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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 octobre 2001

• 1531

[Traduction]

Le président (l'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib)): La 23e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte.

Avant de céder la parole à nos témoins sur le projet de loi C-15A, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, je tiens à attirer votre attention sur deux ou trois questions administratives.

Les textes réimprimés des projets de loi C-15A et C-15B sont disponibles avec la table de concordance. Ils ont peut-être déjà été distribués, mais, quoi qu'il en soit, ils sont disponibles.

Par ailleurs, je signale aux membres du comité que le jeudi 25 octobre, en après-midi, nous accueillerons une délégation parlementaire de la Finlande, le Comité parlementaire des affaires législatives de la Finlande. En raison de nos travaux, il se pourrait que cette rencontre se tienne en fin d'après-midi. Si vous n'avez pas votre calendrier sous les yeux, je vous signale que c'est un jeudi.

Enfin, à la fin de notre première séance, cet après-midi, je demanderai aux membres du comité d'exprimer leurs préférences sur le moment de la semaine où ils voudraient que nous tenions nos réunions supplémentaires cet automne. Plus précisément, comme je l'ai indiqué hier, je voudrais savoir s'ils préfèrent siéger le mardi soir, le mercredi soir ou le jeudi après-midi. Je veux m'assurer que cela convienne au plus grand nombre de gens possible.

Sur ce, je souhaite la bienvenue à nos premiers témoins de cet après-midi. Ce sont les représentants de Association in Defence of the Wrongfully Convited, James Lockyer, administrateur, et Joyce Milgaard, administratrice.

Je vous souhaite la bienvenue à tous deux et j'ai hâte d'entendre votre témoignage. Comme vous le savez, après vos remarques liminaires, il y aura une période de questions.

Vous avez la parole.

M. James Lockyer (administrateur, Association in Defence of the Wrongfully Convicted): Merci, monsieur le président.

J'ai l'intention de vous présenter un exposé qui ne durera pas plus de 10 minutes, puis Mme Milgaard fera des remarques qui prendront aussi une dizaine de minutes. Nous tenons tous les deux à vous remercier, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, de bien vouloir nous accueillir aujourd'hui.

Nous sommes ici pour vous entretenir d'un seul article du projet de loi C-15, soit l'article 72 qui modifie l'article 690 du Code criminel, qu'on considère généralement comme le dernier recours des personnes condamnées pour un crime qu'elles n'ont pas commis. C'est une disposition que notre association a toujours détestée.

En 1998, lorsque la ministre de la Justice nous a demandé de faire des représentations sur des modifications éventuelles à la loi, nous avons nourri de grands espoirs. Toutefois, après avoir lu ce que contient le projet de loi C-15, nous avons été amèrement déçus car, à notre avis, ces modifications ne corrigent en rien les problèmes, tels que nous les percevons, de l'article 690.

Il est particulièrement malheureux que vous soyez saisis de ces modifications en ce moment, avant que ne soit terminée l'enquête sur le cas de David Milgaard, le fils de Joyce, enquête qui a été suspendue tout simplement parce que le gouvernement de la Saskatchewan a jugé bon de reporter le début de cette enquête jusqu'à ce que Larry Fisher ait épuisé tous ses appels—Larry Fisher est celui qui a été reconnu coupable du crime pour lequel David Milgaard avait été condamné injustement.

Un des principaux problèmes qu'a connus David Milgaard quand il a voulu prouver qu'il avait été condamné pour un crime qu'il n'avait pas commis a été de surmonter l'obstacle que représentait l'article 690, ce qui lui est apparu pratiquement impossible. Manifestement, la commission Milgaard devra donc se pencher sur cette disposition.

• 1535

Nous estimons donc que ces modifications sont insatisfaisantes et que, par conséquent, elles devraient être retirées du projet de loi et que le Parlement devrait attendre les recommandations de la commission Milgaard dont la tenue est imminente.

Le défaut de l'article 690 dans sa forme actuelle, c'est que, comme dernier recours des victimes d'erreur judiciaire, il permet seulement de demander au ministre de la Justice de revoir l'affaire et de déterminer si elle devrait être renvoyée aux tribunaux.

En pratique, il a été prouvé que cette disposition comporte des obstacles bureaucratiques qui sont pratiquement insurmontables. Les délais inhérents au système sont énormes. Certains vous diront que la procédure prévue à l'article 690 est aussi rapide qu'un escargot souffrant d'arthrite. De plus, le secret entourant la révision sous le régime de l'article 690 est inacceptable. Enfin, il est honteux que la personne s'estimant victime d'une erreur judiciaire ne dispose d'aucune ressource pour invoquer l'article 690.

Surtout, les problèmes systémiques de l'article 690, qui ne seront pas corrigés par une modification du processus actuel, sont doubles. Ils traduisent le fait que l'article 690, dans sa forme actuelle, ne reflète pas la séparation traditionnelle des pouvoirs exécutif et judiciaire, car, aux termes de l'article 690, l'exécutif, soit le ministre de la Justice, doit donner son aval avant que les tribunaux ne puissent se pencher sur une condamnation.

Cela mène à deux conséquences bien pratiques. Premièrement, le cabinet du ministre, inévitablement, adopte une approche accusatoire dans son examen de toute demande aux termes de l'article 690. Cela signifie que, plutôt que d'examiner la condamnation pour déterminer si elle était justifiée ou non, le cabinet du ministre examine la condamnation de façon à faire en sorte qu'elle soit maintenue.

Deuxièmement, parce que l'étude est menée par le cabinet du ministre, le personnel de ce cabinet est d'avis que de révéler une erreur judiciaire sera source d'embarras pour l'administration de la justice. Or, c'est le contraire qui est vrai. Il est beaucoup plus embarrassant pour l'administration de la justice qu'une personne soit en prison pour un crime qu'elle n'a pas commis. En prévoyant un recours pour les victimes d'erreurs judiciaires, on maintient un bon système de justice.

Je vous donne un exemple auquel notre association travaille à l'heure actuelle. C'est un cas dont vous avez probablement entendu parler, celui de Stephen Truscott. En 1959, alors qu'il était âgé de 14 ans, Stephen Truscott a été reconnu coupable du meurtre d'une jeune fille du nom de Lynn Harper, un crime dont nous, à AIDWYC, sommes certains qu'il est innocent. Il a été condamné à mort. Quatre mois plus tard, on a commué sa peine de mort en peine de prison à perpétuité. Il a été libéré après avoir purgé 10 ans de sa peine, mais nous estimons que cette affaire est si pertinente au dossier des erreurs judiciaires au pays qu'il est essentiel qu'elle soit réexaminée et que l'on déclare qu'il y a eu erreur judiciaire.

Par conséquent, deux avocats et un étudiant, avec l'aide d'un troisième avocat—dont je suis—ont consacré les six derniers mois à la rédaction d'une demande au nom de M. Truscott et à pratiquement rien d'autres. Cela signifie que nous n'avons pu consacrer nos énergies à d'autres cas d'erreurs judiciaires. Par contre, s'il existait un tribunal indépendant qui jouissait des pouvoirs actuellement conférés au ministre par l'article 690, nous n'avions pas eu à faire tout ce travail depuis six mois, Stephen Truscott aurait pu demander à ce tribunal d'enquêter sur son cas, et il l'aurait fait. L'enquête aurait pris la forme d'une instruction, comme le fait la Commission britannique, la Commission d'examen des affaires pénales.

• 1540

J'aurais dû commencer par vous dire, monsieur le président, que nous avons rédigé un court mémoire à l'intention des membres du comité et en vue de notre comparution d'aujourd'hui. Il est en anglais seulement, et je m'en excuse. Ce n'est que lundi de cette semaine que nous avons appris que nous témoignerions aujourd'hui, soit il y a deux jours; nous avons rédigé le mémoire très rapidement et n'avons tout simplement pas eu le temps de le traduire en français. Je vous présente mes excuses, mais j'espère que les membres du comité jugeront bon de lire notre mémoire néanmoins.

Dans notre mémoire, nous décrivons le travail de la Commission d'examen des affaires pénales du Royaume-Uni, commission qui a remplacé l'équivalent de notre article 690 en 1997. Le travail de cette commission a été remarquable en quatre ans d'existence. Dans ces quatre ans, et en date d'hier, la commission a renvoyé à la Cour d'appel du Royaume-Uni 141 condamnations; 56 de ces 141 condamnations étaient pour homicide. De ces 56 condamnations pour homicide, 26 ont été revues par la Cour d'appel du Royaume-Uni jusqu'à présent et 21 de ces 26 condamnations pour meurtre ont été déclarées des erreurs judiciaires. Dans deux de ces 21 cas, l'exonération des condamnés a dû être posthume, car ces deux personnes, Mahmoud Mattan et Derek Bentley, ont été exécutées en 1950 et 1953 respectivement.

À notre sens, les dispositions modifiant l'article 690 ne sont que de la poudre aux yeux et nous prions instamment votre comité de les retirer du projet de loi et de demander au cabinet de la ministre et au Parlement d'envisager sérieusement la création d'un tribunal indépendant semblable à celui qui a été créé en Angleterre.

Nous tenons à souligner que nous ne demandons pas la création d'une nouvelle Cour d'appel. Plutôt, nous souhaitons l'établissement d'un nouveau feu de circulation efficace sur le chemin menant à la Cour d'appel. Nous demandons la révocation de l'article permettant au ministre d'empêcher le renvoi d'une condamnation à la Cour d'appel et nous recommandons que, à sa place, on crée un tribunal indépendant qui servirait de feu de circulation sur le chemin des personnes tentant de convaincre les autorités qu'elles ont été victimes d'une erreur judiciaire.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lockyer.

Madame Milgaard, vous avez la parole.

Mme Joyce Milgaard (administratrice, Association in Defence of the Wrongly Convicted): Lorsque je pense à notre expérience avec l'article 690, une phrase me vient immédiatement à l'esprit, une phrase que nous avons répétée encore et encore: Où en est notre demande? Nous n'en avions aucune idée. Les seules indications dont nous disposions provenaient de témoins en colère qui venaient de recevoir la visite d'un enquêteur du ministère de la Justice. Ils nous disaient que le ministère avait pour approche de jeter le discrédit sur leur témoignage plutôt que de mener une enquête impartiale.

Ce parti pris s'est clairement manifesté lorsque, après le rejet de notre première demande, nous l'avons présentée de nouveau, sans pour autant la modifier, et qu'elle a été accueillie. Pourquoi?

C'est parce que nous avions entre-temps sollicité et obtenu le soutien des Canadiens ainsi que de nombreux députés, comme vous vous en souvenez sans doute. Sinon, notre demande aurait été rejetée de nouveau et David serait encore en prison.

• 1545

Le processus est accusatoire et c'est le ministre qui doit trancher la question de la crédibilité, ce qui n'a aucun sens. C'est un rôle qui devrait être joué par un organisme indépendant. Comme l'a dit James, c'est ce qu'on fait en Angleterre et c'est ce qu'il nous faut ici plutôt que les mesures symboliques qu'on propose dans ce projet de loi. Il nous faut un organisme indépendant.

Le processus doit tenir compte du fait que, dans la plupart des cas, celui qui présente une demande est en prison, sans moyens, sans aide. Je crois que notre cas a été l'exception qui confirme la règle. Le système devrait donner aux victimes d'erreur judiciaire et aux détenus une véritable chance de plaider leur cause. Sinon, ils sont défavorisés.

Savez-vous que même si ces modifications avaient été apportées plus tôt, mon fils aurait quand même passé 23 ans en prison, pas un jour de moins? Ces modifications n'auraient eu aucune incidence sur son cas. Comment le ministère de la Justice peut-il appuyer un régime de ce genre? Il faut le repenser complètement. C'est tout à fait inacceptable. Des innocents sont encore en prison. Tout le monde le sait. Même la ministre de la Justice, Anne McLellan, l'a reconnu.

Pensez aux condamnations qui ont été infirmées depuis que David a été libéré. AIDWYC travaille actuellement à 41 causes. James vous en a mentionné quelques-unes. C'est trop de travail pour nous. Nous ne devrions pas être forcés de faire le travail du gouvernement.

Comme je l'ai indiqué au président plus tôt, j'aimerais bien vivre ma vie, mais comment puis-je le faire? Lorsque je reçois des appels, au milieu de la nuit, le matin, l'après-midi et même les week-ends, de mères, de fils, de soeurs et de frères de victimes d'erreurs judiciaires, je ne peux les abandonner.

Le gouvernement n'offre rien d'efficace à ceux qui ont été condamnés injustement. AIDWYC est la seule organisation nationale qui enquête sur des cas particuliers d'erreur judiciaire. Après que David soit sorti de prison, James Lockyer m'a appelée pour me demander de l'aider dans l'affaire Guy-Paul Morin. J'ai tout de suite refusé. Je venais de vivre 23 ans de bouleversements, il n'était pas question que j'accepte. Mais comme vous le constaterez, James n'aime pas essuyer de refus. C'est la mère de Guy-Paul qui m'a ensuite téléphoné. Comment pouvais-je refuser de l'aider?

C'est ainsi que je suis devenue administratrice d'AIDWYC. Mon travail au sein de cette organisation nous a amenés, David et moi, à demander à AIDWYC de prendre les arrangements nécessaires pour une analyse d'ADN. Lorsque la Cour suprême du Canada a ordonné la libération de David en 1992, sa réputation était restée entachée. Tout le monde sauf David avait été innocenté. Le tribunal avait refusé de l'exonérer. Il a même laissé entendre que David était peut-être coupable du meurtre de Gail Miller. Le parti pris institutionnalisé qu'on trouve au cabinet du ministre existe aussi au sein des tribunaux. Comme vous le savez, les résultats de l'analyse d'ADN ont prouvé qu'ils avaient tous tort.

Un tribunal indépendant changerait du tout au tout le ton du débat, comme cela a été le cas en Angleterre. Là-bas, l'inévitabilité des erreurs judiciaires a enfin été acceptée par le gouvernement et les tribunaux. Voilà ce qu'il nous faut au Canada.

• 1550

Soyons réalistes: il y aura toujours des erreurs judiciaires. Nous le savons pertinemment. L'enquêteur que la ministre avait chargé d'examiner l'allégation d'erreur judiciaire de David a prononcé une phrase qui a souvent été reprise. Je ne nommerai pas cet enquêteur, même si on m'a dit que je jouissais du privilège parlementaire. Il a dit, au sujet de l'innocence de David, que certains croient aussi qu'Elvis Presley est encore vivant. Il est très difficile de se battre contre ce genre de parti pris.

Il est tout aussi inquiétant de penser, on l'oublie souvent mais c'est très important, que lorsque le système judiciaire condamne un innocent, le véritable coupable, lui, reste en liberté. Pendant que notre David croupissait en prison, pendant que sa famille concentrait tous ses efforts sur sa libération, Larry Fisher continuait de commettre des viols. Chaque fois, le crime était plus violent. Sa dernière victime, une dame de 55 ans de Prince Albert, en Saskatchewan, est une dame merveilleuse. Je lui ai rendu visite. Larry Fisher lui a arraché ses vêtements, l'a violée à répétition, lui a donné des coups de couteau et lui a coupé la gorge d'une oreille à l'autre avant de s'enfuir, croyant l'avoir tuée.

Voilà ce qui arrive lorsque le système néglige les erreurs judiciaires. Un organisme indépendant pourrait mettre fin à cette situation. Vous pourriez mettre fin à cette situation.

Le système actuel ne fonctionne pas. Ce projet de loi ne contient rien qui améliorera ou changera les choses. Vous avez le devoir, à l'égard de vos électeurs, de demander la création d'une commission indépendante. Je vous en prie, faites ce qu'il faut pour prévenir d'autres erreurs judiciaires.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Fitzpatrick, vous avez sept minutes.

M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, AC): Vous avez parlé de la commission indépendante qui existe en Grande-Bretagne. Je sympathise beaucoup avec ceux qui ont été injustement condamnés, mais il n'en reste pas moins que la grande majorité des détenus n'ont pas été victimes d'erreurs judiciaires. J'aimerais savoir si le système britannique comporte des balises qui lui éviteraient d'être submergé de demandes d'examen, ce qu'il faudrait aussi éviter. Savez-vous comment on a réglé cette question au Royaume-Uni?

M. James Lockyer: Oui. Je suis allé au bureau central de la commission à Birmingham, en Angleterre. Pendant ses deux premières années d'existence, la commission a reçu environ 5 000 demandes. Quatre ou cinq ans plus tard, il ne reste qu'environ 600 demandes en attente. Bien sûr, nous connaissons la même situation à AIDWYC, car nous recevons aussi beaucoup de demandes.

Je tiens à préciser qu'on a tort de dire que tous les détenus clament leur innocence. C'est faux. En prison, si vous prétendez être innocent, vous suscitez la méfiance des autres détenus. Une fois que vous avez été reconnu coupable et condamné à une peine de prison, vous vous attirez des ennuis en vous prétendant innocent.

Parmi ceux qui se disent victimes d'erreur judiciaire, il est facile d'éliminer ceux dont les allégations sont sans fondement. Cela se voit au tout début de l'enquête. Jusqu'à présent, en Grande-Bretagne, la commission indépendante a jugé qu'environ 80 p. 100 des cas étaient sans fondement et a mené une enquête approfondie sur les autres 20 p. 100.

• 1555

Bien sûr, dès qu'elle constate que la condamnation devrait être maintenue, elle abandonne l'affaire. Elle poursuit son enquête seulement si le cas le mérite.

