AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD
COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 7 décembre 1999
Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): Chers collègues, nous allons amorcer cette séance.
Je signale aux représentants des médias qu'ils devront éteindre leurs caméras, conformément au Règlement de la Chambre. Il s'agit d'une séance courante d'un comité permanent de la Chambre des communes.
Je souhaite la bienvenue à tous, notamment aux agriculteurs présents dans cette salle. Cette séance donnera aux agriculteurs l'occasion de s'exprimer et nous permettra d'entendre ce qu'ils ont à dire.
Hier, nous sommes allés à Portage la Prairie et à Dauphin, et je pense que notre journée a été très productive. Nous sommes impatients d'avoir le même genre de discussions avec les agriculteurs de Brandon et de connaître leur point de vue.
Nous allons d'abord entendre le témoignage de quatre agriculteurs: Harvey Paterson, Don Bromley, Walter Finlay et Murray Downing. Nous entendrons une autre série de témoignages après les leurs, puis les représentants de trois organismes. Nous céderons ensuite la parole à l'auditoire pour les 45 dernières minutes de cette séance de trois heures et demie.
Ceux d'entre vous qui n'ont pas encore exprimé leur intention de prendre la parole doivent s'inscrire sur la liste des intervenants. Il y a quelqu'un au fond de la salle qui s'appelle Michel; il inscrira votre nom sur la liste. Nous ne pourrons peut-être pas entendre le témoignage de tous ceux qui souhaitent prendre la parole, mais nous ferons de notre mieux.
Nous allons commencer immédiatement en suivant l'ordre alphabétique; nous allons donc entendre Don Bromley en premier. Monsieur Bromley, ceux qui font un exposé disposent de cinq à sept minutes, de manière à ce que les membres du comité aient du temps pour poser des questions.
J'en profite d'ailleurs pour vous présenter les membres du comité: Murray Calder, de l'Ontario, Joe McGuire, de l'Île-du- Prince-Édouard, Garry Breitkreuz, de Yorton, Dick Proctor, de Palliser, et cet autre type qui s'appelle Borotsik, personne ne le connaît; quant à moi, je m'appelle John Harvard, je viens de Winnipeg et je préside les travaux du comité permanent.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Bromley. Vous pouvez commencer.
M. Don Bromley (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Bonjour et bienvenue à Brandon. Je vous remercie de cette invitation à prendre la parole devant votre comité.
Je m'appelle Don Bromley. Je viens du nord-ouest de la circonscription de Brandon. Je cultive un mélange de céréales et d'oléagineux et je possède un très petit troupeau de vaches et de veaux.
Il est certain que nous vivons une crise du revenu dans le sud-ouest du Manitoba, crise qui est sûrement aussi grave que celle des terribles années 30. Lorsque le gouvernement a supprimé la subvention au transport et qu'il a imposé aux agriculteurs le coût total du transport ferroviaire en vrac des céréales, les coûts de transport au Manitoba ont plus que triplé; en ce qui concerne mon exploitation agricole, ils sont passés d'environ 10 $ la tonne à près de 40 $ la tonne. Les subventions agricoles directes que les gouvernements américain et européens accordent à leurs producteurs de céréales et d'oléagineux ont fait baisser les prix du marché à l'échelle mondiale et ont masqué les signaux du marché visant à décourager une surproduction.
• 0835
À l'automne 1998, de fortes pluies ont rendu l'agriculture au
Manitoba très difficile, voire impossible à de nombreux endroits.
La qualité des récoltes et les rendements ont gravement diminué. Il
a continué de pleuvoir au printemps 1999, et les terres sont
devenues saturées d'eau.
Selon les données de l'assurance-récolte du Manitoba, 1,1 million d'acres n'ont pu être ensemencés dans le sud-ouest du Manitoba. Cela a eu des répercussions sur 5 597 unités d'exploitation agricole, et une superficie presque aussi importante de terres destinées aux cultures fourragères et au pâturage a été inondée.
Les intrants agricoles, les engrais et les herbicides appliqués sur ces terres ont été entièrement perdus. Les semences ont été mises en terre dans un lit de semences détrempé, boueux et de piètre qualité et, de ce fait, le taux de germination a été faible, tout comme la croissance des plants. À cause de l'été humide, les conditions idéales ont été réunies pour la prolifération des maladies et des champignons et pour la prédation par les insectes, ce qui a contribué à détériorer davantage la qualité et le rendement.
L'avance de 25 $ l'acre consentie dans le cadre du programme ACRA et le paiement de 25 $ l'acre versé par le gouvernement provincial ont simplement permis aux agriculteurs de lutter contre les mauvaises herbes, de réparer les méfaits de l'érosion et de remettre la terre en état d'être ensemencée l'an prochain. La somme totale de 50 $ l'acre devrait être considérée comme un paiement versé en cas de catastrophe et être dissociée du programme ACRA.
Près de la moitié des terres qui ont été ensemencées tardivement ont donné des récoles immatures qui n'ont pu résister au gel fatal du début de septembre. Ces récoltes sont devenues sans valeur et n'ont pu être exploitées.
Le pouvoir d'achat provenant de la vente d'un boisseau de blé n'est plus qu'un infime pourcentage de ce qu'il était il y a dix ans. Depuis, les coûts de production ont continué d'augmenter. Les coûts du carburant ont connu une hausse d'au moins 25 p. 100, ceux des engrais ont augmenté de 60 p. 100, et les coûts du matériel ont grimpé d'au moins 80 p. 100.
Parce que le gouvernement recouvre les coûts des services qu'il dispensait autrefois gratuitement au secteur agricole, par exemple ceux de la Commission canadienne des grains et des services d'appoint destinés aux agriculteurs, et parce que la recherche visant de nouvelles variétés agricoles est sous-financée, le fardeau des agriculteurs s'en trouve accru. Même si la prochaine campagne agricole est normale, si la tendance concernant les faibles prix des denrées et les coûts d'intrants élevés se maintient, les agriculteurs ne pourront honorer leurs obligations financières immédiates et ils ne pourront assurer la subsistance de leur famille ni récupérer les pertes subies ces dernières années.
Des milliers de familles d'agriculteurs devront quitter leur maison et leur terre. Ce sont des sociétés multinationales du monde entier, comme Monsantos et Agrivos, qui auront la haute main sur les terres agricoles. Les agriculteurs à court d'argent devront conclure des accords de production avec des entreprises agricoles intégrées qui leur dicteront ce qu'ils doivent cultiver et comment ils doivent le faire et qui détermineront ce que l'agriculteur recevra pour sa production. L'agriculteur assumera tous les risques, perdra l'intendance de sa terre et il ne recevra qu'une modeste part des avantages. Le consommateur n'aura aucune influence sur les types d'aliments qui se retrouveront sur sa table ou leurs modes de production.
Les programmes de protection du revenu agricole ne sont pas suffisants. La couverture offerte par l'assurance-récolte est trop restreinte pour couvrir les dépenses et, comme de raison, l'agriculteur qui n'a pas ensemencé ses terres n'est pas couvert par l'assurance-récolte. Ceux qui ont encore un compte du CSRN l'auront bientôt complètement vidé. Le montant qui pourra être retiré de chaque compte sera trop petit pour répondre aux besoins. À cause d'une lacune dans le formulaire de demande de l'ACRA, de nombreux céréaliculteurs ne peuvent se prévaloir de ce programme.
Les prix des céréales ont diminué. La grêle, la sécheresse et les conditions d'exploitation déplorables ont été à l'origine de piètres marges pendant les années de référence. Un paiement équivalant à 70 p. 100 de la moyenne de trois marges les moins élevées ne fonctionne pas. Il vaudrait mieux utiliser les trois meilleures années de référence parmi les cinq dernières.
La méthode de comptabilité d'exercice utilisée pour les stocks est une autre lacune du programme ACRA. Le fait d'appliquer à chaque denrée la même valeur monétaire au début et à la fin de l'année ne reflète pas fidèlement la réalité ni les fluctuations de la valeur. Il serait préférable d'utiliser la valeur marchande réelle au début et à la fin de l'année et cela permettrait aussi d'éviter l'inflation artificielle de la marge brute pendant l'année visée par la demande, ce qui réduit le paiement versé dans le cadre de l'ACRA.
Je vais vous donner un exemple. Le programme ACRA évaluait le colza canola à 8,50 $ au 31 décembre 1998. Si ce même programme a évalué le boisseau de colza canola à 6 $ en 1999 et que, plus tard cette année-là, l'agriculteur a vendu son colza canola à 6 $ ou moins, l'agriculteur a subi une perte d'au moins 2,50 $, à cause de l'effondrement du marché. Le calcul fondé sur un seul prix dans le cadre du programme ACRA ne tient pas compte de cette réalité.
On ne peut faire fi de la situation catastrophique que vit le Manitoba. Il s'agit véritablement d'une crise. Le Canada doit pouvoir compter sur un secteur rural dynamique et une industrie agricole solide. Un exode massif de la population des régions rurales vers les centres urbains ne ferait qu'exercer des pressions supplémentaires sur un système public de protection du revenu déjà débordé. Il n'y a tout simplement pas assez d'emplois pour que tout fonctionne rondement.
• 0840
Je vous invite à vous pencher immédiatement et sérieusement
sur ce problème. Pour certaines personnes, il est déjà trop tard.
Nous avons besoin d'un plan à long terme pour définir l'avenir de l'agriculture. Nous devons connaître immédiatement la teneur de ce plan. Nous devons bénéficier de règles du jeu équitables, avoir accès aux marchés d'exportation et pouvoir compter sur un plan de soutien qui permettra aux producteurs de tenir le coup entre temps.
Comment pouvons-nous faire une planification et investir dans les exploitations agricoles si le gouvernement canadien n'est pas disposé à investir dans l'agriculture de l'Ouest? Y a-t-il une raison d'encourager nos jeunes à consacrer toute leur existence à l'agriculture? Le gouvernement fédéral se soucie-t-il de l'existence d'une industrie agricole dans l'ouest du Canada ou préfère-t-il nous livrer en pâture aux meutes de loups que constituent certaines sociétés, car ces meutes seront les seules à subsister dans les Prairies canadiennes?
Le président: Je vous remercie infiniment, monsieur Bromley.
Nous allons maintenant entendre le témoignage de Murray Downing.
M. Murray Downing (témoignage à titre personnel): Bonjour à vous, monsieur le président, et aux membres du Comité permanent de l'agriculture.
Je m'appelle Murray Downing et je viens de Reston, au Manitoba. Avec ma femme Linda et ma fille Lindsay, nous exploitons 2 200 acres de terres cultivées. Nous sommes propriétaires ou nous essayons d'être propriétaires de 600 acres, et nous louons les 1 600 acres qui restent. Je fais partie du comité de l'agriculture du groupe Pro-West Rally.
Le printemps dernier, à cause d'une humidité excessive, nous n'avons réussi à ensemencer que 1 270 des 2 200 acres cultivés, et cet ensemencement s'est fait au prix d'énormes efforts. Il a fallu travailler le sol de trois à quatre fois avant qu'il ne puisse être ensemencé. Le rendement des 1 270 acres que nous avons ensemencés n'a pas été un échec complet, mais il s'en est fallu de peu. Nos quelque 180 acres de blé nous ont donné 22 boisseaux l'acre à 3,23 $, pour un rendement de 71,06 $ l'acre; nos 820 acres de colza canola nous ont donné 23 boisseaux l'acre à 5,53 $, soit l'équivalent de 127,19 $ l'acre; nos 270 acres d'avoine nous ont donné 30 boisseaux de 20 livres chacun, à 0,60 $ le boisseau, soit l'équivalent de 18 $ l'acre.
J'ai une assurance-récolte du Manitoba qui m'offre une couverture jusqu'à concurrence de 70 p. 100. La seule demande d'indemnité que j'ai faite cette année visait ma production d'avoine et elle était d'environ 9 200 $.
Pour entrer dans mes frais, je dois obtenir 140 $ l'acre. Je considère que j'entre dans mes frais si mes activités agricoles me rapportent suffisamment pour couvrir mes paiements—l'hypothèque, le coût de la machinerie, tous les coûts d'intrants, le coût de la vie, etc.
Comme le montre l'exemple ci-dessus, il y a un problème. En tentant de régler un manque à gagner d'environ 60 000 $, je me tourne vers le programme ACRA, le programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole. Après avoir fait les calculs, je me trouve à recevoir aux termes de l'ACRA un paiement qui se situe entre 15 000 $ et 65 000 $. Je me demande ce qui peut expliquer un tel écart.
Les gouvernements provincial et fédéral semblent se livrer au jeu de la politicaillerie, et les agriculteurs semblent être pris au beau milieu de tout cela. J'ai reçu un paiement de 47 850 $ pour la superficie en acres qui n'a pas été ensemencée, ce qui a eu des répercussions énormes sur le montant auquel j'ai droit dans le cadre de l'ACRA. Ce paiement visait 957 acres que je n'ai pu ensemencer.
J'ai documenté l'exemple ci-dessus pour que ces calculs puissent être vérifiés.
Le premier ministre du Manitoba a qualifié de catastrophique l'humidité excessive du printemps. Voici où je veux en venir: comment une telle lacune a-t-elle pu échapper aux autorités en place? Il est vrai qu'il n'y a pas eu de pertes de vie, mais il y a certainement eu une perte de moyens de subsistance. Une catastrophe reste une catastrophe.
Mais revenons-en pour un instant à l'ACRA. Ce printemps, j'ai reçu un paiement dans le cadre de l'ACRA. Pourquoi la part que le gouvernement a versée dans mon compte du CSRN a-t-elle été déduite du chèque qui m'a été remis conformément au programme ACRA? Je croyais que l'ACRA et le CSRN étaient deux programmes différents.
Dans sa forme actuelle, le CSRN est un programme qui enrichit les riches et qui appauvrit les pauvres. Parce qu'il est fondé sur les ventes nettes admissibles, ceux qui ont connu une ou plusieurs mauvaises années ont bien du mal à obtenir de l'argent dans le cadre de ce programme.
Personnellement, si j'avais de la chance, mon créancier verrait sa créance acquittée en premier. Il ne serait pas acceptable de dire à son créancier que, parce qu'on verse l'argent dans son compte du CSRN, il devra attendre avant d'être remboursé.
À mon avis, il est clair que les programmes de soutien du revenu actuellement en place ne fonctionnent pas.
Voici, selon moi, certaines solutions qu'on pourrait adopter pour régler les problèmes susmentionnés. Il faudrait injecter immédiatement des fonds selon la formule suivante: le paiement reçu équivaudrait à 80 $ l'acre, jusqu'à concurrence de 1 500 acres, moins le montant versé pour l'ACRA, moins la moitié du compte du CSRN. La somme de 80 $ représente le manque à gagner des prix des denrées agricoles pour 1998; comme le plafond serait fixé à 1 500 acres, on n'encouragerait pas les grandes exploitations agricoles, mais plutôt celles de type familial. Toute terre appartenant à des multinationales ou à des établissements de crédit provinciaux ou fédéraux serait exclue. De plus, si quelqu'un a reçu un paiement dans le cadre du programme ACRA, on déduirait ce montant et on utiliserait le montant de 1,5 milliard de dollars déjà alloué pour l'appliquer au paiement à l'acre.
• 0845
Il faut réduire de moitié le CSRN. Il faut soustraire du
compte du producteur la part que le gouvernement a versée dans le
cadre du CSRN. J'en ai assez d'entendre les représentants du
gouvernement dire qu'il n'y a pas de crise dans le secteur agricole
sous prétexte que peu de gens retirent des fonds de leur compte du
CSRN. Dans la majorité des cas, il n'y a pas d'argent à retirer.
Je propose la mise en place d'un programme de sécurité du revenu à long terme que j'ai imaginé et baptisé le programme d'assurance-revenu. J'ai élaboré mon programme en m'inspirant du RARB et de l'assurance-récolte. Je vous ai fourni, à titre d'information, des renseignements sur ce programme. Le mercredi 1er décembre, deux membres du groupe Pro-Wset et moi-même avons présenté un exposé à Rosann Wowchuck, la ministre provinciale de l'Agriculture, et à Jack Penner, le porte-parole de l'opposition provinciale en matière d'agriculture. Notre programme a reçu un accueil très favorable.
Dans ma municipalité, il y a 432 lopins de terre exploités par 120 agriculteurs actifs. Ce total comprend les terres qu'une collectivité mennonite exploite à l'ouest. Je me demande à quoi ressembleront ces chiffres dans un an. Seront-ils identiques ou complètement différents? À quoi ressemblera ma collectivité rurale?
Je demande à tous les paliers de gouvernement de faire fi de leur divergences de vues et d'écouter ce qu'ont à dire les agriculteurs de la base plutôt que les multinationales qui ne s'intéressent aux produits qu'une fois qu'elles se le sont appropriés.
En terminant, je demande aux autorités en place, aux gens que nous avons élus de bonne foi, de modifier les politiques actuelles et de faire en sorte que l'exploitation agricole familiale reste un mode de vie et non pas un rêve. Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Downing.
Nous allons maintenant entendre le témoignage de Walter Finlay. Bonjour.
M. Walter Finlay (témoignage à titre personnel): Bonjour.
Il faudrait des heures pour examiner les problèmes du secteur agricole: les faibles prix, les coûts d'intrants élevés, les conditions météorologiques, les vendeurs au prix du marché par opposition aux fixeurs de prix, le paiement du transport dans les deux sens et l'absence d'intérêt manifesté par Ottawa. J'espère que la séance d'aujourd'hui contribuera à régler certains de ces problèmes. Le sud-ouest du Manitoba et le sud-est de la Saskatchewan ont vécu une situation très difficile depuis un an et demi. À cause de l'humidité excessive, il a été impossible d'ensemencer plus d'un million d'acres et une bonne partie des terres qui ont été ensemencées l'ont été en pure perte. Certains producteurs qui ont acheminé leur grain au silo-élévateur ont reçu un compte plutôt qu'un chèque parce que leur grain valait moins que le coût de son transport et que les frais liés au silo-élévateur. On comprendrait que pareille situation se soit produite dans les années 30, mais pas dans les années 90. La situation était alors terrible, mais elle est encore bien pire maintenant, car les coûts de production actuels sont beaucoup plus élevés. Il est triste d'entendre des agriculteurs discuter et reconnaître qu'il valait mieux ne pas ensemencer ses terres, car en évitant de le faire, on perdait moins d'argent.
Le transport représente le coût le plus élevé pour mon exploitation agricole. Une récolte raisonnable me coûte 50 $ l'acre. Lorsque la LTGO ou Loi sur le transport du grain de l'Ouest a été mise en oeuvre après la suppression du tarif du nid-de-Corbeau, on a permis aux sociétés ferroviaires de retirer des bénéfices équivalant à 20 p. 100 de leurs investissements, ce dont rêve tout agriculteur. Lorsque la LTGO est arrivée à échéance, ce pourcentage est passé à 47 ou 48 p. 100, selon les données utilisées aux fins du calcul. Il semble que les sociétés ferroviaires apprécient effectivement la concurrence.
En 1997, la région de la rivière Rouge a connu sa pire inondation en 100 ans. Le gouvernement fédéral a alors proposé aux producteurs différents programmes de soutien pour compenser les pertes d'intrants, pour payer la construction de digues destinées à éviter les problèmes dans l'avenir, etc. Nous n'avons droit à aucun de ces programmes. Je dois dire, en toute honnêteté, que la majeure partie des fonds ne provenait pas du budget de l'agriculture. En réalité, une part infime provenait de ce budget. Les agriculteurs ont toutefois été indemnisés pour la moitié de leurs pertes d'intrants et ils ont pu, malgré tout, ensemencer leurs terres et obtenir une récolte. C'était une année d'élections fédérales. Est-ce là ce qu'il faut pour qu'Ottawa reconnaisse que nous existons? Le premier ministre de notre pays voyage dans le monde entier, mais il ne peut pas venir constater le désastre national qui se produit chez lui. C'est toute une gifle en pleine figure.
Le gouvernement fédéral a annoncé son intention d'éliminer la pauvreté chez les enfants. Il est en bonne voie d'y parvenir en éliminant les agriculteurs. Selon le recensement de 1996, plus de 20 p. 100 des familles d'agriculteurs du Manitoba et de la Saskatchewan qui ne vivaient pas à proximité d'un grand centre comme Regina ou Winnipeg disposaient d'un revenu total inférieur à 20 000 $, une fois inclus les revenus d'appoint. Pour une famille, c'est nettement inférieur au seuil de la pauvreté. Ce sont là des données provenant de recensements canadiens et de la Fédération canadienne de l'agriculture.
• 0850
Nous avons besoin d'agriculteurs, notamment de jeunes
agriculteurs. L'âge moyen de l'agriculteur est de 58 ans, et la
plupart des agriculteurs ont commencé dans ce secteur lorsqu'ils
étaient adolescents ou au début de la vingtaine. Un agriculteur
travaille donc en moyenne 38 ans et, au bout du compte, il voit sa
caisse de retraite diminuer constamment. Au lieu de pouvoir prendre
sa retraite après 20, 25 ou 30 années de services, comme bien des
professionnels peuvent le faire, l'agriculteur doit continuer de
travailler.
Cela m'amène à parler du CSRN et de l'ACRA. Le CSRN n'est pas un mauvais programme si l'on a ou si l'on peut trouver de l'argent à verser dans ce compte. L'ACRA, par contre, est cauchemar non seulement pour les agriculteurs, mais aussi pour les comptables. Le coût à payer pour faire les calculs maintes et maintes fois, cela, pour finalement se rendre compte que l'intéressé n'a droit à aucune une aide, est simplement une source de frustration pour les producteurs et les comptables.
Une des principales plaintes concerne l'absence de cohérence dans l'examen des demandes effectué par les responsables de l'ACRA. On déplore aussi l'absence d'un système de double prix concernant les produits à recevoir pour les récoltes de 1999. Tout travail fait sur commande est déduit des paiements versés dans le cadre de l'ACRA. Il aurait été préférable de laisser la machinerie dans la cour.
Une autre plainte concerne aussi le fait que le montant de 25 $ qui nous est avancé pour les acres non ensemencés est une avance sur les paiements versés aux termes de l'ACRA. Jusque là, tout va bien. L'autre montant de 25 $ n'est toutefois pas admissible à titre de revenu pour le CSRN, mais il est considéré comme un revenu aux fins du calcul des paiements de l'ACRA. Comme c'est équitable, n'est-ce pas? Il me semble que si c'est admissible dans un cas, ce devrait l'être dans l'autre. Pour ces raisons, on devrait considérer cela comme le montant complémentaire que le Manitoba verse pour l'ACRA.
On a mis en place l'ACRA pour venir en aide aux producteurs aux prises avec les faibles prix du porc, puis on a apporté maintes modifications au programme afin de le rendre viable pour d'autres volets de l'agriculture. À moins d'y apporter des changements majeurs, cela ne fonctionnera tout simplement pas.
À cause des risques et des coûts élevés, les agriculteurs subissent beaucoup de stress. Lorsque viennent s'ajouter à cela les prix peu élevés et la faiblesse ou l'absence de rendement, l'épreuve semble parfois trop difficile à surmonter pour certaines familles. Le printemps, l'été et l'automne derniers, mon téléphone n'a pas cessé de sonner. J'ai reçu des appels de producteurs qui voulaient obtenir des conseils ou de l'aide ou simplement parler à quelqu'un. Le bureau local de l'ADAM, l'Anxiety Disorders Association of Manitoba, a des données très alarmantes, et je pense que nous ne sommes pas au bout de nos peines.
En terminant, je voudrais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer. Je vais continuer de pratiquer l'agriculture l'an prochain pour plusieurs raisons. J'ai 27 campagnes agricoles à mon actif. Dans certains secteurs d'emploi, j'aurais pu avoir une pleine pension. Ma femme travaille à l'extérieur, et moi aussi lorsque j'en ai le temps. Comme nous n'avons pas d'enfant, nous réinvestissons nos revenus dans l'exploitation agricole. Mon père, qui a plus de 80 ans, est encore très actif et fait beaucoup de travail. J'ai réussi à trouver quelqu'un de très compétent et fiable pour m'aider à temps partiel. J'ai eu de la chance.
À nous deux, mon père et moi, nous exploitons plus de 2 500 acres de terre au nord de Souris. Le 19 juin 1999, nous avons semé du lin sur 2 200 acres. Le 5 novembre, nous avons procédé à la récolte et obtenu 12 boisseaux de lin dur l'acre. À 5 $ le boisseau, cela représente un revenu total de 1 320 $. C'est nettement sous le seuil de la pauvreté.
Je pense que la prochaine année devra être plus profitable.
Je vous remercie.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci.
Nous allons maintenant entendre Harvey Paterson. Bonjour.
M. Harvey Paterson (témoignage à titre personnel): Bonjour, monsieur le président, membres du comités, mesdames et messieurs.
Je suis certain que je ne vous apprendrai rien en vous disant que les agriculteurs du sud-ouest du Manitoba connaissent cette année de très graves problèmes. Tous les agriculteurs, moi y compris, tentent désespérément de surmonter ces difficultés.
Je n'insisterai pas sur la gravité des problèmes, car les membres du comité sont parfaitement au courant de la situation, à la lumière des autres témoignages qu'ils ont déjà entendus. Je voudrais toutefois discuter des solutions. Avant, je voudrais présenter à l'appui de mes dires l'article récent de Laura Rance qui a été publié dans l'édition de samedi du Winnipeg Free Press. L'article souligne l'importance du secteur agricole pour toute l'économie du Manitoba et du Canada. Même s'il serait opportun d'insister davantage sur l'importance de ce secteur, nous n'avons pas le temps aujourd'hui d'énumérer les nombreuses personnes de l'industrie de l'agrofourniture et du gouvernement qui dépendent de la poursuite des activités agricoles.
