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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 10 décembre 1999

• 0929

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): La séance est ouverte.

Mesdames et messieurs, au nom des membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes, je tiens à dire que nous sommes tous heureux d'être ici ce matin pour rencontrer des agriculteurs d'Airdrie. Hier, nous avons visité deux centres de l'Alberta: Vegreville et Grande Prairie. Ces réunions, qui, bien entendu, faisaient suite à celles que nous avons eues en Saskatchewan et au Manitoba, se sont révélées très fructueuses. Airdrie est le neuvième centre que nous visitons depuis lundi.

• 0930

Le premier groupe de témoins que nous allons entendre se compose de Colleen Bianchi, Robert Filkohazy, Howard Paulson et Robert Northey.

Nous allons procéder par ordre alphabétique. C'est donc vous que nous allons entendre en premier lieu, Colleen. Bonjour et bienvenue.

Mme Colleen Bianchi (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je remercie les honorables députés membres du comité de l'agriculture de me donner l'occasion de me faire entendre aujourd'hui.

Je compte parmi les associés d'une entreprise du sud de l'Alberta spécialisée dans la production de céréales mélangées, et j'ai aussi élevé des yearlings. Aujourd'hui, les silos sont pleins, et les prix sont bas. En fait, ils ont chuté et équivalent aujourd'hui au prix de 1930, tandis que les coûts des intrants et de l'entretien sont supérieurs à ce qu'ils étaient en 1930. Le produit de la vente des céréales ne nous permet pas aujourd'hui d'amortir nos dépenses.

L'Alberta a beau ne pas avoir encore connu de vente aux enchères, au contraire de ce qui s'est produit en Saskatchewan et au Manitoba, mais l'Alberta compte bon nombre de producteurs qui attendent de voir ce que leur réserve 1999. Si, au moment de la récolte, les prix et, en particulier, les taux de rendement ne sont pas satisfaisants, ces producteurs savent et sentent que c'est à quelqu'un d'autre qu'il incombera de faire les semis au printemps 2000.

Les producteurs sont fiers, mais l'Alberta a aussi son lot de personnes au bout du rouleau.

Au chapitre des prix, les prévisions pour l'année prochaine sont des plus désolantes. Les collectivités rurales de l'Ouest canadien se meurent. Des propriétaires d'exploitations familiales craignent d'en être à leur dernière année. Ces agriculteurs marquent la fin d'une lignée de travailleurs acharnés. Les producteurs de demain, ceux de la génération suivante, ne veulent ni du stress, ni des longues heures ni des volumes de travail auxquels leurs parents se sont astreints sous leurs yeux.

L'agriculture est une industrie primaire. Une seule et même exploitation fournit 20 emplois directs et génère encore plus d'emplois. L'industrie et les services peuvent récupérer les coûts de leurs intrants. Comment les producteurs agricoles peuvent-ils recouvrer leurs coûts?

L'agriculture canadienne est à l'image d'une pyramide inversée. Les producteurs de céréales sont au bas de la pyramide, et les retombées de leur production exercent des pressions sur eux. L'industrie et les divers transformateurs semblent tenir pour acquis les véritables producteurs, mais ils oublient que leur production s'effectue en aval de la nôtre. Il faut que les producteurs céréaliers soient au sommet de la pyramide et que le reste de l'industrie et des activités de transformation prennent comme point de départ ce dont le monde entier a besoin, à savoir l'aliment de base.

L'Europe et les États-Unis tiennent obstinément au maintien des subventions aux producteurs. Le Canada doit revenir sur sa décision, en particulier au vu de la faiblesse des prix mondiaux. Le problème que dénonce l'industrie n'est pas imputable à une mauvaise gestion.

Dans les petites collectivités rurales, les détaillants sentent l'étau se resserrer. Là où j'habite, le détaillant d'essence a comparé le prix du carburant dans les années 50 à celui d'aujourd'hui. L'augmentation est de plus de 900 p. 100. Il s'est aussi intéressé au prix des céréales dans les années 50 et compte tenu de l'inflation, le prix du blé, toutes choses étant égales, devrait aujourd'hui s'établir de 10 $ à 12 $.

J'ai eu des discussions avec des membres du cabinet du ministre de l'Agriculture, et nous avons le sentiment que le FIDP ne répond pas aux besoins des exploitations diversifiées. Les comptables qui remplissent les papiers imputent des frais élevés, parfois jusqu'à 1 000 $, mais il arrive pourtant que l'intéressé n'obtienne aucun financement.

Nous avons constaté que le FIDP ne tient pas compte des paiements effectués pour les moissonneuses-batteuses et les tracteurs, réputés contribuer à l'amélioration de l'exploitation. Cependant, les accessoires spécialisés, par exemple ceux qui servent à l'ensemencement ou à la coupe, sont admissibles.

Au moment de l'achat de notre moissonneuse-batteuse, nous avons envisagé de louer ou d'acheter des barres de coupe spécialisée. Lorsque, en 1996, nous avons acheté la moissonneuse-batteuse âgée de un an, le blé se vendait à plus de 5 $ le boisseau. Regardez les prix des céréales aujourd'hui, soit quatre ans plus tard. C'est un désastre.

C'est l'agriculture qui a bâti le pays, mais il semble parfois que les gens s'imaginent que les aliments viennent du Safeway. Les Canadiens tiennent à une politique des aliments à bon marché, et ils n'ont aucune objection à ce que ce soient les grandes sociétés qui produisent les céréales. Le visage de l'Ouest canadien rural est en voie de se transformer, et tout indique aux producteurs que les politiciens et les consommateurs ne s'en émeuvent guère. Faute d'un deuxième revenu, nombreux sont les agriculteurs qui auraient déjà renoncé. Pouvez-vous songer à une autre industrie dans laquelle on doit compter sur un deuxième revenu pour nourrir sa famille? Combien de Canadiens pourraient occuper les emplois que monopolisent actuellement les producteurs agricoles?

Ce qu'il nous faut, à nous producteurs, c'est de l'argent dans nos poches. C'est à nous qui exploitons la terre, et non aux propriétaires terriens, que vous devez effectuer des paiements à l'acre. Les propriétaires terriens ne subissent pas les mêmes pressions que ceux qui exploitent la terre. Leurs profits sont assurés. Ce sont les producteurs qui assument les risques et les coûts. Le versement de paiements à l'acre constituerait une solution plus équitable pour les agriculteurs, sans pour autant déclencher une vague de surproduction. Vous auriez de la sorte affaire à de meilleurs agriculteurs. Récompensez les producteurs qui assurent une bonne intendance de leurs terres. Les producteurs familiaux ont à coeur la préservation du sol, des végétaux et de la faune.

• 0935

J'ai l'impression de vivre dans un monde socialiste. Les agriculteurs n'exercent aucun contrôle. Bob Rohle, de la Commission canadienne du blé, a déclaré que c'est aux gouvernements qu'il incombe de contrôler l'approvisionnement en aliments. Le gouvernement exerce déjà une mainmise sur les céréales de l'Ouest canadien. À titre de producteur, je ne suis pas au courant des affaires de la Commission canadienne du blé; je ne sais rien des coûts ni des dépenses. Tout ce que je sais, c'est que la Commission tient à ce que je sache qu'elle a en main mes céréales et mon argent pendant dix-huit mois. Voilà pourquoi la reddition de comptes et la transparence revêtent une si grande importance pour mon secteur d'activité.

Quelles sont les solutions? Faites en sorte que ce ne soient pas les producteurs qui assument à même leur revenu la responsabilité des coûts ou des manques à gagner. Les coûts associés au problème des ports maritimes se traduisent en surestaries. Pensez-vous que les débardeurs déclencheraient la grève si c'est à eux plutôt qu'aux agriculteurs qu'on demandait d'assumer les coûts des surestaries?

Si, en tant que politiciens, vous pensez qu'une autre correction s'impose, dites-nous le à nous, les producteurs de céréales. Nous irons nous établir dans des villes, à condition que vous assumiez les coûts de notre déménagement et de notre recyclage. Nous avons fait notre part. Pour créer des emplois dans le Canada rural, on doit promouvoir et permettre l'éclosion d'une industrie à valeur ajoutée. Les rendements céréaliers provinciaux ne sont pas réalistes. Parmi nos coûts d'intrants, nous versons une taxe de 4 $ le pneu. Le fonds ainsi constitué est colossal, et le nombre de pneus augmente toujours.

Soustrayons les terres agricoles à la taxe sur l'éducation. Évitons d'imposer deux fois les sites de forage de l'Alberta. À l'heure actuelle, en effet, on taxe à la fois les agriculteurs et les sociétés pétrolières et gazières.

Voilà certains des coûts dont on n'a pas tenu compte en amont, sans parler du fait que les coûts des intrants augmentent beaucoup plus rapidement que ceux des céréales. Des prix des céréales plus élevés sont la seule solution. Donnez-nous un dollar le boisseau à même la taxe de consommation perçue sur l'alcool. Quiconque ramasse des canettes dans les fossés gagne plus que ce que nous rapporte un boisseau d'orge.

Il faut aussi s'attaquer au problème de la reddition de comptes et de la transparence à la Commission canadienne du blé: faites en sorte que la participation à la Commission soit volontaire en nous donnant le choix de recourir aux services de cette dernière ou de définir nos propres marchés. Le gouvernement n'y perdrait rien. Les agriculteurs ne vendent pas sous le coût de production.

Envisagez de nous verser un paiement pour que nous puissions payer nos factures. Les paiements d'intérêts rongent les recettes des agriculteurs. L'argent que nous avons est dépensé dans l'industrie, et non déposé à la banque. L'argent doit aller au véritable producteur.

Si on nous compare aux agriculteurs de l'Europe ou des États-Unis, nous ne sommes pas subventionnés du tout. Le gouvernement canadien n'était pas tenu de supprimer la subvention du Nid-de-Corbeau ni les autres subventions. Il a agi dans son seul intérêt. L'Europe et les États-Unis n'ont pas imposé de telles réductions. Ces mesures n'ont eu pour effet que de briser les reins des producteurs de l'Ouest.

Le gouvernement doit se garder d'oublier d'où sont issues les tours d'ivoire et ce qui est à l'origine de la croissance des villes. Nous devons travailler de concert, faute de quoi notre société va mourir, comme nous le montre l'histoire. En dernière analyse, l'avenir des producteurs céréaliers est entre vos mains: en effet, c'est vous et personne d'autre qui pouvez modifier la loi.

En conclusion, je vous demande de porter le ruban or en guise d'appui aux familles agricoles du Canada. Je pense qu'on vous a remis à tous un document et un ruban or.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Je vous remercie, Colleen. Je serai heureux de porter le ruban. Je suis sûr que les autres membres du comité pensent comme moi.

Nous allons maintenant entendre Robert Filkohazy. Bonjour, Robert.

M. Robert Filkohazy (témoignage à titre personnel): Bonjour. Ma ferme se trouve à Hussar. Ma femme et moi exploitons 2 200 acres de terrain, où nous faisons pousser des céréales secondaires, des fèves oléagineuses et des légumineuses à grain.

En ce qui concerne le problème du revenu agricole, je pense que nous devons nous concentrer sur trois enjeux principaux. Premièrement, quelle est la cause du problème? Deuxièmement, quelle en est la gravité? Troisièmement, quelles mesures doit-on prendre pour y remédier? Intéressons-nous d'abord à la cause.

Je pense qu'il ne fait aucun doute dans l'esprit de qui que ce soit que ce sont les subventions massives en Europe et aux États-Unis qui sont la principale cause du problème. Les agriculteurs européens tirent quelque 60 p. 100 de leur revenu des subventions. Aux États-Unis, le pourcentage est de 40 p. 100; au Canada, il est de moins de 10 p. 100. Les programmes de soutien dont bénéficient ces agriculteurs sont supérieurs au prix de vente en vigueur ici, et ce sont les agriculteurs du Canada qui en font les frais.

Quelle est donc la gravité du problème? Il me semble que le gouvernement fédéral n'est pas convaincu de la gravité du problème que pose le revenu agricole. Si j'en viens à cette conclusion, c'est parce que le problème a beau faire couler beaucoup d'encre, les solutions mettent beaucoup de temps à venir et sont inadéquates.

Au milieu des années 70, soit il y a de 20 à 25 ans, on pouvait acheter une camionnette d'une demi-tonne pour environ 4 500 $, une moissonneuse-batteuse pour environ 25 000 $, un seau de produits chimiques pour de 40 $ à 50 $ environ, ce qui revenait à de 2 $ à 3 $ l'acre. L'essence mauve se vendait environ 25 cents le gallon. Le blé se vendait à 6 $, l'orge, à 4 $, et je pouvais assumer ces coûts.

• 0940

Aujourd'hui, une camionnette d'une demi-tonne coûte environ 40 000 $. La moissonneuse-batteuse coûte 275 000 $. Un bidon de produit chimique de 20 litres se vend de 200 $ à 400 $, soit de 10 $ à 20 $ l'acre. Aujourd'hui, l'essence mauve se vend à 45 cents le litre, soit environ 2 $ le gallon. Je dois assumer ces frais en vendant le blé n« 3 à 2,24 $ le boisseau.

Laissez-moi vous donner un exemple. N'oubliez pas que c'est à l'aide de ma production que je paie mes factures. En 1975, une nouvelle moissonneuse-batteuse me coûtait environ 5 000 boisseaux de blé. En 1980, la même moissonneuse-batteuse me coûtait environ 20 000 boisseaux de blé et, en 1996, 66 000 boisseaux de blé. Aujourd'hui, à supposer que j'envisage même un tel achat, la moissonneuse-batteuse en question coûterait l'équivalent de la production de toute une année de mon exploitation.

La semaine dernière, j'ai livré 175 tonnes de blé à l'élévateur, ce qui représente environ 6 500 boisseaux, pour une valeur totale de 21 000 $. Une fois déduits les frais de transport, de nettoyage, de manutention et la somme avancée sur ma production, j'ai reçu un chèque de 3 300 $, soit environ 50 cents le boisseau. L'année dernière, nous avons eu la chance d'avoir une récolte supérieure à la moyenne. Étant donné que les prix des céréales sont déprimés, nous sommes malgré tout aux prises avec des problèmes de liquidités. Les rendements sont loin de nous permettre de recouvrer les coûts de production.

Nous avons toujours eu pour pratique de différer les ventes de grain jusqu'à la saison suivante. Au cours des deux ou trois dernières années, notre exploitation a subi une érosion de ses capitaux propres en raison de la réduction du revenu différé pouvant être reporté sur les années futures. À l'heure actuelle, la valeur de notre exploitation diminue comme une peau de chagrin.

La survie des exploitations qui ont subi une forme ou une autre de perte de récolte marquée est extrêmement problématique, et les perspectives pour l'année prochaine ne sont guère plus reluisantes. J'ai même entendu dire que certains s'attendent à ce que les prix soient encore plus bas l'année prochaine. Je vous invite donc à vous demander si la faiblesse du revenu agricole représente ou non un problème grave.

Quelle est donc la solution à certains de ces problèmes? Les agriculteurs ont besoin d'un programme qui injectera des fonds maintenant—pas l'année prochaine, pas dans six mois, mais bien immédiatement. Les agriculteurs n'ont aucune confiance dans l'Aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole (ACRA). À mon avis, le gouvernement fédéral n'a pas lui non plus confiance dans le programme.

Pourquoi l'ACRA ne fonctionne-t-elle pas? Il y a trois problèmes. Premièrement, le formulaire de demande est relativement complexe. Les seules personnes qui sortent gagnantes du programme sont les comptables. Que la demande soit acceptée ou non, on doit verser de 400 $ à 500 $ au moins au comptable qui s'en occupe.

Deuxièmement, vous avez cédé aux provinces les pleins pouvoirs, sans orientations ni lignes directrices. Chaque province peut dépenser l'argent de l'ACRA comme bon lui semble. Ici, en Alberta, on n'a pas investi un sou d'argent neuf dans les filets de sécurité—rien, pas un seul nouveau programme. C'est là un véritable gaspillage des fonds fédéraux. Et vous avez le culot de dire aux Canadiens que vous n'avez pas de nouvel argent à consacrer à l'aide agricole.

Combien de nouveaux emplois ont été créés au sein du gouvernement fédéral par suite de l'introduction de l'ACRA? Quels sont les véritables coûts administratifs de l'ACRA? Je pense qu'il faudrait répondre à cette question.

La déduction des cotisations au Compte de stabilisation du revenu net (CSSRN) est une autre erreur qui a été commise dans le cadre de l'ACRA. Depuis des années maintenant, les gouvernements provinciaux et fédéral disent aux agriculteurs qu'ils ont intérêt à se satisfaire des programmes existants, par exemple l'assurance-récolte et le CSRN. Voilà maintenant qu'on pénalise les agriculteurs en soustrayant les cotisations au CSRN de tout paiement éventuel au titre de l'ACRA ou du FIDP. C'est inacceptable.

J'ai en vain présenté une demande au FIDP. Nous avons apporté quelques corrections mineures, soumis la demande de nouveau et nous avons une fois de plus essuyé un refus.

Que faut-il donc faire pour corriger le problème? À mes yeux, le plus important, c'est que nous reconnaissions tous qu'il n'y a pas que les exploitations en difficulté aujourd'hui qui ont besoin d'aide. Toutes les exploitations méritent de l'aide. Pourquoi? Parce qu'elles sont toutes confrontées au même problème: la faiblesse du prix des produits de base.

Il est temps que le gouvernement fédéral introduise un programme qui s'apparente au programme spécial de soutien des producteurs de céréales du Canada d'il y a quelques années, lequel doit être établi en fonction de la superficie ou de la production et faire en sorte que l'argent aboutisse là où il est requis, à savoir dans l'exploitation.

• 0945

Et nous ne nous préoccupons pas des répercussions de notre solution sur le commerce mondial parce que les Américains et les Européens ne s'en soucient pas—ils s'occupent de leurs agriculteurs. Plus le programme est complexe, plus il faudra de temps pour que l'argent aboutisse dans les fermes. À ce propos, l'ACRA est un exemple éloquent. Mettez au point quelque chose de simple, rapide et efficace.

Enfin, passons en revue certains faits qui, dans le domaine de l'agriculture, aggravent le problème de liquidités.

Quel que soit le point de vue qu'on adopte, je pense qu'il est juste d'affirmer que notre régime d'assurance-récolte est inadéquat. À la lumière des coûts de production d'aujourd'hui, les couvertures sont tout simplement insuffisantes.

Le gouvernement fédéral a supprimé la protection que constituait la subvention du Nid-de-Corbeau, laissant ainsi les agriculteurs aux prises avec des coûts de transport extrêmement élevés par rapport à la valeur des céréales. De nos jours, le transport est le principal coût à prendre en compte dans la détermination de la valeur des céréales.

Le gouvernement fédéral s'entête à supprimer des programmes agricoles pour satisfaire aux programmes d'autres pays membres de l'OMC. Cela doit cesser.

Les allégements fiscaux applicables à certains de nos intrants, comme le carburant, sont très nettement insuffisants. Par le passé, on avait droit à certains allégements sur les engrais chimiques. Comme c'est le cas pour la taxe sur l'essence, l'argent qu'elle permet de recueillir n'est pas investi dans les routes. Si je ne m'abuse, seulement quelque 11 p. 100 de l'argent que le gouvernement fédéral tire des impôts sur le carburant sont investis dans les routes. Pourquoi ne pas simplement supprimer ces taxes? De toute façon, vous n'investissez pas là où vous dites que vous allez le faire.

Le gouvernement fédéral sabre sans cesse dans les services agricoles. Sur ce plan, la CCG, avec ses lacunes, constitue un exemple éloquent.

En terminant, je vous pose la question suivante: les Canadiens tiennent-ils ou non à ce que les aliments qu'ils consomment soient produits au pays? À la lumière de votre réponse, je saurai si vous tenez à ce que, à l'avenir, il y ait toujours des agriculteurs au pays.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup, Robert.

Nous allons maintenant passer à Robert Northey. Bonjour, Robert.

M. Robert Northey (témoignage à titre personnel): Bonjour, monsieur le président.

Je tiens à remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée de me prononcer aujourd'hui sur certains des problèmes agricoles auxquels les agriculteurs sont aujourd'hui confrontés.

Vous parcourez le pays, et je suis certain qu'on a évoqué devant vous bon nombre de problèmes auxquels la communauté agricole est en butte. Malgré les écarts régionaux, les problèmes sont toujours les mêmes: la faiblesse du prix des produits de base et l'incapacité de générer un taux de rendement raisonnable pour maintenir un mode de vie simple, tout en tentant de contribuer financièrement au bien-être de la nation.

À titre d'agriculteur, c'est quand je paie des impôts que je suis le plus heureux. Lorsque je paie des impôts, je sais que mes produits se vendent à un prix juste. Je n'ai pas l'intention de consacrer beaucoup de temps aux chiffres, mais je vais tout de même en mentionner quelques-uns qui ont trait à ma propre exploitation. Je dirai aussi un mot des effets que la faiblesse des prix a sur mes activités agricoles.

Avec ma femme, j'exploite une exploitation céréalière de 1 000 acres, modeste à la lumière des normes d'aujourd'hui, mais néanmoins capable de nous faire vivre tous les deux, à condition que les prix des céréales soient raisonnables. Nous produisons du blé, de l'orge, du canola et des pois. Nous nous efforçons de produire de l'orge brassicole, du blé à forte teneur en protéines et des pois comestibles, mais ce n'est pas toujours possible en raison des conditions météorologiques. Ce que je veux dire, c'est que nous tentons de conférer à nos produits une valeur ajoutée plus grande en faisant pousser ce que nos clients souhaitent. Nous souhaitons à produire des espèces dont la valeur est supérieure à celle des espèces fourragères traditionnelles. Au cours des deux ou trois dernières années, nous sommes parvenus à des rendements raisonnables, ce qui nous a permis de maintenir un taux moyen de rendement du capital investi.

Permettez-moi de dire quelques mots à ce sujet. En 1998, nous vendions le canola 8,65 $ le boisseau. Dans ma région, une récolte de 35 boisseaux l'acre est considérée comme bonne. On aboutit donc à une valeur brute d'environ 302 $ l'acre. Avec des coûts de production d'environ 200 $—et, messieurs, le montant de 200 $ l'acre constitue une appréciation très prudente—nous bénéficiions d'un rendement d'environ 102 $ l'acre. Par comparaison, une récolte de 35 boisseaux l'acre, à 5,73 $, assure cette année un revenu brut de 200,55 $ l'acre. Disons que les coûts par acre sont les mêmes et qu'il n'y a eu aucune augmentation. Vous constaterez que nous faisons à peine nos frais. Difficile de payer bien des factures avec un rendement de 55 cents l'acre.

Comme ces chiffres vous le montrent, notre revenu a subi une diminution spectaculaire. Je n'entrerai pas dans le détail des autres récoltes ni de leurs coûts et rendements, mais vous constateriez également une diminution radicale de leur capacité de générer des revenus. En raison de la chute marquée du prix des produits de base, le rendement des coûts d'intrants imputables aux récoltes sera à peu près inexistant, et les agriculteurs arriveront à peine à faire leurs frais—à supposer qu'ils y parviennent.

Certains d'entre nous seront en mesure de puiser dans les gains d'années antérieures pour amortir une partie des pertes causées par la faiblesse des prix de cette année. Le problème, c'est que le solde reporté n'est pas suffisant pour que je puisse poursuivre mes activités pendant une période prolongée. Bon nombre de mes homologues n'ont pas la même chance que moi et devront mettre un terme à leurs opérations si les prix ne se redressent pas dans un proche avenir.

• 0950

À la lumière de l'augmentation continue de nos coûts de production et du prix des produits de base qui diminue sans cesse, qu'il s'agisse de produits bruts ou de produits transformés, nous ne pouvons plus continuer d'assumer seuls le fardeau de la production d'aliments à bon marché pour la multitude. À titre d'agriculteurs, nous devons tirer un rendement décent de nos produits.

Avec l'entrée en vigueur du système du financement par l'usager, les agriculteurs ont dû, au cours des dernières années, prendre à leur charge un certain nombre de frais d'utilisation: majorations du coût de pesage et d'inspection à la Commission canadienne des grains, taux de fret à Vancouver, droits de pilotage sur la côte ouest, droits à verser aux élévateurs où les céréales sont livrées, majorations des coûts du camionnage et, enfin, droits technologiques sur les espèces fourragères. On nous demande de plus de prendre à notre charge les coûts toujours croissants de la R-D associée aux nouvelles espèces fourragères, qui bénéficient pourtant à tous et chacun.

Comme vous le voyez, les fermiers assument tous les coûts, du sol au silo. Pour pouvoir être en mesure de continuer d'assumer tous les frais, nous devons tirer un rendement raisonnable de nos produits, qu'il s'agisse de céréales ou de bétail. Je sais que vous n'êtes pas en mesure de fixer le prix des produits de base, mais vous êtes appelés à vous prononcer sur les dossiers commerciaux, et les politiques que vous élaborez peuvent avoir un effet marqué sur notre capacité de tirer un rendement plus équitable de nos activités.

Dans le contexte du dernier échec des négociations de l'OMC, je ne m'attends pas, à titre d'agriculteur, à ce que diminuent les subventions dont bénéficient mes homologues de l'Europe et des États-Unis. Je ne suis plus en mesure de soutenir la concurrence de ces agriculteurs, compte tenu des subventions dont ils bénéficient. Je comprends que notre pays n'est pas en mesure de faire concurrence au Trésor de ces pays, mais, en même temps, on ne doit pas passer sous silence le préjudice que les actions de ces deux entités causent aux agriculteurs du Canada. Le fait qu'elles ne soient pas disposées à réduire leur programme de soutien est à l'origine de la chute du prix des produits de base.

Avec un peu de chance, le comité permanent pourra atténuer la crise à laquelle les agriculteurs sont et seront confrontés en formulant certaines recommandations issues des présentes rencontres. Voici quelques-unes de mes recommandations personnelles. Je recommande une réduction immédiate des droits d'utilisation ou, à défaut, un gel des taux. Sinon, il faudrait que le gouvernement compense les manques à gagner. En ce qui concerne la taxe sur le carburant, je recommande le rétablissement de la remise de la taxe d'accise sur le carburant agricole et l'octroi aux agriculteurs d'une remise sur la portion de la taxe d'accise sur le carburant que nous payons à même les taux de fret pour le transport des céréales—une remise qui bénéficierait non pas aux compagnies de chemin de fer, mais bien plutôt aux agriculteurs.

Troisièmement, on devrait prévoir un taux d'amortissement accéléré sur les actifs. L'année de l'achat, par exemple, le taux d'amortissement pourrait être complet plutôt que réduit de moitié. Ainsi, le taux serait de 30 p. 100 au lieu de 15 p. 100. On dirait que le gouvernement s'emploie toujours à retenir la moitié de ce qui devrait nous revenir. Je situe la recommandation dans le contexte du coût élevé de la machinerie. Aujourd'hui, les moissonneuses-batteuses se vendent un prix de 200 000 $ à 300 000 $. Par conséquent, un taux de 15 p. 100 ne me permet même pas d'amortir le coût d'un paiement initial—à supposer que je puisse en faire un. Il faut qu'on nous permette de capitaliser plus rapidement ces machines à coût élevé.

Quatrièmement, je recommande l'établissement du crédit d'impôt à l'investissement sur la machinerie. Le crédit pourrait peut-être débuter à 10 p. 100 sur le nouveau matériel pour diminuer par la suite à raison de 1 p. 100 par année, jusqu'à concurrence de dix ans. La mesure contribuerait à réduire le coût de la machinerie, tout en permettant à certains agriculteurs de renouveler du matériel plus ancien. Ce faisant, on évitera peut-être aussi à certains détaillants de fermer leurs portes.

