AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 11 juin 2003
¹ | 1515 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
Le grand chef Chris McCormick (Association des Iroquois et des indiens unis) |
Le président |
Le grand chef Chris McCormick |
¹ | 1520 |
¹ | 1525 |
¹ | 1530 |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) |
Le président |
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ) |
¹ | 1535 |
Le grand chef Chris McCormick |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
Le grand chef Chris McCormick |
M. Charles Hubbard |
Le grand chef Chris McCormick |
M. Charles Hubbard |
Le grand chef Chris McCormick |
M. Charles Hubbard |
Le grand chef Chris McCormick |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le grand chef Chris McCormick |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
Le grand chef Chris McCormick |
Le président |
¹ | 1545 |
M. Eric Large (conseiller, Première nation de Saddle Lake) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
M. Eric Large |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
Mme Pauline Picard |
º | 1600 |
M. Eric Large |
Mme Pauline Picard |
M. Eric Large |
Mme Pauline Picard |
Le président |
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.) |
Le président |
M. Gérard Binet |
º | 1605 |
M. Eric Large |
M. Gérard Binet |
M. Eric Large |
Le président |
M. Eric Large |
Le président |
º | 1610 |
M. Ken MacLeod (À titre individuel) |
º | 1615 |
º | 1620 |
Le président |
Mme Pauline Picard |
Le président |
Mme Pauline Picard |
º | 1625 |
M. Ken MacLeod |
Le président |
M. Gérard Binet |
M. Ken MacLeod |
M. Gérard Binet |
M. Ken MacLeod |
M. Gérard Binet |
M. Ken MacLeod |
M. Gérard Binet |
º | 1630 |
Le président |
M. Ken MacLeod |
Le président |
M. Fred Lazar (économiste, Schulich School of Business, Université York) |
º | 1635 |
º | 1640 |
º | 1645 |
Le président |
Mme Pauline Picard |
M. Fred Lazar |
º | 1650 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
M. Fred Lazar |
M. Charles Hubbard |
M. Fred Lazar |
M. Charles Hubbard |
M. Fred Lazar |
M. Charles Hubbard |
º | 1655 |
M. Fred Lazar |
M. Charles Hubbard |
M. Fred Lazar |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
M. Fred Lazar |
Le président |
M. Fred Lazar |
Le président |
» | 1700 |
M. Fred Lazar |
Le président |
Le président |
Le président |
Le grand chef Margaret Swan (Assembly of Manitoba Chiefs) |
Le président |
Le grand chef Margaret Swan |
¼ | 1835 |
¼ | 1840 |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
¼ | 1845 |
Le grand chef Margaret Swan |
M. Yvan Loubier |
Le grand chef Margaret Swan |
Le président |
M. Gérard Binet |
¼ | 1850 |
Le grand chef Margaret Swan |
M. Gérard Binet |
Le grand chef Margaret Swan |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
Le grand chef Margaret Swan |
¼ | 1855 |
Le président |
Le chef Stewart Phillip (président, Union of British Columbia Indian Chiefs) |
½ | 1900 |
½ | 1905 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
½ | 1910 |
Le chef Stewart Phillip |
M. Yvan Loubier |
Le chef Stewart Phillip |
M. Yvan Loubier |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
Le chef Stewart Phillip |
½ | 1915 |
Mme Anita Neville |
Le chef Stewart Phillip |
Mme Anita Neville |
Le chef Stewart Phillip |
½ | 1920 |
Mme Anita Neville |
Le président |
Le chef Stewart Phillip |
Le président |
M. Roger Obonsawin (président, Aboriginal Peoples Council of Toronto) |
½ | 1925 |
½ | 1930 |
Le président |
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.) |
M. Roger Obonsawin |
½ | 1935 |
M. Stan Dromisky |
M. Roger Obonsawin |
M. Stan Dromisky |
M. Roger Obonsawin |
M. Stan Dromisky |
Le président |
M. Stan Dromisky |
M. Roger Obonsawin |
M. Stan Dromisky |
Le président |
M. Yvan Loubier |
½ | 1940 |
M. Roger Obonsawin |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Charles Hubbard |
M. Roger Obonsawin |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
M. Roger Obonsawin |
M. Charles Hubbard |
M. Roger Obonsawin |
½ | 1945 |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
M. Roger Obonsawin |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
M. Roger Obonsawin |
½ | 1950 |
Le président |
M. Roger Obonsawin |
Le président |
Le président |
Le grand chef Francis Flett (Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc.) |
Le président |
Le grand chef Francis Flett |
Le président |
Le président |
Le grand chef Francis Flett |
¾ | 2005 |
¾ | 2010 |
M. Michael Anderson (directeur de la recherche, Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc.) |
Le président |
¾ | 2015 |
M. Michael Anderson |
Le président |
M. Michael Anderson |
Le président |
M. Michael Anderson |
Le président |
M. Michael Anderson |
¾ | 2020 |
¾ | 2025 |
¾ | 2030 |
Le président |
M. Larry Blain (À titre individuel) |
¾ | 2035 |
Le président |
¾ | 2040 |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
M. Larry Blain |
Le président |
M. Larry Blain |
Le président |
M. Larry Blain |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 11 juin 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1515)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): L'ordre du jour est le suivant: Projet de loi C-19, Loi prévoyant les pouvoirs en matière d'imposition foncière des premières nations, constituant la Commission de la fiscalité des premières nations, le Conseil de gestion financière des premières nations, l'Administration financière des premières nations ainsi que l'Institut de la statistique des premières nations et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.
Nous sommes heureux de la participation, par vidéoconférence, du grand chef Chris McCormick, de l'Association des Iroquois et des indiens unis.
Bonjour, grand chef.
Le grand chef Chris McCormick (Association des Iroquois et des indiens unis): Bonjour. Je vous remercie pour votre invitation.
Je tiens à saluer les membres du comité permanent. Je vous remercie d'avoir accepté ma demande.
Le président: Je vous remercie pour votre participation.
Nous aurons une demi-heure d'entretien. Nous vous invitons à faire votre exposé en espérant que vous nous laisserez du temps pour poser des questions.
Allez-y.
Le grand chef Chris McCormick: Je voudrais faire une déclaration fondée sur mon expérience et sur mon étude du projet de loi du gouvernement.
Je ne pense pas que les présentes délibérations serviront au mieux les intérêts de nos membres ou des Premières nations à l'échelle pancanadienne. Je voudrais toutefois faire consigner au compte rendu une résolution qui a été adoptée par notre assemblée générale. Elle a été proposée par le chef Harry Doxtator et appuyée par le chef Vernon Syrette.
Objet: Projet de loi sur la gouvernance des premières nations et projet de loi sur les institutions financières des premières nations. |
ATTENDU QUE en 1969, le gouvernement fédéral a tenté de mettre en oeuvre un Livre blanc sur la politique relative aux Indiens; et |
ATTENDU QUE le Livre blanc de 1969 sur la politique relative aux Indiens proposait, entre autres initiatives, de: |
Cesser de reconnaître dans la loi et dans la Constitution les «terres indiennes et terres réservées pour les Indiens»; |
Ne pas tenir compte des droits et des titres ancestraux et mettre un terme à la relation historique fondée sur des traités; |
Scinder les réserves en terres allouées en fief simple; |
Imposer des lois provinciales; |
ATTENDU QUE la politique de 1969 du gouvernement fédéral consistant à mettre un terme aux droits ancestraux et issus de traités, qui a été relancée et est imposée de façon générale par le non-renouvellement, la réduction ou la suppression de programmes essentiels pour les collectivités autochtones; et |
ATTENDU QUE les droits ancestraux et issus de traités des nations indiennes sont tronqués, violés et déniés, malgré que l'article 35 de la Constitution du Canada a été promulgué il y a 20 ans et malgré les décisions judiciaires faisant jurisprudence de la Cour suprême du Canada, comme l'arrêt Delgamuukw, et |
ATTENDU QUE le gouvernement fédéral se prépare en outre à imposer les objectifs qu'il s'est fixés dans sa politique de 1969, par le biais de son programme législatif qui compte plusieurs volets ou parties; et |
ATTENDU QUE un volet du programme législatif fédéral est la «Loi sur la gouvernance des premières nations» proposée, ayant pour objet de violer notre droit inhérent à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale par une ingérence directe dans nos domaines de compétence et dans nos domaines clés de gouvernance comme le statut juridique, les élections, l'obligation de rendre des comptes et l'application de la loi; et |
ATTENDU QUE un autre volet plus dissimulé du programme législatif fédéral est la «Loi sur les institutions financières des premières nations» proposée, prévoyant notamment que le gouvernement fédéral a recours à la Commission consultative de la fiscalité indienne et à certains «champions» indiens pour promouvoir un modèle de développement communautaire municipal en instaurant quatre institutions nationales afin de faciliter l'abandon légal de ses obligations de fiduciaire, en ce qui concerne le maintien de l'infrastructure et du logement dans les réserves, tout en forçant les bandes indiennes à appliquer des régimes fonciers et d'autres régimes fiscaux dans les réserves, y compris à émettre des obligations de type municipal, pour maintenir l'infrastructure et le logement; et |
ATTENDU QUE les quatre institutions nationales proposées sont: |
La Commission de la fiscalité des premières nations; |
L'Administration financière des premières nations; |
Le Conseil de gestion financière des premières nations; et |
L'Institut de la statistique des premières nations; |
ATTENDU QUE la «Loi sur les institutions financières des premières nations» proposée est un projet de loi national qui 1) est fondé sur un modèle municipal ainsi que sur une délégation des pouvoirs mais pas sur la reconnaissance de notre droit inhérent à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale; 2) entraînera des charges fiscales accrues pour nos membres, tout en réduisant les obligations et responsabilités courantes du gouvernement fédéral en ce qui concerne les paiements de transfert pour les projets d'immobilisation de notre bande; 3) aboutira probablement à l'assimilation de nos réserves aux régimes fiscaux et fonciers municipaux et provinciaux; 4) aura probablement des conséquences néfastes pour les membres de notre bande pour les générations à venir. |
IL EST RÉSOLU QUE les nations membres de l'Association des Iroquois et des indiens unis réunies en assemblée à Oneida ce 25e jour de mai 2002, s'opposent et rejettent la «Loi sur la gouvernance des premières nations» et la «Loi sur les institutions financières des premières nations» proposées parce qu'elles constituent une violation de notre droit inhérent à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale. |
¹ (1520)
IL EST EN OUTRE RÉSOLU QUE les nations membres de l'Association des Iroquois et des indiens unis prie le gouvernement fédéral, et ses «champions» des Premières nations, y compris la Commission consultative de la fiscalité indienne, de mettre fin immédiatement à toutes les activités axées sur l'adoption de ce projet de loi national et de collaborer avec les Premières nations dans le cadre de discussions bilatérales fondées sur le respect, ayant pour but l'application des droits, selon les recommandations faites dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) et le rapport Penner. |
Je lis cette résolution pour vous faire prendre conscience du processus qui a été suivi à l'échelle nationale. Je pense que le fait que l'association que je représente n'appuie pas le projet de loi est très clair. À l'échelle nationale, nous avons assisté à une assemblée à Halifax en 2001 au cours de laquelle une résolution portant sur l'acceptation de ce projet de loi a été proposée. En vertu de notre charte, une résolution nécessite l'appui de 60 p. 100 des chefs. Ce taux d'appui n'a pas été atteint à l'assemblée mais, pour aller de l'avant, l'invalidation a été levée et on a demandé aux promoteurs du projet de loi de le rédiger et de le présenter à nouveau à l'assemblée pour que les chefs l'approuvent. À l'assemblée suivante de Kahnawake, qui s'est tenue en juillet 2002, le projet de loi ne nous a pas été remis et, par conséquent, aucune autre résolution n'a été présentée à son sujet.
Finalement, lorsque les chefs ont reçu la documentation concernant le projet de loi, une résolution que je trouve conciliante a été adoptée à l'assemblée par les chefs. La résolution indiquait que nous ne tenions pas à mettre des bâtons dans les roues des Premières nations pour lesquelles ce type de projet de loi pourrait être une source d'occasions. Les Premières nations qui pourraient en tirer parti sont celles qui vivent dans des réserves où sont établis de nombreux intérêts commerciaux non autochtones. Je pense que dans certaines réserves, notamment de la Colombie-Britannique, la collectivité compte environ 400 ou 500 membres des Premières nations alors que les intérêts et les édifices commerciaux non autochtones dépassent le millier. Dans leur cas, l'assiette fiscale serait avantageuse pour la collectivité. Je pense que certaines collectivités ont prospéré grâce à leur capacité d'imposer des taxes sur ces intérêts.
Dans nos collectivités et dans la plupart des collectivités du Nord, l'assiette fiscale se limite à nos membres et dans la plupart de nos collectivités, le taux de chômage se situe entre 35 p. 100 et 90 p. 100. Par conséquent, ce système n'est pas rentable dans nos collectivité.
La position que nous avons adoptée à l'assemblée nationale est que si les personnes qui appuient le projet de loi voudraient qu'il soit adopté, il serait souhaitable de leur donner satisfaction, mais ces Premières nations devraient être spécifiées dans le projet de loi. Leur nom devrait être ajouté au projet de loi; le projet de loi ne serait pas d'application générale et ce serait un document définitif. Il n'y aurait pas de possibilité d'adhésion ni de retrait, tel que prévu dans sa version actuelle.
Je pense que le gouvernement fédéral a créé un précédent en ce qui concerne la taxe d'harmonisation. Elle est instaurée par une loi fédérale qui ne s'applique qu'à trois provinces de l'Atlantique. Par conséquent, j'espère qu'il sera possible d'envisager cette option. Un précédent a été établi et la formule semble être satisfaisante. Les provinces de l'Atlantique ont obtenu ce qu'elles désiraient et les provinces qui ne voulaient pas participer à ce projet de loi fédéral ont la possibilité de maintenir leur système actuel.