En ce qui concerne les solutions à court et à long terme, nous savons tous qu'il y a une région du Manitoba qui a souffert de l'humidité excessive. Même si les agriculteurs hésitent généralement à le reconnaître, les récoltes ailleurs au Manitoba ont été de moyennes à excellentes. Pour cette année, je recommande d'axer les programmes de soutien sur les agriculteurs de la région dévastée. Nous avons l'information et les ressources nécessaires pour définir de façon assez précise les secteurs où les rendements ont été inférieurs. Il faudrait aider les agriculteurs de ces secteurs en leur versant dès maintenant un paiement général pour chaque acre cultivé. On peut faire cela rapidement et efficacement en versant un paiement en espèces à chaque agriculteur. Nous savons maintenant que les agriculteurs qui ont ensemencé tardivement leurs terres ont été touchés plus durement que ceux qui ne les ont tout simplement pas ensemencées, à cause des coûts d'intrants élevés qu'ils ont dû payer. Il convient de rappeler le nombre important d'entreprises et d'industries qui dépendent des agriculteurs.
• 0855
Passons maintenant aux solutions à long terme. Nous entendons
parler des subventions accordées par les pays européens, les États-Unis et
le Japon et nous constatons leurs effets. Ces subventions
sont clairement en train de sonner le glas de notre industrie, et
nous savons, à la lumière de la dernière conférence de l'OMC qui
s'est tenue à Seattle, que bien des gens l'ont compris eux aussi.
Nous achetons toutes sortes de voitures importées qui rapportent
des bénéfices servant à subventionner les agriculteurs étrangers.
Le gouvernement doit rétablir le RARB ou instaurer une taxe directe
sur les importations étrangères, taxe qui pourrait être versée aux
agriculteurs canadiens.
Je propose que les provinces et le gouvernement fédéral discutent sans tarder des solutions suivantes: le versement aux agriculteurs des régions du Manitoba et de la Saskatchewan victimes d'une humidité excessive d'un paiement immédiat pour chaque acre de terre; l'adoption de dispositions législatives visant à permettre l'utilisation d'éthanol produit à partir de céréales fourragères comme additif dans l'essence et dans d'autres carburants, ce qui permettrait d'employer une partie de l'éthanol produit dans notre province sans qu'il soit nécessaire de payer des coûts de transport élevés; l'instauration de taxes à l'importation sur les produits provenant de pays du Marché commun européen et du Japon, taxes qui seraient destinées au secteur de l'agriculture; l'utilisation des fonds ainsi prélevés pour établir des entreprises susceptible de connaître une expansion dans nos localités et éviter ainsi de payer des coûts de transport élevés—même si, faute de temps, je ne parlerai pas des rapports Estey et Kroeger; la réorientation immédiate des recettes que le gouvernement fédéral tire actuellement des taxes sur l'essence au Manitoba dans le fonds à partir duquel seront versés les paiements à l'acre et la poursuite de cette initiative d'année en année; enfin, la prise en considération d'une taxe de 1 p. 100 qui serait imposée sur les aliments; la moitié des recettes provenant de cette taxe serait investie dans l'industrie agricole, et l'autre moitié, dans les services sociaux.
En conclusion, j'insiste sur le fait que les problèmes du secteur agricole sont d'ordre structurel. Autrement dit, ils ne sont pas le fait d'une mauvaise gestion. Les agriculteurs incompétents ont quitté l'industrie il y a de nombreuses années. Pendant un certain temps, les gros exploitants agricoles ont eu l'avantage de pouvoir répartir les coûts de la machinerie perfectionnée sur un plus grand nombre d'acres pour pouvoir subsister dans l'industrie. Maintenant, cet avantage n'existe plus.
De nombreux agriculteurs recommandent actuellement qu'on réexamine les problèmes liés au transport et à la commercialisation. Tous les producteurs s'entendent pour dire qu'il faut déployer de sérieux efforts afin de rendre la commercialisation plus efficace et le transport plus abordable. Malgré le monopole accordé à nos sociétés ferroviaires et les fonds publics qui ont été investis dans ces dernières, ce sont des intérêts étrangers qui sont propriétaires de ces sociétés ou qui ont la main haute sur celles-ci. Cette situation ne peut plus continuer. Il faut que les décisions de nature ferroviaire soient prises dans l'ouest du Canada plutôt qu'aux États-Unis ou dans le Canada central.
Pour de nombreux agriculteurs, le sort en est jeté. Ils n'ont pas déclaré faillite. Ils refusent tout simplement de courir le risque de financer une exploitation agricole et de travailler pour rien. Je vous prie donc instamment de faire quelque chose, sinon le secteur agricole s'effondrera.
Je vous remercie.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci, monsieur Paterson.
Nous passons maintenant aux questions, et le premier à prendre la parole sera M. Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz (Yorton—Melville, Réf.): Je vous remercie beaucoup. J'aimerais pouvoir dire que c'est un plaisir de vous accueillir ici. Comme vous le savez sûrement, je suis heureux d'écouter vos témoignages, mais ce n'est pas de gaieté de coeur que nous tenons ces audiences.
J'ai plusieurs questions à poser. La première concerne une déclaration que plusieurs d'entre vous avez faite et selon laquelle nous avons besoin de localités rurales solides et dynamiques. Un des problèmes, c'est qu'il y a beaucoup de considérations politiques qui interviennent quand vient le moment de verser une aide financière aux agriculteurs et ainsi de suite. Il est très difficile de faire comprendre le problème à la population des grandes villes où vivent la majorité des électeurs. Notre défi, à titre de députés, consiste à essayer d'expliquer aux gens des grands centres urbains l'importance de l'agriculture pour notre pays.
• 0900
Si vous étiez à ma place, comment expliqueriez-vous à ces gens
l'importance d'avoir un secteur agricole fort qui repose sur de
vastes assises et qui compte de nombreux participants?
Personnellement, je m'inquiète de la multiplication des grandes
exploitations, des sociétés qui reprennent en main des
exploitations agricoles et ainsi de suite. Comment expliqueriez-vous le
danger que cela présente et la nécessité, pour le Canada,
d'avoir un secteur rural fort?
Le président: Qui veut répondre à cela? Walter.
M. Walter Finlay: Ce que vous pourriez dire aux citadins, c'est que, s'il y a un exode rural massif, les gens de la campagne vont déménager dans les villes et qu'ils vont accepter des emplois dans les centres urbains. Il suffit de vérifier auprès de nombreux chefs d'entreprises des milieux urbains qui se disent tout à fait disposés à embaucher des gens des régions rurales désireux de travailler, peut-être pour un salaire moins élevé que celui actuellement versé aux autres employés. Si les gens des régions urbaines commencent à voir d'autres personnes occuper leurs emplois et s'ils sont contraints d'accepter une réduction de salaire pour garder le leur, ils écouteront peut-être mieux ce que vous avez à leur dire.
Vous pouvez aussi leur faire valoir que, dans notre pays, ils peuvent se nourrir à bien meilleur compte qu'à peu près n'importe où dans le monde. Sauf erreur, au Manitoba, on consacre environ 11,7 p. 100 de son revenu à l'alimentation. C'est l'un des pourcentages parmi les moins élevés dans le monde entier, sinon le plus faible. Pour leur faire comprendre la situation, vous pouvez aussi demander aux Canadiens des villes s'ils sont prêts à payer aussi cher que les Japonais pour se nourrir.
M. Garry Breitkreuz: Vous êtes tous invités à répondre à cette question. Elle ne s'adresse pas à une personne en particulier.
M. Don Bromley: Je pense que nous avons eu une occasion de parler de cela dans le cadre d'un débat connexe sur les manipulations génétiques, mais c'est un sujet que nous ne voulons peut-être pas aborder aujourd'hui. Je pense que ce serait une excellente occasion de discuter en profondeur de la production alimentaire dans notre pays. Nous devrions peut-être miser sur cette initiative pour rappeler aussi l'existence d'une industrie agricole dans l'ouest du Canada. Qu'on le veuille ou non ou que les régions urbaines soient prêtes à le reconnaître ou non, le secteur agricole joue un rôle extrêmement important dans notre économie nationale. Nous devons revenir à la charge constamment pour faire comprendre cela aux Canadiens. Ainsi, il existe au Manitoba un programme qui s'intitule L'agriculture dans la classe et qui encourage le réseau scolaire à sensibiliser les élèves au secteur agricole et à leur faire comprendre le chemin parcouru par les aliments, de l'exploitation agricole jusqu'à la table des consommateurs.
M. Garry Breitkreuz: Puis-je approfondir un peu plus cette question? J'espérais qu'on parle davantage de l'importance des collectivités locales et d'un secteur agricole fort pour notre pays, un secteur reposant sur de vastes assises.
Permettez-moi d'aborder la question d'un autre angle. Les Européens déploient vraiment beaucoup d'efforts pour faire en sorte qu'il existe de nombreuses exploitations agricoles, de petites exploitations qui sont gages de diversité et qui constituent une assise économique puissante dont on est privé si l'on est seulement en présence de grandes sociétés agricoles. Si l'on s'oriente vers les grandes sociétés agricoles, l'approvisionnement alimentaire finira par être contrôlé par quelques intérêts seulement, et je pense que la majorité des citadins ne sont pas conscients des dangers que cela présente. Pourquoi les Européens protègent-ils leurs agriculteurs? Je pourrais peut-être vous amener à aborder la question dans cette autre optique, dans une optique différente de celle des emplois dont les citadins seront privés. Les gens veulent savoir ce qu'il en est. La croissance économique se poursuivra dans les villes, mais qu'en sera-t-il de la valeur des exploitations agricoles dans notre pays?
M. Don Bromley: Je pense qu'il y a des facteurs historiques pour expliquer ce comportement. Dans l'histoire contemporaine, l'Europe a connu au moins deux famines, mais le Canada, aucune. À cause de cela, les Européens ont eu le réflexe de protéger leur production alimentaire à tout prix. Parce que le Canada est un pays exportateur—nous exportons environ 80 p. 100 de tout ce que nous produisons, notamment nos denrées agricoles—le Canada n'est pas près de connaître une famine. Il faudrait pour cela que notre production soit considérablement réduite. Je pense que ce comportement s'explique par le fait que nous n'avons jamais connu de famine.
M. Harvey Paterson: Je pense que nous tenons à faire comprendre le message à la population. Dans notre exposé, nous avons répondu à la question dans une certaine mesure en disant que l'imposition d'une taxe sur les aliments est la meilleure façon d'attirer l'attention de la population. Je suis certain qu'on pourrait ainsi prendre les fonds provenant de cette taxe et les réinvestir dans des localités situées partout au Canada, pour créer des usines de pâtes alimentaires, d'éthanol et toutes sortes d'entreprises qui pourraient utiliser nos produits.
• 0905
J'ai une autre suggestion pour ce qui est de faire passer le
message au sein de la population. En regardant la télé récemment,
j'ai constaté qu'Ottawa mettait uniquement l'accent sur la
situation au Québec, alors que, à mon avis, cette question est
réglée. Tout allait bien, mais le gouvernement a soudainement pris
ce genre d'initiative et il ne dit pas un mot de notre situation.
M. Garry Breitkreuz: Le gouvernement veut détourner l'attention de certains des véritables problèmes qui accablent notre pays.
M. Harvey Paterson: C'est peut-être cela.
M. Garry Breitkreuz: J'ai bien peur que ce soit le cas et je le déplore. Quelqu'un d'autre veut-il aborder cette question?
Le président: Vous avez largement dépassé le temps dont vous disposiez. Je suis désolé.
Nous allons passer à M. Calder.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Je vous remercie infiniment, monsieur le président. Je préférerais que nous parlions des problèmes à l'étude plutôt que de politique.
Ces derniers jours, j'ai entendu certaines choses... Et je tiens à vous signaler qu'avant d'être député, j'étais agriculteur. D'ailleurs, je suis toujours un agriculteur actif; je suis un éleveur de volaille du centre de l'Ontario. Voilà, je l'admets d'entrée de jeu. La commercialisation est donc une question qui m'intéresse depuis que je suis devenu agriculteur en 1974. Certains témoins ont comparu devant notre comité à Ottawa, dont une personne qui nous a donné une définition de l'exploitation agricole familiale. C'est un milieu de travail qui est aussi le lieu de résidence de la famille et où le travail est principalement accompli par des membres de la famille. La taille de l'exploitation n'a aucune importance. Des exploitations de 600 acres, de 1 600 acres ou de 6 000 acres peuvent toutes s'inscrire dans cette catégorie.
Ces derniers jours, j'ai entendu six suggestions: rétablir le RARB; envisager la possibilité d'établir un programme de gel des terres—avons-nous trop de terres exploitées actuellement? Certains ont aussi dit qu'il faut accorder une aide, qu'elle soit de 25 $ ou de 30 $ l'acre, car la situation demeure instable; renforcer le CSRN et le rendre plus accessible; améliorer le programme d'assurance-récolte; et enfin, se pencher sur un programme à long terme de soutien du secteur agricole.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces six suggestions.
Le président: Qui veut tenter de répondre? Murray? Vous n'êtes pas obligé de commenter les six points. Dites simplement ce que vous voulez.
M. Murray Calder: Vous pouvez parler de n'importe quel aspect.
M. Murray Downing: En ce qui concerne le programme s'inspirant du RARB... Je me souviens que, lorsque j'étais...
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
...dès que le programme n'était pas avantageux pour nous. Lorsque nous allions dans nos champs au printemps, nous avions une idée de la protection dont nous disposions. Avec l'assurance-récolte actuelle, nous n'avons pas la moindre idée de la protection que nous avons. Voilà ce que je voulais dire. À mon avis, si nous avions un bon programme, un seul—ou peut-être deux—le CSRN et un programme s'inspirant du RARB—les agriculteurs n'auraient probablement besoin de rien d'autre.
M. Murray Calder: D'accord. Je tiens à rappeler que le RARB existe encore en Ontario. Le gouvernement provincial a décidé de rétablir ce programme, et nous avons actuellement des réserves d'environ 350 millions de dollars qui nous permettront d'aider nos agriculteurs dans les prochaines années.
Le programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole peut-il être sauvé? Ces derniers jours, j'ai entendu dire qu'il était compliqué, pourtant j'ai aussi entendu certains témoins dire qu'il fallait faire attention, qu'il ne fallait pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
M. Walter Finlay: Personnellement, je trouve que le programme ACRA n'est pas une mauvaise idée. Il faut travailler la formule et apporter certains changements afin de le rendre plus viable. Je ne suis pas contre la formule. Ce qu'il faut, c'est revoir les éléments qui la composent de manière à ce que le programme soit viable.
M. Murray Calder: Quelqu'un d'autre a-t-il des commentaires à faire à ce sujet?
Le président: Walter, nous avons apporté des changements à l'ACRA. Maintenant, nous tenons compte des marges négatives et nous avons ajouté une nouvelle version de la période de référence, le modèle olympique. Ce sont les deux changements que nous avons faits. Ces deux changements vous satisfont-ils et y en a-t-il un—voire d'autres, car il peut y en avoir plusieurs—qui, à votre avis permettraient d'améliorer substantiellement l'ACRA?
M. Walter Finlay: Il y a la question des doubles cotations, appelez-la comme vous voulez, qui concerne le système de report des prix—le prix à la fin de 1998 et le prix pour 1999. Si la marchandise est encore dans les cellules de stockage, et que le prix tombe de 2,50 $ par boisseau, dans le cas, par exemple du canola, cela signifie que vous faites une perte de 2,50 $. Pourtant, pour l'ACRA, c'est la même chose et vous y perdez.
Le président: Désolé, Murray.
Don.
M. Don Bromley: Malgré tout ce que nous avons reproché au Régime d'assurance-revenu brut, si le RARB était encore en vigueur, nous ne serions probablement pas ici aujourd'hui. Il y aurait toujours des problèmes, mais pas de l'ampleur de ceux qui nous préoccupent aujourd'hui.
Le gros problème de l'ACRA, c'est que, s'il couvre à 70 p. 100, c'est sans récurrence. Nous pouvons survivre un an avec une marge de 70 p. 100. Les marges en agriculture sont tellement minces que 70 p. 100, c'est suffisant pour nous permettre de surmonter les difficultés à condition que la marge de référence soit décente. La plupart des gens peuvent s'en sortir avec une marge de 70 p. 100 pendant un an. En revanche, si la marge est de 70 p. 100 pendant deux années consécutives ou moins, c'est fini.
Le président: Oui, Murray.
M. Murray Downing: Je vois que vous avez dans un premier temps une déduction de 30 p. 100, le programme ne couvrant que 70 p. 100. Par contre, supposez que vous avez une marge négative. Vous avez donc les 30 p. 100 dans un premier temps, auxquels s'ajoutent ensuite 30 p. 10 de la marge. Cela revient à dire que la déduction est de l'ordre de 60 p. 100. C'est gros, comme déduction.
Le président: M. Calder, aviez-vous une autre question?
M. Murray Calder: J'ai seulement une dernière question, elle renvoie à la mise en jachère. Que pensez-vous du Programme de réduction des stocks de blé des années 70?
Le président: Je ne suis pas sûr que les gens s'en souviennent.
M. Murray Calder: Je ne sais pas, je pense que nous sommes tous dans le même groupe d'âge, monsieur le président.
M. Don Bromley: Avant et dans les années 70, je cultivais la terre. Le Programme de réduction des stocks de blé semblait peut-être une bonne idée à l'époque, mais rétrospectivement, ce ne l'était pas tellement.
Au début, il nous a permis de traverser une période difficile mais quand il y a eu renversement de la situation sur le marché et que les prix ont augmenté, nous n'avions plus rien à vendre puisque les acres de terre en jachère ne produisaient rien.
Non seulement cela, en réduisant la production, nous avons fait du tort aux clients et nos concurrents se sont vite empressés de nous remplacer auprès d'eux. Nous avons eu beaucoup de mal a récupérer nos clients et en avons perdu certains.
Le président: Très bien, je vous remercie. La parole est à M. Proctor.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): M. Downing, votre témoignage était excellent—en fait, tous l'étaient. Vous avez cité à propos de votre programme d'assurance-revenu certains éléments que vous n'avez pas eu la possibilité d'approfondir. J'aimerais, si vous le voulez bien, revenir là-dessus.
M. Murray Downing: Ce que j'ai fait, c'est que j'ai pris certaines idées du RARB et de l'assurance-récolte et j'ai conçu un programme tout à fait différent. Par exemple, sous l'ancien RARB, l'assurance-récolte était de 100 $ pour le blé roux de printemps, de 110 $ pour le blé dur, de 120 $ pour le blé roux des Prairies. Vous saviez quel type de blé vous cultiviez. Nous cultivions tous du blé de printemps des Prairies. C'était l'un des défauts du RARB.
J'ai donc dit, mettons les niveaux de protection à 100, 140 et 160 $, pensant que si l'année est mauvaise, de tels chiffres devraient permettre à 80 à 90 p. 100 des agriculteurs de rentrer dans leurs frais. Par ailleurs, il devrait y avoir deux types de primes: une prime de base et une prime supplémentaire en cas d'indemnisation, ceci pour empêcher les abus.
Prenons par exemple une marge de 70 p. 100 à 140 $. Cela m'incite à essayer d'arriver à cette production car, alors, je ne serai facturé que de 7 $. Ce sont là des chiffres hypothétiques que je donne à titre d'explication. Par contre, si je reçois une indemnisation, ça ne me fait rien de payer une prime supplémentaire puisque la protection à laquelle j'ai droit me permet de maintenir mon exploitation.
Avec les systèmes d'indices de productivité individuels prévus actuellement dans le cadre de l'assurance-récolte, je compare mon champ à un champ de 15 000 acres de blé dans la région à risque où je me trouve. Par contre, en vertu de ce programme, si je compare ma production à la moyenne municipale—ce qui serait plus exact—je suis en dessous. Pourquoi? Si je suis au-dessus, j'ai droit à un crédit. C'est ainsi que la prime supplémentaire fonctionnerait. Si je me situe au-dessous de la moyenne municipale, ma prime supplémentaire baisse en conséquence. Si je me situe au-dessus de la moyenne, elle augmente. Dans le deuxième exemple, si je n'ai pas eu à subir de tempête de grêle, pourquoi est-ce que je me situe au-dessous de la moyenne régionale ou de la moyenne municipale?
Est-ce clair?
M. Dick Proctor: Disons que ça aide.
M. Murray Downing: D'accord.
M. Dick Proctor: Cela nous permet de comprendre un peu mieux.
• 0915
Plusieurs d'entre vous, y compris M. Downing, ont mentionné le
RARB. Hier, à Portage, un certain M. Zander a dit que le RARB avait
donné des résultats en ce sens qu'il avait permis de maintenir le
revenu de production pendant quelques années en utilisant les
moyennes à long terme. Cependant, il craignait que les producteurs
ne soient inévitablement amenés à payer d'importantes primes sans
avoir aucune chance de survivre tant que la crise ne serait pas
passée. Quelqu'un d'autre, je crois que c'était à Portage, a
suggéré que si le RARB Était rétabli, la formule devrait être
changée au profit d'une formule fondée sur le coût de la
production. Je me demande s'il en est parmi vous qui aimeriez faire
des commentaires à ce sujet.
M. Don Bromley: Le problème avec le RARB, c'est qu'il n'était pas neutre vis à vis du marché. Il ne me disait pas de cultiver le produit qui représentait pour moi le meilleur marché; il me disait de cultiver le produit pour lequel j'avais la meilleure protection. Ce n'est pas bien. Il m'a empêché de réagir au vrai marché.
M. Dick Proctor: Quelqu'un d'autre? Murray.
M. Murray Downing: Si le niveau de protection était à son maximum, cela répondrait-il à la question de Don?
M. Dick Proctor: Oui.
Seulement je me demandais si M. Paterson ou M. Finlay avaient quelque chose à dire.
M. Harvey Paterson: Oui, cela pourrait être cher du point de vue des primes, mais si nous avions une autre source de revenu, si le gouvernement pouvait subventionner les revenus à l'aide par exemple d'une taxe alimentaire ou d'une chose du genre et que l'on pouvait faire en sorte qu'un agriculteur puisse survivre...
Ce qu'il y a de bien dans tout cela, c'est qu'il sait exactement à quoi il travaille et qu'il peut faire des plans. À l'heure qu'il est, nous ne pouvons pas en faire. En ce qui nous concerne, nous devons payer des frais d'administration pour l'ACRA, pour l'assurance-récolte et pour tous ces programmes. Si nous rétablissions le RARB ou le CSRN, nous aurions deux administrations de plus, et nous jetons trop d'argent par les fenêtres pour administrer des programmes qui ne sont pas tellement efficaces.
Si nous révisions tous les programmes et mettions en place un RARB qui fonctionnerait en association avec l'assurance-récolte, cela ferait une seule administration et je pense que ce serait beaucoup plus efficace.
Le président: Merci.
La parole est à M. Borotsik.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci, Monsieur le président.
Pour Murray, il y a les points 7 et 8. Vous pouvez noter le point 7—je crois que nous avons clairement compris le message—faire une distinction entre une région sinistrée et l'ACRA qui est en place pour les prix des produits de base. C'est le point 7, il reviendra souvent. Pour ce qui est du point 8—et je pense que tous les intervenants l'ont mentionné—le gouvernement n'a aucune idée à long terme de la direction que, selon les milieux agricoles, va prendre l'agriculture. Ce sont les points 7 et 8. Prenez-les en note, d'accord?
Donc, encore une fois, je vous sais gré de vos commentaires en ce qui concerne la nécessité de faire une distinction avec l'ACRA. L'un est un programme visant à répondre aux catastrophes, nous avons tous compris le message adressé non pas à ces gens qui comprennent, mais à nos collègues qui franchement ne comprennent pas.
Vous dites que sur les 50 $ que verse actuellement la province—parce que je ne pense pas que le gouvernement fédéral se soit jusqu'à maintenant engagé à verser une partie de ces 50 $—25 $ servent à compenser les prestations au titre de l'ACRA et 25 $ à faire en cas de catastrophe des paiements qui entrent dans le revenu et influent sur le montant à recevoir au titre de l'ACRA. Voulez-vous dire que la priorité est de faire en sorte que ces revenus ne soient pas considérés comme des revenus dans le cadre de l'ACRA? Est-ce que ça vous aiderait? Devrait-on prévoir un paiement supplémentaire au titre du programme d'aide en cas de catastrophe pour les acres non ensemencées que nous avons actuellement—1,1 million au Manitoba et 1,1 million en Saskatchewan?
Cette question s'adresse à Don et à quiconque aimerait y répondre.
M. Don Bromley: Le paiement de 50 $ pour les terres non ensemencées n'a guère servi qu'à couvrir les coûts de désherbage et la remise en état des sols abîmés par l'érosion. Il y a dans l'un de mes champs un petit chenal d'érosion dans lequel on pourrait perdre une petite voiture et c'est à moi de payer pour faire faire les travaux nécessaires. C'est à mes frais.
Il y a aussi le coût des travaux servant à préparer le sol pour pouvoir l'ensemencer l'année suivante. Après tout cela, il ne m'est rien resté de ces 50 $ pour faire face à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il ne m'est rien resté pour diversifier mes récoltes ou autre chose du genre. Il ne m'est rien resté de ces 50 $ pour nourrir ma famille.
M. Rick Borotsik: Ma question est—et je vous en prie, je n'ai pas beaucoup de temps—de combien avez-vous besoin en plus du paiement effectué au titre de l'aide en cas de catastrophe pour pouvoir ensemencer au printemps? De combien avez-vous besoin?
M. Don Bromley: Probablement un montant équivalent aux coûts de nos intrants pour le printemps prochain.
M. Rick Borotsik: Merci.
Vous avez mentionné deux programmes. L'un est un programme d'indemnisation pour perte d'intrants. Il n'existe pas de tel programme et nous devons continuer de faire pression pour la mise en place d'un tel programme. L'autre est ce que je considère un programme de gérance ou de maintenance pour le printemps.