Comme nous vous l'avons indiqué, en quatre ans d'existence, elle a renvoyé 143 causes au tribunal. J'ignore si c'est beaucoup ou non, c'est relatif. C'est beaucoup si on compare cela au Canada. Pendant la même période de quatre ans, au Canada, on a agréé seulement trois demandes sous le régime de l'article 690, si je ne m'abuse. Cela prouve bien que les deux systèmes n'ont pas la même efficacité.

M. Brian Fitzpatrick: Je m'interroge aussi sur la composition de cette commission. J'aimerais également savoir si ceux qui présentent une demande à la commission en Grande-Bretagne jouissent d'aide financière. Ont-ils droit à de l'aide juridique? S'agit-il d'un autre tribunal composé uniquement de juristes ou non?

M. James Lockyer: Je répondrai d'abord à votre deuxième question. Plus de 80 p. 100 de ceux qui présentent une demande à la commission n'ont pas d'avocat. Ils n'en ont pas vraiment besoin, puisque la commission agit comme une commission d'enquête. Autrement dit, c'est la commission qui mène l'enquête elle-même. J'ai toujours estimé, et je l'ai souvent dit publiquement, que lorsque nous aurons un organisme équivalent au pays, AIDWYC pourra fermer ses portes. Une organisation comme la nôtre ne sera plus nécessaire.

La participation des avocats est donc négligeable, à moins que la commission ne renvoie la cause à la Cour d'appel. Dans ce cas-là, bien sûr, c'est un avocat qui représentera celui dont le dossier a été renvoyé à la Cour d'appel, tout comme ici.

Pour répondre à votre première question sur la composition de la commission britannique, la composition de la commission n'est pas fixe, à une exception près: on exige qu'un tiers, je crois, des commissaires aient une formation de juriste. En pratique, les commissaires représentent toutes les couches de la société. Bien sûr si le chiffre que je vous ai donné est juste, un tiers des commissaires sont des juristes. Ce sont des juges à la retraite, des procureurs, des avocats de la défense ainsi que des avocats qui ne pratiquent pas le droit criminel; s'ajoutent à eux de simples citoyens, des universitaires, des représentants de toutes les professions.

Il est intéressant de noter qu'on tente de mettre à profit les antécédents de chaque commissaire au moment d'affecter un commissaire à une cause particulière, car, manifestement, il est parfois utile d'avoir des connaissances d'un domaine précis. Souvent, surtout dans les cas de faux aveux, on juge indiqué de faire appel à des professionnels de la santé mentale.

M. Brian Fitzpatrick: Aux termes des modifications proposées dans ce projet de loi, ne serait-il pas possible pour le ministre de la Justice de mettre sur pied un comité, par voie réglementaire, dont le mandat serait d'examiner ces demandes?

M. James Lockyer: En pratique, c'est ce que fait déjà le ministre. Lorsque le cabinet du ministre juge qu'une demande mérite un examen plus approfondi, le ministre engage souvent un avocat de l'extérieur du ministère qui est chargé d'enquêter en son nom. L'ennui, c'est que cela se fait sous l'égide du ministre. En pratique—et je connais bien la pratique—, cela signifie une procédure accusatoire.

Dans l'affaire Stephen Truscott, nous présenterons au ministre un mémoire d'environ 500 pages. Il devra être terminé d'ici le mois prochain. Si nous avions une commission comme celle qui existe au Royaume-Uni, je n'aurais pas à rédiger de mémoire du tout. Je n'aurais qu'à transmettre le dossier de M. Truscott à la commission et lui demander d'enquêter. Elle ferait le travail du même point de vue que nous l'avons fait au nom de M. Truscott. Autrement dit, comme nous, elle se pencherait sur le cas en toute neutralité.

• 1600

Il n'est pas dans l'intérêt de notre association d'aider des personnes qui ont été condamnées à juste titre, ceux qui sont coupables du crime pour lequel ils ont été condamnés. Cela va tout à fait à l'encontre de notre mission.

M. Brian Fitzpatrick: Mais ne faut-il par présenter à la commission de nouvelles preuves convaincantes pour qu'elle entame une enquête? Il faut qu'on lui révèle des faits nouveaux, n'est-ce pas?

M. James Lockyer: Non. Dès qu'on lui demande d'enquêter, la commission a la responsabilité d'examiner le cas, que cet examen prenne une demi-heure ou deux ans. Il n'est pas nécessaire de présenter à la commission quelque document que ce soit à part le formulaire de demande. La personne s'estimant victime d'une erreur judiciaire remplit des formulaires où elle indique le crime pour lequel elle a été condamnée et la date, et sans doute, brièvement, pourquoi elle estime avoir été injustement condamnée. Le travail est essentiellement fait par la commission.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Fitzpatrick.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci beaucoup.

Je vous remercie de votre présentation, que je partage à 100 p. 100. Je partage entièrement vos craintes et votre demande quant aux modifications à cette partie-là. Hier, je faisais exactement les mêmes remarques à la ministre. Je pense que la façon dont c'est rédigé est dangereuse. Si on est vraiment sincère au niveau d'une modification quelconque pour que justice soit rendue dans des cas d'erreurs judiciaires, je pense qu'il faut faire les choses autrement de ce qu'on nous présente dans le projet de loi C-15 relativement aux erreurs judiciaires.

Je n'ai pas beaucoup de questions pour vous parce que vous avez fait un exposé très, très clair sur cette question, si ce n'est sur un point en particulier.

De la façon dont c'est rédigé à l'heure actuelle, voyez-vous un problème supplémentaire au niveau de l'indemnisation dans le cas où un individu fait une demande, où il y a une enquête et où on arrive à la conclusion qu'il y a eu une erreur judiciaire et qu'un tort a été causé à l'individu, homme ou femme, qui a été emprisonné à tort? C'est toujours le même monde: celui qui fait enquête, celui qui rend la décision, celui qui va payer. C'est toute la même entité qui, finalement, va aussi négocier l'indemnisation. Est-ce que c'est un problème supplémentaire pour vous?

[Traduction]

M. James Lockyer: Oui, mais nous croyons qu'on pourrait trouver une solution à ce problème d'ici deux semaines. L'an dernier, M. le juge Cory, un juge à la retraite de la Cour suprême du Canada, a mené une enquête sur le cas de Thomas Sophonow qui s'était prétendu victime d'une erreur judiciaire, à Winnipeg au Manitoba. On m'a indiqué ce matin que le rapport du juge Cory sera rendu public le 22 octobre.

M. le juge Corey a notamment examiné longuement la question de l'indemnisation des victimes d'erreur judiciaire. Naturellement, notre organisation s'intéresse beaucoup à la question. D'une certaine façon, toutefois, c'est un peu mettre la charrue devant les boeufs. Donnons-nous d'abord un système qui décèlera les erreurs judiciaires; nous pourrons ensuite voir comment indemniser les victimes de ces erreurs.

Je devrais peut-être laisser à Joyce le soin de vous répondre car David a tenté d'obtenir une indemnisation.

Mme Joyce Milgaard: Oui, c'est difficile. Dans notre cas, un juge a chargé un médiateur d'assurer la médiation entre la Saskatchewan et nous, et la solution a semblé bonne. Nous avons dû attendre très très longtemps, car la Saskatchewan refusait de participer à la médiation. Ce n'est qu'après que je sois revenue à la Chambre des communes que le gouvernement de la Saskatchewan a accepté d'agir, à l'issue de ma rencontre avec le premier ministre.

• 1605

Je crains de ne pouvoir rien dire de bon sur le système. Le système d'indemnisation est tout aussi mauvais que la demande en vertu de l'article 690. Nous n'arrivions jamais à savoir ce qui allait se passer de ce côté-là non plus. Nous avons fourni aux autorités compétentes tout ce qu'elles demandaient et elles n'ont pas arrêté de transmettre au public de l'information qui n'était même pas vrai, et nous ne pouvions rien y faire. C'était vraiment déplorable.

Je suis donc d'accord avec le député. Je pense que vous avez signalé un problème très important. Cela doit être une partie intégrante du processus: il doit y avoir des gens dont le rôle est de s'occuper de cela en particulier. On ne peut pas faire cela de façon antagoniste. C'est une des raisons qui justifie que le processus, dans son ensemble, ne relève pas du cabinet du ministre.

Si j'étais la ministre de la Justice, au lieu d'être Joyce Milgaard, mère d'un détenu, je ne voudrais probablement pas que cette compétence soit retirée à mon bureau. Parlons franchement. Plus on a de gens à administrer, plus on a de pouvoirs, n'est-ce pas? Si vous me retirez des gens, vous me retirez une partie de mon pouvoir, jusqu'au point où je sortirai mes griffes contre toutes personnes qui voudraient me retirer une partie de mon personnel.

Le fait que cela coûte moins cher dans le système britannique que cela nous coûte ici... Imaginez un peu le nombre de bureaux de fonctionnaire sur lesquels la demande de mon fils a dû traîner. Je peux vous parler d'une fois où j'ai reçu un appel deux ans après que la demande avait été présentée. Je croyais qu'on s'en occupait et David Aster m'a téléphoné pour me dire: jusqu'à présent, le ministre n'a même pas vu votre demande, nous venons de l'apprendre. Il faut donc un temps énorme pour passer ainsi d'un bureau à l'autre. Pourquoi ne pas abréger le processus? C'est à cela que sert une commisison indépendante.

Le président: Merci, monsieur Bellehumeur.

Monsieur MacKay, à vous.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/DR): Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier Mme Milgaard et M. Lockyer. Nous sommes vraiment honorés de vous avoir parmi nous et de prendre connaissance de vos vues sur ces questions. Vous nous faites entendre un autre son de cloche qui est très important.

J'ai beaucoup de questions à poser, mais, faute de temps, je vais tâcher de les présenter rapidement. L'affaire Truscott et l'affaire Milgaard montrent clairement, selon moi, qu'il peut y avoir des conséquences politiques volontaires et involontaires, ou encore de l'ingérence. Je crois que l'affaire Truscott va relancer l'intérêt des Canadiens à l'endroit de la façon de traiter les condamnations injustifiées.

Je m'adresse d'abord à M. Lockyer. D'après votre exposé et vos observations, d'après votre mémoire, les modifications proposées n'auront qu'une incidence minime sur la façon dont nous réglons actuellement le problème des condamnations injustifiées. Parallèlement, la politisation de ce processus va continuer d'exister et de menacer le bon fonctionnement de ce système.

Sauf à remettre cette compétence à un organisme indépendant, pensez-vous qu'il existe une façon d'améliorer le libellé de l'article actuel? Devrions-nous plutôt attendre la parution du rapport du juge Cory, puisque cela doit se faire dans peu de temps, quelques semaines au plus tard? Devrions-nous attendre pour voir quels conseils ce rapport contiendra?

Je voulais également, monsieur Lockyer, vous posez une question touchant votre vaste expérience en droit pénal. Je songe à l'incidence des analyses d'ADN, des possibilités qu'elles offrent d'améliorer considérablement la façon dont ces questions sont abordées, et l'importance de préserver les éléments de preuve permettant les analyses d'ADN pour toutes les causes criminelles. L'affaire Truscott est un exemple classique d'une situation où une analyse d'ADN aurait pu permettre de donner à M. Truscott la clé des champs, pour ainsi dire.

• 1610

En dernier lieu, j'aimerais connaître votre opinion sur la façon dont il faut se servir de l'ADN. Y a-t-il nécessité de procéder à l'analyse de l'ADN de tous les détenus actuels, pour s'en servir dans toutes les affaires de meurtre non résolues?

Quel éclairage supplémentaire pouvez-vous offrir sur ces questions? Que faire pour que David Milgaard et Stephen Truscott n'aient pas purgé leurs peines en vain? Si nous ne résolvons pas cette question, je crains que les Canadiens continueront d'être tout aussi vulnérables.

M. James Lockyer: Pour ce qui est de savoir s'il faut attendre le rapport Sophonow du juge Cory, précisons que Tom Sophonow n'est jamais passé par le processus prévu par l'article 690. En fait, il a fini par être acquitté par la Cour d'appel du Manitoba au début des années 80. Le problème, c'est que, comme David, lorsque M. Sophonow a été libéré par la Cour suprême du Canada, on lui a dit qu'il était acquitté mais que, de l'avis général, il avait probablement commis le crime, il avait probablement tué Barbara Stoppel.

Il y a environ trois ans, AIDWYC a demandé aux services de police du Manitoba de réexaminer l'affaire. Ils ont eu le très grand mérite d'accepter et ce n'est que l'an dernier que la police et le ministère de la Justice du Manitoba se sont dits prêts à exonérer publiquement M. Sophonow.

Cela signifie que M. le juge Cory n'a pas été bien renseigné. En fait, il n'y a pas eu de preuves recueillies sous le régime de l'article 690 du Code criminel. Je pense donc que s'il aborde la question dans son rapport du 22 octobre, il ne le fera que superficiellement. C'est l'enquête sur l'affaire Milgaard que nous attendons en particulier, parce qu'évidemment, dans le cas de David, l'article 690 a joué un rôle de premier plan dans les problèmes qui ont contraint David à passer 23 ans de sa vie en prison.

M. Peter MacKay: Désolé de vous interrompre, mais quand pensez-vous que l'enquête sur l'affaire Milgaard sera terminée?

M. James Lockyer: Elle n'a pas encore commencé. Cela tient au fait que, lorsque David a été exonéré, le gouvernement de la Saskatchewan a d'abord dit qu'il comptait attendre jusqu'à ce que Larry Fisher ait épuisé tous ses recours en appel. Or, il n'est pas encore passé devant la Cour d'appel de la Saskatchewan, où il en appelle de sa condamnation pour meurtre.

Je dois dire, toutefois, que nous disposons déjà de la recommandation du rapport Marshall, selon laquelle il faudrait créer un tribunal indépendant pour remplacer les dispositions de l'article 690. Cela se trouve déjà dans le rapport Marshall, en 1989.

Dans le rapport Morin, le juge Kaufman recommande également que l'article 690 soit révisé dans l'intention de voir s'il doit ou non être remplacé par une commission indépendante. Le juge n'a pas directement recommandé une commission indépendante parce que, comme dans le cas de M. Sophonow, M. Morin n'a pas eu, lui non plus, recours aux dispositions de l'article 690. Bien sûr, Donald Marshall y a eu recours.

Vous m'avez ensuite posé une question sur l'ADN. Évidemment, l'ADN s'est avéré d'une importance cruciale pour établir que certaines personnes ont été victimes d'erreurs judiciaires. Mais ce recours n'est disponible que dans les cas où l'ADN peut être utilisé. Autrement dit, il faut que des échantillons d'ADN provenant du corps du meurtrier aient été prélevés sur le lieu du crime. Les cas de meurtre avec viol constituent des situations classiques où l'ADN joue un rôle si important et où des échantillons d'ADN ont été préservés.

Vous avez soulevé le cas de Stephen Truscott. Nous avons découvert, après des recherches qui ont duré deux ans, que toutes les pièces à conviction de cette affaire qui étaient susceptibles de permettre une analyse d'ADN avaient été détruites au cours des années 60. Donc, l'ADN aurait certainement pu jouer un rôle décisif, mais dans le cas de M. Truscott cela a été malheureusement impossible.

Cela dit, de notre point de vue, outre le fait que l'ADN peut prouver qu'il y a eu condamnation injustifiée, les cas où l'on a eu recours à l'ADN peuvent donner une idée du nombre de victimes d'erreurs judiciaires actuellement en prison. Dans le cas de ces personnes, on ne peut pas avoir recours à l'ADN, soit parce que cela n'est pas pertinent, soit parce que, si l'ADN pouvait servir de preuve, les pièces qui permettraient des analyses d'ADN n'existent plus. En fait, dans beaucoup des affaires sur lesquelles AIDWYC travaille, l'ADN ne peut jouer aucun rôle.

L'ADN a un rôle important de deux points de vue. Tout d'abord il permet d'exonérer des gens qui ont été condamnés injustement. Deuxièmement, il nous éveille à la possibilité qu'il y ait eu beaucoup de gens condamnés injustement, pour lesquels une analyse d'ADN est impossible.

• 1615

Passons maintenant à votre troisième question. Devrait-il y avoir une banque de données génétiques des personnes condamnées? Je tiens à préciser que je ne parle pas au nom de AIDWYC en vous répondant. Je m'exprime en qualité d'être humain. Je ne parle même pas en qualité de juriste. Je vous donne simplement mon opinion personnelle. Personnellement, j'appuie tout à fait la création de banques de données génétiques. Pour les gens qui sont reconnus coupables de crimes graves ou de crimes potentiellement graves—une tentative d'agression sexuelle, par exemple—, il devrait certainement y avoir une banque de données génétiques.

M. Peter MacKay: Merci.

En ce qui concerne AIDWYC, vous y consacrez manifestement beaucoup de votre temps personnel et professionnel, parce que vous y croyez, mais il vous faut également subvenir à vos besoins. Je soupçonne que vous travaillez en grande partie bénévolement ou en fonction d'indemnisations imprévisibles. Je ne veux pas vous gêner, mais je crois qu'il est important que les gens sachent que vous ne représentez pas un organisme dûment financé. Il s'agit d'une activité pour laquelle vous avez pris beaucoup d'initiatives. Est-ce exact?

M. James Lockyer: Oui. Nous ne sommes pas un organisme bien financé. En fait, depuis notre création en 1993, les seuls fonds importants que nous avons obtenus ont été reçus grâce à Rubin Hurricane Carter, notre directeur exécutif, qui a insisté pour que le distributeur du film sur sa vie, intitulé Hurricane, fasse un don de 50 000 $ à AIDWYC. C'est la seule contribution importante que nous ayons jamais reçue. Cela mis à part, il n'y a jamais eu de dons supérieurs à 100 $. Nos sources de financement sont donc minimes, et nous ne pouvons manifestement pas jouer le rôle d'un tribunal indépendant. Nous ne saurions même pas l'envisager. Nous serions une bien mauvaise solution de remplacement à un tribunal indépendant.

