Le premier vise à donner à la population du Canada un contrôle plus démocratique sur la représentation à la Chambre haute, au moyen de l'élection de ces représentants, pour veiller à ce que les sénateurs, indépendamment de qui ils sont, de ce qu'ils sont et de ce qu'ils font, soient les serviteurs de la population, et non les serviteurs du parti du premier ministre qui les nomme. Le premier objectif de la réforme du Sénat est donc de démocratiser cette Chambre et d'offrir aux Canadiens les avantages de cette démocratisation, à savoir l'obligation du Sénat et des sénateurs de leur rendre des comptes.

Le deuxième objectif de la réforme du Sénat telle que nous l'envisageons est de faire du Sénat une Chambre législative efficace, plus efficace dans son analyse et sa modification des mesures législatives et des orientations, mais surtout plus efficace pour amener les points de vue et les intérêts régionaux des différentes parties du pays à influer sur les orientations et les mesures législatives du gouvernement fédéral.

Les vues et les intérêts des pêcheurs de Terre-Neuve diffèrent de ceux des gens d'affaires de Montréal. Les vues et les intérêts du bûcheron du nord de l'Ontario divergent de ceux de l'ouvrier d'usine du sud de l'Ontario. Les opinions et les intérêts des agriculteurs des Prairies, des manoeuvres de sonde de l'Alberta, des trappeurs du nord, des citadins de l'Ouest ou des retraités de l'île Vancouver sont aussi uniques que variés. Leurs opinions et leurs intérêts sont façonnés par leur environnement naturel, par leur lieu de travail et de résidence ainsi que par de nombreux autres facteurs. Le défi est de s'assurer que les lois et les politiques du fédéral reflètent davantage le caractère unique et la diversité de ces opinions et de ces intérêts.

Comme je l'ai fait remarquer lors du débat sur le discours du Trône, le programme législatif du gouvernement présenté dans le discours n'était que très peu sensible aux régions, et ce, en dépit du fait qu'aux dernières élections fédérales, l'électorat canadien ait régionalisé cette Chambre de façon plus nette que depuis de nombreuses années.

Le budget et le programme législatif du gouvernement n'ont même pas reconnu l'urgence d'une initiative de relance du développement économique dans la région atlantique afin de répondre aux besoins pressants de cette région en matière d'emplois et de revenus. Le budget et le programme législatif du gouvernement n'ont même pas essayé de regrouper les besoins des pêcheries des côtes est et ouest en ce qui concerne la conservation, la gestion, et l'aspect humain et communautaire du problème et d'en faire un dossier national.

Bien que le gouvernement ait reconnu que la question de l'unité nationale avait pour origine le mécontentement du Québec et que c'était une priorité, il n'y a rien dans le budget ou dans le programme législatif du gouvernement qui porte spécifiquement sur la dimension ou la nature régionale du problème. De même, il n'y a rien d'explicite dans le budget ou dans le programme législatif du gouvernement concernant la nécessité de reconnaître et de renforcer les efforts de l'Ontario en vue de stimuler la création d'emplois et l'augmentation des revenus par le biais d'allégements fiscaux, en prenant une initiative fédérale parallèle.

Il n'y a rien ou presque rien dans le budget ou dans le programme législatif du gouvernement qui réponde explicitement aux besoins du Nord en dépit du fait que cette région représente la plus grande partie du pays. Il n'y a rien qui cherche à harnacher les idées et l'énergie de l'Ouest nouveau, ou de la région pacifique, au service des objectifs nationaux tels que la croissance économique, le renforcement des services sociaux ou l'unité nationale.

Aux États-Unis, si les industries de pointe de la nouvelle économie, telles que les installations aérospatiales de Boeing et le siège social de Microsoft, sont situées dans le nord-ouest, sur la côte pacifique, c'est grâce aux pressions exercées au Sénat américain par les États de l'Ouest pour obtenir des contrats militaires et des fonds d'équipement, mais au Canada, il ne se fait rien de semblable. Ce que je veux dire, c'est que le deuxième objectif de la réforme du Sénat devrait être une représentation et une action régionales efficaces grâce au rôle législatif du Sénat.

 

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Le troisième objectif de la réforme du Sénat telle que la conçoit l'opposition officielle consiste à donner toute son expression institutionnelle au grand principe de l'égalité des citoyens et des provinces. Nous croyons fermement que le principe de l'égalité pour tous et non un statut spécial pour certains s'avérera le fondement de l'unité nationale au XXIe siècle et que le fait d'avoir au Parlement canadien une chambre où la voix des habitants de chaque province, indépendamment de sa taille ou de son développement, est égale à celle des habitants des autres provinces, contribuerait à l'unité nationale et au maintien de cette grande fédération dans l'intérêt de tous ses citoyens où qu'ils habitent.

Nous pouvons identifier les avantages pratiques qu'entraînerait une réforme du Sénat pour les Canadiens, où qu'ils habitent. Pour nous, les objectifs de la réforme du Sénat sont les suivants: responsabilité démocratique, représentation régionale efficace dans l'élaboration des lois et politiques nationales, et affirmation de l'égalité. Qui, dans cette assemblée, pourrait bien être contre ces objectifs?

J'en viens maintenant aux deux voies vers la réforme du Sénat. Les études faites au Canada à ce propos, y compris celles réalisées à la demande de comités et de groupes de travail parlementaires, renferment plusieurs propositions. Je pourrais vous en lire une page complète, mais je ne veux pas ennuyer les députés en leur en faisant la liste. Je dirai seulement qu'il y a à ce sujet toute une richesse d'informations disponibles à la bibliothèque du Parlement.

Ce que je veux, c'est en venir aux mesures pratiques requises pour faire avancer le concept de la réforme du Sénat au-delà de la théorie. Je voudrais faire avancer le concept de la réforme du Sénat au stade où le public, les provinces et le Parlement s'entendent sur un plan d'action qui nous mettra réellement sur la voie de la réforme du Sénat, sur un plan d'action qui fera du Sénat, non plus cette institution dépassée du XIXe siècle, mais une institution utile, fonctionnelle, respectable du XXIe siècle.

Je voudrais, en particulier, exposer à l'intention des députés les deux voies vers la réforme du Sénat. La piste que j'appellerai la piste lac Meech-Charlottetown vers une réforme du Sénat a attiré les libéraux et les conservateurs au niveau fédéral, dans le passé. L'actuel premier ministre s'y reporte toujours lorsqu'on l'interroge au sujet de la réforme du Sénat.

Tout d'abord, je veux examiner la piste lac Meech—Charlottetown vers une réforme du Sénat et dire que c'est une impasse, que cela ne conduit nulle part et que tous les parlementaires et tous les citoyens qui souhaitent vraiment reformer le Sénat devraient sortir de cette voie.

Je vais ensuite présenter à la Chambre ce que je vais appeler, sans honte, la piste de l'Ouest pour parvenir à une réforme du Sénat. Elle tire ses origines d'un désir sincère de la part de l'une des grandes régions de notre pays de défendre ses intérêts non pas en menaçant de se séparer, mais en accroissant l'efficacité des institutions du gouvernement central et en faisant en sorte qu'elles soient plus sensibles aux besoins des régions.

Cela fait plus de 20 ans qu'on propose cette solution dans l'Ouest pour parvenir à une réforme du Sénat. Je crois qu'elle peut devenir pour l'Ontario, le Québec, l'Atlantique, le Nord et le pays dans son ensemble, une façon de parvenir à une réforme du Sénat si nous en tirons les leçons voulues et appuyons les initiatives qui en découlent.

Je parlerai tout d'abord de la piste lac Meech—Charlottetown vers une la réforme du Sénat. Aussi bien l'accord du lac Meech que l'accord de Charlottetown renfermaient des propositions bâclées en ce qui concerne la réforme du Sénat. De nombreux partisans d'une réforme du Sénat au sein de tous les partis s'opposaient à ces deux accords qui ont été rejetés par les Canadiens, l'accord de Charlottetown étant rejeté dans le cadre d'un référendum.

Il est important de comprendre la raison pour laquelle les propositions contenues dans ces accords en ce qui concerne la réforme du Sénat ont été rejetées, ainsi que le contexte dans lequel ces accords dans leur ensemble l'ont été également, pour que les futures tentatives de réforme du Sénat et de modifications constitutionnelles ne reposent pas sur les mêmes bases. Je dois dire que j'ai été absolument sidéré par le caractère superficiel des observations du premier ministre sur cette question. Je veux prendre le temps de l'examiner en profondeur.

Les députés, et surtout ceux de l'ouest du pays, comprennent ainsi les événements entourant l'accord du lac Meech, l'accord de Charlottetown et les réformes du Sénat qu'ils proposaient. En 1981, le gouvernement du Québec du premier ministre Lévesque a refusé de participer à toute autre conférence fédérale-provinciale sur la Constitution à moins que le Québec n'obtienne des droits spéciaux et certaines garanties.

En 1986, le premier ministre Bourassa annonçait que le Québec allait de nouveau jouer pleinement son rôle sur le plan constitutionnel au Canada si on acceptait cinq exigences du Québec, à savoir la reconnaissance du Québec comme société distincte, le droit pour le Québec de se retirer des programmes nationaux avec pleine compensation, l'obtention d'un plus grand rôle dans le domaine de l'immigration, la possibilité d'avoir son mot à dire dans les nominations à la Cour suprême et l'obtention d'un veto en ce qui concerne les futures modifications constitutionnelles.

 

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Le 30 avril 1987, le premier ministre du Canada et ses dix homologues des provinces se sont réunis à huis clos au lac Meech et, sans avoir consulté les députés de leurs assemblées législatives ni les électeurs de leurs provinces, ils ont rédigé un projet d'accord visant à satisfaire aux cinq revendications du Québec et prévoyant une seconde série de pourparlers sur de nouvelles modifications constitutionnelles, dont une concernant la réforme du Sénat. Pour convaincre les autres premiers ministres de donner suite aux revendications du Québec, le premier ministre du Canada a dû conférer des droits semblables aux autres provinces, dont un droit de veto à l'égard de toute nouvelle modification constitutionnelle.

L'Accord du lac Meech issu de cette rencontre s'est ensuite traduit en une modification constitutionnelle et a été approuvé à l'unanimité par les premiers ministres des provinces, les 2 et 3 juin 1987, à Ottawa. Les premiers ministres des provinces ont tous accepté de rentrer chez eux et de faire adopter, le plus tôt possible, par leur assemblée législative, une résolution non modifiée concernant l'Accord du lac Meech.

Les premiers ministres des provinces de l'Ouest ont appuyé l'accord avec plus ou moins d'enthousiasme, mais la population qu'ils représentaient s'y est majoritairement opposée. Plus les gens découvraient la teneur de l'accord, moins ils voyaient celui-ci d'un bon oeil. Tout d'abord, ce qui les agaçait par-dessus tout, c'est la démarche hiérarchique, à huis clos, que représentait l'Accord du lac Meech sur le plan constitutionnel. La façon de procéder alors adoptée a jeté le discrédit sur tous les participants et sur la teneur de l'accord.

Deuxièmement, les Canadiens de l'Ouest se sont opposés à la formule de modification rigide. Si chaque province avait le droit d'opposer son veto aux modifications de fond, les chances de faire approuver une modification constitutionnelle visant, par exemple, la réforme du Sénat, s'en trouvaient grandement réduites.

Troisièmement, les Canadiens de l'Ouest ont dénoncé les mentions symboliques concernant la réforme du Sénat et l'absence de garanties réelles quant aux progrès susceptibles d'être vraiment accomplis à l'occasion d'une deuxième série de négociations constitutionnelles.

Il a fallu très peu de temps au gouvernement conservateur fédéral pour traduire en une véritable modification de la Constitution les cinq revendications du Québec en matière constitutionnelle. Or, malgré la présence au sein du Cabinet et du caucus de députés de l'Ouest dont les électeurs réclamaient un Sénat triple E depuis 1984, le gouvernement n'avait prévu aucune modification constitutionnelle en ce sens et n'avait pas tenu compte des arguments présentés à ce sujet par le gouvernement de l'Alberta.

La piètre disposition symbolique qui visait la réforme du Sénat et qui était énoncée dans l'Accord du lac Meech proposait de nommer les sénateurs à partir d'une liste de candidats soumise par la province visée, à condition que le candidat retenu soit aussi jugé acceptable par le Cabinet fédéral.

L'accord prévoyait aussi la tenue d'une nouvelle conférence des premiers ministres provinciaux au cours de laquelle il serait de nouveau question de la réforme du Sénat. Étant donné que toutes les provinces étaient censées avoir un droit de veto sur les futures réformes constitutionnelles et que le gouvernement du Québec s'était déjà dit peu favorable à un Sénat triple E, l'idée d'une réforme du Sénat dans le cadre d'une conférence des premiers ministres provinciaux était inconcevable.

Ces maigres dispositions relatives à la réforme du Sénat étaient, bien entendu, inacceptables aux yeux de ceux et celles qui souhaitaient une véritable réforme du Sénat et qui avaient déjà élaboré des propositions détaillées au sujet d'un Sénat élu par la population, assurant une représentation égale de chaque province et investi de pouvoirs réels.

Comme les députés le savent, après l'échec de Meech, le gouvernement Mulroney a de nouveau tenté d'aboutir à une entente constitutionnelle, ce qui devait nous donner l'Accord de Charlottetown de 1992. Même si au cours de ces travaux on a tardivement songé à solliciter l'avis de la population en créant la commission consultative Spicer, les propositions relatives à la réforme du Sénat qui s'en sont dégagées n'avaient pas grand-chose à voir avec la vision des gens de l'Ouest qui s'intéressaient à la réforme du Sénat depuis plus de dix ans déjà. Les propositions de l'Accord de Charlottetown au sujet de la réforme du Sénat se trouvent à l'article 2(a).

Aux fins du compte rendu, j'aimerais que l'article 2(a) de l'Accord de Charlottetown figure au hansard. Pour épargner du temps, je demanderais à la Chambre de me dispenser de lire le texte et de le faire consigner au hansard comme si je l'avais lu. Ai-je le consentement de la Chambre?

Le Président: Le député sollicite-t-il le consentement unanime dès maintenant ou attendra-t-il à la fin de son discours?

M. Preston Manning: Monsieur le Président, maintenant, dans la mesure du possible.

Le Président: Le député souhaite déposer le texte. Y a-t-il unanimité pour que la motion soit présentée?

Des voix: D'accord.

Le Président: La Chambre a entendu l'objet de la motion. Convient-elle d'accepter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

 

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M. Preston Manning: Dans cette discussion, il importe, je crois, de citer ce que prévoient les textes réglementaires pertinents afin que les députés trouvent en un endroit tout ce que nous disons. Si nous n'avons pas le consentement unanime, je peux donc citer ici le chapitre de l'Accord de Charlottetown portant sur les institutions:

    A. LE SÉNAT

    7. Un Sénat élu

    Il conviendrait que la Constitution soit modifiée de façon que les sénateurs soient élus, soit par la population des provinces ou territoires du Canada, soit par les députés des assemblées législatives des provinces et territoires.

    Il conviendrait que les élections au Sénat soient régies par la législation fédérale, sous réserve de dispositions constitutionnelles portant que les élections doivent avoir lieu au même moment que les élections à la Chambre des communes et d'autres dispositions constitutionnelles portant sur l'éligibilité et le mandat des sénateurs. En outre, la législation fédérale serait suffisamment souple pour permettre aux provinces et aux territoires de favoriser l'égalité des sexes dans la composition du Sénat.

    Il conviendrait d'accélérer les choses afin que les élections au Sénat aient lieu le plus tôt possible et, si cela est faisable, au même moment que les prochaines élections à la Chambre des communes.

    8. Un Sénat égal

    Le Sénat devrait comprendre à l'origine 62 sénateurs et se composer de six sénateurs de chaque province et d'un sénateur de chaque territoire.

    9. La représentation des peuples autochtones au Sénat

    Il conviendrait que la représentation autochtone au Sénat soit garantie dans la Constitution. Les sièges autochtones au Sénat devraient s'ajouter aux sièges provinciaux et territoriaux, et non pas être tirés des sièges alloués aux provinces ou aux territoires.

    Il conviendrait que les sénateurs autochtones aient les mêmes rôles et pouvoirs que les autres sénateurs, en plus d'un pouvoir possible de double majorité relativement à certaines questions touchant de façon importante les peuples autochtones. Ces questions et les autres détails de la représentation autochtone au Sénat (nombre, répartition, méthode de sélection) seront discutés plus à fond par les gouvernements et les représentants des peuples autochtones au début de l'automne 1992.

    10. Les rapports avec la Chambre des communes

    Le Sénat ne devrait pas pouvoir censurer le gouvernement. Autrement dit, la défaite d'un projet de loi gouvernemental au Sénat n'entraînera pas la démission du gouvernement.

    11. Catégories de mesures législatives

    Il devrait y avoir quatre catégories de mesures législatives:

    1) les projets de loi traitant des recettes et des dépenses (les «projets de loi de crédits»;

    2) les projets de loi touchant de façon importante à la langue ou à la culture française;

    3) les projets de loi supposant des changements d'orientation fondamentaux du régime fiscal directement liés aux ressources naturelles;

    4) les mesures législatives ordinaires (tout projet de loi n'entrant pas dans l'une des trois catégories précédentes).

    La classification initiale des projets de loi devrait être faite par la personne qui parraine le projet de loi. Sauf dans le cas des mesures législatives touchant de façon importante la langue ou la culture française (voir point 14), c'est le président de la Chambre des communes qui, après avoir consulté le président du Sénat, devrait décider s'il y a lieu ou non d'accepter un appel.

    12. Adoption des mesures législatives

    La Constitution devrait obliger le Sénat à expédier tout projet de loi adopté par la Chambre des communes dans un délai de trente jours de séance de cette dernière, à l'exception des projets de loi traitant des recettes et des dépenses.

    Les projets de loi traitant des recettes et des dépenses seraient assujettis à un veto suspensif de 30 jours civils. Un projet de loi rejeté ou modifié par le Sénat au cours de cette période pourrait être adopté de nouveau au moyen d'un vote majoritaire de la Chambre des communes tenu sur résolution.

    Les projets de loi touchant de façon importante à la langue ou à la culture française devraient être adoptés par une majorité des sénateurs participant au vote et par une majorité des sénateurs francophones participant au vote. La Chambre des communes ne pourrait passer outre au rejet d'un projet de loi de cette catégorie au Sénat.

    Les projets de loi supposant des changements d'orientation fondamentaux du régime fiscal liés directement aux ressources naturelles seraient rejetés si une majorité des sénateurs exprimant leur voix votaient contre. La Chambre des communes ne pourrait passer outre au rejet d'un projet de loi de cette catégorie au Sénat.

    Les projets de loi supposant des changements d'orientation fondamentaux du régime fiscal liés directement aux ressources naturelles seraient rejetés si une majorité des sénateurs exprimant leur voix votaient contre. La Chambre des communes ne pourrait passer outre au veto du Sénat. La définition précise de cette catégorie de mesures législatives reste à déterminer.

    Le rejet ou la modification d'un projet de loi ordinaire par le Sénat déclencherait un processus de séance mixte du Sénat et de la Chambre des communes. Un vote à la majorité simple en séance mixte déciderait du sort du projet de loi.

    Le Sénat devrait avoir les pouvoirs énumérés dans le rapport de consensus. Il n'y aurait aucune modification dans le rôle actuel du Sénat à l'égard des modifications constitutionnelles. Sauf disposition à l'effet contraire dans le rapport de consensus, les pouvoirs et les procédures du Sénat devraient être semblables à ceux des Communes.

    Le Sénat devrait conserver le pouvoir de prendre l'initiative de projets de loi, à l'exception des projets de loi de finances.

    Si un projet de loi émanant du Sénat et adopté par lui est amendé ou rejeté par les Communes, il devrait automatiquement y avoir une séance conjointe.

    La Chambre des communes devrait être tenue de disposer des mesures approuvées par le Sénat dans un délai raisonnable.

    13. Projets de loi sur les recettes et les dépenses

    Au nom des traditions parlementaires du Canada, le Sénat ne devrait pas pouvoir faire obstacle à l'étude normale des projets de loi portant sur la fiscalité, les emprunts et les crédits.

    La définition des projets de loi sur les recettes et les dépenses—les projets de loi de crédits—devrait se limiter à la perception de recettes et à l'affectation de crédits, ainsi qu'aux questions qui en découlent. Cette définition doit exclure les modifications de politique fondamentales portant sur le régime fiscal, comme la taxe sur les produits et services et le Programme énergétique national.

    14. Double majorité

    Il incomberait à l'auteur d'un projet de loi de dire si la mesure qu'il propose a une incidence notable sur la langue ou la culture française. Chaque désignation en ce sens pourrait faire l'objet d'un appel auprès du Président du Sénat, aux termes de règles que le Sénat établirait lui-même. Ces règles devraient viser à procurer une protection adéquate aux francophones.

    En accédant au Sénat, les sénateurs devraient déclarer s'ils sont francophones aux fins de la règle de la double majorité. Tout dispositif permettant de contester ces déclarations relèverait de règles établies par le Sénat.

    15. Ratification des nominations

    La Constitution devrait préciser que le Sénat doit ratifier la nomination du gouverneur de la Banque du Canada.

    Elle devrait également être modifiée pour conférer au Sénat un nouveau pouvoir de ratification d'autres nominations clés faites par le gouvernement fédéral.

    Le Sénat devrait être tenu d'examiner les nominations proposées dans un délai de 36 jours de séance des communes.

    Les nominations soumises à une ratification sénatoriale, y compris celles des dirigeants des institutions culturelles nationales et des offices et organismes de réglementation fédéraux, devraient être précisées dans une loi fédérale et non dans la Constitution. L'engagement du gouvernement fédéral à déposer une loi de cette nature devrait faire l'objet d'un accord politique.

    Une nomination présentée pour ratification serait rejetée si la majorité des sénateurs qui votent se prononce contre.

    16. Admissibilité à siéger au Cabinet

    Les sénateurs ne pourraient occuper un poste au Cabinet.

 

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La partie II (A) de l'Accord de Charlottetown est du domaine public. Elle contient dix propositions sur le Sénat du Canada. De ce nombre, quatre étaient appuyées par les réformistes, car leur contenu fait partie de son programme politique depuis 1987. L'article 8 prévoyait un nombre égal de sénateurs par province; l'article 10 précisait que le gouvernement n'avait pas besoin de la confiance du Sénat, et que le rejet d'un projet de loi par le Sénat n'entraînait pas la chute du gouvernement; l'article 15 donnait au Sénat le pouvoir de ratifier ou de rejeter les nominations fédérales à des offices de réglementation et à des organismes comme la Banque du Canada; enfin, l'article 16 stipulait que les sénateurs ne pouvaient accéder au Cabinet.

Les réformistes ont pris bonne note de la présence de ces dispositions constructives dans l'accord de Charlottetown et les ont appuyées. Malheureusement, ce sont les omissions, dans les dispositions de cet accord sur le Sénat, qui faisaient que le Sénat restait une chambre non démocratique et inapte à protéger les intérêts des régions.

L'Accord de Charlottetown ne contenait aucun énoncé clair sur l'objet d'un Sénat réformé. C'est là que les difficultés ont débuté. S'il avait été clairement défini que la réforme du Sénat avait pour but d'équilibrer la représentation selon la population à la Chambre des communes par une représentation démographique des intérêts provinciaux et régionaux au Sénat afin que les lois reflètent à la fois les intérêts des régions densément peuplées et ceux des régions moins peuplées, il aurait alors été beaucoup plus facile de définir le pouvoir et la structure nécessaires pour atteindre cet objectif.

En l'absence d'un énoncé clair précisant l'objectif visé, la question des intérêts devant être représentés au Sénat, intérêts régionaux, provinciaux, raciaux, linguistiques ou intérêts propres à chacun des sexes, est devenue embrouillée. En n'énonçant pas de façon précise l'objectif de la réforme du Sénat, le Parlement et les assemblées législatives se trouvaient ainsi à céder aux tribunaux la responsabilité de définir le rôle futur de cette institution.

L'objectif n'ayant pas été clairement énoncé, il n'est pas surprenant que les propositions de réforme du Sénat contenues dans l'accord de Charlottetown ne permettaient pas de savoir exactement quels intérêts les premiers ministres voulaient voir représentés dans un Sénat réformé.

Selon l'article 7, les sénateurs pouvaient être élus soit par la population, soit par les assemblées législatives. Toutefois, l'élection par les assemblées législatives veut simplement dire que ce sont les gouvernements provinciaux qui auraient fait des nominations par favoritisme au lieu du gouvernement fédéral. L'article 7 permettait aussi à une province de choisir des sénateurs en fonction du sexe.

L'article 9 prévoyait que certains sièges au Sénat soient réservés aux autochtones, donc qu'ils soient attribués en fonction de la race.

L'article 14 permettait que certains sièges au Sénat soient réservés aux francophones, donc qu'ils soient attribués en fonction de la langue. Pour ce qui est des votes, les sénateurs francophones et autochtones devaient avoir des pouvoirs spéciaux que les autres sénateurs n'auraient pas eus, ce qui aurait compromis le principe de l'égalité.

De plus, l'accord de Charlottetown laissait supposer que les sénateurs seraient élus par l'ensemble des habitants de chaque province, sans qu'on tienne compte des districts sénatoriaux. Avec un tel système, il serait tout à fait possible que tous les sénateurs élus en Ontario viennent de Toronto, la région la plus densément peuplée, ou que tous les sénateurs élus en Colombie-Britannique viennent de la vallée du bas Fraser, la région la plus densément peuplée. Cela irait évidemment à l'encontre du but de la Chambre haute, qui est de voir à ce que les régions peu peuplées soient représentées de façon plus efficace.

Toutes ces dispositions affaiblissaient plutôt, au lieu de la renforcer, la capacité du Sénat à assurer une représentation démocratique efficace des régions peu peuplées du Canada au Parlement.

C'est toutefois dans les articles 11, 12, et 13 de l'accord de Charlottetown, qui portent sur les pouvoirs d'un Sénat réformé, que les défauts des réformes proposées dans cet accord sont le plus évidents.

Les projets de loi touchant la langue et la culture françaises n'auraient pu être adoptés qu'avec une double majorité au Sénat selon ce qui était proposé dans l'accord de Charlottetown. Cela signifiait que ces projets de loi devaient être approuvés au Sénat par 50 p. 100 plus une voix et par la majorité des sénateurs francophones.

 

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Si le Québec devait élire un gouvernement séparatiste, comme il l'a fait en 1976 puis en 1994, qui nommerait des sénateurs séparatistes, il suffirait de quatre de ces sénateurs pour bloquer toute mesure législative fédérale en matière de langue, de culture et de radiodiffusion touchant l'ensemble du Canada, puisqu'elle toucherait aussi la langue et la culture françaises.

Dans un Sénat réformé, les projets de loi modifiant la fiscalité des ressources naturelles pourraient, eux aussi, être rejetés par une majorité de 50 p. 100 plus une voix et la Chambre des communes ne pourrait annuler une telle décision. Par contre, en ce qui concerne les autres mesures législatives fiscales et budgétaires, l'accord de Charlottetown ne donnait au Sénat qu'un veto suspensif afin que le Sénat ne puisse tenter constamment de faire diminuer les dépenses et les impôts.

Dans le cas des projets de loi ne visant aucunement la langue ou la culture française ou encore la fiscalité des ressources naturelles, leur rejet ou leur modification par le Sénat n'entraînait, selon l'Accord de Charlottetown, que la tenue d'une séance mixte avec une Chambre des communes élargie, où l'Ontario et le Québec aurait, chacun, plus de sièges que le Sénat n'aurait compté de membres. Autrement dit, pour ce qui est de tous les projets de loi ne visant pas la langue ou la culture française ou encore la fiscalité des ressources naturelles, la Chambre des communes aurait pu passer outre aux désirs du Sénat. C'est d'ailleurs cette disposition de nature générale qui rendait la réforme du Sénat proposée dans l'Accord de Charlottetown essentiellement inefficace.

Je rappelle tous ces faits simplement pour souligner que le chemin que proposaient l'Accord du lac Meech et celui de Charlottetown ne menait nulle part. Il nous montre plutôt comment ne pas réformer le Sénat.

Si nous tenons vraiment à réformer le Sénat, commençons par étudier des projets de réforme tenant compte de la réalité et jouissant de l'appui de la population, au lieu de projets émanant du gouvernement ou de groupes d'intérêts spéciaux qui sont imposés à la population. Si nous tenons sincèrement à réformer le Sénat, ne présentons pas de propositions boiteuses comme celle qui était contenue dans l'accord de Charlottetown, qui compromet l'atteinte des objectifs de responsabilisation, d'égalité et d'efficacité davantage qu'elle nous en rapproche.

Le premier ministre ne se lasse pas de répondre aux questions des réformistes sur le Sénat qu'ils ont voté contre la réforme du Sénat en votant contre l'accord de Charlottetown. Il est assez facile de voir à quel point cette réponse est superficielle et trompeuse. Le premier ministre prend bien soin d'éviter de préciser pourquoi les réformistes et une majorité de Canadiens ont rejeté l'accord de Charlottetown et pourquoi les réformistes se sont opposés aux propositions de réforme du Sénat contenues dans cet accord.

Les Canadiens en général et les réformistes en particulier appuieront toute proposition de réforme du Sénat qui assure une représentation efficace et responsable des régions et un équilibre dans le processus décisionnel national. Est-ce ce qu'offrait la proposition de réforme contenue dans l'accord de Charlottetown? Non.

Charlottetown n'offrait qu'une réforme partielle du Sénat, un autre de ces compromis où toutes les provinces auraient le même nombre de sénateurs. Le Sénat n'aurait été qu'en partie élu. Il aurait été inefficace parce que, sur toutes les questions autres que la langue française, la culture et peut-être les taxes sur les ressources naturelles et toutes les questions régionales, les décisions de ce Sénat auraient pu être renversées par une Chambre des communes élargie.

Charlottetown offrait un Sénat un E et demi, c'est-à-dire, égal, seulement partiellement élu et inefficace, par opposition à un Sénat triple E, c'est-à-dire égal, élu et efficace, ce que souhaitent les réformistes. C'est pourquoi nous et la majorité des Canadiens avons rejeté la proposition de réforme du Sénat contenue dans l'accord de Charlottetown. Je veux maintenant attirer l'attention de la Chambre sur une autre proposition, que j'ai appelée la piste de l'Ouest.

Ma propre connaissance de cette piste de l'Ouest me provient de l'expérience de mon père, Ernest C. Manning, qui a été premier ministre de l'Alberta de 1943 à 1968, et qui a représenté l'Alberta au Sénat de 1970 à 1983, après s'être retiré de la politique provinciale. Selon un vieux dicton, il faut gagner une élection pour accéder au Sénat aux États-Unis ou en Australie, mais il faut en perdre une et, mieux encore, deux ou trois, pour entrer au Sénat du Canada. Ce ne fut pas le cas de mon père, qui a siégé pendant 33 ans à l'assemblée législative de l'Alberta sans jamais perdre une seule élection. Il a remporté neuf élections générales successives.

 

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Jusqu'à ces dernières années, il allait de soi également que, pour être nommé au Sénat, il fallait être membre du Parti libéral ou du Parti conservateur. Quant à lui, mon père n'a jamais été membre de l'un ou l'autre de ces partis et a même consacré 33 ans de sa vie à lutter contre les libéraux et les conservateurs, tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral. Durant ses 10 dernières années au poste de premier ministre de l'Alberta, mon père s'est de plus en plus préoccupé de la nécessité d'une plus forte représentation de l'Ouest dans toutes les institutions nationales. À son avis, la croissance de l'Ouest était telle que le temps était venu pour lui d'obtenir une meilleure représentation au sein des conseils d'administration des sociétés et organismes nationaux ainsi que dans toutes les institutions nationales.

Après sa retraite de la vie politique albertaine, il a eu la surprise de recevoir un appel du premier ministre Pierre Trudeau, qui lui a offert un poste au Sénat. À l'époque, Trudeau voulait lui aussi accroître la représentation régionale à la Chambre haute et il était prêt à faire appel à des candidats ne faisant pas partie du Parti libéral.

Mon père a jugé devoir informer M. Trudeau que s'il acceptait un poste au Sénat, il en profiterait pour critiquer les politiques de son gouvernement sur lesquelles il serait en désaccord. En fait, mon père n'a pas hésité à dire que de toutes les politiques des gouvernements fédéraux, soit les gouvernements King, Saint-Laurent, Pearson et Diefenbaker, les politiques financières et constitutionnelles du gouvernement Trudeau étaient les pires qu'il ait jamais vues.

Toutefois, M. Trudeau n'en a pas pris ombrage et a répliqué qu'il vaudrait mieux que ces propos soient exprimés devant la Chambre rouge plutôt que dans la rue. Mon père est donc devenu sénateur dans le but de renforcer la représentation de l'Ouest et d'explorer les possibilités d'accroissement de l'efficacité et de l'obligation de rendre compte du Sénat.

À son arrivée, mon père était un des deux sénateurs indépendants. Il ne faisait partie d'aucun caucus et ne se pliait aux ordres d'aucun whip ou chef de parti. Au fil des ans, notamment à titre de membre des comités des banques et des finances du Sénat, il s'est principalement intéressé à l'examen des lois, notamment en ce qui concerne la politique financière et économique, tant du point de vue de l'Ouest que du point de vue national.

En outre, il était au Sénat quand le gouvernement fédéral a imposé sa fameuse politique énergétique nationale. Il a été témoin de l'impuissance totale de la Chambre haute, la Chambre de réflexion, celle qui devait, selon sir John A., protéger les intérêts locaux et prévenir les jalousies sectorielles. Il a été témoin de l'incapacité totale du Sénat canadien à seulement remettre en question la discrimination régionale du Programme énergétique national, et encore plus à la réduire ou la corriger.

Le Programme énergétique national traduisait la politique la plus discriminatoire jamais exercée contre une région canadienne par un gouvernement fédéral. Cela aurait certainement été le cas, si l'on avait mesuré cette discrimination en dollars et en cents, parce que cette politique a confisqué des richesses de plus de 100 milliards de dollars au Canada de l'Ouest, soit 40 milliards de dollars en levant des impôts sur le revenu et 60 milliards de dollars en le forçant à vendre du pétrole et du gaz à des prix inférieurs à ceux du marché.

Si le Sénat canadien avait eu le moindre pouvoir de défendre des intérêts régionaux ou de jouer un rôle pour équilibrer les intérêts des régions peu peuplées productrices de ressources avec ceux des régions très peuplées, il aurait dû l'exercer pour modifier le Programme énergétique national. Si le Sénat avait pu modifier efficacement les modalités du Programme énergétique national ou la Loi sur l'administration de l'énergie de seulement 1 p. 100, il aurait permis au Canada de l'Ouest d'économiser environ un milliard de dollars.

Si le Sénat avait doublé sa force et avait pu modifier cette politique de 2 p. 100, s'il avait simplement modifié les dispositions de la Loi sur l'administration de l'énergie de 2 p. 100, il aurait permis au Canada de l'Ouest d'économiser deux milliards de dollars. Mais le Sénat n'avait pas le moindre pouvoir ni pour modifier cette politique énergétique nationale, ni pour l'équilibrer.

Bien sûr, le Sénat a été absolument inefficace à cet égard, tout comme il l'a été pour défendre les intérêts régionaux du Canada atlantique dans le dossier de la destruction des pêches sur la côte Est, les intérêts du Québec qui veut protéger sa langue et sa culture, les intérêts des régions rurales et du nord de l'Ontario et du Québec qui veulent promouvoir le développement économique à l'extérieur du triangle d'or, les intérêts des Prairies qui essaient de réformer l'agriculture et de renverser la décision discriminatoire concernant les CF-118, les intérêts du Nord dans le dossier de son développement économique et les intérêts de la Colombie-Britannique qui voudrait amener sur la scène nationale les dossiers des pêches de la côte Ouest, des autochtones en Colombie-Britannique et de l'infrastructure.

 

. 1350 + -

En matière d'efficacité et de reddition de comptes dans la représentation des intérêts régionaux, soit la principale fonction que doit remplir la Chambre haute dans une grande fédération à la population inégalement distribuée, le Sénat canadien ne s'est malheureusement pas montré à la hauteur.

Au fil des années, mon père a tâché de persuader d'autres sénateurs de siéger comme indépendants plutôt qu'à titre de représentants de parti et de renforcer et d'utiliser leurs voix régionales.

Quand il a quitté la vie politique, il y avait cinq sénateurs soi-disant indépendants, mais leur nombre n'a jamais été suffisant pour influer sur le résultat des votes ou pour donner une forte impulsion à une réforme de l'intérieur du Sénat.

En 1981, mon père s'est donc joint à Gordon Gibson, ancien chef de cabinet de Trudeau, éminent journaliste et auteur de la côte Ouest, ainsi qu'à Peter McCormick, un analyste passionné de la politique et des institutions fédérales, de l'Université de Lethbridge, afin de produire, sous les auspices de la Canada West Foundation, une étude définitive sur la réforme du Sénat.