¹ (1525)
Je voudrais examiner brièvement quelques-unes des lacunes que nous avons relevées dans ce projet de loi. Nous pensons que les Premières nations dotées de règlements administratifs fiscaux pris en vertu de l'article 83 de la Loi sur les Indiens tomberont automatiquement sous le contrôle de la commission de la fiscalité et du conseil de gestion, et que le retrait sera quasi impossible.
La commission de la fiscalité a un droit de veto sur toute tentative de révoquer le régime de fiscalité foncière. Les membres de l'administration financière doivent donner leur consentement pour qu'une Première nation ait l'autorisation de se retirer. Même si d'autres institutions financières offrent de meilleurs taux, quand on est membre de ce groupe, on n'a pas l'option de profiter d'un taux plus bas.
Nous avons de vives préoccupations au sujet du conseil de gestion. Si pour une raison ou une autre, une collectivité ne respecte pas ses obligations financières à l'égard de cette institution, le conseil de gestion pourra intervenir de façon arbitraire et unilatérale et augmenter le taux d'imposition.
Au cours de nos discussions, un chef qui est membre du Traité Robinson-Huron a mentionné que si l'on imposait une administration aux collectivités membres de ce traité, ce serait par le biais des signataires du traité, soit les chefs des collectivités membres de ce traité. Ils n'envisagent pas la possibilité qu'un organisme extérieur ait la priorité sur le chef et le conseil des collectivités concernées.
Nous pensons en outre que l'institut de la statistique a le pouvoir de recueillir des données sur les Premières nations auprès de toutes les directions du gouvernement fédéral sans le consentement des principales concernées. L'accent est mis sur la gestion financière et la fiscalité locale mais pas sur des transferts financiers accrus ni sur le partage des ressources et des recettes.
Le principe sur lequel s'appuie le projet de loi est que le droit inhérent n'inclut pas la compétence de prendre des textes législatifs sur la gestion financière locale, la perception de recettes et la budgétisation, ce qui cause un préjudice à toutes les Premières nations, celles qui adhéreront au nouveau système et les autres.
Le projet de loi crée en outre un dangereux précédent en ce qui concerne le droit inhérent et les relations financières bilatérales. Le principe sur lequel repose ce projet de loi est que le droit inhérent n'inclut pas le contrôle de la perception locale de recettes sur la gestion financière et que les recettes perçues doivent être investies dans l'infrastructure et dans d'autres secteurs relevant normalement de la responsabilité fiduciaire du ministère des Affaires indiennes et du Nord (MAINC).
Les budgets de plusieurs millions de dollars de l'institution seront prélevés pour une période d'une durée indéterminée sur les enveloppes actuelles du MAINC. C'est donc en fait un transfert permanent de fonds destinés à l'ensemble des Premières nations à un petit nombre de collectivités et de personnes.
Les diverses parties du projet de loi instaurent un modèle national et non localisé. C'est un projet de loi national dont la mise en oeuvre nécessite un appui à l'échelle nationale alors que, comme je l'ai mentionné, il n'a pas été approuvé à l'unanimité par les chefs à l'assemblée.
Le projet de loi ne suit pas les principales recommandations d'ordre financier de la CRPA. Les dispositions concernant les diverses institutions créées ne contiennent aucun indice que le Canada devrait augmenter les transferts aux Premières nations. Par contre, au cours des deux dernières années, les provinces ont réalisé d'énormes gains financiers en exigeant davantage de fonds du gouvernement fédéral; les provinces ont soutiré des fonds supplémentaires sans créer de nouvelles institutions.
La série de dispositions concernant les institutions proposée est fondée sur le principe que les recettes accrues des Premières nations devraient être autogénérées par l'imposition foncière locale et par les prêts accordés en fonction de ces recettes fiscales. Je pense que ce n'est pas une option réaliste pour neuf Premières nations sur dix.
Le rapport Penner a recommandé l'établissement de nouvelles relations financières bilatérales. D'après ce rapport, des transferts annuels accrus du gouvernement fédéral devraient être fondés sur tous les facteurs pertinents et établis à la suite de négociations de nation à nation. Adoptant la même approche, la principale recommandation d'ordre financier de la CRPA porte sur un transfert massif de fonds aux Premières nations étalé sur une période de 20 ans.
¹ (1530)
À ce propos, étant donné que l'autre volet de cet ensemble de projets de loi est le projet de loi sur les revendications territoriales, nous estimons que nos collectivités ne devraient pas envisager la mise en oeuvre d'un régime fiscal avant que le gouvernement fédéral n'ait réglé nos revendications territoriales individuelles et globales. Ces revendications sont un fardeau juridique pour le gouvernement fédéral jusqu'à ce qu'elles aient été réglées.
Je pense avoir indiqué sans ambiguïté que notre association n'appuie pas ce projet de loi. Les chefs qui en sont membres ont appuyé la résolution nationale concernant un projet de loi régionalisé. Nous espérons que vous trouverez cette option acceptable et que vous l'examinerez.
Je suis maintenant prêt à répondre aux questions que vous avez à poser.
Le président: Je vous remercie pour cet excellent exposé, grand chef.
Il s'agit d'un tour de questions de trois minutes, autrement dit trois questions de trois minutes. Ce délai de trois minutes englobe la question et la réponse.
Je m'excuse d'avance, grand chef, mais si le délai est écoulé, je devrai vous couper la parole. Je m'efforcerai de le faire délicatement parce que je tiens à ce que vous ayez le temps de faire des observations finales.
Monsieur Vellacott, vous disposez de trois minutes.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Je voudrais laisser d'abord la parole à madame Picard, si cela vous convient.
Le président: Madame Picard.
[Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Merci, monsieur le président. Je regrette de ne pas avoir tout compris l'exposé de votre point de vue, étant donné le problème d'audio.
Cependant, je crois comprendre que vous n'êtes pas en faveur du projet de loi C-19. J'aimerais savoir si vous optez pour le statu quo ou si vous suggérez que des modifications soient apportées au projet de loi C-19. Quelle serait la meilleure solution pour vous?
¹ (1535)
[Traduction]
Le grand chef Chris McCormick: Je pense que la meilleure solution serait de régionaliser le projet de loi afin qu'il s'applique aux Premières nations qui veulent y adhérer et que l'on supprime la clause d'adhésion, c'est-à-dire que les Premières nations de Kamloops et de Westbank, par exemple, ou d'autres Premières nations qui l'appuient, aient l'occasion d'adhérer et que leur nom soit mentionné dans le projet de loi. La disposition d'adhésion et de retrait devrait être supprimée. Cette solution a l'appui de l'assemblée des chefs nationaux et c'est, à mon avis, la meilleure solution.
Nous ne voulons pas empêcher les Premières nations qui peuvent tirer profit de ce projet de loi d'y adhérer. Nous n'approuvons toutefois pas l'adoption d'un projet de loi national qui ne présente aucun avantage pour les Premières nations qui n'ont pas l'assise économique ou la présence d'entreprises non autochtones nécessaires pour instaurer une assiette fiscale dans nos collectivités. On ne peut pas faire saigner une pierre.
Le président: Je vous remercie.
Merci, madame Picard.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour, monsieur McCormick.
En ce qui concerne les biens situés dans les réserves appartenant à des non-Autochtones—des bâtiments, etc.—, est-ce que certaines des Premières nations membres de votre association sont dans ce cas et tentent-elles alors d'exiger le paiement d'un droit ou d'un impôt annuel sur ces biens fonciers?
Le grand chef Chris McCormick: Je vous remercie pour la question.
Le système en vigueur en ce qui concerne les collectivités ou les intérêts non autochtones sont très réduits et l'approche que nous avons adoptée dans nos collectivités est que les non-Autochtones doivent verser un loyer pour l'utilisation des édifices situés sur la réserve. C'est la réserve qui est propriétaire des édifices et elle les loue. C'est la méthode à laquelle nous avons recours pour recevoir une juste rémunération pour leur présence sur la réserve et pour les débouchés économiques dont ces personnes bénéficient.
M. Charles Hubbard: À supposer, en exagérant quelque peu, que Wal-Mart établisse un gros complexe, comme l'a fait une autre entreprise à Millbrook, et qu'elle propose à un chef et à son conseil d'établir cette entreprise commerciale dans leur réserve. Vous avez mentionné que vous faites payer un loyer plutôt qu'un impôt foncier, pour leur présence sur vos terres pendant une certaine période.
Le grand chef Chris McCormick: Non, vous m'avez demandé comment on procède dans les collectivités des Premières nations qui sont membres de notre association.
M. Charles Hubbard: Oui.
Le grand chef Chris McCormick: L'approche est qu'elles rejettent l'option d'un impôt. Nous pensons que nous avons payé nos taxes. L'approche en ce qui concerne les intérêts non autochtones présents dans la réserve consiste à exiger un loyer.
M. Charles Hubbard: Vous pensez donc qu'il faudrait mentionner dans le projet de loi C-19 le nom des Premières nations qui y adhéreraient.
Au lieu d'avoir la possibilité d'adhérer de leur propre initiative, toute demande d'inscription d'une Première nation supplémentaire dans la liste qui pourrait être créée à la suite de l'adoption de ce projet de loi, cet été ou cet automne, devrait être soumise au Parlement.
Le grand chef Chris McCormick: Je pense que c'est juste. Je pense que les chefs qui ont participé à l'assemblée avaient connaissance de la résolution proposée et que 95 p. 100 des délégués l'ont acceptée. Par conséquent, les Premières nations sont conscientes qu'elles ont cette occasion unique d'adhérer à ce projet de loi, puis le chef et le conseil de la collectivité concernée pourront décider s'ils veulent y adhérer et s'ils ont un délai, la responsabilité leur incombe. C'est une façon de procéder qui est respectueuse à l'égard du chef et du conseil des collectivités concernées. S'ils disent qu'ils ne veulent pas adhérer au projet de loi, ils prennent une décision qu'ils estiment être dans l'intérêt supérieur de leur collectivité. Je pense que c'est un droit que votre comité et le Parlement devraient respecter.
¹ (1540)
Le président: Je vous remercie.
Merci, monsieur Hubbard.
Monsieur Vellacott. Vous disposez de trois minutes.
M. Maurice Vellacott: Je vous remercie, monsieur McCormick. Je suis très heureux de vous revoir.
Je pense que vous avez mentionné clairement que l'annexe ou la liste serait la meilleure solution—comme l'ont fait d'autres personnes avec lesquelles certains d'entre nous ont eu des discussions.
De toute évidence, une erreur d'interprétation est commise parce que, en ce qui concerne la Loi sur la gestion des terres des premières nations, l'adhésion initiale de 14 Premières nations et l'adhésion ultérieure d'autres nations étaient prévues. Ce n'est pas une obligation de s'adresser au Parlement. C'est une question qui relève du gouverneur en conseil.
Je pense que M. Bellegarde a mentionné hier...
Il s'agit plus précisément de l'article 45 de la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Je sais donc quel est le dilemme. Il n'est pas nécessaire de s'adresser au Parlement. Dès lors, pourquoi a-t-on des préoccupations au sujet du temps qu'il faudra pour faire examiner la demande par cette entité quelquefois dysfonctionnelle qu'on appelle le Parlement? Personnellement, je ne comprends pas ou je ne perçois pas le problème.
L'autre argument est avancé par les personnes qui encouragent vivement l'adoption du projet de loi C-19. M. Jules a signalé que certains des groupes visés par la Loi sur la gestion des terres des premières nations sont liés pour une période de quatre ans ou plus. De quoi s'agit-il? Avez-vous entendu parler de collectivités qui ne peuvent pas adhérer à la Loi sur la gestion des terres des premières nations? C'est une loi du gouverneur en conseil. Par conséquent, le Cabinet est quelque peu réticent ou lent à permettre à d'autres collectivités d'y adhérer. Pourquoi cela leur a-t-il pris quatre ans?
Le grand chef Chris McCormick: Je ne sais pas très bien à quoi sont dues les complications en l'occurrence. C'est peut-être dû à la façon dont le projet de loi est rédigé et aux dispositions concernant les conditions d'adhésion mais, comme je l'ai mentionné, cette question fait constamment l'objet de discussions au sein de notre assemblée, c'est-à-dire de l'assemblée nationale. Elle a été abordée à plusieurs de nos assemblées nationales et, comme je l'ai expliqué, à celle de Halifax, on a recommandé que le comité des relations financières de l'Assemblée des premières nations (AFN) continue de participer à la rédaction d'un projet de loi mais que ce projet de loi devait être soumis à l'approbation des chefs réunis en assemblée.
Lorsque le projet de loi a été présenté, les chefs étaient au courant de son contenu. Ils ont tenté de satisfaire les Premières nations qui voulaient y adhérer. Je pense que les Premières nations ont la capacité, l'expérience et l'information nécessaires pour décider si elles veulent y adhérer et elles pourront le signaler si on leur en donne l'occasion. Cette décision serait définitive et l'adhésion au projet de loi ne serait plus possible ultérieurement.
C'est tout ce que nous demandons, à savoir que...
M. Maurice Vellacott: C'est bien. Je pense que ce qui est mentionné en ce qui concerne l'article 45 de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, qui est une approche fondée sur une annexe, correspond à ce que de nombreuses personnes nous ont suggéré en ce qui concerne cette loi et le projet de loi C-19. Par conséquent, je pense que j'aurai une discussion avec le secrétaire parlementaire parce que je ne conçois pas que la question soit laissée aux caprices des congés parlementaires ou à la discrétion du Parlement; l'inscription de noms supplémentaires est une question qui relève du gouverneur en conseil. Je ne pense pas que ce soit un processus particulièrement complexe et les Premières nations qui veulent adhérer peuvent le faire dans de brefs délais, au moment qui leur convient.
En attendant, vous voulez qu'on en dresse une liste et qu'on rassure les Premières nations qui ont des inquiétudes au sujet d'une disposition d'adhésion ou de retrait.
