Passer au contenu
;

PACC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON PUBLIC ACCOUNTS

COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 juin 2001

• 1537

[Traduction]

Le président (M. John Williams (St. Albert, Alliance canadienne)): Bon après-midi à tous.

Je signale à l'intention de nos témoins de la Saskatchewan que je m'appelle John Williams. Je préside le Comité des comptes publics et nous sommes actuellement à l'édifice de la Promenade, sur la rue Sparks à Ottawa.

Conformément à l'alinéa 108(3)e) du Règlement de la Chambre des communes, nous étudions le chapitre 15 du rapport du vérificateur général du Canada d'octobre 2000, «Santé Canada—la santé des Premières nations: suivi».

Nous avons aujourd'hui une vidéoconférence avec des témoins de Saskatchewan, le Dr Dennis Kendall, registraire à Saskatoon du Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan. Je suis heureux de vous voir, monsieur Kendall. Soyez le bienvenu.

Nous avons aussi Ray Joubert, registraire à Regina de l'Association pharmaceutique de la Saskatchewan.

Je crois que M. Hugh Harradence, avocat et conseiller de la Reine de Prince Albert, n'est pas là. Il devrait se joindre à nous plus tard.

Ici à Ottawa, nous avons Jean Dupuis et M. Brian O'Neal qui sont attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement. La greffière du comité est Mme Santosh Sirpaul. Nous avons un député libéral, Shawn Murphy, un député de l'Alliance canadienne, Philip Mayfield, et les députés libéraux John Bryden, Alex Shepherd et Mac Harb.

Passons maintenant au Bureau du vérificateur général, avec M. Glenn Wheeler, directeur des opérations de vérification et Ronnie Campbell, directeur principal des opérations de vérification.

Ensuite, M. Jerome Berthelette est conseiller spécial pour la santé des Autochtones à la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits à Santé Canada. M. Peter Cooney est directeur général intérimaire des services de santé non assurés et enfin, M. Harry Hodes, directeur général adjoint de la santé des Premières nations et des Inuits pour l'Alberta et les Territoires du Nord-Ouest.

• 1540

Je suis sûr que nos témoins de Saskatchewan ont mémorisé tout cela et qu'ils vont nous reconnaître dans les déplacements de la caméra. En tant que président, j'annoncerai lentement les interventions, car il s'agit de communication sur de longues distances et il faut faire preuve de méthode.

Messieurs, nous avons déjà eu ce matin une séance où nous avons accueilli Lorraine Stonechild, qui nous a parlé de sa situation, ainsi que des fonctionnaires du Bureau du vérificateur général et de Santé Canada. Nous nous intéressons aux questions soulevées par le vérificateur général.

Avant d'y revenir, j'aimerais demander à monsieur Campbell de nous résumer en deux ou trois minutes la déclaration qu'il a faite ce matin, et dont le texte complet a été versé au compte rendu.

Monsieur Cooney, vous pouvez nous donner des indicateurs de la part de Santé Canada pour orienter le débat avant que nous donnions la parole à nos visiteurs de Saskatchewan.

Monsieur Campbell.

M. Ronnie Campbell (directeur principal, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): Merci, monsieur le président. Encore une fois, je vous remercie de nous donner l'occasion d'évoquer les résultats de notre vérification du programme de santé des Premières nations de Santé Canada. Il s'agit ici du suivi d'un chapitre de 1997 qui figure dans notre rapport de 2000 déposé en octobre.

Comme je l'ai dit ce matin, nous avons également présenté en 1993 un rapport sur certains problèmes posés par ces programmes.

Comme l'indique notre plus récent rapport, nous croyons que le ministère n'a pas encore fait suffisamment de progrès pour régler nombre des problèmes cernés. Nous sommes toujours des plus inquiets du fait que le programme permet à des personnes d'avoir accès à des quantités extrêmement importantes de médicaments prescrits.

Nous avons aussi indiqué, monsieur le président, que le chapitre du rapport d'octobre 2000 contenait des observations sur les programmes de santé communautaire offerts par l'intermédiaire des accords de contribution et des ententes de transfert des programmes de santé à la communauté. J'ai limité mes commentaires aux questions concernant les médicaments sur ordonnance et à ce titre, j'ai parlé de quatre mesures différentes prises par Santé Canada, afin de les distinguer. Certaines d'entre elles interviennent avant que le patient ne fasse remplir une ordonnance, d'autres sont des activités rétrospectives ou du genre vérifications. Je voudrais brièvement rappeler les quatre questions dont j'ai parlé ce matin.

Premièrement, le ministère a mis en place un contrôle sur les médicaments prescrits grâce à un système de traitement aux points de service. Ce système avertit le pharmacien avant qu'il ne remplisse l'ordonnance. Il signale les possibilités de médicaments en double et d'interaction entre les médicaments.

Deuxièmement, le ministère peut surveiller rétrospectivement l'utilisation globale des médicaments et suivre l'utilisation des divers types de médicaments par région. Cela peut permettre d'établir les tendances de l'utilisation et les pratiques de prescription par médecin.

Troisièmement, le ministère peut surveiller rétrospectivement l'utilisation des médicaments par patient. Nous avons remarqué que ces analyses avaient déjà permis au ministère d'intervenir rapidement. Cependant, selon la vérification, ces interventions ont pris fin.

Enfin, le ministère a établi divers contrôles sur les paiements. Ceux-ci comprennent des vérifications automatiques et des vérifications des fournisseurs.

Monsieur le président, quand on évoque les réactions de Santé Canada à nos recommandations, il est utile de bien faire la distinction entre ces différentes activités.

Dans l'ensemble, les mesures prises par Santé Canada en réaction à notre vérification de 1997 n'ont pas vraiment suivi nos recommandations ni celles de votre comité. Le ministère devra maintenir ses efforts pour assurer la mise en oeuvre de toutes les recommandations.

Monsieur le président, mon exposé est terminé.

Le président: Merci, monsieur Campbell.

Monsieur Cooney, pouvez-vous nous rappeler brièvement ce qui s'est dit ce matin?

M. Peter Cooney (directeur général intérimaire, Services de santé non assurés, Santé Canada): Merci, monsieur le président.

Ce matin, nous avons essentiellement accepté les recommandations formulées dans le rapport du vérificateur général de 1997. Nous estimons avoir fait certains progrès dans l'application de ces recommandations. Nous avons également reconnu que nos efforts ont été lents à cause de la complexité du problème.

• 1545

Nous avons également accepté les recommandations du rapport du vérificateur général de l'an 2000. Nous sommes conscients de la gravité des problèmes et nous avons ajouté au système des éléments complémentaires pour répondre aux préoccupations évoquées dans le rapport de l'an 2000.

Ce matin, nous avons également parlé de notre intervention auprès des patients et de divers facteurs associés à l'usage abusif de médicaments, notamment la responsabilité du patient, les problèmes liés aux fournisseurs—qu'il s'agisse des médecins, des pharmaciens ou des associations ou ordres des médecins et des pharmaciens, indiquant que nous devons tous collaborer pour régler ce problème manifestement très sérieux. Nous l'avons reconnu et nous avons l'intention de le régler dans toute la mesure du possible.

Le président: Merci, monsieur Cooney.

Nous allons maintenant en Saskatchewan. D'après nos attachés de recherche, vous avez reçu des exemplaires des rapports du vérificateur général et ils vous ont indiqué comment la présente séance allait se dérouler. Je crois, monsieur Kendall, que vous avez un exposé à présenter. Est-ce bien exact?

Dr Dennis Kendall (registraire, Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan): Oui, j'aimerais faire un exposé.

Le président: Nous vous écoutons.

Dr Dennis Kendall: Oui. Merci beaucoup.

Je suppose que le comité a été informé de l'usage abusif des médicaments sur ordonnance. Bien qu'on l'observe dans l'ensemble de la société, il se présente avec plus d'acuité parmi les Premières nations, sans doute pour différentes raisons économiques et sociales. Comme nous sommes l'organisme de réglementation des médecins, j'ai jugé utile de mettre l'accent sur ce que nous pensons pouvoir y faire, sur ce qui peut nous aider à intervenir efficacement, et aussi sur ce qui nous empêche de le faire.

Nous sommes convaincus que la grande majorité des médecins veulent agir dans l'intérêt de leurs patients et qu'ils n'agissent pas de façon mal intentionnée pour donner des prescriptions excessives ou inappropriées. Mais, même avec les meilleures intentions, les médecins se font parfois prendre dans des situations de double consultation où le patient cherche à obtenir des médicaments auprès de plusieurs médecins, qui ne savent pas si d'autres confrères ont déjà rédigé la même prescription. Les patients qui cherchent à obtenir des médicaments de cette façon pour leur propre usage ou pour les vendre à d'autres n'ont pas tendance à indiquer avec franchise leurs antécédents en matière de consommation de médicaments.

