JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 4 octobre 2001
Le président (l'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonjour à tous. Soyez les bienvenus. La 24e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte.
Aujourd'hui, nous entendrons des témoignages sur le projet de loi C-15A, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois.
Je signale aux membres du comité qu'après l'audition des témoins, nous aurons quelques questions à régler. De plus, un autre groupe de témoins figure à l'ordre du jour aujourd'hui, conformément aux discussions d'hier soir; ce sont des fonctionnaires du ministère de la Justice. Ils répondront aux questions qui ont découlé de nos discussions.
Nous entendrons quatre témoins d'ici 11 heures: Gary Rosenfeldt de Victims of Violence Centre for Missing Children; Steve Sullivan du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes; Jay Thomson de l'Association canadienne des fournisseurs Internet, et Lori Assheton-Smith de l'Association canadienne de télévision par câble.
Selon l'ordre sur ma liste, que nous suivrons, je crois, c'est M. Rosenfeldt qui commencera. J'espère que vous savez tous que nous vous prions de ne pas dépasser 10 minutes pour vos remarques liminaires. Il y aura ensuite une période de questions.
Soyez les bienvenus et merci d'être venus.
Monsieur Rosenfeldt, vous avez la parole.
M. Gary Rosenfeldt (directeur exécutif, Victims of Violence Centre for Missing Children): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens d'abord à remercier le comité de nous avoir invités. Ce sujet est des plus importants. Au sein de notre association, nous discutons depuis plusieurs années des nombreux changements qui doivent être apportés aux lois pour assurer la protection des jeunes surtout depuis l'avènement de l'Internet il y a une dizaine d'années.
• 0905
Je serai bref ce matin; nous avons passé en revue les
changements qu'apporte le projet de loi en matière de protection
des enfants contre l'exploitation sexuelle. Ce qui nous préoccupe
surtout à cet égard, ce sont les enfants et l'Internet, le tourisme
sexuel mettant en cause des enfants et tout ce qui touche la
prévention des crimes contre les enfants.
Je signale à ceux qui ne connaissent pas notre organisation que notre principal objectif est la protection des enfants. Notre organisation est nationale; elle produit et fait imprimer de nombreux documents sur la protection des enfants.
J'ai apporté quelques exemplaires du livret que nous produisons, intitulé A Parent's Guide: Your Child and the Internet. Nous en distribuons probablement près de 100 000 exemplaires un peu partout au pays chaque année, et ce, gratuitement. Ce guide n'existe pas en français; je ne peux donc vous le distribuer. Toutefois, j'en ai des exemplaires ici et j'encourage tous les membres du comité à en prendre un. Je crois que vous le trouverez vraiment très intéressant.
Nous avons aussi publié un document sur la pornographie juvénile et l'Internet. Encore une fois, en raison du court préavis que nous avons eu pour préparer notre témoignage, nous n'avons pu le transmettre au comité. Mais j'en ai des exemplaires ici, en anglais.
En ce qui concerne le projet de loi et son contenu, nous ne voyons pas d'objections à ce que propose la ministre relativement à ce qui nous préoccupe, soit la protection des enfants. Toutefois—et c'est le principal sujet de mon exposé—nous nous opposons vigoureusement au fait que l'âge de consentement au Canada soit de 14 ans. Nous faisons constamment face à ce problème. Le projet de loi ne modifie pas l'âge de consentement. Or, nous ne pourrons jamais appuyer un projet de loi qui stipule que l'âge de consentement est 14 ans.
Bien sûr, je sais que cette mesure législative prévoit que l'âge de consentement est 14 ans, parce que toutes les dispositions du Code criminel doivent prévoir le même âge, mais je souhaiterais qu'on saisisse cette occasion pour déclarer que nous ne considérons pas, au Canada, qu'un adolescent de 14 ans est assez mûr pour décider d'avoir des relations sexuelles avec un adulte. Nous ne nous opposons pas à ce qu'on permette une différence de deux ans entre enfants, mais selon le libellé actuel de la loi, auquel nous nous opposons fermement, au Canada, il est permis à une adolescente de 14 ans d'avoir des relations sexuelles avec un homme de 40 ou 50 ans. Cela m'apparaît inacceptable.
Le plus bizarre dans tout cela—et je suis certain que les membres du comité l'on aussi constaté après avoir entendu l'homme qui a été accusé de pornographie juvénile en Colombie- Britannique—c'est qu'il a déclaré publiquement, à la télévision, qu'il ne comprenait pas la loi. La loi lui apparaît illogique. Il ne comprend pas comment il se fait que la loi lui permet d'avoir des relations sexuelles avec une jeune fille de 14 ans, mais lui interdit d'enregistrer ses ébats sur vidéo. Je suis plutôt d'accord avec lui; toute loi qui permet à un adulte d'avoir des relations sexuelles avec un enfant de 14 ans est très mal faite.
Voilà essentiellement notre seule préoccupation à l'égard de la mesure législative et à l'égard de l'exploitation sexuelle des enfants.
Je m'arrête ici. Je suis prêt à répondre à vos questions. Je ne saurais toutefois trop insister sur notre préoccupation quant à l'âge de consentement.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à Steve Sullivan.
M. Steve Sullivan (président et directeur exécutif, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes): Merci, monsieur le président et merci à vous, messieurs et mesdames les membres du comité, de nous avoir invités à vous entretenir de cet important projet de loi.
Je remarque que vous consacrerez peu de temps à votre étude de ce projet de loi, mais nous sommes heureux de pouvoir contribuer à vos délibérations.
Comme Victims of Violence, nous appuyons le projet de loi. Nous avons toutefois quelques suggestions de modifications.
• 0910
Je sais que votre temps est compté, mais nous sommes heureux d'avoir
pu venir vous en parler. Tout comme Victimes de violence, nous
souscrivons au projet de loi. Je voudrais simplement vous signaler
quelques recommandations d'amendement.
J'ai distribué un exemplaire d'un document que nous avons rédigé l'an dernier intitulé L'exploitation sexuelle des enfants et l'Internet qui brosse un tableau des problèmes auxquels nous faisons face. Je suis heureux de constater que certaines des questions que nous avons soulevées dans ce rapport sont traitées dans le projet de loi, alors que d'autres portant surtout sur l'application de la loi, l'approche adoptée par différents pays, relèvent plutôt d'une stratégie commune pour les différents services de police.
Il y a aussi la question de la ligne téléphonique anticrime. Il y en a une aux États-Unis. Les gens font ce numéro pour dénoncer ce qu'ils croient être de la pornographie juvénile sur l'Internet. Je sais que la ministre en a parlé dans le passé et qu'on envisage cette possibilité.
Enfin, nous soulevons la question d'une banque d'images et de photos nationales qui aiderait les policiers à identifier les victimes parce que, comme vous le savez, lorsque la police trouve des images sur un ordinateur, il s'agit souvent de milliers d'images. En raison de l'ampleur du problème, on ne déploie aucun effort pour tenter d'identifier ces enfants. Certaines de ces images datent d'il y a 20 ou 30 ans; d'autres ont à peine cinq jours. Au moment où nous nous parlons, on exploite ainsi les enfants. Malheureusement, on ne fait rien pour tenter d'identifier ces enfants.
Ailleurs dans le monde, on a commencé à prendre des mesures en ce sens, et je crois que nous devrions nous pencher sur la question. C'est ce que nous disons dans notre document.
Excusez-moi si ma voix est un peu étrange. Si j'ai la voix chevrotante, veuillez m'en excuser, mais je suis enrhumé.
J'ai envoyé par courriel, plus tôt cette semaine, une liste de points de discussion. J'ignore si elle a été distribuée aux membres du comité; elle n'est qu'en anglais. Cette liste m'est surtout utile à moi. J'y aborde les aspects positifs du projet de loi, les questions relatives à l'exploitation sexuelle des enfants sur l'Internet. Nous appuyons ces modifications, surtout celles concernant le fait de leurrer un enfant.
Vous savez sans doute que l'Internet permet aux prédateurs sexuels de parler à nos enfants chez nous. Ils n'ont plus à aller dans les parcs ou près des écoles. Ils n'ont plus à se joindre aux Scouts. Ils peuvent entrer dans nos foyers pour parler à nos enfants. Et les parents l'ignorent. C'est une source d'inquiétude grandissante. Le Service canadien du renseignement criminel signale la croissance de ce problème au Canada.
Nous assistons à une augmentation semblable ailleurs dans le monde, particulièrement aux États-Unis, qui a adopté une approche policière plus proactive et affecte davantage de ressources à la lutte contre ce fléau. La croissance, là-bas, est phénoménale. En 1999, le service américain des douanes a créé un site Web de pornographie juvénile à des fins d'enquête. Le premier mois, il y a eu 40 000 visites à ce site. En trois mois, il y en a eu 150 000.
Vous savez sans doute que la distribution de pornographie juvénile avant l'arrivée de l'Internet était assez bien maîtrisée par la police; toutefois, avec l'Internet, elle a connu une croissance sans précédent. On peut distribuer de la pornographie juvénile en appuyant simplement sur un bouton. De plus, nos enfants risquent d'être la proie de prédateurs quand ils accèdent à des bavardoirs.
M. Rosenfeldt a mentionné l'âge de consentement. Cela nous préoccupe aussi. J'ai été heureux d'entendre ce qu'a dit la ministre à ce sujet lors de son témoignage de mardi. Il semble que le gouvernement envisage sérieusement de hausser l'âge de consentement. Par conséquent, je n'en dirai pas plus long à ce sujet, sauf pour vous signaler que c'est une grave préoccupation pour nous.
Comme vous le savez, des modifications aux dispositions du Code criminel visant les détenus purgeant une peine de longue durée s'appliqueront aux infractions créées par ce projet de loi—lorsqu'un détenu est désigné comme purgeant une peine de longue durée par le tribunal, il fait l'objet d'une période de supervision à sa sortie du pénitencier. Nous recommandons que ces modifications soient aussi apportées aux dispositions concernant les délinquants dangereux. D'après mon interprétation du projet de loi, ces dispositions ne seront pas touchées. Il m'apparaîtrait indiqué que la Couronne puisse invoquer les dispositions visant les délinquants dangereux contre les criminels de longue date impliqués dans la pornographie juvénile.
Il n'est pas rare que, dans les cas de délits de pornographie juvénile ou de harcèlement criminel, l'accusé reçoive une peine avec sursis. Je sais que votre comité a été chargé d'étudier le recours aux peines avec sursis. Je sais aussi que d'autres questions pressantes accapareront votre attention pendant les semaines qui viennent, mais je vous prie instamment de commencer ces délibérations dès que vous en aurez la chance. Vous constaterez que les peines avec sursis sont de plus en plus courantes pour ceux qui sont reconnus coupables d'une infraction de pédopornographie.
• 0915
En ce qui concerne le harcèlement criminel, nous sommes
d'accord pour que la peine maximale soit augmentée, mais il faut
comprendre que très peu de condamnés se voient actuellement imposer
la peine maximale. Selon les données de Statistique Canada, de 1995
à 2000, une douzaine de contrevenants seulement se sont vus
infliger une peine de cinq ans de prison.
Augmenter la peine maximale ne règle pas véritablement les problèmes de harcèlement criminel. Ces problèmes relèvent davantage de l'application de la loi. C'est une infraction dont il est difficile de faire la preuve, et ce genre de comportement est souvent considéré par la police comme étant une nuisance.
Nous avons aidé une dame qui recevait continuellement des appels d'une personne qui restait muette, ne faisait aucune menace, ne faisait rien de ce qui est visé par la loi. Nous avons eu du mal à convaincre la police qu'il s'agissait d'un cas sérieux; un seul de ces incidents, un seul de ces appels ne semble pas très grave.
C'est là que réside le problème en matière de harcèlement criminel, et non pas au niveau de la peine maximale. Là aussi, les peines avec sursis constituent un problème.
Je comprends que le comité n'aura pas le temps cette fois-ci de se pencher sur le cyberharcèlement, le recours à l'Internet par un nombre croissant de gens pour harceler criminellement d'autres personnes. Un rapport déposé au Congrès américain sur le harcèlement criminel et la violence familiale indique que, selon les tendances actuelles et les preuves recueillies, le cyberharcèlement est un problème grave qui prendra de l'ampleur et se complexifiera à mesure que l'usage de l'Internet augmentera. Déjà, plusieurs États américains ont adopté des lois en matière de cyberharcèlement ou ont modifié leurs lois actuelles de façon à y inclure ce genre de crime.
On se sert de l'Internet notamment pour proférer des menaces, envoyer des courriels obscènes ou des courriels à répétition, pour la «flingue», le fait d'envoyer des messages incendiaires sur les bavardoirs, pour le pollupostage, soit l'envoi d'une multitude de messages inutiles à la même personne et pour le vol d'identité électronique.
Dans un cas en Californie, où on vient d'élaborer de nouvelles dispositions législatives, un homme a prétendu être une femme avec qui il avait eu une liaison et a fait savoir dans un forum de discussions qu'elle aimait être violée. Il a aussi donné son adresse. Dans les deux ou trois semaines qui ont suivi, six hommes se sont présentés chez elle et ils lui ont dit qu'ils voulaient la violer.
Voilà la nouvelle façon de harceler. C'est encore une question de contrôle et de pouvoir. Ce sont habituellement des hommes qui en sont coupables, des hommes délaissés par leurs femmes ou leurs amies.
Je demande donc à votre comité d'envisager de recommander à la ministre et au ministère de s'assurer que ce genre de comportement est visé par les dispositions actuelles du Code criminel. C'est peut-être déjà le cas, mais j'estime qu'on doit s'en assurer.
En ce qui a trait à l'exploitation sexuelle des personnes handicapées, nous appuyons les protections qui seront accordées aux témoins.
J'ai toutefois remarqué que le paragraphe 486(2.3) n'est pas modifié par le projet de loi. Cette disposition empêche un accusé de contre-interroger lui-même la personne qui l'accuse d'agression sexuelle. Je recommande que l'on inclue cette modification dans le projet de loi C-15.
Enfin, au sujet des erreurs judiciaires, je connais mal le processus, et je ne vous en parlerai donc pas. Je dirai simplement que, lorsqu'on enquête sur une allégation d'erreur judiciaire, cela intéresse les victimes de crimes. Nous recommandons que le projet de loi soit modifié de façon à ce que les victimes soient informées de toute demande d'enquête sur une erreur judiciaire, des progrès de l'enquête et du résultat. Nous savons que des victimes ont obtenu ces informations en lisant le journal, ce qui est très perturbant. Je ne veux pas laisser entendre que les victimes devraient jouer un rôle dans l'étude de ces condamnations, seulement qu'elles devraient être informées de ce qui se passe.
Cela met fin à mes remarques. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sullivan.
Je cède maintenant la parole à M. Thomson, de l'Association canadienne des fournisseurs Internet.
M. Jay Thomson (président, Association canadienne des fournisseurs Internet): Merci beaucoup et bonjour à vous, monsieur le président, et messieurs et mesdames les membres du comité.
Je m'appelle Jay Thomson. Je suis le président de l'Association canadienne des fournisseurs Internet, l'ACFI comme on l'appelle. Je suis accompagné d'un des membres du conseil d'administration, M. Ian Hembery, d'AOL Canada, ainsi que des représentants d'autres de nos membres, qui sont dans l'auditoire et m'aideront à répondre à vos questions plus tard ou qui pourraient même faire des remarques si vous le souhaitez.
L'ACFI est une association professionnelle nationale représentant les fournisseurs de services Internet ou FSI. Elle regroupe à la fois de grandes entreprises comme Bell Canada, Telus et AOL Canada, et de nombreuses entreprises locales plus petites qui, collectivement, assurent près de 80 p. 100 des liaisons Internet en usage au Canada.
• 0920
Je suis heureux de comparaître devant vous ce matin, avec nos
collègues de l'ACTC avec qui nous travaillons en étroite
collaboration dans ce dossier, pour exprimer notre appui de
principe à l'adoption des dispositions proposées dans le projet de
loi C-15 en vue d'enrayer la pornographie juvénile et le
détournement de mineurs dans Internet. Toutefois, je me dois aussi
de vous signaler que nous craignons fort que ces dispositions
n'aient un effet préjudiciable marqué, bien que manifestement
involontaire, sur les FSI et sur l'utilisation d'Internet.
