AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD
COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 9 décembre 1999
Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Nous sommes heureux d'être à Végréville aujourd'hui pour rencontrer les agriculteurs.
Nous arrivons tout juste de Grand Prairie, où nous avons tenu ce matin une audience très fructueuse pendant trois heures et demi. Nous espérons qu'il en sera de même ici, à Végréville.
• 1530
Avant de présenter le premier groupe de témoins, je vais
laisser mes collègues se présenter. Joe sera le premier à le faire.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, monsieur le président. Je suis Joe McGuire, secrétaire parlementaire de M. Lyle Vanclief, le député de Prince Edward—Hastings.
Le président: Leon.
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président. Je suis Leon Benoit. Je connais bon nombre des témoins qui sont présents ici cet après-midi, puisque je suis leur député.
Monsieur le président, si je puis me permettre, avant de poursuivre les présentations, j'aimerais demander le consentement unanime du comité afin d'autoriser la présence des caméras de télévision dans la salle d'audience. Les témoins sont venus ici pour nous livrer leur message et il m'apparaît important d'en assurer la diffusion la plus étendue possible. La présence de tous les médias nous permettrait de faire passer le message à tous les Canadiens, notamment dans les villes.
Je voudrais simplement, monsieur le président, que vous demandiez le consentement unanime du comité pour autoriser la télédiffusion des délibérations du comité aujourd'hui.
Le président: Merci, monsieur Benoit. Je voudrais bien, mais le Règlement nous oblige à obtenir le consentement de la Chambre pour le faire. Le comité n'a pas le pouvoir de prendre seul cette décision.
M. Leon Benoit: Monsieur le président, ce n'est pas exact. Le comité est maître de sa propre destinée et il suffit d'obtenir le consentement unanime du comité pour autoriser la présence des caméras de télévision.
Le président: Nous pouvons permettre des prises de vue, mais pas l'enregistrement de toutes la séance.
Si je pouvais accéder à votre demande, monsieur Benoit, je le ferais volontiers, mais le Règlement de la Chambre ne le permet pas.
M. Leon Benoit: Je le répète, le comité est maître de sa propre destinée.
Le président: Je vous dis simplement, monsieur Benoit, que c'est une question de règlement.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC.): Monsieur le président, M. Benoit demande-t-il la télédiffusion de toute la séance? Y a-t-il ici une chaîne de télévision par câble pour le faire?
M. Leon Benoit: Il suffirait... La télévision de Lloydminster a fait savoir qu'elle serait présente et elle aimerait pouvoir couvrir librement les parties de la séance qui lui sembleront utiles aux agriculteurs de la région.
M. Rick Borotsik: Monsieur le président, en ce qui a tait au Règlement, je ne vois pas de difficulté: nous pourrions permettre à la télévision de couvrir le séance. Les représentants de la presse écrite sont déjà ici. Nous avons déjà tenu six ou sept séances, monsieur le président. Il est important que la population soit informée au sujet de la question. Je ne crois pas que nous parlerons de secrets d'État.
Le président: Je suis tout à fait de votre avis, mais nous devons nous conformer aux règles de procédure de la Chambre. Nous n'avons pas le choix. Je sais bien que nous n'aborderons pas de secrets d'État. Si le cameraman veut filmer les présentations, je n'ai aucune objection, mais il ne peut pas enregistrer les délibérations. Le Règlement de la Chambre ne le permet pas.
Monsieur Breitkreuz, voulez-vous vous présenter?
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Merci. Mon nom est Garry Breitkreuz et je suis député de la circonscription de Yorkton—Melville, située dans l'est de la Saskatchewan. Je suis porte-parole de mon parti en matière d'agriculture et je voyage avec le comité depuis une semaine.
Monsieur le président, je voudrais moi aussi parler de la diffusion des délibérations. Nous avons autorisé la présence des caméras de télévision à la dernière séance et je ne crois pas que cela nous ait créé le moindre inconvénient. Je crois savoir que cela a déjà été fait dans le passé et que la télévision a déjà couvert des délibérations à la Chambre lorsque les comités y consentaient. Je ne vois pas où est le problème.
Le président: Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Bon après-midi. Je suis Dick Proctor, député de la circonscription de Palliser, en Saskatchewan et porte-parole néo-démocrate en matière d'agriculture.
M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président. Je m'appelle Rick Borotsik. Je suis député de Brandon—Souris et porte-parole du Parti conservateur en matière d'agriculture. En plus de Brandon, je représente le sud-ouest du Manitoba. Je suis certain que beaucoup d'entre vous avez des parents et des amis qui pratiquent l'agriculture dans cette région. Comme vous le savez sans doute, nous avons été aux prises avec un grave problème d'excès d'humidité qui nous a empêché d'ensemencer 1,1 million d'acres. Il en sera sans doute question aujourd'hui.
Je vais maintenant dire à l'auditoire tout ce que je sais dire en ukrainien.
[Note de la rédaction: Le député parle en ukrainien]
Je suis heureux de vous accueillir.
Le président: Merci. Je suis John Harvard, président du comité et je vis dans la magnifique ville de Winnipeg.
M. Garry Breitkreuz: J'invoque le Règlement. Pourrions-nous faire un compromis et autoriser la présence de la télévision pendant un certain temps?
Le président: Messieurs, je le répète, je n'ai pas d'objection à ce que le cameraman fasse des prises de vues, comme nous l'avons fait à la fin de la séance de Grand Prairie.
• 1535
Je vous présente maintenant le premier groupe d'agriculteurs:
Arden Ziegler, Roger Epp, Victor Chrapko et Gordon Graves qui, je
crois, remplace Georges Vachon. Comme à l'habitude, nous
précéderons par ordre alphabétique. C'est donc à vous de commencer,
Victor. Soyez le bienvenu et merci de votre présence.
M. Victor Chrapko (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.
Mon mémoire, dont je vous ai distribué quelques exemplaires, est rédigé d'une manière un peu différente, mais j'espère qu'il exprime bien ce que j'ai voulu dire.
La première page explique notre situation actuelle. Notre ferme familiale est au bord du gouffre, et cette situation est attribuable aux lois adoptées par le Parlement, à l'OMC, aux semences brevetée, aux subventions étrangères, aux lois sur l'étiquetage, etc.
Je voudrais aborder cette question. Nous pourrions, comme vous le savez, en parler pendant une demi-journée sinon une journée entière. Quoi qu'il en soit, nous devons jeter le blâme sur qui le mérite, de mon point de vue.
Nous sommes devenus les esclaves de multinationales. Les fermes expérimentales ont été démantelées et les scientifiques en sont réduits à se compromettre parce qu'ils travaillent en partenariat. Ils doivent s'associer à quelqu'un pour pouvoir obtenir les fonds nécessaires à leurs projets. Il n'est pas nécessaire d'être un ingénieur en astronautique pour comprendre qu'ils en sont réduits à faire des compromis dans leurs résultats. Je n'aime pas ce qui dévie, si peu que ce soit. On voit bien ce qui se passe actuellement en Europe, notamment avec les OGM, etc.
Il y a une semaine à peine, alors que nous nous rendions à Fairview, située dans la région d'où vous êtes venus aujourd'hui, nous avons entendu trois fois à la radio, entre neuf heures et dix heures, une publicité sur le produit Roundup fabriqué par une importance compagnie de produits chimiques. Et nous ne sommes encore qu'au tout début de l'année. La poussière est à peine retombée sur ma moissonneuse-batteuse que déjà on nous rabat les oreilles de publicité pour nous faire acheter des produits chimiques. Je m'insurge contre cette façon de faire.
Je m'insurge également contre l'absence de contrôle des prix de ces produits, qu'il s'agisse de fertilisants ou d'OGM. Les brevets sur les semences empêchent les agriculteurs d'acheter des graines les uns des autres parce que les compagnies attendent leurs redevances. Lorsque les fermes expérimentales faisaient ce genre de recherche, chacun pouvait leur demander de mettre au point le type de semence dont il avait besoin et le système n'était pas conçu de manière à vendre ces semences au prix fort aux autres agriculteurs.
Les coûts de production ont grimpé en flèche. Par exemple, le prix du combustible a augmenté de 50 p. 100 à peu près depuis janvier dernier. Les politiques actuelles, et notamment les programmes d'aide aux agriculteurs, ne nous aident pas à supporter les coûts de production.
En se regroupant, les grandes sociétés enfoncent leurs conditions dans la gorge des agriculteurs, puisqu'elles contrôlent le marché des machines et les prix et qu'elles possèdent même les concessionnaires. Dans notre province, l'Alberta, les agriculteurs possédaient l'usine d'emballage, mais le gouvernement a fait pression sur eux pour qu'ils s'en départissent. Il suffit de voir ce que sont devenus les prix depuis que l'office de mise en marché du porc a été privé du système de vente à guichet unique et de l'usine d'emballage.
• 1540
On nous affirme également que la commercialisation
indépendante est avantageuse pour nous et que nous pouvons vendre
nos produits où nous voulons. Je réfute cette théorie. Nous en
avons d'ailleurs tellement souvent démontré la fausseté que c'est
presque devenu un cliché en négatif.
Je suis le premier à reconnaître l'existence de marchés à créneaux et à admettre que nous pouvons obtenir de meilleurs prix pour nos produits en les commercialisant nous-mêmes, mais de façon générale nous en obtenons moins. J'en suis convaincu. Pourquoi? Je crois que vous savez tous que l'agriculture canadienne traverse une grave crise, du moins dans l'Ouest. S'il est vrai que nous recevons de meilleurs prix dans l'ensemble, comment expliquer les faillites? Au nord de ma ferme, six agriculteurs déclarent volontairement faillite parce qu'ils sont incapables de faire leurs paiements. Ils ont vendu leurs bétail et leurs porcs, ils ont mis en vente les trois quarts de leurs terres et espèrent pouvoir conserver un quart de section comme ferme familiale. Le fils doit travailler à l'extérieur de la ferme et son père également, qui est âgé de 65 ans. Il est honteux qu'on ne puisse payer à quelqu'un qui a consacré toute sa vie à l'agriculture des prix décents pour ses produits.
La commercialisation ne fonctionne pas parce que je n'ai pas les compétences voulues pour négocier avec les Chinois, les Iraniens et autres producteurs étrangers et parce que je n'ai pas non plus le temps ni les ressources financières pour le faire. C'est mon cas mais c'est aussi celui des autres agriculteurs. Nous n'avons ni le temps, ni les compétences nécessaires. D'autre part, un vendeur indépendant laissé à lui-même sur les marchés mondiaux est très vulnérable face à l'énorme pouvoir d'achat et aux pressions d'achat, ce que certains appellent le pouvoir commercial. Les petits producteurs comme moi sont un peu comme le moustique qui se démène et cherche une ouverture. Je regrette, mais ça ne marche pas, la preuve en est faite.
Qu'ont fait les agriculteurs? Ils ont constitué leurs fermes en sociétés. Le résultat? Les agriculteurs et leurs communautés elles-mêmes se sont retrouvés dans une situation non viable et dans une grande dépendance. Je parle ici de petites communautés, non pas de Toronto, Ottawa ou Edmonton, mais de Végréville, Two Hills et d'autres communautés de ce genre. Nous nous sommes retrouvés dans une marmite à pression économique. Quand ces multinationales à intégration verticale, comme les McCains et les Cargills de ce monde, se lancent en agriculture, il m'est impossible de les concurrencer avec ma ferme porcine. Je n'ai pas les moyens de concurrencer ces gens.
D'autre part, ces entreprises ne pratiquent pas nécessairement une agriculture durable. Je veux dire par là qu'elles ne donnent pas toujours l'exemple d'une bonne agriculture en évitant de saturer les sols de produits chimiques, jusqu'à ce que nous développions tous des cancers ou qu'on finisse par se demander pourquoi les terres ne produisent plus autant qu'avant et qu'on en vienne à compenser les effets des produits chimiques par d'autres produits chimiques.
Dès la première page, mon exposé—et je le souligne à l'intention de l'auditoire—fait état d'une situation catastrophique. Quelle est-elle, cette situation? Les gens font faillite, ils quittent la ferme, les régions rurales se vident de leur population. Des gens se suicident, des familles éclatent. Vous avez probablement entendu parler d'un des pires cas qui se soient produits au Canada, juste au nord de notre région. La communauté agricole vit des heures sombres. Les Canadiens doivent comprendre que la ferme agricole, dont les heures sont comptées...
Avons-nous encore un espoir, une chance? Je crois que oui. Il n'en tient qu'à vous de faire ce qu'il faut pour que les familles agricoles puissent continuer de produire des aliments sains et de bonne qualité.
À la deuxième page de mon exposé...
Le président: Je veux simplement vous signaler que vous parlez depuis plus de dix minutes. Nous ne disposons que d'une heure pour votre groupe. Trois autres témoins attendent de prendre la parole et nous avons également des questions à poser.
M. Victor Chrapko: Monsieur le président, si c'est là tout le temps que vous avez pour des gens qui ont consacré leur vie à l'agriculture, j'aime autant me retirer tout de suite. Vous ne pourriez pas consacrer dix minutes, une heure ou même, au besoin 24 heures aux agriculteurs canadiens, qui sont tout de même nombreux, mais les députés trouvent le temps de faire de l'obstruction systématique à Ottawa, à coût de millions de dollars! Vous ne me laissez même pas le temps de vous faire part de ce que m'ont dit mes voisins.
Le président: Vous avez de nombreux voisins...
M. Victor Chrapko: D'accord.
Le président: ...et je veux entendre le plus grand nombre possible.
M. Victor Chrapko: Est-ce que vous me coupez la parole?
Le président: Il s'agit simplement de permettre aux autres témoins de se faire entendre. S'il n'en tenait qu'à moi, je vous écouterais bien parler plusieurs heures, mais vous n'êtes pas seul.
M. Victor Chrapko: Je vais aussi vite que possible, mais je tiens à dire ce que j'ai à dire.
Le président: Eh bien...
M. Victor Chrapko: Que pouvons-nous faire pour avoir un Canada rural bien portant? Pour produire de la volaille, du b«uf et de la viande de mouton, pour avoir des récoltes, nous avons besoin de fermes expérimentales subventionnées par les contribuables et non pas constituées en partenariats. Nous aurions alors accès à l'expertise et à la connaissance de pointe et pourrions mettre en «uvre des plans d'action en conséquence. Il nous faudrait pour cela avoir également des offices de commercialisation et des lois adaptées aux besoins des agriculteurs.
Notre communauté n'en serait que plus viable. Or, la viabilité de l'agriculture entraîne celle des épiceries, de l'industrie gazière et pétrolière. Une économie bien portante dépend de cela, de l'automobile et de la machinerie agricole, du camionnage. Une agriculture bien portante permet également de se payer des écoles, les services de la GRC, du personnel médical, des hôpitaux. Une agriculture prospère assure également un certain mode de vie, et tout cela dans les régions rurales de l'Alberta plutôt que dans les ghettos des grands centres urbains.
L'industrie agricole contribue également au produit national brut. Elle crée des emplois. Elle assure des exportations qui contribuent aux divers éléments de l'infrastructure. L'agriculture renforce également l'estime de soi des Canadiens qui produisent les bons aliments que nous consommons, elle nous permet d'avoir des marchés intérieurs et assure des fondements solides à un pays fort.
Comment résoudre cette question? Ce serait, là encore, le sujet d'une autre audience. Je crois qu'il existe des moyens de protéger les prix de nos produits. On pourrait imposer des plafonds et prendre toutes sortes de mesures pour contribuer à assurer la production de bons produits, à des prix équitables sur la ferme familiale. Si nous avons l'argent pour des choses comme la guerre du Kosovo ou l'obstruction systématique qui a eu lieu au Parlement, je suis certain que nous pouvons arriver à créer un programme sensé concernant les coûts de production. Tous nos programmes doivent tenir compte des coûts de production. J'ai cité l'exemple du combustible, dont le prix a grimpé en flèche en moins d'un an et, à mon avis, les moyennes de trois et cinq ans dont vous parliez ne valent pas le papier sur lequel elles figurent.
Monsieur le président, je regrette d'avoir dépassé mon temps de parole, mais l'agriculture est notre mode de vie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur. Merci.
Roger, c'est votre tour.
M. Roger Epp (témoignage à titre personnel): Merci. Je m'adresse sans doute cet après-midi à l'un des groupes de députés les mieux reposés au pays.
Je ne suis pas agriculteur mais, pour reprendre les mots de quelqu'un d'autre, certains de mes proches amis le sont. Je suis professeur dans une petite université, dans la localité de Camrose située au sud, à une heure de route d'ici, à la limite ouest de ce qui devient de plus en plus l'arrière-campagne du Canada, ce grenier à grain historique du Canada d'où partaient les exportations. Bon nombre de mes étudiants viennent de petites communautés de la Saskatchewan et de l'Alberta, comme moi, et ma recherche porte en grande partie sur les questions d'économie politique rurale. Mes travaux reposent sur l'hypothèse que ma région est l'un des meilleurs théâtres pour observer ce qu'on appelle la mondialisation de l'économie.
Je m'intéresse principalement à l'avenir des communautés rurales fondées sur l'agriculture et aux préoccupations des gens qui luttent pour s'assurer un niveau de vie décent dans ces localités.
• 1550
La semaine dernière, j'ai vécu une expérience formidable: j'ai
pris l'avion de Regina à Edmonton. Du haut des airs, à 31 000 pieds
d'altitude, je distinguais ma localité et les fermes de mes voisins
le long de la route. C'était fascinant. Lorsque ma famille et moi
avons suivi le même trajet durant l'été, nous avons emprunté des
routes dont la chaussée était rapiécée, semée de nids de poules ou
dont certaines parties étaient même retournées au gravier. Nous
roulions à peu près seuls sur la route, à l'exception des gros
camions de grain, qui remplacent maintenant les trains et nous
obligeaient à nous tasser sur l'accotement de la route lorsque nous
les rencontrions. Nous avons compris que l'avenir est maintenant
arrivé dans l'arrière pays.
D'entrée de jeu, je tiens à réfuter l'argument qui veut que la crise agricole tient, en fait, à un problème de revenu qui peut être réglé par un simple programme d'aide financière à court terme. Je fais sans doute écho à ce que disais Victor à ce sujet. À la limite de l'arrière campagne, la crise est beaucoup plus qu'une question de revenu.
Premièrement, la crise agricole frappe les communautés rurales, qui subissent les contrecoups de l'abandon des voies ferrées et des silos-élévateurs, du rétrécissement de l'assiette fiscale, du vieillissement et de la diminution de la population, même en Alberta, du regroupement des commerces de détail, des services gouvernementaux comme les hôpitaux, écoles et bureaux de poste dans des centres plus importants et du fait que les travailleurs bénévoles cherchent des emplois rémunérés ou déménagent.
Deuxièmement, la crise agricole est causée par l'absence de leaders capables de parler aux grands centre urbains au nom d'une communauté agricole morcelée. Elle est également imputable au manque de poids politique, à l'échelle nationale, des régions rurales et aux tensions entre les régions urbaines et rurales, qui favorisent les manigances politiques. Les agriculteurs étaient autrefois perçus, de façon romantique, comme la pierre angulaire de notre pays. Ils font maintenant figure de parasites à la recherche de deniers publics et ils se sentent impuissants à changer cette perception.
Troisièmement, la crise agricole se manifeste également par la peur de ce que réserve l'avenir au bon travail qui permet de nourrir les gens, aux efforts qui engagent les parents auprès de leurs enfants et qui supposent toute une gamme de compétences. Les familles d'agriculteurs parlent maintenant de leur peur de devenir des «bioserfs» travaillant à contrat pour une poignée de conglomérats de fabricants de semences et de produits chimiques.
Les agriculteurs doivent occuper des emplois, loin de la ferme, pour subventionner leurs fermes. Ils pratiquent parfois des professions vulnérables en région rurale, comme les soins infirmiers, et voient ensuite Revenu Canada reclasser leur travail comme travail d'amateur, à leur détriment. Les agriculteurs constituent probablement le groupe professionnel le plus ancien au Canada. Beaucoup parmi eux doivent puiser dans ce qu'ils ont économisé en vue de la retraite et reportent le moment crucial du transfert de la ferme à la génération suivante, où tout risque de s'effondrer. En ce sens, la crise agricole engendre également une tension psychologique énorme face à la difficulté d'assurer la survie d'une ferme de troisième ou quatrième génération qui n'est pas seulement une entreprise commerciale mais également le foyer d'une famille et le lieu auquel elle s'identifie.
Enfin, la crise agricole se manifeste par un sentiment aigu d'abandon de la part du gouvernement fédéral, et je ne parle pas ici seulement de l'accueil froid, et symbolique, que le gouvernement fédéral a réservé à la délégation des Prairies qui s'est rendue à Ottawa l'automne dernier. Je pense plutôt au fait que le gouvernement fédéral, par exemple, est prêt à renoncer au peu de pouvoir qu'il lui reste en matière de réglementation des tarifs de transport des compagnies ferroviaires, qui ont indiqué clairement que le grain est une denrée comme les autres, au lieu de considérer cette question comme une priorité. Le gouvernement semble trop bien disposé à sacrifier le grain de l'Ouest sur l'autel du libre-échange, ce que les concurrents étrangers ne semblent pas prêts à faire dans un avenir prévisible.
Le fait que le gouvernement a pratiquement abandonné la recherche au secteur privé, comme on l'a dit plus tôt, et son appui enthousiaste à la soi-disant révolution biotechnologique ont contribué à limiter dangereusement la diversité des semences et ont fait en sorte que les agriculteurs ambivalents se retrouvent tout à coup pris entre le boycottage des consommateurs et les droits des phytogénéticiens.
Mis à part les perceptions urbaines, l'enveloppe de dépenses fédérale en agriculture ne grossit pas. En fait, elle rétrécit constamment et substantiellement. Je ne veux pas donner l'impression qu'une aide financière immédiate du gouvernement serait une erreur dans les circonstances, bien au contraire.
Si le programme ACRA, conçu non pas tant pour aider les agriculteurs que pour les éliminer, a été particulièrement problématique, à peu près tous les programmes d'aide à court terme engendrent des difficultés. Les principaux bénéficiaires d'un programme de paiement unique à l'acre, par exemple, seraient probablement les créanciers, ce qui ne fait que rendre encore plus difficile le choix d'une solution adéquate. Ce genre de programme n'empêcherait pas l'abandon des fermes et ce serait les créanciers qui en profiteraient.
• 1555
Le problème avec lequel nous sommes aux prises est donc une
crise agricole à long terme et multidimensionnelle, liée en partie
à une crise de revenu. Je rappelle certains éléments qui sont à la
portée du gouvernement fédéral mais qui ont été oubliés, et
notamment les hausses considérables de tarifs de transport
ferroviaire qui ont frappé les agriculteurs de l'Ouest au cours de
la dernière décennie. On s'est empressé de l'oublier, mais c'est
pourtant un élément qui influe énormément sur le revenu des
agriculteurs.
Dans la mesure où la crise agricole met en cause non seulement la question du revenu mais également la communauté, le leadership et le travail sur la ferme, il incombera d'abord à ceux qui vivent sur la ferme de trouver les moyens collectifs de protéger leurs acquis. Les politiques fédérales peuvent faciliter leurs efforts, comme elles peuvent tout aussi bien les entraver. Nous pourrons d'ailleurs en discuter plus tard. Je donne raison à ceux qui vantent les vertus des anciennes fermes expérimentales.
En terminant, un nombre étonnamment élevé d'agriculteurs nous ont dit envier les communautés agricoles européennes qui bénéficient du soutien politique de l'Union européenne, même s'ils désapprouvent les subventions et les effets qu'elles ont sur eux. Nos agriculteurs ne veulent pas qu'on leur fasse l'aumône. Ils demandent que les dirigeants politiques reconnaissent vraiment l'importance de l'agriculture fondée sur les fermes familiales et je crois qu'il faut à tout le moins éviter, et c'est un citadin qui vous le dit, de sacrifier les fermes à la réduction du déficit ou aux négociations commerciales.
Le président: Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le président: Nous entendrons maintenant M. Gordon Graves.
Soyez le bienvenu, Gordon.
M. Gordon Graves (propagandiste agricole, District municipal de Bonnyville): Merci, monsieur le président et membres du comité.
J'ai été estomaqué par ce que Roger a dit. En fait, il a répété ce que beaucoup d'entre nous nous sommes dit les eux aux autres. Nous ne parvenons pas à comprendre comment les dirigeants politiques peuvent être imbéciles au point de ne pas comprendre la situation.
Je représente le district municipal de Bonnyville, mais je suis également ici comme représentant de certains producteurs des régions de Goodsoil et Pierceland, dans le nord-ouest de la Saskatchewan. La région que je représente chevauche partiellement les comtés de Lakeland et de St. Paul.
Le mémoire que je vous présente a également été présenté au ministre provincial de l'Agriculture, M. Ty Lund, après la création, l'été dernier, du comité chargé d'examiner la sécheresse dans notre région. Je ne lirai pas tout le mémoire, j'aborderai seulement certains éléments.
Les rendements de cultures qui sont indiqués dans le mémoire sont sensiblement plus élevés que ceux que nous avons obtenu dans notre région, car les chiffres ont été établis au tout début de la récolte et visent les secteurs du sud de la région qui ont eu des précipitations. Le rendement minimum du blé est de trois boisseaux au lieu de 20. Le rendement minimum de l'orge tombe à zéro, car les sauterelles ont tout mangé. Le rendement de l'avoine est de 10 boisseaux et celui du canola, de 1,4 boisseau.