Combien avez-vous dépensé pour le printemps? Je sais que Walter n'a pas fait de semences. Combien avez-vous dépensé pour éliminer les mauvaises herbes? Ma question s'adresse à tous les deux, à n'importe lequel de vous deux.
M. Harvey Paterson: Nous avons appliqué de l'herbicide à deux reprises et avons labouré à trois reprises. Chaque application d'herbicide coûte 12 ou 15 $.
M. Rick Borotsik: Ça fait 30 $.
M. Harvey Paterson: Oui, 30 ou 35 $.
M. Rick Borotsik: Est-ce raisonnable?
M. Don Bromley: Pour l'application d'herbicides, oui.
M. Rick Borotsik: D'accord.
Murray, vous louez des terres, soit 1 600 acres. Votre propriétaire s'attend-il à ce que vous lui payiez un loyer même si vous n'avez pas ensemencé ces terres?
M. Murray Downing: Vous pensez bien que oui.
M. Rick Borotsik: C'est à prélever sur les 50 $?
M. Murray Downing: Oui.
M. Rick Borotsik: Et vous, messieurs, louez-vous aussi vos terres?
M. Harvey Paterson: Oui.
M. Don Bromley: Oui.
M. Walter Finlay: Oui.
M. Rick Borotsik: Très bien. Les 50 $ ne sont donc pas un problème pour l'instant. Cela a servi à couvrir les coûts, n'est-ce pas?
À part l'application d'herbicides et la perte d'intrants, y a-t-il autre chose que vous aimeriez voir inclus dans le programme d'aide en cas de catastrophe? Quoi?
M. Walter Finlay: Si le programme incluait la perte d'intrants, cela ferait une grande différence. Pour ce qui est de l'application d'herbicide, je dépense plus d'argent que cela pour éliminer les mauvaises herbes. La somme s'approche de... Plus de quatre litres de Roundup ont été utilisés pour une partie des terres, l'autre partie est encore inondée. Il faudra de deux à trois ans avant que je ne puisse en ensemencer une partie, et je parle là d'années normales. Si nous avons encore beaucoup de pluie cette année, quelque 1 000 acres ne pourront pas encore être ensemencées.
M. Rick Borotsik: Walter, je voudrais rapidement poser une question au sujet des troubles anxieux. Nous avons ici une liste de données et je sais que vous vous êtes occupé de cette question par l'intermédiaire du CAP. Nous n'avons pas encore eu l'occasion de nous pencher là-dessus. Pouvez vous nous donner un très bref aperçu des problèmes sociaux qui risquent de se poser...
M. Walter Finlay: En fait, Sheryl est ici.
M. Rick Borotsik: Je ne sais pas si Sheryl va pouvoir ou non nous dire quelque chose à ce sujet.
Mme Sheryl Cavers (travailleuse des services d'approche, Anxiety Disorders Association of Manitoba): Je peux.
M. Rick Borotsik: Vous pouvez?
D'accord, nous en parlerons avec Sheryl.
Le président: Merci.
Monsieur McCormick.
M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci pour vos excellents témoignages.
Nous avons certes besoin d'un programme à long terme et d'excellentes suggestions ont été faites. Nous avons à faire face ici à une catastrophe qui n'a pas été assez reconnue. Il n'y a pas eu de réaction à travers le pays.
Pour revenir un moment sur le programme ACRA, l'intention était bonne. La crise a été reconnue. À l'époque où les 900 millions de dollars, les premiers fonds provenant du gouvernement fédéral ont été libérés, des groupes de la région ont dit que c'était une très bonne mesure, voire presque suffisante à l'époque. La faute bien sûr est imputable à la façon dont le programme a été conçu, à la lenteur à y apporter des changements et au fait que l'argent n'a pas été distribué assez rapidement et ne l'est pas encore.
Des fonds ont été affectés au programmes pour cette année, l'année civile qui est presque terminée. On cite des chiffres allant jusqu'à 1 milliard de dollars. Il en reste encore une bonne partie pour cette année. Nous devons aussi examiner ce que nous avons aujourd'hui et les changements que nous devons apporter de façon à pouvoir au moins après le 1er janvier distribuer l'argent plus rapidement.
Le ministre a dit qu'il voulait que tous les fonds affectés à ce programme pour l'année 1998 aient été distribués avant Noël. Je suis content que le courrier fédéral fonctionne aussi bien. Mais, sérieusement, l'an prochain, cette année, nous voulons que cet argent soit distribué aux personnes qui en ont besoin au titre de l'ACRA. Je me réjouis donc des changements que vous nous avez suggérés pour nous assurer qu'il le soit.
M. Walter Finlay: L'un des problèmes concerne l'incohérence dans l'administration de l'ACRA. Vous envoyez deux demandes identiques, ce sont deux personnes différentes qui les examinent et vous vous retrouvez avec une différence de 30 000 $ ou 40 000 $ dans les montants qui vous sont versés. L'une sera carrément rejetée, pour l'autre, on vous accordera 30 000 $. Et cela, bien que ce soit le même bureau et que les demandes soient identiques. Il faut que le programme soit cohérent.
M. Larry McCormick: J'ai déjà entendu cela et il est important que vous nous le disiez maintenant. On tient compte de tout ce que vous dites.
M. Walter Finlay: C'est l'un des problèmes. S'il existe une formule en ce qui concerne l'augmentation ou la diminution de la superficie, communiquez-là aux comptables afin qu'ils sachent ce qu'ils font. Il faut qu'ils voient cette formule, autrement ils s'arrachent les cheveux. Étant donné les incohérences dans l'administration du programme, ils s'arrachent les cheveux à essayer de déterminer exactement ce qu'ils doivent comptabiliser.
M. Larry McCormick: L'un des changements apportés à l'ACRA concerne les marges négatives. J'ai entendu dire que cela aidera un certain nombre de gens. J'ai même entendu discuter de cela ce matin en prenant mon café. Je me demande si cela aidera ou non beaucoup d'autres gens qui n'étaient pas inclus dans le programme avant.
M. Walter Finlay: N'étant pas comptable, je ne pourrais pas vraiment me prononcer à ce sujet, mais cela devrait aider les personnes qui n'ont pas fait de semences. D'un autre côté, les 50 $ par acre qui ont été affectés par le gouvernement provincial vont avoir pour effet d'éliminer les paiements au titre de l'ACRA, même si l'on tient compte des marges négatives.
Le président: Monsieur Downing.
M. Murray Downing: Je voudrais faire une petite remarque.
Ce programme qui est censé compléter l'ACRA aiderait les producteurs du sud-ouest si ces 50 $ par acre étaient versés sous forme de chèque et n'était pas comptabilisés dans le calcul du montant de l'aide à verser au titre de l'ACRA. Prenons mon cas. Quand je dis entre 15 000 $ et 65 000 $, c'est cela. C'est l'impact sur mon exploitation.
Les gens dans le sud-ouest du Manitoba vont être furieux quand, lorsqu'ils feront leurs comptes et qu'ils s'apercevront qu'ils n'ont droit à aucune aide au titre de l'ACRA s'ils déduisent cette autre somme.
M. Larry McCormick: Oui, je comprends. Hier, je vous ai félicités pour étaler vos vies avec une telle franchise, parce tant de gens se sentent lésés.
Je voudrais faire une remarque. Quand nous envisageons un programme à long terme, ce n'est pas seulement dans l'intérêt des producteurs—qui sont les plus importants dans tout cela—mais aussi dans celui des collectivités, car c'est pour nos enfants et les collectivités que nous travaillons.
Nous devons essayer d'obtenir la participation d'autres ministères. Il doit bien avoir dans d'autres ministères des fonds, par exemple, pour les programmes de mise en jachère. Si nous pouvions faire appel à la participation de certains ministères comme l'Environnement, la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien... Industrie Canada, nous pourrions sans doute avoir plus d'argent dès l'année prochaine.
Ce n'est pas simple, mais nous voulons faire davantage pour vous. De votre côté, vous devez nous aider pendant que nous travaillons avec ces ministères.
Merci, monsieur le président.
Le président: Nous sommes à court de temps pour l'instant. Joe, vous devrez attendre.
Je voudrais poser une question. Y en a-t-il parmi vous qui allez faire une demande d'aide au titre de l'ACRA pour la campagne de 1999?
M. Walter Finlay: Oui, certainement.
Le président: Dans ce cas, ma question est celle-ci. Compte tenu des règles de l'ACRA, quand allez-vous faire votre demande? D'autre part, quand vous attendez-vous au mieux à recevoir une réponse?
M. Walter Finlay: Je peux faire une demande probablement la deuxième semaine de janvier. J'aurai terminé les comptes. Pour la réponse, cela dépend du temps qu'il faudra pour examiner la demande... c'est cela qui retarde les choses.
Le président: Pensez-vous que la plupart des agriculteurs seront en mesure de...
M. Walter Finlay: Cela dépend de la date à laquelle correspond la clôture de l'exercice pour eux, c'est l'inconvénient. Si la clôture de l'exercice correspond à la fin mai, juillet ou autre, ce n'est pas la même chose.
Le président: Très bien, merci.
Nous passons maintenant au deuxième groupe de témoins: Bernie Sambrook, Bill Morningstar, Wendy Bulloch et Bob Brigden.
J'ai le plaisir d'accueillir quatre nouveaux témoins, qui sont agriculteurs. Si vous êtes d'accord, nous procéderons par ordre alphabétique.
• 0930
Cela veut dire, Bob, que nous commencerons par vous, puis que
ce sera au tour de Wendy, suivie de Bill Morningstar et enfin de M.
Sambrook.
Je vous souhaite la bienvenue à tous. Vous disposez de cinq à dix minutes, après quoi il y aura du temps pour les questions.
M. Bob Brigden (témoigne à titre personnel): Merci de m'avoir invité à venir témoigner devant vous ce matin.
Tout d'abord, je me présente. Ma femme, Pat, et moi avons et exploitons, dans le sud-ouest du Manitoba, près de Melita, une ferme où nous cultivons des céréales et faisons de l'élevage. C'est une exploitation familiale à laquelle participent aussi l'un de mes fils et sa femme.
Je ne vais pas utiliser cette partie de mon temps pour m'étendre sur l'impact qu'ont eus sur nos vies personnelles les événements qui se sont produits dans l'industrie agricole. Au lieu de cela, je parlerai en termes généraux de ce qui est arrivé dans l'industrie, des personnes responsables de ce qui s'est produit et des mesures à prendre à partir de là.
Ces dernières années, plusieurs missions commerciales, sous la direction des deux ordres de gouvernement, provincial et fédéral, ont décrété qu'il serait bon pour notre pays de pouvoir améliorer sa position commerciale dans le monde. Le secteur agricole de notre économie a été informé qu'il existait une demande croissante dans le monde à l'égard de notre produit et que, à mesure que les économies des pays en développement allaient croître, la demande alimentaire allait encore augmenter.
Résultat, la plupart des producteurs ont réinvesti la majeure partie de leurs profits et emprunté sur la base de leurs avoirs pour non seulement satisfaire à la demande prévue mais aussi pour rester compétitifs dans une industrie en rapide évolution. Malheureusement, ce qui était prévu n'est pas arrivé. Au lieu de croître, les économies des pays du tiers monde se sont écroulées et la demande de produits alimentaires que l'on attendait de ce marché n'a jamais atteint un niveau suffisant pour être profitable au producteur primaire.
Plusieurs partenaires de l'industrie ont travaillé à la création d'un marché fondé sur le volume, mais très peu d'attention a été accordée à la question de savoir si un tel marché serait ou non profitable au producteur primaire censé créer le volume à la base de cette économie.
Résultat, presque tous les producteurs primaires perdent de l'argent et il devient évident que nombreux sont les producteurs, en particulier ceux de la jeune génération, risquent de ne pas survivre. Cela non seulement serait une énorme perte pour notre industrie et mettrait en danger la survie de nombreuses collectivités rurales dans l'ouest du Canada, mais ces collectivités, y compris la mienne, peuvent difficilement se permettre un nouvel exode de gens, sans parler des jeunes, dont les familles peuplent les écoles et font tourner l'économie.
Je suis le premier à admettre que notre industrie doit continuer d'évoluer et de s'ajuster. J'admets que cela fera des victimes. C'est la vie. Ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est qu'il ne faut pas s'attendre à que l'industrie agricole, une industrie dont le rôle ne consiste pas seulement à nourrir la nation mais aussi à nourrir les nations défavorisées du monde, assiste sans rien dire à sa destruction à cause d'événements mondiaux indépendants de sa volonté.
Si la seule responsabilité de l'agriculteur canadien est de nourrir les pauvres de ce monde, que notre pays le dise. Si la stabilité que procure dans ce monde un approvisionnement stable de produits alimentaires à un prix raisonnable n'a aucune importance pour le contribuable, dites-le.
À mon avis, même si c'est difficile, les agriculteurs qui sont dans ce secteur pour longtemps s'adapteront. Les Canadiens devront faire face aux conséquences de ces décisions. La plus grave de ces conséquences est que la vie rurale telle que nous la connaissons aujourd'hui cessera d'exister et que les collectivités rurales comme la mienne survivront mais qu'elles n'auront plus grand chose à offrir.
À mon avis, cependant, le plus grave serait que notre industrie perde toute une génération de jeunes.
Que faisons-nous à partir de là? Vous avez sans doute déjà constaté que les solutions à ce problème sont aussi diverses que la nation elle-même. Je vous propose donc ceci. Je ne pense pas qu'une seule solution suffise à venir à bout du problème. En fait, j'irai jusqu'à dire que l'industrie agricole de l'ouest du Canada exigera l'attention de tous les ordres de gouvernement pendant quelque temps.
Si nous voulons attirer une nouvelle génération de jeunes dans cette industrie, il faudra cibler et aider ces jeunes. Nous ne pouvons financer l'agriculture également à tous les niveaux et nous attendre à ce que la prochaine génération soit compétitive.
Comme je l'ai dit, sans cette nouvelle génération, la vie rurale connaîtra un profond déclin dans de nombreuses régions de l'ouest du Canada.
Je pense que tous les programmes élaborés pour le secteur agricole devraient satisfaire à deux critères: le premier, encourager les jeunes à se lancer dans le secteur agricole, et non pas le contraire; le deuxième, servir à stabiliser les économies rurales et à encourager leur croissance, et non pas le contraire.
• 0935
Je ne suis pas venu ici aujourd'hui pour blâmer qui que ce
soit. Personne n'aurait pu prédire ce qui est arrivé, mais comme
chaque fois qu'il y a un problème, il semble que pour beaucoup, la
solution soit de rejeter la faute sur quelqu'un d'autre. Peu
importe la série d'événements qui ont conduit à la situation dans
laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Ce qui est important,
c'est comment nous réagissons face à la situation. Les décisions
qui vont être prises aujourd'hui, demain et à l'avenir fourniront
la base de nos orientations futures. L'industrie agricole de
l'ouest du Canada en est à un point extrêmement critique de son
histoire. Je vous adresse tous mes voeux dans la quête de solutions
à nos problèmes.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Brigden.
Des voix: Bravo!
Le président: Bonjour, madame Wendy Bulloch.
Mme Wendy Bulloch (témoigne à titre personnel): Bonjour.
-
La ferme, foyer idéal de la famille, principale source de la
richesse naturelle, fondement de la société civilisée, source
d'approvisionnement naturelle.
Il y a 18 mois, lorsque, à Washington, avec un de mes collègues de Nouvelle-Écosse, nous avons lu cette inscription au-dessus de la gare Union Station, je n'aurais jamais imaginé que je vous la citerais aujourd'hui et encore moins dans ces circonstances.
Je suis ici aujourd'hui pour vous dire de quelle façon nous pouvons aider les habitants du Canada rural, notamment de l'ouest du Canada, à surmonter cette crise agricole dont l'impact ne se limite pas aux producteurs agricoles et à leurs familles.
Je ne suis pas producteur agricole, mais l'agriculture fait depuis longtemps partie de mes racines. Ce dont je veux vous parler aujourd'hui, c'est du développement communautaire et de la façon dont nous, Canadiens, pouvons aider les collectivités rurales.
Certes, le changement est inévitable, mais le fondement de la société civilisée aussi. En tant que conseillère en économie domestique, j'ai conscience de l'importance de la famille et de son rôle au sein de nos collectivités. J'ai été élevée dans une ferme et ai vécu au Manitoba rural une partie de ma vie. Je travaille actuellement dans les régions rurales, au Manitoba et en Saskatchewan.
À mesure que la crise continue et que les familles commencent à sentir le besoin de quitter la ferme—on estime que 30 p. 100 des familles vont partir—que va-t-il arriver à nos collectivités rurales et à la source d'approvisionnement naturelle que nous assurent ces collectivités? Que va-t-il arriver au bien-être des familles? Plusieurs organisations auxquelles j'ai parlé ces derniers jours ont dit que les habitants des régions rurales au Manitoba sont très forts et savent très bien s'en sortir, mais quels vont être les effets à long terme de la crise sur les habitants et les collectivités des régions rurales?
À la fin des années 80 et au début des années 90, en tant que spécialiste du programme du club 4-H et de la jeunesse, auprès du ministère de l'Agriculture du Manitoba, j'ai travaillé avec des jeunes tout à fait remarquables. Je me souviens qu'à une conférence du club des 4-H, en février 1990, les jeunes se demandaient ce qui allaient leur arriver ainsi qu'à leurs exploitations. Ils étaient inquiets non seulement pour eux, mais pour leurs familles.
De nombreux organismes font tout ce qu'ils peuvent pour aider les gens à surmonter le stress et le désespoir qu'ils vivent en ce moment. Même les médias locaux en parlent; ils ont interviewé plusieurs personnes dans des localités rurales et dans des fermes afin d'aider les habitants des zones urbaines à comprendre la crise. Les congrégations religieuses du Manitoba se sont jumelées avec leurs homologues des centres urbains afin d'améliorer la compréhension des problèmes que vivent les agriculteurs. C'est une alliance, un partenariat unique qui mérite d'être vigoureusement encouragé. D'autres invitent les gens à se retrouver autour d'une tasse de café et à bavarder.
Il faut que nous trouvions d'autres partenariats, d'autres alliances pour aider les familles d'agriculteurs et les localités rurales dans le besoin à élaborer une vision et à se donner les outils pour réaliser cette vision et pour relever les défis que leur pose la crise du revenu agricole. Les groupes communautaires qui assurent actuellement ce genre de soutien indispensable accueilleraient avec gratitude une aide financière.
Le développement communautaire dans les régions rurales du Manitoba et du Canada est un processus qui ne s'arrête jamais. La définition du mot communauté inclut la camaraderie, et le développement est un processus de changement graduel, une évolution planifiée en vue d'une amélioration progressive.
En décembre 1997, le gouvernement fédéral donnait son appui officiel à une initiative baptisée le Partenariat rural canadien. À l'issue d'un dialogue entre régions rurales, on a déterminé qu'il y avait 11 priorités indispensables à l'amélioration de la qualité de vie des Canadiens vivant dans des régions rurales ou éloignées.
Je trouve intéressant qu'on n'ait pas parlé de cette initiative dans l'ouest ni dans les régions rurales du Manitoba. Je reçois des appels de divers organismes gouvernementaux ou privés qui me demandent où trouver du financement pour divers projets et quand je leur parle de cette initiative, qui dispose d'un budget de 3 millions de dollars pour ce genre de projet, personne ne semble au courant.
Les 11 priorités susmentionnées sont très importantes pour le Canada rural et seraient actuellement très utiles à titre d'outils pour élaborer des solutions. Citons, entre autres, l'amélioration de l'accès aux ressources financières pour les entreprises rurales et le développement communautaire; le renforcement de la cohésion des collectivités rurales, le développement de qualités de leader et le perfectionnement professionnel; la création de débouchés pour que les collectivités rurales entretiennent et améliorent leur infrastructure; et enfin le raccordement des Canadiens des régions rurales à l'économie du savoir ainsi que l'aide à ces derniers pour acquérir les compétences nécessaires pour utiliser cette technologie.
• 0940
Le bien-être social des régions rurales peut se définir de
trois façons: la combinaison de biens matériels suffisants et des
aspects non économiques de la vie rurale tels que l'éducation et la
santé; la mise en valeur des ressources comprenant l'augmentation
de la production et de l'efficacité; et le développement
organisationnel comprenant l'entretien et la création de structures
rurales permettant aux gens de mettre leur énergie créatrice et
leur comportement au service de la collectivité et de son
amélioration.
Que va-t-il advenir du bien-être rural avec la disparition rurales ou la diminution du nombre des fermes familiales et des collectivités? Nous savons tous qu'à chaque fois qu'une ferme familiale disparaît, la collectivité rurale en souffre: les répercussions en sont ressenties dans le système scolaire, le système de santé et le secteur économique. Est-ce qu'on pourra continuer à assurer le bien-être des régions rurales, tel que décrit plus haut, ou vont-elles mourir lentement, entraînant la détérioration du système scolaire et des soins de santé, la disparition d'emplois et, en fin de compte, l'érosion du Canada rural et une baisse de productivité? Les agriculteurs canadiens sont des producteurs très efficaces.
Je suis membre du Manitoba Women's Institute et, avec une collègue, j'anime des groupes de concertation dans tout le Manitoba pour le compte de l'Institut. Le sujet de notre étude est: pourquoi les femmes des régions rurales ne participent-elles pas aux organismes communautaires? Les réponses sont variées et très intéressantes. La question du revenu revient souvent. Une agricultrice m'a dit que si je pouvais lui donner 10 $ le boisseau de blé, elle n'aurait pas à travailler à l'extérieur et elle pourrait participer davantage à la vie de la collectivité.
La question du revenu, d'essayer de joindre les deux bouts, est revenue plus souvent cet automne dans le cadre des groupes de concertation que nous avons animés. Beaucoup de femmes retournent vivre à la ferme—le foyer idéal de la famille—avec leur mari et leur famille pour jouir d'une certaine qualité de vie, mais elles s'aperçoivent vite que pour pouvoir maintenir ce mode de vie, elles doivent travailler à l'extérieur, et parfois même leur mari aussi. Le stress d'essayer d'assurer des conditions de vie normales à leur famille et d'appuyer leur mari et leurs enfants, d'aider à la ferme tout en étant mère, en plus de leur travail à l'extérieur, les tiraille dans toutes les directions. Beaucoup n'ont pas les moyens de faire du bénévolat; elles citent le coût des appels interurbains et des déplacements supplémentaires.
Récemment diplômée du Programme canadien de leadership en agriculture, j'ai eu l'occasion de voyager en Amérique du Nord avec 27 autres Canadiens et d'étudier les questions agricoles. Les mêmes questions se posent ici que dans le reste de l'Amérique du Nord, à la différence près que, au Canada, nous jouissons d'une qualité et d'un niveau de vie très différents de nos homologues du Mexique.
Pourquoi est-ce que, dans une civilisation aussi ancienne que celle du Mexique, tous les ordres de gouvernement ont comme priorité numéro un de maintenir les gens dans les régions rurales? L'une des raisons est que les villes sont surpeuplées et que la criminalité et la pauvreté augmentent dans des proportions alarmantes. Dans les villes, les pauvres ne peuvent pas aussi facilement subvenir à leurs besoins que s'ils habitaient à la campagne. Les raisons expliquant qu'on veuille maintenir un peuplement rural sont nombreuses, mais certaines valent la peine d'être mentionnées: ralentir l'érosion des sols et maintenir la viabilité écologique des collectivités rurales.
Le Mexique est une civilisation bien plus ancienne que la nôtre dans l'Ouest et au Manitoba. Au Mexique, spécialement dans les régions rurales, les gens travaillent juste pour vivre, à l'inverse du Canada où les gens vivent pour travailler. L'agriculture est la principale source de richesse naturelle, et il suffit de regarder les pays comme le Mexique, qui éprouve de grosses difficultés tant sociales qu'économiques, pour s'apercevoir que leur base agricole est soit non existante soit très faible.
Est-ce que c'est ce que nous voulons pour les régions rurales du Manitoba et du Canada? Il faut que nous prenions soin de nos racines et de notre patrimoine. Il nous faut des visionnaires comme dirigeants. Si les fermes disparaissent, spécialement celles qui sont gérées par des jeunes, nous perdons autant de chances d'avoir les dirigeants solides dont nous avons besoin tant au niveau des exploitations que de l'agroalimentaire, pour garantir notre succès à long terme. Au niveau communautaire et régional, nous perdrions le leadership politique et organisationnel nécessaire à l'élaboration d'activités rurales économiques et sociales écologiquement viables. Au niveau provincial et national, il nous faut des hommes et des femmes capables de comprendre les questions complexes qui se posent à nous et qui possèdent les qualités de leader et les compétences nécessaires pour offrir une vision à ce secteur. Cela ne se fera pas si on permet l'érosion et la mort lente de la base rurale du Manitoba.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Je vous remercie.
Passons maintenant à Bill Morningstar. Bonjour.
M. Bill Morningstar (témoignage à titre personnel): Merci et bonjour.
Le gouvernement du Canada doit prendre des mesures à long terme pour aider les agriculteurs de l'Ouest, mesures qui doivent être prévisibles et à la hauteur de nos moyens et qui doivent assurer un niveau de vie acceptable aux agriculteurs.
«Mon fils ne revient pas.» Les uns après les autres, les agriculteurs répètent cette phrase. Des exploitations qui sont viables ne seront pas reprises par les filles ou les fils de leur propriétaire. À moins que l'on fasse quelque chose pour renverser cette tendance, le concept de la famille élargie disparaîtra entièrement de nos collectivités.