Cinquièmement, on doit maintenir le CSRN, tout en augmentant les taux de cotisation. Il s'agit d'un programme simple qui semble avoir été avantageux pour la plupart des productions. On devra peut-être le raffiner pour qu'il puisse répondre aux besoins en cas de manque à gagner majeur et prolongé imputable à une catastrophe. Le solde est insuffisant pour permettre de faire face à des catastrophes qui se prolongent.

Sixièmement, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur l'ACRA à titre personnel, mais chacun laisse entendre que le programme doit subir des améliorations majeures. Je propose la création d'un comité composé de représentants des agriculteurs et de l'industrie ayant pour mandat de bonifier le programme et d'apporter les modifications nécessaires pour le rendre convivial.

Septièmement, le même commentaire ressort chaque fois que je discute avec des homologues: le secteur de l'agriculture a besoin d'une forme ou d'une autre de paiement en espèces immédiat. Le versement de paiement à l'acre aux producteurs véritables—j'insiste une fois de plus sur l'expression «producteurs véritables»—de céréales et de fèves oléagineuses permettrait de compenser en partie les torts causés par la faiblesse du prix des produits de base.

Ce ne sont là que quelques-unes des recommandations dont j'ai discuté avec des agriculteurs et des entreprises connexes du secteur agricole.

Il semble que nous devrons pendant un certain temps encore nous accommoder de faibles revenus et de prix peu élevés des produits de base. À mes yeux, il importe de reconnaître que le problème n'est pas la seule affaire des agriculteurs. Si les prix des produits de base demeurent à leur niveau actuel, l'économie tout entière sera touchée, de la ferme au coeur des villes. Aucun secteur ne sera épargné par ce que vit actuellement le Canada rural. Pour que nous puissions survivre à la crise actuelle, le gouvernement et le secteur agricole devront apporter des solutions bénéfiques à long terme aux problèmes auxquels nous sommes aujourd'hui en butte.

Messieurs, je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Northey.

Nous allons maintenant entendre Howard Paulson. Howard, merci de votre patience. La parole est à vous.

M. Howard Paulson (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président.

• 0955

En débutant, je tiens à remercier le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de donner aux agriculteurs et aux autres intervenants de l'industrie l'occasion de se prononcer sur le programme d'aide agricole.

Comme nous le savons tous, il n'y a pas de solution facile au problème que connaissent les producteurs locaux, régionaux et, pour l'essentiel, mondiaux. Au sein de l'industrie agricole, on note chez les producteurs une part d'apathie non négligeable. Les producteurs en question ont le sentiment que le gouvernement ne se soucie pas d'eux. En déclarant que «certains agriculteurs devraient peut-être examiner leur situation et songer à quitter le secteur», le ministre fédéral de l'Agriculture ne fait rien pour dissiper les tensions.

Des chiffres publiés nous apprennent que 47 p. 100 des agriculteurs des Prairies sont aux prises avec des problèmes financiers et qu'un pourcentage élevé d'agriculteurs songent à abandonner. Qu'arrivera-t-il à toutes ces terres? Qui va les exploiter?

Récemment, j'ai eu l'occasion de discuter avec le responsable de la commercialisation de la Commission canadienne du blé. Les propos qu'il a tenus à quelque 40 producteurs étaient pour le moins décourageants. En fait, il a prédit que les prix allaient demeurer les mêmes au cours des neuf prochains mois. Il n'entrevoit pas de renversement de la situation dans un proche avenir.

Voilà qui nous amène au motif de la réunion d'aujourd'hui: le programme d'aide agricole. J'ai communiqué avec quelques producteurs, des comptables, mon directeur de banque et un détaillant de machines agricoles pour savoir ce qu'ils pensent du CSRN, du FIDP et de l'ACRA. Ils ont été unanimes pour dire qu'aucun de ces programmes ne s'attaque aux véritables problèmes de notre industrie, à savoir la montée des coûts de production—machinerie, engrais, produits chimiques, carburant, frais de transport et de manutention—et la diminution constante des prix des céréales.

La plupart des agriculteurs et des comptables sont d'avis que le CSRN est l'un des meilleurs programmes en place. Le formulaire est facile à remplir. Il s'inspire de la déclaration d'impôt, et les comptables le remplissent à bon prix. Les membres du personnel du CSRN sont obligeants. Le problème, c'est que le CSRN n'a pas été conçu pour faire face à une diminution des prix qui s'étend sur un certain nombre d'années. Une fois le CSRN en marche, les fonds s'envolent, et il faut beaucoup de temps pour reconstituer le compte. L'autre problème que pose le CSRN a trait aux mécanismes de déclenchement. On n'a pas facilement accès à son argent. S'ils pouvaient eux-mêmes déclencher le versement de cotisations, les agriculteurs seraient en mesure de diversifier leurs activités, d'effectuer des paiements ou d'acheter des terres. De plus, les jeunes agriculteurs ne gagnent rien et ne sont donc pas en mesure de cotiser au CSRN.

L'ACRA ne suscite guère de commentaires favorables. Il est coûteux de faire remplir la demande par un comptable. En fait, la démarche peut coûter jusqu'à 1 500 $. Parmi les producteurs qui ont vraiment besoin d'aide, rares sont ceux qui bénéficient de l'ACRA. Selon un comptable à qui j'ai parlé, ce sont les personnes qui ont quitté le secteur agricole il y a deux ans qui reçoivent la majorité des fonds.

Par ailleurs, les chèques mettent beaucoup de temps à arriver aux producteurs. En Alberta, mes comptables—qui ont pourtant rempli bon nombre de formulaires—n'ont entendu parler que d'un seul chèque qui aurait été émis par le gouvernement fédéral. Dans les journaux, on lit pourtant que l'argent coule à flots. Eh bien, où va-t-il?

Dans le cadre de l'ACRA, on ne tient pas compte de la diminution constante du prix des produits de base. On a apporté certaines amélioration au programme depuis sa création, mais le processus demeure très complexe et exige beaucoup de temps. Ce qu'on me dit, c'est qu'on ne devrait pas supprimer le programme. À la place, on devrait, de concert avec des producteurs, des comptables et des banquiers, s'employer à l'améliorer de façon à mieux l'adapter aux besoins changeants de l'industrie.

Les producteurs en ont assez de se faire dire que tous les programmes de revenu agricole doivent respecter les modalités de l'ALENA. Les Américains et les Européens versent des subventions qui se chiffrent en milliards de dollars, sans se soucier des conséquences pour les prix mondiaux. Les agriculteurs canadiens peuvent soutenir la concurrence du marché mondial, mais seulement si les règles du jeu sont égales pour tous.

En conclusion, les agriculteurs doivent compter sur un programme d'aide agricole qui les place sur un pied d'égalité avec le reste du monde, un programme qui soit simple à administrer et qui ait pour effet de regarder dans les coffres des agriculteurs d'ici le printemps—et j'insiste sur les mots «d'ici le printemps». À défaut, bon nombre d'agriculteurs ne seront pas en mesure d'effectuer des semis. Par ailleurs, il doit s'agir d'un programme à long terme: en effet, on aura du mal à mettre un terme aux subventions versées dans d'autres pays. Nous nous leurrons en pensant que les autres pays vont écouter le Canada. Il faudra compter de cinq à dix ans, peut-être même plus. Le gouvernement doit reconnaître que l'agriculture est une industrie importante dont l'apport à l'économie canadienne se chiffre en milliards de dollars.

Dans les pièces jointes à mon mémoire, vous trouverez des bons au comptant pour ma ferme, lesquels portent sur un total brut de 43 606 tonnes de blé roux de printemps n« 1. En 1990, j'aurais reçu 5 082,08 $. Cet automne, pour la même quantité de céréales, j'ai empoché 3 885,80 $. Dans les pièces jointes, vous trouverez également un rapport sur les achats effectués auprès d'un marchand de matériel agricole portant sur le coût d'un tracteur de 161 hp doté d'un équipement comparable. En septembre 1990, le tracteur coûtait 90 400 $. Aujourd'hui, le même tracteur se détaille à 163 283 $. Ce ne sont là que quelques exemples de la réalité auxquels les agriculteurs sont aujourd'hui confrontés au sein de l'économie mondiale.

Je vous remercie.

• 1000

Le président: Je vous remercie, monsieur Paulson. J'apprécie vos commentaires au plus haut point. Je remercie tous les témoins.

Je tiens à préciser, Howard, que je partage certaines de vos frustrations. Il semble y avoir un hiatus entre les anecdotes relatives aux paiements effectués dans le cadre de l'ACRA et les rapports ou les statistiques qui viennent du gouvernement. Vous nous dites que très peu de paiements ont été effectués ou, tout au moins, que peu de paiements ont été portés à votre connaissance, et pourtant, en date d'hier, 68 millions de dollars avaient été versés au titre de l'ACRA dans la seule province de l'Alberta. D'où la frustration.

Nous allons maintenant entendre M...

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Deux petits points avant d'aller plus loin. Je pense que certaines personnes ont du mal à entendre à cause du ventilateur. J'invite donc les intervenants à parler directement dans le micro. Deuxièmement, il est probable que les personnes ici présentes ne nous connaissent pas tous. Peut-être aurions-nous intérêt à nous présenter.

Le président: Allez-y, et dites qui vous êtes, Dick.

M. Dick Proctor: Eh bien, nous commençons toujours par les représentants du gouvernement.

Le président: Très bien, dans ce cas, Joe, allez-y.

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Je suis le secrétaire parlementaire de Lyle Vanclief. Je représente la circonscription d'Egmont, à l'Île-du-Prince-Édouard.

Le président: Merci, Joe.

Nous avons demandé que le ventilateur soit fermé, mais il semble que la technologie ne nous permette pas de le faire. Autrefois, il suffisait d'utiliser l'interrupteur.

Garry.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Je représente la circonscription de Yorkton—Melville, en Saskatchewan.

Le président: Asseyez-vous et parlez dans le micro. C'est à cela qu'il sert.

M. Garry Breitkreuz: Je suis l'un des critiques en matière d'agriculture du Parti réformiste.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Je vous remercie. Je suis le député de Lethbridge. Je suis aussi l'un des critiques en matière d'agriculture du Parti réformiste.

Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais présenter un collègue de Lethbridge. Ken Nicol, député provincial de Lethbridge-Est, est présent parmi nous.

Le président: Ken, soyez le bienvenu.

M. Rick Casson: Si j'avais su qu'il allait venir aujourd'hui, j'aurais voyagé avec lui.

Nous sommes ici pour entendre ce qui doit être dit, et jusqu'ici l'expérience est des plus enrichissantes.

Le président: Et il y a un étranger à côté de vous, Rick.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Je représente la circonscription de Wild Rose. Je suis heureux de constater que les spectateurs sont nombreux. Merci à tous d'être venus.

M. Dick Proctor: Je suis le critique en matière d'agriculture du Nouveau Parti Démocratique. Je représente la circonscription de Palliser, en Saskatchewan.

Le président: Merci à tous. Je m'appelle John Harvard, et je préside le comité. Je viens de la merveilleuse ville de Winnipeg.

Nous allons commencer par M. Thompson. Vous avez sept minutes.

M. Myron Thompson: Je vous remercie, monsieur le président. Je viens de perdre 30 secondes à tenter d'allumer cet appareil.

J'aimerais d'abord poser deux ou trois questions concernant vos sentiments personnels, vos sentiments humains. Je vous invite tous à répondre.

Lorsque vous entendez des déclarations gouvernementales selon lesquelles vous auriez intérêt, si l'agriculture est trop difficile pour vous et que les choses ne vont pas comme vous le voulez—ou d'autres propos du genre—à vous recycler et à trouver un autre travail, comment vous sentez-vous? Qui aimerait intervenir à ce sujet?

M. Howard Paulson: À titre d'agriculteurs, nous avons diversifié nos activités, nous avons écouté tout ce qu'on avait à nous dire, nous sommes devenus très productifs, et je ne suis pas disposé à renoncer à ma ferme. Cependant, je dois être assujetti aux mêmes règles que les producteurs d'autres pays. Lorsque les règles du jeu sont égales, l'agriculteur canadien n'a pas son pareil. Lorsque j'entends le ministre fédéral de l'Agriculture tenir de tels propos, ça me déplaît, comme je l'ai indiqué ici. À titre d'agriculteurs, nous faisons de notre mieux, mais nous n'exerçons aucune mainmise sur la situation mondiale, non plus que sur la situation de l'assurance-récolte—que ce soit au niveau fédéral ou provincial. Tout ce que nous voulons, c'est un programme qui nous vienne en aide, et non un programme créé uniquement à des fins publicitaires.

M. Myron Thompson: Je vous remercie.

Il me semble que Colleen ait parlé de la Commission canadienne du blé, probablement plus que les autres intervenants.

En 1993, Colleen, on a ouvert les frontières à l'orge—je pense qu'il s'agissait d'une ouverture du marché de l'orge—pour une période d'environ six mois. Or, j'ai entendu dire à de nombreuses reprises que la mesure avait été très profitable pour les producteurs du pays. Après enquête, nous avons de plus constaté qu'elle n'avait pas été bonne que pour les agriculteurs. En fait, la Commission canadienne du blé a littéralement doublé ou même triplé les livraisons d'orge effectuées pour les agriculteurs. Tout allait à merveille. Puis le gouvernement qui a pris le pouvoir a jugé que la mesure n'était pas bonne et, au moyen d'une procédure judiciaire, est parvenu à y mettre un terme.

• 1005

Pensez-vous qu'on devrait privilégier l'ouverture d'un marché libre de cette nature, que nous devrions examiner les possibilités en ce sens et faire ce genre de choses à l'avenir?

Mme Colleen Bianchi: Oui.

Je vis tout juste à la frontière du Montana. Si je défends ce genre de mesure, ce n'est pas parce que je lorgne vers les marchés américains. Cependant, j'ai été surprise par l'augmentation—que vous avez évoquée—du volume de céréales manutentionnées par la Commission canadienne du blé au cours d'une courte période. Si le système était plus ouvert, je suis d'avis que nos élévateurs seraient plus concurrentiels. Ce que je veux dire, c'est que, pour pouvoir soutenir la concurrence, nous devrions faire en sorte que le prix soit juste dans nos élévateurs, dans le système canadien. Si le système était plus ouvert, nous serions mieux en mesure de nous occuper nous-mêmes de nos affaires. Cependant, la Commission canadienne du blé devrait être elle aussi plus ouverte; elle devrait nous rendre davantage de comptes et faire preuve de plus de transparence. Si le marché était ouvert, je ne pense pas que nous assisterions à une ruée vers les États-Unis. Je pense nous trouverions un créneau au sein même du système canadien.

Vous nous avez demandés comment nous nous sentirions si nous devions renoncer à la terre. À la maison, nous avons un enfant de 17 ans qui a toujours souhaité devenir agriculteur. Or, on nous a dit que c'était une mine d'or, que nous avions beaucoup de chance d'avoir un fils élevé sur une terre. Notre ferme a été constituée homestead en 1910, et, à supposer qu'il prenne la relève, nous en serons à la quatrième génération.

Nous faisons déjà vivre deux familles. En raison de la faiblesse de notre revenu, je ne sais pas si nous pourrons continuer, sans parler de la quatrième génération. En prévision du printemps prochain, nous nous demandons si nous devrions vendre et nous retirer pendant que nous en avons encore les moyens ou si nous devrions tout hypothéquer, jeter les dés et faire le pari que nous aurons quelque chose à céder à la quatrième génération. Les enjeux sont si élevés que nous ne savons pas vraiment si nous avons quelque chose à lui léguer—à supposer que nous jouions le tout pour le tout.

M. Myron Thompson: Je vous remercie.

Ma dernière question pour la présente ronde—je tiens pour acquis qu'il y en aura d'autres—s'adresse directement à vous tous, mais j'aimerais que les personnes assises dans la salle se contentent de lever la main parce que nous n'aurons pas le temps de les entendre toutes.

Si on maintient l'ACRA et qu'on y apporte encore quelques modifications—j'ignore ce que cela pourrait donner—si vous aviez le choix et que vous pouviez continuer à obtenir de l'aide par l'entremise de l'ACRA, préféreriez-vous qu'on vous propose immédiatement une indemnisation générale, par exemple un paiement à l'acre? Combien d'entre vous préféreraient la procédure établie dans le cadre de l'ACRA?

Une voix: Nous voulons un prix juste pour notre grain.

M. Myron Thompson: Qu'en est-il...

Mme Colleen Bianchi: J'aimerais recevoir un paiement à l'acre.

M. Myron Thompson: Un paiement à l'acre. Qu'en est-il du reste des personnes ici présentes?

Mme Colleen Bianchi: Versé aux producteurs véritables, et non aux propriétaires terriens.

M. Myron Thompson: Au producteur. D'accord. Très bien. Je vous remercie, et je vous souhaite la meilleure des chances pour la saison prochaine.

Ce sera difficile. Je sais de quoi je parle. J'ai déjà été agriculteur. Je sais qu'il est difficile de se retirer. On a mal. Ce n'est pas facile de changer d'orientation. Je tiens à ce que vous sachiez tous que l'agriculture est l'enjeu industriel le plus important aux yeux du cow-boy que je suis et que nous allons lutter avec acharnement pour faire en sorte que cette question devienne la priorité du gouvernement auquel vous avez affaire.

Je vous remercie.

Mme Colleen Bianchi: C'est ainsi que je vois les choses, moi aussi.

M. Myron Thompson: Je vous remercie.

Le président: Monsieur McGuire.

M. Joe McGuire: Je vous remercie, monsieur le président, et bonjours à tous.

J'aimerais revenir sur les programmes dont nous disposons aujourd'hui. Je sais qu'un régime d'assurance-récolte amélioré est l'un des thèmes qui revient le plus souvent en Alberta, plus que dans les autres provinces.

Il y a un an, les gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que les organisations agricoles ont fait l'annonce d'un nouveau programme d'aide en cas de catastrophe appelée ACRA. En Alberta, le programme s'appelle FIDP. Essentiellement, l'ACRA est fondé sur le modèle albertain, sauf en ce qui concerne l'inclusion récente des marges négatives, que l'Alberta, à ce que je sache, ne reconnaît pas dans sa proposition.

• 1010

Nous avons donc fait l'annonce de l'octroi d'une somme de plus de 1,5 milliard de dollars dans le cadre de ce programme. Un an plus tard, le programme dispose toujours d'une somme de 1 milliard de dollars. Il y a aussi le CSRN, dans lequel se trouvent près de 500 millions de dollars uniquement pour l'Alberta. Soixante-quinze pour cent de cette somme pourraient être retirés. Or, seulement 20 p. 100 de la somme ont été retirés, même lorsque les temps étaient difficiles. Si des personne réputées non admissibles à l'ACRA ne puisent pas dans leur compte du CSRN, il y a de toute évidence quelque chose qui cloche. Lorsque Lyle s'adresse au cabinet pour obtenir de nouvelles injections de fonds, on lui répond qu'il y a déjà beaucoup d'argent disponible. Cependant, les personnes qui en ont vraiment besoin ne peuvent y accéder.

Je me demandais simplement si vous pourriez me dire comment ces programmes pourraient être ouverts de façon que les personnes qui ont besoin des fonds en question puissent y accéder. Je sais que vous nous avez fait part de certaines idées, mais peut-être pourriez-vous les préciser. L'argent est là. Les deux tiers de notre filet de sécurité sont toujours dans les coffres, et nous avons affaire à des centaines de millions de dollars. Quelque chose semble ne pas tourner rond. L'argent est là, mais personne... Nous nous déplaçons de ville en ville, et on nous répète la même chose. Personne ne semble en mesure de faire établir son admissibilité à l'ACRA, ou peu s'en faut. Peut-on penser que la taille de l'ACRA est insuffisante ou que, en ce qui concerne le CSRN, seules les personnes plus âgées sont admissibles, étant donné que les jeunes n'ont encore rien cotisé.

Peut-être pourriez-vous me donner une réponse générale. Comment pouvons-nous améliorer la situation à long terme? Survivre à la prochaine année est un chose, mais il nous faut un programme à long terme parce que, comme quelqu'un l'a dit, le problème ne va pas se régler en un an, de toute façon.

Colleen, peut-être pourriez-vous débuter.

Mme Colleen Bianchi: Je ne sais pas par où commencer. Je ne sais pas grand-chose de l'ACRA ni du FIDP parce que ce sont les comptables qui s'en occupent.

J'ignore quelle est la solution, mais je sais que, actuellement, les choses ne tournent pas rond. L'année dernière, nous avons eu un revenu négatif. Puis, on a établi les marges de référence, et nous nous sommes retrouvés au-dessus du seuil. J'ignore comment c'est possible, sauf que, comme je l'ai déjà indiqué, on ne tient pas compte des remboursements effectués pour rembourser les prêts.

En février, j'ai participé à un atelier. Je ne sais pas si je devrais le dire à haute voix, mais nous en sommes tous à peu près venus à la conclusion que, si nous devions effectuer des paiements pour rembourser une moissonneuse-batteuse et que les paiements en question n'étaient pas comptabilisés aux fins du FIDP—je suppose qu'il en va de même pour l'ACRA—nous pourrions tout aussi bien aller faucher les champs des voisins et demander aux voisins de faucher les nôtres parce que c'est un peu ce que le programme nous incite à faire. Je n'en sais pas assez à ce sujet. Cependant, nous avons des obligations, nous présentons une demande, sans pouvoir enclencher le processus. J'ai simplement beaucoup de difficulté à comprendre.

M. Joe McGuire: Robert.

M. Robert Filkohazy: Je vous remercie. Je ne peux parler que pour moi-même, mais je n'arrive pas à comprendre que les agriculteurs qui auraient le droit n'auront pas puisé dans leur compte du CSRN, même si je sais que vous avez des chiffres à ce sujet. Si vous avez des chiffres, il n'y a pas à discuter. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas mon cas. Je ne peux pas aller puiser dans mon compte du CSRN, même si j'y cotise depuis sa création.

Pour ce qui est du FIDP, les intérêts, qui constituent un poste budgétaire important dans le domaine de l'agriculture, sont à mon avis l'une des choses qui expliquent la non-admissibilité des agriculteurs, le fait que le régime n'est pas déclenché. La plupart d'entre nous payons beaucoup d'intérêts sur toutes sortes de choses, et nous ne sommes pas autorisés à déduire les sommes ainsi versées à titre de dépenses. On a affaire à un certain nombre de facteurs de ce genre. L'agriculture est une industrie très capitalistique. Il faut beaucoup d'argent simplement pour rembourser les prêts sur les terres, la machinerie et des choses du genre, même si on n'en tient aucun compte dans ces demandes.

M. Joe McGuire: Selon les chiffres que j'ai en mains, 224 millions de dollars sur 520 millions peuvent être retirés, et on n'en a effectivement retiré que 48 millions de dollars.

Mme Colleen Bianchi: Il faut que quelque chose cloche dans le programme.

M. Robert Filkohazy: L'une des explications qui me viennent à l'esprit à ce propos—et je sais que c'est l'une des questions qui préoccupaient beaucoup de gens au moment de la création du CSRN—, c'est que les jeunes agriculteurs et les agriculteurs de fraîche date ne participaient pas au CSRN parce qu'ils n'y voyaient pas d'intérêt ou tout simplement parce qu'ils n'avaient pas d'argent. Ce sont les agriculteurs bien établis qui ont investi dans le CSRN. Soyons francs, l'affaire était relativement alléchante. Lorsque nous avions des capitaux supplémentaires à investir dans le CSRN, on nous remettait 103 p. 100 de la somme le jour même. Pourquoi nous en serions-nous privés? Il est possible que ces agriculteurs bien établis n'aient pas besoin de retirer leur argent.

• 1015

Mme Colleen Bianchi: Ils ont déjà des liquidités.

M. Joe McGuire: À titre de programme de soutien du revenu, le CSRN ne répond pas aux besoins des bonnes personnes. Les agriculteurs l'utilisent plutôt comme une caisse de retraite.

Vous avez quelque chose à ajouter, Howard?

M. Howard Paulson: J'ai longuement discuté de ce sujet avec mon comptable, au cas où la question serait posée. Il s'agit du cabinet Young, Parkyn and McNabb, qui effectue beaucoup de travail dans le cadre de ces programmes.

L'une des choses qu'il faut comprendre, c'est que le compte du CSRN est bien comme mon homologue l'a décrit. Ce sont des agriculteurs plus âgés et établis qui refusent d'y toucher. Ils envisagent de se retirer pendant que la situation est favorable. Ils n'ont personne pour prendre la relève. Il s'agit d'un régime d'épargne-retraite, et ils peuvent se retirer en emportant l'argent. Leurs comptables leur conseillent de laisser l'argent dans le compte. Ils leur suggèrent de vendre l'exploitation, puis de retirer les fonds. Les agriculteurs peuvent retirer toute la somme, et les comptables s'occupent de l'aspect fiscal.

Si l'ACRA ne fonctionne pas, c'est, de l'avis des comptables, parce que les fonds ne vont pas aux bonnes personnes. La meilleure solution consiste à quitter l'agriculture. Les personnes qui ont renoncé il y a deux ans ont touché de 50 000 $ à 60 000 $ aux termes du programme. En revanche, le programme ne fonctionne pas pour les agriculteurs dont les activités ont décliné progressivement et qui sont en constante difficulté depuis environ trois ans. En effet, ils sont incapables d'atteindre la marge de 70 p. 100.

À l'examen des statistiques, vous constaterez que ce sont les agriculteurs établis ou les agriculteurs plus âgés qui ont un compte du CSRN.

Pou ma part, j'ai encaissé mon compte du CSRN. Nous avons acheté 200 moutons. J'ai utilisé l'argent pour acheter des animaux et diversifier mes activités, mais il a fallu pour ce faire que mon revenu soit nul.

Il y a d'autres moyens de déclencher l'ACRA. Avec ma femme, je peux créer deux ou trois sociétés différentes et, à force de triturer le système, nous parviendrons peut-être à obtenir un paiement complet dans le cadre de l'ACRA. Je m'y refuse.

Le président: Je vous remercie, Howard. Nous n'avons plus de temps pour la présente ronde.

Colleen, je tenais simplement à vous dire que je n'ai jamais aimé le mot «déclencher» dans le contexte du CSRN. À mes yeux, le mot donne l'impression que l'argent est littéralement pompé du CSRN dans le compte de banque de l'agriculteur. Or, le mot déclencher renvoie simplement à l'admissibilité. Une fois déclaré admissible, l'agriculteur doit encore retirer l'argent. Comme Joe l'a indiqué, la question qui se pose dans de nombreux cas, c'est que la procédure a été déclenchée—en d'autres termes, l'admissibilité a été établie—mais, pour une raison ou une autre, l'argent n'a pas été retiré.

Avant de passer à Dick, j'aimerais fournir une information à Albert qui, dans sa déclaration préliminaire officielle, s'interrogeait à propos des frais d'administration de l'ACRA. Selon le gouvernement, les frais d'administration sont de 3 p. 100, soit 26 millions de dollars sur un total de 1,7 milliard de dollars.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Bienvenue à tous. J'ai beaucoup apprécié vos exposés des plus éclairants. D'entrée de jeu, j'aimerais poser une question à propos de l'ACRA. Je crois qu'aujourd'hui marque le premier anniversaire de l'annonce du programme.