Je reconnais qu'il existe trois autres petits groupes de médecins qui ne sont peut-être pas bien intentionnés ou qui, du moins, ne respectent pas les bons usages. C'est notamment le cas des médecins qui ne savent pas refuser. Ils ne se sont jamais exercés à faire preuve de jugement professionnel. Je les compare souvent à des guichets automatiques. Il suffit d'insérer la bonne carte et d'appuyer sur les bonnes touches, et le guichet fournit invariablement de l'argent. Ces médecins-là ont tendance à prescrire de façon presque aussi automatique.

Il y a aussi des médecins qui ne contrôlent pas le volume de leur clientèle. Ils acceptent de trop nombreux patients. Ils ne consacrent pas suffisamment de temps à l'échange avec chaque patient et, en conséquence, l'ordonnance est souvent pour eux la façon commode de terminer l'entretien, et ils prescrivent trop facilement.

Il y a enfin un très petit nombre de médecins, qui nous préoccupent beaucoup, et qui courtisent sans doute délibérément les patients qui présentent une dépendance aux médicaments et qui en consomment trop, car ces patients offrent une perspective de profits élevés pour le praticien, car leurs consultations sont rapides et une fois qu'ils obtiennent leurs médicaments, ils ne demandent rien d'autre.

Pour que le Collège des médecins et chirurgiens réagisse efficacement à ces problèmes professionnels, il a besoin de données exactes et immédiates sur les usages en matière de prescription. Quant aux médecins, ils ont besoin de données exactes et actuelles sur les antécédents de leurs patients en matière de consommation de médicaments.

Lorsque Santé Canada a lancé un programme d'étude de la consommation de médicaments, nous avons constaté avec satisfaction qu'on commençait à s'occuper des médecins qui prescrivaient de façon abusive. Mais soudain, l'information a cessé de circuler. Nous avons beaucoup de sympathie pour les fonctionnaires locaux de Santé Canada qui essaient de nous aider. Cependant, ils ont reçu un avis juridique de Santé Canada qui leur apprenait qu'ils ne pouvaient plus nous communiquer cette information, qui comporte des renseignements personnels en matière de santé. À moins d'obtenir le consentement des patients, ils ne peuvent plus nous la communiquer.

Nous affirmons qu'il faut respecter un certain équilibre en ce qui concerne le droit à la confidentialité des renseignements de santé. C'est un droit important, que nous n'entendons pas minimiser, mais si l'on veut éviter des problèmes sociaux de plus grande ampleur, il faut que les organismes de réglementation comme les ordres professionnels aient accès à des renseignements confidentiels sur les patients pour qu'ils puissent faire leur travail.

• 1550

En réalité, nous avons quotidiennement accès à des renseignements beaucoup plus délicats que les antécédents des patients en matière de consommation de médicaments. Nous traitons ces renseignements de façon responsable. Il faut trouver une solution à cette impasse de façon que nous puissions obtenir des renseignements exacts qui nous permettrons de faire face aux prescriptions abusives. Par ailleurs, nous aimerions qu'on tire efficacement parti des technologies actuelles pour que cette information soit portée à la connaissance des médecins lorsqu'ils doivent prescrire.

À notre connaissance, il existe un système informatique destiné aux pharmaciens, mais il serait très utile que les médecins disposent de cette information. Ils pourraient même ne pas prescrire s'ils disposaient de toute l'information exacte concernant les médicaments consommés précédemment.

Après cette introduction, je suis maintenant prêt à répondre à vos questions. À notre avis, si l'on veut essayer de résoudre ce problème, il faut essentiellement communiquer l'information.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kendall.

Monsieur Joubert, vous avez aussi une déclaration à faire. Nous vous écoutons.

M. Ray Joubert (registraire (Regina, Saskatchewan), Association pharmaceutique de la Saskatchewan): Volontiers. Merci beaucoup.

La déclaration de notre association est semblable à celle de M. Kendall et du Collège des médecins et chirurgiens, à savoir que nous voulons aborder des domaines où des solutions sont possibles, et évoquer les obstacles auxquels pourraient se heurter les mesures à prendre.

Comme le collège des médecins, nous somme l'organisme qui réglemente les pharmaciens professionnels de Saskatchewan et nous veillons à ce que nos membres se comportent correctement. À ce titre, nous nous intéressons aux questions entourant la meilleure utilisation des produits pharmaceutiques, et en particulier à la prévention de l'usage abusif de médicaments.

De ce point de vue, l'éthique oblige les pharmaciens à faire la promotion d'une bonne utilisation des médicaments, c'est-à-dire notamment d'intervenir activement pour en éviter ou prévenir l'abus. Les pharmaciens font preuve d'une grande vigilance dans leur travail et peuvent, à l'occasion, prendre contact avec le médecin pour obtenir des précisions sur les ordonnances suspectes; ils participent à des programmes très complexes de partage d'information et d'intervention, comme le programme des ordonnances en triple exemplaire. En Saskatchewan, ce programme vise à éviter l'abus et le détournement d'un groupe particulier de médicaments.

Nous apportons toujours notre appui au programme du Collège des médecins et chirurgiens de Saskatchewan et du Collège des chirurgiens-dentistes de Saskatchewan, et nous participons à son amélioration pour qu'on puisse y saisir électroniquement un plus grand nombre de données sur les médicaments et les patients, en particulier ceux des Premières nations de la province.

Deuxièmement, ces initiatives devraient être modifiées pour que les pharmaciens et les médecins puissent consulter plus facilement ces données. De ce point de vue, nous sommes heureux de voir que Santé Canada est prêt à collaborer avec nous et à fournir l'information au programme des services de santé non assurés, mais nous invitons instamment les autorités fédérales à y participer plus rapidement.

Ces améliorations sont compatibles avec notre structure globale de gestion de l'utilisation des médicaments, dont le principe comporte l'intégration de toutes les stratégies de gestion dont nous disposons, notamment des réseaux de partage de l'information.

Par exemple, nous voyons parfaitement les avantages de la coordination de l'ensemble de ces initiatives dans une structure dirigeante unique. Un organisme qui aurait pour mandat de gérer l'utilisation des médicaments pourrait intégrer les activités de contrôle et de surveillance ainsi que toutes sortes d'activités annexes, comme la gestion des formulaires, les rapports de réaction aux médicaments, la formation continue en pharmacothérapie, etc.

Cette structure permettrait le déploiement de stratégies efficaces pour faire face au problème de qualité des soins. Nous n'en sommes pas encore là. Nous avons un déficit d'information et comme le collège des médecins et chirurgiens, notre volonté de mettre en oeuvre de bonnes stratégies de gestion de l'utilisation des médicaments se heurte au manque d'information récente et exacte.

• 1555

En septembre dernier, nous avons conclu un contrat de 15 mois avec Santé Canada dans le cadre du projet pilote d'intégrité du programme des services de santé non assurés. C'est un projet d'éducation et de sensibilisation qui vise à détecter et à prévenir les mauvaises utilisations et les abus dans le cadre des PSSNA. En vertu de ce contrat, nous avons engagé un agent qui sera chargé de la liaison et des activités de sensibilisation et d'amélioration auprès des pharmaciens, et qui va faciliter et coordonner les vérifications.

Avant l'expiration du contrat, nous avons proposé qu'il soit reconduit et étendu, et que les pouvoirs de l'agent soient renforcés, de façon qu'il puisse intégrer beaucoup plus de stratégies de gestion de l'utilisation des médicaments dans son travail, notamment en ce qui concerne les activités d'évaluation de la consommation de médicaments, la gestion des formulaires, l'établissement de profils des pharmaciens et des médecins et la formation continue en pharmacothérapie pour améliorer les résultats thérapeutiques.

Dans le cadre des activités de contrôle de l'utilisation des médicaments, nous voulions que si l'agent constatait des problèmes de qualité des soins, il puisse se mettre en contact avec les parties affectées pour rechercher de véritables solutions au problème.

Depuis l'expiration de ce projet pilote, il semble qu'aucune décision n'ait été prise au niveau fédéral pour poursuivre la démarche. Nous demandons aux autorités fédérales d'envisager sérieusement de relancer ce projet de façon que nous puissions participer activement à des stratégies de gestion de l'utilisation des médicaments dans le but d'en améliorer les résultats thérapeutiques et de mettre un frein à l'usage abusif de médicaments parmi les membres des Premières nations.

Enfin, nous continuons, en tant que corps professionnel, d'assumer nos responsabilités en exigeant des pharmaciens le respect des règles d'éthique. Par l'intermédiaire de notre régime de gestion des plaintes et de nos mesures disciplinaires, nous invitons Santé Canada à nous signaler les pharmaciens qui, de l'avis du ministère, ne répondent pas aux exigences du programme.

Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions sur cette déclaration ou sur toute question abordée dans le rapport du vérificateur général.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Joubert.