Le contenu d'Internet est un sujet dont les membres de l'ACFI se soucient beaucoup. Notre association a pris ses propres mesures d'autoréglementation et de sensibilisation du consommateur afin d'aider à calmer les préoccupations des Canadiens et des Canadiennes au sujet du contenu illégal et offensant qui peut s'y trouver. En février dernier, nous avons fait équipe avec le gouvernement du Canada pour lancer la Stratégie canadienne pour l'utilisation sécuritaire, prudente et responsable d'Internet—ce document-ci. En fait, notre association est mentionnée 19 fois dans la brochure qui explique comment le gouvernement, les organismes à but non lucratif et le secteur privé s'efforcent, souvent en mettant leurs efforts en commun, de rendre le cyberespace plus sûr pour les Canadiens et leurs familles.
Ainsi, à l'occasion du lancement de la stratégie, nous avons inauguré notre portail de protection. Ce site Web entièrement bilingue vise à sensibiliser le public et à le renseigner sur des organismes, des groupes et des particuliers qui offrent des solutions constructives aux questions relatives au contenu Internet. L'un de ces organismes est LiveWires Design de Vancouver, qui se sert de jeux sur ordinateur et de bandes dessinées pour éveiller les enfants au danger du détournement de mineurs dans Internet. J'invite tous les membres du comité à rendre visite à ce portail, accessible à partir de la page d'accueil de notre site à www.caip.ca. D'autre part, nous participons à l'heure actuelle aux activités du groupe multisectoriel travaillant à la création d'une ligne d'assistance concernant la pornographie juvénile dans Internet au Canada.
Monsieur le président, nous croyons fermement qu'une autoréglementation responsable est, dans l'ensemble, le moyen le plus efficace et le plus pratique de calmer les préoccupations de nos concitoyens à l'égard du contenu Internet. Toutefois, nous reconnaissons aussi qu'il peut y avoir des points sur lesquels les internautes, les responsables de l'application de la loi et les FSI trouveraient avantageux de pouvoir conjuguer l'autoréglementation avec des mesures législatives judicieusement libellées. C'est pourquoi nous appuyons, en principe, les articles pertinents du projet de loi.
Nous sommes très reconnaissants à Mme la ministre des propos qu'elle a tenus lors de sa comparution mardi et lui savons gré, en particulier, de nous avoir donné l'assurance que le projet de loi vise les auteurs de pornographie juvénile et les prédateurs d'enfants, non les FSI. Néanmoins, le libellé du projet de loi continue de nous préoccuper, car il est si général qu'il pourrait habiliter un tribunal à tenir un FSI responsable d'actes criminels qui sont commis par d'autres à son insu et sur lesquels il n'a aucun contrôle.
Le FSI peut intervenir à différents stades de la chaîne de communication par Internet, mais sa fonction première demeure celle d'un simple canalisateur ou expéditeur du contenu fourni par d'autres. Le FSI joue un rôle comparable à celui de la compagnie de téléphone dans l'acheminement des communications téléphoniques ou de Postes Canada dans celui du courrier.
Monsieur le président, je pense qu'on peut honnêtement dire qu'il ne viendrait à l'idée de personne de tenir les compagnies de téléphone responsables de la teneur des millions de communications téléphoniques qui se font chaque jour par l'intermédiaire de leurs réseaux ni la Société canadienne des postes du contenu des lettres dont elle fait la levée et la livraison tous les jours. Personne non plus ne songerait à tenir le gouvernement responsable des matières illicites que quelqu'un déciderait de transporter sur le réseau routier qu'il a construit et qu'il entretient, pas plus qu'on envisagerait d'obliger les compagnies de téléphone, Poste Canada ou le gouvernement à faire un contrôle des appels, des lettres ou des véhicules qui empruntent leurs réseaux de distribution pour dépister le contenu illicite. Sous ce rapport, les FSI ne diffèrent en rien des compagnies de téléphone, de Postes Canada ou même du gouvernement.
Le projet de loi C-15 modifierait le paragraphe 163.1(3) du Code criminel en rendant coupable d'une infraction quiconque «transmet» ou «rend accessible» de la pornographie juvénile. Toutefois, ni l'une ni l'autre de ces expressions n'est définie ou circonscrite. Nous craignons par conséquent que le projet de loi ne puisse permettre à un procureur de la Couronne de porter une accusation contre tout FSI dont un client aurait transmis ou rendu accessible un contenu illégal et au tribunal de le trouver coupable d'infraction. Non seulement cela serait injuste et injustifié, mais cela irait à l'encontre de l'approche adoptée par d'autres États démocratiques comme les États-Unis de même que par la Commission européenne, et cela désavantagerait le Canada face à ses concurrents dans le monde de la nouvelle économie Internet, où il essaie de s'imposer en chef de file.
Nous exhortons en conséquence le comité à amender le projet de loi C-15 pour éviter qu'il ne fasse, par mégarde, des obligations aux FSI. Nous avons rédigé un amendement qui, d'après nous, permettrait d'y arriver en respectant le libellé du code criminel et des autres lois fédérales. En fait, cet amendement se rapproche beaucoup de l'exemption accordée aux entreprises de télécommunication dans la Loi sur le droit d'auteur, que la Commission canadienne du droit d'auteur a interprétée d'une façon qui concorde tout à fait avec ce que nous demandons au comité, c'est-à-dire que les FSI qui ne font qu'assurer le support de distribution du contenu fourni par d'autres ne soient ni responsables de ce contenu ni obligés d'en faire le contrôle pour éviter toute responsabilité criminelle.
• 0925
Enfin, le projet de loi C-15 créerait également un régime de
suppression sur ordonnance judiciaire du contenu Internet qu'un
tribunal jugerait être de la pornographique juvénile. Le concept
est bon. Toutefois, le libellé proposé fait naître de petites mais
très sérieuses difficultés techniques. C'est pourquoi nous
suggérons un amendement qui éliminerait facilement ces difficultés,
sans modifier l'essentiel des dispositions.
En terminant, monsieur le président, je vous remercie ainsi que les membres du comité de nous avoir invités à témoigner. Nous réitérons que nous croyons, à l'ACFI, que ce que vous voulez faire en apportant les modifications proposées au Code criminel est très bien. Toutefois, nous vous prions instamment de vous assurer que les mesures que vous proposez à cet égard n'auront pas, sans que vous le vouliez, des effets injustes et anticoncurrentiels.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole à la représentante de l'Association canadienne de télévision par câble, Mme Lori Assheton-Smith.
Mme Lori Assheton-Smith (conseillère principale et vice- présidente, Nouveaux médias, Association canadienne de télévision par câble): Merci beaucoup. Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui.
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Mon nom est Lori Assheton-Smith et je suis conseillère principale et vice-présidente, Nouveaux médias, à l'Association canadienne de télévision par câble.
L'ACTC représente plus de 800 systèmes de câblodistribution canadiens. Collectivement, ces systèmes fournissent des services de divertissement, d'information et de télécommunication à environ 6 millions de foyers canadiens, incluant plus d'un million d'abonnés au service d'accès Internet à haute vitesse.
À titre de chef de file mondial de l'offre de service d'accès Internet à large bande, l'industrie canadienne de la câblodistribution a un intérêt particulier pour le projet de loi C-15. Comme Jay vient de le mentionner, nous avons eu l'occasion d'échanger sur ce projet de loi avec l'Association canadienne des fournisseurs Internet et nous partageons leurs préoccupations et appuyons leurs recommandations en général.
Nous sommes ici aujourd'hui essentiellement pour deux raisons. Premièrement, nous tenons à exprimer notre appui sans réserve aux modifications proposées au Code criminel visant à rendre criminelle l'exploitation sexuelle des enfants au moyen de l'Internet. Les personnes responsables de la création, de la distribution et de la consommation de la pornographie juvénile ne devraient pas être traitées différemment par la loi pour le simple fait qu'elles utilisent l'Internet pour commettre leurs crimes.
Pour contrer la présence d'activité criminelle sur l'Internet, les câblodistributeurs fournisseurs de services Internet ont développé des relations étroites avec les agences chargées de faire respecter les lois à travers le Canada. Nos membres communiquent régulièrement avec les forces de l'ordre locales et partagent leur expertise technique par le biais des équipes d'action et des procédures établies. Nous continuons à travailler activement et à coopérer pour améliorer la performance et l'efficacité de nos efforts communs. À titre de partenaires dans la lutte contre la pornographie juvénile, nous appuyons entièrement l'utilisation de mesures législatives claires, justes et appropriées pour identifier, rechercher et poursuivre les pornographes sur le Web.
Ainsi que la ministre l'a mentionné mardi dernier dans ses commentaires présentés à ce comité, l'autoréglementation de l'industrie et l'éducation des utilisateurs sont des éléments clés d'une stratégie globale pour combattre la pornographie juvénile et l'exploitation sexuelle des enfants au moyen de l'Internet. L'ACTC appuie fortement la Stratégie pour l'utilisation sécuritaire, prudente et responsable d'Internet mise de l'avant par Industrie Canada. Elle participe également au groupe de travail visant à établir une ligne d'assistance nationale sur Internet qui recevra et traitera les plaintes relatives à l'exploitation sexuelle des enfants sur le Web.
De plus, les membres de l'ACTC sont cofondateurs et commanditaires majeurs du réseau Éducation-médias, qui joue un rôle éducatif et qui fournit de l'information aux personnes et aux familles sur l'utilisation sécuritaire et responsable de l'Internet. L'industrie de la câblodistribution possède des décennies d'expérience dans l'autoréglementation et nous croyons que l'excellence de ses antécédents dans ce domaine se reflétera dans nos actions pour relever les défis émergents de l'environnement Internet.
La deuxième raison de notre comparution ici aujourd'hui est de proposer deux courts mais importants amendements au projet de loi. Nous croyons que ces deux amendements pourraient préciser davantage la portée de la mesure et l'effet attendu.
Le premier amendement que nous proposons touche l'article du projet de loi qui crée une nouvelle infraction en «transmettant» et «rendant disponible» la pornographie juvénile. L'ACTC est très préoccupée par le fait que, sans autre précision à cette disposition, ces infractions pourraient par inadvertance incriminer les fournisseurs de services Internet même dans les cas où ils ne connaissent pas eux-mêmes les contenus illégaux ou qu'ils n'ont pas le contrôle de ces contenus. À notre avis, un FSI ne devrait pas être davantage responsable des contenus qui circulent ou qui sont stockés sur son réseau qu'une compagnie de téléphone n'est responsable des conversations qui circulent grâce à ses équipements ou des messages vocaux enregistrés sur les ordinateurs de son réseau.
À cet égard, nous prenons acte des commentaires présentés au comité par la ministre selon lesquels le projet de loi ne vise pas les fournisseurs de services Internet—il vise les pornographes juvéniles qui utilisent l'Internet pour commettre leurs crimes. La ministre a insisté sur le fait que les FSI ne seraient pas tenus responsables lorsqu'ils n'auront pas la connaissance ou le contrôle des contenus illégaux qui se trouveront dans leurs systèmes. Elle a aussi précisé que la législation n'imposera pas aux FSI l'obligation de contrôler les contenus dans leurs systèmes.
• 0930
Nous savons gré à la ministre de ses propos pour clarifier la
portée de l'intention législative concernant le projet de loi C-15.
Nonobstant son assurance verbale à cet effet, l'ACTC maintient
qu'il serait préférable qu'une clarification de l'intention soit
explicite dans la législation. L'ACTC propose donc un amendement
qui pourrait dégager les FSI de la responsabilité criminelle
rattachée à l'article 163.1 du Code, lorsqu'ils agissent simplement
comme FSI sans aucune preuve d'intention criminelle.
Concrètement, si un FSI agit simplement comme moyen de transmission dont se servent d'autres personnes pour transmettre des pièces jointes illégales ou si un FSI loue simplement de la capacité de transmission d'un de ses serveurs à une tierce partie qui l'utilise pour afficher de la pornographie juvénile, ce FSI devrait être exempté de la responsabilité criminelle. Bien sûr, si un FSI, en toute connaissance de cause, tolère ou facilite une infraction ou ignore un avis de la cour l'informant qu'il y a sur son réseau des contenus considérés comme de la pornographie juvénile au sens du Code criminel, ce FSI devra, comme il se doit, être tenu responsable de ne pas avoir pris les mesures correctives appropriées et à sa portée. Il ne pourrait pas, dans ces circonstances, bénéficier de l'exemption proposée. En d'autres termes, l'amendement que nous proposons n'interdirait aucune enquête et poursuite contre une personne, incluant un FSI, qui devrait être tenue responsable de contenus illégaux.
Le libellé de notre proposition d'amendement figure dans l'intervention écrite que nous avons déposée au comité, en français et en anglais. Comme Jay l'a indiqué, ce libellé est basé sur un article similaire de la Loi sur le droit d'auteur, lequel exempte les transporteurs de la responsabilité pour les infractions au droit d'auteur commises par les utilisateurs, exemption qui a par la suite été étendue aux FSI par la Commission du droit d'auteur. Cette approche concorde également avec l'approche générale sur la responsabilité des FSI à l'égard des contenus sur le Web adoptée par plusieurs administrations étrangères incluant les États-Unis et l'Union européenne.
Le deuxième amendement que nous proposons est une modification au libellé de l'article 164.1 qui crée un avis et une procédure pour alléguer qu'un serveur canadien héberge de la pornographie juvénile. Bien que nous appuyions la procédure globale décrite dans cet article, nous avons de sérieuses réserves sur le libellé de l'alinéa 164.1(1)b) qui exige qu'un FSI s'assure que la ratière:
-
n'est plus emmagasinée ni accessible au moyen de l'ordinateur.
Le problème que pose cet article est le suivant: il serait impossible de fournir la preuve qu'«un contenu n'est plus emmagasiné dans» le système d'un FSI pour deux raisons. La première, c'est que le contenu est souvent emmagasiné à de multiples endroits, incluant la cache et les sauvegardes sur les serveurs. L'obligation d'enlever de façon permanente du matériel spécifique à tous les emplacements serait très difficile d'application et très lourde à administrer pour les FSI. La deuxième raison, c'est qu'il est impossible pour un FSI de garantir que chacun des contenus a été enlevé du système de façon permanente. Même si un FSI supprimait les contenus contestés de ses serveurs, le même contenu pourrait ressurgir relativement facilement presque immédiatement, tant dans son système que dans celui d'un autre FSI.
Il y a près de trois ans, un journaliste qui discutait du trafic sur l'Internet comparait la tâche de contrôler les contenus d'un tiers sur un système de FSI à la lecture de l'oeuvre complète de Shakespeare 3 200 fois par jour. Le trafic sur l'Internet a plus que triplé depuis cette affirmation. Il est franchement impossible pour un FSI de balayer continuellement la vaste quantité de matériel contenu sur l'Internet afin de s'assurer qu'un contenu particulier n'est plus emmagasiné dans ses systèmes.
À notre avis, une façon simple et appropriée de traiter cette question serait d'amender la disposition en enlevant le mot «emmagasiné» de l'alinéa 164.1(1)b). Cela tiendrait compte de la difficulté à retirer de façon permanente des contenus sur un système de FSI sans empêcher toutefois qu'un FSI soit toujours tenu de refuser l'accès à des contenus particuliers en attente d'une décision judiciaire afin de déterminer la légalité du matériel en question. De plus, cela répondrait aux objectifs des politiques publiques en assurant que les contenus présumés illégaux ne soient plus disponibles aux endroits antérieurs pour leur consommation.
En terminant, l'ACTC recommande au gouvernement de franchir cette importante étape pour protéger la sécurité et le bien-être des enfants qui utilisent l'Internet. Nous ne contestons pas l'objectif de la mesure, mais seulement sa portée éventuelle. Nous croyons que les amendements proposés par l'ACTC ajouteront de la précision technique et légale à la mesure, en reconnaissant le traitement traditionnel appliqué par les transporteurs des télécommunications au contenu de leurs réseaux. Nous pensons également que ces amendements traduiront de façon plus juste et plus claire l'intention du gouvernement de poursuivre au criminel seules les personnes qui sont criminellement responsables.
Je remercie le comité de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup. Nous remercions les quatre témoins de leur contribution à nos travaux.
Je cède la parole à M. Cadman, pour sept minutes.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, AC): Merci, monsieur le président. Je voudrais aussi remercier les témoins d'être venus ce matin à si court préavis.
• 0935
J'ai deux ou trois petites questions pour les représentants
des entreprises de communications. Les amendements que vous
suggérez, surtout les derniers, sont très techniques. Je me
demandais si le ministère vous a consultés à ce sujet. A-t-on
soulevé ces questions avant l'élaboration du projet de loi?
Pourquoi n'a-t-on pas alors reconnu que le projet de loi pourrait
entraîner pour vous des difficultés techniques?
M. Jay Thomson: On nous a consultés sur... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Le président: Où en étions-nous? Je crois que M. Cadman venait de poser une question à M. Thomson.