Soit dit en passant, à titre de député membre de l'opposition, je suis rentré à la maison, à la fin de la dernière session, en disant que nous avions relativement bien réussi à porter la crise agricole à l'attention du gouvernement et à obliger celui-ci à intervenir.

De toute évidence, la déception est venue plus tard, lorsque les détails ont été annoncés en février.

Comme chacun le sait, l'ACRA a été établi sur le modèle du FIDP de l'Alberta. Il s'agit de la troisième assemblée publique que nous tenons en Alberta. À l'occasion de celle que nous avons tenue à Vegreville et à Grand Prairie, de nombreuses personnes ont affirmé que le FIDP ne donnait pas pour elle des résultats particulièrement reluisants.

Ma question est la suivante: les problèmes s'expliquent-ils par le fait que nous n'avons pas assez bien travaillé, ou encore par le fait que les fonctionnaires ne réussissent pas à définir les lacunes du FIDP pour pouvoir les corriger dans le cadre de l'ACRA? Je sais que Robert et Colleen ont indiqué que le FIDP ne s'était pas révélé bien brillant ici. Êtes-vous d'avis que nous aurions pu mieux travailler ou encore que les responsables de la conception du programme auraient dû le peaufiner davantage?

Mme Colleen Bianchi: J'ai téléphoné au cabinet du ministre Stelmach, et je l'ai félicité d'avoir trompé le pays en l'incitant à s'engager sur la voie de l'ACRA. Je lui ai dit: «Le programme ne fonctionne pas pour l'Alberta. Pourquoi fonctionnerait-il pour le reste du pays?» Voilà ma réponse.

M. Dick Proctor: Robert.

M. Robert Filkohazy: On ne doit pas oublier qu'il s'agit d'un programme en cas de catastrophe. Si le FIDP n'a pas donné de bons résultats pour les personnes dont la situation est particulièrement précaire, c'est parce que les personnes en question, une fois que leur admissibilité à un paiement dans le cadre du FIDP a été établie, se retrouveront dans une situation encore plus difficile l'année suivante, du point de vue de la marge de référence, jusqu'au jour où elles se retrouvent devant rien.

• 1020

Nous avons peu parlé de l'assurance-récolte. L'un des nouveaux aspects de l'assurance-récolte, c'est que, pour un prix à l'acre très modique, on vous assure une protection de 50 p. 100. Or, une telle protection ne vaut rien, absolument rien.

M. Dick Proctor: Oui. L'autre question que je voulais aborder tient au fait que chacun d'entre vous, à sa manière, éprouve de toute évidence une grande frustration face à la situation et à l'absence de signaux de la part du gouvernement relativement à ses intentions. Je n'ai pas pu m'empêcher non plus de jeter un coup d'oeil à la table des journalistes—vous savez, nous ne sommes qu'à 15 ou 20 minutes de l'un des plus importants centres médiatiques de l'ouest du Canada. Où sont les caméras de télévision? Où sont les journalistes? Où sont les stations de radio?

N'avons-nous pas ici affaire à un problème qui oppose le monde rural et le monde urbain? L'un d'entre vous a déclaré que les aliments ne viennent pas du Safeway. Le problème ne s'explique-t-il pas en grande partie par le fait que la crise agricole ne semble pas être prise au sérieux, ne semble pas avoir d'impact? Le pays s'est doté d'une politique relative aux aliments à bon marché, et les citoyens ne sont pas au courant de la gravité du problème agricole ou ne la comprennent pas.

Mme Colleen Bianchi: Comme le temps presse, l'une des solutions que le gouvernement pourrait adopter pour améliorer la situation consisterait à publiciser vos discussions, ce qui contribuerait à sensibiliser les consommateurs à l'importance des aliments. À la place, on entend parler des paiements, et les gens ont l'impression que nous recevons des millions ou des milliards de dollars, tandis que, en réalité, il s'agit à peine de quelques milliers de dollars ou d'une dizaine de milliers de dollars. Or, ce n'est jamais ce qu'on entend. Je pense que nous devons nous unir pour diffuser nos préoccupations. Dans les groupes dont je suis membre, c'est l'une des priorités: comment sensibiliser les gens de façon qu'ils prennent conscience de la gravité de la situation?

M. Dick Proctor: Robert.

M. Robert Northey: La difficulté que nous éprouvons à faire passer le message s'explique en partie, je crois, par le fait que nous sommes aujourd'hui à une génération de la ferme. C'est probablement l'un des plus graves problèmes auxquels l'agriculture soit de nos jours confrontée. Dans les centres urbains, de nombreuses personnes n'ont plus de contact direct avec les exploitations agricoles. À mon avis, c'est un problème. Je ne sais pas comment le régler. Je ne pense pas qu'on puisse le faire.

Ce qu'il y a, c'est que le secteur agricole est fortement capitalisé. Quoi qu'on fasse, il s'agit d'une activité très capitalistique. Nous ne pouvons pas majorer les prix de 5 p. 100, 10 p. 100, 15 p. 100 ou 20 p. 100 pour compenser l'augmentation des coûts de production comme on le fait dans un centre urbain. Il faut tenir compte de la concurrence. Il est sûr qu'on ne peut majorer les prix que dans une certaine mesure seulement. En même temps, cette avenue m'est refusée. Je pense qu'il est important que les citoyens comprennent que les aliments ne viennent pas du Safeway, mais, malheureusement, c'est ce que pensent la plupart des gens, simplement parce qu'ils sont trop éloignés des lieux de production.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Casson.

M. Rick Casson: Je vous remercie, monsieur le président.

Merci à tous d'être là, que ce soit à titre de témoin ou de membre de l'auditoire. Il est encourageant de constater que de si nombreuses personnes sont intéressées à la recherche d'une solution.

Vous avez évoqué un certain nombre de choses, et j'ai relevé entre elles un certain nombre de points communs. J'aimerais vous transmettre certaines informations que nous avons reçues au comité de l'agriculture: les prix des produits de base sont à la baisse depuis 150 ans, et les économistes ne prévoient pas de reprise rapide ni même d'amorce de redressement dans un proche avenir. Nous devons donc en tenir compte dans nos délibérations.

Il y a aussi le fait que les subventions versées par les pays étrangers et leurs coûts nous causent un grave préjudice. La semaine dernière, nous étions à Seattle—Colleen, je sais que vous étiez présente—et l'expérience a été pour le moins saisissante. Il ne faut pas oublier que les organisations mondiales que nous avons mises en place pour s'attaquer à certains des problèmes que nous croyons avoir ne fonctionnent pas.

À l'interne, nous percevons auprès des utilisateurs des droits sans commune mesure avec les services offerts. Mes chiffres sont purement arbitraires. Il s'agit donc d'un problème auquel nous pouvons nous attaquer assez rapidement. Depuis la suppression de la subvention du Nid-de-Corbeau, les coûts de transport s'élèvent dans ma région à 37 p. 100—c'est 37 p. 100 qu'on prélève sur le chèque qu'on vous remet en contrepartie de vos céréales.

Nous devons notamment nous pencher sur une solution à court terme pour faire face au moment critique que nous traversons. Nous devons comprendre que les problèmes auxquels nous sommes en butte, qu'il s'agisse des subventions étrangères ou des prix des produits de base, ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Nous devons en tenir compte dans la recherche d'une solution temporaire.

L'ACRA n'est pas la solution. C'est ce qu'on nous dit partout où nous allons. Il est difficile de déclencher le processus et de toucher de l'argent. Les conséquences vont—Colleen, votre campagne du ruban or illustre simplement l'effet de cette situation sur les familles. Quel sort réservons-nous aux petites villes et à l'industrie qui soutient l'agriculture? Le problème fait tache d'huile.

• 1025

Je crois que Colleen et peut-être Robert ont tous deux affirmé que nous en sommes à la croisée des chemins—c'est aussi mon avis—et nous devons indiquer clairement aux agriculteurs si nous allons ou non soutenir la famille agricole. Allons-y, et cessons de jeter de la poudre aux yeux et de susciter de faux espoirs au moyen de l'ACRA pour ensuite les tuer dans l'oeuf. Ce n'est pas la solution. Si nous voulons soutenir les agriculteurs, faisons-le; sinon, disons-le clairement. N'essayons pas de faire les deux.

Mme Colleen Bianchi: C'est ce que nous devons savoir.

M. Rick Casson: Exactement. La décision sera très difficile à prendre.

Je voulais poser une question à Robert Filkohazy, si je puis me le permettre? À votre avis, que pouvons-nous faire ou soumettre pour convaincre le gouvernement de la gravité de la situation et l'inciter à mettre en place les solutions à vos yeux nécessaires pour que vous puissiez un jour commencer à tirer un rendement décent au moyen de prix des produits de base normaux? Que devons-nous faire—par ordre de priorité?

M. Robert Filkohazy: Je pense qu'il faudrait faire exactement ce que j'ai évoqué dans mon témoignage. La solution la plus simple, à mon avis, consisterait à verser des paiements directs fondés sur la superficie ou la production. Il faut que la solution soit simple. Plus elle est complexe, plus il faut de temps pour la mettre en place, et plus elle est diluée. Nous en avons déjà fait le constat. Un pourcentage de 3 p. 100 peut paraître raisonnable, mais, lorsqu'on fait le calcul, on aboutit à 26 millions de dollars, et c'est beaucoup d'argent qu'on aurait pu utiliser à bon escient et qui n'est plus là.

J'en suis maintenant venu à me dire qu'il faut cesser de se préoccuper des répercussions sur les activités commerciales régies par l'OMC. Le Canada doit investir dans l'agriculture comme le font les autres pays. Nous n'avons pas le choix.

J'aimerais vous laisser sur une réflexion. La semaine dernière, un jeune de la collectivité a accepté un emploi contractuel, dans le cadre duquel il s'efforce de vendre des graines de canola aux agriculteurs. Pour le moment, ce n'est pas facile, mais il essaie. Il vient d'une ferme locale. Je lui ai demandé s'il envisageait de revenir un jour à la ferme, et la réponse qu'il m'a donnée est plutôt bonne. Il a dit: «S'il s'agissait d'une autre industrie et qu'on voudrait la possibilité de vous associer à une industrie très capitalistique dans laquelle vous ne gagneriez rien pendant de dix à quinze ans, à supposer que vous touchiez jamais un revenu, y penseriez-vous sérieusement?» Il a mis en plein dans le mille.

M. Rick Casson: Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Casson. Vos cinq minutes sont terminées. Il ne nous reste que quelques secondes.

En terminant la présente ronde, un mot pour Robert qui, dans sa déclaration, a dit douter que le gouvernement soit convaincu de la gravité du problème. Je comprends ce que vous voulez dire, je vous assure. Et pourtant, le ministre Vanclief, il y a un an, a pris le taureau par les cornes et a obtenu une somme de 900 millions de dollars du cabinet et de 600 millions de dollars additionnels des provinces, ce qui représente un total de 1,5 milliard de dollars, pour remédier à la situation.

Il est certain que l'ACRA n'a pas partout fonctionné aussi bien que nous l'avions espéré, ce qui nous amène à nous poser des questions.

Je voulais également dire un mot à propos d'une remarque de M. Northey. En effet, ce dernier a affirmé que l'ACRA devait être améliorée. À cette fin, il a proposé la création d'un comité composé d'agriculteurs et de représentants de l'industrie, qui auraient pour mandat de tenter de bonifier le programme. Eh bien, l'ACRA a été mise au point en collaboration avec des représentants des agriculteurs, de l'industrie et du gouvernement. Malgré cette diversité, le programme n'a pas été à la hauteur de nos attentes. C'est donc très frustrant.

Je vous remercie beaucoup. Nous sommes très reconnaissants.

Nous allons maintenant entendre notre deuxième groupe de témoins: Hilton Pharis, Larry Van Slyke, Glenn Norman et Neil Wagstaff. Je remercie encore une fois nos premiers témoins.

Messieurs, soyez les bienvenus. Comme d'habitude, nous allons procéder par ordre alphabétique. M. Norman sera donc le premier à prendre la parole.

• 1030

Monsieur Norman, merci de votre présence et du temps que vous nous consacrez. Nous attendons avec impatience de vous entendre.

M. Glenn Norman (témoignage à titre personnel): Messieurs, ce que j'ai à dire concerne essentiellement ma situation personnelle.

Je suis un agriculteur de la deuxième génération. Je viens d'une exploitation mixte. Notre situation n'est pas catastrophique, tant s'en faut, parce que nos activités sont relativement diversifiées. Si la situation actuelle perdure pendant trois ou quatre ans de plus, j'en viendrai probablement à la conclusion qu'il ne sert à rien de garder mes capitaux dans la ferme. Cela sera tout simplement impossible.

Au moment où nous nous parlons, nous avons épuisé nos comptes du CSRN au cours des deux dernières années. Nous avons retiré l'argent qui s'y trouvait, et il n'y en a plus. Pendant qu'il y avait de l'argent, la solution ne paraissait pas mauvaise, mais maintenant qu'il n'y en a plus, c'est fini. Nous ne sommes pas admissibles à l'ACRA. Nos revenus fléchissent sans cesse. Même si nous ne sommes pas dans le rouge, nous avons pu faire admettre notre inadmissibilité au CSRN, et nous avons vidé notre compte. Nous avons lorgné du côté de l'ACRA. Nous allons verser 100 $ en honoraires de comptable, mais c'est impossible. À cause du fléchissement de nos revenus, nous sommes bien loin d'être admissibles.

Tout ce temps, la ferme a grandi. Depuis treize ans que j'exerce le métier, nous sommes passés de quatre quarts à neuf. Tandis que mes terres et mon troupeau s'agrandissaient, mon revenu, en réalité, s'amenuisait. Je me demande parfois à quoi je pensais quand je me suis lancé dans l'agriculture.

Les témoins qui m'ont précédé ont laissé entendre qu'il faudrait, si nous voulons vraiment soutenir l'agriculture, opter pour un paiement à l'acre. Je pense que c'est probablement la seule solution. Je pense aussi que nous devons aller de l'avant et faire fi de l'Organisation mondiale du commerce. Nous avons déjà renoncé aux subventions pour le transport ferroviaire et à toutes les autres subventions. Pendant ce temps, qu'ont fait nos partenaires commerciaux, les Américains? Ils ont continué de subventionner à la même hauteur. Ils sont en train de nous faire mourir.

À mon avis, le gouvernement ne comprend pas la situation. Il a choisi d'adopter une solution à court terme pour faire face à la catastrophe que nous avons connue. Eh bien, la catastrophe est constante. Elle ne tient pas qu'au prix des produits de base. Nous pouvons survivre malgré les fluctuations des prix des produits de base. Cependant, le coût d'intrants comme le carburant a énormément augmenté. Je fais ce métier depuis 13 ans, et le carburant, qui comptait pour à peine 10 p. 100 de nos dépenses, représente aujourd'hui environ 30 p. 100 de ces dernières. Le prix des engrais a lui aussi augmenté. Impossible de continuer ainsi. Comme on vous l'a dit, le prix des moissonneuses-batteuses et des tracteurs est à la hausse, mais le coût de ces articles précis n'a rien à voir avec le prix des produits de base.

À moins que le gouvernement ne choisisse de subventionner l'agriculture d'une façon ou d'une autre, je n'arrive pas à imaginer que nous pourrons continuer. On entend aujourd'hui parler d'exploitation de 8 000 acres et plus, et on peut à peine considérer qu'il s'agit d'agriculture. En réalité, les propriétaires se trouvent dans une situation aussi précaire que la nôtre.

Je ne vois pas comment l'ACRA, dans sa forme actuelle ou même dans une version améliorée, pourra donner de bons résultats. Nous ne parvenons pas à faire établir notre admissibilité. Il faut, pour y arriver, atteindre 70 p. 100 du revenu des trois années antérieures. C'est du moins ce que je crois comprendre. Eh bien, cela ne se produit pas lorsque votre revenu fléchit. Selon les responsables de l'ACRA, j'ai tiré un rendement de 1 p. 100 et 2 p. 100 sur un investissement de capitaux de 3 millions de dollars. Si j'étais dans un autre secteur, j'aurais fait faillite il y a belle lurette. Il est tout à fait insensé de s'obstiner à faire de l'agriculture. Je crois que c'est le président de la Banque Royale qui a laissé entendre aux agriculteurs qu'ils devraient se retirer pendant qu'ils ont encore des capitaux et de l'avoir propre à emporter avec eux. C'était probablement une bonne suggestion.

À moins que le gouvernement ne modifie du tout au tout l'aide qu'il apporte aux agriculteurs, je ne vois pas d'issue. Je ne vois pas comment l'agriculture pourra survive à titre d'activité viable, surtout si on songe à la ferme familiale.

C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment.

Le président: Et vous l'avez très bien dit. Je vous remercie, monsieur Norman.

Nous allons maintenant entendre Hilton Pharis. Bonjour.

• 1035

M. Hilton Pharis (témoignage à titre personnel): [Woodlot Association of Alberta] Je vous remercie, monsieur le président.

Je représente un secteur relativement limité de l'agriculture de l'Alberta ou même, pendant que nous y sommes, du Canada. Je dois dire que j'aimerais appuyer avec enthousiasme les propos des autres témoins entendus ce matin, mais je limiterai mes propos aux terres à bois du Canada.

En Alberta seulement, les terres à bois génèrent environ 75 millions de dollars à la ferme pour bon nombre d'exploitants habituellement de taille plutôt raisonnable. Sur ce, je vous présente mon mémoire.

Dans une lettre adressée à M. Glover, président de la Woodlot Association of Alberta, en date du 24 novembre 1999, l'honorable Ralph Goodale, ministre des Ressources naturelles, a reconnu l'importance que revêtent des terres à bois durables pour le Canada. L'association accueille avec satisfaction l'adoption d'une telle approche par le gouvernement fédéral.

Nous pensons que l'exploitation de terres à bois durables joue un rôle important dans de nombreuses régions. À titre d'exemple, une telle activité permet de préserver et d'améliorer la qualité et la quantité des sources d'eau douce, de mettre en valeur l'habitat de nombreuses espèces de plantes et d'animaux, de contribuer à l'approvisionnement de nos marchés en bois et autres produits, d'assurer un rendement financier durable à de nombreux propriétaires fonciers, lesquels sont habituellement des exploitants comparativement petits et, enfin, de jouer un rôle important dans l'atténuation des impacts des émissions de gaz à effet de serre.

Au nom d'une saine planification, nous pensons que tous les ordres de gouvernement devraient encourager la préservation et l'expansion des terres à bois durables. Dans le champ de compétence du gouvernement fédéral, deux secteurs de préoccupation ont trait aux règles fiscales actuelles, ce qui risque de décourager l'exploitation à long terme de terres à bois.

La première préoccupation a trait au transfert des terres à bois d'une génération à l'autre. Habituellement, les terres agricoles peuvent être cédées à la génération suivante sans impôt sur les gains en capital. En ce qui concerne les terres à bois, c'est souvent impossible. Pour satisfaire aux exigences fiscales, le propriétaire peut choisir de vendre le bois ou de convertir la terre à d'autres usages. Nous pensons que la cession de terres à bois légitimes devrait bénéficier des mêmes avantages relatifs au report de l'impôt que les terres agricoles.

Le deuxième enjeu a trait aux dépenses déductibles d'impôt pour l'exploitation et l'entretien de terres à bois. Pour être admissibles aux déductions, les exploitants doivent montrer qu'ils sont raisonnablement en droit d'attendre un revenu dans un délai très court. Souvent, il faut des décennies pour tirer un revenu d'exploitations sylvicoles. Cette situation tend à dissuader des propriétaires de terres à bois d'investir dans la gestion à long terme de leurs propriétés. À notre avis, la structure de l'imposition devrait tenir compte de la nature même de l'exploitation des terres à bois, qui est axée sur le long terme.

Depuis quelques années, l'exploitation de terres à bois suscite un regain d'intérêt. Les intéressés accueilleront avec enthousiasme les mesures incitatives prises par tous les ordres de gouvernement. Les collectivités concernées en tireront des avantages environnementaux et financiers considérables.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Pharis.

Vos propos me semblent liés de près à ce dont nous débattons aujourd'hui. Si, en effet, les pourparlers ont été dominés par l'agriculture, nous nous intéressons aussi au Canada rural. Pour ce qui vous concerne, les terres à bois constituent bien entendu un facteur important dans votre secteur du Canada rural.

Nous allons maintenant passer à Larry Van Slyke. Bonjour.

M. Larry Van Slyke (témoignage à titre personnel): Bonjour.

Parmi toutes les personnes ici présentes, j'espère ne pas être le seul à être plongé dans la confusion. Toute la semaine, j'ai discuté avec des voisins et je me suis documenté à propos du FIDP, du CSRN, de Kroeger et de l'Organisation mondiale du commerce, mais je n'ai pas tiré de bien nombreuses conclusions de mes démarches.

C'est pour moi un plaisir que de participer à la présente tribune. Lorsque des politiciens sont prêts à nous écouter, nous, agriculteurs, avons en quelque sorte l'obligation de faire part de notre expérience. J'aimerais présenter certaines idées qui me sont venues à propos des problèmes que connaît l'agriculture ainsi que des vues ou des propositions de mes voisins. Malheureusement, nous n'avons pas la solution.

Ce qui m'a attiré dans l'agriculture, à l'origine, c'est la gestion de l'offre. Mes parents exploitaient une unité commerciale de production d'oeufs. L'agriculture a été bonne pour nous. Nous pouvions emprunter et agrandir nos installations grâce à la sécurité que nous assurait le rendement sur nos coûts de production, lequel nous permettait de rembourser nos prêts.

• 1040

En 1989, nous avons senti que les négociations commerciales menaçaient la gestion de l'offre. Nous avons alors vendu notre exploitation. À l'heure actuelle, nous exploitons une terre de 1 400 acres, dont la moitié en location, où nous faisons pousser des céréales, des légumineuses à grains, des fèves oléagineuses et du fourrage.

À propos de la crise du revenu, je ne vais pas citer de chiffres à propos des coûts des intrants et du prix des céréales. Vous y avez accès et vous les connaissez mieux que moi.

Permettez-moi de citer un exemple tiré de mon expérience personnelle. À mes débuts, en 1976, j'ai acheté un quart de section de terre et établi mes projections à partir d'un prix de 2 $ le boisseau d'orge. À l'époque, l'Avadex nécessaire pour traiter un acre de terrain coûtait 6 $. Vingt-quatre ans plus tard, l'orge se vend toujours à 2 $ le boisseau, et l'Avadex nécessaire pour traiter un acre de terrain coûte 16,50 $. En 1976, nous misions déjà sur de bonnes espèces, nous avions recours à des vaporisateurs et à des engrais, et nos rendements étaient bons, de sorte que les gains de productivité réalisés depuis n'ont pas eu pour effet d'effacer le déséquilibre prix-coût.

Quant aux frustrations que nous connaissons, nous travaillons d'arrache-pied, nous courons des risques et nous faisons l'essai de récoltes et de techniques nouvelles. J'augmente la valeur de ma ferme depuis 25 ans. Mes parents contribuent à faire augmenter la valeur de certains actifs depuis plus de 50 ans. La ferme se suffit à elle-même, du moins jusqu'ici, du point de vue des liquidités, mais notre équipement vieillit. L'âge moyen de nos tracteurs est de 18 ans. Pour vivre, nous misons sur des investissements effectués à l'extérieur de la ferme. Pourquoi devrions-nous continuer à effectuer le travail et à courir des risques si les rendements sont nuls?

Je suis également en colère à l'idée de ne pas pouvoir inciter mes neveux à se lancer dans l'agriculture et à poursuivre le travail entrepris par leur arrière-grand-père il y a 100 ans. Là où je vis, nous avons un club qui s'intéresse à l'ensemencement direct. En prévision des délibérations d'aujourd'hui, j'ai demandé aux membres du groupe s'ils avaient des suggestions à formuler à propos des filets de sécurité et de la crise du revenu agricole. Les vannes se sont ouvertes, et j'ai eu droit à un déferlement d'émotions et de colère à l'endroit de divers organismes. Dans certains cas, les cibles n'étaient probablement pas les bonnes.

Ce qui met les agriculteurs en colère, c'est que les gouvernements, dans leur hâte de se conformer aux règles du GATT, nous ont laissés sans défense, offerts aux quatre vents. Ils sont en colère contre l'industrie céréalière, de la Commission canadienne du blé aux chemins de fer en passant par les sociétés céréalières, qui ont apporté des modifications radicales—et qui nous ont refilé tous les coûts. Ils sont en colère contre l'industrie des aliments pour animaux et des pesticides qui, pour 16 $ l'acre, semblent avoir une solution à tous les maux. Enfin, ils sont en colère contre les abattoirs, qui sont de plus en plus concentrés et en voie d'intégration verticale.

Comment en sommes-nous venus là? À la suite de l'Uruguay Round, on s'attendait à ce que les prix des céréales se redressent. Les gouvernements ont profité de l'occasion pour sabrer dans les budgets et se sont empressés de se conformer aux engagements pris dans le cadre du GATT. Les compressions effectuées par le gouvernement fédéral depuis 1991-1992 se chiffrent à quelque 4 milliards de dollars. Depuis 1983, le prix du transport a été multiplié par sept. On a par ailleurs assisté à la révolution verte et à la naissance de l'agriculture haute-production. Des pressions s'exercent pour que les rendements augmentent, dans un contexte mondial. On incite les pays en voie de développement à exporter leurs produits agricoles pour faire face à leurs engagements de prêts. Il en résulte, à l'échelle du monde, des stocks de céréales élevés et des prix faibles, sans signe d'amélioration à l'horizon.

Dans notre évaluation des règles et des conséquences du GATT, nous avons fait preuve de naïveté. Ni le Japon, ni les États-Unis ne renonceront à leur politique agricole intérieure, non pas surtout pour des raisons économiques, mais bien pour des raisons politiques et sociales.

Que faut-il faire? Les sociétés céréalières consacrent des millions de dollars à la modernisation des systèmes d'élévateurs du pays afin d'assurer la manutention de céréales que nous n'avons plus les moyens de produire. Je suis frappé de constater que les banques, les sociétés céréalières, les chemins de fer, les détaillants d'engrais, les détaillants de pesticides, les sociétés pétrolières, les courtiers, etc., dépendent tous des producteurs primaires. Au cours des dernières années, nous avons obtenu des taux record d'exportation de produits agricoles. Pendant ce temps, les agriculteurs couraient à la faillite. Si ces exportations revêtent autant d'importance qu'on le dit pour notre balance des paiements et, par voie de conséquence, pour le pays dans son ensemble, et que toutes les entreprises que j'ai évoquées dépendent des producteurs primaires, nous avons intérêt à trouver un moyen de partager les revenus.

Quelles sont les solutions? Je n'ai pas la réponse, je le répète. Elles sont probablement nombreuses. À court terme, l'Alberta a récemment annoncé que des améliorations seraient apportées au FIDP, et je pense que le programme sera dès lors beaucoup plus utile. À titre d'exemple, on utilise maintenant les trois meilleures années sur une période de cinq ans.

Le président: Oui, nous avons modifié cette règle.

M. Larry Van Slyke: Ce sont là des solutions à court terme, et les deux programmes ont été conçus pour faire face à une catastrophe.

Pour remédier aux problèmes immédiats, nous nous sommes demandé si on pourrait injecter des fonds à court terme dans le CSRN. Certains agriculteurs à qui j'ai parlé mettent en doute l'approche axée sur le paiement à l'acre. Le phénomène s'explique en partie par le fait qu'on retrouve dans notre région de nombreuses personnes qui s'adonnent à l'élevage intensif du bétail.

