AGRI Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD
COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 9 décembre 1999
Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James— Assiniboia)): [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... crise dans les Prairies.
Nous avons tout d'abord un groupe de quatre personnes qui nous présenteront des exposés. J'aimerais donc souhaiter la bienvenue à MM. Mills Anderson, René Blanchette, Art Macklin et Cliff Richards. Nous procéderons par ordre alphabétique, ce qui veut dire que vous serez le premier à prendre la parole M. Anderson. Je vous demanderais de bien vouloir essayer de ne pas prendre plus de cinq à sept minutes pour que nous ayons un peu de temps pour les questions plus tard.
Je vous remercie. Nous sommes heureux de vous rencontrer. La parole est à vous maintenant.
M. Mills Anderson (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président. Je suis heureux d'avoir la chance de m'adresser au comité. Je vais d'abord vous présenter un bref aperçu de la situation, selon mon point de vue, puis quelques solutions possibles.
Les mauvaises conditions climatiques ont touché de grands secteurs de la province au cours des dernières années. Dans le Peace Contry, certains districts, y compris celui dans lequel j'habite, ont enregistré des récoltes désastreuses pendant six ans de suite. Dans ma propre ferme, nous avons subi alternativement des inondations et des sécheresses et des centaines d'agriculteurs de ma région sont au bord de la faillite.
Toutefois, sur la scène mondiale, la production agricole a été assez prospère depuis un certain nombre d'années ce qui fait que les prix n'ont pas été soutenus. Mais l'aspect le plus important à souligner est sans contredit les subventions accordées aux agriculteurs par les gouvernements des États-Unis et les pays de l'Union européenne. Tout cela s'est traduit par une chute vertigineuse des prix offerts aux céréaliculteurs canadiens.
Pour empirer la situation, on a fait disparaître la plupart des subventions auxquelles nous avons déjà eu droit, tout particulièrement celle du Nid-de-Corbeau. La disparition de cette subvention à elle seule a réduit de plus d'un dollar le boisseau les recettes brutes tirées par les céréaliers canadiens. Puisque le blé par exemple vaut moins de 3 $ pour une qualité moyenne, nous avons donc perdu le tiers de la valeur brute du produit. Toute industrie qui verrait son revenu brut chuter du tiers serait je crois dans une situation très difficile.
Je suis persuadé que les céréaliers canadiens n'auraient eu aucune objection à ce que l'on égalise les chances en éliminant les subventions pour tous, mais ce qui s'est passé en réalité, c'est que le Canada a respecté les règles et éliminé les subventions, alors que les États-Unis et les pays d'Europe ont maintenu les programmes en place sans grand changement. Nous avons été de vrais petits scouts bien obéissants et avons montré l'exemple pendant que nos concurrents poursuivaient leurs opérations comme si de rien n'était. Nous nous objectons sérieusement à cela.
Le taux de subvention réel est actuellement de 56 cents au dollar dans l'Union européenne, de 38 cents au dollar aux États-Unis et de 9 cents au dollar au Canada. Il nous est impossible de soutenir la concurrence dans cette situation.
Pour ce qui est des programmes en place, le programme d'aide au revenu agricole en cas de désastre mis en «uvre en Alberta était fondé sur une prémisse raisonnable et il a d'abord très bien fonctionné. Toutefois, dans les régions qui ont été touchées par plusieurs désastres successifs, il est rapidement devenu inefficace puisqu'il ne versait que 70 p. 100 de la différence entre le revenu net de l'année en cours, ou de l'année de la réclamation, et la moyenne des trois années précédentes. Après quelques mauvaises récoltes, les rentrées nettes étaient négligeables—70 p. 100 de rien, c'est rien. Les modifications au PDRA annoncées récemment par le gouvernement de l'Alberta, c'est-à-dire le calcul de la moyenne sur les trois meilleures des cinq dernières années et la reconnaissance des marges négatives, rendra le programme beaucoup plus efficace.
Comme le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole du gouvernement fédéral, ou programme ACRA, est très semblable au PDRA, on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il puisse offrir une certaine aide aux agriculteurs, maintenant que les critères ont été élargis de la même façon. En fait, depuis l'adoption des nouvelles règles, le programme ACRA est devenu passablement plus avantageux que le PDRA pour les agriculteurs.
Le programme d'assurance-récolte devrait être d'une certaine aide lorsque les désastres climatiques entraînent des pertes de revenus, mais il s'est montré plutôt inefficace à ce chapitre. J'ai participé à ce programme pendant des années, mais j'ai abandonné depuis quelques temps parce que le rapport entre les primes et les prestations est devenu tellement dissuasif qu'il ne valait plus la peine d'y participer. Comme vous le savez, le programme d'assurance-récolte fait présentement l'objet d'une importante révision et nous verrons comment il pourrait être amélioré.
Il ne fait aucun doute que l'industrie céréalière de l'Ouest a grandement besoin d'une injection immédiate de capitaux pour soulager ses problèmes à court terme. Le programme le plus simple et le plus efficace serait un programme de paiement à l'acre basé sur la superficie de terre consacrée aux grains et aux oléagineux.
Une autre solution à court terme qui, tout en étant controversée, attire tout de même beaucoup d'attention dans l'Ouest, est l'imposition d'un moratoire sur le remboursement des dettes agricoles aux banques, sociétés de crédit agricole, coopératives de crédit et autres organismes provinciaux de crédit agricole. On ne ferait que reporter le remboursement de la dette, on ne l'annulerait pas, et les paiements reportés seraient tout simplement repoussés à la fin de la période de remboursement prévue. Le principal rôle du gouvernement fédéral serait de compenser les organismes de crédit privés et les deux niveaux de gouvernement absorberaient les pertes des organismes gouvernementaux de crédit au niveau des paiements d'intérêt.
• 0835
Si je comprends bien la proposition qui a été faite, l'indemnisation
correspondrait à l'intérêt sur l'intérêt, ce qui signifie environ 225
millions de dollars par année, puisque la dette agricole totale de
l'Ouest canadien est d'environ 24 milliards de dollars. Cette mesure
pourrait être mise sur pied sans délai et elle permettrait de sauver
bon nombre d'exploitations agricoles menacées.
Ce ne sont pas là les seules solutions possibles à la crise monétaire actuelle. Pour comparer notre situation avec ce qui se passe aux États-Unis, disons que l'industrie céréalière canadienne vaut environ 10 p. 100 de l'industrie de nos voisins du Sud. Puisque la subvention accordée par le gouvernement américain en plus du budget normal du ministère américain de l'Agriculture est de 22,5 milliards de dollars cette année. Donc, pour obtenir le même niveau d'aide, l'industrie céréalière canadienne aurait besoin d'un apport supplémentaire de 2,25 milliards de dollars, ou environ le double de ce qui a été annoncé.
Le programme ACRA ne sera pas le meilleur outil de distribution de fonds puisque le pourcentage de fonds et la période calcul établis sont déjà au maximum. Je crois que le gouvernement fédéral devrait adopter une variante du système américain de subvention à l'appui des prix du grain au cours des quelques prochaines années. Je crois également que c'est le secteur céréalier qui a besoin de la plus grande partie de l'aide, pas le secteur de l'élevage qui est plutôt prospère. Les prix des céréales fourragères sont à leur plus bas niveau, ce qui avantage directement l'industrie du bétail.
La meilleure mesure à long terme que le gouvernement du Canada peut adopter pour venir en aide à l'industrie céréalière canadienne est d'aider à négocier une solution à la distorsion commerciale engendrée par les politiques de nos concurrents en matière de subventions agricoles. La prochaine série de négociations de l'Organisation mondiale du commerce établira les règles du jeu auxquelles les agriculteurs canadiens devront se conformer pour les dix prochaines années au moins, et elle aura des répercussions importantes sur la santé de notre industrie à long terme.
Nous ne pouvons pas nous permettre être de bons scouts encore une fois. Si nous le faisons et que nos concurrents continuent de jouir de subventions avantageuses, notre industrie céréalière est vouée à disparaître, ce qui ne serait pas du tout au bénéfice de notre pays. Lorsque les produits importés viendront tripler ou même quadrupler nos coûts alimentaires, les programmes gouvernementaux mis sur pied aujourd'hui pour venir en aide aux agriculteurs paraîtront très raisonnables aux contribuables.
En conclusion, j'aimerais souligner quelques points en particulier. J'en ai assez de subventionner le consommateur pour l'aider à acheter sa nourriture. J'ai consacré au moins 50 000 $ de mes revenus extérieurs à mon exploitation agricole pour acheter l'engrais, le carburant et les produits chimiques dont j'ai besoin pour produire ces aliments. Je suis persuadé que les 90 p. 100 des autres agriculteurs qui ont également des revenus extérieurs en font autant. Je crois qu'on peut dire qu'il est ridicule que la production de notre ferme puisse faire vivre 100 personnes chaque année, mais que je doive moi-même travailler à l'extérieur pour nourrir ma propre famille.
Je ne peux rien faire de plus à titre d'agriculteur, et je ne peux pas non plus me permettre d'attendre que la prochaine série de négociations de l'OMC porte ses fruits. Cela pourrait prendre six ou même huit ans avant que les négociations soient conclues et probablement dix ans de plus pour que les subventions soient équilibrées. Il ne sert donc à rien d'attendre en espérant de bons résultats. Nous avons besoin d'aide dès maintenant. Nous ne pouvons accepter que le ministre Vanclief nous dise qu'il n'y a plus d'argent pour les agriculteurs lorsque le ministre des Finances est à la recherche de moyens de dépenser les 90 milliards de dollars prévus en excédents au cours des cinq prochaines années.
Je ne vois vraiment pas comment on pourrait adapter encore le programme ACRA et je considère donc que le paiement à l'acre pour les céréales et les oléagineux serait la meilleure façon de contrer immédiatement la crise. Un système d'aide à l'américaine devrait être institué à plus long terme. Monsieur le président, l'agriculture est dans une bien mauvaise passe. Je vous supplie de nous écouter. La situation est réellement aussi grave que nous vous la présentons.
Le président: Je vous remercie, monsieur Anderson.
Avant de passer la parole à M. Blanchette, j'aimerais donner la chance à mes collègues de se présenter, en commençant par Joe.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Je suis le secrétaire parlementaire et je représente la circonscription d'Egmont à l'Île-du-Prince-Édouard.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Je suis le député de la circonscription de Yorkton—Melville en Saskatchewan et je suis l'un des porte-parole du Parti réformiste en matière d'agriculture.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Je suis le député pour cette circonscription. J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos participants et à tous ceux qui se sont déplacés pour nous faire part de leur intérêt. J'aimerais également souhaiter la bienvenue à Grande Prairie aux membres du comité.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Je suis le député de Palliser en Saskatchewan et le porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d'agriculture.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Je suis le porte-parole du Parti conservateur en matière d'agriculture et je représente la circonscription de Brandon—Souris à Brandon au Manitoba.
Le président: Je vous remercie, messieurs.
Nous entendrons maintenant M. Blanchette. Je vous souhaite la bienvenue.
M. René Blanchette (témoignage à titre personnel): Mesdames et messieurs, bonjour.
Je m'appelle René Blanchette et je suis un producteur de porcs et de céréales de Girouxville dans la région de Smoky River, à 100 milles au nord-est de Grande Prairie. C'est un grand plaisir pour moi de vous accueillir dans le Peace Country du nord de l'Alberta.
Notre région a subi des conditions climatiques extrêmes au cours de quatre dernières années, ce qui s'est traduit par des récoltes inférieures à la moyenne. Compte tenu des faibles prix des denrées, les agriculteurs et les collectivités agricoles font face depuis ce temps à de graves problèmes financiers. Au cours de mon exposé, je m'en tiendrai à ma propre situation et aux problèmes de ma collectivité agricole.
Les années 1996 et 1997 ont été les plus humides de toute l'histoire de l'agriculture dans la région de Smoky River, et, aussi incroyable que cela puisse paraître, les années 1998 et 1999 ont alors apporté des conditions de sécheresse sans pareil. Nous avons vu nos champs inondés par les plus torrentielles, au point de se transformer en lacs, et à l'autre extrême, nous avons les avons vu brûler littéralement sous le soleil, au point où il n'était plus même question de faire des récoltes. Toutefois, nos obligations financières elles n'ont pas été emportées par le courant et elles n'ont pas non plus brûlé sous le soleil. Elles nous hantent malheureusement à un point tel que la situation n'est plus tenable.
Aussi loin que je me souvienne, nous avons toujours eu de l'assurance-récolte sur ma ferme. Ce programme nous est d'ailleurs déjà venu en aide par le passé. Toutefois, lorsque nous subissons plusieurs mauvaises récoltes de suite, ce programme perd de son efficacité. Le programme d'aide en cas de crise dans le revenu agricole n'arrive pas non plus à répondre aux objectifs fixés et je ne m'attarderai pas à cette question parce que je suis persuadé que vous avez beaucoup entendu parler de ses faiblesses à venir jusqu'à présent.
Bon nombre d'agriculteurs ici craignent le pire et certaines exploitations agricoles ont déjà été abandonnées dans la région. Pour la majorité des fermes de mon secteur, il n'y aura pas encore de profits cette année. Tout comme moi, bon nombre d'agriculteurs se demandent où ils trouveront l'argent nécessaire pour faire les semailles au printemps prochain. À l'approche de la prochaine saison de récolte, la terre est complètement asséchée.
À moins de pluie providentielles au printemps, nous ferons encore une fois face au pire. Pour plusieurs, c'est la limite. Si nous ne pouvons compter sur une récolte normale et sur des prix décents au cours de la prochaine saison, bon nombre d'entre nous devrons abandonner nos fermes. Le programme d'assurance-récolte ne pourra nous aider cette fois-ci.
Quelque chose doit changer. Pour que l'industrie du grain et de l'élevage puisse survivre au Canada, les gouvernements doivent se réveiller et accorder une beaucoup plus grande priorité à l'agriculture. Je ne parle pas de distribution générale de fonds. Je parle de la mise sur pied de programmes d'assurance énergiques, de politiques en matière d'assurance qui me permettraient à tout le moins de récupérer mes coûts de production.
Si ma grange devait brûler demain, ma compagnie d'assurance me la remplacerait, en se basant sur la valeur à neuf. Si j'avais un accident avec mon camion, encore là ma compagnie d'assurance m'indemniserait en se basant sur la valeur à neuf de mon véhicule. J'aimerais bien qu'on me dise pourquoi je ne peux assurer mes coûts de production lorsque j'ensemence mes champs.
Il est urgent certains des risques qui existent dans les exploitations agricoles soient pris en charge. Les gouvernements provinciaux et fédéraux doivent cesser de répartir les fonds accordés à l'agriculture en quatre ou cinq programmes différents qui ne sont de toute façon pas efficaces.
À mon avis, la meilleure façon de venir en aide au secteur agricole serait de mettre immédiatement sur pied une nouvelle politique d'assurance-récolte qui couvrirait tous les frais de production, rien de moins. Deuxièmement, il faudrait revoir le programme CSRN pour le rendre plus avantageux et beaucoup plus accessible.
• 0845
Je vais vous donner un exemple de la faiblesse de ce programme. J'ai
96 646 $ dans mon compte du CSRN et après quatre années consécutives
de mauvaises récoltes et de revenus inférieurs à la moyenne, je n'ai
toujours rien reçu de ce programme. Devrai-je déclarer faillite avant
d'obtenir une partie de cet argent?
Les gouvernements fédéral et provinciaux versent des millions de dollars à un nombre beaucoup trop grand de programmes et malheureusement, ces derniers n'arrivent pas à rejoindre les producteurs qui en ont tellement besoin. Une part beaucoup trop importante de ces fonds est consacrée à l'administration de ces programmes. Le gouvernement semble consacrer davantage d'attention à la création d'emploi qu'à l'aide aux agriculteurs.
Ces deux programmes améliorés devraient être en place d'ici le mois d'avril prochain pour faire disparaître le risque qui nous guette à l'heure actuelle. Ces mesures assureraient un certain niveau de stabilité à long terme dans le domaine de l'agriculture, mais à court terme, elles n'auront aucun effet. Bon nombre d'entre nous avons un urgent besoin d'argent comptant.
Le peu d'empressement de notre gouvernement à adopter un programme efficace de protection du revenu a mis bon nombre d'agriculteurs canadiens en danger de perdre leurs fermes et leurs moyens de subsistance. Bien que je ne crois pas à l'utilité des cadeaux en argent de la part du gouvernement, j'ai bien peur qu'il n'y ait pas d'autre solution au problème auquel nous faisons face à l'heure actuelle. Un paiement à l'acre dans les secteurs reconnus comme sinistrés semble être la seule façon de nous sauver de la faillite.
Pour terminer, j'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mon opinion et de mes recommandations. J'espère que nous pourrons trouver rapidement une solution à nos problèmes et j'exhorte le gouvernement à accorder une plus grande priorité à l'agriculture dans ses opérations quotidiennes. Le domaine de l'agriculture touche tous les Canadiens. Accordons-lui l'aide dont il a besoin. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Blanchette.
Nous entendrons maintenant Art Macklin. Bienvenue, Art.
M. Art Macklin (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer.
J'aimerais tout d'abord me pencher sur la situation globale de l'agriculture dans l'ouest du pays. C'est là l'orientation que je compte donner à mon exposé.
Penchons-nous tout d'abord sur les rudiments de l'agriculture dans l'ouest du Canada. La production des céréales pour l'exportation et pour la transformation et la consommation domestique ont toujours été un facteur économique important au Canada et c'est l'élément qui nous permet de recueillir le plus grand nombre de devises étrangères au pays. Puisque notre population est relativement faible, nous devons exporter une bonne partie de notre production que ce soit à l'état brut ou transformé. Nous dépendons énormément du transport par rail pour transporter nos produits vers les ports et les consommateurs.
Si l'on compare notre situation avec ce qui se passe chez nos concurrents, on se rend compte que les prairies canadiennes se trouvent très loin des ports et des marchés de consommation. L'Australie, l'Argentine, les États-Unis et l'Union européenne ont tous un extraordinaire avantage concurrentiel face aux agriculteurs des Prairies canadiennes en ce sens qu'ils sont plus près des marchés et des points d'exportation, que leur gouvernement appuie l'infrastructure du transport et de la manutention du grain et qu'ils profitent d'un climat plus stable, d'un marché national plus imposant et d'une aide à la fois directe et indirecte de la part de leur gouvernement.
J'aimerais seulement donner un petit exemple de la situation qui prévaut en Argentine. J'ai eu l'occasion de me rendre dans ce pays il y a environ un an et d'y étudier la situation de l'industrie du grain. Leurs dépenses totales, de la ferme aux points d'exportation sur le fleuve Parana, s'élèvent à environ 15 $US la tonne en haute saison, lorsque les camions sont les plus occupés. Dans l'Ouest canadien, nous devons compter de 40 à 60 $ la tonne pour transporter nos grains sur une distance équivalente. Nos concurrents sur le marché international ont donc des avantages extraordinaires par rapport à nos agriculteurs canadiens, et à mon avis, il est très important que le gouvernement le reconnaisse.
Dans les fermes canadiennes, la valorisation et la diversification peut aider à accroître les revenus, mais il ne faut jamais oublier les frais de transport et la faible importance des marchés nationaux. Il importe également de souligner que l'alimentation est un produit stratégique essentiel à la vie et que le sort politique de bon nombre de gouvernements dépend du secteur de l'alimentation. Il n'est donc pas réaliste de s'attendre à ce que les gouvernements n'interviennent pas dans le secteur de l'agriculture pour assurer l'atteinte des objectifs en matière de politique, d'environnement, d'action sociale ou de sécurité alimentaire. Si les Canadiens veulent maintenir la viabilité du secteur céréalier dans l'ouest du Canada, nous devrons mettre sur pied des politiques et des programmes publics dans ce sens.
• 0850
En ce qui a trait à la situation actuelle, je sais que vous avez déjà
entendu des commentaires sur les problèmes de bon nombre
d'agriculteurs dont la situation financière est intenable en raison de
facteurs économiques sur lesquels ils n'ont aucun contrôle. Les fortes
subventions à l'exportation accordées aux États-Unis et dans l'Union
européenne, de même que les coûts élevés dans le domaine des
transports et des facteurs de production, sans oublier dans certains
cas les désastres naturels ont tous contribué à la difficile situation
que nous connaissons actuellement.
Qu'est-ce que les Canadiens veulent? Notre gouvernement doit établir officiellement s'il désire une économie stable et rentable dans le domaine de la production de céréales dans l'Ouest, ce qui constituerait un facteur économique primordial, ou s'il désire plutôt une industrie céréalière qui confinerait ses agriculteurs à un statut de fournisseurs de dernier recours parce que trop dispendieux en raison des coûts de transport, dans un marché global dominé par les grands agents de courtier en grains internationaux.
Au cours des vingt dernières années, les politiques gouvernementales ont clairement visé ce dernier objectif. Si nous voulons maintenir au pays une industrie céréalière nationale qui appuie le secteur secondaire et la création d'emplois de façon stable et à long terme, les politiques gouvernementales devront alors aller dans ce sens.
Qu'est-ce que les Canadiens peuvent faire? Le gouvernement doit adopter une politique sur les transports qui tienne compte du fait que les producteurs de l'Ouest doivent faire transporter leurs produits sur de longues distances. Cette politique doit être basée sur les coûts et pouvoir contrôler les pouvoirs excessifs accordés aux transporteurs. Selon une analyse des coûts de transport par rail effectuée récemment par la Commission canadienne du blé et l'Office des transports du Canada, une réduction immédiate d'au moins 5 $ la tonne des taux de transport des marchandises par voie ferrée s'impose. Une telle mesure permettrait aux agriculteurs d'économiser au moins 150 millions de dollars chaque année.
L'investissement gouvernemental dans l'infrastructure des transports, semblable aux programmes en place aux États-Unis pour les chemins de fer, les voies navigables, les ports et les routes, serait compatible avec nos engagements commerciaux bilatéraux et multilatéraux et permettrait d'accroître l'efficacité et de réduire les coûts.
Deuxièmement, un nouvel investissement et un plus grand contrôle par le secteur public dans le domaine de la R-D agricole permettrait non seulement de protéger l'intérêt public en ce qui a trait à l'orientation de la recherche, mais également de réduire les coûts des producteurs, qui peuvent atteindre les 30 $ de l'acre pour cette nouvelle technologie. Encore une fois, l'investissement dans le domaine de la R-D est compatible avec les intérêts commerciaux.
Les secteurs stables de l'économie agricole canadienne sont les secteurs à offre réglementée. Une politique gouvernementale visant à promouvoir les offices de commercialisation agricole et la régularisation du marché aiderait à accroître et à stabiliser les prix à la ferme. Des études ont démontré que la participation de la CCB à la logistique du marché céréalier réduit d'au moins 5,53 $ la tonne les primes de risque qui devraient être imposées aux agriculteurs. Une politique gouvernementale soutenant l'accroissement du pouvoir de négociation des agriculteurs au chapitre des prix, tant pour les intrants que pour les extrants serait souhaitable.
Quatrièmement, à court terme, on doit pouvoir compter sur un système de paiement direct aux producteurs pour contrer le faible prix du grain et maintenir la rentabilité de l'économie céréalière jusqu'à ce que les mesures à long terme puissent produire les effets escomptés. Puisque les États-Unis et l'Union européenne ont tous deux recours à la fois aux paiement par produit et par région, il me semble juste et approprié que le Canada en fasse autant.
Les suggestions précédentes sont loin d'être exhaustives, mais ce sont des mesures que notre gouvernement pourrait prendre dès maintenant pour tenter de résoudre la crise financière dans le domaine agricole.
Je vous remercie.
Des voix: Bravo.
Le président: Merci, monsieur Macklin.
Nous entendrons maintenant M. Cliff Richards.
Encore une fois bienvenue, Cliff.
M. Cliff Richards (témoignage à titre personnel): Bonjour.
J'aimerais tout d'abord remercier les membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire d'avoir finalement décidé de prendre le temps nécessaire pour se rendre dans l'ouest du Canada en vue d'étudier la pénible situation dans laquelle se trouve l'agriculture. Nous espérons que tous nos commentaires seront pris en compte et qu'on trouvera une solution rapide et efficace pour alléger la crise financière, atténuer les tensions émotives et rehausser les préoccupations sociales pour les intervenants du secteur agricole primaire.
Je vous souhaite la bienvenue dans le comté de Grande Prairie et dans la région de Peace. Selon les données du recensement de 1991, le comté de Grande Prairie renferme 1,15 million des 7,1 millions d'acres qui se trouvent dans la région de Peace. De ce nombre, 4,25 millions d'acres étaient en culture et en jachère, dont 700 000 dans le comté.
• 0855
La superficie agricole de la région de Peace est égale à celle du
Manitoba. C'est une vaste superficie de terre dans le grand paysage
canadien qui, comme toute terre agricole, doit compter sur Dame Nature
pour arriver à enregistrer des profits.
Le principal problème est le manque de programmes permettant d'assurer les coûts de production qui, dans ce secteur, varient d'environ 175 $ de l'acre pour les fermes établies, à près de 250 $ de l'acre pour les nouvelles fermes.
Comme vous n'êtes pas sans le savoir, il y a plusieurs facteurs qui ont des répercussions sur la rentabilité d'une ferme. Le processus de correction est beaucoup trop lent et il n'est pas suffisamment orienté sur la survie économique de la production primaire.
Voici à mon avis les principales contraintes dans ce domaine. Les coûts de transport sont trop élevés et peu compétitifs. Seulement une partie des lignes secondaires sont vendues, ce qui empêche les nouveaux propriétaires de faire preuve de créativité et de rentabilité. Il n'y a pas suffisamment d'espace d'emmagasinage dans les ports pour assurer une durée d'escale minimale des navires. On n'impose pas de pénalités globales aux industries et aux syndicats qui entravent le transport du grain et ralentissent le chargement dans les ports, et ces coûts incombent actuellement aux producteurs. Les coûts de production augmentent, y compris les nouveaux coûts technologiques imputés sur les profits, de même que les coûts des carburants, des engrais, des produits chimiques, de la machinerie et des réparations, les taxes sur tous les intrants et les coûts de la terre, qui dépassent actuellement la capacité de production. On ne fait pas suffisamment confiance aux objectifs initiaux du marché du grain à long terme pour les acheteurs et les vendeurs puisqu'à l'heure actuelle, les compagnies tirent leur profit des réserves. Le prix initial du grain est beaucoup trop bas au début de l'année de récolte. Les avances en argent comptant sont beaucoup trop faibles, de même que les prix des denrées; le porc a atteint son cours le plus bas en cinquante ans, le canola et l'orge leur cours le plus bas en vingt-cinq ans et le blé vient d'atteindre son cours le plus bas en vingt-deux ans.