Les victimes d'erreurs judiciaires font face à un grave problème. Je crois que Joyce a souligné dans sa déclaration liminaire que ces personnes ont rarement accès à des fonds. Vu notre manque de ressources, nous ne pouvons généralement nous occuper que des cas les plus graves, c'est-à-dire ceux de personnes qui purgent des peines d'emprisonnement à vie pour homicide. Il est évident que personne ne s'attend que les gens qui purgent des peines d'emprisonnement à vie aient accès à des ressources quelconques. Par conséquent, nos membres travaillent en grande partie gratuitement.

M. Peter MacKay: À titre bénévole. Très bien.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur MacKay.

La parole est à Monsieur Owen.

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci, madame Milgaard, monsieur Lockyer. Merci beaucoup d'être venus nous voir aujourd'hui et de nous communiquer votre expérience et votre sagesse, mais merci également d'avoir contribué à l'intérêt public. Je crois que nous devrions tous vous en savoir gré.

Je voudrais en savoir un peu plus sur la façon dont vous envisagez le nouveau système que présente le projet de loi. Comment le comparez-vous tant à celui de l'ancienne commission qu'à celui de la commission d'enquête? Monsieur Lockyer, je pourrais peut-être vous poser la question en premier. Trouvez-vous qu'il y a des similarités entre les fonctions du ministre de la Justice que propose le projet de loi et l'actuel pouvoir discrétionnaire de poursuivre? Quelle distinction faites-vous entre les deux? Y a-t-il, dans ces dispositions-ci, une forme inversée de pouvoir discrétionnaire de poursuivre?

Vous avez parlé du critère britannique du fondement sûr. Au Canada, la possibilité prépondérante de condamnation constitue le critère de preuve dont on se sert habituellement pour établir le pouvoir discrétionnaire de poursuivre. Je voudrais justement être mieux renseigné sur cette distinction. S'il y a, en fin de compte, similarité avec le rôle que joue le ministre de la Justice, pourquoi ne confierait-on pas à cette personne le pouvoir de prendre cette décision finale?

Il y a un deuxième aspect à tout cela. Je crois que nous comprenons tous que les modifications sont proposées parce que l'actuel article 690 n'a pas rempli le rôle que nous attendions de lui. Il est insuffisant, et doit être corrigé de fond en comble.

Si je comprends bien, nous aurons un organisme relativement indépendant qui fera enquête et qui préparera des recommandations à présenter au ministre de la Justice. Il est indépendant dans la mesure où il s'agit d'un service distinct ne faisant pas appel à des personnes qui ont d'autres fonctions au sein du ministère de la Justice. Dans le passé, cela a peut-être été une source de confusion ou, du moins, une cause de la lenteur avec laquelle beaucoup de ces demandes étaient traitées. C'est pourquoi je me demande si nous ne pouvons pas considérer cette mesure comme une forme inversée du pouvoir discrétionnaire de poursuivre.

• 1620

Je trouve intéressant, monsieur Lockyer, que vous ayez dit, bien sûr, qu'AIDWYC est un organisme neutre puisque vous n'essayez pas d'obtenir l'annulation de la condamnation des personnes qui n'ont pas été victimes d'une erreur judiciaire. Il n'en reste pas moins que vous êtes un organisme qui défend une cause. Oui, vous procédez vous-mêmes à une enquête, comme le ferait cet organisme au sein du ministère de la Justice, et vous ne vous portez à la défense d'une cause que lorsque vous croyez que l'on a dépassé un seuil quant à la probabilité d'une condamnation injustifiée, de la même façon que le ministre devrait se faire convaincre de renvoyer la cause devant les tribunaux.

En dernier lieu, je me demande si vous connaissez un pays autre que le Royaume-Uni qui a une commission indépendante semblable à celle du Royaume-Uni.

M. James Lockyer: Parlons d'abord de la question du pouvoir discrétionnaire de poursuivre. Ce pouvoir est un aspect inévitable de tout système judiciaire. Sauf erreur, il ne s'agit pas de la même chose que le pouvoir discrétionnaire accordé au ministre sous le régime de l'article 690.

Le pouvoir discrétionnaire de poursuivre ne constitue pas un jugement final. Il permet simplement à un procureur de décider si une cause sera ou ne sera pas portée devant un tribunal. Il appartiendra au tribunal de rendre le jugement final.

Par ailleurs, dans le cas du pouvoir discrétionnaire du ministre, la situation est très différente. S'il décide de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire, on ne peut avoir recours à personne d'autre. Pour la personne concernée, c'est l'aboutissement de la procédure. Disons franchement que nous nous indignons à l'idée que cela soit considéré comme un recours discrétionnaire que peut accorder le ministre.

J'ai sous les yeux le sommaire législatif préparé par la ministre en ce qui concerne les modifications proposées. Elle y dit ceci:

    L'article 81 maintient les éléments fondamentaux du système actuel de révision ministérielle que prévoit l'article 690. La révision ministérielle des condamnations continue d'être un recours extraordinaire et discrétionnaire [...]

Selon nous, si une personne est victime d'une erreur judiciaire, il ne devrait y avoir aucun élément discrétionnaire dans le processus. Cette personne devrait absolument avoir le droit de faire casser sa condamnation. Le fait que le pouvoir du ministre soit encore considéré comme discrétionnaire témoigne des problèmes systémiques qu'entraîne la décision de laisser à son bureau le soin de décider si ce pouvoir doit être exercé ou non pour une affaire donnée.

Selon nous, l'existence, au sein de son ministère, d'un service distinct appelé à s'occuper uniquement des demandes de révision au motif qu'une erreur judiciaire aurait été commise ne modifiera pas le problème systémique qui tient au fait que le ministère est l'arbitre ultime et qu'en particulier le ministre est l'arbitre ultime pour toute demande qui lui est présentée.

Pour ce qui est de la neutralité de notre rôle, vous avez évidemment raison. Nous devons décider—cela figure dans notre mandat—si une personne est bel et bien innocente. C'est une décision que notre organisation doit prendre. Nous n'essayons pas d'établir que le procès de cette personne a été entaché d'erreurs judiciaires et qu'elle devrait donc avoir droit à un nouveau procès. Nous nous concentrons plutôt sur l'innocence de fait. Bien sûr, une fois que nous avons décidé que, dans les faits, une personne est innocente, nous prenons sa défense, parce qu'il n'y a personne d'autre pour le faire.

Par contre, si le tribunal dont nous demandons la création est établi, il peut décider qu'une personne est peut-être bien innocente de fait. En effet, c'est tout ce que nous lui demandons de faire, de décider qu'une personne peut bien être innocente de fait. D'après les lois britanniques, si la commission décide qu'il est raisonnablement possible qu'une condamnation soit cassée par la Cour d'appel, cet organisme est assujetti à une obligation absolument non discrétionnaire, celle de renvoyer la cause à la Cour d'appel pour que cette dernière décide si la condamnation repose ou non sur des assises fragiles et si elle doit être cassée.

En dernier lieu, vous demandez s'il y a d'autres pays où il existe une mesure semblable. Je crois savoir, mais je n'en suis pas certain, que l'État de New South Wales en Australie a envisagé d'adopter une mesure de ce type et que le Parlement de cet État en a été saisi. J'ignore cependant si cette mesure a été adoptée ou mise en oeuvre. Je ne peux donc pas très bien répondre à cette question.

• 1625

M. Stephen Owen: Brièvement, vous avez employé le mot «parti pris» plus tôt au sujet de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre de la Justice dans la prise de cette décision. Je ne vois pas comment on pourrait trouver un organisme de défense des droits aussi neutre et dire que le ministre de la Justice pourrait avoir fait preuve de partialité dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire.

Dans cette comparaison du pouvoir discrétionnaire de poursuivre, je pense vraiment que c'est exactement ce qui se produit. On exerce un pouvoir discrétionnaire, du point de vue d'une victime d'un crime, qui va empêcher que l'affaire soit jugée devant un tribunal et qu'il y ait poursuite, et cela au nom du ministre de la Justice du gouvernement fédéral ou d'une province.

Je ne veux pas jouer sur les mots, mais je pense qu'il y a là une similitude que nous ne devrions pas négliger, qu'un pouvoir discrétionnaire est exercé pour trancher la question de savoir s'il y a lieu de poursuivre quelqu'un au nom du public parce que quelqu'un a été victime d'un crime. Je pense qu'il peut y avoir là effectivement une véritable similitude. Ce que je prends très au sérieux, c'est l'expérience horrible que des gens comme David Milgaard ont vécue en tentant de s'accommoder de l'ancien système. C'est une question qui doit être examinée très sérieusement dans cette loi.

Le président: Merci, monsieur Owen.

Peut-être voulez-vous répondre, monsieur Lockyer, avant qu'un autre membre du comité prenne la parole.

M. James Lockyer: Oui, très brièvement. J'aimerais revenir à cette question de neutralité parce qu'on m'a peut-être mal compris.

Notre organisation est neutre en ce sens que nous examinons un cas pour décider si oui ou non, en s'en tenant aux faits, la personne est innocente. Une fois que nous avons conclu qu'elle l'est, alors nous la défendons. Un tribunal, quant à lui, examinerait en toute neutralité la question de savoir si en s'en tenant aux faits, une personne pourrait bien être jugée innocente. Une fois qu'il a conclu qu'elle pourrait bien l'être, il n'a pas à la défendre; il a le devoir de renvoyer l'affaire à la Cour d'appel.

Nous n'avons donc à assurer une défense que quand nous tirons une conclusion en tant qu'organisation, parce que le recours qui s'offre, l'article 690, nous oblige à le faire. Le fait que notre organisation conclut que quelqu'un, en s'en tenant aux faits, est innocent n'est pas de nature à réconforter grandement l'intéressé si nous nous contentons de lui dire: eh bien, nous en sommes arrivés à cette conclusion, mais vous devez quand même purger une peine d'emprisonnement à vie. Naturellement dans ces cas-là, en raison de la façon dont les choses se présentent maintenant, nous devons alors assurer une défense. La création du tribunal va supprimer la nécessité de notre travail d'établissement des faits, de même que de notre défense. C'est ce que nous trouvons de bien dans ce tribunal.

Le vice-président (M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, AC)): Merci, monsieur Owen.

Nous commençons le tour de trois minutes, avec M. Fitzpatrick.

M. Brian Fitzpatrick: James, dans votre première réponse, vous avez fait allusion à la foule d'obstacles bureaucratiques et vous avez parlé de secret. Je suppose que ce que vous entendez par là, c'est qu'il n'y a pas de processus clairement défini que pourrait suivre quelqu'un pour que cette question soit tranchée ou examinée, ou fasse l'objet d'une décision. J'aimerais que vous nous en parliez, mais il y a aussi quelques autres éléments que j'aimerais soulever.

Vous avez dit que votre organisme veut établir l'innocence en s'en tenant aux faits, et ainsi de suite. Je m'interroge à ce propos. Vous demandez-vous si la personne pourrait avoir été partie à une infraction ou complice, peut-être pas la partie principale à une infraction, mais complice?

Au sujet d'un autre point, de l'entité décisionnelle proposée en vertu de cette mesure législative, êtes-vous en train de dire que si cette entité recommandait une révision, il ne devrait alors y avoir aucun exercice du pouvoir discrétionnaire par le ministre; que cela devrait automatiquement enclencher une révision?

M. James Lockyer: Je répondrai d'abord à votre dernière question, mais je crains ainsi d'oublier la première que vous m'avez posée.

Si le système proposé dans la nouvelle loi entrait en vigueur, sauf erreur de ma part, cela signifierait essentiellement que le groupe actuel qui relève du cabinet du ministre de la Justice, et qui s'appelle le Groupe responsable de la révision des demandes de clémence de la Couronne, deviendrait une «entité distincte»—je ne sais pas très bien ce que cela signifie, parce qu'en un sens il s'agit déjà d'une entité distincte—et ne ferait rien d'autre. Je ne suis pas certain qu'il fasse autre chose à l'heure actuelle.

Je connais quelques personnes qui travaillent là, et ce sont des gens très bien. Cependant, bien sûr, cela ne suffit pas. Ils baignent toujours dans par la partialité systémique du bureau où ils travaillent.

• 1630

Cette mesure législative améliore-t-elle la procédure actuelle? Essentiellement, non, elle ne l'améliore pas. Il n'y a qu'un changement dans cette mesure législative qui constituerait une certaine amélioration, soit que pour la première fois le ministre aurait un pouvoir d'assignation. C'est un recours important.

Bien sûr, la Criminal Cases Review Commission au Royaume-Uni dispose de tous les pouvoirs d'assignation voulus et les exercent. Quand elle entreprend d'examiner une cause, qu'elle conclut à son bien-fondé et qu'il y a lieu de l'examiner, pour ainsi dire, ou de procéder à une révision, la première chose qu'on fait c'est d'émettre un bref d'assignation pour la production de tous les dossiers de police ainsi que ceux de la poursuite afin qu'ils soient remis à son bureau, afin qu'on puisse les examiner. C'est la première chose qu'on fait.

Par exemple, dans le cas d'un dénommé John Kamera, qui avait passé 17 ans en prison pour un meurtre qu'il n'avait pas commis, la commission, après avoir exercé ce pouvoir d'assignation, avait découvert dans le dossier de la Couronne, 201 déclarations de témoins non communiquées et dont la défense n'avait jamais eu connaissance. Parmi ces 201 déclarations de témoins non communiquées, il s'en trouvait un bon nombre qui faisaient ressortir que la preuve de la Couronne était fausse, que le témoin de la Couronne qui avait présumément identifié M. Kamera comme étant le tueur n'avait pas pu le faire, puisque le crime n'avait pas eu lieu à l'endroit où l'on avait présumément vu M. Kamera le commettre. Il en est ressorti que le crime avait été commis à un tout autre endroit, et les 201 déclarations de témoins non communiquées n'avaient jamais été révélées, ce que la défense aurait autrement pu savoir.

Le pouvoir d'assignation est donc important, et il serait ridicule de ma part de nier que ce serait là une certaine amélioration si nous devions continuer de nous accommoder du système prévu à l'article 690.

Cependant si c'est ce que nous faisons, si ce projet de loi est adopté avec ces changements, il existe un très grand danger que tout véritable changement sera bloqué pendant de nombreuses années étant donné que le cabinet du ministre va simplement nous dire: nous avons examiné cela il y a deux, trois, quatre ou cinq ans, nous avons apporté les changements, nous n'allons pas tout reprendre maintenant. Pourquoi bloquer l'enquête Milgaard en particulier, qui va sans aucun doute soumettre de très importantes recommandations concernant l'article 690? Je serais fort étonné qu'elles ne concordent pas avec les recommandations de l'enquête Marshall en 1989.

Débarrassons-nous de l'article 690, qui ne fait pas du tout l'affaire, et remplaçons-le par un tribunal indépendant.

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Merci, monsieur Lockyer.

John McKay, vous avez la parole.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci aux deux témoins pour leur excellent témoignage.

Comme vous le savez, la ministre a comparu ici hier, et sauf erreur de ma part, elle a soutenu qu'elle n'était pas en situation de conflit d'intérêts comme vous le laissez entendre, puisque la grande majorité des cas sont en fait confiés aux procureurs provinciaux plutôt qu'aux procureurs fédéraux, et que par conséquent—sans vouloir lui faire dire ce qu'elle n'a pas dit—elle n'était pas seule dans l'examen des dossiers.

Le deuxième point qu'elle a fait valoir, si je me souviens bien, c'était que—elle a parlé de la commission du Royaume-Uni, quoique peut-être pas avec autant de détails que vous—tout ce qu'a fait cette commission du Royaume-Uni a été de convoquer tous les détenus qui soutenaient avoir été condamnés à tort, et que par conséquent on a eu affaire à un très grand nombre de personnes qu'il a fallu départager. À ce que je me souvienne, elle a donc parlé du grand nombre de cas ainsi suscités ainsi que de la question de conflit d'intérêts.

L'autre chose dont j'aimerais parler, c'est l'enquête du juge Cory sur l'affaire Sophonow. Je ne vois pas clairement de quoi il retourne. S'agit-il d'une demande concernant l'article 690 ou simplement d'une demande d'indemnisation?

M. James Lockyer: C'est à la fois une demande d'indemnisation et une enquête sur des raisons pour lesquelles M. Sophonow a été reconnu coupable à deux reprises d'un meurtre qu'il n'avait pas commis. La grande question que le juge Cory est tenu d'examiner dans cette enquête porte sur l'identification erronée de la part des témoins oculaires, parce que M. Sophonow a à tort été identifié par de nombreux témoins oculaires comme étant la personne qu'ils auraient vue à la beignerie où Barbara Stoppel a été tuée.

• 1635

Le président: Silence s'il vous plaît.

Je vous informe qu'on vient de nous dire qu'il y a un colis suspect dans l'immeuble et que nous devons quitter les lieux.

Je vais suspendre la séance, et après l'évacuation, si cela ne prend pas trop de temps, nous allons nous réunir à nouveau, car nous attendons d'autres témoins.

• 1635




• 1642

Le président: Je suis heureux de vous retrouver tous—sans qu'il se soit produit le moindre incident.

Monsieur McKay vous avez la parole.