Je donne maintenant la parole pour les questions à un député libéral, M. John Bryden.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Merci, monsieur le président.

Qu'il s'agisse de médicaments en vente libre ou de médicaments d'ordonnance, les médicaments ne sont disponibles dans le cadre du programme qu'avec une ordonnance d'un médecin, et d'après ce que vous venez de dire, on viendrait à bout du problème si les médecins étaient autorisés à se communiquer l'information sur le contenu des ordonnances de façon à pouvoir identifier les patients qui obtiennent de multiples ordonnances. Est-ce bien cela?

Dr Dennis Kendall: Le partage de cette information entre médecins poserait sans doute des problèmes d'ordre pratique. Une solution plus réaliste consisterait à centraliser les données, auxquelles le médecin pourrait avoir accès de son bureau. Nous pensons que dans les rapports entre patients et médecins, celui qui sollicite les soins d'un médecin lui divulguera honnêtement les médicaments qu'il consomme déjà.

Souvent, les patients qui cherchent à obtenir des médicaments à des fins occultes prennent bien soin de ne pas révéler leurs antécédents de consommation de médicaments; à moins de disposer d'une base de données informatisée qui contienne cette information et qu'on puisse consulter en temps réel... Certains patients se déplacent et peuvent consulter dix médecins en une journée. À chaque consultation, ils racontent une histoire qui peut justifier la prescription d'un médicament. Si le médecin ne sait pas que neuf confrères l'ont déjà prescrit le même jour, il ne pourra pas réagir efficacement.

M. Ray Joubert: J'aimerais ajouter quelque chose.

L'intérêt de cette information, c'est qu'elle sera à la fois à la disposition du pharmacien et du médecin, car pour différentes raisons, le pharmacien peut recevoir des renseignements supplémentaires qui l'amènent à devoir consulter le médecin. Si leur discussion porte sur un ensemble commun de données, ils peuvent en venir à une meilleure décision sur les mesures à prendre.

• 1600

M. John Bryden: Messieurs, le commissaire fédéral à la protection de la vie privée s'interrogeait le 29 mai dernier sur l'objectif des initiatives d'informatisation de la santé. Et pour les membres du comité, je signale que par initiatives sur l'informatisation de la santé, il entendait la collecte de renseignements sur la santé. Il a dit qu'on essayait d'améliorer les soins de santé, et que c'était l'objectif de ces initiatives, mais que cet objectif ne devait pas être poursuivi au détriment de la vie privée.

Est-ce que vous reconnaissez que la vie privée doit primer sur la confidentialité de l'information concernant la santé et la sécurité d'une personne?

Dr Dennis Kendall: La vie privée est un élément important que je n'entends pas minimiser, mais les individus et la société ne peuvent pas gagner sur les deux tableaux. On ne peut pas créer des organismes de réglementation comme celui que nous représentons, qui doit s'occuper des comportements inappropriés de ses membres, sans leur donner l'information essentielle à l'exécution de leur tâche.

Les toxicomanes sont des malades qui sont prêts à tout pour dissimuler l'origine des substances dont ils dépendent. Dans leur cas, il est fondé de considérer que dans leur propre intérêt, il convient d'écarter les principes de protection de la vie privée pour les aider à faire face à la réalité de leur maladie. Souvent, les patients qui cherchent à obtenir des médicaments ont une dépendance à leur égard. D'autres n'ont pas de dépendance; ils veulent simplement revendre les médicaments.

Non, je ne suis pas d'accord avec la position telle qu'elle a été énoncée. La protection de la vie privée est importante, mais j'estime qu'on s'y arrête trop en l'occurrence.

M. Ray Joubert: Je pourrais peut-être aussi ajouter l'Association pharmaceutique de la Saskatchewan n'est pas non plus d'accord avec l'énoncé, tel qu'il a été formulé.

En l'absence d'une technologie informatique très avancée qui permettrait de stocker l'information, les pharmaciens partagent quotidiennement des renseignements à caractère confidentiel avec d'autres fournisseurs de soins pour améliorer les résultats thérapeutiques uniquement pour que le patient bénéficie au maximum de la thérapie. Ce faisant, ils doivent divulguer de l'information personnelle sur la santé à d'autres fournisseurs.

M. John Bryden: Sachez par ailleurs que le commissaire à la protection de la vie privée développe ce thème tout au long de son discours. Il se dit même d'avis que le respect de la vie privée l'emporte sur la divulgation dans l'intérêt du patient. Mais, curieusement, il déclare également, et je cite:

    La Health Information Protection Act de la Saskatchewan constitue un bon modèle à cet égard.

... c'est-à-dire, à l'égard de la protection de la vie privée...

    Elle protège le droit du patient à l'autonomie et son droit d'accorder son consentement. Les patients peuvent refuser que l'information personnelle qu'ils ont confiée à leurs médecins ne soit stockée dans le Réseau d'information de santé de la Saskatchewan, ou quelque autre réseau. Ce sont les patients qui déterminent où les renseignements qui les concernent sont versés et qui y a accès.

Il semble laisser entendre qu'en Saskatchewan, les patients peuvent refuser d'avoir l'information concernant leurs ordonnances dans une banque de données en vue de leur distribution éventuelle. Est-ce bien le cas?

Dr Dennis Kendall: La Health Information Protection Act (Loi sur la protection des renseignements en matière de santé) a été adoptée par l'Assemblée législative de Saskatchewan, mais n'a pas encore été promulguée. Elle n'est pas en vigueur. Le commissaire à la protection de la vie privée parle donc d'une situation théorique, qui n'a rien de concret pour le moment.

Il faut par ailleurs souligner que la même mesure législative provinciale, lorsqu'elle entrera en vigueur, le cas échéant, définira de façon explicite certains types d'organisations comme celle que nous représentons comme étant des entités ayant droit d'accès à certains renseignements pour exécuter leur mandat. Nous sommes donc considérés comme les fiduciaires de l'information privée à laquelle d'autres organismes n'auront pas nécessairement accès.

Je tiens également à dire, en réaction à la position adoptée par le commissaire à la protection de la vie privée, qu'il faut songer aux implications de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cette mesure législative fédérale impose aux citoyens le fardeau de divulguer au médecin les drogues de cette catégorie qu'il a obtenues au cours des 30 derniers jours. Si ce dernier néglige de le faire, il s'expose à des poursuites criminelles. Il est donc intéressant de constater que nous administrons un programme qui vise à contrer l'abus de stupéfiants et des médicaments contrôlés, mais que le programme n'englobe ni les benzodiazépines, ni les médicaments anxiolytiques. Or, ces derniers sont devenus les médicaments de choix pour ce qui est de la surconsommation, du fait qu'ils ne font pas l'objet d'un contrôle rigoureux.

M. John Bryden: Je vais adresser ma question à l'un des témoins d'Ottawa, pour des raisons évidentes.

Si j'ai bien compris, Santé Canada prend tout à fait au sérieux les déclarations de politique du commissaire à la protection de la vie privée à cet égard. Dois-je en déduire que la raison pour laquelle on met la pédale douce à ce programme de partage d'information en Saskatchewan est peut-être parce que Santé Canada tient compte de l'interprétation de la Loi sur le commerce électronique du commissaire à la protection de la vie privée? Est- il possible que cela en soit la cause?

• 1605

Le président: Monsieur Cooney.

M. Peter Cooney: En effet, les conseils en matière de protection de la vie privée nous concernent et ce genre de recommandation nous vise. Notre stratégie répond aux appréhensions en matière de protection de la vie privée. Je réponds donc par l'affirmative.

M. John Bryden: Monsieur Cooney, ce n'est pas exactement ce que je demandais. Je demande si l'interprétation de la politique que fait le commissaire à la protection de la vie privée influe sur la prise de décisions de Santé Canada en ce qui concerne le partage d'information dont nous discutons, dans le cadre du régime de prestations sanitaires visant les non-Autochtones.

M. Peter Cooney: Les conseils que nous recevons concernant le commissaire à la protection de la vie privée nous proviennent du ministère de la Justice et de notre conseiller juridique. Nos conseillers analysent les conseils du commissaire et nous transmettent leur interprétation à cet égard. Nos conseils nous proviennent donc du ministère de la Justice.

Le président: Merci beaucoup.

Merci, monsieur Bryden. Nous passons maintenant à M. Mayfield, le député de l'Alliance canadienne de la Colombie-Britannique.

M. Phillip Mayfield: (Cariboo—Chilcotin, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie, messieurs, d'être des nôtres cet après-midi.

Les questions concernant la protection de la vie privée ont une très grande importance. Cependant, j'aimerais revenir sur certains aspects de votre déclaration. Vous avez dit qu'il y avait peut-être diverses catégories de médecins. Par exemple, ceux qui souhaitent fournir la meilleure qualité possible de soins et, d'autre part, ceux qui souhaitent traiter les patients le plus rapidement possible, en songeant à leurs avantages personnels.