Publiée sous le titre «Representation: The Canadian Partnership», leur étude soutenait que si l'on réformait le Sénat du Canada pour lui donner un nombre égal de membres de chaque province dotés de pouvoirs réels pour promouvoir et protéger les intérêts régionaux, cela contribuerait beaucoup à répondre au besoin d'équité et d'équilibre entre les régions dans le processus national de prise de décisions.

Le temps ne me permet pas de relater tout l'historique de l'évolution de ce concept, mais voici quelques uns des principaux jalons le long du chemin de l'Ouest vers la réforme du Sénat.

Au milieu des années 70, le comité de citoyens que le premier ministre Lougheed avait formé pour le conseiller en matière constitutionnelle est parvenu à des conclusions similaires sur la nécessité d'une véritable réforme du Sénat. Cela se passait au milieu des années 70, il y a plus de 20 ans.

C'est Ted Byfield qui a inventé et popularisé la formule abrégée de Sénat triple E, c'est-à-dire élu, égal et efficace, dans le Alberta report et dans des chroniques de journaux. Jim Grey et Bert Brown ont créé le comité canadien pour un Sénat triple E et en ont fait progresser les travaux.

Le comité spécial du gouvernement de l'Alberta sur la réforme du Sénat a tâché de faire inclure le concept du Sénat triple E dans les négociations de l'Accord du lac Meech.

Don Getty, qui a succédé à Lougheed comme premier ministre de l'Alberta, a mis sur pied en 1988 un groupe de travail sur la réforme du Sénat chargé d'aller discuter avec tous les autres premiers ministres et tous les autres gouvernements provinciaux pour promouvoir le concept du Sénat triple E.

C'est Getty, en réponse aux pressions de Bert Brown et du Dr David Elton de la Canada West Foundation, qui a fait adopter la loi dite Senatorial Selection Act par l'assemblée législative de l'Alberta en 1989.

À l'initiative du premier ministre Klein, ce dont je le félicite, cette loi sera mise à jour ce mois-ci par l'assemblée provinciale. Cette loi devrait être étudiée par tous les députés de cette chambre. Elle n'est peut-être pas parfaite. Elle pourrait peut-être être améliorée, mais c'est tout de même un mécanisme de démocratisation du Sénat qui n'exige pas de modification constitutionnelle.

J'ai envoyé copie de cette loi à tous les premiers ministres provinciaux et territoriaux, avec une liste des futures vacances au Sénat dans leur domaine de compétence, en leur demandant de procéder à l'adoption d'une mesure similaire, pour lancer au moins le processus de démocratisation du Sénat.

Copie de cette mesure sera fournie à quiconque s'y intéresse par le gouvernement de l'Alberta, par mon bureau ou par le bureau du député de Nanaïmo—Alberni, le critique de l'opposition officielle en ce qui concerne la réforme du Sénat.

Alors que l'assemblée législative de l'Alberta préparait la Senatorial Selection Act, pour commencer la démocratisation du Sénat, le jeune Parti réformiste du Canada lançait, en 1988, un projet encore plus ambitieux.

Nous avons entrepris alors la rédaction d'une modification constitutionnelle pour un Sénat EEE, afin de la soumettre à l'examen du public lors d'audiences dans l'Ouest, avant de le présenter aux premiers ministres des provinces de l'Ouest à Parksville, en 1988.

Tout cela a été fait. À ceux qui sont sérieux au sujet de la réforme du Sénat et ne se contentent pas de rapports et d'analyses superficiels, à ceux qui veulent regarder un projet de modification constitutionnelle qui créerait un Sénat du Canada élu, égal et efficace et qui ne figurait pas dans l'accord du lac Meech alors qu'il aurait dû y être, qui ne figurait pas dans l'accord de Charlottetowmn alors qu'il aurait dû y être, un projet qui devrait figurer au programme constitutionnel du gouvernement mais n'y est pas, je recommande cette modification constitutionnelle.

 

. 1355 + -

Encore une fois, je demanderais à la Chambre de me dispenser de lire le texte de la modification et de le faire consigner au hansard comme si je l'avais lu.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

M. Preston Manning: Je trouve la situation actuelle ridicule. Presque toutes les grandes assemblées législatives du monde, notamment le Congrès américain, la Chambre des communes britannique et les Chambres haute et basse d'Australie, ont la courtoisie de permettre que les projets de loi soient consignés au hansard sans qu'il soit nécessaire de les lire, afin que tout le monde puisse en prendre connaissance. Cette forme de courtoisie est en usage un peu partout dans le monde et je m'étonne que ce ne soit pas le cas à la Chambre des communes.

Je vais donc lire un projet de modification constitutionnelle du Sénat du Canada.

    Motion de résolution autorisant une modification de la Constitution du Canada

    ATTENDU QUE la Loi constitutionnelle de 1982, dûment en vigueur et appliquée partout au Canada, dispose que la Constitution du Canada peut être modifiée par une résolution adoptée par le Parlement du Canada et par un nombre suffisant d'assemblées législatives, selon la nature de la modification;

    ET ATTENDU QUE le Sénat du Canada a été créé à l'origine pour défendre les intérêts des provinces, des régions et des minorités dans le processus législatif national et pour faire contrepoids à la représentation proportionnelle à la Chambre des communes;

    ATTENDU QUE l'expérience a démontré que le Sénat n'a pas réussi à remplir efficacement son rôle parce que la distribution des sièges et le mode de sélection des sénateurs ont miné sa légitimité;

    ATTENDU QU'UN Sénat réformé, adéquatement constitué, pourrait remplir le rôle prévu à l'origine et, ce faisant, atténuer le sentiment actuel d'aliénation et d'éloignement par rapport aux affaires nationales, en particulier dans les régions moins peuplées du Canada et parmi les groupes minoritaires;

    ATTENDU QUE la modification proposée dans l'annexe ci-jointe reconnaît le principe de l'égalité de toutes les provinces et contient de nouvelles dispositions institutionnelles visant à permettre à toutes les régions du Canada de jouer un rôle équitable dans le processus décisionnel national, favorisant ainsi une plus grande harmonie et une coopération accrue entre les gouvernements et la population du Canada;

    ATTENDU QUE l'article 42 de la Loi constitutionnelle de 1982 dispose que la présente modification peut être apportée par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, par des résolutions du Parlement du Canada et des assemblées législatives d'au moins deux tiers des provinces dont la population confondue représente au moins 50 p. 100 de la population du Canada;

    ATTENDU QUE [la Chambre des communes ou l'assemblée législative de la province] a résolu qu'une modification de la Constitution du Canada soit autorisée par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada conformément à l'annexe ci-jointe.

    ANNEXE

    1. Les articles 21 à 36 inclusivement et l'article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 sont abrogés et remplacés par les articles suivants:

    Le Sénat

    21. La Chambre haute, appelée le Sénat, constituée par l'article 17 de la présente loi, se composera de 108 membres, appelés sénateurs, choisis dans toutes les régions du Canada et élus selon les dispositions des articles 22 et 23.

Le Président: Je comprends qu'il soit parfois nécessaire de faire de longues lectures, ce que je fais moi-même à l'occasion lorsque des questions sont mises aux voix. Toutefois, comme il est près de 14 heures, nous devons maintenant passer aux déclarations de députés. Le député pourra reprendre la parole après la période des questions d'aujourd'hui.



DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE PEUPLE ARMÉNIEN

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais aujourd'hui commémorer le 83e anniversaire du génocide du peuple arménien perpétré par le gouvernement turc en 1915—le premier génocide à avoir eu lieu au XXe siècle, mais malheureusement pas le dernier.

Les Arméniens, les Juifs, les Ukrainiens, les Cambodgiens et les Rwandais, entre autres, ont tous été victimes d'un génocide.

En 1996, cette Chambre a déclaré la semaine du 20 au 27 avril de chaque année la semaine commémorant l'inhumanité de l'être humain envers son prochain.

Cette semaine est l'occasion pour nous de méditer sur l'horrible perte de vie et les terribles souffrances qu'ont eues à subir les victimes des crimes de génocide.

L'exécution massive et préméditée d'un million et demi d'Arméniens n'est pas une tragédie, c'est un génocide. Reconnaissons l'horreur du génocide et engageons-nous à éliminer ce terrible fléau.

*  *  *

LES BÉNÉVOLES

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Monsieur le Président, en cette semaine qui leur est consacrée, la Semaine nationale de l'action bénévole, je tiens à rendre hommage aux héros méconnus de notre pays. Je suis particulièrement fier des bénévoles de ma circonscription qui, chaque jour, consacrent une partie de leur temps et de leurs efforts pour faire de Prince Albert une circonscription où il fait bon vivre et travailler.

 

. 1400 + -

Le mois dernier, le gouverneur général a décerné le Prix pour l'entraide à 53 bénévoles d'un peu partout au Canada.

Parmi ces 53 bénévoles se trouvaient 3 habitants de ma circonscription auxquels je tiens à rendre hommage aujourd'hui. Au nom de leurs voisins, de leurs amis et des habitants de la circonscription de Prince Albert, je félicite Marilyn Brown et Ralph Hjertaas, de la ville de Prince Albert, ainsi que Marie-Jeanne Leblanc, de Zenon Park.

Ils exemplifient le courage et les efforts extraordinaires que tient à récompenser le gouverneur général. En cette semaine qui leur est consacrée, je leur rends hommage ainsi qu'à tous les bénévoles.

*  *  *

LA SEMAINE NATIONALE DU TEXTILE

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui le début de la Semaine nationale du textile.

Depuis 1989, les exportations de produits textiles des compagnies comme Tiger Brand, Montreal Woolens, Cambridge Towel, Penmans-Forsyth, Barrday et autres ont triplé. L'industrie qui génère dix milliards de dollars par année a accueilli l'ALENA avec enthousiasme et ses exportations vers les États-Unis ont quadruplé depuis la signature de l'accord. De plus, le Conseil des ressources humaines de l'industrie du textile lance son Programme de stage en gestion textile au Collège Mohawk.

Ce programme des plus intéressant permet de réunir employeurs et employés, le gouvernement et les responsables de l'éducation, et de préparer les jeunes à une carrière dans l'industrie du textile.

Je félicite toute l'industrie du textile du rôle important qu'elle joue au sein de l'économie du Canada.

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LE MOIS DE LA SENSIBILISATION AU CANCER

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Monsieur le Président, le mois d'avril est le mois de la sensibilisation au cancer. Peu de gens à la Chambre n'ont jamais connu d'amis, de parents ou de proches qui ont été atteints de cette terrible maladie.

En fin de semaine, Linda McCartney, l'épouse du chanteur bien connu Paul McCartney, a succombé au cancer du sein. Il arrive que le décès d'une personnalité attire l'attention sur cette maladie aussi cruelle que répandue.

En 1997, quelque 150 000 Canadiens ont appris qu'ils avaient le cancer. Les cancers les plus fréquents sont ceux du sein chez les femmes et de la prostate chez les hommes. Tous sont responsables de leur propre santé et doivent subir des examens réguliers de la prostate ou du sein. Il est important que tous les Canadiens tirent profit des programmes en place pour le dépistage précoce.

Grâce à des fonds de recherche, la profession médicale constitue un important bloc de connaissances et je crois que l'on trouvera bientôt un traitement efficace qui permettra de guérir le cancer.

Le printemps dernier, j'ai eu la chance d'être présente lorsque la Fondation Corinne Boyer a fait une donation à la chaire de recherche sur le cancer des ovaires à l'hôpital et à l'université d'Ottawa.

Ce sont des actes de ce genre qui permettent de poursuivre la lutte. Les personnes...

Le Président: La députée de Parkdale—High Park.

*  *  *

LES PRIX D'EXCELLENCE DU RÉSEAU YTV

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Monsieur le Président, la soirée de remise des prix d'excellence du réseau YTV a eu lieu hier, à Toronto.

Ces prix visent à reconnaître le talent et les exploits de jeunes Canadiens qui se sont distingués dans divers domaines comme le théâtre, la musique, la danse, la bravoure, l'entrepreneuriat, les sciences et la technologie.

Cet automne, plus de 1 300 candidatures ont été reçues en provenance de partout au pays. Un groupe de juges hors pair a récemment choisi parmi 147 finalistes 16 grands gagnants dans 15 catégories.

Hier soir, 26 jeunes Canadiens exceptionnels ont participé à un spectacle de variétés en direct qui a été diffusé à l'échelle nationale par le réseau YTV. Ce spectacle est à la fois un excellent divertissement et une bonne occasion d'en savoir plus au sujet des grands exploits accomplis par de jeunes Canadiens talentueux.

Les jeunes d'aujourd'hui sont les dirigeants du Canada de demain. Les récipiendaires qu'il nous a été donné de voir hier soir témoignent de la qualité et des ressources de nos jeunes. Mes félicitations à tous les candidats, à tous les finalistes et...

Le Président: Le député d'Okanagan—Coquihalla.

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L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT

M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens au nom des électeurs d'Okanagan—Coquihalla qui sont préoccupés par l'Accord multilatéral sur l'investissement.

Les Canadiens n'ont reçu de l'information à ce sujet que de la part d'alarmistes dont certains sont allés jusqu'à semer la panique chez les personnes âgées. Je trouve déplorables les tactiques employées par certains groupes comme le Conseil des Canadiens. Ces groupes disent aux personnes âgées que l'AMI aura des conséquences catastrophiques pour les Canadiens. Ils prétendent qu'il va saper la souveraineté de notre pays et mettre à mal nos programmes sociaux. L'opposition officielle n'appuiera aucun accord qui ne garantisse le maintien de nos programmes sociaux et le respect de notre souveraineté.

Les Canadiens souhaitent un accord qui protégera nos investissements à l'étranger et égalisera les règles du jeu. Les Canadiens sont favorables aux avantages que les investissements étrangers pourraient procurer sur le plan de l'emploi et aux possibilités de pénétrer de nouveaux marchés.

Le gouvernement libéral a manqué à ses engagements envers les Canadiens en privilégiant une politique du secret et la prise de décisions au sommet, mettant ainsi en péril un accord qui par ailleurs pourrait être avantageux pour l'ensemble des Canadiens.

*  *  *

 

. 1405 + -

LE DRAPEAU CANADIEN

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole pour féliciter Pierre Roy, Joe Bilocq et Raymond Carrier, qui ont fait des efforts constants pour obtenir que le drapeau du Canada continue à flotter sur l'hôtel de ville de Québec.

Depuis presque deux ans et demi, ces trois personnes allaient elles-mêmes, chaque matin de bonne heure, hisser le drapeau du Canada. Finalement, le 7 avril dernier, le conseil de la ville de Québec a accepté que le drapeau du Canada flotte officiellement de nouveau devant l'hôtel de ville.

De concert avec les habitants de Waterloo—Wellington et tous les Canadiens qui croient en notre magnifique drapeau, je salue ces grands Canadiens pour leur loyauté, leur engagement et leur dévouement envers leur pays. Ce sont des héros et des exemples pour tous les Canadiens. Merci beaucoup.

*  *  *

RADIO ETHOS

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, vendredi prochain, on inaugurera officiellement dans ma circonscription l'une des premières stations de radio communautaire du Canada diffusant sur Internet à être exploitée par des bénévoles.

Le Strathroy Community Resource Centre, qui reçoit du financement du ministère du Développement des ressources humaines, coopère avec le collège Fanshawe et Centraide pour la création de la radio Ethos.

Un nouveau site web et des installations de radiodiffusion ont été mis sur pied dans le cadre d'un programme d'encadrement de 15 jeunes de la région. C'est une réussite sans pareil.

Comme le dit l'énoncé de principe de la radio Ethos, la communauté n'est pas un lieu, mais un état d'esprit. C'est un processus, une rivière qui coule, et non une structure immobile. Les grandes caractéristiques de l'esprit communautaire sont l'intégration, l'engagement et le consensus.

Je félicite le Strathroy Resource Centre d'avoir pris cette initiative et d'avoir ouvert une fenêtre sur le monde à des jeunes d'une région rurale de l'Ontario.

*  *  *

LE SÉNAT

M. Bill Gilmour (Nanaïmo—Alberni, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a maintenant la chance de tenir sa promesse de réformer le Sénat.

Le projet de loi sur le Nunavut présenté aujourd'hui à la Chambre propose de modifier la Constitution pour créer un nouveau siège au Sénat pour le représentant du Nunavut. Plutôt que de dicter leur choix aux gens du Nunavut, le premier ministre a l'occasion de leur permettre de choisir leur propre représentant au Sénat.

Comme nous avons maintenant assisté à la nomination d'amis du parti au Sénat plus de 28 fois de suite, le nouveau territoire du Nunavut devrait refléter les idéaux démocratiques modernes auxquels aspirent les nations les plus développées, au lieu de devoir se conformer aux principes désuets du Parti libéral, qui tient encore aux méthodes du siècle dernier pour la nomination des sénateurs. Le paternalisme libéral ancien style n'est plus crédible à l'ère de la démocratie.

Je défie le gouvernement de modifier le projet de loi sur le Nunavut pour permettre aux habitants de cette région d'élire leur représentant au Sénat, afin qu'ils aient un gouvernement responsable ayant des comptes à rendre et non des représentants nommés par favoritisme.

*  *  *

[Français]

M. FERNAND LABRIE

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, Fernand Labrie, professeur et directeur du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université Laval, a remporté le prix Killam en sciences de la santé. D'une valeur de 50 000 $, ce prestigieux prix honore d'éminents chercheurs canadiens et québécois oeuvrant dans les secteurs privé ou public et dont le travail est d'envergure mondiale.

Fernand Labrie est l'un des plus distingués scientifiques et éminents ambassadeurs québécois dans le domaine des sciences. Reconnu par ses pairs du monde entier, il est un modèle pour les jeunes qui entreprennent une carrière scientifique.

Travaillant au traitement de plusieurs maladies dépendantes des hormones sexuelles, le Dr Labrie contribue de manière importante à l'évolution des connaissances. Soulignons que la clinique du Dr Labrie au CHUL est devenue le centre le plus important du cancer de la prostate au monde, ayant traité plus de 2 000 patients au cours des quinze dernières années.

Au nom du Bloc québécois, je rends hommage à ce grand Québécois qui, par son oeuvre scientifique, a contribué à améliorer le bien-être des individus.

*  *  *

LE PARTI QUÉBÉCOIS

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Monsieur le Président, le moins qu'on puisse dire, c'est que le gouvernement du PQ en arrache avec son éventuel troisième référendum sur la séparation du Québec du reste du Canada. Tiendra, tiendra pas, on ne sait plus trop comment, pourquoi et à quel moment. Une semaine, on en veut, l'autre semaine, on n'en veut plus.

Il a fallu que le whip du PQ, M. Jacques Parizeau lui-même, rappelle les troupes souverainistes à l'ordre pour leur faire comprendre que l'indépendance du Québec demeure la priorité du programme des séparatistes.

Le vrai problème avec le PQ, c'est qu'on ne sait jamais à quoi s'attendre. C'est ce qu'on appelle l'incertitude politique, ce qui crée un climat d'insécurité. C'est aussi ce qu'on appelle la confusion, où le centre du programme séparatiste est constamment remis en question au profit de mille et une astuces qui ne tiennent pas debout.

La réalité, c'est que le gouvernement séparatiste n'a plus de gouvernail. Il n'a que du vent pour faire croire aux Québécois que l'indépendance est le remède à tous les problèmes.

Alors monsieur Bouchard, en pratique, y aura-t-il un référendum, oui ou non, dans le cas où le PQ est reporté au pouvoir? La population a le droit de savoir.

*  *  *

[Traduction]

L'HÉPATITE C

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, aujourd'hui, les Canadiens ont entendu parler du combat héroïque des victimes de l'hépatite C en Irlande, victimes qui, après des années de lutte, ont enfin obtenu une indemnisation raisonnable de leur gouvernement. Malheureusement, ce n'est que le décès d'une activiste en vue qui a amené le gouvernement honteux à agir.

 

. 1410 + -

Le gouvernement canadien a actuellement la possibilité d'agir avec compassion et de mettre fin à la bataille que livrent les malades et leurs proches.

Au lieu d'agir avec équité et justice, le gouvernement a tracé une ligne arbitraire entre ceux qui seront indemnisés et ceux qui ne le seront pas.

Aujourd'hui, les victimes de l'hépatite C se sont rassemblées sur la colline du Parlement, refusant d'être divisées par un gouvernement motivé par des coûts plutôt que par la compassion.

J'exhorte le gouvernement à alléger les souffrances de toutes les victimes de l'hépatite C et à leur offrir immédiatement une indemnisation juste et équitable.

[Français]

Justice doit être faite pour toutes les victimes de l'hépatite C. Et avec de la compassion, le gouvernement fédéral éviterait des poursuites éprouvantes pour les victimes.

*  *  *

[Traduction]

LE SÉNAT

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Monsieur le Président, le week-end dernier, le chef de l'opposition a remis à la presse le texte du discours qu'il vient de prononcer aujourd'hui pour dénoncer les nominations au Sénat teintées de favoritisme.

Selon un article paru dans la livraison de ce matin du Ottawa Citizen, le député de Calgary-Sud-Ouest allait citer les paroles d'Oliver Cromwell, qui ressemblaient à ceci: «Vous êtes devenus odieux pour la nation entière en devenant le plus grand sujet de plainte.»

Ma photo figure parmi celle des 10 personnes qui sont la cible des grandes déclarations que le député a puisées dans le XVIIe siècle. Je voudrais donc rectifier les faits. Comme je suis député, et non sénateur, je suis sensible au contexte des remarques de Cromwell, que le député a appelées « un des plus ardents discours de dénonciation jamais prononcés au Parlement». Ce que Cromwell voulait faire, c'est abolir le Parlement. Le discours que le chef de l'opposition a jugé bon de célébrer aujourd'hui est le baptême d'orateur du premier et unique dictateur de l'Angleterre.

Ce n'est pas le Sénat qui présente un danger pour la démocratie au Parlement, c'est le chef de l'opposition.

*  *  *

[Français]

L'INSTITUT C.D. HOWE

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, l'Institut C.D. Howe a récemment publié deux études qui devraient faire réfléchir tous les fédéralistes, notamment les partisans de la ligne dure envers le Québec.

Dans la mythologie fédéraliste, l'offre de partenariat des souverainistes n'est qu'une astuce des méchants séparatistes pour berner le pauvre peuple. Selon l'Institut C.D. Howe, l'offre de partenariat des souverainistes est une proposition légitime et l'Institut reconnaît que des ententes seront signées entre le Canada et un Québec souverain.

Dans la mythologie fédéraliste, le gouvernement fédéral est une vache à lait pour le Québec. Selon l'Institut C.D. Howe, même en tenant compte de la péréquation, la famille québécoise paie en moyenne 652 $ de plus en impôt au gouvernement fédéral qu'elle n'en retire en transferts et en services.

Il se trouve ainsi au Canada anglais des gens qui réfléchissent sérieusement au projet souverainiste québécois. Ceci démontre que le bon sens va s'imposer de lui-même à la suite de l'accession du Québec à la souveraineté.

*  *  *

[Traduction]

LA SEMAINE NATIONALE DE L'ACTION BÉNÉVOLE

M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, du 19 au 25 avril, le Canada célèbre la Semaine nationale de l'action bénévole. Trop souvent, on oublie les gens qui font du bénévolat dans leur collectivité. Ces gens travaillent inlassablement pour aider les autres sans recevoir rien en retour, si ce n'est la satisfaction d'aider leurs voisins.

C'est avec plaisir, aujourd'hui, que je remercie tous les bénévoles de tout le pays qui consacrent leur temps et leurs énergies à aider leurs concitoyens.

Seulement dans ma circonscription, Markham, il y a un grand nombre de groupes et de personnes qui méritent une reconnaissance publique pour les services qu'ils rendent à notre ville.

Je voudrais montrer ma gratitude envers tous ceux qui travaillent de façon bénévole pour les oeuvres de bienfaisance, pour les jeunes, pour toutes sortes d'organisations, sportives notamment. Je veux remercier tous ces entraîneurs et ces enseignants qui restent après l'école pour aider les étudiants.

Beaucoup d'entre nous, à la Chambre, devons notre élection à ceux qui ont collaboré, de façon bénévole, à notre campagne électorale. C'est faire un don extrêmement précieux que de consacrer son temps à améliorer nos collectivités. Tous les bénévoles de tout le pays aident à faire du Canada un merveilleux pays.

*  *  *

LA SEMAINE NATIONALE DU DON D'ORGANES

M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de signaler à la Chambre et à tous les Canadiens que cette semaine est la Semaine nationale du don d'organes. Cela nous donne l'occasion de reconnaître la générosité bien spéciale de ceux qui donnent des organes et des tissus.

Durant cette semaine, les organisations professionnelles et bénévoles encouragent les familles à discuter du don d'organes et de tissus et à prendre des décisions à ce sujet. De plus, on exhorte les professionnels de la santé à examiner les façons dont ils pourraient participer au processus de sensibilisation des gens à l'importance des dons d'organes et de tissus.

Tous les ordres de gouvernement unissent leurs efforts pour améliorer le système canadien de dons d'organes et de tissus et de distribution de ces derniers. J'invite les Canadiens à envisager de faire des dons d'organes et de tissus et à signer une carte de donneur ou à signer la partie de leur permis de conduire dans laquelle ils peuvent consentir un don de ce genre, s'ils ne l'ont pas déjà fait.

 

. 1415 + -

Je voudrais remercier les milliers de donneurs canadiens d'organes et de tissus, ainsi que leur famille, pour leur don de vie désintéressé. Je tiens également à saluer les nombreux organismes bénévoles et professionnels qui appuient activement les dons d'organes et de tissus cette semaine et toute l'année durant.

*  *  *

LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, il n'y a pas de fumée sans feu. C'est un fait. Un criminel violent constitue un danger. C'est également un fait, sauf pour ceux qui travaillent au SCC, qui considèrent que la fumée peut être du brouillard et qui engagent comme jardinier un agresseur sexuel violent récidiviste.

Eric Wannamaker a été emprisonné pour avoir agressé des jeunes filles et on lui a refusé une libération conditionnelle il y a 60 jours. Selon le Calgary Sun, il aurait été pris à deux occasions à l'extérieur de l'établissement de détention avec une jeune fille et il avait un grand nombre de photos de jeunes filles dans sa cellule. Il était pourtant considéré comme un détenu à faible risque par le SCC. Là encore, le SCC s'est trompé.

Wannamaker et son copain, Gordon Kennedy, un délinquant sexuel lui aussi qui avait récemment obtenu une semi-liberté, ont quitté l'établissement de Bowden dans la voiture familiale des Kennedy et ont enlevé la belle-fille de 14 ans de Kennedy.

Mes électeurs de Bowden ont peur. En tant que leur député, je voudrais être en mesure de leur dire quelque chose qui leur permettra de dormir le soir. Sachant comment le SCC fonctionne, il n'y a rien que je puisse leur dire. Tant que le SCC continuera de donner aux délinquants violents récidivistes une quatrième et une cinquième chances, tout en s'appuyant sur des statistiques pour prouver son taux de réussite...

Le Président: Nous passons à la période des questions.



QUESTIONS ORALES

[Traduction]

L'HÉPATITE C

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président le Parlement vient de reprendre ses travaux après un congé de deux semaines. Le ministre de la Santé a eu deux semaines pour réfléchir au sort des milliers de victimes de l'hépatite C qui souffrent à cause de la négligence du gouvernement.

Plusieurs centaines de ces victimes sont venues au Parlement aujourd'hui pour implorer le ministre de les indemniser pour le tort que le gouvernement leur a causé.

Ma question est simple. Le ministre de la Santé est-il maintenant prêt à indemniser toutes ces victimes, comme il se doit de le faire?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà expliqué clairement au député et à la Chambre à quel point cette décision était difficile.

Je puis assurer au député que nous sommes tout aussi compatissants que nos collègues d'en face envers les gens qui souffrent de cette maladie, quel que soit le moment où ils l'ont contractée.

Lorsque les ministres de la santé du Canada ont eu à prendre cette décision difficile, ils ont tenu compte de ses répercussions sur le système de santé en général. Nous nous sommes demandés si le gouvernement devait indemniser toutes les personnes qui ont été lésées par le système de santé. Nous avons conclu qu'il serait impossible de maintenir le système public de soins de santé au Canada si nous prenions...

Le Président: L'honorable chef de l'opposition.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, ces victimes ne sont pas venues au Parlement pour entendre d'autres réponses bureaucratiques, d'autres raisons juridiques et comptables expliquant pourquoi le gouvernement du Canada n'a pas pu répondre à leurs besoins.

Ces gens sont même venus des hôpitaux et, si j'ai bien compris, le ministre ne les a même pas rencontrés. Est-il incapable de les regarder dans les yeux?

Des représentants de la société de l'hépatite C de l'Irlande ont rencontré ces gens. Ils leur ont dit comment le gouvernement irlandais avait d'abord refusé d'indemniser les victimes, pour revenir ensuite sur sa décision.

Le ministre de la Santé reviendra-t-il sur sa décision, comme il se doit de le faire?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, le député devrait savoir que j'ai rencontré plus d'une fois les victimes et leurs représentants. J'ai traité directement avec eux. Je leur ai téléphoné personnellement pour les informer des décisions des gouvernements avant qu'elles ne soient annoncées publiquement.

Le gouvernement du Canada et les gouvernements des provinces n'ont pas refusé d'indemniser les victimes. Ils ont accepté la responsabilité pour la période de temps durant laquelle on aurait pu et on aurait dû faire quelque chose.

Les faits sont là: les gouvernements fédéral et provinciaux ont adopté une position responsable sur cette question très délicate.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le leadership, c'est, entre autres, savoir reconnaître ses erreurs et avoir le courage de revenir sur ses décisions.

L'Ontario est revenue sur sa décision et a indemnisé les soeurs Dionne. L'Alberta a admis qu'elle avait tort sur la question de la stérilisation et a changé sa position. Le gouvernement irlandais a entendu exactement les mêmes arguments que le ministre et est revenu sur sa décision. Beaucoup de ces victimes sont tellement malades qu'il a été très difficile pour elles de venir au Parlement aujourd'hui.

Pourquoi le ministre de la Santé va-t-il forcer ces victimes à le poursuivre devant les tribunaux pour obtenir l'indemnisation à laquelle elles ont droit?

 

. 1420 + -

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le député parle de leadership. Les gouvernements d'un bout à l'autre du pays font preuve de leadership en prenant des décisions difficiles sur des questions délicates qui ont une incidence sur la viabilité du système public de soins de santé.

Que ferait le député pour les femmes qui ont des problèmes causés par des prothèses mammaires? Que ferait-il pour les mères devant s'occuper d'enfants qui ont subi des dommages cérébraux lors d'un accouchement à risque élevé? Que dirait-il au sujet de l'étude publiée la semaine dernière par des chercheurs canadiens qui montre que des milliers de décès chaque année sont attribuables à la consommation de médicaments d'ordonnance?

Le député proposerait-il que des paiements en argent soient versés à toutes ces victimes?

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement irlandais a présenté les mêmes arguments que ceux que le ministre de la Santé présente aujourd'hui. Pendant quatre ans, les victimes les ont contrés et elles ont finalement eu gain de cause. Elles ont obtenu une indemnisation équitable pour chaque personne ayant contracté l'hépatite C à cause du sang contaminé.

Les victimes sont ici aujourd'hui et demandent à rencontrer le ministre de la Santé pour qu'il puisse s'inspirer de l'exemple irlandais. Va-t-il les rencontrer aujourd'hui?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, premièrement, j'ai souvent rencontré les victimes et leurs représentants.

Deuxièmement, Santé Canada a envoyé ses propres représentants en Irlande, il y a plusieurs mois, pour étudier le système. Le fait est que, jusqu'à présent, 1 800 victimes environ ont été indemnisées. Ici, nous parlons de 22 000 victimes.

En Irlande, la contamination, qui remonte en grande partie à 1977, est due au fait que le gouvernement n'avait pas procédé correctement à la sélection des donneurs de sang. Le gouvernement lui-même a distribué le produit contaminé qui a infecté 1 500 femmes enceintes.

Au Canada, nous avons choisi la même approche...

Le Président: Le député de Macleod.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, voici encore une autre de ces excuses qui ne tiennent pas debout.

Le ministre prétend que l'organe canadien de réglementation n'est pas responsable. Ce n'est pas vrai et il le sait. S'il est responsable, il y a eu négligence. Nous allons dépenser encore davantage si ces victimes ont recours aux tribunaux.

Par respect pour les victimes, pas celles qui le sont devenues la semaine dernière ou qui le deviendront dans un avenir éloigné, mais bien celles qui sont ici aujourd'hui, va-t-il rencontrer ces Irlandaises, se renseigner et nous dire pourquoi le système irlandais ne fonctionnerait-il pas au Canada?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, j'ai répondu au député que Santé Canada avait envoyé des représentants en Irlande pour y rencontrer des responsables et se renseigner sur la situation, sur le façon dont le système irlandais était organisé et sur la manière dont les victimes sont indemnisées.

Ce que nous avons appris, c'est qu'en Irlande, presque toutes les victimes ont été contaminées en 1977 lorsqu'un donneur qui n'avait pas été repéré a infecté les stocks de sang. Le gouvernement lui-même a distribué le produit qui a causé la plupart de ces infections. C'est à cause de cette erreur que le gouvernement irlandais a versé une indemnisation.

Nous appliquons le même principe au Canada. Alors que les gouvernements auraient pu...

Le Président: Le chef du bloc québécois.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, dans le dossier des victimes de l'hépatite C, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont signé une entente couvrant la période allant de 1986 à juillet 1990. Toutefois, le problème de l'indemnisation des autres victimes reste entier.

Sans remettre en question l'entente couvrant la période de 1986 à 1990, dans un geste exceptionnel, et surtout un geste humanitaire, le ministre de la Santé est-il prêt à regarder la possibilité de mettre en place un régime spécial pour indemniser les victimes qui ont contracté l'hépatite C avant 1986 et après juillet 1990?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, tous les gouvernements du Canada, y compris le gouvernement du Québec, ont considéré cette question comme étant assez difficile.

Nous avons tenu compte de la situation des victimes durant toute l'époque et nous avons identifié une période de quatre ans, entre 1986 et 1990, pendant laquelle les gouvernements ont pu agir pour prévenir les infections.

Nous avons choisi cette période pour l'indemnisation et tous les gouvernements du Canada, y compris le gouvernement du Québec, ont convenu...

Le Président: Le chef du Bloc québécois a la parole.

 

. 1425 + -

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le Bloc québécois s'est toujours dit d'accord avec l'entente pour indemniser les victimes de l'hépatite C entre 1986 et 1990. Mais pour les autres victimes, nous faisons face à une situation particulière qui demande une attention spéciale.

Le ministre ne pourrait-il pas regarder la situation avec plus de compassion et, comme le recommandaient le Rapport Krever et la Société des hémophiles, mettre en place un système d'indemnisation spécial—et j'insiste sur le mot «spécial»—sans égard à la faute pour les victimes d'avant 1986 et après juillet 1990?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, les ministres provinciaux ont eux-mêmes identifié comme un risque pour le système de santé en général une telle approche, c'est-à-dire d'indemniser toutes les victimes sans aucune référence aux questions de faute.

Tous les ministres de la Santé du Canada, les ministres provinciaux et fédéral, ont convenu d'adopter une approche pour indemniser seulement ceux qui ont été infectés pendant la période durant laquelle les gouvernements ont pu agir pour le prévenir.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, le ministre de la Santé continue de se montrer insensible envers les victimes de l'hépatite C qui sont exclues du programme, même si les dernières informations financières indiquent que le gouvernement fédéral se dirige, pour l'année 1997-1998, vers un surplus substantiel.

Est-ce qu'il n'est pas odieux que le ministre de la Santé refuse de reconsidérer l'aide à toutes les victimes de l'hépatite C, alors que son gouvernement, qui a tellement coupé dans la santé au cours des dernières années, réalise des surplus qu'il n'avait même pas prévus?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le système de santé en général comprend des risques pour tout le monde. Je me demande si l'honorable députée suggère que les gouvernements du Canada devraient indemniser toutes les victimes à cause de tous les risques.

Est-ce que l'honorable députée a demandé à son confrère, le ministre Rochon à Québec, s'il est ouvert à une telle approche? Tous les ministres de la Santé au Canada ont convenu d'adopter l'approche que j'ai décrite.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, compte tenu que les provinces ont payé jusqu'à maintenant pour soigner les victimes de l'hépatite C et qu'elles vont continuer à le faire dans le futur, est-ce qu'il ne revient pas au gouvernement fédéral de faire sa part en indemnisant convenablement tous ceux qui ont contracté l'hépatite C?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, tous les gouvernements du Canada ont agi ensemble. Nous avons identifié, comme je l'ai dit, une période de quatre ans durant laquelle il était possible d'intervenir pour prévenir ces infections et nous avons convenu d'indemniser les victimes durant cette période.

Je pense que c'est une approche sage, prudente, appropriée, et je répète que nous avons adopté une approche appropriée dans ces circonstances très difficiles.

*  *  *

[Traduction]

LE SECTEUR BANCAIRE

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

«Chaque fois que des banquiers se précipitent pour faire la même chose en même temps, on peut être sûr que des problèmes s'en suivront.» Voilà ce qu'on peut lire dans le numéro d'aujourd'hui du Financial Times. Avec son retard à réagir, notre ministre des Finances ressemble à un tambour-major dirigeant le défilé des mégafusions.