Le président: Je vous remercie, monsieur Vellacott. Le temps dont vous disposiez est écoulé.
Monsieur McCormick, nous aimerions que vous utilisiez les trois minutes restantes pour conclure.
Le grand chef Chris McCormick: J'aimerais remercier le comité. Je pense avoir expliqué avec le moins d'ambiguïté possible la position de notre association. Elle a été confirmée à deux assemblées. Nous avons suivi la question et nous avons eu des entretiens au sujet de ce projet de loi avec des parlementaires et des sénateurs. Des représentants des Premières nations de diverses régions du pays ont participé à notre campagne de lobbying. Je pense que les chefs se sont mis d'accord et qu'ils ont trouvé une bonne solution. Tout ce que je vous demande, c'est de respecter les commentaires que font les chefs au nom de leurs collectivités.
Vous pouvez en outre répondre au souhait des collectivités qui veulent adhérer à ce projet de loi; adoptez-le en y mentionnant leur nom et tout le monde sera satisfait. Ce sera une solution acceptable pour toutes les parties.
Je vous remercie pour votre attention.
Le président: Je vous remercie, grand chef.
Nous nous excusons pour les difficultés de son. On nous signale que c'est parce que le son est transmis par Internet—et oui—mais dans les autres conversations, la communication sera assurée par lignes téléphoniques et, par conséquent, elle devrait être meilleure.
Nous passons donc de London (Ontario) à Edmonton, où nous communiquons avec le conseiller Eric J. Large, de la Première nation de Saddle Lake.
Je vous remercie. Nous avons une demi-heure à passer ensemble. Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous aimerions que vous fassiez d'abord votre exposé en espérant qu'il restera assez de temps pour des questions.
Allez-y.
¹ (1545)
M. Eric Large (conseiller, Première nation de Saddle Lake): Je vous remercie.
[Le témoin parle en langue autochtone]
La traduction approximative littérale en français est: «Je vous salue, jeunes représentants de la Reine. Je prévois que cette discussion sera fructueuse».
Honorable monsieur Bonin, j'aimerais d'abord vous remercier et remercier vos collègues pour l'occasion que vous me donnez de faire un exposé sur le projet de loi C-19, Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations.
L'exposé que je fais au nom de la Première nation crie de Saddle Lake ne devrait être en aucun cas considéré ni interprété comme une consultation sur l'adoption du projet de loi C-19. J'exprime les préoccupations de ma Première nation au sujet de l'esprit du projet de loi C-19 et des incidences qu'il pourrait avoir, que je tenterai de décrire brièvement.
Je voudrais me présenter et présenter ma nation. Honorables députés, mon nom anglais est Eric J. Large. Je suis membre élu du conseil de la nation crie de Saddle Lake depuis 14 ans, dont une période de trois ans, de 1992 à 1995, comme chef.
La réserve no 125 de Saddle Lake a une superficie d'environ 70 000 acres, composée de parc et de terres agricoles; elle est située dans la région centre-ouest du territoire du Traité no 6, dans l'ouest du Canada. La nation crie de Saddle Lake regroupe environ 8 000 membres des bandes fusionnées du chef James Seenum Pakan et du chef Little Hunter Onchaminahos, qui avaient signé le Traité no 6 le 9 septembre 1876, à Fort Pitt. Le chef Bear Ears Muskegwatic et le chef Blue Quill y ont adhéré un peu plus tard.
Selon les modalités proposées dans la partie 1 du projet de loi C-19 intitulée «Pouvoirs financiers des premières nations», la nation crie de Saddle Lake n'autorise aucun organisme ou commission d'un autre palier de gouvernement à décider de ses pouvoirs financiers, et à plus forte raison à soulever la question des impôts. Nous avons déjà des relations financières établies en fonction du Traité no 6 en vertu duquel, en échange du partage de la couche de sol supérieure du territoire avec le gouvernement des pionniers, nos signataires ont accepté au cours des négociations sur le traité de coexister dans la paix. En vertu de ces relations, la Couronne, du chef de la Grande-Bretagne et de l'Irlande—et par extension, la Couronne, du chef du Canada—est obligée de respecter les promesses qu'elle a faites à ses alliés indiens et à leurs descendants, y compris en ce qui concerne l'octroi de ressources financières et d'autres ressources. Cette interprétation de l'obligation de la Couronne ou de l'État indique que cela incluait une exemption de toute taxe en ce qui concerne les Indiens.
Le projet de loi C-19, en créant une commission de la fiscalité, restreindra et limitera considérablement cette entente particulière. Notre peuple pense qu'il ouvrira la porte à diverses formes d'imposition dans les réserves, y compris des impôts fonciers, des taxes scolaires et des taxes destinées aux hôpitaux, ainsi que de l'impôt sur le revenu des particuliers, en ce qui concerne les citoyens des Premières nations. Les tiers auraient alors les coudées franches pour mettre le grappin sur les terres et les ressources qui nous appartiennent encore, alors que le gouvernement fédéral permettrait graduellement un empiétement sur nos droits issus de traités et sur nos droits protégés par la Constitution.
Par la création de l'Administration financière des première nations, on donnera aux Premières nations l'option de récolter elles-mêmes les fonds nécessaires pour financer leurs travaux d'infrastructure et leurs travaux publics. Cependant, seules les Premières nations ayant une excellente cote de solvabilité seront admissibles à ce fonds commun de financement, ce qui exclut la plupart des Premières nations. En outre, d'après des sources bien informées, les investisseurs sur les vastes marchés des obligations et des débentures, n'investiront pas de petites sommes de l'ordre de 20 millions de dollars mais plutôt des sommes de l'ordre de 200 millions de dollars ou plus. Le fonds commun des Premières nations ne devrait pas atteindre ce niveau élevé, ce qui restreindrait l'accès au financement.
Une fois de plus, la Couronne rogne sur les obligations qu'elle a en vertu des traités et de la Constitution de fournir les capitaux nécessaires pour s'assurer que les travaux publics et l'infrastructure des réserves protègent la santé et le bien-être des membres des Premières nations en garantissant une eau potable de haute qualité, des routes et des édifices sûrs, des réseaux d'égouts et des décharges publiques.
¹ (1550)
En instaurant le Conseil de gestion financière des première nations, on créera une bureaucratie supplémentaire coûteuse à plusieurs niveaux que les Premières nations devront consulter au sujet de pratiques de gestion plus efficaces. Cependant, l'accès à ce conseil permettra également aux Premières nations de perpétuer des relations fondées sur un état de dépendance et le paternalisme. Ce ne serait pas avantageux pour des Premières nations comme celle de Saddle Lake qui ont déjà fait preuve du courage et de la compétence nécessaires en gérant leurs affaires personnelles selon les pratiques de gestion normalisées ou selon des pratiques supérieures aux normes.
De nombreux rapports sont présentés en permanence à Saddle Lake. Des systèmes de gestion sont en place dans divers programmes de services et notre personnel ainsi que les membres de notre nation adhérent à nos politiques et procédures.
La création de la quatrième institution en vertu du projet de loi C-19, l'Institut de la statistique des premières nations, offre aux Premières nations l'occasion de recueillir, compiler et analyser des domaines, des informations et des statistiques supplémentaires. Il ne faut toutefois pas en conclure que cela entraînera un accroissement du financement nécessaire pour améliorer les conditions de vie lamentables dans lesquelles vivent les membres des Premières nations.
Les Premières nations devraient utiliser l'information recueillie pour justifier l'octroi de fonds supplémentaires par divers ministères fédéraux. De nombreuses Premières nations utilisent actuellement les données de Statistique Canada et celles publiées par divers ministères fédéraux, mais elles ne reçoivent pas nécessairement des fonds supplémentaires pour instaurer des services urgents dans tous les secteurs: travaux publics, éducation, santé, développement social, administration, maintien de l'ordre, développement économique, emploi, justice tribale, bien-être de l'enfance, etc.
En outre, les Première nations ont été étudiées et analysées continuellement depuis leur découverte, en 1492. De nombreux gouvernements, organismes, commissions royales et institutions ont recueilli et rassemblé des statistiques sur les membres des Premières nations, du berceau à la tombe. Les statistiques utilisées dans ce contexte, peu importe l'utilité qui leur est attribuée, sont souvent supplantées par la politique financière et monétaire du gouvernement sortant. Si l'incertitude économique persiste, ce sera peut-être une politique d'austérité financière qui sera instaurée.
Je pense que l'énergie, la planification, les engagements et les ressources financières que nécessiteraient les quatre institutions proposées pourraient être investis de façon plus judicieuse, à savoir dans la mise sur pied des services urgents dont les Premières nations ont besoin.
Honorables députés, sauf votre respect, je vous prie de rejeter le projet de loi C-19, parce qu'il n'inclut pas une clause de non-dérogation en ce qui concerne nos droits issus de traités ou ceux reconnus par la Constitution, que le processus de consultation a été biaisé et qu'on n'a pas obtenu le consentement de la nation crie de Saddle Lake après lui avoir communiqué toute l'information nécessaire.
Enfin, je signale au gouvernement fédéral, que vous représentez, qu'il serait plus efficace d'investir ces efforts et ces ressources dans l'autodétermination de la nation crie de Saddle Lake en soutenant les efforts qu'elle déploie pour édifier la nation et assurer son développement économique, en appuyant ses revendications concernant des terres et des ressources suffisantes et en honorant les engagements pris par la Couronne en vertu des traités et de la Constitution.
Je vous remercie pour votre attention.
¹ (1555)
Le président: Merci beaucoup, monsieur le conseiller.
Nous procéderons à un premier tour de questions. Je pense que nous avons juste assez de temps pour un seul tour de cinq minutes.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott: Je vous remercie. Je vous remercie pour votre participation, monsieur le conseiller.
J'ignore si vous avez eu des discussions avec vos collègues et avec d'autres dirigeants, mais on dénigre beaucoup le fait que ce système soit un système auquel on est libre d'adhérer ou pas, autrement dit optionnel. C'est vrai dans une certaine mesure, mais environ 103 bandes, si j'ai bien compris, ont déjà instauré un certain régime d'imposition. Si je ne m'abuse, après l'adoption du projet de loi C-19, l'article 83 de la Loi sur les Indiens sera abrogé alors que c'est la disposition dont ces 103 Premières nations tirent leur pouvoir d'imposition.
Lorsque ce projet de loi entrera en vigueur, si elles veulent continuer à faire payer des impôts—si elles envisagent de continuer de le faire compte tenu de la situation de leur réserve—, elles n'auront plus d'option du tout; elles devront suivre le régime instauré par le projet de loi C-19. Leur seule autre option serait de décider de cesser complètement d'imposer des taxes, ou de prendre une autre décision semblable.
Si ces 103 bandes continuent à imposer des taxes—cela représente un tiers des quelque 600 bandes à l'échelle nationale—, elles n'auront pas le choix et devront se soumettre au régime du projet de loi C-19. Si vous appelez cela un «choix» ou un «système optionnel», certaines des personnes qui en dénigrent la nature facultative font une interprétation très différente de ces termes. Ces bandes n'auront manifestement aucun choix: elles devront se soumettre au régime du projet de loi C-19 ou cesser d'imposer des taxes.
Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Approuvez-vous mon analyse? Approuvez-vous les commentaires que je viens de faire?
M. Eric Large: Je ne suis pas certain de pouvoir les approuver, mais je peux faire quelques commentaires.
J'ai mentionné tout à l'heure que certaines dispositions de ce projet de loi constituent un encouragement pour les Premières nations à accepter l'offre du gouvernement de faire elles-mêmes la collecte des fonds qui leur sont nécessaires tout en libérant le gouvernement de l'obligation qu'il a, en vertu de la Constitution—d'un traité, dans notre cas—, de continuer de subvenir à leurs besoins.
La plupart des gens ne sont pas bien informés au sujet des relations par traités. Elles obligent l'État à assurer la santé, la sécurité et le bien-être des Indiens visés par ce traité.
Certaines Premières nations n'ont toutefois malheureusement pas été en mesure de bien s'en tirer dans le cadre des négociations avec la Couronne au sujet d'un traité. Elles sont désavantagées, à ce qu'il me semble. Il est à espérer que leurs décisions ne soient pas applicables à l'échelle nationale. Je présume que c'est leur choix d'opter pour ce type d'accord mais, en ce qui nous concerne, d'après nos pratiques ancestrales et les enseignements de nos aînés, le traité ou l'interprétation du traité est une priorité.
M. Maurice Vellacott: J'en suis conscient. Je présume que j'appuierais cette initiative à titre de membre du comité, si elle est bonne pour les Premières nations et qu'elles la souhaitent. Cependant, compte tenu des nombreuses objections qui ont été faites à son sujet, je ne tiens pas à ce que nous nous leurrions. Ma préoccupation majeure est qu'on ne se figure pas à tort que cette disposition d'adhésion est fantastique alors qu'elle est assujettie de diverses conditions—très précises—en ce qui concerne les nations qui prélèvent déjà de l'impôt.
L'autre aspect qui me préoccupe est que je ne sais pas quel est l'enjeu. Le gouvernement serait peut-être mieux disposé à appuyer cette suggestion s'il savait que les listes des diverses nations publiées en annexe ne constituent pas un obstacle majeur ou insurmontable à une adhésion ultérieure; c'est une décision du gouverneur en conseil.
Si le gouvernement a des préoccupations au sujet de la capacité des membres du Cabinet de faire preuve de souplesse et d'accepter les Premières nations qui voudraient adhérer à une date ultérieure, dès qu'elles seront admissibles, c'est une autre question mais je pense que cela ne devrait pas poser de problème.
Le président: Je vous remercie, monsieur Vellacott.
Madame Picard.
[Français]
Mme Pauline Picard: Merci, monsieur le président.