Les travailleurs pourraient-ils survivre avec le salaire qu'ils faisaient en 1974? Les entreprises qui tirent leurs profits des produits qu'elles vendent pourraient-elles survivre si elles ne pouvaient compter que sur les profits qu'elles ont enregistrés en 1974 tout en faisant face aux coûts de la vie et de production de 1997? Pensez un peu à part vous-même à ce que vous gagniez en 1974 et voyez un peu si vous seriez en mesure de survivre aujourd'hui avec ce salaire compte tenu du coût actuel de la vie et de l'incertitude face à l'avenir.
Je crois qu'il y aurait des émeutes dans les rues si on demandait aux gens de le faire. Des guerres ont été déclarées pour moins que cela. Le secteur de la production primaire est au bord du désastre. Quelles seront les répercussions sur notre société de demain du manque de vision claire et réaliste en ce qui a trait à l'enregistrement de profits stables dans la production alimentaire primaire?
Le Canada nous refuse toute aide financière et nous laisse faire face seuls à une guerre que nous n'avons pas les moyens financiers de remporter. Alors que l'aide financière offerte par le gouvernement canadien doit se situer à environ 9 p. 100, elle atteint les 35 p. 100 aux États-Unis et elle devrait encore augmenter parce qu'ils ont accru de plusieurs millions de dollars leurs dépenses dans le domaine agricole cette année. La plupart des pays d'Europe consentent une aide de 56 p. 100 à leurs agriculteurs.
Un résumé des négociations de l'OMC de la semaine dernière nous aide à comprendre un peu mieux pourquoi l'Europe accorde d'aussi importantes subventions à l'agriculture. La production alimentaire primaire constitue une responsabilité sociale et elle n'est pas soumise à la négociation. C'est du moins ce qui a été rapporté dans un bulletin d'information la semaine dernière. L'Europe a connu deux périodes de pénurie de vivres au cours du dernier siècle et ces pays comptent bien maintenir leur autosuffisance dans ce domaine pendant que nous, nous devons subir les contrecoups de leur surproduction.
Leurs excédents de production sont subventionnés sur le marché mondial à environ 85 $ la tonne métrique, ce qui réduit nos prix internes d'autant, établissant ainsi un prix artificiel au pays ou des prix subventionnés pour les consommateurs canadiens.
L'aide gouvernementale est très difficile à obtenir, comme le démontre le fait que seulement 15 p. 100 des budgets du programme ACRA ont été réclamés. Le niveau d'aide n'est pas égal selon les provinces, selon les régions et même les divers secteurs dans les provinces. Je pense en particulier à l'assurance-récolte.
Nous, producteurs, devons pouvoir compter sur des mesures de protection au niveau des coûts de production. Ces mesures doivent être combinées avec des mesures de protection du revenu, sans quoi les producteurs disparaîtront. On commence à voir une tendance, comme le démontrent les données des recensements de 1991 à 1996 en Alberta. La proportion des agriculteurs âgés de plus de 55 ans est passée de 31,8 à 32,3 p. 100 et pour ce qui est de ceux qui sont âgés de 35 à 55 ans, le pourcentage est passé de 47,7 à 51,3 p. 100. Quant au pourcentage des agriculteurs de moins de 35 ans, il est passé de 20,5 à 16,4 p. 100, ce qui représente une réduction de 19 p. 100 pour la prochaine génération.
Une étude indépendante menée récemment prévoit des pourcentage encore plus élevés pour 1999, ce que je trouve très troublant. Si nous ne nous penchons pas immédiatement sur ces problèmes, d'où viendra la prochaine génération d'agriculteurs?
• 0900
Les profits réalisés dans le domaine de l'agriculture se trouvent au
niveau de la production secondaire. Il faut trouver un moyen de
partager ces profits avec le secteur de la production primaire, sans
quoi le secteur secondaire risque de disparaître. Si on accepte la
propriété corporative au pays, il faudra se pencher en priorité sur
les préoccupations environnementales puisque les profits ont préséance
sur la durabilité. On ne peut se nourrir de bois et de ressources
naturelles. La nourriture ne vient pas des tablettes des magasins.
Elle vient de la terre.
Il y a trop peu d'intérêt dans la société pour la rentabilité du secteur de la production alimentaire primaire. Plusieurs personnes sont d'avis qu'il appartient au gouvernement de voir à sensibiliser les gens à cette nécessité.
J'ai 46 ans. J'exploite ma ferme avec mon épouse, ma mère, mon frère, mon fils et son épouse. Nous avons 4 000 acres de terre et nous produisons des plantes fourragères, du blé, de l'orge, du canola, des pois et de l'avoine. Ma femme et mon fils ont du bétail et nous avons récemment acheté tous ensemble du bison. Nous tentons de diversifier nos opérations. Nous songeons à réduire notre production céréalière pour produire davantage de plantes fourragères et de bison. Toutefois, ces ajustements prennent du temps et coûtent cher, et en 1998, nous avons à peine réussi à faire nos frais. En 1999, nous avons essuyé une perte de 95 $ de l'acre, comme ce fut le cas pour un bon nombre de terres du district de Peace.
Jusqu'à maintenant, un calcul approximatif permet d'estimer à environ 60 millions de dollars les pertes enregistrées dans le comté de Grande Prairie et à 300 millions de dollars celles enregistrées dans toute le district de Peace. Ce sont là des niveaux minimums qui représentent une perte de revenus primaires et non des retombées fiscales.
Il faut des profits pour créer des recettes fiscales. Nous avons en main des terres agricoles qui étaient autrefois très productives et qui nous permettaient d'enregistrer certains profits. Compte tenu des coûts toujours croissants des transports, qui varient actuellement entre 25 et 33 p. 100 de la valeur brute, de la faiblesse des prix des denrées, des inondations de 1996 et de 1997 et des sécheresses de 1998 et 1999, on se demande bien comment on pourra réussir à survivre.
Nous avons très peu de produits à vendre et pas assez de revenus pour payer les comptes en souffrance. Comment pouvons-nous penser faire des semis pour l'année qui vient? La majorité des producteurs sont des gens d'affaire qui aiment prendre des décisions logiques et rentables. Toutefois, nous ne pouvons reporter l'augmentation de nos coûts de production dans nos produits comme les autres entreprises peuvent le faire partout au monde. En période de crise, nous ne pouvons faire autrement que de compter sur l'aide de la société et du gouvernement pour que les consommateurs puissent compter sur nous pour produire suffisamment de nourriture saine et nutritive. Compte tenu des coûts et des prix actuels, nos fermes doivent avoir un rendement bien supérieur à la moyenne pour arriver à faire leurs frais.
Pour terminer, nous vous demandons de comprendre nos besoins. Nous vous demandons de venir rapidement à notre aide pour répondre à ces besoins. Nous vous demandons de nous donner de nouveau la chance de discuter des problèmes qui existent dans le domaine de l'agriculture et nous demandons que l'on permette aux producteurs de participer à l'établissement de solutions à long terme grâce à la mise sur pied de programmes efficaces.
Ce sprint de sept minutes et 2 000 kilomètres est loin d'être suffisant pour permettre de résoudre un problème aussi complexe. Il en va de l'intérêt actuel et futur des Canadiens de voir à ce que la production agricole primaire continue de constituer un pilier important de la fondation sociale. Il est temps de mettre un terme aux manigances politiques et de faire preuve de courage et d'ambition pour garantir que nous continuerons de remplir notre rôle de gardiens et protecteurs de la terre. C'est à nous qu'il incombe de veiller au problème de la diminution des terres agricoles pour voir à ce qu'on puisse continuer de répondre aux besoins de l'humanité dans les siècles à venir.
Nous demandons la parité salariale, pas des subventions. L'argent qu'on tire de cette industrie doit y être réinvesti. Quand les besoins sont plus grands, on devrait pouvoir trouver des moyens. Bon nombre de gens seront prêts à nous venir en aide lorsqu'ils seront mis au courant de la situation.
Des voix: Bravo!
Le président: Je vous remercie, monsieur Richards.
Il reste tout juste assez de temps pour écouter ce que les représentants des partis ont à dire.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Merci, monsieur le président.
Je voudrais tout d'abord remercier les témoins qui nous ont parlé ce matin. Leurs commentaires correspondent tout à fait à ceux que j'ai entendu d'un bout à l'autre de la circonscription depuis un an et demi, et même beaucoup plus dans certains secteurs de la circonscription qui ont été aux prises avec les inondations.
Monsieur le président, à ce que je sache, c'est la deuxième fois que le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire se rend à Grande Prairie dans le cadre des audiences. La fois précédente, j'avais demandé qu'on inclue cette région dans les audiences de la Commission canadienne du blé.
• 0905
Je crois comprendre que notre parti, et ce comité est mixte je tiens
à le rappeler, demande depuis longtemps déjà au Comité de
l'agriculture de se déplacer pour entendre sur place ce que les gens
de l'endroit ont à dire plutôt que de les faire venir à Ottawa pour
présenter leurs exposés. Le gouvernement fédéral s'est montré très
réticent à ce sujet. En fait, la seule raison pour laquelle le comité
a commencé à se déplacer c'est que notre parti a organisé 60
audiences, qui ont commencé la semaine dernière dans l'ouest du pays,
pour que les gens touchés puissent se faire entendre. Quoi qu'il en
soit, je crois que la tournée du comité est bien reçue, même si la
visite est limitée à neuf centres en trois jours. Il s'agit d'une
visite éclair comme l'a souligné M. Richards.
Ce qu'il s'agit de déterminer, c'est si les membres du comité et les représentants du gouvernement qui se trouvent ici et qui écoutent entendent bien ce que les gens ont à dire. J'aimerais simplement souligner que j'ai écrit une lettre au ministre de l'Agriculture, M. Vanclief, en décembre de l'année dernière. Monsieur le président, j'aimerais lire brièvement ce que j'avais écrit alors. J'en déposerai bien sûr une copie pour que vous puissiez en prendre connaissance. C'était le 18 décembre 1998, soit il y a exactement un an.
-
J'ai été très heureux d'entendre la semaine dernière l'annonce que
vous avez faite relativement à l'aide d'urgence qui sera accordée au
secteur agricole en difficulté. Il est malheureux que nous en soyons
rendus à un point qui nécessite une telle aide.
-
Je pense que nous devons faire énergiquement pression sur les
Européens afin qu'ils réduisent leur recours systématique aux
subventions. Nous savons que les subventions mènent à une
surproduction qui est écoulée sur les marchés internationaux, ce qui a
pour effet de réduire les cours mondiaux des produits de base pour les
agriculteurs canadiens.
-
En ce qui concerne le programme que vous avez l'intention de mettre en
place pour venir en aide aux agriculteurs, faites bien attention qu'il
ne soit pas aussi rigide que le Programme de soutien du revenu en cas
de calamité mis en place par le gouvernement de l'Alberta. Si je vous
dis cela, c'est à cause de la réaction que m'ont exprimée un grand
nombre de producteurs de Peace River ces quelques dernières années.
-
Les producteurs m'ont dit qu'à cause de la moyenne mobile calculée sur
trois ans, ils ne remplissaient pas les conditions requises pour avoir
droit à une aide au titre du PSRC même s'ils avaient eu des récoltes
déficitaires pendant trois ans par suite des mauvaises conditions
météorologiques.
-
C'est un réel problème. Non seulement les agriculteurs n'ont aucun
revenu imposable à cause de la gravité de la crise, mais en plus ils
ne remplissent pas les conditions requises pour avoir droit à une aide
au titre du programme fédéral! Que les agriculteurs qui sont le plus
dans le besoin ne puissent avoir droit à une aide, quelque chose ne va
pas.
C'est pourtant exactement ce que vivent les agriculteurs. C'est exactement la situation dans le bassin de la rivière de la Paix. Les agriculteurs qui en ont le plus besoin n'ont obtenu aucune aide au titre du PSRC. Étant donné que le Programme de soutien du revenu en cas de calamité mis en place par l'Alberta a servi de modèle à l'ACRA, je voudrais—tout en reconnaissant que des changements ont été apportés à ces deux programmes—poser à M. Blanchette et à M. Richards la question suivante.
Une somme de 1,7 milliards de dollars a été allouée pour l'aide au agriculteurs. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont débloqué 1,7 milliards de dollars pour venir en aide aux agriculteurs. Monsieur Richards, vous nous avez dit que seulement 15 p. 100 de cette somme a été distribuée aux agriculteurs. Quelqu'un m'a dit l'autre jour que c'était 17 p. 100, mais c'est dans cet ordre de grandeur. Ce programme peut-il être sauvé?
Monsieur Blanchette, vous nous avez dit que les agriculteurs allaient avoir besoin d'argent en avril pour les semences. Devrions-nous abandonner ce programme et envisager une autre solution, prendre le reste de la somme de 1,7 milliards de dollars et trouver un moyen de le distribuer qui fasse moins appel à la bureaucratie.
M. René Blanchette: Je voudrais répondre aux remarques de M. Penson. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il faut abolir les programmes comme l'ACRA et le PSRC. Ces programmes ne permettent pas de distribuer l'argent à temps aux agriculteurs. Il nous faut des programmes qui permettent aux agriculteurs de recevoir de l'argent à un moment précis. Recevoir un paiement en espèces ou une aide deux ou trois ans après la date où j'en avais besoin ne me sert à rien. Comme je l'ai dit dans mon témoignage, nous avons besoin de programmes qui permettent de régler le problème au moment où il se pose.
Le président: Monsieur Richards.
M. Cliff Richards: Merci. L'année où j'ai dû faire une demande d'aide au titre du PSRC, j'ai obtenu ce que je voulais, mais cela a pris du temps. Cela m'a coûté de l'argent parce que j'ai dû emprunter de l'argent à la banque. En fait, j'ai dû demander une augmentation de ma marge de crédit de fonctionnement. J'ai dû demander qu'elle soit le double parce que l'argent mettait du temps à venir et ce d'autant plus que nous étions une compagnie à responsabilité limitée. Il faut compter trois mois supplémentaires par rapport au délai d'attente d'un individu. Peut-être ont-ils pensé que c'était une exploitation huttérienne, je ne sais pas. Ce n'est pas juste de dire cela, mais...
Je suis agriculteur. J'exploite ma ferme avec mon frère. Nous ne sommes pas différents des autres, que je sache. Pourquoi devrais-je attendre aussi longtemps pour avoir mon argent quand j'en ai autant besoin que l'agriculteur individuel?
• 0910
Les bureaucrates qui gèrent ces programmes ne me font pas confiance.
Ils me téléphonent, ils me pressent de questions. Les comptables ne
savent pas non plus tous comment remplir les formulaires requis. C'est
un problème. Je crois que ce programme est trop coûteux, qu'il prend
trop de temps, qu'il faut trop de temps pour avoir l'argent. Comme l'a
dit René, nous devons avoir l'argent au printemps. J'en ai besoin au
printemps. Je ne peux pas faire de semences.
Monsieur Penson, je pense que la seule chose à faire est d'abolir l'ACRA et de verser de l'argent en espèces aux agriculteurs. Toutefois, je ne crois pas que la somme que le gouvernement a affectée à ce programme et qui est là à ne rien faire soit suffisante. En ce qui me concerne, comme un grand nombre d'agriculteurs auxquels j'ai parlé, j'ai perdu, de ma poche, presque 100 $ par acre. Je n'aime pas les paiements à l'acre parce que ces paiements vont à des gens qui ont peut-être perdu seulement 50 ou 75 $. Par contre, l'agriculteur qui a perdu 150 $ a besoin de $ 150 $. Je n'ai pas besoin de 150 $. Tout ce que je veux, c'est atteindre le seuil de la rentabilité. C'est tout ce que je veux. Je veux faire des profits, mais pour cela nous devrons nous débrouiller autrement.
Le président: Merci beaucoup.
M. Charlie Penson: Beaucoup d'agriculteurs sont ici.
Le président: Nous n'avons plus le temps, monsieur Penson. Je sais que normalement, vous ne siégez pas à ce comité, mais nous sommes limités par le temps. Vous avez eu sept minutes.
M. Charlie Penson: Pourquoi sommes-nous limités par le temps?
Le président: Pour donner à chacun la possibilité de parler. Vous avez eu la vôtre.
Monsieur McGuire, c'est votre tour.
M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président. J'aimerais poser certaines questions à propos du compte de stabilisation du revenu net, qui fait normalement l'objet d'une réaction assez positive. Environ 25 000 agriculteurs en Alberta participent à ce programme. Environ 75 p. 100 d'entre eux ont atteint le seuil d'intervention, mais seulement 15 p. 100 ont fait une demande. Le CSRN remplit-il le rôle pour lequel il a été conçu en cas de baisse du revenu? Il y a dans ce compte beaucoup d'argent que les agriculteurs n'utilisent pas. Je me demande comment on peut avoir quatre années catastrophiques consécutives et ne pas atteindre le seuil d'intervention. Peut-être quelqu'un pourrait-il nous expliquer cela.
Laissons l'ACRA de côté un moment. Il y a, dans cette province, beaucoup d'argent dans le CSRN et, cependant, très peu de gens qui atteignent le seuil d'intervention font une demande. Nous nous rendons compte que certains agriculteurs, notamment ceux qui sont âgés, veulent garder cet argent dans leur compte pour leur retraite. Est-ce dans ce but que le CSRN a été conçu? Je pensais que ce programme était fait pour des gens comme vous, René, afin que vous puissiez effectuer des retraits en cas de besoin. L'un de vous peut-il nous expliquer?
M. René Blanchette: Monsieur McGuire, vous avez entièrement raison. Le CSRN est à mon avis un bon programme. Il peut engendrer pas mal d'argent. Prenez mon cas particulier. Quand votre revenu net ne diminue pas de plus de 30 p. 100, vous n'atteignez pas le seuil d'intervention. Si votre revenu chute de 25 p. 100, vous n'avez droit à aucune intervention. L'année suivante, si votre revenu tombe encore de 25 p. 100, vous n'avez pas droit à une intervention. Si votre revenu baisse d'année en année par suite de mauvaises récoltes, le programme ne sert à rien.
Pour ce qui est des agriculteurs qui se servent de ce programme comme d'un fonds de retraite, je suis tout à fait d'accord avec vous. Des changements doivent être faits aussi à ce niveau. Un agriculteur qui atteint le seuil d'intervention devrait être tenu de retirer son argent et de l'utiliser pour les dépenses nécessaires, bref de respecter l'objectif pour lequel le programme a été conçu. Trop d'agriculteurs s'en servent comme d'un fonds de retraite et puis se tournent vers le gouvernement pour obtenir de l'aide. Des changements sont nécessaires à ce niveau. Ce programme est bon, mais les agriculteurs doivent pouvoir compter sur lui en période de besoin.
M. Joe McGuire: Mills, vous hochez la tête.
M. Mills Anderson: Le CSRN est un bon programme, mais c'est seulement un REER pour les agriculteurs. C'est tout ce que c'est. Ça n'a rien à voir avec l'aide d'urgence nécessaire pour faire face aux situations dans le genre de celle où nous nous trouvons. Chez nous, les rentrées d'argent ont été telles que je n'ai jamais pu déposer un sou dans le CSRN. Nous avons fait de petits retraits de temps en temps—vous savez comment fonctionne le programme—ce n'est pas comme un PSRC ou un ACRA, et il ne sert à rien en temps de crise. C'est un très bon REER si vous avez de l'argent, ça oui.
M. Joe McGuire: Ces derniers jours, nous avons entendu parler de tous les problèmes de l'ACRA. En attendant, il reste 1 milliard de dollars auquel les agriculteurs ne semblent pas pouvoir avoir accès. Si vous conceviez un programme d'aide en cas de catastrophe à long terme, quelle forme donneriez-vous à ce programme? Utiliseriez-vous le CSRN comme point de départ ou élimineriez-vous carrément le CSRN pour le remplacer par un nouveau programme?
Une voix: L'ACRA?
M. Joe McGuire: L'ACRA, exactement.
Cliff, avez-vous quelque chose à répondre à cela?
M. Cliff Richards: Oui. Je pense que ce que nous demandons tous, c'est de recouvrer les coûts et le seul moyen disponible à l'heure actuelle pour recouvrer les coûts en temps opportun, c'est l'assurance-récolte. Je pense que nous avons besoin d'un programme qui soit une combinaison de l'assurance-récolte et du CSRN amélioré. Nous devons retravailler le CSRN. Quant à l'ACRA, je pense qu'il devrait être éliminé. À mon avis, c'est un désastre.
Des voix: Bravo!
M. Cliff Richards: Le recouvrement des coûts, comme René l'a dit dans son témoignage, c'est acheter une assurance de la valeur à neuf d'une maison, d'une voiture, d'un véhicule. Pour moi, acheter une assurance-récolte, c'est comme dire à une personne qui possède cinq maisons en ville et qui en perd une dans un incendie: «Vous avez droit à seulement 70 p. 100. Je regrette que vous ayez perdu votre cinquième maison dans un incendie. C'est malheureux. Mais vous pouvez vous en sortir avec les quatre qui vous restent» quand cette personne a perdu le loyer que lui rapportait cette maison. C'est la façon dont nous considérons les problèmes de pourcentage que posent l'ACRA, le PSRC et les seuils d'intervention du CSRN. Il existe un plafond, une limite, des seuils.
Pour moi, un bon programme d'assurance-récolte doit être plus ou moins basé sur le Régime d'assurance du revenu brut. Le RARB me permettait d'acheter ce qu'on appelait une compensation. Le RARB était un bon programme. Il m'a permis de tenir en période de besoin. Je souhaiterais que le RARB soit encore en existence. C'est comme pour tout, le coût de ces programmes augmente et puis il baisse. Une année, le programme coûte cher, l'autre, il peut enregistrer un excédent. La seule raison pour laquelle il existe encore en Ontario est qu'il enregistre un excédent.
La volonté politique d'alors était d'abandonner un programme qui semblait coûteux, mais qui permettait aux agriculteurs de tenir. Je pense que quiconque réfléchit à ce programme, quiconque l'a critiqué à l'époque, le voit aujourd'hui sous un jour différent. Ce programme permettait aux agriculteurs d'étendre leur protection en cas de besoin. Je pense que c'est l'approche à adopter.
M. Joe McGuire: Tout à coup, nous entendons plein de bonnes choses à propos du RARB. Voulez-dire que l'on devrait remplacer l'ACRA par un programme basé sur le revenu ou le revenu net?
M. René Blanchette: Si je peux ajouter une remarque à celles de Cliff, il me semble que le plus simple serait d'avoir un programme d'assurance qui couvrirait le coût de production. C'est efficace et les coûts sont partagés entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et le producteur. C'est de loin le programme le plus facile à administrer.
L'ACRA et le PSRC qu'on semble vouloir nous imposer sont excessivement compliqués et probablement 80 p. 100 des producteurs n'y comprennent rien. Les frais d'administration que représente la mise en oeuvre de ces programmes par les organismes gouvernementaux et les comptables sont une perte d'argent. Des milliers de dollars sont gaspillés avant même d'arriver à la ferme.
L'assurance-récolte est de loin la solution la plus simple et la plus efficace.
Le président: Merci beaucoup.
Peut-être qu'à mesure que la journée passe, nous allons découvrir les raisons à l'origine du changement d'opinion à l'égard du RARB, ou pourquoi le RARB, qui fut un temps en place, a été éliminé et pourquoi certains voudraient bien maintenant revenir à ce programme.
Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais dire que je suis d'accord avec M. Richards. Il est temps d'arrêter de faire de la politique à ce sujet. J'aimerais aussi me distancer de mon collègue à droite qui dit que le comité...
M. Charlie Penson: Vous êtes le seul à le faire.
M. Dick Proctor: Oui, je le sais, Charles.
M. Borotsik, mon collègue du Parti conservateur a recommandé en octobre que ce comité—dans lequel je n'ai aucun intérêt direct—se déplace dans l'ouest. Le Parti réformiste est l'un des partis qui a voté contre.
• 0920
C'est Vanclief qui en a fait la demande lorsqu'il se trouvait à la
réunion du Saskatchewan Wheat Pool. M. Hilstrom, qui est le
porte-parole du Parti réformiste pour les questions d'agriculture, n'a
assisté à aucune des réunions dans l'ouest du Canada.
M. Charlie Penson: [Note de la rédaction: Inaudible]... arrêtez de faire de la politique.
M. Dick Proctor: C'est juste une mise au point, Charles.
Monsieur Anderson, vous avez comparé la position du Canada à l'égard du commerce international à un comportement de Boy Scout. Je crois que c'est faire une mauvaise réputation aux Boy Scouts dont la devise est «Toujours prêts». Je crois aussi que les Canadiens étaient terriblement mal préparés pour ce qui est arrivé après 1993. Le fait est que le Canada a réduit ses subventions au marché agricole intérieur trois fois plus que nécessaire. Nous pourrions aussi avoir un autre débat politique sur les raisons qui ont fait que cela s'est passé après 1993, mais nous ne nous lancerons pas là-dedans.
J'aimerais que vous me disiez ce que, à votre avis, nous devrions faire pour rétablir certaines de ces subventions, de façon à ce que les règles du jeu soient plus équitables car, manifestement, elles ne le sont pas.
M. Mills Anderson: Non, elles ne le sont pas et l'objectif à long terme de l'OMC est bien sûr de faire en sorte qu'elles le soient, mais nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre que les négociations de l'OMC portent fruit.
Mon sentiment personnel—et je sais qu'il y a dans cette salle des personnes qui connaissent mieux les chiffres que moi—est que nous devrions peut-être avoir un programme à l'américaine. Tout le monde nous laisserait alors tranquilles car les Américains semblent pouvoir faire ce qu'ils veulent sans être inquiétés. Je sais que cela demande aussi une certaine influence que nous n'avons pas. Cependant le programme d'emprunts bonifiés, le programme indicatif, le programme de soutien des prix par boisseau me semble être un bon moyen de régler le problème, et en fait conviendrait très bien en Amérique du Nord.