Or, le Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan a la responsabilité de faire enquête et d'imposer des mesures disciplinaires dans le cas de tout médecin de la province dont les normes en matière de soins médicaux, l'éthique, et la conduite professionnelles sont contestées. Le collège a-t-il déjà eu l'occasion d'enquêter sur les médicaments prescrits par certains médecins à des patients en général et, plus particulièrement à des membres des Premières nations? Si c'est le cas, quelles ont été les constatations du collège, et quelles mesures ont été prises en conséquence?

Dr Dennis Kendall: En effet, nous enquêtons sur les pratiques des médecins en matière de prescriptions. Comme je l'ai laissé entendre plus tôt, nous administrons un programme de contrôle qui vise la prescription de substances narcotiques et de médicaments contrôlés. À partir de l'information contenue dans la base de données, nous demandons régulièrement à des médecins d'expliquer certaines prescriptions. S'ils ne peuvent pas nous fournir des explications valables, nous leur recommandons de changer leurs pratiques en matière de prescription. Et je dois dire que, dans les cas où le médecin n'a pas obtempéré, nous sommes allés jusqu'à lui retirer sa licence. Nous avons effectivement retiré aux médecins qui, à notre avis, abusaient du système, la licence d'exercer la médecine.

Par contre, il faut suivre une procédure rigoureuse pour retirer une licence. Les preuves doivent être très solides. Par exemple, si un représentant de Santé Canada nous téléphone pour exprimer des inquiétudes sur la façon de prescrire de tel ou tel médecin, cela n'est pas suffisant. En effet, les médecins sont représentés dans leurs rapports avec nous par l'Association canadienne de protection médicale, une organisation très bien pourvue en ressources qui défend les médecins par tous les moyens possibles. Pour monter un dossier qui permet de discipliner un médecin, il faut donc disposer d'une preuve irréfutable que tel ou tel médicament n'a pas été prescrit de façon opportune. Pour ce faire, il faut en réalité avoir accès au dossier du patient.

Il convient de signaler qu'au Canada, nous consultons les dossiers des patients pour contrôler les pratiques de facturation des médecins. Cela se fait dans toutes les provinces, étant donné que le système est fondé sur la confiance. Le médecin transmet sa facture et le gouvernement paie. Les membres de votre comité doivent bien comprendre que, au moment de la vérification de la facturation des médecins, le Comité de vérification prend connaissance des dossiers des patients. Les membres de ce comité sont tenus au secret.

Donc, nous autorisons dans certains cas l'accès à des renseignements extrêmement confidentiels pour garantir la probité des médecins. Pourtant, dans le cas qui nous intéresse, nous semblons fermer l'oeil ou permettre certaines pratiques qui peuvent être très dangereuses en invoquant la protection de la vie privée. Il semble y avoir là deux poids deux mesures.

M. Phillip Mayfield: Parlons d'un cas précis. Ce matin, Lorraine Stonechild a comparu devant le comité et nous a parlé du décès de son frère, Darcy Ironchild. Il y a eu rapport du médecin légiste, et je suppose que vous en avez pris connaissance.

Dr Dennis Kendall: En effet. J'étais été l'un des témoins à l'enquête et je connais très bien le cas.

• 1610

M. Phillip Mayfield: Mme Stonechild a déclaré que son frère avait fait remplir quelque 300 ordonnances l'année d'avant sa mort. Il avait en outre acheté en vente libre un grand nombre de divers autres médicaments.

Pouvez-vous expliquer comment une personne peut avoir autant d'ordonnances—presque une par jour, semble-t-il—et disposer aussi de tant de médicaments en vente libre? Pouvez-vous nous l'expliquer?

Dr Dennis Kendall: Darcy Ironchild avait une dépendance à l'égard de plusieurs médicaments dont l'hydrate de chloral, le médicament auquel on peut attribuer sa mort. L'hydrate de chloral n'est pas un médicament qui fait l'objet d'une surveillance en vertu du programme actuel, et nous ne savons donc pas avec quelle fréquence il l'utilisait. Si nous avions su qu'il consommait ce médicament, nous serions intervenus et peut-être que cette intervention lui aurait sauvé la vie. Nous ne pouvons pas le dire avec certitude.

Nous compatissons beaucoup avec la famille Ironchild. Notre conseil d'administration fait d'ailleurs de son mieux pour mettre en oeuvre les recommandations découlant de l'enquête du médecin- légiste. Ces recommandations insistent précisément sur le point que nous faisons valoir, c'est-à-dire qu'il faut utiliser cette information de façon plus intelligente pour régler le problème.

J'ai classé les médecins qui ont traité Darcy Ironchild en trois ou plutôt quatre catégories. Il y a d'abord le médecin qui voulait vraiment l'aider. Je crois qu'on peut dire que les trois autres ne savaient tout simplement pas comment dire non. Ils auraient cependant dû dire non, nous avons soulevé la question avec ces médecins parce que nous voulons veiller à ce qu'ils tirent la leçon voulue de cette tragédie.

M. Philip Mayfield: Notre comité se préoccupe beaucoup de la question de la protection des renseignements confidentiels. Le fait que Santé Canada fait face à ce problème depuis longtemps nous préoccupe également. Dans un rapport que le vérificateur général a publié il y a déjà un certain temps, il signalait le fait que le problème existe depuis près de 10 ans.

En ce qui touche la protection des renseignements personnels, j'aimerais savoir quel genre de communication existe entre le médecin et le pharmacien. La date des trois dernières ordonnances ne figure pas dans les registres de la pharmacie. J'aimerais vraiment savoir pourquoi.

M. Ray Joubert: Si je comprends bien, c'est la technologie qui comporte des limites quant au traitement de ces données interactives. Je ne pense pas que cela ait quoi que ce soit à voir avec la protection des renseignements personnels.

Si je ne m'abuse, cette question est liée à la façon dont le système informatique de chaque pharmacie est conçu et programmé. Il est vrai que si les renseignements dont il dispose sont insuffisants, le pharmacien ne peut pas consulter le médecin aussi efficacement qu'il le pourrait. Le pharmacien souvent ne sait pas ce qu'il en est ou n'a pas le temps de s'informer. Rien ne l'incite non plus à se renseigner et à obtenir l'information dont il a besoin pour communiquer avec le médecin.

Dr Dennis Kendall: Permettez-moi de faire une observation. Il est permis de s'interroger sur ce qui s'est passé dans un pays où la santé est essentiellement un domaine de compétence provinciale, sauf dans le cas des Premières nations. En Colombie-Britannique, il existe une base de données pharmaceutique très perfectionnée dans laquelle sont versées toutes les ordonnances remplies en Colombie- Britannique, et même celles qui visent les touristes. Toutes les pharmacies de la Colombie-Britannique ont accès à cette information en direct et dans le cadre d'un projet pilote qui met cette information accessible en direct à partir de 100 cliniques médicales.

• 1615

L'Alberta se dote même d'un système encore plus perfectionné. Lorsque le système sera au point, ce qui devrait être le cas d'ici un an, nous nous attendons à ce que le gouvernement l'achète et le mette en oeuvre à l'échelle de la province.

Si ce système permet de recueillir de l'information sur toutes les personnes sauf les membres des Premières nations, nous ne serons toujours pas en mesure de les aider.

On comprend mal que l'interprétation qui est faite de la Loi sur la protection des renseignements personnels puisse mettre en péril ce segment de la population canadienne alors que les provinces traitent la population autochtone de façon bien différente. Nous ne comprenons pas qu'il y ait dans ce domaine deux poids deux mesures.

M. Ray Joubert: Permettez-moi, monsieur, de vous donner davantage de précisions.

Le système de traitement aux points de service a été conçu pour permettre le règlement des réclamations aussi efficacement que la technologie le permet. Ce système permet aussi de surveiller l'utilisation qui est faite des médicaments. Autrement dit, lorsque le système constate qu'un médicament est prescrit en double, le renseignement est transmis au pharmacien sans plus de précision, parce que la base de données n'en comporte pas.

M. Philip Mayfield: En conclusion, monsieur le président, j'aimerais très brièvement demander à M. Campbell du Bureau du vérificateur général s'il croit, comme le témoin de la Saskatchewan vient de nous l'expliquer, qu'il y a une distinction à faire entre la question de la protection des renseignements personnels et la question de la capacité technologique? Partagez-vous son avis à cet égard?

M. Ronnie Campbell: Monsieur le président, je ne peux pas répondre à cette question.

En 1997, lorsque Santé Canada était sur le point d'adopter le système de traitement aux points de service, il était prévu que les dates des trois dernières ordonnances devraient figurer dans la base de données. Comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est pas le cas et le ministère n'a pas non plus renforcé les avertissements auxquels le témoin fait allusion.

Il vaudrait mieux demander au représentant de Santé Canada si le problème est d'ordre technique ou s'il est lié à la protection des renseignements personnels.