Je me permets de rappeler au ministre des Finances qu'il a un devoir envers le public canadien qui passe avant ses amis de Bay Street. Les petits déposants, les petites entreprises et les petites localités de partout au Canada veulent savoir pourquoi le gouvernement canadien n'entreprend pas tout de suite une enquête sur ces changements révolutionnaires et sur ces concentrations massives dans le secteur des banques.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, c'est un plaisir de répondre au chef de l'opposition. Au lieu de lire le Financial Times, si elle lisait certains des journaux canadiens, elle pourrait peut-être savoir que c'est exactement ce que le gouvernement canadien a fait il y a un certain temps. Il s'agit du groupe de travail MacKay, qui fera rapport cet été ou au plus tard en septembre.

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, pourquoi le ministre des Finances continue-t-il de se cacher derrière le groupe de travail sur les services financiers alors que les membres mêmes de ce groupe ont dit qu'ils n'examinaient pas la question des fusions de banques?

Les Canadiens veulent avoir leur mot à dire sur l'avenir de notre secteur des banques. Malheureusement, le ministre des Finances dit qu'ils doivent attendre que les banquiers aient pris leur décision, attendre que le groupe de travail fasse rapport, attendre qu'on ne puisse plus arrêter ces fusions, attendre qu'on ait perdu des dizaines de milliers d'emplois. Les mégafusions des banques n'attendent pas. Pourquoi le gouvernement attend-il jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour y changer quoi que ce soit?

 

. 1430 + -

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il faut être très clair. La décision sur les fusions de banques sera prise par le gouvernement, par le Parlement et par les Canadiens, non par une institution financière. Si quelqu'un en doutait, il n'a qu'à nous regarder faire.

*  *  *

L'HÉPATITE C

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé. Aujourd'hui, à la Chambre des communes, le ministre parle davantage comme un comptable ou un avocat. Or, il est responsable du système d'approvisionnement sanguin et je voudrais lui poser une question directe. Va-t-il revenir sur la proposition d'indemnisation qu'il a faite aux victimes de l'hépatite C et qui exclut jusqu'à 40 000 victimes innocentes au Canada?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, la députée parle comme si la décision relevait d'un seul gouvernement, d'un seul parti. Le plan d'action que j'ai décrit a été adopté par tous les gouvernements de tous les partis, y compris les gouvernements progressistes-conservateurs de l'Île-du-Prince-Édouard, de l'Ontario, du Manitoba et de l'Alberta. La députée serait-elle en train de dire que les gouvernements progressistes-conservateurs de ces provinces adoptent également un mauvais plan d'action dans ce dossier?

Nous ne parlons pas comme des comptables ou des avocats, mais bien comme des ministres de la Santé qui s'inquiètent des répercussions de cette situation extrêmement déplorable où l'avenir du système de santé est...

Le Président: Je donne la parole au chef du Parti conservateur.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, le programme d'indemnisation annoncé par le ministre de la Santé n'est ni juste ni honorable. Malheureusement, il nie vraiment l'équité et la compassion envers des victimes innocentes. Je rappelle à la Chambre que, en vertu de la Constitution, le gouvernement a le pouvoir de corriger cette tragédie humaine et d'agir unilatéralement, comme nous l'avons fait en 1991 dans le cas du VIH. Le ministre fera-t-il preuve de leadership, tant sur le plan moral que constitutionnel, pour corriger cette injustice?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je rappelle à la députée que son parti est au pouvoir dans l'Île-du-Prince-Édouard, en Ontario, en Alberta et au Manitoba. Les conservateurs étaient à la table des négociations avec nous pour adopter une position que nous jugeons favorable à l'intérêt public dans ce dossier très difficile.

Si la démarche de la députée avait été adoptée, le système de soins de santé public devrait indemniser tous ceux qui présentent une demande parce qu'ils ont été lésés par suite de risques inhérents à la pratique médicale. Les ministres de la Santé de tous les gouvernements du Canada ont décidé...

Le Président: La parole est au député de Medicine Hat.

*  *  *

LES BANQUES

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, la politique de l'opposition officielle sur les fusions bancaires est très claire. Sans concurrence, il ne doit pas y avoir de fusion. Le ministre des Finances ne semble toutefois pas avoir de politique à cet égard. Pourquoi ne reconnaît-il pas qu'il se sert de son groupe de travail pour camoufler cette absence de politique? Pourquoi n'avoue-t-il pas qu'il est parfaitement heureux de laisser les grandes banques canadiennes dicter la politique bancaire de notre pays, car c'est précisément ce qu'il fait?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait peut-être suivre ce qui se dit à la Chambre. Nous avons constitué ce groupe de travail justement parce que nous sommes conscients des changements qui découleront de la mondialisation et de la révolution technologique. Le groupe de travail devra essentiellement déterminer les répercussions qui s'ensuivront pour les petites entreprises, les façons de protéger les consommateurs, les conséquences sur les collectivités rurales ainsi que les répercussions sur la concurrence et sur les employés actuels. C'est pour obtenir des réponses à ces questions que nous avons constitué le groupe de travail.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances a bien des questions, mais il n'offre aucune réponse. C'est lui le ministre. Il est censé avoir certaines réponses.

Les Canadiens attendent depuis l'an dernier que le gouvernement expose le secteur bancaire à une véritable concurrence. Le gouvernement tarde toutefois à agir. Pourquoi ce retard? Pourquoi le gouvernement tarde-t-il à présenter un projet de loi qui assurera une saine concurrence dans l'intérêt des consommateurs et des entreprises de notre pays? Le ministre a promis un projet de loi en ce sens. Où est-il?

 

. 1435 + -

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, ce qu'il faut vraiment se demander, c'est dans quelle mesure la concurrence étrangère permettra l'ouverture de nouvelles succursales bancaires dans les régions rurales de l'Alberta et de l'Ontario. Il y a lieu de se demander pourquoi le Parti réformiste se porte à la défense des grandes banques; en un mandat, en un an à peine, le député de Medicine Hat a délaissé les intérêts du simple Canadien pour se porter à la défense de ceux de Bay Street.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, la semaine dernière, les banques CIBC et Toronto Dominion annonçaient un projet de fusion qui fait suite à celui de la Banque de Montréal et de la Banque Royale. Ces fusions s'inscrivent dans la foulée de la globalisation des marchés.

Au lieu de prendre un leadership à cet égard, le ministre des Finances a mis le gouvernement fédéral à la remorque des grandes banques et de ce grand mouvement.

Comment le ministre des Finances peut-il justifier que sa position et celle de son gouvernement à cet égard n'aient pas été connues il y a deux ans, lors de la dernière révision de la Loi sur les banques, alors que tout le monde savait que les fusions de banques s'en venaient rapidement?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, c'est d'ailleurs pour cela que nous n'avons pas suivi le précédent, en regardant en arrière pour décider de l'avenir de nos institutions financières, et que nous avons mis en place le Comité MacKay justement pour examiner ces questions. Nous allons prendre une décision en temps et lieu, mais cela se fera quand nous serons prêts et non pas quand les grandes banques le voudront.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances peut bien dire n'importe quoi, mais il demeure qu'il est à la remorque, à l'heure actuelle, et qu'il regarde le train passer, alors que partout ailleurs dans le monde, on fait face à une rationalisation qui s'est déjà accélérée depuis cinq ans.

Est-ce que le ministre des Finances est prêt à envisager la possibilité que rapidement, un comité spécial de la Chambre se penche sur cette fusion, les effets sur les travailleurs et également sur le comportement général des banques à l'égard des prêts bancaires, par exemple?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comment se fait-il que le Bloc québécois et les autres partis d'opposition refusent de regarder la situation?

J'aimerais féliciter mes collègues libéraux qui ont mis en place un comité d'étude du caucus libéral pour examiner ces questions. J'aimerais également féliciter mes collègues de ce caucus qui, depuis trois ans, étudient ces questions pendant que le Bloc fait des discours qui ne disent absolument rien.

[Traduction]

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, notre Clint Eastwood là-bas observe la situation, mais n'agit pas. Nous avons maintenant six grandes banques. Il pourrait n'y en avoir plus que quatre, voire trois. Combien de grandes banques doit-il y avoir pour que le ministre considère qu'il y a assez de concurrence? Une? Combien?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la vraie question, c'est de savoir si le Parti réformiste veut, en compagnie du gouvernement et de la population canadienne, se pencher sur l'avenir du système financier du Canada. Le député veut-il savoir ce que les simples consommateurs ont à dire? S'intéresse-t-il aux problèmes du Canada rural? Veut-il savoir comment les banques canadiennes peuvent se transformer en grandes puissances mondiales? Ou veut-il simplement laisser quelques banques décider de fusionner et de tracer l'avenir du système bancaire du pays?

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, au contraire, je veux connaître le point de vue des petits entrepreneurs. En fait, je les ai entendus. Les deux tiers des membres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ont dit qu'ils s'opposent à ces fusions bancaires.

Pourquoi le ministre ne leur répond-il pas? Pourquoi va-t-il rendre encore plus difficiles l'accès aux capitaux et les conditions du financement pour les petites entreprises, étouffant ainsi la croissance économique et la création d'emplois? De quel côté le ministre des Finances se trouve-t-il? Du côté des petites entreprises ou de celui des grandes banques?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le Parti réformiste semble changer de position à toutes les nouvelles lunes. Si telle est sa position, pourquoi son parti et son chef ont-ils dit qu'ils étaient en faveur de ces fusions, à condition qu'il y ait plus de concurrence étrangère?

Qu'ils décident une fois pour toutes parce que ce n'est pas clair pour nous, de ce côté-ci. Toutes les fois qu'ils prennent la parole, ce n'est pas clair pour la population canadienne.

*  *  *

[Français]

L'INSTITUT C.D. HOWE

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

L'Institut C.D. Howe a publié une étude qui contredit le discours fédéraliste, toujours à l'effet que le gouvernement fédéral est une vache à lait pour le Québec.

Qu'est-ce que le ministre des Finances répond aux gens de l'Institut C.D. Howe qui affirment, étude à l'appui, que les familles québécoises paient 652 $ par année d'impôt de plus au gouvernement fédéral que ce qu'ils reçoivent en retour de ce dernier?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, l'analyse de C.D. Howe comprend moins de 40 p. 100 des dépenses en espèces totales du gouvernement fédéral.

Selon Statistique Canada, le gouvernement fédéral a dépensé environ 3 750 $ de plus par famille qu'il a perçu en recettes au Québec.

 

. 1440 + -

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances admettra-t-il qu'il y a un déséquilibre entre ce que les citoyens paient et ce qu'ils reçoivent, et qu'il ne peut en être autrement avec un gouvernement fédéral qui a imposé, au cours des dernières années, d'énormes coupures aux provinces, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation, tout en continuant à percevoir de plus en plus d'impôts de ces dernières?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je viens de répondre à la question du député. C'est clair, nous avons diminué les impôts et on va les baisser au cours des années à venir.

Mais si le député n'a pas compris ou s'il ne veut pas ces données par famille mais plutôt par habitant, toujours selon Statistique Canada, le gouvernement fédéral a dépensé, par habitant, environ 1 500 $ de plus que ce qu'il a perçu en recettes au Québec.

*  *  *

[Traduction]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, la ministre de la Justice est maintenant en poste depuis près d'un an. La Loi sur les jeunes contrevenants devait être une de ses priorités, mais nous attendons toujours. Elle a parlé de «temps opportun», de «bientôt» et de «compliqué». En fait, sa secrétaire parlementaire nous a recommandé la patience. Nous découvrons maintenant que la vraie raison du retard est son manque de pouvoir ou d'influence au sein de son propre caucus.

La ministre admettra-t-elle qu'elle est dépassée par les événements et incapable d'accomplir le travail que les Canadiens attendent d'elle?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, contrairement aux députés d'en face, nous comprenons qu'il n'est pas simple de renouveler le système de justice pour les jeunes. En fait, il faut intégrer des valeurs très importantes, la protection de la société, la réhabilitation et la réintégration des jeunes et la prévention de la criminalité. C'est ce que suppose le renouveau du système canadien de justice pour les jeunes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, c'est triste lorsque la politique et le lobbying font obstacle à la sécurité des Canadiens. La ministre de la Justice a des problèmes avec son propre caucus à propos de projets de modification de la Loi sur les jeunes contrevenants. La ministre a bénéficié d'un examen approfondi de la loi actuelle par le comité de la justice. Les ministres provinciaux de la Justice et de nombreux Canadiens lui ont fait amplement part de leur opinion.

La ministre va-t-elle faire ce qu'il faut pour le Canada ou va-t-elle céder aux pressions des députés de l'arrière-ban, dont beaucoup n'ont pas examiné la question?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je répète que nous n'avons pas l'intention d'aborder de façon simpliste cette question que semblent aggraver les députés d'en face. Je puis assurer au député que je suis impatiente de collaborer avec lui et d'autres députés de son parti lorsque nous déposerons notre réponse au rapport du Comité permanent de la justice pour les jeunes.

*  *  *

[Français]

LE PRIX DES CIGARETTES

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, on apprend ce matin que depuis l'augmentation du prix des cigarettes, la contrebande a repris de plus belle dans le sud du Québec et de l'Ontario.

Avant que le phénomène ne prenne une proportion équivalente à ce qu'elle était au début des années 1990, le solliciteur général a-t-il déjà entrepris, avec son collègue du Revenu responsable des douanes, une action particulière visant à enrayer ce fléau?

[Traduction]

L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, en fait, lorsqu'il était question d'augmenter le prix des cigarettes ou les taxes sur les cigarettes, nous avons consulté la GRC. Elle était d'avis que l'augmentation envisagée, qui s'est concrétisée par la suite, se situait à l'intérieur des limites que le système de contrôle actuel pouvait accepter.

*  *  *

LE COMMERCE EXTÉRIEUR

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État chargé de l'Amérique latine et de l'Afrique. Après la récente visite du président Bill Clinton en Afrique, le ministre peut-il dire à la Chambre ce qu'il fera pour que le Canada puisse mieux exploiter le potentiel commercial des marchés émergents en Afrique?

L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Nepean—Carleton pour sa question.

Au cours des deux dernières semaines, ou à peu près, un groupe de gens d'affaires, le député d'Etobicoke—Lakeshore et moi-même sommes allés dans six pays d'Afrique occidentale et d'Afrique équatoriale pour tenter de stimuler les investissements et le commerce. Le député sait probablement déjà que, l'an dernier, les échanges commerciaux du Canada avec l'Afrique subsaharienne se sont élevés à environ trois quarts de milliard de dollars, ce qui est cent millions de plus que l'année précédente.

*  *  *

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, il est maintenant très clair que, si la ministre de la Justice retarde indûment la présentation de modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est parce qu'elle ne peut pas imposer ses vues au sein de son propre caucus.

Ma question s'adresse à la ministre. Est-elle incapable de faire le travail? Est-ce pour cela qu'elle ne fait pas ce que des millions de Canadiens attendent d'elle? Est-ce la véritable raison qui explique le retard inacceptable dans la présentation de modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants?

 

. 1445 + -

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je l'ai déjà dit auparavant, nos vis-à-vis semblent croire qu'il existe un moyen simpliste de renouveler le système de justice pour les jeunes. Ils semblent croire qu'il suffit pour cela de raffermir la Loi sur les jeunes contrevenants.

De ce côté-ci de la Chambre, nous adoptons une vision plus globale et mieux intégrée d'un dossier très complexe. Cela se verra dans la mesure que présentera le gouvernement.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, nous comprenons que la ministre n'acceptera pas les recommandations présentées par le comité de la justice au Parlement, pas plus que les recommandations formulées par des centaines de Canadiens, y compris par les chefs de police et l'Association canadienne des policiers.

Si la ministre est véritablement responsable de son portefeuille, nous dira-t-elle aujourd'hui même quand elle présentera les modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je l'ai dit à un certain nombre de reprises à la Chambre, le gouvernement présentera sa mesure au moment opportun.

*  *  *

L'HÉPATITE C

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé. On ne connaît pas encore aujourd'hui le nombre exact de victimes de l'hépatite C qui ne sont pas admissibles au programme d'indemnisation du gouvernement.

Le ministre peut-il informer la Chambre du nombre exact de ces victimes et de la façon dont il est arrivé à ce chiffre?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, selon les épidémiologistes de Santé Canada, entre 50 000 et 60 000 personnes auraient été contaminées avant 1986. C'est la meilleure estimation à laquelle ils peuvent arriver.

Le nombre est imprécis, parce que les gouvernements provinciaux n'ont pas tous appliqué des programmes d'identification pour pouvoir dénombrer les victimes. Voilà donc l'estimation générale du nombre de victimes infectées avant 1986 par le sang contaminé.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le Président, nous apprenons également aujourd'hui que les victimes de l'hépatite C en Irlande ont dû livrer une longue et dure bataille avant d'être indemnisées. Tragiquement, c'est le décès d'une importante militante irlandaise, victime elle aussi de l'hépatite C, qui a convaincu le gouvernement d'indemniser toutes les victimes.

Que faudra-t-il pour convaincre le gouvernement canadien de prendre, en fin de compte, une décision juste et équitable? Que peuvent faire ces gens pour convaincre le gouvernement de reconsidérer sa décision?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, c'est justement pour éviter des décennies de tiraillements et de démêlés juridiques que j'ai inscrit à l'ordre du jour de la rencontre des ministres de la Santé de l'été dernier toute la question de l'indemnisation des victimes de l'hépatite C.

Des discussions ont eu lieu. Nous avons analysé les faits. Nous avons étudié l'historique du problème et, ensemble, les gouvernements fédéral et provinciaux, y compris les gouvernements néo-démocrates de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan, ont adopté la bonne solution en décidant d'indemniser les victimes qui ont été contaminées pendant une période où certaines mesures auraient pu être prises pour éviter leur contamination.

Si nous adoptons une solution différente, nous mettrons en péril la viabilité du régime public de soins de santé du Canada. Voilà sur quoi se fondait la décision que nous avons prise.

M. Greg Thompson (Charlotte, PC): Monsieur le Président, le ministre a complètement tort d'utiliser la période de 1986 à 1990. Il le fait par simple commodité.

Le ministre sait pertinemment que des tests étaient disponibles et que d'autres pays, notamment l'Allemagne de l'Ouest, s'en servaient pour dépister le virus de l'hépatite C. Est-ce que le ministre ne va pas l'admettre et, en conséquence, est-ce qu'il va revenir sur sa décision et accorder une indemnisation à toutes les victimes de l'hépatite C au Canada?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le député a tout à fait raison de dire, comme le juge Krever l'a d'ailleurs signalé, qu'il existait des tests à divers moments et dans divers pays avant 1986. Je crois même qu'un État américain en avait un avant cette année-là.

Tous les autres faits et le jugement le plus éclairé nous disent que c'est au début de 1986 que le Canada aurait dû agir pour suivre l'exemple de pays concurrents comme les États-Unis, qui ont alors imposé le test à l'échelon fédéral.

C'est à ce moment-là que les observateurs les mieux informés situent le point charnière entre la période où les infections...

Le Président: Le député de Charlotte.

M. Greg Thompson (Charlotte, PC): Monsieur le Président, je ne vois pas très bien si c'est un comptable ou un avocat qui parle au nom du ministère ou du gouvernement aujourd'hui.

C'est une position bancale. Ces gens-là ont droit à une indemnisation. C'est aussi simple que cela. Le ministre ne devrait pas se préoccuper seulement des montants en cause, car il ne sait pas combien il y a de victimes. Il n'y en a peut-être que 20 000. Ou bien 30 000 ou encore 40 000.

Est-ce que le ministre va se comporter en homme d'honneur et agir unilatéralement pour indemniser ces victimes?

 

. 1450 + -

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, ce n'est pas une question d'argent. Il s'agit plutôt de préserver la viabilité du système de santé public.

Si le député laisse entendre que, étant donné qu'un test existait dès 1981 ou 1982, il faudrait indemniser les victimes à partir de ce moment-là, il est d'accord avec les ministres de la Santé du Canada. Il place le point de démarcation à un autre moment, c'est tout. Il dit que c'est à partir de ce moment-là qu'il aurait fallu prendre des mesures décisives.

Si le député est d'accord avec moi sur le principe, mais situe le point charnière à un autre moment, cela en dit long sur sa position. En fait, il appuie la position que les ministres de la Santé du Canada ont adoptée.

*  *  *

L'AN 2000

Mme Susan Whelan (Essex, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor.

Un récent article de presse laissait entendre que pas un seul ministère fédéral n'avait tiré parti des services offerts par une équipe d'élite réunie pour lutter contre le bogue du millénaire qui surgira avec l'an 2000. Quelles garanties le ministre peut-il donner à la Chambre que les ministères fédéraux agissent de toute urgence pour affronter la crise de l'an 2000?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, en fait, les renseignements contenus dans l'article étaient faux. Six ministères ont déjà présenté six propositions et deux d'entre eux ont déjà demandé des fonds.

Ce qui est rassurant, c'est que nous disposons déjà d'un acompte de 100 millions de dollars qui nous permettra d'obtenir les ressources nécessaires pour contrer le bogue de l'an 2000 au cas où un problème surviendrait. Nous avons mis nos systèmes en place et estimons être en mesure d'affronter le problème.

*  *  *

LE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, hier soir, des millions de Canadiens ont regardé avec colère des représentants de l'ACDI admettre que des centaines de millions de dollars ne vont pas aux pays dans le besoin, là où ils sont censés aller.

Cet argent va à d'énormes sociétés canadiennes, au lieu d'aider les plus pauvres parmi les pauvres dans les pays en développement. C'est tout à fait inadmissible.

La ministre demandera-t-elle immédiatement au vérificateur général de faire enquête à cet égard?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, le programme dont parle le député est ACDI Inc. Il s'agit d'un programme visant à encourager l'entreprise privée à investir dans les pays en développement.

En réalité, le taux de succès de ces initiatives privées est de un sur trois. Pour chaque dollar qu'investit ACDI Inc. au nom du contribuable dans les pays en développement, 5 $ reviennent au Canada et 12 $ vont aux pays en développement.

*  *  *

[Français]

L'ACQUISITION DE SOUS-MARINS

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Comme tout le monde le prévoyait, le gouvernement fédéral a profité de l'ajournement de la Chambre des communes, comme dans le cas des hélicoptères, pour annoncer l'acquisition de quatre sous-marins usagés, tellement il veut éviter d'être questionné sur cet achat de 750 millions de dollars.

Comment le ministre peut-il expliquer que non seulement les priorités de son gouvernement sont des plus discutables puisqu'il préfère acheter des sous-marins usagés plutôt que de redonner aux provinces les moyens d'assurer les services de base, mais qu'en plus, ces nouveaux sous-marins ne sont même pas capables de circuler sous les glaces de l'Arctique?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, ces sous-marins sont à la fine pointe de la technologie. La Marine royale du Royaume-Uni les avait commandés à une époque où ils faisaient partie de son programme de défense. Elle a décidé depuis d'opter pour des sous-marins nucléaires.

Ces sous-marins ont été utilisés très peu lorsqu'ils faisaient partie des programmes du ministère de la Défense britannique. Nous les avons achetés pour le quart du coût qu'il faudrait engager pour en construire des neufs. Il s'agit là d'une aubaine formidable. Au moins, nous pouvons remplacer nos sous-marins vieux de 30 ans. Nous avons les moyens de patrouiller nos côtes et l'Arctique.

*  *  *

LES BANQUES

L'hon. Lorne Nystrom (Qu'Appelle, NPD):Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances, ce banquier de Bay Street.

Le Président:Je rappelle aux députés qu'ils doivent bien choisir leurs mots. J'invite le député à poser sa question.

L'hon. Lorne Nystrom:Monsieur le Président, si les deux projets de fusion bancaire se concrétisent, les deux mégabanques qui en résulteront contrôleront 70 p. 100 des avoirs bancaires au Canada.

Aux États-Unis, il faudrait compter une centaine de banques pour contrôler un actif équivalent. Une telle concentration me paraît scandaleuse.

Le ministre est-il prêt à créer, dans l'intérêt de la démocratie, un comité parlementaire multipartite, qui serait chargé d'étudier les deux projets de fusion et qui donnerait aux Canadiens la chance de se faire entendre?

 

. 1455 + -

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.):Monsieur le Président, il est aussi difficile de comprendre la position du député de Qu'Appelle que celle du Parti réformiste. Le député propose maintenant une étude multipartite.

Avant-hier, il avait déclaré que nous devrions tout simplement nous opposer aux projets de fusion. Il semble y avoir une certaine incohérence dans la position du Nouveau Parti démocratique.

Le gouvernement a créé le comité MacKay parce qu'il était soucieux de protéger les petites entreprises, les communautés rurales, les consommateurs canadiens et la concurrence. C'est pourquoi il y aura...

Le Président: Le député de Charlotte.

*  *  *

LA SANTÉ

M. Greg Thompson (Charlotte, PC):Monsieur le Président, nous n'avons pas obtenu beaucoup d'information du ministre de la Santé aujourd'hui. Je pose donc ma question au vice-premier ministre.

Suite à la publication d'un article dans le Globe and Mail le 3 avril, le vice-premier ministre ne voit-il pas que le ministre de la Santé a trahi la règle de la solidarité et du secret qui le lie au Cabinet en parlant de ses collègues qui appuyaient ou n'appuyaient pas sa propre position? Cela n'indique-t-il pas au gouvernement qu'il doit faire quelque chose? Il devrait peut-être remplacer le ministre de la Santé, qui a violé la règle de confidentialité.

L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.):Monsieur le Président, les propos du député donnent à penser que le premier ministre Harris, le premier ministre Klein et le premier ministre Binns, tous des conservateurs comme lui, devraient aussi être remplacés, puisqu'ils ont approuvé et continuent d'approuver l'entente.

*  *  *

LES PERSONNES HANDICAPÉES

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Monsieur le Président, les personnes handicapées veulent avoir le même accès à la formation et à l'emploi que tous les Canadiens.

Le ministre du Développement des ressources humaines pourrait-il nous faire part des mesures prises à cet égard?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de son excellent travail comme président du Comité parlementaire sur les personnes handicapées.

Nous voulons faire encore plus. C'est pourquoi notre gouvernement adopte plusieurs mesures différentes pour venir en aide aux personnes handicapées. La semaine dernière justement, nous avons signé une entente d'aide à l'emploi avec le gouvernement du Manitoba pour venir en aide aux personnes handicapées dans cette province. Nous espérons conclure une entente semblable avec d'autres provinces et territoires dans un avenir rapproché.

Ces ententes aideront les personnes handicapées à se préparer au marché du travail et à y accéder.

*  *  *

LES SONDAGES

M. Jim Gouk (West Kootenay—Okanagan, Réf.): Monsieur le Président, selon des documents obtenus grâce à l'accès à l'information, les libéraux ont accru de 68 p. 100 les dépenses consacrées à la tenue de sondages d'opinions, dépensant 28 millions de dollars de 1994 à 1997. Presque la moitié de ces contrats ont été octroyés sans concours.

Compte tenu des critiques formulées par les libéraux à l'endroit des gouvernements conservateurs et des dépenses engagées pour les sondages d'opinion, comment le gouvernement libéral peut-il justifier cette énorme augmentation de 68 p. 100?

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, je ne sais pas d'où le député a tiré ces chiffres.

Il devrait peut-être consulter la société de publicité qui a affirmé qu'il n'y avait aucune preuve de ce que le processus ne soit pas juste ou qu'il soit favorable aux alliés politiques des libéraux. Depuis notre arrivée au pouvoir, nous agissons toujours de façon ouverte. C'est de cette façon que nous octroyons des contrats aux Canadiens qui satisfont aux conditions prévues.

*  *  *

[Français]

LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Il y a deux ans, le ministre des Finances annonçait en grande pompe la mise sur pied d'un comité d'étude sur la fiscalité des entreprises. Or, il vient tout juste de déposer à la sauvette le rapport de ce comité, juste avant l'ajournement de la Chambre, une fois de plus.

Doit-on comprendre, de la façon dont a procédé le ministre, que ce rapport va se retrouver de nouveau sur une tablette?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Pas du tout, monsieur le Président. Tout d'abord, j'aimerais remercier le président et les membres du comité d'étude pour le travail qu'ils ont accompli.

Comme on le sait peut-être, le rapport sera soumis au Comité des finances pour étude. Cependant, nous avons dit que notre priorité, c'est la diminution des impôts personnels.

*  *  *

[Traduction]

LES BANQUES

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Il sait fort bien que si les fusions de banques sont autorisées il en coûtera des milliers d'emplois dans ce secteur. Il est certainement conscient de la réduction de concurrence qu'il y aura dans ce secteur vital. Il sait aussi qu'il y a des conséquences importantes de l'entrée des banques étrangères sur le marché canadien.

 

. 1500 + -

À la lumière de ces trois aspects, ne convient-il pas avec moi qu'il serait indiqué, du moins pour le Comité des finances de la chambre, de faire une analyse en profondeur des conséquences de ces fusions sur la communauté financière du Canada et sur les Canadiens en général?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Absolument, monsieur le Président. C'est pour cela que nous avons l'intention de soumettre le rapport MacKay au Comité des finances.

[Français]

Le Président: J'ai une question à poser au député de Lac-Saint-Jean. Est-ce que la question de privilège émane de la période des questions orales? Pour votre information, j'aimerais avoir la question de privilège par écrit une heure avant qu'elle ne soit soulevée.

M. Stéphan Tremblay: Oui, monsieur le Président, cela a rapport à la période des questions orales.

Le Président: Si cela a rapport à quelque chose qui a été soulevé au cours de la période des questions, je donne la parole au député de Lac-Saint-Jean.

*  *  *

PRIVILÈGE

LA MONDIALISATION DES MARCHÉS

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, je vais tenter d'être bref. Cela a trait à la mondialisation et aux questions qui ont été posées ici aujourd'hui.

Il y a deux ans, quand je suis entré en politique, j'ai fait le serment d'être au service du bien-être de mes citoyens. Aujourd'hui, je pense que dans un contexte de mondialisation des marchés, cela devient de plus en plus difficile. C'est la raison pour laquelle je sors mon siège de député pour entamer un débat sur la mondialisation parmi la population.

[Note de la rédaction: Le député quitte la Chambre avec son fauteuil.]

[Traduction]

M. Randy White: Monsieur le Président, il est interdit de voler des sièges de la Chambre.

Le Président: J'allais dire que ce n'est pas une question de privilège.



AFFAIRES COURANTES

 

. 1505 + -

[Traduction]

NOMINATIONS PAR DÉCRETS

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je garderai une main sur mon fauteuil pendant mon intervention.

[Français]

Il me fait plaisir de déposer aujourd'hui à la Chambre, dans les deux langues officielles, des décrets annonçant des nominations faites récemment par le gouvernement.

Conformément à l'article 110(1) du Règlement, ces décrets sont réputés avoir été renvoyés aux comités permanents indiqués en annexe.

*  *  *

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 31 pétitions.

*  *  *

[Traduction]

PÉTITIONS

L'HÔPITAL RÉGIONAL DE THUNDER BAY

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition importante signée par plus de 1 600 habitants de la circonscription de Thunder Bay—Atikokan que je représente.

Mes électeurs approuvent et appuient l'hôpital régional de Thunder Bay et les membres du conseil d'administration de l'hôpital qui rêvent d'un nouvel hôpital centralisé qui desservirait non seulement les habitants de Thunder Bay, mais tous les Canadiens vivant dans le nord-ouest de l'Ontario, y compris des milliers de membres de collectivités autochtones.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de veiller à ce que le gouvernement fédéral, par l'entremise de Santé Canada, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et d'autres ministères et organismes concernés, appuie financièrement la construction de ce nouvel hôpital.

L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition au nom d'un certain nombre d'habitants de la circonscription de Kamloops et principalement de la localité de Clearwater située dans la vallée de la rivière Thompson Nord.

Les pétitionnaires énumèrent plusieurs raisons pour lesquelles ils jugent que l'Accord multilatéral sur l'investissement ne sert pas les meilleurs intérêts du Canada et ils demandent simplement au Canada de ne pas signer l'AMI.

LES PENSIONS

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): J'ai aussi une pétition qui porte sur un autre point. Les pétitionnaires cette fois-ci sont principalement des localités de Logan Lake et Kamloops

Ils s'inquiètent de la façon dont le gouvernement traite le régime de pensions des Canadiens et demandent à la Chambre des communes d'agir prudemment lorsqu'il est question d'apporter des changements au régime de retraite du Canada sans consulter véritablement les Canadiens.

L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par plusieurs habitants de l'ouest du Canada, qui sont très préoccupés au sujet de l'Accord multilatéral sur l'investissement. Les pétitionnaires estiment que l'AMI est tellement mauvais que le gouvernement canadien ne devrait conclure aucun accord de libéralisation du commerce de cette nature à ce stade.

Si le gouvernement veut conclure un accord de cette nature, l'accord en question devrait prévoir des garanties en ce qui concerne les normes de travail, l'environnement et d'autres questions de sorte que les profits des organisations ne passent pas avant l'intérêt de la population.

*  *  *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, on répondra aujourd'hui à la question no 77. .[Texte] M. Dick Proctor:

    Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux peut-il dire combien a coûté à Postes Canada l'envoi, par suite de la dernière grève des Postes, de la carte postale imprimée recto-verso intitulée «On est de retour à notre poste»?

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Les données concernant les frais d'exploitation et les coûts des matières premières de Postes Canada sont confidentielles et de nature délicate du point de vue commercial. Il n'est donc pas possible de révéler les coûts engagés pour l'envoi de la carte publicitaire «On est de retour à notre poste» après la grève postale de 1997.

Depuis 1988, Postes Canada ne reçoit aucune subvention gouvernementale et toutes ses dépenses, y compris les campagnes publicitaires, sont financées à même ses budgets.

Les cartes publicitaires «On est de retour à notre poste» visaient à regagner la confiance du public en signalant la reprise immédiate des services postaux. La carte réaffirmait en outre la volonté et l'engagement de Postes Canada de travailler sans relâche pour offrir ses services à la population canadienne.

[Français]

M. Peter Adams: Monsieur le Président, je suggère que les autres questions soient réservées.

[Traduction]

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, le 28 octobre 1997, j'ai posé la question no 33 concernant l'Oak Bay Marine Group, une société qui est peut-être favorisée par le ministre des Pêches et des Océans.

 

. 1510 + -

Le 26 mars de cette année, le bureau du Conseil privé m'a fait savoir que je pouvais espérer avoir une réponse d'ici une semaine. Le 16 avril, on m'a fait savoir que l'on assemblait les éléments de réponse. J'attends toujours. J'aimerais bien avoir une idée quant à la date à laquelle je peux espérer recevoir une réponse.

M. Peter Adams: Monsieur le Président, c'est aujourd'hui le premier jour de la rentrée. Je ne sais pas très bien ce qu'il en est de la question no 33, mais que le député compte sur moi, je m'informerai.

M. John Cummins: Monsieur le Président, le 2 décembre 1997, j'ai posé la question no 56, qui concerne encore une fois l'Oak Bay Marine Group.

Le 26 mars, le bureau du Conseil privé m'a fait savoir que la réponse était prête, qu'elle avait été autorisée par le ministre quelques semaines avant et qu'elle se trouvait entre les mains du leader du gouvernement à la Chambre pour dépôt.

Le 16 avril, le bureau du Conseil privé m'a dit qu'elle l'était encore. J'aimerais bien savoir où est la réponse à cette question.

M. Peter Adams: Monsieur le Président, ma réponse est la même. Je suis désolé. Je suis sûr qu'il dit la vérité. Je tâcherai aussi de voir ce qu'il en est pour la question no 56.

M. John Cummin: Monsieur le Président, la question no 51, concernant la pêche autochtone, a été posée le 1er décembre 1997.

Le 26 mars, le BCP a dit que, du point de vue du ministère, la réponse était complète et qu'elle avait été transmise au ministre pour approbation.

Le 16 avril, le BCP a dit qu'il n'avait toujours pas reçu l'approbation du ministère. J'aimerais savoir où est la réponse à ma question.

M. Peter Adams: Monsieur le Président, je prends également note de la question numéro 51.

De toute évidence, le député a suivi attentivement le cheminement de ses questions. Je l'invite, ainsi que tous les députés, à ne jamais hésiter à communiquer avec moi. Je me ferai un plaisir d'examiner ces questions.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je veux aussi savoir où en est la réponse à la question no 21.

Nous avons reçu un peu d'information, mais ce n'est pas l'information que nous désirions recevoir. Encore une fois, le représentant du gouvernement peut-il nous dire quand nous pouvons nous attendre à recevoir une réponse précise à notre question?

M. Peter Adams: Monsieur le Président, je remercie le député. En ce qui concerne la question no 21, il dit qu'il a reçu d'autres renseignements. Je suis toujours disposé à répondre à ces observations. Je suis abordable. Il suffit qu'on me mette au courant des problèmes et je me ferais un plaisir de m'en occuper.