M. Dick Proctor: Bien.
C'est notre première réunion en Alberta et j'aimerais vraiment avoir l'aide des témoins de ce matin. Tout d'abord, quand vous faites une demande d'aide au titre de l'ACRA en Alberta, avez-vous des frais de dossier à payer? Cela vous coûte-t-il de l'argent à part ce que vous devez peut-être payer à votre comptable?
M. Mills Anderson: Nous le faisons par l'intermédiaire du PSRC. Le gouvernement de l'Alberta le fait pour nous.
M. Dick Proctor: D'accord. Vous n'avez donc pas à payer de frais comme tels?
M. Mills Anderson: Il y a 50 $...
M. Dick Proctor: Cinquante dollars?
M. Mills Anderson: Par l'intermédiaire du PSRC, oui.
M. Dick Proctor: Y a-t-il des frais comptables?
M. Mills Anderson: Pas si vous pouvez le faire vous-même.
M. Dick Proctor: J'essaie de comprendre. Quand vous dites que le PSRC le fait pour vous, si vous ne connaissez rien à la comptabilité, vous devez...
M. Mills Anderson: Tout à fait. La plupart des gens font appel à des comptables, oui.
M. Dick Proctor: J'essaie seulement... J'entends les applaudissements en faveur de l'élimination de l'ACRA s'intensifier. Je regarde seulement les chiffres qui ont été fournis au comité il y a une semaine, le 2 décembre. Ces chiffres indiquent qu'en Alberta, 76 p. 100 des demandes qui ont été examinées ont fait l'objet d'un paiement. La valeur moyenne de chaque paiement se situe juste au-dessus de 19 000 $. Je trouve ça intéressant parce que, au Manitoba, les chiffres sont à peu près les mêmes, mais seulement 36 p. 100 des demandes ont fait l'objet d'un paiement. Il y a donc une différence de 40 p. 100 dans le nombre de demandes qui ont fait l'objet d'un paiement dans cette province—40 p. 100 de plus de demandes ont fait l'objet d'un paiement en Alberta par rapport au Manitoba. Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi? La valeur des paiements est à peu près la même, avec quelques milliers de dollars de plus en Alberta.
M. Mills Anderson: Peut-être est-ce seulement parce que ce programme est en place depuis trois ans, que nous y sommes habitués et que nous savons comment il fonctionne. C'est la seule explication que je vois à cela.
M. Dick Proctor: Voici ma dernière question, monsieur le président. Elle s'adresse à Art Macklin. Une partie du dernier point de votre témoignage, monsieur Macklin, concernait les paiements par région et par produit. Vous vouliez un système similaire à celui des États-Unis et de l'UE. Pourriez-vous nous donner des détails à ce sujet et incluriez-vous le coût que cela pourrait à votre avis représenter?
M. Art Macklin: Ce que je veux dire, c'est que le recours de l'UE et des États-Unis à ces mécanismes ne semble pas leur poser de problèmes. Pour moi, il s'agit de mesures à court terme pour nous sortir du problème immédiat. À long terme, je pense que nous devrions aussi envisager de tels programmes, que ce soit un programme d'assurance-récolte qui est plus global, comme l'a dit René, ou de paiements à l'acre ou par produit.
• 0925
Je n'ai aucune idée du coût global que cela représenterait, mais je
sais que l'industrie céréalière de l'Ouest canadien est un moteur
fondamental de l'économie canadienne et je ne pense pas que le pays
puisse se permettre de la perdre. Si nous ne prenons pas de mesures
très concrètes, si le gouvernement ne s'engage pas à faire de cette
industrie une industrie stable, cette industrie est appelée à
disparaître étant donné les facteurs, comme les transports, qui nous
empêchent d'être compétitifs sur les marchés mondiaux. Il faut donc
que le gouvernement s'engage à faire de cette industrie une industrie
stable.
Le président: Merci.
Monsieur Borotsik.
M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue à tous les personnes qui se trouvent parmi nous aujourd'hui et les remercier pour leur précieuse contribution. Je dirais que les séances de ces derniers jours ont été très bonnes. Elles nous ont permis d'entendre les producteurs et d'avoir leur avis. Il n'a pas été question de politique jusqu'à ce jour, et je dirais que ces séances ont été très précieuses. J'espère que ça va continuer ainsi.
M. Charlie Penson: C'est là le problème.
M. Rick Borotsik: René, je comprends votre position. Je représente une région agricole du sud-ouest du Manitoba où 1,4 million d'acres n'ont pas été ensemencés l'an dernier et, croyez-moi, nombre de producteurs m'ont parlé de la période difficile qu'ils traversent.
Si je mentionne cela, c'est que dans ce cas particulier, ils ont essayé de recourir au modèle de l'ACRA pour régler un problème qui n'avait rien avoir avec l'objectif dans lequel ce programme avait été conçu, à savoir une catastrophe naturelle. Vous avez parlé d'un programme d'assurance-récolte amélioré. En fait, si nous y réfléchissons bien, c'est peut-être la direction à prendre pour le nouveau programme. Pensez-vous qu'une catastrophe naturelle comme celle à laquelle vous avez dû faire face ces trois dernières années nécessite la mise en place d'un autre programme expressément conçu pour faire face aux catastrophes naturelles par opposition à une crise des produits de base comme celle qui existe dans plusieurs autres régions du pays?
M. René Blanchette: Non, je ne le pense pas. Je pense que ces programmes ne s'attaquent pas au problème quand nous y sommes confrontés. J'ai dit que l'assurance-récolte devrait couvrir le coût des intrants pour qu'au moins, si la récolte n'est pas bonne, vous rentriez dans vos frais et atteigniez le seuil de la rentabilité. Sûr, cela va vous coûter cette année-là, mais vous aurez de l'argent pour les prochaines semences.
Pendant que j'ai le micro, je voudrais faire certaines remarques au sujet du PSRC.
M. Rick Borotsik: N'oubliez pas que j'ai seulement cinq minutes, alors faites vite.
M. René Blanchette: Dick a mentionné que des paiements avaient été effectués au titre du PSRC. C'est vrai. Deux producteurs de ma région ont eu droit à des paiements, l'un a touché plus de 40 000 $, l'autre plus de 60 000 $ au titre du PSRC. Quel bon programme. Ces deux producteurs ont vendu 50 p. 100 de leur exploitation à leurs fils, ce qui a fait baisser leur revenu et leur a permis d'avoir droit à un paiement. Quel programme fantastique.
M. Rick Borotsik: Nous avons entendu parler de ces anomalies en ce qui concerne l'ACRA et le PSRC, croyez-moi.
Pour ce qui est du RARB, je—non, je ne m'en attribue pas le mérite, mais le mérite devrait en être attribué aux anciens gouvernements. Mis en place à la fin des années 80, ce programme a été aboli en 1995. Il s'agissait d'un arrangement tripartite entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les producteurs. À votre avis, René ou Cliff, une participation des producteurs à ce programme tripartite serait-elle acceptable aux yeux des producteurs de cette région et peut-être d'autres régions?
M. Cliff Richards: Pour savoir si c'est avantageux, il faut savoir combien ça coûte. Il faut que ce soit à la mesure de nos moyens. C'est pourquoi nous avons demandé au caucus de revenir là-dessus car nous n'avons pas le temps d'en discuter dans les courts délais qui nous ont été impartis.
M. Rick Borotsik: J'ai une autre question pour vous, Cliff. Je serai bref car je sais que le président va bientôt m'interrompre. Vous avez dit que vous avez perdu l'an dernier 95 $ par acre. Nous sommes allés un peu partout et on nous a cités des chiffres allant de 20 à 80 $ et 95 $ aujourd'hui. Presque tout le monde nous a dit qu'il fallait immédiatement trouver une solution à court terme, qu'il fallait de l'argent aux agriculteurs, à chaque fois il a été question d'un paiement à l'acre. Pourriez-vous me dire—et vous pouvez tous répondre—de combien d'argent vous avez besoin et comment d'après vous cet argent devrait-il être distribué? Cliff, à vous de commencer.
M. Cliff Richards: Je ne sais vraiment pas quoi répondre à cette question. Je suis désolé. C'est une question complexe.
M. Rick Borotsik: Une question qui, de toute évidence, a aussi à voir avec l'argent.
M. Cliff Richards: La Saskatchewan a demandé 80 $ l'acre au printemps. Elle s'est basée sur le coût des engrais et je suppose d'autres facteurs. Mais...
M. Rick Borotsik: René, avez-vous un chiffre?
M. René Blanchette: À mon avis, ça ne peut pas être moins de 50 $ l'acre pour couvrir le coût des intrants. Quand à la distribution, elle doit se faire sur la base de la superficie ensemencée.
M. Rick Borotsik: Pour tous.
M. René Blanchette: Pour tous.
M. Rick Borotsik: Art.
M. Art Macklin: Je n'ai pas de chiffre, mais il y a certainement une formule. Le ministère de l'Agriculture de l'Alberta a les coûts de production par région et par culture. Nous pouvons facilement calculer ce que rapporte une récolte moyenne en termes de revenu. On peut calculer le revenu et arriver à un chiffre raisonnable.
M. Rick Borotsik: Mills.
M. Mills Anderson: En ce qui me concerne, une somme de 50 $ l'acre me permettrait d'effectuer les paiements que je n'ai pu faire à la banque et de faire des semences l'an prochain.
M. Rick Borotsik: Merci.
Le président: Merci.
Avant que vous ne partiez, je voudrais savoir si vous préféreriez un programme ciblé, destiné aux agriculteurs qui sont le plus dans le besoin, ou un programme général, destiné à tous les agriculteurs indépendamment de leur situation financière. Que ceux qui sont en faveur d'un programme ciblé lèvent la main. Que ceux qui sont en faveur d'un programme général lèvent la main.
Maintenant au tour de l'auditoire. Que ce qui sont en faveur d'un programme ciblé lèvent la main. Que ceux qui sont en faveur d'un programme général destiné à tous les agriculteurs indépendamment de leur situation financière lèvent la main. Très bien. Merci.
M. Rick Borotsik: Maintenant, je peux poser moi aussi une question. Nous allons nous prêter ici à une petite parodie. Combien d'entre vous ont fait une demande d'aide au titre de l'ACRA ou du PSRC? Maintenant, combien ont reçu un paiement au titre de l'ACRA ou du PSRC? Ça en dit long. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
À présent, nous appelons...
M. Garry Breitkreuz: J'invoque le Règlement, Monsieur le président. Je n'ai pas eu la possibilité de poser de questions.
Le président: C'est juste. Nous n'avons pas le temps. Vous...
M. Garry Breitkreuz: Qu'il soit bien précisé que je n'ai pas eu la possibilité de poser de questions. J'avais six questions importantes à poser et je n'en ai pas eu la possibilité.
Le président: Chaque parti, monsieur Breitkreuz, a son tour.
Nous appelons maintenant Rick Nagel, Garry Smolik, Peter Eggers et Donald Dumont.
Messieurs, nous sommes prêts à entendre vos témoignages. Vous disposez de cinq à sept minutes ou à peu près. Nous procéderons par ordre alphabétique, si vous le voulez bien. Cela veut dire que c'est à vous de commencer, monsieur Dumont. Soyez le bienvenue et merci d'être venu. À vous.
M. Donald Dumont (témoignage à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs. Merci, monsieur le président, de m'avoir donné la possibilité de témoigner devant votre comité de la situation dans laquelle se trouve actuellement l'industrie agricole.
Mon nom est Donald Dumont. Je suis préfet d'une municipalité rurale, le district municipal de Smoky River no 130, et exploitant agricole dans la région depuis 20 ans.
J'aimerais passer en revue pour vous la situation à laquelle sont confrontés aujourd'hui les producteurs de céréales et de graines oléagineuses. La région de Peace a connu ces quatre dernières années deux saisons de pluies excessives suivies de deux années de sécheresse. Cela a donné lieu à une production nettement inférieure à la moyenne. Ceci conjugué aux faibles cours des produits de base a obligé de nombreux agriculteurs de la région à modifier leurs opérations de façon à pouvoir survivre. Plusieurs familles de jeunes agriculteurs ont été forcées de chercher du travail ailleurs. La femme et le mari doivent avoir un revenu d'appoint pour financer l'exploitation familiale. Certains ont même été forcés de vendre leur exploitation ou de réduire leurs opérations.
Cela a eu un grave impact sur la collectivité, des entreprises, comme trois négociants en matériel agricole, une usine d'engrais et plusieurs entreprises connexes ayant dû fermer leurs portes. Notre usine de déshydratation de la luzerne, la plus grande en Amérique du Nord, emploie normalement plus de 200 personnes. Étant donné la crise actuelle, elle en emploie aujourd'hui environ 140 seulement, avec des périodes d'emploi réduites et un très petit nombre d'employés à temps plein. Les ventes ont diminué de plus que de moitié, les prix sont faibles et la qualité est mauvaise. Comme il n'y a pas d'emplois dans la région, nombre de jeunes et de jeunes familles ont dû déménager. Le départ de ces jeunes a entraîné une baisse de population et des services disponibles dans notre région.
J'aimerais m'étendre un peu sur les programmes de protection du revenu. Les agriculteurs ont accès à plusieurs programmes volontaires d'aide agricole, dont le CSRN, le PSRC, l'ACRA, les prêts pour le soutien du revenu agricole en cas de calamité en Alberta et l'assurance-récolte. En théorie, tous ces programmes devraient aider l'agriculteur moyen à s'en sortir en temps de crise. Toutefois, je ne pense pas qu'un seul de ces programmes aient été conçus pour la situation dans laquelle nous sommes à présent.
En ce qui concerne le CSRN, le montant d'argent qui peut être déposé au cours d'une année donnée dépend des ventes nettes admissibles. Ce programme part du principe que les producteurs auront de l'argent à mettre de côté et à déposer dans leur compte. Malheureusement, beaucoup de producteurs qui essaient de fonder une exploitation n'ont pas d'argent à mettre de côté. Nombre de producteurs qui ont fait un dépôt donnant droit à la contribution de contrepartie n'ont pas suffisamment d'argent pour s'en sortir dans le cas d'une crise financière comme celle-ci. Dans beaucoup de région, ce programme est considéré comme un fonds de retraite pour les agriculteurs établis. Les jeunes agriculteurs ne peuvent pas tirer pleinement parti de ce programme parce qu'ils ont d'autres engagements financiers et des dettes à court terme.
• 0935
En ce qui concerne l'ACRA et le PSRC, dans la région de Peace, en
Alberta, beaucoup d'agriculteurs ont dû faire face à quatre mauvaises
années consécutives par suite des pluies excessives, de la sécheresse
et des faibles prix des produits de base. Plusieurs ont vu leurs
marges substantiellement réduites, voire négatives dans beaucoup de
cas. Même en mettant les marges négatives à zéro, cela réduit
considérablement le niveau d'aide que les producteurs peuvent
recevoir. Si les prix des produits de base restent faibles, beaucoup
de producteurs ne rempliront pas les conditions requises pour avoir
droit à une aide, et ce indépendamment de la taille et de la qualité
des cultures qu'ils produisent.
En ce qui concerne l'assurance-récolte, de nombreux producteurs ont exprimé un vif mécontentement à cet égard. L'assurance-récolte ne garantit pas un revenu brut à l'acre bien que le montant des primes soit établi à l'acre. De nombreux agriculteurs arrivent à atteindre le rendement garanti, ce qui ne leur donne droit à aucune aide, mais le faible prix des denrées les empêche d'honorer leurs obligations financières.
L'industrie agricole dans la région de Peace est durement éprouvée. Les années de mauvaises récoltes et la faiblesse des prix ont placé de nombreuses exploitations agricoles dans une situation financière très difficile. De nombreux jeunes agriculteurs ont abandonné l'agriculture parce qu'ils n'arrivent plus à assurer la viabilité de leurs fermes. De nombreuses familles ont dû trouver des emplois à l'extérieur de la ferme pour subvenir aux besoins de la ferme et de la famille, parce que leur exploitation agricole n'est plus rentable. De nombreuses fermes ne survivent qu'en puisant dans l'avoir acquis après de nombreuses années de dur labeur. Les centres de service agricole perdent des marchés et une partie de leur population, puisque les gens doivent aller vivre ailleurs.
Lorsqu'on leur demande où se trouve la solution à la crise agricole, de nombreux producteurs répondent qu'il leur faut obtenir un prix équitable pour leurs produits. D'autres pays subventionnent leurs agriculteurs par divers programmes. Ce qu'il faut chez nous, c'est une aide financière immédiate pour aider les agriculteurs à court terme puis, pour le long terme, une assurance-récolte fondée sur un revenu brut garanti à l'acre.
D'autre part, j'ai constaté qu'au Canada nous avons tendance à attendre que les problèmes surviennent avant d'agir. Nous devrions plutôt adopter une approche proactive à long terme.
En terminant, si des mesures ne sont pas prises immédiatement, l'industrie agricole, qui traverse actuellement une crise, va complètement sombrer.
Je vous remercie, monsieur le président.
Des voix: Bravo!
Le président: Nous vous remercions de votre exposé, monsieur Dumont.
Nous entendrons maintenant M. Peter Eggers.
M. Peter Eggers (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Peter Eggers et je vous suis très reconnaissant de m'accueillir aujourd'hui.
Je pratique l'agriculture à La Glace, dans le comté de Grande Prairie. Ma femme et moi avons trois enfants et nous exploitons une ferme céréalière de 2 600 acres. Nous produisons également des graines à rendement élevé et nous songeons à clôturer.
Vous trouverez ici mon revenu agricole comptable moyen sur cinq ans. J'ai établi tous les coûts de la manière dont ils se présentent normalement dans une exploitation agricole. Il ne s'agit pas de ma comptabilité de caisse. Je veux vous montrer par là le niveau actuel de viabilité de ma ferme. La dépréciation n'est pas fondée sur ma déclaration de revenu, mais calculée à raison de 10 p. 100 pour la machinerie et de cinq p. 100 pour les bâtiments. Les chiffres indiquent une perte nette de 2,80 $ sur cinq ans.
En 1995, nous avons connu une année formidable, de loin meilleure que tous ce que nous avions vu jusque-là. Nous avons utilisé le revenu de cette année pour faire face à des pertes en 1996, pertes qui se sont chiffrées à 61,88 $ parce que nous n'avons pas pu cultiver une superficie de terre lourde en raison d'un taux d'humidité excessif. Nous avons utilisé les profits de 1995 pour compenser des pertes de 37,30 $ en 1997. En 1998, malgré la sécheresse, nous avons quand même réalisé un profit de 24,71 $. En 1999, nous avons eu du gel le 15 juillet. Nos pertes pour cette année sont de 33,19 $.
• 0940
Le grain produit sur cette terre est mis dans les voitures de
producteur, ce qui me permet de réaliser une économie de 10 $ l'acre
par rapport à un agriculteur qui utilise le système de silo-élévateur.
À la page 2, vous trouverez un petit graphique qui vous permettra de comprendre pourquoi nous avons des difficultés. Il illustre les années 1992 à 1999. Pour l'estimation du prix du blé roux de printemps et du blé de printemps des Prairies canadiennes, je me suis fondé sur les paiements finaux de la Commission canadienne du blé en 1999.
J'ai également inclus un graphique qui montre les écarts de taux de fret entre 1999 et 1992. Les chiffres indiquent une différence de 16,40 $ entre 1994 et 1999. En se fondant sur une capacité de production d'une tonne à l'acre, cela suppose une hausse des coûts de 16,40 $ l'acre pour notre ferme et une diminution de 89 $ l'acre pour la production de blé et de 98 $ pour le blé de printemps des Prairies canadiennes, sur la même période. Vous voyez maintenant que les agriculteurs font face à des fluctuations de prix considérables.
En 1997, ma ferme n'avait aucune dette depuis 10 ans. Nous arrivions à financer toutes nos dépenses à même nos rentrées de fonds. Au cours des prochaines années, je ne prévois pas emprunter pour pouvoir poursuivre l'exploitation de ma ferme l'année suivante. Je devrai cependant modifier mes méthodes de fonctionnement, trouver de meilleures rotations, peut-être clôturer pour le bétail et vendre de l'équipement. J'ai un problème, cependant, car mon voisin songe à faire la même chose.
J'ai utilisé mes REER pour réduire mes versements sur le capital et j'ai également puisé dans le CSRN pour réduire mes versements sur le capital et ainsi réduire les coûts en intérêts et en capital au cours des années à venir.
La diminution de ma production de grain, qui a déjà commencé, parce que nous produisons aussi des graines de graminées, aura un effet à la hausse, pour les autres producteurs de l'industrie des grains, sur les coûts d'utilisation des silos-élévateurs et du transport par rail. En effet, la diminution du nombre d'agriculteurs qui utilisent les silos entraîne une augmentation des coûts unitaires de manutention. À plus ou moins long terme, ces hausses se répercuteront sur tous les fournisseurs et à toute l'industrie de la transformation, ce qui aura pour effet de ralentir l'économie.
En 1999, 1998 et 1997, j'ai souscrit à l'assurance-récolte, mais, d'après mon expérience, cette assurance semble très peu efficace. En voici un exemple. Ma production de lin a atteint seulement 10 boisseaux à l'acre, à un prix de 4 $ le boisseau sur le marché. Ce faible rendement n'est pas attribuable uniquement à la sécheresse mais également au gel. L'assurance-récolte me paye 6,45 $ l'acre et ma prime est de 4,70 $, ce qui me laisse 45 $ de ventes de cultures plus un rajustement de 1,75 $ de l'assurance-récolte pour couvrir mes coûts de 115 $ l'acre avant dépréciation.
Un programme d'aide gouvernemental ne devrait pas être sélectif mais universel. Le gouvernement canadien devrait également avoir une politique agricole bénéfique pour l'ensemble des Canadiens, y compris les agriculteurs, et ne devrait pas compter sur les politiques des gouvernements des autres pays pour régler nos problèmes. Nous nous attardons beaucoup trop à ce que font les autres pays et aux effets négatifs de leurs politiques sur nos prix. Nos problèmes sont en partie attribuables au fait que les autres pays n'ont pas les moyens d'acheter notre grain aux prix que nous devons le vendre pour couvrir nos coûts de production.
D'autre part, si l'industrie agricole des prairies espère trouver le salut dans les produits à valeur ajoutée, il faut savoir que cela ne fonctionne que si le producteur de grain a des coûts de production. Autrement, il n'y a aucun avantage à produire un produit à valeur ajoutée si on peut trouver le même produit ailleurs, à moindre prix.
• 0945
Le gouvernement devrait également veiller à ce que les grandes
entreprises ne puissent pas dicter au pays comment gérer ses affaires.
En Allemagne et aux États-Unis, trois producteurs de poulet produisent
90 p. 100 des «ufs vendus sur le marché. Ces producteurs ont forcé
toutes les fermes qui produisaient des poulets ou des «ufs à céder le
marché à des multinationales ou à de grandes sociétés parce qu'ils
contrôlent la vente de gros sur leurs marchés respectifs. Du même
coup, ces producteurs sont en mesure de décider des prix que reçoivent
les agriculteurs pour leurs produits sur le marché.
La même chose est en train de se produire dans l'industrie du porc. La semaine dernière, on annonçait qu'une usine d'emballage de l'Alberta va acheter des fermes porcines. Les éleveurs de porcs croient peut-être y trouver la solution à leurs problèmes financiers, mais cela aura également pour effet de réduire les possibilités de diversification de producteurs comme moi. Je ne pourrai plus doter ma ferme d'une petite section porcine parce que les grands producteurs vont faire baisser les prix que je recevrai comme producteur.
Si on veut aider les agriculteurs, on devrait aussi engager la réforme de l'assurance-récolte. Rappelez-vous l'époque du Programme de stabilisation concernant le grain de l'Ouest et du programme de contributions. Ils comportaient très peu de contraintes bureaucratiques. Je ne sais pas si cette solution serait viable, mais je crois que nous devrions l'examiner comme solution à long terme.
Je suis originaire d'Europe et je sais que les agriculteurs européens sont très mécontents de leur situation. Même s'ils ont de l'argent en poche, ils sont totalement à la merci de leurs gouvernements. Ils sont également entièrement à la merci des lois et règlements qui régissent leur entreprise et leurs dépenses. Le gouvernement leur dit: vous avez de l'argent, mais nous vous disons quoi faire.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Eggers.
Nous entendrons maintenant M. Rick Nagel. Soyez le bienvenu.
M. Rick Nagel (témoignage à titre personnel): Merci et bonjour à tous.
Mon épouse m'a demandé de parler lentement et distinctement. Je m'y efforcerai donc. Je pratique la culture de grains, d'oléagineux et de graines fourragères sur ma ferme située à 30 milles au nord de Grand Prairie. Mon épouse, mon père et ma mère sont mes partenaires à parts entières. Notre ferme, d'une superficie d'environ 2 300 acres, est probablement une ferme céréalière familiale typique.
Je crois comprendre que vous tenez ces audiences pour faire le jour sur ce qui est perçu comme une crise dans certains secteurs de la communauté agricole. J'ai été invité à exposer mon point de vue sur la question. J'ai accepté, mais je n'étais pas sûr d'être qualifié pour venir vous inonder de faits et de chiffres pour vous aider à comprendre la situation où se trouve notre ferme. Je ne doute pas que d'autres témoins en feront autant et vous exposeront clairement les obstacles financiers auxquels se heurtent les agriculteurs, et en particulier les producteurs de grains et d'oléagineux.
Cela étant dit, la seule façon pour moi de vous faire comprendre l'économie agricole, c'est de vous parler de ma propre ferme familiale. Mon grand-père a commencé à pratiquer l'agriculture sur notre quart de section familial en 1939. Il a défriché la terre à la main et avec un cheval. J'en vois déjà parmi vous qui doivent se dire: voilà un autre de ces pauvres agriculteurs qui croient qu'ils ont droit à un gagne-pain simplement parce qu'ils sont là. Tant que vous ne prendrez pas conscience de ce que la grande majorité des agriculteurs ont investi dans leurs fermes, nous ne réussirons jamais à stabiliser une industrie qui produit des aliments, pas des ordinateurs ou des autos, mais des aliments.
Je vous rappelle également que l'agriculture canadienne produit parmi les meilleurs aliments au monde.