À titre d'exemple, il est possible qu'un producteur laitier possède 300 acres de terre. Or, il se tire probablement plutôt bien d'affaire dans le cadre du régime de gestion de l'offre. Aurait-il droit à un paiement à l'acre? C'était une simple digression.

• 1045

À plus long terme, nous devons revoir notre position dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du commerce. Nous devons assurer la défense de la gestion de l'offre. Nous devons instaurer des mécanismes grâce auxquels une partie des revenus tirés de la chaîne agroalimentaire reviendront aux producteurs primaires. Par exemple, il faut que les gains de productivité réalisés dans la manutention et le transport des céréales reviennent aux producteurs. Or, les sociétés céréalières font ce qu'elles ont pour mandat de faire, à savoir réaliser des profits, et elles ne vont pas volontiers se prêter au jeu.

Peut-être pourrait-on retourner aux producteurs certains impôts versés sous forme d'intrants. On y a fait allusion plus tôt aujourd'hui. Peut-être aussi pourrions-nous revenir à un régime d'imposition du revenu moyen en raison des fluctuations de revenu auxquelles nous sommes sujets. À long terme, j'aimerais que l'on remanie le CSRN et qu'on en fasse la clé de voûte de nos programmes de soutien.

Je vous remercie, et je vous souhaite bonne chance. Nous en avons tous besoin.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Neil Wagstaff. Bonjour.

M. Neil Wagstaff (témoignage à titre personnel): Bonjour.

Ma femme et moi exploitons une exploitation céréalière située près d'Elnora, à environ 90 milles au nord-est de là où nous nous trouvons. Je crois que nous représentons les nombreuses personnes qui, pendant de nombreuses années, ont cultivé la terre à temps partiel et travaillé en même temps afin d'accumuler suffisamment de capitaux pour pouvoir s'adonner à l'agriculture à temps plein. Encore aujourd'hui, nous devons travailler à l'extérieur pour arrondir notre revenu agricole.

Au cours des trois dernières années, nous avons eu la chance, dans notre région, d'obtenir des récoltes supérieures à la moyenne. C'est le genre d'années sur lesquelles les agriculteurs misent habituellement pour constituer des réserves et réduire leurs dettes. Avec le déclin des prix des produits de base et l'augmentation des coûts des intrants et des dépenses, au titre par exemple du transport et de la manutention, nos marges bénéficiaires, hélas, nous permettent à peine de joindre les deux bouts.

En 1998 et 1999, nous avons eu à nous résoudre à encaisser nos REER, et nos économies, retirer de l'argent de notre compte du CSRN et travailler à l'extérieur de la ferme. En outre, nous avons la chance de bénéficier d'une certaine activité pétrolifère et de la présence d'un pipeline sur notre terre, ce qui a généré certains revenus.

Au cours des derniers jours, j'ai, sur ma ferme, consacré de nombreuses heures à des calculs et à des projections. Plus je calcule, et plus je m'inquiète. Si, en 1999, ma récolte avait été moyenne, je me trouverais aujourd'hui dans une situation financière précaire. Selon mes estimations, j'aurais subi des pertes pouvant atteindre 60 000 $, soit de l'ordre de 40 $ à 60 $ l'acre.

Il est certain qu'il se trouve des agriculteurs capables d'assumer facilement des pertes de cette ampleur ou même plus importantes pour l'année dernière parce qu'ils ont eu la chance, comme moi, d'obtenir une récolte-tampon. On ne peut toujours compter là-dessus. Si, l'année prochaine, la récolte est moyenne ou inférieure à la moyenne, les programmes de filet de sécurité qui existent ne suffiront pas pour nous mettre à l'abri de pertes majeures.

J'aimerais vous faire part de certaines de mes observations à propos de l'efficacité des programmes de filet de sécurité sociale existants. En Alberta, la protection qu'assure l'assurance-récolte est tout à fait insuffisante. Elle est bien loin de suffire à compenser nos coûts d'intrants actuels. Pour faire leurs frais, la plupart des agriculteurs de la région croient avoir besoin d'une somme brute de plus de 200 $ l'acre par année. Selon l'organisation des récoltes, l'assurance-récolte verse au maximum de 125 $ à 140 $ l'acre.

Je crois que le CSRN est un très bon programme, non sans quelques défauts. Les dépôts que les agriculteurs y effectuent sont puisés à même le revenu après impôt, et ils ont souvent besoin de réinvestir leurs liquidités dans l'exploitation agricole. Bon nombre d'agriculteurs ont choisi de ne pas effectuer de dépôt, particulièrement lorsque les temps seront difficiles, comme c'est le cas depuis quelques années pour plusieurs.

De même, les modalités qui régissent le droit d'un agriculteur d'effectuer un retrait du CSRN sont par trop restrictives. En fait, on devrait pouvoir effectuer un retrait quand on en a besoin, sans nécessairement s'en remettre à une projection à jour ou au revenu réel de l'année précédente.

• 1050

Dans mon propre cas, j'ai eu besoin de revenus additionnels en 1999, et, sur la foi de mon revenu de 1998, je n'ai pas été autorisé à effectuer un retrait, jusqu'à ce que les règles soient modifiées l'été dernier. On a alors haussé le seuil de revenu fixé pour le droit d'effectuer un retrait.

Dans un proche avenir, de quel filet de sécurité les nombreux agriculteurs qui retirent leurs fonds du CSRN et vident petit à petit leur compte bénéficieront-ils? Il y a bien l'ACRA qui, en Alberta, s'appelle le FIDP. Il ne fait aucun doute que certains agriculteurs ont obtenu de l'aide dans le cadre de l'ACRA. Je me risquerai à dire qu'il s'agit pour l'essentiel d'exploitations axées sur un seul et unique type de produit et que l'ACRA ne suffira pas pour permettre à bon nombre de ces entreprises de demeurer en affaires.

Les producteurs céréaliers de récoltes diversifiées susceptibles d'être admissibles à l'ACRA seront fort peu nombreux. Lorsque la marge moyenne suffit à peine à assurer la survie, le maintien d'une marge de 70 p. 100 n'est pas suffisant pour permettre à une exploitation de demeurer en activité.

J'ai discuté avec un certain nombre d'exploitants en proie à de graves difficultés financières. Souvent, ils n'y sont pour rien. Or, ils n'ont pu faire faire établir leur admissibilité au FIDP ou à l'ACRA. Je crois que les agriculteurs ont perdu confiance dans l'ACRA. Malheureusement, bon nombre d'entre eux voient dans le programme une plaisanterie cruelle ou un exercice de relations publiques coûteux auquel se sont livrés les gouvernements fédéral et provinciaux.

Quelles sont donc les solutions? Je suis certain que vous conviendrez comme moi qu'il n'y a pas de solutions faciles, mais c'est le bien-être de l'économie des Prairies qui est en jeu. Pour que l'Ouest canadien demeure prospère, la production céréalière doit devenir une entreprise commerciale plus viable. La tendance observée au cours des trois dernières années, à savoir une augmentation du revenu brut jumelée à une diminution du revenu net, ne pourra pas se poursuivre bien longtemps.

Un pourcentage élevé de la production céréalière de l'Ouest canadien dépend des exportations vers un marché mondial injustement altéré par les subventions. Dans un très proche avenir, nous devrons revoir notre attitude vis-à-vis du commerce mondial et des subventions. Il faut mettre au point une forme quelconque de filet de sécurité sociale pour reconnaître le caractère unique de l'agriculture dans les Prairies, qui dépend tant des exportations et qui est miné gravement par le prix des denrées—prix qui ne reflète pas le coût réel de la production dans l'ouest du Canada.

Je vais laisser tomber les calculs que je vous ai présentés dans le mémoire—qui circule parmi vous—quant à la moyenne à long terme des récoltes et des prix qu'il faut pour faire ses frais. Vous pouvez en faire la lecture vous-même. J'ai aussi établi les prévisions et les prix du marché pour les denrées que je produis moi-même. L'essentiel, comme vous le constaterez, c'est qu'il y a un écart évident.

Plus je fais des lectures sur la situation agricole aux États-Unis, plus je me rends compte du fait que le programme américain de prêt complémentaire semble bien fonctionner, et je me demande pourquoi nous ne sommes pas en mesure d'appliquer un programme semblable aux producteurs céréaliers de tout le Canada. Un tel programme représente une rentrée d'argent immédiate pour le cultivateur céréalier et s'articule autour d'un prix qui est assimilé au seuil de rentabilité. Du point de vue commercial, comment les États-Unis pourraient-ils s'opposer à un programme qui est pareil à celui qu'ils offrent eux-mêmes à leurs producteurs céréaliers?

Quant à la question des paiements à l'acre, il en a beaucoup été question. C'est certes une solution simple et rapide, mais si elle n'est pas fondée sur la productivité, cela donnera lieu à de graves inégalités.

Le vieux RARB que nous avons mis au rebut aurait pu être l'un des meilleurs programmes de sécurité sociale pour les cultivateurs céréaliers que l'on ait pu connaître. Malheureusement, il n'a pu se développer assez longtemps pour devenir viable sur le plan actuariel. Le temps est peut-être venu d'élaborer à nouveau un programme de ce genre.

Quant aux taxes, impôts, droits et frais, ce n'est pas une solution rapide, mais c'est un domaine où il serait possible de réduire considérablement le coût des intrants. Les bureaucrates ont malheureusement mis en place nombre des droits et frais en question pour préserver les programmes dans les ministères sommés de réduire le personnel et les coûts, si bien qu'on ne saurait leur confier des recherches sur les possibilités de cette nature. Il faudrait donner aux associations agricoles les ressources nécessaires pour faire des recherches sur les occasions à cet égard et pour en faire rapport au gouvernement. Dans le domaine agricole, le prix des intrants cache toujours taxes et impôts, et le coût des combustibles et le coût des engrais en sont deux éléments très évidents.

La capacité de procéder périodiquement à un étalement en bloc du revenu, grâce à une disposition fiscale pour l'étalement du revenu sur cinq ans, permettrait aux cultivateurs dont les revenus sont médiocres pour l'année de recouvrer une part de l'impôt versé durant une année de prospérité.

• 1055

Il faut réorganiser le CSRN de manière à pouvoir regarnir rapidement les comptes lorsqu'ils sont vidés. Une plus grande subvention de contrepartie de la part du gouvernement, dans le cas des soldes peu importants, devrait être envisagée.

Il faudrait aussi envisager une contribution gouvernementale ponctuelle aux comptes du CSRN pour tous les cultivateurs céréaliers. Fondée sur les ventes nettes admissibles, une telle formule serait une façon simple, rapide et équitable d'injecter des fonds dans le secteur des céréales.

En résumé, c'est l'industrie agricole des Prairies dans son intégralité qui va très mal. L'économie de nombreuses collectivités rurales est en piètre état, et nombre de fermes céréalières périclitent lentement, mais sûrement, avec la déperdition d'actifs constitués pendant des générations.

Dans bien des régions des Prairies, nous sommes sur le point de connaître un effondrement économique comparable à celui des années 1930. Pour que la situation devienne extrêmement grave, il suffira d'une mauvaise récolte largement répandue. C'est un problème qui est devenu plus grave durant les trois dernières années, avec les grands secteurs qui ont connu de mauvaises récoltes et où le prix des denrées est bas. Jusqu'à maintenant, la seule solution qui ait été proposée, c'est l'ACRA—programme inadéquat. Il faut adopter des programmes et des plans pour réduire au minimum les dommages subis, et le temps file.

À court terme, l'économie céréalière a besoin d'une importante injection de fonds, soit d'ici quelques mois. À long terme, il faut mettre au point les filets de sécurité efficaces qui représenteront une assurance adéquate pour les exploitations agricoles dont la gestion est efficace et qui sont touchés par des conditions échappant à leur volonté.

Il faut envisager dans une autre perspective le débat qui vise à savoir si le Canada peut se permettre le niveau d'assistance dont ont besoin les cultivateurs céréaliers. Je vous poserais la question: avons-nous vraiment les moyens de ne rien faire? L'économie des Prairies est à risque si nous n'agissons pas bientôt.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Wagstaff. J'apprécie vos commentaires.

Avant de céder la parole à M. Breitkreuz, Larry, on m'a dit que pour établir la moyenne dans le contexte du FIDP, il faut compter les trois meilleures années, sur cinq. Par contre, dans le cas de l'ACRA, c'est la moyenne dite olympique qui est proposée—c'est-à-dire qu'il faut laisser tomber, sur les cinq dernières années, le revenu le moins élevé et le revenu le plus élevé. C'est la moyenne des trois années qui est prise, il me semble.

Je voulais simplement poser aux agriculteurs une question qui est un peu différente de celle de M. Thompson. Essentiellement, M. Thompson vous a demandé si vous préfériez l'ACRA, d'une part, ou le paiement à l'acre, d'autre part. Le résultat a été assez concluant: vous préférez le paiement à l'acre.

Permettez-moi de poser une question qui est un peu différente. Le résultat sera peut-être le même, mais c'est une question philosophique. Oubliez l'ACRA. Quel programme d'aide fédérale aurait votre faveur? Préférez-vous un programme qui est ciblé et qui permet de verser de l'argent aux agriculteurs qui en ont le plus besoin, ou encore un paiement général qui est destiné à tous les agriculteurs, quels que soient leurs revenus ou leur situation financière? Ceux parmi vous qui sont pour une aide ciblée, je vous prie de lever la main.

C'est donc moitié-moitié.

Merci beaucoup.

Monsieur Breitkreuz, nous vous accordons sept minutes.

M. Garry Breitkreuz: Merci, monsieur le président, et merci beaucoup de venir nous voir. Je tiens à remercier tous les agriculteurs qui se trouvent dans l'assistance. Je suis sûr qu'il y a là une centaine de récits à relater, et nous devons en entendre le plus grand nombre possible.

Larry, vous avez dit espérer n'être pas la seule personne qui soit confuse ici. Voilà le choix. Le problème est très simple à régler, mais le temps qu'il faut pour que cela se rende à Ottawa, et il y a des choses comme l'ACRA qui viennent poser des difficultés, on se demande, mais vraiment, comment se fait-il qu'un message si simple puisse se perdre? Si je suis confus, c'est que je me demande pourquoi le gouvernement ne comprend pas et n'agit pas. C'est très déroutant. Car s'il nous fallait écouter chacun de la centaine de cultivateurs qui se trouvent ici, je crois que les problèmes réels deviendraient extraordinairement clairs.

• 1100

Nous avons été induits en erreur. Permettez-moi de vous donner un exemple de la confusion dont il est question. On nous a dit que les ententes de l'OMC que nous avons signées ne permettent pas le paiement à l'acre—que c'est ambré ou c'est rouge. Or, cela n'est pas vrai. Voici la chose, écrite noir sur blanc: le critère pour les céréales permet le versement d'un paiement à l'acre, à une réserve près: cela ne doit pas influer sur les décisions du producteur ou sur l'admissibilité à un paiement.

Il y a eu de la confusion parce qu'on nous a envoyé des messages contradictoires à cet égard. Il y en a peut-être parmi vous qui aimeraient réagir à cela. On verra bien.

Je me suis entretenu avec le comité, et nous avons eu l'avis des agriculteurs de toutes les Prairies: du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. C'est toujours le même récit auquel j'ai droit. Le monde agricole ne va pas très bien.

Il y a une chose que je ne comprends pas. Glenn, vous vous demandez à quoi bon garder votre capital à la ferme. Par ailleurs, vous dites que cela ne donne rien de demeurer dans le domaine agricole. À ce moment-là, pourquoi les grandes sociétés souhaitent-elles mettre de l'argent dans les immobilisations comme les terres agricoles, si les cultivateurs eux-mêmes ne peuvent les rendre rentables? J'aimerais que vous vous attaquiez à la question.

M. Glenn Norman: Parce qu'elles ont un marché captif—la grande société peut tout contrôler, de la production initiale jusqu'à la vente au consommateur. Si elle nourrit le bétail, si elle cultive ses propres céréales, elle croit pouvoir contrôler le marché entier. Et comme les grandes sociétés ont le contrôle, le résultat c'est que Cargill, IVP et... je crois qu'il y en a une autre... s'approprient 85 p. 100 des ventes de boeuf en Amérique du Nord.

C'est la vraie raison pour laquelle les grandes sociétés s'intéressent aux terres agricoles. Je ne crois pas qu'elles puissent être plus efficaces que l'exploitation agricole familiale. Essentiellement, c'est qu'elles ont mis la main sur la production intégrale, depuis les céréales au départ jusqu'à l'élevage, et, dans bien des cas, elles possèdent probablement en tout ou en partie le distributeur final, le détaillant, ou, certes, le produit final. Plus qu'autre chose, c'est qu'elles estiment pouvoir contrôler l'industrie en entier.

M. Garry Breitkreuz: Voilà une chose que je comprends. Vous êtes tombé dans le mille.

M. Neil Wagstaff: Je suis d'accord avec ce que Glenn a dit. Elles ont également une capitalisation à long terme plus importante que la plupart des fermes. La plupart des cultivateurs céréaliers, en particulier, fonctionnent d'année en année, et ne peuvent aller au-delà de cette limite. Certains des plus importants, ceux qui ont un actif mieux établi, peuvent certes le faire. Il faut donc aborder avec soin la question: il y a les grandes sociétés, les exploitations agricoles constituées en sociétés, de moindre taille, et la ferme familiale. Il y a des distinctions à faire.

Pendant que j'ai le microphone devant moi, je souhaite faire une autre distinction. Nous ne cessons de parler des agriculteurs et de l'agriculture. Je souhaite faire ressortir le fait que le secteur agricole qui souffre vraiment en ce moment, c'est celui des céréales. On ne saurait généraliser et parler aussi des autres fermes, parce qu'il y a la gestion de l'offre qui fonctionne bien en ce moment, dans la plupart des cas, il y a certains secteurs de l'industrie du bétail qui connaissent certaines difficultés, en raison du cycle des denrées, mais la production céréalière, en particulier, connaît un problème très réel, aujourd'hui, à mon avis.

M. Garry Breitkreuz: La question logique qui s'impose maintenant est la suivante: que pouvons-nous faire, si les grandes sociétés commencent à investir le secteur? Et c'est bien le cas. En Saskatchewan, nous avons essayé, en créant Prairie Pasta, de prendre notre propre blé dur et de le transformer. Bien sûr, le gouvernement a semé une embûche sur notre chemin avec la Commission du blé, mais pourrait-il y en avoir plus? Que pouvons-nous faire à propos de cela? Nous n'allons peut-être pas trouver la réponse à cette question aujourd'hui, compte tenu du temps limité dont nous disposons, mais est-il possible d'empêcher les grandes sociétés de s'approprier le secteur?

Je crois que les gens dans les villes ne sont pas conscients du danger dont il est question ici. La politique d'approvisionnement alimentaire bon marché que connaît le pays disparaît, si nous laissons cette tendance se poursuivre. Les gens de Toronto et de Montréal, en ce moment même, peuvent compter sur un approvisionnement alimentaire sans danger, et ils estiment que ce sera toujours le cas.

• 1105

M. Neil Wagstaff: Je vous interromprai à nouveau. Nous devons faire la distinction entre les solutions à long terme et les solutions à court terme. Si nous commençons à parler de diversification et de choses du genre, nous parlons de solutions à long terme. Maintenant, nous devons envisager les solutions à court terme, sinon il n'y aura pas de long terme.

M. Garry Breitkreuz: Oui, mais avec les solutions à long terme, nous devons garder à l'esprit le fait que les grandes sociétés vont tout s'approprier si nous ne...

J'aimerais dire une chose aussi, et cela a trait au sujet que vous avez abordé, tout comme la personne qui a apporté un témoignage auparavant. Quelqu'un a dit: «En tant que cultivateur, je suis toujours le plus heureux lorsque j'ai des impôts à payer.» La question que je vous pose est la suivante: à quel moment ne paie-t-on pas d'impôt? Saviez-vous que, dans certains cas, le coût des intrants que vous assumez peut cacher une taxe allant jusqu'à 50 p. 100? Je ne comprends pas comment un agriculteur peut dire une chose pareille.

Je ne cherche pas à critiquer les témoins ici présents, mais quelqu'un a dit que le coût des intrants était à la hausse et que la solution résidait dans une hausse du prix des céréales. Je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas la seule solution. Si les taxes comptent pour la moitié du coût de vos intrants, il existe bien une autre solution, n'est-ce pas?

M. Glenn Norman: Là-dessus, je me demande si le fait pour le gouvernement d'éliminer les taxes sur le coût des intrants permettrait vraiment au cultivateur de garder cet argent. Je crois que, dans la plupart des cas, ce serait les grandes sociétés qui garderaient simplement l'argent. Elles bénéficieraient peut-être d'une réduction de 50 p. 100 du coût de leurs taxes, mais je doute qu'elles refilent l'économie ainsi permise au cultivateur comme consommateur. Et c'est une chose qui arrive sans cesse. On nous demande d'accepter un rendement de un ou de deux pour cent sur notre investissement, alors que cela est tout à fait inacceptable dans d'autres industries.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Norman. Il n'y a plus de temps.

Monsieur McGuire.

M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à tous.

Au cours des cinq dernières années, nous avons reçu un grand nombre de suggestions quant à l'avenir des filets de sécurité sociale et à la forme qu'ils devraient prendre. Beaucoup d'entre elles sont adaptées aux conditions locales. Tout le monde doit composer avec le prix peu élevé des céréales et le coût élevé des intrants, mais en plus de cela, il pleut trop ou il ne pleut pas assez, selon le coin du pays où vous vous trouvez.

Mais il y a un autre thème récurrent—et Larry en a parlé brièvement—c'est l'avenir de la collectivité rurale et ce qui va s'y passer. Aux audiences de Grande Prairie, hier, on a entendu parler du cas d'une collectivité rurale qui, en 1960, comptait 50 personnes—je devrais dire 50 familles, et qui en a maintenant quatre. Un autre témoin a parlé à son fils de la possibilité de prendre la relève à la ferme, ce à quoi le fils a répondu «Si tu fais cela, je vais appeler la DPJ».

Des voix: Bravo!

M. Joe McGuire: C'est à ce genre d'observations que nous avons droit. C'est drôle, mais dans le fond, ce n'est pas drôle. Les hôpitaux disparaissent, les écoles disparaissent, et les petites entreprises dans les régions rurales disparaissent. C'est une tendance qui semble irréversible au Canada et en Amérique du Nord.

Je me demandais simplement quelle était votre opinion là-dessus. Peut-on faire quelque chose en instaurant des programmes, ou est-ce au-delà de l'ingérence ou de l'influence des gouvernements, d'essayer de renverser une tendance au rapetissement des collectivités rurales, avec les gens qui se dirigent vers les grands centres urbains? M. Proctor y a fait allusion aussi—le fossé énorme qui se creuse entre les régions rurales et les régions urbaines. Maintenant, il y a un secrétaire d'État aux affaires rurales, Andy Mitchell, qui doit créer de nouveaux programmes en prévision du prochain budget.

Que pensez-vous de cette tendance? Essayons-nous de faire reculer les vagues à coup de chaîne, à la manière du roi Canute? Que peut-on faire, si tant est qu'il y a quelque chose à faire?

M. Neil Wagstaff: Je vais sauter dans la mêlée: une partie de mes fonctions non agricoles jusqu'à il y a dix ans environ, c'était l'expertise conseil en développement économique rural.

Ce sont des tendances que l'on observe depuis longtemps. Là-dessus, il n'y a pas de doute. Mais c'est le taux de déclin qui m'inquiète. Nous avons eu droit à la consolidation, avec des fermes de plus en plus grosses, si bien que la population rurale est moins nombreuse. La tendance se maintient donc. Mais ce qui est vraiment important pour les collectivités rurales, c'est l'argent et les rentrées d'argent dans les collectivités en question. Lorsque la situation économique est difficile, cela ne fait que compliquer les problèmes des collectivités.

Soit dit en passant, vous étiez à Grande Prairie hier—et j'y étais moi-même il y a deux semaines. J'ai là un ami qui est directeur des études pour South Peace. Je ne sais pas si cela a trait à votre présence hier, mais il m'a donné des statistiques sur le déclin des inscriptions depuis juin dans les écoles rurales de South Peace. C'était alarmant. Je lui ai demandé d'expliquer le phénomène. Il a dit qu'il y a des familles qui, simplement, abandonnent et s'en vont. Ce n'est pas qu'une tendance. C'est une réalité, une réalité extrême à court terme.

• 1110

M. Joe McGuire: Glenn, avez-vous des idées là-dessus?

M. Glenn Norman: Je ne sais pas. Je crois qu'il faut essentiellement soutenir l'exploitation familiale agricole si on veut que les gens demeurent dans les régions rurales, dans la majeure partie du pays. Notre propre région connaît une situation assez différente puisqu'il y a constamment des terrains qui sont mis en valeur. Le prix de nos terrains est astronomique. Pour une bonne part, cela n'est pas comparable à la Saskatchewan, au Manitoba, à l'Alberta. Chez nous, en fait, les gens sont plus nombreux à emménager dans le secteur rural. Ce ne sont pas des agriculteurs; les gens n'ont pas de véritable attachement pour la terre. Il arrive souvent que leur séjour soit très court.

Je crois que, si on ne soutient pas la ferme familiale, comme petite unité, on ne réussira pas à garder les gens dans des régions rurales, du moins dans la majeure partie des Prairies. Enfin, notre région, c'est le corridor Edmonton-Calgary, et, essentiellement, le domaine immobilier y connaît une vague de prospérité indéniable. J'ai donc de la difficulté à parler de cela d'après mon expérience personnelle, car je ne constate pas cela dans notre région. Dans la plupart des industries, si on ne garde pas les gens à la ferme et qu'on ne fait pas en sorte que les fermes soient viables, on ne peut y garder les gens. Vous allez constater, pour résumer, que les impôts sont à la hausse—comme je disais, quatre familles sont censées soutenir le district municipal.

M. Joe McGuire: Larry, vous avez réfléchi à cela. Selon votre exposé, vous avez beaucoup réfléchi à cela.

M. Larry Van Slyke: J'aimerais que la tendance soit renversée et qu'il y ait plus de gens. L'élément clé, pour moi, c'est de garder une part des recettes du secteur agroalimentaire. Je ne sais pas très bien quel mécanisme il faut employer pour faire cela. Je ne crois même pas que cela devrait nous gêner de demander cela. Ce n'est pas une subvention. Nous tenons seulement à avoir une part raisonnable.

S'il faut le faire par la fiscalité, alors imposez les chemins de fer et les compagnies céréalières, et redirigez l'argent vers les agriculteurs. Je ne sais pas comment faire pour en arriver là, mais il nous faut des mécanismes qui protègent le producteur primaire. Les producteurs primaires comme nous sont nombreux, mais le pouvoir que nous exerçons dans tout cela n'est pas énorme.

M. Joe McGuire: Permettez-moi juste quelques questions particulières—dont une qui porte sur la somme d'argent. S'il y avait un paiement à l'acre, si c'était là la solution, il y a un certain nombre de personnes qui ont dit qu'il faut que cela soit destiné au producteur, et non pas au propriétaire du terrain en tant que tel—je me demandais simplement quelle part des terres n'appartient pas en propre au producteur. Quelle part est louée, et quelles sont les formes d'accord de location que concluent les gens?

Le président: Neil, la parole est à vous.

M. Neil Wagstaff: La possibilité d'un paiement à l'acre m'inquiète vraiment, compte tenu des inégalités qui peuvent en découler. Prenons le paiement de la subvention du Nid-de-Corbeau par exemple. Le paiement allait au propriétaire foncier. Comme les gens sont nombreux à louer des terres et qu'il existe diverses formes d'accords de location, souvent... je me suis retrouvé dans une telle situation: j'ai presque perdu des terres louées simplement pour cette question, et le propriétaire ne voulait pas partager.