Si ça vos intéresse, ma femme Judy et moi avons deux fils diplômés en agriculture de l'Université du Manitoba qui ne reviendront pas exploiter la terre sur laquelle leur arrière-grand-père s'est établi en 1884. Ce sera également la fin pour la ferme de la famille de Judy, en Saskatchewan, achetée en 1905 par ses grands-parents et exploitée sans interruption jusqu'à aujourd'hui.
• 0945
À la fin de l'année, les surplus mondiaux de blé et de
céréales secondaires seront respectivement de 130 et de 157
millions de tonnes. Si on soustrayait 25 millions de tonnes de blé
et 60 millions de tonnes de céréales secondaires des
approvisionnements mondiaux, les prix remonteraient à un niveau
permettant aux agriculteurs canadiens de joindre les deux bouts
sans aucune aide.
Les cinq plus gros pays exportateurs de céréales au monde devraient facilement pouvoir s'entendre pour mettre hors production une superficie suffisante, moyennant rémunération et conformément à des pratiques environnementales saines, afin d'éliminer cette petite quantité de céréales du marché mondial.
La question est de savoir si le gouvernement du Canada veut une politique mondiale d'aliments bon marché ou s'il veut la survie des agriculteurs canadiens de l'Ouest. Le gouvernement du Canada est-il ou non déterminé à préserver le secteur agricole de l'Ouest? Il faut que nous, les agriculteurs, nous le sachions tout de suite afin de prendre des dispositions pour assurer notre avenir. À ce jour, le gouvernement fédéral ne nous a donné aucune indication de son intérêt.
Les agriculteurs canadiens ont besoin d'une infusion directe de 25 $ l'acre. Simplifiez le programme au maximum. Envoyez l'argent avant les semailles du printemps. Le Canada ne peut se permettre de perdre inutilement un plus grand nombre d'exploitations familiales. Les agriculteurs qui sont contraints à abandonner ont moins de 40 ans pour la plupart.
Comme la majorité des programmes récents censés aider les agriculteurs, l'ACRA ne semble pas venir en aide aux bonnes personnes. La majorité des versements de l'ACRA est allée à des agriculteurs âgés et à ceux qui n'en avaient pas besoin. L'administration de ce programme va coûter plus de 70 millions de dollars. On ne peut que deviner combien les agriculteurs doivent payer leur comptable pour savoir s'ils y sont admissibles. Maintenant que vous avez modifié l'ACRA, il faut tout recommencer et les payer à nouveau.
Par ailleurs, le CSRN s'adresse principalement aux agriculteurs de plus de 55 ans, qui s'apprêtent à prendre leur retraite, et le montant compensatoire du Nid-de-Corbeau est allé à des propriétaires qui n'étaient pas des exploitants ou qui étaient en fin de carrière.
Il y a 60 millions d'acres de terres agricoles dans l'Ouest du Canada et 4,2 millions dans le reste du Canada. Pourquoi le ministre de l'Agriculture est-il un producteur de fraises défroqué de l'Est qui n'y comprend rien?
Des voix: Bravo!
M. Bill Morningstar: Les agriculteurs de l'Ouest ne veulent pas que leurs homologues européens et américains soient rabaissés à leur niveau. Nous voulons être rehaussés à leur niveau. Les sénateurs et les députés américains tiennent bon et défendent leurs agriculteurs. Ces derniers ont bien raison d'être fiers de leurs représentants. Le fait que le drapeau canadien ne flotte plus sur les fermes des Prairies devrait déclencher un signal d'alarme sur la colline du Parlement.
Il faut que les engrais, les pesticides et les carburants soient exonérés de taxes. Les terres agricoles doivent être exonérés de la taxe scolaire. Les agriculteurs devraient payer des impôts sur leur revenu, pas des impôts cachés.
Les embargos sur les ventes de céréales et d'aliments à des pays étrangers sont entièrement financés par les producteurs de céréales de l'Ouest. Non seulement y perdent-ils des ventes, mais aussi des clients à tout jamais. Le Canada passe maintenant pour un fournisseur de céréales peu fiable. On ne doit jamais plus permettre que les aliments servent d'armes ou de moyens de pression.
Les Canadiens peuvent aider les agriculteurs en achetant un boisseau de blé et en en faisant don à la banque de céréales vivrières, mais le gouvernement canadien devrait augmenter son aide des 16 millions de dollars qu'elle est actuellement à 22 millions de dollars.
En matière de production agricole, il faut élaborer des politiques à long terme portant non seulement sur l'agriculture, mais également sur l'environnement et le commerce, et ce, en collaboration avec les producteurs, dès le début de leur élaboration jusqu'à l'obtention des résultas finaux.
Les agriculteurs ont besoin d'avances de fonds, sans intérêt, sur les récoltes qui seront semées au printemps 2000, calculées sur la base d'une couverture d'assurance de 80 p. 100.
Au sujet du rapport Estey, Doug Livingstone, président sortant de l'Alberta Wheat Pool et l'un des auteurs du rapport Kroeger, a dit en conclusion de la séance de Portage la Prairie que ce serait un acte de foi gigantesque de la part des producteurs de céréales de l'Ouest.
Les agriculteurs ont l'habitude de faire des actes de foi gigantesques, mais ce sera la première fois que nous serons obligés de mettre toute notre foi dans le Canadien pacifique, le Canadien national et tout un tas de céréalières multinationales. Les primes au rendement représentent près de 30 p. 100 de la rémunération de la haute direction de ces compagnies. De toute évidence, les intérêts des agriculteurs leur importent peu.
Les inondations dans le sud-est du Manitoba et le sud est de la Saskatchewan représentent l'une des pires catastrophes à frapper ces provinces. Personne n'aurait cru que les champs puissent être si détrempés.
• 0950
Il est encore plus difficile de vivre avec les problèmes
sociaux, mentaux et financiers créés par la pluie du printemps 99.
Au début du printemps, les gens plaignaient ceux qui n'avaient pas
pu semer. À la fin de l'année, c'est ceux qui sont arrivé à semer
que l'on plaint.
Récolte fin novembre; du blé gelé, mouillé, plein de maladies; de l'avoine qui pèse de 18 à 20 livres le boisseau; les moissonneuses et les tracteurs qu'on doit extraire de la boue avec des pelles mécaniques; les engrais et les produits chimiques rendus inutiles par l'humidité—tous ces problèmes et bien d'autres encore se traduisent par un sentiment omniprésent de désespoir dans l'ouest du Manitoba et dans l'est de la Saskatchewan.
Pour la Banque royale, ce n'est peut-être pas une catastrophe, mais pour les agriculteurs de l'ouest du Manitoba et de l'est de la Saskatchewan, c'est une fichue catastrophe.
Nous nous demandons pourquoi le gouvernement fédéral essaye de faire comme si nous n'existions pas. Pendant des années, les programmes du gouvernement nous ont donné à penser qu'exporter les céréales des Prairies était la chose à faire. Puis le gouvernement libéral a supprimé le tarif du Nid-de-Corbeau et a laissé l'un des plus gros secteurs de l'économie canadienne s'adapter tout seul à des changements massifs.
Le gouvernement libéral a dit qu'il n'avait pas les mêmes moyens financiers que les Américains et les Européens. Permettez-moi de vous dire que les agriculteurs de l'Ouest n'en ont pas plus les moyens.
Le rapport Estey était censé être un ensemble. Willard Estey a dit que l'accès concurrentiel aux voies ferrées serait garant de concurrence dans le système. Il ne faut pas que le gouvernement libéral isole ou supprime cette partie du rapport. Le rapport doit être accepté en entier ou pas du tout.
Nous avons besoin de lignes ferroviaires secondaires. Les routes provinciales et municipales sont rapidement en train de devenir un danger public dans les région rurales. Ces routes, construites il y a des lustres, ne sont pas faites pour les trains doubles de type B. Elles ne sont pas suffisamment larges pour que ces semi-remorques puissent croiser des autobus scolaires ou des voitures. Votre politique des transports a abouti à la présence de ces semi-remorques sur nos routes et les conséquences vous importent peu.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci beaucoup, monsieur Morningstar.
Passons maintenant à Bernie Sambrook. Bonjour.
M. Bernie Sambrook (témoigne à titre personnel): Bonjour.
Je m'appelle Bernie Sambrook. Je suis producteur de céréales à Medora, dans le sud-ouest du Manitoba, et 1999 a été sans conteste l'année la plus difficile de toute ma carrière d'agriculteur. La pluie ininterrompue nous a empêché de semer au printemps. Quand la pluie s'est enfin arrêtée, les champs n'étaient que boue, eau et mauvaises herbes.
Sur les 2 800 acres que nous cultivons, nous sommes arrivés à ensemencer 2 000 acres dans la boue, et ce, pour la plupart, pendant la deuxième et la troisième semaine de juin. Le canola a poussé étonnamment bien pour avoir été semé si tard, par contre, les céréales ont été une catastrophe.
Mais je ne suis pas ici pour me plaindre. Je veux vous parler de ce qu'il faut faire pour améliorer notre situation et pour redonner espoir aux agriculteurs.
Quand je pense à tout ce qui se dit et aux prises de positions sur cette question, la phrase suivante me vient à l'esprit: «Les problèmes complexes ont une solution simple, facile à comprendre, mais fausse.» Le problème que nous vivons est véritablement complexe. Il n'y a pas de solution magique. L'aide gouvernementale à elle seule ne sera pas d'un grand secours pour régler à long terme les problèmes de base qui existent dans ce secteur. Compter uniquement sur l'argent des contribuables pour maintenir l'industrie à flots ne fera qu'engendrer de plus grosses difficultés pour tout le monde. Les solutions réalistes se trouvent ailleurs.
Il y a quelques années, on parlait d'intervention de première, de deuxième et de troisième lignes pour qualifier la protection du revenu agricole. Les moyens de première ligne correspondaient aux capacités personnelles de l'agriculteur en matière de gestion. Les moyens de deuxième ligne comprenaient les programmes de gestion du risque tels que l'assurance-récolte, le CSRN, le RARB et maintenant l'ACRA et les moyens de troisième ligne renvoyaient à tout programme d'aide en cas de désastre. Je crois que nous sommes ici aujourd'hui parce que les agriculteurs réclament un soutien de troisième ligne.
Je n'ai pas l'intention de discuter de l'utilité de mettre sur pied un tel programme, mais il me semble que s'il faut trop souvent adopter des mesures de deuxième et de troisième lignes pour soutenir le revenu agricole, la meilleure solution à long terme pourrait être de renforcer la première ligne. En ignorant ces problèmes de première ligne, on ne fait qu'imposer un fardeau constant aux programmes de protection en place et la situation de nos agriculteurs ne pourra que s'envenimer.
Le ministre Vanclief a parlé d'une politique de la ligne dure. Si cela doit réellement être la politique adoptée par le gouvernement fédéral, ce dernier a alors un devoir et une responsabilité envers ceux qu'il laisse se débrouiller ou sombrer. Il se doit alors de donner aux agriculteurs toute la latitude dont ils ont besoin pour gérer leurs fermes du mieux qu'ils le peuvent, sans quoi ils n'auront d'autre choix que de disparaître, causant ainsi une érosion sans précédent de l'économie agricole. Si l'on ne prend pas les mesures qui s'imposent, il faudra s'attendre à subir les effets d'une économie agricole déficiente et d'un exode massif des campagnes pour bon nombre d'années à venir.
• 0955
Des politiques qui auraient autrefois pu être considérées
comme sages et avisées sont maintenant plutôt un boulet au pied des
agriculteurs. Les progrès technologiques du monde dans lequel nous
vivons exigent l'application de politiques et de mesures
différentes de la part des gouvernements. Les agriculteurs
d'aujourd'hui doivent être plus au fait de l'ensemble des marchés.
Nous devons jouir de la liberté individuelle de commercialiser nos
récoltes dans le cadre d'un système de marché ouvert.
Le canola et les autres cultures spéciales ont sauvé les céréaliculteurs au cours des quelques dernières années. Ces produits nous permettent des rentrées de fonds essentielles à un prix mondial. Le système de marché libre en vertu duquel ces produits sont commercialisés donne beaucoup de choix aux agriculteurs au niveau de l'établissement des prix et de la mise en marché. Le système de libre marché ne remplace pas l'importance des prix et les signaux de base dont les agriculteurs ont besoin aujourd'hui. C'est là où se trouvent toutes nos réussites.
Dans le cas du blé, l'histoire est bien différente. La Commission canadienne du blé continue de ralentir cette industrie et de lui mettre les bâtons dans les roues. Même avec l'adoption du projet de loi C-4 et les changements cosmétiques apportés à la nouvelle structure administrative, la Commission canadienne du blé reste la même entité importune et contrôlante qui a vu le jour en 1943. Les belles promesses faites aux agriculteurs au chapitre de la flexibilité, de l'ouverture et de la responsabilisation ont toutes donné lieu à une détermination féroce en vue de maintenir le statu quo et une mentalité secrète et effrayante à l'image des blockhaus a vu le jour.
Les efforts de Prairie Pasta Producers en vue d'accroître la valeur de notre grain et de notre économie ont été anéantis par cette nouvelle commission. Les producteurs de blé de l'Ontario se voient offrir six nouvelles possibilités d'établissement de prix, aucune ne prévoyant la mise en commun. Ces nouvelles options ont été bien accueillies par les agriculteurs. Les agriculteurs des Prairies n'ont toujours droit qu'à la mise en commun obligatoire et ces nouvelles options qui pourraient être offertes sont toujours liées à la mise en commun et elles constitueront toujours une escompte à la mise en commun. Cette option de prix comptant ne reçoit guère d'appui, mais la CCB refuse d'étudier toute solution qui ne tient pas compte de la mise en commun.
Les résultats d'un sondage effectué récemment par la CCB sur ces questions dans le but de déterminer si les agriculteurs sont en faveur d'un bureau unique, d'une commission bénévole ou de l'abolition totale, ainsi que sur plusieurs autres sujets de préoccupation relatifs à la Commission du blé et à l'agriculture ne sont pas communiqués aux agriculteurs ni au public parce qu'ils ne sont pas du tout à l'avantage de la Commission. Selon les rumeurs qui circulent, le sondage établirait à seulement 20 p. 100 l'appui des agriculteurs face au monopole.
Le directeur de la CCB élu par les agriculteurs, Jim Chatney, est sans cesse harcelé et il fait actuellement l'objet de menaces de poursuites juridiques. Pourquoi? Pour avoir essayé d'être honnête envers les agriculteurs qui l'ont élu. Pour avoir dit des choses qui ne correspondent pas aux messages de la campagne de propagande de la Commission canadienne du blé. Pour avoir révélé la vérité en rapport avec l'appui de la Commission du blé. J'ai moi-même été appelé cet automne à répondre au questionnaire de ce dernier sondage et je peux vous assurer qu'il n'y a rien là-dedans qui puisse nuire aux marchés. Les résultats devraient être portés à la connaissance du public.
La Commission canadienne du blé représente le plus grand obstacle à la prospérité future des agriculteurs. La mesure la plus positive que le gouvernement libéral pourrait prendre pour améliorer les mesures de première ligne à la disposition des agriculteurs serait de faire disparaître cet obstacle. Il est également essentiel d'adopter rapidement les recommandations du juge Estey pour ce qui est de la réforme du transport et de la manutention du grain. La disparition des tarifs de marchandises imposés par la loi et la restriction aux ports de la Commission canadienne du blé font partie intégrante de ces réformes. Si l'on n'adopte pas les recommandations du juge Estey et qu'on maintient le rôle de la Commission du blé dans les transports, de nouveaux problèmes sont à prévoir dans ce secteur et le Canada s'éloignera encore davantage de ses compétiteurs en termes d'efficacité et de fiabilité.
Les allégements fiscaux et la disparition des subventions qui faussent les prix sont également des ingrédients essentiels dans la recette qui doit assurer un secteur agricole plus fort. En 1776, l'économiste britannique Adam Smith a écrit un ouvrage intitulé The Wealth of Nations. Cet ouvrage a servi de guide à la politique économique capitaliste depuis ce temps. Smith a affirmé que:
-
Toute personne qui cherche à agir pour son bien personnel est menée
par une main invisible pour le bien de tous. On peut donc en
conclure que toute ingérence par le gouvernement dans la libre
concurrence ne peut être que préjudiciable.
Il serait bon de tenir compte du principe de la «main invisible» de Smith pour tenter de comprendre la crise actuelle dans le domaine de l'agriculture et d'y trouver des solutions.
Je vous remercie.
Le président: Nous passerons maintenant aux questions. La parole est à M. Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz: Je vous remercie beaucoup. J'ai trouvé tous les exposés très intéressants.
Wendy, je suis très satisfait. Dans le groupe précédent, j'ai demandé aux participants de me dire pourquoi ils croyaient que l'agriculture est si importante pour le Canada. Je crois que vous avez répondu à cette question et vous nous avez présenté de très bons arguments. J'en suis très heureux.
• 1000
J'ai un très grand nombre de questions qui me viennent à
l'esprit, mais je me limiterai à celles qui me semblent
primordiales. Nous considérons la crise actuelle et nous ne nous
rendons pas compte de la mesure dans laquelle certains des facteurs
moins apparents de la réalité canadienne peuvent y avoir contribué.
M. Sambrook, j'ai beaucoup aimé votre présentation. Vous avez
soulevé entre autres la question des allégements fiscaux. Bon
nombre de gens ont étudié la situation dans laquelle ils se
trouvaient et se sont dits que si les coûts de leurs facteurs de
production étaient moins élevés, ils arriveraient à s'en sortir.
Un agriculteur est venu me dire que les forts taux d'imposition exigés au Canada sont responsables de bon nombre des problèmes auxquels nous faisons face. Je lui ai répondu: «Vraiment». La plupart des agriculteurs à qui je parle me disent qu'ils ne paient pas d'impôts. Il m'a répondu. Exactement. En raison des forts taux d'imposition qu'on exige d'eux, les agriculteurs font tout ce qu'ils peuvent pour les éviter. Ils font d'ailleurs souvent des investissements peu judicieux.
Toutefois, vous avez dit que la première ligne d'intervention était constituée des aptitudes propres en gestion. Dans quelle mesure le gouvernement peut-il s'opposer à ces décisions de gestion compte tenu des efforts des agriculteurs en vue de se soustraire aux impôts à certains niveaux? En période difficile, comme c'est le cas maintenant, ils sont aux prises avec des dettes beaucoup plus élevées que d'habitude. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation? Tous les coûts de production que les agriculteurs doivent payer comprennent des taxes qui sont souvent cachées. Bon nombre d'agriculteurs ne se rendent pas compte combien ils doivent payer de taxes. Mais croyez-vous qu'un réel allégement des charges fiscales permettrait de résoudre le problème?
M. Bernie Sambrook: Tout à fait. Nous payons tellement d'impôts et de taxes. Pensons par exemple à la taxe foncière. C'est une question qui touche tous les agriculteurs. Que nous ayons une bonne ou une mauvaise année, ça n'a aucune importance. Nous devons payer des taxes sur des terres qui n'ont pas été semées et qui n'ont rien rapporté au cours d'une année. Le système d'impôts fonciers, et tout particulièrement la taxe qui a trait à l'éducation, ont été conçus à l'époque où il y avait des bâtiments de ferme à chaque quart ou demi-section. Ce n'est plus le cas du tout. Les agriculteurs qui restent sont aux prises avec un fardeau beaucoup plus lourd et je ne crois pas que la société en ait tenu compte. C'est là un des éléments importants.
Oui, il est vrai que nous devons payer des taxes cachées, sur le carburant et les engrais par exemple. Tous ces éléments augmentent nos coûts de production. Puis, il ne faut pas oublier l'impôt sur le revenu. Lorsque nous parvenons à faire un peu d'argent au cours d'une année, on nous en enlève la moitié. Si on nous permettait de garder une plus grande partie de ce que nous gagnons quand nous arrivons à gagner un peu d'argent, nous serions mieux en mesure de faire face à ces situations difficiles. L'agriculture est un domaine cyclique. Nous savons tous que nous subirons de bonnes et de mauvaises périodes. Si on nous laissait gérer nos fermes comme nous l'entendons et garder une plus grande partie des profits lorsque nous réussissons à faire un peu d'argent, notre situation serait beaucoup stable.
M. Garry Breitkreuz: Oui. Je trouve cela très intéressant parce qu'il y a aussi un grand nombre d'autres taxes cachées. Lorsque les primes d'assurance-emploi augmentent de 10 p. 100 par exemple, les coûts de tout ce que les agriculteurs achètent reflètent cette augmentation parce qu'on sait bien que les entreprises ne paient pas de taxes. Ils ne font que les refiler à d'autres. C'est aussi ce qui arrive avec les primes d'assurance-emploi que le gouvernement utilise pour autre chose et ainsi de suite.
Une partie des taxes que nous devons payer sert à financer l'aide étrangère et l'un de vous a souligner que cela causait un problème. Pourquoi nous, Canadiens, devons-nous donner tant d'argent comptant. Pourquoi ne pouvons-nous pas donner plutôt de la nourriture? Pouvez-vous nous dire si vous croyez qu'il s'agit là d'une demande raisonnable à faire au gouvernement. Au lieu de simplement donner de l'argent à bon nombre de pays qui s'en servent souvent pour acheter de l'armement, nous devrions songer sérieusement à acheter de la nourriture de nos agriculteurs pour l'envoyer aux pays qui ont besoin d'aide. Croyez-vous que ce soit faisable ou croyez-vous plutôt que cette mesure ne ferait que dérégler le marché et créer plus de problèmes qu'elle ne pourrait en régler?
Toutes ces questions que je pose, même en ce qui touche les taxes et les impôts, s'adressent à tous. Que ceux qui veulent y répondre se manifestent.
M. Bill Morningstar: Pour en revenir à la Banque de céréales alimentaires, l'une des choses qui la distinguent énormément de tous les autres, c'est qu'entre 97 et 98 p. 100 des articles produits et des bénéfices réalisés ressortent et sont en réalité affectés où ils devraient l'être. C'est l'un des plus forts taux au monde et je ne crois pas qu'on puisse trouver mieux ailleurs.
• 1005
Les Églises commencent maintenant à demander ce qu'elles
peuvent faire pour venir en aide aux agriculteurs canadiens. Comme
c'est le cas de la plupart des Églises, les gens n'ont pas beaucoup
d'argent à offrir et ils ne se rendent souvent pas compte des
sommes d'argent qui sont nécessaires. Si elles veulent être utiles,
ces Églises devraient donner un boisseau de céréales à la Banque
canadienne de céréales alimentaires. La part du gouvernement doit
être accrue, parce que le gouvernement donne sur une base de 4 pour
un, c'est-à-dire que pour chaque boisseau de blé qu'un agriculteur
ou toute autre personne donne, le gouvernement en donne quatre.
Cela représente une façon simple d'en sortir un peu du marché.
Comme c'est le cas pour la plupart des problèmes, quand on s'y
attaque régulièrement, les choses finissent par s'arranger d'elles-mêmes.
Le président: Garry, il vous reste 40 secondes si vous voulez ajouter quelque chose.
M. Garry Breitkreuz: J'aimerais parler brièvement de Prairie Pasta Producers. Je vis bien sûr sur une ferme et cette question a attiré beaucoup d'attention dans ma circonscription.
On s'inquiète beaucoup là-bas de ce que le gouvernement restreint les agriculteurs en ne leur permettant pas d'accroître la valeur de leurs produits. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a réellement un problème puisque nous ne permettons pas aux agriculteurs de traiter leurs produits et de les vendre sans avoir à surmonter toutes sortes de complications?
M. Bill Morningstar: À mon avis, la plupart des problèmes auxquels nous faisons face pourraient facilement et rapidement être résolus si on pouvait obtenir 6 $ pour le blé.
Des voix: Bravo!
Le président: Je vous remercie infiniment, monsieur Morningstar.
La parole est maintenant à M. Joe McGuire.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): En ce qui a trait aux taxes, monsieur le président, l'un des orateurs précédents, M. Harvey Paterson, a recommandé dans son exposé qu'on impose une taxe sur l'alimentation. Je pensais justement qu'on attirerait certainement l'attention de tous les Canadiens en imposant une TPS aux produits d'alimentation. Cela sensibiliserait certainement les gens à la politique d'aliments à rabais que l'on pratique en Amérique du Nord et je crois que les consommateurs pourraient avoir une attitude différente quand viendrait le temps d'aider les agriculteurs canadiens qui doivent payer cette taxe tous les jours. Je ne prêche pas en faveur d'une telle mesure, mais si le comité l'adoptait, je suis persuadé que cela ferait les manchettes.
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Garry Breitkreuz: ...
M. Joe McGuire: Je sais que ce serait le cas Garry.
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Garry Breitkreuz: ...
M. Joe McGuire: C'est vous le fiscaliste ici.
Je sais que Wendy également en a parlé dans sa présentation. Elle affirme que Peter Newman a dit que les consommateurs devraient payer plus cher. On retrouve dans bon nombre de présentations l'idée que ce que les agriculteurs obtiennent est loin d'être suffisant pour garder les gens sur la ferme et pour continuer le développement des régions rurales du Canada.
En même temps, nous avons environ 2 milliards de dollars dans les caisses du CSRN et de l'ACRA. À ce moment-ci l'an dernier, nous ne disposions pas même d'un programme d'aide en cas de désastre. Un an plus tard, nous avons sur pied un programme qui a versé quelque 400 millions de dollars d'un bout à l'autre du pays. Je crois que la Saskatchewan en a tiré quelque 90 millions de dollars et je ne me rappelle plus des chiffres exacts, mais le Manitoba en a obtenu davantage. Toutefois, tout cet argent dort là et il ne semble pas possible de faire parvenir l'argent à ceux qui en ont réellement besoin. C'est un programme qui devrait aider ceux qui ont besoin d'argent comptant. Ce devait être un programme spécifique, mais nous ne réussissons pas à faire sortir les fonds. Les orateurs ne semblent pas être au courant des modifications qui ont été apportées récemment aux moyennes olympiques, tout particulièrement au chapitre des marges négatives, et qui devraient permettre de remettre des chèques plus généreux à un plus grand nombre de gens.