M. Philip Mayfield: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Le président: Nous pourrions immédiatement poser la question au représentant de Santé Canada.

Monsieur Cooney, s'agit-il d'un problème lié à la technologie ou d'un problème lié à la protection des renseignements personnels?

Dr Peter Cooney: Monsieur le président, pour répondre à cette question, il convient de se reporter à ce qui se passe en Colombie-Britannique. Nous en avons discuté ce matin.

En Colombie-Britannique, la question en ce qui touche le programme Pharmanet est liée à la technologie. L'information se rapportant à nos patients est versée dans le grand réseau auquel appartiennent toutes les pharmacies, de sorte que le système en Colombie-Britannique comporte des renseignements sur les membres des Premières nations.

Si le système dans toutes les provinces était semblable à celui de la Colombie-Britannique, il comporterait des renseignements sur nos patients. Lorsque les provinces se doteront de ces systèmes—et la question de l'échange d'information entre le pharmacien et le Collègue des médecins et chirurgiens se pose également—l'information portant sur nos patients sera versée dans la base de données.

Le président: Vous pensez donc que le problème est lié à la technologie et non pas à la protection des renseignements personnels.

Dr Peter Cooney: C'est juste.

M. Philip Mayfield: Cela soulève encore une fois toute la question de la protection des renseignements personnels par le ministère de la Santé.

Le président: Très bien. Il y aura maintenant un deuxième tour de questions. Les intervenants n'auront pas autant de temps au cours du deuxième tour.

Habituellement, j'accorde quatre minutes aux intervenants, mais parce que nous sommes reliés à la Saskatchewan, je vous accorderez de cinq à six minutes si personne n'y voit d'inconvénient.

J'accorde d'abord la parole à monsieur Murphy, qui est aussi un député libéral.

M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Oui. Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Ma question s'adresse à monsieur Kendall.

Dans ma vie antérieure, j'ai eu affaire au type de médecins dont vous avez parlé. L'expérience m'enseigne que ces médecins ne changeront pas leurs habitudes tant qu'ils ne seront pas sévèrement disciplinés, suspendus et dans certains cas incarcérés.

Les faits dont j'ai pris connaissance m'apparaissent troublants. J'ai appris, par exemple, que 124 clients avaient obtenu 150 ordonnances en trois mois. Il appartient à votre organisation de prendre des mesures disciplinaires à l'égard de ces médecins et de faire enquête. Pourriez-vous nous dire combien de médecins font l'objet d'une plainte officielle chaque année en Saskatchewan?

Permettez-moi de poser deux ou trois questions à la fois.

• 1620

Voici ma deuxième question. Dans ce cas précis, Santé Canada s'est-il adressé à vous pour vous demander de faire enquête?

Enfin, monsieur, pensez-vous à titre de directeur administratif de cette organisation, que votre organisation s'acquitte de ses responsabilités en ce qui touche l'examen de la conduite professionnelle des médecins ainsi que la protection du public? Pensez-vous vraiment que vous vous acquittez de vos responsabilités législatives?

Dr Dennis Kendall: Vous avez posé plusieurs questions. Je me permet d'abord de signaler qu'environ 1 500 médecins exercent actuellement la médecine en Saskatchewan. Nous recevons chaque année environ 200 plaintes de citoyens, mais nous pouvons aussi recevoir des plaintes d'autres organismes.

Oui, je pense que nous remplissons notre mandat aussi bien que nous pouvons le faire. Notre organisation est entièrement vouée à la protection du public. Nous ne représentons pas les médecins. Nous sommes l'organisme qui les réglemente. Il existe une association médicale qui défend les intérêts des médecins. Ce n'est pas notre rôle.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec la réponse qui a été donnée à la question de savoir si le problème était lié à la technologie ou à la protection des renseignements personnels. Si je m'interroge au sujet des médicaments qui sont prescrits à une personne non autochtone, je peux demander au ministère provincial de la Santé de me faire parvenir un imprimé sur les médicaments prescrits à cette personne et je connaîtrai ainsi tous les médicaments qui lui ont été prescrits aux termes du régime d'assurance-médicaments. Nous ne pouvons cependant pas obtenir ce genre de renseignements au sujet d'un Autochtone lorsque nous soupçonnons qu'un problème se pose. Peut-on discipliner un médecin sans preuves? Vous êtes-vous déjà présenté devant un tribunal sans preuves à fournir? C'est très difficile. Nous devons avoir des preuves.

Le président: Je vous ai aussi demandé, monsieur Kendall, si Santé Canada vous avait jamais demandé de faire enquête sur un médecin pour voir s'il ne prescrivait pas trop de médicaments?

Dr Dennis Kendall: Lorsque le programme d'utilisation des médicaments était en place, nous obtenions un imprimé sur les médicaments prescrits et les fonctionnaires de Santé Canada nous signalaient parfois des cas préoccupants. Nous faisions alors enquête.

Je ne sais pas si je peux être plus direct. Nous pensons que les représentants locaux de Santé Canada avec lesquels nous faisons affaire sont impuissants à agir parce qu'ils ne peuvent pas nous transmettre cette information. Par le passé, on nous soumettait certains cas. On ne le fait plus.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Murphy. Quand Santé Canada a-t-il cessé de vous signalez les cas qui posaient problème?

Dr Dennis Kendall: Je pense que c'était en mai 1999.

M. Shawn Murphy: J'ai une question complémentaire à poser, monsieur Kendall. Je voudrais revenir sur le fait que vous ne recevez pas d'imprimés ni de renseignements de Santé Canada portant sur les membres des Premières nations. Lorsqu'on vous signale un cas préoccupant, ne pouvez-vous pas simplement demander au client son consentement pour transmettre l'information le concernant. Ne pouvez-vous pas simplement lui demander quels médicaments il prend et quel médecin les lui prescrit?

Dr Dennis Kendall: Avez-vous jamais demandé à un toxicomane de vous dire où il obtenait ses drogues? Un toxicomane ne vous le dira jamais parce que ce n'est pas dans son intérêt de le faire. La plupart des toxicomanes ont une dépendance à l'égard des médicaments qu'ils prennent. Ils ne vont pas vous dire où ils s'approvisionnent.

M. Shawn Murphy: D'après mon expérience, ils vous le diront bien souvent si vous leur posez la question.

Dr Dennis Kendall: Un toxicomane?

M. Shawn Murphy: Oui.

Dr Dennis Kendall: Votre expérience est très différente de la mienne. Je travaille avec des toxicomanes tous les jours et ils font tout ce qu'ils peuvent pour cacher où ils s'approvisionnent en drogues.

Je ne sais pas si M. Joubert a un point de vue différent sur la question.

M. Ray Joubert: Notre point de vue est le même. Nos membres ainsi que notre organisation, lorsqu'ils doivent étudier des plaintes de ce genre, ne peuvent pas le faire comme ils le devraient parce qu'ils ne disposent pas de toute l'information voulue. Ce n'est pas le toxicomane qui vous fournira cette information. S'il vous donne des renseignements, il y a fort à parier que vous ne pourrez pas vous y fier parce qu'il veut se protéger et parce qu'il veut conserver sa source d'approvisionnement.

Le président: Soit dit en passant, M. Murphy était procureur de la Couronne avant de devenir député. Il avait peut-être plus de pouvoir que vous n'en avez en Saskatchewan, mais nous pourrons en discuter une autre fois. Je pense que c'est pour cela que les gens acceptaient plus facilement de fournir l'information voulue. Vous deviez savoir des choses à leur sujet, monsieur Murphy, mais vous n'êtes pas obligé de nous le dire.

Avez-vous d'autres questions, monsieur Murphy?

M. Shawn Murphy: Non.

Le président: Nous allons maintenant passer à M. Mac Harb, un député libéral d'Ottawa. Monsieur Harb.

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Merci.

• 1625

Je tiens tout d'abord à vous remercier de votre franchise.

Je voudrais vous poser une question en deux volets. Quelle est l'envergure du problème de toxicomanie, tant parmi les groupes autochtones que dans l'ensemble de la société? Est-ce vraiment un grave problème? Quel pourcentage de la population touche-t-il, 5 p. 100, 10 p. 100, 20 p. 100?

Vous-même ou le gouvernement de la Saskatchewan avez-vous effectué des études pour déterminer le nombre de décès dans l'ensemble de la population et chez les Autochtones à cause d'une surdose? Accordons-nous trop d'importance à quelque chose qui se situe dans la norme ou s'agit-il d'un grave problème qui nécessiterait un plan d'action national?

Dr Dennis Kendall: Nous considérons qu'il s'agit d'un problème de très grande envergure. Je ne peux pas vous citer une étude faite en Saskatchewan qui ait établi un rapport entre les décès liés à la toxicomanie et les ordonnances inappropriées. Une étude de ce genre a été effectuée en Alberta et nous n'avons pas lieu de croire que le problème est moins grave dans notre province qu'en Alberta.