Je crois qu'un paiement complémentaire du CSRN est le meilleur équivalent potentiel d'un paiement à l'acre. Si vous prenez pour référence les céréales et les recettes nettes de la vente, et créez une sorte de paiement supplémentaire du CSRN, c'est l'équivalent d'un paiement à l'acre d'une certaine façon, et cela irait à la production des acres de céréales.

M. Joe McGuire: Formidable, merci.

Le président: Tout juste avant de céder la parole à M. Proctor, puis-je dire un mot là-dessus, monsieur Wagstaff? Vous avez parlé des inégalités possibles auxquelles donnerait lieu un paiement à l'acre, que certaines personnes diraient que c'est tout simplement injuste. Croyez-vous que le paiement à l'acre est attrayant dans les circonstances présentes parce qu'on y voit une façon beaucoup plus rapide de verser l'argent? Est-ce la raison pour laquelle le paiement à l'acre représente la préférence d'un si grand nombre?

M. Neil Wagstaff: Je crois que les gens sont nombreux à y voir une façon très simple et très rapide de procéder.

Le président: Mais sont-ils prêts à accepter certaines des inégalités qui vont avec la formule?

• 1115

M. Neil Wagstaff: Peut-être, mais je crois que certaines de ces inégalités deviendront exagérées d'elles-mêmes et poseront un problème une fois les choses faites.

Le président: Croyez-vous qu'un paiement complémentaire au CSRN pourrait être presque aussi rapide?

M. Neil Wagstaff: Oui, parce que l'administration est déjà en place et que le travail se fonde sur les déclarations d'impôt sur le revenu. Un grand nombre d'agriculteurs participent déjà au CSRN. De par leurs comptes, la plupart des agriculteurs ont déjà la capacité de communiquer les renseignements voulus en rapport avec ce genre de paiement.

Le président: Merci.

Merci de votre patience, monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Ce n'est rien. Merci.

Monsieur Wagstaff, outre le paiement complémentaire du CSRN, vous avez dit que le vrai problème réside dans le secteur des céréales. J'essaie de faire le lien entre les deux, et je vous demande si le paiement complémentaire du CSRN réglerait le problème, selon vous.

M. Neil Wagstaff: Je crois qu'on ciblerait les recettes du secteur céréalier dans le cas d'un paiement complémentaire du CSRN.

M. Dick Proctor: Oui. Bon, je ne sais rien de l'Alberta—j'imagine que les chiffres sont ici, mais je ne les ai pas devant les yeux—mais ce ne sont pas tous les agriculteurs de la Saskatchewan qui ont un compte au CSRN, même si bon nombre en ont. Avez-vous pensé à une façon de régler ce problème?

M. Neil Wagstaff: Je dis qu'il serait possible, pour ceux qui n'ont pas actuellement de compte au CSRN, de générer un compte au CSRN.

M. Dick Proctor: Je vois. Il y aurait donc un élément qu'il nous faudrait ajouter. Voilà qui est utile.

Monsieur Van Slyke, une des personnes de Regina venues témoigner, a dit, en qualité d'entrée en la matière: il n'y a pas de doute là-dessus, l'agriculture est en pleine période de prospérité; les récoltes n'ont jamais été si bonnes, les agriculteurs n'ont jamais été si efficaces, les exportations du secteur agroalimentaire sont passées d'un peu plus de un milliard de dollars il y a trente ans à plus de vingt milliards de dollars aujourd'hui. C'est donc la prospérité; la réalité, c'est que les agriculteurs profitent très peu ou pas de ce succès.

Voici notre situation: c'est notre neuvième et dernière réunion, ici, cette semaine. Un témoin a dit auparavant que, selon les indications, M. Martin projette un surplus très important qui s'approcherait des 100 milliards de dollars d'ici quatre ou cinq ans. Le déficit a été éliminé durant les quelques dernières années, et on pourrait faire valoir que cela s'est fait, pour une bonne part, sur le dos des agriculteurs, avec l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau et ainsi de suite. Je crois pour moi-même que le gouvernement a les moyens voulus de corriger la situation; ce qu'il n'a pas pour l'instant, c'est la volonté de le faire, ou ce que nous n'avons pas encore vu, c'est cette volonté de corriger la situation. Je vous inviterais à nous faire part de vos observations, monsieur Van Slyke, et tous les autres.

M. Larry Van Slyke: Je serais d'accord avec cela. Je crois que le gouvernement n'a pas tout fait pour se tenir au courant de l'évolution de la situation agricole et, maintenant, subitement, nous avons droit à une crise. Compte tenu du marché commercial international, je crois qu'il ne serait pas du tout déplacé de la part du gouvernement canadien de soutenir l'agriculture.

M. Glenn Norman: Je crois que les gens y voient peut-être un gros cadeau pour le secteur agricole. Mais enfin, si on décide de remettre 3 milliards de dollars aux agriculteurs, les agriculteurs vont dépenser l'argent en question. Cela va stimuler l'économie; cela va donner des impôts; cela va donner des retombées pour la collectivité. Ce sera l'effet boule de neige. Le gouvernement va récupérer sa mise jusqu'au dernier sou.

M. Dick Proctor: Monsieur Wagstaff.

M. Neil Wagstaff: Pour faire suite à ce qu'ils disent, simplement, nous devons réfléchir au genre de fonds que nous voulons injecter pour stimuler l'industrie, plutôt qu'à une subvention. Nous devons reconnaître le fait que nous fonctionnons sur un marché international où il y a une part de concurrence déloyale. L'industrie pétrolière en Alberta ne semble jamais s'opposer aux mesures incitatives; elle n'obtient pas de subvention, mais elle a certainement droit à de l'aide de temps à autre.

M. Dick Proctor: Oui. Monsieur Pharis, avez-vous une idée là-dessus?

M. Hilton Pharis: Je crois que c'est assez évident pour le court terme. La solution à long terme... je n'ai pas de réponse à cette question. La solution à court terme, c'est de mettre de l'argent entre les mains des agriculteurs, les cultivateurs céréaliers en particulier.

M. Dick Proctor: Oui.

M. Hilton Pharis: Lorsque vous demandez quelle serait ma préférence, je dirais que je crois personnellement qu'il faudrait verser l'argent à ceux qui en ont besoin. Comment y arriver? Je n'en sais rien, mais c'est là ma préférence.

• 1120

M. Dick Proctor: Et si nous optons pour la solution ciblée, ou même pour un paiement général pour tous, comment s'assurer que l'argent se retrouvera entre les mains des agriculteurs pour qu'ils puissent s'en servir, plutôt que de voir le coût des intrants augmenter encore parce que, subitement, les agriculteurs ont de l'argent sur eux pour payer des choses qu'ils n'arrivaient pas à payer il y a un mois? Vous avez déjà fait allusion à la subvention du Nid-de-Corbeau et aussi, sans parler forcément du coût des intrants, au fait que le propriétaire foncier doit aussi faire sa part. Comment pouvons-nous procéder pour faire cela?

M. Neil Wagstaff: Je ne crois pas que l'on puisse contrôler ce genre de chose. Si vous remontez à 1995 et 1996, à l'époque où les temps ont été un peu plus heureux, sur une courte période, dans le secteur des céréales, même si ce n'était quand même pas le paradis sur terre, la subvention du Nid-de-Corbeau constituait un complément. Je crois que nous avons alors constaté l'augmentation des coûts de la machinerie et nous avons constaté l'augmentation du coût des intrants. C'est là un marché qui échappe probablement à notre volonté, mais, comme l'a dit Glenn, il y a encore de l'argent qui circule dans l'économie par l'entremise des agriculteurs.

Le président: Merci beaucoup.

M. Thompson.

M. Myron Thompson: Merci.

Je vais probablement m'en tenir à deux minutes et demie, puis les bonnes gens qui se trouvent ici sont libres de prendre à coeur ce que j'ai dit ou de le commenter d'une façon ou d'une autre.

Plus tôt, quelqu'un a dit que le moment est venu pour nous d'envisager les solutions simples et de cesser de compliquer les choses si terriblement que nous ne savons plus ce que nous faisons. Eh bien, il me semble que c'est une bonne idée. Je crois que la solution simple devrait commencer à Ottawa, au départ. Il nous faut une véritable évolution des attitudes au sein de ce gouvernement, une évolution sérieuse des attitudes qui fait prendre conscience du fait que l'agriculture est l'industrie la plus importante du pays. Nous ferions mieux de commencer à le voir ainsi, mais nous ne le faisons pas.

Des voix: Bravo!

M. Myron Thompson: J'aimerais prendre un certain temps pour faire l'éducation non seulement du grand public dans certaines des grandes villes, mais aussi, je crois, de certains avocats de Bay Street au sein de notre gouvernement, qui ont sérieusement besoin qu'on fasse leur éducation. Cela ne me dérangerait pas de m'occuper de leur enseignement pendant quelques jours, et je souhaiterais la bienvenue à quiconque voudrait se joindre à moi.

Lorsqu'il est question de solutions simples, je songe à tous les organismes gouvernementaux. Il est grand temps que tous les organismes affiliés au gouvernement d'une façon ou d'une autre, au pays, y compris la Commission du blé, soient ouverts et qu'ils rendent des comptes au public qu'ils servent. Il doit y avoir transparence. À mon avis, voilà une solution simple qui permettrait de mettre les choses en branle.

Je crois que nous devons commencer à regarder nos dépenses. Regardez les subventions accordées aux grandes entreprises qui profitent de grandes sommes d'argent. Elles obtiennent de grandes subventions. Regardez les sommes d'argent que nous versons aux groupes d'intérêts et aux personnes qui font partie d'un projet qui met en jeu leur intérêt personnel.

Pour ce qui est des comptes publics, je crois que tous les habitants du pays devraient avoir une copie des comptes publics, pour pouvoir constater où vont les impôts. Regardez ce qui se passe avec les projets du millénaire. C'est une bien belle chose. Allons dépenser plusieurs millions de dollars sur des projets du millénaire. Je suis sûr que les gens du lac Sylvan vont apprécier la statue de la sirène. Je ne sais pas si celle-ci ressemble à l'une quelconque des sirènes qui se trouvent dans le lac, mais, enfin, regardez ce genre de dépenses. La distribution gratuite de drapeaux, c'est une bien bonne chose aussi, un beau petit geste qui ne coûte encore que quelques millions de dollars.

Des comités se forment, et le gouvernement étudie toutes sortes de sujets invraisemblables. Ils dépensent des milliers et des millions de dollars, et, néanmoins, il n'y a rien pour arrêter cela. Il y a un comité qui étudie les personnes âgées et la sexualité. Je viens d'avoir 65 ans, mais je ne m'en sens pas mieux. Mais bon Dieu, des films à la Bubbles Galore? Il y a de l'argent qui va financer la production de ça. Il faut que les attitudes évoluent. Je crois que les habitants du pays devraient aider à ce que cette évolution se fasse, et le plus tôt sera le mieux.

Je crois qu'il devrait y avoir un seul et unique programme des plus solides en ce qui concerne la situation agricole. Il faudrait faire un véritable effort pour en concevoir un qui englobe tout—ce que faisait l'ACRA, ce que faisait le RARB et le CSRN, l'assurance-récolte, les mesures en cas de catastrophe et le règlement des différends commerciaux. Essayez de tout mettre cela ensemble pour que nous puissions dire: voilà ce que nous allons faire pour notre agriculture. Chaque fois que vous regardez l'ACRA ou le RARB ou le CSRN, chaque fois que vous créez quelque chose, vous ne faites que créer une autre bureaucratie énorme au sein d'un gouvernement qui, dans ses décisions, s'en va à la dérive.

Voilà pour mes commentaires. Je vous prie de me dire ce que vous en pensez.

• 1125

M. Glenn Norman: J'aimerais réagir à ce que vous avez dit au sujet de la Commission du blé.

À l'heure actuelle, les PDR de la Commission du blé représentent à peu près le seul cas de nature à réjouir pour ce qui est des denrées. Nos PDR se situent nettement au-dessus du prix local pour l'orge, et il en va de même pour le blé. Vous allez mettre aux rebuts une mesure qui a fait ses preuves maintes et maintes fois, au profit des agriculteurs. La vente à guichet unique devrait être exclue des négociations de l'Organisation mondiale du commerce. C'est probablement la seule chose que nous ayons qui soit de nature à réjouir en agriculture.

Des voix: Oh, oh!

M. Glenn Norman: Il y a bien des gens qui ne sont pas d'accord avec ça...

Une voix: Ça, c'est sûr.

M. Glenn Norman: ...mais le fait est que notre ferme, à long terme, depuis les treize années où je suis agriculteur, a fait plus d'argent avec le grain vendu à la Commission du blé qu'ailleurs. Ce n'est pas seulement que je sois piètre vendeur. Du point de vue de la mise en marché, je suis aussi efficace que quiconque. Notre ferme demeure viable. Ce qui m'inquiète, c'est de savoir pour combien de temps.

Avant donc de renoncer à la Commission du blé, nous devrions étudier la question sérieusement.

Je vois qu'il existe certaines difficultés entourant la production des pâtes en Saskatchewan, mais il arrive que l'intérêt personnel ne soit pas forcément ce qui se révèle être le mieux pour tous au départ. Ce qu'il faut peut-être, c'est qu'ils obtiennent un paiement initial plus élevé, du fait qu'ils livrent directement à leur propre entreprise. Peut-être que le paiement final devrait être le même.

Une voix: C'est une cannette d'eau gazeuse pour un boisseau de blé.

M. Glenn Norman: Eh bien, ce n'est pas tout à fait cela. Pour le prix qu'on me donne actuellement pour mon boisseau de blé, je pourrais probablement acheter cinq cannettes d'eau gazeuse.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Norman.

Vous pouvez poser une question très rapide, Joe.

M. Joe McGuire: J'aimerais savoir quelque chose à propos du CSRN. Les banques accordent-elles des prêts en fonction du fait que l'on n'encaisse pas ce qu'il y a dans son compte CSRN?

M. Glenn Norman: Non.

M. Joe McGuire: Elles n'en tiennent pas compte?

M. Neil Wagstaff: Non, et je crois que c'est un problème pour un grand nombre de personnes qui ont déposé des sommes dans le CSRN. Pour une certaine part, c'est votre propre argent. C'est votre avoir propre qui est mis là-dedans, mais vous ne pouvez vous en servir comme tel au moment de traiter avec les banques.

M. Joe McGuire: Avez-vous un point de vue sur la situation actuelle en ce qui concerne les OGM où ils sont sortis et quels effets ils ont? Ce n'est pas du tout une question facile, mais il y en a peut-être un parmi vous qui pourrait répondre à cela.

M. Glenn Norman: Je ne sais pas si les OGM sont bons ou mauvais. Tout ce que je sais, c'est que la vaste majorité du public, des consommateurs d'Europe—et cela commence à se répandre ici en Amérique du Nord, puis au Japon—y voit une sorte d'aliment mutant.

Pourquoi contaminer le meilleur blé qui puisse se trouver dans le monde en adoptant un blé transgénique? C'est de la folie. Je ne comprends pas pourquoi ils ont accordé un permis pour cela. Si la perception est là parmi le grand public, et cela n'a pas changé... en Europe, ils s'opposent avec véhémence aux OMG depuis qu'ils en ont entendu parler. Quoi qu'il se passe en Europe, cela finit par se répandre ici et, enfin, en Asie—alors pourquoi mettre notre industrie en péril en accordant le permis d'utilisation des OGM?

Une voix: Toutes les semences sont des OGM.

Le président: Merci.

Monsieur Wagstaff.

M. Neil Wagstaff: Pour ce qui est de la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons en ce qui concerne les OGM, compte tenu du resserrement financier qui se fait sentir dans le secteur des céréales, les OGM ont ceci d'avantageux qu'ils permettent d'améliorer nos capacités de production. La seule façon d'obtenir un meilleur rendement, c'est d'accroître notre production, lorsque les prix sont déprimés. Il y a donc là un véritable dilemme. Tant qu'il y a des consommateurs qui les acceptent et qui sont prêts à les acheter et à payer un prix raisonnable, je crois que nous allons être obligés de les utiliser. Le fait que les consommateurs les acceptent est plus important que la question de la production.

Le président: Merci beaucoup. Voilà que ce volet est terminé.

J'aimerais remercier M. Pharis, M. Wagstaff, M. Norman et M. Van Slyke. J'ai beaucoup apprécié vos commentaires.

Nous allons maintenant convoquer les représentants d'Agricore Cooperative Ltd. et de l'Alberta Soft Wheat Producers Commission. Les représentants d'Agricore sont George Groeneveld et Dennis Nanninga, second vice-président. Du côté de l'Alberta Soft Wheat Producers Commission, nous accueillons Arthur Eckert, directeur de la recherche. Je crois savoir que nous accueillons aussi Edwin Bronsch et John Van Tryp.

• 1130

M. Arthur E. Eckert (président, Recherche et production, Commission des producteurs de blé tendre de l'Alberta): John n'est pas ici.

Le président: John n'est pas ici. Nous accueillons donc Edwin et Arthur seulement. N'est-ce pas? C'est très bien.

J'imagine que nous devrions procéder par ordre alphabétique, pour être juste. Ce sera donc Agricore d'abord et les Soft Wheat Producers ensuite.

Voulez-vous commencer, George?

M. George Groeneveld (vice-président, Agricore Cooperative Ltd.): Oui, je veux bien, monsieur le président. Merci beaucoup.

Le président: Soit dit en passant, mesdames et messieurs, une fois que nous aurons assisté à ces exposés, je vais convoquer quatre agriculteurs. Je vous donne les noms tout de suite: Darcy Davis, Jim Ness, Murray Woods et Ken Sackett.

Bienvenue, monsieur Groeneveld. La parole est à vous.

M. George Groeneveld: Merci, monsieur le président. J'imagine qu'on pourrait dire que nous ne sommes pas des étrangers. Nous nous sommes retrouvés à des tables comme celle-ci assez souvent, ces derniers temps. Il faut que cela cesse: les gens vont se mettre à parler.

Merci beaucoup, messieurs. Bien sûr, je suis accompagné de M. Nanninga ce matin. Il est maintenant vice-président d'Agricore.

J'ai un court exposé que je vais faire, puis nous allons pouvoir discuter.

Au nom d'Agricore, je tiens à remercier le comité de l'occasion qui nous est offerte de vous rencontrer aujourd'hui. La décision que vous avez prise de venir dans l'ouest du Canada pour faire enquête sur la situation financière est encourageante. C'est avec plaisir que nous l'accueillons.

J'aimerais prendre quelques minutes seulement pour présenter Agricore à ceux qui ne connaissent peut-être pas notre nouvelle coopérative, qui appartient à des agriculteurs, même si je sais qu'en voyageant dans les Prairies vous avez sûrement remarqué nos installations.

La coopérative Agricore a été créée il y a un peu plus de un an avec la fusion de l'Alberta Wheat Pool et des Manitoba Pool Elevators. Agricore est un investisseur très important de l'industrie agricole dans les trois provinces canadiennes des Prairies, dans le nord-est de la Colombie-Britannique et dans la partie nord de la région des grandes plaines aux États-Unis. Nous sommes en train de positionner notre entreprise et nos agriculteurs propriétaires-membres, en vue de saisir les occasions qui se présenteront dans un monde où la population continue de croître et où, selon nous, la demande augmentera à l'égard des denrées de première qualité que nous produisons avec constance.

Nous espérons que le volet agricole des négociations qui doivent avoir lieu à l'Organisation mondiale du commerce nous permettra de trouver des marchés nouveaux qui sont en croissance pour écouler nos produits, et que notre industrie aidera le Canada à atteindre son objectif: s'approprier 4 p. 100 du commerce mondial de l'agriculture d'ici 2005. Nous incitons vivement le gouvernement à continuer à présenter une position ferme et proactive aux négociations afin d'égaliser les règles internationales du jeu, d'ouvrir les marchés pour nos produits et de réduire et d'éliminer les exportations et subventions nationales qui faussent les échanges commerciaux, car elles ont un impact dévastateur sur les producteurs canadiens de céréales et d'oléagineux.

Nous savons que les seules solutions véritables et permanentes aux problèmes actuels et futurs de l'industrie des céréales et des oléagineux dépendent de ce que le bon sens soit ramené sur les marchés internationaux. Toutefois, ce bon sens ne sera pas facilement acquis. Les avancées peu importantes faites pour mettre en branle un volet global de négociations commerciales montrent clairement que les solutions commerciales ne seront pas au rendez-vous avant un bon bout de temps. Dans l'intervalle, nous croyons qu'il est absolument indispensable que votre comité, le cabinet fédéral et le gouvernement comprennent le fait que l'industrie des céréales et des oléagineux de l'Ouest du Canada est en péril.

Vous avez pu remarquer, durant vos voyages, que la récolte de cette année est abondante. Statistique Canada estime que la récolte de canola représente un record et que la production de blé et d'orge dépasse celle de l'an dernier. Voilà un moment où il devrait y avoir optimisme et espoir, mais à cause des subventions qui faussent les échanges commerciaux du côté de nos concurrents et de la diminution résultante des prix de par le monde, conjuguées à des conditions météo peu propices à l'ensemencement et à la récolte, si bien que les résultats sont de moins bonne qualité, le revenu des exploitations agricoles sera nettement inférieur à la moyenne cette année. Selon les prévisions, ce ne sera pas beaucoup mieux l'an prochain.

Les membres d'Agricore apprécient les efforts que le gouvernement a déployés jusqu'à maintenant pour venir en aide aux agriculteurs canadiens dans le contexte de cette «catastrophe». Toutefois, nous devons souligner que les filets de sécurité sociale et les programmes d'aide en cas de catastrophe actuellement en place ont été conçus pour aider les agriculteurs à atténuer le risque de fluctuations normales du marché et du climat, et non pas pour contrer l'effet de distorsion des subventions ou leur corollaire, les périodes prolongées où les revenus se révèlent extrêmement bas.

Pour illustrer ce point, j'utiliserai les chiffres les plus récents concernant l'ACRA, le programme fédéral d'aide en cas de catastrophe. Dans les provinces où les effets de la crise des revenus ont été les plus importants, la Saskatchewan et le Manitoba, quatre demandes d'aide sur cinq sont refusées. Le programme est conçu comme un filet de sécurité pour les graves chutes de revenu survenant à l'occasion et non pas pour les chutes de prix graves qui se prolongent dans le temps, ce avec quoi nous composons à l'heure actuelle.

• 1135

Agricore participe aux travaux du Comité consultatif national sur la protection du revenu, qui a été chargé de la tâche de recommander un nouvel ensemble de programmes de sécurité au ministre fédéral de l'Agriculture. Cela nous encourage de voir les travaux effectués par ce comité et de constater sa volonté d'explorer toute une série d'options pour garantir que les agriculteurs ont accès à des outils de programme solides pour égaliser les chances sur le marché et atténuer les risques de la production qui sont inhérents au domaine agricole.

Nous craignons toutefois que les contraintes budgétaires du gouvernement fédéral ne viennent nuire à la capacité qu'aurait le comité de concevoir des programmes de sécurité à long terme. Le comité a été appelé à concevoir des programmes qui s'inscrivent dans un budget, plutôt qu'à envisager les programmes qui conviendraient le mieux à la situation des agriculteurs.

Nous encourageons le comité à recommander que le comité consultatif sur la protection du revenu soit habilité à concevoir des programmes de protection du revenu qui soient raisonnables et efficaces sans provoquer d'effets de distorsion sur le commerce, sans les contraintes liées à un budget fixé à l'avance, et que les autorités fédérales et provinciales s'engagent à étudier sérieusement la question du financement du produit de ce processus.

Comme je l'ai dit plus tôt, la crise financière que vivent un grand nombre d'agriculteurs de l'Ouest canadien ne saurait se régler avec le filet de sécurité et les programmes d'aide d'urgence actuellement en place. Si le gouvernement se préoccupe du bien-être des producteurs de céréales et d'oléagineux de l'Ouest, et nous croyons que c'est le cas, il faudra s'efforcer de trouver des façons de soutenir l'industrie en dehors de l'enveloppe actuelle des mesures de protection du revenu.

Le conseil d'administration et le personnel d'Agricore s'applique à trouver une façon de composer avec la crise des revenus en tenant compte du fait qu'il ne s'agira probablement pas d'un problème à court terme. Nous devons nous assurer que le train de mesures adoptées aide l'industrie à s'adapter pour profiter des avantages de l'évolution du contexte commercial et économique, et que les agriculteurs puissent continuer à recourir aux outils de gestion de risques à leur disposition.

Nous savons bien que la discussion et le débat se sont faits très animés à tous les échelons du gouvernement et au sein de l'industrie pour ce qui touche la crise des revenus. Nous croyons que le moment est venu d'adopter des mesures concrètes pour soutenir l'industrie des céréales et des oléagineux de l'Ouest.

Nous avons demandé au gouvernement fédéral de s'attaquer à la situation sur plusieurs fronts, dont le premier est celui des coûts. Agricore incite vivement le gouvernement fédéral à réinstaurer immédiatement la remise de la taxe d'accise sur le carburant agricole. Cela permettra de réinjecter plus de 170 millions de dollars par année dans l'économie agricole. Nous avons aussi proposé que les agriculteurs reçoivent directement une remise touchant leur part de la taxe d'accise versée sur le combustible nécessaire au transport ferroviaire. Sur présentation du bon au comptant indiquant la quantité de marchandises dont l'agriculteur a assumé le transport, l'agriculteur pourrait avoir droit à une remise directe de la taxe d'accise, à partir d'une formule simple.

L'industrie des céréales et des oléagineux paie plus de 62 millions de dollars annuellement en frais pour les services gouvernementaux. C'est plus que le triple de la somme versée par l'un quelconque des secteurs de l'agroalimentaire.

Selon l'étude sur le recouvrement des coûts réalisée par Agriculture Canada en 1998, les mesures du gouvernement fédéral à cet égard ont servi à réduire de 4,5 p. 100 le revenu agricole net de la «ferme-repère» de la Saskatchewan. La même étude indique clairement que les ministères sont nombreux—il y a le ministère des Pêches et Océans, par exemple, dans le cas du recouvrement des coûts de la garde côtière et de Transports Canada par la voie des administrations de pilotage—à transférer à l'industrie le coût des services fédéraux ou des services exigés selon une loi fédérale.

Aux prises avec ce grave problème de revenu, nous craignons beaucoup l'éventualité que certains de ces ministères ne continuent de permettre l'augmentation des frais imputés au chapitre du recouvrement des coûts, apparemment sans en reconnaître les effets sur les fermes de l'Ouest. Si nous voulons ralentir l'hémorragie financière qui afflige l'ouest du Canada, l'ensemble des ministères et des organismes doit jouer un rôle. Nous avons demandé au gouvernement fédéral d'imposer un gel immédiat sur tous les frais d'utilisateurs qui ont une incidence sur les agriculteurs et de prendre des mesures pour éliminer certains des frais, jusqu'à ce que la situation économique de l'ouest du Canada s'améliore. Les frais d'utilisation plus élevés ont représenté un élément de la contribution de notre industrie à l'élimination du déficit fédéral. Maintenant, notre industrie a besoin d'aide. Nous croyons que le moment est venu de faire disparaître certains de ces coûts.