Nous blâmons les Européens et les Américains parce qu'ils acceptent de se conformer à l'accord de l'Uruguay Round alors que notre gouvernement nous a lâchés en renonçant à la subvention du Nid-de-Corbeau, à l'entente tripartite sur la viande rouge et à toutes les autres formes de subventions qui nous aidaient à soutenir la concurrence internationale. Le groupe que je représente ne crois pas pour autant que les subventions sur le marché international soient équitables, mais on aurait certainement dû examiner la question du point de vue des échanges intérieurs.
Le foin de prairie est une culture très importante pour notre région, parce que le quadrant nord-est de l'Alberta, délimité par la route 16 au nord—de toute évidence cette ressource se trouve au sud de cette route—la frontière de la Saskatchewan à l'est et la route 2 à l'ouest, compte pour 12 p. 100 de l'ensemble du troupeau de vaches d'élevage du pays, et je dis bien du pays. C'est 12 p. 100, mesdames et messieurs, de toutes les vaches d'élevage au Canada. Ce troupeau est décimé parce que nous n'avons pas accès au fourrage dans notre région. Nous n'avons pas l'argent nécessaire pour payer le coût du transport par camion. La ressource est accessible, mais le coût du transport est prohibitif. Pourquoi? À cause du coût trop élevé du carburant.
• 1600
Nous avons été témoins d'autres désastres naturels au Canada:
la tempête de verglas au Québec et en Ontario, les inondations de
la rivière Rouge, les pluies anormalement abondantes dans le sud-
ouest du Manitoba et dans le sud-est de la Saskatchewan. Au moins,
cette région a la chance d'avoir de l'humidité dans son sous-sol.
Dans notre région, on peut creuser jusqu'à 18 pieds de profondeur
sans trouver d'humidité. S'il pleut au printemps, nous aurons une
récolte pour une année, mais nous n'aurons aucune garantie à plus
long terme. Il est bien regrettable que le gouvernement et les
consommateurs, mis à part Roger, ne reconnaissent pas que la
nourriture est la chose la plus indispensable à la survie.
Pourquoi les gouvernements nous laissent-ils tomber? Nous devrions imiter nos concurrents et, au lieu de parler de subventions ou d'aide, parler plutôt de récompense pour protection de l'environnement, car si les agriculteurs, non seulement dans notre région mais à la grandeur du Canada, n'ont pas suffisamment d'argent au printemps pour supporter les coûts des intrants nécessaire à leurs cultures, ce seront les consommateurs qui, en bout de piste, paieront la note. Lorsque vous faites une aumône aux agriculteurs, et c'est le terme que j'ai constamment retrouvé dans les médias et même dans la bouche du ministre fédéral, vous ne subventionnez pas les producteurs mais bien les consommateurs. Il vous incombe à vous, mesdames et messieurs, de nous représenter et de veiller à ce que les consommateurs le comprennent. Faites-leur comprendre qu'ils ont deux choix: payer leurs aliments quatre fois plus cher, ou bien nous aider par la bande. Ce sont les choix qui s'offrent à eux.
Notre situation se compare un peu à celle du Lusitania. C'est comme si nous étions à bord d'un navire plein de passagers, dont le capitaine sont tous les gouvernements canadiens, fédéral et provinciaux, que nous naviguions en eaux dangereuses et étions sur le point de recevoir une torpille. Il faut espérer que le capitaine et les navigateurs auront la présence d'esprit de changer de cap afin de nous éviter l'anéantissement. Je rappelle que l'agriculture est indispensable à la survie des gens.
Le président: Merci, monsieur Graves. Merci beaucoup.
La parole est maintenant à M. Ziegler. Je vous remercie de votre patience.
M. Arden Ziegler (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.
C'est pour moi un honneur de comparaître devant votre comité et de pouvoir vous faire part de mon point de vue sur diverses questions. Je compatis avec mes homologues car je n'ai subi ni sécheresse ni inondations cette année et j'ai une récolte à vendre, même si ce n'est peut-être pas au prix souhaité. Je me tire cependant mieux d'affaire que certains agriculteurs que j'ai entendus ici.
Si vous êtes d'accord, monsieur le président, j'aborderai surtout des questions qui présentent un intérêt à court terme plutôt qu'à long terme.
Tout le monde ici a probablement entendu parler du rapport Kroeger et de ses recommandations concernant l'industrie du grain. Je crois que le gouvernement devrait les examiner de près et apporter des changements dans l'industrie. Des mesures ont déjà été prises, comme l'abolition du tarif du Nid-de-Corbeau, mais le gouvernement peut faire en sorte que les différents intervenants de l'industrie soient davantage responsables de leur propre partie de la chaîne de production.
À l'heure actuelle, les producteurs de grain ont l'impression de supporter tout le poids à eux seuls. Chaque fois qu'il se produit quelque chose, c'est nous qui en subissons les conséquences et cela ne me semble pas juste. Je sais bien que certaines des recommandations du rapport Kroeger représentent des changements majeurs pour le gouvernement et que, de façon générale, les gouvernements n'aiment pas prendre des mesures de ce genre. Par ailleurs, il arrive souvent que des recommandations finissent par tomber dans l'oubli. Je n'approuve pas tout le contenu du rapport, mais il contient de bonnes choses.
Deuxièmement, je crois que le gouvernement doit s'attaquer sérieusement au problème des subventions internationales. Ces subventions nous nuisent énormément. Je suis conscient de la difficulté, pour les divers pays, d'établir ensemble des règles communes applicables à tout le monde, mais si le gouvernement entame des discussions en se disant que chaque million de dollars de réduction des subventions représente pour lui autant de moins à débourser pour les producteurs... Beaucoup de gens ne se rendent pas compte qu'il y a un lien direct entre les subventions et les revenus des producteurs de grain. Les agriculteurs canadiens ont fait la preuve qu'ils sont capables de concurrencer n'importe qui sur le marché mondial, mais à condition que les règles soient les mêmes pour tous.
• 1605
Le dernier point que je désire soulever, peut-être l'un des
plus importants pour nous, c'est que la crise agricole que nous
vivons actuellement a également des ramifications sociales dans
l'Ouest et elle touche, comme on l'a déjà mentionné, toutes les
petites entreprises, les petites villes et tout le reste. Cette
crise a, dans l'Ouest, des ramifications dont les Canadiens de
l'Est ne semblent pas conscients. Je ne veux pas opposer l'Est à
l'Ouest, comme on le fait constamment, mais je crois que vous ne
saisissez pas vraiment tout ce qui se passe ici. Or, il est très
important que vous le compreniez, car si nous ne nous attaquons pas
au problème tout de suite, la situation deviendra très grave, et je
ne crois pas que le gouvernement fédéral souhaite en arriver là.
Il est difficile de trouver la bonne solution, mais je crois qu'il faut réagir et trouver des solutions à long terme. Nous ne pouvons pas nous contenter de mesures à court terme. Je sais bien que les programmes à court terme permettent d'apporter de l'aide en cas de sécheresse ou autre désastre naturel, et c'est tant mieux. Je ne connais pas ces programmes en détail car, comme je le disais, je n'y étais pas admissible et n'ai jamais fait de demande d'aide. Je sais cependant qu'il y a de bons programmes. Mais le plus important, pour moi, c'est que le gouvernement finisse par trouver une solution au problème des prix internationaux des produits agricoles.
Merci.
Le président: Merci beaucoup. Merci à tous.
Il nous reste environ 22 minutes pour les questions, soit à peu près six minutes pour chacun des deux premiers et cinq minutes pour chacun des deux suivants.
Qui commence? Leon.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président et merci à vous tous, messieurs, de votre présence.
Arden, je commencerai par ce que vous avez dit. Vous avez parlé clairement de la nécessité de résoudre ou, du moins, d'atténuer le problème des subventions injustes qui faussent les échanges et ont des répercussions directes sur les prix de nos produits agricoles. J'irai même jusqu'à dire que l'avenir de l'agriculture céréalière, en particulier dans l'Ouest canadien, dépend de l'issue des négociations commerciales. Si nous ne réalisons pas des gains majeurs à ces négociations, les problèmes dont parlaient Roger, Victor et Gordon ne feront que s'aggraver.
Je crois que vous avez mis le doigt sur les vrais problèmes. Il est absolument indispensable de trouver des solutions à ces problèmes à long terme. Et, comme vous le disiez, les solutions ne sont pas faciles à trouver. Nous en sommes biens conscients.
Une des choses que le Parti réformiste propose depuis six ans a trait à l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau. On y a d'ailleurs fait référence. Nous proposons qu'une partie de la valeur capitalisée de la subvention du Nid-de-Corbeau soit injectée dans un programme d'adaptation aux distorsions commerciales, de manière à compenser... sans pour autant engager une lutte avec les Trésors d'autres pays, car nous n'en avons pas les moyens. La guerre commerciale que se sont livrée les Américains et les Européens nous a causé suffisamment de tort. Un programme d'adaptation aux distorsions commerciales compenserait la perte de valeur, en partie du moins, résultant des pratiques commerciales déloyales d'autres pays.
Nous avons proposé un montant correspondant à peu près à la moitié de la valeur capitalisée de la subvention du Nid-de-Corbeau. Si on l'avait fait dès l'abolition du tarif du Nid-de-Corbeau, c'est environ 3,5 milliards de dollars qu'on aurait injecté dans ce programme. Le montant serait aujourd'hui beaucoup plus élevé puisqu'il aurait été placé à de bons taux de rendement. Si on l'avait fait, ce programme serait aujourd'hui très utile aux agriculteurs et les aiderait à traverser les dures épreuves qu'ils connaissent actuellement. Je ne crois pas qu'il soit trop tard pour adopter cette solution. Je crois même que ce serait un très bon choix.
Mais la création d'un programme de ce genre, qui nous aiderait à traverser la situation actuelle et conduirait, espérons-le, à un marché plus ouvert, n'est qu'un côté de la question. Plusieurs d'entre vous avez également parlé de la question des intrants.
• 1610
Victor, vous parliez du coût du carburant. Vous n'ignorez pas
que le prix du carburant est constitué d'environ 60 p. 100 de taxes
diverses. La baisse des taxes réduirait sensiblement le coût des
intrants, ce qui s'inscrit dans ce que nous proposons de faire,
mais aussi le coût des frais d'utilisation, qui m'apparaissent
être, ni plus ni moins, un autre genre de taxe.
Si on facilitait les choses aux agriculteurs en allégeant les taxes et la paperasse administrative, je crois que... Arden parlait du rapport Kroeger; voilà encore quelque chose qui pourrait avoir des effets très bénéfiques. Vous avez évoqué de nombreux problèmes et leurs solutions possibles et je crois que ces solutions se trouvent de part et d'autre. Ça me semble évident.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Commençons par Arden et nous verrons ensuite où nous en sommes. Je sais qu'il me reste peu de temps. J'aimerais savoir ce que vous pensez d'un programme d'adaptation aux distorsions commerciales qui permettrait d'indemniser les agriculteurs pour les pertes qu'ils subissent en raison des pratiques commerciales déloyales. Quel serait l'utilité d'un tel programme?
Il y a d'autre part la question des taxes et de la réduction du coût des intrants par une baisse des taxes, la question de la réduction de la paperasserie administrative et autres problèmes de ce genre.
M. Arden Ziegler: Je ne connais pas les chiffres, mais le gouvernement doit se souvenir que le Canada est un pays exportateur net de grain et qu'il le restera. Je sais que la valeur ajoutée est une bonne chose dans le secteur de la transformation, notamment depuis l'abolition du tarif du Nid-de-Corbeau, mais si le gouvernement s'attaque en priorité aux problèmes du Canada en tant que pays exportateur, je crois que certains de ces problèmes peuvent être réglés. Nous ne pourrons jamais consommer tout le grain que nous produisons au Canada. Nous n'avons tout simplement pas la population suffisante.
Ce qui nous fait le plus de tort, comme le disait Leon, ce sont les subventions et le marché mondial. Nous devons exporter notre grain, mais tant que les Européens continueront de subventionner le blé à raison de 150 $ la tonne, nous ne nous en tirerons jamais.
Le président: Leon, il vous reste une minute.
M. Leon Benoit: Quelqu'un d'autre désire-t-il répondre? J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet. J'ai beaucoup entendu parler des problèmes, mais peu des solutions. Nous devons pourtant proposer davantage de solutions.
Le président: Gordon, vous avez moins d'une minute.
M. Gordon Graves: Ne vous en déplaise, Leon, il est utopique de croire que nous puissions concurrencer les Européens et même partager leur point de vue au sujet des questions alimentaires, car ils ont connu la faim. Heureusement, ou malheureusement peut-être, nous n'avons jamais connu la faim en Amérique du Nord et au Canada en particulier. Il faut reconnaître que l'agriculture au Canada ne se limite pas qu'à la production de grain. Nous devons faire preuve d'une plus grande efficacité et nous rendre compte que deux choses fondamentales nous unissent en agriculture.
La première est le sol et notre attachement au sol. La seconde est que je ne suis pas qu'un producteur de grain ou un éleveur de bétail, je suis également producteur d'une denrée qu'on appelle la nourriture. Nous avons tout intérêt à faire preuve d'une plus grande efficacité, cesser de nous couper mutuellement l'herbe sous le pied et adopter une vue d'ensemble de la situation.
Le président: Merci, Gordon.
Joe McGuire.
M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.
Il y a un an ce mois-ci, les communautés agricoles d'un peu partout au Canada réclamaient énergiquement la création d'un programme d'aide en cas de désastre, en raison des baisses soudaines des prix du grain et du porc. Un an plus tard, nous avons ce programme, auquel le gouvernement fédéral a versé 900 millions de dollars et les provinces 600 millions. Tout récemment, nous avons ajouté un autre montant de 170 millions. Une aide de plusieurs centaines de millions dort toujours dans la caisse du CSRN et le programme ACRA renferme toujours une somme d'un milliard de dollars, qui semble demeurer inaccessible.
Où les choses ont-elles mal tourné? Il reste encore beaucoup de fonds inutilisés dans des programmes publics et privés. Il semble que l'argent soit accessible à ceux qui n'en ont pas besoin et inaccessible à ceux qui en ont besoin. Ceux qui n'en ont apparemment pas besoin disposent de coussins confortables dans le CSRN. Les statistiques albertaines indiquent que le CSRN contient encore des centaines de millions de dollars inutilisés. Sur les 500 millions disponibles, seulement 48 millions ont été utilisés jusqu'à maintenant.
• 1615
Qu'avons-nous fait de notre filet de sécurité? Nous sommes
précisément ici pour en évaluer l'efficacité et je constate qu'il
n'est pas très efficace. Il semble aider ceux qui n'ont pas besoin
d'aide.
J'aimerais que vous me disiez comment nous y prendre pour réorganiser notre filet de sécurité, surtout si nous envisageons de créer un nouveau programme d'aide à long terme en cas de désastre. Presque partout où nous sommes allés, nous avons abordé divers sujets, depuis les filets de sécurité jusqu'à la santé et à la viabilité des communautés rurales, et nous avons également appris que les fermes sont de plus en plus grandes et comptent de moins en moins de gens.
À Grand Prairie ce matin, quelqu'un disait qu'en 1960 une ferme comptait 50 personnes et que ce nombre n'est plus que de quatre aujourd'hui. Il semble s'agir d'une tendance nord- américaine.
Roger, vous avez peut-être une explication pour nous et peut- être les agriculteurs peuvent-ils nous suggérer une façon de réorienter l'utilisation des programmes d'aide.
M. Roger Epp: Si je connaissais la réponse à cette question, je me tirerais bien d'affaire.
Si on examinait la question du point de vue d'un économiste agricole, on conclurait qu'il existe une relation inverse entre la productivité des fermes et les communautés rurales, c'est-à-dire que plus on accroît la productivité d'une ferme, au sens étroit du terme, plus cela nuit à l'agriculture en tant qu'activité sociale. C'est l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés.
En ce qui a trait à l'utilisation des filets de sécurité, je crois que tout cela remonte au moment de la disparition du Nid-de- Corbeau. À certains égards, ce fut le moment décisif pour les agriculteurs de l'Ouest et nous assistons actuellement aux conséquences de cette disparition.
M. Benoit parlait des sommes d'argent considérables qui sont engagées chaque année. L'avantage de votre suggestion est qu'elle permettrait au moins de garder à la vue des gens l'argent qu'on va maintenant chercher dans les poches des agriculteurs de l'Ouest et qu'on ne leur demandait pas de payer auparavant. Le programme était très prometteur, mais il ne règle pas les problèmes.
Je crois que nous en subissons maintenant les effets. C'est une partie importante du problème. Les agriculteurs sont ceux qui supportent les coûts d'intrants les plus élevés. Je crois qu'il faudra tenir compte de la question des coûts de transport.
M. Joe McGuire: Le CSRN semble contenir beaucoup d'argent, mais il semble que ceux qui ont vraiment besoin de cet argent ne peuvent pas y avoir accès.
Gordon, avez-vous des idées à ce sujet?
M. Gordon Graves: Oui. Une partie du problème tient à la façon dont le CSRN est structuré. Il ressemble trop au programme d'aide en cas de désastre que nous avons en Alberta. Il est regrettable que le gouvernement fédéral ait vu cela comme un avantage, alors que nous savons que notre programme n'a pas fonctionné. Au lieu d'imiter le programme d'aide, le gouvernement aurait mieux fait de concevoir un programme plus fonctionnel.
Je rappelle, au sujet de Nid-de-Corbeau, que ce programme englobait beaucoup plus que le grain. Il visait également des denrées comme la phléole des prés compressée, la luzerne granulée, le b«uf en carton. En sommes, ce désastre a eu des répercussions beaucoup plus étendues que la plupart des gens ne sont prêts à l'admettre.
Le président: Victor, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet, en 30 secondes?
M. Victor Chrapko: Je ne crois pas que cette solution soit la bonne, car je la vois surtout comme un fonds de retraite. Si vous contribuez au fonds et que vous savez que vous aller vous retrouver sans argent, allez-vous y puiser jusqu'au dernier cent?
Je crois qu'en définitive nous devons, comme d'autres témoins l'ont dit ici, mettre nos propres affaires en ordre et ne pas sous soucier du libre-échange, car l'important est de nous attaquer aux problèmes que nous avons chez nous. L'accord tripartite concernant l'industrie de la viande était l'un des programmes qui semblait donner d'assez bons résultats. Je pense aussi à des programmes qui reflètent les coûts de production. Je ne saurais trop insister sur l'importance de cet aspect, car il est inutile de remonter cinq ans en arrière si on met en place des programmes qui ne tiennent pas compte des coûts de production.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir d'être ici.
• 1620
Monsieur Epp, je crois que nous en sommes à notre huitième
audience cette semaine et la grande majorité des témoins nous ont
dit qu'il fallait faire deux choses: injecter des fonds
immédiatement et créer un programme d'aide à long terme. La plupart
d'entre eux sont en faveur d'un programme de paiement à l'acre
accessible à tous, mais ils ont surtout insisté sur la nécessité
d'avoir un programme à long terme.
Vous dites probablement la même chose, mais vous avez fait remarquer que les principaux bénéficiaires d'un injection de capitaux immédiate, à court terme seraient les créanciers. Comment concilier le besoin d'argent immédiat et désespéré des agriculteurs et le fait, comme vous le disiez, que cet argent servirait surtout à rembourser les créanciers?
M. Roger Epp: Il faudrait peut-être reconnaître qu'une partie de la crise immédiate est due à l'endettement.
M. Dick Proctor: Oui, mais cela signifie que les deux programmes devraient être mis en place très rapidement. Le programme d'injection de fonds à court terme devrait être suivi immédiatement d'un programme à long terme pour éviter aux gens de crever de faim dans l'intervalle. Qu'en pensez-vous?
M. Roger Epp: Je suis d'accord. Je ne tiens pas à approfondir la question, mais quel que soit le programme mis en place, il devrait, selon moi, prévoir un paiement à l'acre. Je crois que si on veut vraiment soutenir les communautés rurales, le programme devrait également prévoir un paiement à l'acre régressif pour les agriculteurs qui se tirent bien d'affaire. Je ne sais pas comment cela fonctionnerait.
Je crois qu'on pourrait envoyer des signaux et l'un d'eux pourrait être le recours aux services des fermes expérimentales. Il faudrait trouver un moyen, peut-être peu coûteux, d'offrir aux gens d'autres solutions que celles qu'on leur impose actuellement.
M. Dick Proctor: D'accord.
Monsieur Ziegler, en réponse à la question de M. Benoit tout à l'heure, au sujet des subventions internationales et notamment américaines et européennes, vous avez en quelque sorte baissé les bras en disant que nous ne réussirions pas à surmonter ce problème. Or, il semble ressortir de la rencontre de Seattle, qui a eu lieu la semaine dernière, que cette question ne sera probablement pas réglée avant dix ans, si jamais elle l'est. Que faut-il faire en attendant? Nous ne pouvons certainement pas attendre dix ans, si nous nous fions à ce que nous ont dit les témoins cette semaine.
M. Arden Ziegler: Vous avez raison, nous ne pouvons pas attendre tout ce temps. J'ignore ce qu'il faut faire. Tout ce que je sais, c'est que si nous voulons que le Canada demeure un exportateur net de grain et qu'il puisse soutenir la concurrence internationale, il faut des règles équitables...
M. Dick Proctor: Exact.
M. Arden Ziegler: ...et ces règles n'existent pas.
M. Dick Proctor: Dans ce cas, iriez-vous jusqu'à dire que tant que les règles du jeu ne seront pas équitables, nous n'avons d'autre choix...
M. Arden Ziegler: Certainement.
M. Dick Proctor: ...que d'injecter de l'argent pour protéger nos propres agriculteurs?
M. Arden Ziegler: Exactement. Je n'exclus pas cette solution. Les solutions que je proposais s'appliqueraient à long terme.
M. Dick Proctor: Je vois.
M. Arden Ziegler: Nous devons résoudre ce problème d'une façon ou de l'autre, mais d'ici là il faut faire face à la crise actuelle.
M. Dick Proctor: D'accord. Merci.
Le président: Merci monsieur Proctor.
Avant de donner la parole à M. Borotsik, je voudrais simplement dire que les prochains témoins seront Henry Kowalchuk, Adam Campbell, Earle Rasmuson et Gregory Ibach. Nous reviendrons à vous dès que M. Borotsik aura fini de poser des questions.
Rick.
M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.
J'allais aussi commencer par interroger Arden à ce sujet. Arden, vous ne m'avez pas encore recommandé de solution à court terme. Peut-être ne le pouvez-vous pas, mais permettez-moi de vous dire ceci.
J'étais présent à Seattle. Je me suis entretenu avec les parlementaires européens, tout comme le président du comité. Je puis vous assurer, et je ne veux pas être négatif en disant cela car je ne suis pas une personne négative, que les Européens ne renonceront pas à leur philosophie ou à leur politique agricole. C'est certain.
Donc, sachant cela et sachant que des années se sont écoulées, que pouvons-nous faire à court terme? Nous avons l'ACRA. Combien ici ont formulé une demande dans le cadre de l'ACRA? À peu près 20. Combien de ces demandes ont été approuvées? Une. Bien. Je suppose que les autres font tous du bétail et que c'est pourquoi ils n'ont pas été jugés admissibles à l'ACRA.
Une voix: Nous faisons tous dans le grain.
M. Rick Borotsik: Très bien. Que faisons-nous à court terme? Nous avons l'ACRA, un programme qui fonctionne selon un système de cas par cas et qui comporte bien des lacunes, qui ne fonctionne pas pour toutes sortes de raisons. Que pouvons-nous faire, Arden? Que pouvons-nous faire pour aider?
M. Arden Ziegler: Je n'ai vraiment pas de réponse à vous donner. Vous avez mentionné une réduction des dépenses, des charges des agriculteurs. C'est une manière, mais à part les paiements à l'âcre ou à la tonne ou quelque chose...
M. Rick Borotsik: Bien. En passant, on a déjà mentionné cela—un paiement à l'âcre ou à la tonne, peut-être une subvention au transport remise autrement sur les tonnes que vous transportez.
Roger, je faisais allusion au fait que, en Europe, ils ont cette magnifique vision, cette idéologie de l'agriculture, que nous n'avons pas ici au Canada et que nous n'avons probablement plus depuis un bon bout de temps. Vous disiez que c'était plus que de planter des semences et cultiver du grain. L'agriculture, c'est aussi l'environnement, la législation sur les espèces menacées et leur habitat. L'agriculture, c'est le mode de vie rural, et c'est là une pierre d'assise du mode de pensée européen, soit qu'il faut permettre aux gens des régions rurales de conserver ce mode de vie.
Comment peut-on éduquer les citadins et leur faire comprendre que l'agriculture, c'est plus que de faire pousser du grain, et quelle valeur la société devrait-elle accorder à ces autres fonctions de l'agriculture?
Roger, c'est vous l'universitaire. Je m'attends à ce que vous répondiez à cette question, et à ce que vous nous aidiez à régler le problème.
M. Roger Epp: Je n'arrive pas à comprendre pourquoi cette idée est si difficile à faire passer dans notre pays.
M. Rick Borotsik: Comment la faire passer?
M. Roger Epp: Je n'en suis pas sûr. Même dans cette province... Cette province est devenue l'une des plus urbanisées du pays, et l'écart entre milieux urbain et rural grandit toujours. On va à Calgary. Je pense que la plupart des gens de Calgary n'ont plus aucun lien avec l'Alberta rurale. C'est une curieuse dynamique.