Qu'ils prennent des médicaments d'ordonnance ou des drogues illicites, bien des gens meurent d'une surdose à moins qu'on puisse leur faire suivre un programme de désintoxication. Le mésusage des médicaments d'ordonnance n'est pas la seule cause de ces décès. Certains sont reliés aux drogues illicites.

Pour ce qui est des benzodiazépines, ce ne sont pas des médicaments qu'on doit prendre à long terme. S'ils sont prescrits à long terme, ils ne font que masquer bien d'autres problèmes dont les malades devraient s'occuper. Ils constituent une grave menace pour la santé, mais ne causent pas nécessairement la mort. Par ailleurs, il y a beaucoup de médicaments consommés à tort qui ne mettent pas la vie en danger, mais qui font quand même du tort.

M. Mac Harb: Nous discutons maintenant d'un problème qui existe vraiment, soit l'usage abusif d'une substance donnée. Peut-être que nous procédons à l'envers. Nous devrions peut-être examiner la question de la dépendance, qu'il s'agisse de la drogue, de l'alcool ou d'une autre substance, au lieu de blâmer les pharmaciens ou les médecins alors que le problème a ses racines ailleurs dans la société et nécessiterait d'autres types de traitement.

Je ne veux pas dire que tous les membres de la profession médicale ou les pharmaciens sont parfaits, mais ils essaient de servir le public du mieux possible. Il y a des lacunes dans le système. J'essaie simplement de savoir comment vous envisagez la situation de votre côté.

Dr Dennis Kendall: Je pense que vous avez tout à fait raison. Les problèmes ont des sources davantage sociales et économiques qui mènent à utiliser une substance pour se dérober à ces problèmes. C'est la même chose dans toutes les couches de la société. Environ 10 p. 100 des membres de la société ont un problème de dépendance quelconque, peu importe leur classe.

Nous devons réglementer deux groupes professionnels différents. À mon avis, M. Joubert a très bien expliqué que nos membres ne doivent pas contribuer au problème. Ils devraient contribuer plutôt à la solution et nous voudrions qu'ils soient aussi bien équipés que possible pour aider à résoudre le problème. Pour les rares personnes, et elles sont rares, qui prescrivent ce médicament à tort en toute connaissance de cause, nous devrons leur appliquer des mesures très rigoureuses parce qu'elles trahissent la confiance du public.

M. Ray Joubert: À titre de renseignement complémentaire, je voudrais signaler qu'une équipe spéciale a été créée il y a environ un an formée de certains de nos membres qui avaient travaillé activement dans ce domaine et qui avaient une certaine expérience des toxicomanes, notamment ceux qui commettent des crimes contre les pharmacies et les pharmaciens. Ils ont dit exactement la même chose, soit que même si, proportionnellement, le nombre de toxicomanes est peu élevé par rapport au reste de la population, cela prend bien du temps et bien des ressources pour résoudre les problèmes de toxicomanie.

• 1630

Deuxièmement, nous avons besoin de mesures d'intervention et de contrôle au niveau des systèmes, mais elles ne constituent pas la seule solution; ce ne sont pas une panacée. Nous avons besoin de solutions sociales plus vastes qui s'attaquent aux causes mêmes du problème pour empêcher que les gens deviennent toxicomanes et ne cherchent pas à obtenir des médicaments qui créent une accoutumance. Nous devons donner de tels outils aux professionnels des soins de santé, surtout aux pharmaciens et aux médecins de la province et du Canada.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Harb. Nous allons maintenant passer à un autre député libéral, M. Alex Shepherd, avant de revenir à M. Mayfield.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci. Ma question s'adresse encore une fois à M. Kendall. Le problème me semble surtout administratif puisque le malade est en Saskatchewan, le pharmacien est en Saskatchewan et le médecin aussi. Les données de base sont donc dans la province. Tout ce que fait Santé Canada, c'est de payer les chèques. Si toutes ces données existent en Saskatchewan, pourquoi ne pouvez-vous pas les verser dans votre base de données actuelle? Vous pouvez identifier ceux qui abusent des médicaments d'ordonnance sans que Santé Canada intervienne vu que c'est Santé Canada qui paie les factures, n'est-ce pas?

Dr Dennis Kendall: Nous l'avons fait dans le cas des stupéfiants et des drogues contrôlées. Il y a 10 ans, nous avons adopté une loi pour dire qu'on peut prescrire ces médicaments uniquement si on utilise un carnet d'ordonnances en triple exemplaire. Le pharmacien nous envoie une copie que nous versons dans la base de données. Les ministères provinciaux de la Santé hésitent d'habitude à traiter les données relatives aux ordonnances pour des Autochtones à moins que le gouvernement provincial ne se soit entendu là-dessus avec le gouvernement fédéral parce qu'ils ne veulent pas que le gouvernement fédéral se décharge de ses responsabilités sur eux. Pour les médicaments qui ne font pas partie du petit groupe que nous surveillons, nous n'avons pas accès aux renseignements. Le très grand nombre de benzodiazépines que l'on prescrit surchargeraient notre système. Il tomberait en panne le premier jour. Nous n'avons pas les ressources voulues pour créer un plus gros système.

Ces données sont déjà quelque part dans un ordinateur. Je suis bien d'accord avec vous là-dessus et, à notre époque, peu importe où se trouve le serveur, cela veut dire que les données doivent être disponibles.

M. Alex Shepherd: Très bien. Je poserai ma question maintenant à M. Cooney.

Vu que vous dites que la Colombie-Britannique administre déjà ce programme au nom du gouvernement fédéral, pourquoi la Saskatchewan ne le fait-elle pas?

M. Peter Cooney: C'est justement de cela que je voulais parler en mentionnant la technologie. Le programme d'ordonnances en triple exemplaire fonctionne bien en Saskatchewan, mais c'est un système manuel qui prend du temps.

À mon avis, il y a eu déjà bien des discussions entre notre bureau régional en Saskatchewan et le Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan pour garantir qu'on peut automatiser le système pour en arriver à un programme qui fonctionne en temps réel. Il est possible d'y parvenir et il suffirait simplement de remplacer le système manuel par un système informatisé. C'est pour cela que je parlais de la technologie et nous essayons encore de rattraper notre retard en Saskatchewan.

M. Alex Shepherd: Quand pensez-vous que nous aurons résolu ce problème pour qu'on puisse se débarrasser du système dysfonctionnel où l'on manque de communication?

M. Peter Cooney: Les discussions suivent leur cours, j'en ai parlé avec M. Kendall hier même. Nous sommes prêts à passer à l'étape de l'échange d'information. Notre problème, encore, est celui de la protection des renseignements personnels, à savoir que le nom du patient ne doit pas être communiqué. Mais quelque chose peut être fait à l'étape de la pharmacie, puisque dans le cadre de ce système, et nous en avons parlé ce matin, le pharmacien peut, selon la législation provinciale, communiquer le nom du patient.

Au Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan l'étape de la mise à l'épreuve ne va pas tarder, c'est-à-dire que les moyens techniques dont disposeront les pharmaciens vont être modernisés. Après cela, l'information circulera entre les pharmaciens et les organismes de réglementation, et Santé Canada n'aura pas à divulguer d'information personnelle, ou privée.

• 1635

M. Alex Shepherd: J'aimerais avoir des explications. Vous avez réussi, pour la Colombie-Britannique, à tourner la difficulté de la protection des renseignements personnels, en vous en remettant à l'autorité provinciale.

M. Peter Cooney: C'est exactement à mon avis ce que devrait faire la Saskatchewan.

M. John Bryden: Merci beaucoup.

M. Alex Shepherd: Quels seraient les délais?

M. Peter Cooney: Nous pensons que dans quelques mois nous pourrons conclure un accord avec le Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan.

M. Alex Shepherd: Vont-ils alors pouvoir disposer de ressources supplémentaires pour faire face aux problèmes évoqués par M. Kendall?

Dr Peter Cooney: Posez peut-être la question à M. Kendall. En tous les cas ça les permettra de tester leurs systèmes informatiques, qui devront effectivement accueillir une information massive. Ils sont à la veille de procéder à ces essais.

M. Alex Shepherd: Monsieur Kendall, on a dit que votre système était manuel, et vous avez vous-même expliqué qu'il allait être surchargé. Dois-je comprendre que le système de la Saskatchewan est complètement désuet, et que l'on ne peut pas envisager...

Dr Dennis Kendall: Non. La base de données et l'information sont sur des serveurs du Réseau d'information de la santé de Saskatchewan. Je viens de nommer l'agence d'information en matière de santé du gouvernement provincial.

Effectivement il y a un certain nombre d'obstacles techniques à surmonter. J'ai d'ailleurs toujours du mal à comprendre comment, encore aujourd'hui, mon organisme, qui est un organisme réglementaire, ne peut pas interroger la base de données de ce réseau d'information en matière de santé, si j'ai quelques doutes concernant les médicaments qu'a prescrits un médecin à un Autochtone.