Le transport est l'un des articles de dépenses les plus importants qui puissent se trouver dans le bilan d'une société de production de céréales et d'oléagineux. Agricore prend une part importante aux efforts visant à élaborer des recommandations pour rendre plus efficient, plus abordable et plus transparent le système de transport du grain de l'Ouest. Nous croyons qu'en mettant en place un système de transport et de manutention du grain qui se fonde davantage sur un contrat commercial et repose sur une concurrence efficace entre les sociétés ferroviaires permettra au gouvernement fédéral de s'assurer que plus de 2 millions de dollars par année reviennent aux agriculteurs en coûts économisés.

Agricore a également demandé au gouvernement fédéral d'agir en vue d'aider les producteurs aux prises avec un endettement croissant. Entre 1993 et 1997, l'endettement des fermes céréalières en Alberta a augmenté de 22 p. 100. En Saskatchewan, c'était de 13 p. 100, et au Manitoba, de 24 p. 100. Le service de la dette est un coût fixe et variable très important pour les agriculteurs.

La chute du prix des denrées, conjugué aux conditions météo catastrophiques qui ont sévi dans nombre des régions de l'ouest du Canada, est à l'origine de graves difficultés. Pour nombre d'agriculteurs, la colonne des revenus ne concorde plus avec la colonne des dépenses. Une partie, sinon l'intégralité du rendement de la récolte cette année va au crédit de fonctionnement accordé pour la récolte de l'année dernière. Compte tenu du prix des denrées prévues pour les quelques prochaines années, il est peu probable que les producteurs puissent se rattraper.

• 1140

Agricore encourage le gouvernement fédéral à travailler de concert avec les provinces et la Société du crédit agricole à mettre en place un programme de refinancement de la dette à l'intention des agriculteurs de l'Ouest qui éprouvent des difficultés attribuables au prix des denrées qui est très bas et aux mauvaises conditions météorologiques. Nous croyons que le gouvernement pourrait concevoir un programme semblable au programme de refinancement de la dette mis en place par le Nouveau-Brunswick en 1994, qui prévoyait le versement de prêts sans intérêt pour le refinancement allant jusqu'à 80 p. 100 de la dette impayée.

Les mesures visant à réduire les coûts d'une exploitation agricole et à aider les agriculteurs à rembourser leur dette seront les bienvenues du point de vue des producteurs, mais les gouvernements doivent aussi attaquer la crise des revenus sur le front des revenus, pour ainsi dire.

Le conseil d'administration d'Agricore discute de façons de prévoir une assistance ciblée à l'intention des agriculteurs. Nous explorons l'idée de lier le soutien à la diversification et à la restructuration. Nous avons présenté le concept d'un programme renouvelé pour l'agriculture au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.

Le programme de renouvellement prévoirait le recours aux services de consultation existants pour aider les agriculteurs à dresser des plans de renouvellement. De même, il tirerait parti des ressources extérieures au budget de l'agriculture pour aider les agriculteurs à s'en tenir au plan de renouvellement et à instaurer toute modification qui s'imposerait. Par conséquent, l'industrie entière serait restructurée pour que soient saisies les occasions qui, nous le savons, se présenteront à l'avenir.

Encore une fois, je tiens à souligner le fait qu'Agricore s'engage à travailler avec tous les ordres de gouvernement en vue d'élaborer une série de mesures et de programmes qui aident notre industrie à passer au travers de ce qui semble être une période de ralentissement économique à long terme causé par des pratiques déloyales de la part de nos concurrents, sur le plan des échanges commerciaux et des subventions.

Messieurs, au nom de l'agriculture, je vous remercie de prendre la situation au sérieux et de nous donner l'occasion de discuter des façons possibles de régler les problèmes avec vous. Merci.

Le président: Merci, George.

Je m'excuse, Dennis, de ne pas avoir bien prononcé votre nom. George a parlé pour vous. C'est tout pour votre organisation?

M. Dennis Nanninga (second vice-président, Agricore Cooperative Ltd.): Oui, monsieur le président.

George a déclaré que 2 millions de dollars par année reviendraient aux agriculteurs en coûts économisés. C'était dans le cas du transport. Il voulait dire 200 millions de dollars.

Le président: Ce n'est pas tout à fait la même chose, monsieur Nanninga. Merci beaucoup. Nous apprécions cela, Dennis.

Nous allons maintenant entendre le témoignage de Arthur Eckert, de l'Alberta Soft Wheat Producers Commission. Bienvenue, Arthur et Edwin.

M. Arthur E. Eckert: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.

C'est un privilège et un honneur à la fois de venir m'adresser à vous au nom des producteurs des régions irriguées du sud de l'Alberta. C'est surtout là qu'est cultivé le blé tendre blanc. C'est pour ainsi dire un blé de pâtisserie qui se prête aux usages parmi les plus fins des nombreuses farines qui se trouvent sur le marché.

Il y a quatre de nos représentants qui sont à Ottawa en ce moment pour rencontrer le ministre, et je ne sais pas si le premier ministre y sera, mais ils s'entretiendront pendant une semaine avec les responsables fédéraux et avec les producteurs ontariens de blé blanc d'hiver, à Toronto, aussi. Cette dernière réunion a probablement lieu en ce moment même. J'ai eu l'occasion de rencontrer ces gens à différentes reprises. Nous sommes semblables, mais, en même temps, nous sommes très diversifiés.

Il est assez difficile de réagir aux préoccupations des gens que nous représentons. On pourrait dire que le dynamisme du secteur agricole se présente sous nombre d'aspects différents.

Il se trouve que j'étais à Montréal en 1962, au moment où la gestion de l'offre a vu le jour. Je n'oublierai jamais l'exposé très vivant de M. Nesbitt. Arrivé chez moi, j'ai cessé de traire les vaches; vous savez donc ce que je pensais de la gestion de l'offre.

Je pourrais dire que j'ai probablement le même point de vue aujourd'hui, car sur un marché libre, nous exerçons un contrôle absolu sur chacun des intrants, et cela donne toujours lieu à un profit. Vous devez savoir que ces gens ont le privilège de produire, sans coûts, dans un régime de gestion de l'offre.

C'était merveilleux, mais les gens en ont profité depuis. Maintenant, il y a des producteurs laitiers qui paient 1 million de dollars pour avoir le privilège de produire du lait. Cela, dans un pays libre. Cela fait partie de notre problème, mesdames et messieurs. Si toutes les exploitations agricoles sont bénies sans équivoque, c'est le secteur du blé qui a reçu le blâme et qui, en fin de compte, est détruit par manque de sagesse.

• 1145

Dans le cas du blé, toute notre infrastructure repose sur l'acheminement vers les canaux d'exportation. L'une de nos doléances à l'OMC, c'est que les Américains peuvent mettre en boîte tous les programmes qu'ils ont, et ils ont plus de 61 milliards de dollars dans l'enveloppe des mesures agricoles, par rapport à 65 milliards de dollars pour l'enveloppe des mesures agricoles en Europe. Et ce n'est pas là une pratique commerciale déloyale; c'est tout à fait loyal. Ce gouvernement a simplement décidé qu'il allait nourrir le peuple et qu'il aiderait les producteurs à le faire. Il n'y a rien de mal là-dedans; c'est notre façon de voir la question qui n'est pas bonne.

Il est assez difficile de savoir comment corriger l'équilibre qui existe actuellement. Pour ce qui est du ciblage, si vous optez pour une mesure qui cible le mal qui sévit actuellement dans le domaine agricole dans l'ouest du Canada, ne regardez pas les producteurs, la couleur de leur peau, l'agriculteur, la taille de la ferme. Regardez la denrée elle-même. Ciblez la denrée. Cela s'appelle du blé. Si vous corrigez la situation du blé, la situation de toutes les autres denrées qui en dépendent dans l'ouest du Canada sera corrigée du même coup, car vous cesserez de choisir d'autres options et vous permettrez que le blé soit l'élément porteur du tout. Une fois que vous réglez le cas du blé, vous réglez tous les autres problèmes.

Je vais citer Socrate, qui a fait une observation très profonde. Socrate a vécu 500 ans avant la venue du Christ, et il a affirmé qu'il importait plus pour les rois de nourrir le peuple que de gagner une guerre. Il a dit: Quiconque ne sait rien des problèmes du blé ne saurait se dire homme d'État.

Messieurs, bon nombre d'entre vous entrent dans cette catégorie. Vous devez comprendre que le blé est à la fois un ministère et une affaire—car il permet de nourrir ceux qui ont faim partout dans le monde. Et ces gens n'ont pas de défense, ils n'ont pas de devise. Il arrive donc souvent que nous fassions don d'argent à l'étranger, et ces gens reviennent acheter notre blé, puis n'arrivent pas à nous payer avec l'argent que nous leur avons donné. Tout cela s'inscrit dans des accords sur le commerce international. Et toute cette terminologie savante ne saurait encore maîtriser cela.

J'aimerais aussi citer les paroles d'un certain évêque, et je ne vous dirai pas de qui il s'agit. Cet évêque a dit: Il y a davantage de salut dans le blé que dans tous les régimes politiques qui soit de par le monde. Et puis: Il en est ainsi ordonné: le blé est le soutien de la vie.

Voilà qui m'amène à l'argument que je voulais faire valoir, messieurs. Si notre Père céleste a dit qu'il importe que les oiseaux du ciel soient nourris, nous n'avons probablement pas tort de conclure qu'il importe que les gens aussi soient nourris, et voilà le rôle que je joue depuis 50 ans—je nourris ceux qui ont faim de par le monde.

Soit que le Canada choisit de continuer de faire partie de cela par choix, soit qu'il se retire par défaut. Messieurs, si vous vous retirez par défaut, notre infrastructure disparaît, car toute l'infrastructure repose sur l'exportation de notre production excédentaire, une malédiction pour nous, une bénédiction pour tous les autres.

Nous en sommes à une époque où les gens qui détiennent ces vastes réserves de blé sont à quémander un bout de pain.

Je vais citer le bulletin de l'Ontario Corn Producers Association: [traduction] «Les administrateurs de l'OCPA ont toujours la conviction que l'aide en cas de catastrophe établie à 70 p. 100 de la moyenne des revenus sur trois ans constitue une mesure de soutien inadéquate.»

Permettez-moi une parenthèse. Nous avons rencontré l'honorable Lyle Vanclief à Red Deer il y a un an environ, et nous l'avons prié de ne pas s'associer au programme albertain d'aide en cas de catastrophe, la raison étant—même si aucun éleveur de bétail ne l'admettra—que tout cela est conçu pour le secteur de la viande rouge. On a un excellent point repère pour deux, trois ou quatre ans, puis ça tombe, compte tenu de la nature cyclique de cette activité, et cela les conduit à 70 p. 100 de ce qui est enregistré pour les trois grosses années précédentes. C'est un programme fantastique pour le secteur de la viande rouge.

• 1150

Je vais citer Gordon Harrington: «Il n'y aura jamais d'argent pour les céréaliers dans cette province». Messieurs, vous devez savoir pourquoi tout est si rigoureusement délimité. L'Alberta ne veut pas soutenir l'industrie céréalière. Elle veut des aliments bon marché pour le bétail. Je connais les gens de part et d'autre, et je comprends la situation assez clairement. Je n'ai pas de difficulté, ni avec les uns ni avec les autres, mais vous allez avoir de la difficulté à concevoir un programme qui convient à un secteur des céréales qui est à genoux.

Je poursuis ma lecture du bulletin:

    ... les producteurs canadiens de céréales et d'oléagineux doivent composer avec les subventions importantes (et croissantes) accordées sur les produits des céréales et des oléagineux tout juste de l'autre côté de la frontière américaine. Et les subventions européennes au secteur des céréales devraient aussi croître avec les «réformes» de l'Agenda 2000. La situation des producteurs de céréales et d'oléagineux est nettement différente de celle des autres producteurs canadiens pour qui le soutien du revenu du côté américain est négligeable, et pour qui la menace des droits compensatoires sur les exportations canadiennes est substantielle.

    Nous croyons que, tôt ou tard, le gouvernement du Canada et les trois gouvernements provinciaux des Prairies seront contraints d'instaurer des programmes de soutien du revenu nouveaux ou modifiés qui tiennent directement compte de la situation unique des producteurs de céréales et d'oléagineux sur le plan des revenus et des subventions.

Le président: Arthur, je tiens simplement à vous rappeler qu'il s'agit d'un segment de 40 minutes. Prenez tout le temps que vous voulez, mais nous aimerions pouvoir poser des questions. À vous de décider.

M. Arthur Eckert: J'aimerais y aller d'une dernière citation, si vous le permettez.

Le président: Je vous en prie.

M. Arthur Eckert: L'autre citation se lit comme suit:

    Une affaire litigieuse nous intéresse du côté du Sénat américain: la possibilité que soient doublées les limites imposées au montant des subventions agricoles que les fermiers individuels peuvent recevoir. Techniquement, les fermiers individuels aux États-Unis ont le droit de recevoir au plus 75 000 $ en subventions à la récolte par l'entremise des prêts complémentaires... ou des paiements pour la transition sur le marché.

Voilà qui permet de verser encore 40 000 $.

    De nombreux agriculteurs demandent le double des limites en question. Le mari et la femme présentent chacun une demande distincte en rapport avec la même exploitation agricole...

C'est 75 000 $ fois deux et 40 000 $ fois deux, ce qui donne 230 000 $. Le débat qui a lieu au Sénat vise à déterminer si cela devrait être doublé pour atteindre 460 000 $. Voilà les questions avec lesquelles nous devons composer dans le secteur des céréales de l'ouest du Canada.

Je vais laisser mon ami poursuivre.

Une dernière observation, monsieur le président. J'ai rencontré cette personne à Winnipeg dimanche soir. Il se trouve qu'il a participé à l'étude sur la brûlure de l'épi qui a été confiée à tous les chercheurs de l'ouest du Canada. Il se trouvait que nous étions à Winnipeg à ce moment-là. Ces gens étaient partout dans la chambre d'hôtel. Cet homme est considéré comme le roi des phytogénéticiens en Alberta. Je ne dirai pas son nom, mais si vous voulez me poser la question après, je vous le dirai. Il a dit: «Arthur, cette année, la brûlure de l'épi nous a coûté 1 milliard de dollars.» Merveilleux, ai-je dit. Qu'est-ce qui serait arrivé si nous avions perdu 2 milliards de dollars ou si le blé qui restait au pays avait valu 3 milliards de dollars de plus?

Là où je veux en venir, c'est qu'il nous faut réduire notre production et non pas l'accroître. Nous en cultivons si peu, et pour si longtemps, qu'on nous regarde et qu'on dit: ils peuvent cultiver cela gratuitement.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, Arthur.

Ed, allez-vous parler du transport? Vous n'aurez peut-être pas le temps de lire tout cela.

M. Edwin Bronsch (directeur, Tilley (Alberta), Commission des producteurs de blé tendre de l'Alberta): Je n'ai pas l'intention de tout le lire.

Le président: D'accord.

M. Edwin Bronsch: Je vais commencer à la page 2, à la rubrique du résumé.

Les producteurs de l'ouest du Canada font face à une crise financière majeure, le prix des denrées ayant chuté à des niveaux comparables à ceux des années 30. Les producteurs ont compté sur une productivité accrue pour générer une marge positive. Ils y sont parvenus grâce à des récoltes plus abondantes, à des cultivars supérieurs sur le plan agronomique et avec une meilleure résistance aux maladies. Malgré l'accroissement de la productivité, les coûts des producteurs dépassent maintenant leurs recettes brutes.

• 1155

Il existe deux façons d'éliminer ce paradoxe—le prix peu élevé des denrées et le coût élevé des intrants. La méthode la plus efficace et la plus viable consisterait à faire baisser le coût des intrants. Les producteurs ont épuisé les méthodes conventionnelles de réduction de coûts des intrants. L'autre méthode consisterait à fournir une aide par l'entremise de programmes de protection du revenu, qu'ils soient nationaux ou provinciaux, et à adopter des méthodes ponctuelles.

Comme les producteurs ont réduit efficacement les coûts qu'ils contrôlent directement—engrais, herbicides, combustible, etc.—, les seuls éléments qu'il reste parmi les intrants sont les gros facteurs comme le transport, l'élévation, la manutention, l'inspection, etc.—qui échappent à leur volonté. Ces facteurs représentent entre le tiers et la moitié des recettes brutes à l'égard des denrées.

On a mis au point une initiative visant à examiner un système de manutention et de transport ferroviaire qui, pour l'ouest du Canada, se voudrait plus rentable et plus efficace, afin de renforcer le système de commercialisation et de réduire les coûts pour les producteurs.

Notre gouvernement a donné au juge Willard Estey le mandat de réaliser une étude sur notre système de transport et de manutention, et de déterminer les aspects qu'il serait possible de changer pour en faire un système plus rentable, axé sur le marché. Il a terminé son rapport en mai et l'a présenté au ministre des Transports. Trouvant beaucoup à redire dans le rapport et craignant que ses recommandations ne fonctionnent pas, le ministre des Transports a mandaté Arthur Kroeger pour dégager un consensus parmi les intervenants au trois séances tenues dans l'Ouest du Canada.

M. Kroeger a présenté son rapport au ministre des Transports en septembre, sans qu'il y ait de consensus apparent. Encore une fois, on a beaucoup discuté des divers aspects de ses recommandations, quant à savoir si elles permettraient vraiment d'atteindre les objectifs fixés au départ.

L'Alberta Soft Wheat Producers Commission formule cinq recommandations, en se fondant sur la prémisse selon laquelle elles doivent être mises en oeuvre une fois qu'il y a concurrence adéquate et réelle parmi les sociétés ferroviaires.

Notre première recommandation consiste à remplacer le plafond imposé au tarif ferroviaire par un plafond des revenus qui reflète les coûts réels du transport du grain, tel qu'on le trouve dans le mini examen des coûts réalisé par l'OCT—un taux de base de départ de 25,79 $ la tonne, avec une formule de participation aux gains de productivité, sur trois ans.

La deuxième recommandation consiste en un objectif de 25 p. 100, à évaluer tous les ans, pour les marchés octroyés par la Commission canadienne du blé.

La troisième consiste à établir avec les intervenants un régime contractuel où les responsabilités sont clairement délimitées.

La quatrième consiste à dire que durant cette transition et durant l'étape d'évaluation, un certain contrôle de la part de la Commission canadienne du blé devrait être maintenu et facilité grâce à des contrats axés sur le rendement.

La dernière recommandation s'énonce comme suit: la Commission canadienne du blé doit recevoir le grain au port, en magasin, pour garantir que les revenus découlant du mélange des variétés vont aux producteurs.

Le manque à gagner des producteurs céréaliers de l'Ouest du Canada, sur le plan du revenu, représente un problème réel et grave. Il doit y avoir en place des programmes qui répondent effectivement aux besoins à court et à long termes. Les recommandations de la commission à l'égard du transport visent à faire baisser le coût des intrants et ont une incidence sur les recettes nettes sans que cela n'engage de coûts de la part du gouvernement ou du contribuable.

En outre, il faut mettre en place un filet de sécurité aussi bien que des initiatives provinciales et fédérales à court terme pour stabiliser le secteur agricole—ACRA, FIDP, Ontario Market Revenue Program, CSRN et soutien en cas de catastrophe de l'Alberta Soft Wheat Producers Commission. La situation que vivent les producteurs de l'Ouest du Canada ne résulte pas d'une mauvaise gestion. Ce sont plutôt les prix du marché qui évoluent à la baisse en raison des importantes subventions versées et du prix des interventions sur un marché où il faut égaliser les règles du jeu.

Voulez-vous continuer, Arthur?

Le président: Vous allez vous en tenir à cela?

M. Edwin Bronsch: Ai-je le temps encore?

Le président: Eh bien, nous avons quinze minutes. Nous donnons à chacun des partis cinq minutes pour poser des questions.

M. Edwin Bronsch: D'accord, je vais m'en tenir à cela.

Le président: D'accord.

M. Edwin Bronsch: J'aimerais quand même faire quelques remarques personnelles au sujet des subventions. Les Européens et les Américains y voient des subventions. Mais votre gouvernement s'entretient avec la LNH à propos de subventions qui seraient versées aux joueurs de hockey millionnaires, et cela me fait vraiment mal au coeur.

Quant au CSRN, c'est un merveilleux programme, mais il ne se prête qu'aux riches. Je ne comprends pas pourquoi nous ne pouvons pas inclure dans notre CSRN le tarif du transport ferroviaire. Pour nous, c'est un coût. Cela s'inscrit dans notre revenu net. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions l'utiliser.

Le président: C'est un coût pour qui fait des affaires.

• 1200

M. Edwin Bronsch: Tout à l'heure, nous avons découvert qu'il n'y a jamais vraiment eu de taux du Nid-de-Corbeau: de même que le dentiste vous en demande plus lorsqu'il apprend que vous avez une assurance dentaire, les compagnies ferroviaires nous en demandaient plus. Elles nous imputaient des frais plus élevés parce que le gouvernement payait la moitié, et voilà que nous sommes pris dans ce piège.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Mesdames, messieurs, il reste environ quatre minutes et peut-être encore un peu plus pour chacun des partis. Commençons par M. Casson.

M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

Monsieur Eckert, nous avons pu rencontrer votre délégation à Ottawa mercredi matin. Nous nous sommes absentés pendant une heure du marathon de 42 heures, pour rencontrer des gens qui sont logiques. Nous avons apprécié le fait qu'ils aient pris le temps de venir et nous apprécions le fait que vous ayez pris le temps de venir ici aujourd'hui.

J'adresserais mes questions à M. Groeneveld. Vous mentionnez le fait qu'avec ce programme ACRA, le gouvernement prenait un lot d'argent et essayait d'adapter un programme à la somme en question, plutôt que d'étudier la situation pour voir où le bât blesse et quelle serait la bonne façon de procéder. Mais vous avez mentionné que vous faisiez partie du Comité national consultatif sur la protection du revenu et que certains des travaux qui y sont effectués vous encourageaient. Pourriez-vous nous parler de certains travaux qui sont effectués? Y a-t-il une lumière au bout du tunnel?

M. George Groeneveld: Merci, monsieur Casson.

Oui, je fais partie du comité sur la protection du revenu, mais je vais souligner rapidement que je suis arrivé au comité après que l'ACRA a été mis en place...

M. Rick Casson: Nous n'allons pas vous le reprocher.

M. George Groeneveld: ...et que la somme prévue soit décidée. C'est ce que je disais—nous croyons que la somme a été allouée et que le travail a été fait à l'inverse à partir de cela. Cela a rendu les choses très difficiles.

Quand je dis que je constate certains progrès, je crois que cela tient à certaines choses que nous faisons maintenant, comme la couverture sur les marges négatives et tout cela, ce qui représente bien peu de choses dans l'ensemble—je crois que cela couvre 2 à 4 p. 100 des gens admissibles, ce qui est négligeable.

Ce que je vois maintenant—et cela me ramène aux questions dont je traitais—c'est que hors des filets de sécurité, Agricore en particulier a travaillé de concert avec le ministre de l'Agriculture et ses représentants à régler certaines de ces questions. Je vois maintenant qu'ils progressent—puisque nous parlons aux mêmes gens que ceux à qui nous parlons au comité sur la protection du revenu—jusque de l'autre bord. Je vois donc de la lumière au bout du tunnel. Nous avons cerné environ 60 millions de dollars dont nous disposerions du côté du recouvrement des coûts et, bien sûr, cela n'inclut pas les 200 millions de dollars que j'ai mentionnés et que nous pouvons économiser sur les transports.

Oui, je vois de la lumière pour les années moyennes que nous avons connues. Cela ne change rien pour l'industrie des céréales et des oléagineux puisque les fluctuations sont graduelles. Il n'y a pas ces hauts et bas marqués dans notre cas. Je ne veux pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Je veux mettre quelque chose en place avant que ces programmes soient mis aux rebuts.

M. Rick Casson: Vous avez dit que la remise de la taxe d'accise sur le carburant représenterait 170 millions de dollars. Puis vous avez mentionné la remise de la taxe d'accise sur le transport. Vous parlez uniquement du transport ferroviaire, ou encore est-ce aussi le camionnage, tous les aspects du transport?

M. George Groeneveld: Les statistiques que j'ai avec moi, que les gens au cabinet de M. Vanclief m'ont aidé à établir, portaient strictement sur le transport ferroviaire, oui.

M. Rick Casson: Vous avez mis presque 500 millions de dollars ici sous le contrôle direct du gouvernement, et des choses qui pourraient se faire très rapidement. C'est donc encourageant.

M. George Groeneveld: Oui. C'est là que nous voulions en arriver—des secours immédiats, si c'est possible.

M. Garry Breitkreuz: Puis-je poser une question?

Le président: Je vous accorde 30 secondes. Vous n'êtes pas célèbre pour vos questions concises.

M. Garry Breitkreuz: Je ne le suis pas?

Monsieur Eckert, vous dites que si nous corrigions la situation du blé et que nous permettions que le blé soit l'élément porteur du tout, tout le reste se corrigeait lui-même. J'ai besoin que vous m'expliquiez cela un peu mieux.

M. Arthur Eckert: Je ne sais pas si je peux le faire en 30 secondes. Je peux probablement vous l'expliquer personnellement.

M. Garry Breitkreuz: D'accord. Merci.

M. Arthur Eckert: Si vous me permettez de répondre avant de céder la parole à un autre... le compte CSRN récompense la prospérité. Vous devez absolument saisir cela. J'étais à Winnipeg au moment où cela a été conçu, avec le RARB, et le compte CSRN récompense la prospérité. Il y a là-dedans une merveilleuse clause de droits acquis. Mais il n'y a rien pour mon fils ou mon petit-fils. C'est une partie de la raison pour laquelle M. Vanclief n'arrive pas à trouver pourquoi il y a de l'argent là-dedans. Est-ce que je dois prendre mon argent et le jeter par la fenêtre pour que mon fils obtienne de l'aide? Je n'ai pas besoin de cet argent. Et il existe une distinction très claire entre le besoin et ce que nous faisons avec ces programmes.

• 1205

Quant à l'assurance du revenu en Ontario, je l'ai recommandée à nos ministres à Edmonton. J'aimerais bien vous recommander de retourner à Ottawa pour y proposer le modèle ontarien. Il est question d'une moyenne de 15 ans—probablement les meilleures années et les pires, je n'en suis pas sûr—et un versement de 85 p. 100 de la moyenne de ces 15 ans, sans cotisations. Mais il vous faut renoncer au tiers de votre paiement en guise de cotisation lorsque vous recevez un paiement. Voilà une bonne idée.

Le président: Merci, Arthur.

Joe McGuire.

M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.

Pour poursuivre sur la question de la protection du revenu, George, même si vous n'étiez pas là lorsque ce programme a été conçu, on y injecte quand même un milliard de dollars. S'il nous faut faire des recommandations au gouvernement au sujet de la protection du revenu, nous aimerions savoir ce que les membres du comité chargé d'examiner la question recommandent eux aussi. Peut-être que nous devrions être plus à leur diapason. Vous cherchez quelque chose à l'extérieur du programme actuel de protection du revenu. Cherchez-vous à obtenir un paiement à l'acre ou en avez-vous suggéré un?

M. George Groeneveld: Voulez-vous dire avec l'argent qui a été mis à la disposition...

M. Joe McGuire: Ou avec l'argent qui n'est actuellement pas alloué... c'est-à-dire qu'il ne provient pas de l'ACRA, ni du CSRN, ni de l'assurance-récolte. Recommandez-vous quelque chose qui n'appartienne pas à cette protection du revenu comme solution à court terme?