Monsieur Large, je comprends très bien vos préoccupations. Vous avez l'impression que le gouvernement va se désengager des traités ou des ententes qu'il a conclus avec les communautés. Cependant, tout le monde s'entend pour dire que pour atteindre votre pleine autonomie, vous devez absolument développer vos richesses naturelles. Or, pour y arriver, il faut que vous ayez des outils financiers.
Ne croyez-vous pas que le projet de loi C-19 pourrait vous fournir les outils de gestion financière nécessaires?
º (1600)
[Traduction]
M. Eric Large: C'est une bonne question. Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Nous avons un point de vue différent. De nombreuses conditions sont prévues. J'en ai mentionné une: une Première nation doit avoir une cote de solvabilité favorable. Je ne sais pas combien d'étoiles. Est-ce la cote trois «A», ou quelque chose d'approchant? Combien? Je voudrais savoir quel pourcentage des Premières nations sont dans cette catégorie et combien de Premières nations sont sous le régime de la gestion par un tiers. Je l'ignore, mais c'est un encouragement.
En ce qui concerne le développement économique, nous sommes d'accord. Il peut être réalisé par le biais d'une exemption fiscale. La plupart des Premières nations représentent pratiquement un petit grain de sable dans l'univers de l'activité économique, à l'échelle nationale ou internationale. Elles n'ont pas assez d'influence pour faire partie des ligues majeures.
En outre, il y a également le renforcement des capacités, le soutien des institutions à l'interne, dans les réserves, qui encourage...—je déteste employer ce terme—nos propres institutions de gouvernance. Tout est interdépendant. Il ne s'agit pas uniquement de développement économique.
Nous savons que les gouvernements et, en particulier les investisseurs, tiennent à ce que règne une certaine stabilité politique dans les collectivités où ils comptent investir. Il est donc nécessaire que nos institutions soient soutenues. En matière de gouvernance par exemple—j'entends par là la structure interne de gouvernement d'une réserve, à savoir le chef et le conseil, son administration, son système de justice tribale, etc. et son soutien à l'enfance, aux jeunes, aux Aînés—, tout doit être relié à l'interne pour favoriser le développement économique. En outre, j'ai oublié de mentionner les facteurs les plus importants: une assise territoriale suffisante; l'accès aux mines, aux minerais et aux ressources; et les lieux de rencontre traditionnels.
La petite difficulté que j'ai concerne l'accès à nos propres fonds—ils sont à Ottawa—parce que la Loi sur les Indiens impose trop de restrictions. Le pétrole et le gaz jouent un rôle important également. Il ne s'agit pas uniquement de la Loi sur les Indiens; d'autres lois ou règlements interviennent: la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes et les règlements pris aux termes de cette loi; la Loi sur la gestion des finances publiques. Il est parfois nécessaire de surmonter de nombreux obstacles et de répondre à de nombreux critères avant d'avoir accès aux fonds—même aux fonds qui nous appartiennent et qui sont prétendument détenus en fiducie à Ottawa.
[Français]
Mme Pauline Picard: J'aimerais poser une dernière question. Est-ce que vos communautés ont été consultées avant l'élaboration du projet de loi C-19?
[Traduction]
M. Eric Large: Nous n'avons pas été consultés, à ma connaissance.
[Français]
Mme Pauline Picard: Merci.
Le président: Merci, madame Picard.
Monsieur Binet, vous avez cinq minutes.
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Merci, monsieur le président. Bonjour, grand chef.
Cela fait 15 mois que nous nous concentrons sur les affaires autochtones, n'est-ce pas, monsieur le président?
Le président: À elle seule, l'étude du projet de loi C-7 a pris 16 semaines.
M. Gérard Binet: Je parle de l'ensemble de ces questions. Notre comité traite des ressources naturelles, des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Depuis un peu plus d'un an, nous nous concentrons sur les affaires autochtones.
Or, hier, j'ai été emballé par ceux que j'ai rencontrés et qui sont en faveur du C-19. J'ai vu dans leurs yeux et décelé dans leurs paroles des signes très encourageants pour l'avenir. Le proverbe « dis-moi ce que tu penses, je te dirai qui tu vas devenir » s'applique bien dans les circonstances.
Après toutes ces réunions tenues, entre autres dans le cadre du projet de loi C-7, j'en suis venu à me demander si votre opposition à ce projet de loi était attribuable strictement à la méfiance que vous éprouvez envers le gouvernement.
º (1605)
[Traduction]
M. Eric Large: Je ne suis pas en mesure de faire des commentaires en ce qui concerne le projet de loi comme tel. Ce n'est pas notre initiative; ce n'est pas celle des Premières nations, surtout de la Première nation de Saddle Lake. C'est une initiative du gouvernement fédéral et du gouvernement au pouvoir actuellement.
Je suis toutefois en mesure d'assurer que notre Première nation continue de souhaiter que l'État honore les obligations qu'il a contractées en vertu de traités et en vertu de la Constitution. C'est tout ce que je peux dire. Je ne sais pas comment m'expliquer. Nous faisons malgré tout preuve d'un certain optimisme. Nous continuons d'espérer que l'État respectera ses obligations découlant de traités ou de la Constitution. Les traités sont inamovibles, c'est indéniable. Nos traités ne peuvent être tronqués par une loi qu'un autre groupe souhaiterait pour en tirer un avantage quelconque à court terme, voire à long terme, à l'échelle régionale ou locale.
Je ne peux toutefois avoir aucun contrôle sur ce projet de loi de portée nationale ni affirmer que c'est la meilleure initiative que le gouvernement ait prise et demander à certaines personnes de vendre la marchandise. Je suis uniquement le porte-parole de nos membres.
[Français]
M. Gérard Binet: Mais, grand chef, ce projet de loi ne vient pas du gouvernement; il a bel et bien été élaboré par les communautés autochtones. J'ai même demandé au ministre s'il y avait travaillé. Or, il s'avère que c'est un projet de loi qui émane des autochtones.
Je me demande donc pourquoi votre méfiance envers le gouvernement passe par ce projet de loi. J'aimerais savoir si vous ne voulez vraiment pas du projet de loi ou si c'est pour vous une façon d'exprimer votre crainte que le gouvernement ne respecte pas ses obligations.
[Traduction]
M. Eric Large: Je ne pense pas avoir insinué que nous n'avions pas confiance. J'exprimais des préoccupations ou tentais de le faire, au sujet de l'esprit et des conséquences possibles du projet de loi C-19, en ce qui concerne ma Première nation et l'ouest du Canada.
Le président: Merci, monsieur Binet.
Monsieur Large, nous vous invitons à faire les observations finales.
M. Eric Large: Je n'en ai pas, monsieur le président. Merci encore pour votre attention.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant d'Edmonton à la Colline du Parlement, à la pièce 253-D. J'invite Ken MacLeod à s'avancer. M. MacLeod a été inspecteur des municipalités pour le ministère des Affaires municipales de la Colombie-Britannique.
Soyez le bienvenu, monsieur MacLeod. Nous vous invitons à faire votre exposé. Nous disposons au total de 30 minutes. J'espère que vous nous laisserez du temps pour poser des questions.
º (1610)
M. Ken MacLeod (À titre individuel): Je vous remercie, monsieur le président.
Je remettais un exemplaire de mes notes pour les interprètes. Elles pourraient être utiles, mais je ferai également de l'improvisation.
Je vous remercie et je remercie les membres du comité pour le privilège de participer à vos délibérations. Mon exposé sera un peu plus austère et un peu plus technique que certains des exposés que vous avez entendus jusqu'à présent, mais j'espère qu'il ne le sera pas au point de laisser planer un doute au sujet de mon appui au projet de loi. Je tiens à le signaler d'emblée.
Je reconnais que les principales réalisations financières du projet de loi C-19 sont l'établissement de systèmes efficaces d'imposition et d'emprunts de capitaux; j'ai toutefois examiné le projet de loi sous un angle plus général.
Je me suis posé la question suivante: en quoi le projet de loi C-19 contribue-t-il à améliorer la gestion financière des Premières nations participantes? La méthode que j'emploie pour répondre consiste à examiner le projet de loi C-19 en fonction d'une liste des critères s'appliquant à la gestion financière.
Je signale également d'emblée que je ne ferai que très peu de commentaires sur l'institut de la statistique et ce n'est pas parce que j'ai des doutes quant à son utilité, mais parce que je n'ai pas les connaissances voulues pour l'évaluer.
Permettez donc que je lise ce qui constitue en quelque sorte une liste des facteurs pertinents. Je les appelle les facteurs qui contribuent à la gestion financière réussie à l'échelle locale. J'entends par là à l'échelle d'une Première nation ou d'une municipalité. Au cas où l'on craigne que j'insinue que nous «municipalisons» les Premières nations, je précise que je ne le pense pas. La comparaison que je fais n'implique pas que les Premières nations soient, ou doivent être, identiques en tous égards aux municipalités, surtout en ce qui concerne leur statut constitutionnel. Je me contente de signaler qu'elles présentent de nombreuses similarités fonctionnelles et que, dans la mesure où les Premières nations sont assimilables à des municipalités, les institutions fondées sur des modèles municipaux peuvent leur rendre de grands services.
Je mentionnerai d'abord les facteurs internes qui contribuent à la gestion financière locale efficace, c'est-à-dire les facteurs qui sont liés étroitement à la Première nation concernée. Il est, bien entendu, nécessaire d'instaurer un mécanisme d'élaboration des politiques capable de donner une orientation stratégique claire et précise. Ce mécanisme est déjà en place et il le restera, que la législation en matière de gouvernance soit mise en oeuvre ou non.
Le projet de loi C-19 a le potentiel d'améliorer la qualité et la portée de l'élaboration des politiques. En outre, une administration locale a besoin d'un appareil administratif. Cet appareil est, cela va de soi, déjà en place et se maintiendra sous une forme ou sous une autre, que la nouvelle législation sur la gouvernance soit mise en oeuvre ou non.
Le projet de loi C-19 a le potentiel d'améliorer la qualité et la portée de l'élaboration des politiques. À l'échelle locale, un ensemble de règles et de pratiques pertinentes, justes et claires, est nécessaire. Le projet de loi C-19, et surtout ses dispositions concernant le Conseil de gestion financière des premières nations, l'Administration financière des premières nations et la Commission de la fiscalité des premières nations, renferme de nombreuses exigences en ce qui concerne la préparation et la documentation des lois et des rapports par les Premières nations participantes.
À l'échelle locale, une ferme volonté de gestion financière efficace de la part des décideurs et du personnel administratif est nécessaire. Le concept de la codification de l'engagement est complexe, mais je pense que cet engagement fait partie inhérente de l'esprit du projet de loi C-19. C'est en tout cas très visible dans la position adoptée par la plupart de ses défenseurs.
En outre, il est nécessaire de posséder la capacité et la compétence administratives à l'échelle locale grâce à des ressources, une formation et une orientation professionnelle adéquates. Cette capacité et cette compétence sont étroitement liées à la qualité du personnel administratif, de leurs systèmes et de leur équipement. Le projet de loi C-19 devrait encourager l'acquisition de ces qualités.
À l'échelle locale, il est nécessaire d'instaurer des services complémentaires dont la prestation justifie le besoin de revenus, aide à le quantifier et exige des mesures de contrôle et des rapports financiers appropriés. Ces services et mesures sont déjà en place et sont renforcés et définis de façon rigoureuse par les dispositions du projet de loi C-19 concernant l'élaboration de textes législatifs et par celles qui énoncent les pouvoirs du Conseil de gestion financière des premières nations et de la Commission de la fiscalité des premières nations.
º (1615)
Enfin, il est nécessaire de disposer, à l'échelle locale, d'une assiette de revenu comprenant une ou plusieurs sources de revenu dont certaines peuvent être d'ordre général et d'autres associées à des services spécifiques, une assiette de revenu globalement suffisante pour financer les services et les obligations de capital, administrée de façon juste et efficace et appuyée par des mesures de contrôle et des dossiers financiers appropriés. L'assiette de revenu pourrait s'appuyer également sur un budget ou un plan financier sérieux et réaliste, sur un système de surveillance rapide des procédures d'identification des écarts par rapport au budget et au plan financier et des procédures correctives efficaces et rapides.
La plupart de ces facteurs sont déjà réunis, mais ils seront renforcés et définis de façon plus précise par les dispositions du projet de loi C-19 concernant l'élaboration des textes législatifs, par le Conseil de gestion financière des premières nations et par la Commission de la fiscalité des premières nations.
Je voudrais maintenant mentionner brièvement les facteurs externes qui contribuent à l'efficacité de la gestion financière locale. Ces facteurs externes sont surtout les pouvoirs dont sont investies les institutions créées par le projet de loi C-19. Un des ingrédients nécessaires est une série de règles et de normes communes et des objectifs de rendement qui constituent le cadre des politiques, des règles et des pratiques administratives à l'échelle locale.
Les règles doivent être claires, justes et pertinentes, non seulement pour les communautés comme telles, c'est-à-dire pour les Premières nations, mais également pour les investisseurs et les bailleurs de fonds externes, les contribuables, etc. Les règles et les normes devraient être associées d'une façon ou d'une autre à des organisations professionnelles et à leurs normes, lorsqu'elles sont applicables. De nombreuses dispositions du projet de loi C-19, notamment les articles 8 à 13, 27, 33 et 34, 47 et 48, et 53 et 54, y sont consacrées. Par conséquent, de nombreux éléments sont déjà en place.
L'environnement externe devrait également comprendre des programmes de renforcement des capacités apportant des suggestions et des modèles techniques, une formation, un encadrement et des ressources suffisantes. C'est un autre point sur lequel on a mis l'accent dans le projet de loi C-19, comme en témoignent notamment l'article 27 ou l'article 47.