Je pense que, à certains égards, nous avons la mentalité américaine. Nous avons grandi dans un milieu où l'alimentation devait être bon marché, et c'est très dur de changer ce mode de pensée. Ce ne sera peut-être pas le sauvetage de l'agriculture à grande échelle mais les inquiétudes des consommateurs, qui commencent à nous être communiquées en provenance d'Europe, qui rétabliront une certaine relation entre les agriculteurs et leurs acheteurs immédiats. En effet, les consommateurs commencent à s'inquiéter de savoir d'où viennent les aliments qu'ils mangent. C'est peut-être bien mince comme possibilité, mais cela me semble la seule possibilité qu'il y ait réellement...
M. Rick Borotsik: Gordon, dans votre mémoire, vous avez abordé cette question. Avez-vous des observations à formuler, à savoir où nous devons nous diriger à partir de là, en matière de sensibilisation des citadins?
M. Gordon Graves: En fait, ma façon de penser est peut-être un peu radicale, mais j'adopterais une position tout autre et favoriserais une autre orientation.
Je sais que l'Alberta affirme que nous avons 30 000 agriculteurs en trop. Ma réponse à cela serait que, si l'on retire ces 30 000 agriculteurs de l'Alberta, cela représente une petite ville, si l'on pense aux familles directement touchées et à celles qui le seraient indirectement, en raison des répercussions sur trois emplois, avec les pourcentages que cela représente.
Si nous leur faisons valoir que l'élimination de ces 30 000 agriculteurs de l'Alberta—et de toute évidence, la Saskatchewan n'a pas assez de population pour qu'on en supprime plus de 20 000 de cette province... On pourrait rajuster les chiffres, mais le déplacement de 30 000 agriculteurs en Alberta, avec le déplacement des fermes et l'effondrement de l'Alberta rurale, aurait pour effet, croyez-le ou non, qu'un nombre aussi effarant que 480 000 personnes chercheraient une toit, un emploi et de quoi se nourrir. C'est peut-être l'orientation que nous devrions prendre—attaquons- nous à leur propre portefeuille—parce que, en tant qu'agriculteur, je suis habitué à travailler de longues heures pour avoir juste de quoi assurer ma subsistance.
M. Rick Borotsik: Bon, j'ai une autre question: quelle valeur comptant la société peut-elle accorder à cela?
À mon avis, la société doit payer pour ce qu'elle demande aux agriculteurs. Nous avons maintenant un puits de carbone. L'agriculture et l'environnement contribueront beaucoup au puits de carbone. Quelle valeur devrait-on y accorder, et comment transformer cette valeur en argent qui irait dans les poches des agriculteurs?
Le président: C'est la dernière réponse, et je veux qu'elle soit assez brève.
M. Gordon Graves: Valeur en argent, 25 000 $ par ferme, à l'heure actuelle.
Le président: Merci.
Avant que vous partiez, Rick a demandé combien de personnes dans l'assistance avaient reçu des paiements de l'ACRA, et très peu de mains se sont levées.
M. Rick Borotsik: Une.
Le président: La question avait déjà été posée avant. C'est toujours la même chose. Peu de mains se lèvent. Pourtant, en Alberta, 68 millions de dollars ont été distribués jusqu'à maintenant. La semaine dernière, selon les chiffres que j'ai en main, cinq demandes ont été présentées dans cette province. C'est intéressant.
Quoi qu'il en soit, merci beaucoup. J'ai vraiment apprécié vos interventions.
• 1630
Nous devons passer au groupe suivant, soit à MM. Henry
Kowalchuk, Adam Campbell, Earl Rasmuson et Gregory Ibach. Merci,
Messieurs. Je vous souhaite à tous la bienvenue.
Comme d'habitude, nous procéderons par ordre alphabétique, à moins qu'il n'y ait de fortes objections. M. Campbell, merci d'être venu. Vous pouvez commencer.
M. Adam Campbell (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.
D'abord, je pense que je dois être une des personnes les plus stupides dans cette salle. Je suis venu d'Écosse, comme vous pouvez le constater par mon accent, pour cultiver la terre au Canada.
L'une des choses que j'aimerais dire au départ, c'est que nous entendons beaucoup de choses au sujet des subventions européennes. Les agriculteurs européens ont aussi besoin de subventions. Je le sais pour avoir discuté avec des amis dans mon pays. C'est aussi ce que je pense personnellement. Je suis parti parce que je ne réussissais pas à gagner ma vie en cultivant la terre en Europe. La seule chose qui soit en notre faveur, c'est le prix élevé de la terre. On peut tenir bon un petit bout de temps là-bas.
Ce que je veux dire, c'est que quelques-uns d'entre nous, la semaine dernière, étaient passablement inquiets face à la situation. Nous nous sommes donc réunis. Je vous lis la déclaration que nous avons rédigée.
L'agriculture dans l'ouest du Canada a toujours présenté un certain risque attribuable aux conditions du temps ou aux prix du marché. Toutefois, au cours des dernières années, de nouveaux risques se sont développés, et ils peuvent aboutir à des résultats encore plus dévastateurs que les fluctuations du marché ou des conditions météorologiques. Ces risques sont, entre autres, le retrait naïf de systèmes d'aide qui assuraient la stabilité des fermes familiales, comme le tarif du Nid-de-Corbeau, la Loi de stabilisation concernant le grain de l'Ouest et le Régime d'assurance-revenu brut. En outre, la protection des obtentions et le duopole des chemins de fer sont autant de raisons de s'inquiéter. Même les frais d'inspection et les frais de la Commission canadienne des grains, autrefois financés par le gouvernement, sont maintenant à la charge des agriculteurs.
Les prix des céréales et des oléagineux ont chuté à un niveau qui ne permet pas au producteur moyen d'arriver. Selon toutes les prévisions, les surplus mondiaux auront pour effet de garder les prix à la baisse durant plusieurs années.
Cette crise du revenu est très grave. Nous pourrions perdre beaucoup de bons agriculteurs et membres de la communauté. Cela changera les perspectives des fermes familiales de l'ouest du Canada. À moins qu'on ne nous donne un peu d'espoir, la composition des Prairies s'en trouvera radicalement changée. Qu'est-ce que nous transmettrons aux générations futures? Aurons-nous quelques fermes gigantesques et pas assez d'habitants pour garder nos collectivités vivantes? La terre a besoin que des familles y vivent, car elles s'alimentent mutuellement. Il est très important pour le pays que nos collectivités restent viables. Le dépeuplement des régions rurales n'est pas un avenir souhaitable.
Les charges des agriculteurs de notre pays sont sans aucune relation avec le prix des denrées. Il faut souvent l'équivalent d'une pleine cellule à grain pour effectuer des réparations plutôt mineures. Les prix des produits de la ferme doivent être comparables à ceux des exportations subventionnées des pays concurrents. Le prix du carburant augmente. Le CP, le CN, les banques et les fabricants de produits chimiques ont tous des tarifs qui assurent un taux élevé de rendement pour leurs actionnaires. Si l'on doit se fier à la concurrence pour empêcher les sociétés de demander un prix trop élevé à leurs clients, pourquoi les chemins de fer, les banques et les fabricants de produits chimiques font- ils des profits aussi énormes?
Les Canadiens ne devraient pas se plaindre d'une politique d'aide à l'agriculture. Les sociétés pétrolières ont eu des subventions et des primes d'incitation quand les prix ont chuté. Même les travailleurs de l'automobile ont de très bons salaires, en partie grâce aux droits de douane élevés imposés sur les voitures étrangères. C'est tout aussi important pour l'économie canadienne d'avoir un secteur agricole en santé. Il faut investir un peu d'argent du gouvernement pour protéger ce secteur.
Beaucoup de formes d'aide à l'agriculture ont été éliminées graduellement, ces derniers temps. Le tarif du Nid-de-Corbeau, qui nous a permis de transporter nos produits jusqu'aux ports à des prix concurrentiels a été éliminé à un moment où les prix étaient élevés. Il en a probablement coûté environ 20 000 $ par année à l'agriculteur moyen. La Loi de stabilisation concernant le grain de l'Ouest aurait bien aidé les agriculteurs, cette année.
Les grandes sociétés—les chemins de fer, les compagnies céréalières, les fabricants de produits chimiques, les sélectionneurs de végétaux et les banques—ont de plus en plus d'influence dans le développement de l'agriculture et de la politique agricole. Elles ont de l'argent à consacrer aux relations publiques et à la publicité. Ces groupes défendent leurs propres intérêts plutôt que ceux des agriculteurs. La Western Canadian Wheat Growers Association, par exemple, a l'appui d'une longue liste de sociétés déterminées à réaliser leur propre programme.
• 1635
Le rejet des rapports Estey et Kroeger apporterait des
avantages immédiats pour les agriculteurs. J'ai découpé quelque
chose dans le journal. J'ai pensé que ce serait intéressant. Ces
rapports sont un bon exemple de manipulation passant outre aux
intérêts des agriculteurs.
La protection des obtentions est un autre exemple. La loi régissant cette protection rendra les choses de plus en plus difficiles pour les agriculteurs quand ils voudront avoir un certain contrôle sur les coûts des semences et des produits chimiques. Comme les obtentions végétales sont de plus en plus le fait d'un nombre d'intéressés toujours plus petit, le coût des semences et des produits chimiques augmentera inévitablement, tant que le marché pourra assumer ces hausses. Les sélectionneurs publics doivent continuer d'exister, parce que toute la société peut bénéficier des variétés améliorées. Tous les bénéficiaires de ces opérations devraient avoir leur mot à dire. Les agriculteurs sont souvent mal équipés pour faire des pressions en vue de défendre leurs propres intérêts.
Quelles seraient les solutions? D'autres pays aident leurs agriculteurs à assumer leurs coûts et à améliorer leurs revenus en offrant des subventions aux exportations et à la production. C'est très improbable que nous obtenions de ces pays puissants qu'ils suppriment ces formes d'aide. Par conséquent, pour que l'agriculture du Canada demeure concurrentielle et qu'elle survive, notre gouvernement doit offrir une aide proportionnelle à celle dont jouissent nos concurrents.
Nous avons maintenant besoin d'une aide à court terme. C'est ce qui permettra aux fermes familiales de passer au travers de la crise actuelle. Un paiement à l'âcre suivant l'infrastructure de rachat du Nid-de-Corbeau serait peut-être une solution. Nous avons aussi besoin d'un plan à plus long terme pour maintenir les revenus agricoles à un niveau rentable. L'aide pourrait être basée sur le soutien offert aux agriculteurs dans les pays concurrents.
Nous comprenons qu'il n'y a pas de solution facile à cette crise mondiale de l'agriculture, mais il est temps que nos politiciens fassent preuve d'un leadership ferme et imaginatif pour conserver une collectivité rurale viable.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Campbell.
La parole est maintenant à Gregory Ibach. Bienvenue.
M. Gregory Ibach (propagandiste agricole, Conseil du comté de Lakeland): Merci. Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis ici pour représenter le conseil du comté de Lakeland, l'Agricultural Service Board ainsi que les contribuables. Je présenterai leurs points de vue et leurs préoccupations.
Les agriculteurs du comité de Lakeland ont connu l'une des campagnes agricoles les plus sèches de leur histoire. Le rendement du foin et de la pâture a été moins bon du tiers, environ, par rapport aux rendements moyens. On a constaté des réductions des troupeaux de base.
Nous sommes heureux d'avoir un report d'impôt sur les recettes de la vente des troupeaux de base pour l'exercice 1999. Toutefois, nous apprécierions un peu plus d'égards pour les agriculteurs qui risquent de devoir vendre deux productions de veaux de l'année dans une même année en raison de la sécheresse. Le report d'impôt aurait dû être annoncé des mois auparavant, et on aurait dû nous donner plus de détails. On l'a déjà fait par le passé; pourquoi pas cette année?
Les programmes d'aide en cas de sécheresse annoncés par les gouvernements fédéral et provinciaux ne donnent pas aux agriculteurs touchés par la sécheresse l'argent dont ils ont besoin. Le programme de prêts annoncé par le gouvernement de l'Alberta donnera un peu de liquidités à certains, mais il faudra le rembourser un jour. Les changements faits en vertu du programme de soutien du revenu en cas de calamité pour 1998 n'aideront en rien la plupart des éleveurs pour cet exercice fiscal. Si les changements apportés pour la campagne agricole de 1998 sont envisagés pour 1999, quelques autres naisseurs seront admissibles, mais ces programmes n'offrent pas les liquidités nécessaires au moment où on en a le plus besoin.
Les programmes d'aide en cas de catastrophe n'injectent pas d'argent. Les producteurs s'inquiètent de la campagne agricole 1999 et les dépenses doivent être payées cette même année. À l'heure actuelle, il faut un an et demi pour que les programmes d'aide en cas de catastrophe profitent aux producteurs. Ils ne recevront pas un sou avant le printemps de 2001 pour les dépenses effectuées en 1999. À ce moment-là, il sera trop tard pour de nombreux producteurs, surtout si l'an 2000 se révèle être aussi catastrophique que 1999.
Parlons maintenant de la faiblesse des prix pour les céréales et les graines oléagineuses. Elle force les agriculteurs à utiliser leur avoir propre dans l'exploitation comme moyen de poursuivre leurs activités. Il est extrêmement difficile pour les agriculteurs dans l'ouest du pays de produire et de concurrencer les prix subventionnés des producteurs européens et américains. Le gouvernement fédéral doit essayer d'égaliser les règles du jeu pour tous. Aux États-Unis la production est subventionnée dans une proportion de 33 p. 100. Au sein de la Communauté économique européenne, c'est encore pire, puisque la proportion est de 56 p. 100, alors qu'au Canada, elle n'est que de 9 p. 100. Comment pouvons-nous être compétitifs dans ces conditions?
Cela ne peut continuer à long terme ni même à court terme. Cette crise se fait sentir maintenant et il faut s'y attaquer avec vigueur.
Le PSRC et l'ACRA offrent des fonds à l'industrie agricole, mais pas nécessairement aux agriculteurs directement. Les niveaux sont beaucoup trop bas. Pour être admissibles, les agriculteurs doivent avoir des revenus inférieurs à 70 p. 100 de leurs revenus moyens pour les trois meilleures années au cours des cinq dernières années. Dans notre cas, quatre des cinq dernières années ont été catastrophiques.
• 1640
En termes simples, les agriculteurs doivent perdre plus de 30
p. 100 de leurs revenus pour avoir droit à des paiements les
ramenant à seulement 70 p. 100 de leurs revenus moyens. C'est
inacceptable. On cause des torts à long terme très graves aux
agriculteurs et à leur viabilité. Mettons en place maintenant des
solutions réalistes et constructives.
Les paiements en fonction de la superficie sont une bonne idée. Ils permettent de verser immédiatement de l'argent directement aux agriculteurs, et ce sont eux qui en ont le plus besoin. Il s'agit d'investir de l'argent au bas de l'échelle et ensuite, tous les échelons finiront par en profiter. Lorsque l'argent part d'en haut et descend vers le bas, il y a trop de pertes et en fin de compte, à peine un tiers des sommes parviennent à ceux auxquels elles étaient destinées.
Égalisons les subventions. Les États-Unis et la CEE ne sont pas sur le point de réduire leurs subventions et il ne nous reste plus qu'à augmenter les nôtres. Mettons en place des programmes d'encouragement des exportations semblables à ceux en vigueur aux États-Unis et dans la CEE. Les États-Unis et la CEE traitent les agriculteurs comme une industrie primaire nécessaire qu'on doit maintenir à tout prix pour préserver les sources d'alimentation. Pourquoi le Canada ne pourrait-il pas suivre cet exemple? Pourquoi tirons-nous de l'arrière?
À l'heure actuelle, nos programmes ne répondent pas comme il se doit aux problèmes à long terme ni même aux problèmes immédiats. Les sommes versées dans le cadre du programme arrivent beaucoup trop tard pour répondre aux besoins immédiats. On perd beaucoup d'argent dans ces transferts de haut en bas et les rentrées d'argent à long terme sont inadéquates pour assurer la viabilité. Si le gouvernement fédéral n'est pas disposé à verser des subventions par l'entremise de programmes d'encouragement des exportations ou de paiements en fonction de la superficie, pourrait-il alors répondre aux questions suivantes?
Veuillez dire aux agriculteurs canadiens quelle voie ils doivent suivre pour rendre leurs exploitations rentables. Quelles mesures les agriculteurs actuels doivent-ils prendre pour réaliser des profits? Comment les agriculteurs font-ils de l'argent pour survivre et poursuivre leurs activités? Quel est l'avenir des agriculteurs canadiens? Sans signes constructifs ou encourageants de la part du gouvernement fédéral, comment les agriculteurs vont-ils pouvoir survivre?
L'âge moyen des agriculteurs est d'environ 57 à 60 ans. On retrouve peu de jeunes dans ce secteur. Comment les exploitations agricoles vont-elles poursuivre leurs activités? En quoi encourage-t-on les jeunes agriculteurs à se lancer dans ce secteur ou même à y rester? Quel est l'avenir dans 15 ans?
Voici certains prix de produits: l'orge, produite hors-Commission, en 1999, 1,80 $ le boisseau; l'orge, paiement initial, 1982, 2,41 $ le boisseau et en 1989, 89c. le boisseau. Pour ce qui est du canola, en 1982, le prix était de 6,60 $ le boisseau et en 1999, de 5,60 $ le boisseau.
Voici quelques comparaisons de coûts: le carburant diesel, 1982, 24c. le litre et en 1999, 35c. le litre; l'essence mauve, 1982, 26c. le litre et 1999, 46c. le litre; les tarifs des ateliers de réparation, 1982, 27 $ l'heure et 1999, 55 $ l'heure. Les coûts d'équipement: un tracteur de 130 chevaux, 1979, 32 000 $ et 1999, 120 000 $; une moissonneuse-batteuse, 1981, le modèle haut de gamme, 72 000 $ et en 1999, il est question de plus de 225 000 $.
La situation n'est guère meilleure dans l'industrie du naissage. Pour les coûts d'entretien et les dépenses par vache, il faut compter environ 300 $. Avec 150 vaches à 300 $ la tête, cela représente des coûts de 45 000 $. En ce qui concerne les revenus, 130 veaux de marché à 600 $ pièce et 15 vaches vides ou vaches de réforme à 600 $ chacune donnent un revenu de l'ordre de 87 000 $. Lorsqu'on soustrait les coûts d'entretien et les dépenses il reste un revenu net de 42 000 $. Les frais de subsistance d'une famille de quatre sont de 25 000 $. Il reste donc 17 000 $. Cette somme doit servir à rembourser la dette, à payer les impôts municipaux, provinciaux et fédéraux et à remplacer ou réparer de l'équipement. Si on ajoute à cela un prêt d'exploitation d'environ 35 000 $, il reste une dette de 18 000 $ qui doit être remboursée cette année.
Pour ce qui est de l'investissement agricole total, les terres valaient 400 000 $, l'équipement 200 000 $ et les installations de base 100 000 $, pour un total approximatif de 700 000 $, sur lesquels on doit environ 60 p. 100.
Nous nous préoccupons également de la taxe sur les carburants. Il semble que le gouvernement fédéral ne consacre pas l'argent perçu grâce aux taxes sur le carburant aux routes et à l'infrastructure dans l'ouest du pays. Beaucoup de voies secondaires du réseau ferroviaire sont abandonnées, ce qui impose des pressions accrues sur le réseau routier de l'Ouest à cause de l'accroissement du trafic de camions.
• 1645
Le gouvernement fédéral doit envisager d'aider au niveau de
l'infrastructure, surtout en ce qui concerne le réseau routier. Il
faut revenir à ce qu'on avait dans le passé et rétablir le
programme d'infrastructure agricole. C'est nécessaire pour
continuer de moderniser notre infrastructure afin de répondre aux
besoins.
En ce qui concerne les questions de développement rural, des changements majeurs se produisent dans les régions rurales de l'ouest du pays. De nombreux vendeurs indépendants d'engrais et d'herbicides fusionnent avec de grandes compagnies céréalières. De nombreuses compagnies céréalières ferment des silos-élévateurs et déménagent dans un endroit plus central. À la suite de la fermeture des silos-élévateurs et de la concentration qui se produit dans le domaine des fournitures agricoles, il y a moins de concurrence. En fin de compte, il n'y a pas autant de gens vivant dans les régions rurales à cause du regroupement du personnel dans des endroits plus centraux.
Dans le passé, les gouvernements fédéral et provinciaux ont offert des programmes d'aide destinés à faciliter l'ajustement aux changements qui se produisaient dans les régions rurales de l'ouest du pays. À ce moment-ci, il y a très peu de programmes—je n'en connais aucun—pour aider les gens en cette période d'ajustement et de transition.
Sur le front de la biotechnologie, récemment, la réaction des consommateurs est devenue très négative relativement à tout produit alimentaire génétiquement modifié. La plupart des consommateurs et des producteurs et de nombreux agronomes professionnels ne comprennent pas tous les effets des aliments génétiquement modifiés. À la suite de la privatisation de la majeure partie des services d'inspection des aliments, de nombreux consommateurs ne croient pas qu'on s'occupe comme il se doit des questions de sécurité alimentaire.
Le gouvernement fédéral peut-il garantir que les aliments génétiquement modifiés n'auront pas des effets à long terme sur les humains? Peut-il garantir que la privatisation de nombreux services d'inspection permettra de faire en sorte que les Canadiens puissent compter sur des produits alimentaires sûrs et de haute qualité?
Sur la scène mondiale, au lieu qu'on utilise le principe de la prudence, dans le cadre duquel les gouvernements pouvaient limiter l'accès aux marchés qu'avaient des entreprises lorsqu'il y avait des doutes sur les plans de la santé et de la sécurité, ce sont les gouvernements qui doivent effectuer les recherches pour essayer de prouver qu'un produit n'est pas sûr. Les entreprises présentent un produit et demandent au gouvernement de prouver qu'il n'est pas sûr s'il le veut. Le gouvernement doit continuer d'avoir le pouvoir d'utiliser le principe de la prudence pour assurer la santé et la sécurité de la population. Pouvons-nous être encore certains que ce principe continuera de s'appliquer?
Là encore, dans notre région, notre conseil, notre commission des services et nos agriculteurs sont prêts à collaborer avec le gouvernement fédéral pour trouver une solution, mais le gouvernement doit agir. Il doit donner l'exemple.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Ibach.
Des voix: Bravo!
Le président: Nous accueillons maintenant M. Henry Kowalchuk.
Bonjour Henry.
M. Henry Kowalchuk (témoignage à titre personnel): Bonjour monsieur le président, membres du comité de l'agriculture, mesdames et messieurs, et agriculteurs comme moi.
Il est tout à fait incroyable aujourd'hui de venir ici et de voir autant d'agriculteurs qui ne devraient pas assister à des réunions. Ils devraient peut-être se reposer dans leur fauteuil et prendre la vie du bon côté après avoir passé leur vie à exploiter la terre, à élever une famille et à faire fonctionner notre pays. Si ces agriculteurs sont ici aujourd'hui, mesdames et messieurs, ce n'est pas parce qu'ils n'ont rien de mieux à faire. Ils sont ici parce que nous éprouvons tous des difficultés.
Vous pouvez penser que les gens ont quelque chose à se reprocher s'ils sont dans cette situation difficile. Eh bien, permettez-moi de vous dire que ce n'est pas notre faute, que c'est la situation à laquelle nous sommes confrontés. C'est pourquoi nous sommes tous ici. Je suis vraiment sidéré de voir ici autant d'hommes de mon âge et plus vieux. Cela vous montre qu'ils ne devraient pas être parmi nous, mais ils sont encore actifs. Il doit y voir un problème et c'est la raison pour laquelle ils sont ici.
On nous dit: «À quoi tous ces problèmes sont-ils attribuables? Comment les avez-vous créés? Vous devez être de mauvais gestionnaires.» Eh bien, lorsque j'ai été invité à cette rencontre, j'ai lu le fax et on parlait d'aide agricole. Alors, ma femme et moi avons commencé à rassembler quelques petites choses, car vous savez, nous ne voulons pas mendier. Nous n'avons jamais mendié. Je ne l'ai jamais fait. Je ne crois pas qu'aucun de ces messieurs l'ait jamais fait non plus. Nous voulons être traités de façon équitable. Or, une solution équitable ne pointe pas à l'horizon. J'ignore pourquoi. Pour moi, c'est un peu comme si beaucoup de problèmes étaient créés pour nous et nous devions nous en accommoder.
Pendant des années et des années, nous avons vendu le grain dans le cadre du tarif du Nid-de-Corbeau. Tout à coup, ce tarif a été supprimé. On nous a promis une vie de luxe après la disparition du tarif du Nid-de-Corbeau, car ce tarif nuisait à notre gagne- pain.
Des voix: Bravo!
M. Henry Kowalchuk: Savez-vous ce qui s'est produit? Il se trouve que j'ai vendu du grain l'autre jour. Je suis un aîné, j'ai dû pelleter le blé pour le faire parvenir au marché. Nous avions besoin de l'argent. J'ai vendu ce blé et j'ai laissé sur le comptoir 25 p. 100 de l'argent que j'ai obtenu, mesdames et messieurs du comité. Si j'avais au moins 80 p. 100 de cet argent que j'ai laissé sur le comptoir, je pourrais avoir un joyeux Noël. Je pourrais peut-être acheter quelques cadeaux. Cependant, il n'en est rien. Le tarif du Nid-de-Corbeau a disparu et nous avons alors tous connu l'enfer en même temps ou nous allons le connaître, ce n'est qu'une question de temps. On m'a dit que c'est très complexe pour en arriver là.