Il semble que le système se soit enrayé. Un an plus tard, nous ne devrions pas nous retrouver ici après l'annonce d'un programme d'aide en cas de désastre, toutefois, c'est ce qui se passe parce que le programme n'a évidemment pas été bien conçu ou que nous n'avons pas accès à l'argent qui a été rendu disponible. Les gens affirment qu'ils ont besoin de plus d'argent, mais nous ne pouvons utiliser l'argent de ces programmes.
Je me demandais si vous pourriez nous dire une chose Bernie. D'après ce que vous nous avez dit, vous semblez croire que nous n'avons pas besoin d'un programme d'aide en cas de désastre. Nous devrions combattre seuls et laisser le meilleur remporter. Est-ce bien là ce que vous avancez ou ai-je mal compris?
M. Bernie Sambrook: Ce n'est pas du tout ce que j'avance ici. Je suis d'avis qu'il y a réellement une crise dans le domaine de l'agriculture et que nous devons réagir.
Mon exposé visait plutôt ce que nous devrions faire dans l'avenir pour empêcher ce genre de situation de se répéter trop souvent. En ce qui a trait à l'argent nécessaire maintenant, j'avoue que je ne connais pas bien le programme ACRA. La seule chose que je sais, c'est que j'ai fait mes calculs pour 1998 cet été. Une fois que j'ai compris que je n'y aurais pas droit, j'ai mis tout cela de côté. C'est là où j'en suis et c'est toute l'expérience que j'ai face au programme ACRA.
Pour ce qui est de rendre les fonds disponibles, disons que nous parlons d'un paiement à l'acre par rapport à d'autres mécanismes de paiement. Il y a des inconvénients à utiliser un paiement à l'acre. Si de nouveaux fonds étaient injectés, j'aimerais personnellement qu'ils soient offerts par l'intermédiaire du CSRN.
J'ignore si je réponds à votre question, mais...
M. Bill Morningstar: Puis-je répondre à votre question sur l'ACRA en ce qui concerne son incidence sur mon exploitation agricole? En 1994-1995, mon fils est sorti du collège d'agriculture et il a décidé de revenir chez nous pour se livrer à l'agriculture. Nous savions à l'époque que le tarif du Nid-de-Corbeau disparaissait. On nous a dit que si nous voulions survivre, nous devions nous lancer dans l'élevage. La «diversification» était le grand mot à la mode à l'époque. Tout le monde l'utilisait.
Nous avons donc diversifié. Nous avons bâti nos corraux, creusé nos mares artificielles, prévu nos approvisionnements en eau, élevé nos clôtures et acheté notre bétail. Nous avons transformé des terres servant à la production agricole en pâturages. Nous avons pris les mesures qui s'imposaient pour recevoir un troupeau de vaches. Ce n'est pas un troupeau important puisqu'il était question d'environ 70 têtes. Cependant, pour ce faire, durant ces années-là, en 1995, 1996 et 1997, nous avons dû accepter que notre revenu baisse au-dessous de zéro pour financer toutes ces mesures.
Lorsque l'ACRA a été mis en oeuvre, nous avons dit que c'était là notre revenu... Nous savions fort bien ce qui allait se produire lorsque nous avons procédé à cette diversification. Nous allions dépenser plus que nos revenus, et de loin, pour parvenir à cette diversification. Nous avons diversifié, nous avons fait ce que nous étions censés faire et maintenant, il n'y a absolument aucune chance que nous soyons admissibles à l'ACRA. Au printemps dernier, mon fils a quitté l'exploitation agricole.
Des voix: Bravo!
Une voix: Merci beaucoup.
Le président: Avant que nous ne passions à M. Proctor, j'aimerais poser une question à M. Sambrook.
Vous avez déclaré que vous n'étiez pas admissible à un paiement au titre de l'ACRA dans le cadre de la campagne agricole de 1998. Est-ce parce que votre revenu n'était pas inférieur à la moyenne—c'est-à-dire votre moyenne de trois ans? S'il était inférieur à la moyenne de trois ans, est-ce parce qu'il n'était pas inférieur de plus de 30 p. 100 à cette moyenne? Pouvez-vous nous préciser les raisons pour lesquelles vous n'étiez pas admissible?
M. Bernie Sambrook: Lorsque j'en suis finalement arrivé à la colonne où on doit effectuer ses propres calculs pour déterminer le montant de son paiement, j'étais situé juste sur la ligne.
Le président: Celle de 30 p. 100?
M. Bernie Sambrook: Oui, j'étais juste à environ 70 p. 100. En fait, j'étais légèrement au-dessous de cela, mais alors, le CSRN a joué...
Le président: Et cela a mis un terme à vos espoirs.
M. Bernie Sambrook: ...et cela a mis un terme à mes espoirs, en effet.
Il y a eu des ajustements. On a mentionné plus tôt la question de l'évaluation des grains. On les a évalués à un prix supérieur au prix du marché à l'époque. On a établi leur valeur le 1er janvier alors qu'en juillet, nous obtenions 2 $ de moins pour le canola et le blé dur.
Le président: Mises à part ces autres variables, comme le système de report des prix et le reste, pensez-vous qu'il soit réaliste ou juste d'avoir établi ce seuil à 30 p. 100 ou 70 p. 100 de la moyenne? Aurait-il dû être de 80, 90 ou 60 p. 100 ou...
M. Bernie Sambrook: Oui, il aurait dû être beaucoup plus élevé.
Le président: Il aurait dû être plus élevé.
M. Bernie Sambrook: C'est le problème. Il est établi à 70 p. 100.
Le président: À combien croyez-vous qu'il devrait s'élever?
M. Bernie Sambrook: Nos coûts augmentent.
Le président: Oui, à combien pensez-vous qu'il devrait s'élever alors? À 5 p. 100 ou sitôt que votre revenu serait inférieur à la moyenne?
M. Bernie Sambrook: Non, à l'heure actuelle, nous sommes à 70 p. 100, mais je pensais qu'un pourcentage de 75 à 80 p. 100 aurait permis de rendre la plupart des agriculteurs admissibles.
• 1015
À l'heure actuelle, je crois que beaucoup d'agriculteurs se
retrouvent dans la tranche des 70, 71 ou 72 p. 100 et ils ne sont
donc pas admissibles à l'ACRA. Cependant, nos coûts augmentent et,
je le répète, nos revenus baissent. La situation est donc
difficile.
Le président: Merci.
Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Merci.
Monsieur Brigden, madame Bulloch et monsieur Morningstar, dans vos exposés de ce matin, vous avez tous parlé assez longuement des jeunes. En fait, M. Brigden, je pense que vous avez déclaré qu'on devait trouver des façons d'encourager les jeunes à entrer dans ce secteur au lieu de les en dissuader.
Nous avons tous que l'âge moyen des agriculteurs est trop élevé. Je ne sais pas au juste à combien il s'élève au Manitoba, mais je crois qu'en Saskatchewan, il est question de 58 ans. Je voudrais savoir quelles idées ou suggestions précises n'importe lequel d'entre vous pourrait avoir sur les moyens que nous pourrions utiliser pour encourager les jeunes à se lancer dans l'agriculture. Nous avons entendu M. Morningstar nous dire que son fils a récemment quitté le secteur de l'agriculture. Il est évident que la sécurité du revenu est l'une des grandes questions, mais quels autres moyens devons-nous envisager pour remédier à cette situation?
M. Bob Brigden: Je suppose que j'en reviens à l'époque où j'ai commencé à travailler dans le secteur de l'agriculture. À l'époque, ma génération, le groupe des 40 ans et plus, n'aurait jamais pensé recevoir un chèque du gouvernement, car les choses étaient différentes alors. On accordait beaucoup d'aide aux gens comme moi qui entraient dans le secteur. Ainsi, la Société du crédit agricole offrait un certain nombre de programmes dans le cadre desquels elle prêtait certaines sommes aux jeunes pour se lancer. Parfois, ces taux étaient subventionnés, mais la majorité du temps, l'intéressé avait simplement la chance d'emprunter davantage sans avoir vraiment beaucoup de capital. Cependant, ces programmes ont disparu depuis longtemps.
Au cours des 10 ou 15 dernières années, nous avons passé tellement de temps—et à juste titre d'ailleurs—à nous occuper de ma génération et des plus vieux, que nous avons totalement oublié cette génération. Et même alors que je suis ici aujourd'hui, non pas que les préoccupations soulevées par tous les témoins ne soient pas légitimes, mais lorsqu'on y songe vraiment, cet argent n'est toujours pas destiné à cette génération. En fait, dans la plupart des cas, les intéressés ne peuvent en profiter.
J'entends des agriculteurs dire que le CSRN est un bon programme. Essayez de dire cela à un jeune agriculteur. Je vais vous donner un exemple. Sur notre exploitation agricole l'année dernière, ma femme et moi-même avons touché 13 000 $ en contributions fédérales au titre du CSRN, alors que notre fils, qui essaie simplement de se lancer dans ce secteur, a touché 8 000 $. C'est loin d'être assez pour attirer des jeunes dans ce secteur et ce n'est pas sur le point de changer. Ainsi, lorsque nous essayons de régler le problème dont nous parlons aujourd'hui, je pense que nous ne devons surtout pas oublier que cette génération est importante et qu'il faut cibler le financement pour la rejoindre.
Je vais vous dire, quel que soit le programme que vous allez élaborer, l'argent ne parviendra pas aux intéressés si vous établissez des programmes qui répondent aux besoins de nous tous. Vous ne pourrez leur venir en aide et nous ne pouvons nous permettre cela. Je ne prétends pas qu'il ne faut pas nous offrir des programmes, mais assurez-vous de rejoindre ce groupe. En fin de compte, c'est le groupe que nous allons perdre et nous ne pouvons nous le permettre.
M. Dick Proctor: Madame Bulloch, avez-vous des suggestions précises?
Mme Wendy Bulloch: Je voulais simplement dire qu'à mon avis, l'agriculture n'est pas tenue en assez haute estime au Canada. Le fait est que c'est le cas dans nos systèmes scolaires et parmi nos consommateurs.
On a parlé d'accroître les taxes payés par nos consommateurs, étant donné que nous ne consacrons que 10 à 11 p. 100 de notre revenu à nos besoins alimentaires. Je me demande si oui ou non nous encourageons ces jeunes à voir l'agriculture comme une industrie viable. Je suis d'accord avec ce que Bob a dit. Lorsque des jeunes veulent se lancer dans le secteur de l'agriculture, si personne ne leur vient en aide, il leur est impossible d'avoir les ressources nécessaires pour commencer.
M. Dick Proctor: Vous avez parlé dans votre exposé de débouchés ciblés pour les jeunes des régions rurales. Pourriez-vous nous préciser quelque peu ce que vous entendez par là?
Mme Wendy Bulloch: Je pense que nous devons envisager de continuer d'encourager les jeunes des régions rurales à rester dans le Manitoba rural ou la Saskatchewan rurale, mais lorsqu'on se penche sur les emplois offerts dans ces régions, on s'aperçoit qu'il n'y en a pas. Il est question du salaire minimum. Il y a un problème quant aux emplois disponibles. Je crois qu'il est nécessaire de donner aux jeunes plus de chances de profiter de divers programmes d'apprentissage et d'être appuyés par diverses organisations, qu'il s'agisse d'une grosse société dans laquelle ils peuvent faire un stage et aider ou qu'il s'agisse même de certaines organisations agricoles.
Le président: Vous avez une minute.
M. Dick Proctor: Très bien.
N'importe lequel des témoins a-t-il une idée là-dessus? Avec l'échec des négociations de l'OMC la semaine dernière, je pense que le gouvernement devrait maintenant prendre des mesures au Canada à court terme pour ce qui est d'accroître les paiements de soutien ou les subventions. Étant donné que je siège dans l'opposition, cependant, je me demande ce que le gouvernement a à l'esprit. Toutefois, il me semble que même si tout le monde parle de paiements fondés sur la superficie, il y a beaucoup de résistance à ce sujet, du moins dans l'esprit du ministre de l'Agriculture, pour une raison ou une autre.
• 1020
Avez-vous des suggestions sur les autres possibilités qui
s'offrent, à part un paiement basé sur la superficie, pour ce qui
est d'aider de façon utile les agriculteurs de l'ouest du pays?
Le président: Est-ce qu'un des témoins veut répondre?
Bill.
M. Bill Morningstar: Selon moi, nous devons faire en sorte que les agriculteurs reviennent sur les terres au printemps prochain. Il y a beaucoup d'agriculteurs, surtout dans le sud-ouest du Manitoba et le sud-est de la Saskatchewan, qui n'ont pas l'argent nécessaire pour ce faire.
Je propose au départ un paiement à l'acre plus petit, 20 $ ou 25 $ l'acre, et je ne vois pas alors pourquoi on ne pourrait pas verser un paiement basé sur la récolte de l'année prochaine à raison de 80 p. 100 de la valeur de l'assurance-récolte. Accordons cela aux intéressés sans intérêt. Cela ne va pas coûter tant que cela au gouvernement, car l'intérêt là-dessus ne représente pas beaucoup d'argent.
Le président: Merci.
M. Borotsik.
M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'ai oublié de souhaiter la bienvenue à tous les membres du comité de l'agriculture dans ma circonscription de Brandon—Souris. Je vous remercie d'être ici. Je sais qu'il a fallu un petit peu de coercition pour vous amener ici, mais en fin de compte, vous avez compris que c'était important. Nous vous souhaitons la bienvenue ici à Brandon, et je souhaite la bienvenue à tous les témoins et observateurs présents aujourd'hui.
Comme vous pouvez le voir, messieurs, ce qui se passe dans ce secteur à l'heure actuelle préoccupe beaucoup les intéressés. Ce n'est pas une chose que j'invente. Merci d'être ici et de le constater.
Il y a deux ou trois questions qui se posent. Nous sommes allés un petit peu au-delà des besoins urgents aujourd'hui. En fait, les témoins précédents ont parlé du besoin urgent aujourd'hui pour ce qui est de l'aide en cas de catastrophe. Je pense que nous avons traité de cela et avons une bonne compréhension de la question.
Nous avons dépassé cela et nous parlons maintenant de la nécessité urgente pour l'avenir de trouver une façon d'établir ensemble une philosophie dans le domaine de l'agriculture. On nous a dit, et c'est le huitième point soulevé par Murray, que nous semblions ne pas savoir dans quelle direction nous nous dirigions dans le domaine de l'agriculture à l'heure actuelle. Vous avez tous parlé de cela en affirmant qu'on doit prendre des mesures pour encourager les gens non seulement à rester sur leur exploitation agricole, mais à lui donner de l'expansion. Je suppose que Bob et Windy et Bill en particulier ont traité de cela.
Je reviens de Seattle et j'ai constaté qu'au sein de l'Union européenne, les intéressés entendent encourager les gens à rester dans les villages, dans les petites collectivités rurales et sur les exploitations agricoles et utilisent pour ce faire de fortes subventions au niveau intérieur. Ils justifient ce système multifonctionnel, si je puis dire, en affirmant que les collectivités agricoles de leurs pays sont nécessaires pour des raisons environnementales. Si nous voulons parler de puits de carbone, il y a un aspect environnemental très important dans le cas présent avec l'agriculture. Les Européens parlent d'espèces en danger de disparition alors qu'en fait, un habitat est assuré par les collectivités rurales et les exploitations agricoles pour les espèces en danger de disparition. Ils parlent de questions sociales dans les régions rurales, c'est évident, et Wendy, vous avez abordé cette question dans votre exposé. Je suppose qu'en fin de compte, il est question de revenu garanti pour les gens qui vivent dans des petites collectivités—dans les villages dont parlent les Européens—et sur les exploitations agricoles qui sont, dans certains cas, soit dit en passant, inefficaces. Il est question d'exploitations d'environ 40 acres qui sont inefficaces, en fait, mais les Européens maintiennent les gens sur les exploitations agricoles. Je voudrais savoir si vous pensez que nous devrions suivre cette voie au Canada dans le secteur de l'agriculture.
Nous sommes maintenant conscients du fait que les Européens n'abandonneront pas cette philosophie. Dans le cadre des pourparlers de l'OMC, on a proposé qu'ils laissent tomber cette philosophie. Je peux vous dire maintenant, après m'être entretenu avec des parlementaires européens, qu'il n'en est pas question. Ils vont rester sur leur position.
Cela dit, je voudrais que vous précisiez la vision à long terme que nous devrions adopter pour le secteur de l'agriculture.
Cette question s'adresse à n'importe quel témoin.
M. Bob Brigden: Je suis heureux que tout le monde ait enfin compris cela. Rick, le fait est que je pense que la plupart des agriculteurs comprenaient que les Européens n'allaient pas cesser de subventionner leurs agriculteurs. Nous le savons depuis longtemps.
Pour ma part, j'en ai assez d'entendre dire que c'est une des raisons pour lesquelles nous éprouvons des difficultés. Si j'étais un contribuable européen, je subventionnerais mes producteurs également. Comme nous le savons tous, les intéressés vivent à côté d'un grand nombre de personnes dont ils ne veulent pas à leur porte et il est donc plus économique de les nourrir. C'est cependant, une autre question. Nous ne changeons rien à cela. Réglons cela, cessons de penser que cela va résoudre le problème et poursuivons à partir de là.
Voulons-nous devenir comme les Européens? Non. Nous sommes des Canadiens. Nous devons reconnaître ce que nous faisons au Canada et poursuivre à partir de là. C'est la question que vous vous posez.
Tout d'abord, lorsque vous parlez aux agriculteurs, vous devez vous rappeler qu'il s'agit d'un groupe extrêmement productif. Ainsi, je vous en prie, ne donnez jamais l'impression qu'il est possible de commercialiser davantage de grain à moins d'en être totalement certains, car si vous faites cela, nous allons vous enterrer. C'est ce que nous avons fait dans le passé.
• 1025
Tous les gouvernements—les néo-démocrates en Saskatchewan,
les conservateurs au Manitoba et les libéraux à Ottawa—ont
participé à des missions commerciales. Ils ont fait part de toutes
sortes de succès et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
Ainsi je tiens à vous dire que ce n'est pas totalement la faute des
agriculteurs si nous sommes confrontés à ce problème maintenant.
Nous nous sommes placés dans cette situation ensemble et nous
devons nous en sortir ensemble.
À long terme, la prochaine fois que vous participez à ces missions commerciales dans des pays étrangers, assurez-vous que les signaux que vous envoyez à ce groupe, y compris nous-mêmes, sont clairs et précis. Ne nous encouragez pas à produire à moins d'avoir un marché à nous offrir.
M. Rick Borotsik: Je voudrais entendre les observations de gens qui ont un point de vue idéologique différent, comme Bernie et Bill peut-être.
M. Bernie Sambrook: Non, Rick, je ne crois pas que nous devrions imiter les Européens. Je pense que c'est irréaliste pour les Canadiens. Je ne crois pas que la société canadienne veuille s'engager dans cette voie et il serait insensé pour les agriculteurs d'essayer d'amener les Canadiens à se lancer dans cette direction.
Je crois que nos solutions résident ailleurs. La tendance est l'abandon du secteur agricole par des gens et à l'établissement d'exploitations agricoles plus importantes. Cela ne va pas changer. C'est la réalité. On peut aimer cela ou être tout à fait contre, mais c'est ce qui va se produire.
Wendy.
Mme Wendy Bulloch: Je pense que nous avons besoin de plus de partenariats. Il n'y en a pas assez. Je ne reproche pas aux producteurs d'être indépendants. J'ai grandi sur une exploitation agricole et tous ceux qui connaissent mon père savent qu'il est un homme très indépendant, mais je pense que nous devons commencer à envisager de nouveaux partenariats et de nouvelles alliances.
Le président: Merci.
M. Bill Morningstar: Puis-je répondre rapidement à cela?
Les pratiques environnementales sont excellentes, le fait de s'occuper des espèces en danger de disparition est une bonne chose, mais en fin de compte, quelqu'un doit comprendre que les agriculteurs ne sont pas les seuls à profiter de cela. Nous méritons de recevoir beaucoup d'argent pour nous occuper de ces choses dont tous les autres citoyens profitent.
Merci.
Le président: Larry, vous voulez dire quelque chose au sujet des partenariats ruraux.
M. Larry McCormick: Oui, monsieur le président.
En ce qui concerne les initiatives rurales, je signale à Wendy que, pour la toute première fois, nous avons un ministre du développement rural, M. Andy Mitchell. Nous devrons vous remettre les derniers renseignements et lignes directrices en vue de la prochaine ronde d'applications qui aura lieu en mars, soit dans peu de temps.
Le président: Merci.
Monsieur Morningstar, votre remarque sur le coût administratif du programme ACRA m'a laissé songeur. Vous avez fait état d'un montant de 70 millions de dollars. Ce n'est pas le montant cité par le gouvernement. D'après ce dernier, le montant correspond à 3 p. 100 du coût global et s'établit donc à 26 millions, et non à 70 millions de dollars. Je me demande où vous avez pris ce montant.
M. Bill Morningstar: Ce montant change constamment. Je serais très étonné si c'était vraiment 3 p. 100, surtout après toutes les vérifications qu'ils finiront par exécuter auprès de pratiquement tous ceux qui auront bénéficié le moindrement du programme.
Le président: Je répète simplement le montant que cite le gouvernement.
M. Rick Borotsik: Incidemment, monsieur le président, vous devez vous rappeler que, la dernière fois que les administrateurs de l'ACRA ont comparu devant notre comité, nous leur avions demandé quel était le coût administratif réel. Ils avaient alors répondu 20 millions de dollars, mais ce montant n'incluait pas le coût administratif dans les provinces qui administrent elles-mêmes le programme. Ils avaient donc promis de revenir nous dire le montant. À ce moment, nous connaîtrons le montant réel.
Le président: Merci et merci aussi aux témoins que nous venons d'entendre.
Je tiens à signaler qu'après avoir entendu les organisations que nous allons maintenant présenter, je vais demander à cinq agriculteurs de témoigner. Ce sont: Bill Bell, Don Hamilton, Sheryl Cavers, Jim Green et Ron Rutherford. Il y en aura d'autres. En fait, tout dépend du temps que prendront les agriculteurs, mais nous essayerons d'entendre le plus grand nombre de témoins possible.
J'invite maintenant Malcolm Harding, évêque du diocèse anglican de Brandon, Ray Redfern et Bernie Thiessen, de la Canadian Association of Agri-Retailers, et Eric Olsen, comptable du cabinet Meyers Norris Penny.
Le président: Mesdames et messieurs, nous allons reprendre. Procédons dans l'ordre si nous voulons entendre d'autres témoins.
Voici donc Ray Redfern et Bernie Thiessen, de la Canadian Association of Agri-Retailers, Doug Stroh, du cabinet d'expertise comptable Meyers Norris Penny, et Malcolm Harding, évêque du diocèse anglican de Brandon.
Nous procédons toujours selon l'ordre alphabétique, de sorte que vous avez d'abord la parole, monseigneur. Merci d'être venu, je suis certain que nous aurons besoin de votre aide.
Le Très Révérend Malcolm Harding (évêque, Diocèse anglican de Brandon): Permettez-moi d'abord de remercier les organisateurs de ces audiences, qui me donnent la possibilité d'exprimer mon opinion ce matin.
Dans un article paru à la une du numéro de septembre du journal national de l'Église anglicane du Canada, l'Église donnait son appui aux agriculteurs des Prairies. Ma photo paraissait également sur cette même page. J'étais dans le sud-ouest du Manitoba en train de regarder un champ inondé qui, comme tant d'autres, n'avait pas été ensemencé au printemps dernier. La photo a été prise en juillet quand, pour la première fois, j'étais vraiment confronté à la crise rurale dévastatrice sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui.
Ce jour-là, j'ai quitté les villes de Reston et de Melita déterminé à faire de mon mieux, en tant que leader religieux, pour sensibiliser davantage les Canadiens à cette crise et, avec la grâce de Dieu, à participer à la recherche de solutions à court et à long termes.
Au cours de l'été, le diocèse anglican de Brandon a envoyé des résolutions aux gouvernements du Manitoba et du Canada, les exhortant à mettre immédiatement en place une aide financière spéciale pour les communautés agricoles, en attendant que des solutions plus durables soient élaborées.
D'après ce que j'ai lu et entendu, je pense qu'il y aurait beaucoup à faire encore à cet égard. Pendant l'été, j'ai vraiment commencé à me rendre compte que notre Église était sur la bonne voie quand des articles ont paru dans le Sun de Brandon disant par exemple: «les agriculteurs disent faire face à la pire crise depuis les années 30», «la perte d'un mode de vie est toujours une tragédie», «les récoltes ne permettront pas le moindre bénéfice» et «les appels de détresse se multiplient et l'anxiété envahit la population de l'Ouest».
• 1035
Au cours de communications personnelles que j'ai eues par la
suite, j'ai été peiné d'entendre des habitants des régions durement
frappées dire qu'ils perdaient tout espoir, qu'ils avaient
l'impression que personne ne se préoccupait vraiment de leur sort
ou prenait même la peine de les écouter, et qu'ils se sentaient
envahis par une extrême anxiété.
Plus tôt, au printemps, l'eau qui s'infiltrait dans les sous-sols causant un risque pour la santé était en soi une source d'anxiété. Dans l'ensemble, on sentait monter le cri suivant: Verrons-nous la fin de l'année et, dans l'affirmative, serons-nous là l'an prochain?
N'étant ni un homme politique ni un économiste agricole, je laisse aux spécialistes de ces domaines les questions pressantes touchant les subventions et les bas prix des produits de base.