Mon père a acheté notre ferme de son père en 1960. À l'époque, un quart de section n'était pas suffisant pour subvenir à nos besoins. Le gouvernement l'a encouragé à agrandir sa ferme, tout comme mon grand-père avait été encouragé à le faire des années plus tôt. Le gouvernement visait la croissance et le développement économique. Mon père a donc agrandi et développé sa ferme jusqu'à ce que je décide de prendre la relève. Mon épouse et moi nous sommes lancés en agriculture en 1982. Le gouvernement m'a dit que je ne pouvais pas débuter modestement et en deçà d'une certaine superficie et que je ne pouvais pas travailler plus de six mois par année à l'extérieur de la ferme pour pouvoir compter sur une aide financière du gouvernement.
Nous avons agrandi notre ferme en 1984, puis de nouveau en 1992 par affermage. En 1997, nous avons acheté d'autre terre, si bien que notre ferme couvre aujourd'hui une superficie de 2 300 acres.
En somme, nous avons répondu aux attentes du marché en agrandissant notre ferme et en devenant très efficients. Cette tendance a rapidement entraîné une diminution de la population de notre communauté. En 1960, notre domaine agricole nourrissait 50 personnes. Aujourd'hui, il doit en supporter quatre. Le problème, c'est qu'en 1999, bien que notre ferme produise la meilleure qualité de culture jamais produite, notre domaine agricole ne réussit pas à subvenir aux besoins de quatre personnes, malgré le fait que les quatre personnes qui y vivent occupent tous un emploi à temps plein ou à temps partiel à l'extérieur de la ferme. Le travail sur la ferme, quand on n'a pas les moyens d'embaucher du personnel, impose une tâche plus lourde que ce que pourraient supporter la plupart des Canadiens n'ayant qu'un emploi. Et nous en avons deux. Étant donné les prix artificiellement bas des denrées, il ne fait aucun doute que notre ferme ne nous assure pas un revenu suffisant pour subvenir à nos besoins en 1999.
• 0950
Avant 1999, nous conservions toujours une raison d'être optimistes.
Durant les années 90, diversifier était le mot à la mode. Nous avons
donc diversifié notre activité et avons connu un certain succès à
court terme, mais la surproduction a rapidement saturé les petits
marchés. La diversification n'était qu'une solution à court terme.
Nous avons besoin de stabilité à long terme. Nous croyions être en
voie d'y arriver, lentement mais sûrement, mais nous avons connu un
réveil brutal en 1999. Je m'explique.
Chacun se rappelle où il était en 1972 lorsque Paul Henderson a compté le fameux but gagnant. Je m'en souviens aussi. Je me rappelle également avec exactitude où je me trouvais lorsque le président Ronald Reagan a annoncé son projet de loi agricole. Cette mesure a été à l'origine d'un conflit sur les exportations agricoles qui a connu une escalade rapide entre la Communauté européenne et les États-Unis. Toutes mes craintes se sont réalisées à des degrés divers.
Nous avions néanmoins réussi à conserver notre optimisme jusque là en raison d'un autre acronyme avec lequel nous nous étions familiarisés, le GATT. C'était, pour moi, la tribune où notre gouvernement négociait une réduction des subventions à l'exportation et l'uniformisation des règles du jeu applicables aux producteurs canadiens, européens et américains. En tant que producteur, je m'attendais à voir ces règles mises en place non pas à brève échéance, mais à long terme. J'acceptais que des réductions majeures des subventions soient en vigueur en 1999. Je savais cependant que des sacrifices me seraient demandés. On s'est alors mis à parler de subventions conformes au GATT et de subventions non conformes au GATT.
Les programmes agricoles du Canada, comme l'assurance-récolte et le CSRN étaient conformes au GATT. Ces programmes sont actuellement en vigueur. D'autres, comme le tarif du Nid-de-Corbeau, le RARB et à peu près tous les programmes créés pour nous aider n'étaient pas conformes au GATT. Nos gouvernements, tant fédéral que provinciaux, me paraissaient des plus impatients de se débarrasser des programmes non conformes au GATT car c'était pour eux une excellente façon de réduire leurs budgets. J'ai appris, à ma grande surprise, que les gouvernements canadiens ont réduit l'aide à l'industrie agricole de plus de 50 p. 100, alors que dans les pays européens, les réductions étaient de l'ordre de 20 p. 100. J'ai été encore plus alarmé d'apprendre que l'accord conclu durant la dernière ronde de négociations du GATT prévoyait une réduction des subventions artificielles de 30 p. 100 en 1999. Alors que les gouvernements européens n'ont pas respecté les obligations que leur imposait le GATT, le Canada, lui, a imposé une réduction supérieure de 20 p. 100 à ce qu'exigeait l'accord. Et ce même accord ne nous permet pas d'apporter une correction à la réduction imposée. À quoi nous a servi le GATT et de quelle utilité nous sera l'accord de l'OMC lorsqu'il sera conclu dans 10 ans?
Le plus important pour ma famille et moi est de savoir ce qui nous attend encore. Nous ne pouvons qu'espérer que l'on considérera l'agriculture comme un élément important de la culture et de l'économie canadiennes et que le gouvernement acceptera une part de responsabilité dans la situation où se trouvent aujourd'hui les agriculteurs. Les producteurs canadiens ont utilisé toute leur volonté, leur endurance, leur imagination et leur avoir pour réussir. La majorité d'entre eux rejettent maintenant le statu quo. Si les choses ne changent pas, notre ferme n'existera plus dans son état actuel d'ici deux ans. Pour d'autres agriculteurs, des changements s'imposent immédiatement ou à très court terme.
Il m'apparaît évident que les Européens et les Américains ne veulent pas négocier de bonne foi avec les Canadiens. Ils trouveront toujours un moyen de ne pas respecter ou de contourner les accords qu'ils signent. Dans ce contexte, les Canadiens disposent de deux options.
La première consiste à laisser les producteurs de grain et d'oléagineux et les autres producteurs de denrées agricoles directement affectés par les accords commerciaux internationaux se débrouiller seuls face aux États-Unis et à l'Europe. Les conséquences seraient certainement désastreuses pour nous tous.
La seconde option consiste à accorder aux agriculteurs une aide suffisante pour leur assurer le rendement qu'ils obtiendraient s'il n'y avait pas de distorsions commerciales. L'aide ne devrait viser que les denrées et les producteurs qui subissent directement les effets négatifs de ces distorsions.
La principale objection que j'ai entendue au sujet de programmes d'aide sélectifs est qu'ils risquent d'engendrer une surproduction et de provoquer des représailles. Je n'accepte pas cet argument. Je cultive déjà tout ce que je peux à la grandeur de mes terres. Si je ne l'avais pas fait, il y a longtemps que j'aurais dû abandonner l'agriculture. Je n'ai jamais eu de difficulté à mettre mes produits sur le marché et à les vendre. Il y a toujours des clients, quelque part dans le monde, prêts à acheter ce que je produis. Tout ce que je demande, comme agriculteur, c'est de pouvoir concurrencer équitablement mes homologues européens et américains.
Le coût des intrants a triplé depuis mes débuts en agriculture, en 1982. Le manque de liquidités est devenu très sérieux et contribue a aggraver encore davantage les contraintes. Les prix des denrées, qui sont équivalents à ceux des années 40 et 50, ne favorisent guère l'optimisme chez les agriculteurs. Des deux options qui s'offrent aux Canadiens, j'espère qu'ils choisiront d'aider l'industrie agricole et qu'ils réagiront énergiquement pour mettre un terme aux distorsions commerciales qui nous sont tellement nuisibles. Mais quoi que vous décidiez de faire, ne prenez pas de demi-mesure.
• 0955
Le ministre fédéral de l'Agriculture a dit que les agriculteurs ont
pleinement le droit d'être fauchés. Je trouve très inquiétant que cet
homme, qui est censé représenter les intérêts de l'industrie agricole
auprès des Canadiens, tienne ce genre de propos alors que les
agriculteurs, qui ne sont aucunement responsables de la situation
actuelle, luttent pour leur survie.
Je vous remercie beaucoup d'être venus à Grand Prairie pour entendre les agriculteurs vous exposer directement leur point de vue. C'est, pour moi, la preuve que vous tenez vraiment à vous informer au sujet de la viabilité de l'agriculture.
Je vous prie de m'excuser si j'ai pu vous paraître cynique à certains moments, mais c'est que le problème attend depuis déjà trop longtemps une solution. Je demeure très fier de vivre dans le meilleur pays du monde, même si ce n'est pas toujours évident.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci, monsieur Nagel. Je vous suis reconnaissant.
Nous allons maintenant entendre M. Garry Smolik.
M. Gary Smolik (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président et je remercie le comité de m'avoir invité. Nous sommes heureux de pouvoir ainsi rechercher avec vous une solution au problème actuel.
La tâche que nous entreprenons est très exigeante. L'élaboration d'un nouveau filet de sécurité ou d'un programme d'aide agricole adéquat et efficace nous oblige à tenir compte de nombreux facteurs. Je limiterai mon exposé au secteur des grains et des oléagineux. Je signale cependant que d'autres secteurs devront également être pris en considération dans l'élaboration d'un programme. Nous ne pouvons, par exemple, inclure dans un programme des éléments qui créeraient des distorsions dans la production et nuiraient à l'industrie bovine.
Nos partenaires commerciaux ne tarderont guère à réagir, c'est certain. Et ce sera la même chose dans l'industrie des grains et des oléagineux. Certains pays commerçants dénoncent énergiquement certaines mesures canadiennes pouvant constituer pour eux des irritants commerciaux, mais ils oublient leurs propres politiques qui font baisser les prix sur les marchés mondiaux. Le Canada a été incapable de résister aux subventions massives accordées par les États-Unis et la Communauté économique européenne. L'industrie change sous la pression de ces mesures internationales. Malheureusement, les pays qui détiennent les plus grands stocks de grain d'exportation possèdent également les moyens de trésorerie les plus imposants.
La situation actuelle risque de causer le dépeuplement du Canada rural. C'est pourquoi nous devons prendre des décisions très difficiles et importantes pour mettre en place un programme d'aide à l'industrie agricole. Ces décisions contribueront certainement à façonner l'industrie agricole et détermineront le choix du moment et les modalités de l'aide à accorder.
Un autre aspect important est le choix des bénéficiaires. Devront-ils avoir un minimum ou un maximum d'importance économique? Faudra-t-il tenir compte des coûts de production, se fonder sur des données historiques? Il ne faut pas non plus oublier la complexité et les coûts de prestation d'un nouveau programme.
Les programmes actuels ne sont pas conçus pour faire face à des baisses de revenu prolongées imputables à des problèmes environnementaux successifs ou à des chutes de prix. De nombreuses industries trouvent les moyens de survivre à des fluctuations de prix. Toutefois, le déclin des prix du grain et des oléagineux depuis cent ans constitue une tendance sans précédent. Cette tendance à long terme a pour effet que les sommets et les creux réels du marché seront moins marqués.
Cela n'augure rien de bon. Cette tendance nous montre que les filets de sécurité ne sont pas la solution parfaite. Il faudra trouver autre chose pour inverser la tendance actuelle des prix, si les coûts de production persistent dans la direction opposée.
Le gouvernement a les moyens de remédier en partie aux graves problèmes auxquels l'agriculture est actuellement confrontée. Il pourrait notamment prendre des mesures pour réduire le coût des intrants et mettre en place des programmes équitables, dont l'administration ne serait pas compliquée et dont les critères d'admissibilités seraient simples.
Parlons maintenant des taxes. Les agriculteurs paient énormément de taxes directes et indirectes. La taxe sur le combustible, par exemple, leur impose un fardeau énorme. Les chemins de fer et l'industrie du camionnage refilent également aux agriculteurs les taxes sur le transport des grains et oléagineux et le coûts des intrants agronomiques. Les taxes directes peuvent aisément être supprimées. Quant aux taxes indirectes, leur abolition sera un peu plus complexe si l'on veut éviter des distorsions.
Il y a également l'impôt foncier. Les agriculteurs paient un impôt scolaire disproportionné comparativement à ce que paient les contribuables urbains. Rien ne peut le justifier.
Les frais d'utilisation. Les frais liés aux services gouvernementaux et aux agences de réglementation se multiplient. Certains frais sont directs, d'autres sont refilés aux agriculteurs par les fournisseurs de services, et ils ne tiennent pas compte de la capacité de payer. La question de la responsabilité pose également un problème. Comment les agriculteurs peuvent-ils être sûrs que les frais reflètent bien les coûts et y a-t-il des incitatifs pour les maintenir le plus bas possible?
Le fonds de prévoyance de la Commission canadienne du blé. Le conseil d'administration semble avoir été autorisé à prélever une cotisation auprès des agriculteurs pour constituer un fonds de prévoyance. Cela me semble inconcevable, compte tenu de la situation actuelle des agriculteurs. L'industrie du grain traverse l'une des pires crises de son histoire et la perspective d'une nouvelle cotisation m'apparaît pour le moins impensable.
La technologie constitue un autre domaine important où le gouvernement peut exercer une influence. Les agriculteurs se sont rapidement adaptés aux progrès technologiques, principalement pour des raisons de survie. La diminution du rendement à l'acre ou par unité de production impose un double choix aux agriculteurs: premièrement, produire chaque unité à moindre coût—et je crois que nous y sommes déjà tous arrivés et, deuxièmement, avoir recours à la technologie pour accroître la production d'unités.
• 1000
Les coûts de la technologie sont à la charge du producteur et
accroissement les risques liés à la production en cas de mauvaise
récolte. Toutefois, en ayant recours aux moyens offerts par la
technologie, les agriculteurs permettant aux consommateurs d'avoir
accès à un approvisionnement alimentaire sûr, abondant et peu coûteux.
Le gouvernement devrait chercher un moyen pour que les agriculteurs et
les consommateurs partagent à la fois les coûts et les bienfaits de la
technologie.
Je voudrais maintenant parler de trois programmes créés pour aider les agriculteurs.
D'abord, l'assurance-récolte. Ce programme est fondé seulement sur la production et ne prévoit aucune aide pour faire face à la faiblesse actuelle du prix des denrées. L'assurance-récolte devrait constituer un élément important de toute stratégie de gestion de risque, mais la chose est rendue impossible en raison de la faible participation des agriculteurs. C'est pourquoi le programme devra être modifié de manière à assurer, à un coût abordable, une meilleure protection contre la baisse de rendement.
L'Aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole. Ce programme est efficace seulement si les prix préalables sur lesquels sont fondées les prestations d'aide étaient suffisamment élevés pour que l'exploitation soit économiquement viable. Dans le contexte actuel, où les prix sont à la baisse depuis de nombreuses années, le seuil de référence applicable à toute prestation est également à la baisse. Ainsi, un seuil de 70 p. 100 de la marge précédente est trop faible pour être vraiment utile. Il faudrait, pour que les prestations soient efficaces, que le seuil de référence soit suffisamment élevé pour soutenir une exploitation viable. Par ailleurs, ce programme ne s'applique pas aux désastres pluriannuels ou causés par des conditions climatiques. Comme quoi l'ACRA ne permettra pas de remédier aux problèmes actuels de l'agriculture, les responsables du CSRN ont fait savoir que cinq producteurs de grain sur six ne seront pas admissibles à l'aide de l'ACRA cette année au Canada.
Le CSRN. Ce programme comporte plusieurs bons volets et devrait continuer de faire partie du filet de sécurité canadien. Le CSRN s'applique indépendamment des denrées produites et est accessible à tout le monde. Il y a moyen de rendre les programme du CSRN plus efficaces, sans accroître sensiblement les coûts administration. L'assouplissement des conditions de retrait et une méthode de rétablissement rapide des comptes, y compris l'amélioration des contributions, constitueraient des améliorations substantielles.
En terminant, l'industrie des grains et des oléagineux est actuellement soumise à de graves contraintes. Les mesures prises par le gouvernement influeront grandement sur la forme et la composition de l'industrie. Nous payons des coûts d'intrant de niveau nord-américain, mais les prix que nous recevons pour nos produits sont comparables à ceux du tiers monde. L'industrie des grains ne pourra demeurer viable et conserver une place importante dans l'industrie canadienne que si l'on inverse la tendance à la baisse à long terme des prix de nos produits.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci, monsieur Smolik. Nous avons beaucoup apprécié votre exposé.
Nous passons maintenant à la ronde des questions. M. Breitkreuz dispose de sept minutes.
M. Garry Breitkreuz: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie tous pour vos exposés, qui abordent tous la questions sous des angles différents. Je vous en suis très reconnaissant.
Je suis également heureux du nombre de participants.
M. Penson me demande d'apporter une rectification pour les fins du compte rendu. Nous ne nous sommes pas opposés à ce que le comité se déplace. Nous avons cependant voulu éviter une tournée éclair qui n'aurait pas permis de consulter les agriculteurs adéquatement. Nous avons voulu nous assurer que la tournée soit productive. Nous avons même demandé au premier ministre de nous accompagner, comme il l'a fait dans toutes les autres situations de crise, afin de venir écouter les gens. Je suis convaincu que s'il entendait les récits que nous entendons, il ne pourrait pas faire autrement qu'agir. Je déplore que nous ne disposions pas de plus de temps.
J'ai quatre questions à poser à chacun des témoins.
Monsieur Dumont, je crois savoir que vous êtes conseiller municipal. Vous devez donc avoir une bonne idée des effets de la crise actuelle sur votre communauté.
Je suis moi-même de Yorkton, en Saskatchewan, et j'ai vu les conséquences dévastatrices de la crise sur ma propre communauté. Certains effets ne sont connus que depuis quelques semaines. Le suicide, notamment, commence à poser un problème.
Par ailleurs, de jeunes agriculteurs qui avaient loué des terres les ont abandonnées et personne ne veut prendre la relève. Cela en dit long sur la gravité de la situation, et notamment des problèmes sociaux. Pourriez-vous nous exposer votre point de vue à ce sujet? Vous parliez de créer un programme à long terme. Je crois que les agriculteurs ont perdu espoir et que la situation actuelle pose un sérieux problème. Peut-être pourriez-vous nous en dire davantage sur les répercussions de la situation actuelle dans votre communauté, notamment sur les entreprises et ailleurs.
M. Donald Dumont: Tout d'abord, la région où je vis est très peu peuplée. On commence à voir des fermetures d'entreprises et les personnes qui y travaillaient quittent la région et vont chercher de l'emploi ailleurs.
Je crois que les membres de la communauté agricole craignent vraiment que si la tendance actuelle se maintient, la situation se détériorera encore davantage et, tôt ou tard, les régions rurales comme la nôtre vont se dépeupler. La population ne sera plus suffisante pour supporter le coût des écoles, des hôpitaux et de l'infrastructure nécessaire. Sans une population suffisante, nous aurons de sérieux problèmes.
M. Garry Breitkreuz: En effet.
Des voix: Bravo!
M. Garry Breitkreuz: Voilà un point de vue intéressant.
J'ai également pu constater des conséquences au sein des familles. Non seulement y a-t-il diminution de la population, mais les familles sont également affectées. Les enfants ne peuvent plus compter sur la présence de leurs parents à la maison parce que ces derniers doivent trouver des emplois à l'extérieur. Est-ce la même chose dans votre région?
M. Donald Dumont: C'est fréquent aussi dans notre communauté. Dans la plupart des familles, les deux parents, sinon au moins l'un d'entre eux, doivent travailler à l'extérieur de la maison. Ceux qui se trouvent dans cette situation subissent un stress énorme car ils doivent à la fois gérer la ferme et occuper un emploi à l'extérieur. Parfois, ils n'ont pas assez de 24 heures par jour pour y arriver. Cette situation engendre beaucoup de problèmes. Si rien n'est fait pour remédier à cet état de choses, la situation va empirer.
M. Garry Breitkreuz: En Saskatchewan, nous envions les agriculteurs de l'Alberta parce qu'ils ont au moins la possibilité de se trouver un emploi pour l'hiver. Cette solution nous est difficilement accessible, à moins d'aller en Alberta.
M. Donald Dumont: Je suppose que vous pouvez voir les choses de cette façon.
M. Garry Breitkreuz: Monsieur Eggers, vous disiez que vous devez puiser dans votre capital. Vous avez dû vendre de la machinerie pour assurer la survie de votre ferme, vous avez utilisé vos économies, et ainsi de suite.
Votre suggestion de créer un programme d'aide universel plutôt que sélectif est d'une importance majeure. Quel genre de programme souhaitez-vous voir mettre en place? Comment vous y prendriez-vous pour le faire?
M Peter Eggers: Comme ma ferme me demande beaucoup d'attention, je n'ai pas réfléchi aux modalités de mise en «uvre. Compte tenu des difficultés financières que j'anticipe pour la campagne agricole de l'an prochain, je crois que nous devons essayer de trouver une solution. Comme je le disais dans mon exposé, je n'ai pas l'intention d'emprunter encore de l'argent car cela ne fait qu'aggraver le problème. Je ne crois pas que ce soit une bonne solution. Je n'ai pas encore été obligé de vendre des machines, mais...
M. Garry Breitkreuz: D'accord.
M. Peter Eggers: Je vous expose simplement les solutions qui s'offrent à moi en tant qu'agriculteur.
J'exploite ma ferme avec des moyens modestes. Je me sers surtout de matériel usagé et j'utilise une seule moissonneuse-batteuse sur une superficie de 2 600 acres. Nous payons bien notre personnel mais nous n'embauchons qu'une seule personne, généralement pour une brève période, durant la récolte, de sorte qu'il ne me reste guère d'autres possibilités d'économiser sur les coûts de production. Comme j'ai déjà réglé une partie de mes problèmes internes—je parle ici de location—au fil des années, je n'ai pas beaucoup de marge de man«uvre là non plus. La seule solution consisterait donc essentiellement à créer un programme d'aide universel.
M. Garry Breitkreuz: Très bien. Je vous remercie.
Je sais que j'ai très peu de temps, mais je voudrais aborder tous les points qui ont été soulevés.
Garry, j'ai bien aimé le caractère général de votre exposé. Je crois que vous êtes le premier témoin originaire de la Colombie-Britannique. Vous ne l'avez pas mentionné, mais je crois que vous êtes de cette province, n'est-ce pas?
M. Garry Smolik: En effet.
M. Garry Breitkreuz: Je crois que vous êtes le seul témoin de cette province que nous ayons entendu jusqu'à maintenant.
Vous avez dit une chose très importante lorsque vous avez mentionné que nous devions éviter de provoquer des représailles de la part de nos partenaires commerciaux.
J'ignore à quelle solution vous avez pensé pour assurer une aide universelle. J'ai bien aimé ce que vous avez dit au sujet des agriculteurs, qui paient trop de taxes. Je crois que les agriculteurs de ma région ne se rendent pas compte que le coût de leurs intrants est peut-être constitué jusqu'à 50 p. 100 de taxes cachées de toutes sortes, notamment les 300 millions de dollars qu'ils paient sur leurs seuls achats de fertilisants. Dans le cas du combustible, les agriculteurs paient non seulement la taxe de 4c. et celle de 10c. que le gouvernement fédéral perçoit, mais également les taxes cachées que perçoivent les pétrolières.
Quel genre de programme proposeriez-vous pour remettre aux agriculteurs une partie des taxes qu'ils paient? Avez-vous songé à une solution?
M. Garry Smolik: C'est une situation difficile.
En ce qui concerne la taxe sur le carburant en vrac, sur les fertilisants ou d'autres produits, je crois qu'on pourrait régler le problème assez aisément par un crédit d'impôt ou autrement. Il suffirait de modifier la loi en conséquence. Je ne crois pas qu'une réduction des taxes serait considérée comme une mesure qui fausserait les échanges commerciaux.
La question est un peu plus complexe dans le cas de la taxe sur le combustible payée par les compagnies ferroviaires ou les camionneurs. Je ne suis pas certain de connaître la solution, dans la mesure où un crédit d'impôt accordé pour le grain transporté par chemin de fer risquerait d'être vu comme une mesure qui fausse le marché des producteurs de bétail. En effet, un crédit fausserait le prix du grain et, par voie de conséquence, les coûts des éleveurs de bétail. Il faudra réfléchir beaucoup plus pour trouver une solution qui ne gênera pas ou ne faussera pas la production des autres produits.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Votre temps de parole est écoulé.
Monsieur McGuire, vous avez la parole.
M. Joe McGuire: Monsieur le président, je voudrais revenir au CSRN et à l'efficacité de ce programme de supplément de revenu. En Colombie-Britannique, lorsque les revenus baissent environ 80 p. 100 des agriculteurs ont droit à une aide d'un montant moyen de 20 000 $. En Alberta, le pourcentage est d'environ 75 p. 100. Je me demande ce qu'on peut faire de plus pour assouplir le programme encore davantage, si ce n'est éliminer complètement les seuils d'admissibilité.
Vous disiez que, selon les responsables du CSRN, cinq agriculteurs sur six sont inadmissibles à l'aide de l'ACRA. Qui bénéficie de l'aide de ce programme dans ces deux provinces? Je crois que ce programme a été créé pour répondre à une baisse subite des revenus des fermes céréalières et porcines. L'aide était essentiellement fondée sur le concept de l'exploitation globale à la grandeur du pays. Si cinq producteurs de grain sur six sont inadmissibles à l'aide du programme, et si les agriculteurs ne bénéficient pas vraiment de l'aide du CSRN, quelle autre solution reste-t-il?
M. Rick Nagel: Je voudrais premièrement critiquer le CSRN. Je vous parlerai du cas de ma ferme, puisque je suis venu pour me vider le c«ur.
J'ai eu ne bonne récolte cette année et la situation sera difficile. L'année 1997 a été mauvaise. J'ai eu besoin de l'aide du CSRN, auquel je contribuais depuis sa création. À l'instar de la plupart de mes collègues, je croyais que c'était un bon programme. Mais je n'ai pas pu obtenir de prestations.
Lorsque mon banquier m'a téléphoné pour me dire que j'étais en retard dans mes paiements, je lui ai répondu que je ne pourrais pas puiser dans le CSRN avant l'année suivante. Il m'a demandé ce que j'entendais faire en attendant. Puis il a ajouté que, de toute façon, il ne croyait pas que je pourrais utiliser le CSRN pour payer mes comptes. Pour pouvoir utiliser mes contributions au compte, j'ai dû m'en retirer complètement. Je me retrouve donc aujourd'hui, bien malgré moi, sans l'appui du CSRN parce que c'était le seul moyen d'obtenir de l'aide financière. Cette situation est attribuable à la lourdeur du programme.