M. Jay Thomson: Merci.
Je disais qu'on nous a consultés avant le dépôt du projet de loi ainsi qu'après. Nous avons eu des entretiens avec des représentants de Justice Canada avant le dépôt du projet de loi, mais nous n'avons pas vu le libellé qui devait être utilisé.
En ce qui a trait aux dispositions portant sur la suppression sur ordonnance judiciaire, qui soulève à notre avis des questions de nature technique, je dois dire que le libellé que vous avez sous les yeux n'est pas celui auquel nous nous attendions. Ce n'est qu'après que nous ayons vu le projet de loi que l'on s'est penché sur ces questions.
Mme Lori Assheton-Smith: J'abonde dans le même sens. Dans ce domaine, il serait très utile de compter sur les connaissances et les compétences techniques des experts. Malheureusement, nous n'avons pas eu beaucoup de temps, avant le dépôt du projet de loi, pour apporter ce genre de contribution; c'est toutefois ce que nous voulons faire aujourd'hui.
M. Chuck Cadman: Merci.
Messieurs Sullivan et Rosenfeldt, vous semblez appuyer l'essentiel du projet de loi. Je présume que vous avez exposé vos vues à la ministre concernant l'âge de consentement et que vous avez l'intention de poursuivre vos démarches.
M. Steve Sullivan: En effet, nous lui avons fait part de nos préoccupations.
M. Chuck Cadman: Je sais que ce n'est pas tout à fait votre domaine, mais il se pourrait que, un peu plus tard, nous discutions des dispositions du projet de loi qui modifient l'article 690. Avez-vous quelque chose à nous dire sur les erreurs judiciaires?
M. Steve Sullivan: Sur le processus comme tel, pas vraiment. Comme tout le monde, nous ne voulons pas que des innocents soient condamnés à tort et nous estimons qu'il faut prévoir une procédure d'examen des allégations d'erreurs judiciaires. Mais nous n'avons rien de particulier à dire sur le processus. Je répéterai seulement que, à mon avis, les victimes devraient être informées du déroulement de l'enquête et de son résultat. J'ai moi-même très peu d'expérience de ce processus, je ne peux donc vous en dire plus long.
M. Gary Rosenfeldt: Pour Victims of Violence, il en va de même. Notre préoccupation est essentiellement la même...
Le président: Nous connaissons encore des difficultés techniques.
Le président: Nous reprenons nos travaux. J'ignore si certains d'entre nous sont superstitieux, mais si vous l'êtes, croisez-vous les doigts.
Quant à vous, monsieur le technicien, faites-vous venir à manger car vous restez avec nous.
Nous poursuivons. Nous ne savons trop si le système flanchera de nouveau, mais nous verrons bien.
Monsieur Bellehumeur, vous avez sept minutes.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Je serai bref, monsieur le président. Pour ce qui est de tout le côté informatique, je pense que M. Thomson et Mme Smith ont répondu aux questions que je me posais. Je m'adresse plutôt aux deux premiers intervenants, M. Sullivan et M. Rosenfeldt.
Ma question porte sur l'âge de consentement. Vous dites que 14 ans, c'est trop peu et qu'on devrait porter à 16 ans l'âge du consentement. Entre autres, le premier témoin a dit qu'il ne croyait pas qu'une jeune fille de 14 ans était assez mûre pour prendre la décision d'avoir une relation sexuelle avec un homme plus âgé, un homme de 40 ans, par exemple.
Mon idée sur cette problématique n'est pas encore faite, et je veux comprendre votre raisonnement. Si vous dites que cette jeune fille de 14 ans n'est pas assez mûre pour prendre une telle décision, c'est donc que vous jugez qu'elle n'est pas suffisamment développée et responsable pour prendre la décision de faire un tel acte de façon éclairée, vu qu'elle n'a que 14 ans. Est-ce bien votre raisonnement?
[Traduction]
M. Gary Rosenfeldt: Cela est essentiellement ce que nous disons. Nous ne croyons pas qu'une adolescente de 14 ans soit en mesure de prendre des décisions qui auront une incidence sur le reste de sa vie. D'une part, nous tentons de protéger les enfants de moins de 18 ans contre ceux qui voudraient prendre des photos d'eux et les distribuer sur l'Internet. D'autre part, nous disons qu'une adolescente de 14 ans peut avoir des relations sexuelles avec un homme adulte.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Oui, j'ai compris.
[Traduction]
M. Gary Rosenfeldt: À nos yeux, ça n'a aucun sens.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Monsieur Sullivan.
[Traduction]
M. Steve Sullivan: Je suis bien plus préoccupé par les intentions de cet homme de 40 ans que de celles de l'adolescent ou de l'adolescente. En outre, et M. Rosenfeldt y a fait allusion, les règles sont appliquées de façon incohérente. En matière de prostitution, vous êtes considéré comme un enfant si vous avez moins de 18 ans. De même en matière de pornographie. Pour le reste, l'âge qui compte, c'est 14 ans.
Il faut assurer l'uniformité. Et les motivations du contrevenant, à mon avis, devraient nous préoccuper davantage que celles de l'adolescent.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Donc, vous dites que cette jeune fille de 14 ans n'est pas assez mûre, pas assez développée et pas assez responsable pour prendre une décision qui va l'affecter pendant toute sa vie. Supposons que cette même jeune fille de 14 ans tue son beau-père pour toutes sortes de raison sur lesquelles je ne veux pas élaborer. Selon vous, est-ce qu'on devrait traiter cette jeune fille de 14 ans comme une adulte et lui donner une sentence d'adulte?
[Traduction]
M. Steve Sullivan: Je crois... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Le président: Je vous souhaite la bienvenue dans nos nouveaux quartiers.
M. Bellehumeur n'est pas là, mais au moment d'interrompre la réunion, M. Sullivan s'apprêtait à répondre à une de ses questions. Je crois que vous vous rappelez la question; d'ailleurs, nous nous en souvenons tous.
M. Steve Sullivan: Merci, monsieur le président.
On nous a demandé si une adolescente de 14 ans qui assassine son père devrait subir son procès comme adulte. Je répondrais oui, dans certaines circonstances. Si elle a tué son père parce qu'il lui avait fait subir des sévices toute sa vie, je répondrais probablement non, mais s'il y a d'autres motivations, il faut aller au-delà des intérêts de l'adolescente et penser aux intérêts de la société. Si cette personne constitue un danger pour la société, nous ne pouvons penser à elle seulement; nous devons penser à nous tous. Voilà pourquoi je dis que la peine dépendra des circonstances.
M. Gary Rosenfeldt: J'ajouterai que, même si elle était reconnue coupable de meurtre, le tribunal tiendrait compte du fait qu'elle a 14 ans; la peine serait moindre, car on tiendrait compte du fait que les adolescents de 14 ans n'ont pas, dans la plupart des cas, la maturité d'un adulte.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, vous voyez que je suis de retour. Je m'étais absenté deux minutes et vous avez commencé avant que j'arrive. C'est ordinaire.
Je n'ai pas d'autres questions.
M. Steve Sullivan: En gros, j'ai dit qu'il serait parfois indiqué qu'une adolescente de 14 ans soit renvoyée devant un tribunal pour adultes. Selon les circonstances, cela pourrait être indiqué. Il faut penser non seulement à elle, mais aussi à la société. Si on s'inquiète pour la protection de la société, on doit aller au-delà des besoins et des intérêts de cette adolescente—cela ne signifie pas qu'on doit en faire fi, mais plutôt qu'ils ne devraient pas être notre seule préoccupation.
Le président: Monsieur John McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): J'ai une question pour M. Thomson et Mme Assheton-Smith.
Si j'ai bien compris vos remarques liminaires, en ce qui a trait à la connaissance, vous avez adopté une approche en cascade. Votre préférence serait qu'on ajoute au projet de loi l'expression «qui ne fait que fournir» et, si cela n'est pas satisfaisant, vous suggérez qu'on ajoute le mot «sciemment» à l'article 163.1. Pour une raison ou pour une autre, le ministère n'a pas cru bon d'inclure le mot «sciemment». Je présume qu'il ferait valoir que ce terme est sous-entendu. Ai-je bien saisi l'argument?
Une voix: Oui.
M. John McKay: Expliquez-moi donc pourquoi vous ne vous satisfaisiez pas du fait que le mot «sciemment» soit sous-entendu dans la loi pour définir la responsabilité appréhendée.
Mme Lori Assheton-Smith: Nous estimons essentiellement que le mot «sciemment» devrait être utilisé de façon systématique. Dans le même article, au sujet de l'infraction qui consiste à accéder à de la pornographie, on utilise expressément le mot «sciemment». Toutefois, lorsqu'on parle d'une personne qui transmet ou rend accessible de la pornographie, on ne se sert plus de ce mot. Nous craignons que l'on puisse soutenir que les critères de responsabilité sont plus rigoureux pour les infractions auxquelles n'est pas associé le mot «sciemment».
Nous comprenons la position du ministère lorsqu'il affirme que «sciemment» est sous-entendu, et nous comprenons que l'intention est une partie constituante de toute infraction criminelle. Nous nous inquiétons simplement du fait que «sciemment» soit utilisé pour une infraction, mais pas pour une autre, dans le même article. Nous préférerions qu'il soit utilisé de façon conséquente, afin qu'il n'y ait aucune confusion quant au niveau de participation à l'infraction. Qu'il s'agisse d'accéder à de la pornographie, de la transmettre ou de la rendre accessible, les critères devraient être les mêmes.
M. John McKay: Une dernière question, monsieur le président, au sujet du rôle du crime organisé dans ce type d'infraction. Peut-on soutenir de façon crédible que le crime organisé pourrait être le sous-fournisseur de ce type de pornographie et que, par conséquent, la suppression ou l'omission du mot «sciemment» est voulue par le ministère pour qu'il puisse prendre dans ses filets les fournisseurs que vous ne représentez évidemment pas, mais auxquels vous pourriez sciemment, aveuglément ou involontairement donner un réseau plus vaste? Y a-t-il là un élément valable?
Mme Lori Assheton-Smith: Que le fournisseur de service Internet soit ce que vous pourriez appeler un bon ou un mauvais FSI, le niveau de conscience exigé devrait être le même. La modification que nous avons proposée indique clairement qu'à condition que l'on se contente d'agir en qualité de FSI, que l'on fournit simplement l'acheminement ou la capacité d'emmagasinage, que l'on n'agit pas de façon criminellement responsable, on ne devrait pas être tenu responsable en vertu de cet article.
Selon nous, cette modification permettra quand même qu'un FSI irresponsable ou un FSI qui ne prend pas les mesures appropriées soit mis en accusation en vertu de la disposition. Nous voulons simplement apporter une clarification. Nous comprenons l'intention du législateur et nous voudrions que cette intention soit rendue explicite dans la mesure législative.
M. Jay Thomson: Permettez-moi d'ajouter qu'il s'agit là d'une question hypothétique que les représentants de Justice Canada ont déjà abordée avec nous dans le passé.
M. John McKay: Vous voulez dire la question du crime organisé?
M. Jay Thomson: Je parle plutôt du concept d'un FSI félon ou mal intentionné et qui existerait quelque part et qui fonctionnerait en se moquant des lois.
Ma première réaction c'est que nous n'en avons encore vu aucun au Canada. Où est le problème? Nous avons des FSI très responsables au Canada. En fait, lorsqu'on parle aux forces de l'ordre, elles nous disent qu'elles ont d'excellentes relations de travail avec les FSI du Canada et qu'elles en obtiennent une très grande coopération. Je crains que l'on veuille adopter une position touchant des FSI hypothétiques et que cette position puisse avoir des répercussions sur la vaste majorité des FSI qui se comportent de façon responsable et honnête.
M. John McKay: Une dernière question. Au cours des semaines et des mois à venir, des pressions énormes vont s'exercer sur nous pour adopter des mesures antiterroristes. Je me demande si votre organisme a réfléchi à la façon dont cette disposition législative pourrait s'appliquer aux conséquences involontaires d'activités terroristes.
Les cybercriminels et les réseaux de communications terroristes se servent très évidemment d'Internet. Il y a manifestement une composante d'Internet qui semble utilisée pour ce type d'activité. Si nous portions nos regards sur le terrorisme, présenteriez-vous les mêmes arguments au sujet du mot «sciemment» ou de son omission?
Mme Lori Assheton-Smith: Je crois que le principe est le même, que le contenu illégal soit de la pornographie juvénile, une transgression du droit d'auteur ou de la publicité trompeuse. Nous avons présenté les mêmes arguments dans d'autres tribunes où l'on débattait de la responsabilité qu'ont les FSI quant au contenu. Je ne crois pas que ces dispositions-ci aient le moindre rapport avec le terrorisme...
M. John McKay: Non.
Mme Lori Assheton-Smith: ...mais en tant que FSI, nous portons notre regard sur d'autres activités criminelles sur Internet. J'apprends qu'actuellement la fraude constitue l'activité illégale la plus répandue et que, même du point de vue du nombre de mandats émis, c'est de cette infraction-là qu'on a à s'occuper bien plus que de tout autre contenu illégal.
Bien sûr, nous réfléchissons aux mesures qui seront prises en ce qui concerne la sécurité sur Internet. Il s'agit d'un très grand problème, et nous en discutons avec tous les membres de notre organisation. Eux-mêmes s'en occupent. Je sais qu'ils collaborent actuellement avec les forces de l'ordre et qu'ils continueront de le faire.
M. John McKay: Merci.
M. Jay Thomson: J'en dirais autant, mais je voudrais simplement ajouter, si vous le permettez, qu'avant le phénomène d'Internet, les criminels communiquaient entre eux au téléphone, et le concept est le même. Les compagnies de téléphone n'étaient pas considérées responsables du contenu des communications, même s'il y avait des communications criminelles entre criminels.
Le président: Merci, monsieur McKay. La règle, c'est que vous n'obtenez que deux questions finales.
Monsieur Bellehumeur, y a-t-il autre chose?
Monsieur Owen.
M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci à tous d'être ici ce matin et de nous faire part de vos préoccupations.
Parlons tout d'abord du mot «sciemment». Si je comprends bien, madame Assheton-Smith, si le mot «sciemment» était supprimé dans la disposition portant sur l'accès à de la pornographie juvénile, cela répondrait à vos appréhensions?
Mme Lori Assheton-Smith: Ce serait également acceptable.
M. Stephen Owen: Si je comprends bien, si l'on s'en sert dans cette disposition, relativement au fait d'accéder à de la pornographie, ce n'est pas pour faire du fait d'accéder sciemment une infraction distincte du fait de simplement accéder—l'intention étant alors sous-entendue—mais plutôt pour préciser que l'activité de regarder sciemment ou de se faire transmettre sciemment de la pornographie fait partie de la définition de l'accès à de la pornographie juvénile.
Je comprends pourquoi cela peut susciter une certaine confusion, mais je tenais simplement à préciser que...
Mme Lori Assheton-Smith: Non, je comprends ce que vous dites et je...
M. Stephen Owen: ...si l'on traitait cela de façon différente, cela répondrait à vos préoccupations.
Mme Lori Assheton-Smith: Effectivement, cela répondrait considérablement à nos préoccupations. Le problème, c'est que transmettre et rendre disponible ne sont pas définis non plus—je crois que cela fait partie du problème—alors que l'on apporte des éclaircissements au sujet de l'accès à la pornographie. Selon nous, il faudrait préciser tout autant ce qu'on entend par transmettre et rendre disponible, ou alors la précision devrait être omise pour ce qui est de l'accès, simplement pour que les deux soient traités de la même manière.
M. Jay Thomson: Excusez-moi d'interrompre, mais il est vrai que si le mot «sciemment» était supprimé dans la disposition portant sur l'accès à la pornographie, cela répondrait à notre crainte que la transmission et le fait de rendre disponible deviennent soudain des infractions pour lesquelles la responsabilité est plus stricte. Cela ne nous satisfait cependant pas en ce qui concerne notre position initiale, à savoir que la loi ne devrait pas du tout viser les FSI, qui agissent simplement comme courroies de transmission, afin que ces FSI n'aient pas à faire face au risque d'une poursuite et à l'obligation de se défendre et d'assumer les frais d'un procès pour constater, au bout du compte, qu'ils ne sont que des courroies de transmission et que, dès le départ, ils n'auraient pas dû être visés.
M. Stephen Owen: Oui. Je me rends compte que je ne réponds qu'à votre condition minimale, et non à votre condition maximale.