Cependant, avec l'aide de notre gouvernement... Et c'est vraiment là que le bât blesse. J'ai beaucoup de mal à accepter la situation, car j'ai aidé à ma façon à faire élire ce gouvernement en installant une affiche, en parlant peut-être à un voisin, en serrant des mains, en prodiguant des encouragements. Et j'ai fait tout cela dans l'espoir d'améliorer la situation au Canada. Or, nous faisons face à une catastrophe. Cependant, nous n'allons pas abandonner et nous ne sommes pas encore perdus.
Après la disparition du tarif du Nid-de-Corbeau, on nous a promis un gros paiement et c'était la pire duperie jamais vue. On a bel et bien effectué un paiement. La plupart des gens qui ont reçu de l'argent vivaient dans les villes et possédaient les terres. Les gens qui louaient la terre, qui payaient les factures et produisaient le grain, n'ont rien obtenu. On nous dit que c'est le gouvernement. Et on pouvait engager un autre bureaucrate à Regina pour 200 $ ou 300 $ l'heure pour nous aider, et personne ne l'a jamais fait. Les choses ne fonctionnent pas de cette façon. Vous ne pouvez engager personne pour vous aider lorsque les bureaucrates vous ont à la gorge.
Eh bien, nous avons abandonné le tarif du Nid-de-Corbeau et nous sommes perdus. Rien de bon ne se produit. Nous perdons de l'argent. Ainsi, on dit que les agriculteurs... et c'était un grand terme que le ministre a utilisé. Je ne voudrais pas utiliser un terme comme celui-là pour parler des animaux. On a parlé de mauvaise ascendance ou quelque chose du genre. Je ne sais pas, mais je pense que nous avons d'excellentes origines pour être en mesure de subir tous les coups que nous recevons.
Les choses ne s'améliorent pas. On dit que les agriculteurs mendient. Il n'en est rien. Nous essayons de vous éclairer. Vous pourriez peut-être faire quelque chose pour nous en réduisant la taxe sur les carburants. Nous avons une taxe d'accise sur les carburants. Vous savez qu'il y a une TPS que nous devons tous payer. On nous a promis de l'éliminer, mais elle est toujours là.
Ensuite, il y a l'échec des pourparlers commerciaux à Seattle. Nous respectons les règles, surtout le Canada... et je ne sais pas pourquoi le Canada est si vulnérable. Cependant, il envoie toujours des soldats un peu partout pour régler des problèmes, qu'il y en ait ou pas, qu'on en ait besoin ou non, parce que le Canada est une très grande nation.
L'accord de l'OMC entraîne des distorsions sur nos marchés. Les Européens obtiennent des subventions, les Américains ont des subventions cachées dont ils ne parlent pas et qui, selon eux, n'existent même pas. Ils prétendent que nous subventionnons et que nous ne sommes pas censés le faire, mais ils peuvent quant à eux. Ensuite, ils peuvent nous imposer des amendes ou une chose ou l'autre s'ils veulent venir s'établir au Canada et, disons, prendre notre eau ou construire une usine de produits chimiques ou une chose du genre que nous ne permettons pas. Ils peuvent nous imposer des amendes. Nous avons versé 22 millions de dollars à Exxon ou quelqu'un aux États-Unis l'été dernier.
Ce sont les choses qu'il font sous le couvert du libre- échange. Nous ne faisons pas d'argent. Cela nuit à notre cause en tant qu'agriculteurs. Pourtant, tous les autres ont le contrôle. Nous ne sommes plus libres et nous n'allons pas l'être et plus ce prétendu libre-échange pour les entreprises et tous ceux qui ont de l'argent... Nous sommes des esclaves. Mon grand-père est venu au Canada il y a 100 ans pour échapper à cela. Pourquoi est-il venu s'établir au Canada? Parce qu'il voulait des terres. Il n'en avait pas.
J'ai rencontré un homme dans une réunion de la commission d'élevage. Il venait également d'Afrique du Sud. Cependant, c'est un libertarien et les libertariens croient qu'il n'y a que quelques personnes qui devraient tout contrôler. Mon grand-père voulait seulement obtenir un petit peu, et je crois dans cela, et tous ces autres gens croient qu'ils veulent un peu de leurs propres biens. Nous aimons la propriété. C'est ce pourquoi nous travaillons et c'est ce qui nous permet de poursuivre lorsqu'il n'y a plus d'argent, car nous devrions tous abandonner autrement. Cependant, nous n'en faisons rien et nous allons...
• 1655
J'espère que je ne parle pas trop fort, car on m'a toujours
dit que je parlais très fort et beaucoup de gens ont les oreilles
sensibles, mais je tiens à vous dire qu'on ne peut pas parler aux
bureaucrates, qu'il faut trouver une façon de leur faire entrer
quelque chose dans la tête. La seule façon de le faire, qu'on parle
de juges ou de gens grassement payés, c'est l'argent. Tout le monde
comprend ce langage.
Comment un député se sentirait-il si en réduisant de 20 p. 100 son chèque de paye? Je me demande comment il réagirait. Je sais que les agents de la GRC n'apprécient pas et n'hésiteront pas à déclencher une grève. Les juges n'aiment pas cela, pas plus que les grands avocats grassement payés. Le juge est nommé. Si vous lui parlez d'argent, eh bien, c'est insultant. Il est censé toucher tout l'argent du monde.
Pourquoi les agriculteurs ne peuvent-ils obtenir une part équitable? Nous demandons simplement de rentrer dans nos frais. Dans le cadre de tous les programmes mis en place jusqu'à maintenant, il n'a jamais été question du coût de production, et si nous...
Des voix: Bravo!
M. Henry Kowalchuk: Je pensais que quelqu'un voulait...
Le président: Vous commencez à manquer de temps, Henry. Vous vous en sortez très bien.
M. Henry Kowalchuk: Le temps, on en a beaucoup. Je ne fais que commencer.
Il est question de Kyoto ici. Comme on dit, la couche d'ozone s'appauvrit. Très bien, les agriculteurs ont été les premiers à faire leur part. Combien de semoirs pneumatiques avons-nous ici, chez nous? Très bien. Cela aide la couche d'ozone, de façon involontaire ou par inadvertance ou je ne sais quoi, mais nous faisons notre part. Pourquoi le gouvernement, dans sa sagesse ne nous a-t-il pas donné une petite partie des recettes tirées de la taxe sur les hydrocarbures ou un petit peu de financement pour cela? C'est incroyable.
Il y a beaucoup de jeunes agriculteurs et d'agriculteurs plus âgés qui remboursent leur hypothèque. C'est une autre perle. C'est de l'argent après impôt. Pourquoi ne pas avoir un programme dans le cadre duquel lorsque la situation est si difficile, on peut prévoir une certaines souplesse, certains ajustements, peut-être de petites économies après impôt ou quelque chose du genre?
Je ne suis pas comptable. Je ne connais pas les termes exacts, mais j'espère que vous comprenez le sens de ce que j'essaie de vous dire. Nous devrions obtenir quelques déductions fiscales. Nous ne devrions peut-être pas avoir à payer autant d'impôt et nous pourrions alors rembourser notre hypothèque. Si nous faisons cela, nous pourrons peut-être obtenir une certaine souplesse quant à nos revenus.
Le président: Nous devons entendre Earl.
M. Henry Kowalchuk: Oui, nous allons le faire. Un instant, car j'en arrive à la meilleure partie.
L'autre perle que nous avons eue, c'est le poison pour geomys. Beaucoup de gens ont déclaré qu'il était tout à fait stupide de parler de poison à geomys à des représentants aussi futés de la Chambre des communes. J'ai dit que oui, mais je suis un agriculteur. J'exploite une grande superficie de prairies. Nous sommes ce qu'on peut appeler des exploitants en polyculture. Tout à coup, on a retiré la strychnine du poison à geomys, parce que les hiboux de quelqu'un étaient morts quelque part, comme à Beaver Lake. Tout à coup, on a appelé tous les gens importants au Canada et on a décidé de diluer le poison.
Que faisons-nous maintenant? Nous nourrissons les geomys et il n'y a aucune action, aucune réaction. J'ai été surpris que M. Benoit soit le seul à en parler.
Une fois, il y a trois ans, je suis monté là-bas et j'ai parlé par autotéléphone aux divers représentants des fabricants de produits chimiques pour leur demander pourquoi je ne pouvais obtenir de la strychnine. Ils m'ont dit qu'ils avaient les mains liées. Je me suis donc rendu au bureau de comté. On m'a enfin dit d'aller acheter un seau de ce nouveau produit dilué.
Je voulais en apporter, mais j'avais un trop grand respect pour les membres du comité pour leur apporter un seau d'orge. Vous savez, on paie 44 $ pour un boisseau d'orge dans lequel on retrouve pour 2 $ de strychnine et cela est censé servir de poison pour les geomys. Cela ne fonctionne pas et je le sais par expérience, car nous l'avons mis à l'essai non pas sur nous-mêmes, mais sur les geomys.
Messieurs, le problème ici, c'est que nous essayons de faire de notre mieux. Nous voulons bien souffrir quelque peu. Nous l'avons fait toute notre vie. Nous avons survécu. Nous voulons simplement que le gouvernement nous aide en cas de besoin.
• 1700
En 1991-1992, nous avons éprouvé le même problème. Nous avons
fait face à une sécheresse, mais elle n'était pas aussi importante.
Nous avons eu quelques réunions. De 1 200 à 1 400 personnes y ont
assisté. Le ministre est venu à ces réunions. Il nous a parlé du
marché européen ou du marché des exportations en disant qu'il y
aurait une aubaine là. Nous ne pouvons aller sur les marchés
étrangers sans protection.
Quoi qu'il en soit, on nous a dit que ce n'était pas une catastrophe assez importante et qu'on ne pouvait donc nous payer. Eh bien, vous savez ce qui s'est produit? Le ministre a été défait aux élections suivantes et ne fait plus de politique. J'espère quand même, messieurs, que vous pouvez comprendre. C'est un problème qui échappe à notre contrôle; nous sommes les victimes. Nous voudrions que vous jouiez un rôle utile et nous pourrions peut-être améliorer ensemble la situation.
Le président: Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Vous avez été très patient. Allez-y.
M. Earl Rasmuson (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je me suis lancé dans l'agriculture en 1962, à ma sortie du Olds College. Je me suis alors joint à mon père sur l'exploitation agricole familiale. Depuis, j'ai été rejoint par deux frères et notre exploitation a changé au fil des ans. À l'heure actuelle, nous exploitons une entreprise de cochonnage de 400 têtes en plus de nous livrer à la culture de céréales à sol ouvert.
Depuis que je suis agriculteur, les profits excessifs n'ont jamais été un problème. Dans l'ensemble, les agriculteurs ont obtenu un rendement de 0,6 p. 100 sur leur investissement en 1998. Au cours du dernier trimestre de 1998 et en 1999, les prix versés aux agriculteurs pour leur porc ont tombé à leur plus bas niveau depuis les années 30. Pourtant, les entreprises de transformation et les détaillants ont continué d'exiger des prix élevés du consommateur. Le coût du blé dans un pain valant 1,33 $ est de 5c., la même chose qu'en 1974, alors que le prix du pain était alors de 43c.
Le prix actuel du porc est demeuré inchangé depuis 1984 alors que le prix des côtelettes de porc a augmenté de 250 p. 100. En 1998, les agriculteurs produisant des céréales ont eu un rendement négatif sur leurs investissements. La même année, Kellogg's, Quaker Oats et General Mills ont eu des rendements sur leurs investissements de 56 p. 100, 165 p. 100 et 220 p. 100 respectivement.
On demande aux agriculteurs d'être plus efficaces, d'adopter de nouvelles technologies et de réduire leurs coûts simplement pour rester en affaires. Pourtant, ces règles ne s'appliquent pas aux autres intervenants dans l'industrie alimentaire, à cause de leur taille et du manque de concurrence. Dans le secteur alimentaire, les profits sont réalisés une fois que les produits ont quitté l'exploitation agricole.
Le marché ne fonctionne pas pour les agriculteurs. À l'heure actuelle, ceux qui dépendent des exportations ont un problème de revenus, alors que ceux qui produisent pour les marchés stables canadiens, où les prix sont plus élevés, sont généralement épargnés.
La crise quant au prix du porc a surgi lorsque les gouvernements ont supprimé les guichets uniques de vente dans de nombreuses provinces et ont encouragé les agriculteurs à produire pour le marché d'exportation. C'est la raison pour laquelle la gestion de l'offre et la régularisation du marché doivent s'appliquer à plus de produits et ne pas être abandonnées dans le cadre des négociations actuelles de l'Organisation mondiale du commerce.
Le manque de concurrence et la déréglementation expliquent l'augmentation de 700 p. 100 des tarifs marchandises depuis la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau en 1984. Cela entraîne non seulement une baisse des prix versés aux agriculteurs pour le grain destiné à l'exportation, mais également une baisse du prix de toutes les céréales fourragères utilisées dans les Prairies. L'augmentation des coûts d'ensilage et une réduction des services offerts par les compagnies de chemin de fer accroissent le coût de vente du grain. Les modifications proposées récemment dans le rapport Kroeger n'entraîneront pas une réduction des coûts de transport pour le grain et placeront la Commission canadienne du blé dans une position désavantageuse pour ce qui est de la commercialisation du grain sur le marché mondial.
L'Union européenne va dépenser près de 90 milliards de dollars pour soutenir ses agriculteurs. Les Américains vont dépenser pour leur part 25 milliards de dollars alors que le Canada ne dépensera que 1,6 milliard de dollars, peut-être. Le marché ne fonctionne pas pour les agriculteurs. Il est clair pour moi, étant donné ces chiffres, qu'une injection directe d'argent dans l'économie agricole du pays est importante.
En se basant sur ce qui se fait au sein de l'Union européenne et aux États-Unis, le gouvernement fédéral devrait transférer 1,3 milliard de dollars à 2 milliards de dollars de plus aux agriculteurs avant les semailles du printemps. Le programme devrait être plafonné et ciblé pour que ceux qui en ont le plus besoin reçoivent le plus. Le programme ACRA est un échec à cet égard.
• 1705
Il faut immédiatement réduire ou éliminer toutes les taxes
reliées aux intrants agricoles ainsi que les frais d'utilisation et
d'inspection, car tout cela ajoute aux coûts de production.
Tous les changements dans le transport ferroviaire devraient refléter un examen immédiat des coûts et le rétablissement des gains de productivité. Cela entraînerait une réduction immédiate de 5 $ la tonne des tarifs marchandises.
En conclusion, je dois souligner qu'en fin de compte, les terres doivent être rentables. Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rasmuson.
Comme durant la ronde passée, nous avons six minutes pour chacun des deux premiers questionneurs et cinq minutes pour les deux derniers.
Monsieur Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz: Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais partager mon temps de parole avec M. Benoit, du moins j'espère pouvoir le faire.
Je vais poser deux ou trois questions difficiles. Je vais vous donner un petit peu de temps pour y réfléchir et je voudrais que vous y répondiez tous.
Le dernier intervenant ici, M. Rasmuson, a déclaré qu'on devrait verser plus à ceux qui en ont plus besoin. Cela va vraiment à l'encontre de ce que nous disent la majorité des témoins. La plupart des agriculteurs que nous avons entendus ne sont pas d'accord avec cela.
Ma question est celle-ci: Les agriculteurs peuvent-ils s'entendre sur ce qui doit être fait? Pensez-vous qu'il est possible d'obtenir un consensus parmi les agriculteurs dans cette salle, au Canada, ou du moins dans les trois provinces des Prairies, sur les mesures qui doivent être prises? Si j'effectuais un sondage ici maintenant...
Je l'ai fait dans toutes les réunions. J'ai demandé combien de gens pensaient que le programme ACRA fonctionnait. Les intéressés se contentent de rire. Ils ne veulent même pas répondre à celle-là. «Cependant, je dis alors: Combien d'entre vous pensent qu'on devrait modifier le programme ACRA pour faire en sorte qu'il fonctionne, combien voudraient qu'on effectue un paiement général?»
Il faudrait peut-être poser la question ici. Je suis peut-être complètement dans l'erreur. Combien d'entre vous pensent que nous devrions essayer d'améliorer le programme ACRA? D'un autre côté, combien d'entre vous pensent qu'on devrait avoir recours à un paiement général?
Permettez-moi de simplement effectuer un sondage ici. Combien d'entre vous pensent que nous devrions modifier le programme ACRA et nous assurer que nous versons plus d'argent de cette façon?
M. Henry Kowalchuk: J'ai une question, monsieur.
M. Garry Breitkreuz: Permettez-moi de faire mon sondage et ensuite, vous pourrez poser votre question.
M. Henry Kowalchuk: Mais elle est reliée au vote. S'agira-t-il d'un paiement unique général? Supposons qu'il y ait quelques sécheresses d'affilée et que nous ayons un paiement au départ ou au milieu du processus et que tout le monde continue de souffrir. Que fait-on alors?
M. Garry Breitkreuz: Eh bien, l'ACRA est un programme de deux ans.
M. Henry Kowalchuk: Oui, mais on pourrait faire en sorte qu'il fonctionne mieux.
M. Garry Breitkreuz: C'est ce que je demande: Devrions-nous essayer de faire en sorte que l'ACRA fonctionne mieux ou prévoir plutôt un paiement général?
M. Henry Kowalchuk: Mais si le gouvernement a la ferme intention, monsieur, de bien faire fonctionner le programme...
Le programme ACRA est un phénomène. Ce qui me dérange, c'est que les fonctionnaires soient venus pour supprimer le RARB et le remplacer par l'ACRA. Il y a un autre phénomène ici qui n'a pas été mentionné, Ralph Klein. Il a un grand rôle à jouer dans cela. Il avait le PSRC et c'est la plus grande imposture qu'on ait jamais vue. Ce programme ne fonctionne pas. Il s'adresse à quelques personnes seulement. Or, le gouvernement fédéral a basé son ACRA sur les mêmes principes que le PSRC.
Nous allons élaborer un programme pour vous, messieurs. Je crois que dans cette salle, nous pourrions établir un programme d'ici que vous ayez fini.
M. Garry Breitkreuz: Eh bien, c'est exactement ce que je dis.
Monsieur le président, soit dit en passant, il utilise mes six minutes.
Des voix: Oh, oh!
M. Garry Breitkreuz: Combien sont d'accord avec lui pour dire que nous devrions modifier le programme ACRA ou essayer de le faire fonctionner mieux? Cinq.
Combien d'entre vous voudraient un paiement général basé sur la superficie ou je ne sais quoi? Un plus grand nombre. Très bien, merci.
Vous devez maintenant répondre à ma question: Pensez-vous que nous pouvons amener les agriculteurs à s'entendre et aller de l'avant? En effet, dans la négative, vous allez probablement vous retrouver avec rien.
M. Henry Kowalchuk: Je pense que les intéressés doivent comprendre qu'il doit y avoir des concessions mutuelles. Il peut être impossible d'obtenir la réalisation des rêves les plus utopiques, mais les agriculteurs devraient au moins récupérer une partie de leurs coûts de production.
Les agriculteurs doivent s'y mettre sérieusement. Nous sommes tous dans le même bateau. Nous sommes tous les mêmes. Il n'y a pas une grande différence entre nous. Il n'y a pas d'idéologie différente dans le cas présent. C'est une question de vie ou de mort. C'est tout ce que le gouvernement veut entendre. Une petite diversion et vous pouvez être certains que vous allez être écrasés. Je suis d'accord avec vous.
Je pense que nous avons atteint la limite. En fait, dans ma région, nous l'avons dépassée. Des gens se sont suicidés. La situation est très grave dans l'est de la Saskatchewan. C'est peut- être plus grave qu'ici, je ne sais pas. Je n'en suis pas certain.
Que pense le reste d'entre vous?
M. Earl Rasmuson: Je pense que c'est probablement vrai, mais juste à en juger par la réaction des gens qui sont présents ici aujourd'hui, il pourrait être un peu plus facile que vous ne le pensez de nous entendre sur un programme donné. Il faudrait être équitables. Je pense que les agriculteurs sont, en général, assez équitables dans leur façon de percevoir cette crise en particulier.
Mes besoins sont peut-être un peu différents de ceux de mes voisins, je ne pense pas que dans la situation présente, nous allons commencer à ergoter sur quelques milliers de dollars d'un côté ou de l'autre. Je pense vraiment que pourrions établir un programme assez rapidement, ce qui empêcherait le gouvernement de nous utiliser à nouveau du fait de notre incapacité à nous entendre. Si on en arrivait à la situation où c'était tout ou rien, je pense que nous en viendrions à un type...
M. Garry Breitkreuz: Je pense que nous devons trouver quelque chose très rapidement. Je ne crois pas que nous ayons beaucoup de temps.
Le président: Il vous reste 30 secondes. Voulez-vous plus de réponses?
Gregory, sur cette question.
M. Gregory Ibach: Je pense que nous pouvons parvenir à un consensus. Je ne crois pas que ce serait très difficile, car nous éprouvons les mêmes problèmes au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Cela varie un peu d'un produit à l'autre. Le secteur de l'élevage du boeuf n'éprouve pas autant de problèmes que le secteur céréalier. Les producteurs de porc éprouvent d'autres problèmes. Cependant, je pense qu'on peut regrouper tous ces producteurs. Je crois qu'on peut les rassembler tous et élaborer un programme qui fonctionne.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur McGuire.
M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.
Je voudrais juste interroger Gregory au sujet de sa suggestion d'un programme d'encouragement des exportations, à la page 3, et en ce qui concerne son affirmation selon laquelle les sommes versées dans le cadre des programmes actuels arrivent beaucoup trop tard pour répondre aux besoins immédiats. Selon lui, beaucoup d'argent est perdu dans des transferts de haut en bas et les rentrées de fonds à long terme sont insuffisantes pour assurer la viabilité.
Je me pose la question suivante: étant donné que le Canada exporte—nous ne consommons que 20 à 25 p. 100 de notre production et 43 p. 100 de notre économie totale repose sur les échanges commerciaux—un programme d'encouragement des exportations profiterait-il vraiment à nos membres? N'allons-nous pas subventionner les consommateurs du reste du monde si nous suivons cette voie?
Le président: Gregory, voulez-vous répondre à cela?
M. Joe McGuire: Je me demande où vous voulez en venir avec cette suggestion.
Une voix: L'idée, c'est que nous parlons d'une exploitation agricole familiale...
Le président: Monsieur, nous allons avoir 45 minutes à la fin. Nous pourrons peut-être vous entendre alors.
Gregory
M. Gregory Ibach: Je crois que le programme d'encouragement des exportations ne subventionnera pas nécessairement le monde. Nous allons simplement faire en sorte que les règles du jeu soient égales pour tous afin de tirer notre épingle du jeu à nouveau, car à l'heure actuelle, nous sommes très loin de cela sur le marché des exportations. En fait, on redonnerait l'argent aux producteurs. C'est là qu'on va créer de l'activité économique—de bas en haut. Nous n'allons pas la créer en conservant l'argent et en disant qu'on va en subir les conséquences plus tard.
Je crois que nous avons besoin de ces programmes de stimulation des exportations. Ils vont aider les agriculteurs directement en leur donnant de l'argent. Nous n'allons pas subventionner les paiements de transport qui iront aux compagnies de chemin de fer. Nous n'allons pas subventionner les fabricants de produits chimiques pour qu'ils mettent sur le marché de nouveaux produits chimiques ou les aider à enregistrer leurs produits et des choses du genre. Cet argent ira directement aux producteurs qui ont besoin de liquidités.
M. Joe McGuire: Je veux simplement signaler à Adam et à Roger Epp que nous avons un nouveau secrétaire d'État aux affaires rurales. Nous nous attendons à ce qu'il présente, dans le prochain budget, des programmes qui auront un effet direct sur l'avenir de notre région rurale.
• 1715
Je suis l'un des 70 députés qui appartiennent au caucus rural
du gouvernement, car la plupart de nos circonscriptions sont
rurales ou semi-rurales. On a été en mesure de convaincre le
premier ministre d'avoir un ministre responsable des affaires
rurales, à la suite des préoccupations exprimées. Ce n'est pas la
première fois qu'on nous en fait part. Cela fait déjà un certain
nombre d'années que les gens s'inquiètent de l'avenir de nos
régions rurales.
Je voudrais simplement vous faire savoir que nous ne sommes pas complètement à l'abri ou inconscients des tendances actuelles dans les régions rurales de l'Amérique du Nord. Nous nous attendons à des propositions de sa part, de sorte que nous vous invitons à nous faire part de vos suggestions le plus tôt possible parce que le budget est en cours d'élaboration. Nous acceptons le plus possible de suggestions dont il sera tenu compte dans le prochain budget.
M. Adam Campbell: Depuis mon arrivée au Canada, je me suis rendu compte qu'il était, dans l'ensemble, un pays assez libéral. Peut-être que dans l'Ouest, nous sommes un peu plus de droite, mais, dans l'ensemble, le Canada est un pays libéral. Vous parlez des questions rurales, et je remercie le ciel qu'il y aura un ministère qui défendra nos intérêts. Depuis mon arrivée au Canada, il semble que les questions autochtones ont retenu l'attention, tout comme celles concernant les homosexuels et les autres minorités. Quelqu'un m'a dit que les agriculteurs formaient environ 1,5 de la population maintenant. Par conséquent, nous avons besoin d'un statut spécial. Peut-être que le gouvernement pourrait faire un effort à cet égard.