En tant que leader chrétien, cependant, je crois fermement que je dois participer à la lutte contre cette crise, surtout sur les plans humain et social, parce qu'à mon avis, nous faisons face non seulement à une crise économique, mais à un grave problème social et moral. Dans l'Ancien Testament, lorsque le prophète inspiré Amos dénonce les inégalités sociales de son époque, il proclame haut et fort: «Que la droiture soit comme un courant d'eau et la justice comme un torrent qui jamais ne tarit.»
Face aux besoins exprimés, aussi bien en matière de consultation que d'aide financière d'urgence, le diocèse de Brandon a pris des mesures précises. Une subvention financière du bureau national de notre Église sert actuellement à payer le coût des services de consultation offerts aux victimes de la crise rurale par le centre oecuménique Westman de consultation et d'éducation. Cette organisation est l'une de celles qui prêtent une oreille attentive et compatissante à ceux qui éprouvent des difficultés. Cette aide est essentielle et doit se poursuivre.
En tant que diocèse, nous avons établi un fonds de réserve pour aider toute personne aux prises avec d'extrêmes difficultés financières résultant de la crise agricole. Tous les membres du clergé anglican de la région peuvent m'adresser directement les demandes ou communiquer avec moi, à la maison ou au bureau, à Brandon.
Il y a quelques années, j'ai découvert un livre renfermant des lettres écrites à Dieu par des enfants. Une lettre en particulier me vient à l'esprit et disait: «Allo, Dieu. J'aime votre livre. Vous pouvez compter sur moi.»
Aux politiciens, aux représentants du gouvernement, aux économistes, aux leaders religieux, aux spécialistes en agriculture et à tous ceux qui sont rassemblés ici aujourd'hui, faites que nous poursuivions la recherche de solutions à court et à long termes à la terrible crise rurale à laquelle nous faisons face et que nous fassions tous écho au sentiment de cet enfant qui écrivait: «Oui, vraiment, vous pouvez compter sur moi.»
Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci, monseigneur Harding.
Nous entendrons maintenant Ray Redfern. Comme cette séance doit durer 45 minutes, il faut faire vite.
M. Ray Redfern (président sortant, Canadian Association of Agri-Retailers): Bernie pourrait peut-être parler d'abord.
Le président: D'accord, Bernie.
M. Bernie Thiessen (président sortant, Canadian Association of Agri-Retailers): Ray et moi parlerons au nom de notre association nationale, la CAAR. Tous les deux, nous sommes à la fois détaillants et agriculteurs au Manitoba. Je fais cette présentation au nom de l'association nationale. Il se peut toutefois que nous répondions aux questions en notre nom personnel.
Je parlerai d'abord des tendances qui se dessinent au niveau de l'établissement des prix des approvisionnements et Ray traitera des répercussions de la chute des revenus sur l'agrinégoce au détail et sur la disponibilité de crédit.
Au nom de la Canadian Association of Agri-Retailers, nous tenons à remercier le comité permanent de nous avoir invités pour discuter du dilemme auquel fait actuellement face l'économie agricole et de l'impact sur l'agrinégoce au détail.
• 1040
Nous espérons que notre témoignage aujourd'hui facilitera le
processus en ce qui concerne les fournitures agricoles et les
produits de protection agricole, car nous présenterons le point de
vue des détaillants. Nous sommes prêts à fournir le plus d'aide ou
d'explications possible pour que vous obteniez des réponses à
toutes vos questions sur ce sujet important.
La Canadian Association of Agri-Retailers est une association bénévole de l'industrie de l'agrofourniture au détail; elle couvre environ 80 p. 100 des fertilisants et des produits de protection agricole qui sont vendus aux agriculteurs canadiens. Les membres de la CAAR fournissent des produits et des services au secteur de la production agricole dans presque toutes les collectivités rurales du Canada.
La communauté agricole et les membres de la CAAR représentent des secteurs mutuellement dépendants. Les produits et les services, fournis par le secteur de l'agrofourniture au détail permettent aux agriculteurs de produire des aliments sains et abondants et les aide à tirer le maximum de leurs investissements dans les terres et l'équipement agricoles. En retour, les agriculteurs déterminent le succès permanent des détaillants locaux. On sait que ce partenariat permet à tous les participants de survivre et de prospérer. Ainsi, les membres de la CAAR s'intéressent activement aux questions qui touchent le revenu agricole et la rentabilité générale de leurs clients.
Parlons des tendances dans l'établissement des prix des approvisionnements. Nos agriculteurs font intégralement partie de l'économie canadienne et leur secteur contribue de façon importante à l'équilibre commercial du pays. Au niveau local, ils sont un élément important de la base économique dans presque toutes les collectivités rurales des régions en croissance du Canada. Leur rentabilité est donc indispensable aux entreprises qui appuient ces collectivités. Le secteur de l'agrofourniture au détail est particulièrement sensible aux fluctuations et à la stabilité financière des fermes et des agriculteurs.
Même s'il y a des différences entre les produits et les services offerts pour la vente au détail partout au pays, les fertilisants et les produits de protection agricole forment la base de la plupart des concessionnaires. Ces deux types de produits déterminent le succès du détaillant et sont indispensables à la capacité de production de l'agriculteur. La réduction des approvisionnements dans la production agricole entraîne des rendements plus faibles et se solde finalement par une rentabilité réduite. De même, quand le rendement financier est plus faible, il y a moins de capital pour acquitter les factures et pour ensemencer l'année suivante.
Compte tenu de cette relation, il importe d'examiner comment sont établis les prix des fertilisants et des produits chimiques. Même si le fertilisant est un facteur important de l'économie agricole canadienne, ce n'est pas une marchandise dont le prix est fixé au Canada, comme c'est le cas des exportations de grain. Dans le contexte du marché nord-américain des fertilisants, le Canada accepte les prix fixés, mais ne les établit pas. D'ailleurs, il ne représente que 10 p. 100 de la demande sur ce marché.
Au Canada, la nature de l'établissement des prix des produits de protection agricole présente des différences remarquables. Trois facteurs entrent en jeu quand il s'agit de fixer le prix du marché définitif: le coût de la R-D nécessaire aux fins de l'enregistrement en vertu de la loi canadienne; le rapport coûts-avantages en comparaison de celui des agents de protection agricole concurrents; la valeur du produit pour les agriculteurs en termes de rendement accru.
Bien que les prix des fertilisants et des produits chimiques soient déterminés par des mécanismes différents, les deux systèmes donnent une structure de fixation des prix raisonnablement visible et stable pour tous les agriculteurs canadiens.
Pour faciliter la discussion sur les coûts des approvisionnements en tenant compte de la conjoncture économique de la communauté agricole, l'avenir de ces produits a été tracé selon l'hypothèse d'une ferme céréalière fictive de 2 000 acres au Manitoba. Pour appuyer nos affirmations sur les approvisionnements et sur les rendements relatifs des agriculteurs, nous avons annexé des tableaux à la fin de notre mémoire.
Comme le comité permanent entendra diverses présentations du secteur agricole, il serait peu utile de poursuivre la discussion sur les prix des produits de base et sur la guerre des subventions que se livrent les intervenants sur le marché international. La Canadian Association of Agri-Retailers tient toutefois à défendre la cause des agriculteurs à cet égard. Le marché fait état d'un déclin marqué et les répercussions commencent à se faire sentir dans toute l'industrie agricole.
• l045
Il y a un avantage net à augmenter le volume de production en
utilisant des approvisionnements. S'il n'y avait pas d'avantage
visible, les agriculteurs auraient depuis longtemps adhéré à la
politique de réduction des approvisionnements.
En terminant, je rappelle que le prix moyen versé aux agriculteurs en 1919 pour un boisseau de blé était de 2,63 $, en dollars de 1919. En 1998, ce prix était de 3,67 $. À l'heure actuelle, il est de l'ordre de 3,32 $. En 80 ans, ni le travail acharné ni l'inflation n'ont eu beaucoup d'effet sur le salaire d'un agriculteur. Sans compter qu'en 1919, les agriculteurs ne luttaient pas contre une politique agricole internationale. On leur versait un prix équitable pour leur produit. Les tableaux annexés à la fin de notre mémoire montrent comment les prix ont chuté tant en ce qui concerne les approvisionnements que le revenu touché.
Ray.
M. Ray Redfern: C'est notre position.
Dans ce cas, je pourrais peut-être consacrer le peu de temps dont je dispose au problème causé par l'actuel manque de revenu—si le terme est exact—dans notre industrie de l'agrofourniture au détail. Nous savons tous que notre économie est cyclique.
C'est un fait et nous le savons dès le départ, mais il est probablement important de faire remarquer que nous sommes en première ligne et que nous connaissons probablement la réalité aussi tôt que n'importe qui d'autre. Nous sommes venus vous dire que c'est la vérité. Les ventes diminuent, peu importe la gamme des produits. Les achats ralentissent à l'automne. Il y a des changements qui sont dus à la nature cyclique de notre industrie. D'une façon générale, cela nuit à la rentabilité.
Quand le problème est de courte durée, l'industrie et l'agriculteur qui y participe arrivent habituellement à se tirer d'affaires. Quand le problème est plus généralisé, les solutions sont vraiment peu nombreuses ou absentes. Si le mauvais temps se met de la partie, c'est la catastrophe.
On pourrait dire que, dans le passé, l'industrie des approvisionnements agricoles avait une certaine marge de manoeuvre pour faire face aux temps difficiles, parce que d'habitude une solution finissait par se présenter et le problème était davantage celui du fournisseur qui attendait un chèque—celui qui vient par la poste—ou du moins qui subissait le retard du paiement jusqu'à ce qu'arrive le versement prévu aux termes du programme, dans le cas du gouvernement.
Cependant, il semble que la situation ait changé. Nulle part au Canada, un agriculteur ou son partenaire ne peut avoir la moindre certitude concernant le niveau de soutien auquel il aura droit ou le versement d'un montant lui permettant de remplir ses obligations.
Nous pouvons vous dire qu'il y a déjà un grave problème de liquidités et que ce n'est que la pointe de l'iceberg. Le problème nuit à la capacité de l'industrie du détail de fournir des produits. Dès que cette capacité est réduite, c'est l'agriculteur qui risque de ne plus être solvable et de devoir abandonner ses activités.
La CAAR n'a jamais été chargée d'analyser les programmes, mais nous tenons à vous dire que la santé de notre client influe directement sur tous les autres liens de la chaîne de production alimentaire, ce qui nous inclut et inclut chacun de ceux que nous représentons dans nos collectivités.
Nous ajoutons donc notre voix, en tant qu'organisation se situant en première ligne, et nous soulignons que le problème auquel nous faisons face n'est pas habituel. C'est un problème compliqué pour chacun d'entre nous. C'est un problème grave qui nuit à la stabilité de nos collectivités rurales, dont nous faisons d'ailleurs partie.
Ce matin, nous voulons aussi traiter de la disponibilité de crédit et déterminer si le crédit est plus ou moins disponible. Il est difficile d'essayer de quantifier les changements ayant trait à la disponibilité de crédit parce la situation varie selon les différentes collectivités et, plus important encore, selon les différents prêteurs de fonds agricoles—parmi lesquels je classe notre industrie de l'agrofourniture. Notre industrie n'avait pas l'intention d'être un prêteur, mais elle l'est, puisqu'elle a reconnu être un fournisseur d'approvisionnements agricoles.
Il existe diverses modalités de crédit, mais on peut affirmer que les fournisseurs détaillants ont jugé nécessaire d'examiner sérieusement les politiques de crédit et sont forcés de resserrer les exigences au moment même où ils opposent plus de difficultés à l'agriculteur.
Pour la plupart des agriculteurs, la banque est habituellement en première ligne et c'est d'elle qu'ils voudraient avant tout obtenir du crédit, mais il faut noter qu'en ce moment, l'agriculteur cherche de l'aide ailleurs que chez son banquier traditionnel et qu'il se tourne vers notre industrie dans sa recherche d'autres options de financement.
Dans notre industrie, relativement peu d'achats sont effectués strictement au comptant. Je doute que l'agriculteur connaisse vraiment l'expression «au comptant» jusqu'au jour où il constate que ses liquidités ne lui permettront jamais de payer au comptant. Quand un agriculteur ne peut respecter les modalités d'un accord qu'il a conclu concernant un crédit prolongé—l'expression est courante dans notre industrie—l'entreprise éprouve beaucoup de mal à respecter ses propres exigences financières. Cela nuit donc à la viabilité non seulement de l'agriculteur, mais aussi à celle de l'entrepreneur qui l'approvisionne et, au bout du compte, à celle de toute la collectivité.
Puisque les prêts aux producteurs sont en grande partie une dette non garantie—et j'utilise le terme «prêts» en connaissance de cause. On me l'a demandé. On parle de «comptes clients», et ce sont eux qui causent le véritable dilemme du fait qu'ils sont en grande partie non garantis. Nous avons observé une hausse du nombre d'agriculteurs qui évaluent la participation du fournisseur à plus long terme.
• 1050
De par sa nature, notre industrie est une industrie de
services financièrement exposée, mais nous tenons à vous dire
qu'elle ne peut pas résister face à la chute radicale du revenu
agricole qui semble se produire, du moins pas longtemps. C'est
pourquoi nous vous demandons, dans la mesure de vos intérêts et de
votre rôle, et avec la collaboration d'autres organisations liées
au gouvernement fédéral, de chercher d'autres sources de crédit
agricole tant auprès de l'ensemble de la collectivité agricole que
des créanciers traditionnels, compte tenu de la situation que nous
semblons vivre.
Encore une fois, nous tenons à ce que vous et les autres participants à l'audience sachiez que nous nous considérons comme des partenaires de la collectivité agricole, de sorte que, comme nous l'avons fait dans le passé et nous le ferons à l'avenir, nous voulons aider notre partenaire à venir à bout de la crise actuelle. Nous ne voulons pas vous donner l'impression que nous ne sommes pas en première ligne pour l'aider à obtenir du crédit, mais plutôt vous expliquer que cela est de plus en plus en difficile et que nous faisons tout ce qui est en notre mesure pour surmonter cette difficulté.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci beaucoup, monsieur Redfern.
Nous entendrons maintenant notre comptable, Doug Stroh. Soyez le bienvenu.
M. Doug Stroh (partenaire, Meyers Norris Penny & Co.): Bonjour et merci encore de me donner l'occasion de venir témoigner devant vous ce matin.
Pour mieux situer le contexte, je signale que je suis un associé de Meyers Norris Penny, ici au bureau de Brandon, où je suis responsable des services agricoles. Meyers Norris Penny représente plus de 10 000 agriculteurs de l'ouest du Canada, de sorte que nous pouvons dire avec raison que notre firme a l'agriculture à c«ur. On a beaucoup parlé des difficultés auxquelles fait face la collectivité agricole et qui découlent de la crise qui sévit actuellement.
Je n'ai pas l'intention d'entamer un débat ce matin, vu que je dispose de cinq minutes à peine pour dire si le programme ACRA est bon ou non. Je voudrais plutôt profiter de l'occasion pour passer en revue diverses questions du point de vue comptable et les difficultés que les producteurs et les firmes comptables doivent surmonter pour remplir les demandes et faire en sorte que les agriculteurs touchent vraiment une aide financière. Je ferai des efforts pour éviter le jargon technique, mais si jamais mon exposé vous semble obscur, vous n'aurez qu'à lever la main et demander de l'aide. Je vais m'arrêter sur divers éléments du programme même.
Le principal commentaire que je voudrais faire, et je pense que tous les agriculteurs présents à l'audience et ceux de la région seront d'accord, c'est que ces derniers préféreraient probablement ne pas bénéficier du programme ACRA. Ils apprécieraient plutôt recevoir un prix équitable pour leurs produits.
Des voix: Bravo!
M. Doug Stroh: Certaines difficultés auxquelles nous faisons face ont trait aux formules de demande. J'ai entendu ce commentaire bien souvent. Juste pour vous donner une idée du temps qu'il faut simplement pour remplir les demandes, je dirai que nos techniciens doivent y consacrer de 10 à 15 heures. Il faut tout ce temps pour rassembler l'information, remplir la formule, faire les calculs et présenter le tout. Tout cela simplement pour remplir la formule. Il faut faire tout ce processus avant même de pouvoir dire à l'agriculteur s'il a droit à un paiement. D'après la structure du programme, il n'existe aucun moyen d'examiner les activités de l'agriculteur durant l'année et de dire s'il a une chance d'être admis. Le programme est tellement détaillé et comporte tellement de rajustements et de variables qu'on n'y arrive pas.
Quand un agriculteur vient nous voir, il commence par demander: suis-je admissible? On doit l'avertir qu'il doit payer pour le savoir, parce qu'il faut d'abord faire tous les calculs. Or, les agriculteurs sont justement aux prises avec des difficultés financières et voilà qu'ils se font dire par le comptable ou la personne qui remplit le formulaire qu'ils doivent engager d'autres dépenses juste pour savoir s'il vaut même la peine de présenter une demande. Une partie du problème est donc la complexité du formulaire et le temps nécessaire pour le remplir, uniquement pour déterminer l'admissibilité.
L'autre difficulté actuellement est le suivi. Même si le formulaire est très détaillé, on constate en outre maintenant qu'avant que les demandes soient traitées, on reçoit de 15 à 20 appels par jour du bureau de l'ACRA, seulement pour répondre à des questions concernant l'analyse des écarts ou d'autres sujets qui ne figurent même pas sur le formulaire de demande. L'ennui, c'est en partie que, seulement au bureau de Brandon, trois employés à plein temps s'occupent uniquement du programme ACRA. À cette étape, nous ne remplissons plus de demandes, nous ne faisons que répondre à des questions. Nos coûts administratifs sont plutôt élevés, sans même tenir compte de l'administration interne du programme ACRA. Il faut donc investir beaucoup de temps.
• 1055
Pour ce qui est des problèmes mêmes, l'un des plus gros que
nous avons eus consistait à faire correspondre l'année de
production avec celle de la demande d'ACRA. Du point de vue de la
planification fiscale, du point de vue commercial, de nombreux
producteurs n'observe pas le régime d'année civile aux fins du
compte du CRSN ou de l'impôt. Pour une année de production, 1998
par exemple, qui était la première année de demande, un producteur
dont l'exercice se termine en mars 1998 remplissait sa demande ACRA
en se basant sur la fin de son exercice 1998, qui n'avait
absolument rien à voir avec l'année de production 1998. Il n'y
avait donc aucun moyen de venir en aide aux agriculteurs qui était
dans ce cas.
Il y a aussi les partenariats entre des entreprises observant un régime d'année civile et d'autres qui ont un autre régime. Aux fins de planification fiscale, des entreprises peuvent avoir un exercice se terminant en novembre alors que le partenariat en a un qui se termine en décembre. Ainsi, le partenariat dont l'exercice se termine en décembre et qui figurait sur la déclaration de novembre 1998 reflétait la situation du partenariat en décembre 1997, et n'avait absolument rien à voir avec l'année de production 1998. Et c'était la première année de la fameuse catastrophe.
Un grand nombre d'agriculteurs ont donc été frustrés en 1998 parce qu'aucune disposition ne pouvait les inclure dans le programme. Ce qui se passe maintenant pour 1999, surtout dans l'ouest du Manitoba, c'est que des agriculteurs qui ont touché des paiements pour des acres non ensemencés et une aide en cas de catastrophe, mais qui n'observent pas un exercice d'année civile ou qui sont membres de partenariats exclus, déclarent leur revenu de 1998 plus les paiements touchés pour des acres non ensemencés en 1999 sur leur demande ACRA de 1999. Ils seront de nouveau exclus parce qu'ils vont doubler leur revenu la mauvaise année alors que l'année de production ne sera toujours pas déclarée.
Pour résoudre ce problème, il suffirait d'élaborer un mécanisme permettant de présenter la demande selon l'année de production. Les agriculteurs sont aujourd'hui des gens d'affaires. L'agriculture n'est plus un mode de vie, c'est une entreprise. Les agriculteurs possèdent la technologie et les ressources nécessaires pour dresser des rapports détaillés et présenter des renseignements selon une année de production. Mais le programme ne le permet pas.
Des difficultés se présentent aussi en ce qui concerne le traitement des revenus de caisse et les rajustements courus. C'est le cas des rajustements effectués tout au long de l'année quand on saisit un changement au niveau des stocks, où on utilise le système de fixation des prix qui tient uniquement compte du coût réel dans les 30 jours précédant ou suivant la fin d'exercice et son changement de stocks pour rajuster le chiffre d'affaires de l'année en cours. Aux fins d'illustration, prenons le producteur qui a cultivé du colza canola en 1998 et l'a vendu en 1999. Il pouvait en avoir en stock en décembre, disons pour une valeur de 90 000 $. Cette année, il n'a pas ensemencé un seul acre et n'a pas de colza canola à la fin de cette année. Il peut donc déclarer un chiffre d'affaires ou un revenu de 90 000 $ aux fins d'impôt. Mais quand on fait le rajustement des stocks selon les prix utilisés aux fins du programme ACRA, du fait qu'il n'y a aucune vente dans les 30 jours précédant la fin d'année, ce producteur reçoit un rajustement des prix nettement inférieur au prix de vente réel. Il est donc pénalisé parce qu'il a vendu son colza canola au cours de l'année et parce qu'il déclare un montant supérieur au revenu réel qu'il a eu pour l'année en cours.
Il n'existe aucune disposition pour remédier à cela, de sorte qu'on observe une comptabilité d'exercice modifiée plutôt que réelle et, encore une fois, des agriculteurs seront simplement exclus parce que les recettes et le revenu de caisse ne sont pas rajustés correctement.
Un autre problème de nature similaire concerne l'extension des exploitations agricoles. Comme on l'a vu dans l'industrie agricole, les fermes en expansion sont presque tenues pour acquises par rapport à tout le secteur et pour que les besoins soient satisfaits en ce qui concerne le rétrécissement des marges et du volume, elles représentent la solution dans bien des cas. Encore une fois, aux termes du programme, le rajustement dans le cas d'une ferme en expansion consiste simplement à effectuer ce qu'on appelle un rajustement couru des stocks à payer et prépayés, et d'autres rajustements pour les années de marge.
• 1100
Or, un agriculteur peut agrandir son exploitation de
2 000 acres sur une période de trois ans et il peut avoir une
récolte beaucoup plus abondante et des montants à payer, et des
sommes à verser, mais généralement l'agriculteur vend ses stocks à
l'automne et règle les sommes à payer à l'automne afin de gérer son
argent comptant et maintenir ses coûts au plus bas. Dans une
exploitation agricole en expansion, on peut avoir 2 000 acres de
plus en 1998 qu'on en avait en 1994, même si les stocks et les
sommes à payer ne varient pas tellement parce qu'on a l'habitude de
régler ses factures et, aux fins de planification fiscale, de
veiller à ce que les dépenses soient couvertes.
Le rajustement effectué ne tient donc pas compte du fait que l'exploitation agricole est beaucoup plus grande. Les recettes sont là cependant et l'exercice en cours ne tient pas compte du revenu des années de marge. Encore une fois, il suffirait simplement d'un mécanisme permettant de calculer au prorata les années de marge selon l'unité de production de l'exercice en cours, plutôt que d'essayer d'effectuer un rajustement couru, parce que le rajustement couru ne tient tout simplement pas compte du changement réalisé au cours de la période.
La solution peut paraître simple sur papier, mais dans les faits elle ne s'applique pas aussi directement, bien sûr—et je n'ai pas la naïveté de le croire. Mais je suis d'avis que le système actuel ne permet pas de tenir compte d'une exploitation agricole en expansion.
L'autre problème qui se pose cette année et qui est probablement plus critique est celui de l'encaisse et de l'impôt. Cette année, en 1999, notre bureau est aux prises avec un énorme problème fiscal. Les agriculteurs, en particulier ceux qui n'ont pu rentrer leur récolte au printemps, ont vendu la récolte de l'an dernier dans l'année en cours. Ils n'ont pas engagé les dépenses habituelles parce qu'ils n'avaient pas de production; ils n'ont donc pas dépensé pour des fertilisants, des produits chimiques et d'autres approvisionnements connexes, mais ils ont dépensé une grande partie de leur paiement pour les acres non ensemencés seulement pour tenter d'empêcher les mauvaises herbes de pousser et de maintenir le contrôle de leur exploitation. Ils ont donc leur paiement pour les acres non ensemencés, qui prend la forme d'un revenu, la récolte de l'an dernier, qui prend la forme d'un revenu, et leurs dépenses sont au plus bas cette année, de sorte qu'ils font face à un problème de taille, parce que l'impôt est calculé selon une comptabilité de caisse pour la plupart des agriculteurs.
Autrement dit, le gouvernement distribue de l'argent d'une main, sous forme d'aide aux agriculteurs, et tend l'autre main afin de reprendre cet argent sous forme d'impôts. C'est précisément ce qui va se passer cette année.
Par exemple, certains de nos clients doivent rembourser jusqu'à la moitié du paiement qu'ils ont touché pour des acres non ensemencés. Le montant est énorme.
En 1999, le programme soulève quelques problèmes, de sorte que même si le programme a été modifié et amélioré en ce qui concerne les services, nous faisons face à une difficulté importante. À l'heure actuelle, de nombreux producteurs nous disent: «Est-ce que je vais avoir droit à un paiement en 1999?» En toute honnêteté, nous ne pouvons leur répondre. À l'heure actuelle, nous n'avons aucun moyen de le savoir, parce que la formule comporte trop de variables.
Par exemple, il faut d'abord se demander si le paiement total sera partagé au prorata. Nous n'avons pas la moindre idée de ce que seront les demandes pour 1999. Et si le montant en argent est plafonné, les paiements seront calculés au prorata et on en ignore le montant.
On ne sait pas non plus si le calcul tiendra compte des salaires. Pour ce qui est des salaires aux personnes ayant un lien de dépendance, on a indiqué qu'ils seront traités de la même manière. Cela ne dit nullement si le calcul en tiendra compte ou non. De plus, nous avons été incapables d'obtenir une réponse quand nous avons demandé si les salaires de la famille seront inclus dans le calcul ou si le total des salaires sera exclu. C'est une autre variable.