Quant au programme ACRA, savez-vous comment il fonctionne? Je ne veux pas être sarcastique, mais il est lourd et bureaucratique. Il n'est pas aisé d'obtenir des prestations. Avec l'aide que je recevrai de l'ACRA et du PSRC, j'aurai probablement de quoi m'acheter une caisse de bière et prendre un verre ensuite. C'est le problème que posent ces programmes.
Des voix: Bravo!
Le président: Garry, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Garry Smolik: Tout ce que je puis dire, c'est que nous avons réussi à obtenir du CSNR une aide de 3 240 $ pour ma ferme. Or, les fertilisants nous coûtent à eux seuls 100 000 $. L'aide accordée est insignifiante. Ça ne nous aide pas beaucoup à payer les comptes.
C'est la même chose dans le cas du programme ACRA. Comme le disait Rick, il s'agit d'un programme complexe. Peut-être est-ce nécessaire pour couvrir ce qu'on peut appeler un risque moral et éviter que des personnes obtiennent une aide à laquelle elles n'ont pas droit. Je crois que nous devrions laisser tomber les programmes de ce genre et revenir à une mesure fiable comme le programme d'assurance-récolte.
Le RARB était un bon programme parce qu'il protégeait à la fois les prix et le rendement. Le seul inconvénient de ce programme est qu'il était fondé sur les données historiques dans un marché en recul. Comme les données historiques diminuent, le revenu garanti diminue d'une fois à l'autre. Les prestations ne tiennent pas nécessairement compte des coûts réels, que la technologie a pourtant fait augmenter, comme je le disais.
M. Joe McGuire: Si vous aviez le choix, préféreriez-vous concevoir un programme d'aide à long terme en cas de désastre ou simplement améliorer le CSRN, l'assurance-récolte et les autres programmes existants?
M. Gary Smolik: Je crois que je ferais de l'assurance-récolte un programme solide et efficace. Je tenterais également d'améliorer le CSRN. Et si ces deux solutions ne suffisaient pas, je songerais à un programme comme le RARB qui comprendrait à la fois une assurance-récolte et une protection des coûts de production. Au lieu de l'assurance-récolte, je préférerais un programme de protection du rendement et des prix.
M. Joe McGuire: Quelqu'un d'autre a-t-il une suggestion à faire?
M. Donald Dumont: Oui. J'aimerais dire quelque chose au sujet de l'assurance-récolte.
J'ai parlé à de nombreux agriculteurs de ma région et beaucoup aiment bien l'idée d'une assurance-récolte qui comporterait aussi les avantages du RARB. Ils bénéficieraient ainsi d'une certaine garantie de revenu à l'acre. Avec l'assurance-récolte, vous payez une prime comme dans le cas d'une police d'assurance. L'achat d'une police d'assurance d'un certain montant au printemps garantirait un revenu minimum à l'automne. Ce serait une situation viable.
M. Peter Eggers: J'aimerais ajouter quelque chose. Mon scénario de 450 boisseaux de lin cadre bien dans cet exemple. Mon assurance par boisseau est plus élevée et j'ai une production suffisante, mais je suis pénalisé à cause de cela. Il aurait été financièrement plus avantageux pour moi de ne pas récolter mon lin.
Le président: Il vous reste une minute, monsieur McGuire.
M. Rick Nagel: Puis-je aussi dire quelque chose? J'ignore quelle est la solution, car je n'ai pas une vue d'ensemble de la question. Je crois cependant que beaucoup de programmes gouvernementaux sont tellement lourds et bureaucratiques que nous pouvons difficilement en obtenir de l'aide. Nous devons concurrencer les Américains et les Européens. Pourquoi ne pas faire comme eux et les battre à leur propre jeu? N'étant pas un spécialiste de la question, c'est la seule solution que je vois. Nous ne devrions pas tant nous préoccuper de ce qu'ils diront de nous, car de toute évidence ils ne se préoccupent guère de ce que nous disons d'eux.
M. Joe McGuire: À de nombreuses audiences, on a recommandé de mettre des terres de côté. Serait-ce une solution adéquate en Alberta et dans la région de Peace River?
Le président: Nous avons tout juste le temps de poser une courte question sur ce sujet.
M. Peter Eggers: Je ne crois pas que ce soit vraiment la bonne solution. Vous vous souviendrez qu'on a déjà eu recours à cette solution et qu'on l'applique actuellement en Europe. On paie les gens pour qu'ils laissent des terres de côté, mais cela ne présente aucun avantage pour l'environnement, les gens ou les terres elles-mêmes. Je ne crois pas que ce serait nous rendre service.
Le président: Merci.
Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Je vous remercie de vos excellents exposés.
Monsieur Nagel, j'ignore si vous pourrez dire à votre épouse que vous avez parlé lentement, mais vous pourrez certainement lui dire que votre exposé est l'un des plus convaincants que nous avons entendus. Vous avez très bien compris la question des programmes conformes et non conformes au GATT, un sujet dont nous n'avons pas beaucoup entendu parler. Je sous tout à fait d'accord avec vous à ce sujet.
Je voudrais revenir sur un passage de votre exposé, où vous dites:
-
L'aide ne devrait viser que les denrées et les producteurs qui
subissent directement les effets négatifs de ces distorsions.
La plupart des témoins nous l'ont dit tout au long des audiences, et de nouveau aujourd'hui, les paiements à l'acre devraient être accessibles à tous indifféremment. Pouvez-vous nous dire comment vous êtes arrivé à cette conclusion?
M. Rick Nagel: Dans le contexte actuel, c'est la seule façon valable de convaincre mes concitoyens canadiens que j'ai vraiment besoin d'aide, le cas échéant. Si les conditions du marché mondial étaient équitables, quel prix recevrais-je pour mes produits? Si mes concitoyens voyaient dans ma proposition l'attente juste et équitable de tirer un rendement de mon investissement, je subirais volontiers les fluctuations du marché comme tout le monde. Mais je tiens à obtenir un prix équitable et non faussé pour mes produits. Je suis capable de faire face aux prix du marché mondial car je peux soutenir la concurrence des agriculteurs étrangers. C'est pourquoi je dis que l'aide doit être accordée à ceux qui subissent les effets des distorsions.
M. Dick Proctor: Très bien. Merci beaucoup.
Monsieur Smolik, je crois que votre exposé faisait partie de ceux qui... Nous n'avons pas beaucoup entendu partie des frais d'utilisation, mais vous avez abordé la question dans votre exposé. Vous avez également souligné que, depuis quelques années, le gouvernement canadien s'est délesté, au détriment des agriculteurs, de nombreux coûts qu'il supportait auparavant. Le gouvernement a agi de la sorte non pas pour se conformer au GATT ou à d'autres exigences du commerce international, mais simplement pour réduire et éliminer son déficit le plus rapidement possible.
• 1020
Nous avons parlé à des gens qui connaissent le sujet bien mieux que
nous, du moins je l'espère. Je veux parler des négociateurs canadiens,
qui nous ont dit que le Canada pourrait rétablir ou assumer certains
de ces frais et en délester les agriculteurs. Êtes-vous de cet avis
et, si oui, à quels frais en particulier pensez-vous?
M. Gary Smolik: Je crois qu'il serait possible de le faire, sans que cela ne nuise à nos relations avec les autres pays. Une des raisons pour lesquelles je crois que nous devrions revenir à la situation antérieure est que, bien souvent, les producteurs ne sont pas les seuls à bénéficier des frais d'utilisation. Dans le cas des frais d'utilisation applicables à une assurance de qualité ou à d'autres produits de ce genre, par exemple, tout le monde bénéficie d'un produit de qualité supérieure. Puis il y a les droits de pilotage sur la côte. Les producteurs paient de nombreux frais cachés. Je crois que ce serait une bonne solution parmi tant d'autres, et une mesure facile à mettre en oeuvre.
M. Dick Proctor: En terminant, monsieur le président, je crois que M. Eggers a eu l'occasion de prendre la parole au sujet de la mise de côté de terres proposée par M. McGuire. Quelqu'un d'autre a-t-il une opinion sur la question? Les marchés et les produits sont tellement nombreux. Croyez-vous que la mise de côté de terres pourrait fonctionner dans votre région? Au Manitoba et en Saskatchewan, certains croient que ce serait une solution viable.
M. Gary Smolik: Tout ce que je puis dire, c'est que dans la plupart des cas les terres qui seraient laissées de côté seraient probablement des terres de qualité secondaire, de sorte que la production ne diminuerait pas de façon très marquée.
M. Dick Proctor: Y a-t-il quelqu'un d'autre? M. Dumont ou M. Nagel?
M. Donald Dumont: Je crois que dans certains cas, aux États-Unis, la mise de côté de terres a eu pour résultat un accroissement de la production. En effet, certaines terres laissées en jachère une année peuvent avoir un rendement supérieur les années suivantes.
M. Dick Proctor: Vous n'êtes donc pas en faveur de cette solution.
M. Rick Nagel: Je suis de l'avis de mes collègues.
M. Dick Proctor: D'accord.
Le président: Merci, monsieur Proctor.
Monsieur Borotsik, vous avez la parole.
M. Rick Borotsik: Rick, vous avez fait un exposé remarquable. Votre épouse peut être fière de vous. Nous pouvons mettre une annonce dans les journaux. Je voudrais qu'elle soit ici.
Rick, vous avez très bien compris le GATT et l'OMC. Ce que vous n'avez pas dit dans votre exposé cependant—et il me semble important de vous le signaler—, c'est que les règles actuelles de l'OMC permettent au Canada de hausser l'aide actuelle à l'agriculture de deux milliards de dollars. Il s'agit simplement d'avoir la volonté politique de le faire. C'est une question de jugement. Peut-être aucun d'entre nous n'a-t-il la réponse à la question. J'aimerais savoir pourquoi, selon vous, on accorde si peu d'importance à l'agriculture à l'heure actuelle, non seulement au gouvernement mais dans l'ensemble de la société canadienne? Avez-vous une opinion?
Je lisais dans un journal hier que M. Martin parle de réduire les impôts et d'affecter des fonds au réseau routier. Les routes sont une priorité pour les municipalités, mais pourquoi l'agriculture ne figure-t-elle pas sur la liste de priorités?
M. Rick Nagel: En tant que profane, j'ai l'impression que les agriculteurs n'étant plus tellement nombreux, ils ont perdu leur poids politique. Deuxièmement, tant que les magasins d'alimentation seront pleins, les gens ne vont pas vraiment... Nous produisons des aliments en grande quantité et de bonne qualité. Je crois que les Canadiens doivent comprendre qu'il s'agit là d'un privilège plus que d'un droit dans le monde où nous vivons. C'est, je crois, la raison pour laquelle l'agriculture n'est pas une priorité pour les Canadiens.
M. Rick Borotsik: Je crois que les Canadiens commencent à le comprendre, quoique lentement. Nous devons éduquer la population. Cela ne fait aucun doute.
Peter, je vous remercie de vos renseignements financiers. Ils indiquent que vous avez subi des pertes durant trois des quatre dernières années. Votre situation est-elle représentative de celles des autres fermes au cours de la même période?
M. Peter Eggers: Je le crois, quoique mes pertes sont probablement inférieures à la moyenne.
M. Rick Borotsik: D'accord, mais vos voisins...
M. Peter Eggers: Je vous ai montré les chiffres concernant ma propre situation financière. Ce n'est pas un sujet de discussion général.
• 1025
Je voudrais rappeler qu'à une certaine époque nous avions un système
de double prix du grain. Les Canadiens payaient les produits canadiens
à des prix adaptés aux salaires canadiens, mais nous ne pouvions pas
appliquer les mêmes prix aux produits exportés, car nos clients
n'auraient pas eu les moyens de payer.
Mais sur le marché interne... Ma femme est infirmière. C'est pourquoi je suis encore agriculteur. Elle gagne 22 $ l'heure. Elle peut probablement absorber une augmentation du prix du pain d'un cent la miche, ce qui se traduirait par 60 cents le boisseau de blé, par exemple.
M. Rick Borotsik: D'accord. Là ou je veux en venir est ceci: si votre situation est typique, pensez-vous que beaucoup de vos voisins actuels auront beaucoup de mal à faire les semailles ce printemps et, en fait, est-ce que ce sera une impossibilité pour certains?
M. Peter Eggers: Personne ne m'a montré ses états financiers comme je viens de vous les montrer...
M. Rick Borotsik: Je m'en doute.
M. Peter Eggers: ... mais je m'attends à ce qu'il y ait des problèmes parce que certains ont déjà eu du mal à payer les intrants des années précédentes.
M. Rick Borotsik: C'est là où je voulais en venir. Le crédit commercial devient difficile à obtenir dans beaucoup de régions. Est-ce que vous trouvez que c'est le cas ici?
M. Peter Eggers: Je suppose que ça devient de plus en plus difficile à obtenir pour certains producteurs.
M. Rick Borotsik: Donald, j'ai une petite question pour le préfet. Vous avez probablement une très bonne idée de tout ce qui se passe dans la municipalité.
Pourriez-vous me parler des arriérés d'impôts? Avez-vous remarqué un changement, une augmentation des impôts impayés? S'il n'y a pas eu de changement cette année, à quoi vous attendez-vous pour l'année prochaine, l'année 2000?
J'ai une autre question. Nous avons beaucoup entendu parler des taxes scolaires sur les terres agricoles. Quelle serait votre solution à cet égard?
M. Donald Dumont: Pour revenir à la première question, les arriérés d'impôts ne sont pas plus élevés que d'habitude. Mais si vous considérez les impôts comme faisant partie des frais d'exploitation, ils ne représentent qu'une partie infime de ces derniers.
M. Rick Borotsik: Donc, pour l'année 2000, vous ne vous attendez pas à des problèmes d'ordre fiscal, à une augmentation des arriérés d'impôts?
M. Donald Dumont: Il pourrait y en avoir davantage. Ce n'est pas impossible, mais...
M. Rick Borotsik: C'était juste pour avoir une idée.
M. Donald Dumont: Ce n'est qu'un faible pourcentage.
Désolé, j'ai oublié votre deuxième question.
M. Rick Borotsik: Ce n'est pas grave. Je crois que je l'ai oubliée moi aussi.
Le président: Vous avez 30 secondes.
M. Rick Borotsik: Pour me rappeler de ma question? Elle portait sur les taxes scolaires.
M. Donald Dumont: L'Alberta est en train d'étudier la question des taxes scolaires sur les terres agricoles. Je pense que la plupart des municipalités aimeraient...
M. Rick Borotsik: D'accord, mais revenons à votre première réponse. Vous venez de dire qu'il n'y a pas d'arriérés d'impôts car ils ne représentent qu'une partie infime de l'ensemble...
M. Donald Dumont: Oui.
M. Rick Borotsik: ... et pourtant les producteurs nous disent sans cesse qu'ils sont vraiment opposés à ce que la taxe scolaire fasse partie de leurs impôts fonciers. Il y a quelque chose de pas très logique là-dedans.
M. Donald Dumont: D'une certaine façon, c'est vrai. Mais en Alberta les entreprises et les agriculteurs ne paient pas les mêmes taxes scolaires.
M. Rick Borotsik: D'accord, merci.
Le président: Merci.
Il nous reste juste assez de temps pour que je pose une question. Elle s'adresse à M. Smolik.
Dans vos observations préliminaires, vous avez parlé du fonds pour éventualités prévu par la Loi sur la Commission canadienne du blé, et il est vrai que le projet de loi C-4 donnait à la commission la possibilité d'établir un tel fonds si elle en éprouvait la nécessité. La commission n'a pas donné suite à cette disposition et j'ignore si elle le fera un jour. J'ai l'impression que ça se pourrait, surtout si elle adopte certaines des options qu'elle risque d'avoir à envisager pour l'établissement des prix. Mais pour le moment, elle n'y pas donné suite.
Selon la nouvelle structure, selon la nouvelle composition du conseil d'administration, la commission compte maintenant 10 administrateurs qui sont élus directement. Trouvez-vous que maintenant, avec ces 10 administrateurs la commission est directement responsable devant vous, et pensez-vous que si vous étiez convaincu de la nécessité d'un tel fonds, vous pourriez faire part de votre point de vue directement au conseil d'administration par l'intermédiaire de ces administrateurs?
M. Gary Smolik: Oui, je peux lui faire part de mon point de vue, ce qui ne veut pas dire qu'il en tiendra nécessairement compte.
En ce qui concerne le conseil d'administration, je ne suis pas sûr des contraintes auxquelles il doit obéir. Comme c'est une nouvelle structure, le conseil d'administration n'est peut-être pas trop certain du rôle que peuvent jouer les 10 administrateurs élus. Nous ne l'avons pas encore vu en action. C'est tout nouveau et on ne sait pas encore comment ça va fonctionner. Je vois dans la possibilité de constituer ce fonds une autre occasion de se décharger de ses responsabilités sur les autres ordres de gouvernement.
Le président: Je suppose que si vous connaissez votre représentant, vous pouvez l'appeler, le rencontrer dans la rue, prendre un café avec lui, et lui faire part de vos préoccupations. Et si vous aviez besoin de renseignements, j'espère qu'il serait en mesure de vous les communiquer. Merci.
Messieurs Smolik, Eggers, Dumont et Nagel, je vous remercie. J'ai trouvé vos exposés remarquables.
Nous passons maintenant à une période de 45 minutes. Nous allons entendre le témoignage des représentants d'un ou deux organismes. Je demanderais à Leo Meyer et à Duane Stevenson de bien vouloir se présenter. M. Meyer et moi avons rencontré M. Stevenson pour la première fois ce matin.
J'informe notre auditoire que M. Meyer porte trois chapeaux. Connaissant un peu Leo, je suis sûr que c'est un jeu d'enfant pour lui. Il représente la Prairie Oat Growers Association, la Western Barley Growers Association et la Rye & Triticale Association. M. Stevenson représente Agri-Link Corporation.
Jusqu'à maintenant, les témoins ont comparu par ordre alphabétique. «M» venant avant «s», nous devrions entendre le témoignage de Leo en premier, mais on me dit que vous vous êtes entendus pour que M. Stevenson passe en premier. Je n'y vois aucun inconvénient.
Je vous demande donc de commencer, monsieur Stevenson. Merci d'être venu.
M. Duane Stevenson (Agri-Link Corporation): Je vous remercie de cette occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
Je vais faire les choses différemment ce matin. J'ai distribué mon mémoire car j'aimerais me servir d'aides visuelles, si vous me le permettez. Je suis consultant en agriculture et je travaille avec beaucoup de chiffres pour aider les agriculteurs du bassin de la rivière de la Paix et je pense que mon exposé résumera ce qui a été dit jusqu'ici ce matin.
Mon sujet est l'écart entre les coûts de production et les filets de sécurité; je parlerai également de certains des problèmes et je brosserai une toile de fonds. Comme l'on dit plus tôt René Blanchette et d'autres témoins, nous avons certainement eu des conditions extrêmes dernièrement dans la région.
J'ai ici trois graphiques portant sur trois régions différentes du bassin de la rivière de la Paix. La première est la région de Fairview. Nous avons établi la moyenne sur 30 ans, exprimée en millimètres, des précipitations pendant la saison de croissance. Comme vous pouvez le constater, la moyenne sur 30 ans est certainement beaucoup plus élevée que pour 1998 ou 1999.
Ensuite, il y a la région de Falher et à nouveau la moyenne sur 30 ans comparée à 1998 et 1999.
Enfin, nous avons la région de Grande Prairie. Nous avons utilisé les données recueillies à l'aéroport. Comme vous voyez, dans cette région, les précipitations étaient un peu plus élevées en 1998.
Voilà pour la toile de fond.
L'autre chose importante à signaler dans le bassin de la rivière de la Paix est que, comme on l'a dit plus tôt, le 15 juillet 1999, nous avons eu une gelée qui a dévasté les pois dans mon territoire. En fait, la majorité de la récolte a été mise en ensilage ou en fourrage et nous n'avons pas de pois à vendre. Le gel a également touché le canola et le blé.
On a également parlé, et on parlera encore aujourd'hui, du cours des denrées, de l'OMC, de la réduction des subventions depuis 1995, de l'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau, et de la comparaison entre les subventions au Canada, aux États-Unis et dans l'Union européenne.
En ce qui concerne les changements au cours des cinq dernières années, nous avons certainement vu de gros changements dans la gestion des fermes pour faire face à la concurrence mondiale dans le domaine du canola transgénique et du blé de printemps des Prairies, ce qui a entraîné l'augmentation du coût des intrants afin d'accroître le rendement. Nous travaillons avec une feuille de calcul afin d'évaluer le coût des intrants ainsi que les coûts fixes. Plusieurs agriculteurs en ont déjà parlé ce matin et j'aimerais passer en revue certains des chiffres auxquels je suis parvenu.
J'ai dressé le portrait de ce que j'appelle le client moyen. Il faut se rappeler cependant qu'il n'y a pas de clients moyens, certains sont bien en deçà de la situation dont je parle et d'autres, bien en dessus.
• 1035
J'ai établi que, pour mes clients du bassin de la rivière de la Paix,
le coût des intrants, soit les semences, les engrais, les herbicides,
l'assurance-récolte et l'assurance contre la grêle, les herbicides,
insecticides et fongicides rendus racine—comme dans le cas du canola
résistant au Roundup—s'élevait à environ 108 $ l'acre.
À la page 3 de ma feuille de calcul, j'explique comment nous établissons les coûts fixes. Nous prenons les états financiers des agriculteurs et nous utilisons les données qu'ils contiennent. J'ai calculé les moyennes pour les réparations, les salaires, les frais de subsistance, les intérêts, les impôts fonciers, les assurances, les carburants—pour tout y compris le remboursement des machines et des terres, qui selon nous doit figurer au chapitre des coûts de renonciation ou des déductions pour amortissement car ce sont véritablement des coûts. Nous arrivons à un total partiel de 105 $ l'acre et pour la grande moyenne des agriculteurs, nous avons au chapitre de la location environ 9 $ l'acre.
Prenons la page 2 pour nous attarder un peu sur la question de la location. Beaucoup de mes clients louent des terres et c'est élément important du programme. Fait intéressant, l'exploitant a une voix, mais beaucoup des propriétaires dont il loue les terres ont également une voix. J'ai des clients qui louent à cinq propriétaires différents, donc pour ce qui est du vote, c'est un peu déséquilibré.
Prenons la page 1; je voudrais parler un moment du rendement moyen par rapport au coût de production. Pour le canola résistant au Roundup, nous avons un coût de production de 223 $ l'acre. Nous avons un prix de vente de 6 $ le boisseau—ce qui est plutôt optimiste en ce moment; il est très difficile d'obtenir ce prix actuellement—donc, avec un rendement moyen de 30 boisseaux l'acre, on perdrait 43 $ l'acre. Nous avons donc un problème.
Mon rôle auprès des agriculteurs est de déterminer leur seuil de rentabilité; pour cette culture-là, le seuil de rentabilité est de 7,44 $ le boisseau. Pour l'exploitation en question, si le rendement était moyen, les bénéfices seraient de moins 5 $ l'acre, soit une perte de 11 000 $. L'agriculteur risque donc un investissement de 440 000 $ en dépenses brutes totales pour un rendement de moins 11 000 $. Je trouve cela très inquiétant pour moi et pour mes clients, et je suppose que nous sommes aujourd'hui à la recherche de solutions.
Pour pousser l'analyse un peu plus loin, j'ai introduit un chiffre qui se rapporte aux paiements de l'assurance-récolte. Prenons, par exemple, le canola résistant au Roundup et regardons le graphique concernant l'assurance-récolte dans la région de Grande Prairie. Vous savez tous ce dont je parle. Le canola est couvert à 70 p. 100. Le producteur est assuré pour 14 boisseaux l'acre à raison de 111 $ l'acre, ce pour quoi il paie 7 $ l'acre. L'agriculteur que j'ai pris pour exemple n'est pas indexé... nous parlons donc d'un facteur de un pour l'ensemble. Il ne fait aucun doute que le régime de l'assurance-récolte est indexé et qu'il s'ajuste au fil du temps.
Le blé de printemps des Prairies canadiennes est couvert à 70 p. 100—à raison de 27 boisseaux l'acre pour un total de 98 $ l'acre. Pour les pois, l'assurance coûte 4,20 $ l'acre à raison de 18, presque 19 boisseaux l'acre pour une couverture de 68 $ l'acre.
• 1040
Pour le blé de printemps, la couverture est de 100 $ l'acre, à raison
de 24 boisseaux l'acre, à un coût de 5,33 $. Pour l'avoine, la
couverture est de 70 $ l'acre, à raison de 48 boisseaux l'acre, et
nous avons l'orge à 34 boisseaux l'acre pour un total de 82 $ l'acre.
Quand on introduit ces chiffres dans les calculs, on s'aperçoit que
cet agriculteur pourrait perdre jusqu'à 100 $ l'acre.
Cela confirme certaines des observations faites plus tôt cette année. Nous nous inquiétons car nous ne couvrons même pas nos coûts de production. Je fais partie de ceux qui estiment que les agriculteurs devraient gagner de quoi nourrir leur famille.
Pour résumer tout cela, prenons le verso de la page couverture; si un agriculteur qui cultive 2 200 acres, comme celui que j'ai choisi pour exemple, perd 100 $, cela revient à une perte totale de 220 000 $. S'il travaille en hiver et que son salaire est de 20 000 $ à 30 000 $, cela n'y change rien. Ça lui permet tout juste de nourrir sa famille. C'est la situation dans laquelle se trouvent les agriculteurs à l'heure actuelle. L'agriculture est une entreprise commerciale et nous devrions en tenir compte.
Pour revenir aux solutions constructives—c'est là où j'en suis maintenant—il y a une page de plus.
La question que nous nous posons est la suivante: notre gouvernement est-il déterminé à assurer la survie à long terme de l'agriculture de l'Ouest? Je suis convaincu—j'ai moi aussi grandi dans cette région—que les agriculteurs qui sont venus témoigner aujourd'hui sont dans l'agriculture pour y rester. Allons-nous condamner l'agriculture à disparaître ou allons-nous contribuer à édifier une infrastructure dans laquelle nous pouvons avoir confiance de manière à redonner confiance aux jeunes, aux banques et aux fournisseurs?