M. John McKay: J'avais déjà posé la question et M. Lockyer avait commencé à répondre.

M. James Lockyer: Oui. La question du conflit d'intérêts dans lequel se trouverait le ministre examinant les demandes présentées en vertu de l'article 690 a bien sûr été examinée par les Britanniques quand ils ont créé la Criminal Cases Review Commission. Cette commission a vu le jour à la suite de deux enquêtes menées au Royaume-Uni, l'une par Sir John May, qui a fait enquête sur la condamnation injustifiée des Maguire Seven—popularisée dans le film Au nom du père—les Guilford Four et les Maguire Seven—et une autre enquête, menée par Viscount Runciman, qui a examiné tous les cas de condamnation injustifiée en Angleterre et le recours insuffisant que prévoit l'équivalent britannique de notre article 690 dans les cas d'allégation de condamnation injustifiée. Notre article 690 s'inspire de la loi anglaise, qui remonte à de nombreuses années en Angleterre—le ministre de la Justice ayant là-bas pour homologue le ministre de l'Intérieur.

Viscount Runciman, dans son rapport, qui a conduit directement à la création de la Criminal Cases Review Commission, disait, sur la question de conflit d'intérêts, que:

    Notre recommandation en vue de la création d'une Criminal Cases Review Commission s'appuie sur la notion que le rôle confié au secrétaire de l'intérieur et à son ministère en vertu de la loi est incompatible avec la séparation des pouvoirs, en vertu de la Constitution, entre le législatif et l'exécutif. L'observation rigoureuse des principes constitutionnels fait en sorte que le Home Office hésite à faire suffisamment enquête sur les cas qui lui sont soumis et étant donné le contexte constitutionnel, nous ne pensons pas qu'il soit probable que les choses changent de façon significative à l'avenir. Nous concluons donc qu'il n'est ni nécessaire ni souhaitable que le secrétaire de l'Intérieur assume la responsabilité des examens et des enquêtes portant sur les présumés erreurs judiciaires, s'il est également responsable de l'ordre public et de la police.

Sir John May, qui a dirigé l'enquête Maguire, dit quelque chose de très semblable:

    La nature et les conditions mêmes des limites que s'impose le secrétaire de l'Intérieur quant à son pouvoir de renvoyer des affaires ont conduit le Home Office à ne répondre qu'aux représentations qui lui sont faites à propos de condamnations particulières plutôt que de mener ses propres enquêtes sur les circonstances d'une affaire particulière ou sur les éléments de preuves présentés au procès [...] l'approche du Home Office a été complètement réactionnelle, on n'a jamais jugé approprié pour le ministère de devenir proactif.

Dans ces citations on pourrait très bien, partout où il est question du Home Office, remplacer celui-ci par le ministre de la Justice.

• 1645

En ce qui concerne la description assez cynique de cette commission britannique qu'a présentée hier la ministre, à savoir que cela n'avait que donné l'occasion à tout le monde en prison de se plaindre d'avoir été injustement condamné, ce n'est là rien d'autre qu'une attitude cynique à l'égard de la CCRC. Franchement, je m'étonne encore que la ministre ait pu dire cela.

Je sais que des gens de son bureau ont été envoyés à Birmingham, en Angleterre, pour examiner le travail que fait la CCRC. Ils ont passé beaucoup de temps là-bas dans les bureaux de la commission, à rencontrer ses membres et ses commissaires. J'ai parlé à au moins une de ces personnes du cabinet de la ministre qui s'est rendue là-bas, et elle était manifestement très impressionnée par le travail qu'avait fait la commission et qu'elle continue de faire. Il est très regrettable dans ces circonstances d'entendre que la ministre à toutes fins utiles contredit carrément ce que ses propres gens lui ont présumément dit à la suite du voyage qu'ils ont effectué au Royaume-Uni pour voir comment fonctionnait effectivement la CCRC.

En réalité, les détenus ne se sont pas tous plaints auprès de la CCRC. La commission a reçu 6 000 demandes, dont la grande majorité ont déjà été réglées. Et bien sûr, il y a bien plus de 6 000 détenus dans les prisons britanniques. Il y en a sans doute des centaines de milliers. Je vous invite donc à ne pas accorder plus d'attention qu'il n'en faut au point de vue très cynique exprimé hier par la ministre.

Le président: Merci, monsieur Lockyer.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Non, je n'ai pas de questions.

[Traduction]

Le président: Revenons à M. Owen.

M. Stephen Owen: Merci, monsieur Lockyer.

Tout d'abord, sauf votre respect, je m'inscris en faux contre la façon dont vous qualifiez le témoignage de la ministre.

M. James Lockyer: Je ne l'ai pas entendu. J'ai seulement entendu parler de la façon dont elle a décrit la situation.

M. Stephen Owen: C'est précisément pour cela que je m'inscris en faux.

Sauf votre respect, vous avez tort de prétendre que le secrétaire de l'Intérieur est l'équivalent du ministre de la Justice du Canada. Le secrétaire de l'Intérieur n'est pas responsable des poursuites et dans notre système, le ministre de la Justice n'est pas responsable de la police. Ces deux différences constituent un fossé considérable dans toute comparaison.

M. James Lockyer: Mais l'argument reste valable. Lorsque j'ai dit qu'on pouvait remplacer le secrétaire de l'Intérieur par le ministre de la Justice, je pensais à la façon dont, d'après ces deux citations, le secrétaire de l'Intérieur traite les demandes de renvoi. Le ministre canadien les traite de la même façon ici que le secrétaire de l'Intérieur là-bas.

M. Stephen Owen: Excusez-moi, mais la citation parle bien de partialité au sein de l'institution, dont vous avez parlé tout à l'heure. Si le ministre de la Justice n'est pas responsable de la police, contrairement au secrétaire de l'Intérieur, celui-ci n'est pas responsable des poursuites ni du pouvoir discrétionnaire auquel elles donnent lieu, contrairement au ministre de la Justice, et on a donc affaire à deux fonctions bien différentes.

M. James Lockyer: Excusez-moi, mais sauf le respect que je vous dois, je considère que la situation du ministre de la Justice, dans cette comparaison, est moins enviable que celle du secrétaire de l'Intérieur, dans la mesure où le ministre de la Justice est responsable des poursuites. Je considère que le risque de parti pris institutionnel est plus grand lorsque le ministre est responsable des poursuites que lorsqu'il est responsable de la police. En ce sens, la situation du ministre de la Justice est moins favorable que celle du secrétaire de l'Intérieur.

Mais je ne suis pas certain que ce soit là le plus important, du moins de notre point de vue. Ce qui importe, c'est que ces fonctions soient assumées par le gouvernement, par l'exécutif, et non par un tribunal indépendant. Il serait consternant qu'on se débarrasse des tribunaux et qu'on laisse l'exécutif juger et condamner. Une telle éventualité est consternante, car elle va à l'encontre même du principe de la séparation des pouvoirs, et de la même façon, il est consternant que l'exécutif soit habilité à empêcher un justiciable qui se prétend condamné à tort de demander la réouverture de son dossier à l'ordre judiciaire. Voilà ce que je voulais dire.

M. Stephen Owen: Pour en revenir à ma question précédente, j'essaie de faire la distinction—et je sollicite votre aide et vos commentaires—entre le pouvoir discrétionnaire de poursuivre, exercer au nom du ministre de la Justice dans de nombreux dossiers—la formule varie légèrement d'une juridiction à l'autre—et la décision de saisir de nouveau les tribunaux, plutôt qu'un tribunal en particulier, en vertu d'un pouvoir discrétionnaire exercé au nom du ministre de la Justice dans une poursuite. Comme il s'agit d'une décision quasi judiciaire, pensez-vous qu'il y ait atteinte au principe de la séparation des pouvoirs quand des poursuites relèvent d'un ordre d'un ministre de la Couronne?

• 1650

M. James Lockyer: Non. Vous avez dit tout à l'heure que le pouvoir discrétionnaire de poursuivre peut s'exercer à l'encontre de la victime—j'ai failli intervenir, mais je ne l'ai pas fait—et qu'en conséquence, la décision de ne pas poursuivre peut être lourde de conséquences pour la victime.

Sauf votre respect, ce n'est pas de cette façon qu'il faut considérer l'exercice du pouvoir discrétionnaire de poursuivre. Ce pouvoir s'exerce dans l'intérêt public. Le ministère public agit dans l'intérêt du public, et non dans l'intérêt particulier des victimes.

Le pouvoir discrétionnaire de poursuivre s'exerce dans l'intérêt du public, pour déterminer s'il y a lieu, au plan économique et dans l'intérêt de la justice, de maintenir des poursuites qui ne seraient pas suffisamment fondées. Il est tout à fait légitime d'exercer le pouvoir discrétionnaire de poursuivre pour décréter qu'un dossier n'est pas suffisamment étayé pour justifier la poursuite des procédures dans l'intérêt public.

J'émettrais des réserves si le pouvoir discrétionnaire de poursuivre exercé dans l'intérêt du public se soldait par une condamnation, mais évidemment, ce n'est pas le cas. À mon avis, c'est ce qui met un terme à la comparaison, car pour l'accusé, le seul effet du pouvoir discrétionnaire de poursuivre est de permettre que son dossier fasse l'objet d'une décision devant un tribunal. C'est uniquement cela qui nous a amenés ici. Nous disons que c'est devant les tribunaux que ces questions doivent être tranchées.

Nous reconnaissons qu'un condamné qui a épuisé toutes les voies de recours ne devrait pas être autorisé à revenir indéfiniment devant les tribunaux pour demander une révision de son dossier, comme il peut le faire dans une certaine mesure aux États-Unis, encore que depuis cinq ou dix ans, de nouvelles lois aient sérieusement limité cette possibilité. Il faut, comme je l'ai dit, des feux de circulation en cours de procédure qui empêchent qu'un dossier soit renvoyé devant les tribunaux. Ce que nous voulons éviter, c'est qu'un membre de l'exécutif fasse fonctionner ces feux de circulation; ils doivent être commandés par un tribunal indépendant.

M. Stephen Owen: Mais la décision de renvoyer un dossier devant un tribunal...

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Excusez-moi, monsieur Owen, je vous remercie, ce sera tout. Comme il est cinq heures moins cinq et que nous allons passer à de nouveaux témoins, j'aimerais suspendre la séance jusqu'à 5 heures.

Je voudrais remercier les témoins de leurs interventions et du temps qu'ils nous ont consacré.

M. James Lockyer: Merci.

Le vice-président (M. Chuck Cadman): La séance est suspendue jusqu'à 5 heures.

• 1653




• 1659

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Je prononce la reprise de la séance.

Nous avons un deuxième groupe de témoins de l'Association canadienne des policiers et policières et de l'Association canadienne des chefs de police. Messieurs, soyez les bienvenus.

Vous n'en êtes pas à votre première comparution. Vous devez connaître nos règles. Chaque groupe a 10 minutes pour faire son exposé. Qui veut commencer? M. Griffin, de l'Association canadienne des policiers et policières. Vous avez 10 minutes, monsieur Griffin.

M. David Griffin (directeur exécutif, Association canadienne des policiers et policières): Merci beaucoup.

Nous sommes heureux de pouvoir comparaître aujourd'hui devant le comité pour évoquer le projet de loi C-15.

• 1700

L'agent Scott Rossiter a débuté sa carrière dans la police à la Division 21 de la police régionale de Peel. Après s'être mariés et avoir fondé une famille, Scott et sa femme Penny ont décidé de s'établir dans une plus petite localité du sud-ouest de l'Ontario pour offrir de meilleures conditions à la famille. Scott a quitté la police de Peel pour entrer dans celle d'Ingersoll.

Le 19 septembre 1991, Scott assurait un service de nuit; il s'est arrêté pour intervenir auprès d'un cycliste qui se trouvait sur le stationnement municipal voisin du poste de police. Il y a eu une altercation et le cycliste a réussi à saisir l'arme de service de Scott. L'agent Scott Rossiter a été blessé mortellement d'une balle à la tête. Il avait 30 ans et était père de deux jeunes enfants.

Nous ignorons le nombre des agents de police tués avec leurs propres pistolets au Canada. Nous n'avons pas de statistiques concernant les incidents où quelqu'un essaie de désarmer un policier ou y parvient, mais nous savons, d'après ce que nous disent nos membres, que ce type d'agression est de plus en plus fréquent.

Le président de l'Association de la police régionale de Peel, Sandy Brohman, a présenté cette proposition à l'Association canadienne des policiers et policières.

Sandy n'a pas pu venir ici aujourd'hui, mais il m'a envoyé les descriptions détaillées de plusieurs incidents dont ont été victimes des agents de la police régionale de Peel.

Le 7 décembre 1998, l'agent Michael Seymour, travaillant en uniforme, est intervenu dans une altercation entre plusieurs hommes. Alors qu'il essayait de neutraliser l'un des agresseurs, l'agent Seymour a été frappé au visage. L'un des hommes a essayé d'arracher sa veste et l'a projeté au sol. Tandis qu'un homme le maintenait au sol en le frappant, un autre l'a frappé à coups de pied. Sa tête a été frappée contre le sol et l'un des hommes a essayé de saisir son arme de service. Sans l'intervention des témoins, les agresseurs y seraient sans doute parvenus, car ils avaient dégagé deux des attaches de sécurité de la gaine.

Le 11 juin 1999, la policière en uniforme Dyet a essayé d'arrêter un homme qui attaquait un autre policier. Au cours de l'incident, le suspect a saisi son pistolet et a essayé de le sortir de la gaine. Des témoins sont intervenus pour l'en empêcher.

Le 15 août 1999, l'agent Kirk McDonald, travaillant en civil, a essayé d'arrêter un individu pour infraction à son engagement. Il s'est présenté en tant qu'officier de police et a essayé de se saisir de l'individu, qui a réagi violemment, projetant l'agent contre une clôture et lui assenant des coups de pied et de genou. L'individu a essayé de s'emparer de l'arme de l'officier et a crié à son amie de lui tirer dessus. Heureusement, l'agent McDonald a réussi à protéger son arme et l'individu a pris la fuite.

Le 14 mai 2000, l'agent Peter McLaughlin procédait à un appel téléphonique à l'hôpital de Mississauga lorsqu'un patient a saisi son pistolet et a réussi à le sortir de la gaine. Heureusement, l'agent McLaughlin et le personnel hospitalier ont réussi à reprendre possession de l'arme avant que le patient ait pu s'en servir.

Le 26 mai 2000, deux agents de la police de Peel répondaient à un appel concernant un suspect. Lorsque l'agent Chris Lachapelle est arrivé sur les lieux, deux hommes l'ont attaqué et ont essayé de saisir son arme. L'agent a réussi à les en empêcher. Lorsqu'un deuxième policier, le sergent Bond, est arrivé, l'un des hommes l'a attaqué et a réussi à s'emparer de son pistolet, qui est tombé par terre; le sergent Bond a alors réussi à empêcher l'agresseur d'attraper l'arme.

Le 28 mars de cette année, un policier a essayé d'arrêter un automobiliste pour conduite avec facultés affaiblies alors qu'il pénétrait dans l'entrée de sa résidence. Au cours de l'arrestation, l'automobiliste a appelé sa famille à la rescousse. Le père de l'accusé et deux femmes sont sortis de la maison et ont entouré le policier en uniforme, l'inspecteur Bob Strain. Le père a essayé d'éloigner l'agent de son fils.

Un deuxième officier, l'agent Manson, est arrivé et a tenté d'intervenir. Le père a essayé de désarmer l'agent Manson après lui avoir porté plusieurs coups au visage. L'agent Manson a réussi à conserver son arme jusqu'à ce que d'autres policiers arrivent.

Le 2 avril de cette année, l'agent Dana Nicholas travaillait à l'école secondaire Clarkson; elle a été appelée à l'avant de l'école pour une bagarre. Un jeune de 19 ans l'a agressée, l'a frappée à la tête et au visage et l'a projetée au sol. Il l'a ensuite frappée à coups de pied à la tête, au visage, aux jambes et dans le dos. L'agresseur a essayé en vain, à trois reprises, de sortir son pistolet de la gaine avant d'être neutralisé avec l'aide du personnel de l'école.

Le 13 juillet, un policier s'approche d'un homme qui, en pleine heure de pointe, marchait au milieu d'une grande artère de Brampton, l'avenue Steeles. L'homme a frappé l'agent Smith en criant «Tu vas mourir» et a saisi l'arme du policier. Dans la mêlée qui a suivi, l'agent Smith a réussi à protéger son arme, que l'individu essayait de sortir de la gaine. L'agent a réussi à le maîtriser.

• 1705

Voilà huit incidents qui ont été portés à notre attention et qui concernent le même service de police—dix policiers qui auraient pu ne pas rentrer chez eux après leur service, si ce n'était de leur présence d'esprit, de la sécurité de leur matériel ou de l'intervention de témoins et d'autres policiers.

Le danger augmente sensiblement lorsqu'au cours d'une arrestation ou d'une altercation, un individu essaie de s'emparer du matériel de protection du policier. Les agents de police ne peuvent plus se défendre efficacement lorsqu'ils doivent s'efforcer avant tout d'empêcher un agresseur de s'emparer de leur arme ou de leur matériel de protection.

Nous sommes reconnaissants à la ministre de la Justice Anne McLellan d'avoir prêté attention à nos préoccupations et d'avoir présenté le projet de loi C-15. Il va sans dire que nous y sommes tout à fait favorables.