Arrêtons-nous maintenant à la valeur des stocks. À l'heure actuelle, il semble que ces valeurs vont changer. Des valeurs provisoires sont établies maintenant, mais les valeurs réelles vont changer à la fin de décembre, selon ce qui arrivera aux formules et aux calculs. Nous ignorons donc les changements qui seront apportés aux valeurs des stocks, parce que nous ignorons les rajustements de prix sont en train d'être effectués.
Il y a donc plusieurs variables et nous ne nous sommes arrêtés que sur quelques-unes d'entre elles. Au bout du compte, nous ne pouvons vraiment pas répondre quand on nous demande si un producteur va recevoir un paiement en 1999. À l'heure actuelle, les agriculteurs s'interrogent sur l'avoir que représentent leurs produits qui attendent et la ferme qu'ils vendront peut-être, ils voient les factures s'accumuler, ils pensent aux prêts à rembourser et au financement, et ils essaient de comptabiliser leurs activités. Dans le cas de fermes céréalières, les agriculteurs se demandent comment tenir le coup jusqu'en novembre prochain, ce qui représente un obstacle de taille. Malheureusement, en tant que comptables, nous sommes incapables de leur fournir les réponses dont ils ont tant besoin. C'est justement là qu'apparaît notre défi. Nous devons trouver le moyen de leur fournir des réponses et de les aider à traverser cette période qui durera vraiment trois ans et pendant laquelle les liquidités seront rares.
• 1105
En guise de conclusion, je rappelle que le programme soulève
quelques difficultés, en raison de la complexité du secteur
agricole et de la grande diversité des problèmes auxquels vous vous
attaquez. À mon avis, il est impossible de traiter toutes les
questions, mais des possibilités se présentent indiscutablement.
Encore une fois, je souligne que, du point de vue de l'agriculteur, même s'il est bon d'avoir un programme de soutien en place, au bout du compte nous serions tous heureux de ne pas en avoir besoin.
Des voix: Bravo!
Le président: Je dois tenir compte de l'heure; nous avons nettement dépassé le temps prévu pour ce témoignage. Chaque parti devra se limiter à une seule question. En fait, nous ne disposons que d'environ huit ou neuf minutes pour tout le groupe.
M. Garry Breitkreuz: Nous avons centré l'attention sur la question fiscale et il y a beaucoup plus d'argent qui s'en va à Ottawa qu'il y en a qui revient.
Le programme devrait-il être structuré autrement? Nous avons ciblé ces problèmes il y a plus d'un an, quand nous en avons d'abord discuté; nous avions relevé les problèmes. Nous devons maintenant composer avec ces problèmes. Est-il trop tard pour restructurer le programme autrement? Pourriez-vous faire quelque chose à cet égard? Voilà ce que je voudrais vous demander.
La question que j'adresserais à Monseigneur concerne l'aspect social de la situation, le stress que vivent les familles, voire même les suicides qui ont eu lieu dans ma région. J'ai conversé récemment avec un directeur de pompes funèbres. Les agriculteurs sont à court d'argent, mais le stress se manifeste de nombreuses façons. Pourriez-vous exposer les effets secondaires sur les entreprises...
Le président: Monsieur Breitkreuz, j'ai dit que vous pourrez poser seulement une question parce qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps.
Monseigneur Harding, vous avez la parole.
Monseigneur Malcolm Harding: Oui, la question du stress ne fait aucun doute. Vendredi, je participerai, en compagnie d'une foule de gens, à une réunion qui portera notamment sur cet aspect du counselling ainsi que sur ce que nous pouvons faire pour y remédier. Je suis au courant des suicides et des menaces de suicide. C'est un problème très réel et un élément capital de toute cette démarche. Nous comptons pouvoir être utiles à cet égard.
Le président: Doug, aviez-vous une réponse succincte à donner à la question précédente de M. Breitkreuz?
M. Doug Stroh: Au sujet de la restructuration d'une façon différente? Je ne pense pas que nous puissions tout réparer à court terme. En ce qui concerne les changements structurels, les problèmes liés à la question de la fin de l'exercice, j'estime que le simple fait de pouvoir produire des formulaires en fonction de l'année de production réglerait en bonne partie les problèmes.
Le président: M. Calder a la parole.
M. Murray Calder: Doug, je suis aussi agriculteur, ce qui fait que je m'intéresse beaucoup aux impôts et à tout le reste. D'abord, êtes-vous au courant des modifications qui ont été apportées au programme ACRA au mois de novembre?
M. Doug Stroh: Ce qui a été annoncé au mois de novembre? Oui.
M. Murray Calder: D'accord, c'est bon.
Vous avez parlé vous aussi de revenus élevés, de faibles dépenses... et dit, par conséquent, que les agriculteurs devront payer des impôts élevés. Ils peuvent reporter leurs pertes sur 10 ans, n'est-ce pas?
M. Doug Stroh: On peut les reporter sur sept ans.
M. Murray Calder: Si vous êtes dans cette situation, pourquoi ne reporteriez-vous pas ces pertes d'années précédentes? Cela vous permettrait de diminuer vos impôts, voire de les supprimer complètement, n'est-ce pas?
M. Doug Stroh: En supposant que j'aie des pertes à reporter.
M. Murray Calder: N'est-ce pas de cela dont nous parlons actuellement? Les agriculteurs ont subi d'énormes pertes et nous sommes aux prises avec une crise agricole au Manitoba.
M. Doug Stroh: Pas seulement en 1998 et en 1999... Selon le secteur agricole observé, si on remonte en 1995, en 1996 et en 1997, le secteur du porc, notamment, a connu quelques-unes de ses meilleures années. Les producteurs de porc n'ont pas de pertes à reporter en 1998 et en 1999. Oui, certes, s'ils avaient des pertes à reporter, ce serait bien, mais, dans bien des cas, ils n'en ont pas.
Le président: M. Proctor a la parole.
M. Dick Proctor: J'ai quelques questions à poser à M. Stroh. D'abord, à votre avis, le programme ACRA est-il récupérable d'un point de vue comptable? Ensuite, compte tenu de l'expérience de votre entreprise, des représentants du ministère ou des responsables du programme ACRA ont-ils communiqué avec vous pour améliorer le programme? Avez-vous l'occasion de donner votre avis à cet égard?
M. Doug Stroh: En réponse à la première question, je crois savoir que c'est un programme de deux ans et qu'il sera récupéré après ces deux années.
Des voix: Bravo!
Le président: Ou, en d'autres termes, supprimé.
M. Doug Stroh: Je n'ai pas précisé quelle sera la valeur de récupération.
Quant à la seconde question, oui, nous avons eu des rencontres avec des responsables du programme ACRA et de l'administration à Winnipeg. Nous continuons d'ailleurs de discuter ensemble au sujet des préoccupations et de recommander des changements.
Le président: Merci.
M. Borotsik a la parole.
M. Rick Borotsik: Merci.
Vous dites que votre cabinet de comptables, Meyers Norris Penny, représente quelque 10 000 agriculteurs. Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de demandes qui ont été présentées aux gestionnaires du programme ACRA et du pourcentage de ces dernières qui seront approuvées et feront l'objet d'un règlement?
Ensuite, l'un des problèmes qui ont été soulevés par un certain nombre de producteurs dans ce domaine, c'est qu'il y a un manque d'uniformité dans l'interprétation des critères et des règlements au sein même de l'organisation du programme ACRA. Avez-vous eu connaissance du fait que des demandes semblables sont traitées différemment par les vérificateurs? Votre cabinet a-t-il identifié cela comme un des problèmes à corriger?
M. Doug Stroh: Pour vous donner une idée, en réponse à votre première question, en ce qui concerne la Saskatchewan et le Manitoba—le PSRC en Alberta est, de toute évidence, quelque peu différent—un peu moins de 1 000 demandes ont été produites.
Quant au pourcentage de demandes ayant donné lieu à un règlement, c'est 39 p. 100 environ. À ce jour, la moitié sans doute de ces demandes ont été traitées. Un grand nombre d'entre elles sont toujours en traitement. Un nombre élevé de demandes ont été produites dans les sept ou dix derniers jours. Un bon nombre de demandes ont été étudiées et l'arriéré commence à se résorber.
En ce qui a trait à la deuxième question, soit l'obtention des mêmes réponses, si on pose la question à deux personnes différentes au sein de l'administration du programme ACRA, on obtient souvent deux réponses différentes. En ce qui concerne les demandes, il y a eu des cas où deux entreprises agricoles étaient partenaires d'une même exploitation agricole. Les deux avaient droit à un règlement. Il est arrivé, dans un cas, qu'un des partenaires a vu sa demande rejetée alors que l'autre a obtenu gain de cause. Il a donc fallu réétudier la demande et apporter des changements à cause des erreurs faites dans les calculs des données d'un partenaire. Les données des deux partenaires étaient tout à fait identiques.
Oui, des erreurs sont commises. C'est pourquoi le processus de suivi est si long.
Le président: Merci.
Pour en finir avec cette partie, je demanderais à M. Redfern ou à M. Thiessen de nous dire si certains agriculteurs ont épuisé leurs lignes de crédit bancaires ou d'autres institutions financières et s'ils se sont tournés vers leurs fournisseurs pour obtenir de l'aide ou des fonds pour survivre à la crise?
M. Ray Redfern: Je dirais même que cela n'a rien de nouveau. Une partie des approvisionnements a toujours été fournie à crédit. Cependant, il est exact que le pourcentage de fournitures vendues à crédit a augmenté.
Le président: Merci.
Je m'excuse du peu de temps qui vous est accordé, mais nous ne disposons que de trois heures et demie pour entendre davantage d'agriculteurs. Votre témoignage a été fort intéressant. Je vous remercie beaucoup.
J'appelle maintenant Bill Bell, Don Hamilton, Alan Armstrong, Sheryl Cavers et Jim Green.
Je tiens à rappeler à l'auditoire, aux prochains témoins en particulier, qu'un certain nombre d'agriculteurs ont demandé à parler, de sorte que tout dépendra de la durée de vos exposés. Si vous pouviez ne pas dépasser deux ou trois minutes, je vous en saurais gré.
La parole est maintenant à... votre nom, monsieur?
M. Alan Armstrong (témoignage à titre personnel): Alan Armstrong.
Le président: Monsieur Armstrong, comme votre nom commence par a, vous serez le premier à parler. Nous passerons ensuite les témoins Bell, puis Cavers. Comme je l'ai déjà dit, je vous demande d'être le plus succinct possible.
M. Alan Armstrong: Je vais sauter certaines parties du document que j'ai en main pendant mon exposé, car ces éléments ont déjà été discutés.
Comme vous le savez, je m'appelle Alan Armstrong. Je suis marié et j'ai deux enfants. Nous cultivons des terres d'une superficie de 1 500 acres à Cardale, au Manitoba, au nord-ouest de Brandon.
L'autre jour, j'ai dressé une courte liste incomplète des gens et des services que nous employons dans la production de grain chez nous. La liste comprend des ingrédients de fertilisants, des produits chimiques, du carburant, de la machinerie et des réparations. Cette liste comprend un minimum de 40 services et entreprises qui profitent directement, et un maximum... je ne puis tous les énumérer.
Le fisc fédéral prélève des impôts sur ces 40 services, au taux de 40 p. 100 sur chaque dollar, soit 16 $. C'est un minimum de 16 $ qui est versé au trésor public pour chaque dollar de dépenses agricoles. C'est un minimum de 16 $ servant aux programmes sociaux.
Je n'essaierai même pas de dresser la liste des gens et des services employés dans la production de notre grain à l'aide de ce dollar pour le consommateur final.
On peut en conclure que l'argent dépensé en agriculture est à l'origine de la création d'entreprises et d'emplois, ce qui favorise la prospérité et l'établissement de saines conditions sociales pour tous les Canadiens.
Je pense que cela répond à la question de savoir pourquoi on dépense en agriculture. Maintenant, il faut répondre à la question du comment? Comment le gouvernement peut-il appuyer l'agriculture tout en respectant les règlements de l'OMC? Un certain nombre de choses me viennent à l'esprit.
D'abord, autorisons les exemptions à la Commission canadienne du blé pour le traitement de la matière première directement à partir du producteur, soustrayant du même coup les transformateurs mondiaux ici dans l'ouest du Canada. Soit dit en passant, sur des paiements initiaux de 5 $ à la Commission canadienne du blé relativement au blé, 39 p. 100 de la valeur est représentée par le transport, de ma région à Montréal. Le transport de la farine ne représente que 18 p. 100 de cette valeur. Il faut quatre tonnes de blé pour faire une tonne de farine.
Le CSRN, dont il est question aujourd'hui, fonctionne en partie parce qu'il faut avoir une marge excédentaire—soit des revenus. Il devient inutile quand des mauvaises années surviennent de façon consécutive, ce qui arrive souvent.
Le point que je voudrais souligner davantage, c'est que le régime d'assurance-récolte canado-manitobain offre une assurance couvrant de 50 à 80 p. 100 de la valeur de la production des 10 à 15 dernières années. Or, le coût des intrants a plus que doublé durant la même période, donc doublé ma couverture, sérieusement. Prenons la production et les données inscrites dans mon dossier d'assurance-récolte et faisons la moyenne de toutes les récoltes pour lesquelles je suis assuré. La moyenne d'une couverture de 80 p. 100 est de 375 $ l'acre, soit une prime égale à 15 $ l'acre ou à 4,1 p. 100. J'ai besoin d'un minimum de 250 $ l'acre pour pouvoir continuer d'exercer mon activité agricole.
En fondant la couverture sur le coût des intrants en fonction de la production et des valeurs, je pourrais obtenir une couverture plus large, à concurrence de 375 $ l'acre à 80 p. 100, tout en utilisant le même arrangement de partage des coûts qui est utilisé actuellement et me conformer quand même aux dispositions de l'OMC. Cette couverture serait large, quelle que soit la culture assurable, et n'aurait donc aucun effet sur le marché—c'est un aspect où le RARB a échoué. Il suffit de faire une rectification à la fin de l'exercice pour les stocks, les dettes et les créances. Cependant, le gouvernement le fera-t-il?
J'aborde l'énoncé suivant de façon objective: les terres agricoles seront toujours des terres agricoles et elles utiliseront toujours des intrants. Faux. Une ferme d'élevage ou céréalière peut produire 250 $ l'acre certaines années et seulement 100 $ l'acre d'autres années. Notre ferme a produit, en moyenne, des revenus bruts de 173 $ l'acre environ depuis dix ans. Dans le marché d'aujourd'hui, cela représente un déficit de 77 $ l'acre.
J'ai noté ici que la façon la plus rapide d'amasser une petite fortune, c'est de commencer avec une grosse.
Nombre de fermes ont utilisé la totalité des fonds de leur CSRN en 1999. C'est ce que j'ai fait. Nombre de fermes ont emprunté sur une partie ou la totalité de leurs terres par l'entremise de programmes comme le programme de recouvrement de prêts, qui est conçu pour venir en aide aux agriculteurs par le truchement de notre gouvernement provincial, afin de poursuivre leurs activités.
La SCA et les banques sont en train de reporter les paiements actuels et les arriérés à la fin de la période de remboursement des hypothèques et des emprunts. Cette pratique est bien jolie, mais je m'oppose à ce que l'on supprime les arriérés. Si j'en crois mes lectures, ces mêmes établissements ont minimisé la gravité de la crise agricole et ont déclaré au comité que les arriérés n'ont guère augmenté. Les arriérés ont pris un tout nouveau sens, ils sont devenus «l'avenir».
Les revenus extra-agricoles ne peuvent plus subventionner un si grand déficit.
• 1120
En guise de conclusion, je dirai qu'un grand nombre de fermes
utiliseront peu d'intrants, voire aucun, dans les années à venir,
mais elles se contenteront de ce que la terre leur donnera. Bref,
elles épuiseront la terre. Certains agriculteurs l'ont déjà fait.
Après quoi, ils s'en iront. Ils laisseraient leurs fermes retourner
en friche, à l'état naturel.
En somme, je pense à un pays qui a déjà été un exportateur mondial de grain, mais qui est maintenant un importateur, à savoir la Russie. Le gouvernement fédéral semble avoir le même mandat agricole, celui de créer des fermes d'État. En abandonnant à leur sort des agriculteurs—c'est-à-dire par un remède de cheval—en temps de crise, le gouvernement se dérobe à sa responsabilité envers la population du Canada afin de remplir son mandat dans le domaine du bien-être social du pays. J'accuse le gouvernement de commettre un génocide agricole dans l'ouest du Canada et un génocide économique dans l'ensemble du pays. Je pose donc de nouveau la question au comité, le gouvernement le fera-t-il?
Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci.
Il nous reste moins de 40 minutes. Je vous demande donc d'être le plus bref possible, monsieur Bell.
M. Rick Borotsik: Monsieur le président, puis-je faire une suggestion? Plutôt que de poser des questions à ces témoins, comme il y a beaucoup d'autres témoins, on pourrait peut-être demander aux autres témoins de donner leur point de vue.
Le président: Oui, certes, si nous avons le temps.
Allez-y, monsieur Bell.
M. Bill Bell (témoignage à titre personnel): Merci. Bonjour et bienvenue aux membres du Comité permanent de l'agriculture. C'est un plaisir pour moi que de prendre la parole devant vous.
Vous souvenez-vous de 1948? C'est l'année où Henry Ford a commencé à fabriquer des Meteor. Mon père a pris livraison d'une nouvelle Meteor le 8 septembre 1948. Nous venions tout juste de faucher 100 acres de blé et de transporter le grain au silo. Il a versé le tiers du produit de la vente à son locateur et payé sa nouvelle voiture avec le solde, 2 148 $. Il a fait cela avec 66 acres. En 1999, aux prix d'aujourd'hui, il lui aurait fallu cultiver entre 350 et 450 acres pour acheter une voiture, et cela ne tient pas compte des dépenses engagées pour la production de grain sur cette superficie. Puis-je acheter une voiture aujourd'hui avec le produit de la culture de 66 acres? Non, il me faudrait 450 $ l'acre pour le faire. Un agriculteur biologique près de chez moi l'a fait en 1998. Il a produit 40 boisseaux de blé par acre au prix de 12 $ le boisseau, mais il a eu un problème. La Commission canadienne du blé a gardé 1 000 $ par chargement de blé. N'est-ce pas merveilleux? Pourquoi avons-nous besoin d'aide agricole? Comment un agriculteur moyen peut-il acheter une voiture avec le produit de la culture de 66 acres?
Vous souvenez-vous de tous les programmes d'aide agricole que nous avons eus? Qui donc en a besoin? Combien de temps ont-ils duré? Sur quoi étaient-ils fondés? Tout a commencé avec la LAAP; puis nous avons eu l'assurance-récolte en 1960. La sécheresse de 1961 a été désastreuse pour nous. Mon père et moi avons obtenu un paiement de 400 $—le montant versé à chacun des titulaires de permis. Nos voisins n'ont reçu aucun paiement d'assurance-récolte. Il y a eu des versements aux producteurs de veaux et de vaches, des frais portuaires, des frais liés aux commissions sur le grain, des taxes sur le carburant et le RARB. Les paiements d'aide ne sont que des cataplasmes visant à acheter notre silence, et n'ont guère contribué à renflouer l'économie agricole en perte de vitesse. Nous avons maintenant le programme ACRA qui vise à remédier au fiasco du libre-échange. Il en coûte 1 000 $ en frais comptables uniquement pour apprendre qu'on obtiendra rien. Voilà qui illustre l'ignorance crasse des bureaucrates d'Ottawa.
Puis il y a la Commission canadienne du blé, qui croît comme un cancer incurable. Elle est à l'origine de grèves des chemins de fer, des manutentionnaires du grain, des docks, de surestaries, et j'en passe. Elle est une véritable sangsue. Il faut que la Commission canadienne du blé livre le grain au port. Cela pourrait être utile.
Quand nous avons perdu le tarif du Nid-de-Corbeau, cela a coûté 37 000 $ à la ferme moyenne pour le transport. Nous avons perdu le système de libre marché de l'orge aux mains de la Commission canadienne du blé, et cela nous a coûté 2 $ le boisseau. J'ai perdu 10 000 $ sur une chargement de 3 000 boisseaux d'orge le jour même où la Commission a mis la main sur l'orge.
Nous avons une ponction fiscale stupide et illégale qui s'appelle rachat. Pour obtenir un permis d'exportation, on doit débourser de 2 $ à 4 $ le boisseau pour le blé dur. Il en coûte au moins 75 $ l'acre pour commercialiser le blé dur par l'entremise de la Commission canadienne du blé. Cela nous coûte 35 000 $ par année. Cet automne, il nous en a coûté 100 $ l'acre pour exporter de la bonne orge aux États-Unis. Si vous ne me croyez pas, je peux vous en donner la preuve.
• 1125
Pourquoi les agriculteurs ne peuvent-ils pas exporter
eux-mêmes leur grain? Pourquoi faut-il passer par ADM et Cargill?
Qu'on me laisse livrer mon grain à Maple Leaf à Montréal, à
Churchill, en Angleterre ou à une usine de pâtes ou à une minoterie
aux États-Unis. Je sais le prix que je peux en tirer. Le marché
existe. Je pourrais acheter une voiture avec le produit de
l'exploitation de 66 acres.
Nous avons perdu nos ventes de wagon de producteur. C'est une autre mesure stupide de la Commission canadienne du blé, qui a obtenu le contrat. Nous avons perdu 800 $ par wagon, soit 25 cents le boisseau. Cela payait nos dépenses en carburant.
Qui a besoin de subventions? Aide aux agriculteurs, aide de fortune, appelez cela comme vous voulez. Si vous voulez vraiment créer un programme d'aide aux agriculteurs, donnez-nous un vrai régime d'assurance-récolte qui soit conçu par des gens à l'esprit pratique. L'assurance-récolte a été un désastre pour nous cette année. Le régime a fait de nous des producteurs d'un seul type de grain. Il condamne les agriculteurs à une situation désastreuse. Il faut maintenir le niveau de couverture. Il faut donner un répit aux jeunes agriculteurs sur le plan des primes. Il faut affecter les fonds du RARB, du CSRN et d'ACRA à un régime d'assurance-récolte qui marche. Ne forcez pas un agriculteur à cultiver un seul type de grain. Faites preuve de bon sens. Débarrassez-nous des sangsues. Donnez-nous un répit.
Ottawa a volé 750 millions de dollars en supprimant le tarif du Nid-de-Corbeau et 450 millions de dollars en taxes et impôts sur l'essence et l'énergie en une seule année. Vous nous redonnez maintenant cet argent au moyen d'un stupide programme comme ACRA qui ne nous verse rien. Versez 100 000 $ d'ACRA dans mon CSRN, mais faites-le vite. Donnez-nous une chance. Laissez à mon fils la possibilité d'acheter une voiture avec le produit de l'exploitation de 66 acres.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci, monsieur Bell.
La parole est à Sheryl Cavers.
Mme Sheryl Cavers: Je remplace un agriculteur. Je représente l'Anxiety Disorders Association of Manitoba. Celle-ci a cru bon que je parle des appels que nous recevons et qui ont trait surtout aux effets sur le plan émotif.
À titre d'information, je représente la section de l'ouest du Manitoba de l'ADAM, dont je suis l'unique employée. Je travaille 25 heures par semaine et je dois répondre aux besoins d'une clientèle de quelque 200 000 personnes, soit le secteur commercial de l'ouest du Manitoba.
Dans les documents qui vous ont été remis, vous trouverez une feuille de statistiques sur laquelle figure une comparaison des appels que nous avons reçus de juin 99 jusqu'à maintenant. Les appels n'ont jamais diminué. Ils ont même doublé, voire triplé dans certains cas depuis quelques années, et il ne semble pas y avoir de répit en vue.
L'agriculture compte parmi les dix activités les plus stressantes. Nombre de Canadiens considèrent les agriculteurs comme de solides et fiables gaillards qui semblent pratiquement insensibles à la douleur. Mais derrière cette image se cache une réalité plus sombre et plus triste. En effet, les agriculteurs sont sensibles au stress, à l'anxiété et la peur. Collectivement, ils présentent un taux de suicide deux fois plus élevé que celui de la population en général. Selon les données nationales, le taux de suicide chez les agriculteurs s'élève à 14,6 p. 100 pour 100 000 habitants, un écart énorme quand on le compare au taux de 18,1 p. 100 pour 100 000 habitants qu'on remarque dans la population en général.
Nombre d'appels que je reçois actuellement sont dus à des crises d'anxiété. Les désordres causés par l'anxiété peuvent provoquer des ruptures familiales, l'accoutumance à des drogues, des pertes d'emploi et le suicide. Ils peuvent causer très rapidement de graves préjudices.
Les personnes qui appellent maintenant se sentent submergées. Elles ressentent de l'impuissance, de la crainte, un grand désespoir et d'énormes tensions, notamment chez les jeunes agriculteurs. Elles sont victimes de problèmes liés à la haute tension sanguine, de problèmes digestifs et d'insomnie.
Tous les ans, des millions de dollars sont dépensés pour des médicaments, des visites dans les salles d'urgence et des visites de médecin à cause de problèmes d'anxiété. Le nombre d'appels est élevé depuis le mois de juin, et nous essayons de nous préparer à ce qui pourrait survenir en 2000. Je suis en contact avec d'autres organisations et services, qui s'attendent aussi au pire en février ou en mars. L'anxiété mène à la dépression, et celle-ci peut être une cause de suicide. C'est un réel problème, et je pense qu'il faut y remédier.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.)): Merci beaucoup.
Jim, c'est maintenant à votre tour.