Le Président: Les autres questions restent-elles inscrites au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

*  *  *

DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE

LES BANQUES

Le Président: J'ai reçu deux lettres demandant un débat d'urgence. La première vient du député de Qu'Appelle.

Les deux lettres portent sur le même sujet quasiment. Je vais donc donner la parole d'abord au député de Qu'Appelle. Puis je la donnerai à l'un des cosignataires de l'autre lettre, le député de Prince George—Bulkley Valley.

L'hon. Lorne Nystrom (Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, je serai bref. Ce matin, je vous ai envoyé une lettre demandant, aux termes du paragraphe 52(2) du Règlement, la tenue d'un débat d'urgence sur les deux fusions de grandes banques qui défraient la chronique depuis quelque temps.

Quatre des six grandes banques canadiennes ont l'intention de fusionner. L'industrie canadienne des services financiers s'en trouvera complètement transformée. Il n'y a pas un seul électeur qui n'en ressentira pas les effets. C'est une modification fondamentale, peut-être la plus fondamentale qui ait jamais touché l'industrie des services financiers au Canada.

Le gouvernement a redit aujourd'hui qu'il n'avait pas l'intention d'en saisir le Parlement tant que le groupe de travail MacKay n'avait pas remis son rapport, prévu pour septembre. C'est-à-dire pas avant cinq mois, ce qui est dans très longtemps.

J'estime que nous devons tenir un débat d'urgence maintenant. Les marchés financiers ont réagi. Ils ont commencé à le faire en janvier. Ils continuent à réagir à ces annonces, et il est à peu près temps que la Chambre des communes en débatte dans un esprit démocratique et parlementaire.

 

. 1515 + -

Je fais valoir, pour les raisons susmentionnées, que ma demande de débat d'urgence est valable et que, en tant que parlementaires élus, nous devrions dans cette Chambre nous pencher sur cette question de la plus haute importance, d'une manière véritablement démocratique. Nous devons le faire, pour nos électeurs.

Le Président: Le député de Medecine Hat va présenter l'autre demande.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais en quelque sorte faire écho aux observations de mon collègue, le député néo-démocrate.

Je ferai observer que deux partis réclament la même chose. Je puis vous assurer, monsieur le Président, que nous n'avons rien comploté en ce sens. À mon avis, cela témoigne plutôt de l'inquiétude que les Canadiens manifestent devant la possibilité d'une fusion des banques qui, selon d'aucuns, est possible à cause de l'absence de politique à cet égard de la part du gouvernement.

Je tiens à rappeler que les Canadiens risquent de voir nos six grandes banques faire passer leur nombre à quatre, deux d'entre elles ayant alors les ressources nécessaires pour éclipser toute concurrence.

Mon collègue a souligné le fait que le gouvernement n'a prévu aucun plan face à cette problématique, se contentant de rappeler qu'un groupe de travail se penche sur la question, mais celui-ci ne fera pas connaître ses conclusions avant plusieurs mois.

Voilà qui nous préoccupe beaucoup parce qu'il y a un grand nombre d'actionnaires en présence et parce que les investisseurs internationaux surveillent de près la situation, tant et si bien que les banques auront les coudées franches pour en venir à un point où le gouvernement sera contraint de trancher en leur faveur, sans même avoir consulté adéquatement la population.

Voilà pourquoi je vous demande aussi d'examiner sérieusement notre requête au sujet de la tenue d'un débat d'urgence sur la question. Nous pensons que cette question préoccupe beaucoup les Canadiens, alors que le gouvernement n'a aucune politique à cet égard.

Le Président: Comme je l'ai dit tout à l'heure, les deux demandes sont réglementaires. Il ne s'agit pas de savoir si, oui ou non, il y a eu des discussions entre vos partis à ce sujet. Cela n'a rien à voir.

Selon moi, elles ne satisfont tout simplement pas aux exigences d'un débat d'urgence. Je ne dirai pas que l'on ne pourrait pas envisager une autre façon d'aborder le dossier. Qui sait, jeudi qui vient pourrait être l'occasion pour les députés de trouver un autre cadre qui leur permette de se faire entendre à ce sujet.

*  *  *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il y a eu des consultations entre les partis, et vous constaterez que la motion suivante recueille le consentement unanime. Je propose:  

    Que, nonobstant l'article 51 du Règlement, le premier représentant pour chaque parti reconnu lors du débat le mardi 21 avril 1998, conformément à l'article susmentionné, puisse prendre la parole pour un maximum de vingt minutes.

Le Président: Y a-t-il consentement unanime pour que la motion soit proposée?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LE NUNAVUT

 

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi sur le Nunavut et la Loi constitutionnelle de 1867, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à poursuivre mes observations sur le projet de loi et plus particulièrement sur la réforme du Sénat.

Depuis mon intervention de ce matin, deux choses intéressantes se sont produites. La première est qu'un député bloquiste est sorti de la Chambre avec son fauteuil. Je n'avais jamais vu cela. Pendant la campagne électorale, j'ai fait un discours expliquant à qui appartenaient ces fauteuils. J'y disais que certains députés pensent qu'ils sont leur propriété personnelle, mais je ne m'attendais vraiment pas à ce que ce soit pris au pied de la lettre.

Le deuxième incident est la déclaration que le député de Wentworth—Burlington a faite en vertu de l'article 31 du Règlement pour dénoncer mes observations sur le Sénat. Je comprends que le député soit en colère aujourd'hui. Un journal l'a confondu avec un sénateur du Nouveau-Brunswick qui porte le même nom. Dans certains pays, un membre de la Chambre basse serait flatté qu'on le prenne pour un sénateur, mais ce député-ci n'a ménagé aucun effort pour se dissocier du sénateur. Ce n'est qu'un autre argument en faveur d'une réforme du Sénat.

 

. 1520 + -

Lorsque nous nous sommes interrompus pour la période des questions, j'étais en train de faire part du projet de modification constitutionnelle du Parti réformiste, daté du 17 mai 1988, qui porte sur la réforme du Sénat. Je peux continuer de le lire. Toutefois, je demande à nouveau le consentement de la Chambre pour être dispensé d'avoir à le lire et pour qu'on le consigne dans le hansard comme lu. On pourrait ainsi épargner du temps.

Le Président: Normalement, nous ne poserions pas la même question, mais nous en sommes là. Le chef de l'opposition nous a fait part de l'objet de la motion qu'il veut présenter. A-t-il la permission de la Chambre de présenter sa motion?

Des voix: D'accord.

M. Peter Adams: Non.

M. Preston Manning: Je vais vous faire part du projet de modification constitutionnelle du 17 mai 1988. Je vais reprendre à partir de l'article 21.

    21. La Chambre haute, appelée le Sénat, constituée par l'article 17 de la présente loi, se composera de 108 membres, appelés sénateurs, choisis dans toutes les régions du Canada et élus selon les dispositions des articles 22 et 23.

    22. (1) Toutes les provinces du Canada ont, en tout temps, le droit d'être représentées au Sénat par dix sénateurs et le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont chacun le droit d'être représentés par quatre sénateurs.

    (2) Toutes les provinces qui pourraient être créées, aux termes des dispositions de la Constitution, après l'entrée en vigueur de cet article, ont, au moment de leur création et par la suite, le droit d'être représentées au Sénat par dix sénateurs.

    23. (1) Les sénateurs doivent être choisis par les habitants de chaque province et territoire à la suite d'élections populaires tenues dans tout le Canada, conformément aux dispositions de cet article.

    (2) Sauf dans les cas prévus au paragraphe 5, les sénateurs sont élus pour une période de six ans et sont admissibles à une réélection.

    (3) Les élections au Sénat doivent être tenues dans tout le Canada le dernier lundi d'octobre, tous les trois ans.

    (4) Les premières élections appelées ci-après «les élections initiales» seront tenues le dernier lundi d'octobre un an au moins et deux ans au plus après l'entrée en vigueur de cette disposition.

    (5) La moitié des sénateurs élus dans chaque province et territoire dans le cadre des élections initiales doivent être élus pour une période de trois ans et le reste des sénateurs élus au moment de ces élections initiales doivent être élus pour une période de six ans.

    (6) L'assemblée législative d'une province ou d'un territoire doit diviser la province ou le territoire en circonscriptions électorales sénatoriales, en tenant compte notamment des considérations géographiques, et déterminer le nombre de sénateurs devant être choisis pour chaque circonscription.

    (7) L'élection de sénateurs doit être basée sur le mode de scrutin à vote unique transférable.

    (8) L'assemblée législative d'une province ou d'un territoire doit adopter des lois en ce qui concerne la procédure d'élection des sénateurs à l'intérieur de cette province ou de ce territoire, le financement des élections, le financement des campagnes électorales et la nomination des candidats.

    (9) Le Parlement du Canada peut, sauf disposition contraire à l'article 8 de cette partie, adopter des lois en ce qui concerne la procédure d'élection des sénateurs.

    24. Toute personne peut être élue sénateur d'une province ou d'un territoire si:

      a) elle est citoyenne canadienne;

      b) elle a 18 ans au moment des élections;

      c) elle a résidé dans cette province ou dans ce territoire pour une période totale d'au moins cinq ans durant les dix années précédant immédiatement l'élection et si elle réside dans cette province ou ce territoire au moment des élections; et

      d) elle n'a pas siégé à la Chambre des communes ou à une autre assemblée législative durant l'année qui a précédé la date des élections.

    25. Un sénateur ne doit pas être un membre du conseil du gouverneur général, ou un administrateur, un agent ou un membre d'une société d'État, d'un office, d'une commission, d'un organisme ou d'un tribunal au niveau fédéral.

    26. (1) Si une vacance se produit au Sénat, au plus deux ans avant la date des élections, elle doit alors être comblée grâce à une élection partielle.

    (2) Le mandat d'un sénateur élu dans le cadre d'une élection partielle équivaut au reste du mandat du sénateur dont le siège est devenu vacant.

    27. Le Sénat a le pouvoir d'établir sa propre procédure pour l'élection du Président du Sénat et pour la conduite de ses travaux.

    28. (1) Les projets de loi proposés au Parlement, autres que les projets de loi de crédits et les projets de loi d'imposition, peuvent être présentés au départ au Sénat, aussi bien qu'à la Chambre des communes.

    (2) On ne doit pas considérer qu'un projet de loi est un projet de loi de crédits ou d'imposition du seul fait qu'il renferme des dispositions prévoyant l'imposition d'amendes ou d'autres sanctions pécuniaires ou exige le paiement de droits pour obtenir des permis ou des services.

    29. Un projet de loi considéré par le Président de la Chambre des communes et le Président du Sénat comme un projet de loi affectant des crédits dans le seul but d'assurer les services essentiels ordinaires du gouvernement dans une année doit être présenté au Sénat, mais n'a pas à être adopté par le Sénat.

    30. Le rejet au Sénat d'un projet de loi, d'une motion, d'une résolution provenant du gouvernement ne doit pas être considéré comme un vote de non confiance dans le gouvernement, exigeant la démission du gouvernement.

    31. (1) Lorsqu'un projet de loi adopté par la Chambre des communes et présenté au Sénat

      a) est rejeté par le Sénat ou

      b) n'a pas été finalement étudié par le Sénat et que pas moins de 60 jours se sont écoulés depuis la présentation du projet de loi au Sénat, dont au moins 45 jours de séance du Parlement, ou

      c) est amendé par le Sénat et que la Chambre des communes a dûment avisé le Sénat qu'elle n'approuve pas en totalité ou en partie les amendements apportés par le Sénat,

      le projet de loi, tel que présenté au Sénat, mais avec les amendements proposés par le Sénat et pouvant être approuvés par la Chambre des communes dans le cas d'un projet de loi auquel l'alinéa c) s'applique, peut être renvoyé par le Président de l'une ou l'autre assemblée au comité du rapprochement pour que ce dernier relève les différences et cherche un compromis mutuellement acceptable.

    (2) Un comité mixte permanent, connu sous le nom de comité du rapprochement et formé de dix sénateurs et de dix députés, est établi aux présentes aux fins du présent article.

    (3) Le Sénat et la Chambre des communes éliront parmi leurs membres les personnes qui feront partie du comité du rapprochement établi aux termes du présent article.

    (4) Le présent article s'appliquera également, avec les modifications qui s'imposent, aux projets de loi d'abord adoptés par le Sénat.

    32. (1) Aucune nomination au titre

      a) de juge de la Cour suprême du Canada;

      b) d'administrateur, de directeur ou de membre d'une société d'État, d'un office, d'une commission, d'un organisme ou d'un tribunal fédéral ayant une incidence régionale, y compris les organisations qui figurent à l'annexe,

      n'entrera en vigueur tant que cette nomination ne sera pas approuvée par le Sénat.

    (2) Si aucune action n'est prise par le Sénat dans un délai de 30 jours de séance suivant le renvoi d'une nomination au Sénat, la nomination sera approuvée d'office par le Sénat.

    (3) Le Président de la Chambre des communes et le Président du Sénat détermineront ensemble les sociétés d'État, les offices, les commissions, les organismes ou les tribunaux fédéraux qui, en plus de ceux qui figurent à l'annexe, ont une incidence régionale.

    2. La cinquième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867 est abrogée et remplacée par ce qui suit:

    SERMENT D'ALLÉGEANCE

 

. 1525 + -

Voici un serment d'allégeance modifié pour le Sénat:

    Je, ..., jure que je représenterai fidèlement les habitants du district électoral de ... qui m'ont élu pour les représenter au Sénat du Canada [ou, le cas échéant] que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth.

Suivront une déclaration des qualifications exigées, modifiée conformément à l'article 24, et une annexe s'établissant comme suit:

    Des sociétés d'État, des offices, des commissions, des organismes ou des tribunaux, par exemple:

      Administration de la voie maritime du Saint-Laurent

      Agence canadienne de développement international

      Air Canada

      Banque de développement du Canada

      Banque du Canada

      Commission canadienne du blé

      Commission nationale des libérations conditionnelles

      Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

      Office national de l'énergie

      Office national des transports du Canada

      Société canadienne des ports

      Société pour l'expansion des exportations

      Société Radio-Canada

Aux fins du compte rendu, nous avons donc lu cette modification constitutionnelle de 1988 visant à réformer le Sénat du Canada selon le principe du triple E.

Je ferai remarquer aux députés que cette modification prévoit un Sénat formé de 108 représentants élus, soit dix par province et quatre par territoire.

Au cours des audiences qui ont accompagné l'élaboration de cette modification, nous avons également constaté un appui considérable en faveur du principe voulant qu'il y ait de six à huit sénateurs par province et un sénateur par territoire, formant un Sénat plus petit, et il y a eu un vif débat pour déterminer s'il était préférable d'assurer l'égalité des provinces ou celle des régions.

Cette modification prévoit aussi que la moitié des sénateurs seront élus pour des mandats de trois à six ans par voie d'une élection au moyen d'un seul scrutin transférable.

La modification réformiste prévoyait en outre la division de chaque province et chaque territoire en districts sénatoriaux afin d'assurer une véritable représentation régionale et de veiller à ce que la Chambre haute ne soit pas un simple reflet de la Chambre basse.

La modification de 1988 exigeait en outre qu'un sénateur ne puisse détenir de poste au sein du Cabinet ni accepter d'autres nominations fédérales afin d'assurer une plus grande indépendance du Sénat à l'égard de la Chambre et à l'égard du cabinet du premier ministre.

La modification prévoyait également la tenue de votes libres au Sénat de sorte qu'il ne devienne pas une Chambre des partis, ce qui est devenu un des gros problèmes à la Chambre haute australienne, et stipulait que la défaite au Sénat d'un projet de loi, d'une motion ou d'une résolution d'initiative ministérielle ne constituait pas un vote de défiance envers le gouvernement capable d'en entraîner la démission.

La modification prévoyait que le Sénat et la Chambre étaient égaux quant à leurs pouvoirs, ce qui est en principe le cas actuellement. Elle prévoyait la création d'un comité de conciliation selon le modèle allemand pour résoudre les impasses.

De l'avis des réformistes de l'Ouest, si le Sénat aboutissait à une impasse sur une mesure comme la Loi sur l'administration du pétrole, qui constituait l'élément central du programme énergétique national, et ne pouvait trouver aucun moyen de concilier les intérêts contradictoires, il serait préférable, dans l'intérêt du Canada, qu'on n'adopte pas la loi plutôt que d'adopter une loi discriminatoire.

 

. 1530 + -

Finalement, la proposition de modification constitutionnelle de 1988 exigeait que les nominations à la Cour suprême du Canada ainsi qu'aux sociétés d'État, offices, commissions, organismes et tribunaux ayant une incidence régionale et énumérés dans une annexe soient confirmées par le Sénat réformé.

Pour reprendre notre histoire du chemin de la réforme du Sénat dans l'Ouest, encouragée par les initiatives en matière de réforme du Sénat entreprises par l'assemblée législative de l'Alberta et par le Parti réformiste, par le travail du comité canadien pour un Sénat triple E et par le travail de recherche de la Canada West Foundation, l'Alberta est passée au grand jalon suivant sur le chemin de l'Ouest vers la réforme du Sénat.

Il s'agit de l'élection de 1989 à un poste de sénateur pour l'Alberta, à laquelle on a persuadé plus de 600 000 Albertains de participer. Si quelqu'un croit qu'il est facile de persuader 600 000 personnes de faire ce qu'elles n'ont jamais fait auparavant, il ou elle devrait essayer. Lors de cette élection, le réformiste Stan Waters a obtenu plus de 257 000 voix et est devenu le premier candidat au Sénat de l'histoire du Canada à être démocratiquement choisi.

Je voudrais souligner qu'il a aussi obtenu le plus grand nombre de voix jamais obtenu par une personne élue au Parlement du Canada. Bien sûr, ce nombre était élevé parce que les élections touchaient toute la province. Cependant, 257 000 personnes ont déclaré que Stan Waters devrait siéger au Parlement du Canada. Huit mois plus tard, en juin 1990, un Brian Mulroney hésitant a finalement été persuadé d'accepter les résultats de cette élection démocratique et de nommer Stan Waters au Sénat du Canada.

Tous ces faits historiques, tous ces jalons sur la piste de l'Ouest vers la réforme du Sénat, sont rapportés en détail au chapitre 11 de mon livre de 1992, The New Canada. Je les rapporte ici simplement pour expliquer quelque chose de très simple et d'important, à savoir que la majeure partie des travaux préparatoires requis pour procéder à une réforme du Sénat orientée dans le sens d'une plus grande responsabilisation, d'une plus grande égalité et d'une plus grande efficacité ont déjà été faits.

J'irais jusqu'à dire que, ces 20 dernières années, l'ouest du Canada a déployé autant d'efforts pour la réforme du Sénat que le Québec pour la définition de ses revendications constitutionnelles. Cependant, nos efforts n'ont pas reçu le dixième de l'attention que les demandes constitutionnelles du Québec ont reçue. Pourquoi? Parce que nos efforts n'ont pas été doublés d'une menace de sécession. Il est temps que l'on accorde à nos demandes l'attention qu'elles méritent.

L'avenir immédiat nous offre l'occasion d'emprunter la voie de l'Ouest vers la réforme du Sénat et de créer au sein du Parlement national une Chambre responsable et efficace assurant une représentation régionale et une contribution régionale aux décisions et aux lois nationales.

Laissez-moi décrire la possibilité à exploiter, puis mettre au défi les sénateurs actuels, le premier ministre et le gouvernement fédéral et la Chambre de l'exploiter.

Sous la direction du premier ministre Klein, le gouvernement albertain est en train de remettre en vigueur sa Senatorial Selection Act. Il propose de tenir des élections sénatoriales cet automne, en même temps que les élections municipales en Alberta. Il propose d'élire deux sénateurs possibles, puis, dès qu'un poste de sénateur albertain se libérera, de demander au premier ministre de nommer un des sénateurs choisis démocratiquement.

En faisant cela, le premier ministre et le gouvernement de l'Alberta sont totalement en accord avec l'opinion publique albertaine sur ce sujet. À la fin de février, un sondage de la maison Environics West révélait que 91 p. 100 des Albertains interrogés veulent que le prochain sénateur albertain soit élu par tous les Albertains, comparativement à seulement 7 p. 100 qui ont dit préférer qu'il soit nommé par le premier ministre et 2 p. 100 qui n'avaient pas d'opinion. Les Albertains rejettent donc l'argumentation du ministre des Affaires intergouvernementales voulant qu'un Sénat élu et égal ne servirait pas les intérêts de l'Ouest.

Il y a trois mois, le ministre des Affaires intergouvernementales a soutenu qu'un Sénat où les provinces de l'Atlantique détiendraient 40 p. 100 des sièges dans le cas d'une représentation égale des provinces, ou même 20 p. 100 des sièges dans le cas d'une représentation égale des régions, pourrait facilement renverser et frustrer les défenseurs des intérêts de l'Alberta au Sénat, car, dans un tel Sénat, l'Alberta détiendrait au plus 10 p. 100 des sièges. Le ministre a dit ceci:

    Aujourd'hui, (ce déséquilibre) n'est pas importent parce que le Sénat (nommé) n'a pas beaucoup d'influence. Mais le jour où les sénateurs seront élus, ils voudront avoir de l'influence et la sous-représentation de l'Alberta posera alors un problème. (Les réformistes) doivent expliquer aux Albertains en quoi il serait bon que huit p. 100 des Canadiens (dans les provinces de l'Atlantique) détiennent 40 p. 100 des sièges.

 

. 1535 + -

Je ne doute pas que les députés voient la faille dans ce raisonnement. On peut se demander pourquoi cela s'est produit malgré toutes les discussions qui se sont tenues à ce sujet. Dans sa déclaration, le ministre confond représentation par province et représentation selon la population. Nous ne voulons pas obtenir l'égalité de représentation selon la population au Sénat. Nous voulons l'avoir à la Chambre des communes. Nous voulons avoir l'égalité de représentation par province à la Chambre haute, c'est tout.

J'ajouterai que les Albertains trouvent insultante l'insinuation selon laquelle ils n'auraient pas réfléchi assez à la question ou qu'ils ne savent où sont leurs propres intérêts. Les Albertains ne partagent pas l'opinion négative du ministre des Affaires intergouvernementales sur les intérêts régionaux du Canada atlantique. Les Albertains ne considèrent pas que le Canada atlantique sera toujours redevable au gouvernement fédéral ou dépendant de lui.

Les Albertains voient plutôt dans le Canada atlantique une région qui souffre de l'indifférence du gouvernement fédéral et du Canada central, à l'instar de l'Ouest du Canada. Les Albertains considèrent, par exemple, que le développement et l'expansion de l'industrie gazière et pétrolière de la côte est dans l'intérêt de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse. Les Albertains considèrent le Canada atlantique non pas comme un adversaire, mais comme un allié possible des provinces de l'Ouest dans la protection et la promotion du contrôle provincial des ressources naturelles. Les Albertains sont en faveur d'une représentation plus forte du Canada atlantique dans un Sénat réformé, pas plus faible.

En procédant à l'élection de deux sénateurs indépendants, les Albertains ont rejeté aussi l'argument voulant que l'élection en bonne et due forme des sénateurs ne convient pas et que la démocratisation du Sénat doit être reportée jusqu'à ce que la population appuie en majorité l'élection de tous les sénateurs.

Les Albertains estiment qu'une première étape, aussi modeste soit-elle, est préférable à l'immobilisme. Selon le proverbe, tout long voyage commence par un premier pas. C'est ainsi que l'élection d'un sénateur sera suivie par celle de deux, puis de trois sénateurs, jusqu'à ce que tous les sénateurs soient élus.

C'est ce qui s'est produit bien sûr aux États-Unis où, à une certaine époque, les sénateurs étaient nommés par les Parlements des États, jusqu'à ce que l'État de l'Oregon décide d'élire ses sénateurs en 1907. Pendant une courte période, le Sénat américain a été composé de sénateurs élus démocratiquement et de sénateurs nommés. Les Américains devaient rapidement se montrer davantage favorables à l'élection des sénateurs plutôt qu'à leur nomination. En 1913, la Constitution des États-Unis a été modifiée pour prévoir l'établissement d'un Sénat uniquement composé de sénateurs élus démocratiquement.

C'est pourquoi j'ai écrit à chacun des premiers ministres provinciaux en février pour les informer des vacances qui se créeront au Sénat pour leur province dans un proche avenir. J'exhorte chaque province à adopter ses propres dispositions législatives sur la sélection des sénateurs. Si le gouvernement fédéral continue de faire traîner en longueur la démocratisation du Sénat comme toutes les autres réformes proposées aux institutions fédérales, les provinces doivent alors prendre l'initiative.

En procédant à une élection sénatoriale cet automne, l'Alberta rejette aussi un argument lamentable, voire risible avancé par le premier ministre du Canada, celui selon lequel l'élection de sénateurs ayant des comptes à rendre à la population entravera toute autre réforme sénatoriale, notamment celle visant un Sénat égal.

Depuis 131 ans, le Sénat est la chasse gardée de sénateurs nommés qui se sont opposés à toute proposition de réforme importante. Il est difficile de faire pire. Les sénateurs se sont opposés à toute proposition visant à améliorer l'efficacité de cette institution, son obligation de rendre compte et son caractère égal. On peut difficilement trouver un Sénat qui oppose une plus grande résistance aux réformes qu'une institution sénatoriale dont les membres sont nommés, à plus forte raison lorsque le premier ministre, qui dit avoir à coeur la réforme du Sénat, trouve systématiquement des excuses pour ne pas le réformer.

Le premier ministre prétend que la tenue d'une élection n'est pas une bonne idée, car elle nuira à l'égalité. Il dit qu'il sera difficile d'arriver à un Sénat égal, car l'Ontario et le Québec n'accepteront jamais cela. Le Sénat ne saurait être efficace s'il n'a pas de comptes à rendre et s'il n'est pas égal. On tourne en rond. Le moment n'est pas opportun pour procéder à une réforme du Sénat, les propositions ne sont pas acceptables, le contexte provincial s'y prête mal, le climat fédéral n'est pas propice et l'on n'est pas à la bonne étape du cycle lunaire. Des excuses, des excuses et encore des excuses!

L'opposition officielle estime que le temps des fausses excuses est maintenant révolu. Le moment est venu de faire preuve de leadership et d'agir.

 

. 1540 + -

Je voudrais terminer cette présentation sur les raisons de procéder à un réforme du Sénat en lançant un défi à cette législature et au gouvernement fédéral.

Passons tout d'abord aux sénateurs actuels que je divise en deux catégories, les sénateurs distingués et les autres. À ces derniers je dis vous vous connaissez, vos collègues vous connaissent et, si nous pouvons y voir, la presse et le public vous connaîtront. À ces sénateurs qui discréditent le Sénat par leurs contacts politiques, leur comportement contraire à l'éthique, leur faible participation, leur paresse ou leur cupidité, l'abus de leur privilège de voyage et de dépense, leur utilisation abusive des privilèges à des fins partisanes, l'absence de responsabilité financière, leur refus de représenter les opinions et aspirations de leur région, à ces sénateurs nous ne demandons qu'une chose. Démissionnez. Démissionnez avant que le Sénat ne soit totalement discrédité et que vous ne soyez expulsés avec armes et bagages par les abolitionnistes.

Lors d'une des réunions publiques que nous avons eues il y a quelques années au sujet de la modification du Sénat, je pense que c'était dans la région de la rivière de la Paix, en Colombie-Britannique ou en Alberta, lorsque nous en sommes venus à la réforme du Sénat quelqu'un a demandé ce que l'on ferait des sénateurs laissés pour compte. À cause des règles de cette Chambre et en présence de chastes oreilles, je ne peux pas répéter toutes les suggestions qui ont été faites. Tout ce que je peux dire, c'est que la plus charitable était de donner l'immunité contre toute poursuite aux sénateurs qui partiraient sans faire de bruit. C'était la suggestion la plus polie.

Je voudrais dire un mot particulier au sénateur conservateur de l'Alberta dont la réputation, comme il le sait et d'autres personnes le savent, a été ternie dès le départ lorsqu'il a accepté de se faire donner par Brian Mulroney le siège au Sénat que les Albertains avaient confié, à la suite d'une élection démocratique, au sénateur réformiste Stan Waters.

À la fin de février, lorsque le sénateur Ghitter a été persuadé que l'Alberta ne procéderait pas à une élection au Sénat, il a offert de démissionner pour laisser la place à un sénateur élu, si le premier ministre était prêt à nommer un sénateur ainsi. Maintenant que l'Alberta procède à une élection au Sénat, nous mettons au défi ce sénateur de donner suite à son offre sans condition. Nous l'invitons à démissionner et à se présenter à l'élection en Alberta, si les conservateurs veulent de lui, et à se joindre aux Albertains pour mettre au défi le premier ministre de nommer le gagnant de cette élection.

Aux autres éminents sénateurs qui se distinguent, et dont je reconnais l'existence et les diverses contributions, j'offre un défi différent. Présentez-vous clairement aux députés mais surtout, aux médias et à la population, comme des champions de la réforme du Sénat à partir de l'intérieur. Ne vous contentez pas de parler de la nécessité d'une réforme du Sénat de façon générale. Faites quelque chose. Parrainez un débat vraiment ouvert sur une véritable réforme du Sénat.

Répondez aux soupçons et aux accusations d'une population impatiente au sujet des débuts douteux, des écarts quant aux principes, du népotisme, de l'esprit de parti excessif, des coûts excessifs, de l'absence de reddition de comptes, de l'inégalité et de l'inefficacité du Sénat sous sa forme actuelle. Ne répondez pas à ces accusations et à ces soupçons en faisant des dénégations que personne ne croira ou en protestant de votre innocence, mais en vous dissociant publiquement de ceux qui discréditent le Sénat, en déclarant de façon concrète que vous êtes en faveur d'une réforme du Sénat.

Prenez des mesures disciplinaires contre ceux parmi vous dont les activités discréditent tout le Sénat et qui, en abusant de leur charge publique et de la confiance de la population, pourraient bien entraîner l'effondrement du Sénat.

Parrainez votre propre projet de loi sur la réforme du Sénat pour que nous, à la Chambre, et la population en général, puissions voir votre position sur les demandes concernant l'égalité, l'obligation de rendre des comptes, l'efficacité et les autres réformes nécessaires pour faire du Sénat une institution répondant aux besoins du XXIe siècle.

Le Sénat est souvent décrit comme une Chambre de réflexion. On a fait beaucoup de blagues à ce sujet. Cela me rappelle la parabole du Nouveau Testament où on parle de verser le vin nouveau dans de vieilles bouteilles, qui s'applique en ce qui concerne la réforme des institutions, aussi bien politiques que religieuses.

Le vignoble politique au Canada produit un nouveau vin, soit des demandes pour une plus grande reddition de comptes, une plus grande efficacité et un respect de l'égalité dans toutes nos institutions fédérales. C'est un produit fort qu'on ne devrait pas rejeter tout simplement parce qu'il est nouveau ou aigre, mais qui doit être entreposé aux bons endroits pour qu'il se veloute et qu'on puisse s'en servir maintenant et à l'avenir.

Comme c'est toujours le cas lorsqu'il y a opposition entre le vieux vin et le vin nouveau, certains vont prétendre que le vieux vin est meilleur et que la bouteille de vieux vin est préférable à la nouvelle. Comme c'est souvent le cas, ce sont les meilleurs représentants de la vieille cuvée et non les pires qui constituent le plus grand obstacle à la production, à l'entreposage et à la consommation d'un nouveau vin.

 

. 1545 + -

Chaque fois qu'il y a affrontement entre les défenseurs des institutions telles qu'elles sont et ceux qui en prônent la réorganisation, entre les défenseurs du statu quo et les tenants de la réforme, le principal obstacle au changement ne se trouve jamais dans les protestations des pires représentants du statu quo. C'est plutôt l'indifférence ou les objections des représentants les plus compétents et distingués de l'ordre établi qui sont le principal obstacle au changement et à la réforme.

La population s'y attend et ne s'étonne pas lorsque les personnes nommées par favoritisme au Sénat s'opposent à nos efforts pour mettre un terme à ce système de nomination, lorsque des sénateurs soupçonnés de manquement à l'éthique ou d'actes illégaux s'insurgent quand nous voulons les obliger à rendre des comptes, ou lorsque des sénateurs qui considèrent le Sénat comme un prolongement de leur parti veulent contrer notre insistance à faire de la Chambre haute un représentant efficace des régions. La population s'attend à ce que de tels sénateurs soient contre une véritable réforme du Sénat, et cela n'étonne personne.

Lorsque les sénateurs les plus compétents et les plus distingués demeurent impassibles devant le statu quo, ou vont même jusqu'à défendre le statu quo et joindre les rangs des opposants à la réforme du Sénat, leur attitude retarde et empêche une authentique réforme du Sénat et contribue à une détérioration plutôt qu'à une amélioration des choses. C'est pourquoi je mets au défi les représentants les plus compétents et distingués du Sénat, non seulement à parler mais à agir clairement et efficacement en faveur de la réforme du Sénat. Lorsqu'ils le feront, ils trouveront des alliés à la Chambre des communes, en particulier dans les rangs de l'opposition officielle.

Je lance également un défi au gouvernement fédéral, au ministre des Affaires intergouvernementales et à tous les autres ministres et députés qui s'intéressent à l'unité nationale. Regardez et appuyez la réforme du Sénat pour ce qu'elle est, c'est-à-dire non pas un projet marginal, mais un moyen de répondre aux aspirations et préoccupations des régions par le truchement d'une institution nationale, des préoccupations et aspirations qui, si elles ne sont pas reconnues, défendues et satisfaites de façon concrète, pourront finir par nuire autant à l'unité de la fédération que tous les griefs actuels du Québec.

Nous n'attendons pas grand-chose du premier ministre. Nous n'anticipons pas de réformes importantes de la part d'un premier ministre qui croit que le statu quo est suffisant.

En ce qui concerne la réforme du Sénat, nous demandons une toute petite chose au gouvernement: qu'il accepte de nommer au Sénat le prochain sénateur élu en Alberta dès qu'il y aura une vacance de siège de sénateur pour cette province. Même Brian Mulroney avait fini par se plier à la volonté populaire en nommant Stan Waters au Sénat. Le premier ministre peut certainement en faire autant.

Enfin, je lance un défi aux députés: je les invite à appuyer sans réserve une réforme authentique du Sénat dès la trente-sixième législature, même si je sais bien que cela ne se fera pas tant que la Chambre ne comptera pas au moins 150 députés favorables à cet objectif.

Tout ce que je demande à la Chambre aujourd'hui, c'est de poser un geste symbolique en faveur de la réforme du Sénat, mais un geste qui serait bien reçu de la population du Nunavut et qui encouragerait les tenants de la réforme du Sénat dans toutes les régions du Canada. Je demande aux députés d'appuyer un simple amendement au projet de loi sur le Nunavut à l'étude, amendement qui sera proposé par un de mes collègues à l'étape du rapport. Cet amendement propose qu'avant de nommer un sénateur pour le Nunavut, la population du Nunavut soit consultée par référendum au moyen de la question suivante: À votre avis, le premier sénateur du Nunavut devrait-il être choisi par le premier ministre ou élu par la population du Nunavut?

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, à titre de deuxième parti d'opposition, le Bloc québécois ne disposera pas d'autant de temps de parole qu'en a eu le chef de l'opposition qui, selon mes calculs, a parlé au-delà de deux heures.

Je veux attirer l'attention du chef de l'opposition officielle sur le fait que pendant ces deux heures, il n'a pas prononcé une seule fois, à ma connaissance, le mot «inuit». Je trouve cela totalement déplorable que dans un débat aussi important qui a trait à l'un des plus grands peuples au Canada, les Inuits, le chef de l'opposition fasse une sortie en règle sur le Sénat pendant deux heures et qu'il ne parle presque pas de ce peuple.

 

. 1550 + -

Le Parti réformiste fait la démonstration, depuis quelques semaines, que ce n'est pas lui qui devrait former l'opposition officielle sur la question autochtone, mais bien le Bloc québécois.

Il y a des exemples. Avant la période de relâche, le Parti réformiste s'est attaqué à la communauté des Stoneys, et c'était quelque chose d'assez majeur, soit la mort de femme et d'enfant. Plutôt que de traiter de ce problème, le Parti réformiste s'est attaqué à la question économique uniquement. Le chef des Premières Nations a même fait une sortie en règle en disant que ce n'était pas correct. Et là, que fait le Parti réformiste en plus? Il décidera probablement de poursuivre le chef des Premières Nations.

Dans ce contexte, je répète que le Bloc québécois ouvre très grands les bras aux autochtones du Canada, aux Inuits du Canada ainsi qu'aux Métis pour leur dire que s'ils ont des revendications spécifiques à faire, ils devraient s'adresser au Bloc québécois et aux autres partis plutôt qu'à l'opposition officielle.

Le chef de l'opposition officielle vient de faire une démonstration claire que les questions autochtones ne l'intéressent pas, sauf pour faire de la petite politique et sauter, comme aujourd'hui, sur des arguments comme le Sénat ou, par le passé, l'économie dans les réserves autochtones, plutôt que la question fondamentale des autochtones.

Je me devais de faire cette mise au point.