C'est évidemment toujours une question de protection de la vie privée, et j'ai l'impression qu'on nous oblige à faire des tas de contorsions pour tourner la difficulté. Il faudrait en réalité y aller beaucoup plus carrément. On ne peut pas tout avoir, messieurs; sinon on va encore avoir bien d'autres cas comme Darcy Ironchild.

Le président: Monsieur Cooney, vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Peter Cooney: Monsieur le président, pour revenir à une note plus positive, et croyez-moi si vous voulez, nous avions aujourd'hui à Winnipeg une conférence avec l'Assemblée des premières nations et l'Inuit Tapirisat du Canada, pour en discuter, et j'ai pu intervenir dans le cadre d'une téléconférence lorsque je me suis absenté. Ils sont prêts à présenter nos recommandations, au cours d'une réunion qui sera convoquée d'ici deux semaines. Ils vont convoquer cette réunion où seront présents un certain nombre de chefs et la haute direction de l'Inuit Tapirisat du Canada, pour obtenir plus rapidement leur consentement. Cela nous permettrait donc de faire un pas énorme en avant, et notamment sur cette question de la protection des renseignements personnels.

Le président: C'est exactement la question que je voulais poser. Les chefs des Premières nations semblent-ils hésiter, pour ce qui est de cette transmission de l'information permettant aux médecins et pharmaciens de procéder à des vérifications, comme cela se fait déjà pour la population non autochtone—en Colombie-Britannique—et comme cela va se faire en Alberta? Est-ce que les Premières nations freinent le processus?

M. Peter Cooney: Monsieur le président, c'est peut-être aux Premières nations elles-mêmes qu'il faudrait poser la question.

À mon avis, il se pourrait qu'elles aient quelques réserves eu égard à ce que Santé Canada, ou qui que ce soit d'autres, pourrait faire de l'information en question. Il nous appartient donc à tous de veiller à ce que le patient, lorsqu'il donne son consentement, soit parfaitement informé de ce à quoi il donne son accord, et je crois...

Le président: Ma question était celle-ci: les dirigeants des Premières nations retardent-ils l'approbation, pour que la situation des Premières nations se compare à ce qui va se faire en Colombie-Britannique et en Alberta? C'est-à-dire une information en temps réel pour chaque ordonnance, disponible dans toute la province, disant exactement qui a rédigé l'ordonnance, et pour qui?

M. Peter Cooney: Nous attendons toujours la réponse des Premières nations, que nous avons d'ailleurs déjà demandée, et ça ne devrait pas tarder.

Le président: Depuis combien de temps l'attendez-vous?

M. Peter Cooney: Ça fait à peu près un an exactement que nous avons eu une réunion avec eux.

Le président: Et ils freinent...

M. Peter Cooney: Les Premières nations ont organisé des consultations importantes sur la question, monsieur le président, étant donné les craintes que l'on peut avoir quant à l'utilisation de l'information. Nous nous sommes également réunis de façon régulière. La question va enfin être posée. On semble être arrivé à une sorte d'impasse, ce qui est une indication positive.

Le président: C'est sans doute également une raison importante pour laquelle le ministère de la Justice vous conseille sur toute cette question de la vie privée. Vous êtes d'accord?

M. John Bryden: Oui. J'ai l'impression que vous soufflez des réponses aux témoins.

Le président: Vous aurez la parole un peu plus tard, M. Bryden. Nous allons redonner la parole à M. Mayfield.

Monsieur Mayfield, député de l'Alliance canadienne.

• 1640

M. Philip Mayfield: Merci, monsieur le président. Je crois avoir entendu certains dire que la technologie était accessible, mais en réalité ce n'est pas le problème que nous cherchons à résoudre. Il y a quelques années, Santé Canada avait déjà dit qu'un nouveau programme informatisé allait régler le problème, et ça n'a pas marché.

Je pose donc la question à Santé Canada: est-ce que la nomination d'un nouveau commissaire à la protection de la vie privée a changé quelque chose au problème? Est-ce là que ça bloque? Je ne me souviens pas, à l'époque de M. Phillips, que cette question de la protection des renseignements personnels se soit posée.

M. Peter Cooney: Jusqu'ici, monsieur Mayfield, nous traitons avec le Bureau du procureur général, et le ministère de la Justice nous conseille. Je suppose même qu'il y a des échanges entre le Bureau du procureur général et le commissaire. Mais nous sommes directement conseillés par un avocat du ministère de la Justice, et il est resté très constant dans ses positions. C'est également conforme avec l'avis qui a été donné au Bureau du vérificateur général sur cette question: leur avocat leur a fait la même réponse que le nôtre.

M. Philip Mayfield: On a parlé aussi ce matin de passer au niveau supérieur, c'est-à-dire des consultations avec le procureur général à l'adoption d'une loi par la Chambre des communes. Lorsque j'ai posé la question à M. Potter, il ne semblait pas très chaud pour que l'on s'engage dans cette voie. J'ai l'impression que nous sommes dans une impasse; des gens continuent à mourir et Santé Canada est impuissant. Le Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan, et peut-être également dans d'autres provinces, est paralysé puisqu'il ne peut pas obtenir l'information nécessaire de Santé Canada.

À part un projet de loi, qu'est-ce que nous pouvons faire?

M. Peter Cooney: Je pense effectivement qu'il faut passer par la voie du consentement. C'est exactement la solution dont nous avons discuté à l'une de nos réunions de ce matin avec l'Assemblée des premières nations, et ils sont prêts à s'engager dans cette voie.

M. Philip Mayfield: Nous nous trouvons à l'heure actuelle dans une situation où certaines personnes sont surmédicalisées, pour une raison ou une autre. Et on voit des gens mourir. Voulez-vous encore prolonger la période de consultation, pendant que des gens risquent d'y laisser leur peau? Est-ce vraiment la solution au problème? Combien encore de décès sommes-nous prêts à accepter, pour pouvoir continuer à discuter du problème, dont je m'entretiens d'ailleurs moi-même avec des représentants de votre ministère depuis plus de deux ans?

M. John Bryden: Depuis au moins six ou sept ans, d'ailleurs.

Le président: Monsieur Cooney.

M. Peter Cooney: Monsieur Mayfield, je crois que nous disons tous à peu près la même chose ici: nous désirons tous que quelque chose se fasse. La question est de savoir comment. Je crois fermement que les choses ne vont pas traîner. Étant donné la situation, je crois également que très rapidement l'Assemblée des premières nations et le Tapirisat nous donneront une réponse.

Comme nous vous l'avons dit ce matin, nous aimerions effectivement que les choses avancent si nous devons aboutir dès cette année à la mise en place de la solution du consentement. Nous en avions discuté au mois d'avril à la réunion du Comité des comptes publics.

M. Philip Mayfield: Voilà un langage qui m'inquiète. Vous dites «cette année». Il reste encore six mois avant la fin de l'année. Je pourrai comprendre que vous parliez de vous réunir dans 15 jours, avec la ferme volonté de parvenir à obtenir un accord sur ce consentement dont on besoin les médecins et les pharmaciens, ou toute autre solution qui pourrait être négociée dans 15 jours. Cela fait tout de même très longtemps que nous en discutons, et six mois c'est très long dans la vie d'un toxicomane.

Le président: Monsieur Cooney.

M. Peter Cooney: Monsieur Mayfield, lorsque je dis cette année, je veux dire que nous avons déjà l'intention d'obtenir le consentement de bon nombre de patients cette année. Nous allons nous réunir pour discuter de cette question d'ici deux mois; il y aura donc des discussions et nous passerons aux actes. Lorsque j'ai dit cette année, je voulais dire que l'on en serait déjà à enregistrer le consentement des patients.

M. Philip Mayfield: Est-ce que je peux compter là-dessus?

• 1645

M. Peter Cooney: Assurément. Nous nous y étions déjà engagés au mois d'avril.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci.

Nous cédons maintenant la parole à un député libéral, M. John Finlay, qui jusqu'ici est resté silencieux.

Monsieur Finlay.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai l'impression que je commence à voir clair dans nos problèmes. J'ai une question à adresser à M. Kandell. Comme vous le disiez, le Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan est un organisme professionnel qui veille à ce que les médecins respectent la déontologie. Monsieur Kandell, j'ai ici un passage de l'article 52 de vos statuts, où il est question d'infraction à la déontologie, de conduite inacceptable ou répréhensible de la part du médecin. À l'alinéa 2a), on cite notamment le fait de transmettre une information sur l'état d'un malade, sur les traitements auxquels il a pu être soumis, information qui serait transmise à une personne autre que le patient lui-même, et sans son consentement, et dans des conditions qui ne sont pas prescrites par la loi.