M. Jim Green (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Jim Green, et je serai sans doute le prochain client de Sheryl. En plus d'être agriculteur, je n'aime pas tellement comparaître devant le comité avec un tel ordre du jour. Vous devriez avoir deux ordres du jour, le premier consistant à reconnaître, comme vous venez tous de l'entendre, le désastre naturel qui a frappé cette partie de la province et le sud-est de la Saskatchewan.
Votre objectif à long terme, comme il a été dit, consiste à susciter des initiatives nationales propices à la stabilité et à l'établissement du climat nécessaire à une croissance constante dans le secteur agricole. Ce n'est pas une mince tâche qui, comme je l'ai dit, a été rendue encore plus difficile par un désastre naturel et l'autre catastrophe de la baisse des prix des matières premières.
La situation a dégénéré au point où les agriculteurs pratiquent un art dans lequel ils excellent, soit se dénigrer les uns les autres. J'ai entendu des commentaires au sujet d'un producteur de fraises en Ontario qui a perdu sa ferme. J'ai entendu dire que la seule vraie ferme là-bas était une ferme de 1 500 acres. J'ai entendu dire que nous allions être tous absorbés par de grandes exploitations. Les agriculteurs excellent dans cet art. Ils s'en prennent aux uns et aux autres, ils s'entredéchirent, et quelque d'autre en profite.
En tant qu'industrie, nous devons reconnaître que nous avons des problèmes communs qui doivent être réglés et que nos gouvernements doivent nous aider à surmonter les difficultés actuelles. Nous vivons une époque très stimulante. Je suis un agriculteur de cinquième génération. Mes arrière-arrière-grands-parents maternels se sont établis dans la Gatineau et ont commencé à cultiver la terre et à exploiter la forêt là-bas. Mon arrière-grand-père s'est établi dans la région de Douglas et aujourd'hui, avec mes deux frères, mon père et ma père, j'exploite toujours la même ferme.
Il va sans dire—et j'ai entendu cela à maintes reprises—que je voudrais que mes enfants prennent la relève. Cependant, nous sommes assez réalistes pour savoir qu'ils pourraient ne pas le faire. Ils pourraient choisir de ne pas le faire. Ils pourraient décider que le stress causé par l'exploitation agricole est trop élevé et qu'il existe une meilleure façon de gagner sa vie. Mais j'espère qu'ils pourront faire leur choix dans un climat plus favorable à l'agriculture.
Vous avez entendu de nombreuses suggestions pour remédier à la crise actuelle, de paiements en espèces en fonction de la superficie cultivée à la majoration des paiements de l'assurance-récolte. Je vous félicite de tenter de trouver une solution à long terme.
Je pense que le problème à long terme concerne en fait le commerce mondial. Je suis assez réaliste également pour savoir qu'il se pourrait que nous soyons incapables de le régler. La solution se trouve dans un autre pays et sur un autre continent. Contrairement au nôtre, le trésor public de nos concurrents peut compter sur des billions de dollars. Hélas, je n'ai pas beaucoup de solutions à proposer. Le processus sera long. Tout a commencé il y a deux générations. Le problème date de l'époque où mon père cultivait sa terre et la prochaine génération en subira sans doute encore les effets. Ce sera donc un long processus de négociation multilatérale. Le problème doit être réglé si on veut que le pays appuie l'agriculture.
Il a été dit plus tôt que la plupart des agriculteurs préféreraient se faire payer sur le marché. C'est sans doute l'observation la plus vraie qui ait été faite aujourd'hui. Mais nous devons accepter la réalité que cela est impossible à faire dans l'ouest du Canada.
J'ai assisté à une représentation il y a quelques mois. On projetait un film sur les droits des animaux qui, si je ne m'abuse, s'intitulait A Cow At My Table. Un militant social et écologiste de Brandon—et nombre d'entre vous le connaissent—a pris la parole lors de cette projection pour dire que les agriculteurs de l'ouest du Canada n'ont pas pour tâche de nourrir le monde. Si c'est vrai, que l'on remplisse la mission et que l'on cesse de prolonger l'agonie et les souffrances de cette partie du monde.
En tant qu'agriculteurs et producteurs, nous avons le devoir de fournir des denrées alimentaires au monde. Nous ne le faisons pas pour la gloire. Nous ne le faisons certainement pas pour l'argent. Nous le faisons pour l'amour de notre prochain.
• 1135
J'ai des suggestions à faire pour les problèmes immédiats.
Améliorons le programme ACRA. Le porte-parole de Meyers Norris Penny a probablement exposé le problème mieux que quiconque dans cette salle. En tant qu'entrepreneurs, nous nous servons tous de la comptabilité d'exercice. Je me demande bien pourquoi on ne s'en sert pas pour des programmes comme ACRA. Je ne connais pas de meilleur moyen pour mesurer efficacement le rendement. On choisit un moment dans le temps et on évalue le rendement de l'entreprise à ce moment-là. À la même époque l'année suivante, on fait une réévaluation. C'est comme cela qu'on mesure les progrès réalisés. Mais on ne le fait pas avec ACRA.
Le CSRN est un bon programme; il est tellement bon qu'il nous a fallu grosso modo sept ou huit ans avant d'en venir au point où notre compte s'élevait à bien plus que 200 000 $. Aujourd'hui, il est tombé à 658 $. Je ne pense pas que nous pourrons survivre encore six ans en essayant de le reconstituer pour qu'il soit au même niveau et puisse nous aider une année donnée. C'est un bon programme. Il a été conçu à titre de fonds de secours pour une mauvaise année. Mais il est évident qu'il y a eu trop de mauvaises années.
J'ai obtenu des données de la SCA l'autre jour. Celle-ci comprend 1 200 comptes. J'ignore s'il s'agit d'agriculteurs du sud-ouest ou d'ailleurs. Je crois qu'ils sont du sud-ouest. Ce n'était pas clair et je n'ai pas poussé mes recherches plus loin. Le 31 octobre 1998, 273 comptes accusaient un retard. Le 31 octobre 1999, 309 comptes accusaient un retard, ce qui ne représente pas une forte augmentation. Cependant, si l'on tient compte du fait que la plupart de ces paiements devaient être faits en novembre, je pense que si on examinait de nouveau les comptes le 1er janvier, on constaterait qu'un nombre bien plus élevé d'entre eux accuseraient un retard. J'ai également constaté que, le 31 octobre 1998, aucun compte n'exigeait une attention particulière. Toutefois, en ce moment, bien plus de 100 comptes nécessitent une attention spéciale.
La crise a pour origine le désastre naturel du printemps dernier, mais ses effets se feront vraiment sentir d'ici douze mois. Comme M. Redfern l'a dit, les banques et les agriculteurs n'ont plus aucune marge de manoeuvre financière. Ils comptent sur le crédit commercial, qui coûte sensiblement plus cher. Voilà qui montre qu'une vraie crise se pointe à l'horizon.
Merci infiniment.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci, monsieur Green.
Avant de donner la parole à M. Hamilton, si les membres du comité ne posent pas de questions, nous pourrions peut-être entendre encore trois agriculteurs. Je demande donc à trois agriculteurs dans la salle de se préparer à prendre la parole après M. Hamilton. Il s'agit de Kyle Cochrane, de Ron Rutherford et de Gregg Fotheringham.
Monsieur Hamilton.
M. Don Hamilton (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.
J'exploite une ferme à cinq milles de Brandon, et je voudrais dire que j'ai réussi à survivre jusqu'à maintenant. Je suis agriculteur depuis pas mal de temps, soit depuis 40 ans. Si vous connaissiez mon père, Charlie, vous sauriez qu'il aurait voulu que je commence bien avant. Il y a quatre ans seulement, notre ferme a eu cent ans. Nous faisons peut-être partie d'une longue liste de survivants, mais ce que je constate maintenant, c'est que c'est impossible de survivre.
Avec votre indulgence, je voudrais vous relater certains des événements qui sont à l'origine de la crise agricole qui frappe notre région aujourd'hui. Je sais qu'elle est assez prolongée, mais avec la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau, notre région ainsi que le reste de l'ouest du Canada ont amorcé une toute nouvelle ère. Bien que nous ayons eu un répit quant à la baisse des prix du grain pendant cette période, des organisations agricoles ont préconisé l'établissement d'une troisième ligne de défense pour faire face aux crises à venir. Rien d'important n'a été fait. Il est devenu évident, avec la hausse du coût des intrants, que si les prix du marché devaient continuer d'augmenter, le secteur agricole, voire les régions urbaines du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta en souffriraient.
Au cours de cette période, au Manitoba notamment, le secteur agricole a commencé à se diversifier dans toutes les directions, des lamas aux petites poires, des bisons à l'herbe, ou plutôt le chanvre.
Des voix: Oh, oh!
M. Don Hamilton: Qu'on ne dise pas que nous n'avons pas essayé de nous adapter.
• 1140
Que peut-on faire en six ans? De toute évidence, on peut
accomplir bien des choses. Cependant, nous sommes bien mal équipés
pour nous sortir de la situation actuelle.
En juin 1998, il a commencé à pleuvoir. Il a tellement plu qu'à la fin de juin 1999, certaines régions avaient reçu plus de cinq pieds de pluie, un vrai désastre quand on songe au fait qu'il tombe, en moyenne, dix-huit pouces de pluie dans cette région.
Les récoltes ont été ruinées en 1998. Rien n'a été semé en 1999—à telle enseigne qu'un million d'acres n'ont pas été ensemencés, comparativement à l'inondation du siècle à Winnipeg, où seulement 1 500 acres n'ont pas été ensemencés. En outre, les agriculteurs des régions où il a beaucoup plu qui ont réussi à semer tard dans la saison ont été frappés par les maladies et le gel.
Des appels à l'aide ont été lancés. Le programme ACRA devait être le sauveur. Il ne l'a tout simplement pas été. Ses graves lacunes, comme M. Vanclief l'a souligné, en ont fait un juron dans l'ouest du Canada. Le CSRN devait alors venir à la rescousse. On nous a dit que les agriculteurs ne faisaient pas de retraits de leur CSRN—ceux qui en avaient un, s'entend. Si le comité devait vérifier les dernières données, il constaterait que des retraits sont constamment faits de ces comptes.
On nous a également dit que le gouvernement fédéral n'avait pas d'argent pour aider la région touchée par les pluies diluviennes, qu'il ne pouvait concurrencer les subventions américaines et européennes. Cependant, ces subventions ne sont rien d'autre qu'une forme de guerre économique livrée à notre région. Elles sont massives et, sans l'aide du gouvernement canadien, nous ne pourrons résister à cet assaut.
Nous avons appris plus tard que le ministre des Finances fédéral prévoyait un excédent de 90 milliards de dollars dans cinq ans. Le gouvernement trouve certes de l'argent pour aider des populations assiégées en Europe et au Timor oriental, mais il est temps qu'il reconnaisse que le secteur agricole du pays est lui-même assiégé.
Des voix: Bravo!
M. Don Hamilton: Comme l'agriculture est une ressource renouvelable qui crée tous les ans des milliers d'emplois directs et indirects, le gouvernement doit reconnaître que tous ceux qui tirent leur subsistance du secteur agricole sont également assiégés.
Ce qui a été offert dans le cadre du programme ACRA pour lutter contre les subventions étrangères records est, au mieux, insignifiant. Les agriculteurs et les entrepreneurs, directement et indirectement, ont manifesté, envoyé des pétitions, fait des voyages à Ottawa, organisé des ralliements et prononcé des discours par douzaines dans les mois qui ont suivi les semences et la récolte de 1999, dans le but d'obtenir du gouvernement fédéral qu'il reconnaissance l'existence d'une crise agricole ici au Canada.
Le dernier événement a été la tenue de la réunion tant attendue de l'OMC à Seattle. Le gouvernement fédéral avait espéré niveler le niveau des subventions agricoles, mais nous savons tous que l'échec des négociations commerciales se traduira par le maintien des subventions qui nuisent tellement aux agriculteurs canadiens.
Sans entrer davantage dans les détails, je dirai que notre situation dans le sud-ouest du Manitoba a empiré sans l'intervention fédérale. Dans cette crise agricole, on remarque que nombre de fermes familiales, de villages et de villes, non seulement dans le sud-ouest du Manitoba, mais dans tout l'ouest du pays, sont acculés à la faillite.
Le temps commence à manquer, messieurs. Il faut agir maintenant.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Hamilton.
Je vous remercie tous. Je pense qu'il nous reste du temps pour entendre trois autres agriculteurs. Nous devons nous réunir à Estevan cet après-midi, de sorte que nous devons respecter notre horaire.
Nous entendrons Kyle Cochrane, Ron Rutherford et Gregg Fotheringham. Nous commencerons avec Kyle Cochrane.
Bonjour, monsieur Cochrane.
M. Kyle Cochrane (témoignage à titre personnel): Bonjour.
Le président: Il nous reste environ 15 minutes pour vous entendre tous les trois.
M. Kyle Cochrane: D'accord. Je m'appelle Kyle Cochrane. J'ai 23 ans et j'essaie d'être un nouvel agriculteur. J'ai passé cinq ans à l'université, obtenu deux diplômes en agriculture. Je le répète, j'essaie d'être agriculteur. Je me demande si je fais ce qu'il convient.
Je m'intéresse activement à l'agriculture dans son ensemble, pas seulement les agriculteurs, mais également l'agro-alimentaire. Ray Redfern a pris la parole ici il y a peu de temps. Si les agriculteurs sont peur perdre de l'argent, je me demande pendant combien de temps il va pouvoir maintenir les jeunes dans le secteur. Tôt ou tard, il va devoir se mettre à licencier les jeunes vont faire des études en agro-alimentaire.
• 1145
J'aimerais que vous jetiez un coup d'oeil à la salle pour
constater combien il y a de jeunes agriculteurs ici. Vous aurez de
la chance si vous en trouvez une poignée. Suis-je cinglé? Les vieux
agriculteurs sont ici pour soutenir les jeunes agriculteurs. Les
jeunes agriculteurs abandonnent simplement la partie.
La semaine dernière, j'ai assisté à une séance de formation Meyers Norris Penny consacrée à l'agriculture—comment s'en tirer, comment faire plus d'argent en agriculture. Voici une liste que j'y ai trouvée des raisons pour ne pas se lancer ou rester en agriculture. C'est un tas de tableaux et de documents qui montrent la faiblesse des revenus en agriculture, la baisse du nombre de fermes et les ennuis que connaissent les agriculteurs.
Ce qui me préoccupe, ce n'est pas seulement l'ACRA et les programmes ponctuels que vous essayez de mettre en oeuvre, mais la situation à long terme—comment assurer la survie de jeunes agriculteurs comme moi. Comment se lancer en agriculture? Il faut commencer par acheter des machines et des terres, ce qui est loin d'être évident.
Je cultive avec mon père en ce moment. Même s'il me donnait la ferme, je serais dans la même situation que lui; je n'aurais rien d'autre devant moi. Je serais pratiquement fauché. On ne veut pas vivre des prestations de l'État. On veut quelque chose de concret qui nous permette d'envisager les cinq, dix, trente prochaines années.
Plus tôt il a été question d'allégements fiscaux: abaisser les taxes sur les fertilisants, les produits chimiques, appliquer une taxe à la nourriture. C'est évident que la nourriture est bon marché chez nous. Pourquoi ne pas essayer d'en faire profiter les agriculteurs? Essayez de mettre quelque chose dans nos poches. Mettons un peu d'argent dans les mains des agriculteurs. Les agriculteurs le feront circuler. On ne garde pas notre argent; tout le monde le sait. On le dépense dès qu'on le touche.
Nous ne cherchons pas à devenir des millionnaires. Nous voulons simplement gagner honorablement notre vie en faisant ce que nous aime. Nous avons besoin de la confiance des gens pour nous persuader que nous ne sommes pas des fous et que nous avons un avenir.
Je me suis marié il y a un peu moins d'un mois et ma femme et moi ne sommes sûrs que nous faisons le bon choix. Mais si vous nous laissez entendre que nous prenons la bonne décision, alors nous persévérerons et ferons ce que nous aimons.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, Kyle. Et vous n'êtes pas cinglé. Et puis, en passant, félicitations.
Monsieur Fotheringham.
M. Gregg Fotheringham (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le Président. Je vais essayer d'être bref.
Bonjour. Je suis Gregg Fotheringham. Ma famille exploite Fotheringham Farms, au sud de Reston. Nous ensemençons annuellement environ 3 100 acres dans la municipalité d'Albert. Certaines photos qui font le tour de la table font voir notre ferme dans l'état où elle était le 25 mai 1999.
La municipalité d'Albert a été la première municipalité, je crois, à déclarer l'état d'urgent au printemps 1999, sous les effets combinés des pluies exceptionnelles de l'été et de l'automne 1998, des fortes chutes de neige de l'hiver et des fortes pluies de 1999. Notre ferme n'a pu ensemencer que 300 acres, soit environ 10 p. 100 de sa capacité. C'est le principal facteur d'appauvrissement de notre région, mais il faut ajouter à cela les bas prix, qui ont un effet des plus dévastateurs.
Voici quelques faits, Messieurs. Le montant de 50 $ l'acre qui a été versé à la région inondée est totalement lié au programme ACRA. Cela commence à se faire sentir, notamment au niveau des impôts comme l'a souligné Doug Stroh. Les comptes de stabilisation du revenu net sont épuisés ou le seront bientôt. Les stocks sont épuisés ou peu s'en faut. Les marges de crédit ont été dépassées et diverses formes d'aide en la matière sont nécessaires—autres que celle ayant trait aux stocks, bien entendu. Bon nombre de producteurs ont reporté le plus possible de paiements au prochain exercice financier. En gros, il est question de prolonger l'échéance encore d'un an.
• 1150
Dans la catastrophe, les producteurs sont touchés par un ou
plusieurs de ces facteurs. Nous avons prétendu et prétendons encore
que les 20 municipalités et plus qui ont décrété l'état d'urgence
dans le sud-ouest de la province devraient de nouveau être
admissibles à l'Initiative de rétablissement de l'économie et des
emplois ou IREE. Ce programme a été offert lors de catastrophes
telles que l'inondation de 1997 et la tempête de verglas survenue
au Québec. C'étaient des catastrophes dues à la météo, qui
échappaient à toute intervention humaine. Les pertes découlant de
cette catastrophes sont été évaluées au mois de mai et on sait
maintenant qu'elles dépassent ce que les milieux agricoles et
ruraux peuvent raisonnablement payer.
Le programme IREE devrait tenir compte des intrants perdus, du ralentissement de l'activité commerciale consécutif aux inondations, du coût de rétablissement de l'infrastructure agricole et des stocks perdus à cause des inondations et de l'humidité.
À la page 2 il est encore question de la crise en cours et, bien sûr, des raisons qui nous amènent tous aujourd'hui à nous intéresser au long terme. Si vous me le permettez, voici un bref historique de l'économie agricole des Prairies qui a été marquée à tout le moins par l'instabilité. À y regarder de plus près il devient tout à fait clair que tous les problèmes sont liés à des catastrophes naturelles et aux prix des produits. Ainsi, les années 30, le Programme de réduction des stocks de blé, la sécheresse de la fin des années 80, la chute des prix des années 90—tout cela est à l'origine des hauts et des bas de notre agriculture.
Permettez-moi d'être extrêmement clair et précis: le problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui n'a rien à voir avec le stress, le travail, la main-d'oeuvre ou les investissements que nous effectuons aujourd'hui dans l'exploitation du paysage. Le problème, qui est énorme, c'est que l'industrie agricole, une industrie primaire, est la seule qui ne fonctionne pas selon la méthode du prix coûtant majoré. Et le risque—nous en avons marre de prendre des risques, Messieurs. C'est aussi simple que cela.
Par-dessus tout, la région des Prairies doit disposer d'un programme d'assurance-revenu qui soit équitable, simple, budgetable, à long terme, doublée d'une protection complète de leur revenu en cas de catastrophe qui s'applique immédiatement et équitablement à toutes situations de catastrophe, quelles qu'elles soient. Ce plan de développement économique permettrait à la région des Prairies de croître et de prospérer pour le mieux-être de tout le pays. La région des Prairies—j'entends par là le Manitoba et la Saskatchewan—est une prairie exportatrice au vrai sens du mot. C'est essentiel à la survie de notre région.
Lorsque l'agriculture de la région connaîtra la stabilité, nos collectivités rurales survivront et seront florissantes. L'infrastructure se développera. Des emplois seront créés. La diversification sera chose faite et le risque sera partagé. Tout évolue de façon durable tant sur le plan économique qu'environnemental. Quelqu'un au gouvernement doit se faire le champion de la cause afin que nous pussions atteindre l'objectif de 4 p. 100 du marché mondial des exportations agricoles. C'est un objectif qui a été fixé par le gouvernement actuel. La région des Prairies forme un tout, et l'objectif ne sera pas atteint sans elle.
Je vous remercie, Messieurs.
Le président: Je vous remercie, monsieur Fotheringham.
Tout se passe suivant l'horaire prévu. Vous disposez d'environ cinq minutes, monsieur Rutherford.
M. Ron Rutherford (témoignage à titre personnel): Je vous remercie.
Je partage une exploitation agricole avec ma famille dans la région de Melita, dans la même municipalité que M. Fotheringham.
Je voudrais diviser mon exposé en deux volets: les inondations et le long terme.
Dans le cadre de mon travail auprès d'organismes agricoles, je suis appelé à m'entretenir avec beaucoup d'agriculteurs. Et un des propos qui reviennent le plus souvent ces derniers temps en ce qui concerne les inondations, c'est qu'ils ont réussi à payer leurs factures jusqu'ici, mais qu'ils sont maintenant sans le sou et sans stocks jusqu'à la prochaine récolte. La situation est sérieuse. Ils vont devoir s'endetter, si jamais on leur fait crédit, jusqu'à ce qu'ils soient mesure de vendre encore leurs produits l'an prochain.
L'autre aspect dont j'entends parler—et je pense que Doug y a fait allusion—c'est la lourde note de l'impôt sur le revenu qu'il leur faut acquitter. Ça peut sembler paradoxal, mais il en est bel et bien ainsi. Comme il a très bien exposé la situation, je ne vais pas m'y attarder davantage. Le problème fondamental, c'est que le revenu tout entier a été comprimé en une seule année.
• 1155
Soit dit en passant, lorsque nous avons réclamé une
indemnisation de 50 $ l'acre ce printemps, nous n'avons pas osé
demander que son paiement soit remis à plus tard, mais à bien y
penser ce fut probablement une erreur.
Certaines des solutions possibles ont déjà été avancées. Comme il a été mentionné, si une partie de l'indemnisation provinciale consécutive aux inondations était exclue du programme ACRA, cela ferait grand bien. Parlons alors d'une aide financière en cas de désastre. Je ne sais pas comment on pourrait contourner la question, mais j'imagine que quelqu'un en connaît davantage que moi le saurait.
Je voudrais m'attarder au long terme. Comme il a été dit à plusieurs reprises, le programme ACRA n'est pas favorable aux céréaliers qui exploitent un secteur où les marges ont tendance à diminuer progressivement depuis plusieurs années.
Il y a probablement dans cette salle autant de raisons d'être contre le programme ACRA qu'il y a de personnes présentes. L'une des miennes, c'est qu'il décourage la diversification, alors que c'est précisément de cela dont nous avons besoin.
Voici quelques solutions de remplacement à un programme de type ACRA. Certaines d'entre elles ont déjà été exposées: une assurance-récolte améliorée, une meilleure protection, des cotisations moindres, ou une combinaison des deux, ou encore, comme le suggèrent certaines personnes, une sorte de programme RARB. Je précise que c'est un programme fait sur mesure pour les jeunes agriculteurs. Si vous voulez les aider, voilà ce qu'il leur faut.
Le CSRN a rendu service à certains. Il présente le problème de ne pas aider les jeunes, et puis il est épuisé ou, dans bien des cas, sur le point de l'être. On a créé les comptes dans les bonnes années et à présent ils sont épuisés.
Parmi les autres possibilités il y a, comme l'ont fait observer certains, une réduction des taxes sur les intrants, une baisse des frais d'utilisateurs, une réforme du système de transport et la collaboration avec les provinces en vue d'abolir les mesures fiscales visant l'éducation en ce qui concerne les exploitations agricoles.
Pour m'être entretenu toutes ces années avec les agriculteurs, je dirais, en terminant, que vous devriez appliquer ces quatre mots à tout programme que vous mettrez en oeuvre, et vous feriez peut-être bien de les noter. «Simple», afin qu'on n'ait pas besoin de recourir aux services d'un avocat ou d'un comptable pour s'en servir; «équitable» dans le sens où il soit ouvert à tous et en disant cela j'exclus le cas des jeunes agriculteurs, car pour le reste il est très mal vu de cibler les bénéficiaires; «prévisible», autrement dit un programme sur lequel on puisse compter et en prévoir les conséquences; et, enfin, «cohérent», et non pas quelque chose qui change d'une année à l'autre, ou d'un mois à l'autre.
Comme on l'a déjà mentionné aujourd'hui, quoi qu'on fasse, il faut être sûr du degré de soutien que l'on peut attendre de nos gouvernements, afin qu'on soit en mesure de planifier ce qu'on veut faire de nos fermes et de nos vies.
Je vous remercie.
Des voix: Bravo!
Le président: Je vous remercie, monsieur Rutherford.
Je remercie les trois derniers témoins. En fait, nos remerciements vont à tous les témoins qui ont comparu ici aujourd'hui. Je pense que nous avons entendu des exposés remarquables.
Je tiens à remercier mes collègues d'avoir accepté de prolonger quelque peu la séance afin d'entendre le plus grand nombre d'agriculteurs possible.
Ce fut une séance très profitable pour nous tous. La participation a été très intense et je puis vous assurer que nous transmettrons plusieurs de ces messages à Ottawa.
En terminant, je remercie tout le monde d'être venu ici aujourd'hui. Vous avez été tous unis pour l'occasion. Que Dieu vous bénisse.
La séance est levée.