En résumé, cela revient à ceci. Les exportations de denrées agricoles se chiffrent à 22 milliards de dollars, ce qui représente un tiers de l'excédent sur marchandises. Je pense que c'est très important pour notre gouvernement. Je pense que nous devons élaborer une vision claire et à long terme pour les 15 années à venir et éviter les programmes ponctuels. Nous avons grandement besoin de planification à long terme.
Je vais parler maintenant du filet de sécurité. Ce n'est pas une chose facile à mettre en place. J'ai énuméré 10 critères qu'il faut respecter. D'abord, il faut éviter la distorsion des schémas de culture; il ne faut pas récompenser la mauvaise gestion; il ne faut pas qu'il y ait de distorsion des coûts de production, y compris la valeur des terres, les loyers, le coût des intrants; il faut que le programme soit à la hauteur des moyens des producteurs et des contribuables; il faut qu'il soit facile à administrer et à comprendre, compatible avec les règles de l'OMC et de l'ALÉNA, et adaptable à tous les secteurs de l'agriculture—céréales, bétail, porc; il ne doit pas comporter de composante morale, comme on la dit plus tôt aujourd'hui; et enfin, il faut qu'il soit ouvert à tous et qu'il offre une voie de sortie.
Passons maintenant à l'assurance-récolte. C'est un autre sujet dont mes clients me parlent beaucoup. On me dit que le gouvernement provincial est en train d'organiser un sommet afin de revoir le programme de l'assurance-récolte en prévision de la campagne de l'an 2000. Je recommande vivement au gouvernement fédéral d'y assister puisqu'il finance un tiers du programme.
À titre de référence, seulement 20 p. 100 des terres du bassin de la rivière de la Paix sont assurées. Le pourcentage des producteurs qui sont assurés est plus élevés, mais en terme de superficie, c'est très peu. Il y a une raison à cela. Les exploitants aimeraient que le programme soit modifié car leurs pratiques culturales ont changé, tout comme leurs coûts de production et leur rendement. Il faut donc ajuster le programme en fonction de coûts de production réalistes.
• 1045
Ce dont je me suis aperçu, c'est qu'avec l'augmentation de la taille
des exploitations dans la région où je travaille—beaucoup
d'agriculteurs exploitent ce qui était auparavant trois ferme; ils
peuvent avoir une très bonne récolte dans un secteur, mais la façon
dont l'assurance-récolte fonctionne—la moyenne étant calculée sur
l'ensemble de l'exploitation—s'ils ont des pertes dans un secteur,
elles sont compensées par les gains d'un autre secteur.
Comme je le disais plus tôt, la part de l'agriculteur est de 38 p. 100, celle du gouvernement fédéral est de 32 p. 100 et celle du gouvernement provincial est également de 32 p. 100. Nous sommes donc tous partie prenante dans ce programme. D'après ce que j'ai entendu ce matin, il est grandement temps de le rajuster. Je fais partie de ceux qui pensent qu'il devrait être structuré comme une véritable assurance avec coût de remplacement, prime, franchise, presque comme une assurance-habitation ou une assurance-automobile, comme on l'a dit plus tôt. Cela nous donnerait peut-être une base plus solide. On peut dire en général que le CSRN, l'ACRA, le PSRC et l'assurance-récolte devraient être remaniés.
À mon avis, le CSRN n'est pas adapté aux jeunes agriculteurs. Les jeunes agriculteurs investissent pour racheter l'exploitation de leur père ou pour survivre et la reprendre. Il leur est donc aussi difficile de mettre de l'argent dans le CSRN que dans un REER. Selon moi, il n'est pas fait pour les jeunes.
En guise de conclusion, je rappelle que ce matin Carol—Lee Eckhart a mentionné qu'une résolution demandant que l'on reconnaisse la crise agricole circulait dans les municipalités d'un bout à l'autre du Canada. Je félicite les municipalités ou les électeurs des zones urbaines d'avoir reconnu les problèmes que nous vivons. Merci.
Le président: Merci, monsieur Stevenson.
Je rappelle à tout le monde que nous n'avons que 45 minutes pour cette partie, c'est-à-dire jusqu'à 11 h 15, et que cela comprend également le temps réservé aux questions.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Meyer.
M. Leo Meyer (vice-président, Prairie Oat Growers Association; vice-président, Western Barley Growers Association; président, Rye & Triticale Association): Merci. Monsieur le président, John, mesdames et messieurs les membres du comité—il n'y a pas de dames—collègues et amis, je vous remercie de cette occasion de vous parler au nom de la Prairie Oat Growers Association, de la Western Barley Growers Association et de la Rye & Triticale Association.
Nous sommes également le seul représentant des agriculteurs au conseil d'administration de la bourse de Winnipeg, et nous sommes délégué à la Alberta Barley Commission, membre de la Alberta Safety Net Coalition, et membre du comité de direction de la Prairie Farm Commodity Coalition. Nous faisons partie de la C-Team, un groupe de réflexion sur l'agriculture dirigé par le centre George Morris, à Guelph, en Ontario.
En tant qu'agriculteurs de la région de la rivière de la Paix qui exploitent une ferme familiale produisant toutes les grandes cultures et qui gèrent leur propre système intégré de marketing et de logistique, nous sommes très conscients des difficultés qui existent actuellement dans le secteur de l'agroalimentaire. J'aimerais d'ailleurs maintenant dire que je suis d'accord sur tout ce qu'ont si bien dit mes collègues ce matin. Nous sommes beaucoup à être au bord du gouffre et à éprouver de graves difficultés.
L'agriculture dans cette région a été gravement touchée par quatre années de conditions climatiques extrêmes. En 1996 et 1997, une surabondance de pluie et les champs détrempés ont empêché de nombreux agriculteurs de faire les semailles à temps, voire de planter quoi que ce soit, et le peu qu'ils étaient parvenus à semer a été soit gelé soit enfoui sous la neige. En 1998 et 1999, le temps a complètement changé et une grave sécheresse a touché une bonne partie du bassin de la rivière de la Paix. Une fois de plus, la récolte a été soit maigre soit de mauvaise qualité pour de nombreux agriculteurs. En fait, ce fut une récolte amère car le cours des céréales est tombé à un niveau jamais atteint depuis une vingtaine d'années, tendance qui semble vouloir se maintenir actuellement.
Les marchés sont malmenés par les guerres commerciales que se livrent principalement les États-Unis et l'Union européenne. Toutefois, dernièrement, d'autres sujets de préoccupation sont arrivés sur la scène, notamment les programmes d'aide de catégorie bleu et verte qui ne sont pas liés à la production et la controverse qui entoure la question des mesures SP, principalement les cultures issues de la biotechnologie et la levée de boucliers contre les produits alimentaires génétiquement modifiés.
Entre temps, le Canada et les États-Unis sont devenus les magasins d'aliments pour le bétail et de produits alimentaires à rabais en continuant à défendre et à appuyer la campagne menée à l'échelle du globe par Monsanto-Dupont-Novartis en faveur de systèmes alimentaires reposant sur les OGM.
À l'OMC, nous avons demandé qu'on n'ouvre pas le dossier des mesures SP, signalant ainsi notre intention de reconsidérer notre position concernant les OGM et les produits issus de la biotechnologie. Ce qui est très triste dans tout cela, c'est que les marchés des aliments pour le bétail et des produits alimentaires de haute qualité ont tourné le dos aux OGM et que les consommateurs ont décidé que, en ce qui concerne les aliments pour le bétail et les produits alimentaires, la perception était plus importante que la réalité.
• 1050
Avec tout ça, le Canada ne s'est pas encore rendu compte que ce qu'il
nous faut par-dessus tout, c'est une vision claire des orientations de
l'agriculture pour l'an 2000 et au-delà. Vu les circonstances
actuelles qui prévalent dans l'agriculture à l'échelle mondiale, il
faut que nous nous dotions d'un cadre d'action réaliste et global en
ce qui concerne l'agriculture et l'agroalimentaire. Cela donnerait un
signal clair quant à l'avenir et redonnerait un certain sentiment de
sécurité au secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Le progrès ne peut pas toujours être motivé par les seuls intérêts
commerciaux.
Le Brésil, l'un des géants mondiaux de l'agroalimentaire, a opté pour un système de logistique et de production alimentaire indépendant des OGM; il va faire des efforts importants pour offrir à ses agriculteurs des prêts significatifs et un appui financier supplémentaire afin de compenser à l'avenir un rendement plus faible mais de plus haute qualité en leur offrant de meilleurs prix et afin de combler dans l'immédiat l'écart temporaire de revenu.
Quand on parle d'aliments, on parle des intérêts vitaux d'un pays. Une vision claire est de mise.
Contrairement à l'Europe, au Japon, au Brésil et à d'autres pays, nous, les Nord-Américains, nous sommes choyés et souvent la surabondance des éléments de base les plus importants nous empêche de comprendre qu'il pourrait en être un jour autrement. Un système agricole et agroalimentaire sain ne dépend pas uniquement de la production, mais beaucoup plus de la bonne gérance des terres, de pratiques compatibles avec le développement durable, de considérations environnementales et du respect pour les autres habitants de nos terres tels que les espèces sauvages et les créatures invisibles à l'oeil nu.
Plus tôt nous commencerons à reconnaître ces aspects différents et très importants de l'agriculture, plus tôt les attitudes changeront. C'est de la multifonctionnalité de l'agriculture que viendront à l'avenir l'appui et la bonne volonté de ceux qui ne sont pas des intervenants directs dans le secteur de l'alimentaire. Autrement dit, les consommateurs de l'avenir seront prêts à payer plus pour un système qui tient compte des facteurs susmentionnés, mais qui accorde peu de valeur aux produits qui négligent ces principes de base.
Si les produits alimentaires contiennent des OGM ou des éléments issus de la biotechnologie, ou si la viande a été traitée aux hormones, il faut que ce soit indiqué sur l'étiquette de façon à ce que le consommateur puisse choisir.
Tels sont, à mon avis, les défis que devront relever les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire au cours du nouveau millénaire. Je voulais brosser la toile de fond avant de parler plus précisément du filet de sécurité.
Tout d'abord, l'idée de créer un programme qui dirige l'aide vers ceux qui en ont le plus besoin est, du point de vue du gouvernement, la manière la plus justifiable et la plus défendable de mettre un programme d'aide sur pied. C'est en théorie ce que sont censés faire l'ACRA et le PSRC. En tant que membre de l'Alberta Safety Net Coalition, c'est un principe que nous défendons depuis longtemps.
Il y a plusieurs autres choses importantes que nous pourrions faire et qui aurait un effet immédiat sur les coûts des exploitations; il suffirait d'apporter quelques modifications d'ordre systémique et réglementaire pour accroître l'efficacité des exploitations et donner aux agriculteurs un plus grand éventail de choix et une meilleure capacité de gestion des risques.
Il faut réformer l'ensemble des systèmes canadiens de gestion logistique et de commercialisation. Il faut donner suite aux recommandations Estey-Kroeger le plus rapidement possible. La concurrence et la responsabilité doivent remplacer le système actuel en vertu duquel tout le monde accuse tout le monde et ce sont les agriculteurs qui assument le coût des erreurs d'autrui. Ce ne serait qu'un début. Des changements spectaculaires viendrait rapidement bouleverser cette organisation commerciale contractuelle.
Il faut réévaluer les impôts des différents ordres de gouvernement: les taxes sur les intrants, les impôts fonciers et les taxes scolaires, et ce, en raison du fardeau qu'ils représentent pour une population rurale décroissante et pour l'ensemble du secteur de l'alimentaire et de l'agriculture.
Adopter une position faisant preuve d'une grande ouverture d'esprit dans le cadre des négociations en cours à l'OMC contribuerait grandement à régler un grand nombre des problèmes mondiaux qui ont des répercussions sur nous ici au Canada. L'ensemble des programmes qui forment le filet de sécurité devrait être modifiés de façon à incorporer les changements réglementaires et législatifs susmentionnés. La combinaison de ces deux facteurs aurait une influence positive sur le revenu des agriculteurs.
Certains éléments dont l'assurance-récolte et le CSRN doivent être réévalués et rajustés. L'assurance-récolte doit être entièrement remaniée de façon à tenir davantage compte des véritables coûts de production et des différents systèmes de gestion utilisés de nos jours dans le secteur agricole.
Le rendement ne doit pas être le seul facteur déterminant l'étendue de la couverture. La façon dont nous traitons le sol et le degré de protection de l'environnement doivent entrer en ligne de compte dans le système actuel, système qui nous vient de loin et qui est dépassé.
Le CSRN ne devrait pas faire intégralement partie du filet de sécurité. Vouloir garder le CSRN pour la retraite est compréhensible. Toutefois, il n'est pas acceptable que les agriculteurs qui ont de l'argent dans le CSRN refusent de s'en servir et réclament de nouveaux programmes d'aide. Ce n'est que lorsque les prestataires ont épuisé les ressources que leur offrent les programmes actuellement en place qu'on peut envisager une aide supplémentaire. Si une telle chose est mesurable, dans ce cas, de nouveaux programmes d'aide devraient être élaborés.
• 1055
Les récentes modifications apportées à l'ACRA et au PSRC ont rendu
ces deux programmes incompatibles, contrairement à ce qu'ils étaient
avant les modifications. Malheureusement, il est difficile de
comprendre pourquoi l'Alberta et le gouvernement fédéral n'ont pas
réussi à coopérer davantage avant que les toutes dernières
modifications ne soient annoncées. Je n'exagère pas en disant que pour
les deux programmes les modifications ont rendu les choses encore plus
compliquées et que beaucoup d'agriculteurs n'en reviennent pas.
Il faut se demander pourquoi on a besoin d'un tel degré de bureaucratie pour un programme d'aide à l'agriculture. À l'heure qu'il est, les nouveaux formulaires pour l'ACRA ne sont toujours pas disponibles et il faudra attendre longtemps avant que l'aide parvienne aux nombreuses familles d'agriculteurs dans le besoin.
Il semblerait que les annonces soient faites bien avant que l'infrastructure administrative soit en place. Les ministres de l'Agriculture et des représentants des gouvernements sont en réunion en ce moment à Toronto. J'espère qu'ils sont conscients qu'il faut que les choses changent en ce qui concerne la prestation des programmes. Si rien n'est fait et si le statu quo persiste, d'ici deux à cinq ans, on ne reconnaîtra plus le secteur agricole canadien. Les jeunes, face aux difficultés qu'éprouvent leurs parents pour joindre les deux bouts et au pessimisme des médias et de leur communauté, ne verront aucune raison de se lancer dans l'agriculture.
Je vous exhorte tous à arrêter de parler et à passer à l'action. À l'aube du nouveau millénaire, le moment est venu d'agir. Les familles d'agriculteurs, les travailleurs du secteur agricole et de l'agroalimentaire attendent un signal avec impatience, le désespoir au coeur.
Je vous remercie de votre attention.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci, monsieur Meyer. Merci beaucoup.
Il nous reste 17 minutes, soit 4 minutes pour chaque parti.
Monsieur Penson, les quatre premières minutes sont à vous.
M. Charlie Penson: Merci.
J'aimerais remercier Leo et Duane d'être venus témoigner ce matin. Je pense qu'avec ce qui a été dit ce matin et ce que vous venez de dire, le décor est en place.
Duane, vous avez demandé si le gouvernement tenait à l'agriculture. J'irais beaucoup plus loin que ça et je demanderais si les Canadiens veulent d'un secteur agricole au Canada.
Les Canadiens dépensent 9 p. 100 de leur revenu disponible pour se nourrir. C'est l'une des proportions les plus faibles au monde. Il y a un tas de gens qui gagnent beaucoup d'argent dans le secteur agricole, mais ce ne sont pas les agriculteurs.
Même cette année, par exemple, il y a eu des manifestations d'agriculteurs à Regina, au coeur du secteur agricole canadien, et l'ensemble de la population est restée indifférente. Les gens disent, vous savez, si les agriculteurs peuvent se promener avec des moissonneuses de 250 000 $, de quoi se plaignent-ils? Ils ont même la climatisation et la radio là-dedans.
C'est le genre de problème auquel nous nous heurtons. À l'heure actuelle, nous pouvons acheter des aliments moins chers en provenance d'autres pays. Le canola que l'Union européenne vent dans l'est du Canada est moins cher que le nôtre. L'orge subventionnée des États-Unis qui approvisionne les parcs d'engraissement dans le sud de l'Alberta est moins chère que l'orge canadienne.
Il me semble que notre problème est très difficile à régler. A-t-on ou non besoin d'un secteur agricole au Canada? Selon moi, oui, nous en avons besoin car le jour viendra où ces aliments meilleur marché ne seront plus disponibles, si le taux de change n'est plus aussi favorable, par exemple; nous aurons alors perdu une génération entière d'agriculteurs et la population canadienne se demandera tout à coup, mon Dieu, où sont-ils passés, pourquoi ne sont-ils plus là. C'est le genre d'effet à retardement qui nous menace.
Comment sensibiliser le public et comment mettre en place les programmes nécessaires pour survivre en attendant de trouver une solution aux problèmes à long terme liés aux subventions de l'Union européenne? Avez-vous des suggestions à cet égard?
Quelqu'un a dit plus tôt qu'il y avait aujourd'hui au Canada 380 000 agriculteurs sur une population totale de 30 millions d'habitants. C'est le défi qu'il nous faut relever. Toutes les suggestions que vous pourrez faire à cet égard seront grandement appréciées, nous en avons besoin.
M. Duane Stevenson: C'est tout un problème et je ne suis pas sûr de pouvoir répondre.
Comme je le disais plus tôt, les agriculteurs représentent une très faible proportion de l'électorat. Même dans les régions rurales. Comme je le disais, ils louent des terres à d'autres agriculteurs qui sont également des électeurs. Nous nous y sommes très mal pris pour éduquer les contribuables quant à l'importance du secteur agricole. Je pense que nous devons faire une meilleur travail à cet égard, cela ne fait aucun doute.
• 1100
Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.
M. Charlie Penson: Leo, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Leo Meyer: Je vous remercie, Charlie, de cette question. Je ne sais pas si je vais pouvoir vous donner une réponse facile, mais je pense que l'un des problèmes au Canada et aux États-Unis est que l'agriculture a toujours été liée uniquement à la production. Ce pense que c'est là que se trouve le problème.
Il faut que nous prenions conscience du fait que nous faisons diablement plus que juste produire. Nous entretenons le paysage, par exemple. Nous sommes aussi là pour les gens qui sortent de Toronto. J'y suis allé récemment, il faut faire une heure et demie de voiture avant de sortir de la ville. Quant on habite Toronto, on pourrait croire qu'il n'y a que des villes.
Si nous arrivions à faire comprendre aux gens à quel point l'agriculture est importante pour la société, j'irais jusqu'à dire, mesdames et messieurs, que nos concitoyens ne se demanderaient pas plus s'ils ont besoin de l'agriculture que d'un système de défense et d'une armée pour assurer leur sécurité. Évidemment, c'est un facteur fondamental dont les Européens tiennent compte.
Je pense que nous sommes aujourd'hui au stade où en était l'Europe il y a 20 ans. L'Europe a réglé la question et je pense que nous ne pouvons l'éviter. Nous devons lancer le débat. Je crois, comme je le disais plus tôt, que, à cet égard, nous pouvons compter sur l'appui de nombreuses personnes qui ne sont pas nécessairement parties prenantes dans l'agriculture.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur McGuire.
M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.
Duane, je pense que vous êtes la première personne qui ait osé suggérer qu'il faudrait peut-être un programme de transition. Il y en a déjà eu un.
Il a été éliminé en 1995, n'est-ce pas, monsieur le président? C'était un programme de transition qui s'adressait aux agriculteurs qui voulaient quitter...
Le président: C'est exact.
M. Joe McGuire: Un autre témoin a dit plus tôt qu'en 1960 il y avait 50 agriculteurs dans sa région et qu'il n'en restait plus que quatre. Les agriculteurs sont devenus tellement plus efficaces pour produire des denrées alimentaires, avec des exploitations plus grosses et plus efficaces, qu'ils ne sont plus nombreux. Le programme s'adresserait principalement aux agriculteurs âgés qui aimeraient s'arrêter.
Mais, voyez-vous, le problème est que les agriculteurs ne peuvent pas gagner leur vie sans travailler à l'extérieur. Et en ce moment où le cours des denrées est très bas, même avec un revenu d'appoint, ils n'arrivent pas, dans la majorité des cas, à couvrir leurs coûts.
Où s'en va l'Amérique du Nord? Si nous continuons dans cette voie—et je sais que cela préoccupe Leo—et si toutes ces tendances se maintiennent, où allons-nous aboutir?
M. Duane Stevenson: La fin n'est pas très loin. Je travaille avec un grand nombre d'agriculteurs dans le bassin de la rivière de la Paix et j'ai énormément de mal à attirer les jeunes, les fils de ces agriculteurs, et à les convaincre de reprendre l'exploitation de leur père. Les seules options qui leur restent consistent à louer les terres ou à vendre les machines aux enchères.
C'est une question qui me touche personnellement. Auparavant, je vendais des engrais, et six de mes meilleurs clients, dans un rayon de cinq milles autour de Grande Prairie, ont décidé d'abandonner l'agriculture. Cela change les choses. Les jeunes ne veulent pas louer leurs terres. Ils n'en ont absolument pas les moyens et ne peuvent pas obtenir de prêts d'exploitation à cette fin.
Cela deviendra un gros problème, il n'y a aucun doute, si cette tendance se poursuit.
M. Joe McGuire: Leo, que pensez-vous de l'avenir du secteur agricole en Amérique du Nord et de ce qui nous attend si ces tendances se maintiennent?
M. Leo Meyer: Je vous remercie de cette question, Joe.
En fait, c'est une chose qui me bouleverse. J'ai eu du mal à retenir mon émotion quand j'ai parlé des jeunes que l'agriculture n'intéresse pas car je pense que ça devrait être notre principale préoccupation.
Telles que les choses sont actuellement, je pense que nous allons tout droit à la catastrophe. Duane, comme les autres, y a fait allusion. Comment convaincre des jeunes intelligents de vivre les problèmes auxquels nous nous heurtons en ce moment? Il faut remédier à cette situation.
• 1105
En écoutant les témoignages ce matin, je me suis dit qu'il était très
rare de trouver une telle unanimité. Cela doit être assez déroutant
pour vous qui sillonnez l'Ouest. Je ne pense pas qu'il y ait une seule
personne qui ait dit qu'on exagérait, que ce n'était pas vrai. Cela
doit être rassurant pour vous de savoir que la crise est réelle et
extrêmement grave.
Je pense qu'il faut se pencher sur les questions que j'ai soulevées. Je n'ai pas toutes les solutions, mais j'ai essayé d'aborder certaines des problèmes. Que peut-on dire en huit ou neuf minutes?
J'estime que ce qu'il faut faire, c'est mettre sur pied un genre de comité de gestion de crise concernant la jeunesse canadienne. Oublions le régionalisme. Ce qu'il nous faut, c'est élaborer une politique nationale et commencer à rassurer les gens dans le secteur agricole et leur dire ce qu'on va faire. Ce qu'il y a de plus dévastateur à l'heure actuelle, Monsieur le président, c'est cette incertitude.
Je pense qu'il faut que je m'arrête.
Le président: Merci.
Je préviens l'auditoire que tout de suite après cette partie, je donnerai la parole à quatre agriculteurs: Dave Hegland, Brett McFarland, Marcel Maisonneuve et Harry Schudlo. D'après la longueur de leurs interventions, nous aurons peut-être assez de temps pour entendre un ou deux témoins de plus. Si je n'ai pas mentionné votre nom, adressez-vous à Marcel, qui est assis à ce bureau. Tout dépendra du temps qui nous restera. Mais il est certain que nous entendrons ces quatre agriculteurs.
Maintenant, nous allons passer à M. Proctor.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup.
Monsieur Stevenson, est-ce que vous représentez des déshydrateurs de luzerne?
M. Duane Stevenson: En fait, j'ai des clients qui vendent à ce secteur.
M. Dick Proctor: On me dit qu'ils avaient fait tout ce qu'on leur avait dit de faire pour diversifier. Leurs affaires marchaient bien et ils vendaient une grande partie de leur production au Japon. Là-dessus arrive la France, je crois, dont les prix sont de loin inférieurs aux leurs, et ils ont été carrément éliminés du marché. Est-ce que je résume bien la situation?
M. Duane Stevenson: Ce n'est pas mon domaine, mais j'ai un client dans la région de Girouxville qui cultive la luzerne et je sais que c'est un secteur en perte de vitesse. Nous nous sommes demandés pourquoi nous avions choisi cette option. Les bénéfices ne sont pas là. Toutefois, du point de vue agronomique, cultiver la luzerne dans le bassin de la rivière de la Paix est une sage décision.
Désolé, mais je ne suis pas qualifié pour répondre à votre question.
M. Dick Proctor: D'accord. On me dit qu'il y a quelqu'un qui va pouvoir nous aider.
Monsieur Meyer, de tous les témoignages que nous avons entendus cette semaine, je crois que le vôtre est le seul qui ait mentionné les aliments qui ne sont pas modifiés génétiquement. J'aimerais avoir une idée de votre position personnelle là-dessus et de ce que vous pensez que notre pays devrait faire à cet égard.
M. Leo Meyer: Merci, monsieur Proctor.
Évidemment, j'en ai parlé dans mon témoignage, monsieur le président. Ce n'est pas un sujet facile car il touche beaucoup d'intérêts commerciaux. Il y a beaucoup de gens dans l'industrie qui aimeraient dire ce qu'ils pensent, mais qui ne le peuvent pas parce qu'on a investi beaucoup d'argent dans cette nouvelle technologie. Ce qui est malheureux, c'est qu'une fois qu'on s'est embarqué là-dedans, c'est très difficile de s'en sortir.
Ce qui est probablement le plus triste, c'est que le Canada ait complètement loupé le coche dans ce dossier. Nous n'avions pas de politique précise et nous n'avons pas donné d'instructions claires à l'industrie concernant ce que nous voulions et ce que nous ne voulions pas.
Évidemment, certains blocs commerciaux importants sont maintenant en mesure de réagir du fait des problèmes que nous vivons. Pas un jour ne passe sans qu'on en voit un exemple. J'ai rappelé qu'il y a deux jours le Brésil avait fait un pas important pour interdire les OGM.