Il est en outre nécessaire de procéder à un examen minutieux des politiques, pratiques et dossiers externes ou institutionnels. C'est le fondement des activités consultatives et d'approbation des institutions. C'est une activité centrale dans le projet de loi C-19 qui sert non seulement les intérêts des communautés des Premières nations mais aussi ceux des contribuables, des bailleurs de fonds et des autres membres du pool d'emprunts. Les articles 31 et 48 confèrent les pouvoirs appropriés.
Le cadre externe ou l'institution devrait être capable de faire des recommandations aux autorités locales. Des recommandations sont préférables à une intervention et, en tout cas, à un refus. La capacité d'avoir recours à des recommandations ou à la persuasion est implicite dans les diverses dispositions du projet de loi.
Le processus d'approbation représente également un volet important du projet de loi. Il s'agit par exemple de l'approbation des règlements administratifs, des règlements pris par les Premières nations dans le domaine financier. Cela fait partie intégrante de la réussite d'une telle entreprise parce que les marchés financiers accordent une importance capitale à divers types de protection. En outre, le système d'approbation a pour but de protéger les membres du pool d'emprunts et peut être une mesure préventive rendant une intervention superflue. Par conséquent, c'est également une des principales activités du projet de loi C-19 qui instaure un système de répartition logique des responsabilités en matière d'approbation entre le Conseil de gestion financière des premières nations, notamment à l'article 8; l'Administration financière des premières nations, notamment aux articles 74 et 77; et la Commission de la fiscalité des premières nations, notamment à l'article 4.
º (1620)
En outre, à titre de dernier recours, l'intervention impliquant l'exercice des pouvoirs locaux par la personne nommée en vertu du règlement fait partie des mesures de protection des prêteurs et des emprunteurs. Le processus consiste à faire un examen approfondi, à faire des recommandations, à donner une approbation et, enfin, à intervenir au besoin.
La facilité d'accès de mesures correctives est aussi importante que leur utilisation. Il est toutefois nécessaire que les parties concernées, c'est-à-dire les Premières nations emprunteuses et les bailleurs de fonds du marché, pensent que l'intervention aura lieu si la situation—et il s'agit d'une situation extrême—, comme un défaut de s'acquitter d'une obligation ou une mauvaise application des lois, le justifie. Plusieurs articles du projet de loi C-19 offrent diverses possibilités d'intervention au besoin, surtout les articles 50 et 51.
En conclusion, je pense que le projet de loi C-19 est solide sur le plan technique. Je pense qu'il a le potentiel d'être extrêmement efficace. J'emploie, bien entendu, le terme «potentiel» car il faut réaliser ce potentiel par la mise en oeuvre. Je suis confiant que sa mise en oeuvre fructueuse est possible parce qu'il importe et adopte de nombreux modèles efficaces, et en raison du calibre et du niveau d'engagement des dirigeants qui ont témoigné.
Je vous remercie pour votre attention, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie pour cet excellent exposé.
Nous ferons un tour de cinq minutes.
Madame Picard, cinq minutes.
[Français]
Mme Pauline Picard: Merci, monsieur le président.
Monsieur MacLeod, on a entendu des témoins qui sont favorables au projet de loi...
[Traduction]
Le président: Monsieur MacLeod, cette façon de procéder est due à une décision du comité.
Nous remettons le chronomètre à zéro.
Madame Picard.
[Français]
Mme Pauline Picard: Bonjour, monsieur MacLeod.
Vous avez été inspecteur des municipalités au ministère des Affaires municipales de la Colombie-Britannique. J'aimerais d'abord vous demander, simplement par curiosité, si vous avez travaillé dans le milieu des communautés autochtones.
On a entendu beaucoup de témoins qui étaient en faveur de ce projet de loi, surtout les premières nations qui venaient de la Colombie-Britannique. Il semble que ces dernières, pour lesquelles C-19 est avantageux, soient plus favorisées que d'autres et qu'elles aient déjà atteint une forme d'autonomie.
En effet, elles sont en mesure de développer leurs richesses naturelles et sont déjà sur les marchés financiers. La crainte exprimée par les opposants à ce projet de loi porte sur le fait que C-19 ne les favorise pas. Ne pouvant pas développer leurs richesses naturelles, ils ont peur qu'on les oblige à accepter le projet de loi et que le gouvernement fédéral, particulièrement le ministère des Affaires indiennes, se désengage par la suite des responsabilités qu'il a envers eux.
Pour que le projet C-19 soit avantageux pour une nation, faut-il que cette nation soit autonome financièrement?
º (1625)
[Traduction]
M. Ken MacLeod: Merci beaucoup.
J'ai effectivement dirigé le ministère des Affaires municipales pendant plusieurs années. Nous n'avions pas compétence en ce qui concerne les communautés autochtones mais, avec les membres de mon personnel, j'ai à l'occasion participé à des projets spéciaux comme la législation Sechelt.
Ce qui constitue l'univers des Premières nations au Canada ne m'est pas très familier. Je suis conscient qu'en Colombie-Britannique, les Premières nations ont un niveau de prospérité et une taille variables. Il est possible que le nombre de Premières nations riches et de grande taille soit plus élevé en Colombie-Britannique que dans les autres provinces, mais je ne suis pas en mesure de le confirmer par des faits ou par des chiffres.
Votre question concernant la possibilité que le projet de loi C-19 défavorise les petites Premières nations ne tient pas compte de l'objet du projet de loi, à savoir donner à celles qui le décident, et qui sont en mesure de le faire, la capacité d'avoir recours aux institutions qu'il crée. Il ne renferme pas de dispositions qui privent de leurs ressources certaines Premières nations non participantes. Pour tirer ce type de conclusion, il faut avoir lu entre les lignes en faisant preuve d'une perspicacité et d'une imagination dont je ne suis pas capable.
[Français]
Le président: Monsieur Binet, vous avez cinq minutes.
M. Gérard Binet: Merci, monsieur le président.
Monsieur MacLeod, bonjour. Je suis heureux de vous parler pour la bonne raison qu'avant d'être député, j'étais maire. J'ai donc une bonne idée des questions touchant les affaires municipales. Pendant mes quatre années à la mairie, j'ai fusionné quatre communautés. J'ai donc vécu des choses qui ressemblent peut-être un peu à celles qui se passent au sein des communautés autochtones.
Le projet de loi C-19 va donner à des communautés qui le veulent bien la possibilité de se prendre en main. Je trouve cela très bien. Je dirais même que cela m'emballe.
On entend des réflexions de certains chefs. Ils disent qu'on ne peut pas tirer du sang d'une roche parce qu'elle n'en a pas. Avez-vous fait une évaluation des 630 communautés pour voir quelles sont celles qui ont la possibilité d'aller chercher des impôts fonciers et celles qui n'ont aucune possibilité de le faire? Selon votre évaluation, y en a-t-il plusieurs?
[Traduction]
M. Ken MacLeod: Je n'ai pas examiné les chiffres de très près mais, pendant ces audiences, j'ai appris que le nombre de participants à la perception de l'impôt ou à l'emprunt de capitaux pourrait se chiffrer à plusieurs centaines...à plus ou moins 200...
[Français]
M. Gérard Binet: Selon vous, y a-t-il vraiment des communautés qui n'ont aucun pouvoir, qui n'ont que de la roche et qui n'ont rien à développer. De ces 630 communautés, y en a-t-il 300 ou parle-t-on d'un nombre minime?
[Traduction]
M. Ken MacLeod: Je dois à nouveau avouer mon ignorance.
Je n'ai aucune idée précise du nombre de Premières nations qui, parmi les plus de 600 que compte le Canada, sont dans cette situation, ni du niveau de population, du niveau de revenu et du niveau de l'assiette fiscale.
Je ne suis pas expert dans ces domaines.
[Français]
M. Gérard Binet: Je vous remercie.
[Traduction]
M. Ken MacLeod: Vous avez mentionné les fusions, mais je pense que ce sont actuellement les défusions qui sont à l'ordre du jour au Québec.
Est-ce bien cela?
[Français]
M. Gérard Binet: Je fais partie de la seule municipalité qui a été fusionnée sans avoir été désignée et sans qu'on conteste cette fusion. On avait un plan et une vision. C'est ce que j'ai vu hier dans le projet de loi. Je suis certain que ce sera une réussite.
º (1630)
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Binet.
Monsieur MacLeod, nous vous invitons à faire des observations finales.
M. Ken MacLeod: Je vous remercie, monsieur.
Je me contenterai de rappeler certaines des raisons pour lesquelles j'appuie ce projet de loi. Je considère que c'est un projet de loi utile, pour employer un terme courant qui est toutefois très élogieux dans la bouche d'un bureaucrate. Je pense que le projet de loi sera efficace parce qu'il est aisément applicable; il n'est pas inutilement compliqué.
Il a de bonnes chances de réussite. Il répond à des besoins concrets et il sera, dans la plupart des cas, régi par la demande. Il a été élaboré et appuyé par des dirigeants communautaires compétents et déterminés.
Je vous remercie pour votre attention.
Le président: Nous vous remercions pour votre participation, surtout à aussi court délai de préavis. Je remercie également tous les autres participants. Il n'est pas toujours facile de répondre à aussi bref délai. Nous apprécions vos connaissances spécialisées et votre exposé nous sera très utile. Merci beaucoup, monsieur MacLeod.
Nous passons maintenant de la pièce 253-D de la Colline du Parlement à Toronto, où nous entrons en communication avec un économiste de la Schulich School of Business, de l'université York, M. Fred Lazar.
Merci beaucoup, professeur. Soyez le bienvenu.
Nous tenons à vous remercier d'avoir accepté notre invitation, surtout à aussi court préavis. Nous disposons de 30 minutes. Nous vous invitons à faire votre exposé en espérant que vous nous laisserez quelques minutes pour poser des questions.
Allez-y.
M. Fred Lazar (économiste, Schulich School of Business, Université York): J'apprécie beaucoup votre invitation. C'est un honneur d'avoir à nouveau l'occasion d'exposer mes opinions au comité. Je m'efforcerai d'être bref; mon exposé durera probablement environ cinq à dix minutes.
Je suis farouchement opposé au projet de loi C-19 et je tiens à le préciser d'emblée. Je voudrais toutefois exposer le contexte dans lequel s'inscrit ce rejet.
D'après un document d'information du MAINC concernant ce projet de loi, les institutions dont la création est prévue ont pour objet de donner aux Premières nations les mêmes possibilités d'accès aux marchés financiers qu'aux autres paliers de gouvernement. Elles ont également pour objet de renforcer le système d'impôt foncier des Premières nations et de permettre une représentation accrue des contribuables. Elles ont en outre pour but d'élaborer des normes financières appropriées et d'accroître la capacité de gestion financière. Enfin, elles ont pour objet de combler les lacunes actuelles en ce qui concerne les statistiques sur les Premières nations.
Tous ces objectifs semblent très louables. Quelles sont donc les difficultés? Pourquoi suis-je opposé au projet de loi?
Le gouvernement fédéral veut, à mon avis, que les Premières nations imposent des taxes foncières et, en définitive, de l'impôt sur le revenu, dans les réserves, afin de mettre un terme au droit d'exemption fiscale et de se soustraire aux obligations financières qu'il a à l'égard des Premières nations. Les recettes autonomes lui donneraient l'occasion de ne pas respecter ses engagements financiers.
En outre, le gouvernement fédéral ne compte pas renoncer à sa capacité de contrôle sur les dépenses dans les réserves, même si sa contribution aux Premières nations diminue.
Il est intéressant d'examiner ce projet de loi dans le contexte de l'approche fédérale à la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des Autochtones et des négociations qui y sont associées, tel que décrit il y a environ huit ans par le ministre des Affaires indiennes et du Nord, M. Ronald Irwin.
Dans son message, il avait mentionné ceci:
L'exercice du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale par les gouvernements et institutions autochtones devra se faire à l'intérieur du cadre de la Constitution canadienne... Le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale ne comprend pas le droit à la souveraineté au sens du droit international et il n'entraînera pas la création d'États-nations autochtones souverains et indépendants... |
Les gouvernements et institutions autochtones doivent également rendre compte au Parlement des fonds qui leur sont versés par le gouvernement fédéral en application des ententes en matière d'autonomie gouvernementale. De façon plus particulière, les ententes de financement doivent prévoir un mécanisme autorisant le Parlement à vérifier dans quelle mesure les fonds publics ont contribué à la réalisation des objectifs à l'égard desquels ils avaient été votés. |
Tous les participants aux négociations de l'autonomie gouvernementale doivent reconnaître que les ententes sur l'autonomie gouvernementale doivent être financièrement réalistes et compatibles avec l'ensemble des politiques et des priorités des gouvernements en matière sociale et économique, tout en tenant compte des besoins particuliers des peuples autochtones... |
En cette époque de rareté des ressources, il sera particulièrement important pour les gouvernements de collaborer en vue d'harmoniser leurs mécanismes de financement et de prestation de programmes et de services afin d'assurer l'utilisation la plus efficace possible des ressources dont ils disposent pour donner le meilleur rendement possible. Le gouvernement est d'avis que, chaque fois que cela est possible, les gouvernements et les institutions autochtones devraient se doter de leurs propres sources de financement, de façon à dépendre de moins en moins, au fil des ans, des transferts émanant d'autres gouvernements. |
En d'autres termes, le gouvernement fédéral considère l'exercice de la négociation des ententes concernant l'autonomie gouvernementale comme un exercice en vertu duquel le gouvernement fédéral abaissera le statut des Premières nations à un niveau situé entre celui des municipalités et celui des provinces.
Ensuite, la délégation des responsabilités en matière de dépenses ne sera pas accompagnée d'un accroissement des dépenses fédérales; cependant, à mesure que les Premières nations compteront sur des recettes autonomes, le gouvernement fédéral réduira ses contributions—sous le prétexte de la responsabilité financière.
º (1635)
Enfin, les Premières nations devront rendre compte de leurs dépenses au Parlement du Canada tant que le gouvernement fédéral fera des transferts.