Parlons d'autre chose. Au sujet de l'alinéa proposé 164.1(1)c), vous voudriez ajouter les mots «lorsqu'ils existent». Il s'agirait donc de fournir, lorsqu'ils existent, les renseignements nécessaires pour identifier et trouver la personne qui a affiché la matière.
M. Jay Thomson: Oui.
M. Stephen Owen: Si l'on examine le paragraphe 164.1(2) proposé, on constate qu'il y est prévu qu'un juge peut ordonner au gardien de l'ordinateur d'afficher le texte de l'avis. Si la personne ne peut pas être identifiée ou trouvée, il peut y avoir une ordonnance d'afficher. Cela ne complète-t-il pas précisément les dispositions de l'alinéa 164.1(1)c), et ne rend-il pas donc pléonastique l'utilisation des mots «lorsqu'ils existent» puisqu'on y traite de la situation où ces renseignements ne sont pas disponibles?
M. Jay Thomson: Oui, cette précision est apportée dans un paragraphe ultérieur. Je crois que l'ajout de «lorsqu'ils existent» dans l'alinéa 164.1(1)c) proposé rendrait certainement les choses plus claires.
Mme Lori Assheton-Smith: Je le crois également. Une partie du problème, c'est que les FSI ne pourront pas toujours fournir ces renseignements, et qu'ils ne veulent pas se trouver en dérogation aux dispositions du simple fait que l'adresse ou l'emplacement de cette personne sont inconnus. Les FSI ne veulent pas se trouver en contravention de l'ordonnance d'un tribunal.
M. Jay Thomson: Ce que le paragraphe proposé 164.1(2) envisage, c'est que ces renseignements ne sont pas disponibles. Mais cela n'exonère pas le FSI de la responsabilité de les fournir. Il y a donc possibilité que le FSI qui est incapable de fournir ces renseignements puisse être tenu responsable de son incapacité à se conformer à la loi. À ce moment de la procédure, l'information n'est pas disponible. C'est ensuite que le juge intervient.
M. Stephen Owen: Je vais m'abstenir de dire que vous poussez un peu loin, mais je crois que votre préoccupation est strictement théorique.
M. Jay Thomson: Eh bien, nous espérons certainement qu'elle n'est que théorique.
M. Stephen Owen: Merci.
Le président: Merci, monsieur Owen.
La dernière question appartient à M. Sorenson.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, AC): Je pense que la réponse à M. Owen a généralement permis de répondre à ma question.
Encore une fois, cela impose au juge l'obligation de définir ce qui est pornographique. Est-ce exact? Ensuite, il vous appartient de retirer ces personnes du... Vous ne leur fourniriez plus le service. Donc, il appartient au juge de définir ce qui est pornographique.
Je crois que cela ira ainsi.
Le président: Très bien.
Je remercie beaucoup les témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Désolé des problèmes techniques. Je remercie également les députés de leur patience.
Mesdames et messieurs les députés, nous avons quelques petites questions à régler. Dans le projet de loi C-15A, on a inclus deux articles par inadvertance. Ils auraient dû se retrouver dans le projet de loi C-15B. Il s'agit des articles 11 et 24. Autrement dit, ils devraient se retrouver dans la deuxième moitié de ce projet de loi scindé, et nous aurons la possibilité de les examiner lorsque nous nous en occuperons.
• 1100
Cela peut facilement être corrigé aujourd'hui par l'adoption
de la motion suivante:
-
Que les articles 11 et 24 du projet de loi C-15A soient supprimés
et qu'ils soient insérés dans le projet de loi C-15B, à la page 5,
sous les numéros d'articles 8.1 et 9.1 respectivement, et que le
comité traite ces modifications comme des amendements dans le
rapport des projets de loi qu'il présentera à la Chambre.
L'objectif est simple—il s'agit d'éviter la confusion que susciterait l'existence d'éditions différentes des deux projets de loi. Cela permettra à tout député de proposer des amendements à ces articles s'il souhaite le faire lorsque nous en serons saisis.
Quelqu'un veut-il donc proposer... Monsieur McKay.
M. John McKay: Mais à condition que la ministre de la Justice invite le comité à déjeuner.
Le président: Étant donné qu'il faudrait que le Trésor fasse des déboursés, cette condition est irrecevable. Cela m'amène toutefois à signaler que nous avons un repas qui nous attend dans une autre salle.
Donc, si la motion est présentée... Nous n'avons pas besoin qu'elle soit appuyée, mais de toute façon, elle l'est.
(La motion est adoptée)
Le président: Merci. Cela nous aide beaucoup pour nos travaux.
Pour donner suite à notre discussion d'hier soir, nous invitons à passer au siège des témoins Mary McFadyen et Howard Bebbington du ministère de la Justice.
Je crois qu'on peut dire qu'après certains témoignages présentés hier, diverses préoccupations exprimées ont amené le comité à décider de convoquer des fonctionnaires du ministère de la Justice et d'examiner avec eux certaines questions avant de passer à l'étude article par article, chose que nous avons l'intention de faire tout de suite après leur intervention.
J'imagine que la meilleure façon de procéder, c'est de demander aux représentants du ministère de faire un exposé. Je crois que vous connaissez les questions qui nous intéressent.
Sans plus tarder, à vous la parole.
Mme Mary S. McFadyen (avocate-conseil, Groupe responsable de la révision des demandes de clémence, ministère de la Justice Canada): Merci beaucoup.
Je crois comprendre que l'on s'est demandé si les modifications apportées à l'article 690 répondent aux préoccupations exprimées hier par Joyce Milgaard.
Permettez-moi d'abord de dire que la ministre s'est livrée à un processus de consultation approfondi. Après avoir reçu les opinions des provinces et de divers groupes d'intérêts, elle a déterminé qu'un organisme indépendant serait inapproprié pour le Canada.
En ce qui a trait aux recommandations provenant de l'enquête Marshall et de l'enquête Morin, la ministre les a suivies et les a prises en considération.
Par exemple, l'enquête Marshall avait recommandé que les ministres des provinces et que la ministre fédérale se réunissent pour examiner la création d'un mécanisme indépendant. Dès 1991, un groupe de travail a été constitué. Ce groupe a trouvé que le processus de l'article 690, bien que devant être amélioré, constituait un recours à un organisme suffisamment indépendant, parce que la plupart des poursuites étaient intentées au niveau provincial et que la ministre de la Justice ou que le procureur général au niveau fédéral n'étaient pas responsables de ces poursuites. Toutefois, l'enquête Marshall a recommandé que cet organisme de révision dispose de pouvoirs d'enquête, et c'est en fait ce que les modifications présentées proposent de faire.
En ce qui a trait à l'enquête sur l'affaire Guy Paul Morin, l'une des recommandations était que le gouvernement du Canada devrait étudier la pertinence de créer, au moyen d'une mesure législative, un conseil indépendant de révision. C'est ce qu'a fait la ministre; elle a étudié la question.
• 1105
Dans son libellé actuel, l'article 690 est très vague. Il ne
précise pas quand une personne a droit à une révision judiciaire.
Habituellement, nous recevons une demande de la façon suivante: une personne écrit à la ministre, en lui disant qu'elle estime avoir été condamnée injustement. Nous devons ensuite expliquer à cette personne que, si elle n'a pas épuisé tous ses autres recours en appel, elle doit d'abord s'adresser aux tribunaux, avant d'envoyer une demande à la ministre. L'article proposé 696.1 précise bien que toutes les voies de recours judiciaire en appel doivent avoir été épuisées. Il est donc très clair maintenant qu'il ne s'agit pas d'une voie de remplacement au processus judiciaire.
L'ancien article 690 ne permettait que la révision des condamnations pour actes criminels. Dans le nouveau libellé, nous avons élargi la disposition de façon à inclure les infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité. En effet, il existe plus d'infractions qui sont traitées comme punissables par procédure sommaire et elles entraînent l'imposition de peines d'incarcération plus longues. C'est là un des aspects que nous avons empruntés au système britannique. Les Anglais accordent également la révision pour les infractions punissables par procédure sommaire.
Le libellé actuel de l'article 690 ne précise pas quelles sont les conditions de présentation de la demande, comment la demande doit être présentée, quels documents sont nécessaires. Nous avons précisé dans le nouvel article que ces exigences seront établies dans la réglementation.
Entre autres préoccupations, Mme Milgaard a dit qu'elle ne savait pas ce qui arrivait de la demande. Actuellement, l'article 690 ne dit pas comment une demande est examinée. Le nouvel article nous permettra de prévoir, dans la réglementation, une description du processus de révision. Les demandeurs sauront donc ce qui se passe lorsqu'une demande est examinée. Cela devrait répondre à sa préoccupation quant à l'opacité du processus.
Pour ce qui est des pouvoirs accordés aux enquêteurs au nom de la ministre, l'article 690 ne les indique pas. Dans l'article 696.2 proposé, nous avons prévu que les responsables de l'enquête au nom de la ministre auront tous les pouvoirs nécessaires pour contraindre au dépôt de documents et à la comparution de témoins. Nous avons emprunté cela au système du Royaume-Uni, mais la loi anglaise ne permet que d'imposer la production de documents provenant d'organismes publics, mais pas la comparution de témoins. Nous avons donc apporté une amélioration.
Les réparations n'ont pas changé. Nous les avons maintenues. Une des préoccupations à l'endroit de l'article 690 actuel, c'est qu'il ne précise pas quand une réparation peut être accordée à quelqu'un. Nous avons suivi des principes directeurs. Le ministre Allan Rock les avait établis lors de la décision Thatcher, en 1997, sauf erreur. Ces principes se retrouvent maintenant clairement énoncés dans la loi, de sorte que le demandeur saura ce qui est pris en considération lorsque le ministre envisage d'accorder une mesure de redressement.
En outre, nous avons prévu dans l'article que la ministre devra déposer auprès du Parlement un rapport annuel sur son rôle en matière de révision judiciaire au titre de l'article 690. Elle devra donc rendre des comptes.
Je pense donc que nous avons répondu aux préoccupations de Mme Milgaard. Il faudrait que le processus soit moins secret. La réglementation précisera comment l'on présente une demande et comment une affaire va être examinée. Mme Milgaard a également parlé du fait qu'elle avait présenté une première demande qui avait été rejetée, tandis que la deuxième avait été acceptée. Nous avons précisé ce qui sera pris en considération pour accorder une mesure de redressement; cela devrait donc répondre à ses inquiétudes.
Je le répète, si la ministre a rejeté l'idée d'un organisme totalement indépendant, nous n'en avons pas moins emprunté certaines dispositions très utiles au système du Royaume-Uni.
Je crois qu'on a également soulevé une autre préoccupation hier. Y aura-t-il une enquête en Saskatchewan relativement à la poursuite judiciaire contre David Milgaard? Je ne crois pas que nous sachions quand cela sera entendu. Je crois comprendre que ce sera après que l'affaire Fisher sera terminée. Or, elle est encore à la Cour d'appel. Ça pourrait donc être dans quelques années. Je ne crois pas que nous soyons sûrs de ce que serait le mandat de cette révision judiciaire. S'agira-t-il simplement d'une enquête sur la poursuite intentée en Saskatchewan? Ce serait peut-être manquer de sagesse que d'attendre jusque-là pour apporter des améliorations.
Voilà donc mes observations.
Le président: Merci beaucoup.
Je donne d'abord la parole à M. Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, AC): Je me pose des questions sur une des mesures envisagées dans cette loi, à savoir l'unité spéciale ou groupe d'enquête. Qui seraient ces gens-là? Quel serait leur emploi courant? Pouvez-vous m'éclairer?
Mme Mary McFadyen: Comme la ministre l'a dit mardi, il s'agira d'un service indépendant du reste du ministère. Le nouveau conseiller indépendant relèvera directement du ministre et non d'une hiérarchie de fonctionnaires au sein du ministère. Ce service se consacrera donc uniquement à l'examen de ces affaires-là, et présentera ses rapports directement au ministre par l'entremise du conseiller spécial.
M. Brian Fitzpatrick: Question complémentaire: si ce groupe livre enquête sur une affaire et estime fortement qu'il y a eu injustice grave, que l'affaire devrait être révisée, le ministre aura-t-il encore un grand pouvoir discrétionnaire qui lui permet de fermer la porte sur cette recommandation?
Mme Mary McFadyen: Il recevrait certainement les conseils du conseiller spécial sur l'opportunité de renvoyer la question aux tribunaux. J'imagine qu'il ferait grandement confiance à son conseiller et qu'il suivrait ses conseils, mais au bout du compte la décision relève de lui.
M. Brian Fitzpatrick: Est-ce que le public serait informé des conseils que lui donne le conseiller?
Mme Mary McFadyen: Non, je crois que cela serait assujetti au secret professionnel qui lie un avocat à son client. Les personnes qui présentent une demande en vertu de l'article 690 sont protégées par la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le ministre n'est donc pas autorisé à rendre public le fait qu'une personne a présenté une demande.
M. Brian Fitzpatrick: Mais le demandeur peut renoncer à cette protection des renseignements, n'est-ce pas?
Mme Mary McFadyen: Il peut y renoncer, mais je ne sais pas si le ministre renoncerait à la confidentialité des conseils reçus.
M. Brian Fitzpatrick: Vous dites qu'il pourrait lui-même se retrancher derrière le privilège du secret professionnel de l'avocat?
Mme Mary McFadyen: Il serait le client des avocats qui le conseillent.
M. Brian Fitzpatrick: Mais il s'agit d'être juste. Mme Milgaard et l'autre témoin qui était présent hier trouvaient toute la procédure beaucoup trop secrète.
Mme Mary McFadyen: Dans ce système, une des mesures que l'on adopte, c'est celle de tenir une enquête. Tous les renseignements sur lesquels le ministre se fonde pour rendre sa décision sont mis à la dispositions du demandeur. Le demandeur peut donc être mis au courant de tous les renseignements disponibles et il pourra présenter son point de vue au ministre avant qu'une décision finale ne soit prise. Cela va donc contribuer à rendre le processus plus transparent.
M. Brian Fitzpatrick: Le demandeur saurait-il quel conseil le groupe a donné au ministre? Cela au moins serait-il mis à la disposition du demandeur?
Mme Mary McFadyen: Pas les conseils, mais tous les renseignements disponibles.
M. Brian Fitzpatrick: Eh bien, les demandeurs veulent justement savoir à quelle conclusion on en est arrivé dans leur cas.
Mme Mary McFadyen: Si, lorsque le ministre rend sa décision, cette décision ne satisfait pas le demandeur, il peut demander une révision judiciaire de la décision. Il y a donc moyen de contester la décision du ministre si on n'en est pas entièrement satisfait.
M. Brian Fitzpatrick: J'essaye simplement de m'imaginer pourquoi cela serait nécessaire. Si le service approprié a fait une enquête et a présenté une recommandation, pourquoi cela n'entraînerait-il pas presque automatiquement un réexamen de la situation de fond en comble, et pourquoi faut-il que nous passions par le domaine politique? Cela me laisse un petit peu perplexe.
Mme Mary McFadyen: Vous voulez dire une fois que le groupe et que le conseiller officiel ont présenté une recommandation au ministre?
M. Brian Fitzpatrick: Oui.
Mme Mary McFadyen: Je ne suis pas sûre de comprendre ce que vous demandez.
M. Brian Fitzpatrick: Mettons, par exemple, que le groupe présente une recommandation très nette. Prenons l'exemple de l'affaire Milgaard ou certaines de ces autres affaires à grand retentissement. S'il existe des preuves tangibles d'une erreur judiciaire, et si le groupe recommande que des mesures de redressement soient adoptées, je trouve injustifié que cette recommandation, que ces conseils, soient encore assujettis au secret et qu'il appartienne encore au ministre de décider. Je voudrais croire qu'un mécanisme se déclencherait automatiquement pour commencer à régler ce problème si le groupe conclut à la nette possibilité d'une erreur judiciaire.
Mme Mary McFadyen: Encore une fois, je dirai que si l'on recommande au ministre de renvoyer la cause devant les tribunaux, j'espère bien que le ministre fera confiance aux personnes à qui il aura confié la responsabilité de le conseiller et qu'il acceptera donc la recommandation.
Pour ce qui est de décider ou non de rendre la recommandation publique, j'imagine qu'il appartiendra au ministre de rendre cette décision.
M. Brian Fitzpatrick: Je crois tout simplement que j'ai des préjugés parce que je suis un député de l'opposition et que nous n'obtenons pas toujours ce que nous voulons pour certains dossiers. Je suis donc un peu sceptique quant à ce genre de situation. Une fois que l'on entre dans le milieu politique, que certaines autres considérations interviennent, et ainsi de suite... Il existe là une injustice légitime. Je voudrais que les choses soient réglées et non qu'elles soient prises dans les rets de la politique à Ottawa pendant un an ou deux, en attendant que l'on décide de la marche à suivre. Mettons que cela me préoccupe un peu.