M. Joe McGuire: Peut-être bien.
M. Adam Campbell: Cependant, je le répète, j'ai vécu la même chose en Europe et cela ne m'est donc pas tout à fait étranger. Là où nous vivions dans le nord de l'Écosse, nous pensions être des gens assez raisonnables, assez instruits et tout cela, puis, tout d'un coup, nous avons été mis sur le même pied qu'un éleveur de chèvres du nord de la Grèce ou d'une région montagneuse de l'Espagne. On se rend alors compte qu'on fait partie d'une même communauté. Tout n'allait pas pour le mieux pour tous dans différentes régions.
Je ne veux pas m'étendre là-dessus, mais je remercie le ciel que quelqu'un fasse quelque chose. Bonne chance, car il n'y a pas de solution facile.
M. Joe McGuire: Non, il n'y en a pas.
Le président: Merci, monsieur Campbell. J'aime votre accent.
Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup.
Dans la dernière série de questions—je m'adresse à Earl—je crois que c'est M. Ziegler qui s'inquiétait de ce que les créditeurs deviennent les principaux bénéficiaires de toute aide financière à court terme. Il y a un autre aspect à cela. Si un programme à court terme était annoncé, quelle serait la probabilité de voir une augmentation des coûts des intrants, qui sont déjà assez élevés, car ceux qui ont la possibilité de relever leurs prix changent simplement de stratégie et en profitent? Est-ce que cette possibilité vous empêche de dormir la nuit?
M. Earl Rasmuson: C'est certainement une considération. Il y a un certain temps, le gouvernement provincial a offert un programme de subvention relativement aux engrais. Après un réexamen de la situation, il s'est rendu compte que, quel que soit l'avantage que représentait la subvention, plus de la moitié de cet avantage profitait aux fabricants d'engrais. En fin de compte, le producteur n'en bénéficiait pas beaucoup. Nous avions presque besoin d'établir une norme pour ces prix afin de pouvoir suivre leur évolution. J'ignore si cela réglerait le problème complètement, mais ce serait certainement une façon de le faire.
M. Dick Proctor: Merci.
Monsieur Kowalchuk, le gouvernement n'a dépensé que 420 millions de dollars du programme ACRA. J'étais à Regina le mois dernier, le 18 novembre, lorsque le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a déclaré qu'il allait vérifier les chiffres tous les jours et s'assurer que tous les paiements de 1998 soient été faits avant Noël. Les fonds consacrés au programme ACRA en 1998 ne s'élevaient qu'à un milliard de dollars; il reste dont 600 millions de dollars environ dans le fonds. Il est humainement impossible de toucher à cet argent. Comme vous avez déjà avoué que vous avez contribué à porter ces gens-là au pouvoir, qu'allez-vous faire à cet égard?
M. Henry Kowalchuk: Cela fait mal, monsieur.
Je suis là depuis fort longtemps. Il y a huit ans environ, nous avons rencontré l'honorable M. Goodale à Lacombe—c'est même quelques années avant parce c'était après le tarif du Nid-de-Corbeau—et nous lui avons dit: «Vous savez, Ralph, si vous aviez engagé les gars que vous avez ici, nous aurions bien mieux fait que ce qu'ont fait vos fonctionnaires à l'époque.» C'était de la frime, partiellement de la frime. J'ai perdu environ le tiers de mon paiement visant des terres louées.
• 1720
D'aucuns disent que cela va, ils compteront, mais d'autres
disent le contraire parce que c'est leur argent et qu'il ne faut
pas y toucher. En conséquence, pour tout harmoniser, on dit que
c'est leur argent et on oublie tout.
M. Dick Proctor: Cependant, monsieur Kowalchuk, la réalité, c'est que tout le monde sait que le programme ACRA était en fait fondé sur le PSRC...
M. Henry Kowalchuk: Oui, c'est exactement ce que j'ai dit il y a une minute.
M. Dick Proctor: Comment donc est-il possible que nous n'ayons pas appris...
M. Henry Kowalchuk: Je l'ignore, monsieur. Je sais ce que j'ai appris, mais j'ignore ce que les autres ont appris ou devraient savoir. Je sais que cela ne marche pas, et vous pouvez le demander à tous les témoins ici présents. Cela ne marche pas!
Je pense que nous devons en savoir plus du point de vue pratique. Voyez-vous, tout cela est en grande partie théorique. Le meilleur exemple nous est donné par l'arrêt de la Cour suprême du mois dernier sur la pêche sur la côte Est. On aurait pu avoir une guerre sanglante pour rien. Tout ce qu'il fallait, c'était un peu de bon sang. Même la Cour suprême manque parfois de cette vertu. Tout ce qu'elle devait faire, c'est faire preuve d'un esprit pratique et de bon sens. Ce n'est pas le cas.
M. Dick Proctor: Encore une fois.
M. Henry Kowalchuk: Maintenant, nous pourrions vous concocter un programme, monsieur, et je pense que cela pourrait marcher. Nous ne sommes pas des gens cupides.
M. Dick Proctor: Non, je sais que vous ne l'êtes pas.
M. Henry Kowalchuk: Nous sommes de la vieille école, nous ne voulons que vivre et laisser vivre.
M. Dick Proctor: Parlant de cupidité, quelqu'un en Saskatchewan...
M. Henry Kowalchuk: Nous aimons être propriétaires de terres, toutefois.
M. Dick Proctor: Quelqu'un en Saskatchewan a dit cet automne que les lois provinciales devaient changer, que les agriculteurs doivent être autorisés à avoir deux ou trois femmes, car il faut plus d'une femme pour soutenir un agriculteur maintenant.
Des voix: Bravo!
M. Dick Proctor: Je me demandais simplement si vous aviez des observations à faire, monsieur Kowalchuk.
M. Henry Kowalchuk: Eh bien, théoriquement, ce serait possible, mais certaines femmes sont très dépensières, de sorte qu'il vous faudrait beaucoup d'argent.
Le président: Ne vous embarquez pas là-dedans, Henry. Vous étiez sur la bonne voie.
Est-ce tout, Dick?
M. Dick Proctor: C'est tout.
Le président: Merci.
Monsieur Borotsik.
M. Rick Borotsik: Il est vraiment difficile de donner suite à cela.
Henry, je vais vous poser une question, mais pas avant la fin, d'accord? Si je vous pose une question, je ne pourrai reprendre la parole. Je vais donc commencer par ceci, quitte à revenir à vous plus tard.
D'abord, je ne voulais même pas le mentionner, mais je dois le faire parce que vous avez soulevé la question dans votre exposé, Greg. Vous avez parlé d'un programme de transition dans votre exposé. C'était bien vous, n'est-ce pas?
M. Gregory Ibach: Oui.
M. Rick Borotsik: Voulez-vous embellir cela un peu? Pouvez- vous nous donner des précisions? Où vouliez-vous en venir avec votre programme de transition?
M. Gregory Ibach: Oui, M. Graves en a parlé lui aussi dans sa déclaration.
Actuellement, la population est en mutation. De rurale, elle est en train de devenir urbaine. Presque plus personne ne vit à la campagne. Seulement 3 p. 100 des Canadiens exploitent des fermes. Si la population rurale diminue encore d'un pour cent et demi, des gens vont devoir être déplacés. Des connaissances non indispensables jusque-là devront être acquises. Les agriculteurs qui ne savent pas comment faire fonctionner les programmes informatiques utilisés à la ferme devront maintenant l'apprendre. Ils doivent s'assurer un revenu et gagner leur vie. Nous devons intégrer ces gens-là à la société urbaine, qui ne sait plus ce que c'est que la société rurale.
M. Rick Borotsik: Nous avons déjà eu des programmes de transition, c'est évident. En fait, un tel programme a été conçu au moment de la dernière crise agricole survenue à la fin des années 80 et au début des années 90. Si je n'en ai pas parlé, je le répète, c'est parce que je préfère trouver des solutions permettant aux gens de se recycler, si vous voulez, ou de réhabiter les régions rurales, au lieu de créer des programmes de transition vers d'autres régions.
Il y a des moyens de le faire, soit dit en passant. Il suffit d'enlever nos oeillères et, peut-être, d'envisager d'autres modifications ou processus législatifs applicables aux régions rurales, comme l'allocation nordique, par exemple. Il conviendrait peut-être de parler d'allocations rurales. On pourrait peut-être aussi envisager des modifications fiscales pour les habitants des régions rurales.
Quant aux médecins, le pire problème dans ma région consiste à en attirer en milieu rural. Personne ne vivra à la campagne s'il n'y pas de médecins. Il faut attirer des médecins en milieu rural, et on pourrait le faire en créant des programmes spécifiques. Plutôt que de songer à des périodes de transition pour aider les gens à passer d'un milieu rural à un milieu urbain, il vaudrait mieux imaginer des processus de transition pour faire l'inverse.
Je vais maintenant poser une question et je veux que chacun d'entre vous y réponde, mais vous en dernier, Henry.
Ces derniers jours, nous avons entendu parler à quelques reprises d'un programme de retrait des terres. Il y a surproduction actuellement dans le monde. Nous le savons. C'est une surproduction subventionnée, mais néanmoins une surproduction. Je sais que vous n'avez pas beaucoup réfléchi à la question, mais que pensez-vous de la création d'un régime de retrait de terres pour réduire la surproduction de produits de base à l'heure actuelle?
Nous commencerons par vous, Adam.
M. Adam Campbell: J'ai fait l'expérience d'un régime de retrait de terres. C'est un cauchemar administratif, pour commencer. Il va falloir mesurer avec exactitude le moindre petit lopin de terre de l'ouest du Canada.
Le régime n'a pas eu vraiment d'effet sur la production céréalière. Des millions d'eurodollars, si c'est ainsi qu'il faut dire, sont maintenant consacrés à la gestion de ce régime. Un représentant politique d'un organisme agricole du Royaume-Uni m'a dit qu'il aurait mieux valu que le gouvernement verse l'équivalent de 100 000 $ à chacun des agriculteurs.
M. Rick Borotsik: Je pense que les agriculteurs seraient tous d'accord avec vous, soit dit en passant.
Avez-vous des observations à faire, Greg?
M. Gregory Ibach: Je ne pense pas qu'un régime de retrait de terres donnerait de bons résultats, pour des raisons semblables à celles données par Adam. Il ne permettrait tout simplement pas de mettre l'argent là où il faut, et il se traduirait par une hausse des frais de gestion et du fardeau administratif.
M. Rick Borotsik: Earl.
M. Earl Rasmuson: Je peux voir que certains secteurs naturels pourraient faire l'objet d'une demande dans le cadre de ce régime. Mais je ne pense pas que cela influerait beaucoup sur la production parce que la plupart des terres retirées seraient négligeables de toute façon. À long terme, je ne pense pas que cela n'entraînerait des changements radicaux.
M. Rick Borotsik: Henry, vous pouvez parler du régime de retrait des terres, après quoi vous pourrez aborder le sujet de votre choix.
M. Henry Kowalchuk: Je voulais simplement une clarification, monsieur. Voulez-vous dire retirer des acres de terres ou des produits?
M. Rick Borotsik: Des acres de terres.
M. Henry Kowalchuk: Eh bien, il n'y a rien de mal à cela. En fait, elles pourraient faire l'objet d'une demande de retrait à titre de réserve écologique, notamment. Cependant, d'un autre côté, il y aura surproduction de bovins parce que les terres retirées seront utilisées pour le bétail. Quand un journal fait état d'un problème—et cela m'irrite au plus haut point—à Ottawa, à Winnipeg ou ailleurs, il y a toujours un important porte-parole du gouvernement qui nous dit que nous n'avons qu'à produire plus de bétail. Qu'arrivera-t-il? Vous savez, j'ai connu cinq effondrements des prix du bétail—en 1951, le prix est tombé de 20 cents en une seule journée.
M. Rick Borotsik: Il y a des cycles.
M. Henry Kowalchuk: En principe, nous devrions assister maintenant à un changement de cycle. Tout augmente à l'heure actuelle, mais n'oublions que tout ce qui monte doit redescendre. C'est arrivé en 1974, après la période de la «nixonomics». Vous savez bien, tout d'un coup, le prix du bouvillon est tombé à 0,60 $ durant l'automne. J'ai vendu 30 bouvillons—1 250 livres—au prix de 390 $. L'orge valait 2,50 $ le boisseau. Tous les producteurs de grain se sont payé des vacances à Hawaï, et je me demande bien à quoi j'ai pensé parce que je n'avais pas d'argent.
M. Rick Borotsik: Il vous reste une minute, Henry. Ne la gaspillez pas.
M. Adam Campbell: Je voudrais simplement ajouter quelque chose. Depuis que j'ai quitté le Royaume-Uni, des gens venus de France ont introduit un programme d'extensification. Par extensification, on entend essentiellement le fait que l'Europe paye les agriculteurs pour produire moins de bovins sur un nombre d'acres donné—produisez moins tout en réduisant la quantité d'intrants, de fourrage et d'engrais. Peut-être que bien des gens n'aiment pas entendre cela, mais il reste que cela est une bonne chose pour l'environnement. C'est une mesure que le public peut mieux accepter parce qu'elle est favorable à l'environnement en réduisant la pollution.
J'ai pensé que c'était une bonne remarque à faire.
M. Rick Borotsik: Je vous en remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Je vous remercie tous de vos observations. Je sais que pour nombre d'entre nous, le programme ACRA est une énigme. On y a travaillé pendant des mois. Les provinces, le gouvernement fédéral et un certain nombre d'organismes agricoles ont conjugué leurs efforts. Or, malgré toute cette somme de talents—si vous voulez—le programme dont ils ont accouché n'est toujours pas satisfaisant. Merci.
Nous allons maintenant passer au groupe suivant. Je voudrais inviter Bryan Davidson, qui est président de l'Association des déshydrateurs canadiens, ainsi que celui qui l'accompagne, Garry Benoit. Je voudrais également appeler, de la Commission des grains de l'Alberta, Pat Durnin et Brenda Brindle, qui est une analyste du secteur du grain.
Je voudrais informer l'auditoire que tout de suite après les présentations de ces deux organismes, nous donnerons la parole à d'autres agriculteurs à titre individuel. J'ai quelques noms. Je ne pense pas que tous pourront prendre la parole, à moins que tous décident de ne parler que deux minutes, ce qui personne ne semble vouloir faire. Toutefois, j'appellerai au moins quatre agriculteurs, et j'espère pouvoir en appeler davantage. Tout dépendra de la durée des discours des agriculteurs.
Les quatre agriculteurs que j'appellerai sont Einar Loveseth, Bernard von Tettenhorn, Greg Porozni et Ed Armstrong. Préparez-vous donc.
Soit dit en passant, pour ceux qui n'auront pas l'occasion de prendre la parole aujourd'hui, nous serons heureux de prendre connaissance de leur mémoire. Ils peuvent nous l'envoyer à Ottawa, franc de port. Ils n'ont qu'à l'adresser au greffier du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, Chambre des communes, Ottawa, Canada, K1A 0A6.
• 1730
Maintenant, je voudrais souhaiter la bienvenue au groupe de
témoins suivant, et, habituellement, nous procédons par ordre
alphabétique. J'hésite entre déshydrateurs et grain. Commençons
donc avec les déshydrateurs.
Bonjour, Bryan et Garry. C'est bon de vous revoir.
Nous disposons de 45 minutes. J'espère que nous aurons le temps pour des questions également. Sans plus tarder, la parole est à vous, monsieur Davidson.
M. Bryan Davidson (président, Association des déshydrateurs canadiens): Merci, monsieur le président et merci messieurs les membres du comité. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous cet après-midi.
Comme votre temps est précieux, notre exposé sera bref aujourd'hui. Nous avons rédigé un mémoire pour les membres du comité. Je pense qu'il vous a été distribué, et nous espérons que vous le lirez afin de comprendre les difficultés qu'éprouve notre industrie. Nous aimons croire que nous sommes victimes des mêmes problèmes que le secteur du grain et, comme nombre d'entre vous le savent, nous tentons depuis un certain temps d'être pris en compte relativement à certains des programmes mis à la disposition des agriculteurs actuellement.
En guise d'introduction, je voudrais que vous sachiez—nous avons rencontré un bon nombre d'entre vous à quelques reprises, à Ottawa notamment—que nous étions là-bas en novembre dernier. Nous avons alors rencontré des hauts fonctionnaires d'Agriculture et d'Agroalimentaire Canada pour plaider notre cause et demander de l'aide en raison des pertes que nous subissions sur les marchés d'exportation. À ce moment-là, ces hauts fonctionnaires nous ont demandé de dresser un plan d'entreprise quinquennal pour notre industrie.
Ce plan figure parmi les documents que vous avez reçus aujourd'hui et il appuie nos demandes précédentes relativement aux effets dévastateurs auxquels notre industrie est confrontée. Des exemplaires du plan sont mis à la disposition des membres du comité ici même. Une délégation de l'ADC ira à Ottawa la semaine prochaine pour présenter son rapport et en expliquer la teneur.
Je soulignerai d'abord que le rapport traite des trois éléments que les représentants nous ont demandé d'étudier en détail, à savoir les perspectives à court, à moyen et à long terme pour notre industrie. Nous avons une excellente présentation sur les perspectives à moyen terme, et nous sommes en train de nous adapter.
Dans ma propre usine—je suis le gestionnaire de Legal Alfalfa depuis de nombreuses années, si vous connaissez cette entreprise—, depuis cinq ans, nous avons fondamentalement diversifié notre exploitation, faisant passer nos ventes intérieures de moins de 10 p. 100 à plus de 34 p. 100. C'est donc dire que nous nous adaptons, à l'instar des autres entreprises sur le marché intérieur et les marchés d'exportation.
Un autre élément sur lequel nous nous sommes penchés dans le rapport concerne l'étendue des dommages qui sont causés à l'heure actuelle à notre industrie par le versement excessif de subventions à la production de céréales et de sous-produits alimentaires, entre autres choses. Tout est dans le rapport et, si vous vous reportez aux critères de la diminution de 30 p. 100 du programme ACRA, vous constaterez que notre industrie a subi bien plus de dommages que cela.
Aujourd'hui, je voudrais parler d'une façon plus générale. Je pense que la plupart des membres du comité ont déjà entendu nos plaidoyers dans le passé. Nous sommes allés à Ottawa à deux ou trois reprises cette année. Nous avons parlé abondamment des difficultés qu'éprouve notre industrie. Je pourrais exposer de nouveau le problème, mais je ne veux vraiment pas le faire aujourd'hui. Je voudrais vous parler plutôt du rapport. Je me contenterai donc de brosser un tableau général de la situation pour que vous sachiez quelle est la situation.
En premier lieu, des usines ferment leurs portes dans tout le Canada à l'heure actuelle. Je ne pense pas que nous disposions d'assez de temps pour énumérer en détail toutes les usines qui mettent fin à leurs activités dans toutes les régions du pays. Cependant, même si elle ne déposera pas son bilan, notre entreprise a interrompu ses activités au mois d'octobre et elle ne prévoit pas de les reprendre avant le milieu ou la fin du mois de janvier à cause de la situation sur les marchés d'exportation.
• 1735
De façon générale, aucune entreprise de notre secteur ne peut
exercer son activité bien longtemps en subissant des pertes comme
celles que nous avons essuyées depuis deux ans. Nous avons entendu
un certain nombre de témoignages aujourd'hui relativement à
l'industrie céréalière. La même chose s'applique à des entreprises
comme les nôtres. Comme nombre d'entre vous le savent, nous
cultivons des acres de terres avec de l'équipement imposant et
beaucoup d'employés de sorte que nous sommes nous aussi des
exploitants agricoles.
Ces effets dévastateurs sur l'industrie ne font que commencer à se faire sentir et ils auront de très graves conséquences pour les petites localités où ces usines ferment leurs portes. D'autant que, dans bien des cas, les usines en cause sont les seules en ville. Je pourrais parler d'endroits comme Rolling Hills, Alberta et Falher, qui comptent parmi les localités touchées à l'heure actuelle et où la crise se fera durement sentir. Dans notre cas, nous avons fait des mises à pied. Certaines régions connaîtront des difficultés économiques, ce qui pourrait se traduire par un exode vers les villes, notamment.
Il y a quelques instants, il a été question de l'initiative de développement rural du gouvernement. Je voudrais m'arrêter un peu là-dessus parce que, franchement, depuis que l'on a confié ce mandat à M. Mitchell, j'ai tenté de le rencontrer, sans grand succès toutefois, à son bureau de circonscription et à Ottawa. Nous avons essayé au mois d'août, puis de nouveau au mois de novembre. Il nous a certes promis de venir nous visiter, mais nous ne savons pas quand.
Je suis très déçu que M. Calder ne soit pas ici aujourd'hui parce que lors de notre dernière visite à Ottawa il a promis de se faire accompagner par un ou deux députés pour s'entretenir avec un certain nombre d'entre nous durant le congé de Noël. Mais comme le comité allait se déplacer, nous avons cru bon d'attendre sa venue pour tenir cette rencontre. Je crois savoir que M. Calder était présent à la séance de ce matin, mais qu'il n'est pas venu à Végréville aujourd'hui. Je suis donc déçu qu'il ne soit pas venu pour que je puisse discuter de cette question avec lui.
Je suis d'avis qu'il n'y a pas de meilleur exemple d'entreprise agricole à valeur ajoutée purement rurale que l'Association des déshydrateurs canadiens. Je voudrais parler un peu du tarif du Nid-de-Corbeau. Tout le monde sait que ce tarif ne favorisait pas la production de denrées à valeur ajoutée. Eh bien, nous n'avons pas profité du régime du Nid-de-Corbeau avant 1984. En fait, grâce à la LTGO de 1984, notre industrie est passée d'une production de 287 000 tonnes en 1984 à une production de quelque 700 000 tonnes vers 1995-1996, sous le régime du tarif du Nid-de- Corbeau. Par conséquent, le fait de dire que le tarif du Nid-de-Corbeau n'était pas favorable aux produits à valeur ajoutée... Je voudrais que les gens prennent note de ce qui est arrivé à notre industrie.
Je suis d'avis qu'il n'y a pas meilleur exemple de promoteur du développement rural que l'industrie de la déshydratation. Sera-t-elle sacrifiée parce que le gouvernement semble incapable, dans son plan d'ensemble—ou plutôt son absence de plan—pour l'agriculture, de mettre des ressources à la disposition d'industries comme la nôtre, qui ne peuvent soutenir la concurrence de l'industrie de certains pays possédant un riche trésor public?
Quant à toute la question du développement rural, dans quelle mesure le gouvernement est-il déterminé à l'appuyer? Je n'ai pratiquement rien entendu de concret depuis que l'annonce a été faite il y a quelque temps. Le plan vise-t-il la totalité du pays ou seulement l'est du Canada à des fins électoralistes, par exemple? Je voudrais simplement savoir ce qui est projeté pour l'ouest du Canada par l'entremise de ce nouveau ministère ou organe, selon le nom qu'on lui donne.
Il importe, en définitive, de prendre conscience de l'époque où nous vivons. Des groupes veulent que des changements nécessaires soient apportés à la réglementation et aux programmes. Dernièrement, à la télévision, en soirée, nous avons entendu parler de l'affaire de la société Prairie Pasta. C'est un excellent exemple. Je n'entrerai pas dans les détails, mais si on se reporte aux défis du début des années 60, on constate l'existence des mêmes scénarios. Je voudrais rappeler aux membres du comité que lorsque des défis semblables se sont présentés, aux gouvernements libéraux en particulier, des ministres comme M. Lang ont pris des mesures.
Je connais bien des gens ici présents n'aiment guère entendre parler du Programme de réduction des stocks de blé de M. Lang. J'ai travaillé pendant quelques années à l'office de commercialisation du grain à Ottawa, et je connaissais bien le Programme stimulant la commercialisation des céréales et des oléagineux de M. Lang, ainsi que le MISTC. En fait, deux ans après mes études, j'ai obtenu une subvention de ce ministère pour fonder une entreprise dans le sud de l'Alberta. Beaucoup de gens se lançaient en affaires de cette façon.
• 1740
J'estime que des programmes semblables sont favorables à la
diversification et au développement de cultures autres que les
cultures habituelles. La déshydratation en est un bon exemple. Ce
n'est qu'à la fin des années 60 que cette industrie est devenue un
secteur de l'Ouest axé sur les exportations, soit au moment où M.
Lang a créé certains de ces programmes. Je pense qu'il faut revenir
maintenant à ces choses-là. Il a été question plus tôt de la
conception de programmes. J'ai des idées à proposer, et je pense
que M. Benoit en a lui aussi.
J'ai autre chose à ajouter. Nous entendons beaucoup parler des fonctionnaires aujourd'hui. Des fonctionnaires nous ont présenté des solutions la dernière fois que nous sommes allés à Ottawa, mais ils ne peuvent y donner suite avant d'avoir obtenu l'aval des dirigeants politiques. Où s'arrête donc la politique? L'administration fédérale à Ottawa comprend des employés hautement qualifiés. Rappelons-nous l'époque du Programme de stabilisation concernant le grain de l'Ouest. J'étais à Ottawa quand ont été conçus les programmes destinés aux céréales, le RARB et le CSRN, la troisième ligne de défense. M. Mulroney n'a pas été bien payé pour les milliards de dollars qui ont été versés à l'ouest du Canada dans le cadre de ces programmes.