Par conséquent, l'imposition, la délégation des responsabilités et le contrôle qui constituent l'essence de ce projet de loi sont réunis dans la conception restreinte et erronée sur le plan historique et sur le plan juridique qu'a le gouvernement de l'autonomie gouvernementale des Autochtones.
Quels sont les avantages de l'indépendance financière? Ils sont au nombre de deux bien que le gouvernement fédéral n'ait mis que le premier en évidence. Le premier avantage est que les gouvernements des Premières nations auront davantage de latitude pour dépenser des fonds dans leurs secteurs prioritaires respectifs et le deuxième est que les Premières nations seront moins exposées aux pressions qu'exerce le gouvernement fédéral du fait qu'il tient les cordons de la bourse.
Si le gouvernement fédéral reconnaissait la souveraineté légitime des Premières nations et les dédommageait entièrement pour l'abandon de ses responsabilités fiduciaires et sa violation des droits souverains des Premières nations par la mise en oeuvre unilatérale de la Loi sur les Indiens, il s'engagerait en vertu d'une loi à transférer chaque année des milliards de dollars aux Premières nations.
Quelle serait la base de calcul du montant des transferts annuels? À la suite d'un examen des divers traités historiques, la conclusion suivante s'impose: les Premières nations n'ont jamais cédé leurs terres aux colons blancs ou, plus tard, au gouvernement fédéral. Les Premières nations considèrent qu'en vertu des engagements verbaux pris par les deux parties, les terres devaient être partagées afin que les deux groupes vivent et prospèrent côte à côte. Par conséquent, les Premières nations auraient dû recevoir au moins la moitié des recettes et des richesses générées par les terres et les ressources de la terre ou du sous-sol.
En d'autres termes, les prétendus avantages de l'indépendance sur le plan fiscal et sur le plan financier que fait miroiter ce projet de loi disparaîtraient rapidement si le gouvernement fédéral respectait les engagements qu'il a pris envers les Premières nations et payait son dû en réparation de sa violation de traités qui ont été dénaturés dans un but frauduleux. Ces transferts ne devraient pas, bien entendu, être assujettis à diverses mesures de contrôle fédérales, étant donné qu'ils représentent des fonds appartenant aux Premières nations.
L'objectif que poursuit en fait le gouvernement fédéral en vantant les mérites de l'imposition dans les réserves et de la prétendue indépendance financière est de préparer le terrain en vue de la suppression de tout type d'immunité fiscale et du transfert d'une plus lourde part du fardeau financier que représentent les programmes sociaux et économiques aux Premières nations et à leurs citoyens. Les recettes autonomes prépareront le terrain pour l'imposition complète des Indiens et la réduction progressive des dépenses faites par le gouvernement fédéral pour les Premières nations dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'aide sociale, du développement économique et pour les initiatives portant sur l'infrastructure.
Je voudrais maintenant examiner l'hypothèse que ce projet de loi permettra aux Premières nations d'avoir le même accès aux marchés financiers que les autres paliers de gouvernement.
Le développement économique doit devenir la priorité des gouvernements des Premières nations. Cependant, la titrisation des recettes fiscales est-elle une étape nécessaire d'une stratégie de développement économique?
Le gouvernement fédéral considère la titrisation des recettes fiscales et d'autres recettes à long terme comme un outil permettant aux Premières nations d'édifier l'infrastructure nécessaire dans les réserves. La titrisation est considérée également comme une façon de déléguer certaines responsabilités aux Premières nations, mais sans dédommagement adéquat de la part du gouvernement fédéral.
Les Premières nations rectifieront l'infrastructure insuffisante due à un financement inadéquat par le gouvernement fédéral en finançant en grande partie ces investissements grâce aux recettes de l'impôt foncier et aux revenus réalisés dans les réserves ou par les transferts du gouvernement fédéral.
Il est certes nécessaire de faire des investissements importants pour améliorer l'infrastructure dans les réserves, mais c'est au gouvernement fédéral qu'il incombe d'assumer ces coûts.
La mise en commun de recettes des taxes foncières, proposée dans cette loi, ne rassurera pas beaucoup les agences de notation, et les montants concernés ne seront pas alléchants pour la plupart des institutions financières. En d'autres termes, la mise en commun des recettes de l'impôt foncier n'attirerait pas l'attention des financiers de Bay Street.
º (1640)
Les autres risques d'être séduit par l'attrait du capital à faible coût par la titrisation sont que cela décuplerait l'efficacité du stratagème auquel on a recours pour exercer un contrôle sur les affaires financières dans les réserves, accélérerait la suppression de l'immunité fiscale des citoyens des Premières nations et mettrait celles-ci au niveau des administrations municipales.
Si ce projet de loi a quelque mérite, les Premières nations pourront décider unilatéralement et en toute liberté de créer ce qui est utile et nécessaire. La direction et le contrôle du gouvernement fédéral ne seront pas nécessaires.
Le texte en petits caractères du projet de loi C-19 sent le contrôle à plein nez. Il met en évidence la possibilité de contrôle sur toutes les affaires financières dans les réserves. Il constitue en quelque sorte le cheval de Troie qui permettrait la prise en charge de toutes les décisions prises en matière de dépenses dans les réserves par les institutions indépendantes qu'il crée.
Le gouvernement fédéral a bien spécifié dans le passé qu'il considère l'autonomie gouvernementale des Premières nations comme un exercice restreint dans le cadre duquel l'harmonisation des lois, des normes et des règlements serait basée sur la primauté des règlements fédéraux et provinciaux en place. Cette loi est conforme à cette conception. En acceptant cette loi, les Premières nations accepteraient implicitement la conception restreinte de l'autonomie gouvernementale qu'a le gouvernement fédéral.
Je passe maintenant aux conclusions.
Le MAINC a reconnu que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des Premières nations a peut-être un fondement légal et qu'il pourrait être applicable par l'intermédiaire des cours. Le MAINC, et par conséquent le gouvernement fédéral, préférerait tenir des négociations pour délimiter la portée de l'autonomie gouvernementale. En effet, le gouvernement fédéral veut que l'autonomie gouvernementale soit limitée par les structures juridiques déjà en place au Canada et il veut en édicter les règles. Le Canada ne conçoit pas ou ne désire pas que l'autonomie gouvernementale débouche sur la souveraineté. Il veut au contraire que l'autonomie gouvernementale soit une structure paternaliste, comme en témoigne ce projet de loi et la Loi sur la gouvernance des premières nations.
La souveraineté au sens propre est essentielle au développement économique et social à long terme des Premières nations. La Commission royale sur les peuples autochtones a signalé que:
...plus que les gens venus de l'extérieur, les dirigeants autochtones auraient la volonté nécessaire pour mener à bien les initiatives de développement et auraient aussi plus de facilité à mobiliser leurs collectivités à cette fin. |
En d'autres termes, les Premières nations doivent assumer l'entière responsabilité et le contrôle de leur développement économique. La souveraineté est essentielle à cette fin.
Stephen Cornell et Joseph Kalt ont souligné que la souveraineté, l'édification d'une nation et le développement économique vont de pair. Sans la souveraineté et sans la volonté d'édifier une nation, le développement économique restera probablement un rêve inaccessible.
En outre, la piètre performance du gouvernement fédéral en matière de développement économique régional et de développement économique des Premières nations ne laisse pas présager qu'il est capable de régler ces problèmes. Il ne suffit pas d'avoir les fonds nécessaires. Dans le cas des Premières nations, l'autonomie gouvernementale et la capacité financière de gouverner sont des conditions essentielles au développement.
Pour exercer les droits à la souveraineté, les Premières nations devraient s'appliquer à acquérir la capacité de gouvernance nécessaire, qui pourrait même inclure certaines des institutions proposées dans ce projet de loi. La création des organismes dont les gouvernements des Premières nations auront besoin ne nécessite pas l'approbation du gouvernement fédéral. Elle peut et devrait se réaliser sans le recours à un projet de loi fédéral dont le seul résultat serait d'assurer un contrôle permanent par le gouvernement fédéral et de maintenir les Premières nations sous son joug.
Aucune mesure prévue dans ce projet de loi ne nécessite l'adoption d'un projet de loi fédéral. Les Premières nations peuvent retenir les quelques suggestions qui ont du mérite et élaborer les institutions et les règlements, y compris le régime fiscal, de leur propre initiative, garantissant ainsi l'autonomie de ces institutions et des gouvernements des Premières nations.
Il est indiscutable que les Premières nations doivent avoir en main les rênes de leur destinée, qu'elles doivent recouvrer les droits aux ressources, élargir leur assise territoriale et continuer de recevoir des indemnités du gouvernement fédéral pour soutenir les initiatives de développement économique, notamment dans les domaines de l'éducation, des soins de santé, de l'infrastructure et des programmes sociaux. Il est indéniable que le développement économique est essentiel pour que les Premières nations tirent parti de leur souveraineté et que leurs citoyens s'épanouissent.
º (1645)
En définitive cependant, ce projet de loi n'aidera pas les Premières nations à exercer leurs droits inhérents à l'autonomie gouvernementale et leur souveraineté; il n'activera pas le développement de leurs collectivités et de leurs économies.
Je vous remercie pour votre attention.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lazar.
Nous procédons à un tour de questions de cinq minutes.
Cinq minutes, madame Picard.
[Français]
Mme Pauline Picard: Monsieur le professeur, c'était très intéressant, mais il aurait fallu qu'on ait votre exposé à l'avance. Si on avait eu votre mémoire, cela aurait été plus profitable parce que vous avez dit beaucoup de choses. Vous qui enseignez savez que la matière qui est diffusée n'est pas nécessairement assimilée à 100 p. 100. Tout de même, j'ai retenu des choses importantes de ce que vous avez dit.
Je suis très sensible à la situation des premières nations. Je peux vous dire qu'actuellement, je n'aime pas beaucoup le mot français « réserve ». On parque les gens dans les réserves, et je ne suis presque plus capable d'entendre cette chose. J'ai hâte que les premières nations puissent atteindre leur pleine autonomie. Je peux vous dire cela, mais je me pose des questions.
Hier, nous avons entendu des témoins. Je ne sais pas si, dans votre exposé, vous avez fait la différence entre le projet de loi C-7, qu'on appelle la Loi sur la gouvernance des premières nations, et le projet de C-19. Je n'ai pas eu l'impression que vous aviez vraiment fait la différence entre les deux dans votre exposé. Je m'excuse si je n'ai pas bien compris. Actuellement, on parle du projet de loi C-19. Les premières nations qu'on a entendues hier nous ont dit qu'elles avaient travaillé sur ce projet de loi pendant 10 ans pour aboutir à une présentation. C'est le projet de loi que l'on étudie actuellement. Il semble que le gouvernement ne s'en soit pas mêlé. Il a été vraiment créé et élaboré par les premières nations. Je sais qu'aujourd'hui, il y en a qui sont contre. Cependant, ce n'est pas le gouvernement qui est à l'origine de ce projet de loi.
Nous avons entendu tout à l'heure M. MacLeod. C'est un ancien inspecteur des municipalités qui était au ministère des Affaires municipales. Il nous a dit qu'il n'avait rien vu dans ce projet de loi qui faisait en sorte que le gouvernement se désengagerait de ses responsabilités.
Je suis membre de ce comité et je veux vraiment soutenir les premières nations. Que feriez-vous si vous étiez à ma place? Est-ce qu'on doit garder le statu quo en ce qui a trait à ce projet de loi ou y apporter des amendements? Le cas échéant, quels amendements pourrait-on y apporter pour améliorer les conditions de vie des communautés afin qu'elles soient capables d'arriver à une pleine autonomie?
[Traduction]
M. Fred Lazar: Vous avez posé plusieurs questions qui sont d'ailleurs excellentes.
En ce qui concerne la distinction entre ce projet de loi et le projet de loi C-7, je pense qu'ils doivent être considérés comme un ensemble. Ils sont indissociables. Leur objet, d'après le gouvernement, est de modifier les relations entre le gouvernement fédéral et les Premières nations et de créer le fondement qui permettrait aux Premières nations d'améliorer leur bien-être économique. Ce sont les objectifs officiels des deux projets de loi.
Le présent projet de loi tente d'élargir et de clarifier l'imposition foncière, de créer des institutions qui permettront aux Premières nations de faire des emprunts en mettant ces sources de revenu en garantie et de créer d'autres institutions qui contrôleront les dépenses dans les réserves.
Le problème est qu'il faut...et, là encore, il est nécessaire d'examiner la question dans un contexte plus général—en fonction des objectifs formulés par le gouvernement ainsi que les relations et les intentions du gouvernement, dans une perspective historique. Ces projets de loi doivent être examinés dans le contexte de ces relations et intentions, dans une perspective historique.
Ce faisant, on se rend compte qu'il vise essentiellement à réaliser les projets formulés dans le Livre blanc de 1969, dans le rapport du groupe de travail Nielsen, voire dans des documents antérieurs au Livre blanc. Il vise essentiellement à ramener le statut des réserves au niveau de celui des municipalités. Il vise à réduire—au strict minimum—les obligations du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations et ses transferts; il vise essentiellement à en décharger le gouvernement fédéral. C'est l'intention ultime. C'est le type de relations historiques à long terme dans le contexte desquelles ces deux projets de loi doivent être examinés.
º (1650)
Le président: Je vous remercie, monsieur Lazar. Le délai de cinq minutes est écoulé.
Merci, madame Picard.
Monsieur Hubbard. Vous disposez de cinq minutes.
M. Charles Hubbard: Je vous remercie, monsieur le président. Bonjour, monsieur Lazar.
J'ai déjà posé cette question et je pense avoir obtenu la réponse la dernière fois. En ce qui concerne vos liens avec une faculté de commerce très renommée et l'université York, s'agit-il pour vous d'une activité distincte ou est-elle associée à la faculté et à l'université?
M. Fred Lazar: J'aimerais qu'elle y soit associée. Je m'efforce d'inciter l'université à être active dans ce domaine. En fait, les professeurs de Osgoode sont plus engagés dans ce domaine que ceux de la Schulich School.