Je vais maintenant en venir au projet de loi qui est devant nous. À partir du 1er avril 1999, la carte du Canada va être substantiellement modifiée, parce qu'on va procéder à la création d'un immense territoire au Canada qui sera sous la juridiction d'une assemblée législative où, forcément, beaucoup d'Inuits occuperont des sièges décisionnels. Je dis forcément, parce qu'actuellement, sur ce territoire, 80 p. 100 des habitants qui y résident sont des Inuits et 20 p. 100 sont des non-autochtones.

Donc, forcément, on pense que cela va se refléter dans les structures décisionnelles de ce nouveau territoire et les Inuits vont vraiment, pour une fois, se voir accorder le pouvoir de décider par eux-mêmes de beaucoup de questions qui ont toujours été très importantes pour eux.

Je rappelle aussi que depuis l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération, en 1949—inutile de rappeler que cela a pris deux référendums pour les accueillir—c'est la première fois qu'on procède à l'instauration d'un territoire aussi important et avec autant de responsabilités du côté de l'autonomie gouvernementale.

Le Nunavut, cela veut dire quelque chose. J'ai déjà expliqué aussi où étaient situés l'ensemble des territoires géographiquement. Chaque fois que j'ai l'opportunité de faire un discours, j'aime bien situer géographiquement à quel endroit est le nouveau territoire.

Ce territoire, auquel on va donner la possibilité d'être créé le 1er avril 1999 en vertu du projet de loi à l'étude, est un immense territoire de 1,9 million de kilomètres carrés. Je n'ai pas fait l'approximation, mais il y a 17 000 Inuits qui vivent là. Cela ne fait pas beaucoup d'habitants au kilomètre carré. C'est une vaste étendue qui sera maintenant sous la juridiction des Inuits.

Comme je le disais plus tôt, ils représentent 80 p. 100 de la population. Les autres 20 p. 100 de la population ne seront pas mis de côté. Les gens pourront naturellement concourir; ce se fera au suffrage universel. Je pense cependant que 80 p. 100 des postes qui seront occupés à l'assemblée législative devront forcément l'être par les Inuits.

J'ai eu l'occasion de me rendre à quelques reprises dans le Nunavut. Nous, les parlementaires, avons souvent tendance à nous rendre dans la capitale des territoires ou la capitale des provinces, et cela a été mon cas. Je me suis rendu deux fois à Iqaluit. La première fois que j'y suis allé, je venais d'être élu, en 1993, et, à l'époque, le premier ministre avait décidé que la session commencerait uniquement au mois de février et j'en avais profité pour aller dans le Grand-Nord.

J'ai une façon spéciale de visiter les endroits. Souvent, la première journée, je vais tout simplement me promener dans le village et je discute avec les gens. Je me nomme rarement. Je ne dis pas aux gens que je suis un député du Parlement. Je constate alors avec un peu plus de précision le type de vie que l'on mène à cet endroit.

C'est difficile de vivre dans le Grand-Nord. C'était d'autant plus difficile que les décisions les concernant étaient souvent prises à Ottawa.

 

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Avec ce qu'on présente aujourd'hui, on va changer cette dynamique pour faire en sorte que le pouvoir soit dévolu vers ces gens, eux qui connaissent leurs besoins spécifiques. Quand on regarde la superficie de la région, on s'aperçoit que les besoins sont nombreux. Il y a des besoins en matière d'infrastructure, de communication et d'éducation.

Je rappelle que souvent, les programmes d'éducation étaient élaborés ici à Ottawa, envoyés dans les Territoires du Nord-Ouest et les gens devaient se plier à des modalités dans les domaines de l'éducation, de la santé et du développement économique. Toutes les décisions étaient prises à Ottawa. Donc, ce sera un changement extrêmement important pour eux.

Ce qui me frappait aussi lors de mes voyages était l'accueil des Inuits. Ce sont des gens très ouverts et très enclins à la discussion. On a eu énormément de plaisir, autant à l'endroit où je logeais que dans les différents bars ou dans les différents lieux de décisions à Iqaluit.

C'est un peuple pour lequel j'ai beaucoup d'admiration, parce qu'il faut se rappeler que ces gens occupent ce territoire depuis des temps immémoriaux. Bien avant l'arrivée de Christophe Colomb, de Jacques Cartier et d'autres découvreurs européens, les Inuits étaient déjà installés avec leurs propres régimes politique et culturel ainsi que tout l'aspect sociétal qui entourait leur présence sur le territoire.

Une chose qui m'a aussi frappé à l'époque, et j'en ai fait un petit cheval de bataille éventuellement, était le prix de la nourriture dans cette région. Je trouvais ces prix disproportionnés. Je vais livrer des statistiques plus tard à ce sujet. Celle qui est la plus alarmante pour moi est le fait que 50 à 80 p. 100 des gens sont sans emploi. À ma grande surprise, j'ai constaté que la nourriture était deux fois plus chère à Iqaluit que dans la région de Montréal, par exemple.

Donc, ces gens font face à des situations extrêmement difficiles. Le fait de reconnaître aujourd'hui qu'ils pourront maintenant prendre en main leur propre destinée et voler de leurs propres ailes me plaît énormément. Je pense que c'était un besoin fondamental pour eux.

Il y a beaucoup de discussions actuellement. On veut créer l'assemblée législative avant l'entrée en vigueur du nouveau territoire, le 1er avril 1999. Mais je rappelle encore une fois qu'il y a une spécificité dans le Nunavut. La preuve est qu'on a même jonglé avec l'idée que la moitié des sièges à l'assemblée législative pourraient peut-être un jour être occupés par des femmes. Le respect qu'on doit aux mères de famille et aux femmes en général est une préoccupation importante pour les nations autochtones. La question de la femme chez les Inuits et les autochtones est souvent beaucoup plus avancée que chez nous.

Le fait, d'ailleurs, qu'on jongle avec l'idée de faire un parlement ou une assemblée législative où 50 p. 100 des sièges seraient occupés par des femmes est quelque chose de très intéressant. Je pense qu'on aurait intérêt à étudier attentivement de quelle façon les gens en sont venus à l'idée de créer ce pourcentage pour les femmes dans une assemblée législative.

La capitale du Nunavut est Iqaluit. D'ailleurs, le comité pour la préparation de l'assemblée législative, dont je vais parler plus tard, avait une fonction importante qui était de recommander au gouvernement de tenir un référendum pour décider où serait la capitale du Nunavut, et c'est Iqaluit qui a été retenue lors du référendum.

Une chose à noter à Iqaluit aussi, et je me fais un devoir de le signaler, c'est que 10 p. 100 de la population de cette ville est francophone. Naturellement, l'inuktitut est la langue officielle du Nunavut et il y a des gens qui parlent anglais, donc le taux d'assimilation est quand même assez rapide.

Sans donner de conseils à la future assemblée, mais comme représentant du Bloc québécois et parlementaire francophone, j'apprécierais beaucoup qu'il y ait des dispositions qui pourraient faire en sorte que le français puisse être préservé parce qu'il est tout de même une des deux langues officielles reconnues au Canada. Il est évident que l'inuktitut va probablement être la langue des délibérations de l'assemblée législative.

 

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Je profite de l'occasion, alors que beaucoup de gens du Nunavut écoutent aujourd'hui les discours, pour leur spécifier que s'ils pouvaient faire des efforts pour préserver les droits des 10 p. 100 de francophones, ce serait un geste très intéressant.

Donc, le Nunavut représente le cinquième de toute la superficie du Canada et il se compose de trois régions: le Qikiqtaaluk, le Kivalik et le Kitikmeot. Ces trois régions regrouperont 28 communautés inuits qui fonctionnent un peu sur une base municipale. Ces communautés sont dirigées par des maires, alors que les réserves autochtones sont menées par des chefs. Ils ont une façon très spécifique de nommer, dans les réserves autochtones, le chef et le conseil de bande. Du côté des communautés inuits, c'est la grille municipale qui s'applique souvent relativement aux élections et on parle de maires des communautés plutôt que de chefs des communautés.

Le gouvernement du Nunavut permettra aux Inuits d'occuper la place qui leur revient depuis des temps immémoriaux. Je pense qu'il reflète aussi les aspirations des Inuits en ce qui a trait à l'autonomie gouvernementale. Ces gens ont discuté pendant près de 25 ans pour en arriver à ce qui se passe aujourd'hui.

J'avoue d'ailleurs que le Bloc québécois est très favorable au projet de loi. Il y a peut-être de petites choses qu'on pourra tenter de modifier, mais l'ensemble du projet de loi permet justement aux Inuits de se prendre en main. Alors, on sera forcément d'accord avec cela.

Au sujet de certaines statistiques, je disais plus tôt que 50 à 80 p. 100 des gens sont sans emploi. Je veux aussi rappeler que l'assemblée législative embauchera un certain nombre de fonctionnaires et c'est intéressant du côté du développement économique. Il faudrait peut-être les mettre en garde pour ne pas qu'ils se dotent d'une bureaucratie trop lourde, mais si le Canada peut donner des sommes d'argent pour la formation, ce sera fort intéressant de créer 600 ou 700 emplois pour des gens qui auront comme première fonction d'être fonctionnaire public de l'assemblée législative. Déjà là, je pense que c'est un effort qu'il faudra faire pour que cette formation puisse justement permettre à ces gens d'occuper des fonctions importantes dans la fonction publique de l'assemblée législative.

Une autre statistique intéressante qui n'est cependant pas différente des réserves autochtones, c'est que 60 p. 100 de leur population a moins de 25 ans, d'où l'importance de leur donner tous les instruments nécessaires afin de bâtir une fondation solide pour leur assemblée législative, ce qui leur permettra de bien maîtriser l'ensemble des programmes et de s'attarder à un sujet extrêmement important pour eux, comme sur les réserves indiennes, leur jeunesse.

Le taux démographique croît deux fois plus rapidement dans les populations autochtones et inuits que dans la population canadienne. On a donc un problème à long terme qu'il faut examiner. Je dis à long terme, mais cela commence déjà à se faire sentir dans les réserves et dans les villages. Il y a des pressions démographiques importantes, compte tenu de l'âge de la population et je pense qu'il faudra ouvrir l'oeil. L'assemblée législative sera probablement très au courant de ces statistiques et je suis certain qu'elle procédera aux mesures nécessaires pour bien contrôler la situation.

Ce qui est devant nous est finalement le plus important règlement de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale jamais intervenu au Canada. Je suis ici depuis 1993, et on se rappelle qu'il y a eu beaucoup d'ententes sur l'autonomie gouvernementale et de revendications territoriales, que ce soit au Yukon, dans le Sahtu, dans la vallée du Mackenzie, et autres. Cependant, ce ne fut jamais aussi important en termes de grandeur du territoire. C'est bien évident, puisqu'on parle de 28 communautés sur un territoire de 1,9 million de kilomètres carrés.

Il y a un problème du côté des communications. Nous verrons aussi que la philosophie qu'adopteront les Inuits concernant leur assemblée législative visera à décentraliser le plus possible. Les décisions venaient d'Ottawa auparavant. Alors, aujourd'hui, il ne faudra pas que l'ensemble des décisions viennent d'Iqaluit, mais les gens devront examiner la possibilité que certains pouvoirs soient dévolus au niveau des communautés pour permettre justement de briser l'isolement dans un territoire aussi vaste.

 

. 1605 + -

J'ai parlé plus tôt de la géographie du Nunavut. C'est une des quatre grandes régions, inuit principalement, qui sera la deuxième à être reconnue. L'Inuvialuit a déjà été reconnue dans la partie complètement à l'ouest du Canada. Celle-là se situera en plein milieu et va englober une large proportion, soit le cinquième du continent canadien. L'autre partie, le Nunavik, est toute la partie nord du Québec.

Je veux juste rappeler que le gouvernement du Québec, aussi, est en train d'ouvrir et d'intensifier les négociations concernant le Nunavik et les Inuits qui y demeurent. Je pense, et j'en suis même persuadé, que ce sera la troisième région qui sera reconnue au niveau de l'autonomie gouvernementale et des revendications au Québec, parce que la dernière région concernant les Inuits fut le Labrador. Là, les négociations piétinent. Cela n'avance pas très vite, alors qu'on va conclure du côté du Nunavut. C'est déjà conclu du côté ouest, du côté de l'Inuvialuit. Ce sera conclu bientôt, je l'espère, dans le Nunavik au nord du Québec, et probablement que les derniers à fermer la marche seront les gens du Labrador.

Le Nunavut est situé au centre et à l'est des Territoires du Nord-Ouest. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui va diviser l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest. La délimitation est déjà pas mal arrêtée. Il y aura une assemblée législative, qui est déjà présente dans les Territoires du Nord-Ouest, à Yellowknife, et il y aura donc une autre assemblée législative pour l'autre partie, soit l'ancienne partie est des Territoires du Nord-Ouest, où la capitale sera Iqaluit, comme je l'ai dit plus tôt.

C'est un territoire qui a beaucoup de plans d'eau. Il touche les rivières de l'océan Arctique. À l'est, il touche la baie de Baffin. D'ailleurs, la baie de Baffin sépare le territoire du Nunavut du Groenland et, soit dit en passant, cela ne veut pas dire que parce qu'il y a une séparation des territoires respectifs, il n'y a pas de contact. Je me dois de dire que les Inuits, depuis plusieurs années, ont mis sur pied ce qu'on appelle un cercle circumpolaire. Ce cercle est supranational. Naturellement, les Inuits de tout le Canada se parlent, mais ils vont aussi parler avec ceux du Groenland, avec ceux de Russie. C'est un instrument très important pour eux, un instrument international qui leur permet de mettre en valeur des revendications communes à tous.

Évidemment, l'aspect isolé, l'aspect polaire de ce territoire est déjà une spécificité dont il faut tenir compte. Je pense qu'il y a des interactions qu'il est important de contrôler avec d'autres pays. Je pense que le cercle circumpolaire accomplit parfaitement cette tâche.

Il y a peut-être un contentieux avec le Québec qu'il me faut mentionner. Je viens de décrire grosso modo la géographie du Nunavut qui est très étendue, je le répète. Cependant, autour de cette grande délimitation, on est allés chercher, pour les remettre au Nunavut, des îles appelées les îles Belcher qui se situent à quelques kilomètres des rives du Québec.

Je sais qu'il y a un contentieux avec le Québec. Je ne pense pas que le projet de loi qui est devant nous vise à le régler. Mais il m'apparaissait important de mettre de l'avant la position du Québec et de dire que le Québec revendique ces îles, car elles sont beaucoup plus près de son espace, de son territoire que du Nunavut.

Je caricature, mais grosso modo, on a délimité l'ensemble du territoire du Nunavut et beaucoup plus loin, on est allés récupérer deux îles. Je m'explique mal la logique de la revendication territoriale à ce niveau. Très certainement que le Québec n'a pas lancé la serviette à l'égard de ces îles et il y aura certainement d'autres discussions.

À part les îles Belcher qui peuvent être habitées par des Inuits, j'en conviens, mais des Inuits qui sont beaucoup plus près du Québec que du Nunavut, normalement, le territoire du Nunavut—à l'exception des îles Belcher—correspond probablement très exactement aux terres traditionnelles des Inuits qui vivent dans le Nord canadien et aux terres qui ont été habitées par leurs ancêtres depuis des temps immémoriaux.

 

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Je vais maintenant résumer l'essentiel du projet de loi. Ce projet de loi vise à assurer une transition harmonieuse et une dévolution des pouvoirs qui étaient tous concentrés à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Maintenant, il y aura une décentralisation de ces lieux de décision vers le Nunavut.

Ce projet de loi, dont le titre abrégé est la Loi sur le Nunavut, modifie la Loi concernant la création du territoire de Nunavut et l'organisation de son gouvernement. Cette loi existe déjà. Elle a été sanctionnée le 10 juin 1993 par les partis politiques du Parlement de l'époque.

Celle loi scellait aussi un accord. Souvent, avant un projet de loi, il y a des accords de principe, il y a un cheminement et, finalement, il y a un accord définitif qui, lui, va souvent nécessiter le dépôt d'un projet de loi. C'est ce que l'on est en train de faire. On l'a fait avec la Loi sur le Nunavut et maintenant, on va pousser un peu plus loin avec le projet de loi à l'étude aujourd'hui qui va appeler des modifications constitutionnelles, entre autres.

À l'époque, la Loi sur le Nunavut prévoyait le titre de propriété sur un territoire de 350 000 kilomètres carrés et des droits miniers aussi sur 35 257 kilomètres carrés. C'est important, parce qu'on a souvent des discussions ici sur les droits miniers. Jusqu'à maintenant, c'est le Canada qui exploitait, qui explorait et qui profitait de l'ensemble des droits miniers ou des droits pétroliers et très peu allait aux autochtones.

La Loi sur le Nunavut de l'époque, celle de 1993, donnait aux Inuits une possibilité d'autofinancement. Je pense qu'il faut encourager le mouvement. Il faut absolument briser la dépendance financière et politique, autant des autochtones que des Inuits, envers Ottawa. Je pense que la Loi sur le Nunavut de l'époque visait parfaitement la cible.

Cette loi prévoyait aussi les droits de chasse et de pêche sur le territoire. Chaque fois que j'ai l'occasion de faire un discours sur les affaires indiennes ou sur les Inuits, j'explique que c'est extrêmement important. C'est souvent la base même de leur économie, que ce soit le caribou, le phoque ou la baleine.

Ma collègue du Nunavut nous a invités l'autre jour; c'était lors d'une journée de festivités avec des danses et des repas traditionnels. Je me délecte toujours des repas traditionnels inuits, que ce soit le caribou congelé, le phoque ou l'Arctic char—j'en ignore la traduction—sont des mets absolument délicieux.

Donc, la chasse et la pêche sont au coeur même des activités là-bas. Quand 50 à 80 p. 100 de la population est sans emploi, cela devient presque des mets de subsistance. Plus tôt, j'expliquais aussi que le prix au grand marché est souvent deux fois plus cher que chez nous. Donc, ces gens-là doivent avoir recours à la chasse et à la pêche pour compléter, et je pense que le droit de chasse et de pêche est à la base même de la subsistance des familles inuits.

La loi prévoyait une partie des redevances pour l'exploitation du pétrole, du gaz et des ressources minières des terres de la Couronne, ainsi que le droit de refus prioritaire en ce qui a trait à l'exploitation sportive et commerciale des ressources renouvelables dans le territoire du Nunavut. Pour tout ce qui s'appelle gibier et poisson, la Loi de 1993 permettait à ces gens de dire: «C'est nous qui avons le dernier mot». C'est une sorte de droit de veto sur tout ce qui se passe sur le territoire justement pour assurer la subsistance des familles inuits.

Cela fixait aussi les cadres juridique et politique qui prévoient la création du nouveau territoire. Elle a aussi permis la mise sur pied de la fameuse commission que j'ai mentionnée plus tôt, la Commission d'établissement du Nunavut. Le mandat était de conseiller les gouvernements du Canada, des Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut Tunngavik Inc., qui sont les trois parties concernées par l'établissement du Nunavut.

On avait assisté à la création du Nunavut Tunngavik Inc. qui était un peu l'organisme chargé de gérer toute la question monétaire pour faire en sorte d'assurer un cheminement harmonieux jusqu'à l'établissement de l'assemblée législative et du nouveau territoire qui sera en vigueur le 1er avril 1999.

Qu'est-ce que la Commission a fait? Elle s'est penchée sur plusieurs aspects politiques et administratifs. Entre autres, elle s'est penchée sur le transfert des services du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest au nouveau gouvernement du Nunavut. Actuellement, le territoire du Nunavut est administré par Yellowknife, par les Territoires du Nord-Ouest.

 

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Donc, en prévision du moment où l'assemblée législative du nouveau territoire entrera en fonction, il faut préparer d'avance quels aspects des juridictions seront dévolus au nouveau territoire, ainsi que leur échéancier. Ces gens-là se sont donc attardés à ces tâches-là.

Je parlais plus tôt du financement et de l'élaboration des programmes de formation pour créer une fonction publique propre au Nunavut. Normalement, c'étaient les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien d'Ottawa qui règlaient la question des Inuits. Maintenant, à partir du moment où ils auront leur assemblée législative, ces gens-là devront avoir une fonction publique efficace.

Et justement, un des aspects pour développer économiquement la région sera qu'il y ait des gens dans une fonction publique qui auront un salaire respectable. Je parlais plus tôt de la création d'entre 600 et 700 emplois. Il faut d'ores et déjà consacrer des sommes d'argent à la formation de ces gens-là afin qu'ils soient en mesure, au moment de la prise de pouvoir, d'être fonctionnels immédiatement.

Naturellement, cette commission prépare aussi la tenue des élections du premier gouvernement et les besoins en matière d'infrastructures, qui sont immenses, compte tenu de l'isolement de la plupart de ces régions.

Il y a effectivement eu un référendum sur le choix de la capitale. Trois municipalités ont concouru: Iqaluit, Rankin Inlet et Cambridge Bay. Finalement, c'est Iqaluit qui l'a remporté et qui sera la capitale et le siège de la prochaine assemblée législative.

La commission recommandait aussi la nomination d'un commissaire provisoire au Nunavut et c'est notre ancien collègue, le prédécesseur de ma collègue ici, M. Jack Anawak, qui assure le poste de commissaire provisoire.

L'essentiel de l'ensemble des recommandations se retrouve dans le projet de loi à l'étude aujourd'hui. Plusieurs modifications seront apportées à la Loi sur le Nunavut, dont celles que je viens de mentionner. Le nouveau projet de loi viendra apporter certaines corrections à la Loi du Nunavut.

En 1993, la loi prévoyait que des élections auraient lieu après l'établissement du territoire. Ce n'est pas tout à fait logique non plus, parce que si le territoire est officiellement reconnu le 1er avril 1999, il faudra forcément avoir une assemblée législative qui sera prête à agir immédiatement.

Nous sommes en train de préparer, non seulement la fonction publique, mais aussi la nouvelle philosophie. On veut être prêts, le 1er avril 1999, à faire fonctionner l'assemblée législative. Plusieurs personnes disent actuellement qu'il sera difficile de tout condenser pour arriver à l'échéance, le 1er avril 1999, mais les détails que j'ai pour l'instant, c'est que tous les efforts sont consacrés pour que les gens, le 1er avril 1999, soient fonctionnels.

D'ailleurs, la tenue des élections est prévue avant le 1er avril 1999, justement pour qu'on ait une assemblée législative prête à la date que je viens d'indiquer. L'assemblée législative sera composée de 19 membres. Il y aura donc 19 circonscriptions électorales dans le Nunavut. J'estime que je suis très avantagé de représenter la circonscription électorale de Saint-Jean. Il me faut peut-être une demi-heure pour me rendre d'une extrémité à l'autre, disons une heure en tout pour faire le tour complet de ma circonscription.

Là-bas, après une heure d'avion, on n'a certainement pas encore été au bout de la circonscription électorale, parce que c'est un immense territoire. Je disais plus tôt que le territoire sera de 1,9 million de kilomètres carrés et il y aura 19 circonscriptions. Cela veut donc dire qu'il y a presque 100 000 kilomètres carrés par circonscription.

C'est extrêmement vaste comme circonscription. C'est pour cette raison d'ailleurs qu'il y a beaucoup de discussions en préparation du prochain parlement pour une décentralisation. On veut attribuer à chacune des 28 communautés un peu plus de pouvoirs pour qu'on n'ait pas à demander la permission à Iqaluit chaque fois qu'on a un geste à poser qui demande une certaine urgence, les gens étant en situation d'isolement.

D'ailleurs, les Inuits eux-mêmes le reconnaissent. Ils disent que leur gouvernement sera extrêmement décentralisé, mais il faudra attendre la fin des travaux de la commission et l'entrée en vigueur de la nouvelle assemblée pour constater jusqu'où ira cette décentralisation.

Beaucoup de ministères et d'organismes gouvernementaux seront établis dans les diverses communautés du territoire. On parle d'environ une vingtaine. Il y aura donc 28 communautés. On pourrait décentraliser des ministères et des organismes dans diverses municipalités pour faire en sorte que le pouvoir soit décentralisé au maximum.

 

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Un dernier détail sur la Loi du Nunavut est que les élections vont être fondées sur les lois électorales actuelles des Territoires du Nord-Ouest. La Loi électorale des Territoires du Nord-Ouest va être le modèle pour la prochaine élection de l'assemblée législative du Nunavut.

Une autre modification à la Loi des Territoires du Nord-Ouest sera d'ajuster le nombre de sièges requis à l'assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, parce qu'à partir du 1er avril 1999, ils perdront une partie de leur territoire. L'est sera sous l'égide de la nouvelle assemblée législative. Les Territoires du Nord-Ouest passeront de 15 à 14 sièges.

Le but du projet de loi est de modifier la Loi constitutionnelle de 1867 afin d'assurer une représentation du Nunavut à la Chambre des communes ainsi qu'au Sénat. On y retrouve certains problèmes. Contrairement au chef de l'opposition officielle, je ne vous entretiendrai pas pendant 35 minutes du Sénat et seulement cinq minutes des Inuits, mais je vais plutôt essayer de faire le contraire.

Du côté du Sénat, je dois quand même avouer qu'on a certaines réserves. Évidemment, dans le système actuel, il y a des sénateurs qui représentent certaines régions, et les députés du Bloc québécois seraient bien malvenus de dire au Nunavut de ne pas élire de sénateurs à cause de notre position sur le Sénat.

J'avoue qu'on a encore un peu de réflexion à faire. Tout le monde connaît, je pense, la position du Bloc québécois à l'égard du Sénat. On veut tout simplement son abolition. Alors, quand on parle d'ajouter un sénateur, on n'est pas tellement réceptifs, mais on ne veut pas non plus affubler le Nunavut d'iniquités et de dire que c'est la seule région qui ne pourrait avoir de sénateurs.

Je voulais quand même faire cette mise au point. On est en réflexion pour peut-être peaufiner un peu plus notre position. Mais pour l'instant, c'est un irritant pour nous. D'ailleurs, tout le Sénat l'est pour nous. On a passé une journée réservée à l'opposition officielle à démontrer l'inefficacité du Sénat et surtout son coût. Pour nous, le véritable pouvoir doit être aux élus et non à des sénateurs qui sont nommés.

Il y a peut-être d'autres façons de voir le Sénat, et le chef du Parti réformiste l'a démontré tantôt. Mais pour nous, si le Sénat était élu, cela pourrait causer d'autres problèmes. Qui, dans un territoire donné, va décider entre le sénateur et le député?

Alors, il y a beaucoup de problèmes et nous ne sommes pas allés par quatre chemins. Le Bloc québécois recommande tout simplement l'abolition du Sénat.

Il y a d'autres petites modifications. Le jour de la création du Nunavut, les lois et ordonnances prises par la législature des Territoires du Nord-Ouest deviendront des lois du Nunavut. Nous ne voulons pas qu'il y ait un vide juridique et politique. Au moment où le Nunavut sera créé, les gens vont tout simplement appliquer les lois qui étaient applicables dans les Territoires du Nord-Ouest, à Yellowknife.

De cette façon, nous sommes certains que ce ne sera pas le chahut le 2 avril 1999 et que les gens ne se retrouveront pas sans lois. Donc, pour éviter un vide juridique, la Loi des Territoires du Nord-Ouest s'appliquera au territoire du Nunavut. Les lois et ordonnances des Territoires du Nord-Ouest vont être le fondement législatif du Nunavut.

Le nouveau gouvernement sera doté de pouvoirs équivalents à ceux des gouvernements territoriaux existants. On prévoit que l'ensemble du transfert pourra être complété autour de l'an 2009. Il y a beaucoup de choses à transférer en matière de culture, de logement public, de santé, d'éducation et autres. Alors, il y a beaucoup de pain sur la planche. Je pense que les gens pourront quand même commencer à fonctionner le 1er avril 1999, mais il faut comprendre que cela prendra un certain temps pour que l'ensemble de la dévolution soit complétée.

Il y a également la question des baux passés avec le gouvernement fédéral pour l'administration du Nunavut. Ils vont être cédés, forcément, au territoire du Nunavut.

Quant au partage de l'actif et du passif des Territoires du Nord-Ouest avec le Nunavut, il n'y a pas d'ententes entre les deux territoires. Le gouverneur en conseil est investi du pouvoir de transférer la propriété de certains biens au Nunavut et de mettre fin à certains contrats fédéraux.

 

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Cela veut dire que le Conseil des ministres pourra, en attendant, procéder à certains transferts en espérant que tout arrivera pour le 1er avril 1999, sachant bien qu'on ne pourra tout faire. Ce sont les lois qui s'appliquaient aux Territoires du Nord-Ouest qui continueront d'être en vigueur jusqu'à ce que les gens soient complètement autonomes pour ce qui est de l'assemblée législative du Nunavut.

Les pouvoirs du commissaire provisoire seront clarifiés aussi. Actuellement, c'est quelqu'un qui recrute beaucoup de personnes pour la future fonction publique du Nunavut. Le commissaire provisoire, qui est notre ancien collègue, M. Anawak, travaille actuellement à trouver des gens compétents qui seront appelés à exercer des postes importants dans la future fonction publique.

Son mandat se terminera à la date à laquelle le premier commissaire officiel du Nunavut sera formellement nommé. C'est le Nunavut qui procédera par la suite à la nomination d'un commissaire qui ne sera plus provisoire et qui sera le commissaire affecté directement au Nunavut. D'ailleurs, M. Anawak doit nous écouter actuellement. Je tiens à le saluer, parce qu'il a été pendant neuf ans le député de Nunatsiaq, ici à la Chambre des communes, qui est aujourd'hui représenté par ma collègue d'en face.

Depuis avril 1996, pour ce qui est de la fonction publique du Nunavut et sa préparation, 39 millions de dollars ont déjà été investis pour former les fonctionnaires. Ils ont commencé à mettre en place le processus de recrutement de 600 à 700 fonctionnaires pour assumer les tâches administratives et exécutives du nouveau gouvernement.

La naissance des Territoires du Nord-Ouest et leur division en territoires distincts ne datent pas d'aujourd'hui. À l'origine, les Territoires occupaient une étendue beaucoup plus vaste connue sous le nom de terre de Rupert. Je pense que ce sont des choses qu'on peut voir encore dans des manuels de géographie.

Ce n'est donc pas d'hier qu'on parle de scinder le territoire en deux: l'est et l'ouest. D'ailleurs, les frontières actuelles des Territoires du Nord-Ouest ont été fixées en 1912, en même temps que celles du Manitoba, de l'Ontario et du Québec. C'est d'ailleurs à cette époque qu'on nous avait donné la pointe nord du Québec qu'on appellera éventuellement aussi le Nunavik et qui s'inscrira probablement dans la suite des prises d'autonomie gouvernementale de revendications territoriales des Inuits du Grand-Nord.

Jusqu'en 1950, c'est le gouvernement fédéral qui a administré les Territoires du Nord-Ouest. Il y avait un conseil territorial composé de membres nommés et présidé par un commissaire nommé et en poste à Ottawa. C'est Ottawa qui décidait qui était le fonctionnaire et qui était le commissaire. Il siégeait à Ottawa, il prenait d'ici les décisions concernant des territoires qui sont à des milliers de kilomètres.

Il y a donc tout un changement. Naturellement, on peut le caractériser comme cela: c'est l'ancêtre de l'assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest.

En terminant, fidèle à mon habitude, je veux faire une petite lecture en inuktitut et peut-être avoir les commentaires de ma collègue pour savoir si ma prononciation est bonne.

[Note de la rédaction: Le député s'est exprimé en inuktitut.]

[Français]

Comme je le disais en inuktitut, j'espère que le retour de ce projet de loi au menu législatif va pousser le ministère des Affaires indiennes ainsi que le gouvernement à agir pour réparer ses torts causés aux Inuits du Nunavut. J'espère que la création du Nunavut apportera l'harmonie et la prospérité au sein de vos communautés. Longue vie au Nunavut!

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Il est de mon devoir, conformément à l'article 38 du Règlement, de faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera au moment de l'ajournement ce soir, à savoir: l'honorable député de Halifax-Ouest, Les droits de la personne; l'honorable député de Regina—Lumsden—Lake Centre, L'Accord multilatéral sur l'investissement; l'honorable député de Sault Ste. Marie, La Loi sur les jeunes contrevenants; l'honorable député de Trois-Rivières, Le dragage du fleuve Saint-Laurent; et l'honorable député de Durham, L'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada.

 

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[Traduction]

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Madame la Présidente, je suis très heureux et honoré de pouvoir prendre la parole sur ce projet de loi historique, Loi modifiant la Loi sur le Nunavut et la Loi constitutionnelle de 1867.

J'ai entendu, plus tôt, le chef de l'opposition faire remarquer, au cours de son intervention, que le NPD avait une certaine position au sujet de la réforme du Sénat et que les députés de notre parti, surtout ceux de la région de l'Atlantique, devraient prendre note de ses sages propos. Le NPD a fait connaître sa position au sujet du Sénat. C'est sans équivoque et ça se trouve dans le hansard.

Comme mon collègue du Bloc, j'ai été passablement déçu d'entendre le chef de l'opposition consacrer deux heures à la réforme du Sénat, au moment où la Chambre est saisie de cette très importante mesure législative.

Ce projet de loi suscite passablement d'excitation. C'est un grand moment pour les habitants du Nunavut et les Inuit.

Il y a quelques semaines, j'ai eu l'honneur d'assister, avec quelques-uns de mes collègues, à une cérémonie célébrant la naissance du Nunavut. Devant la richesse culturelle déployée, la présentation d'aliments traditionnels et tout le reste, nous étions en mesure de constater toute l'excitation et tout l'espoir que suscite ce projet de loi. C'est là-dessus que nous devrions porter notre attention, aujourd'hui, sur les espoirs et les aspirations des habitants du Nord relativement à cette mesure, plutôt que de nous en servir comme d'un prétexte pour mettre en valeur des aspirations politiques concernant la réforme du Sénat.

Cette mesure législative permettrait la tenue des premières élections générales du Nunavut. En adoptant rapidement ce projet de loi, nous ferions en sorte que des élections puissent se tenir dans ce territoire afin que le Nunavut soit officiellement créé.

Je suis conscient que les dispositions du projet de loi C-39 sont le résultat de longues négociations et discussions entre le gouvernement fédéral, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et la Nunavut Tunngavik Incorporated.

La création du Nunavut et la consécration de l'autonomie gouvernementale grâce à la mise sur pied d'un gouvernement populaire dans ce nouveau territoire seront étroitement surveillées aux quatre coins du monde. Je dois admettre que mon inuktitut n'est pas aussi bon que celui du député qui m'a précédé. De Qurluqtuuq ou Coppermine à Qikiqtarjuaq, on s'intéressera de près, de par le monde, aux premières années de vie du Nunavut.

Avant que ce projet de loi ne soit renvoyé au comité, je félicite tous les Inuit qui ont travaillé et participé à cette initiative au cours des 22 dernières années et avant.

Jusqu'ici, le succès de cette initiative historique qu'est la création du Nunavut est attribuable en grande partie aux négociations sérieuses qui ont eu lieu entre les négociateurs inuit et les groupes autochtones établis le long du territoire qui deviendra le Nunavut. Le succès des négociations engagées avec les premières nations qui habitent le nord de la Saskatchewan et du Manitoba, les Denesulines, rejaillit sur tous les intéressés. En effet, bien que le 60e parallèle existe dans nos livres d'histoire et dans nos lois, il ne veut rien dire pour les Dénés qui habitent cette région. Le 60e parallèle ne veut rien dire non plus pour les caribous, les poissons et d'autres espèces de la faune qui se partagent cette région.

Le travail soigné de la Nunavut Tunngavik Inc., anciennement la Tunngavik Federation of Nunavut, témoigne de l'avenir prometteur qui marque la naissance de ce nouveau territoire.

Dans moins d'un an, le troisième territoire du Canada verra le jour grâce à l'adoption de la Loi sur le Nunavut, le 10 juin 1993. Au nom du chef de mon parti et de mes collègues du caucus, je désire exprimer mon appui au projet de loi à cette étape-ci, comme notre parti a appuyé la Loi sur le Nunavut en 1993.

Les amendements prévus dans le projet de loi permettront de tenir des élections avant le 1er avril 1999, date de la création du Nunavut. Avec l'adoption du projet de loi, une assemblée élue dirigera le Nunavut dès sa création. Il est très important que l'assemblée soit en place au moment de la création officielle du Nunavut.

 

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Les autres amendements prévus dans le projet de loi découlent de négociations prolongées et contribueront à assurer que la transition vers le Nunavut se fera sans heurts. Le commissaire provisoire dont on propose de créer le poste sera chargé de partager les éléments d'actif et de passif entre les gouvernements du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest. Le commissaire s'emploiera également à déterminer comment les lois des Territoires du Nord-Ouest s'appliqueront au Nunavut. De toute évidence, ces questions doivent être examinées attentivement en comité.

Le projet de loi clarifie également la responsabilité à l'égard des baux concernant le logement des employés et les locaux de l'administration. Ce projet de loi attribue également au Nunavut l'un des deux sièges anciennement attribués aux Territoires-du-Nord-Ouest et crée un siège au Sénat.

L'appui en faveur de ce projet de loi sera important pour promouvoir l'autonomie gouvernementale des autochtones dans cette région. Cette mesure législative conférera à la région des pouvoirs semblables à ceux d'une province, qui sont essentiels au développement du bien-être social, culturel, économique et politique des Inuit.