Le président: Je crois qu'il est difficile à nos témoins de répondre à cette question. Je pense que nous comprenons votre position.
M. Brian Fitzpatrick: Mais c'est la même préoccupation qu'exprimaient les témoins d'hier. Il s'agit du même sentiment.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Bellehumeur.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Je vous remercie, monsieur le président.
Hier, après notre rencontre et après avoir entendu les commentaires des deux témoins sur l'article 690 de la loi, je l'ai relu. J'ai aussi relu les articles 696.1 et suivants proposés dans le projet de loi de la ministre. Mis à part le fait d'indiquer le type de formulaire à utiliser, de donner des précisions quant à la façon de le remplir, d'indiquer quoi écrire—on se référait à des règlements pour tout ça—et de stipuler que la ministre va faire rapport six mois après la fin de son exercice, il n'y a pas grand chose de nouveau par rapport à l'article 690.
Vous avez dit plus tôt, madame, que l'une des nouveautés se situe au niveau du rôle de la ministre dans l'enquête. La ministre avait également le pouvoir d'enquête dans l'article 690. C'était «après enquête». Je comprends que l'on ne disait pas carrément que c'était la ministre qui faisait enquête. C'était son ministère. C'était les gens qui faisaient cette enquête-là. Donc, je ne vois pas grand chose de neuf, si ce n'est qu'on a mis par écrit certaines choses qu'on faisait de toute façon. Il n'y a pratiquement rien de plus.
Un des grands reproches, c'était que l'on disait que l'article 690 était très long. Cela allait à la vitesse d'un escargot, pour reprendre le terme du témoin d'hier. Je ne vois rien dans cela qui va faire accélérer les choses.
Au niveau de l'indépendance, vous dites que ceux qui vont faire enquête seront indépendants. Ce que je lis, moi, au paragraphe 696.2(3) proposé, c'est que «la ministre de la Justice peut déléguer par écrit à quiconque ses pouvoirs». L'expression «à quiconque» n'exclut pas automatiquement les gens de son ministère et quelque personne que ce soit qui aurait un lien avec le ministère de la Justice ou qui a déjà eu des contrats avec le ministère de la Justice ou quoi que ce soit. Au niveau de l'indépendance, cela ne rejoint pas l'objectif des témoins entendus hier.
Voici ma dernière question. On m'a dit qu'il y a des gens du ministère qui ont fait un voyage en Angleterre pour aller voir sur place comment ça se passe là-bas. J'imagine que cela s'est fait avant que la ministre n'ait pris sa décision et avant qu'elle ait reçu les mémoires des intéressés, comme vous l'avez dit plus tôt. Avez-vous fait la proposition à la ministre, en bonne et due forme, d'adapter ce qui se passe en Angleterre dans le système canadien?
[Traduction]
Mme Mary McFadyen: Je vais tâcher de répondre à toutes vos questions.
Pour ce qui est des formulaires et des documents nécessaires, cela sera précisé dans la réglementation. Nous aurons certainement besoin à l'avenir des mêmes documents dont nous avons besoin maintenant et cela sera énoncé de façon plus claire. Nous espérons également que les précisions apportées accéléreront le processus parce que cela devrait aider les demandeurs à préparer leurs demandes.
Pour ce qui est des pouvoirs d'enquête, il s'agit de pouvoirs que les personnes qui faisaient enquête au nom du ministre n'avaient pas antérieurement. C'était également une source de problèmes lorsqu'il fallait réexaminer ces affaires, parce qu'il nous était parfois difficile d'obtenir des documents et d'interviewer des témoins qui disposaient de renseignements critiques. Nous espérons donc, avec les pouvoirs accordés aux enquêteurs, que les enquêtes pourront se dérouler plus rapidement.
• 1120
Pour ce qui est des fonctionnaires qui se sont rendus au
Royaume-Uni pour examiner le système, je sais que la ministre elle-
même s'y est rendue avec des hauts fonctionnaires et qu'elle a eu
une conversation très intéressante avec le président et avec
d'autres membres de la commission. Vous m'avez demandé ce que nous
lui avions recommandé. Je peux dire que diverses options lui ont
été présentées. Elle les a examinées et, comme elle l'a dit
publiquement, elle a décidé en définitive de confier les pouvoirs
de révision à un organisme indépendant au moyen de modifications
apportées à la loi.
En ce qui a trait à un enquêteur indépendant, le ministère emploiera certainement des gens qui apporteront leur concours aux enquêteurs et aux conseillers juridiques. Étant donné que, comme la ministre l'a dit, ce service sera à l'écart du reste du ministère, et qu'il sera distinct et qu'il ne rendra des comptes qu'à elle- même directement—il ne relèvera pas de la hiérarchie classique du ministère—cela devrait également accélérer le processus et accroître l'indépendance du groupe. En outre, on aura encore recours à des gens de l'extérieur du ministère pour aider la ministre dans ses affaires s'il y a perception de conflit.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: C'est parfait. Je veux simplement comprendre. Ce que je comprends, c'est que la ministre va en effet mandater quiconque pour faire enquête, mais il y aura également des gens du ministère qui feront partie du groupe qui fera enquête. L'indépendance, on peut y revenir, parce que ce n'est pas trop, trop indépendant.
[Traduction]
Mme Mary McFadyen: Je le répète, cela pourrait être délégué à des enquêteurs juristes employés dans le service spécial qui aura été constitué pour examiner ces affaires et pour faire directement rapport à la ministre. Cela est vrai.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Quelle est la garantie que tout cela va accélérer les choses? Vous nous avez dit à deux ou trois reprises que vous espériez que cela fasse accélérer les choses, mais nulle part on lit qu'une décision doit être prise dans les plus brefs délais ou quoi que ce soit de semblable. C'est encore la même chose qu'à l'article 690. C'est après enquête que l'on décide. C'est bien ça? Il n'y a pas de garantie que ça va faire accélérer le processus.
[Traduction]
Mme Mary McFadyen: Nous espérons certainement que ces améliorations vont accélérer les choses, parce que le processus devrait être plus ouvert. En outre, le résultat ultime, c'est que la ministre rend des comptes au Parlement, parce qu'elle aura l'obligation de présenter un rapport annuel. Cela impose donc certaines pressions pour que ces choses se fassent plus rapidement.
Le président: Merci, monsieur Bellehumeur.
Monsieur MacKay, Pictou—Antigonish—Guysborough.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD): Merci, monsieur le président. Merci également aux témoins d'être présents.
Il s'agit manifestement d'un des articles les plus controversés du Code criminel parce qu'il a un impact considérable sur la vie d'une personne dans le cas d'une erreur judiciaire. Je trouve donc encourageant que la portée de cet article ait été élargie. Prévoyez-vous, comme cela s'est produit au Royaume-Uni, qu'il y aura une augmentation incroyable des demandes du fait que l'on inclue désormais les infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité?
J'éprouve également, à l'instar de mes collègues, certaines inquiétudes au sujet de la possibilité d'ingérence politique qui existe encore. S'il existe dans le système judiciaire une carence susceptible d'avoir donné lieu à la condamnation injustifiée d'une personne, je crois qu'il va y avoir une tendance naturelle à vouloir faire traîner les choses, comme cela s'est déjà produit. Je soupçonne que lorsque commencera la révision de l'affaire Stephen Truscott en vertu de l'article 690, on présentera des preuves qui tendront à démontrer que les décisions prises par le système pénal ont été clairement influencées par des considérations politiques.
Vous avez dit, madame McFadyen, que lorsque la décision finale appartient à la ministre, il n'y a pas perception de conflit. Or, il y a perception naturelle de conflit, que cela vise le bureau du procureur général ou le bureau du substitut en chef du procureur général lorsqu'il y a carence judiciaire. N'eut été d'organisations telles que AIWYC, les analyses d'ADN de l'affaire Milgaard n'auraient jamais été faites. C'est là vraiment que l'indépendance totale de l'organisme chargé de l'enquête, comme cela se fait au Royaume-Uni, s'avère très positive: ces gens-là ont le mandat d'examiner la moindre petite preuve, quel que soit l'endroit où il faut la trouver.
• 1125
Malheureusement, dans la plupart des cas où il y a eu erreur
judiciaire, il est tout à fait courant que la personne accusée, ou
plutôt condamnée injustement, n'ait pas beaucoup de fonds à sa
disposition. Je ne vois dans la loi aucune disposition sérieuse
pour mettre des fonds à la disposition de ces gens-là.
Contrairement à vous, je ne trouve pas que ce système est moins
entouré de secrets. Vous pourriez peut-être nous indiquer quelles
dispositions le rendent plus transparent. Quel type de crédit
budgétaire envisage-t-on pour cette activité? Pourriez-vous me
donner un chiffre rond? Si je comprends bien, au Royaume-Uni, on a
prévu environ cinq millions de livres sterling pour l'organisme
indépendant. Vous pourriez peut-être déjà répondre à ces questions.
Mme Mary McFadyen: Je crois que vous demandiez, dans votre première question, si nous nous attendons à ce que le nombre de demandes reçues augmente parce que nos incluons les infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité. La réponse est oui. Nous recevons en ce moment uniquement deux ou trois demandes portant sur des infractions punissables par procédure sommaire et nous devons répondre que ces situations ne sont pas visées par la loi actuelle. Toutefois, une fois ces dispositions adoptées, nous nous attendons certainement à une augmentation du nombre de demandes.
Quant à l'hésitation que la ministre aurait à intervenir dans une décision du tribunal, elle est d'avis qu'elle est en mesure de passer en revue ces cas—et elle le fait à titre de ministre de la Justice et non pas à titre de procureur général du Canada—et elle juge qu'elle est en mesure de le faire de façon appropriée. Le fait qu'il existe des normes quant aux affaires qui peuvent faire l'objet d'un examen, avant qu'un redressement soit accordé, devrait simplifier les choses. Encore une fois, je crois qu'il importe de se rappeler que la ministre renvoie ces affaires aux tribunaux. Une fois que l'on a atteint le seuil établi, l'affaire est renvoyée au tribunal, et c'est à ce dernier qu'il appartient de décider si la personne mise en cause devrait être acquittée.
M. Peter MacKay: La ministre ne peut pas accorder un acquittement?
Mme Mary McFadyen: Non, parce qu'il importe que l'exécutif soit bien distinct du système judiciaire. C'est pourquoi la ministre ne peut pas accorder un acquittement. Il faut que l'affaire soit renvoyée au tribunal qui entendra la preuve et qui se prononcera.
D'aucuns ont proposé que le système soit de nature moins secrète et qu'il soit plus ouvert au public, et nous espérons que les modifications proposées rendront le système plus ouvert pour le requérant. En raison des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, lorsque quelqu'un présente une demande en vertu de l'article 690, les renseignements ne peuvent pas être rendus publics. Nous pouvons vous communiquer ces renseignements, par exemple, si vous vous renseignez au nom du requérant. Nous pouvons vous dire ce qui se passe avec ce dossier. À moins que l'on modifie la Loi sur la protection des renseignements personnels, la ministre doit assurer la confidentialité de ces affaires.
Pour ce qui est de l'affectation des ressources, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question maintenant. Cependant, si vous désirez obtenir ces renseignements, je pourrai vous les fournir par écrit.
M. Peter MacKay: J'aimerais revenir brièvement au motif d'examen; quel est le critère? En Grande-Bretagne, on semble parler de motif convaincant, ce qui est quand même assez vague. Est-ce qu'on se sert à peu près du même critère?
Mme Mary McFadyen: Je crois qu'il est fort possible que la condamnation ne soit pas confirmée si l'affaire était renvoyée au tribunal.
M. Peter MacKay: Il ne s'agit donc pas de nouvelles preuves, comme c'est le cas aux États-Unis? La norme aux États-Unis précise qu'il doit y avoir de nouvelles preuves...
Mme Mary McFadyen: Pour qu'il y ait un nouvel appel. Oui, c'est le critère employé là-bas. Nous disons plutôt «nouvelles questions importantes qui n'ont pas été étudiées par les tribunaux ou prises en considération par le ministre dans une demande».
M. Peter MacKay: D'où tirez-vous ce passage?
Mme Mary McFadyen: L'article 696.4.
M. Peter MacKay: Merci.
Le président: Merci, monsieur MacKay. Il ne vous reste plus de temps.
Monsieur John McKay.
M. John McKay: Je vous remercie d'être venus nous rencontrer à court préavis.
• 1130
Je crois que tous les députés reconnaissent que l'article 690
dans son fonctionnement actuel est absolument inacceptable. Vous
êtes venus nous proposer une solution à quelque chose
d'inacceptable. Vous nous dites qu'il y aura de nouvelles formules,
et qu'elles seront plus accessibles; qu'il y aura des pouvoirs
d'enquête élargis; qu'il y aura dorénavant un pouvoir d'assignation
qui n'existe pas dans la loi actuelle; qu'il y aura dorénavant
reddition de comptes au Parlement; et vous êtes passés des
infractions punissables par mise en accusation à des actes
criminels sujets à option et à des infractions punissables par voie
de déclaration sommaire de culpabilité. À certains égards, il
s'agit là de la réponse de la ministre à ce qui est en fait un très
mauvais système. Je ne crois pas que l'on ait besoin de beaucoup de
preuves pour démontrer que le système ne fonctionne pas.
Cependant, cela ne répond pas au sens de conflit inhérent—le parti pris inhérent qu'une personne raisonnable pourrait percevoir dans ce système. La majorité des gens à mon avis ne saisissent pas la distinction qu'on essaie de faire lorsque l'on dit qu'agir comme ministre de la Justice et agir comme premier conseiller juridique de l'État sont deux choses différentes.
La personne qui est l'enquêteur spécial, ou le conseiller spécial, demeure, je suppose, un employé de la Couronne—un employé du ministère de la ministre. La crainte, et je crois la réalité, est qu'il s'agira là d'une enquête à l'interne d'un problème du système de justice pénale dont la ministre de la Justice, aux yeux de la majorité, est ultimement redevable; cependant, elle dit qu'une bonne partie de tout cela relève des provinces—encore une fois une compétence déléguée. C'est un peu la police qui fera enquête sur la police. On peut facilement s'imaginer la réponse.
Un autre facteur qui entre en ligne de compte pour la ministre est son rôle au sein du conseil des ministres. La crainte de responsabilité est bien fondée. Les affaires Milgaard et Truscott entraîneront le paiement de montants. Une personne raisonnable pourrait conclure que la ministre ne voudra pas conclure qu'il y a eu mauvaise application de la loi parce que cela coûtera des sous. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette crainte de parti pris, crainte qui à mon avis est bien fondée.
J'aimerais que vous me parliez également du rôle de l'enquêteur spécial. Quelle sera son statut en ce qui a trait à la Loi sur les enquêtes? Je ne saisis pas très bien. S'il y a un statut spécial aux termes de la Loi sur les enquêtes, est-ce que le rapport de l'enquêteur deviendra automatiquement un rapport public? Si cet enquêteur n'a pas un statut spécial, il ne s'agit pas alors d'une enquête. Il s'agit de quelque chose de moins qu'une enquête. S'il n'y a donc pas de statut spécial aux termes de la loi sur les enquêtes, cela ne fera qu'alimenter les craintes de partialité.
Je vous serais reconnaissant de répondre à ces deux questions.
Mme Mary McFadyen: Pour ce qui est de la crainte de partialité, comme vous l'avez signalé d'ailleurs, il s'agit dans la plupart des cas de poursuites intentées par les provinces.
Lorsque la ministre s'est penchée sur le système du Royaume-Uni, sur ce qui avait poussé le gouvernement de ce pays à créer un organisme indépendant, nous avons constaté que la plupart de ces poursuites étaient liées aux activités de l'IRA et portaient sur des allégations d'inconduite de la part de la police. Le secrétaire de l'Intérieur, qui examinait ces dossiers en Grande- Bretagne et qui devait décider s'ils devaient être renvoyés aux tribunaux, était également chargé des services de police. On craignait donc sincèrement qu'il y ait partialité.
Au Canada, la ministre étudie ces dossiers à titre de ministre de la Justice et non pas à titre de procureur général du Canada. Il s'agit là de deux rôles complètement distincts, même s'ils sont assumés par la même personne. Les poursuites dans la plupart de ces dossiers sont intentées par la province; de plus, la ministre n'est pas chargé de la police. Ces craintes de partialité ne devraient pas exister.