Quant à l'Europe, nous savons à quoi nous en tenir à ce sujet. La majorité des gens pensent que pour l'Europe, ce n'est qu'une mesure de distorsion du commerce et que le problème disparaîtra. Je ne le crois pas.
• 1110
Quand on parle d'aliments, je pense que c'est formidable que les
consommateurs disent ce qu'ils pensent et que nous en tenions compte.
Monsieur Proctor, je trouve encourageant et rassurant qu'à notre époque, que nous appelons l'ère de l'information, personne, quelle que soit sa taille, ne puisse bâillonner le public. Ce que nous avons vu, c'est une levée de boucliers due à la quantité d'information disponible à l'échelle du globe. Je pense que la controverse est loin de prendre fin. Le dossier n'est pas clos. Tous ceux qui ne prendront pas cette affaire au sérieux auront de gros problèmes. J'espère donc, monsieur Proctor que, en tant que pays, nous allons nous entendre sur une politique et énoncer clairement ce que nous voulons.
Sur la question de l'étiquetage, monsieur le président, je ne pense pas qu'il y ait de compromis possible, les consommateurs réclament l'étiquetage.
Le président: Merci.
Monsieur Borotsik.
M. Rick Borotsik: Merci.
Leo, vous avez abordé plusieurs questions dont personne n'avait parlé jusqu'à présent.
Ma première question est la suivante: existe-t-il un organisme dont vous ne soyez pas vice-président?
M. Leo Meyer: Vous voulez vraiment que je vous réponde?
Des voix: Oh, oh!
M. Rick Borotsik: Non. Je n'ai que cinq minutes, aussi je vous demanderais de répondre de façon plus succincte que d'habitude.
Leo, vous avez parlé de multifonctionnalité, et c'est la première fois que j'entends un producteur aborder ce sujet. Je l'ai moi-même abordé une ou deux fois pendant les audiences. La multifonctionnalité est une façon philosophique de voir ce que représente l'agriculture pour notre société. Elle englobe l'environnement, le puits de carbone étant évidemment une composante importante. Elle englobe la législation sur les espèces et les habitats en danger, la gérance des terres, dont vous avez d'ailleurs parlé. C'est la justification qu'invoquent les Européens pour expliquer pourquoi ils subventionnent si lourdement leur secteur agricole. Pensez-vous, Leo, que, au cours des 10, 15 ou 20 années à venir, les Canadiens devraient adopter le concept de la multifonctionnalité? Si c'est la voie que nous choisissons, ce ne sera pas gratuit pour la société. La société devra verser une rétribution aux agriculteurs en échange de cette multifonctionnalité de l'agriculture. À combien devrait-elle s'élever?
M. Leo Meyer: Je vous remercie de votre question, Rick.
En passant, à propos de mes multiples obligations, ces organismes sont pour la plupart très liés et je crois fermement que, à l'avenir, il y en aura moins, mais qu'ils travailleront en plus étroite coopération.
Rick, je pense que la multifonctionnalité n'est pas seulement un mot à la mode. Je crois que l'agriculture canadienne et chacun d'entre nous, les agriculteurs et leurs familles, aurions beaucoup à gagner si nous faisions nôtre ce concept.
Certainement, pour ma part, et je pense qu'il en va de même de la majorité de ceux qui se trouvent dans cette salle, je suis touché au plus profond de moi-même quand nous parlons de chose qui vont droit au coeur de ce que nous sommes, nous les agriculteurs, à savoir les intendants de la terre...
M. Rick Borotsik: Léo, comment assigner une valeur à une telle rétribution?
M. Leo Meyer: Je pense que ce qu'on verrait immédiatement, Rick, c'est le passage d'une agriculture où il n'y a que la production qui compte à une agriculture plus durable où le rendement ne serait pas le seul facteur. Actuellement, il y a des gens qui me disent que, avec la faiblesse des cours, ils sont obligés de produire davantage pour compenser ce manque à gagner...
M. Rick Borotsik: Leo, j'aimerais passer à un autre sujet. Vous avez parlé d'étiquetage. Cette question sera à l'ordre du jour quand nous retournerons à Ottawa après Noël. Vous avez dit que vous étiez en faveur de l'étiquetage obligatoire, que le consommateur devait avoir le choix. Est-ce que c'est ce que pensent la majorité des agriculteurs avec qui vous traitez ou y en a-t-il encore qui trouvent qu'il ne devrait pas y avoir d'étiquetage?
M. Leo Meyer: Merci, Rick. Je pense pouvoir dire que l'industrie est très divisée pour le moment, et ce, pour des raisons évidentes. Ceux qui produisent des cultures génétiquement modifiées ou issues de la biotechnologie craignent qu'elles soient laissées pour compte.
M. Rick Borotsik: La société McCain's vient d'annoncer qu'elle n'utiliserait pas de pommes de terre génétiquement modifiées. Nous produisons beaucoup de pommes de terre. Pensez-vous que le reste de l'industrie va lui emboîter le pas?
M. Leo Meyer: La ségrégation va être la voie de l'avenir.
M. Rick Borotsik: Comme au Brésil?
M. Leo Meyer: Oui.
M. Rick Borotsik: D'accord. Merci
Le président: Merci.
Merci, monsieur Meyer. Je vous remercie d'avoir parlé avec autant d'émotion.
Merci, monsieur Stevenson, pour l'excellence de votre exposé.
Nous allons maintenant passer à la partie finale du segment de 45 minutes. Un ou deux autres noms ont été portés à mon attention. J'aimerais ajouter le nom d'André Harpe. Nous pouvons prendre cinq personnes. Ce sera donc André Harpe, Dave Hegland, Brett McFarland, Marcel Maisonneuve et Harry Schudlo.
• 1115
Approchez-vous, s'il vous plaît.
J'ai un ou deux autres noms et, si nous le pouvons, nous essaierons de vous faire passer. Tout dépendra du temps que prendrons ces messieurs. Nous devons avoir fini à midi. J'aimerais bien pouvoir rester toute la journée, mais je suppose que les agriculteurs de Végréville ne seraient pas très contents car c'est là que nous irons dès que nous aurons terminé ici.
Merci beaucoup.
Nous allons procéder par ordre alphabétique. C'est donc vous qui allez commencer, monsieur Harp. Vous avez de cinq à sept minutes. C'est à vous de décider, mais nous devons avoir fini d'ici midi.
M. André Harp (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, je ne parlerai probablement pas aussi longtemps que ça.
À titre de renseignement, je suis l'un des partenaires d'une exploitation familiale. Nous cultivons environ 3 000 acres par an.
Tout d'abord, j'aimerais remercier tous les témoins précédents. Je trouve qu'ils ont été fantastiques. Ils ont présenté les problèmes avec beaucoup d'éloquence. En fait, je n'ai pas grand chose à ajouter. J'aimerais juste souligner une ou deux choses.
Je pense qu'il est temps que le Canada et ses habitants décident s'ils veulent ou non appuyer l'agriculture car nous sommes à la croisée des chemins. En ce moment, le gouvernement canadien laisse les agriculteurs se défendre tout seuls contre les subventions des Européens et des Américains. Il a dit à maintes reprises qu'il ne pouvait pas nous subventionner et que c'était à nous de devenir aussi efficaces que possible pour contrecarrer l'effet des subventions.
Je suis désolé, mais individuellement, les agriculteurs ne peuvent pas se battre contre un gouvernement et encore moins contre l'union de plusieurs gouvernements. C'est impossible. Il faut que ça cesse. Il est temps que le gouvernement canadien sorte de sa torpeur et nous aide.
Quand au court terme, nous sommes en pleine sécheresse. Cela fait deux ans que ça dure. Comme l'a expliqué Duane, je crois, il a gelé en juillet. Il faut faire quelque chose immédiatement. Les programmes actuels ne sont d'aucun secours, et l'aide va arriver trop tard pour certains.
À long terme, j'aimerais que l'assurance-récolte soit modifiée de façon à assurer les intrants. En d'autres termes, pour utiliser une analogie avec l'assurance-automobile, si on a une coccinelle de 1960, c'est pour ça qu'on est assuré; si on a un 4x4 Chevrolet à habitacle double, on peut être assuré pour ça aussi. Les primes seraient différentes pour chaque agriculteur. Je pense que ça fonctionnerait très bien ainsi.
Il y a une chose que j'aimerais que ce comité fasse, c'est rappeler à Paul Martin que lors de son passage ici, il y a un mois, il avait promis à l'orateur dans la cadre d'une séance de questions et réponses organisée au collège, qu'il trouverait de l'argent pour l'agriculture canadienne. D'après les dernières manchettes, il semblerait que le gouvernement songe à accorder des allégements fiscaux, mais on ne parle pas de l'agriculture; je vous demanderais donc de demander à Paul Martin, à titre individuel et en tant que groupe, ce qu'il a fait de sa promesse.
En terminant, je dirai que l'on devrait être fier d'être agriculteur. Après tout, nous sommes le grenier du Canada; si vous le pouvez, faites en sorte que nous le restions.
Le président: Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le président: Passons maintenant à Dave Hegland.
M. Dave Hegland (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président et messieurs les membres du comité. J'aimerais vous remercier infiniment de nous avoir donné cette occasion de vous parler de nos inquiétudes concernant l'agriculture dans le bassin de la rivière de la Paix.
Mes collègues ont admirablement bien présenté les problèmes et je ne pense pas qu'il soit nécessaire que je recommence. Je veux seulement souligner certains points que je trouve très importants.
Les programmes actuels semblent utiles pour certains producteurs. Le CSRN est utile si vous avez eu beaucoup de bonnes années, que vous avez mis beaucoup d'argent sur votre compte et que vous pouvez y puiser. C'est ce qu'ont fait certains producteur de céréales, mais ceux que nous avons oubliés ou qui sont en train de perdre la bataille sont les débutants. Comme on l'a déjà dit, ils n'ont pas eu le temps de mettre de l'argent dans leur compte et ne peuvent donc y puiser.
En Alberta, l'ACRA ne nous a pas vraiment été utile. Comme on vous l'a dit, ce programme est en quelque sorte remplacé par le PSRC et nous ne participons pas vraiment à l'ACRA.
• 1120
Le PSRC tombe dans la même catégorie: c'est bon pour les relations
publiques d'avoir des programmes, mais c'est aussi très bon de ne rien
débourser. Cela semble plaire aux contribuables. En ce qui concerne le
PSRC, je suppose... jusqu'à l'automne dernier, nous avions la bonne
fortune d'avoir un puissant lobby en Alberta et un ministre de
l'Agriculture qui prenait la défense des agriculteurs de cette région
et qui a fait des changements. Nous espérons qu'ils auront un effet
positif.
Voici un exemple de la façon dont nous avons été trahis par le PSRC dans le passé. La disposition du CSRN concernant les retenues a coûté quelques 10 millions de dollars à cette région en 1996. Cette année-là, il y a eu de graves inondations au nord d'ici. Je pense que cela a mis à jour les failles du système.
Il y a autre chose: je trouve que les deux programmes, l'ACRA et le PSRC, sont très compliqués. Il est très difficile pour les producteurs de savoir à quoi s'attendre car ils sont tout deux basés sur un système de comptabilité d'exercice alors que la majorité des agriculteurs utilisent un système de comptabilité de trésorerie.
Mes recommandations sont les suivantes, et pour les raisons que voici. Du temps du programme de stabilisation du grain de l'Ouest, les cours étaient très bas. Le petit prélèvement au silo se remarquait à peine les bonnes années et le programme semblait nous aider les années où les cours étaient bas. Je me souviens avoir reçu des chèques à point nommé grâce à ce programme.
Le deuxième programme qui fonctionnait bien pour mon exploitation était le régime d'assurance du revenu brut. Il nous permettait d'assurer nos coûts de production. Avec l'assurance-récolte, il constituait un ensemble à la hauteur des moyens des agriculteurs. En Alberta, nous avons eu la chance d'avoir la possibilité d'accroître nous-mêmes notre protection.
La protection était différente selon les régions en fonction des niveaux de production. Notre gouvernement a abandonné ce programme parce qu'il n'était pas compatible avec les règles du GATT et que certains producteurs en abusaient. Si la volonté politique avait existé, je suis certain qu'on aurait trouver le moyen de rectifier ces problèmes.
Cela m'amène aux recommandations.
Il faut revenir à un type de programme ressemblant au RARB ou au programme de stabilisation concernant le grain de l'Ouest, ce qui permettrait aux producteurs de récupérer leurs coûts de production. Dans le cadre de l'ACRA et du PSRC, on tient pour acquis qu'une protection de 70 p. 100 permet de faire cela, mais en réalité, les coûts vont être tellement élevés que dans bien des cas, une protection à 100 p. 100 ne permet même pas au producteur de rentrer dans ses frais.
Ces programmes ne fonctionnent pas dans le cas de catastrophes consécutives qui viennent s'ajouter à la faiblesse du prix des produits et nous avons donc besoin d'une façon à long terme de faire face à la faiblesse des prix. Pour cela, je propose un système de taux minimum de prêt de style américain, qui permettrait de contrebalancer les programmes américains et européens de subventions. On a déjà beaucoup parlé de la concurrence déloyale à laquelle nos producteurs doivent faire face. Je pense que la ronde actuelle des pourparlers de l'OMC est un échec et qu'au Canada, nous serons encore plus mal placés pour être concurrentiels. Si nous adoptons des programmes semblables à ceux de nos concurrents, nous aurons moins de problèmes dans le cadre des prochaines négociations.
En conclusion, je peux comprendre la tâche difficile à laquelle doivent faire face les gouvernements lorsqu'il s'agit de prendre des décisions pour appuyer l'agriculture et d'autres secteurs de l'économie. Je ne connais aucun agriculteur qui veuille de l'aide gouvernementale. Nous préférerions obtenir notre revenu sur le marché, mais à l'heure actuelle, le marché mondial nous abandonne à cause des avantages déloyaux qu'ont les producteurs de pays dont les caisses sont bien remplies. J'espère que vos délibérations vont conduire à la mise sur pied de programmes permettant de faire face au problème fondamental, soit le prix des denrées.
Le président: Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Je pourrais peut-être signaler, monsieur Hegland, que le programme ACRA en tant que tel n'existe pas en Alberta.
M. Dave Hegland: Oui, c'est vrai.
Le président: L'argent est versé dans le cadre du PSRC qui est financé à 60 p. 100 par le gouvernement fédéral.
Monsieur Maisonneuve.
M. Marcel Maisonneuve (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Thank you, Mr. Chairman.
Je suis heureux d'être ici ce matin pour parler aux membres du comité. J'ai eu l'occasion de discuter de certaines questions avec vous il y a un mois environ lorsque j'étais à Ottawa, mais c'est également un plaisir pour moi d'être ici dans ma région pour vous entretenir de la question.
Je me demande pourquoi la voix politique qui s'est élevée de l'Ouest au cours des dernières années s'est opposée aux subventions. Nous sommes tous contre les subventions, mais dans le cadre de la guerre commerciale qui a cours depuis 1985, nous sommes tous conscients du fait que nous ne pouvons simplement laisser faire les choses. C'est une guerre commerciale et une guerre fait toujours des gagnants et des perdants. Il n'y a aucune raison pour laquelle nous, dans l'ouest du pays, dans le secteur des cultures, ne pourrions pas être des gagnants.
En ce qui concerne des règles du jeu égales pour tous, si nous poursuivons dans la même voie, au moment où nous arriverons pour jouer au football, nous allons nous présenter en uniformes de soccer et je pense que nous allons recevoir toute une raclée.
Je crois que cette réunion arrive à point nommé. Elle fait suite aux audiences de l'OMC à Seattle, qui se sont résumées à peu de chose, si je ne m'abuse, si ce n'est la poursuite du dialogue dans le domaine de l'agriculture. Cela veut dire que nous devons voir où nous en sommes ici et mettre peut-être en place des politiques visant à régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Ce qui importe avant tout, c'est ceci: voulons-nous exporter nos produits agricoles? C'est vraiment ce qui est en jeu ici. Le Canada veut-il continuer d'exporter des grains, des graines oléagineuses et de la luzerne granulée sur le marché mondial?
Tout ne va pas mal en Alberta. Le secteur de l'élevage s'en sort fort bien. En fait, le revenu agricole des intéressés va augmenter cette année. Cependant, il y a des points de vue divergents entre les producteurs de divers produits et les groupements de producteurs spécialisés, ainsi qu'entre les divers partis politiques.
Je pense qu'il est peut-être temps d'examiner les programmes que les Américains ont en ce qui concerne une loi agricole portant sur une période quinquennale. Voyez, dans le cadre de cette loi agricole, le type de programmes que les Américains ont pour soutenir leurs produits directement. Cela ne veut pas dire que nous devons prévoir le même soutien, mais que nous devrions probablement l'offrir de façon semblable. Si nous voulons nous lancer dans la bataille, nous devons avoir l'équipement voulu pour ce faire.
Cependant, pour en arriver là, une bonne partie de l'industrie n'a pas besoin d'une injection d'argent à court terme. C'est surtout dans le secteur des cultures que cela s'impose. Cette région du monde ressemble beaucoup à la Saskatchewan pour ce qui est de la dépendance à l'égard des exportations.
Nous sommes beaucoup plus près de la côte que les gens ne le croient. Le tarif-marchandises à partir de cette région est de 29 $ la tonne—ce qui ressemble beaucoup au tarif à partir d'Edmonton. Il est vrai que ce tarif est passé de 6,68 $ en 1988 à 29 $ de nos jours. C'est une augmentation de 23 $ la tonne et sur les 2 millions de tonnes produites dans le bassin de la rivière de la Paix, cela représente 40 millions de dollars. C'est exactement l'avertissement que je lançais il y a 10 ans et 5 ans lorsque la Loi sur le transport du grain de l'Ouest a été supprimée trop rapidement par rapport à ce qui se produisait chez nos concurrents.
Je pense que nous avons besoin de conserver ce que nous avons. Nous devons soutenir les industries à valeur ajoutée que nous avons dans cette région du monde. Brett vous parlera de la situation de la Falher Alfalfa, qui est la plus importante usine de granulation de luzerne au Canada. Elle a besoin d'aide maintenant.
À court terme, je pense que vous avez abordé de quelques questions. En ce qui concerne l'assurance-récolte, il est possible de procéder à une indexation, de ramener les chiffres à des niveaux attrayants pour les agriculteurs. Lorsqu'on entend dire que cela ne touche qu'à peine 20 p. 100 de la superficie, il y a un problème. Nous avons procédé à un examen en 1985, nous avons parlé des mêmes choses et que nous soulevons à nouveau ici, mais lorsque votre automobile est accidentée et vous la faites réparer, l'assurance que vous avez encore sur votre automobile n'est pas égale à la moyenne de ce qu'elle était lorsque votre voiture était accidentée et par la suite, lorsqu'elle a été réparée. Je pense qu'on a soulevé ces points ce matin.
Les paiements au titre du CSRN pourraient être déductibles d'impôt. Le gouvernement pourrait être en mesure d'injecter moins d'argent dans ce programme, mais si les agriculteurs pouvaient déduire les paiements de leur impôt et avoir accès à ces fonds plus rapidement au lieu de passer par un long processus administratif, ils pourraient verser de l'argent et en retirer au besoin.
Je ne veux pas poursuivre trop longtemps, mais l'impôt foncier est une autre question qui a été soulevée ce matin. Il y a un déséquilibre en Alberta entre les impôts que le secteur de l'élevage paie et ceux que le secteur céréalier verse. Fondamentalement, ce dernier secteur paie le gros des impôts utilisés pour administrer les municipalités, y compris les taxes pour l'éducation. On se penche sur cette question, mais je ne crois pas qu'on ira très loin là dessus.
On a parlé du PSRC et de l'ACRA. Si le gouvernement fédéral avait souhaité connaître les problèmes relatifs à l'ACRA, et il aurait pu interroger beaucoup d'agriculteurs directement touchés par ce programme depuis deux ou trois ans. Nous aurions pu expliquer certains des problèmes qui se posent. On s'y attaque de façon ponctuelle pour verser plus d'argent et c'est une bonne chose. C'est une tentative pour faire face aux problèmes. Je pense que nous devons maintenir ces programmes en vigueur en 1998-1999, mais pour l'an 2001, nous devrons trouver un meilleur plan pour remédier à certaines de ces choses.
• 1130
Une autre question se pose en Alberta. Les sociétés privées de
services publics, tous les consommateurs, y compris nos usines de
granulation de luzerne et nos agriculteurs, paient de l'impôt sur le
revenu. Il s'agit de sommes versées par les consommateurs du fait que
l'électricité appartient à des intérêts privés. Ce n'est pas le cas en
Saskatchewan, en Ontario ou dans la majeure partie des Maritimes. Cela
représente 300 millions de dollars par année, 200 millions de dollars
allant au gouvernement fédéral et 100 millions de dollars au
gouvernement provincial. C'est un impôt sur l'utilisation de
l'électricité et des services publics. Cela représente plus d'argent
que ce que nous injectons dans le PSRC, soit une somme de 200 millions
de dollars.
En ce qui concerne les subventions, nous n'allons pas pouvoir imiter l'Europe, mais cette année un producteur européen de canola obtient 420 $ l'acre pour sa production de canola, 250 $ l'acre pour son blé et de 80 à 90 $ pour ses terres retirées de la production. Le secteur de la luzerne en Europe reçoit 100 $ la tonne. On consacre 500 millions de dollars à une petite industrie. Cela vous montre quel type de concurrence nous devons affronter. Je ne prétends pas que nous allons réussir à verser autant que les Européens, mais si nous voulons être sur le même terrain qu'eux, nous devrons élaborer des politiques destinées à soutenir les produits qui sont durement touchés et ne pas trop nous inquiéter d'accroître le prix des céréales fourragères que doivent acheter les producteurs d'un secteur qui ont probablement les moyens de payer peut-être deux fois plus et de faire encore des profits.
C'est de cela que je voulais vous parler. Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Vous avez parlé des exportations. Il y a un chiffre en particulier qui me reste à l'esprit. Les agriculteurs de la Saskatchewan à eux seuls produisent assez de blé pour nourrir 90 millions de personnes. Il y a moins d'un million d'habitants en Saskatchewan. Bien entendu, il y en a environ 30 millions dans tout le Canada. Ces chiffres nous montrent la nécessité d'exporter pour nous.
Monsieur McFarland.
M. Brett McFarland (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président et membres du comité.
Il fait vraiment bon voir que le comité est venu dans l'Ouest. Même si c'est un voyage très rapide, j'espère que vous allez ramener avec vous à Ottawa l'image que vous obtenez de la gravité de la situation et qu'à l'avenir, dans le cadre des décisions qui seront prises, quelque chose de constructif pourra ressortir de ces réunions et de toutes les suggestions présentées.
Je représente la Falher Alfalfa, une entreprise établie en 1973 située à Falher, en Alberta. Cette entreprise a été lancée par un groupe d'agriculteurs auxquels elle appartient. C'est à l'heure actuelle le plus important employeur de la collectivité. L'entreprise cultive la luzerne sur 60 000 acres dans la région de Falher.
La grave sécheresse a fait baisser la production et réduit les rendements de 50 p. 100 en 1998 et de 41 p. 100 en 1999 par rapport à nos moyennes à long terme. Cela a entraîné des coûts d'exploitation extrêmement élevés et les ventes ont baissé de plus de 50 p. 100. La faiblesse des prix mondiaux des denrées a aggravé la situation. Les prix de vente sont inférieurs aux coûts de production.
L'industrie est unique en ce sens que nous fonctionnons comme une très grosse exploitation agricole. Nous coupons le foin, nous le râtelons, le hachons et le mettons en balles, puis le transportons par camion jusqu'à l'usine où on procède à la granulation. C'est de la valeur ajoutée à son meilleur.
Notre collectivité est durement touchée par la crise agricole. Plusieurs entreprises ont fermé leurs portes et beaucoup ont réduit leurs effectifs. Dans notre cas, le personnel à temps plein est passé de 50 à 25 employés il y a trois ans. Les travailleurs saisonniers ont été licenciés beaucoup plus tôt que d'habitude.
Le moment est venu de soutenir le développement rural. Notre usine de granulation de la luzerne, tout comme l'industrie de la luzerne, a besoin d'être soutenue à court et à moyen termes. Il faut espérer que les négociations de l'OMC permettront de corriger les distorsions sur le marché à l'avenir. Un financement temporaire est nécessaire maintenant.
Je vous prie d'inclure notre industrie dans l'ACRA ou dans un sous-programme de l'ACRA pour garantir à notre collectivité des emplois à long terme et les retombées financières nécessaires à la survie d'une petite collectivité.
L'industrie canadienne de la luzerne va présenter un plan la semaine prochaine à Ottawa. Veuillez l'étudier sérieusement. Cette industrie a besoin d'un soutien maintenant, alors que de nombreuses villes et villages n'ont qu'un seul gros employeur, l'usine de granulation de la luzerne.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McFarland.
• 1135
Nous avançons bien et je pense que je vais prendre le risque
d'inviter deux autres témoins à intervenir: Norman Dyck et Kit
Fearson. Je crois que nous avons le temps d'entendre ces témoins en
plus, bien entendu, de M. Schudlo.
Deux ou trois d'entre vous pourraient peut-être se déplacer pour libérer des places, car nous n'avons pas de questions durant cette période. Nous essayons simplement d'entendre le point de vue du plus grand nombre d'agriculteurs possible.
Très bien, Harry, nous vous écoutons. Merci de votre patience.
M. Harry Schudlo (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.
Je pensais que j'aurais la chance de conclure et de pouvoir laisser une impression durable.
Merci beaucoup au comité d'être venu ici dans notre région très prospère. Comme vous le savez tous, nous vivons dans une région agricole viable et relativement nouvelle. En tant que producteur céréalier, en tant que producteur de graines oléagineuses, j'exploite 3 000 acres dans la région de Grande Prairie. Je voudrais être d'accord avec tous les intervenants. Cependant, je voudrais vous faire part de solutions que je souhaiterais qu'on mette en place, en tant qu'agriculteur.