Maintenant, nous avons le programme ACRA. Je vous dirai que c'est un excellent programme parce que les fonctionnaires, tant à Ottawa qu'ici dans la province, ont reçu l'ordre de réduire les budgets, de créer des programmes qui ne verseront rien, mais contribueront plutôt à la réduction du déficit et à ce genre de chose. Je pense que les fonctionnaires ont conçu tout un programme: il est fort efficace sans verser un traître cent!
Des voix: Bravo!
M. Bryan Davidson: Voici un autre exemple, qui remonte un peu dans le temps. Dans le dernier accord du GATT, il nous était demandé de réduire de 36 p. 100 sur six ans les subventions aux exportations, mais notre gouvernement a jugé bon de le faire de 100 p. 100 en un an. Maintenant, je viens de faire un petit calcul—et quelqu'un a soulevé la question—nous devrions en être arrivés à la quatrième année au rythme de 6 p. 100 de réduction par année. Nous devrions en être arrivés à une réduction de 25 p. 100 des subventions, mais nous en sommes plutôt à 100 p. 100.
Le dernier accord du GATT renfermait des dispositions prévoyant le rétablissement de ces subventions, à notre gré. Je le sais. En conséquence, quand allons-nous demander au gouvernement d'envisager cette possibilité? Si personne ne le demande, je ne pense pas qu'il le fera de son propre chef. Ces dispositions existent bel et bien, mesdames et messieurs, et je vous demande de vous pencher là-dessus.
Des industries comme celle de la déshydratation, et notamment sa partie qui est axée sur les marchés d'exportation, sont nées, par suite de l'analyse des marchés d'exportation, pour tirer profit de ses avantages naturels. Nous estimons que notre industrie constitue le groupe de transformation d'alfalfa à plus faible coût et de la plus haute qualité du monde, mais nous n'obtenons pas autant pour nos produits que les transformateurs européens grâce aux subventions qu'ils reçoivent. En fait, notre prix est de 100 $ la tonne à l'heure actuelle sur les marchés d'exportation, alors que leurs subventions s'élèvent à 114 $ la tonne, en plus de tout le reste. On ne peut donc pas s'attendre à ce qu'une industrie comme la nôtre puisse soutenir la concurrence.
Revenons à la feuille de route du gouvernement. En 1984, notre industrie était considérée comme une grande réussite, et des ministres comme M. Pépin ont souligné sa valeur pour l'ouest du Canada. Il a lui-même pris l'initiative de veiller à ce que nous soyons inclus dans les bénéficiaires de la LTGO. Comme je l'ai déjà dit, nous ne comptions pas parmi les bénéficiaires du tarif du Nid-de-Corbeau, mais nous étions au nombre de ceux de la LTGO. Or, c'est à ce moment-là que nous avons élargi nos activités à d'autres marchés. Dans certains cas comme le Japon, la Corée et Taïwan, nous sommes devenus pratiquement l'unique fournisseur d'aggloméré pour ces marchés. Nous avons tout simplement envahi ces marchés en raison des tarifs avantageux dont nous jouissions en matière d'impôts fonciers, d'énergie et de transport. Tout cela a pris fin, évidemment, en 1995, et nous mourons à petit feu depuis lors.
Quoi qu'il en soit, je tiens à faire ressortir l'importance de cette LTGO. On en a déjà parlé. Je crois vraiment que nous ne faisons que commencer à récolter les fruits de ce que nous avons semé il y a longtemps. Je pense que le comité devrait vraiment se pencher sur la question de savoir quelle marque le gouvernement actuel veut laisser dans l'avenir de l'ouest du Canada, car il semble bien qu'il en soit rendu là.
Si le gouvernement s'en tient au même plan...
Le président: Bryan, il s'est déjà écoulé 15 minutes, et il nous reste à entendre la commission des grains. Je voudrais avoir quelques minutes de plus...
M. Bryan Davidson: Je croyais que vous aviez dit que je disposais de 45 minutes.
Le président: Nous disposons de 45 minutes pour les deux groupes, et cela comprend les questions. Vous êtes libre de faire ce que vous voulez...
M. Bryan Davidson: D'accord.
Le président: Nous disposons de 45 minutes.
M. Bryan Davidson: Je vais donc conclure mon discours.
Je m'inquiète, essentiellement, de l'avenir de l'agriculture dans l'ouest du Canada à l'heure actuelle. Je pense que vous avez entendu aujourd'hui les préoccupations des producteurs de céréales; nous sommes aux prises avec les mêmes facteurs pour nos produits sur les marchés outre-mer. Et je suis vraiment triste à l'idée que, malgré toutes ces heures et ces énergies que des gouvernements précédents ont consacrées à la création d'industries et de secteurs comme les nôtres, ceux-ci disparaissent rapidement en raison des difficultés avec lesquelles nous sommes aux prises.
Les producteurs de céréales seront au moins admissibles à un programme qu'ils pourront modifier de manière à en retirer quelque chose. Quant à nous, nous n'avons pas réussi à y être admissibles parce que nous sommes, paraît-il, des transformateurs. Or, la société Legal, qui n'est qu'une moyenne entreprise, dispose d'amples ressources matérielles et humaines pour cultiver 15 000 acres. Nous estimons donc exercer une activité agricole, mais personne ne semble vouloir l'admettre.
Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu'il convient qu'un gouvernement assiste sans rien faire à la disparition d'une industrie, et j'estime que c'est ce qui nous arrivera assez rapidement en raison des marges négatives contre lesquelles nous devons lutter, entre autres choses.
Ce que je veux que le comité retienne de mon discours, c'est ma suggestion de rédaction d'un rapport par suite de ces audiences, rapport dans lequel il pourrait énoncer une vision plus claire pour l'agriculture de l'Ouest ou de l'agriculture au Canada. Je pense que c'est cela qu'il faut à l'heure actuelle. Personne ne s'oppose à la volonté de diversification et à ce que l'on tente de faire. Mais quand on a les mains liées, il est difficile d'entreprendre toute mesure en ce sens.
J'ai quelques observations à soumettre au comité. Comme vous le savez, les budgets consacrés à l'agriculture sont passés de plus de 6 milliards de dollars à seulement un peu plus de 2 milliards de dollars au cours des dernières années. Je ne puis vous dire depuis combien d'années exactement, mais c'est sûrement depuis quatre ou cinq ans. Vous savez donc qu'il est très difficile d'obtenir davantage de fonds du gouvernement. D'autre part, j'estime qu'il faut créer un groupe de travail qui se pencherait sur les mesures à prendre durant la crise actuelle parce que si rien n'est fait, comme il a été dit aujourd'hui, on assistera à de profondes restructurations. Je crois qu'un groupe de travail devrait être formé pour faire des recommandations.
L'initiative de développement rural est un bon départ, et je pense qu'elle s'applique à l'ouest du Canada. Elle s'applique certainement à des industries comme la nôtre parce que la plupart de nos usines se trouvent en marge de la principale région agricole.
J'ai entendu tout à l'heure des observations au sujet des Européens. Je ne pense pas qu'ils vont changer non plus. Je ne le crois vraiment pas. Je ne pense pas qu'il y aura une entente avant dix ans. Le ministre n'arrête pas de nous dire que la solution réside dans le succès des négociations commerciales; j'ignore tout simplement combien d'entre nous seront toujours là dans 10 ans.
Mais je puis vous dire que je suis allé en Europe et que j'ai vu comment opèrent des groupes comme le COPA. Je puis vous dire qu'ils ne laissent rien au hasard.
Je suis d'accord avec la personne qui dit tout à l'heure que l'Europe ne changera pas très rapidement. J'estime que si on attend qu'une solution de nature commerciale soit trouvée dans notre cas, nos entreprises auront toutes disparu lorsque cela se produira.
Je terminerai mon intervention sur cette remarque, monsieur le président.
Le président: Merci.
Il nous reste 25 minutes. Nous entendrons les représentants de la commission de l'orge. Vous pourrez ensuite poser toutes les questions que vous voulez.
Qui prendra la parole en premier? Pat ou Brenda? À vous la parole.
M. Pat Durnin (membre, Alberta Grain Commission): Je commencerai, monsieur le Président.
Je m'appelle Pat Durnin. Je suis un céréaliculteur, installé juste à l'extérieur de Calgary. J'ai été nommé à la Alberta Grain Commission par le gouvernement.
Brenda Brindle, analyste de l'industrie des grains de la Commission, m'accompagne aujourd'hui. Vous avez tous entre les mains un document dans lequel vous pourrez suivre notre exposé.
Le président: Verrons-nous tout le document, Pat?
M. Pat Durnin: Oui.
Le président: Dans ce cas, nous n'aurons pas de temps pour les questions. Mais c'est très bien, si c'est ce que vous voulez...
M. Pat Durnin: Nous ferons diligence et essaierons de couper certains passages, lorsque nous le pourrons.
Le président: Nous devons avoir terminé cette partie à 18 h 15.
M. Pat Durnin: Ça devrait être possible.
Tout d'abord, nous souhaitons la bienvenue en Alberta aux membres du comité. Je dois dire que vous avez choisi le bon moment pour venir: vous pouvez probablement mieux dormir que certains de vos collègues à Ottawa.
La Alberta Grain Commission est un organisme dont les membres sont nommés par le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et du Développement rural. Son mandat consiste à examiner toutes les questions se rapportant aux céréales, aux oléagineux et aux cultures spéciales en Alberta. Elle est composée de six agriculteurs de différentes régions de la province et de trois fonctionnaires du ministère.
Par des consultations poussées avec des représentants de l'industrie, et en collaboration avec le ministère, la Alberta Grain Commission étudie en permanence les politiques et les programmes se répercutant sur les producteurs de céréales de l'Alberta et présente des recommandations au ministre sur les mesures et les changements qui permettraient d'augmenter les bénéfices des agriculteurs et d'améliorer la viabilité à long terme de l'industrie.
Nous nous réjouissons de rencontrer le comité permanent et nous vous félicitons d'avoir décidé de tenir des réunions publiques dans l'ouest du Canada pour mieux comprendre l'industrie des céréales et vous informer sur la situation du revenu agricole dans l'Ouest.
Mme Brenda Brindle (analyste de l'industrie des grains, Alberta Grain Commission): Merci.
Puisque je me reporterai aux tableaux annexés au mémoire, vous pourriez peut-être les détacher. Il y a, je crois, six tableaux et graphiques. Je suis désolée, nous avions apporté des transparents, mais je crois qu'il n'y a pas de projecteur sur place.
L'industrie agricole albertaine est diversifiée et a une bonne composante à valeur ajoutée. L'existence côte à côte d'un secteur de production animale important et d'un secteur progressiste de production de céréales et d'oléagineux contribue à réduire les effets des variations soudaines et marquées du prix d'un produit en particulier.
Prenez le premier graphique. Si vous regardez les barres bleues, vous constatez que, en gros, la situation est relativement saine en Alberta compte tenu des prix actuels et à court terme des produits. Cependant, on ne peut pas généraliser cette constatation à tous les agriculteurs, à toutes les régions de la province ou à tous les secteurs de l'industrie.
Nous savons tous que le prix des céréales est très bas depuis quelques années et que le prix du porc s'est affaissé en 1998 et n'est pas revenu à un niveau garantissant la rentabilité de nombreux producteurs. En outre, certains producteurs—et cela revêt une importance particulière compte tenu de la pièce où vous vous trouvez présentement—dans les régions du nord-est, du nord-ouest et de Peace ont connu plusieurs années de suite de mauvais temps et de baisses radicales de rendement.
Si vous regardez le tableau 2, les barres bleues montrent que le revenu monétaire net a augmenté entre 1971 et 1998. Cependant, la barre jaune représente la situation en dollars constants—sans l'inflation—ce qui permet de voir que, en règle générale, ce revenu a diminué.
Les tableaux 1 et 2 montrent clairement que la marge agricole nette continue de régresser par rapport aux revenus monétaires. Le seul moyen pour les agriculteurs de survivre et de garder des exploitations rentables consiste à devenir encore plus efficients en produisant davantage à un coût moindre par unité.
Dans le tableau 3, nous avons représenté les recettes monétaires agricoles en bleu, les dépenses en vert et le revenu agricole net réalisé en jaune. Cela ne fait que renforcer les affirmations que vous avez entendues cet après-midi. Le tableau 3 dépeint une image moins rose puisque les dépenses agricoles ont eu tendance à augmenter tandis que les revenus agricoles réalisés ont eu tendance à diminuer—et cela vaut pour tout le secteur agricole. La situation serait bien pire si on ne tenait compte que des cultures.
Le tableau 4 montre les indicateurs clés à court terme. La situation générale n'est pas trop positive pour les rentrées de fonds tirées des récoltes. Sauf peut-être pour le blé, les prix de la campagne agricole actuelle seront inférieurs à ceux de l'an dernier et se situeront sous la moyenne quinquennale. On prévoit une légère augmentation des prix l'an prochain, mais ils resteront néanmoins bien inférieurs à la moyenne quinquennale.
Les prix mondiaux des céréales demeurent déprimés et on n'entrevoit aucune amélioration à court terme à cet égard. Les exportateurs, comme les États-Unis, l'Union européenne, le Canada, l'Australie et l'Argentine ont tous fait d'excellentes récoltes encore cette année. En dépit d'une légère diminution des stocks mondiaux de blé cette année, le total des stocks reportés des principaux exportateurs a augmenté.
Mais pourquoi avons-nous donc des excédents permanents de stocks de céréales? Les paiements de soutien versés aux producteurs, principalement par l'Union européenne et les États- Unis, en sont une des raisons.
• 1755
Le tableau 5 se compose en fait de deux tableaux. Celui du
haut représente des dollars par tonne, tandis que celui du bas
représente des pourcentages. Les deux montrent clairement, ce que
nous savons tous, que l'Europe et, dans une moindre mesure, les
États-Unis, versent des subventions très élevées, qui atteignent
des niveaux quasi-obscènes, et que le Canada vient loin derrière à
cet égard.
Lorsque l'on sait que les États-Unis ont augmenté le montant des subventions versées à leurs agriculteurs en 1999 à des niveaux bien supérieurs à ce qui est indiqué dans le tableau, jusqu'à un total de 22,5 milliards de dollars, on peut comprendre le sentiment d'impuissance des agriculteurs de l'ouest du Canada lorsqu'on leur dit que les programmes canadiens de paiements de soutien doivent être conformes aux grands accords internationaux et que le Canada ne peut pas, sur ce terrain, faire concurrence aux États-Unis et à l'Union européenne. C'est peut-être vrai, mais ce n'est rien pour réconforter le céréaliculteur canadien qui voit la viabilité de son exploitation agricole s'éroder sans cesse.
Les céréaliculteurs de l'Alberta disposent de trois grands programmes de sécurité du revenu. Ce sont l'assurance-récolte, le CSRN et le PSRC. Plus tôt cet après-midi, vous avez posé des questions sur l'ACRA. Vous devez savoir que les agriculteurs de l'Alberta connaissent beaucoup mieux le PSRC que l'ACRA. Savoir cela pourrait éclaircir certaines choses. En Alberta, le PSRC est actuellement lié au programme fédéral ACRA pour 1998 et 1999.
L'assurance-récolte peut être un outil efficace de gestion des risques liés à la production. Malheureusement, en Alberta, le taux de participation demeure inférieur à un taux acceptable puisque seulement 50 p. 100 des surfaces admissibles sont couvertes. Certains estiment que le régime d'assurance-récolte n'a pas été adapté aux progrès techniques et à l'amélioration des méthodes de gestion et que le système que nous utilisons, qui est fondé sur les zones de risque, ne convient pas.
L'Alberta Grain Commission félicite le gouvernement de l'Alberta d'avoir demandé un examen complet du régime d'assurance- récolte, qui, nous croyons, aura lieu l'an prochain. Nous encourageons le gouvernement fédéral et les autres provinces à prendre des initiatives semblables. Nous devons faire en sorte que le régime d'assurance-récolte de l'avenir tienne compte des progrès réalisés par notre industrie au fil des ans et soit adapté aux besoins des producteurs.
Le CSRN est un programme très populaire. En tant qu'outil de gestion des risques financiers il offre un taux de rendement attrayant. Cependant, la capacité du programme de stabiliser le revenu agricole lorsque le manque à gagner est important soulève certaines questions. Selon l'Alberta Grain Commission, le CSRN devrait être évalué dans le cadre d'un examen général du système canadien de sécurité du revenu et, s'il le faut, il devrait être modifié pour devenir un instrument plus efficace de stabilisation du revenu agricole, si c'est bien là son objectif premier.
Le PSRC de l'Alberta et, dans une certaine mesure, l'ACRA du gouvernement fédéral, semblent bien réussir à orienter les paiements vers les producteurs qui en ont le plus besoin. Cependant, et c'est un aspect important, ces programmes ne sont apparemment pas efficaces en cas de problèmes prolongés ou de longues périodes de chute des revenus.
Le tableau 6, qui s'étend sur deux côtés de la page, montre un sommaire des problèmes météorologiques que connaît le nord de l'Alberta depuis de nombreuses années. Cette région a éprouvé plusieurs années successives de sécheresse. Le tableau, qui va de 1990 à 1999, présente pour chaque comté les régions touchées par la sécheresse et où il a été impossible d'ensemencer. On peut voir que des comtés comme celui dont vous avez entendu parler aujourd'hui, c'est-à-dire Bonnyville, sur la deuxième page, n'ont connu un temps normal que trois ans sur une période de neuf ans.
Ce tableau fait ressortir les problèmes de mauvais temps que certains comtés du nord ont connu ces dernières années. Devant cette situation et en raison des prix déprimés on comprend facilement pourquoi les agriculteurs de la région n'ont aucune marge bénéficiaire ou, dans certains cas, connaissent des déficits.
M. Pat Durnin: En réaction aux préoccupations et aux critiques des agriculteurs albertains, le gouvernement de la province a apporté des changements au PSRC. L'Alberta Grain Commission appuie ces changements et estime qu'ils étaient nécessaires et venaient à point compte tenu des faibles revenus qu'ont retiré de nombreux agriculteurs pendant plusieurs années consécutives.
En général, l'Alberta Grain Commission n'est pas convaincue que l'ensemble des programmes de sécurité actuels est adaptée aux besoins des céréaliculteurs. Les programmes gouvernementaux ne devraient pas être structurés de manière à sauver tous les agriculteurs ou à garantir la rentabilité de toutes les exploitations agricoles sans exception. Cependant, nous estimons que les gouvernements doivent définir clairement ce qu'est un revenu catastrophique et élaborer des programmes entrant en jeu lorsque les agriculteurs voient leurs revenus chuter radicalement sans que ce soit leur faute.
Les programmes actuels sont conçus pour aider lorsque le revenu diminue une année, ou, dans le meilleur des cas, deux années consécutives. Au-delà de deux ans, ils sont nettement insuffisants. L'Alberta Grain Commission estime que nous n'avons pas les bonnes priorités si nous accordons une aide généreuse lorsque le malheur frappe une année, mais fermons le robinet lorsque les revenus chutent trois années consécutives ou plus.
• 1800
Dans le meilleur des cas, le gouvernement fédéral devrait
faire davantage pour atténuer les distorsions provoquées par les
subventions accordées dans d'autres pays. L'OMC est peut-être le
forum qu'il faut pour tenter d'obtenir une réduction des
subventions à l'exportation et des subventions intérieures, mais
les résultats obtenus à Seattle sont décevants et révèlent qu'il
faudra encore longtemps avant d'égaliser les chances. Que doivent
faire les céréaliculteurs de l'ouest du Canada jusqu'à ce que l'on
en vienne là?
Nous reconnaissons que la principale explication des problèmes actuels des céréaliculteurs ce sont les politiques d'autres pays qui perturbent la production, les marchés et les prix. Cependant, nous devons aussi regarder ce qui se passe au Canada même. Les problèmes complexes comme l'insuffisance des revenus agricoles revêtent de nombreuses facettes et exigent des solutions souples.
L'Alberta Grain Commission reconnaît que la première ligne de défense, c'est la gestion des exploitations agricoles. Les prix des céréales continuent de diminuer, les coûts des intrants continuent d'augmenter et le climat semble de plus en plus imprévisible. Il faut être un agriculteur de premier ordre pour conserver une marge bénéficiaire dans un tel contexte. Il faut aussi rechercher constamment de nouveaux moyens d'améliorer ses bénéfices. Les agriculteurs peuvent gérer une partie des risques associés à l'instabilité actuelle, mais, pour cela, il leur faut de bons outils.
Avec notre système de commercialisation rigide, les agriculteurs ne sont pas libres de profiter des occasions d'ajouter de la valeur à leurs produits et de recourir à des outils de gestion des risques dans le cas du blé et de l'orge. Le système des coopératives agricoles ne récompense pas la capacité de bien commercialiser ses produits. Ceux qui n'ont pas cette capacité sont les grands gagnants dans ce système. Le système actuel de commercialisation du blé fait courir beaucoup trop de risques aux agriculteurs parce que ceux-ci ne peuvent pas réagir aux signaux émanant du marché lui-même et gérer leurs propres affaires.
Depuis 1995, les plébiscites et les sondages révèlent que les agriculteurs de l'Alberta veulent être libres de vendre eux-mêmes leur blé et leur orge à n'importe quel acheteur, y compris à la Commission canadienne du blé. On ne peut plus fermer les yeux sur les inégalités entre le système de commercialisation du blé de l'Ontario et celui de la Commission canadienne du blé dans les régions désignées. Si la Commission canadienne du blé commercialise véritablement le blé et l'orge dans l'intérêt du Canada, alors, que son mandat soit étendu à l'ensemble du Canada. Sinon, que les agriculteurs de toutes les provinces aient la possibilité de produire, de transformer et de vendre leurs propres produits de façon indépendante. Si l'Ontario peut avoir son propre système de commercialisation du blé, pourquoi l'Alberta ne le pourrait-elle pas?
Nous avons un système de manutention et de transport des céréales de 2,4 milliards de dollars qui est aussi un élément du problème. Ce ne sont pas les engrais, les semences, les produits chimiques, la dépréciation ou l'intérêt, mais la manutention et le transport qui sont les plus grands intrants de l'agriculture. Selon Westac, le coût du transport s'établit entre 60 $ et 80 $ la tonne. Dans le cas du blé, c'est entre 1,63 $ et 2 $ le boisseau, ce qui est énorme.
Nous félicitons le gouvernement fédéral pour les initiatives qu'il a prises dans le but d'améliorer la manutention et le transport des céréales de l'Ouest. Nous félicitons aussi le ministre des Transports pour son énoncé de politique de mai dernier, dans lequel il appuyait les conclusions du juge Willard Estey, qui avait déclaré que le système de manutention et de transport des céréales de l'Ouest pourrait être rendu plus efficient, plus responsable et plus avantageux pour les agriculteurs s'il était axé davantage sur les pratiques commerciales, mais en maintenant, bien sûr, les garanties nécessaires à la protection de l'intérêt public.
Les coûts de la manutention et du transport des céréales s'élèvent à environ 2,4 milliards de dollars par année. Une réduction de 5 p. 100 de ces coûts permettrait d'économiser 120 millions de dollars par année. Nous croyons que les vues exprimées par le juge Estey sont porteuses d'économies beaucoup plus importantes encore. La mise en oeuvre des recommandations de M. Kroeger représente un pas dans la bonne direction.
Si le Canada veut que d'autres pays modifient en profondeur leurs politiques perturbatrices du marché et de la production, il doit être vu comme un acteur crédible à la table des négociations. La survie de l'industrie céréalière canadienne, tant la production de produits bruts que de produits transformés, dépend de l'élargissement de nos marchés et de l'amélioration des règles commerciales. Le Canada ne doit pas se présenter à l'OMC en réclamant l'accès aux marchés mondiaux et la modification des politiques intérieures d'autres pays tout en défendant le maintien de ses propres offices de commercialisation et de la Commission canadienne du blé.
L'étude que le George Morris Centre a effectuée pour le compte du groupe commercial agro-industriel démontre que l'élimination des obstacles actuels à l'accès aux marchés pourrait avoir des avantages nets totalisant 2,5 milliards de dollars par année pour l'ensemble du secteur agroalimentaire canadien, et pas uniquement celui des céréales. Le Canada doit appuyer avec force les politiques de libéralisation des échanges sans quoi toute l'économie canadienne en souffrira.
En bref, vous cherchiez à déterminer l'efficacité du filet de sécurité à long terme. Notre position à cet égard, c'est qu'il vous faut continuer de travailler pour trouver des solutions aux différends commerciaux internationaux. Il faut tout particulièrement réduire la surproduction mondiale qui est stimulée artificiellement par les subventions versées par nos principaux concurrents. Devant l'OMC, il ne vous faut pas protéger la gestion de l'offre telle que la fait la Commission canadienne du blé au détriment de toute l'industrie céréalière des Prairies. Il faut également reconnaître que le règlement des différends commerciaux constitue la solution à long terme aux problèmes actuels.
• 1805
Vous vouliez vous informer sur les autres initiatives
nationales visant à assurer la stabilité et l'environnement
nécessaires à une croissance continue de l'industrie agricole:
étudiez un système de sécurité pouvant remédier à des problèmes de
revenus autres que ponctuels, comme le font l'ACRA et le PSRC.
Assurez-vous que le régime d'assurance-récolte est adapté aux
besoins des producteurs. Définissez clairement ce qui constitue une
crise du revenu et élaborez les programmes permettant de pallier
les chutes de revenus qui ne sont pas du tout le fait des
agriculteurs. Pour cela, il se pourrait qu'il faille modifier le
CSRN ou d'autres éléments du filet de sécurité qui permettent de
contrer directement les répercussions des subventions à
l'exportation.