Pour ce qui est du conseiller spécial, il relèverait directement de la ministre. La disposition qui porte sur les pouvoirs d'enquête que la ministre peut déléguer établit clairement qu'elle déléguerait ses responsabilités à des personnes qui font enquête en son nom—le conseiller spécial, ou les enquêteurs. Cela permettra, nous l'espérons, de traiter ces demandes plus rapidement et de façon plus détaillée que ce n'est le cas actuellement, parce que ce pouvoir n'existe pas en ce moment.
• 1135
Pour ce qui est du rapport, les modifications prévoient que la
ministre dépose un rapport annuel au Parlement pour faire état de
ses travaux; il existe donc une certaine reddition de comptes. Nous
espérons que cela saura calmer les craintes du public et permettra
de faire en sorte que ces demandes seront traitées de façon
appropriée.
M. John McKay: J'ai noté que vous avez dit «nous espérons» à plusieurs reprises lors de votre exposé, et j'espère que vous avez raison. Cependant, tout semble indiquer le contraire.
Je comprends que l'expérience du Royaume-Uni se déroulait dans le contexte du terrorisme, le terrorisme de l'IRA en particulier. Cela m'amène à la question que j'ai posée plus tôt, qui touche encore une fois le fait que nous serons appelés sérieusement à composer avec la réalité du terrorisme au Canada. En toute honnêteté, dans l'ensemble on réussit assez bien, mais parfois les choses nous échappent, les choses vont moins bien, et je crois que M. Lockyer et ses collègues auront beaucoup plus de travail.
Il suffit de penser au FLQ il y a quelques années, et vous vous souviendrez que des gens ont été arrêtés en vertu des dispositions de la Loi sur les mesures de guerre, des gens qui avaient très peu à voir avec cette insurrection. Je crois qu'une occasion rêvée nous est offerte d'améliorer les choses. Dans notre poursuite enthousiaste de sécurité, les droits des Canadiens seront en fait limités et il se pourrait fort bien que des gens soient injustement reconnus coupables de certains gestes; si c'est le cas, un système qui est encore plus indépendant de l'examen de la ministre pourrait fort bien...un argument encore plus convaincant pourrait être présenté pour que sept personnes, sept enquêteurs, soient encore plus indépendants de la ministre.
Le président: Merci, monsieur McKay.
Mme Mary McFadyen: Bien, j'ai dit que, comme vous l'aviez signalé à l'origine, le système créé par l'article 690 de la loi telle qu'elle existe actuellement doit être amélioré. Nous avons proposé dans les modifications certaines améliorations qui, nous le croyons, sauront améliorer le système. Cela ne veut certainement pas dire qu'on ne pourra pas réexaminer le système plus tard, mais ces améliorations permettront de peaufiner le système, et ce, dès maintenant. Nous sommes optimistes.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Fitzpatrick, vous disposez de trois minutes.
M. Brian Fitzpatrick: Ce qui m'inquiète avec la mesure législative, c'est la situation que nous vivons actuellement. Je pense qu'il y aura des lois spéciales sur le terrorisme et peut-être même une restriction des droits civils au Canada. Des personnes innocentes seront victimisées par ce genre de choses. La question m'inquiète parce que je crois que la ministre de la Justice sera la personne chargée des poursuites s'il y a infraction. On ne confiera certainement pas la tâche aux provinces. Je me trompe peut-être, mais je crois qu'il y aura un organisme fédéral qui sera chargé de ce genre de choses. Cela m'inquiète.
En fait, j'essaie d'imaginer comment ce système fonctionnera. Je suppose que dès qu'il sera vraiment créé, il pourrait littéralement y avoir des milliers de demandes adressées à la ministre de la Justice. J'essaie simplement de m'imaginer... La ministre n'ordonnera pas que l'on procède à une enquête indépendante sur chaque demande qu'elle recevra—du moins j'espère qu'elle ne le fera pas, ou nous devrons ajouter deux ou trois étages de plus au ministère de la Justice pour composer avec toutes ces demandes. D'après vous, quel mécanisme ou processus le bureau de la ministre devra-t-il employer pour en fait ne retenir que les demandes qui sont fondées?
Mme Mary McFadyen: Pour ce qui est du nombre de demandes que nous recevons, le Royaume-Uni en reçoit à peu près 1 000 par année. Nous recevons habituellement 70 demandes d'examen par année. Nous croyons que lorsque ces modifications auront été adoptées nous recevrons un plus grand nombre de demandes.
• 1140
Encore une fois, pour faire la part des choses, lorsque nous
recevons une demande, lorsque tous les documents sont disponibles,
et lorsqu'on soulève une question ou qu'on apporte quelque chose de
nouveau, nous procédons à une évaluation préliminaire. À cette
étape, si rien de nouveau n'a été apporté qui aurait pu avoir un
impact sur le verdict, l'étude ne va pas plus loin. Si cependant un
nouvel élément est apporté qui rend le verdict un peu moins
certain, nous procédons à une pleine enquête. C'est là la méthode
que nous employons pour décider quelles demandes retenir.
M. Brian Fitzpatrick: Je vais poser une question supplémentaire.
Pour ce qui est de la confidentialité et du caractère secret, je crois qu'il ne faut pas oublier que nous sommes au XXIe siècle. Vous savez les choses ont bien changé depuis la Chambre étoilée. Sous le prétexte de protéger la confidentialité, le gouvernement a souvent sacrifié son devoir de rendre des comptes à notre société.
Peut-être que si j'étais député ministériel ou si je travaillais au ministère de la Justice, j'aimerais bien certaines de ces dispositions sur la protection des renseignements personnels. Cependant, du point de vue du public, je ne suis pas tout à fait certain que toutes ces choses sont vraiment une bonne idée.
En fait, je ne saisis pas très bien. Si un requérant présentait une demande à la ministre, une enquête était effectuée, et des recommandations étaient formulées à la ministre; pourquoi à ce moment-là ne peut-on pas rendre ces recommandations publiques? Comment rendre ces recommandations publiques pourrait-il nuire à la société canadienne à moins évidemment que cela nuise à quelques personnes qui essaient simplement de se protéger?
Je suis assez direct. Je ne vois pas vraiment de bonnes raisons à part des questions juridiques ou techniques comme le secret professionnel de l'avocat. Il me semble qu'il s'agit simplement là d'un obstacle à la communication de renseignements, des renseignements auxquels les gens devraient avoir accès.
Le président: Merci, monsieur Fitzpatrick.
Mme Mary McFadyen: Selon le libellé actuel de la Loi sur la protection des renseignements personnels, nous procédons de cette façon pour protéger le requérant. Ceux qui présentent une demande présentent une demande confidentielle. Il y a peut-être des raisons que nous ne saisissons pas qui...
M. Brian Fitzpatrick: Permettez-moi de vous interrompre, parce que si le requérant renonce...
Le président: Monsieur Fitzpatrick, vous disposez de trois minutes. Il ne vous reste plus de temps.
M. Brian Fitzpatrick: Très bien. Mais si l'on renonce à ce privilège...très bien.
Mme Mary McFadyen: Conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels, si une personne consent à ce que les renseignements soient rendus publics, ils peuvent être rendus publics. Très souvent des requérants qui présentent une demande ont demandé que l'objet de la requête ne soit pas rendu public, mais ils peuvent renoncer à ce droit. La protection assurée par la Loi sur la protection des renseignements personnels vise la protection du requérant et non pas du ministre de la Justice.
De plus, il y a d'autres personnes auxquelles il faut penser, les victimes, par exemple. Si une personne présente une demande d'examen et qu'il y a déjà eu procès, il faut également penser aux victimes, et aux témoins de l'acte criminel. Encore une fois, celui qui le désire peut renoncer à la protection assurée par la Loi de la protection des renseignements personnels.
Le président: Merci.
Monsieur DeVillers. Il n'est pas ici? Monsieur Bellehumeur ou monsieur DeVillers? Je m'excuse, Denis je croyais qu'il était derrière vous.
Michel.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: De toute façon, ce sera très, très court. Je veux laisser l'occasion aux gens du gouvernement de poser d'autres questions, s'ils en ont. Je cherche simplement un éclaircissement.
Plus tôt, vous avez dit à Peter que vous vouliez lui répondre par écrit pour ce qui est du budget annuel. Est-ce que c'est parce que vous ne vous souvenez plus du budget annuel ou est-ce parce que le ministère n'a pas étudié ce point-là?
[Traduction]
Mme Mary McFadyen: Lorsque nous nous sommes penchés sur les options qui s'offraient à nous, nous avons étudié les coûts afférents. Je n'ai pas les chiffres à la portée de la main. Mais certainement on a tenu compte du coût possible. Je vous fournirai ces renseignements.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: C'est beau.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Owen, la parole est à vous.
[Traduction]
M. Stephen Owen: Je vous remercie d'être venue nous rencontrer aujourd'hui.
Comme quelqu'un l'a mentionné, il serait utile lorsque nous pensons à une décision politique que pourrait prendre la ministre de penser qu'il existe une certaine distinction. Lorsqu'un ministre prend une décision politique—dans le sens pur du terme—il s'agit d'une décision politique prise par la ministre de la Justice, qui fait partie du conseil des ministres, alors que lorsque le gouvernement dans son ensemble prend une décision politique, cette décision est de par sa nature même partisane. Ainsi, lorsqu'un ministre prend une décision fondée sur le pouvoir de décision conféré par une loi, ce qui est complètement différent d'une décision politique comme on l'entend habituellement, parce qu'il y a clairement un devoir d'être juste, comme on l'a signalé, et la décision peut faire l'objet d'un examen judiciaire. Je crois qu'il faut faire la distinction entre les décisions politiques de nature partisane et celles qui sont assujetties à un examen judiciaire. À cet égard, il faut donc rendre compte de ces décisions.
• 1145
Le deuxième point qui m'intéresse est l'étape enquête de cette
démarche. Si vous pensez par exemple à une enquête policière, vous
savez que le rapport de la police et le rapport présenté à l'avocat
de la Couronne ne sont pas rendus publics. L'avocat de la Couronne
peut accepter les recommandations formulées, les modifier ou les
rejeter, mais il y a une très bonne raison pour laquelle le rapport
de la police n'est pas rendu public, c'est parce qu'il s'agit là
d'un processus d'enquête. Et pas du tout d'un processus
d'arbitrage.
Celui qui est chargé d'une enquête doit suivre toutes les pistes qu'il tient, et il peut s'agir dans bien des cas de situations fort hypothétiques. Si ces renseignements étaient rendus immédiatement publics, tout cela pourrait gravement nuire à ceux qui sont suspects simplement parce qu'on poursuit une piste particulière qui pourrait mener absolument à rien, une piste au bout de laquelle on ne pourrait vraiment pas agir.
Oui, c'est vrai, les requérants peuvent renoncer à ce privilège, mais ce privilège de la confidentialité n'appartient pas exclusivement aux requérants. Beaucoup d'autres personnes pourraient être prises dans les mailles du filet de l'enquêteur, comme c'est habituellement le cas dans les enquêtes approfondies. Il y a donc une différence importante, et c'est pourquoi, par exemple, les rapports de la police ne sont pas rendus publics.
Le président: Y a-t-il une réponse?
Mme Mary McFadyen: Je ne peux répondre à cette intervention.
Le président: Monsieur McKay.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser une petite question en ce qui a trait au conseiller spécial indépendant. Y a-t-il une raison pour laquelle ce conseiller est recruté à l'extérieur du ministère? Comment le processus de nomination se déroulera-t-il? Encore une fois, il s'agit là de problèmes d'impartialité, perçus ou réels, car ce particulier une fois nommé rendra directement compte à la ministre. Je crains que l'on ne crée une autre situation comme celle qu'on a vue avec le conseiller en éthique car dans ces circonstances personne ne sait ce qui se dit ou ce qui s'est passé. Ça devient pratiquement un jeu du téléphone. Cela n'inspire pas vraiment confiance quand on parle quand même ici de questions qui pourraient changer la vie des gens—par exemple si une personne a été injustement reconnue coupable d'un crime et condamnée.
Comme vous pouvez le constater, tout au moins du point de vue du public, il serait normal d'avoir des doutes. On se poserait certainement des questions sur l'impartialité de ces conseils.
Mme Mary McFadyen: Je crois que vous avez raison. Je crois qu'une des craintes était que les fonctionnaires examineraient ces dossiers et présenteraient des rapports à la ministre en suivant la filière hiérarchique. C'est pourquoi la ministre a annoncé qu'elle nommerait un conseiller spécial indépendant provenant de l'extérieur du ministère—pour aider le public à bien comprendre qu'il s'agira là d'une personne indépendante—comme elle l'a dit si je ne me trompe—qui sera à l'abri de toute influence, et qui lui rendra directement compte, et non pas par l'entremise de son ministère. C'est certainement une des raisons pour lesquelles cette personne sera choisie à l'extérieur du ministère.
M. Peter MacKay: S'agit-il d'une nomination par décret du conseil?
Mme Mary McFadyen: Je crois qu'il s'agira d'une nomination par décret du conseil.
Pour ce qui est de la reddition de comptes, le fait que l'on demande un rapport annuel est certainement un pas dans la bonne direction. La ministre serait responsable de la façon dont on traite les demandes d'examen des condamnations. Il existe donc une certaine responsabilisation.
M. Peter MacKay: Ainsi la ministre rendra des comptes au Parlement et nous dira exactement ce qui s'est passé lors de l'enquête.
Mme Mary McFadyen: Un rapport annuel est prévu.
M. Peter MacKay: Très bien.
J'aimerais passer à quelque chose brièvement; j'ai étudié les dispositions touchant l'utilisation d'Internet; j'aimerais savoir s'il y a une raison pour laquelle dans la disposition principale on utilise le terme «sciemment», alors que dans les autres dispositions, tout particulièrement celles touchant la transmission, la distribution et la vente, ce terme n'est pas employé?
M. Howard H. Bebbington (conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada): Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais répondre puisque Mme McFadyen n'est pas experte dans ce domaine. Son domaine est plutôt celui de la révision des demandes de clémence. Si le comité le désire, nous avons d'autres experts qui pourraient répondre à cette question...
M. Peter MacKay: Certainement. Je pensais que c'était ce qu'on faisait.
M. Howard Bebbington: ...s'ils sont disponibles et prêts.
Le président: Peter, nous accepterons cette question puisque vous l'avez déjà posée, mais une fois que vous aurez reçu votre réponse j'aimerais, pour être juste à l'égard de ceux que nous avons invités, qu'on s'en tienne à l'article 690, puisque je crois que c'est...
M. Peter MacKay: Certainement.
Mme Lisette Lafontaine (conseillère juridique principale, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada): Je m'excuse, je n'ai pas entendu votre question. Pourriez-vous la répéter s'il vous plaît?
Le président: Pouvez-vous vous présenter, aux fins de...
M. Howard Bebbington: J'aimerais vous présenter Mme Lisette Lafontaine, conseillère juridique principale de la Section de la politique en matière de droit pénal. Son domaine de connaissances est celui des amendements portant sur la protection des enfants et le leurre des enfants.
Peut-être que M. MacKay pourrait répéter sa question, si le président désire qu'on y réponde maintenant.
Le président: J'accepterai une question. Mais n'oubliez pas, nos témoins sont ici pour l'étude article par article.
M. Peter MacKay: Dans les dispositions qui portent sur le leurre, dans l'article principal, on utilise le qualificatif «sciemment», alors que dans l'autre disposition on parle simplement de la transmission, distribution et importation, mais on n'utilise pas le même terme. On n'utilise pas le terme «sciemment», qui à mon avis est quand même un terme important.
Mme Lisette Lafontaine: Aucune des dispositions portant sur la pornographie s'adressant aux enfants n'emploie le terme «sciemment». On n'utilise jamais ce terme. Et lorsque nous parlons d'«accès», il s'agit simplement de l'infraction d'accès—comme c'est le cas d'une infraction qui touche la transmission et l'infraction associée au fait de rendre accessible.
Lorsque vous voyez le terme «sciemment», c'est lorsque nous définissons ce qu'est l'«accès», et nous définissons cet accès comme assurant sciemment la transmission de pornographie juvénile. C'est donc inclus non pas dans la définition de l'infraction mais la définition du terme «accès».
La raison pour laquelle nous ne définissons pas «transmettre» ou «rendre accessible» c'est parce qu'on entend par là le sens habituel des termes et qu'il n'est donc pas nécessaire d'assurer une définition.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
Le président: Nous sommes heureux de vous revoir, monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers: J'attendais de pouvoir poser une question.
Ma question porte sur certaines des choses que nous avons abordées hier, y compris le choix du moment.