M. George Groeneveld: À court terme...

M. Joe McGuire: Oui.

M. George Groeneveld: À court terme, nous avons envisagé d'utiliser le CSRN de diverses façons ou encore d'y ajouter des fonds, mais il ne s'agit pas là d'une solution idéale, lorsque nous avons des jeunes qui n'y sont pas inscrits. Ainsi, les mêmes gens ne pourront à nouveau se prévaloir du programme; le programme que nous parvenons à établir ne semble pas avoir d'importance. L'assurance-récolte est, bien sûr, une question sur laquelle nous essayons de travailler un peu, mais toutes les fois où nous la modifions un tant soit peu, tout le monde nous dit: «Attention, messieurs, cela ne respecte pas le GATT.» Alors nous avons...

M. Joe McGuire: Si le CSRN ne cible pas les gens qu'il devait cibler, c'est-à-dire ceux qui ont des problèmes financiers, et que tout cet argent, soit un demi-milliard de dollars pour l'Alberta, ne pourra être utilisé avant que les gens prennent leur retraite et ne le retirent, que pouvons-nous faire pour le remplacer? Il n'est pas tellement logique de poursuivre avec le CSRN s'il ne joue pas le rôle pour lequel il a été créé, c'est-à-dire constituer une protection du revenu.

M. George Groeneveld: Je pense que nous pouvons modifier le CSRN. Je ne suis pas sûr qu'on puisse modifier l'ACRA. Je pense que nous pouvons faire quelque chose...

M. Joe McGuire: Comment pouvons-nous modifier le CSRN?

M. George Groeneveld: Je pense qu'il nous faut travailler sur le déclencheur, de façon que les gens admissibles puissent retirer leur argent, par exemple.

Bon, je ne conteste pas ce que mon collègue dit—que c'est une culture de riches—parce que je suis sûr que même M. Vanclief comprend les raisons pour lesquelles l'argent se trouve là. Mais je crois savoir, d'après les derniers chiffres que j'ai vus, que les fonds du CSRN s'épuisent assez rapidement.

M. Joe McGuire: Ainsi, l'ACRA ne peut être sauvé. Voudriez-vous établir un nouveau schème pour ce programme?

M. George Groeneveld: Oui.

M. Joe McGuire: À long terme?

M. George Groeneveld: À long terme. Nous devons établir quelque chose pour le long terme. Dans l'intervalle, je pense qu'il ne faut pas y toucher. L'ACRA va faire ce qu'il est supposé faire, c'est-à-dire que si vous avez un désastre au cours d'une année donnée, il vous couvrira pour cette année-là, mais seulement pour cette année-là.

M. Joe McGuire: Il couvrira une année désastreuse seulement si vous avez eu trois bonnes années auparavant.

M. George Groeneveld: Eh bien, c'est vrai—je pense que, en fait, il faudrait dire un désastre pire que celui que vous avez eu au cours des trois années auparavant—

Une voix: Oui.

Le président: Monsieur Eckert.

M. Arthur Eckert: J'aimerais répondre à votre question, monsieur.

N'oubliez pas que le CSRN a été conçu pour accompagner l'assurance-récolte et le programme d'assurance-revenu garanti. Il y avait trois volets. Si, en Alberta, le programme d'assurance-revenu garanti n'était pas devenu abusif en modifiant la formule de façon à payer sous forme d'assurance-récolte plutôt que sous forme de revenu garanti, nous ne demanderions jamais aux ministres d'Edmonton et d'Ottawa d'en sortir. C'est la personne qui a eu l'idée de sortir du RARB en Alberta—pas parce que nous n'aimons pas le programme, mais parce qu'il a été diminué et que la reformulation du mécanisme de paiement l'a fait échouer.

Comme l'ont dit les agriculteurs de l'Ontario, il nous faut revenir au programme d'accompagnement. Le CSRN n'aide que ceux qui se sont déjà aidés. Le RARB a été conçu pour vous aider à atteindre l'autonomie. C'est une distinction claire.

Le président: Merci, monsieur Eckert.

Monsieur Proctor.

• 1210

M. Dick Proctor: Merci beaucoup.

J'ai une question rapide pour vous, monsieur Groeneveld. M. Eckert a mentionné que nous devons cibler un produit spécifique, le blé. À l'heure actuelle, vous siégez à un comité consultatif sur la protection du revenu. On nous a dit que nous ne pouvons cibler de produits spécifiques. Qu'en pensez-vous?

M. George Groeneveld: Eh bien, je suis d'accord avec M. Eckert: le blé est certainement compromis, mais je pense que tous les grains et tous les oléagineux sont touchés à l'heure actuelle, mais je n'irai pas jusqu'à dire que seul le blé est problématique.

M. Dick Proctor: Mais qu'il s'agisse du blé ou de—pouvons-nous le cibler? Qu'en pensez-vous? Pouvons-nous ou non cibler un produit précis?

M. George Groeneveld: Selon moi, nous ne pouvons...

M. Dick Proctor: Nous ne pouvons pas.

M. George Groeneveld: Nous ne pouvons pas. C'est exact.

Bon, M. Eckert a soulevé la question du RARB. Nous avons entrepris la recherche de nombreuses solutions, au comité sur la protection du revenu, qui lient la production et le prix. Dès que nous faisons cela, nous avons des problèmes, mais c'est la seule façon d'y arriver. Je ne suis pas sûr que le gouvernement du Canada pourra trouver une façon de nous enlever les Américains de sur le dos lorsque nous tenterons ce genre de choses. Et, bien sûr, le problème est que, si les Américains le font... Pour être honnête, ils s'en fichent complètement. Cela n'a pas d'importance.

M. Dick Proctor: Merci.

Monsieur Eckert, j'ai une question à vous poser. J'ai été intéressé par vos commentaires selon lesquels votre organisation a rencontré le ministre de l'Agriculture et l'ai mis en garde contre un programme du même genre que le FIDP avant que ce programme ne soit lancé. J'aimerais beaucoup savoir ce que vous en pensez. Compte tenu de cette recommandation, pourquoi pensez-vous que nous avons fini par avoir l'ACRA?

M. Arthur Eckert: Eh bien, d'après ce que j'ai pu voir, c'est que l'ACRA a été bon pour les fonctionnaires et pour les comptables, mais tout à fait inadéquat pour les producteurs à qui il était destiné. Bien sûr, il faisait travailler des gens, mais il ne répondait pas aux besoins des gens à qui il était destiné.

M. Dick Proctor: Je ne prends normalement pas la défense du ministre de l'Agriculture, mais je ne pense pas que c'était ce qu'il avait à l'esprit. C'est peut-être ce qu'il a fini par avoir, mais ce n'est pas ce qu'il voulait au départ.

M. Arthur Eckert: C'est ce que je disais. Vous avez rétabli ma confiance. Merci.

Je ne comprends pas vraiment pourquoi il a choisi d'aller dans cette voie. Je dois revenir à Drumheller pour répondre à cette question, avec votre permission, monsieur le président.

Lorsque ce programme a été conçu avec l'aide de la coalition sur la protection du revenu—et nous avons été membres de cette coalition durant bien des années en Alberta—j'ai contesté ce que disait le présentateur, une personne très capable, à Drumheller. Je lui ai dit qu'il était en train de mettre au point un programme pour le secteur de la viande rouge. Il m'a répondu que ce n'était pas le cas. Je lui ai dit, eh bien, nous allons revoir chacune des étapes pour voir ce qui se passe. Quand il a eu fini, il a déchiré tous les documents qu'il avait sur le podium et a déclaré: «Je ne suis pas censé faire cela, mais vous avez raison, Art.»

Le programme convient à merveille à des exploitants d'une entité unique qui ont un repère. Et quel meilleur repère peut-il y avoir qu'une chose qui est cyclique? Il y a si longtemps que le marché du blé n'évolue pas, comment pourrait-on jamais établir un repère?

M. Dick Proctor: Oui.

M. Arthur Eckert: Parce que 70 p. 100 de rien est 70 p. 100 de rien. Durant si longtemps—d'après ce que je me rappelle, nous avons eu une période de pointe. Autrement, on nous a toujours fait appliquer la norme de 1932: 0,18 $ de pouvoir d'achat par boisseau. Ça fonctionne encore comme ça.

M. Dick Proctor: Merci.

Le président: Merci.

Depuis 30 secondes, je tiens à vous dire, Edwin, que j'ai apprécié vos commentaires sur les transports. Il est absolument impératif de faire diminuer le coût du transport. Je sais que nous allons travailler aussi dur que possible pour procurer des avantages aux producteurs, dans le prolongement des recommandations des rapports Kroeger et Estey. Si nous pouvions obtenir, juste au départ, une réduction de 5 $ la tonne, cela représenterait des centaines de millions de dollars qui n'auraient pas à provenir du trésor public.

M. Edwin Bronsch: Puis-je répondre à cela?

Le président: Oui, dans quelques secondes.

M. Edwin Bronsch: En fait, cela ne serait pas considéré comme une subvention, de sorte que le coût de nos intrants ne devrait pas augmenter.

Le président: C'est tout à fait vrai.

Je vous sais gré de me donner l'occasion de formuler un commentaire qui ne concerne pas l'agriculture: je sais que le Saddledome est à quelques milles d'ici à peine, et je risque peut-être quelque chose à le dire, mais je suis absolument contre l'idée de verser ne serait-ce qu'un sou noir à la LNH.

Des voix: Bravo!

Le président: C'est tout. Merci, messieurs.

Je vais maintenant appeler d'autres agriculteurs: Darcy Davis, Jim Ness, Murray Woods et Ken Sackett. J'ai d'autres noms, mais je ne les dirai pas tout de suite. Tout ça dépendra du temps que vont prendre ces agriculteurs pour faire leur exposé. C'est à eux que je vais faire porter le fardeau. Moins ils prendront de temps, et plus nous pourrons entendre d'agriculteurs. Alors, si nous n'arrivons pas à épuiser notre liste, ne venez pas me blâmer. Blâmez vos semblables. Mais j'espère que nous pourrons entendre un certain nombre de personnes.

• 1215

Darcy, je crois savoir que vous faites partie de l'Alberta Cattle Commission. Est-ce exact?

M. Darcy Davis (porte-parole, Alberta Cattle Commission): Oui, c'est exact.

Le président: Nous y allons par ordre alphabétique: vous serez donc premier là aussi.

M. Darcy Davis: D'accord.

Le président: Bienvenue. Et allez-y.

M. Darcy Davis: Nous aimerions remercier le comité de nous donner l'occasion de venir lui présenter notre témoignage aujourd'hui. Je viens ici pour représenter l'Alberta Cattle Commission, dont je suis un délégué et un administrateur. Je suis aussi l'administrateur de la Canadian Cattlemen's Association, qui représente 100 000 producteurs de bétail de partout au pays.

Ma ferme est située à 30 milles d'ici, au nord-est, dans une petite ville du nom d'Acme. En plus d'élever du bétail, j'ai aussi la distinction de posséder toujours un carnet de permis de la Commission canadienne du blé.

Les producteurs de bétail canadiens connaissent bien les problèmes liés au revenu agricole. À l'heure actuelle, les prix sont bons, mais nous devons tout de même assumer les fluctuations du cycle du bétail. Nous sortons tout juste de deux importants conflits commerciaux: un cas d'anti-dumping et une affaire de droits compensateurs qui mettaient aux prises l'industrie canadienne du bétail et un groupe de producteurs américains et qui découlaient directement de calendriers qui faisaient perdre de l'argent aux producteurs de bétail des deux côtés de la frontière.

Certains producteurs américains d'une organisation appelée R-CALF ont examiné leur bilan et ont déterminé que les importations canadiennes étaient la cause de leurs problèmes, ce qui les a amenés à intenter des poursuites contre nous. Nous avons gagné dans les deux cas, mais pas avant d'avoir dépensé 5 millions de dollars en contributions des producteurs afin de nous défendre. Nous n'avons pas aimé dépenser cet argent en honoraires d'avocat; nous aurions préféré le consacrer à la recherche et à la promotion. Mais l'industrie était encline à le faire parce que nous reconnaissons l'importance du commerce pour notre industrie. Le Canada exporte plus de 2,5 milliards de dollars de boeuf et de bétail chaque année. Nous exportons la moitié, soit 50 p. 100, de notre production.

L'enjeu le plus important de l'industrie canadienne du bétail, c'est de garder nos frontières ouvertes à un commerce libre et ouvert. De plus, il importe de ne pas oublier—je vais laisser mes notes de côté pendant un moment—que nous avons toujours droit à une compensation si nous dépassons le niveau minimum calculé par le ministère américain du Commerce, qui est de 1 p. 100. À l'heure actuelle, nous sommes à moins de 1 p. 100, mais cela s'appliquera si nous dépassons 1 p. 100.

J'aimerais profiter de l'occasion pour dire à quel point l'industrie du bétail apprécie le travail fait par le ministre Lyle Vanclief et les ministres Sergio Marchi et Pierre Pettigrew, leur personnel et le personnel de l'ambassade du Canada pour nous aider à défendre notre industrie contre ces mesures commerciales. Il est facile de critiquer les fonctionnaires et encore plus les politiciens. Toutes les fois où les choses vont mal, ce sont eux les boucs émissaires. Même si nous ne voyons pas toujours toutes les questions du même oeil que le gouvernement fédéral, nous croyons qu'il faut lui donner crédit lorsqu'il le mérite. J'ajoute que je ne voudrais pas me trouver dans les souliers des membres de votre comité, car le travail que vous tentez d'accomplir est très difficile.

Après avoir vécu ces difficultés commerciales, l'industrie du bétail est très sensibilisée à l'importance pour le Canada, et particulièrement pour l'agriculture canadienne, de mener ses affaires d'une façon qui ne l'expose pas à des sanctions commerciales internationales. Cela explique peut-être pourquoi notre opinion des programmes de protection du revenu diffère de celle des autres secteurs.

La Canadian Cattlemen's Association est membre du Comité national d'examen des programmes de protection du revenu, mais nous ne sommes pas d'accord avec tous les points de vue du comité. Le comité consultatif a adopté la position selon laquelle les marges négatives devraient être couvertes par l'ACRA. La CCA n'est pas d'accord. En vertu des règles de l'OMC, seule une proportion maximale de 70 p. 100 d'une moyenne sur trois ans est acceptable. Une couverture des marges négatives dépasserait de beaucoup ce chiffre. Nous croyons fermement que les programmes de protection du revenu doivent satisfaire aux règles de l'ALENA et de l'OMC.

Je comprends qu'avec l'échec de l'OMC à Seattle—notre président, Ben Thorlakson, y était. Il a déclaré que 134 pays sur 135 votaient sur certaines propositions et s'entendaient, et que le seul pays à ne pas le faire était les États-Unis.

La CCA a aussi préconisé des modifications du CSRN. Nous croyons que les fonds du CSRN devraient pouvoir être retirés lorsqu'on juge qu'il y a eu un déclencheur, et nous croyons que la prime de 3 p. 100 accordée aux comptes du CSRN devrait être éliminée de façon que les producteurs n'utilisent pas le fonds comme compte d'épargne. Nous croyons que ces deux changements du programme actuel permettraient de faire taire les critiques et de résoudre certains des problèmes auxquels s'expose le ministre de l'Agriculture.

Il y a un autre argument qui n'est pas dans notre mémoire et que je tiens à faire valoir, et c'est que le retour à l'établissement d'une moyenne quinquennale pour les revenus permettrait aux agriculteurs d'équilibrer les bonnes et les mauvaises années. En 1993, l'industrie canadienne du bétail a décidé de mettre fin au programme national de stabilisation tripartite, pour faire épargner des centaines de millions de dollars au gouvernement et d'investir des fonds de transition dans le fonds de développement de l'industrie du boeuf pour l'affecter à la recherche et à des projets.

Je tiens à souligner également que, pour les éleveurs de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, leur produit, le bétail, n'est pas touché par le CSRN. Nous ne recevons pas de fonds complémentaires du CSRN en raison du fait que ces fonds sont affectés au fonds de développement de l'industrie bovine.

• 1220

Entre 1994 et 1999, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont investi plus de 22 millions de dollars dans le fonds de développement de l'industrie du boeuf. Ce fonds doit servir à réaliser quatre grands objectifs: élargir les marchés d'exportation pour réduire notre dépendance envers les États-Unis, faire augmenter la consommation au pays, financer les recherches qui permettront de garantir la qualité et l'innocuité de notre produit et, enfin, encourager les progrès technologiques du Canada, tout en améliorant les pratiques de gestion des producteurs. L'argent investi jusqu'ici a eu des effets bénéfiques pour l'industrie dans tous ces domaines.

Le versement de subventions directes aux producteurs compromettrait les relations commerciales de notre industrie. Cependant, le fonds de développement de l'industrie du boeuf s'est tiré sans problème de la récente contestation commerciale et est par conséquent un programme qui ne donne pas droit à compensation et qui peut être appuyé par le gouvernement pour améliorer le rendement dans tous les secteurs de notre industrie.

Une demande a été présentée au ministre de l'Agriculture pour que les fonds disponibles qui étaient à l'origine réservés aux programmes de subvention agricole soient réinvestis dans le fonds canadien de développement de l'industrie du boeuf pour nous permettre de réaliser l'un de nos objectifs: donner aux consommateurs de notre pays et du reste du monde un produit de qualité, qui est sûr et nourrissant. Cela comprend le projet «Quality starts here» de la Canadian Cattlemen's Association, dans le cadre duquel on a procédé à des vérifications de la qualité et produit des guides sur les bonnes pratiques de production à l'intention des producteurs; cela comprenait aussi le financement de notre Canada Beef Export Federation. Cet organisme travaille en Asie et au Mexique afin d'améliorer nos marchés et notre part de marché dans ces régions de sorte que nous puissions être moins dépendants du marché américain pour nos exportations.

Le soutien de l'industrie à l'endroit du fonds de développement de l'industrie du boeuf est solide. L'industrie du bétail reconnaît que la mise en marché d'un produit qui est en demande, conjuguée à un maintien de l'ouverture des frontières canadiennes pour le commerce, permettra à notre secteur de l'industrie agricole d'être autonome au cours du nouveau siècle.

J'aimerais souligner que, particulièrement dans l'Ouest canadien, l'industrie du bétail d'élevage consomme plus de céréales secondaires que nous en exportons. Cette situation est, selon moi, attribuable à l'élimination des tarifs du Nid-de-Corbeau. Je vais laisser mes notes de côté et faire un bref commentaire à titre de producteur: ce que je vais vous dire ne provient pas de moi, ça provient d'un producteur de grains à qui je parlais dans mon secteur—il y a eu des inconvénients à éliminer le tarif du Nid-de-Corbeau. Ce qu'il nous faut faire maintenant, c'est nous débarrasser de la vente à guichet unique et donner aux producteurs l'occasion de vendre leur grain.

Des voix: Bravo!

M. Darcy Davis: J'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de venir vous présenter aujourd'hui les opinions de l'industrie canadienne du bétail.

Le président: Merci, monsieur Davis. Merci beaucoup. Et je tiens à dire à quel point j'apprécie vos commentaires de soutien à l'endroit des ministres Vanclief et Pettigrew, et de l'ex-ministre Marchi. Je sais qu'ils ont travaillé dur dans ces deux cas particuliers, et je suis heureux que vous ayez gagné dans les deux cas.

Nous allons maintenant donner la parole à Jim Ness.

M. Jim Ness (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, j'aimerais vous remercier de donner aux producteurs l'occasion de faire valoir leur opinion. J'apprécie beaucoup que des groupes différents puissent le faire.

J'aimerais formuler un commentaire à l'endroit de certains des autres groupes qui ont déjà présenté leur exposé. Je suis une personne qui croit au socialisme pour les socialistes et à la liberté pour les autres.

Monsieur le président, malheureusement, la crise que nous vivons au Canada aujourd'hui s'accompagne en fait de deux désastres qui sont interreliés. L'un est le faible prix des denrées et l'autre, l'administration du Canada par le parti libéral. Ces deux choses travaillent ensemble pour compliquer énormément la situation des producteurs dans l'Ouest.

J'ai quelques solutions simples à vous offrir. Je ne veux pas prendre trop de temps, parce que d'autres personnes veulent parler, mais il y a des solutions simples. Et cela ne va pas coûter un sou aux contribuables du Canada; en fait, cela va même leur permettre de faire de l'argent.

La principale solution à une grande part de nos problèmes consiste à se débarrasser du monopole exercé par la Commission canadienne du blé. C'est la première solution. Si nous avions le privilège d'avoir les mêmes choix et les mêmes libertés que les producteurs de grain de l'Ontario, nous aurions pu avoir beaucoup plus d'argent dans nos poches de 1994 à 1996. Les producteurs de grain de l'Ontario—je ne sais pas ce qu'ils font à part voter libéral, mais ils doivent faire quelque chose pour obtenir des faveurs supplémentaires. Et j'aimerais que ça s'arrête.

• 1225

Ensuite, il faut que la Commission canadienne du blé puisse être inscrite dans la liste des entités visées par la Loi sur l'accès à l'information. La seule façon d'amener cet organisme à être transparent et à rendre des comptes, c'est de l'inscrire dans cette liste. Ça ne suppose pas beaucoup d'argent. Vous autres libéraux n'avez qu'à vous entendre en groupe parlementaire pour le faire. C'est vraiment une solution simple. Les agriculteurs de l'Ouest canadien pourront voir si votre commission du blé a aussi bien fonctionné que ce qu'on nous dit depuis une cinquantaine d'années.

Je parle de la Commission canadienne du blé comme si elle était votre organisation. Ce n'est pas la mienne. Je suis un producteur, mais ce n'est pas mon organisation. C'est la vôtre.

Un récent sondage sur la Commission canadienne du blé a révélé que 30 p. 100 des producteurs l'appuyaient dans sa forme actuelle et que 70 p. 100 voulaient que cette entité soit profondément modifiée ou éliminée. Je crois savoir que c'est ce qu'on a fait en 1998. Cette année, il y a eu un autre sondage, mais je ne crois pas que les résultats aient encore été publiés.

Fondamentalement, il y a trois mesures qui pourraient aider les agriculteurs de l'Ouest canadien. La première est d'arrêter de piger dans nos poches. Nous avons besoin d'un allégement fiscal. Les dépenses des libéraux au cours des dernières années sont tout simplement folles. Elles sont devenues incontrôlables. Nous avons besoin d'un allégement fiscal. La première solution est donc d'arrêter de piger dans nos poches.

La deuxième est de décoller de notre dos et de vous ôter de notre chemin. Éliminez le monopole. Laissez-nous découvrir quel prix nous pouvons obtenir en offrant notre grain, notre orge et notre blé au reste du monde. Nous ne pouvons faire cela à cause du monopole de votre commission du blé. Mais si nous pouvions offrir notre grain au reste du monde, nous pourrions obtenir le prix mondial directement ici dans les Prairies, et cela aurait un effet énorme sur notre revenu.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Ness.

Nous passerons maintenant à M. Ken Sackett.

M. Ken Sackett (témoignage à titre personnel): Merci encore de me donner l'occasion de venir vous parler aujourd'hui. Quand on est assis depuis trop longtemps, on n'écoute plus, dit-on. Et nous sommes assis depuis trop longtemps. Je serai donc bref.

Comme on l'a dit plusieurs fois ce matin, le CSRN n'est utile qu'à ceux qui ont pu y cotiser durant plusieurs années. L'ACRA est un cauchemar bureaucratique et n'est d'aucune utilité pour des agriculteurs qui savent gérer les risques ou ceux qui ont diversifié leur culture. En tant qu'agriculteurs, nous voulons que ce soit le marché qui nous fasse vivre. Nous ne voulons pas d'aide sociale.

Non seulement le prix des denrées est-il bas, mais les coûts sont devenus incontrôlables. Voici donc quelques suggestions dont pourrait se servir le gouvernement pour réduire nos coûts, réduire le resserrement des marges de profit et procurer immédiatement à tous les agriculteurs des gains d'efficience durables.

Tout d'abord—cela a été mentionné plusieurs fois—la taxe d'accise fédérale sur le combustible retire chaque année quatre milliards de dollars de l'économie de l'ouest, dont seulement 4 p. 100 nous revient. Cette seule taxe procure beaucoup d'argent au gouvernement. Il faut énormément de gaz naturel pour produire des fertilisants à l'azote. Les taxes sur ce gaz naturel devraient être réduites ou éliminées.

Les engrais chimiques comptent pour une grande part des coûts annuels d'une ferme céréalière. La sécurité humaine est d'une importance capitale, mais le gouvernement fédéral insiste pour que des tests excessifs soient faits et renouvelés pour les engrais chimiques, même si ces tests ont déjà été faits les années précédentes ou dans d'autres pays. C'est là un dédoublement inutile, et le simple bon sens justifierait qu'on les élimine.

De plus, comme on l'a mentionné plus tôt, il y a les taxes scolaires. La part des agriculteurs à ce chapitre est inéquitable. Le gouvernement pourrait facilement rééquilibrer ce fardeau de façon plus juste.

Les droits d'utilisation sont irréalistes. La Commission canadienne des grains est un bon exemple. On nous facture des frais de nettoyage pour tout notre grain, même si la plus grande part du grain qui entre dans le système est plus propre que ce qu'exigent les normes d'exportation. On nous facture la pesée et l'inspection du grain plusieurs fois entre la ferme et un port, et tous ces coûts sont imposés à l'agriculteur. La plus grande part des procédures de pesée et d'inspection profitent aux compagnies de grain, mais c'est l'agriculteur qui paie.

Nous devrions encourager—ou c'est le gouvernement fédéral qui devrait s'en charger—l'ajout de valeurs dans les prairies. Il dit que les retombées de l'industrie pétrolière sont de sept pour un; il dit que les retombées de l'agriculture sont de vingt pour un. Pourtant, la Commission canadienne du blé refuse à des gens comme les Prairie Pasta Growers l'occasion de risquer leur propre argent, de travailler plus dur, et elles leur refusent l'occasion de se faire ainsi un peu plus d'argent.

• 1230

En même temps, la commission du blé récompense certaines personnes du Manitoba en vertu du contrat Warburton, en leur donnant un incitatif monétaire pour qu'elles produisent du grain pour un client particulier en Grande-Bretagne. L'hypocrisie de cette pratique doit être dénoncée.

Les négociateurs canadiens ont gravement négligé de défendre les intérêts des agriculteurs de l'Ouest au cours de négociations de l'ALENA et de l'OMC. D'autres pays ne respectent pas les prétendues valeurs ou règles commerciales du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral ne peut plus utiliser ses accords commerciaux comme une excuse pour ne pas aider les agriculteurs à gagner leur vie.

Il semble que les producteurs de céréales et d'oléagineux de l'Ouest canadien auraient tout à gagner à ce que le gouvernement fédéral applique les recommandations de son propre rapport Estey. En les appliquant, il pourrait facilement permettre aux agriculteurs d'économiser dix dollars l'acre, soit 15 000 $ pour une ferme moyenne de 1 500 acres. Pour toutes les Prairies, cela représenterait au total 300 millions de dollars. Ce montant serait accessible chaque année, aurait le potentiel d'être beaucoup plus élevé et ne coûterait rien aux contribuables.

Les compagnies de grain et les sociétés de chemin de fer doivent être forcées de se concurrencer, tout comme les agriculteurs se concurrencent depuis des siècles. Le système doit être transparent. L'agriculteur ne doit plus avoir à contribuer pour l'expédition, la manutention et le transport de son grain une fois qu'il l'a livré. Les agriculteurs ne peuvent se permettre de continuer de payer pour les activités inefficaces qui se produisent lorsqu'ils n'ont plus de grain en leur possession.