Messieurs, on ne peut plus laisser aller les choses. Les problèmes créés par notre niveau de réflexion actuel ne peuvent être réglés par ce type de réflexion. Si rien d'autre ne fonctionne, c'est une occasion en or pour tous d'utiliser notre bon sens. L'avenir dans l'agriculture passe par des solutions à long terme à cause de son évolution rapide. Il faut des orientations et des mesures concrètes. Depuis 30 ans, comme vous pouvez le voir à ma chevelure, je constate seulement qu'on réfléchit beaucoup à la question et qu'on tient un grand nombre de réunions à ce sujet.
Je suppose que tout cela découle des données que j'ai obtenues de Statistique Canada. À l'heure actuelle, les grosses exploitations agricoles, valant 100 000 $ et plus, sont à la base de la majeure partie de notre production agricole, alors qu'elles constituent un peu plus d'un tiers des exploitations agricoles du pays, mais ont représenté 82,7 p. 100 de la production en 1996. Les exploitations agricoles de moins de 100 000 $ représentent les deux tiers des exploitations et celles de moins de 25 000 $, un quart de toutes les exploitations du Canada. Bien entendu, un fort pourcentage du revenu des exploitations de 25 000 $ et moins provient de gens louant les terres.
En tant qu'agriculteurs, nous sommes aussi efficaces que possible mais nous ne pouvons être compétitifs avec les subventions actuelles. En 1998, les subventions versées aux producteurs de blé en Europe s'élevaient à 141 $ la tonne. Aux États-Unis, elles étaient de 61 $ la tonne et au Canada, elles n'étaient que de 8 $ la tonne. En 1998, les subventions pour l'orge s'élevaient à 171 $ la tonne en Europe, à 49 $ la tonne aux États-Unis et à seulement 5 $ la tonne au Canada. Ainsi, utilisons notre bon sens, réfléchissons à ces chiffres et plaçons-les dans leur contexte.
Les jeunes agriculteurs ne voient pas de lumière au bout du tunnel. Ils n'ont aucune raison de se lancer dans ce secteur. J'ai deux gendres et un fils qui oeuvrent très activement avec moi dans le secteur agricole. Ils voudraient prendre la relève. Lorsque j'ai organisé une réunion dans la salle familiale ils m'ont dit que si je leur remettais l'exploitation agricole, ils me poursuivraient pour mauvais traitements infligés à des enfants.
Mesdames et messieurs, si nos gouvernements ne font rien, le problème agricole disparaîtra, mais il n'y aura plus d'agriculteurs. La crise est bien réelle et après avoir touché les exploitations familiales dans les régions rurales elle s'étendra aux centres urbains. La faiblesse des prix fait sentir ses effets. Je me demande si nous aurons des centres de service pour répondre à nos besoins, car ils comptent beaucoup sur nous.
• 1140
Les programmes existants ne fonctionnent pas. Je n'adhère à aucun
d'eux.
Il faut que le gouvernement fédéral effectue des versements importants en attendant que la solution de l'Organisation mondiale du commerce entre en vigueur et cela va prendre du temps car je ne vois ni les Européens ni les Américains céder là-dessus. Ils ont des marchés suffisants à l'intérieur de leurs frontières.
Une solution à court terme pour la marge brute d'autofinancement... Nos représentants ici se demandent où on va prendre l'argent. Il semble toujours y avoir un manque d'argent pour les groupes agricoles. Où vont donc les 7 p. 100 de la TPS sur tous les aliments vendus dans tout le Canada? Que fait-on de cette somme? Cela devrait revenir aux agriculteurs si on manque d'argent.
Je pourrais proposer une autre solution. Nous avons bel et bien besoin d'un programme d'assurance pour les coûts de production, ce qui nous remettrait au moins de récupérer nos coûts de production.
Nous pourrions également réformer notre système de manutention et de transport du grain. Comme vous le savez, les agriculteurs soulignent toujours que tout changement au système de transport et de manutention du grain doit conduire à une plus grande efficacité, à une meilleure reddition de comptes, à une baisse des coûts pour les agriculteurs, à de meilleurs systèmes de commercialisation, à un accès équitable aux agriculteurs et à une amélioration du service à la clientèle.
À l'heure actuelle, j'ai du grain, mais je ne peux vendre le peu que j'ai récolté. Je le garde. Ça me coûte de l'argent. Nous devons avoir un système pour optimaliser la production pendant les périodes de pointe de la demande. Les cours mondiaux fluctuent de façon importante durant une année. Le système doit permettre de répondre aux débouchés qui s'ouvrent. Il faut éliminer les coûts inutiles d'entreposage, de transport et autres. Il faut avoir une plus grande discipline dans notre système pour parvenir à une meilleure efficacité. Les agriculteurs ont plus à gagner qu'à perdre. Le système actuel n'a pas répondu à nos besoins, notamment en 1996 et 1997 lorsque des retards dans le transport du grain nous ont coûté 65 millions de dollars.
Les prix d'aujourd'hui pour le grain sont ceux que mon père avait pour habitude d'obtenir en 1948. Il faut mettre en oeuvre les recommandations Kroeger et ensuite, le système commercial avec les céréaliers, ce qui représente 215 millions de dollars par année. La moitié des économies réalisées viendraient d'un plafond imposé par la loi et on pourrait économiser 80 millions de dollars au niveau du transport ferroviaire grâce à des droits d'ensilage moindres, une réduction des coûts d'entreposage, une baisse des surestaries et d'autres innovations.
Ainsi, commençons. Concentrons-nous sur les intérêts et non sur les positions. Mettez-vous à notre place, imaginez la situation que nous avons vécu dans toutes les collectivités agricoles des trois provinces des Prairies.
Selon moi, deux experts ont livré la marchandise: Estey, lorsqu'il a tenu des audiences, et Kroeger, qui a formulé le présent rapport. Nous avons confiance dans notre gouvernement qui a mis à notre disposition ces deux personnes pour prendre les décisions. Nos deux experts se sont penchés sur les questions et ils ont utilisé un processus semblable à ce que nous avons ici aujourd'hui. Ils ont amené les agriculteurs à se parler les uns les autres et à se concentrer sur le passé et sur l'avenir. On s'est attardé sur ce qui devait être fait. Les intéressés se sont blâmés les uns les autres et se sont attaqués conjointement au problème. En tant qu'agriculteurs, nous avons clarifié les intérêts en jeu et trouvé des solutions.
Les agriculteurs se méfient des chemins de fer et des compagnies céréalières depuis que les Prairies ont été labourées. Ils s'entendent toujours pour être en désaccord. Cependant, lorsqu'il n'y a pas de consensus, quelqu'un doit donner des orientations.
Notre gouvernement libéral a nommé le juge Estey et M. Kroeger pour faire rapport sur le résultat des consultations auprès des agriculteurs. Le rapport Kroeger devrait être mis en oeuvre. Il va accroître le niveau conjoint de satisfaction du gouvernement et des agriculteurs. Il est équitable à l'égard de toutes les parties et répond aux besoins de base de tous.
Merci de me donner la chance de faire part de mes préoccupations.
Le président: Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Il nous reste quinze minutes, ce qui représente sept minutes et demie chacun, si vous voulez partager votre temps de parole Norman et Kit.
Mme Kit Fearon (témoignage à titre personnel): Membres du comité, tout d'abord, je vous remercie d'être au moins venus dans le bassin de la rivière de la Paix. J'aimerais croire que ce voyage n'est pas simplement une manoeuvre politique pour amadouer les agriculteurs. On a tendance à mettre en question votre sincérité étant donné le peu de temps que vous avez prévu pour les témoignages et le peu de collectivités que vous avez visitées.
Beaucoup de régions du bassin de la rivière de la Paix en Alberta et en Colombie-Britannique ont dû faire face à des catastrophes sur le plan des récoltes quatre années d'affilée. Les années 1996 et 1997 ont été marquées par une humidité extrême; nous avons été inondés. On n'a pu faire les récoltes en 1996. Beaucoup de cultures n'ont pu être plantées en 1997. L'assurance-récolte exigeait que les agriculteurs essaient de récolter. Cela a conduit à de graves dommages aux champs. Des cultures contre-ensemencées qui avaient dû constituer la récolte de l'année suivante n'ont pu être récoltées à cause des dommages causés aux champs. L'équipement également a été endommagé dans le cadre des tentatives faites pour récolter dans la boue. Quelle est la raison de cela? Eh bien, si l'agriculteur n'essaie pas de récolter, il n'a pas droit à l'assurance-récolte.
Dans la plupart des secteurs du bassin de la rivière de la Paix, la couche arable est très peu profonde. Les cultures continues ne sont pas une option. Pour maintenir une certaine teneur de fibres dans le sol et assurer la fertilité du sol, il faut qu'une légumineuse comme le trèfle constitue la culture tous les trois ou quatre ans. La culture de légumineuses est contre—ensemencée de grain pendant la première année. Au cours de la deuxième année, on récolte la culture contre-ensemencée et on enfouit le reste. Il n'y a pas de récolte durant la deuxième année lorsque le champ est endommagé par des tentatives de récolte durant la première année. L'assurance-récolte ne permet pas ce type de rotation des cultures et de préservation de la qualité des terres.
L'humidité extrême des années 1996 et 1997 a laissé les agriculteurs aux prises avec un grave problème de mauvaises herbes ainsi qu'avec des terres trop acides. Les terres ne pouvaient être cultivées et les mauvaises herbes ont germé, ce qui a conduit à des récoltes exceptionnelles de mauvaises herbes les années suivantes. Ensuite, 1998 a été une année de sécheresse. Dans bien des cas, en 1998, on a fait en sorte que les champs soient à nouveau cultivables. En 1999 on a à nouveau connu une sécheresse ainsi que du gel en juin, juillet et août.
Les agriculteurs du bassin de la rivière de la Paix ont constitué un groupe et ont rencontré les politiciens provinciaux et fédéraux en 1996, 1997 et 1998. Nous avons soumis des mémoires montrant pourquoi les programmes de soutien du revenu tels qu'établis n'aidaient en rien. On a proposé des modifications qui rendraient les programmes plus viables pour beaucoup plus d'agriculteurs. Nos efforts auprès des politiciens n'ont pas donné grand chose. Le gouvernement de l'Alberta nous a dit qu'il avait les mains liées à cause des politiques fédérales. Les autorités provinciales ont déclaré que des modifications ne pouvaient être apportées par l'Alberta seulement, étant donné que le gouvernement fédéral injectait beaucoup d'argent dans l'assurance-récolte, le CSRN, etc, et qu'il prenait donc des décisions. Nos efforts ont conduit simplement à des modifications mineures au Programme d'assurance-récolte.
Nous avons eu une rencontre avec M. Vanclief le 22 juillet 1998 à l'auberge George Dawson de Dawson Creek, en Colombie-Britannique, où nous lui avons alors présenté un mémoire. Je pourrais signaler que nous ne pouvions rencontrer M. Vanclief sans avoir fait un don de 10 $ par personne au Parti libéral.
Des voix: Oh, oh!
Mme Kit Fearon: M. Vanclief a accepté ce mémoire. Il nous a également signalé qu'il avait été agriculteur dans le sud de l'Ontario et que lorsque son exploitation a commencé à éprouver des problèmes de liquidités, il l'a vendue pour se lancer dans un autre domaine. Nous ne lui avons pas demandé s'il s'agissait de la politique.
M. Vanclief nous a également dit que pratiquement toutes les formes d'aide agricole générale ne sont pas permises aux termes de l'OMC. Nous avons alors demandé ce qu'il en était des efforts et des programmes des Européens et des Américains pour aider leurs agriculteurs. M. Vanclief a répondu que toute cette aide n'était pas permise aux termes de l'OMC. Il a ajouté que le gouvernement canadien n'était pas disposé à aider les agriculteurs canadiens en quoi que ce soit et qu'il espérait que l'exemple canadien forcerait d'autres nations à abandonner leurs agriculteurs à leur sort également.
Cette réunion nous a laissés tout à fait découragés alors qu'il était évident que notre gouvernement se préoccupait peu de la catastrophe à laquelle les agriculteurs de l'Ouest devaient faire face.
À l'instar de beaucoup d'autres groupes agricoles, notre groupe a déclaré que les programmes actuels de soutien du revenu ne fonctionnent pas. Ils sont difficiles à comprendre et ne sont certes pas favorables aux producteurs.
Ils sont tout à fait discriminatoires. Par exemple, prenons le cas d'un éleveur produisant son propre fourrage et son propre grain. Il a subi d'importantes réductions dans le rendement de ses cultures, mais à cause de son bétail, il n'a droit à aucune aide. Ses pertes sur les cultures ensemencées sont aussi grandes que celles de son voisin qui cultive seulement cela.
• 1150
Je vais prendre mon exemple. Notre exploitation agricole est
certifiée organique. Mon mari et moi-même élevons du bétail destiné à
l'abattoir. Nous avons un créneau pour notre produit. Nous avons fait
ce que le gouvernement demande aux agriculteurs de faire. Nous avons
ajouté de la valeur à notre produit.
Or, à cause de l'extrême humidité de 1996 et 1997, nous avons perdu presque toute notre luzerne sur nos terres fourragères. Cela a réduit de façon marquée nos niveaux de production. Ainsi, nous avons dû labourer, retourner la terre et réensemencer toutes nos terres fourragères et nos pâturages. Cela ne peut être fait en un an car le bétail n'aurait alors pas de pâturages et nous n'aurions par de terres fourragères à récolter pour l'alimentation d'hiver. C'est un processus qui s'étend sur plusieurs années. Or, il n'y a aucun programme de soutien du revenu agricole pour aider dans ce cas-là.
De nombreux agriculteurs sont dans une situation financière extrêmement précaire. Trop d'exploitations agricoles survivent grâce au fait qu'au moins un membre de la famille soutient financièrement l'exploitation en ayant un travail à l'extérieur.
La municipalité perçoit des impôts fonciers chaque année. Cela lui sert à couvrir ses coûts de fonctionnement des services, etc., offerts. Un coût important pour les municipalités réside dans les salaires. La plupart des emplois sont syndiqués et sont mieux rémunérés que dans le secteur privé, en plus de prévoir tout un ensemble d'avantages sociaux payés. L'agriculteur paie pour cela, mais il n'a pas la même chance de profiter d'avantages de ce genre.
Les fabricants de produits chimiques reçoivent le plein prix demandé pour tous les produits chimiques que les agriculteurs utilisent dans le cadre de leur production. Dans certains cas, le prix canadien pour le produit est nettement supérieur au prix exigé dans d'autres pays pour le même produit. Cela s'explique par la protection par brevet que le gouvernement fédéral accorde à ces fabricants de produits chimiques.
Le coût des semences devient une dépense importante. Là encore, cela découle d'un manque de concurrence dans le secteur des semences qui est contrôlé par ces mêmes fabricants de produits chimiques qui bénéficient, là aussi, d'une protection par brevet au Canada.
Tout équipement utilisé pour n'importe quelle forme d'agriculture vient généralement d'un fabricant qui doit respecter l'échelle syndicale les salaires et les avantages sociaux. On a assisté à une énorme concentration par fusion des fabricants de cet équipement. Une fois de plus, cela fait qu'il n'y a pas de concurrence. L'agriculteur paie le prix demandé pour l'équipement ou doit s'en passer.
Les banques exigent de nombreux frais d'administration sur les découverts bancaires lorsqu'elles permettent aux agriculteurs d'en avoir. De plus, l'agriculteur ne peut avoir accès à de nombreux programmes sans des états financiers vérifiés. Là encore, cela représente une dépense importante.
Si on convertit le prix que l'agriculteur reçoit pour son produit en dollars des années 30, on constate qu'à l'heure actuelle, l'agriculteur reçoit moins pour son travail et son produit que durant la crise des années 30.
Les agriculteurs voudraient bien payer des impôts sur leurs profits. Le problème, c'est qu'ils ne font pas de profits. Les agriculteurs paient des taxes fédérales et provinciales sur toutes les sommes versées pour leurs intrants. Or, ils ne peuvent en récupérer qu'une petite partie.
Il faut réformer notre régime fiscal. Il est trop complexe et trop ouvert à diverses interprétations. L'Alberta propose un taux d'imposition uniforme. Le gouvernement fédéral devrait également envisager cela.
Toute la fonction publique, provinciale et fédérale, est financée par les Canadiens. Ce système prévoit l'indexation annuelle au coût de la vie, avec des avantages sociaux complets. À l'heure actuelle, les agriculteurs ont probablement l'un des métiers les plus pénibles au Canada. Il y a deux ans, l'âge moyen des agriculteurs était de 57 ans et il mentait. Ce n'est pas un métier qui attire des jeunes. Ils ne sont pas disposés à vivre avec le stress, les règlements, la faible rémunération et l'absence presque complète de programmes fédéraux.
Je prétends qu'en 1999, les pourparlers de l'OMC n'ont pas conduit aux résultats espérés par le gouvernement canadien, parce que l'Europe et les États-Unis soutiennent et continueront de soutenir leurs agriculteurs financièrement. Le gouvernement canadien devrait immédiatement prévoir une aide financière appropriée. Elle ne devrait pas être reliée au programme ACRA actuel qui profite à beaucoup trop peu d'agriculteurs ni à tout autre programme actuel de soutien du revenu. Cette année, on devrait verser un paiement unique à tous les agriculteurs en fonction de la superficie. C'est une solution équitable. Tous les agriculteurs obtiennent de l'argent. Personne n'est laissé de côté. Tous les agriculteurs de l'Ouest ont subi une réduction de leur revenu au cours des quatre dernières années. De plus, les gouvernements fédéral et provinciaux devraient se réunir et élaborer de concert un programme canadien de soutien du revenu qui fonctionne.
• 1155
Les agriculteurs, que ce soient les producteurs de denrées ou les
éleveurs, devraient siéger au comité chargé d'élaborer ce programme.
Ce dernier devrait être facile d'utilisation et se présenter sous une
forme faisant en sorte que tous les agriculteurs puissent y adhérer
et, chose plus importante, veuillent y adhérer. Lorsqu'un tel
programme sera mis en oeuvre, il reviendra alors à l'agriculteur de
décider si oui ou non il va y participer. Les programmes actuels ne
fonctionnent pas. Ils profitent à beaucoup trop peu d'agriculteurs. Il
faut décider si la politique canadienne tend à soutenir et à protéger
l'exploitation agricole familiale ou si l'agriculture va être une
industrie intégrée verticalement et contrôlée par de grosses
entreprises industrielles comme Cargill et Monsanto.
Si on décide, faute d'agir, de permettre l'industrialisation de l'exploitation agricole, je peux vous promettre que le Canada verra la fin de sa politique de produits alimentaires à bas prix. Ces exploitations industrielles réaliseront des profits. Ainsi, de nombreuses collectivités rurales disparaîtront tout simplement. Elles souffrent déjà de la fermeture de petites entreprises et d'écoles à cause du déplacement des populations vers les villes, etc. Les propriétaires d'exploitations agricoles familiales ont tendance à soutenir les entreprises locales. Ce sont eux qui assurent la prospérité des collectivités rurales au Canada.
J'exhorte tous les membres de ce comité à voter pour soutenir la survie des exploitations agricoles familiales qui assurent la santé des collectivités rurales. Je vous presse de recommander que le gouvernement fédéral verse immédiatement un montant à tous les agriculteurs par l'entremise d'un paiement unique basé sur la superficie cultivée. Je vous exhorte également à recommander un plan d'action immédiat pour ce qui est de concevoir et de mettre en oeuvre un programme de soutien du revenu qui fonctionne, avec la collaboration de tous les secteurs des collectivités agricoles. Cela devrait comprendre les particuliers ainsi que les organisations.
J'ai récemment participé à un programme de ce genre où les intervenants de tous les secteurs de l'industrie de la production et de la transformation d'aliments biologiques certifiés, par consensus, ont conçu la norme canadienne pour les produits certifiés biologiques sous les auspices de l'Office des normes générales du Canada. Des programmes sont conçus et des résultats sont obtenus lorsque tous les intervenants ont la chance de participer. Ne faites pas de la basse politique avec cette crise bien réelle qui touche le revenu des producteurs de denrées et des éleveurs. C'est la basse politique qui a causé ce manque de revenus. Je vous exhorte à témoigner de votre appui pour la collectivité agricole en formulant des recommandations utiles et réalisables.
En tant que producteurs, nous voulons participer pleinement au rêve canadien. Nous ne voulons pas en être réduits à toujours mendier de l'aide que tous les secteurs de l'industrie, sauf le secteur de l'agriculture, méritent selon nos politiciens, semble-t-il. Vous avez l'occasion de recommander que tous les agriculteurs sont importants pour le mode de vie canadien. Vous avez la chance de recommander des plans d'action qui modifieront la situation dans le secteur de l'agriculture au Canada. Je vous en prie, n'abandonnez pas les agriculteurs canadiens à leur sort.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci.
M. Charlie Penson: J'ai un rappel au Règlement.
Le président: Oui, monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Monsieur le président, je viens d'apprendre que la station locale affiliée de CTV voudrait venir filmer ce qui se passe ici aujourd'hui. Je sais que le règlement des comités permanents de la Chambre des Communes ne permet pas cela. Cependant, je demande le consentement unanime des membres du comité pour que la personne en question puisse venir ici filmer.
Le président: Vous parlez simplement de...
M. Charlie Penson: Ce monsieur me dit qu'il a besoin de cinq minutes pour filmer les gens présents ici.
Le président: Nous avons besoin du consentement unanime. Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
Le président: Merci.
Monsieur Dyck, si j'en crois l'horloge, il nous reste seulement une minute. Cependant, nous pourrions peut-être voir s'il est possible de trouver cinq minutes pour vous.
M. Norman Dyck (témoignage à titre personnel): Je vais commencer par deux ou trois questions et formuler ensuite des observations.
Quel est le rôle du gouvernement dans la politique agricole? Qui profite des modifications apportées à la politique agricole nationale au cours des dernières années? Le guichet unique de vente du porc, par exemple, dans les trois provinces a conduit à une catastrophe pour les producteurs de porc. Nous avons perdu le système de double prix du blé, ce qui nous a coûté 200 millions de dollars.
Qui a profité de la disparition de la subvention aux exportations de céréales? Les avantages de la valeur ajoutée se reflètent-ils dans les états financiers des producteurs primaires, tel que promis? Ces initiatives stratégiques ont-elles stabilisé l'infrastructure, les collectivités et les écoles dans les régions rurales?
Je voudrais signaler que, selon moi, toute l'idéologie de la concurrence nous oppose directement à nos concurrents, c'est-à-dire les Européens, les Américains et les autres agriculteurs canadiens. Je crois pour ma part que nous devons envisager un programme de couverture végétale permanente. Nous produisons trop. L'idéologie de la concurrence nous réduit à la pauvreté. Cela répond aux besoins des multinationales et des entreprises alimentaires et céréalières intégrées verticalement. Je pense qu'elles ont orienté les politiques agricoles au cours des dernières années et ce sont elles que les gouvernements écoutent.
• 1200
J'ai deux ou trois exemples, et je pense, Charlie, que vous en avez
rappelé un. Je me rappelais qu'il y a quelques années XCAN, une
filiale d'Agricol maintenant, importait dans l'est du Canada en
provenance de l'Europe. Je vous remercie de nous rappeler que cela se
produit de nouveau. Nous sommes victimes de notre succès pour ce qui
est d'être des producteurs efficaces sur la scène mondiale. Nous nous
détruisons les uns les autres. Nous nous détruisons mutuellement nos
exploitations agricoles familiales.
Si nous n'arrêtons pas, nous assisterons à une intégration verticale de plus en plus importante. À l'heure actuelle, dans le bassin de la rivière de la Paix, les abattoirs Fletchers, de Red Deer, achètent du porc de la région. Nous avons des cargaisons de grain bien entendu. Nous savons qu'ils se livrent à l'abattage des animaux d'élevage. Des choses bizarres se produisent. Par exemple, Dairyworld, qui avait une usine de transformation ici, à Grande Prairie, exporte maintenant une partie de son lait à Edmonton, en Alberta, et réexpédie ce lait ici, malgré les distances. C'est vraiment une concurrence folle qui entraîne une baisse des prix et ce sont les industries transformatrices de produits alimentaires et les compagnies céréalières internationales qui profitent de ce processus.
Le rapport Kroeger ne résoudra pas notre problème. Il est tout à fait ridicule de penser cela. Je vais vous parler du fait qu'il n'y aura pas de concurrence dans le secteur ferroviaire. Il est bizarre d'envisager d'établir plus d'un système ferroviaire au Canada. Les coûts sont incroyables.
Lorsque je tire la chasse d'eau à Grande Prairie, ici, il n'y a qu'un seul système d'égouts ce qui est sensé. Il est inutile d'avoir de la concurrence dans ce cas-là.
Il faut réglementer le système de transport pour répondre aux besoins de tous les utilisateurs. Nous devons avoir un système ferroviaire national pour éviter un gaspillage de carburant fossiles. Il est insensé de transporter le grain par camion. Dans le bassin de la rivière la Paix, nous assistons à des pertes terribles pour ce qui est des lignes secondaires et des silos-élévateurs servant à la livraison du grain. Nous rentrons à reculons dans l'avenir. Il faut transporter à nouveau le grain par voie ferroviaire. On doit cesser de le transporter par camion, pour des raisons de sécurité, ainsi que pour protéger l'environnement et pour utiliser les carburants fossiles de façon responsable. La concurrence est une bonne chose dans certains secteurs, mais dans le secteur ferroviaire, on doit prévoir une réglementation, comme dans le secteur aérien où cela va se produire.
Voilà tout ce que je peux dire. Je voudrais qu'on établisse un programme de couverture végétale permanente. Je pense que nous devrions retirer certaines terres de la production. Il est insensé de trop produire et de faire baisser les prix pour tout le monde; c'est ridicule. Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion d'intervenir.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci, monsieur Dyck. Je veux vous remercier tous d'être venus aujourd'hui. J'ai trouvé vos exposés remarquables à l'instar de ceux qui ont été faits dès 8 h 30 ce matin. Je pense que cela a été trois heures et demie productives. Nous vous remercions vraiment d'être venus ici aujourd'hui. Je crois que nous sommes mieux informés et je souhaiterais que nous ayons plus de temps, mais nous avons une réunion à 15 heures à Végréville. Ainsi, si nous voulons être là-bas et ne pas décevoir les agriculteurs de l'endroit, nous ferions mieux d'y aller.
Je vous remercie au nom de tous les membres du comité. La séance est levée.