Madame McFadyen, vous avez mentionné qu'il y avait des options qui avaient été présentées à la ministre pour diverses choses, y compris la création d'un organisme indépendant semblable à ce qui existe en Angleterre. Combien faudrait-il de temps pour mettre sur pied cet organisme indépendant?
Mme Mary McFadyen: Pour ce qui est du système du Royaume-Uni, je me souviens que l'enquête royale a été terminée en 1993 et les auteurs du rapport qui a été présenté recommandaient la création d'un organisme indépendant. Je crois qu'il a été mis sur pied et a commencé ses activités en avril 1997.
M. Paul DeVillers: Ainsi, une fois la loi adoptée et...
Mme Mary McFadyen: Il a fallu cinq ans.
M. Paul DeVillers: ...le personnel trouvé... il a fallu quatre à cinq ans.
Pour ce qui est des dispositions du projet de loi qui proposent la présentation d'un rapport au Parlement, pouvez-vous me dire dans quelle mesure, d'après vous, cela permettra d'assurer une certaine responsabilisation et une ouverture du système?
Mme Mary McFadyen: J'espère que cela permettra d'assurer plus de transparence parce que si la ministre doit déposer un rapport sur l'avancement des enquêtes chaque année, le Parlement pourra certainement dire si à son avis les choses ne vont pas assez rapidement. Je crois que cela permettra d'assurer une certaine responsabilisation et de rendre le système encore plus efficace jusqu'à ce qu'on règle les demandes.
M. Paul DeVillers: Les témoins se sont plaints de ne pas pouvoir obtenir certains renseignements dans le cadre du système actuel. Ces renseignements seront-ils disponibles avec le nouveau système dans ce rapport au Parlement?
Mme Mary McFadyen: Non. Le rapport serait déposé au Parlement, mais il ne faudrait pas oublier les préoccupations à l'égard de la protection des renseignements personnels; il faudrait donc alors être très prudent avant de donner des noms—qu'il s'agisse de ceux des requérants, des victimes, peu importe. Mais lorsqu'une demande est étudiée, tous les renseignements... Dans le cadre du système actuel, à l'étape de l'enquête, on étudie le dossier pour savoir si l'affaire peut être renvoyée aux tribunaux. Tous les renseignements sur lesquels la ministre se fondra pour prendre une décision sont communiqués aux requérants. Les renseignements sont donc communiqués aux requérants, mais pas nécessairement au public.
M. Paul DeVillers: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Vous avez une brève question, monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick: J'ai une brève réponse à présenter à la suite de l'analogie présentée par M. Owen sur les enquêtes de police et le rôle de la Couronne au niveau de la poursuite.
• 1155
Une fois qu'une enquête a été effectuée par la police, et
qu'il appartient à la Couronne de décider s'il doit y avoir
poursuite ou pas, tout le monde connaît la recommandation, que la
Couronne décide de traduire le contrevenant devant les tribunaux ou
pas. On ne donne pas tous les détails sur les témoins et sur toutes
les autres personnes touchées, mais on dit simplement s'il y a des
motifs suffisants pour se tourner vers les tribunaux; ce genre de
renseignement est facilement accessible. Je ne vois pas pourquoi
vous ne pourriez pas tout au moins rendre ces renseignements
disponibles.
L'enquêteur indépendant a étudié la question et a conclu qu'il n'y avait pas de motif suffisant pour aller plus loin ou, il a conclu qu'il y avait des motifs suffisants d'intervenir et il est possible de communiquer certains renseignements sans donner tous les noms des intervenants et des témoins. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait communiquer ces renseignements. C'est simplement un commentaire.
Le président: Merci, monsieur Fitzpatrick.
Mme Mary McFadyen: Il est clair que la décision de la ministre de procéder à une enquête ou de ne pas donner suite à une demande est un renseignement qui est fourni au requérant. Mais en raison de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ce renseignement ne serait pas divulgué au public.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur John McKay.
M. John McKay: J'aimerais revenir à une question que j'ai posée plus tôt, et je ne suis pas tout à fait convaincu d'avoir compris votre réponse. Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de la différence entre celui qui occupe le poste de conseiller spécial et celui qui est nommé conformément aux dispositions de la Loi sur les enquêtes; je parle ici de leur pouvoir, de leur aptitude à consulter d'autres éléments de preuve, leur responsabilisation, les liens qui existent entre leur responsabilité et la protection des renseignements personnels; j'aimerais également savoir qui paierait le salaire de ce conseiller? Pouvez-vous m'en dire un peu plus?
Mme Mary McFadyen: Dans ce scénario, comme la ministre l'a annoncé, avec les changements administratifs qui seront apportés à l'unité en plus des modifications législatives, le conseiller spécial gérera le groupe d'examen, sera chargé de la façon dont les cas seront examinés et qui sera redevable devant la ministre de la Justice de qui il relèvera.
En ce qui concerne la Loi sur les enquêtes, les modifications accordent à la ministre les pouvoirs d'enquête prévus en vertu de cette loi et la ministre eut déléguer ces pouvoirs à quelqu'un d'autre qui fera enquête en son nom. Ces pouvoirs d'enquête seront accordés aux gens qui font enquête pour la ministre.
M. John McKay: Les pouvoirs d'enquête seront-ils délégués au conseiller spécial?
Mme Mary McFadyen: Ils peuvent aussi être délégués à l'avocat et aux enquêteurs qui s'occupent des dossiers.
M. John McKay: Si vous étiez nommée aux termes de la Loi sur les enquêtes, le rapport hiérarchique serait-il exactement le même?
Mme Mary McFadyen: Si le pouvoir d'enquête vous était délégué et si vous pouviez assigner des témoins et des documents aux termes de la Loi sur les enquêtes, vous feriez votre enquête et feriez rapport au conseiller spécial qui ferait part de ses conclusions à la ministre.
M. John McKay: L'enquête comme telle serait beaucoup plus publique...
Mme Mary McFadyen: Non. Encore une fois, toute l'information recueillie au cours de l'enquête serait mise à la disposition des requérants et des avocats, mais ne serait pas nécessairement du domaine public en raison de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
M. John McKay: La personne qui fait l'enquête relèverait donc de l'enquêteur spécial qui à son tour relèverait du ministre de la Justice.
Mme Mary McFadyen: Étant donné que le conseiller spécial sera chargé de l'unité d'examen pour le ministre et relèvera directement du ministre, les gens qui font l'enquête relèveront du conseiller spécial qui relève du ministre. Cela devrait accélérer le processus, car à l'heure actuelle, il faut passer par différents niveaux hiérarchiques au ministère de la Justice avant d'arriver au ministre, et ces niveaux seront éliminés.
Le président: Merci, John.
Nous allons passer à M. Grose qui posera une dernière question.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je ne vais pas harceler les témoins, car je pense qu'ils ont un travail à faire et qu'ils le font très bien. N'étant pas avocat, il y a beaucoup de nuances qui m'échappent, mais de façon générale je ne suis pas satisfait de toute cette affaire. Je ne suis pas satisfait de cette explication. Je pense que les témoins... Et encore une fois, je ne veux pas tuer le messager mais je ne suis pas satisfait de l'explication car je ne suis pas à l'aise avec le fait que nous n'ayons pas vraiment abordé la possibilité qu'il y ait des retards. Même en faisant rapport tous les ans au Parlement, si ce dernier ne s'en fait pas trop si cela traîne depuis cinq ans, rien ne se produit.
Après 23 ans, et 13 ans avec l'ancienne loi, si ce projet de loi n'est pas une grande amélioration, nous nous retrouverons dans la même situation. Je suis désolé, mais je ne suis pas satisfait.
Merci.
Le président: Merci beaucoup. Je remercie beaucoup les témoins, les députés et les collègues.
Le comité va maintenant se pencher sur l'examen article par article du projet de loi. Il y a à manger derrière pour ceux que cela intéresse. Ne vous gênez pas pour aller vous servir.
Je demanderais aux fonctionnaires du ministère de la Justice qui participeront à l'examen article par article de bien vouloir se joindre à nous.
Le président: Nous allons reprendre la séance, car je suis convaincu que les membres du comité sont tout à fait capables dans ce cas-ci de voter et de manger en même temps.
Je suis certain que je vais l'oublier à la fin de l'exercice, alors je le ferai tout de suite. Je voudrais reconnaître l'excellent travail accompli par les membres du personnel ce matin qui ont réglé notre petit problème technique, ce qui nous a permis de faire notre travail. Au nom de tous les membres du comité, je voudrais remercier tous ceux qui ont dû intervenir, notamment le technicien qui est sans doute encore ici à travailler—bon travail.
Nous allons maintenant faire l'examen article par article du projet de loi C-15A, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois. Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, l'examen de l'article 1 est reporté.
(Les articles 2 à 4 inclusivement sont adoptés)
(Article 5)
Le président: Je crois comprendre que nous avons deux amendements à examiner à l'article 5. Le premier porte le numéro PC/DR-1. Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
Cet amendement porte sur la responsabilité non intentionnelle qui pourrait incomber aux fournisseurs de services Internet relativement à la transmission de ce qui pourrait être considéré comme étant du matériel pornographique ou offensant.
À l'article 163.1, on utilise le mot «sciemment» lorsqu'on parle de l'acte criminel qui consiste à accéder à de la pornographie juvénile sur Internet. Il s'agit de l'article où il est question de transmettre, rendre accessible, distribuer, vendre ou exporter de la pornographie juvénile. J'exhorte le comité à considérer, pour des raisons d'uniformité et d'équité, de protection et de certitude, d'insérer ce mot afin de préciser qu'il faut qu'il y ait eu intention coupable. Certains pourraient dire que cet ajout est redondant, mais je dirais que cela permettrait de rassurer un peu les fournisseurs de services Internet.
• 1215
Lorsqu'ils ont comparu devant le comité, ils nous ont tout
simplement dit qu'ils prenaient des mesures. Ils font certainement
des efforts pour ne pas être complices dans tout type de
transmission. Mais si la Couronne décidait de faire preuve d'un
zèle intempestif et d'intenter des poursuites, elle serait tenue de
prouver que la personne était au courant, que cette personne était
au courant avant que l'acte soit commis.
Le président: Des commentaires? Une réponse.
M. Stephen Owen: Je voudrais dire, monsieur le président, que l'utilisation du mot «sciemment» n'apparaît pas dans l'acte criminel. Quiconque accède commet un acte criminel. Ce n'est que dans l'article d'interprétation que le mot «sciemment» est utilisé pour définir ce que signifie le mot «accède», c'est-à-dire quiconque fait en sorte que la pornographie juvénile soit visionnée ou transmise. On fait donc une distinction en ce sens.
L'un des problèmes si l'on ajoute le mot «sciemment» avant le mot «transmet», c'est que cela pourrait porter à confusion, ou tout au moins semer le doute, quant à la nécessité de l'intention criminelle pour les autres infractions prévues au Code. Plus on ajoute le mot «sciemment», plus cela fait douter qu'il s'agit là d'un aspect implicite ou d'un élément essentiel de toute infraction qui n'est pas une infraction de responsabilité stricte dans le Code.
Ici, il est clair qu'il ne s'agit que de l'article d'interprétation et cela devrait être particulièrement utile pour les non-professionnels, le grand public, qui pourraient ne pas savoir exactement ce que signifie le terme «accéder». Accéder est un terme étrange. Ce n'est pas un terme aussi clair selon la définition du dictionnaire, comme l'est le terme «transmettre» ou «rendre accessible», par exemple. La signification de ces termes ne fait aucun doute sur le plan technique. Il semblerait nécessaire de mieux définir le terme «accéder».
Le président: Merci, monsieur Owen.
Nous parlons toujours du premier amendement qui porte le numéro PC-DR.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Je comprends que c'est le premier, mais c'est le numéro 2 selon les feuilles qu'on a.
[Traduction]
Le président: Désolé, nous parlons de l'amendement PC-DR.
(L'amendement est rejeté) [Voir le Procès-verbal]
Le président: Nous allons maintenant passer à l'amendement PC-DR 1.
M. Peter MacKay: Monsieur le président, cet amendement vise de la même façon à exempter spécifiquement ou à clarifier davantage l'aspect de responsabilité. L'article 163.1 stipulerait que le fait de faciliter tout simplement les télécommunications de la part des fournisseurs Internet ne comporte pas de responsabilité criminelle si, comme on le fait habituellement, ils ont pris les précautions habituelles.
On tente tout simplement ici de donner un plus grand sentiment de sécurité en disant que nous n'allons pas abattre le messager, que nous n'attachons pas de responsabilité criminelle à ce qu'ils font dans leurs activités quotidiennes qui consistent à fournir le service qui a permis de transmettre du matériel pornographique.
Le président: Merci, monsieur MacKay.
Des commentaires? Monsieur McKay, Scarborough.
M. John McKay: Vous avez fait valoir que le mot «sciemment» avait été inclus dans l'article sur les définitions et que par conséquent il ne convenait pas d'ajouter le mot «sciemment». Je crois comprendre que c'est là l'essence même de votre argument. Le mot «sciemment» est utilisé lorsqu'on parle de l'infraction comme telle.
• 1220
Pour quelle raison ne pourrait-on pas ajouter le terme
«fournit» soit à l'article sur les définitions, soit à l'article sur
l'infraction? Si cela ne convient pas dans l'article sur les
définitions, alors pourquoi cela ne conviendrait-il pas dans
l'article sur l'infraction?
M. Stephen Owen: Excusez-moi. Votre question porte-t-elle sur l'amendement qui a déjà fait l'objet d'un vote?
M. John McKay: Non. Nous examinons maintenant l'amendement PC-DR 1. Nous examinions auparavant l'amendement PC-DR 2. Nous sommes maintenant revenus au premier amendement.
M. Stephen Owen: Je ne suis pas sûr de vous suivre, monsieur McKay.
M. John McKay: Je ne suis sûr de me suivre moi-même.
Le président: Il s'est peut-être trompé lorsqu'il croyait pouvoir manger et voter en même temps.
M. John McKay: Nous devrions peut-être tous aller faire une sieste et en finir avec l'intégration de l'Amérique du Nord.
En ce qui concerne le premier amendement, vous avez fait valoir qu'il ne convenait pas d'ajouter le mot «sciemment» dans un article sur les définitions...
M. Stephen Owen: Non, au contraire, c'était le bon endroit.
M. John McKay: C'était le bon endroit, alors si on devait l'insérer ailleurs, ce serait à l'article 3.
M. Stephen Owen: Non. Je dirais que l'endroit approprié est là où il se trouve...
M. John McKay: Qui est...
M. Stephen Owen: ...qui est le paragraphe 4(2), c'est-à-dire un article d'interprétation.
M. John McKay: Alors pourquoi est-ce que le terme «fournit» dans cet amendement ne pourrait pas être ajouté à l'article d'interprétation?
M. Stephen Owen: C'est cet amendement qui est maintenant proposé?
M. John McKay: Si cela ajoute de la certitude et de la clarté, pourquoi ne pas l'ajouter à l'article d'interprétation?
M. Stephen Owen: Cela dépasse rapidement ce que je comprends de la question sur le plan technique. Je vais demander à notre expert de répondre à la question.
Mme Lisette Lafontaine: Monsieur le président, selon l'amendement qui est proposé, les fournisseurs de services Internet seraient exonérés de toute responsabilité criminelle, qu'ils soient ou non conscients que cela constitue une infraction. Les infractions ont été rédigées de façon à ce que les fournisseurs de services Internet ne puissent être trouvés coupables s'ils ne font que fournir les moyens ou les installations sans connaître le contenu du matériel qui passe par leur réseau. Selon le projet de loi, ils ne sont pas tenus de surveiller ni de tenter de savoir ce qui se passe. S'ils ne le savent pas, ils ne peuvent pas être trouvés coupables, car pour toutes ces infractions, il faut qu'il y ait eu intention criminelle.
Selon la façon dont l'amendement est rédigé, que les fournisseurs de services Internet soient ou non au courant de ce qui se passe et soient ou non des participants consentants, ils seraient exonérés de toute responsabilité criminelle. L'intention est de les exonérer s'ils y ont participé en toute innocence, mais ils ne devraient pas l'être s'ils étaient au courant. Et c'est ce que cet amendement ferait. Il les exonérerait même s'ils savaient ce qui se passait.
Nous sommes d'avis que l'amendement au projet de loi tel qu'il est rédigé protégerait les fournisseurs de services Internet dans tous les cas où ils ne savent pas ce qui passe dans leur réseau, mais pas s'ils consentaient à participer à l'infraction ou s'ils avaient offert leurs services pour la transmission de la pornographie juvénile. Dans ce cas, ils ne seraient pas protégés. S'ils savent ce qui se passe, et ils consentent à y participer, alors ils sont coupables. C'est la raison pour laquelle, si nous acceptions cet amendement, la situation serait différente de celle qui est prévue dans le projet de loi.