Pour revenir brièvement aux autres dispositions de ce projet de loi actuellement à l'étude devant le comité, nous dirons que les enfants, qui constituent le groupe le plus vulnérable de la société, doivent être protégés de ceux qui veulent s'en prendre à eux. L'essor de l'Internet a étendu considérablement la disponibilité de la pornographie juvénile et facilite la tâche aux pédophiles qui veulent trouver de nouvelles victimes. Nous approuvons les dispositions sur l'exploitation sexuelle qui concernent la pornographie juvénile et le détournement par Internet. Nous souhaitons néanmoins que le gouvernement crée un registre national des délinquants sexuels, comme nous l'indiquons dans la résolution présentée à l'onglet A de notre mémoire.

Nos recommandations proposent également diverses stratégies, notamment la création d'une base nationale de données photographiques, la création d'une ligne nationale de dénonciation et l'âge du consentement qui serait porté à l6 ans dans le cas de relations sexuelles avec une personne plus âgée.

Nous approuvons le principe de l'augmentation de la peine maximale en cas de harcèlement criminel. Il s'agit d'une infraction prédatoire très grave et nous recommandons au gouvernement de renforcer le projet de loi en imposant une sentence minimale importante en cas de récidive.

Nous souhaitons également que l'infraction de harcèlement criminel apparaisse au chapitre des dispositions concernant la surveillance de longue durée et les criminels dangereux dans le Code criminel du Canada.

Nous approuvons les changements envisagés en ce qui concerne l'exploitation sexuelle des personnes handicapées.

La proposition concernant l'invasion du domicile nous laisse plus perplexe; nous tenons à faire remarquer que le vol par effraction comporte déjà une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité. Malheureusement, la peine maximale n'a aucun effet sur les décisions des magistrats au moment de la détermination de la peine.

Le projet d'harmonisation de la procédure criminelle semble rapprocher notre système judiciaire archaïque de l'efficacité du XXe siècle deux ans après que le reste du monde soit entré dans le XXIe siècle. Nous aimerions que l'on modifie la procédure pour imposer la communication électronique obligatoire de la preuve documentaire et nous considérons qu'une évaluation sérieuse de l'efficacité et de l'efficience de notre système judiciaire s'impose.

En ce qui a trait aux propositions concernant les erreurs judiciaires, nous doutons qu'il y ait lieu d'y inclure les infractions punissables par procédure sommaire, étant donné les multiples niveaux d'appel déjà disponibles. Deuxièmement, nous craignons que le ministre fasse trop de place au contrôle judiciaire dans ses décisions.

Enfin, nous estimons que les victimes devraient être avisées au moment de la demande, consultées au cours de la révision, qu'elles devraient recevoir copie du résumé final d'enquête et qu'elles devraient avoir l'occasion d'intervenir avant la décision du juge.

En conclusion, nous approuvons le projet de loi C-15, bien qu'ayant proposé dans nos recommandations un certain nombre d'améliorations de son contenu.

Nous vous remercions de votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Merci.

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Merci, monsieur Griffin.

Nous allons maintenant écouter M. Vincent Westwick, de l'Association canadienne des chefs de police.

[Français]

M. Vincent Westwick (coprésident, Association canadienne des chefs de police): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Vincent Westwick et je suis un délégué de l'Association canadienne des chefs de police. M'accompagnent cet après-midi ma collègue Jacqueline Loignon du Service de police d'Ottawa et le surintendant Michael Shard de la Police provinciale de l'Ontario, membre, lui aussi, de l'association.

L'Association canadienne des chefs de police représente 950 chefs et chefs adjoints et membres des exécutifs policiers et plus de 130 services de police au Canada.

• 1710

[Traduction]

En préconisant une réforme législative et des solutions novatrices aux problèmes de criminalité et de gestion des affaires publiques, en faisant la promotion de partenariats communautaires et de normes professionnelles de haut niveau, l'ACCP montre qu'elle est résolue à apporter des changements progressistes dans la fonction policière.

Je voudrais transmettre au comité les salutations du président nouvellement élu de l'ACCP, le commissaire Gwen Boniface de l'OPP, et de mon coprésident, le chef David McKinnon du service de police de Halifax.

C'est pour moi un plaisir et un honneur de comparaître encore une fois cet après-midi devant votre comité. Même dans sa version allégée, le projet de loi C-15 contient l'essentiel de ce qui importe au monde de la police. Compte tenu du peu de temps dont nous disposons, nous essaierons d'insister sur les questions qui préoccupent le plus l'ACCP et sur celles qui nécessitent quelques explications ou explicitations.

Je vais demander au surintendant Shard de vous présenter nos commentaires, monsieur le président.

Le surintendant Michael Shard (Association canadienne des chefs de police): Merci et bonjour.

J'aimerais tout d'abord parler des dispositions concernant le fait de désarmer un agent de la paix. Nous considérons que ces importantes dispositions sont le fruit du travail de nos collègues de l'Association canadienne des policiers et policières.

Cet article constitue fondamentalement une mesure préventive. Son étude au Parlement arrive à point nommé, pendant la semaine du service commémoratif de la police qui s'est tenu dimanche dernier sur la Colline du Parlement, et au cours duquel neuf agents de la paix ont été honorés.

Cette disposition vise à réduire le nombre de tentatives de désarmement des agents de la paix et, en définitive, à prévenir les situations tragiques où des armes de service sont utilisées contre des agents de la paix ou de simples citoyens.

Nous approuvons la disposition proposée et faisons nôtres les arguments de nos amis de l'Association canadienne des policiers et policières.

J'aimerais maintenant parler de façon plus détaillée des mesures concernant l'exploitation sexuelle des enfants.

Les changements apportés dans ce domaine visent à adapter notre législation à l'évolution des problèmes auxquels notre société doit faire face, en particulier dans le cadre d'Internet. Ils donnent à la police certains moyens pratiques de contrainte. Nous avons tous une responsabilité particulière en ce qui concerne les crimes contre les enfants.

Vous savez sans doute que le chef Fantino, de la police de Toronto, s'occupe activement de ces questions depuis des années. Il affirme que toute amélioration dans ce domaine aura des effets positifs, mais il invite le comité à étudier attentivement les effets de ces dispositions.

Compte tenu de l'évolution de la technologie, il est essentiel que la société dispose d'outils efficaces pour soustraire ses enfants à toute forme d'exploitation.

En ce qui concerne particulièrement les ordonnances de suppression de la pornographie juvénile sur les sites Internet, l'ACCP considère que les pouvoirs prévus à l'article 13 constituent un outil efficace d'enquête et de prévention. Cet outil fournit un mécanisme juridique permettant de supprimer les documents de pornographie juvénile. À notre avis, c'est un progrès essentiel.

En ce qui concerne l'infraction consistant à leurrer un enfant, nous estimons qu'il s'agit là d'une disposition importante et digne de notre appui. Nous formulons quelques propositions la concernant.

Tout d'abord, nous sommes préoccupés par les différents âges mentionnés dans cet article, et qui risquent de créer des problèmes pratiques lors des enquêtes et sur le plan de la procédure.

Deuxièmement, nous ne sommes pas certains que les définitions soient suffisamment vastes pour couvrir Internet, le courrier électronique interne et les réseaux d'ordinateurs qui sont désormais courants dans les secteurs public et privé.

Enfin, ces dispositions ne couvrent pas les adultes qui facilitent la perpétration des infractions visées dans cet article, par exemple, l'adulte qui demande à un agent banalisé de l'aider à leurrer un enfant à des fins sexuelles.

J'aimerais maintenant parler des questions de procédure pénale, en particulier des dispositions sur les comparutions à distance, les poursuites personnelles et les enquêtes préliminaires.

Depuis des années, l'Association canadienne des chefs de police réclame que l'on modifie la procédure pénale, et non pas simplement sur le plan technique.

Dans nos comités, on formule fréquemment des récriminations concernant le fonctionnement de la justice pénale. Si certaines critiques reposent sur des renseignements erronés, certaines autres sont fondées.

À notre avis, certaines dispositions du Code criminel sont périmées et ont été supplantées par de nouveaux moyens technologiques ou de nouvelles façons de procéder. Il n'est pas dans l'intérêt de la justice de vouloir préserver d'anciennes procédures, qui coûtent du temps et de l'argent.

Nos demandes portent sur des préoccupations d'ordre technique, mais plus fondamentalement, elles concernent le respect et l'intégrité de l'administration de la justice pénale. Nous vous demandons donc d'étudier soigneusement nos commentaires à cet égard. De façon générale, nous tenons à vous dire que les mesures prises sont importantes mais, malheureusement, ne vont pas assez loin.

• 1715

Sur la question des comparutions à distance, chacun sait que tous les jours, des détenus comparaissent devant nos tribunaux pour demander un ajournement ou un renvoi. Ces interventions durent généralement moins d'une minute, parfois à peine quelques secondes. Ce ne sont pas des procès ou des audiences, mais de simples demandes d'ajournement. Certaines juridictions essaient de mettre en place une formule de renvoi par vidéo de façon à éviter les frais exorbitants que comportent le transport et l'accompagnement des prisonniers qui demandent un renvoi. Le problème, c'est que dans le système actuel comme dans le projet de loi, cette procédure est toujours volontaire. En réalité, les prisonniers sautent sur l'occasion de sortir de leur cellule pendant une journée et de se présenter au tribunal. À notre avis, il faut intervenir pour rendre cette procédure efficace.

La question des poursuites personnelles est très importante pour le monde de la police et l'ensemble des fonctionnaires. En droit pénal, tout individu a le droit d'intenter des poursuites pénales contre un autre individu. Malheureusement, ces dispositions sont souvent mal utilisées. Par exemple, on a vu à Ottawa des cas notoires où des policiers et des hauts fonctionnaires se sont exposés pendant des mois à des frais et à des tensions considérables à cause de poursuites de ce genre. Une fois la procédure déclenchée, les autres fonctionnaires répugnent à l'interrompre. Avant qu'elle ne prenne fin, elle aura nécessité des délais et des dépenses considérables. Un cadre de la GRC a été victime d'un accident cardiaque qu'il attribue aux rigueurs d'une procédure de ce genre, non fondée mais très traumatisante.

En Ontario, les plaintes contre la police sont soumises à une procédure complexe, mais on invoque de plus en plus souvent les poursuites personnelles pour contourner cette procédure ou pour porter une décision en appel. Des dizaines de milliers de dollars de fonds publics et des ressources massives sont gaspillés à l'occasion de ces poursuites abusives. La semaine dernière, Vince Westwick a adressé à ce sujet une lettre de vigoureuses protestations au procureur général de l'Ontario. Nous considérons que les articles envisagés ne vont pas assez loin, et c'est ce qui nous préoccupe.

Nous admettons que les demandes de poursuites personnelles soient présentées à un juge, mais nous allons plus loin et formulons la recommandation suivante: si le juge décide que l'affaire mérite d'être étudiée, il faudrait que la Couronne se charge des poursuites, de façon à garantir à la société que tout sera fait de façon professionnelle et dans les formes, selon le droit et les normes fixés par le Parlement et les assemblées législatives provinciales.

Parlons maintenant des dispositions sur les enquêtes préliminaires. Jusqu'à maintenant, on procédait à une enquête préliminaire dans les cas les plus graves pour déterminer si la preuve était suffisante pour justifier un procès et pour vérifier si elle avait été divulguée à l'accusé. À cette occasion, la Couronne produisait tous ses témoins et présentait son dossier au juge de l'audience préliminaire. La défense invoquait rarement des preuves.

L'ACCP a une opinion bien arrêtée et elle intervient depuis des années auprès du gouvernement sur la question de l'enquête préliminaire. Nous accueillons avec intérêt les mesures prises dans le projet de loi C-15 pour rétrécir la portée des audiences préliminaires, mais nous déplorons qu'on ne les ait pas supprimées. Elles constituent une procédure coûteuse en temps et en argent et compte tenu des garanties de la Charte et de tout le dispositif législatif sur la divulgation, elle n'a plus de justification.

En conclusion, l'ACCP et ses membres sont très reconnaissants d'avoir eu l'occasion de comparaître devant le comité pour faire des représentations sur l'avenir du droit pénal canadien. Nous appuyons le projet de loi C-15, sous réserve des commentaires que nous avons faits, et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Je vous remercie.

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Merci beaucoup, messieurs, et je vous remercie aussi de vous en être tenus au temps qui vous a été alloué.

Nous allons commencer la première série de questions. Monsieur Fitzpatrick, vous avez sept minutes.

M. Brian Fitzpatrick: Oui, j'ai simplement quelques commentaires à faire.

Je suis tout à fait d'accord avec votre position concernant les enquêtes préliminaires. À une époque, les accusés devaient se battre pour obtenir la divulgation de renseignements, mais maintenant ils obtiennent tout ce qu'ils veulent et s'il n'y a pas divulgation d'informations, cela nuit sérieusement aux arguments de la Couronne. À mes yeux, l'objet de cette procédure n'est plus claire.

En ce qui concerne les poursuites personnelles, j'en déduis d'après ce que vous avez dit à ce sujet que les particuliers s'en servent comme moyen de harceler les policiers. Si tel est le cas, nous n'avons pas vraiment besoin de ce genre de chose, surtout dans le genre de situation dans laquelle nous nous trouvons suite au changement de paradigme provoqué par les événements de New York. Est-ce que vous voulez faire valoir en ce qui concerne les poursuites personnelles, qu'elles sont en fait utilisées pour harceler les policiers et les corps policiers?

• 1720

Sdt Michael Shard: Oui, comme je suis le commandant du Bureau des normes professionnelles de la Police provinciale de l'Ontario, je sais quand des renseignements privés sont déposés contre les policiers de la Police provinciale de l'Ontario. Et d'après ce que j'ai pu constater, je dirais qu'il s'agit précisément de poursuites abusives dans certains cas. C'est mon point de vue, c'est ce que je constate, donc oui, c'est tout à fait le cas.

Je soupçonne que ce genre de poursuites abusives sont également intentées contre d'autres membres du public. Je n'en ai pas personnellement connaissance, mais c'est une possibilité qui m'inquiète parce que les cas dont j'ai connaissance me préoccupent. Je ne serais pas étonné d'apprendre que la situation est tout aussi troublante à un niveau plus général.

M. Brian Fitzpatrick: À la décharge des juges, qui ne sont pas toujours très populaires, j'ai eu un entretien avec un juge il n'y a pas longtemps à propos des nombreuses critiques dont ils font l'objet lorsqu'ils imposent des peines et ainsi de suite, et il a indiqué—il s'agit du contexte de la Saskatchewan—qu'il est très frustré par le système en général. Il impose une peine qu'il considère appropriée et pour une raison quelconque le système remet ces personnes en liberté bien avant ce qu'avait prévu le juge. Il soupçonne que les ressources sont tout simplement insuffisantes et que les gens sont remis en liberté simplement par manque de places, entre autres.

Avez-vous d'autres renseignements sur ce type de problème ou une opinion à ce sujet?

M. David Griffin: Comme je l'ai mentionné dans notre présentation, nous considérons que certaines des mesures prévues ici dans le cas de circonstances aggravantes—invasion de domicile est une circonstance aggravante—ne sont que des mesures de fortune qui ne permettent pas de s'attaquer à un problème beaucoup plus grave, à savoir la façon dont nous déterminons la peine et nous traitons les gens dans notre population, en particulier les récidivistes. Donc nous serions certainement partisans d'un examen exhaustif de notre système de justice pénale et des possibilités de recourir à des mesures de rechange à l'incarcération là où cela est possible tout en s'assurant que ceux qui commettent des crimes graves en assument pleinement les conséquences.

M. Brian Fitzpatrick: Je citerai l'expérience américaine. Si vous examinez les chiffres aux États-Unis, vous constaterez une nette diminution des taux de criminalité aux États-Unis. Je crois avoir vu que New York, par exemple, affiche un taux de criminalité inférieur à celui de toute autre ville en Grande-Bretagne ayant une population de plus de 500 000 personnes, ce que j'ai trouvé tout à fait étonnant. Le maire de New York, je crois, a nettement contribué à cet état de choses. Je crois que selon sa notion de prévention, si la police est présente dans les quartiers où la criminalité est élevée et que s'il y a beaucoup plus de risques d'être attrapé, cela peut avoir un effet dissuasif. Deuxièmement, lorsqu'une personne est attrapée, elle sait qu'elle sera condamnée. Troisièmement, lorsqu'une personne est condamnée et se voit imposer une peine, ce sera une peine qui aura un effet dissuasif.

Cette notion de maintien de l'ordre a été appliquée de façon généralisée dans l'ensemble des États-Unis, et nous constatons une nette diminution de la criminalité. On dit toujours qu'il faut s'attaquer aux causes profondes de la criminalité et instaurer des mesures préventives. Il me semble qu'il est difficile de ne pas tenir compte des chiffres qui proviennent des États-Unis.

J'aimerais savoir si, selon vous, ce projet de loi traite en fait de ce genre d'aspects.

M. Vincent Westwick: L'un des aspects qui nous intéresse en particulier, comme l'a indiqué Mike, ce sont les dispositions qui traitent de l'enquête préliminaire. Nous encouragerions certainement le comité à envisager peut-être d'élargir ces dispositions, mais notre préoccupation va dans le même sens que la vôtre. Le respect de la part du public pour le système de justice pénale est une question qui nous préoccupe et nous estimons que l'enquête préliminaire ne joue plus de rôle utile. Par conséquent, nous croyons que l'on peut améliorer le respect à l'égard du système sans déroger d'aucune façon aux principes de fond du droit pénal ni sans diminuer d'aucune façon l'importance des principes de la Charte des droits pour l'accusé.