Le Nunavut mesure, comme nous l'avons entendu, 1,9 million de kilomètres carrés, à peu près un cinquième de la superficie du Canada, presque la taille du Groënland. C'est pour les Inuit une possibilité fantastique de gérer la faune et les ressources naturelles officiellement, en tant que gouvernement, eux qui les ont gérées pendant tant de millénaires avant la création du Canada. Cette mesure législative officialisera les droits inhérents des Inuit en ce qui concerne la pêche, la faune et les terres, des droits qui leur appartiennent depuis des temps immémoriaux.

Avec une population d'environ 24 600 habitants, les Inuit représentent les quatre cinquièmes des habitants de ce futur territoire. Les représentants élus pour présider à la création de ce nouveau territoire seraient tenus de rendre des comptes à un électorat en grande partie autochtone. L'entente de règlement de la revendication territoriale qui a été conclue reconnaît aux Inuit le droit sur un territoire de 350 000 kilomètres carrés et renferme des dispositions concernant la cogestion des ressources et le partage des revenus provenant de ces ressources.

Il est difficile pour beaucoup de Canadiens du Sud de comprendre la nature sociale et économique de la région appelée à devenir le Nunavut. Avec un litre de lait qui coûte environ 7 $ et un pain de 3 $, avec environ 20 kilomètres de route pavée sur près de deux millions de kilomètres carrés de terrain, les défis et les possibilités pour les électeurs du Nunavut et leurs familles sont uniques et exigent sans aucun doute leur propre gouvernement territorial.

Nunavut signifie «notre terre». Ce projet de loi permettrait de donner un sens à cette appellation. Ce nouveau territoire pourra travailler de concert avec les sociétés de développement autochtones, telles que la Nusai and Qikiqtaaluk Corporation, qui représentent les intérêts de l'industrie de la pêche à la crevette, du transport routier, et de l'industrie hôtelière.

Le gouvernement du Nunavut sera élu par tous les habitants du Nunavut, inuit et non inuit. Le gouvernement élu sera responsable devant tous les citoyens du territoire. Petit à petit, après les premières élections et la création officielle du territoire, en avril prochain, le gouvernement du Nunavut assumera les responsabilités détenues en ce moment par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest; le transfert des programmes tels que la culture, le logement social, et les soins de santé devrait être achevé d'ici l'an 2009

Bien que la coopération entre le gouvernement fédéral, la Nunavut Tunngavik et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest soit remarquable, elle fait d'autant plus ressortir les échecs lamentables du présent gouvernement dans de nombreux secteurs relatifs à l'autonomie gouvernementale des autochtones.

Le gouvernement libéral devrait tirer les leçons du succès relatif de la création du Nunavut et les appliquer aux autres peuples autochtones du pays. Le gouvernement devrait prendre les devants au lieu d'attendre que ce soit des recours en justice coûteux et conflictuels qui déterminent le cours de l'histoire de nos relations avec les peuples autochtones.

L'affaire Delgamuukw est un excellent exemple. Il est étonnant que le gouvernement puisse, d'une part, prendre des mesures positives menant à la création du territoire du Nunavut et, d'autre part, échouer si lamentablement en ne donnant pas suite, de manière cohérente, à la Commission royale sur les peuples autochtones.

 

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Comme je le disais plus tôt dans mon intervention, le gouvernement a réussi à mener des négociations fructueuses avec la Nunavut Tunngavik, l'organisme qui représente les Inuit du Nunavut et qui négocie en leur nom. Pourquoi le gouvernement ne s'inspire-t-il pas de ce modèle pour négocier l'autonomie gouvernementale?

Dans la récente décision Delgamuukw, la Cour suprême a encouragé le gouvernement à cesser de s'en remettre aux tribunaux et de négocier dans l'esprit de l'autonomie gouvernementale reconnue dans la Loi constitutionnelle.

L'une des questions qu'il faudra continuer à travailler à l'avenir, et qui n'est pas couverte par le projet de loi, est celle du système judiciaire. La présente mesure législative ne renferme aucun engagement à mettre sur pied des tribunaux communautaires et à reconnaître le rôle de la justice autochtone. Cette omission flagrante mérite une attention sérieuse dans les mois à venir. Ce projet de loi établirait la Cour suprême et la Cour d'appel du Nunavut, mais il passe entièrement sous silence la question du traitement des autochtones par le système judiciaire et ce silence condamne les Inuit à conserver les arrangements actuellement en vigueur.

En outre, la question du statut du Nunavut dans la Charte canadienne demeure entière. Bien que cette mesure législative permettrait au nouveau commissaire intérimaire de signer des contrats de travail officiels avec les employés du futur gouvernement du Nunavut et de dépasser l'étape du recrutement, on doit se pencher sérieusement sur toute la question de la formation et du perfectionnement du personnel. La Commission royale sur les peuples autochtones a affirmé:

    Un des grands objectifs est de faire en sorte que les Inuit, qui forment la majorité de la population, puissent occuper les postes de leurs propres institutions. On ne saurait surestimer l'importance de l'éducation et de la formation pour l'autodétermination.

On doit mettre au point des systèmes pour assurer que les Inuit obtiendront la formation dont ils ont besoin pour pouvoir participer à tous les aspects de l'élaboration de politiques, de la gestion et du fonctionnement des institutions administratives, culturelles, économiques et autres mises sur pied. Vu que bon nombre des nouveaux emplois créés exigeront, selon la commission, une instruction postsecondaire, il est inquiétant de constater que le gouvernement ne s'est pas préoccupé du fait que moins de un pour cent de la population autochtone possède un diplôme universitaire.

Le défi qui se pose pour tous est de voir à ce que l'éducation soit accessible, particulièrement dans les domaines de la comptabilité, de la gestion financière, du développement organisationnel, de la planification et du développement des entreprises. La documentation et les programmes d'éducation publique doivent être mis au point en collaboration avec les peuples autochtones pour garantir que tous comprennent bien les changements importants qui toucheront la structure et les responsabilités du gouvernement des terres qui deviendront le territoire du Nunavut et que tous soient en mesure d'y contribuer.

Alors que la population minoritaire du Nunavut est omniprésente dans l'administration territoriale, le défi est de voir comment la culture majoritaire peut se marier avec la culture de la minorité, comme le suggère la Commission royale sur les peuples autochtones.

Une fois de plus, je félicite les Inuit qui ont participé à tous les aspects des négociations qui ont conduit à ce projet de loi et à la création du Nunavut. Comme je l'ai dit au début, il y a beaucoup d'enthousiasme à ce sujet. Au moment où je vous parle, je pense qu'il existe sur Internet une page parrainée par une école du Nunavut. Elle contient un compte à rebours qui conduira au jour de la naissance du Nunavut. Ce n'est pas un compte à rebours en jours, mais en secondes. Cela témoigne de l'excitation que suscite cet événement.

Cela ne touche pas seulement les principaux négociateurs, mais tout le monde, à tous les niveaux et surtout les familles de ceux qui ont participé au processus, car elles ont dû supporter de longues absences du foyer.

Les Canadiens ont une dette envers les Denesuline et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pour avoir supporté les interminables négociations qui ont conduit à ce résultat. Les efforts de la ministre et de son personnel, ainsi que de toute l'administration fédérale qui a fait preuve de bonne volonté et a travaillé à la construction du Nunavut, méritent des félicitations.

J'ai hâte de participer à l'examen détaillé de ce projet de loi dans les jours et les semaines à venir.

M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Madame la Présidente, je suis très heureux d'aborder brièvement le projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi sur le Nunavut et la Loi constitutionnelle de 1867. Mon collègue de South Shore est le porte-parole de notre parti en matière d'affaires indiennes et du Nord canadien, mais il ne peut être parmi nous aujourd'hui. Comme il arrivera un peu en retard, il m'a demandé de dire quelques mots en son nom.

 

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Le 1er avril 1999, nous assisterons à un événement véritablement historique, la création d'un nouveau territoire dans le nord-est et le centre du Canada. Ainsi verra le jour le Nunavut en tant que territoire distinct, qui se détachera des Territoires du Nord-Ouest. Cet événement se produira environ 50 ans après une autre grande page de l'histoire du Canada, l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération.

Permettez-moi de rappeler brièvement les événements qui ont mené à ce moment capital de notre histoire, la création d'un nouveau territoire dans le nord qui s'appellera le Nunavut. Il aura fallu beaucoup de temps pour mener ce projet à terme et la route aura été jonchée d'embûches.

La première tentative pour diviser les Territoires du Nord-Ouest en deux régions remonte à 1965 et a été menée par des représentants de l'ouest des Territoires du Nord-Ouest. À l'époque, le projet de loi est mort au Feuilleton. Par la suite, le rapport Carrothers, diffusé en 1966, concluait que la division des Territoires du Nord-Ouest ne serait pas, du moins pour le moment, avantageux pour les Inuit vivant pour la plupart dans l'est de cette région. Le rapport contenait plutôt un certain nombre de recommandations, y compris la création de circonscriptions électorales dans l'est et le centre de l'Arctique, la nomination d'un commissaire vivant dans les Territoires du Nord-Ouest et le transfert des programmes fédéraux à un gouvernement territorial.

Il convient de noter que, à l'époque, le commissaire des Territoires du Nord-Ouest travaillait à partir d'Ottawa. Il avait recommandé de préparer le terrain pour que la division des Territoires du Nord-Ouest se fasse au moment où les régions seraient mieux en mesure de contrôler leur administration et leur gouvernement. On a donné suite à ces recommandations dans les années suivantes.

En 1976, une autre demande de division des territoires a été faite, cette fois par ITC, un organisme représentant les Inuit au Canada. Un plébiscite sur la question de la division a été tenu en 1982, et le oui a recueilli 56 p. 100 des voix, dont une forte proportion dans l'est de l'Arctique.

La même année, on a assisté à la formation d'une alliance constitutionnelle formée de députés de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest et de représentants des groupes autochtones. Cette alliance avait pour objectif d'élaborer une entente sur la division des territoires. Une entente a bien été conclue en 1987, mais elle n'a pas été ratifiée par l'association de la nation dénée et des Métis, qui revendiquait un territoire dans l'Ouest et s'opposait à la délimitation proposée. L'entente n'a donc pas été entérinée et le groupe a été dissous.

En 1990, le gouvernement progressiste conservateur a demandé à John Parker de fixer la limite entre les deux territoires revendiqués, la nation dénée et métisse étant à l'ouest, et les Inuit, à l'est. La limite proposée a fait l'objet d'un plébiscite en mai 1992 et a été approuvée dans une proportion de 54 p. 100.

Une information importante dont je n'ai pas parlé est qu'en 1990, on s'est entendu pour que l'entente sur la revendication territoriale des Inuit soit mise aux voix. Les Inuit ont ratifié l'entente en 1992 par voie de scrutin dans une proportion de 85 p. 100. Ainsi, le 25 mai 1993, le gouvernement de Brian Mulroney a signé l'entente sur la revendication territoriale.

 

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L'entente sur les revendications territoriales du Nunavut créera le territoire du Nunavut le 1er avril 1999. Cette entente constitue la plus grande entente sur les revendications territoriales de toute l'histoire du Canada.

Nunavut signifie «notre terre» en inuktitut et il représente 2,242 millions de kilomètres carrés, soit environ un cinquième du territoire canadien. La capitale de la nouvelle région sera Iqaluit, sur l'île de Baffin.

L'entente sur les revendications territoriales prévoit la création du nouveau territoire du Nunavut et confère aux Inuit le droit de propriété sur 350 kilomètres carrés de terres. Outre la cession foncière, est prévu un règlement financier de 1,1 milliard de dollars qui seront versés sur 14 ans. En retour, les Inuit consentent à se départir de leurs droits ancestraux et de leur droit de propriété sur d'autres terrains situés dans les limites du futur Nunavut.

Bien des problèmes devront être réglés avant la création du Nunavut en avril 1999. Le projet de loi C-39 à l'étude s'attaque à quelques-uns d'entre eux. Ainsi, il confère des pouvoirs accrus au commissaire provisoire, Jack Anawak, pour qu'il puisse conclure des baux au nom du nouveau territoire et s'assurer que les employés recrutés par le nouveau gouvernement le soient pour des postes permanents, et non pas temporaires.

Plus importante encore est cette modification apportée à la Loi sur le Nunavut qui prévoit que des élections auront lieu avant que le nouveau territoire ne soit créé. Voilà qui est d'une extrême importance, car le gouvernement pourra ainsi entrer en fonction et se mettre immédiatement au travail sans devoir attendre la tenue d'élections, à un moment crucial de l'existence du nouveau territoire.

Une autre question concernant la région de l'Ouest a trait au nombre de représentants élus qui seront nécessaires pour gouverner après le partage. La région de l'Ouest conservera 14 représentants, mais le règlement exige 15 membres pour former un gouvernement. Une modification à ce projet de loi aura pour effet de réduire le nombre requis à 14. La région de l'Ouest sera ainsi en mesure d'assurer le maintien des services sur son territoire.

En outre, cette mesure législative modifie la Loi constitutionnelle de 1867 de façon à créer un nouveau siège au Sénat pour représenter le nouveau territoire. À l'heure actuelle, il n'y a qu'un siège pour les Territoires du Nord-Ouest, mais le sénateur qui représente ce secteur habite ce qui deviendra le Nunavut. Cette modification éliminera toute incertitude à ce sujet.

Une des grandes préoccupations exprimées par les Inuit et les autres personnes touchées par ce changement a trait à la nécessité de maintenir les services déjà offerts. Cette mesure législative s'y emploiera. Il faut également tenir compte des problèmes propres aux personnes vivant dans l'est et les régions centrale et arctique. L'infrastructure sera-t-elle en place? Une aide financière sera-t-elle accordée et, dans l'affirmative, sera-t-elle suffisante? Est-ce qu'il y aura assez de candidats pour combler les 600 nouveaux postes qui devraient être créés au Nunavut?

Le nouveau territoire comptera environ 24 000 personnes, dont 85 p. 100, ou 18 000, sont des Inuit. L'inuktitut sera la langue de travail et on espère que 85 p. 100 des postes seront occupés par des Inuit à long terme, et 45 p. 100 à court terme.

Le gouvernement fédéral a fourni environ 40 millions de dollars pour la formation et l'éducation afin de préparer les habitants qui habitent dans l'est et le centre de l'Arctique à occuper des postes dans la nouvelle administration. Avec le règlement des revendications territoriales dans cette région, cependant, un certain nombre des nouveaux postes sont ouverts aux Inuit, et il pourrait être difficile de trouver des candidats pour les combler en totalité. Les plans du Nunavut selon lesquels les bureaux de l'administration seront répartis entre 11 localités pour attirer des travailleurs des régions éloignées pourraient également être un lourd défi à relever.

La Commission d'établissement du Nunavut a déclaré qu'il faudrait recruter à l'extérieur de la région 50 p. 100 des personnes qui occuperont ces postes.

 

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Par ailleurs, un rapport du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest dit que seulement de 10 à 15 p. 100 de son personnel va passer au Nunavut. Cela veut dire que le Nunavut ne pourra pas compter sur un bagage considérable de connaissances institutionnelles comme point de départ.

De plus, on peut se demander si l'infrastructure sera en place à temps, et les conditions qui existent dans l'Arctique pourraient également jouer. Il n'y a guère d'espace non plus pour le secteur privé, car, le plus souvent, on construit au fur et à mesure des besoins.

Il est vrai qu'on n'a pas besoin de la totalité de l'infrastructure immédiatement, et je crois comprendre que l'échéancier tient compte d'un délai de deux ans avant la tenue d'un sommet, mais il ne sera pas possible de maintenir les services sans une infrastructure adéquate.

La division des Territoires du Nord-Ouest soulève d'autres questions intéressantes et délicates quant au fonctionnement d'organismes comme la Commission des accidents du travail et la Société d'énergie des Territoires du Nord-Ouest. Selon le secrétariat responsable du partage des Territoires du Nord-Ouest, les économies d'échelle seront un facteur décisif quand viendra le moment de déterminer la façon dont pareils services essentiels seront touchés.

Les deux territoires partageront probablement des hôpitaux et des installations correctionnelles d'ici à ce que le Nunavut se soit doté des infrastructures nécessaires à cet égard. Il pourrait toutefois s'ensuivre des problèmes parce que les installations correctionnelles de Yellowknife ne sont pas suffisamment grandes pour répondre aux besoins de toute la région.

La partie occidentale des actuels Territoires du Nord-Ouest déplore le fait que l'on ne reconnaît pas à leur juste valeur les problèmes auxquels elle fait face elle aussi. Elle devra également assurer le maintien des services au moment du partage des territoires. Cette partie est évidemment mieux placée pour le faire étant donné que les infrastructures y sont en place, tout comme les mécanismes législatifs, judiciaires, financiers et administratifs.

Le Nunavut aura un gouvernement populaire composé de représentants inuit et non inuit. Même si la création du Nunavut s'inscrit dans le cadre de l'accord sur les revendications territoriales, les Inuit ont opté pour un gouvernement populaire. Cet accord soulève une autre question intéressante par rapport aux droits qui seront conférés au Nunavut en vertu de la Constitution. Même si l'on peut supposer que ses pouvoirs seront équivalents à ceux du Territoire du Yukon et de la région de l'Ouest, le Nunavut sera créé dans le cadre d'un accord sur le règlement des revendications territoriales, en vertu de l'article 35 de la Constitution. C'est un autre aspect qui reste à clarifier au sujet du nouveau territoire et qui peut créer des incertitudes.

C'est un gouvernement progressiste-conservateur qui a amorcé le processus ayant mené à la conclusion de l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut signé en mai 1993 et qui aboutira finalement à la création du Nunavut le 1er avril 1999. La création de ce territoire est une mesure positive pour la partie est. Le Parti progressiste-conservateur est en faveur de l'autonomie gouvernementale des autochtones et voit dans celle-ci un instrument de développement économique.

J'appuie en principe ce projet de loi qui vise à rectifier certaines omissions de la Loi sur le Nunavut, mais nous sommes tous conscients qu'il reste au nouveau territoire un certain nombre de défis à relever d'ici la date cible du 1er avril 1999.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui un grand honneur pour moi de prendre la parole au sujet du projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi sur le Nunavut et la Loi constitutionnelle de 1867.

Comme il en a été question il y a quelques instants, je parlerai en inuktitut et en anglais à cause de l'importance que ce projet de loi revêt pour ma circonscription.

Comme la Chambre le sait, la carte du Canada changera dans moins d'un an. Le 1er avril 1999 marquera un jour important dans l'histoire du Canada. Il sera tout aussi important pour les habitants du Nunavut que pour le reste du Canada. La mise en oeuvre des modifications à la Loi sur le Nunavut nous rapprochera encore davantage de la réalisation de notre rêve. Après toutes ces années où les décisions étaient prises par des gens de l'extérieur, les habitants du Nunavut auront enfin l'occasion de prendre le contrôle de leur propre avenir. Nous devrions tous en être fiers.

 

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Je trouve cela très important. Les gens que je représente auront l'occasion de prendre des décisions et d'avoir le contrôle sur leur propre vie. Je songe aux gens qui ont vu durant toutes ces années prendre les décisions à Ottawa ou ailleurs au Canada sans savoir quelles en seraient les répercussions pour eux.

J'ai été très déçue plus tôt aujourd'hui. Je croyais que nous parlerions aujourd'hui des modifications à la Loi sur le Nunavut. Il n'en a vraiment pas été ainsi quand on a vu le chef de l'opposition passer deux heures à parler d'une question qui me paraissait très secondaire. Je me suis sentie flouée. On m'avait dit que le 20 avril serait le jour où nous parlerions des modifications à la Loi sur le Nunavut et l'ouverture de débouchés pour les habitants du territoire.

C'est un jour très important pour moi. Il marque une étape de plus dans la concrétisation de notre gouvernement. Je songe aux gens qui n'avaient aucun contrôle sur leur propre vie. Ils fondent de grands espoirs sur le gouvernement du Nunavut.

Je songe aux parents dont les enfants leur étaient enlevés pour aller à l'école. Il ne leur appartenait pas de décider si leurs enfants devraient ou non aller à l'école à des milliers de milles de chez eux. Ils ne les voyaient pas durant toute une année ou même durant deux années de suite. Ces gens dont les enfants sont maintenant des adultes qui travaillent croient encore qu'ils auront l'occasion de prendre des décisions qui aideront le gouvernement du Nunavut à répondre aux besoins des gens qu'il représente.

Je pense aussi aux gens d'autres régions du Canada qui ont été réinstallés dans la région du Nunavut ou aux gens qui vivaient dans d'autres parties du Nunavut et qui ont été déplacés par le gouvernement. Ces gens attendent la chance d'avoir leur propre gouvernement et d'aider celui-ci à prendre des décisions qui répondront aux besoins de la population.

Je vois la Loi modifiant la Loi sur le Nunavut comme une mesure qui les rapprochera encore davantage de ce but et qui leur donnera l'occasion de corriger des erreurs qui ont été commises il y a 50 ans ou à d'autres moments.

[Note de la rédaction: la députée s'exprime en inuktitut.]

[Traduction]

Le projet de loi est la continuation du bon travail entrepris dans la version originale de la Loi sur le Nunavut, puisqu'il fallait régler certains points imprévus qui sont ressortis. Nous devons maintenant finaliser la Loi sur le Nunavut afin d'avoir un gouvernement en place dans ce territoire le 1er avril 1999. Pour que le gouvernement du Nunavut puisse partir du bon pied, il incombe à chacun d'entre nous ici d'aider à l'adoption de ces modifications à la Loi sur le Nunavut.

 

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Le gouvernement du Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Nunavut Tunngavik, les habitants du Nunavut et d'autres ont fait un travail énorme au cours des 30 dernières années. Il ne faut pas oublier tous ces gens qui ont vraiment travaillé très fort depuis une trentaine d'années.

Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être arrivée à la fin de cette bataille. Il reste moins d'un an avant le 1er avril 1999, et je veux me souvenir de tous ces gens qui ont travaillé avec beaucoup de détermination et de courage durant toutes ces années pour arriver là où nous sommes. Je veux aussi me souvenir de ceux qui ne seront pas avec nous lorsque nous verrons enfin le fruit de tous leurs efforts le 1er avril 1999.

Je profite de l'occasion pour demander à tous les députés d'appuyer les modifications de la Loi sur le Nunavut parce qu'aucun territoire et aucune province du Canada ne peut réussir sans l'appui du reste du Canada.

La population du Canada est ce qui unit le Canada et ce qui le fait fonctionner. Le règlement de nos revendications territoriales, responsabilité commune, est un parfait exemple de la souplesse de notre fédération et de la manière dont les Canadiens de partout sont désireux de travailler ensemble.

Il est important de ne pas perdre de vue les raisons qui motivent la création du Nunavut. J'ai dit quelques mots à ce sujet tout à l'heure, mais je voudrais y revenir. La création du Nunavut est un geste d'espoir. C'est l'espoir pour les enfants et les jeunes du Nunavut et l'espoir d'un avenir meilleur. C'est également l'espoir d'un meilleur sort pour les Inuits, qui comptent sur la terre et les ressources du Nunavut depuis des milliers d'années.

Je vois également dans ce projet de loi l'expression de la démocratie en soi et également la démocratie au service du peuple du Nunavut. Je le vois comme essentiel pour garantir une juste représentation aux deux paliers de gouvernement, le fédéral et le territorial. Le projet de loi nous offre cette représentation.

À mon sens, le projet de loi C-39 est fondé sur l'espoir. Il garantit une transition en douceur vers un nouveau territoire du Nunavut, plus étendu. Il prévoit également que des élections auront lieu avant le 1er avril 1999, ce qui est très important à mes yeux. Dans l'état actuel des choses, nous n'aurons pas de gouvernement élu le 1er avril 1999. Nous serons en mesure de tenir des élections après cette date, mais il n'y aura pas de gouvernement élu pour assumer les responsabilités si nous n'adoptons pas le projet de loi.

J'exhorte tous les députés à ne pas retarder l'adoption du projet de loi. Il doit avoir été promulgué avant la fin de juin 1998. Nous avons déjà perdu tant de temps à nous occuper de différentes questions, à attendre de nouvelles lois et à attendre de nouvelles orientations du bureau du commissaire provisoire que nous n'avons plus une minute à perdre si nous voulons avoir un gouvernement en état de fonctionner le 1er avril 1999. Si nous attendons encore, nous n'aurons pas le temps de mettre en place les structures nécessaires pour instaurer un bon gouvernement, tant du point de vue administratif que législatif, pour représenter la population.

Les Inuit possèdent leur propre forme de gouvernement depuis le début des temps. Ils forment des collectivités constituées de groupes de personnes vivant ensemble. Ces collectivités étaient jadis nomades, mais la plupart des gens restaient dans des camps de printemps, d'été et d'hiver ou se joignaient à d'autres groupes. Ces collectivités avaient leur propre forme de gouvernement. Avec le projet de loi d'aujourd'hui, le gouvernement du Nunavut pourra reprendre des éléments du gouvernement traditionnel inuit et les mélanger aux nouvelles méthodes de gouvernement apprises au cours des ans.

 

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La création du gouvernement du Nunavut est l'occasion de prendre le meilleur de ces deux types de gouvernement et de l'inclure dans la nouvelle loi sur le gouvernement du Nunavut. C'est aussi l'occasion pour les anciens de participer au processus en transmettant ce qu'ils savent de la façon traditionnelle de gouverner.

Lorsque j'ai prononcé ma première allocution à la Chambre, j'ai mentionné la grande capacité d'adaptation du peuple inuit. Nous nous sommes adaptés à un rythme phénoménal au cours des 50 dernières années. Je tiens à montrer par cet exemple que nous nous adapterons encore au nouveau gouvernement. Tout ne sera pas en place le 1er avril 1999, mais je considère le nouveau gouvernement du Nunavut comme un enfant. Nous grandirons au fur et à mesure que l'expérience nous apprendra de bonnes habitudes et que nous les adapterons à la façon dont nous voulons nous gouverner nous-mêmes.

Une autre initiative que nous suivrons de très près est la justice. Le nouveau gouvernement du Nunavut fait déjà oeuvre de pionnier en créant un ordre judiciaire unifié. Cela nous permettra de traiter de l'incarcération. Un de mes collègues a signalé que l'incarcération risque de poser des problèmes dans le nouveau territoire du Nunavut. Je sais que nous n'aurons pas toute l'infrastructure nécessaire. Il nous faudra utiliser l'infrastructure d'autres territoires et provinces tant que nous n'aurons pas la nôtre. Beaucoup de personnes ont parlé de cette question, notamment au comité du système de justice communautaire où l'on veut traiter de l'incarcération des gens du Nunavut. Les gens y ont d'excellentes idées.

Grâce au nouveau gouvernement du Nunavut, ils auront l'occasion de transmettre leur savoir aux jeunes et d'essayer de régler ainsi leurs problèmes sociaux. J'ai très confiance que beaucoup des idées qui ont servi dans les camps traditionnels pourront être incorporées dans le gouvernement du Nunavut et être adaptées à la nouvelle façon de gouverner et cela, sans violer la Constitution. J'ose croire que le gouvernement fédéral aura la souplesse de permettre que ces idées soient incorporées dans le nouveau gouvernement du Nunavut.

J'ai dit que notre nouveau gouvernement sera en place le 1er avril 1999. Il est difficile de se faire une idée exacte de ce que nous allons voir le 1er avril 1999. Comme l'a déjà signalé mon collègue, les gens sont très emballés par les possibilités qui s'offrent à eux. On planifie déjà des événements. Je ne saurais trop vous dire à quel point il importe que nous nous assurions que ce projet de loi soit adopté. Je considère ce projet de loi comme l'un des plus importants pour les gens du Nunavut. Tout effort visant à faire obstacle à ce projet de loi fera obstacle à la démocratie, surtout pour les gens du Nunavut. Ce n'est pas la façon canadienne de faire les choses.

Je ne tiens pas tellement à parler de la représentation au Sénat. Je veux m'en tenir davantage au projet de loi sur le Nunavut. Ce n'est qu'un petit projet de loi. Tout ce que ce projet de loi vise à faire, c'est veiller à ce qu'il y ait un représentant pour Western Arctic et un pour le Nunavut. Ce n'est ni le moment ni l'endroit pour discuter de la réforme du Sénat.

 

. 1715 + -

Je voudrais plutôt m'arrêter sur ce que cette mesure signifie pour la population de Nunavut et faire en sorte que ces modifications très importantes soient adoptées, parce que je suis d'avis que le parti d'opposition ne s'y arrête pas.

Le député a parlé d'un plébiscite, mais le fait de consulter la population causerait un autre retard dont nous n'avons vraiment pas besoin à l'heure actuelle. Nous avons déjà tenu trois plébiscites et, à mon avis, la question peut attendre. Je doute que ce soit le moment ou l'endroit. Bien sûr, nous devons assurer une représentation juste et égale. Mais ce n'est pas l'endroit pour cela.

Il faut adopter ce projet de loi. Comme je l'ai dit, le fait de faire obstruction à ce projet de loi niera aux habitants de Nunavut l'accès à des soins de santé de qualité et à l'éducation. Si nous avons tous ces accords avec nos partenaires du Sud, c'est que nous n'avons vraiment pas toutes les installations et les biens essentiels dans notre région.

Si nous détournons l'objet de ce projet de loi, que va-t-il arriver aux cas en instance devant les tribunaux criminels et civils des Territoires du Nord-Ouest? Feront-ils l'objet de considérations d'ordre technique? C'est possible, si le projet de loi ne reçoit pas l'appui de l'opposition.

Je ne compte pas m'arrêter sur les raisons techniques qui justifient notre volonté d'adopter ce projet de loi. Pour moi, les modifications de la Loi sur le Nunavut ont un élément humain, dont j'ai d'ailleurs parlé. Je sais que les autres détails techniques sont pertinents et nécessaires, mais je voudrais surtout m'arrêter sur ce que ces modifications signifient pour les habitants de Nunavut.

Dans le nouveau gouvernement, la langue de travail sera l'inuktitut. C'est une nouvelle initiative de la part des habitants de Nunavut. Même si 85 p. 100 des habitants sont des Inuit, ils ne sont pas représentés dans les emplois offerts dans notre région. La personne qui ne parle que l'inuktitut trouve difficilement du travail dans les collectivités ou pour le gouvernement. Les aînés espèrent que les habitants pourront plus facilement participer et travailler au sein de leur gouvernement. Ils seront tellement fiers de pouvoir parler leur langue dans tous les bureaux du gouvernement et dans les écoles.

En terminant, j'exhorte les députés à adopter ce projet de loi, parce qu'il est essentiel à la poursuite de l'excellent travail que les habitants du Nunavut ont fourni pour se doter d'un nouveau gouvernement. Il nous reste moins d'un an. Nous voulons travailler et réaliser de beaux projets. Qu'on nous donne au moins l'occasion d'y parvenir.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Madame la Présidente, ma collègue et sa vision du Nunavut me laissent songeur. Je lui ai parlé plus tôt et j'étais très près de sa circonscription à Pâques, lorsque j'étais à Churchill.

Je sais que la députée se fait une grande idée du Nunavut et du peuple de cette importante région de notre pays.

 

. 1720 + -

Je veux qu'elle sache que, même si je suis du sud de l'Ontario, cette région fait tout à fait partie de notre nation et de notre histoire.

J'aimerais savoir comment elle envisage l'avenir du tourisme dans le nord, par exemple. Je sais que l'on se pose pas mal de questions sur les conséquences que cela aura pour l'équilibre écologique de ces collectivités. Je sais qu'il est très fragile dans certaines régions.

Je me demande comment elle pense créer plus de richesses en attirant des touristes dans sa collectivité sans porter atteinte aux modes de vie traditionnels et à l'environnement.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Madame la Présidente, l'un des de nos problèmes est le développement économique, et à l'heure actuelle, c'est le tourisme qui offre le plus de possibilités en matière de création d'emplois dans le Nord.

Différents organes ont été créés aux termes de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut afin de protéger l'environnement. Nous espérons travailler avec chacun de ces organes. En outre, nous sommes en train de créer un parc national et ces conseils consultatifs travaillent en ce moment avec différents groupes communautaires pour s'assurer que l'on tiendra compte de toutes ces questions.

Le tourisme est une des activités qui offrent le plus de débouchés dans notre région, mais nous ne voulons pas que celle-ci soit envahie.

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, à l'instar de mon collègue, j'ai bien aimé les propos que la députée a tenus au sujet du Nunavut. C'est effectivement quelque chose à laquelle la population du Nunavut, notamment les Inuit, travaille depuis des années. On semble être à l'étape où il faut réaliser toutes sortes de choses en même temps. Il n'est certes pas facile de créer un nouveau territoire, surtout lorsqu'on songe que c'est un territoire qui est deux fois grand comme l'Ontario et dont les conditions varient considérablement d'un point à un autre.

Si ces gens souhaitent un tel territoire, c'est qu'ils veulent ainsi être en mesure de régler des problèmes sérieux auxquels sont confrontées leurs communautés. J'ai l'impression que, après toutes ces années de préparation, nous sommes arrivés au moment crucial. Je me demande si la députée ne pourrait pas toucher un mot sur l'échéancier.

Je crois comprendre que, si les choses ne tournent pas rondement à la Chambre des communes, l'échéancier qui prendra fin en avril prochain ou quelque part par là, pourrait être sérieusement compromis. Je me demande si, en réponse, la députée ne pourrait pas nous expliquer ce qu'il reste à faire une fois que cette mesure législative aura été adoptée.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Madame la Présidente, je ne saurais trop insister sur l'importance de faire adopter cette mesure législative dans les délais. Nous n'avons que trop connu de retards au fil des ans. Comme je l'ai mentionné, il reste moins d'un an avant le 1er avril 1999, et il nous faut tenir les élections prévues et accomplir tout ce qui manque encore. Le commissaire provisoire a besoin de ce qui se trouve dans cette mesure législative pour poursuivre ce travail.

Je ne saurais trop insister sur l'importance d'adopter la mesure législative dans les plus brefs délais.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Madame la Présidente, je suppose que tous les députés, à un moment ou à un autre de leur séjour ici, peuvent dire qu'ils sont fiers de représenter leurs électeurs. Dans mon cas, je peux dire que je suis fier de représenter la circonscription de Souris—Moose Mountain, en Saskatchewan.

 

. 1725 + -

Je sais que la députée qui représente la région à l'étude est fière aussi, comme il se doit, de la région qu'elle représente à la Chambre. Elle a parlé avec passion de la nécessité d'adopter le projet de loi et de l'excitation de la population à l'égard de ce qui va se produire dans moins d'un an.

Je ne pense pas que la députée ait à craindre que l'opposition n'appuie pas ce qu'elle a dit. Lorsque l'on regarde les énormes conséquences, l'énorme région et l'énorme changement qui doit se produire sous la direction de personnes comme la députée d'en face, on ne peut que se dire que la population du Nunavut sera satisfaite de ce qu'elle va gagner de ses relations avec le reste du Canada.

La population du Nunavut dépassera 24 000. Ce n'est pas beaucoup et elle est dispersée sur un énorme territoire. Je me plains de ce que ma circonscription est trop vaste, mais par comparaison, au Nunavut, c'est seulement par avion ou en utilisant des moyens modernes de communication qu'un député peut atteindre toutes les localités qui s'y trouvent.

Nous savons que la langue sera différente, car 76 p. 100 de la population ne parlent ni anglais ni français. Nous n'avons pas les nations fondatrices traditionnelles dans ce territoire. Le défi pour la population du Nunavut est considérable.

La population de cette région doit être convaincue que le reste du Canada l'accueillera comme partenaire et lui fera une place parmi les traditions de la démocratie parlementaire.

Je pense qu'elle a un avantage énorme. La députée disait que la population n'a pas beaucoup de chance. Je ferais remarquer à la députée que ces gens ont peut-être plus de chance, puisqu'ils ont l'occasion d'analyser certaines des erreurs que nous avons commises au cours du dernier siècle. Peut-être pourront-ils se doter d'un gouvernement qui corrigera ces erreurs.

Tout cet exercice coûtera très cher. La province où je vis fut un territoire, tout comme celui de la députée. La Saskatchewan faisait partie d'une région du Canada qui s'appelait les Territoires du Nord-Ouest. Elle n'est devenue une province qu'en 1905. Des sommes énormes ont été consacrées à la création de la Saskatchewan, notamment à la construction du chemin de fer et à la colonisation.

Ce ne sera pas le cas pour ce nouvel ajout au Canada, mais les habitants du Nunavut devront se montrer patients à l'endroit du reste du Canada. Le développement de cette région du Canada devrait se faire plus rapidement encore que le développement de l'Ouest du pays, grâce aux techniques modernes de transport et de communication.