M. Charles Hubbard: Par conséquent, l'intérêt que vous portez au gouvernement, à l'économie et à la société des Premières nations est davantage un passe-temps ou êtes-vous engagé par un groupe associé à ce domaine?
M. Fred Lazar: Non, je n'ai pas été engagé par un groupe. Je travaille toutefois pour une entreprise des Premières nations. En effet, je suis chargé d'examiner les questions fiscales.
L'intérêt que je porte à ces questions découle de deux types d'activités, à savoir ma participation à certaines des étapes finales des négociations concernant le Nunavut et des études que je fais sur l'imposition, dans le cadre desquelles j'ai examiné l'évolution des relations entre le gouvernement fédéral et les Premières nations.
M. Charles Hubbard: Nous avons accueilli ici hier des personnes comme Manny Jules, le chef Tom Bressette, Harold Calla et Mme Hamilton qui tentent, depuis une dizaine ou une quinzaine d'années, de faire déboucher ces efforts. De toute apparence, une centaine ou plus de Premières nations souhaitent que ces mesures soient prises. Il semblerait que vous vouliez modérer leurs ardeurs.
Quelle est votre perspective? Avez-vous entendu parler des efforts de Manny Jules, de Mme Hamilton ou de Harold Calla? Avez-vous étudié leurs efforts et leurs aspirations?
M. Fred Lazar: Oui. J'ai également assisté à une assemblée spéciale de l'AFN au mois de novembre, au cours de laquelle un vote a eu lieu à ce sujet. La majorité des participants étaient contre ce projet de loi et contre celui concernant la gouvernance.
En ce qui concerne les efforts des personnes que vous avez mentionnées, je pense qu'elles ont fait complètement fausse route dès le début. Pour ce qui est de la longueur du processus, je vous prierais d'examiner le rôle qu'a joué le MAINC dans les coulisses. Le processus de règlement des revendications territoriales a encore été plus long.
M. Charles Hubbard: Comme professeur de commerce, considérez-vous qu'il est essentiel que les Premières nations aient le contrôle sur une partie des ressources situées dans les réserves et tenez-vous compte du fait que des non-Autochtones voudraient peut-être y implanter des entreprises génératrices de revenus? Vous avez employé le terme «imposition». Le chef McCormick a employé le terme «loyer». Les Premières nations ont accès à d'autres ressources que les échanges fiscaux entre nos paliers de gouvernement. Ne pensez-vous pas qu'il est nécessaire d'instaurer un programme pour tenter d'exploiter ces ressources afin de permettre aux citoyens des Premières nations d'améliorer leur situation économique et leurs conditions de vie?
º (1655)
M. Fred Lazar: Oui, mais je reviens à la case départ, c'est-à-dire aux traités, à la propriété du territoire et des ressources. Si vous examinez ces questions et comprenez l'histoire et la culture, la conclusion qui s'impose est que les terres devaient être partagées. Si les Premières nations avaient reçu initialement leur juste part des richesses, la présente discussion serait vaine. Les Premières nations ne seraient pas touchées par la pauvreté. Leur situation économique serait de loin supérieure à ce qu'elle est actuellement.
Par conséquent, ce que vous proposez en l'occurrence, ce sont des solutions symboliques qui permettent d'esquiver les questions clés.
M. Charles Hubbard: Faisons un peu de théorie. Si les Premières nations possédaient la moitié des terres au lieu d'en posséder moins de 1 p. 100, ce projet de loi ne serait-il pas efficace pour gérer et tenter de contrôler les ressources qu'elles abritent? Est-ce que ce serait un projet de loi efficace?
M. Fred Lazar: Si c'était le cas, et que les Premières nations étaient vraiment souveraines, le gouvernement fédéral aurait-il le droit de dicter ses volontés aux Premières nations sur leurs propres terres? C'est le reproche essentiel que j'ai à faire au sujet de ce projet de loi. Il présume que ces Premières nations ne sont pas des nations souveraines, mais qu'elles sont des pupilles de l'État; cette conception perpétue l'esprit de la Loi sur les Indiens.
M. Charles Hubbard: Me reste-t-il du temps?
Le président: Il vous reste 30 secondes.
M. Charles Hubbard: Donc, d'après vous, monsieur le professeur, ce pays ne serait plus un pays, mais il serait composé de quelque 600 ou 700 nations souveraines indépendantes. Est-ce bien cela?
M. Fred Lazar: Le nombre ne serait probablement pas aussi élevé. Il ne faut pas oublier que les 630 bandes sont la création de la Loi sur les Indiens. Le nombre de Premières nations serait probablement beaucoup moins élevé et ces Premières nations auraient la possibilité de collaborer entre elles et de partager les terres et les richesses avec le gouvernement fédéral. La superficie de territoire et les richesses sont plus que suffisantes pour répondre aux besoins. Il est nécessaire de trouver une possibilité d'honorer les obligations issues des traités et de veiller à ce que les Premières nations reçoivent leur juste part des richesses.
Le président: Je vous remercie, monsieur Hubbard.
Monsieur Lazar, vous avez trois minutes pour faire des observations finales.
M. Fred Lazar: Je voudrais faire quelques commentaires au sujet des questions qui ont été posées initialement.
Quelle recommandation est-ce que je ferais au sujet de ce projet de loi? Les amendements passent à côté de l'essentiel. Ce projet de loi contient-il des dispositions intéressantes? Oui, et les Premières nations les reconnaîtront et pourront les adopter unilatéralement. Il n'est pas nécessaire d'imposer une loi pour indiquer aux Premières nations ce qui est avantageux pour elles et ce qui ne l'est pas.
Il est illusoire de vouloir élargir la portée de l'imposition foncière et par conséquent de vouloir décupler ces sources de revenu en se servant d'elles pour garantir des émissions d'obligations dans l'espoir que cette façon de procéder améliorera miraculeusement le bien-être des membres des Premières nations et stimulera leur développement économique. C'est totalement illusoire et une telle initiative ne tient pas compte du tout des rouages des marchés financiers. Les financiers de Bay Street ne seront pas disposés à émettre des obligations garanties par des recettes d'impôt foncier. Ils se feront toutefois un plaisir d'émettre des obligations garanties par des transferts du gouvernement fédéral. Ce projet de loi n'est pas indispensable pour permettre aux Premières nations de trouver les capitaux nécessaires. Il est plutôt nécessaire de modifier ou d'abroger la Loi sur les Indiens.
(Applaudissements)
Le président: Je vous remercie.
Je dois insister pour que les applaudissements cessent immédiatement. Nous avons un horaire très chargé et les interruptions rognent les délais dont disposent les témoins. Je vous prie donc de coopérer.
Merci beaucoup, monsieur Lazar.
» (1700)
M. Fred Lazar: Je vous remercie.
Le président: Nous allons maintenant de Toronto à Winnipeg où nous entrons en communication avec les représentants de l'Assembly of Manitoba Chiefs...
Une voix: Je suis au regret de signaler que le témoin de Winnipeg a été retardé dans la circulation et devrait être arrivé d'ici une vingtaine de minutes.
Le président: Bien. Nous disposons d'une heure. Nous devrons mettre le chronomètre en marche parce que nous serons interrompus par un vote. Nous espérons qu'il restera au moins une demi-heure après ce vote.
Nous suspendons la séance jusqu'à ce que les témoins apparaissent sur l'écran.
Je vous remercie.
» (1700)
¼ (1833)
Le président: Nous reprenons les délibérations sur le projet de loi C-19. Nous sommes en communication avec le grand chef de l'Assembly of Manitoba Chiefs, Margaret Swan.
M. Harper est-il avec vous, grand chef?
Le grand chef Margaret Swan (Assembly of Manitoba Chiefs): Non. M. Harper n'est pas avec moi. Je suis ici pour faire l'exposé moi-même.
Le président: Je vous remercie.
Nous disposons d'une demi-heure. Vous pouvez y aller. Je pense que vous êtes au courant du processus. Vous pouvez donc faire votre exposé. Nous espérons qu'il restera du temps pour vous poser des questions.
Allez-y.
Le grand chef Margaret Swan: Absolument.
Monsieur le président, je vous remercie pour cette nouvelle occasion d'exprimer mes opinions. Je m'excuse d'être en retard. Je ne peux pas prétendre que je suis arrivée à l'heure des Indiens parce que je ne suis pas Indienne; je suis membre des Premières nations.
Je tiens à préciser d'emblée que les Premières nations du Manitoba et du Canada ont décidé de s'opposer à ce projet de loi sous son libellé actuel. Je tiens à signaler que nos organisations du Manitoba appuient et reconnaissent la diversité des nations au Canada. C'est pourquoi nous appuyons toute région ou toute Première nation désireuse d'obtenir, en vertu d'une loi, le pouvoir de réaliser ses initiatives en matière de gouvernance.
La résolution présentée à notre assemblée de novembre 2000 indique clairement que nous, les chefs réunis en assemblée, respectons le droit des Premières nations représentées et des autres Premières nations de passer des ententes locales et régionales, mais pas dans le contexte d'une loi nationale. Le motif du rejet de ce projet de loi est qu'il nous met des entraves et réduit nos possibilités d'exercer notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Le deuxième commentaire que je voudrais faire concerne le processus de consultation, qui est inefficace. En effet, certaines personnes qui ne seront pas touchées par ce projet de loi ont été consultées. Ce projet de loi aura quotidiennement un impact profond sur notre peuple. En fait, si vous demandez à un chef ou à un citoyen ordinaire d'une Première nation s'il est au courant de ce projet de loi, il vous répondra que non. La réponse sera qu'ils n'ont aucune information sur ce projet de loi. C'est très injuste.
Je signale en outre que si vous voulez consulter efficacement un peuple, il est d'abord nécessaire de régler les problèmes liés aux besoins de base, notamment au logement et à l'emploi. L'histoire des Premières nations de notre pays est différente de celle des Canadiens et il est essentiel d'en tenir compte.
Enfin, c'est un manque d'honnêteté ou de franchise de la part du gouvernement à l'égard des Canadiens et des institutions démocratiques canadiennes d'organiser à la dernière heure une série de vidéoconférences afin de respecter les exigences légales en matière de consultations en ce qui concerne ce projet de loi. Le processus et les répercussions négatives de ce projet de loi porteront atteinte à l'honneur de l'État. Je pense que l'approche adoptée en ce qui concerne ce projet de loi et le projet de loi C-7 est le prolongement d'un processus colonial que le gouvernement a toujours perpétué afin d'avoir le contrôle sur notre peuple.
Ces considérations m'amènent aux autres commentaires que je voulais faire au sujet du projet de loi C-19. Le libellé de ce projet de loi, les termes employés et même les concepts qui le sous-tendent sont très dérangeants et gênants pour notre peuple et ils abrogent notre droit à l'autonomie gouvernementale qui est protégée par la Constitution. L'imposition par le gouvernement de son autorité et de ses institutions ne sera pas efficace. L'histoire ne peut pas se répéter. Le gouvernement n'a-t-il donc pas tiré parti des enseignements de l'histoire en ce qui concerne notre peuple? Sans les politiques du gouvernement, nous ne serions pas dans le dilemme ou dans la situation de crise actuels.
Je pense sincèrement que, pour être efficace, la gouvernance des Premières nations doit être conçue par les Premières nations pour les Premières nations. Il est nécessaire que nous ayons un sentiment d'appartenance et de fierté à l'égard de ces institutions et que nous participions à leur édification. J'insiste sur le fait qu'il est impératif de régler d'abord les questions concernant des besoins fondamentaux pour que notre participation soit efficace, notamment en ce qui concerne le logement.
Le présent projet de loi instaurera donc quatre institutions: la Commission de la fiscalité des premières nations, le Conseil de gestion financière des premières nations, l'Administration financière des premières nations et l'Institut de la statistique des premières nations. Je signale d'emblée que ces institutions saperont notre droit légal à l'autonomie gouvernementale.
¼ (1835)
C'est inadmissible et les chefs qui sont au courant de leurs droits protégés par la Constitution s'y opposeront. Les systèmes que vous proposez dans le projet de loi sur l'imposition sont vos systèmes et pas les nôtres. Nous voulons que les traités soient mis en oeuvre. Nous refusons de continuer d'adopter vos systèmes, que ce soit dans le domaine de la fiscalité ou dans d'autres domaines.
Si je comprends bien, l'Administration financière des premières nations aura pour effet de réduire les obligations financières du gouvernement fédéral envers les Premières nations. C'est plus ou moins un stratagème pour y mettre un terme. Nous constatons que, sous le régime de cette institution, les Premières nations mettront leurs futures recettes en garantie pour les emprunts nécessaires pour financer les projets d'infrastructure, ce qui, en fin de compte, réduit l'obligation fiduciaire du gouvernement du Canada envers ses premiers peuples. Cela me préoccupe au plus haut point.
En ce qui concerne la commission de la fiscalité dont la création est prévue dans ce projet de loi, je pense que le fait que les gouvernements des Premières nations doivent demander l'approbation de leur budget annuel des dépenses et des dépenses faites grâce aux revenus qu'elles tireront de l'exploitation de leurs ressources est totalement inacceptable. C'est une initiative qui porte atteinte à notre droit de nous gouverner et d'administrer nous-mêmes les revenus provenant de l'exploitation de nos ressources. C'est un des autres facteurs pour lesquels la constitutionnalité de ce projet de loi peut être mise en doute.
Un autre problème est posé par les pouvoirs de la commission de la fiscalité. Le pouvoir de prendre des règlements administratifs prévu à l'article 83 de la Loi sur les Indiens sera vraisemblablement transféré à cette commission. Tout semble indiquer qu'elle aura des pouvoirs considérables en ce qui concerne l'approbation et même la modification des règlements administratifs fiscaux des Premières nations qui sont sous le régime de la gestion par le Conseil. Ce sont, une fois de plus, vos systèmes. Pourquoi les adopterions-nous? Vos systèmes ne sont pas efficaces en ce qui concerne les autres Canadiens et encore moins en ce qui nous concerne; nous ne pouvons pas tolérer que l'histoire se répète indéfiniment.