Donc, nous considérons que ce projet de loi offre la possibilité de prendre des mesures législatives qui amélioreraient la confiance du public dans le système de justice pénale.

M. Brian Fitzpatrick: J'ai un autre commentaire. Vous avez fait une observation à propos des armes de poing, et les cas mentionnés par David sont troublants. Je crois qu'il s'agit d'un problème. J'ai entendu parler de ce genre de problème dans l'Ouest.

• 1725

Il me vient à l'esprit qu'apparemment il existe une technologie—ou elle sera disponible très bientôt—qui permet à quelqu'un d'avoir une arme de poing personnelle et la seule personne qui peut se servir de cette arme de poing est son propriétaire. La technologie existe. Il me vient à l'esprit que ce genre de chose pourrait certainement être très utile comme ressource pour les policiers qui s'occupent de ce type de problème. Êtes-vous au courant...?

M. Vincent Westwick: J'en ai entendu parler. Je n'ai pas vu d'arme de ce genre et elle n'est pas présentée dans les foires commerciales auxquelles assistent les policiers et où sont exposés du matériel de sécurité et du matériel dont se sert la police. Je n'ai pas encore vu ce genre d'arme.

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Merci, monsieur Fitzpatrick.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Merci beaucoup.

En tout premier lieu, j'aimerais remercier les trois témoins. C'est moins intéressant quand on s'entend. Il me semble que les questions sont moins pointues quand on s'entend assez bien sur l'approche que vous préconisez.

Mais il y a un point qui m'enthousiasme moins. Il s'agit de la nouvelle infraction qui consiste à désarmer un policier. C'est déjà venu en comité, et j'ai déjà rencontré des gens ici. Je crois toujours qu'il y a suffisamment d'outils à l'intérieur du Code criminel, et l'Association canadienne des policiers et policières en fait d'ailleurs état. Vous mentionnez les articles dans votre mémoire. Cependant, je sais que c'est une demande de plusieurs policiers et, si cela correspond à vos attentes, je n'hésiterai pas à voter en faveur de l'amendement, de la nouvelle infraction. Il s'agit peut-être de mettre encore plus l'accent sur le travail du policier et de tenter de montrer que le fait de désarmer un policier est peut-être plus grave que celui de désarmer une autre personne. Je pense donc qu'il n'y a aucun problème quant à l'adoption de cet amendement.

Il y a un point dont on ne traite pas vraiment dans le projet de loi C-15, mais quelqu'un de l'Alliance canadienne l'a soulevé hier et l'Association canadienne le fait également aujourd'hui. Votre troisième recommandation est de majorer à 16 ans l'âge de consentement des enfants à des relations sexuelles avec des personnes plus âgées.

Je sais que ce n'est pas dans le projet de loi C-15, mais je ne peux pas m'empêcher de me poser des questions là-dessus. Vous avez peut-être raison de dire qu'il faut augmenter cet âge à 16 ans. Quelqu'un de 14 ans n'est peut-être pas suffisamment éclairé pour donner son consentement. Mais vous allez m'expliquer pourquoi, à 14 ans, pour autre chose, on devrait traiter ces enfants-là comme des adultes.

Je fais allusion au projet de loi C-7. Vous êtes venus témoigner à cet égard et vous étiez d'avis qu'à l'âge de 14 ans, les gens sont suffisamment éclairés et ont suffisamment de maturité pour être traités comme des adultes, pour prendre conscience de leurs actes, etc. Mais dans le cas des relations sexuelles, il faudrait passer de 14 à 16 ans, alors que dans la population en général... J'ai une fille de 12 ans et je n'aimerais pas beaucoup qu'elle ait des relations sexuelles dans deux ans, mais dans la population en général, les enfants ont beaucoup plus de maturité aujourd'hui qu'ils n'en avaient à l'époque où j'étais enfant. À l'âge de 14 ans, je jouais encore dans le sable, mais j'en connais qui, à 14 ans, ne jouent plus dans le sable avec leurs trucks. On est en 2001 aujourd'hui, et là on veut passer de 14 à 16 ans.

Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Il va falloir que vous me fassiez un dessin, j'en suis sûr et certain. Je répète que vous avez peut-être raison de dire qu'il faut porter l'âge de 14 à 16 ans, mais il faut être logique partout. Il semble y avoir là une contradiction, mais encore une fois, c'est vraiment un aparté parce que cela n'est pas inclus dans le projet de loi C-15. On dirait qu'il y a une concertation avec l'Alliance canadienne. On en a parlé hier et vous en parlez aujourd'hui. Ça va sûrement revenir, et il va falloir que vous m'expliquiez, parce que je ne comprends pas.

M. David Griffin: Je m'excuse, mais il m'est plus facile de parler de cela en anglais.

[Traduction]

Tout d'abord, selon notre point de vue, il y a beaucoup d'ambiguïté dans le Code criminel à l'heure actuelle en ce qui concerne l'âge de consentement pour différents types d'infractions. Nous avons des catégories d'âge dans le cas de certaines infractions qui ne sont pas nécessairement logiques dans le cas d'autres infractions. Nous estimons que la société accorde uniquement certains privilèges à des personnes qui sont considérées comme des adultes, que ce soit avoir atteint l'âge de 16 ans pour conduire ou l'âge de 18 ans ou peut-être plus vieux dans certaines provinces pour consommer de l'alcool. Nous estimons qu'il y a problème lorsque des hommes adultes de 40 ans peuvent avoir des relations sexuelles avec une personne de 15 ans, qu'il s'agisse d'un jeune homme ou d'une jeune femme. Ce qui nous préoccupe, c'est que lorsque la police ou des parents demandent à la police d'intervenir, il n'existe aucune disposition qui nous aide à interrompre cette situation.

• 1730

Nous convenons que toute nouvelle disposition devrait tenir compte des circonstances impliquant peut-être deux adolescents, l'un âgé de 15 ou 16 ans et l'autre un petit peu plus vieux. C'est une chose. Mais ce qui nous préoccupe, ce sont les adultes d'âge mûr qui s'en prennent à des jeunes de 15 ans. Les dispositions prévues à l'heure actuelle dans le Code criminel, qui exigent que l'accusé prenne certaines mesures pour s'assurer de l'âge de la jeune personne, représentent le genre de protection que nous envisageons. Je crois qu'il s'agit de l'article 172 du Code, qui prévoit qu'une personne doit au moins prendre des mesures raisonnables pour déterminer l'âge de l'autre personne.

C'est une question que les policiers ont soulevée. Ils ont à s'occuper de ce genre de situation dans la collectivité. Nous établirions de toute évidence des distinctions pour les adolescents, mais nous n'établirions pas les mêmes distinctions pour les personnes plus âgées et qui choisissent très clairement comme cible les jeunes.

Le président: Y a-t-il d'autres réponses?

M. Vincent Westwick: Je pourrais peut-être brièvement répondre à la première partie de votre question. Vous avez parlé de la disposition concernant le désarmement d'un policier. Je crois qu'il est important d'inclure ce type de disposition entre autres pour son rôle de prévention. Cette disposition transmet un message très important aux délinquants urbains, un message qui est encore plus important que les possibilités qu'il présente au niveau des poursuites, à savoir qu'il faut respecter l'intégrité des policiers et leur sécurité personnelle. C'est à notre avis une façon dont le système peut transmettre ce genre de message. Quant à savoir si cela entraînera des sanctions importantes, c'est un point qui est discutable dans une certaine mesure puisque, vraisemblablement, si quelqu'un se livre à ce genre d'activités, il est susceptible de commettre aussi d'autres infractions. Qui sait comment cela se traduira au niveau de l'imposition d'une peine, par exemple?

M. David Griffin: Si vous me permettez simplement d'ajouter quelque chose, monsieur le président, je crois que selon notre point de vue, la dénonciation est assurément importante, tout comme le fait que cette personne verra inscrit à son casier le fait qu'elle a effectivement essayé de désarmer un policier. C'est le type de preuve qui, si cette personne récidivait, ne serait pas nécessairement indiqué clairement si la personne avait simplement agressé un policier, qu'il s'agisse de voies de fait dans l'intention de résister à une arrestation, ou une entrave à un policier qui veut consigner ce fait à son dossier. Il s'agit donc d'inscrire ce fait au dossier de la personne également.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Owen.

M. Stephen Owen: Je vous remercie, monsieur le président. Messieurs, je tiens à vous remercier de comparaître devant nous aujourd'hui.

J'aimerais faire quelques observations, l'une sur les poursuites personnelles, et j'ai trouvé votre présentation sur cette question très intéressante. Le pouvoir de jurer pour des motifs raisonnables qu'un crime a été commis est bien entendu le même pour un policier que pour tout membre de la société. Mais il vous intéressera peut-être d'apprendre qu'en Colombie-Britannique, c'est à la Couronne provinciale qu'appartient le pouvoir discrétionnaire de poursuivre dans la plupart de ce genre de situations. En Colombie-Britannique, il y a les procédures de la Couronne dont la première étape est le processus d'approbation de l'inculpation. Il s'agit en fait de l'étape à laquelle un agent d'approbation de la Couronne détermine si le critère supérieur de la probabilité marquée d'obtenir la condamnation peut être satisfait lors du procès.

• 1735

Cela s'applique également aux poursuites personnelles, mais il ne faut pas oublier que les membres du public ne seront pas tous au courant des critères en matière d'inculpation. Par conséquent, pour favoriser une certaine uniformité et une certaine justice pour les personnes susceptibles d'être accusées selon des critères inférieurs, la Couronne assume ce rôle. Elle décide si la situation satisfait aux critères et s'il y a lieu d'intenter une poursuite, ce qui bien entendu est un aspect important puisque cela évite aux particuliers les dépenses et les difficultés que de telles poursuites auraient comportées.

Dans les recommandations que vous formulerez au procureur général de l'Ontario, vous pourriez lui suggérer de jeter un coup d'oeil à la politique d'inculpation en vigueur depuis de nombreuses années en Colombie-Britannique.

M. Vincent Westiwck: C'est une question qui nous tient beaucoup à coeur. Je ne peux pas vous dire que l'on assiste à une épidémie de poursuites personnelles, mais le problème c'est que lorsque l'on intente des poursuites personnelles, elles ont des conséquences désastreuses pour ceux qui en font l'objet, et chez nous, il s'agit des policiers.

À l'heure actuelle à Ottawa il y a trois cas où des poursuites personnelles sont en cours ou sont sur le point d'être intentées contre des policiers. À notre avis, elles sont toutes sans fondement. Elles sont sans fondement selon la Couronne, mais les représentants de la Couronne hésitent à brimer le droit de ces personnes de se faire entendre. Bien que nous soyons disposés à respecter ce point de vue, il nous semble extrêmement injuste qu'un policier et, je m'empresse d'ajouter, d'autres fonctionnaires fassent l'objet de ce type de harcèlement—car c'est ce dont il s'agit: de harcèlement.

Je peux vous dire aussi que l'on dépense d'énormes sommes provenant des fonds publics pour ces causes qui, invariablement, sont sans fondement. Elles sont invariablement sans fondement. En fait, avant de comparaître ici cet après-midi, nous nous sommes demandé si nous devrions recommander que le projet de loi invite un juge à déterminer s'il existe d'autres mécanismes pour traiter des questions qui motivent la personne à intenter une poursuite personnelle. Par exemple, en ce qui concerne les questions qui intéressent les propriétaires et les locataires, l'insatisfaction du public à l'égard des députés et de leurs collaborateurs, et l'insatisfaction du public à l'égard des policiers, il existe des mécanismes de plaintes et d'appels pour le redressement de ce genre de situation. Nous ne les avons pas inclus dans nos mémoires, mais j'en ai glissé un mot dans la réponse à la question.

M. Stephen Owen: Je vous remercie.

J'ai une autre observation à faire à ce sujet. Il faut peut-être établir un certain équilibre. Bien que certaines procédures futiles et vexatoires aient été peut-être intentées, les poursuites personnelles ont énormément contribué à porter à l'attention du public certaines lacunes et infractions en matière environnementale au cours des 30 dernières années. Elles ont joué un rôle important.

Je crois que ce que vous voulez faire valoir, c'est que la procureurs généraux doivent assumer la responsabilité, peut-être même une responsabilité politique, d'expliquer les raisons pour lesquelles ils suspendent une poursuite personnelle. La politique officielle sera évaluée en fonction de leur incapacité ou de leur détermination à agir. Je crois que c'est là l'important; nous devons les encourager à prendre position et à assumer leurs responsabilités.

M. Vincent Westwick: Monsieur le président, je souscris à ce que vient de dire l'intervenant. Il a exprimé la chose mieux que je ne l'ai fait.

Le président: Bon travail, monsieur Owen. Vous devriez peut-être être un témoin.

M. Stephen Owen: Aujourd'hui, nous avons quelques questions.

Le président: Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Je vous remercie, monsieur le président.

En ce qui concerne les renvois par vidéo, comme j'ai déjà eu l'occasion de vivre cette expérience et d'avoir dû m'absenter une demi-journée ou une journée complète de mon travail pour m'asseoir pendant une heure dans un tribunal pour obtenir un renvoi de deux minutes, j'en vois assurément l'avantage.

Tout ce qui m'inquiète, c'est la possibilité que l'accusé nous réserve une surprise lors de sa comparution à distance. Je songe à un cas en particulier qui s'est produit en Colombie-Britannique—et M. Owen en a peut-être entendu parler—où il s'agissait d'une personne accusée de meurtre au premier degré. Le renvoi n'aurait pris normalement que 30 secondes mais cette personne a plaidé coupable à l'accusation de meurtre au premier degré. Bien entendu, la famille de la victime a été tout à fait prise au dépourvu, comme tout le monde d'ailleurs.

• 1740

C'est pourquoi je serais légèrement préoccupé par la possibilité que ce genre de situation se produise. Je n'ai aucune objection à la notion de renvoi par vidéo, mais ne faudrait-il pas prévoir une façon d'éviter ce genre de situation? Autrement dit, il faudrait que cela se limite à signifier avis qu'il s'agira uniquement d'un renvoi et de rien d'autre, afin d'éviter les surprises.

M. David Griffin: Je suis d'accord avec vous.

Le président: Il vous reste quelques minutes.

M. Brian Fitzpatrick: En ce qui concerne les poursuites personnelles, simplement pour apporter une précision, je crois comprendre après avoir écouté Michael que si le tribunal approuve la poursuite personnelle, ou juge qu'il y a suffisamment de motifs pour y donner suite, cela deviendra la responsabilité du système habituel de poursuite. Cela me semble très logique. Pourquoi avoir un système de poursuite personnelle? Le système de justice pénale ne se préoccupe pas de l'aspect individuel. Il se préoccupe du tort qui peut être causé à la société et ainsi de suite. Cela me semble simplement un argument très logique et rationnel.

M. Vincent Westwick: Et nous vous sommes reconnaissants de votre appui. Pour atteindre cet objectif, il faudra modifier le projet de loi, mais il s'agirait d'un amendement mineur et non d'un amendement important.

M. Brian Fitzpatrick: J'aimerais aborder une autre question. Le registre national de délinquants sexuels est un sujet dont on a discuté à Ottawa. On semble s'entendre pour dire que ce serait une bonne chose, mais certains considèrent que nous avons déjà cette information; que ce registre national de délinquants sexuels ne ferait que compliquer le système; que le système de casiers judiciaires que nous possédons déjà assure ce service à la police; et que nous n'avons pas vraiment besoin de ce registre particulier.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce type de raisonnement ou d'argument.

M. David Griffin: Pour nous, il ne fait aucun doute que la notion de registre de délinquants sexuels que nous avons proposé ne correspond pas à ce qui existe à l'heure actuelle. Nous estimons qu'il faudrait instaurer un système obligeant les délinquants à s'inscrire auprès de la police dès qu'ils arrivent dans une collectivité et dans le cas d'un changement d'adresse. Nous n'acceptons pas que l'on laisse aux représentants du Service correctionnel du Canada la responsabilité de déterminer si cette personne présente un risque suffisamment important pour qu'il soit justifié de prévenir la police. Nous estimons que ce système devrait s'appliquer à tous ceux qui ont manifesté certains types de déviance sexuelle.

Nous ne proposons pas que ces renseignements soient divulgués à la collectivité, mais comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire et dans nos résolutions, nous avons été témoins de cas de crimes violents, comme la mort du jeune Christopher Stephenson âgé de 11 ans à Brampton, Ontario, qui aurait pu être prévenue—si par exemple la police avait su que ce prédateur sexuel s'était installé dans la collectivité avant l'enlèvement du jeune garçon. Nous sommes donc convaincus qu'il y a lieu d'apporter des améliorations qui vont au-delà de celles indiquées jusqu'à présent par le solliciteur général.

J'aimerais aussi commenter la question des poursuites personnelles. Lorsque nous avons examiné la documentation, nous avons eu certaines préoccupations. Nous n'étions pas vraiment sûrs de la meilleure façon d'y donner suite, mais je dirais que j'appuie la position exprimée; je suis heureux que les chefs de police aient soulevé cette question car il y a là matière à préoccupation. À mon avis, personne ici ne veut laisser entendre qu'une décision devrait être prise par une personne autre qu'un juge pour ce qui est de rejeter la poursuite, mais plutôt qu'une fois qu'il a été décidé que l'affaire peut être entendue, elle devrait alors relever du procureur de la Couronne et sa conduite ne devrait plus être laissée au particulier. Nous serions certainement partisans de ce genre de mesure.