Le président: Merci, monsieur McKay, Scarborough-Est.
Monsieur MacKay, Pictou—Antigonish—Guysborough.
M. Peter MacKay: Je voulais tout simplement que cela soit bien clair. Si le mot «sciemment» se trouve dans l'article d'interprétation, alors je ne suis pas sûr de comprendre l'argument de M. Owen qui dit que cela pourrait mener à une contamination des autres types d'infractions au Code avec intention criminelle, si nous devions insérer le mot «sciemment» dans le corps de l'article comme tel.
M. Stephen Owen: Ma remarque à cet égard s'appliquerait si le mot «sciemment» faisait partie effectivement de la description de l'infraction plutôt que des dispositions interprétatives.
M. Peter MacKay: Mais s'il s'agit d'une infraction comportant une intention criminelle dont il faut implicitement avoir connaissance, en quoi serait-il préjudiciable de le préciser?
M. Stephen Owen: Le problème est le suivant: si ensuite on n'ajoutait pas le mot «sciemment» à tous les autres articles du Code, on laisserait croire de plus en plus que, parce que le mot n'apparaît pas à certains endroits, il pourrait y avoir des différences, et la notion n'est pas implicite partout dans le Code.
M. Peter MacKay: Mais il s'agit ici de choses bien particulières. Il s'agit ici de fournir une installation de transmission. J'estime que cela ne renvoie pas aux autres articles du Code. Le fait de l'insérer ici ne permet pas de soutenir que, parce que la notion paraît dans cet article, elle doit donc être implicite dans tous les autres articles du Code lorsqu'il y a possibilité d'intention criminelle.
M. Stephen Owen: Je crois simplement qu'il ne faut pas rendre la notion de connaissance redondante dans le cas des infractions avec intention criminelle. Il est à mon avis inopportun de l'ajouter à la description d'une infraction, au libellé d'une infraction n'importe où dans le Code.
Je crois qu'il convient tout à fait de l'intégrer, dans les circonstances précédentes, aux dispositions interprétatives, afin de mieux définir et faire comprendre ce que veut dire «accéder à», ce qui est difficile à comprendre dans ce contexte. Cependant, je ne pense pas qu'on devrait l'insérer au début de la description de l'infraction elle-même dans le Code.
M. Peter MacKay: Vous ne croyez pas qu'il pourrait y avoir une certaine confusion autour des mots «transmettre sciemment»?
M. Stephen Owen: Je vais demander l'avis des gens qui ont une connaissance technique plus spécialisée que la mienne, mais cela paraît être une notion définitionnelle assez claire.
M. Peter MacKay: Ou les mots «sciemment rendre accessible»?
M. Stephen Owen: C'est exact.
M. Lynn Myers: Monsieur le président, un rappel au Règlement.
Le président: Monsieur Myers.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): C'est une discussion fort intéressante, mais nous nous sommes déjà prononcés. Nous sommes rendus à l'amendement PC-RD 1, n'est-ce pas?
Le président: Justement.
M. Lynn Myers: Alors, même si le débat concernant le mot «sciemment» est intéressant, nous avons déjà réglé la question.
M. Peter MacKay: Êtes-vous vraiment pressé? Je pensais que c'était la raison pour laquelle nous avions convoqué les fonctionnaires.
M. Lynn Myers: Non, mais je pensais que vous aviez déjà eu l'occasion de l'explorer et j'espérais que vous aviez terminé. Alors, si nous revenons en arrière pour réétudier chaque amendement, si c'est ce que vous voulez faire, je suppose que nous...
M. Peter MacKay: Parce qu'il y en a trois, et ils pourraient prendre beaucoup de temps.
M. Lynn Myers: Eh bien, oui, cela constitue un vrai danger.
M. Peter MacKay: Ils prendraient beaucoup de temps.
Le président: Monsieur MacKay, je pense que nous nous sommes déjà engagés maintenant. Nous sommes rendus au deuxième amendement, l'amendement PC-RD 1. Nous sommes prêts à nous prononcer.
M. Peter MacKay: D'accord, je suis la consigne, monsieur le président, effectivement.
Le président: Monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick: J'aimerais simplement demander à Mme Lafontaine de m'éclairer sur deux choses.
La première concerne l'amendement devant nous sur le fournisseur de services Internet et le niveau de connaissance qui fait que ce fournisseur commet une infraction en y participant. Je suis simplement curieux. Si un employé d'un fournisseur de services Internet est au courant d'une infraction mais si la direction de la compagnie n'est pas au courant, est-ce la compagnie ou le fournisseur du service Internet qui peut faire l'objet d'une poursuite?
Mme Lisette Lafontaine: À mon avis, il faudrait faire la preuve que la direction était au courant et autorisait l'utilisation de son serveur à ces fins. Le fait qu'un employé commette l'acte peut le rendre responsable s'il participe à la transmission de la pornographie juvénile et en est conscient. Mais je crois que cela relève du droit criminel, et il faudrait démontrer la culpabilité de la personne.
Est-ce que vous parlez de la responsabilité d'une personne morale?
M. Brian Fitzpatrick: Je parle de la responsabilité du fait d'autrui.
Mme Lisette Lafontaine: Il vous faudra encore prouver que le propriétaire ou la société est responsable. Je ne suis pas expert dans le droit des sociétés, mais si on veut tenir les administrateurs d'une compagnie responsable d'un crime, il est encore nécessaire de prouver qu'ils étaient au courant.
Le président: Monsieur McKay.
M. John McKay: Je permettrais à M. Myers de partir s'il doit s'occuper d'affaires urgentes. Moi, je n'ai rien qui presse.
La motion dont nous sommes saisis stipule tout simplement «fournit» et les représentants de l'industrie de télécommunications qui ont témoigné ce matin s'inquiètent de la possibilité d'une responsabilité par inadvertance. Vous, vous dites que ce problème ne va pas se poser. Je trouve que votre déclaration ne vaut pas grand-chose. Expliquez-moi encore pourquoi le ministère estime que cette possibilité n'est pas un problème.
Mme Lisette Lafontaine: Ce n'est pas un problème en raison de l'application du principe du mens rea et des éléments à prouver afin de trouver quelqu'un coupable d'une de ces infractions. Il faudrait prouver que la personne était au courant de l'infraction, et pour cette raison, nous croyons qu'elle est protégée. Le projet de loi est rédigé d'une manière telle qu'elle ne pourrait pas être tenue responsable si elle n'était pas au courant de l'infraction.
Le genre d'exemption que prévoit la motion de M. MacKay n'est même pas accordée aux corps policiers. La possession de pornographie juvénile est une infraction. Les corps policiers ont souvent à traiter des cas de pornographie juvénile. Ils sont souvent en possession de pornographie juvénile, et ils n'ont pas cette exemption. Si jamais on portait des accusations contre un corps policier, il serait obligé d'invoquer la défense de l'intérêt public.
Dans ce cas nous proposons de donner aux fournisseurs de services Internet une exemption qui n'a jamais été accordée, même pas aux policiers. C'est une exemption assez vaste, et également, dans certains cas... Je sais que la majorité des fournisseurs de services Internet ne feraient pas de telles choses, mais il est encore possible qu'un fournisseur de services Internet soit consentant à transmettre de la pornographie juvénile, mais en même temps d'être exempté de toute responsabilité. Ceux qui ont affiché les images pourraient être responsables, mais le fournisseur de services Internet ne le serait pas.
À notre avis, ce libellé est correct, et le sens courant du mens rea et l'interprétation des tribunaux du mens rea seraient suffisants pour protéger le fournisseur de services Internet.
M. John McKay: Tout simplement pour le compte rendu, que les témoignages des deux témoins que nous avons entendus ce matin et leurs craintes au chapitre de la responsabilité ne sont pas bien fondées?
Mme Lisette Lafontaine: Ils veulent avoir une garantie absolue d'être complètement protégés, mais je ne crois pas que le risque soit très grand. À l'heure actuelle, la distribution de la pornographie juvénile est une infraction, donc ils auraient pu être accusés de cette infraction. Nous en avons ajouté d'autres, mais on pourrait encore dire qu'ils distribuent de la pornographie juvénile; toutefois, ils n'ont jamais eu des problèmes à cet égard. Les fournisseurs de services Internet n'ont jamais été impliqués dans une affaire, parce qu'on reconnaît qu'ils ne savent pas ce qui passe par leurs systèmes informatiques.
(L'amendement est rejeté) [Voir le Procès-verbal]
(Les articles 6 et 7 sont adoptés)
(Article 8)
Le président: Nous avons un amendement à l'article 8 qui porte les initiales CA-1.
Monsieur Cadman.
M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président. Je ne m'attends pas à une discussion aussi exhaustive sur celui-ci par rapport à la discussion sur les derniers.
Cet amendement prévoit tout simplement une peine consécutive si quelqu'un est trouvé coupable d'avoir attiré un enfant par la ruse. Les raisons pour ce changement se trouvent dans notre cartable, où nous expliquons que ce changement nous permettrait de cibler le problème des adultes qui attirent les enfants par la ruse sur Internet. C'est un avertissement catégorique à ceux qui utilisent Internet pour exploiter les enfants sexuellement.
• 1235
À mon avis, il faut une disposition musclée, parce que bon
nombre de ces contrevenants sont des récidivistes—ils le font à
répétition—et je pense qu'il nous faut les en dissuader. Donc, je
propose des peines consécutives au moment du prononcé de sentence.
(L'amendement est rejeté) [Voir le Procès-verbal]
(L'article 8 est adopté)
(Les articles 9 et 10 sont adoptés)
Le président: L'article 11 est celui qui a été renvoyé au projet de loi C-15B par une motion antérieure, alors je présume que nous voudrons maintenant rejeter l'article 11, puisque nous avons décidé de l'enlever de ce projet de loi pour le placer dans le projet de loi C-15B.
M. Brian Fitzpatrick: L'article 11 n'est plus là.
Le président: Pour les fins de cet exercice, il était là et nous l'avons déplacé. Une motion a été présentée et maintenant nous l'éliminons de ce projet de loi.
(L'article 11 est rejeté)
(Les articles 12 à 23 inclusivement sont adoptés)
Le président: L'article 24 constitue la seconde moitié des deux changements que nous avons effectués plus tôt ce matin, donc il ne devrait pas être adopté.
(L'article 24 est rejeté)
Le président: Merci beaucoup d'avoir maintenu l'uniformité.
Les articles 25 à 72 sont-ils adoptés?
M. Michel Bellehumeur: Non.
Le président: Non?
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Pas l'article 72, parce que cela va dépendre de l'article 73. Il faut parler des articles 72 et 73 ensemble.
[Traduction]
(Les articles 25 à 71 inclusivement sont adoptés)
Le président: Avons-nous un amendement pour l'article 72?
[Français]
Monsieur Bellehumeur.
M. Michel Bellehumeur: Je n'ai pas d'amendements aux articles 72 et 73, mais j'aimerais faire une remarque dans la foulée de la discussion d'hier. Je sais que Peter a un amendement à l'article 73. Les explications de nos témoins d'hier et celles du ministère ne m'ont pas éclairé davantage et je ne me sens pas prêt à voter sur les articles 72 et 73.
Encore là, c'est exploratoire. Je ne ferai pas de débat là-dessus, mais est-ce que les députés du gouvernement ont été éclairés par ce que nous avons entendu hier ou s'ils sont d'avis, comme hier, qu'on devrait peut-être scinder encore une fois le projet de loi? On pourrait avoir un projet de loi C-15A-1, disons, qui traiterait à part de toute la question de la demande de révision auprès du ministre et de l'erreur judiciaire.
Je pense que nous devrions décider de cela avant même de nous prononcer sur l'amendement de Peter. Je sais que c'est plus complexe que ça. C'est pour ça que je n'ai pas déposé d'amendements. C'est plus complexe que de dire que c'est un tribunal indépendant, parce qu'il y a toute la question de l'enquête, comme on nous l'a dit ce matin.
[Traduction]
Le président: Essentiellement, vous aurez l'occasion de vous exprimer sur l'article 72 lorsque je le mettrai aux voix. Nous vous remercions beaucoup de votre intervention et des arguments que vous présentés.
Pour informer le comité avant de voter sur l'article 72, je devrais déclarer que les amendements à l'article 73 sont irrecevables, car ils font appel à un tribunal. Cela nécessiterait donc que le comité adopte un amendement qui ferait encourir des frais à la Couronne. Donc, il est irrecevable. Par souci d'équité, je vous en informe avant que vous ne votiez sur l'article 72.
• 1240
Maintenant, je remercie beaucoup M. Bellehumeur de son
intervention et s'il n'y en a pas d'autres, je mettrai aux voix
l'article 72. Il a fourni une occasion aux membres qui ne veulent
pas adopter l'article 72 en leur signalant qu'ils peuvent le
faire—et je suis certain qu'ils le savaient déjà.
M. John McKay: Dans son libellé actuel, je trouve l'article 690 quelque peu inquiétant. Serait-il possible de l'exciser, de continuer, de terminer le projet de loi et ensuite d'y revenir de façon moins officielle afin de voir ce que le comité aimerait faire?
Le président: La façon d'exciser un article de projet de loi est de le rejeter.
Monsieur Bellehumeur.
M. John McKay: Je ne voulais pas dire l'exciser du projet de loi, uniquement de la discussion.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, il semble qu'on ait discuté de cette question hier, à la réunion des House leaders. Je n'étais pas du tout au courant, mais M. Boudria—et j'aimerais qu'on vérifie du côté gouvernemental—semblait dire qu'il y avait possibilité de scinder le projet de loi C-15A pour en faire un projet de loi C-15A-1 et un projet de loi C-15A-2, et qu'il attendait simplement de voir les directives que le comité lui donnerait.
Je pense que, même du côté gouvernemental, on envisage peut-être la possibilité d'un retard pour une partie du projet de loi, compte tenu qu'on n'a pas l'information nécessaire pour décider ce matin si, oui ou non, on doit voter en faveur de cela.
Sincèrement, je serais mal à l'aise de voter contre l'article 72 et l'article 73, parce que je sais que c'est un pas en avant. On a davantage mis sur papier la façon de fonctionner et on a des formulaires. Je pense qu'un commettant va savoir un peu mieux comment s'aligner. Cependant, cela ne répond pas à la grande question qui se pose quant à la façon de corriger une erreur judiciaire qui a été faite. C'est pour cela que j'aimerais qu'on ne se prononce pas sur les articles 72 et 73. Je souhaiterais qu'on retire cette partie, qu'on scinde le projet de loi ou je ne sais trop quoi. Je suis sûr que le gouvernement est capable de nous présenter quelque chose, parce qu'on en a discuté hier, à la réunion des House leaders.
[Traduction]
Le président: Vous aurez l'occasion d'entreprendre la stratégie que vous aimeriez employer à l'étape du rapport. Je comprends l'intervention de M. McKay, mais je constate qu'il n'y a pas beaucoup d'intérêt pour l'approche particulière qu'il préconise à ce stade-ci, monsieur Bellehumeur, et je vais donc mettre aux voix l'article 72.
(L'article 72 est adopté par 9 voix contre 6)
(L'article 73 est adopté avec dissidence)
(Les articles 74 à 95 inclusivement sont adoptés)
(L'article 1 est adopté)
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Avec dissidence.
Dois-je faire rapport à la Chambre du projet de loi tel que modifié?
Des voix: D'accord.
Le président: Le comité ordonne-t-il la réimpression du projet de loi pour usage à l'étape du rapport?
Des voix: D'accord
Le président: Merci beaucoup.
Si je pouvais avoir l'attention des membres du comité avant que vous ne quittiez la salle, puisque nous ne nous reverrons pas avant notre retour de la semaine de relâche. Lorsque nous reviendrons, nous entendrons des témoins sur le projet de loi C-15B à compter de mardi 9 heures, ou peut-être 9 h 30, selon la disponibilité des salles.
Suite aux discussions du printemps, nous avons identifié des témoins afin que nous puissions entamer nos travaux, leur donner préavis, etc. Mardi, au courant de la journée—nous distribuerons le plan de travail et la liste des témoins que nous entendrons—veuillez s'il vous plaît signaler au personnel toute autre personne que vous aimeriez entendre, sinon nous supposerons que vous êtes satisfait de cette liste et qu'ils peuvent poursuivre à partir de cela.
Cela dit, je lève cette séance jusqu'à nouvelle convocation du président.