Si ma mémoire est fidèle, selon les règlements qui seront bientôt adoptés, les femmes seront nombreuses à faire partie du gouvernement de ce nouveau territoire. Pendant le congé, j'ai rencontré le chef et tous les membres du conseil d'une bande indienne, tous des femmes, une première au Canada. Je les ai félicitées au moment où nous nous apprêtions à partager un repas. Je leur ai dit que l'égalité des femmes nous permettrait de faire avancer les choses, car personne ne comprend mieux les besoins des jeunes que les femmes. J'ai dit à mes amis de la réserve Ocean Man, de la Saskatchewan, que c'était la plus belle chose que j'avais vue depuis longtemps et je dirais la même chose à la députée. Elle a dit qu'il était important d'avoir une certaine souplesse, surtout quand on s'engage dans quelque chose de nouveau. Lorsque les provinces sont entrées dans le Canada, surtout celles de l'Ouest, elles ont eu toutes sortes de difficultés à se gouverner et à rompre avec d'autres types de gouvernement. Le Nunavut éprouvera les mêmes problèmes, mais cela ne veut pas dire que, avec l'expérience, il ne concevra pas un meilleur type de gouvernement. Je suis persuadé du contraire.

 

. 1730 + -

Après avoir écouté son intervention, je suis persuadé que la députée d'en face est très fière de représenter cette région. Elle parle du fond du coeur. Ce sont des personnes comme elle qui bâtiront le Nunavut. Je suis convaincu que beaucoup d'habitants de cette région suivent ce débat. Ils verront et comprendront ce qui se passe, ce qui ne fera que renforcer leur enthousiasme.

J'ai écouté récemment une émission de télévision consacrée à cette question. On y parlait de tourisme et de perspectives exaltantes. D'ici au 1er avril 1999, il y a aura beaucoup d'enthousiasme. Je voudrais que les députés partagent l'enthousiasme dont j'ai été témoin chez ces gens qui poursuivent leur développement et deviennent partie du Canada. Ce ne sont pas les habitants d'une contrée lointaine. Ils sont reliés au Canada par le processus démocratique, la radio, la télévision et tous les autres médias, par la présence même de la députée à la Chambre des communes. C'est avec fierté que je lui adresse mes meilleurs voeux.

J'espère qu'elle transmettra ce message à ses électeurs: ils doivent y aller à fond et être les premiers, dans toutes nos institutions, à dire qu'ils éliront même leur sénateur. Ils seraient de nouveau à l'avant-garde. Les députés ministériels ne sont pas forcément d'accord, mais ils feraient ainsi l'histoire, et ils ne le regretteraient pas. Les électeurs de la députée choisiraient leur propre représentant à la Chambre haute. Ce serait extraordinaire. S'il fallait tout recommencer et si je parlais pour la première fois aux habitants de la Saskatchewan, je sais ce qu'ils me diraient. Ils diraient qu'il faut y aller à fond. Je dis la même chose à la députée.

Les habitants du Nunavut auront une assemblée élue. La députée est membre des Communes, où elle représente fort bien sa circonscription. Elle devrait retourner consulter ses électeurs et leur dire que nous voulons innover. Faisons en sorte que ce territoire choisisse le premier sénateur élu. Je ne crois pas que ses collègues ministériels lui en tiendraient rigueur. Ce serait une bonne initiative pour les électeurs de la députée, au lieu que ce soit encore Ottawa qui nomme une personne de sa région, ce qui serait une erreur.

La députée a plusieurs points en sa faveur. Elle a parlé de la langue, de la préservation de sa culture et de l'élection libre d'un député. Il suffit d'ajouter l'élection libre d'un sénateur. Cela ne peut que donner de bons résultats.

Le Parti réformiste est favorable à cette initiative. Nous savons que cela entraînera des coûts élevés. Des coûts élevés sont liés à de nombreuses initiatives. Un député a posé une question concernant le tourisme. Si j'avais le temps, je me rendrais dans cette région. Je voudrais bien aller là-bas, constater la situation en personne et surtout participer à l'effort.

Nos meilleurs souhaits accompagnent la députée. Nous approuvons cette initiative. Nous espérons que la députée se donnera tout le mal nécessaire pour que le plus grand nombre de ses concitoyens mettent l'épaule à la roue. Nous voulons qu'ils préservent leur culture et leur langue. En même temps, ils doivent admettre que si leur région connaît une croissance, ils devront accepter des changements fondamentaux comme tout le monde a dû le faire pour faire partie du monde moderne.

À juste titre, les Canadiens seront très fiers de la députée. Le gouvernement est fier de la compter parmi ses représentants élus. J'encourage la députée à se démarquer et à faire preuve de cran comme elle le fait maintenant en disant qu'ils veulent préserver leur relation avec le Canada. Les gens de cette région devraient être les premiers dans l'histoire du Canada à dire que c'est bien beau, mais qu'ils ne sont pas intéressés. Nous élirons notre sénateur à notre façon. Ce serait un fait marquant qu'ils n'auraient pu prévoir en moins d'un an.

 

. 1735 + -

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, j'ai écouté très attentivement le discours du député réformiste. Il a déclaré, en terminant, que l'occasion pourrait revêtir un caractère encore plus historique pour la population du Nunavut.

J'espère que mon collègue a écouté la députée du Nunavut, qui parlait des choses qui ont déjà été faites, des efforts considérables qui ont été déployés par plusieurs générations pour créer ce territoire nouveau et tout à fait spécial. Le député a parlé d'une bande où les femmes jouent un rôle particulier. Je me demande si mon collègue est conscient que la population du Nunavut s'est livrée à une longue réflexion sur la nature de sa nouvelle assemblée législative et sur le mode d'élection de ses membres. Les habitants du Nunavut ont une conception tout à fait particulière de leur nouveau territoire.

Nous vivons un grand jour non seulement pour le Nunavut mais pour tous les Canadiens. Nous aurons un nouveau territoire, fondé sur la culture d'une collectivité, le peuple Inuit, qui compte les plus Canadiens parmi les Canadiens. Les Inuit ont une vision d'eux-mêmes et du Canada.

Au tout début de son discours, le député a dit que les Inuit constituent un élément très spécial de la mosaïque canadienne. Nous devons tous en être conscients.

Les préparatifs soignés auxquels se sont livrés les Inuit ont d'ores et déjà permis de jeter les bases d'une assemblée législative nouvelle et très différente. Cette assemblée régira une population répartie sur un territoire de deux millions de kilomètres carrés au Canada, c'est-à-dire le double de la superficie de l'Ontario. Le nouveau territoire aura une importance toute spéciale pour la population qui y habite. Il sera également un point de référence pour les Inuit des autres régions du Canada et ailleurs dans le monde.

Les Inuit du Nord du Québec, par exemple, regarderont le Nunavut comme le territoire d'origine de leur langue, l'inuktitut. Le peuple inuit de l'ouest du Canada se tournera vers le Nunavut. Les Esquimaux de l'Alaska verront dans le Nunavut un territoire typiquement inuit. La population du Groënland, qui parle également l'inuktitut, portera son regard vers le nouveau territoire et sa nouvelle assemblée législative dynamique. Même les habitants de la Sibérie qui parlent une forme d'inuktitut s'intéresseront au Nunavut.

C'est une chose extraordinaire pour la population du nouveau territoire du Nunavut et pour tous les Inuit du Canada et du monde. C'est un grand jour pour l'organisme Inuit Tapirisat qui a travaillé à la réalisation du projet, pour la Conférence circumpolaire inuit, qui unit les Inuit vivant autour du pôle et qui travaille pour la réalisation du projet depuis de nombreuses années.

Ce jour est un grand jour. Les habitants de cette région éloignée du Canada qu'est le Nunavut suivent aujourd'hui les événements au canal parlementaire. Ils suivent toute l'actualité au pays avec l'intérêt le plus vif, mais aujourd'hui, c'est un jour particulièrement grand pour eux. Ils écoutent parler leur députée. Qu'ont-ils entendu ce matin? Voici ma question pour le député. Ils ont entendu un discours de deux heures à la Fidel Castro, un discours plein de détails techniques sur l'histoire et l'évolution du Sénat du Canada.

Le député a terminé son discours avec le même genre d'observations. Si le Parti réformiste a tellement à coeur la question du Sénat et s'il s'intéresse vraiment à l'avenir de ce merveilleux nouveau territoire, comme veut nous le faire croire le député d'en face, pourquoi n'a-t-il pas fait du Sénat l'objet d'une journée de l'opposition? Il dispose d'un nombre généreux de journées de l'opposition. Un collègue me dit qu'il y en a une cette semaine. Pourquoi ne pas avoir décidé de débattre toute une journée de l'opposition de la question du Sénat? Pourquoi avoir parlé de cette question en cette journée merveilleuse pour le peuple du Nunavut?

 

. 1740 + -

Si la question du Sénat est aussi importante que cela pour les réformistes et si, comme il le dit, il s'intéresse à l'avenir des Inuit du Canada, le député peut-il nous dire pourquoi nous ne débattons pas de la question du Sénat jeudi, qui est la journée de l'opposition dont dispose le Parti réformiste?

M. Roy Bailey: Madame la Présidente, j'aimerais dire au député qui a posé la question que j'ai parlé en toute honnêteté. Je n'essayais pas de laisser entendre autre chose. J'ai dit ce que je voulais dire quand j'ai parlé de mes désirs, en tant que député de cette chambre qui appuie ce nouveau territoire.

Je ne comprends pas pourquoi le député met en doute mon intégrité et mes paroles. Cela ne m'est encore jamais arrivé. J'ai pris la parole dans des centaines d'endroits différents, dans des assemblés législatives provinciales et ici même. Je suis déçu qu'il ait tiré ses conclusions du discours qui a été fait à la Chambre aujourd'hui et qu'il les ait appliquées à ce que j'essayais de dire à ma collègue.

Je lui ai souhaité bonne chance. Met-il en doute que je lui souhaite véritablement bonne chance? Je trouve cela mesquin. Tout ce que j'ai dit, c'est que ce sera un grand jour pour ces gens. Ce sera un jour merveilleux. Ils ont, au fil des ans, façonné leur propre style de gouvernement. On leur a promis un sénateur. Ça devrait être à eux de le choisir. Quand je dis ça, je ne m'en prends à personne. Mais c'est comme ça que ça devrait se passer. Si j'avais l'occasion de soulever cette question de nouveau, je sais ce qu'elle ferait.

Je me sens rejeté alors que je venais féliciter le gouvernement. J'ai beaucoup lu sur la question. J'ai même eu un prix à la fête organisée par la députée pour avoir répondu à la question: qui est le plus célèbre de tous les habitants du Canada? Je le savais. C'est le Père Noël, et j'ai gagné un beau t-shirt. Je désapprouve le genre de dégradation à laquelle se livre le député d'en face. J'espère qu'il ne s'attaquait pas à moi personnellement, j'en serais très profondément blessé.

M. Peter Adams: Madame la Présidente, je vais simplement répéter ma question. Je m'excuse si le député se sent personnellement visé.

Pourquoi avons-nous dû subir le discours le plus long de cette législature, un sermon de deux heures et de 38 pages sur le Sénat, le jour où les habitants du Nunavut se réjouissent à l'idée que leur nouveau territoire va prendre légalement forme?

M. Roy Bailey: Madame la Présidente, si je me souviens bien, et je n'ai pas assisté à tout le discours, il y avait des sections sur lesquelles nous aurions pu nous entendre. Cela aurait beaucoup raccourci le discours. Le gouvernement a refusé.

Une voix: À trois reprises.

M. Roy Bailey: À trois occasions différentes, des pages complètes auraient pu être éliminées. Le gouvernement a refusé. C'est le gouvernement qui a choisi d'agir ainsi. C'est lui qui a décidé de retirer à cette journée son caractère de célébration. Ce n'est pas moi, mais le gouvernement.

En terminant, je tiens à dire que je souhaite tout le succès possible à ces gens en dépit de l'intervention. Je le pense du fond du coeur. Peu importe les questions qu'ils veulent me poser. Cette affaire est morte. Mais le Nunavut n'est pas une cause morte. Je leur souhaite tout le succès possible. J'espère qu'ils s'affirmeront et pourront décider qui ils veulent pour les représenter au Sénat.

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre part au débat, tant en qualité de ministre responsable de l'administration de la Loi électorale du Canada qu'en qualité de simple député.

Nous devrions tous nous réjouir de ce grand jour. Nous entamons aujourd'hui le débat sur la création d'un nouveau territoire de notre magnifique pays, le Canada.

 

. 1745 + -

[Français]

Je profite de l'occasion pour féliciter l'honorable députée de Nunavut qui s'acquitte tellement bien de sa tâche de représenter les électeurs de ce beau coin de pays, le Nord canadien.

[Traduction]

Le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes a déclaré dans ses observations, il y a un certain temps, que grâce à cette mesure législative, nous allions créer un territoire qui est beaucoup plus grand que ma province, l'Ontario, qui a pourtant une superficie tellement importante de l'est à l'ouest qu'elle est supérieure à celle de la plupart des pays d'Europe. Or, nous créons ce territoire qui sera même plus étendu que cette province.

Tous mes voeux accompagnent les gens du Nunavut en cette merveilleuse journée et je suis ici pour me joindre à mes collègues du Cabinet, comme l'a fait plus tôt aujourd'hui la ministre des Affaires indiennes, pour leur souhaiter tout le succès possible en ce début de cette toute nouvelle aventure remarquable que constitue la création de ce nouveau territoire. J'attends déjà avec impatience le 1er avril 1999, alors que la carte du Canada elle-même va changer pour refléter la création de ce troisième territoire au Canada.

Je crois également que nous sommes témoins aujourd'hui d'un processus continu de modification constitutionnelle, d'une évolution de notre pays, la création de provinces et de territoires. Nous apportons, de temps à autre, des modifications pour tenir compte du fait que nous sommes bel et bien une société vivante, en constante évolution. Nous ne stagnons pas. Contrairement à ce que certains prétendent parfois, nous ne sommes pas demeurés les mêmes. Nous avons, en fait, grandi, évolué et amélioré ce pays pour de nombreux Canadiens, tous les Canadiens, je l'espère. Le processus que nous entreprenons aujourd'hui va contribuer à cela.

[Français]

Ce qui me déçoit toutefois en ce grand jour, c'est le discours du chef de l'opposition officielle et non celui du député de Souris—Moose Mountain qui a parlé plus tôt. Il a fait un excellent discours.

Mais je suis déçu du discours du chef de l'opposition officielle, un peu plus tôt aujourd'hui, qui nous a fait cette diatribe qui a duré presque deux heures. Son excuse pour avoir pris une demi-journée pour la litanie qu'il a faite à la Chambre des communes, c'est qu'on refusait de lui accorder le consentement unanime pour déposer son discours. Alors, c'est la faute de ceux qui ont refusé le dépôt d'un discours s'il a parlé trop longtemps.

La plupart des Canadiens auront du mal à comprendre ce raisonnement. Pourquoi? Tout simplement parce que ce n'est pas tellement logique.

[Traduction]

Que s'est-il produit aujourd'hui un peu plus tôt? On a vu un parti d'opposition qui a été, je tiens à le dire, incapable de critiquer le gouvernement de façon efficace. Il s'en tire très mal à cet égard. Les sondages et le reste le montrent et le résultat de l'élection partielle tenue il y a quelques jours à peine le confirme.

Ainsi, n'ayant pas réussi à s'en prendre au gouvernement, le Parti réformiste s'en prend maintenant à l'institution. On a pu le constater il y a quelques semaines à peine à la suite de la nomination d'un sénateur. Le chef de l'opposition a formulé des observations qu'on l'a mis au défi de répéter à l'extérieur de la Chambre. Elles étaient injurieuses. Il a refusé de le faire. Il était dans l'embarras. Un peu plus tard, nous avons été témoins d'un événement ignoble, alors que la même personne s'en est pris à la personne qui préside nos travaux. On s'en est pris à l'autre Chambre. Il y a eu tout l'incident des drapeaux et le reste.

 

. 1750 + -

Nous avons été témoins aujourd'hui d'une attaque contre l'institution qu'est le Parlement. Non seulement cette attaque brutale est absolument injustifiée, mais elle a eu lieu en ce jour si important pour tant de Canadiens autochtones. C'est ce qui me trouble le plus en tant que député.

Je suis sûr que certains députés d'en face, y compris celui qui a fait un excellent discours il y a quelques instants, ne sont pas très fiers de ce que le chef du Parti réformiste a fait plus tôt aujourd'hui.

C'est ce que je pense. Je suis certain qu'il y a des députés réformistes qui sont aussi d'avis que ce qui s'est passé plus tôt est extrêmement déplaisant. Si aucun député réformiste n'est de cet avis, alors la situation est encore pire que je pensais.

Je reviendrai au chef du Parti réformiste dans un moment. Nous avons entendu les commentaires du Parti réformiste sur la réforme constitutionnelle. Certains d'entre nous se souviennent de ce que les réformistes ont dit il y a un certain temps. L'accord de Charlottetown avait été conçu il y a quelques années par les premiers ministres des provinces et le premier ministre du Canada de l'époque, qui n'était certainement pas le chef de mon parti.

Le lendemain de la signature du projet d'accord, il a été décidé que les Canadiens participeraient directement au processus. La plupart des députés de la Chambre, y compris les chefs de tous les partis sauf un, ont laissé de côté l'esprit de parti pour chercher l'approbation des Canadiens. Le chef en question venait de se déclarer séparatiste après avoir été fédéraliste, mais nous devrons revenir là-dessus une autre fois. Cependant, à part ce chef, tous les autres chefs politiques à la Chambre, de concert avec tous les premiers ministres provinciaux et les chefs des fédérations autochtones au Canada, ont uni leurs efforts pour parler en faveur du projet de modification constitutionnelle et pour chercher l'approbation des Canadiens.

Au moment où tous les députés de la Chambre ont mis de côté leurs différends pour faire passer le Canada en premier, un aspirant chef politique a choisi de faire autrement. Il a fait campagne contre l'accord, pontifiant au loin. L'accord a fini par être rejeté. C'est bien. J'accepte cela.

De la frontière entre le Québec et l'Ontario jusqu'à Vancouver, c'est ma circonscription qui a enregistré la plus forte majorité en faveur de l'accord. J'ai vanté les mérites de l'accord tous les jours, beau temps mauvais temps. Je suis très fier du fait que mes électeurs étaient en faveur de l'accord, ce document qui, à mon avis, aurait contribué à renforcer notre pays.

Au moment où l'accord a été rejeté, je me souviens que cette même personne, qui est maintenant chef de l'opposition, avait dit: «Mettons le débat constitutionnel en veilleuse pendant au moins cinq ans.» Je déteste citer les paroles de cet homme, mais c'est ce qu'il a dit.

Une voix: Citez ses propos encore. Vous finirez bien par apprendre quelque chose.

L'hon. Don Boudria: Le député d'en face semble regretter que l'on cite son chef. C'est triste en effet que l'on doive citer le chef de l'opposition, compte tenu de certaines de ses contradictions. Cinq ans plus tard, le même chef de l'opposition propose à la Chambre des changements constitutionnels qui auraient dû être faits avant, selon lui.

Qu'est-ce qui ne va pas dans ce raisonnement? Qu'est-ce qui sonne faux? Savez-vous ce qui cloche? Ce sont les réformistes et c'est le Parti réformiste. C'est ce qui cloche, comme le secrétaire parlementaire vient si éloquemment de le souligner. Le chef du Parti réformiste ne peut pas revenir sur les propos qu'il a tenus à l'époque.

 

. 1755 + -

Une voix: Citez-le encore une fois.

L'hon. Don Boudria: C'est avec plaisir que je citerai encore le chef du Parti réformiste, mais je me garderai de citer de trop près ses propos d'aujourd'hui parce qu'il a attaqué individuellement certains membres de l'autre endroit.

Le texte écrit adressé à certains des médias dit qu'une personne, en Alberta, a tenu des propos déplacés à un immigrant demandant la citoyenneté canadienne et que cette personne serait par la suite devenue sénateur. Telles sont les critiques formulées à l'encontre d'une personne pour son attaque et ses tentatives de destruction d'une institution. C'est quelque peu difficile à comprendre.

Je me souviens de propos stupides tenus par des députés réformistes tant dans cette enceinte qu'ailleurs. Cependant, sachez que j'ai jamais proposé l'abolition du Parti réformiste. J'aurais peut-être dû le faire, mais je ne l'ai pas encore fait. Je n'ai pas non plus demandé l'abolition de la Chambre des communes parce que certains députés ont déjà pensé que des gens d'une race différente devraient rester à l'arrière du magasin ou tenu des propos ridicules semblables au cours de la législature précédente.

M. Dick Harris: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je tiens à signaler au député qu'il fait erreur. Lors de la dernière législature, il s'est dit en faveur...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Reprise du débat.

L'hon. Don Boudria: Madame la Présidente, j'avoue que j'aurais aimé voir ce parti rayé de la carte, mais ce, dans le cadre du processus électorale. Lors des dernières élections, dans ma propre circonscription, les votes accordés au Parti réformiste ont chuté de moitié. Lors des élections précédentes, les réformistes avaient obtenu 11 ou 12 p. 100 des suffrages, mais je pense qu'ils n'en ont récolté que 8 p. 100 lors du dernier scrutin. Je tiens à dire au député...

M. Charlie Penson: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je vous prierais de vérifier s'il y a quorum à la Chambre.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Il y a actuellement quorum. Nous reprenons le débat.

L'hon. Don Boudria: Madame la Présidente, comme si les réformistes n'avaient pas suffisamment d'autres problèmes, il semble maintenant qu'ils ne savent pas compter.

Je veux parler du ressentiment que les députés d'en face encouragent envers le gouvernement et des critiques qu'ils formulent à l'égard de certains sénateurs.

Le député d'en face dit qu'il faut écouter la population. J'espère qu'il ne s'imagine pas que ses propos à la Chambre et ceux du chef du Parti réformiste reflètent l'opinion de la population canadienne. Je pense que le chef du Parti réformiste traduit rarement la pensée ou les souhaits des Canadiens.

Je veux parler de certaines remarques et attaques injustifiées qui ont été faites à l'endroit de personnes qui siègent à l'autre endroit. Si les sénateurs tenaient des propos semblables envers des députés, les réformistes seraient les premiers à invoquer le Règlement, à soulever la question de privilège. Ils diraient toutes sortes de choses au sujet de ceux qui les accusent à tort.

Le 7 mars 1988, la députée d'Edmonton-Nord a conseillé à un sénateur de prendre sa retraite, de s'acheter une roulotte motorisée et de s'en aller en Floride. Ce genre de remarque est tout à fait regrettable, comme si la seule chose que quelqu'un peut faire en toute légitimité, une fois arrivé à un certain âge, c'est de s'acheter une roulotte motorisée et de s'en aller ailleurs sous prétexte qu'une députée réformiste ne peut plus souffrir sa présence. Voilà un genre de propos tout à fait regrettable à l'endroit des aînés. La députée d'en face ne s'est jamais rétractée. Elle n'a jamais rien demandé et n'a fait aucune excuse. Elle aurait dû le faire.

 

. 1800 + -

Quel genre de personnes siègent actuellement au Sénat? J'aimerais donner quelques exemples des excellents Canadiens qui siègent dans cette Chambre. Si les députés veulent établir des comparaisons, je proposerais au député d'en face de vérifier les fiches de présence des députés de son propre caucus en plus de celles de la Chambre. Il devrait considérer cette question très sérieusement avant de porter des accusations contre les sénateurs.

Il suffit de regarder le compte rendu du vote dans cette Chambre; on ne tient en général des votes que deux ou trois jours par semaine au maximum, mais même à cela, nous constaterions, tout particulièrement dans le parti du député d'en face, que ce n'est pas toujours une situation dont on peut être fier, c'est le moins qu'on puisse dire. Le député devrait s'en rappeler également lorsqu'il critique d'autres groupes.

Examinons un peu le genre de personnes qui siègent à l'autre endroit, tenant compte du fait que la façon de les choisir n'a rien à voir avec les désirs actuels du gouvernement du Canada. La plupart des députés de ce côté de la Chambre ont d'ailleurs fait campagne en faveur de l'accord de Charlottetown pour améliorer le système. Ce sont les députés d'en face qui s'y sont opposés.

On y retrouve des gens comme le célèbre chirurgien cardiaque, le Dr Wilbert Keon, l'éditeur Richard Doyle et l'auteur canadien bien connu Jacques Hébert, une personne qui, à mon avis, a fait davantage pour les jeunes du Canada que la plupart d'entre nous ensemble pourrions le faire, grâce à Katimavik et à Jeunesse Canada Monde, un auteur qui a signé J'accuse les assassins de Coffin, un ouvrage qui a changé la peine capitale au pays. Avec tout l'excellent travail qu'il a fait, il est vraiment un de nos collègues à l'autre endroit.

Il y a des comédiens qui ont siégé ici récemment, des gens célèbres comme le sénateur Jean-Louis Roux; des propriétaires d'entreprise comme les sénateurs Eyton, Kolber et Di Nino; des fonctionnaires, des personnes du calibre des sénateurs Michael Pitfield, Roch Bolduc, Noël Kinsella, Jack Austin et Marie Poulin; des enseignants et des professeurs, les sénateurs Doris Anderson, Gérald Beaudoin, Ethel Cochrane, Rose-Marie Losier-Cools; des conseillers municipaux, des membres de conseils scolaires et des gens qui possèdent une expérience générale de l'administration municipale et locale, les sénateurs John Lynch-Staunton, Lucier, Milne, Spivak; des juges qui siègent actuellement au Sénat, le sénateur Andreychuk; des gens d'affaires, les sénateurs Erminie Cohen, Joseph Landry, Walter Twinn, Charlie Watt; des experts en droit, comme les sénateurs Normand Grimard, Duncan Jessiman, Derek Lewis, Donald Oliver; des gens engagés dans des syndicats, des dentistes, des défenseurs des droits des enfants, comme le sénateur Landon Pearson.

Je parle de gens qui ont siégé récemment au Sénat. Les députés savent-ils qui le chef de l'opposition a cité pour étayer son argument? Oliver Cromwell, le seul dictateur à s'être jamais emparé de l'Angleterre. Voilà comment il se défend; en citant des dictateurs et en faisant des discours.

En terminant, permettez-moi de citer les paroles suivantes: «Je dirais que, au cours de ma première année, une des toutes premières choses qui m'a frappée, c'est que le Sénat est très différent de la perception qu'en a la population. Vous savez, le Sénat a fait l'objet de beaucoup de sarcasmes et on a laissé entendre qu'il était en quelque sorte l'antichambre de la mort pour un tas de vieux politiciens décrépits. J'ai été très impressionné par le calibre de bien des sénateurs.» Ces propos sont ceux de Ernest Manning et le député d'en face devrait s'en souvenir.

 

. 1805 + -

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Madame la Présidente, ce fut réellement une agréable petite intervention. Je puis voir que le député a bien écouté l'intervention de notre chef ou qu'il l'a lue, car il en a au moins retenu quelque chose.

Ce qui m'étonne vraiment, c'est que, pendant 30 ans, nous avons vu des gouvernements libéraux et conservateurs se succéder et combler les sièges vacants à l'autre endroit. Chaque fois qu'on change de gouvernement, on voit le nouveau changer la composition de l'autre endroit. Pourquoi avons-nous une dette de 600 milliards de dollars au Canada s'ils accomplissent un travail aussi formidable? Ces gens-là sont censés former la Chambre de second examen objectif pour ramener notre Chambre à l'ordre quand nous ne suivons pas les bonnes procédures ou quand nous nous méprenons sur la situation financière du pays.

Pendant 30 ans, j'ai été assis sur mon tracteur ou aux commandes de ma moissonneuse-batteuse et j'ai entendu dire que les choses s'amélioraient au Canada. En quoi donc se sont-elles améliorées? Nous venons au douzième rang quant au revenu par habitant, le pire résultat chez les pays industrialisés. Il était temps que quelqu'un se lève à la Chambre durant deux heures pour nous brosser un tableau de la réalité. Si nous avons des problèmes, c'est parce que la Chambre de réflexion ou de second examen objectif ne s'est jamais rendu compte qu'il n'y avait pas de véritable pensée à la Chambre. Ses membres ne savaient pas comment diriger le pays.

Nous avons une dette de 600 milliards de dollars qui hypothèque l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Le chef de l'opposition officielle n'est pas censé dire ce qui ne tourne pas rond à l'autre endroit. Ses membres ne peuvent l'écouter. Il est grand temps maintenant de commencer à prendre le taureau par les cornes, puis le saisir par la queue et le faire tourner pour le jeter dehors. C'est ce qui va arriver.

De un député, nous sommes passés à 52; nous sommes maintenant 60 et, la prochaine fois, il y aura 152 députés réformistes de l'autre côté. Nous verrons alors s'ils écouteront ce que le chef de notre parti aura à dire au sujet du Sénat. Les sénateurs ne seront plus nommés, je puis le leur garantir. Ils se feront élire, car les gens auront le droit de les élire.

Non seulement cela, mais les agriculteurs ne se feront plus jeter en prison pour avoir vendu leur propre grain quand ils peuvent en obtenir un meilleur prix. C'est ainsi que nous allons diriger le pays. Nous aurons une démocratie, pas une dictature. Je trouve vraiment révoltant d'entendre comparer la Chambre et notre démocratie à la démocratie cubaine.

Nous avons le droit à la Chambre de dire ce qui ne va pas au Sénat et d'essayer de l'améliorer. C'est pour cela que nous sommes ici. Voilà pourquoi nous le dirons et le répéterons, que cela prenne une heure ou deux heures. J'espère que le député peut me donner une réponse. Pourquoi déplorons-nous ces problèmes au Canada alors que ce sont les conservateurs et les libéraux qui ont toujours gouverné le pays et nous ont plongés dans ce gâchis?

L'hon. Don Boudria: Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir répondre à quelques-unes de ces observations. Je suis un peu perplexe quant à ce que mon collègue espère obtenir.

Je ne mets pas en doute l'honnêteté du député. Je suis sûr qu'il est honnête et, réflexion faite, je suis sûr qu'il croit que la plupart des gens ici—et même tous, espérons-le—le sont également. Pour le moment, ce n'est pas une question d'honnêteté, mais une question de jugement. Je suis sûr qu'il est honnête même s'il fait parfois de ces remarques à propos de la malhonnêteté des autres. Je suis sûr de son honnêteté intrinsèque malgré ses remarques inopportunes.

Pour revenir au sujet qu'il a soulevé, avant qu'il se ridiculise davantage, je vais essayer de répondre aux questions qu'il a posées. Tout d'abord, nous discutons actuellement d'un projet de loi visant à créer un nouveau territoire de manière à concrétiser son existence et à lui permettre d'être représenté aux deux Chambres de notre grand pays. C'est de cela qu'il s'agit.

Quand le député parle de gâchis, quand il dit que ça ne tourne pas rond dans notre pays, je lui fais remarquer ceci: oui, la Chambre doit demander des comptes aux gouvernements. Oui, la Chambre doit chercher à améliorer les choses. Ce faisant, la Chambre ne doit pas se détruire elle-même ni détruire l'autre endroit. C'est cette attitude qui ne tourne pas rond, et je continuerai à la dénoncer.

Quoi qu'en dise le député, le Canada est le meilleur pays du monde. Nous ne l'avons pas détruit. C'est encore le meilleur pays du monde. La situation s'améliorera, que le député d'en face le reconnaisse ou non. D'une façon générale, les Canadiens souhaitent que le pays fasse mieux. C'est ce qui va arriver. C'est pour cela que ça ira mieux.

 

. 1810 + -

Le député disait dans ses remarques que le pays n'est pas assez démocratique et que c'est la raison pour laquelle il faisait ces commentaires. C'est son chef qui a utilisé le mot dictateur dans son discours. N'y a-t-il pas quelque chose qui cloche dans ce raisonnement? N'y a-t-il pas quelque chose de potentiellement fautif dans cette façon de regarder les choses?

Le pays fonctionne et fonctionne même bien. Oui, nous voulons que l'on modernise nos institutions parlementaires, nous voulons que la fédération progresse. C'est le but de ce projet de loi. Il crée un nouveau territoire pour que la fédération fonctionne mieux. C'est une des raisons pour lesquelles nous parlons de ce projet de loi.

Ayant répondu au député, je voudrais offrir de nouveau à la population du Nunavut nos souhaits, ainsi que, je l'espère, ceux de tout le monde ici, pour que le projet de loi aille maintenant en comité, puis revienne à la Chambre avant d'être transmis à l'autre endroit où, en temps et lieu, il recevra la sanction royale, de sorte que les gens puissent continuer à construire les morceaux du puzzle qui font ce grand pays, qui sera encore amélioré par la création du Nunavut. C'est ce que je souhaite pour les bonnes gens du Nunavut. J'attends avec impatience ce 1er avril de l'an prochain, lorsque tout convergera enfin. Espérons qu'alors nous serons tous réunis, sans considération d'appartenance politique, pour nous réjouir avec la population du Nunavut.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Madame la Présidente, le leader de la Chambre, en face, ne saisit pas le véritable enjeu du débat d'aujourd'hui.

Nous, du Parti réformiste, estimons que la meilleure chose que nous puissions faire en faveur de ce nouveau territoire qu'est le Nunavut serait de mettre entre ses mains un véritable outil démocratique. Il s'agit de lui accorder le droit d'élire son représentant au Parlement. Donnons-lui le droit d'élire son sénateur. Ne répétons pas les erreurs que libéraux et conservateurs ont commises pendant des décennies. N'en faisons pas une victime de l'erreur de l'actuel gouvernement. Donnons une chance à ces gens-là. Accordons à la population de ce nouveau territoire la possibilité d'opter pour un processus démocratique digne de ce nom. Voilà ce que nous réclamons.

L'ennui, c'est que l'actuel gouvernement est tellement imprégné de la tradition et des mauvaises habitudes qui ont conduit à ce système de favoritisme qu'il ne voit pas le danger d'un tel système pour la démocratie au Canada.

L'hon. Don Boudria: Madame la Présidente, le Sénat tel qu'on le connaît aujourd'hui, avec son système de nomination par exemple, n'a de toute évidence été inventé par aucun des députés ici présents. Il en était ainsi bien avant notre arrivée. Le système a subi des changements de temps à autre. Ainsi, la limite d'âge a été modifiée. La répartition entre provinces a également été modifiée. Des changements ont été apportés à ce processus.

Une voix: Vous avez raté le plus important.

L'hon. Don Boudria: le député dit que j'ai raté quelque chose d'important, une allusion sans doute à l'élection des sénateurs. J'ai fait campagne en faveur de l'élection des sénateurs. J'ai fait campagne en faveur de l'Accord de Charlottetown. Alors que les députés réformistes, dont certains qui siègent à la Chambre, ont fait campagne contre. Il y a une bonne part de duplicité dans les propos que nous entendons aujourd'hui.

 

. 1815 + -

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Madame la Présidente, je suis très honoré de parler du projet de loi C-39 au nom de notre caucus. La Loi sur le Nunavut a beaucoup modifié la perception de notre pays. La conception des territoires du Nord...

Des voix: Oh, oh!

M. Rick Laliberte: Il se peut que je manque une partie du dialogue qui a lieu à la Chambre.

Le projet de loi à l'étude met en oeuvre les exigences préliminaires pour les préparatifs en vue de 1999. C'est tout à fait nécessaire. Je peux comprendre la raison de ces lois, de ces projets de loi et les points qu'on soulève.

Je suis heureux de parler de ce projet de loi, qui joue un rôle dans l'histoire du développement de notre pays.

Notre collègue de l'opposition officielle a déclaré que la conception de la Chambre ressemblait à celle d'un navire. Je vois les choses encore de cette façon. C'est un navire qui a été créé par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui colonisait cette région de l'Amérique du Nord. Même si nous sommes parvenus à notre souveraineté et nous avons vécu avec les autochtones et avons appris d'eux, nous n'avons pas modifié la conception de notre pays dans nos symboles pour accueillir parmi nous les premiers habitants de cette terre.

Les députés vont s'apercevoir que les Territoires du Nord-Ouest sont gouvernés par une assemblée législative basée non pas sur la structure de parti, mais selon la nécessité de gouverner par consensus. J'aimerais bien connaître les symboles et les conceptions qu'on adoptera à l'assemblée législative du Nunavut.

Les gens parlent du Sénat aujourd'hui. Ils devraient prendre le temps d'écouter ce que pensent les autochtones de la façon de gouverner notre pays. S'ils veulent être radicaux, il y a des questions dont nous pourrions débattre, mais ce n'est pas le moment. Il n'est pas question du Sénat dans cette loi. Laissons le Nunavut se préparer pendant le temps qu'il lui reste. Il a moins de 12 mois pour se préparer à gouverner une région gigantesque. Les collectivités et les gens du Nunavut on des besoins divers. Donnez au Nunavut le temps de se préparer. Attaquons-nous au débat sur le Sénat avec le reste du Canada, lorsqu'il sera prêt. Ce n'est pas le moment maintenant. Nous avons gaspillé aujourd'hui de nombreuses heures de débat qui auraient pu être utiles. On aurait pu avoir un dialogue pour les gens du Nunavut. On aurait pu féliciter les nouveaux Territoires du Nord-Ouest de se gouverner eux-mêmes.