Les solutions pour assurer la stabilité du secteur agricole et des collectivités rurales de l'Ouest sont l'élimination des règlements fédéraux qui limitent la capacité des agriculteurs de faire concurrence sur les marchés mondiaux et qui limitent leur capacité de profiter des possibilités d'ajouter de la valeur à leurs produits dans l'Ouest. On pourrait certainement envisager de nous laisser libres de choisir notre système de mise en marché et de transport ou de nous soustraire au mandat de la Commission canadienne du blé.
Le gouvernement fédéral pourrait souscrire aux vues exprimées par le juge Estey sur le système de manutention et de transport des céréales qui, selon lui, pourrait contribuer à la rentabilité des exploitations agricoles familiales si les recommandations de M. Kroeger étaient mises en oeuvre. L'Alberta Grain Commission remercie le comité d'être venu dans l'ouest du Canada et de lui avoir donné la possibilité de lui faire part de ses vues. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président: Il y en aura très peu. Il nous reste moins de huit minutes. Je ne voudrais pas voler de temps aux agriculteurs qui ont attendu patiemment tout l'après-midi. Je permettrai à chacun d'entre vous de poser une brève question et nous verrons où cela va nous mener.
M. Leon Benoit: D'accord. Bon après-midi, mesdames et messieurs.
Je n'ai qu'une seule question à poser. Les gens que nous avons entendus jusqu'à maintenant aujourd'hui ont été très négatifs quant aux chances de succès de négociations commerciales susceptibles d'éliminer la cause réelle, ou une grande partie de la cause réelle, de l'effondrement des prix des produits. Nous avons entendu certaines suggestions, notamment sur les intrants, dont l'efficacité serait indéniable. J'aimerais que chacun d'entre vous nous dise si les choses sont aussi noires qu'elles ont été dépeintes aujourd'hui quant à la possibilité de parvenir à une solution acceptable au problème des subventions agricoles, particulièrement des subventions qui perturbent le marché.
Je voudrais ajouter quelques faits généraux. J'ai assisté plusieurs fois à des réunions d'une association de parlementaires de pays membres de l'OTAN en Europe où je m'occupe notamment des questions de commerce, plus particulièrement de question de commerce des produits agricoles. Je suis allé au parlement hollandais et on m'y a dit que le but de la Hollande était l'élimination totale et rapide des subventions agricoles. C'est l'objectif des Hollandais. C'est la position du principal parti d'opposition et des trois principaux partis de la coalition qui forme le gouvernement. La Hollande fait partie de l'UE. En passant, ces gens n'ont jamais rien entendu qui aille dans le même sens de la part d'un fonctionnaire canadien autre que de l'ambassadeur et il est clair que les Hollandais sont nos alliés à l'intérieur de l'UE.
Cela étant dit, je tiens beaucoup à connaître vos vues. Les choses sont-elles aussi noires qu'elles ont été représentées aujourd'hui quant à la possibilité de parvenir à une entente réelle pouvant faire remonter le prix des produits?
Le président: Pourrions-nous avoir une réponse très brève?
M. Garry Benoit (directeur général, Association des déshydrateurs canadiens): J'étais à Seattle la semaine dernière et j'ai survécu.
Je ne suis pas trop optimiste, mais, cela étant dit, nous passons par différents cycles. Étant donné notre intérêt particulier, aussi mauvais que soit l'ACRA et tout le reste, nous réclamons quelque chose de parallèle à ces programmes qui remonterait à leur entrée en vigueur, c'est-à-dire deux ans. Cela pourrait suffire pour nous garder à flot le temps que le marché se corrige lui-même un peu en dépit des épouvantables subventions qui sont versées. Nous sommes aussi très frugaux puisque nous ne réclamons que 20 p. 100 de ce que les Européens obtiennent chaque année pendant seulement deux ou trois des années les plus difficiles. Cela nous permettrait probablement de nous en tirer, même difficilement.
Le président: Merci.
M. Garry Benoit: Mais nous ne verrons aucune solution à court terme.
Le président: Monsieur McGuire, avez-vous une question brève à poser?
M. Joe McGuire: Oui, oui. Je voulais simplement mentionner que le groupe de pression le plus persistant de l'Ouest, c'est celui des déshydrateurs. Je veux ajouter que Murray tenait beaucoup à être ici aujourd'hui, mais qu'il a été rappelé. Il en a été très irrité, mais je suis convaincu... Vous rentrez en décembre?
M. Bryan Davidson: Je rentre la semaine prochaine.
M. Joe McGuire: Vous serez alors probablement très pris là- bas. Je me demandais qui a votre plan d'affaires en ce moment et...
M. Bryan Davidson: Il vient juste d'être imprimé et c'est le premier groupe à l'obtenir.
Joe McGuire: Très bien. Qu'est-ce...
M. Bryan Davidson: Il sera livré la semaine prochaine, expliqué et tout le reste. On nous a demandé de préciser les chiffres et c'est ce que nous avons voulu faire.
M. Joe McGuire: D'accord. Nous ne vous parlerons donc pas de ce plan aujourd'hui, mais la semaine prochaine.
À la page 3 de votre mémoire, vous dites du CSRN qu'il devrait être «évalué dans le contexte plus large du filet de sécurité canadien et peut-être rajusté pour stabiliser le revenu agricole avec plus d'efficacité». Comment proposeriez-vous de procéder? Comment améliorerez-vous le CSRN? Il y a bien des fonds dans le CSRN, mais cet argent ne fait rien.
Le président: Voulez-vous risquer une réponse?
M. Pat Durnin: Je peux essayer. Brièvement, je voudrais dire que la situation dans le secteur des cultures est aussi grave qu'elle a été décrite et qu'elle s'aggravera à moins que nous ne rajustions les programmes et les politiques que nous avons pour y faire face.
Le CSRN est un aspect. C'est un programme populaire et utile pour un très petit pourcentage d'agriculteurs. Cependant, ce pourcentage est important du point de vue économique. Le CSRN pourrait être modifié pour devenir une sorte de mécanisme servant au paiement d'une forme ou d'une autre d'aide visant à atténuer les perturbations provoquées par toutes les subventions. Je crois qu'il y a de nombreux mécanismes qui pourraient être utilisés plus efficacement dans le cadre du programme.
Merci.
Le président: Vous avez deux minutes à vous deux, Dick et Rick. Allez-y, Dick.
M. Dick Proctor: J'ai une brève question à poser à M. Davidson. Je suis heureux de vous revoir.
Le groupe des déshydrateurs s'est-il résigné à être exclu à tout jamais du programme ACRA? Le ministre a parlé de modifications à l'ACRA. Il a parlé de souplesse et a utilisé tous ces jolis mots. Demandez-vous maintenant uniquement l'adoption d'un programme parallèle?
M. Bryan Davidson: Non. Nous serions tout à fait disposés à ce que l'on envisage de nous inclure à l'ACRA, si les modifications nécessaires pouvaient être faites.
M. Dick Proctor: Est-il permis d'espérer que cela se fera?
M. Bryan Davidson: Oui. Beaucoup de gens, à Ottawa, nous permettent d'espérer, mais pas au bureau du ministre.
Le président: D'accord.
M. Bryan Davidson: La moitié des fonctionnaires se sentent impuissants car ils n'obtiennent pas le leadership politique qu'ils attendent.
Le président: Rick.
M. Rick Borotsik: Monsieur le président, je renonce à mes questions. Il est évident que j'ai rencontré le groupe des déshydrateurs à maintes reprises. Il s'agit là d'un groupe de lobbying très actif et je comprends la position de la commission du grain, aussi je voudrais entendre les producteurs, si vous le permettez, monsieur le président.
Le président: Vous pouvez avoir une minute, monsieur Benoit. Une minute.
M. Leon Benoit: Merci beaucoup, monsieur le président.
Pat, lorsque vous avez répondu à ma question... En fait, vous n'avez pas répondu à ma question et je suis très conscient de la gravité de la situation. Mais ce n'est pas de cela que je veux parler. Quelle est la probabilité qu'au cours des deux, trois ou cinq prochaines années, il y ait de réels progrès dans les négociations commerciales? Le problème n'est-il pas là? Nous savons tous que oui. La clé consiste à avoir un accord quelconque sur les grands enjeux.
Le président: Monsieur Durnin.
M. Pat Durnin: Ma conviction personnelle, et, je crois, celle de mes collègues au sein de la commission, c'est qu'il est pratiquement impossible qu'il y ait des négociations raisonnables permettant de réduire les subventions perturbatrices du commerce à court terme, ce qui veut dire, selon moi, d'ici cinq ans. Le fait est que, si la société canadienne veut maintenir l'industrie céréalière dans l'ouest du Canada dans sa forme actuelle, elle devra trouver le moyen, que ce soit par les programmes existants ou par de nouveaux programmes, de faire contrepoids aux subventions.
À l'opposé, si la société canadienne ne veut pas soutenir le secteur céréalier dans l'ouest du Canada, elle doit se préparer à des réajustements radicaux et très traumatisants dans ce secteur.
Merci.
M. Bryan Davidson: Puis-je ajouter un bref commentaire, monsieur le président?
Le président: Soyez très bref, Bryan.
M. Bryan Davidson: En m'appuyant sur ce que j'entends dans la population et sur ce qui se passe dans l'ouest du Canada en ce moment, je crois sincèrement que le gouvernement doit maintenant se doter d'une vision. Il doit se doter d'une vision parce que les écarts sont tout simplement trop grands.
• 1815
Je crois que les Européens ont adopté une vision il y a déjà
longtemps et qu'ils vont adhérer à cette vision. Ils obtiennent des
résultats et ils vont s'en tenir à leur vision. Il est temps que le
gouvernement du Canada se dote d'une vision. Il y a des gens sur le
terrain qui peuvent travailler en fonction de cette vision et ils
sont certainement mieux qualifiés que moi pour cela.
Merci beaucoup.
Le président: Merci à tous.
Nous revenons maintenant à des agriculteurs de l'audience: Einar Loveseth, Bernard von Tettenhorn, Greg Porozni et Ed Armstrong.
Nous avons jusqu'à 19 heures. J'ai d'autres noms sur la liste et ces gens auront la parole si nous en avons le temps. Plus vous serez concis, plus nous pourrons entendre d'agriculteurs. Je m'en remets à vous. J'espère que vous vous efforcerez d'être aussi brefs que possible parce que d'autres voudraient aussi avoir la parole.
Nous entendrons les quatre premiers. Monsieur Armstrong, vous serez le premier parce que nous respectons l'ordre alphabétique. Bienvenue. Vous pouvez commencer.
M. Ed Armstrong (témoignage à titre personnel): Je vous remercie de me donner la possibilité d'être entendu. Je suis venu ici dans l'espoir de pouvoir m'exprimer, mais surtout je suis venu pour entendre. J'ai une exploitation agricole dans la région de Dapp, qui est juste au nord de Westlock. Je cultive des céréales. J'appartiens à la Western Barley Growers Association. Je suis président du comité du filet de sécurité depuis 1984.
Il y a deux questions en jeu ici. Que nous le voulions ou non, le marché des produits agricoles est en train de se mondialiser. L'Europe, les États-Unis et d'autres versent de grosses subventions. Il faut composer avec cette situation.
En 1988, je faisais partie du comité national d'examen de la politique agricole et l'objectif était de rendre les agriculteurs canadiens concurrentiels à l'échelle mondiale. Les agriculteurs devaient se préparer à affronter les forces du marché et à devenir autonomes sur les marchés mondiaux. J'appuie entièrement cette position. C'est un bon objectif à adopter comme point de départ pour que l'agriculture canadienne survive. J'invite le gouvernement à adopter cet objectif comme objectif premier.
Comment pouvons-nous atteindre cet objectif? Il y a deux éléments ici. Tout d'abord, l'indépendance des agriculteurs crée la richesse, ce qui n'est pas le cas de la dépendance des agriculteurs vis-à-vis le gouvernement. L'autre élément, c'est la capacité des agriculteurs de produire des produits de qualité et de les vendre à un bon prix, que ce soit au Canada ou à l'étranger. Les agriculteurs doivent avoir cette liberté.
Il faut également que les agriculteurs canadiens produisent au moindre coût possible de manière à pouvoir soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux.
Nous avons un filet de sécurité en place. Nous avons le régime d'assurance-récolte, le PSRC, l'ACRA—un PSRC surtout pour l'Alberta—et le CSRN. J'ai consacré beaucoup de temps à tous ces programmes et je crois qu'il serait juste de dire, sans trop de risque de me tromper, que nous verrons de grosses sommes circuler en Alberta au cours des six prochains mois. Le programme qui a été annoncé, avec les changements au PSRC, aura un grand effet sur les agriculteurs compte tenu des épreuves qu'ils ont subies au cours des cinq dernières années. Il remontera jusqu'à l'époque du Régime d'assurance-revenu brut, le RARB. Un nombre respectable d'agriculteurs recevront des sommes considérables.
Par contre, le programme de l'Alberta pourrait bien ne pas aider comme il se doit les agriculteurs qui ont connu, par exemple, quatre années en ligne d'épreuves. Cependant, si les changements au programme ACRA combinent les deux, comme on me l'a dit, ils aideront davantage les agriculteurs qui ont été frappés au cours des six dernières années. Beaucoup d'argent sera versé dans la région au cours des six prochains mois. J'invite tous les agriculteurs à suivre la situation de près et à présenter les demandes voulues, que ce soit au PSRC, à ACRA ou peu importe quelle combinaison de programme est adoptée, parce qu'il y aura beaucoup d'argent.
Le problème dans le nord-est, comme vous l'avez entendu, c'est que ce ne sont pas les programmes PSRC et ACRA qui entrent en jeu, mais l'assurance-récolte. Les prix ne font pas problème dans cette région, le problème en est un de production. L'assurance-récolte est un maillon faible du filet. ACRA et le PSRC n'ont jamais été conçus comme des programmes d'assurance-récolte.
• 1820
Un autre secret des programmes ACRA et PSRC, c'est qu'ils sont
fonction de la marge de profit.
Par ailleurs, et cela me réjouit beaucoup, c'est, à ma connaissance, le seul programme qui tient compte à la fois des coûts et des prix. Ces deux programmes ont fait clairement comprendre au gouvernement que nous avions un énorme problème de coûts. Je crois que le gouvernement ainsi que nous, les agriculteurs, devons réagir devant cette situation si nous voulons être concurrentiels sur le marché mondial des produits agricoles.
Je le répète, la solution ne consiste pas à engager encore plus d'argent, comme d'autres pays le font sous forme de subventions. Je crois qu'il faut rechercher des solutions ici même, dans notre propre cadre réglementaire. Je crois qu'il faut chercher à savoir si les programmes gouvernementaux et la réglementation contribuent ou nuisent à la rentabilité des agriculteurs. Je crois qu'il faut examiner tout cela ainsi que notre régime fiscal.
Il y a un autre aspect qui doit être examiné. Il en a été brièvement question aujourd'hui, et c'est la Société du crédit agricole, qui est une agence de prêt au niveau fédéral et aussi provincial. En Alberta, nous avons l'équivalent, appelé l'Agriculture Financial Services Corporation. Si vous avez un emprunt hypothécaire—et on n'en a pas parlé, mais je crois que le gouvernement doit y voir—auprès de la Société du crédit agricole, disons à 12 p. 100, et que vous êtes en retard dans vos paiements, ce qui est le cas de beaucoup d'agriculteurs... C'est la même chose avec l'agence provinciale, l'AFSC. La seule différence, c'est que la Société du crédit agricole permet l'amortissement deux fois par année, tandis que l'AFSC permet l'amortissement une fois par année. Donc, si vous avez contracté un emprunt à 12 p. 100 et que vous êtes en retard dans vos paiements, le taux d'intérêt réel s'élève approximativement à 40 p. 100. L'agriculteur a une ou deux options: premièrement, il peut demander sur-le-champ un rééchelonnement de sa dette; deuxièmement, il doit faire des paiements doubles pendant un peu moins de trois ans mais pendant plus de deux ans et demi, sans quoi, il perd son exploitation agricole.
Nous devons remédier à cette situation. Les profits de la Société du crédit agricole vont enrichir le Trésor fédéral—je crois que c'était plus de 40 millions de dollars il y a environ deux ans—et les profits de l'AFSC vont enrichir le Trésor provincial. Pourquoi donner 1 $ aux agriculteurs si vous leur enlevez ensuite 6 $? Il faut examiner tout cela. Cela fait partie de tout le processus de l'examen intergouvernemental visant à déterminer ce que nous faisons pour l'agriculture. Je crois sincèrement qu'il faut examiner cela.
Notre objectif, celui que j'ai mentionné en commençant, est un bon objectif. Au Canada, l'agriculture est à la croisée des chemins. Il nous faut ou nous embarquer à fond dans le mouvement de mondialisation ou rester sur le bas côté de la route. Puisque nous avons choisi d'embarquer, il faut examiner ce qui, chez nous, fait que les coûts sont si élevés pour les agriculteurs.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Armstrong.
Nous entendrons maintenant Einar Loveseth. Einar.
Einar Loveseth (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président, membres du comité, mesdames, messieurs et collègues agriculteurs.
Tout d'abord, je tiens à dire que les prix que je citerai ne sont pas des statistiques. Ils sont tirés de mes propres livres. Mon exploitation agricole se trouve à Viking, en Alberta.
L'élimination de la subvention au transport du grain de l'Ouest, c'est-à-dire du tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau: en 1995, le transport était subventionné à hauteur de 780 millions de dollars et, comme M. Benoit l'a dit, cette somme serait beaucoup plus élevée aujourd'hui. En 1995, les taux de fret étaient de 12,93 $ par tonne; en 1999, ils atteignaient 29,23 $ par tonne, soit une augmentation de 126 p. 100. Les paiements du Fonds d'adaptation à la réforme du transport du grain de l'Ouest, qui existait au début de 1996, représentaient environ un an et demi de fret pour l'exploitation agricole moyenne.
L'industrie secondaire: l'abolition du tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau devait théoriquement promouvoir le développement de l'industrie secondaire. Les gouvernements ont encouragé, par exemple, l'expansion de l'élevage du porc. Le prix de l'orge est demeuré le même pour les éleveurs de porc que pour l'exportation; pendant ce temps, les producteurs de porc tuaient les cochonnets et distribuaient gratuitement de la viande de porc sur les marchés agricoles. Il n'y avait tout simplement pas d'acheteurs de porc.
L'industrie secondaire n'aidera pas les producteurs de céréales à moins qu'il y ait des profits à tirer de cette industrie et qu'une partie de ces profits parvienne aux producteurs de grains. Il est fort peu probable que cela se produise dans l'avenir puisque les grandes entreprises mettent la main sur les installations de production secondaire.
• 1825
J'en conclus que le gouvernement fédéral devra intervenir et,
s'il veut qu'il y ait un secteur du grain d'exportation dans
l'ouest du Canada, il devra s'assurer de la viabilité de ce secteur
industriel.
Le cours du grain ne cesse de baisser et le coût des intrants continue de grimper. Je tiens un livre dans lequel j'entre le plus souvent possible des statistiques. Le 24 octobre 1995, le blé no 1 à 13,5 p. 100 de protéines rapportait 4,32 $ nets le boisseau, ce que je trouve raisonnable mais, le 26 novembre 1999, le blé no 1 à 13,6 p. 100 de protéines ne rapportait plus que 3,07 $ nets le boisseau, soit 41 p. 100 de moins.
Le prix du canola: le 1er novembre 1995, le canola rapportait 7,74 $ nets le boisseau; le 30 novembre 1999, 5,65 $ nets—et je crois qu'il n'est plus qu'à 5 $ aujourd'hui—ce qui représente une baisse de 37 p. 100.
Le prix de l'orge: le 18 septembre 1995, l'orge se vendait 141 $ la tonne ou 3,06 $ le boisseau; le 10 novembre 1999, il ne se vendait plus que 80 $ la tonne ou 1,78 $ le boisseau, soit 72 p. 100 de moins.
Les intrants: en 1995, on pouvait acheter une livre de graines de canola pour 1,25 $ environ; en 1999, ces graines coûtent de 1,90 $ à 5,25 $ la livre, soit de 65 à 324 p. 100 plus.
Le prix du carburant: en 1995, le diesel coûtait 25,5c. le litre. Comme il s'agit du prix net, remarquez, après remboursement par le gouvernement albertain, il semblera peut-être faible à certains d'entre vous. Nous touchons six, huit ou dix; cela change de temps à autre. En 1999, le diesel coûtait 32,5c., soit 27,5 p. 100 de plus. En 1995, l'essence était à 38,5c. le litre et, en 1999, à 44,3c., ce qui représente une hausse de 15 p. 100.
Le prix de l'engrais a augmenté de 30 à 40 p. 100 au moins. Je n'ai pas vérifié.
Le commerce international: l'Organisation mondiale du commerce, à Seattle. L'attitude que le Canada a adoptée à Seattle à l'égard des problèmes commerciaux est ridicule. Le Canada s'est dit absolument sans reproche en ce qui concerne les subventions versées aux producteurs agricoles. C'est peut-être vrai, mais cela a fait beaucoup de tort aux céréaliculteurs des Prairies, ces trois ou quatre dernières années. Le Canada a mis cartes sur table en espérant que les autres pays se choisissent une belle main. On ne fait pas cela au poker. On joue les cartes qu'on a reçues au meilleur de ses capacités.
Avant même le début des négociations, le Canada savait que la Communauté économique européenne n'était pas prête à changer le moindrement de position. La semaine d'avant, les agriculteurs avaient manifesté à Paris. Un mois avant les négociations, le président Bill Clinton avait annoncé le versement de 7,5 milliards de dollars aux agriculteurs souffrant du faible prix des produits. L'argent devait être versé immédiatement; 5,5 milliards de dollars devaient être entre les mains des agriculteurs avant la fête américaine de l'Action de grâces, le 25 novembre 1999. Les 2 autres milliards de dollars devaient couvrir les catastrophes telles que les inondations, les ouragans et les grandes sécheresses, par exemple. Tout changement possible à cet égard n'allait pas aider les céréaliculteurs pour de nombreuses années à venir.
Les programmes agricoles actuels, soit le PDRA et l'ACRA, ne fonctionnent pas. Le gouvernement a consacré des millions de dollars à la promotion de ces programmes—des réclames à la télé et à la radio, de pleines pages dans les journaux, de grands panneaux- réclame dans les banques et les bureaux de poste. Il change constamment les lignes directrices des programmes et les dates limites pour la présentation des demandes. Si ces programmes fonctionnaient, les producteurs feraient la queue pour avoir de l'argent. La seule chose qui est exacte à propos de ces programmes, c'est le mot «catastrophe», car c'est exactement ce que sont ces programmes, des catastrophes.
• 1830
La crise agricole: les gouvernements ont décidé de ne pas
soutenir les petites exploitations agricoles, déclarant que 20 p.
100 des céréaliculteurs de l'ouest du Canada produisent 80 p. 100
du grain. Toutefois, il faut reconnaître l'incidence que l'exode
des agriculteurs aura sur les petites villes et les petites
collectivités. Moins il y aura de gens et moins on pourra soutenir
les écoles, les hôpitaux, les églises, et les installations
récréatives des régions rurales. Les petites entreprises seront
forcées de fermer leurs portes.
Les exploitations agricoles familiales font partie du patrimoine canadien. Nos ancêtres et nos pères ont défriché la terre, élevé des familles nombreuses et construit des écoles, des églises, des élévateurs, des routes et des localités. Des agriculteurs de la troisième et de la quatrième génération perdent aujourd'hui leur exploitation agricole non pas par leur faute, mais à cause du faible cours du grain. Les Églises unie et luthérienne du Canada ont annoncé récemment qu'elles organisaient des comités pour résoudre le problème de la crise de l'exploitation agricole familiale. Elles jumellent des églises de la ville et des églises de la campagne afin d'aider celles-ci qui sont dans le besoin. Habituellement, quand les Églises demandent qu'on les aide à résoudre des problèmes au plan agricole, c'est un pays du tiers monde qui est en question. L'aide est aujourd'hui pour ici, au Canada.
Les pressions émotionnelles que subissent de nombreuses familles d'agriculteurs sont énormes. Il est ridicule de croire que tout un mode de vie va disparaître sans qu'il y ait de répercussions. Ces familles déplacées auront beaucoup besoin de services de soutien et d'aide financière. Il vaut mieux prévoir un programme de soutien pour les gens qui veulent garder leur exploitation agricole, et j'ai un programme de sauvetage des exploitations agricoles à vous proposer. Comme personne d'autre ne semble avoir un programme ou quelque solution à proposer, je vous le soumets, monsieur le président. Me reste-t-il quelques minutes?
Le président: Beaucoup d'agriculteurs veulent présenter un exposé et vous avez déjà eu pas mal de temps, Einar. C'est à vous de décider. Il reste seulement 28 minutes, pas plus.
M. Einar Loveseth: Le programme de sauvetage des exploitations agricoles que j'ai à proposer reposerait sur les avis de cotisation foncière et sur les livrets de permis qui font état des produits qui sont cultivés. Il ressemblerait au programme de subventions au transport. Ce programme pourrait durer un an ou être en vigueur jusqu'à ce que le cours du grain monte ou que les subventions soient réduites ou supprimées dans d'autres pays.
Comme les gouvernements ne favorisent pas les paiements à l'acre, ce programme fondé sur les impôts pourrait être considéré comme un programme de remboursement d'impôt. Il y aurait une limite au nombre de quarts de section admissibles et les paiements diminueraient avec chaque quart de section additionnel. Ce serait un moyen rapide de mettre de l'argent entre les mains des céréaliculteurs des Prairies.