Je dois dire que là où le projet de loi pose problème dans sa forme actuelle, c'est qu'il aura l'effet contraire à l'objectif qui était peut-être visé car désormais la Couronne aura la possibilité d'intervenir, ce qui augmentera le coût de ces poursuites. Cela prolongera les audiences et on court le risque que deux procureurs intentent des poursuites portant sur les mêmes allégations. Ce n'est pas une situation avantageuse pour la Couronne.

Cela dit, je m'en remets à ceux qui possède ce genre d'expérience.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je n'ai pas de questions.

• 1745

[Traduction]

Le président: Par conséquent, je tiens à remercier les témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui, et je tiens aussi à remercier les membres du comité. Les témoins peuvent se retirer et je demanderais aux membres du comité de rester quelques instants pour que nous parlions un peu de ce que nous allons faire demain.

Merci beaucoup. C'est toujours un plaisir de vous accueillir.

M. David Griffin: Je vous remercie.

Le président: Pour l'information des membres du comité qui restent, nous avons l'intention de nous réunir demain matin à 9 heures. Nous entendrons des témoins de Victimes de violence, du Canadian Centre for Missing Children, du Centre canadien des ressources pour les victimes de crimes, de l'Association canadienne de télévision par câble, et de l'Association canadienne des fournisseurs Internet. La séance durera de 9 heures à 11 heures environ. À 11 heures, j'aimerais passer à l'étude du projet de loi article par article. C'est pourquoi je demanderais aux gens qui ont des amendements à présenter de les remettre à la greffière.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: J'aimerais savoir quelle est la position des membres du comité ou ce qu'ils pensent de la section du projet de loi traitant des erreurs judiciaires.

Je comprends que nous devons respecter un échéancier et que nous pouvons toujours dès demain procéder à l'étude du projet de loi article par article, mais il me semble que les témoins ont soulevé des questions importantes.

Je ne ferai pas une bataille sur ce sujet, mais nous sommes peut-être capables d'élaborer quelque chose qui permettrait de mieux atteindre l'objectif visé par la ministre et qui répondrait davantage aux préoccupations de gens comme la dame qui a vécu toutes ces péripéties et qui sait très bien de quoi elle parle, et comme l'autre avocat qui a soulevé la question du bureau indépendant.

J'ai posé la question hier à la ministre et elle a semblé dire avoir étudié cela et que ce n'était pas applicable au Canada, compte tenu de certaines méthodes de fonctionnement. Toutefois, ces deux témoins ont prétendu le contraire.

Je comprends qu'on veuille aller vite, que dès demain on peut entreprendre l'étude article par article, qu'il faut renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes, etc. Cependant, le sentiment général des membres du comité est peut-être qu'il faut ralentir un peu, bien étudier les articles 690 et suivants proposés dont il est question aux articles 72 et 73 du projet de loi. Si ce sentiment est partagé par la plupart des membres du comité, est-il possible que le gouvernement envisage d'amender lui-même ces articles, parce qu'il s'agit d'un dossier fort complexe?

Je ne déposerai pas d'amendements parce que je ne pourrais pas élaborer des amendements adéquats en une heure. Je n'ai pas le temps de faire de tels amendements et de faire correctement les vérifications qui s'imposent.

Le ministère a déjà, pour sa part, analysé cette possibilité. Je demande donc aux membres du comité s'ils croient que cette section pose problème ou si, selon eux, il n'y a pas de problème et que l'on devrait l'adopter telle quelle. Je trouve que les remarques et les préoccupations exprimées par les témoins ne sont pas folles.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Je trouve que l'on devrait aller de l'avant et étudier les amendements dès demain, même si les témoins d'aujourd'hui trouvaient que cela ne valait pas la peine et voulaient un tout autre système. Je pense que les amendements à l'article 690 qui sont devant nous constituent des améliorations. Je pense qu'il vaut la peine d'aller de l'avant.

Nous attendons le résultat du cas Truscott. Nous devons obtenir d'autres informations avant de déterminer si on devrait changer le système. Cela ne se fera pas en deux ou trois semaines. Le comité pourra se pencher sur ce sujet plus tard, mais pour le moment, il y a quelque chose devant nous. Nous devrions aller de l'avant.

[Traduction]

Le président: Je reviendrai à vous.

M. Brian Fitzpatrick: Je suis nouveau à ce comité, mais j'avais l'impression que l'une des raisons pour lesquelles nous entendons des témoins c'est qu'ils vont nous dire pourquoi certains aspects du projet de loi que nous étudions laissent à désirer et que grâce à certains amendements, nous pourrions améliorer le projet de loi. Il me semble que si nous convoquons des témoins et que nous passons immédiatement à l'étude article par article, il est vraiment difficile de préparer des amendements qui découleraient des renseignements que nous ont fournis les témoins. Je peux songer à peut-être deux ou trois amendements qu'il vaudrait sans doute la peine de proposer simplement en fonction de ce que j'ai entendu aujourd'hui. Mais je ne serai certainement pas en mesure de les préparer et de les présenter ici pour l'étape de l'étude article par article. C'est simplement une observation. Je ne suis pas convaincu que ce processus que nous avons ici soit idéal.

• 1750

Le président: Tout d'abord, je crois que nous avons été poussés par le fait que nous allions adopter ce projet de loi en un après-midi, au printemps. Dans une certaine mesure, je pense qu'on avait l'impression que l'on voulait procéder assez rapidement parce que je crois que nous nous souvenons tous des débats qui ont eu lieu ce printemps.

Nous avons déjà reçu quelques amendements de l'opposition que nous entendrons demain, et nous en entendrons d'autres. Je n'ai nullement l'intention de priver qui que ce soit de son droit légitime à proposer des amendements. Et je reconnais que nous procédons très rapidement. Je sais aussi, toutefois, que nous voulons donner au gouvernement la possibilité de nous envoyer d'autres projets de loi, si c'est ce qu'il décide de faire, concernant certaines des questions très graves et pressantes auxquelles fait face le pays. Je pense que nous sommes tous au courant du climat dans lequel nous travaillons, et nous aimerions nous rendre disponibles.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Je veux simplement faire deux remarques.

Si je comprends bien, il y a une motion de la Chambre et je pense que tout le monde ici s'est moralement engagé à faire cela vite. Mon objectif n'est pas de retarder cette chose, mais je ne suis pas tout à fait d'accord sur votre interprétation du témoignage. Je ne suis pas un spécialiste de cette section du Code criminel, mais selon ce que j'ai compris, on va codifier dans le Code criminel ce qu'on fait, à peu près, avec l'article 690 à l'heure actuelle. Cela n'améliorera pas beaucoup le sort des gens qui sont victimes d'erreurs judiciaires. Cela ne fait que codifier une pratique qu'on suit couci-couça à l'heure actuelle. Par ailleurs, ce que les témoins proposent est vraiment quelque chose de nouveau, avec un tribunal indépendant en vue de l'objectif ultime, qui est l'apparence de justice, de correction, etc.

M. Paul DeVillers: Il y a des changements assez importants.

M. Michel Bellehumeur: De toute évidence, je vois que ce n'est pas le cas. Si le désir du comité avait été de donner une indication à la ministre sur un point particulier comme celui-là, il aurait pu prendre le temps de le modifier dans le sens de ce qu'on a entendu aujourd'hui. Je pense qu'on aurait pu le faire, mais j'ai l'impression que du côté gouvernemental, vous ne voulez pas modifier quoi que ce soit. On ne fera pas de bataille. Dans ma esprit, ce ne sont pas toutes les batailles qui méritent d'être menées, et c'en est peut-être une qui ne mérite pas de l'être.

M. Paul DeVillers: Les témoins suggéraient un nouveau tribunal, c'est-à-dire tout un nouveau système. On ne peut pas faire cela en l'espace de deux ou trois semaines. Ça va prendre beaucoup de temps.

M. Michel Bellehumeur: Selon ce que j'ai pu comprendre du témoin, qui a parlé avec les fonctionnaires qui sont allés en Grande-Bretagne, c'est pas mal avancé. Les fonctionnaires semblent très intéressés. C'est au plan politique que cela a accroché.

M. Paul DeVillers: Ce n'est pas ce que la ministre nous a indiqué hier.

M. Michel Bellehumeur: Je le sais, mais la ministre dit bien des choses, et je ne partage pas nécessairement toujours sa vision.

M. Paul DeVillers: C'est bien évident.

M. Michel Bellehumeur: J'allais à la pêche aujourd'hui et je vois que, de toute évidence...

M. Paul DeVillers: Il n'y a pas de poisson.

M. Michel Bellehumeur: S'il est un poisson, c'est le système. Mon but était tout simplement d'améliorer le système. Ce n'est pas sur cela que je vais faire de la politique, soyez-en sûr et certain. Ces gens sont des spécialistes, des gens qui travaillent beaucoup. Il n'y aura pas beaucoup d'autres témoins qui vont venir nous dire des choses aussi spécialisées. Je siège au Comité de la justice depuis 1993, et j'ai trouvé ces témoins bien crédibles. Ils nous ont donné des exemples, etc., et j'ai trouvé ça fort intéressant. Je pense qu'il est important qu'on saisisse bien leur message et qu'on prenne notre temps pour cette section. Ça ne nous empêche pas d'adopter le reste, mais pour cette section-là, ce ne sont pas trois petits mois de plus qui vont faire la différence.

• 1755

M. Paul DeVillers: Même si on l'accepte, ça ne nous empêchera pas de continuer de faire des études.

[Traduction]

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay: Étrangement, je suis d'accord avec M. Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Au rythme où ils font cela, on va avoir pris notre retraite...

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, il serait bon que vous écoutiez ce qui va suivre.

M. John McKay: La présentation faite par M. Lockyer et Mme Milgaard constitue une critique assez convaincante de l'article en question. De toute évidence, il s'agit d'une orientation que le comité doit examiner de façon plus approfondie.

Nous avons entendu la présentation de la ministre hier, même si cet aspect était loin de constituer la partie la plus importante de sa présentation; il ne s'agissait que d'un élément de trois, quatre, cinq, six ou sept autres aspects. Pourtant, ils ont présenté des arguments probants. Je préférerais nettement être sûr de ce que nous faisons plutôt que de poursuivre simplement pour poursuivre.

S'il est impossible de faire valoir d'autres arguments, nous nous trouverons tous dans une situation très difficile. Si nous ne faisons pas ce qu'il faut faire, c'est-à-dire examiner sérieusement le modèle qui nous est présenté ici cet après-midi, nous nous exposerons sans doute à de vives critiques de diverses sources. Et ils auront raison, alors que notre comité risque fort d'avoir tort.

Je suis très troublé d'apprendre que nous allons simplement étudier le projet de loi à toute vitesse, article par article, plutôt que d'en débattre davantage et d'entendre d'autres témoignages quant aux mesures de rechange qui pourraient être prises.

Le président: Monsieur Owen.

M. Stephen Owen: Je prends très au sérieux les observations de notre collègue. Nous devons nous assurer que les amendements qui seront apportés, sous cette forme ou sous une autre forme, représentent une amélioration concrète de la situation actuelle qui laisse à désirer, comme nous l'avons tous reconnu.

J'ai trouvé très intéressants certains éléments d'information qui nous ont été fournis aujourd'hui; j'ai trouvé aussi qu'il y avait certaines exagérations lorsqu'on a laissé entendre l'existence d'un parti pris dans un système, ce qui à mon avis est injustifié compte tenu de la structure du système, et surtout qu'on a laissé entendre que le système refuse toute amélioration. Je ne suis pas sûr du temps dont ils ont disposé ou s'ils ont examiné les amendements de façon détaillée. Au fil des ans, nous avons tous eu l'occasion d'observer le piètre fonctionnement du système qui s'est manifesté par des retards incroyables, l'impossibilité de rendre une décision dans une période raisonnable pour examiner un cas ou pour décider que selon toute probabilité, il y a eu erreur judiciaire.

Nous devons examiner ces amendements pour déterminer s'ils nous permettent d'améliorer la situation. Il ne fait aucun doute qu'il est extrêmement important de disposer d'un service d'experts distinct. La ministre doit faire rapport chaque année au Parlement sur la suite donnée aux affaires dont elle est saisie. Cette mesure a été étendue aux infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Le pouvoir d'assignation du service d'enquête est extrêmement important. D'après ce que j'ai entendu, il s'agit de toute évidence d'une lacune dans le système actuel.

Cela s'ajoute à l'inopportunité de la part du gouvernement de s'acheminer vers un système calqué sur celui en vigueur au Royaume-Uni. Jusqu'à ce que l'enquête Milgaard soit terminée et que nous prenions connaissance des recommandations qui en découleront, nous ne devrions pas nous acheminer dans cette voie. Tant que nous ne connaîtrons pas les constatations de cette enquête, qui pourraient n'être rendues publiques que dans deux ans, nous devrons faire preuve de prudence.

Monsieur le président, chers collègues, je propose que nous invitions un représentant du ministère de la Justice à venir témoigner demain sur ce cas précis, parce que je suis d'accord avec MM. Bellehumeur et McKay pour dire que la ministre ne nous en a donné qu'une très brève description hier. Ce représentant du ministère serait en mesure de nous expliquer en quoi cela constitue une amélioration et il pourrait répondre aux questions précises découlant des témoignages entendus aujourd'hui. Si nous sommes convaincus qu'il s'agit d'une amélioration, nous devrions alors aller de l'avant, en sachant que nous aurons toujours la possibilité d'améliorer le système à l'avenir, en fonction des conclusions de l'enquête Milgaard et de l'enquête Sophonow, qui déposera son rapport en premier. Nous pouvons toujours recommander que ce tribunal en partie indépendant le devienne complètement.

• 1800

Mais ne ratons pas l'occasion d'améliorer le système actuel, qui est manifestement inadéquat, simplement parce qu'en fin de compte, le mieux pourrait être l'ennemi du bien. Si nous pouvons obtenir ce témoignage demain et procéder avec efficacité de façon à être mieux informés, je serai beaucoup plus satisfait, monsieur le président.

Le président: D'accord. Nous avons entendu votre suggestion.

Quant à l'intervention de John, si j'ai bien compris, il s'agissait de quelque chose de plus complexe.

M. John McKay: J'aimerais répliquer à l'argument de Stephen, argument que je qualifierais d'irrecevable.

Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'ils sont allés un peu trop loin dans leurs arguments sur la partialité. Je conviens que ce projet de loi s'attaque à la question de la partialité systémique, mais cela fait toujours partie des responsabilités globales de la ministre. Je n'ai jamais rencontré de procureurs généraux qui veulent être informés des erreurs commises par eux ou par leurs collègues. Donc il y a toujours une crainte de partialité.

Quant aux retards, je ne pense pas que la ministre ait répondu à cette préoccupation. Si ma mémoire est bonne, elle n'a rien dit sur le sujet. Nos témoins ont tout à fait raison. On évite le sujet depuis des années. Le témoignage de Mme Milgaard a été accablant sur ce point.

Quant au système britannique, je ne connais que ce que j'ai entendu aujourd'hui. Et je crois que c'est vrai pour tout le monde. À première vue, cela semble présenter une solution de rechange à ce qui est une crainte de partialité, sinon une partialité réelle ou systémique. Pour l'instant, j'aurais beaucoup de difficulté à me prononcer sur cet article du projet de loi tel que proposé. Voilà où j'en suis.

Le président: Monsieur De Villers, puis monsieur Grose.

M. Paul DeVillers: Je suis toujours perplexe quant à la nécessité d'adopter ce projet de loi. D'accord, nous devrions entendre d'autres témoins, mais le projet de loi constitue manifestement une amélioration. Il renferme plusieurs améliorations sensibles par rapport au système actuel de l'article 690. Peut-être que la solution n'est pas parfaite, mais voici un projet de loi qui est prêt à être adopté et qui nous permet de faire des progrès.

Ce n'est pas parce que nous améliorons le système aujourd'hui que nous ne pourrons l'améliorer encore à l'avenir, après que nous aurons pris connaissance des conclusions de l'enquête Milgaard. Ça ne nous empêche pas d'aller de l'avant et de modifier le système. La création d'un tribunal semblable à celui en place au Royaume-Uni exigerait énormément de temps. Nous pouvons réaliser des progrès immédiatement en adoptant le projet de loi proposé. Il est prêt.

Le président: Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Eh bien, je ne voulais pas vous mettre des bâtons dans les roues en étant le seul à être troublé par le témoignage, mais, comme d'habitude, je vois les choses d'un autre oeil.

Il n'y a absolument aucune indemnisation possible pour une personne condamnée à tort et forcée de purger ne serait-ce qu'une seule journée en prison, je ne parle pas d'une peine de 23 ans. C'est pourquoi nous devrions étudier cette question, peut-être pas dans le contexte de ce projet de loi et peut-être pas immédiatement. Mais ne perdons pas l'enjeu de vue, parce que le système en place en Grande-Bretagne—dont il reste à voir si nous pouvons ou non l'adapter à notre système—semble infiniment mieux qu'une attente de 23 ans, comme ce fut le cas dans l'affaire Milgaard.

Et dans son cas, les délais se suivaient interminablement. Personne ne voulait faire quoi que ce soit. Je me rappelle comment cette pauvre dame revenait sans cesse à Ottawa. Je travaillais à un comité qui était censé l'aider, mais il a fini par disparaître par manque d'intérêt.

• 1805

Nous ne devons pas perdre cette possibilité de vue. Nous ne pourrons peut-être pas faire cela cette semaine, mais ne perdons pas ça de vue pour le long terme. Je conviens qu'on ne peut pas effectuer ce changement d'ici la fin du mois. Et je ne suis pas avocat. Je trouve que c'est difficile, et cela doit être extrêmement difficile pour vous autres.

Le président: Monsieur Fitzpatrick.