La Commission canadienne du blé doit déménager dans un port, tandis que les compagnies de grain et les sociétés de chemin de fer doivent soumissionner pour obtenir le droit de travailler pour la commission du blé. Un système de contrats commerciaux assorti de pénalités et de facteurs d'incitation doit être instauré pour que nos récoltes puissent être livrées à temps. Dans l'avenir, si une partie du système de manutention et de transport du grain vient à manquer, une pénalité monétaire doit être imposée à la partie coupable, et cet argent doit être retourné aux producteurs; ainsi, on ne fera pas comme dans le passé, lorsque la Commission canadienne du blé avouait simplement son erreur et que l'agriculteur payait la note.

Le groupe parlementaire de l'Ouest a récemment eu des propositions selon lesquelles il fallait simplement réduire de 18 p. 100 la limite imposée au revenu de transport par chemin de fer. À mon avis, ce serait là une grave erreur. Je suis sûr que les sociétés de chemin de fer ont bien des endroits où couper, mais leur imposer automatiquement un prélèvement de 18 p. 100 va les porter à se tourner contre le gouvernement. Au bout du compte, les sociétés de chemin de fer ne vont pas réinvestir dans les wagons-trémie. Dans des années, le gouvernement devra racheter des wagons-trémie plutôt que de vendre ceux qu'il possède. Si vous imposez une telle restriction aux sociétés de chemin de fer, elles vont cesser d'exploiter un nombre encore plus grand de voies secondaires que tant de gens veulent garder. Il faut vraiment bien réfléchir à cette question.

En terminant, je dénonce l'hypocrisie du gouvernement. C'est un gouvernement qui s'inquiète réellement d'un monopole exercé dans l'industrie aérienne; il s'inquiète aussi du duopole exercé dans l'industrie du transport, mais cela ne l'empêche pas de faire allégrement avaler de force aux agriculteurs un monopole pour l'achat du grain.

Encore une fois, merci.

Le président: Merci, monsieur Sackett.

Il semble que nous allons avoir le temps d'entendre un autre témoin; alors, après Murray Woods, nous entendrons Ron Leonhardt.

Monsieur Woods, bienvenue. Nous vous écoutons.

M. Murray Woods (témoignage à titre personnel): Merci. Je suis content d'être ici. Je déplore quand même d'avoir découvert cette réunion plutôt par hasard. Je ne pense pas qu'elle a été annoncée comme il faut. Je l'ai découverte parce que j'ai lu une lettre dans le journal hier pour laquelle il y avait un commentaire, dans la chronique de Myron Thompson. C'est là la première chose.

La deuxième chose, c'est que j'ai assisté à un grand nombre de réunions de ce genre au cours des ans, et je peux vous dire que j'espère que celle-ci sera plus productive que les autres. Dans les autres auxquelles j'ai assisté, beaucoup de choses intéressantes étaient dites, mais quand on y pense—et je parle surtout des réunions du Sénat au sujet de la Commission canadienne du blé—en définitive, toutes ces bonnes choses étaient laissées de côté. J'espère que la présente réunion sera plus utile.

Ma principale occupation est celle de cultivateur de grain. Ma femme Linda et moi cultivons 1 900 acres de pois, de colza, de seigle, d'orge, de fourrages et de blé. J'exerce aussi une deuxième occupation, celle de conseiller en gestion financière auprès des agriculteurs, ce qui m'amène à voir beaucoup des problèmes dont il est question.

Sur ma ferme en particulier, mes deux coûts les plus élevés sont les impôts et la conformité avec la réglementation. Bien des gens disent que ça ne coûte rien, mais malheureusement la moitié de tout ce que nous payons est pratiquement constitué de taxes et d'impôt. La réglementation à laquelle nous sommes assujettis complique certainement l'exploitation de notre entreprise.

La semaine dernière, je discutais avec le président d'une importante ferme d'élevage de porc, qui est très diversifiée; son entreprise a tenté récemment de trouver des endroits où installer des porcheries, et elle en a pratiquement été incapable. Selon moi, c'est à cause des gouvernements provinciaux et fédéraux, qui n'ont pas établi de règlement clair quant à ce qui est nécessaire à qui veut installer ce genre d'établissement et qui ne disent pas que, une fois la réglementation en place, on peut procéder du moment qu'on la respecte.

• 1235

Si nous voulons une industrie dans notre pays, il faut que la réglementation soit claire quant aux conséquences et ne pas laisser n'importe quelle personne aux cheveux longs qui se promène avec un mouton intervenir pour mettre fin à un projet qui s'inscrit clairement dans ce que nous voulons faire.

Quand je parle des taxes et impôts qui sont à un point culminant, je parle surtout de notre ferme, où nous devons payer d'énormes taxes sur le combustible. Les prix de nos fertilisants et de l'expédition du grain sont extrêmement élevés, tout comme les taxes scolaires et foncières, et cette liste est loin d'être complète. Nos impôts augmentent chaque année. Je regardais le tableau là-bas lorsque M. Ness a parlé des taxes qui augmentent chaque année. Certains ont levé les sourcils, et on a pu entendre des murmures et des discussions, mais honnêtement, si vous examinez les budgets, vous constaterez que le montant prélevé par le gouvernement augmente chaque année. On peut bien dire que les taxes ont baissé, mais les gouvernements tirent leur revenu d'un seul endroit, et s'ils obtiennent plus d'argent une certaine année que l'année précédente, c'est que les impôts ont augmenté.

Si je prends pour exemple l'impôt fédéral actuel, qui se situe à un peu plus de 5 000 $ par personne, c'est dire que ce qu'il en coûte pour ma famille est 35 000 $. Bien sûr, on obtient des services très valables, mais il y a aussi à ce que je sache beaucoup de gaspillage. Je pense particulièrement au fait de donner un drapeau de notre pays à quiconque en demande un, d'accrocher des lapins morts aux arbres, de remettre de l'argent aux équipes de la ligue nationale—quant on y pense, nous le faisons déjà dans une certaine mesure, parce que le petit logo du Canada sur la bande ou sur les uniformes a été payé avec l'argent de nos impôts, et je pense aussi au programme national de garderies, que nous paierons de notre poche pour aider quelqu'un d'autre à prendre soin de nos enfants. Honnêtement, mon épouse et moi préférerions élever nos propres enfants et en prendre soin nous-mêmes.

En ce qui concerne le rapport Estey, le juge Estey a probablement déposé le 2 000e rapport sur la réforme des transports. Je pense qu'il a fait un excellent travail. Et voilà qu'on le dilue à l'excès. Le ministre Collenette a déjà envoyé quelques ballons d'essai, en disant fondamentalement: «Nous n'allons pas faire ce qu'a recommandé le juge Estey; nous allons mettre une limite de 18 p. 100 sur les recettes ferroviaires.» Nous devrions tirer des leçons de l'histoire. Nous avions le tarif du Nid-de-Corbeau et nous en sommes venus à ne plus être capables de transporter le grain. Si les sociétés de chemin de fer ne peuvent pas faire d'argent à transporter le grain, elles n'en transporteront pas. Si je ne peux faire d'argent avec ma ferme, je vais cesser d'être fermier. Il faut nous pencher sur cette question. Il va faire une recommandation selon laquelle, essentiellement, la commission du blé sera responsable—ou sera limitée ou quoi que ce soit d'autre—de répartir les wagons. Je répète, ce serait une erreur désastreuse.

À l'heure actuelle, on envisage une proportion de 70 p. 100 pour la commission du blé et de 30 p. 100 pour les autres. Cette dernière proportion a augmenté sans cesse. Je dis, moi aussi, que nous ne devrions même pas avoir de commission du blé, mais s'il nous faut tout de même en avoir une, elle devrait être obligée de se battre sur le même terrain que les autres pour obtenir ses wagons. Nous perdons des ventes de colza. Je cultive aussi beaucoup de pois, et nous avons des problèmes à les amener sur le marché, même si nous avons un bon marché pour les vendre. C'est là la culture la plus rentable de ma ferme, et je ne peux la faire transporter, parce que la commission du blé réserve des wagons pour transporter une récolte qui n'a en réalité qu'une bien piètre valeur.

Je suis très préoccupé par l'atmosphère de secret qui entoure la Commission canadienne du blé. J'ai mes théories quant aux raisons pour lesquelles elle ne veut pas divulguer l'information. Je ne sais pas ce que sont ses informations, parce qu'elles sont si secrètes que je ne peux même pas trouver une raison pour laquelle on ne veut pas les divulguer. Je pense qu'il se prépare à museler le conseil d'administration pour l'empêcher de parler des activités de la commission. Cette situation me préoccupe réellement. Si nous sommes forcés de vendre notre blé et notre orge par leur entremise, si nous voulons atteindre les marchés d'exportation, nous devrions savoir ce qui se passe dans cette organisation.

Je le répète, le gouvernement nous dit depuis bien des années, par l'entremise de la Commission, qu'il nous faut diversifier. Si, comme agriculteur, je veux mettre sur pied une petite usine de pâte sur ma ferme, transformer mon propre blé dur et vendre les pâtes qui en résultent, je peux le faire.. Mais si je veux constituer un groupe avec 500 de mes voisins et bâtir une usine de classe mondiale, je ne peux pas le faire, à moins de verser des droits—qui selon moi, relèvent de l'extorsion—à la commission du blé pour avoir la permission de transformer mon propre grain, dans l'établissement qui m'appartient en partie. Je trouve ça ironique de la part d'une organisation qui nous dit que la seule façon dont nous pouvons survivre—et, pour être tout à fait franc, j'aimerais mieux être prospère que de devoir survivre—c'est de travailler en coopérative. Puis, lorsqu'un groupe d'agriculteurs veulent travailler en coopérative, le gouvernement nous dit qu'il doit établir de toutes nouvelles règles pour nous, plutôt que de nous laisser faire les choses comme nous l'entendons.

• 1240

Monsieur McGuire a demandé pourquoi les agriculteurs ne retiraient pas leur argent du CSRN. Je vais vous donner les deux principales raisons. La première, c'est qu'un bon nombre des comptes du CSRN sont détenus par des agriculteurs établis et aussi par des communes, les colonies huttérites. Je ne leur en veux pas, mais aucune d'entre elles ne va retirer son argent.

Je viens tout juste d'envoyer ma demande pour retirer de l'argent de mon compte, et la raison pour laquelle nous avons retardé la décision de retirer notre argent, c'est que nous ne voulons pas de revenu avant la prochaine année d'imposition. Compte tenu du montant plutôt élevé des impôts, c'est là une autre méthode pour retarder les choses. Je m'attends tout à fait à ce qu'une grande partie de l'argent retiré au cours des prochaines semaines sera versé en janvier.

J'ai entendu ici plusieurs commentaires selon lesquels un paiement pouvait être fait sans qu'on tienne compte de l'OMC, de l'ALENA et du GATT et ainsi de suite, mais ce serait là l'une des plus graves erreurs que nous pourrions faire. Nous ne sommes que des pions sur l'échiquier. Les Américains peuvent faire ce qu'ils veulent; les gens peuvent contester ce qu'ils font, et cela ne les empêchera pas de survivre. Si nous, au Canada, mettons un terme aux tarifs... si vous voulez parler à certains des gars qui oeuvrent dans l'industrie du porc depuis bien des années, ils vous diront que la pire chose qui leur est arrivée depuis longtemps a été l'imposition des tarifs. C'est parce que nous ne voulions pas respecter nos obligations commerciales et nos traités commerciaux. Ce serait un vrai désastre si nous faisions quelque chose pour les enfreindre et que nous finissions par devoir payer un tarif durant des années—dont le montant dépasserait de beaucoup ce que nous obtiendrons en paiement du gouvernement.

J'entends aussi souvent dire qu'il faut cibler ceux qui en ont besoin. Selon moi, c'est tout simplement une solution canadienne. On va ignorer ceux qui font du bon travail et continuer à subventionner ceux qui ne font pas du bon travail tout simplement pour qu'ils puissent continuer. C'est ce que nous avons fait bien trop souvent dans bien trop d'industries.

Je pense que nous devons nous concentrer sur ce que nous pouvons faire. Nous ne pouvons modifier les politiques européennes ni les politiques américaines. Les Européens ont faim et ils devront payer pour obtenir de la nourriture, soit par des impôts ou directement au marché. Ils vont s'assurer de ne plus avoir faim. Ce que nous pouvons faire, c'est réduire le coût de nos intrants. C'est ce que j'ai fait sur ma ferme. Je n'essaie pas d'être le meilleur vendeur sur le marché; j'essaie d'être le producteur dont les coûts seront les plus faibles sur le marché. Si je peux y arriver, j'aurai réussi.

Si nous regardons ailleurs dans le monde, nous constatons que nos plus grands concurrents dans ce secteur d'activité sont non pas les Américains et les Européens, mais les Sud-Américains, les Australiens et les Néo-Zélandais. Si on regarde ce que font les Sud-Américains, on constate qu'ils font rapidement diminuer le coût de leurs infrastructures. De notre côté, nous faisons rapidement augmenter les nôtres. C'est pourquoi nous nous dirigeons droit vers des problèmes.

Nous avons commencé à réformer le système de mise en marché et de transport du grain il y a 20 ans. À l'époque, on disait qu'il ne fallait pas procéder à la pièce, mais c'est malheureusement ce que nous avons fait. Nous avons fragmenté toutes les choses qui procuraient un revenu aux agriculteurs, comme le tarif du Nid-de-Corbeau. Je suis heureux qu'on ait éliminé bon nombre de ces choses, mais il en est une que nous n'avons pas résolue, et ce sont les règlements et conditions qu'on impose à l'exploitation d'une ferme.

Mon dernier argument est le suivant: ce dont j'ai besoin, si je veux prospérer, demeurer dans cette industrie, continuer à payer mes impôts et faire de l'argent pour notre pays, c'est que le gouvernement arrête de piger dans ma poche pour des choses dont le pays n'a réellement pas besoin. Ce dont j'ai besoin, c'est que vous décolliez de mon dos pour me laisser exploiter mon entreprise.

Le président: Merci, monsieur Woods.

Nous entendrons maintenant Ron Leonhardt. Bonjour, Ron.

M. Ron Leonhardt (témoignage à titre personnel): Bonjour. Merci, monsieur le président.

Chers membres du comité permanent, nous sommes privilégiés que vous vous soyez déplacés ici en Alberta pour nous entendre. À en juger par ce que bon nombre de producteurs nous ont dit aujourd'hui, je pense que vous pouvez voir que les gens sont bien malheureux.

Tout d'abord, les producteurs veulent que leur revenu leur provienne du marché. Ils ne veulent pas qu'il leur provienne d'une subvention ou d'un programme. Malheureusement, ils ne peuvent le faire aujourd'hui.

Nous avons parlé de subventions agricoles et de subventions à l'agriculture. J'aimerais présenter la chose sous un angle inverse pour vous montrer qu'il s'agit d'une subvention aux consommateurs de notre pays. Nous subventionnons les consommateurs d'aliments depuis longtemps. Pensez qu'il y a pour 6¢ de blé dans un pain qui se vend au détail 1,50 $. Mais les céréales qu'on mange au déjeuner sont mon exemple favori: on peut lire sur le côté d'une boîte de Shredded Wheat que cette céréale est composée à 100 p. 100 de blé—que rien n'y est ajouté. La boîte coûte 4,49 $ et contient pour 9c. de blé. Si vous deviez retourner 9c. de plus sur ces 4,40 $ au producteur, vous doubleriez le prix du blé.

On peut continuer et examiner un produit comme la bière. Dans ce cas, le producteur touche 1c. pour l'orge qui est contenue dans une bouteille de bière. Si un autre cent pouvait être acheminé au producteur, cela ferait doubler le prix de l'orge. Votre comité ne serait pas ici aujourd'hui, et nous ne vivrions plus une crise pour les revenus agricoles. Et l'on ne parle que des choses qui sont consommées ici au Canada.

• 1245

Il nous faut prendre une partie de l'argent que le consommateur verse pour ses aliments et remettre quelques cents de chaque dollar au producteur primaire. Cela permettrait de résoudre bien des problèmes.

Il y a aussi la question des exportations. Nous sommes un gros exportateur dans le marché mondial. À vrai dire, environ 80 p. 100 de notre blé est exporté. Quelques témoins aujourd'hui ont parlé des prix mondiaux. Je ne pense pas que nous devrions en parler beaucoup, parce que nous sommes censés parler de la protection du revenu agricole, mais le prix mondial du grain aujourd'hui, où que vous alliez... nous avons des amis en Australie. Nous avons reçu une carte de Noël de leur part hier. Ils disent que le prix du grain s'est effondré en Australie. Nous avons des amis qui ont une ferme au Montana, et ils nous ont dit qu'ils expédiaient de l'orge dans le sud de l'Alberta. Alors, nous devons être bien conscients du fait que les prix mondiaux sont très, très faibles.

Les analystes de la situation du grain prédisent que les prix du grain en l'an 2000 seront encore plus faibles. Ce n'est donc pas une situation propre à une année. C'est très, très grave.

Quand je me suis lancé dans l'exploitation agricole il y a quarante ans, on m'a dit—et on l'a maintes fois répété—qu'il n'y avait pas assez de grain sur notre planète pour nourrir tout le monde. Un chose s'est produite depuis quarante ans: la production de grain a augmenté, et elle l'a fait plus vite que la demande. C'est un chiffre étonnant. Depuis 20 ans, la production du grain a augmenté d'environ 2 p. 100 par année dans le monde. Nous en produisons plus que—je ne devrais pas dire plus que nous en avons besoin. Il y a des gens dans le monde qui ont faim et qui ne peuvent se permettre d'acheter du grain. Mais nous en produisons davantage que ce qu'exige la demande.

Le programme que nous avons à l'heure actuelle ne fonctionne pas. Il a été conçu ici en Alberta. Ce n'était pas un bon programme. En fait, c'était le plus mauvais que nous ayons dans les provinces.

J'exploite ma ferme avec mon gendre; nous avons conservé 800 acres, et lui, il loue 800 acres. En 1988, pour nos 800 acres, notre revenu a baissé de 42 000 $ par rapport aux trois années précédentes. Nous avons puisé à même nos ressources les sommes nécessaires pour couvrir nos dépenses. L'année 1999 n'est pas encore tout à fait terminée, mais le manque à gagner va être supérieur à 42 000 $. Ainsi, nous avons dû consacrer 80 000 $ de nos économies pour poursuivre notre exploitation depuis deux ans. Tout ça pour une ferme de 800 acres, ne l'oubliez pas.

Nous avons pu retirer 21 000 $ du CSRN depuis un an, de sorte que nous avons dû puiser les 60 000 $ restants dans notre compte d'épargne, qui est maintenant presque vide. Les perspectives pour la prochaine année ne sont pas meilleures. Ainsi, j'en suis à une étape où je suis prêt à laisser mon affaire à mon gendre, et je ne sais pas si je lui fais une faveur ou pas. Lui n'a pas ce genre de ressources pour survivre.

Alors la question se pose ainsi: qu'allons-nous faire? Quel genre de programme allons-nous concevoir? L'assurance-récolte ne nous permet pas de couvrir adéquatement les pertes de production. Dans une situation comme celle-là, quand les autres pays du monde décident de subventionner leur agriculture...

Une personne dont la famille a une ferme au Danemark m'a dit qu'on leur versait 300 $ l'acre simplement pour cultiver. Cette somme ne vise pas la production: elle leur est simplement versée parce qu'ils s'occupent de la terre. C'est ainsi qu'ils justifient ce genre de choses. C'est triste de devoir dire à quelqu'un que nous devons faire cela au Canada pour que l'agriculture survive. C'est vraiment triste quand un pays ne peut se permettre de rémunérer suffisamment les gens qui produisent la nourriture, parce qu'ils ne peuvent survivre simplement en cultivant la terre. C'est honteux.

Nous avons entendu beaucoup de suggestions ici aujourd'hui sur ce qui pourrait être fait. Peut-être que, dans cinq ou dix ans, l'Europe ou les États-Unis réduiront leurs subventions et que le prix du grain va augmenter. Peut-être qu'à un moment donné, si la concurrence se met à s'épanouir dans le domaine du transport, les tarifs de transport vont diminuer. Mais cela ne contribue absolument pas à améliorer la situation actuelle. Vous avez vraiment un travail très, très difficile qui vous attend.

• 1250

Les producteurs de grain de l'Ouest canadien doivent réfléchir au fait que le prix mondial du gain est bas et qu'ils sont désavantagés au chapitre du transport. Nous allons avoir les coûts de transport les plus élevés au monde, peu importe la façon dont ils fonctionnent. Nous sommes désavantagés.

Alors nous devons prendre une décision. Est-ce que le Canada, pays producteur de grain, veut continuer à jouer un rôle important dans le marché d'exportation, ou allons-nous laisser la production primaire aux pays du tiers monde, comme quelqu'un l'a suggéré?

Le gouvernement doit assumer un leadership pour cette question—à l'échelle fédérale, parce que vous n'avez pas réglé le problème en tant que partenaire mondial du commerce, et aussi à l'échelle provinciale. Il faut que vous vous demandiez ce qui va se passer pour nos collectivités rurales. Allons-nous simplement les laisser s'éteindre? Allons-nous simplement disparaître? Certaines questions très graves se posent à vous.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Leonhardt.

Des voix: Bravo!

Le président: Même si le temps presse, j'aimerais que nous entendions un autre témoin avant de clore la séance. Je prierais Ike Lanier de venir.

Ike, êtes-vous là? J'ai votre nom sur la liste ici. Vous vous êtes inscrit ce matin.

Vous pouvez prendre le micro huit, monsieur Lanier. Merci d'être venu. Je pense que vous allez vider les sentiers.

M. Ike Lanier (témoignage à titre personnel): Merci de me permettre de venir vous parler, chers membres du comité.

J'exploite une ferme tout juste au sud de Lethbridge avec mon fils Rob. Nous cultivons du grain et des oléagineux et faisons un peu d'irrigation.

Ce matin, nous avons surtout parlé de protection du revenu agricole, il me semble, et de la difficulté qu'il y a à concevoir des programmes efficaces et à mettre de l'argent dans les poches des personnes qui en ont le plus besoin. Manifestement, le gouvernement et les producteurs ont eu du mal à concevoir un bon système.

Selon moi, le gouvernement fédéral a conçu l'un des meilleurs systèmes au monde. Le problème, c'est qu'il protège le revenu des compagnies de grain et des minoteries canadiennes. Autrement dit, de la Commission canadienne du blé.

Les frais que nous payons pour les silos-élévateurs et la manutention sont les plus élevés en Amérique du Nord, et tout ça, dans le cadre d'un monopole secret, contrôlé par l'État; la Commission canadienne du blé peut mal gérer, manipuler et protéger qui elle veut. Je n'y vois aucun avantage pour le producteur.

Il est indéniable que les sociétés céréalières s'en sont fort bien tirées grâce à la Commission canadienne du blé, comme l'illustrent leurs énormes investissements dans des silos-élévateurs de béton. L'argent nécessaire à cela n'est venu que d'un endroit: directement de nos poches.

Il y a une solution pour remédier aux malheurs qui touchent les producteurs, et c'est l'application des recommandations du rapport Estey.

Monsieur le président, vous avez parlé de nous permettre d'épargner cinq dollars. Selon moi, vous n'y arriverez pas par une réglementation. Vous pourriez y arriver par des facteurs incitatifs, et vous ne pouvez le faire qu'en permettant la concurrence.

L'autre soir à la télévision, j'ai entendu un député qui disait qu'on allait contrôler les tarifs et les itinéraires d'Air Canada. Selon moi, cela ne fonctionnera pas. Seule la concurrence est viable.

J'ai une autre inquiétude, et elle concerne le conseil d'administration relativement nouveau de la Commission canadienne du blé. Le ministre responsable de la Commission a publiquement affirmé à de très nombreuses reprises que le contrôle de la Commission canadienne du blé relevait désormais des agriculteurs. Pourtant, le seul administrateur de ce conseil qui soit pour le double marché se fait continuellement harceler et bâillonner, et on exerce sur lui des pressions pour qu'il ne divulgue pas les informations—même si elles ne sont pas de nature commerciale—à ses commettants.

Il a été élu parce qu'il prônait le double marché, il a été élu avec une grande majorité, et pourtant, il n'est pas libre de venir informer ses producteurs. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi, monsieur le président?

• 1255

Le président: Je ne parle pas au nom de la commission du blé. Je ne sais pas de quelle situation vous voulez parler, monsieur Lanier.

M. Ike Lanier: Croyez-vous qu'il serait justifiable pour nous de nous attendre à obtenir ce genre d'information, qui n'est pas de nature commerciale?

Il est de notoriété publique que la commission a procédé à un sondage, comme l'a mentionné M. Ness, qui critiquait sa position. Cela a été rendu public. Nous avons payé ce sondage. Les agriculteurs ont payé ce sondage.

Je crois savoir qu'il y en a peut-être un autre qui est encore plus négatif à l'endroit de la commission. Je ne sais pas. Personne ne me l'a dit. Nous avons payé pour obtenir cette information, et nous ne pouvons y accéder. Nous ne sommes pas dans une situation où ce sont les agriculteurs qui dirigent la commission.

On a demandé à la commission des informations sur la mise en marché de l'avoine. La commission ne s'occupe plus d'avoine depuis dix ans, et nous ne pouvons pourtant obtenir quelque information que ce soit au sujet des ventes d'avoine. C'est injustifiable.

Voilà ce que j'avais à vous dire. Il faut mettre un terme aux secrets à la commission. Elle doit rendre des comptes. Qu'elle reste ou qu'elle parte a peu d'importance tant et aussi longtemps qu'elle est ouverte, qu'elle fait tout au-dessus de la table et que ses prix sont transparents.

Merci.

Le président: Merci.

Des voix: Bravo!

Le président: J'apprécie vos commentaires, monsieur Lanier, et j'apprécie les commentaires de tout le monde.

Je ne pense pas que ce soit mon rôle, en qualité de président du comité, de m'engager dans un débat sur la Commission canadienne du blé, mais j'aimerais quand même dire une ou deux choses. Un certain nombre d'entre vous avez parlé de la divulgation de certaines informations ou avez dit souhaiter que les livres soient vérifiés. En vertu du projet de loi C-4, qui a été adopté il y a quelques années, une disposition permet au vérificateur général de le faire, et je présume qu'il le fera.

Je veux dire une autre chose. Je ne connais pas les détails de cette dispute au sujet de l'information que l'un des administrateurs voudrait divulguer, monsieur Lanier. J'ai cru comprendre que l'information qu'il voulait divulguer contenait certains renseignements délicats de nature commerciale.

De plus, il s'agit d'un conseil formé de quinze administrateurs, dont dix sont élus directement par les agriculteurs. Je présume que, de temps à autre, comme c'est le cas de bon nombre de conseils d'administration, une ou deux personnes peuvent se retrouver minoritaires, et les décisions doivent pourtant être prises selon un consensus. Je présume que c'est exactement de cette façon que le conseil travaille. Lorsque vous avez plus d'un organisme, vous devez parvenir à une décision majoritaire quelconque.

C'est pour vous que nous tenons des réunions comme celle d'aujourd'hui. Nous sommes venus pour vous entendre et pour nous mettre au fait de vos préoccupations. C'est tout ce que je voulais dire.

J'aimerais, au nom de tous les membres, remercier tous ceux qui sont venus nous parler aujourd'hui. Je tiens à remercier tout le monde d'être venu. Cela a été très utile. C'est la neuvième réunion que nous avons depuis lundi, et elles ont toutes été très productives pour nous. Je puis vous assurer que, plus tard aujourd'hui, chacun de nous rentrera à Ottawa pour transmettre votre message le mieux possible. Merci.

La séance est levée.