Ce programme viserait à soutenir l'exploitation agricole familiale. Il empêcherait les grandes sociétés, les colonies huttériennes—non pas que j'aie quoi que ce soit contre elles—et les sociétés étrangères de se tailler la part du lion.
Pour les producteurs qui louent leur terre, la cotisation serait fondée sur l'impôt foncier ou sur l'évaluation de ladite terre. Les frais administratifs seraient minimaux si le programme était géré par les municipalités ou les comtés ruraux à partir du nombre d'acres ensemencés par quart de section figurant dans les livrets de permis de livraison de céréales. Je n'aime pas l'expression «acres ensemencés», mais ce que je veux dire, en fait, c'est que la cotisation montrerait si un quart comprend 160 acres ou seulement 80 ou 70. C'est pourquoi j'ai employé ces statistiques, monsieur le président.
On aurait la possibilité de choisir ses quarts de section dont l'évaluation est la plus élevée, jusqu'à concurrence de quatre ou cinq peut-être, ou dépendant de l'argent qu'a le gouvernement. Mais disons qu'il s'agirait de 500 $ en moyenne par quart; en commençant à 10 p. 100 d'intérêt, et qu'on recevrait 5 000 $. Puis, pour le quart suivant—j'emploie encore les mêmes chiffres—500 $ à 9,5 p. 100, et ainsi de suite en diminuant de « p. 100 su la valeur du quart suivant.
Il ne saurait y avoir de programme plus simple et on n'aurait pas de problème avec les éleveurs de bovins ou de porcs, car ils seraient payés en fonction de cela pour commencer. Et le problème avec tous les programmes qu'on a essayé de mettre sur pied au Canada; c'est qu'ils nous ont montés les uns contre les autres.
Je crois que nous sommes en train de faire cela ici aujourd'hui. Il faut faire attention à cela car, comme quelqu'un l'a déjà dit, toutes ces audiences ne donneront absolument rien. Il faut nous entendre ici et faire cause commune.
Le président: Merci, monsieur Loveseth. Avez-vous terminé?
M. Einar Loveseth: Oui.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci.
Nous entendrons maintenant Greg Porozni. Greg, allez-vous partager votre temps avec M. Kitz?
M. Greg Porozni (porte-parole, Cropmasters): Je vais présenter l'exposé, mais Larry Kitz et moi-même représentons Cropmasters.
Le président: Merci. Allez-y, je vous en prie.
M. Greg Porozni: Cropmasters est une association de 16 agriculteurs progressistes du centre-est de l'Alberta. Ses membres s'occupent de produire et de commercialiser plusieurs produits agricoles tel que le porc, le boeuf et le grain.
Les agriculteurs de l'ouest du Canada continuent d'être aux prises avec les pires difficultés économiques qu'ils aient jamais eues. Plusieurs problèmes doivent être résolus au plus vite pour sauver notre économie rurale.
Les actuels programmes de soutien provinciaux et fédéraux font plus la manchette des actualités qu'ils n'aident les producteurs dans le besoin. Ils sont loin d'offrir à nos agriculteurs les niveaux de subvention dont bénéficient leurs homologues américains et européens. Le Canada a réduit ses subventions beaucoup plus que ne l'exigeaient les négociations de l'Uruguay Round, en 1995, et son Trésor s'en est trouvé enrichi. Pendant que l'Europe et les États-Unis respectent à peine les exigences pour ce qui est de la réduction des subventions, nous, au Canada, soutenons tout le poids de la concurrence sur un marché international injuste, sans être représentés par le gouvernement fédéral. L'échec des négociations de l'OMC, à Seattle, et les signaux trompeurs que continuent à donner nos concurrents subventionnés sur le marché vont faire que le cours du grain sera faible pendant des années. Des mesures doivent être bientôt prises pour mettre fin à ces subventions ou pour les compenser convenablement de telle sorte que les règles du jeu deviennent équitables pour tous sur le marché.
Sur le front national, le ministre fédéral de l'Agriculture défend la gestion de l'approvisionnement dans les négociations sur le commerce international tout en s'attendant à ce que les autres pays réduisent leurs subventions. Nous trouvons cela hypocrite. Le Canada bénéficie des subventions les plus importantes au monde pour le lait et les oeufs. Par contre, nous avons les subventions les moins élevées au monde pour le blé, le canola, le boeuf, le porc, etc. Il faut d'abord combler cet écart au Canada avant d'espérer obtenir quoi que ce soit aux négociations sur le commerce international.
Nous demandons que notre gouvernement accroisse de 70 p. 100 le revenu moyen dans le cadre de l'ACRA. C'est ce que prévoient les régimes d'assurance standards. Quand on demande aux producteurs de faire la moyenne de leurs revenus de plusieurs années et de multiplier le résultat par 70 p. 100, il est évident que beaucoup ne sont alors pas admissibles aux niveaux d'aide d'autant réduits. Il faut abaisser les impôts fédéraux tant visibles que cachés. Il n'y a pas de meilleur moyen de donner un coup de fouet à un secteur industriel en difficultés que de réduire les impôts et de stimuler les investissements.
Il faut être agressif lorsqu'on négocie avec l'Europe et les États-Unis. Il faut s'occuper de ces subventions beaucoup plus vite que ne le permet le hasard de négociations commerciales. Tout un secteur industriel risque de disparaître dans les 10 à 15 années qu'il faudra pour appliquer toute résolution de l'OMC.
Pour ce qui est du transport, le système actuel de transport est insuffisant. Nous appuyons le rapport Kroeger lorsqu'il recommande que l'on modifie en profondeur la structure du système de transport du grain de l'Ouest. Les producteurs en ont assez de voir leurs liquidités bloquées à cause d'élévateurs à grain congestionnés et d'un transport insuffisant du grain. On nous avait promis de régler cela lorsqu'on a supprimé la subvention du Nid-de- Corbeau, mais on n'a pas tenu parole. En fait, le transport du grain est devenu encore plus insuffisant. Quand le gouvernement négocie en notre nom, qui est responsable de toutes les personnes qui doivent assurer un service aussi essentiel que le transport du grain? Et pourtant, les producteurs paient toute la facture.
Il faut réduire immédiatement les frais de transport. Le gouvernement provincial a dit officiellement que les frais de transport sont de 12 $ à 14 $ trop élevés par tonne métrique. Le même gouvernement a appuyé le retrait du tarif du Nid-de-Corbeau.
Nous recommandons aussi que la Commission canadienne du blé achète le grain aux ports, laissant aux sociétés ferroviaires et aux compagnies syndiquées la responsabilité des pannes de transport du grain et insistant pour que les contrats soient exécutoires. Les agriculteurs ne doivent plus assumer le coût des pratiques non efficientes en matière de transport, de surestaries et d'interruptions de travail sur lesquelles ils n'ont absolument aucune prise.
Une autre possibilité que nous voudrions voir explorer est l'accroissement de la concurrence ferroviaire, y compris l'octroi à des sociétés concurrentes de droits de circulation sur les lignes ferroviaires existantes, le recours constant à des appels d'offres pour la livraison du grain et l'ouverture de canaux de transport détourné aux États-Unis pour établir un équilibre dans tout le système.
Pour ce qui est du recouvrement des coûts, les frais de service du gouvernement pour l'inspection des aliments, l'inspection du grain et les programmes de multiplication des semences, par exemple, doivent être réévalués. Non seulement ces services profitent aux agriculteurs, mais le gouvernement et les Canadiens doivent comprendre qu'ils servent l'intérêt public. Comme nous produisons des denrées sûres et bon marché pour tous les Canadiens, tous les Canadiens doivent en assumer le coût. Maintenant que les programmes fédéraux de multiplication des semences ont été réduits, les sociétés vendeuses de semences ont comblé un vide en développant de nouvelles variétés. Dans des cas documentés, le coût des semences pour les agriculteurs a même augmenté de 400 p. 100.
• 1840
La mise en oeuvre rapide de programmes visant à permettre aux
agriculteurs d'être compétitifs grâce à l'égalité des chances au
plan international, une meilleure compétitivité du système de
transport—les agriculteurs en étant les premiers
bénéficiaires—une baisse d'impôt et le recouvrement des coûts des
services contribueraient à assurer une économie agricole stable et
saine.
Merci de votre attention.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci, Greg.
Nous entendrons maintenant M. von Tettenhorn. Bienvenue.
M. Bernard von Tettenhorn (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, je vous remercie de me permettre de m'adresser à vous et à ces messieurs et dames.
Dans un rapport publié en juillet, Statistique Canada affirme que la dette agricole totale des Prairies est passée de 23 milliards de dollars en 1991 à 33 milliards de dollars en 1998, soit une hausse de 43 p. 100. Le ministère estime que cette hausse est probablement due surtout à l'expansion et à la diversification. Cela l'explique probablement en partie—et cela n'a manifestement pas fonctionné, car, autrement, la dette ne se serait pas accrue à la longue, puisque l'expansion et la diversification visent à rapporter davantage d'argent—mais je prétend, et plusieurs directeurs de banque avec lesquels je me suis entretenu le confirment, que l'accroissement de la dette est dû à des prêts d'exploitation et des prêts à terme visant à contrer le défaut du marché à couvrir le coût de production.
Aucun secteur industriel ne peut survive longtemps si ses coûts de production ne sont pas couverts, ce qui est le cas de l'agriculture depuis plusieurs années. Nous avons vécu de notre crédit sur l'amortissement au fil des années, mais cela ne couvre même plus nos coûts accrus. Tous les secteurs de la transformation des produits agricoles font de l'argent.
Il y a deux raisons principales au manque à gagner que connaissent à l'heure actuelle les céréaliculteurs des Prairies. La première est la politique nord-américaine de la nourriture bon marché des 45 dernières années et la seconde est la perte de l'aide gouvernementale après les dernières négociations de l'OMC, alors que les autres grands intervenants ont maintenu leur soutien. Nous ne pouvons pas vendre sans appui sur le marché international ce qui reste une fois que les grands pays ont versé des subventions à l'exportation.
Pour corriger cette injustice, il faudra appuyer fortement les exploitations agricoles familiales telles qu'elles existent à l'heure actuelle. Ce sont elles qui ont le meilleur ratio rendement-ressources. La crise n'est pas seulement agricole, mais rurale, et ce sont les exploitations agricoles familiales qui soutiennent le mieux l'infrastructure rurale. Cela double peut-être le prix des aliments au Canada, mais cela représente quand même seulement 23 p. 100 du revenu. Essayez d'acheter un pain ou un repas dans un restaurant en Allemagne! Autrement, la terre sera possédée et cultivée par de grandes sociétés qui retiendront le produit jusqu'à ce qu'elles obtiennent leur prix. Le Canada sera alors à leur merci pour ce qui est de la nourriture.
La production internationale chutera éventuellement et les prix remonteront peut-être, mais si le Canada veut un approvisionnement sûr de nourriture, il devra soutenir ses producteurs jusqu'à ce que cela arrive.
Il va falloir que le Canada décide s'il veut avoir un secteur agricole viable. Historiquement, la santé du secteur agricole d'un pays détermine celle du reste de l'économie. Chaque dollar gagné dans le secteur agricole a un effet multiplicateur de sept sur l'économie en général.
La meilleure façon d'aider le secteur céréalier des Prairies est soit d'instaurer un paiement annuel à l'acre soit d'élaborer une politique de soutien du prix des denrées. Les programmes du genre de l'ACRA ou du PSRC ne fonctionnent pas dans le secteur céréalier à cause du déclin constant des prix par rapport à l'ensemble des coûts—une courbe descendante sur un graphique. Les producteurs de céréales des Prairies traversent une crise parce qu'ils ne gagnent pas de quoi couvrir leurs coûts de production. Il faut donc soutenir l'ensemble du secteur, c'est-à-dire tous les aspects de l'agriculture.
Les deux grands blocs commerciaux, l'Europe et les États-Unis, vont protester, mais c'est exactement ce qu'ils font. Ils nous enjoignent de faire ce qu'ils nous disent et non ce qu'ils font, mais ils ne pourront rien rétorquer si nous aussi, nous subventionnons nos agriculteurs.
Un secteur agricole viable profite à l'ensemble de la population canadienne, la population toute entière devrait donc l'appuyer. Les agriculteurs devraient faire suffisamment de bénéfices pour mettre en terre la récolte suivante sans avoir à demander un prêt d'exploitation, or après 25 ou 30 ans dans l'agriculture, nous sommes chaque année obligés de demander un prêt d'exploitation de plus en plus important; c'en est au point que nous avons atteint le maximum et que la viabilité de l'entreprise est menacée.
Il y une autre chose qu'il faut étudier: les impôts sur les intrants. Le gaz naturel qui sert à la fabrication des engrais est taxé, le carburant utilisé pour les livrer est taxé, l'énergie utilisée par les trains pour transporter les céréales est taxée, les intrants qui entrent dans la fabrication des produits pulvérisés sont taxés. On pourrait donc réduire nos coûts de production ici même au Canada. Mais c'est une solution pour le long terme. Dans l'immédiat, nous avons d'urgence besoin d'aide.
• 1845
Et souvenez-vous de ceci: cette assiettée que vous mangez
trois fois par jour, vous la tenez pour acquise, mais si vous en
étiez privé pendant deux ou trois semaines, vous donneriez
n'importe quoi pour l'avoir.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le président: J'aimerais maintenant demander à Ross Bezovie de venir occuper le fauteuil qui vient d'être libéré.
Ross, êtes-vous là? Prenez, ce fauteuil, c'est ça. Très bien.
Je vous souhaite la bienvenue. Allez-y, s'il vous plaît.
M. Ross Bezovie (témoignage à titre personnel): Bonsoir. Je vous remercie d'être venus en Alberta écouter les agriculteurs et les habitants de l'Alberta parler de certains de leurs soucis.
Je veux vous dire où nous en sommes. Je représente la troisième génération qui exploite notre ferme. Mon grand-père est arrivé de Roumanie aux environs de 1906. Je suis très heureux de vivre au Canada et en Alberta. C'est la meilleure province qui soit.
M. Rick Borotsik: Êtes-vous allé au Manitoba dernièrement?
Des voix: Oh. oh!
Une voix: Il y a quinze jours.
M. Ross Bezovie: C'est ce qui m'inquiète.
Je veux vous dire où nous en sommes. Notre exploitation est très diversifiée. Je suis producteur de céréales depuis que je suis tout petit. Vous ne vous imaginez pas les choses qui se passent... Au début, nous produisions des céréales. On nous a dit de diversifier. Nous nous sommes donc mis à élever du bétail. Mon père s'est lancé dans l'élevage de poulets il y a environ 35 ans. Maintenant, ma femme est obligée de travailler à l'extérieur, mon frère est revenu vivre à la ferme, sa femme a dû prendre un autre travail, mon père reçoit une pension. Les fins de mois sont dures. Nous avons besoin d'aide.
Le PSRC est une blague à cause de l'effondrement du cours des denrées. Le blé se vendait bien, mais comme tout le monde l'a dit, le prix a chuté. Quand on commence à 6$ pour le blé et qu'on tombe à 4 $, les moyennes diminuent de façon importante. Prenez 70 p. 100 de ça et il ne reste plus grand chose.
La seule chose qui nous ait sauvés, Dieu merci, c'est que l'an dernier nous avons eu un bon prix pour notre bétail, mais vendre deux productions de veaux en une seule année crée un problème pour l'année suivante.
C'est tout ce que j'ai à dire.
Le président: Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: On peut prendre une personne de plus. Dan Gievelhaus, si vous êtes là, approchez-vous.
Il nous reste 12 minutes. Vous n'êtes pas obligé de parler pendant tout ce temps, monsieur Gievelhaus. Je suis certain qu'il y a quelqu'un qui aimerait parler une minutes ou deux. Nous continuerons tant qu'il nous restera du temps.
M. Dan Gievelhaus (témoignage à titre personnel): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, pour cette occasion et pour le privilège d'être avec vous cet après-midi. Je vous remercie également d'avoir choisi de vous arrêter à Végréville.
J'ai ici une ou deux feuilles. Je me demande si on pourrait les photocopier pour que tout le monde en ait.
Le président: Quelqu'un va s'en occuper.
M. Dan Gievelhaus: J'aimerais parler exclusivement de l'industrie porcine et plus particulièrement de ses répercussions sur les éleveurs de porcs de la région.
Dans le nord de l'Alberta, il y a un secteur de deux milles de long que nous appelons Hog Alley, où on fait l'élevage du porc. Hog Alley fait vivre huit familles et un grand nombre de travailleurs qualifiés. Ensemble, ces exploitations vendent 250 porcs par semaine, soit de 13 000 à 14 000 porcs par an. En janvier 2000, toute production aura cessé à cause des pertes énormes enregistrées sur le marché ces deux dernières années. Une seule unité a l'intention de reprendre la production en l'an 2000, production qui commencera aux environs du mois de mars. À la fin du mois de janvier 2000, pas une seule de ces unités n'aura de porc à livrer.
• 1850
Le désastre financier qui a frappé Hog Alley peut se résumer
comme suit. Tous les chiffres sont basés sur un coût de production
de 120 $ par animal. Pendant les 17 dernières semaines de 1998,
soit du 1er septembre au 31 décembre, Hog Alley a vendu 250 porcs
par semaine, enregistrant une perte de 60 $ par animal, soit 15 000
$ par semaine, pour un total de 255 000 $ pendant cette courte
période de 17 semaines. Pendant les 12 premières semaines de 1999,
du 1er janvier au 31 mars, Hog Alley a vendu 250 porcs par semaine,
enregistrant une perte de 28,24 $ par animal, soit 7 060 $ par
semaine, pour un total de 84 720 $. Pour ces sept mois, ou 29
semaines, l'ensemble des pertes pour ce groupe s'est élevé à 339
720 $—une véritable catastrophe.
L'un de ces éleveurs, qui produit 100 porcs par semaine, a perdu 102 000 $ pendant ces 17 semaines et 33 088 $ pendant ces 12 semaines. Donc ses pertes pour sept mois s'élevaient à 135 088 $ avec une unité de production de 300 truies. Ce genre de situation se retrouve à l'échelle de la province. Il a eu besoin d'un nouveau prêt de 50 000 $, qu'il a obtenu à 8,4 p. 100 de l'ADC; cette somme couvrait tout juste sa facture de provende. Il a dont pris le chèque, l'a endossé et l'a remis à son fournisseur.
Un producteur qui subit de telles pertes en si peu de temps et qui se fixe un budget de production pour recouvrir ses pertes, à raison de 10 $ par animal, devra produire pour ce faire 25 000 porcs en six ans. Il faut qu'il obtienne au moins 15 $ de plus par animal pour rembourser ses emprunts et sans doute 5 $ de plus pour avoir une raison de continuer à élever des porcs.
Le fait qu'un agriculteur qui produit 3 000 porcs par an puisse enregistrer des pertes de 135 088 $ en sept mois me dit que la situation est catastrophique sur le marché. Si le gouvernement fédéral ne le voit pas comme ça, je suppose qu'il faut redéfinir le mot «catastrophe». Si ceci n'est pas une catastrophe, je me demande bien ce qui peut l'être.
C'est au gouvernement de remédier à la catastrophe qui sévit sur le marché depuis deux ans. C'est l'inégalité des conditions à l'échelle internationale qui en est la cause, pas la mauvaise gestion des producteurs. Ce n'est pas la concurrence internationale que nous craignons, mais les subventions des Américains et de l'Union européenne, qui injectent des milliards de dollars dans leurs secteurs agricoles.
Il est donc important que le fédéral et les provinces ne fassent pas l'autruche, prétendant ne pas savoir ce qui se passe. Quand un marché s'effondre comme l'a fait celui du porc ces deux dernières années, dire que le gouvernement a les mains liées par les règles du GATT et qu'il ne peut pas aider les agriculteurs est insensé quand on voit les Américains soutenir leurs producteurs de porcs à coups de milliards.
• 1855
L'un de leurs plus récents programmes concernait l'éradication
de la pseudorage, mais de leur propre admission, il s'agissait
d'une initiative pour faire diminuer l'offre et arrêter
l'hémorragie des producteurs de porc. Ce que je veux dire, c'est
que qui veut la fin veut les moyens. Cet argent a été injecté dans
l'industrie porcine, sans égard aux règles du GATT.
Si le marché subit l'influence de forces qui échappent entièrement au contrôle des producteurs, comme ces deux dernières années, et si le producteur fait bien son travail, qui est d'atteindre les objectifs de production fixés par les organismes prêteurs fédéraux et provinciaux dont la Société du crédit agricole du Canada et celle de l'Alberta—si le producteur gère bien son exploitation conformément aux prévisions établies par l'organisme prêteur—le fédéral et les provinces devraient réagir à ce genre de situation d'une manière différente de celle des organismes prêteurs habituels comme les banques.
Pour le moment, voici ce qui devrait se passer. Toute idée de saisie devrait être temporairement écartée. Ce genre de pertes pour un seul producteur est incroyable. On devrait également envisager d'annuler tout remboursement, capital et intérêts, pour cette année ou pour cette période.
Par le biais de sa politique d'encouragement des jeunes agriculteurs et de ses prêts aux agriculteurs débutants, le gouvernement est le copartenaire de ces derniers. Ils sont dans une situation très difficile due à des circonstances qui leur échappent. Le gouvernement, qui les a attirés dans la profession en leur offrant des prêts, la toute dernière technologie et les conseils de ses agronomes et autres spécialistes, est devenu leur copartenaire.
Si le gouvernement trouve mes recommandations difficiles à accepter, je me demande où est son engagement à l'égard non seulement de l'agriculture, mais aussi des communautés rurales, des villages et des municipalités rurales. Son engagement devrait peut- être consister à offrir aux agriculteurs une porte de sortie car je ne crois pas qu'il tienne au secteur agricole.
Ces jeunes agriculteurs dont le gouvernement est devenu le copartenaire sont loin d'être ignares, bien au contraire. Ils sont très instruits, ayant fait des études universitaire ou dans une école de métiers. Ils se retrouvent maintenant trahis par l'absence d'une politique agricole responsable. En outre, un grand nombre d'entre eux sont maintenant à la recherche d'une autre façon d'assurer leur avenir. Si ce n'est pas là une perte pour les communautés agricoles, je me demande bien ce qui pourrait l'être. Au lieu de contribuer à abaisser la moyenne d'âge des agriculteurs, le gouvernement encourage l'arrivée de grosses sociétés pendant que les jeunes agriculteurs quittent l'industrie et les localités rurales.
Est-ce que je pourrais avoir un verre d'eau?
Le président: Bien sûr. Est-ce que vous avez bientôt fini, Dan?
M. Dan Gievelhaus: J'en ai encore pour deux minutes. Le mot de la fin s'en vient.
Selon moi, en refusant d'agir, le gouvernement fédéral et les provinces sont en train de commettre le génocide des familles d'agriculteurs et des communautés rurales. Les sociétés ont tendance à ne pas fréquenter les magasins locaux, ce qui entraîne des déplacements de populations, et la perturbation de l'infrastructure—les écoles, dont on a parlé plus tôt, les hôpitaux, les églises et les commerces—ainsi que de la vie sociale et de la composition des communautés. C'est de ce genre de déplacements de populations que naissent les villes fantômes et la désertification des régions que nos ancêtres pionniers ont tant aimées et colonisées pour que les générations à venir y vivent et y soient heureuses.
• 1900
Nous nous sommes débarrassés de l'ancien système féodal qui
réduisait la classe ouvrière à la pauvreté et à l'esclavage. Est-ce
que ce même système ne serait pas en train de revenir déguisé en ce
que nous appellerons «la compagnie du nouveau millénaire»?
Je n'en veux pour exemple que la fermeture des abattoirs Gainers d'Edmonton où ce géant de l'industrie s'est montré impitoyable envers ses employés, leur imposant l'ultimatum suivant: ou bien vous acceptez ces nouvelles conditions de travail ou bien nous fermons l'usine et vous perdez votre emploi. Et ça ne s'est pas arrêté là. Forte de son expérience à Edmonton, cette même compagnie a utilisé la même tactique pour obliger les travailleurs de Burlington à accepter des réductions de salaires spectaculaires. Cela montre à quel point ces compagnies du nouveau millénaire sont puissantes.
Je conseille au gouvernement de revoir son engagement envers le secteur agricole car il me semble que le Canada est l'un des rares pays à ne pas soutenir énergiquement son secteur agricole. Comme l'a dit Hartley Furtan, économiste spécialiste de l'agriculture, notre politique agricole va à vau-l'eau alors que des entités comme l'Union européenne ont décidé que les agriculteurs étaient le fondement de la société et qu'ils méritaient d'être soutenus.
Le Québec est unique au Canada pour avoir incorporé l'aide à l'agriculture dans son tissu social, ce que n'a pas fait la majorité des provinces. Je dois le dire, car je pense que nous avons toutes sortes d'idées controversées sur la politique du Québec, mais pour ça, je l'admire. On n'entend pas parler de problèmes dans l'industrie porcine de cette province parce que personne n'y perd 300 000 $ en sept mois. Qu'elle continue à faire ce qu'elle fait.
Je vous remercie beaucoup du temps que vous m'avez accordé, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, Dan.
Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui. Je pense que cette séance a été très utile. Nous sommes heureux d'être venus et de vous avoir rencontrés. Les exposés étaient absolument remarquables, et nous nous attendons à la même chose demain matin quand nous serons à Airdrie.
La séance est levée.