M. Brian Fitzpatrick: Je ne veux pas soulever des questions qui ne sont pas couvertes par le projet de loi, mais je ne sais pas combien de fois on a entendu le cliché que depuis le 11 septembre tout a changé. D'ici quelques années nous parlerons peut-être de vrais cas d'injustice perpétrée au nom de l'antiterrorisme, et il y aura des victimes d'erreurs judiciaires et le système finira par tout régler.

Je veux rappeler la crise du FLQ aux membres du comité. On a détenu, écroué, etc., beaucoup de gens et par la suite il est devenu clair que c'étaient des gens innocents qu'on a simplement arrêtés à cause du battage médiatique à l'époque. Je crois, que l'on en a peut-être encore plus besoin à cause des événements du passé et de ce que nous en avons entendu dire.

Ce n'est qu'une remarque, mais je pense que nous serons placés devant un grand dilemme, entre la lutte contre le terrorisme et la protection des droits et des libertés individuelles. Il y aura un conflit entre ces deux choses.

Le président: Je crois que nous devons nous assurer que, le temps venu, nous pourrons délibérer et faire des améliorations. Dans le cas présent et à chaque fois que nous légiférons, si nous convoquons toujours d'autres témoins, ils nous souligneront toujours d'autres problèmes. Je ne veux pas du tout minimiser notre responsabilité de modifier la loi; néanmoins, encore une fois, je ne peux oublier le fait qu'au printemps on a demandé au gouvernement de le faire en un seul après-midi, étant donné qu'il n'y a pas de controverse. Et certains d'entre nous auraient préféré cette solution.

Or, depuis le 11 septembre, nous nous attendons à ce que la Chambre ait des questions urgentes à débattre. C'est ainsi que nous avions compris qu'on allait chercher à régler cette question le plus rapidement possible. C'est la raison pour laquelle on l'a divisée, probablement pour nous permettre de tout déblayer, et donner des instructions au personnel afin que nous puissions aborder la semaine de notre retour la deuxième moitié de ce projet de loi, le C-15 original, en prévision de la possibilité d'étudier d'autres lois après cela. Et nous avons travaillé dans cet esprit.

Si jamais un mouvement se déclarait en faveur d'un changement, mouvement qui aurait commencé au cours de nos audiences, et basé sur nos attentes de demain, nous pourrions intervenir vigoureusement pour faire cette modification. Je ne suis pas certain d'avoir vu un tel mouvement jusqu'ici.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers: Tout changement substantiel devra attendre jusqu'à ce que nous ayons obtenu les résultats de l'enquête sur le cas Milgaard. Le fait d'établir un système de tribunaux comme celui de la Grande-Bretagne, prendrait beaucoup de temps et d'étude. Nous avons maintenant devant nous des améliorations pour l'immédiat—et si les gens n'en sont pas convaincus, moi, par contre, je le suis; c'est certainement mieux que le système actuel.

Le président: Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

Je suis d'accord. J'ai entendu des choses cet après-midi qui m'ont porté à réfléchir, des choses qui m'inquiètent vivement; mais je m'inquiète aussi de tout le temps que cela pourrait nous prendre pour vraiment faire ce travail comme il faut, surtout s'il s'agit d'un changement majeur.

Comme Ivan, je ne suis pas avocat non plus, et si vous avez des problèmes avec le système du Royaume-Uni parce que vous ne le comprenez pas, il me pose certainement des problèmes aussi. Nous ne devons pas négliger cette question. Nous ne devons pas l'oublier et nous devons l'examiner, mais je ne suis pas certain étant donné les instructions de la Chambre, que nous puissions lui rendre justice si nous essayons de tout faire ici. Mais nous devons certainement y revenir.

• 1810

[Français]

Le président: Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: C'est drôle, mais je suis convaincu que si on entendait les fonctionnaires qui sont allés sur place et qui ont sûrement pris des notes, et qui, je le sais, sont fort compétents et capables de nous faire un exposé rapidement, ça ne prendrait pas une éternité pour avoir des amendements, pour mettre ça en place.

M. Paul DeVillers: Il s'agirait de créer tout un nouveau tribunal.

M. Michel Bellehumeur: Oui, il s'agirait de créer tout un nouveau... Je n'ai jamais été ministre de la Justice, mais je suis persuadé qu'on a donné des hypothèses à la ministre. On n'a pas fait ça verbalement, sur la gueule, comme on dit en bon québécois. La ministre a eu entre les mains certaines hypothèses, certaines grandes orientations et ainsi de suite. Une fois que les grandes orientations lui ont été présentées, elle a pris une décision, pour toutes sortes de raisons qu'elle a données hier, mais la plus importante est probablement, comme madame a dit, de garder le pouvoir.

Bien sûr, c'est légitime. Si j'étais ministre de la Justice, je voudrais peut-être le faire aussi. Mais si on regarde ça de l'extérieur... J'aimerais que quelqu'un puisse venir nous donner des détails. J'ai examiné la question, mais pas en détail et je ne suis pas allé en Grande-Bretagne comme certains fonctionnaires. J'aimerais que quelqu'un vienne nous donner les détails de cela et nous dire si c'est faisable.

Encore une fois, je ne veux pas qu'on fasse un débat à n'en plus finir. J'ai donné mon accord. C'est moi qui ai été l'instigateur de cela. C'est moi qui ai proposé qu'on scinde ce projet de loi et qu'on tente d'obtenir le consentement de tous les partis. Je veux qu'on l'adopte rapidement. Hier, lors du témoignage de la ministre, j'étais prêt à adhérer à ce qu'elle nous disait. Cela semblait avoir bien du bon sens. Mais aujourd'hui, l'avocat et la dame qui sont venus témoigner nous ont fait entendre un autre son de cloche. Pendant qu'on a les deux mains dedans, pourquoi ne pas tenter d'avoir quelque chose de mieux que ce qu'on nous présente dans le projet de loi C-15? C'est tout simplement ça. S'il faut six mois pour mettre cela en branle, on pourra peut-être décider d'attendre six mois. S'ils nous disent qu'il faudrait deux ans, on va peut-être décider de voter en faveur de ce qu'il y a dans le projet de loi.

M. Paul DeVillers: Faut-il attendre le résultat de l'enquête Milgaard?

M. Michel Bellehumeur: Pourquoi est-ce qu'on n'attend pas? On modifie le projet de loi. On pourrait le modifier davantage.

M. Paul DeVillers: Ça va prendre deux ans.

[Traduction]

Le président: Permettez-moi de vous rappeler qu'il est presque impossible pour ceux qui organisent tout cela de travailler quand on s'engage dans de petites conversations.

Je donne la parole à M. McKay, puis à M. Owen.

M. John McKay: Pour répondre à Paul qui dit que c'est comme réinventer de la roue, j'ai remarqué dans une note en bas de la page 25 qu'il y avait eu une commission royale au sujet des poursuites intentées contre Donald Marshall. Je cite la note en bas de page:

    Une autre enquête provinciale sur un cas d'erreur judiciaire avait recommandé tout au moins d'étudier la possibilité de créer un tel organisme au sein du gouvernement fédéral.

Tout au moins, je crois que le comité devrait en savoir un peu plus sur les raisons pour lesquelles ce modèle avait été jugé inacceptable. M. Lockyer a parlé en particulier d'une fonctionnaire qu'il avait rencontrée au Royaume-Uni ou dans une réunion, et elle était pleine d'enthousiasme pour le modèle du Royaume-Uni. Évidemment, son enthousiasme ne s'est traduit en loi.

Peut-être qu'il faudrait remettre un peu nos esprits en ordre et ceux de nos témoins. À mon point de vue, cinq sur six des parties du projet de loi C-15A ne portent pas vraiment à controverse. Les policiers nous ont dit qu'ils trouvaient cela, au fond, merveilleux. Ils avaient d'autres demandes, mais à part cela, ils appuyaient le projet de loi entièrement.

Le président: Il me semble que nous avons un amendement, celui proposé probablement par M. Lockyer: à savoir que nous mettions effectivement cet article de côté en attendant le... L'amendement n'est pas compliqué. Par conséquent, je crois que l'on devrait présenter l'amendement demain au cours de l'étude article par article, et si on l'adopte, tant mieux. Si on la rejette on le rejette. Il me semble que nous sommes en train de débattre s'il faut ou non entreprendre cette tâche maintenant, pendant qu'elle est devant nous, ou bien si nous devrions la remettre à plus tard.

D'un côté, on soutient l'argument qu'il vaudrait mieux faire cela maintenant parce que c'est une amélioration par rapport au système actuel, et que nous pourrons y revenir une fois l'enquête terminée.

• 1815

Je crois vraiment que c'est le coeur de ce débat, et s'il nous fallait retarder la procédure pendant quelques jours, pendant une semaine ou deux, pour traiter d'une question dont nous sommes essentiellement déjà au courant... En tout cas, si vous me le permettez, je crois que nous aurons l'occasion de revoir cette question à la fin de l'enquête, en bonne et due forme, avec toutes les informations en main. Je pense que c'est l'essentiel de notre débat. Demain, si le comité croit qu'il peut supprimer cet article en faveur de... si quelqu'un veut présenter un tel amendement pour supprimer cet article en attendant...

Toutefois, pour être juste envers les deux parties autant que possible, je crois que l'autre côté soutient que ce projet de loi est une amélioration par rapport au statu quo, dont nous ne profiterons pas en attendant notre nouvelle étude. Cet argument me semble fondé.

M. Brian Fitzpatrick: Monsieur le président, je n'ai pas entendu des arguments bien convaincants de la part de ces deux personnes qui soutiennent que c'est vraiment une amélioration par rapport au statu quo. Je crois que son seul argument, le meilleur qu'il a pu trouver, c'était que les citations à comparaître représentaient une amélioration.

Aux termes de l'article 690 tel que libellé, je crois que la ministre de la Justice aurait assez de pouvoirs discrétionnaires pour faire tout ce que l'on suggère de toute façon. Donc je ne suis pas sûr qu'il s'agit vraiment d'une grande percée. Si j'ai bien compris les témoins, il s'agit d'une toute petite amélioration.

Le président: Si vous me le permettez, M. MacKay est de retour et il a participé aux discussions que nous avons eues sur le plan de travail qui aurait abouti à l'étude article par article demain.

M. Bellehumeur est parti à la pêche—et je crois que ce sont ses mots exacts donc je vais les répéter—afin de voir si nous voulions faire quelque chose. Il cherchait une espèce de consensus qui permettrait au comité d'examiner les témoignages que nous avons entendus sur l'article 690.

J'écoutais pour voir si ses efforts de pêche nous mèneraient vers un consensus qui serait assez solide pour justifier le report de notre étude article par article, mais je n'en vois pas. Au bout du compte, je crois que le débat vise à déterminer si le fait d'adopter les amendements proposés va améliorer le projet de loi ou non—il incombera aux membres du comité d'en juger lors du vote—ou si nous devrions entendre d'autres témoins.

Je crois que le point crucial de l'argument présenté c'est que nous devrions attendre le résultat de l'enquête Milgaard pour savoir quoi faire.

Monsieur Owen.

M. Stephen Owen: Monsieur le président, compte tenu des préoccupations soulevées par bien des gens, je crois que nous devrions entendre les témoignages du haut fonctionnaire en question. On me dit que Mary McFadyen est libre demain matin et pourra faire des commentaires précis sur les améliorations...

M. Paul DeVillers: Et sur le calendrier.

M. Stephen Owen: ...et sur le calendrier, oui—par rapport au statu quo. Ensuite, comme d'autres collègues l'ont mentionné, si nous pouvons arriver à une meilleure solution une fois que l'enquête Milgaard sera terminée, nous pourrons toujours l'améliorer. Je ne voudrais surtout pas que nous rations l'occasion d'améliorer la situation qui, à notre avis, est inadéquate, surtout quand nous avons la possibilité de le faire.

En toute justice, je crois que nous devrions permettre à la fonctionnaire du ministère de la Justice de nous expliquer pourquoi cette suggestion est meilleure que ce que nous avons à l'heure actuelle.

Le président: On me dit que c'est possible, donc nous l'appellerons. M. Owen peut nous aider à organiser cette rencontre pour demain matin.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Eh bien, je n'ai pas entendu tout ce qui a été dit à ce sujet, mais je crois que, pour le moins, la suggestion d'examiner les améliorations possibles est raisonnable.

Par pure coïncidence, j'ai croisé la ministre en venant ici—elle se rendait à un autre comité—et je lui ai dit que nous discutions de la question.

Tout comme M. Bellehumeur et d'autres, j'ai été très étonné, voire troublé, d'apprendre que ce changement ne donnerait pas lieu à un meilleur accès. Évidemment, l'accès à cette disposition et à cette procédure particulière est critique.

J'ai aussi été frappé par le commentaire—et l'auteur avait raison de le faire—voulant que si nous adoptions ces amendements avant que soit terminé le rapport détaillé qui portait directement sur cet article, il serait difficile de revenir dans six mois et de dire que, maintenant que nous avons ce rapport, qui est à l'origine des amendements, nous devrions revoir l'article en question. Je crains forte que le ministère de la Justice ne dise: «Non, nous venons d'adopter ceci. Nous venons de terminer le processus. Désolé, nous avons de plus grandes préoccupations ailleurs. Nous ne pouvons pas traiter de cette question maintenant.» Nous raterions une grande occasion de profiter des connaissances du juge Cory et des autres qui font l'examen de l'affaire Milgaard.

• 1820

Pour ce que cela vaut, je suis d'accord avec la suggestion de M. Owen. Nous devrions entendre les témoignages des fonctionnaires qui ont rédigé cette disposition, ce changement, pour en comprendre l'incidence au niveau pratique.

Je voudrais quand même réserver le droit de dire demain que nous devrions exempter cet article, l'enlever et le mettre en suspens, mais je sais que la ministre ne voudrait pas entendre cela. Nous pourrions le ramener sous forme d'une loi autonome rapidement, une fois que nous aurons eu l'occasion de nous familiariser avec le contenu du rapport Milgaard.

Le président: Nous allons accepter l'invitation de M. Owen. Nous étions plus ou moins d'accord pour passer à l'étude article par article demain. Maintenant, je me demande si le comité disposera vraiment du temps nécessaire pour examiner de façon adéquate l'amendement que vous voulez proposer à cette question jugée précise par Peter et d'autres.

J'imagine, Peter, que cela ne fait pas partie des amendements que vous avez déjà rédigés, quoiqu'un amendement visant à exclure cet article n'est pas compliqué.

M. Peter MacKay: Il s'agit d'un amendement assez simple.

Le président: Demain nous entendrons les témoignages des fonctionnaires du ministère de la Justice après quoi nous passerons à l'étude article par article. Si les membres du comité ne sont pas convaincus, nous aurons la possibilité de présenter un amendement visant à éliminer cet article et nous passerons au vote. Si cela vous convient, c'est ce que nous ferons. Nous en déciderons demain. Rien ne changera si nous attendons encore une semaine.

Peter.

M. Peter MacKay: Pour préciser, vous accepteriez, aussi tard que demain, un amendement présenté par un membre du comité visant à retirer cet article?

Le président: Je n'ai pas le choix, Peter. J'aimerais faire preuve de grandeur d'âme, mais je n'ai pas le choix.

Je veux que la situation soit claire pour tout le monde. Je voudrais dire encore une fois que c'est un privilège de travailler avec des gens aussi conciliants. Cela donne une meilleure impression de ce que nous faisons.

Passons aux travaux futurs. Avant de partir et pendant que tout le monde est si bien disposé, je vous signale que je vais demander au personnel du comité de commencer à convoquer des témoins sur la seconde partie du projet de loi, c'est-à-dire le C-15B, pour la semaine suivante. Je veux prolonger les heures de séance et j'aimerais connaître vos préférences maintenant en fonction des trois possibilités suivantes: le mardi soir, le mercredi soir ou le jeudi après-midi. Quelle possibilité vous intéresse le moins? Le jeudi après-midi? Je pense que oui.

Peter.

M. Peter MacKay: C'est un peu égoïste de ma part, mais je sais que Bill Blaikie est dans la même situation. Tous les mardis après-midi, après la période des questions jusqu'à 19 heures ou 19 h 30, nous assistons à la réunion des leaders à la Chambre et ensuite à la réunion de la régie interne. Si vous parlez d'une réunion de 19 heures à 21 heures, ça me va. Je sais que vous ne pouvez pas satisfaire tout le monde.

Le président: Puis-je présumer que vous n'aimez pas l'idée de tenir une réunion le jeudi à 13 heures?

Une voix: Oui.

Le président: D'accord.

M. Peter MacKay: Vous parlez de quelques semaines, jusqu'à ce que nous terminions le projet de loi C-15B?

Le président: Et tout ce que nous recevons en plus.

M. Peter MacKay: Nous n'allons pas créer un précédent pour le reste de l'année?

Le président: Non, nous parlons de trois semaines seulement.

M. Peter MacKay: D'accord.

Le président: D'accord. Je vais agir en fonction de vos préférences. Nous nous réunirons le mercredi soir en plus du mardi après-midi; nous ne pouvons pas faire autrement à mon avis.

• 1825

Nous essayerons de vous consulter, Peter, pour ce qui est des témoins, pour vous faciliter les choses. Malheureusement, nous avons deux leaders à la Chambre à notre comité. Nous ferons de notre mieux pour tenir compte de vos horaires. Si cela s'avère impossible, nous en reparlerons.

Pour le moment, nous allons garder nos séances normalement prévues et en ajouter une le mercredi soir. D'accord? Merci.

La séance est levée.

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