Je comprends très bien cela, mais j'ai en même temps l'impression que cela contredit un peu ce que vous nous avez dit tout à l'heure: à savoir que vous pouvez obtenir cette information, et qu'elle ne doit pas être tenue secrète. Pourtant, d'après votre propre réglementation, elle devrait l'être.

Dr Dennis Kendall: Ces statuts règlent la pratique des médecins. Il y est donc question de ce qu'on appelle le secret médical, la relation médecin-patient. C'est-à-dire que le médecin ne peut pas, à la légère, discuter du cas d'un de ses malades avec des personnes tierces, sauf celles qui sont autorisées, par la loi, ou par consentement du malade, à en être informées.

Ça n'a rien à voir avec la communication de cette information à des organismes chargés de programmes tels que ceux dont nous discutons ici. Les statuts du Collège ne visent que le praticien.

M. John Finlay: Mais n'êtes-vous pas justement contraint d'obtenir votre information de ce praticien, docteur Kendall?

Dr Dennis Kendall: Si nous enquêtons sur la façon dont tel ou tel médecin délivre des ordonnances, par exemple, il est tenu, de par la loi, de répondre aux questions que nous, l'organisme réglementaire, lui posons. Cela relève d'ailleurs du passage qui stipule «sauf si la loi l'exige».

Ailleurs dans les statuts, vous verrez que lorsque nous demandons à un médecin de nous donner un exemplaire du dossier d'un patient, par exemple, il est tenu de le faire conformément à la loi. Cela n'a rien à voir avec le consentement du patient, c'est la loi qui l'exige.

Ce que j'essaie de dire, c'est que lorsqu'il faut faire une quête dans le cas d'un médecin, il nous faut des faits précis.

M. John Finlay: Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'était simplement la juxtaposition...

Dr Dennis Kendall: L'objet de ce statut c'est d'empêcher les médecins de mentionner à d'autres des détails précis concernant l'état d'un patient.

M. John Finlay: Merci.

Le président: Merci, monsieur Finlay.

J'ai oublié de dire que M. Cooney et M. Berthelette doivent nous quitter à 17 heures, c'est-à-dire dans environ 15 minutes. Il ne restera plus que M. Hodes de Santé Canada. Je ne sais pas si ce sera une bonne idée de continuer la réunion après 17 heures, alors nous allons essayer de tout conclure dans environ un quart d'heure.

Je donne de nouveau la parole à monsieur Bryden, député libéral.

M. John Bryden: J'aimerais poser ma question à monsieur Cooney, ou un autre représentant de Santé Canada. J'aimerais savoir qui, d'après lui, est avant tout responsable de la santé et la sécurité des Autochtones, des Canadiens des Premières nations canadiennes. Est-ce les dirigeants des Premières nations ou le Parlement?

Vous avez maintenu à plusieurs reprises que vous attendez le consentement des Premières nations sur la divulgation électronique de ces renseignements. Mais si l'Assemblée des premières nations refuse, quel est le rôle du Parlement? Il est bien certain qu'en fin de compte, c'est au Parlement que revient la décision en matière de communication de renseignements aux fournisseurs de soins.

Après tout, comme l'a signalé M. Mayfield, des gens meurent. En fait, c'est une décision qui devra être prise par le Parlement sur recommandation de Santé Canada, indépendamment des susceptibilités des dirigeants des Premières nations.

• 1650

Le président: Monsieur Cooney.

M. Peter Cooney: Monsieur Bryden, je comprends votre point de vue qui me paraît valable. Il s'agit en réalité d'une question pragmatique. Nous avons constaté que si l'on cherche à inscrire 700 000 personnes, c'est beaucoup plus facile à faire si ces gens y consentent. C'est pour cela que nous avons décidé d'obtenir le soutien de leurs dirigeants. Je comprends votre point de vue mais nous voulons la collaboration des dirigeants des Premières nations dans cette initiative.

M. John Bryden: Puis-je faire une observation, monsieur le président? J'ai été pendant longtemps membre du Comité des affaires indiennes et je peux vous dire que les dirigeants des Premières nations ne parlent pas au nom de la majorité des Autochtones dans les villes qui, comme nous l'avons appris ce matin, sont les plus affectées par ce problème.

Je ne vous demande pas de répondre à cette observation car il ne serait pas juste de vous mettre dans cette situation mais j'ai l'impression que nous attendons la réponse d'un groupe de dirigeants qui ne parle pas au nom des personnes les plus affectées par le problème que nous essayons de résoudre.

Le président: J'ai également l'impression, monsieur Bryden et monsieur Cooney, que le régime mis au point pour la population non autochtone de la Colombie-Britannique, le même régime qui sera bientôt proposé en Alberta, n'exige pas l'inscription de toutes ces personnes. Il me semble que toutes les ordonnances seront inscrites sans qu'on demande aux patients leur opinion sur la question de savoir s'ils veulent ou non y participer.

Alors pourquoi ce problème d'inscription? Revenez-vous à cette idée du consentement, ou avez-vous l'intention de donner suite à cette procédure?

Monsieur Cooney.

M. Peter Cooney: Monsieur le président, votre observation est exacte. Le régime de la Colombie-Britannique n'est pas un régime établi par la loi—si nous en avions un, il ne serait pas nécessaire de faire inscrire les gens, comme nous l'avons expliqué ce matin. Mais ce n'est pas un régime établi par la loi, d'où la nécessité d'un consentement.

Le président: Eh bien, ce serait peut-être mieux d'avoir une loi que 700 000 formulaires de consentement.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: J'aurais quelques observations à faire. Je crois savoir que Santé Canada informe la population de la Saskatchewan que les médecins qui rédigent les ordonnances ne peuvent pas communiquer les noms des patients entre eux puisque le ministère de la Justice a fait savoir à Santé Canada que ce n'est pas réglementaire. Et cet avis est exact.

Cela se résume donc au fait que Santé Canada se conforme à l'avis du ministère de la Justice, qui a interprété pour vous la disposition sur la vie privée, et c'est là où le problème se pose pour vous, n'est-ce pas?

M. Peter Cooney: C'est exact.

M. John Bryden: Si vous voulez bien m'écouter pendant deux secondes, monsieur le président, je recommande fortement que nous recommandions au ministère de la Justice ou au ministre de la Santé de faire connaître au comité cette opinion juridique offerte par le ministère de la Justice à Santé Canada sur cette question de la vie privée. Le ministre a la latitude de le faire et il y a aussi le recours à la Loi sur l'accès aux renseignements, de sorte que nous puissions une fois pour toutes élucider cette question.

Le président: Merci, monsieur Bryden. Nous n'avons pas de quorum maintenant, alors vous ne pouvez pas présenter une motion, mais lorsque neuf membres seront présents, vous pourrez peut-être la proposer, et nous ferons notre demande au ministère de la Justice.

M. Philip Mayfield: Je voudrais aussi demander, monsieur le président, que les représentants de Santé Canada reviennent devant notre comité dans un avenir pas trop lointain pour nous parler des progrès qui auront été réalisés. Malheureusement le Parlement est sur le point d'ajourner pour le congé d'été mais le début de l'automne ne serait pas trop tôt.

Le président: Le dernier mot, monsieur Bryden.

M. John Bryden: Autre question assez mineure. La chose va se confirmer plus tard mais il me semble que Santé Canada suit une opinion juridique du ministère de la Justice fondée sur une loi qui n'a pas encore été adoptée. Nous faisons face à un dilemme: des gens meurent en Saskatchewan et d'autres veulent les aider mais un problème se pose ici même à Ottawa.

Le président: Merci de votre observation en guise de conclusion, monsieur Bryden.

Je voudrais remercier nos témoins de la Saskatchewan qui nous ont beaucoup appris et qui ont parlé avec beaucoup de franchise. Nous en sommes fort reconnaissants.

• 1655

Dr Dennis Kendall: Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.

Le président: Merci, et merci aussi aux fonctionnaires de Santé Canada.

Avant le départ de nos visiteurs de la Saskatchewan, je tiens à dire que nous terminons généralement nos séances avec quelques observations du Bureau du vérificateur général. Monsieur Campbell, avez-vous quelque chose à dire en conclusion?

M. Ronnie Campbell: Merci, monsieur le président.

Permettez-moi simplement de répéter brièvement que nous sommes sérieusement préoccupés par certains aspects de ce programme. Nous espérons que nos rapports ont bien expliqué les raisons de ces inquiétudes.

Nous sommes heureux d'entendre les engagements pris au nom de Santé Canada pour mettre en oeuvre les recommandations dont il a été question aujourd'hui, et nous sommes également heureux d'apprendre ce qui a été fait depuis la vérification de l'automne dernier. Vous comprenez que ces solutions vont exiger un effort continu et soutenu de leur part. Nous allons suivre la situation de près afin de vérifier les progrès du ministère.

Le président: Je pense que Santé Canada en prendra bonne note, monsieur Campbell.

La séance est levée.

Haut de la page