Je donne l'exemple d'un gouvernement par consensus. Aujourd'hui, le chef de l'opposition a demandé pourquoi on n'adopterait pas le style américain de représentation. Voyez l'histoire du gouvernement aux États-Unis. C'est la confédération iroquoise qu'on retrouve dans nos régions. Le régime démocratique a été conçu à partir de là. On a adopté ces conceptions et perceptions. C'est ce que le Canada doit faire aujourd'hui. Si nous devons tenir un débat, il faut ouvrir ces murs. Il faut repenser ce navire. On doit également repenser les structures législatives de nos provinces.

À cause de la conception de la Chambre, nous nous querellons avec les députés d'en face, avec des concitoyens, au sujet de l'avenir de notre pays et de nos enfants. Nous devrions nous appuyer les uns les autres pour assurer notre avenir et celui de nos enfants. Nous devrions trouver de meilleures façons et de meilleurs moyens. Nous pourrions créer un cercle.

 

. 1820 + -

Je vois la Bibliothèque du Parlement. Cet édifice rond a survécu à un incendie. Il a surmonté l'épreuve. Il symbolise la force de notre pays. C'était le seul édifice circulaire sur la colline du Parlement et il a survécu à l'incendie. Pourquoi ne pourrions-nous pas utiliser cela comme symbole de l'unité de notre pays? S'il fallait décider d'envoyer nos jeunes hommes et nos jeunes femmes à la guerre, pourquoi ne prendrions-nous pas cette décision dans une salle ronde qui serait symbole d'unité?

Même les décisions concernant nos drapeaux et notre structure gouvernementale pourraient être prises de cette façon. Je ne crois vraiment pas qu'un environnement partisan convienne.

À mon avis, ce genre de symbolisme sera adopté dans le nouveau territoire qu'on est en train de créer dans le Nord. Le Nunavut s'inspirera certainement de ses racines autochtones, du symbolisme de ses peuples anciens et de la façon dont ils se sont toujours gouvernés.

Il est certainement faux de dire que les peuples autochtones ne sont pas civilisés. Il suffit de regarder l'avenir de notre développement durable pour voir qui n'est pas civilisé. L'ère industrielle est en train d'empoisonner notre monde. Qu'on regarde comment se dessine l'avenir de notre pays et de notre planète. Qu'on se demande qui n'est pas civilisé. Qu'on fasse confiance aux autochtones de notre pays et qu'on leur permette d'exprimer leurs opinions et d'adopter cette forme de gouvernement sur leur territoire pour assurer leur avenir et l'avenir de chacun.

Je félicite les habitants du Nunavut pour avoir créé ce dialogue et pour avoir amené les autorités à reconnaître leur besoin d'autonomie gouvernementale. Nous les verrons débattre des questions nationales au cours des années à venir. Ils auront des sièges représentant leur territoire à cet endroit et dans l'autre. Ils pourront vraiment exprimer leur point de vue.

L'un de nos ancêtres, l'un des grands chefs des métis, Louis Riel, croyait en l'avenir au sein de ce grand pays, un pays qui s'enrichit de l'apport des nouveaux venus et qui accorde aux gens des régions qui adhèrent au pays les mêmes privilèges, droits et possibilité de voir leurs opinions et leur mode de vie réfléchis dans les lois et dans la Constitution du pays. On ne peut pas les empêcher de s'exprimer.

En 1998, les choses n'ont pas changé. C'est la même lutte que celle de Louis Riel et des métis qui cherchaient à se faire reconnaître dans ce pays. Ils n'ont jamais rien fait de mal. Tout ce qu'ils voulaient, c'est être représentés comme les habitants du Nunavut vont l'être. Il en va de même des gens de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et des autres régions de ce pays. Les Québécois veulent représenter et refléter leurs propres besoins et façonner leur avenir. C'est un droit que nous donne la structure démocratique de notre pays.

Débattre d'autres choses que du Nunavut est une perte de temps pour ces gens. Ils ont besoin de beaucoup de temps pour se préparer. Adoptons ce projet de loi aussi rapidement que possible pour que l'autre endroit puisse en faire un examen objectif. J'espère que l'adoption de cette mesure législative permettra au Nunavut de se préparer.

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Madame la Présidente, Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de cette occasion de prendre la parole sur quelque chose d'aussi important que la création du nouveau territoire du Nunavut. J'aimerais également profiter de cette occasion pour féliciter les gens du Nunavut en ce jour faste où nous débattons le projet de loi créant le territoire du Nunavut.

Maintenant que la création officielle du territoire se rapproche, il est rassurant de voir que le gouvernement a pris les mesures nécessaires, dans la première partie du projet de loi et dans les nombreuses modifications à la Loi originale sur le Nunavut, pour que le territoire soit un peu plus efficace.

 

. 1825 + -

Je désire exprimer mon appui pour l'amendement proposé par le chef de l'opposition officielle et appuyé par le député de Skeena, notre porte-parole pour les questions touchant les affaires indiennes et le Nord.

J'exhorte les députés des partis d'opposition de même que tous les députés ministériels d'esprit démocratique à appuyer l'amendement du Parti réformiste. C'est un amendement éminemment raisonnable. Les habitants du Nunavut devraient être consultés sur le mode de sélection de leur sénateur tout comme ils ont eu la possibilité d'exprimer leur opinion sur beaucoup d'autres modalités politiques qui les régiront.

J'ajoute que cet amendement est d'autant plus raisonnable quand on songe que les habitants du Nunavut adoptent une toute nouvelle conception du gouvernement de leur territoire. Leurs nouvelles idées en matière de gouvernement ont été approuvées et sont mises en oeuvre dans ce projet de loi.

Les habitants du Nunavut adoptent en effet un système en vertu duquel l'assemblée législative n'aura pas de partis politiques. Les députés seront élus sans aucun programme de parti. Cette forme de gouvernement, bien que généralement pas approuvée par l'ensemble des Canadiens, reconnaît le caractère unique de cette partie du Canada. La mise en oeuvre d'une forme de gouvernement dénuée d'esprit de parti reconnaît et approuve le désir d'une forme différente de gouvernement, qui remplace le statu quo.

Nous invitons maintenant le gouvernement à faire le prochain pas logique, à donner aux habitants du Nunavut le droit de choisir leur représentant et de l'envoyer à Ottawa comme le véritable représentant de leur région au Sénat qui est censé avoir été institué pour protéger les régions.

À l'heure actuelle, c'est le premier ministre qui fait toutes les nominations au Sénat. Il les recommande au gouverneur général. Il nomme les neuf juges de la Cour suprême de même que les dirigeants et les membres de tous les offices, comités, commission et organismes fédéraux. Ce n'est pas trop demander que d'épargner au Canada en général et au Nunavut en particulier la présence à la Chambre haute d'un autre copain du Parti libéral.

Compte tenu de cela, est-il le moindrement logique que les gens du Nunavut, dont l'approche est rafraîchissante à tous autres égards et qui obtiennent de tout faire autrement, voient quelque politicard libéral nommé sénateur de leur territoire par le premier ministre? La réponse est non. Cela n'a tout simplement aucun sens. Les deux ne vont tout simplement pas ensemble.

Les gens du Nunavut ont proposé de nouvelles idées et approches intéressantes sur la façon de gouverner en fonction de leur culture.

Grâce au présent projet de loi, le gouvernement a la chance de faire la même chose. Le gouvernement profitera-t-il de cette occasion pour enfin présenter et mettre en oeuvre de nouvelles idées?

Je rappelle aux députés que, plus tôt aujourd'hui, la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a dit qu'il fallait s'assurer que la voix et les représentants des Territoires du Nord-Ouest et de l'ouest et de l'est de l'Arctique soient entendus au Sénat.

Nous ne saurions être davantage d'accord. Nous voulons nous assurer que les gens du Nunavut ont un représentant au Sénat et non le contraire. Ce que nous ne voulons pas, c'est que quelque politicard libéral soit nommé au Sénat pour représenter les gens du Nunavut et approuver machinalement la politique libérale, si toutefois il se donne la peine de se présenter aux séances du Sénat.

Nous demandons à la Chambre d'approuver l'amendement de l'opposition officielle de telle sorte que les gens du Nunavut aient leur mot à dire dans la façon dont leur sénateur sera élu.

Nous sommes impatients que l'amendement réformiste soit adopté, que les élections conséquentes soient tenues et que le sénateur du Nunavut soit élu.

Si l'amendement est rejeté, ce sera avec beaucoup moins d'enthousiasme que l'opposition officielle appuiera le projet de loi.

Compte tenu de toutes les bonnes raisons que le chef de l'opposition officielle a données et qu'appuient nos députés de tenir des élections sénatoriales, le projet de loi devrait être adopté.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Comme il est 18 h 30, je dois interrompre le député. Lorsque reprendra le débat sur cette question, vous disposerez encore de 15 minutes environ si vous désirez prendre à nouveau la parole.



MOTION D'AJOURNEMENT

 

. 1830 + -

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Madame la Présidente, la veille de la Journée internationale des droits de la personne, j'ai demandé au ministre des Affaires étrangères pourquoi le gouvernement libéral avait fait taire le chef d'une première nation et avait tenté de réduire au silence des Canadiens au sujet des violations des droits de la personne.

Le chef Gail Sparrow, de la première nation Musqueam, devait prononcer un discours devant les représentants de l'APEC le 25 novembre. Le gouvernement a alors demandé au chef Sparrow d'abréger son discours d'une minute. Le gouvernement a ensuite annulé carrément l'exposé du chef Sparrow. Pourquoi? Parce que le chef Sparrow avait eu l'audace de mentionner en passant les droits de la personne dans son discours. Sa première ébauche à l'intention des représentants comprenait la phrase «Je vous encourage à veiller au respect de la dignité de tous les peuples.»

Le Cabinet du premier ministre a décidé de réduire au silence ce chef d'une première nation pour s'assurer de ne pas rappeler à des dirigeants de l'APEC, comme le général Suharto de l'Indonésie, leurs violations systémiques des droits de la personne. C'est honteux.

Était-ce là un soufflet au visage des Musqueam parce qu'ils avaient osé laisser entendre au ministère de la Défense nationale que le gouvernement ne devrait pas asphalter une partie de Deadman's Island pour y construire une aire d'atterrissage d'hélicoptères à l'intention des visiteurs de l'APEC, sans d'abord en examiner convenablement les répercussions éventuelles sur les cimetières et le patrimoine des Musqueam?

Quoi qu'il en soit, le gouvernement a tout fait pour réduire au silence les Musqueam et d'autres qui ont osé soulever les questions des droits de la personne, tout en faisant des pieds et des mains pour assurer le confort politique de gens comme Suharto, qui sont responsables de la mort, de la torture et du mauvais traitement de citoyens de leur propre pays.

Le gouvernement avait la possibilité de refuser d'inviter M. Suharto au Canada en invoquant l'article 19 de la Loi sur l'immigration du Canada, pour déclarer Suharto criminel de guerre et non admissible au Canada. Lorsque j'ai interrogé la ministre de l'Immigration au sujet du fait que Suharto était autorisé à entrer au Canada, elle a déclaré qu'il n'avait été condamné pour aucun crime. Lorsque je lui ai demandé qui le condamnerait, elle n'a su que répondre.

Au lieu d'interdire l'entrée au Canada de personnes reconnues pour leurs violations des droits de la personne, comme Suharto, le gouvernement a décidé de lancer au hasard de nombreux grands contenants de gaz lacrymogènes contre des manifestants pacifiques. Pis encore, des représentants du Canada avaient rencontré Suharto en Indonésie pour l'assurer que les mesures de sécurité qu'il exigeait pour sa protection seraient respectées.

Des agents de la GRC ont déchiré des affiches d'un étudiant de l'université de la Colombie-Britannique, Craig Jones, sur lesquelles il faisait la promotion de la liberté d'expression, de la démocratie et des droits de la personne, même si lesdites affiches se trouvaient à l'extérieur de la supposée zone de sécurité. Pourquoi le gouvernement a-t-il réduit au silence des Canadiens qui se préoccupent des droits de la personne et qui ont soulevé ces questions par des moyens pacifiques et démocratiques?

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas utilisé son pouvoir pour empêcher un chef politique comme Suharto, un violateur notoire des droits de la personne, d'entrer au Canada? Pourquoi le gouvernement a-t-il tout fait pour apaiser les craintes du général Suharto quant à sa sécurité pendant son séjour au Canada?

Dans l'état actuel des choses, l'histoire représentera Suharto comme un homme cruel, impitoyable et mauvais. J'ai honte que le gouvernement libéral ait été jusqu'à souhaiter la bienvenue à cet homme, au point même de réduire au silence des Canadiens comme le chef Sparrow et Craig Jones.

Les porte-parole du gouvernement répliqueront par des formules générales sur la protection des chefs d'État, sur le fait que le chef Sparrow aurait pu rencontrer face à face les chefs de l'APEC, ou sur les enquêtes sur les activités de la GRC. Mais cela ne suffit pas. La responsabilité incombe au Cabinet du premier ministre et au gouvernement. La question de la réduction au silence du chef d'une première nation ne doit pas être renvoyée à la commission des plaintes publiques, mais au Cabinet du premier ministre.

La priorité du gouvernement est-elle de protéger les droits de nos propres citoyens ou de rendre confortable le séjour de chefs d'État qui sont des violateurs notoires des droits de la personne? La priorité du gouvernement est-elle de bâillonner des Canadiens comme le chef Sparrow et Craig Jones afin d'offrir une tribune à des violateurs notoires des droits de la personne comme le général Suharto?

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Madame la Présidente, le député n'y est pas du tout parce qu'un certain nombre de ses affirmations sont tout simplement erronées.

Loin d'avoir insulté la bande de Musqueam ou le chef Sparrow, le gouvernement a fait un effort particulier à la conférence de l'APEC pour reconnaître le rôle de nos premières nations.

L'unique activité de la conférence de l'APEC qui s'est tenue à l'extérieur du centre ville de Vancouver a eu lieu au Musée de l'anthropologie de l'université de la Colombie-Britannique, qui se trouve au coeur de ma circonscription, mais dont l'importance vient de ce qu'il est construit sur le territoire historique de la bande Musqueam et qu'il lui fait une place prédominante.

 

. 1835 + -

En fait, le chef Sparrow, a eu l'occasion sans précédent de rencontrer tous les dirigeants des pays de l'APEC qui sont arrivés avec notre premier ministre. Elle a été, en dehors du premier ministre, la seule personne autorisée à le faire.

Le seul problème en ce qui concerne les déclarations a été le facteur temps. Toutes les personnes qui devaient intervenir s'étaient vu accorder des délais stricts. En fait, il n'y a pas eu assez de temps et c'est pourquoi le programme a dû être modifié. Le fait que le chef Sparrow ait rencontré les dirigeants des pays de l'APEC et ait fait valoir ses idées ne pose pas de problème.

La déclaration émise par les dirigeants des pays de l'APEC après la conférence contient des termes qui témoignent des liens qui existent entre le développement économique, le bien-être des gens, y compris celui des travailleurs, et bien sûr le rôle des peuples autochtones. En fait, c'est un thème cher au gouvernement actuel. Si on se reporte à la déclaration faite récemment à l'issue de la conférence des Amériques qui vient de se terminer à Santiago, on constate que des termes similaires ont été insérés à la demande du Canada en ce qui concerne le rôle de nos populations autochtones dans notre culture.

L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Madame la Présidente, le 17 mars, j'ai demandé pourquoi le gouvernement refusait de tenir des audiences parlementaires au sujet de l'accord multilatéral sur l'investissement et les négociations l'entourant alors que la capacité même de nos gouvernements de faire des lois souveraines quant à l'avenir économique de notre pays était en jeu.

J'ai demandé en particulier si le gouvernement libéral accepterait les recommandations du gouvernement de la Saskatchewan afin que l'on procède à une analyse complète des incidences de l'AMI, à un débat parlementaire en bonne et due forme et à un vote. Tout ce que nous demandons c'est que le Parlement ait son mot à dire à ce sujet pendant que nous pouvons encore faire une différence. Pourquoi? Parce que la portée de l'AMI va bien au-delà de toute mesure législative que les députés verront jamais au Parlement. L'AMI limite le pouvoir des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux de légiférer dans l'intérêt public.

Le ministre néo-démocrate de la Saskatchewan chargé des accords commerciaux, Bernie Wiens, a écrit ce qui suit au ministre du Commerce international en février: «Presque tous les aspects des compétences provinciales en matière de gestion économique et sociale seront directement touchées par un accord de cette nature. Aucun accord semblable ne doit s'appliquer à la Saskatchewan sans son consentement explicite.»

Si l'AMI était signé, les sociétés et les investisseurs étrangers devraient être traités comme des sociétés canadiennes, mais, lorsque des sociétés étrangères s'estimeraient lésées, elles pourraient intenter des poursuites contre le gouvernement du Canada ou tout autre pouvoir public ou aller en arbitrage. Les sociétés canadiennes n'auraient pas le même droit.

Les sociétés et les investisseurs étrangers seraient à l'abri de toute loi future visant à protéger ou à créer des emplois, à renforcer les normes de protection de l'environnement ou à servir les objectifs du Canada en matière de recherche et de développement. S'ils étaient forcés de s'y conformer, ils pourraient obtenir une indemnisation des Canadiens. Le paradoxe est cruel. Les libéraux sont prêts à tout pour indemniser des sociétés étrangères, mais ils se refusent à le faire pour les malades et les innocentes victimes de l'hépatite C.

Le Parti réformiste attend l'AMI avec une impatience mal contenue. Révélant leurs vraies couleurs comme les complices des grandes entreprises étrangères, les réformistes reprochent surtout aux libéraux de négocier en secret au lieu de dépenser des montants astronomiques de l'argent des contribuables pour convaincre tout le monde des grands avantages de l'AMI pour les grandes sociétés étrangères.

Le député réformiste de North Vancouver s'est échappé et a donné la vraie raison de leur entichement pour l'AMI. Cet accord permettrait de protéger et d'accélérer les mesures en vue des services privés de santé. C'est ce que le Parti réformiste aimerait voir au Canada. Des services privés à but lucratif. Un système à deux vitesses, l'un pour les riches et l'autre pour le reste de la population canadienne. L'AMI permettrait ce système de soins de santé à deux vitesses.

La campagne menée par le Conseil des Canadiens et par le NPD au Parlement pour la tenue d'un débat public sur la question commence finalement à porter fruit. Comme l'a souligné Rosemary Spiers du Star de Toronto jeudi dernier:

      ...le Conseil des Canadiens et le NPD ont mené avec succès une campagne contre l'AMI qui a fait reculer les libéraux...

Il semble que le Canada ne signera pas l'AMI à Paris ce mois-ci. Rien ne garantit qu'il ne le fera pas plus tard, mais les pressions exercées par le public entraînent parfois des résultats. C'est une leçon que le gouvernement devrait avoir tirée pour la prochaine fois parce qu'il y a bien d'autres négociations nationales à venir. Mentionnons notamment l'accord de services financiers qui est presque conclu sans jamais avoir été présenté à la Chambre des communes. Cet accord permettrait, par exemple, que les banques canadiennes appartiennent en totalité à des intérêts étrangers.

Le gouvernement de la Saskatchewan a mis au point des directives justes et raisonnables pour les accords commerciaux internationaux, dont la protection des soins de santé, les normes du travail et de l'environnement entre autres, que le NPD et moi-même approuvons.

Je demande au gouvernement libéral d'appuyer ces principes ainsi que la tenue d'audiences publiques et d'un vote sur l'AMI avant d'engager plus avant l'avenir de nos enfants.

 

. 1840 + -

M. Julian Reed (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Madame la Présidente, je suis toujours étonné d'entendre les néo-démocrates, entre tous, s'opposer aussi farouchement à l'avancement de notre pays.

Je sais que le député ne pourra me répondre dans le cadre du présent débat, mais j'aimerais qu'il me dise d'où proviennent les données sur lesquelles sont fondées toutes les déclarations curieuses que nous avons entendues depuis un an. Et elles sont effectivement fort curieuses. Il s'agit d'extraits bizarres qui proviennent d'une ébauche. Ils ne sont pas tirés du texte officiel d'un accord, mais d'une ébauche.

Le député a plus d'expérience que moi à titre de parlementaire. Il devrait savoir que, lorsqu'un certain nombre de pays se réunissent, l'ébauche qu'ils rédigent équivaut à une liste de tous leurs souhaits.

Ce dont on n'a pas tenu compte au fil des mois, c'est de la liste de réserves que le Canada a dressée, liste qui, je dois le dire, est très longue. Le ministre a d'ailleurs expliqué très clairement que plusieurs de ces réserves ne sont pas négociables.

Depuis des mois, le député se comporte comme un Gaulois qui a peur que le ciel ne lui tombe sur la tête, à l'instar de ses collègues néo-démocrates, et je tiens à lui rappeler ceci. Le Canada est actuellement lié par 54 accords d'investissement bilatéraux. Il a conclu un accord trilatéral. Depuis la signature du premier accord dans les années 50, aucune entreprise n'a dicté la politique du Canada. Les soins de santé n'ont pas été compromis non plus. L'éducation n'a pas été mise en péril. Les autochtones n'ont été nullement menacés.

Je demande au député de tenir compte du fait que l'histoire ne corrobore pas ce qu'il avance. L'histoire montre que le Canada fonctionne mieux avec des règles que sans règles. Nous avons l'intention...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): La parole est au député de Sault Ste. Marie.

LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais reprendre la question que j'ai posée à la ministre de la Justice au sujet d'un phénomène relativement récent, celui des groupes de jeunes criminels violents formés d'adolescents et de jeunes adultes des deux sexes.

Les crimes violents commis par des groupes d'adolescents et de jeunes adultes des deux sexes représentent, sans contredit, un problème qui prend de l'ampleur au Canada. Ce phénomène récent et alarmant a surgi dans toutes les localités du Canada, y compris ma ville natale, Sault Ste. Marie.

En fait, au moment où je vous parle, un jeune homme de ma circonscription se plie à d'intenses séances de physiothérapie, dans un hôpital de Sudbury, après avoir été apparemment sauvagement attaqué à la hachette par un groupe d'adolescents et de jeunes adultes. Deux des présumés agresseurs sont de jeunes contrevenants. L'un d'entre eux, à 17 ans, satisfait tout juste aux critères d'un jeune contrevenant et tente actuellement de faire porter sa cause devant un tribunal pour adolescents plutôt que devant un tribunal pour adultes. À Sault Ste. Marie, les gens se demandent pourquoi un jeune de 17 ans, accusé d'une attaque aussi sauvage, devrait-il avoir la possibilité de porter sa cause devant un tribunal pour adolescents?

À mon avis et selon un grand nombre d'habitants de Sault Ste. Marie et de Canadiens, offrir cette possibilité à des personnes accusées de crimes aussi violents, c'est faire un affront aux victimes. Une telle mesure est inacceptable et constitue une autre attaque contre les victimes et leur famille. En fait, cette mesure est une insulte au principe même de la justice pénale fondamentale.

Pour illustrer à quel point mes électeurs se préoccupent de cette question, je renvoie les députés à une pétition qui a récemment circulé dans ma circonscription. Les pétitionnaires demandent au Parlement de commander une étude pancanadienne sur les groupes de jeunes criminels violents et d'appliquer des mesures punitives sévères pour lutter contre cette forme de criminalité.

Il n'aura fallu que trois semaines pour recueillir la signature de 5 000 habitants de Sault Ste. Marie sur cette pétition. En signant, les pétitionnaires ont exprimé leurs inquiétudes devant le problème de la criminalité chez les jeunes et ont demandé au gouvernement de s'attaquer à ce problème avant qu'il n'atteigne des proportions épidémiques. Ces gens reconnaissent clairement, tout comme moi, que nous savons très peu de choses sur le phénomène des crimes commis par des groupes de jeunes et que nous devons analyser les réactions antisociales qui motivent et incitent certains jeunes à se regrouper pour commettre des actes de violence insensés sans préméditation et sans remords. Ils reconnaissent que, avant même de tenter de trouver une solution au problème, il nous faut adopter des lois plus rigoureuses et mieux comprendre les causes et les effets de la criminalité juvénile.

 

. 1845 + -

Il nous faut parvenir à une communion d'esprits entre éducateurs, psychologues, policiers et législateurs de tout le Canada pour arriver à comprendre le phénomène et à trouver des moyens de dissuader les jeunes de commettre des crimes avec violence.

Il nous faut trouver des réponses aux questions fondamentales avant de proposer des solutions. La première question à laquelle il faut répondre, c'est pourquoi.

Pourquoi certains jeunes sont-ils devenus si insensibles à la violence qu'ils se regroupent et commettent des crimes indescriptibles, souvent sans aucune provocation? Pourquoi ne sont-ils apparemment pas du tout inquiets, ou, à tout le moins conscients, des conséquences de leurs actes? Pourquoi ces jeunes sont-ils tout à fait incapables de s'identifier à leurs victimes? Pourquoi semblent-ils si indifférents aux conséquences de leurs actes? Pourquoi ces conséquences ne sont-elles pas plus rigoureuses pour les jeunes qui passent les frontières des expériences de jeunesse pour entrer dans le monde de la violence et même du meurtre?

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je suis désolée d'interrompre, mais le temps accordé au député est écoulé.

Mme Eleni Bakopanos (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, la ministre de la Justice est consciente des préoccupations de notre collègue devant la criminalité juvénile, particulièrement devant les crimes de violence, notamment ceux qui ont eu lieu dans sa circonscription. Nous sommes très sensibles à ce problème.

La ministre de la Justice publiera bientôt une réponse complète au rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Un des éléments clés de cette réponse aura trait au moyen de réagir efficacement aux crimes avec violence commis par les jeunes. Le système de justice pour les jeunes doit être capable de réagir efficacement à toute la gamme des crimes commis par les jeunes, y compris les crimes graves avec violence.

Le phénomène de la criminalité violente chez les jeunes, les gangs de criminels, le degré de violence des membres des groupes et la participation croissante des femmes à ces groupes préoccupent beaucoup le gouvernement.

La question de la criminalité chez les jeunes est un problème complexe auquel on peut le mieux s'attaquer en adoptant une stratégie à plusieurs volets. Il faut encourager les approches multidisciplinaires coopératives auxquelles participent les familles, les collectivités, le secteur bénévole, les victimes, les mentors de même que les services de santé mentale et d'aide à l'enfance.

En tant que gouvernement, nous reconnaissons l'importance de la recherche continue sur la criminalité chez les groupes de jeunes. La députée réclame une étude nationale sur les gangs d'adolescents violents. Au cours des trois dernières années, le gouvernement a consacré beaucoup de temps et de ressources à un examen approfondi du système de justice pour les jeunes.

[Français]

En fait, cela a été discuté par les premiers ministres quand ils se sont rencontrés pour la première fois en août 1997, et aussi par la ministre de la Justice et ses collègues provinciaux et territoriaux à leur réunion au mois de décembre de l'an dernier.

Maintenant, on arrive au moment où la ministre et le gouvernement encouragent tous les députés de la Chambre à faire valoir leurs points de vue quand elle déposera sa réponse au rapport du Comité permanent de la justice et quand on présentera la législation à la Chambre.

LE DRAGAGE DU FLEUVE SAINT-LAURENT

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Madame la Présidente, mon intervention d'aujourd'hui fait suite à une question que je posais le 25 mars dernier au ministre de l'Environnement et à sa réponse insatisfaisante.

C'est pourquoi nous revenons à la charge aujourd'hui pour essayer d'en savoir plus long. On sait que le 23 mars, le ministre des Pêches et des Océans annonçait la décision de son ministère de se rendre aux doléances de l'Administration du port de Montréal et d'autoriser le dragage du Saint-Laurent sur environ un pied de profondeur, c'est-à-dire de faire passer la profondeur de l'eau du chenal de 11 mètres à 11,3 mètres.

Cette décision a été immédiatement dénoncée par tous les groupes environnementalistes très sensibles et très impliqués dans ce dossier de longue date, c'est-à-dire Stratégie Saint-Laurent et Saint-Laurent Vision 2000, pour ne nommer que ceux-là. Stratégie Saint-Laurent supervise tous les groupes ZIP, soit les zones d'intervention prioritaire, notamment la ZIP du lac Saint-Pierre que je veux saluer de façon toute particulière. Ces gens-là se préoccupent, de bon droit, de l'avenir et du développement de ce plan d'eau extraordinaire que constitue le lac Saint-Pierre qui risque d'être considérablement perturbé si le gouvernement fédéral continue dans cette voie, sans consultation publique.

 

. 1850 + -

Il s'agit ici d'un projet de très grande envergure. On parle ici du dragage de 350 000 tonnes métriques qui seraient prises au fond du fleuve Saint-Laurent. Ces matières possiblement polluantes—c'est ce qu'il faudra savoir—seraient possiblement en suspension dans l'eau du Saint-Laurent, donc véhiculées par le courant. On ne le sait pas. Des consultations sont nécessaires pour savoir à quoi s'en tenir. On ne sait pas non plus où seraient déposées ces matières possiblement polluantes.

Il s'agit de travaux de très grande envergure. Pour se situer, on parle ici de 350 000 tonnes métriques. Ces travaux seraient faits sans qu'il n'y ait eu d'audiences publiques, alors que pour le dragage du port de Sorel, où il est question de 20 000 mètres cubes, le gouvernement du Québec vient d'exiger que se tiennent les audiences publiques prévues par la loi.

On connaît les exigences du ministère de l'Environnement en ce qui a trait à la protection et à la santé publique envers les particuliers qui ne peuvent plus bâtir de quais, par exemple, qui ne peuvent plus jeter de terre ou de sable dans l'eau du lac ou du fleuve. Quand on sait les exigences normales que la société a envers l'entreprise privée pour qu'elle respecte l'environnement et assure, avec les balises et les mécanismes qu'on s'est donnés, que l'environnement soit respecté, de quel droit le gouvernement du Canada irait-il autoriser des travaux de l'ordre de 350 000 tonnes métriques sans qu'il y ait d'audiences publiques pourtant prévues par la loi?

Il y a eu consultation—c'est là la réponse que fait le ministre des Pêches et des Océans—mais les groupes consultés disent qu'il y a encore, et je prends les mots de M. Marc Hudon de Stratégie Saint-Laurent qui disait, si ma mémoire m'est fidèle: «Il y a encore une quantité industrielle de questions à poser» au gouvernement malgré les consultations qui ont été tenues.

Je pense que vis-à-vis de l'intérêt public, avec un grand «I» et un grand «P», c'est le bien commun qui est en cause. Certes, il y a les velléités et les préoccupations du port de Montréal en termes de compétitivité face aux ports étrangers, ce qu'il faut respecter, mais ici, dans l'intérêt public, il faut qu'Environnement Canada prenne ses responsabilités, démontre son impartialité...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je dois interrompre l'honorable député. Le temps est écoulé.

[Traduction]

M. Wayne Easter (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais exposer certains fais qui calmeront les inquiétudes du député.

Le projet de dragage qui est approuvé doit permettre aux responsables du port de Montréal de creuser la voie navigable pour que la profondeur passe de 11 à 11,3 mètres sous le zéro des cartes.

La profondeur atteint déjà 11,3 mètres dans la plus grande partie de la voie navigable visée par le projet. Le projet de dragage touche 2 p. 100 du chenal navigable et moins de 0,07 p. 100 de toute la surface du Saint-Laurent entre Montréal et Cap-à-la-Roche, qui se trouve à une distance de 150 mètres.

Le port de Montréal a ordonné des études de faisabilité qui ont été terminées en mai 1996. Le projet a ensuite été soumis au ministère des Pêches et des Océans aux fins d'examen en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables et du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches. Ces deux lois exigent une évaluation environnementale aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Le port de Montréal a effectué un examen minutieux des répercussions environnementales des projets proposés. Comme l'exige la LCEE, les responsables du ministère des Pêches et des Océans se sont ensuite penchés sur les conclusions concernant le port de Montréal et ont demandé l'avis d'autres organisations, dont Environnement Canada et le ministère québécois de l'Environnement et de la Faune. Il y a aussi eu deux séries de consultations publiques.

Après des études attentives des ministères et des organisations fédérales et provinciales ainsi que de la population, le ministère a conclu que le projet ne devrait pas avoir des effets nuisibles sur l'environnement étant donné les mesures de mise en valeur et de compensation qui sont imposées, ainsi que le programme de surveillance qui sera mis en vigueur.

 

. 1855 + -

L'OFFICE D'INVESTISSEMENT DU RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Madame la Présidente, mon intervention fait suite à une question que j'ai posée au ministre des Finances le 1er avril au sujet de sa position concernant le rapport du Comité sénatorial des banques, qui recommande d'autoriser l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada à porter de 20 p. 100 à 30 p. 100 en cinq ans le pourcentage d'investissement dans des biens étrangers. L'office pourrait ainsi investir dans des titres étrangers plutôt que dans des titres canadiens, et cela jusqu'à concurrence de 30 p. 100 de ses placements.

Je m'oppose à cette recommandation pour deux raisons. Premièrement, on s'est beaucoup efforcé de ne pas lier les mains des gestionnaires des régimes de pensions qui ont besoin de meilleurs outils d'investissement pour accroître le rendement des investissements des caisses de retraite. Je signale à la Chambre que la grande majorité des fonds mutuels qui sont actuellement gérés par ces mêmes gestionnaires n'offrent même pas un rendement égal à la croissance moyenne des indices boursiers au Canada.

Autrement dit, le rendement obtenu par la plupart des gestionnaires est inférieur à la moyenne de l'indice composé de la Bourse de Toronto. Leur incapacité d'offrir ne serait-ce qu'un rendement moyen au Canada devrait nous faire réfléchir avant d'autoriser l'investissement d'une part accrue de l'argent des prestataires du RPC dans des marchés étrangers volatiles.

Cette volatilité serait due non seulement aux fluctuations du change étranger mais également aux incertitudes générales liées à des réglementations inconnues. Il suffit de penser au sud-est asiatique, qui est justement l'un de ces marchés.

A-t-on fait la preuve que la règle actuelle, qui limite les investissements à 20 p. 100, réduit les possibilités de rendement au Canada indépendamment de la limite? Aux États-Unis, par exemple, les caisses de retraite ne sont pas assujetties à une limite. Pourtant, historiquement et encore aujourd'hui, seulement 10 p. 100 des fonds des caisses de retraite sont investis à l'étranger.

Au Japon également, il n'y a pas de limite sauf sur les 19 p. 100 les plus rentables. En Australie, les gestionnaires des régimes de pensions, qui ont toute liberté d'investir à l'étranger, n'y ont investi que 16 p. 100 de leur actif. Autrement dit, il semble que la norme mondiale soit toujours inférieure à la limite de 20 p. 100. Pourquoi faudrait-il changer cela? Franchement, il semble n'y avoir aucune preuve empirique de l'utilité de hausser la limite.

Je m'inquiète aussi de ce que j'appelle l'effet boule de neige. Si le plafond concernant la propriété étrangère est haussé pour l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, il s'ensuit qu'il faudrait aussi l'augmenter pour les régimes de pension, notamment les régimes enregistrés d'épargne-retraite, ce qui n'est pas négligeable.

Dans notre pays, les investisseurs sont libres d'investir à l'étranger. La question qui se pose est la suivante: voulons-nous offrir une subvention fiscale pour ce faire? Inutile de dire que ceux qui maximisent les bénéfices de leurs REER profitent pleinement de la possibilité d'investir à l'étranger. Ce sont aussi les contribuables ayant le revenu le plus élevé. Je trouve qu'il ne convient pas de leur offrir d'autres déductions d'impôts avec l'argent des contribuables canadiens juste pour qu'ils puissent investir à l'étranger. Franchement, ils sont déjà libres de faire cela avec l'argent qu'il leur reste après impôts.

Le ministre a dit qu'il allait étudier la question avec ses homologues provinciaux. Je me demande si le ministre ne pourrait pas être plus clair en disant qu'il s'oppose à ce changement pour le moment.

M. Wayne Easter (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Madame la Présidente, tout d'abord, je félicite le député de Durham de l'intérêt qu'il manifeste pour cette question et de son travail soutenu à cet égard.

Je profite de l'occasion pour dire aux membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce que le ministre leur est reconnaissant pour leur bon travail et pour le rapport qu'ils ont présenté concernant l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et le règlement provisoire.

Le nouvel office d'investissement est un élément clé de la réforme en profondeur du RPC approuvée par la Chambre l'an dernier. En investissant prudemment les nouveaux fonds du RPC dans un portefeuille d'investissements diversifié, de manière à en tirer un rendement plus élevé, l'office contribuera à assurer le maintien du RPC pour les Canadiens de demain.

Nous sommes heureux de voir que le rapport du comité est favorable, dans l'ensemble, aux dispositions sur les investissements et à la structure administrative de l'Office d'investissement du RPC, qui ont été conçues en collaboration avec les provinces. Le rapport formule toutefois un certain nombre d'idées que les gouvernements fédéral et provinciaux voudront étudier attentivement.

 

. 1900 + -

Le ministre a donc fait parvenir le rapport du comité à ses collègues provinciaux, puisqu'ils sont conjointement responsables de la bonne administration du Régime de pensions du Canada. Nous avons la ferme intention de donner une réponse complète au comité dès que possible, quand les autorités compétentes des provinces auront examiné les recommandations du comité.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): La motion d'ajournement de la Chambre est maintenant adoptée d'office. La Chambre s'ajourne donc à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 19 heures.)