Je tiens à signaler en outre que le gouvernement présume que les Premières nations ont accepté la création d'une institution chargée de superviser la gestion et l'administration financières de leurs gouvernements. Ce projet de loi confère au Conseil de gestion financière des premières nations le pouvoir de gérer les affaires des Premières nations qui ont manqué à leurs obligations sous leur régime. Ce conseil peut essentiellement imposer la cogestion ou la gestion par un tiers aux Premières nations. C'est une question qui me préoccupe également parce qu'on octroie actuellement des contrats à des cabinets comptables qui soutiennent activement le Parti libéral du Canada.
Enfin, je n'approuve pas la collecte et le partage de l'information, surtout en ce qui concerne les membres des Premières nations. C'est pourtant l'objectif de l'Institut de la statistique des premières nations. Ce domaine devrait être sous le contrôle d'un institut des Premières nations qui ne soit pas assujetti à une loi fédérale.
Je conclus que le projet de loi C-19 délimitera pour un certain temps nos droits ancestraux et issus de traités, reconnus par la Constitution du Canada. En outre, pour que la gouvernance des Premières nations soit efficace, il est nécessaire que celles-ci conçoivent elles-mêmes leurs structures et institutions de gouvernance sans être forcées d'adopter vos systèmes. Il est inadmissible de leur imposer des structures et des institutions de gouvernance. Je pense que ce projet de loi et que le projet de loi C-7 imposent un trop lourd fardeau aux Premières nations; le fait que le gouvernement du Canada continue d'opprimer les Premières nations et de leur imposer ses prescriptions est malsain.
Nous voulons que les traités soient mis en oeuvre. Onze traités ont été signés au Canada. J'exhorte le gouvernement du Canada à examiner ces accords historiques, surtout en ce qui concerne nos ressources naturelles. Si vous aviez respecté ces accords et partagé les 700 milliards de dollars que génère l'exportation des ressources naturelles alors que nous n'avons jamais renoncé aux droits que nous avons sur elles, la crise de logement qui touche actuellement nos collectivités serait inexistante. Nous serions en voie de guérir nos citoyens des maux engendrés par vos politiques, notamment par les pensionnats.
Je vous remercie à nouveau pour l'occasion que vous m'avez donnée d'exprimer mes opinions. Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.
[Le témoin parle en langue autochtone]
¼ (1840)
Le président: Merci beaucoup, grand chef.
Nous ferons un tour de cinq minutes.
Monsieur Loubier, cinq minutes.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Bonjour, grand chef Swan. Je suis heureux que vous soyez là. J'ai quelques questions à vous poser.
Premièrement, vous dites que le projet de loi C-19 est tout à fait inacceptable pour vous. On pourrait apporter des amendements à ce projet de loi C-19, notamment pour respecter la volonté des premières nations qui ne veulent pas se prévaloir des institutions qui y sont décrites. Certaines premières nations--il y en a 140, si ma mémoire est bonne--disent qu'elles voudraient instaurer les institutions qu'il y a dans le projet de loi C-19, et d'autres ne veulent pas les utiliser. On pourrait dresser une liste des premières nations qui pourraient utiliser les institutions et une liste des premières nations qui ne les utiliseraient pas, sans préjudice pour celles qui ne les utiliseraient pas. Cela a déjà été présenté comme étant un amendement possible.
Est-ce que ce type d'amendement pourrait vous satisfaire et faire en sorte qu'il y ait un plus grand consensus chez les premières nations?
¼ (1845)
[Traduction]
Le grand chef Margaret Swan: Je suis désolée, mais je n'étais pas certaine que vous m'entendiez.
Pour l'instant, je présume que des amendements ne nous intéressent même pas parce que nous n'avons pas participé à un processus de consultation digne de ce nom dans ce contexte. Si certaines Premières nations veulent se développer dans ces quatre secteurs, c'est leur option, mais pourquoi serait-il nécessaire d'adopter une loi générale à cette fin?
Nous veillerons à ce que la question soit abordée à notre prochaine assemblée nationale qui aura lieu à Edmonton le mois prochain. Nous avons déjà eu des discussions à ce sujet. Cette série de projets de loi est absolument inacceptable pour les citoyens et les dirigeants des Premières nations.
[Français]
M. Yvan Loubier: Grand chef Swan, M. Jules a comparu devant nous récemment. C'est un membre des premières nations qui faisait partie du groupe de membres des premières nations qui a travaillé sur le projet de loi C-19. Il nous a dit que le projet de loi C-19, contrairement à ce que le ministre nous avait dit auparavant, avait été conçu par des membres des premières nations et pour ces premières nations. Il a dit qu'il y avait moyen d'ajouter des précisions dans le projet de loi pour s'assurer que les premières nations qui ne veulent pas se prévaloir des institutions prévues dans ce projet de loi puissent le faire sans préjudice.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut accélérer la négociation sur l'autonomie gouvernementale et respecter les traités au moyen du partage des richesses et des redevances liées à l'exploitation des ressources naturelles. J'ai toujours été de ceux qui croient qu'il faut le faire et rapidement. D'ailleurs, la Commission royale sur les peuples autochtones, la Commission Erasmus-Dussault, nous y conviait.
Est-ce que le projet de loi C-19 modifié tel que je vous l'ai présenté, conjugué à une accélération des négociations sur l'autonomie gouvernementale, ne pourrait pas faire en sorte qu'on fasse un petit pas de plus en avant? C'est une question que je vous pose.
[Traduction]
Le grand chef Margaret Swan: J'aurais tendance à nier que ce projet de loi ait été conçu par les Premières nations. Certaines nations ont participé à son élaboration, mais les consultations ont été insuffisantes.
Un système qui est imposé ne peut être efficace; c'est la réalité. Je ne peux pas appuyer un projet de loi qui est imposé. Les membres des Premières nations n'ont pas été suffisamment consultés.
Je ne pourrai jamais trop insister sur les traités. Comment peut-on consulter une population dont les besoins de base ne sont pas satisfaits? Le problème du logement est un très bon exemple. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur Binet, cinq minutes.
[Français]
M. Gérard Binet: Merci, monsieur le président.
Bonjour, grand chef Swan. Hier, nous avons rencontré plusieurs témoins qui étaient en faveur du projet de loi. J'ai entendu mon collègue de l'opposition dire au ministre qu'il n'avait absolument rien fait pour ce qui est de ce projet de loi. Je lui ai demandé si c'était vrai. On constate que c'est vraiment un projet de loi qui relève des autochtones.
J'ai le sentiment que dans votre discours, vous avez dit que ce projet de loi venait du gouvernement. Étiez-vous au courant que ce projet de loi avait été fait par les autochtones?
¼ (1850)
[Traduction]
Le grand chef Margaret Swan: Je savais que ce projet de loi avait été élaboré avec la participation de quelques Autochtones, comme les autres projets de loi faisant partie de cette série. C'est un fait. Je pense que la participation a été plus forte en Colombie-Britannique.
À ce propos, les Premières nations de la Colombie-Britannique ne sont pas dans la même situation que celles des autres régions du pays; elles n'ont pas le même statut par traité que les Premières nations du Manitoba, par exemple.
Je pose donc à nouveau la question: pourquoi serait-il nécessaire d'avoir recours au processus législatif pour que le système soit efficace? D'autres façons de procéder, qui font participer réellement nos dirigeants, sont possibles. Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs en quelque sorte; on ne peut pas consulter des citoyens dont on n'arrive même pas à satisfaire les besoins fondamentaux. Il est essentiel de répondre d'abord à leurs besoins.
Êtes-vous satisfait de la réponse?
[Français]
M. Gérard Binet: À votre avis, est-ce un manque de consultation ou un manque de confiance envers le gouvernement?
[Traduction]
Le grand chef Margaret Swan: Je présume que les deux sont indissociables. Le manque de consultation engendre, bien entendu, un manque de confiance envers le gouvernement. Ce manque de confiance se manifeste lorsque le gouvernement continue d'adopter une approche paternaliste et d'imposer ses volontés. C'est flagrant en ce qui concerne cette série de projets de loi.
En fait, pour réaliser son programme, le gouvernement a, à mon avis, créé deux organismes supplémentaires dans le but de diviser nos dirigeants et notre peuple pour mieux régner. Nous avions un chef national que nous considérions comme notre premier ministre, mais nous aurons du jour au lendemain deux chefs nationaux, d'après cette série de projets de loi et d'après le gouvernement du Canada. Il est toutefois indéniable que les Premières nations considèrent qu'elles n'en ont qu'un.
Comme je l'ai mentionné, le manque de confiance envers le gouvernement est notamment dû à ce facteur. Je présume qu'il vient du manque de consultation adéquate et de coopération désintéressée avec nos gouvernements.
J'espère que la situation se sera améliorée d'ici février 2004.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Binet.
Monsieur Loubier, avez-vous d'autres questions?
M. Yvan Loubier: Non.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, grand chef. Nous vous invitons maintenant à faire vos observations finales. Vous avez une dizaine de minutes, si vous voulez.
Le grand chef Margaret Swan: Je ferai des commentaires sur l'histoire du Canada pendant les cinq prochaines minutes.
Je pense qu'un des atouts très importants qui manque aux membres des Premières nations du Canada est une éducation adéquate. Un des faits enseignés dans les écoles publique est que c'est Christophe Colomb qui nous a découverts ou qui a découvert notre pays au cours du XVe siècle. De toute évidence, ce n'est pas exact; nous étions établis ici depuis des temps immémoriaux. Ce fut de tout temps la terre de nos ancêtres.
Par ailleurs, nous n'avons jamais été un peuple conquis. Nous avons signé des traités avec vos ancêtres pour vivre dans la paix et dans l'harmonie et partager les richesses de cette terre et ses ressources.
En ce qui concerne la mise en oeuvre des traités, nous réclamons depuis 130 ans que votre gouvernement respecte nos traités. Le Traité no 1 a été signé à Winnipeg ou à Lower Fort Garry, dans la banlieue immédiate de Winnipeg, en 1871. Je ne vois pas pourquoi cela devrait donner lieu à un différend. À titre de descendants des propriétaires initiaux, tout ce que nous demandons est que votre gouvernement respecte ces traités et partage avec nous les richesses de ces terres auxquelles nous avons droit et en particulier, comme je l'ai déjà mentionné, le produit de la vente de nos ressources naturelles. Sur les 700 milliards de dollars que cela rapporte, vous redistribuez seulement 7 milliards à nos gouvernements, pour les quelque 630 Premières nations canadiennes. Environ 80 p. 100 de cette somme sont bloqués par des administrations comme le ministère des Affaires indiennes et du Nord.
Nous réclamons donc la mise en oeuvre des traités. Si vous nous accordiez les revenus générés par l'exportation de ces ressources, nous pourrions satisfaire de façon appropriée les besoins de base de nos citoyens en matière de logement. En outre, nous pourrions trouver des solutions créatives pour réparer les dommages causés par les politiques gouvernementales en ce qui concerne les pensionnats et l'adoption de nos enfants. Nous pouvons trouver des possibilités d'autoguérison.
Tout ce que nous voulons, c'est être traités de façon équitable. Aidez-nous à nous sortir nous-mêmes de la misère dans laquelle vivent un très grand nombre de nos jeunes. Certains d'entre nous font des efforts surhumains pour que la prochaine génération soit plus saine et pour qu'on lui délègue davantage de pouvoirs qu'à la mienne ou qu'aux précédentes.
Gitchi-Meegwetch pour votre attention. Je vous remercie pour cette occasion d'exprimer mes opinions. Puisse le Créateur vous aider à prendre des décisions judicieuses—des décisions qui soient justes et équitables pour nous tous.
Je vous remercie.
¼ (1855)
Le président: Merci beaucoup, grand chef Swan.
Nous allons maintenant de Winnipeg à Vancouver.
Nous souhaitons la bienvenue au représentant de la Union of British Columbia Indian Chiefs, le chef Stewart Phillip.
Nous avons une heure à passer ensemble et nous vous invitons donc à faire un exposé, en espérant qu'il restera du temps pour vous poser des questions.
Allez-y.
Le chef Stewart Phillip (président, Union of British Columbia Indian Chiefs): Bonjour, membres du comité, membres du personnel et observateurs. J'ai demandé la permission de témoigner aujourd'hui afin de rectifier le témoignage que Herb Satsan George a fait le lundi 9 juin 2003.
En raison du court préavis qui m'a été donné, mon exposé ne sera pas très long. Je voudrais annexer à mon exposé deux documents que j'aimerais voir figurer au compte rendu officiel. J'y ferai référence à d'autres occasions au cours de mon exposé.
Je voudrais d'abord me présenter. Je suis le chef de la bande indienne de Penticton, qui est une collectivité membre de la nation Okanagan. La nation Okanagan est composée de sept communautés, dont la population totale est d'environ 5 000 personnes. Je suis également président de la Union of B.C. Indian Chiefs, le plus ancien organisme politique en Colombie-Britannique. Notre organisme a été créé pour nous défendre contre le Livre blanc de 1969 sur la politique relative aux Indiens et pour faire progresser la reconnaissance de nos titres et de nos droits ancestraux. La UBCIC représente 60 collectivités des Premières nations. Je vous signale que la plupart de nos membres ne participent pas au processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique et qu'ils ne sont pas représentés par le Sommet des premières nations.
Afin de corriger les erreurs qui se sont glissées dans le témoignage de Satsan en ce qui concerne le processus décisionnel de l'Assemblée des premières nations au sujet de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations proposée, je présente un exemplaire d'une lettre que j'ai envoyée à Satsan le 10 mars 2003. Cette lettre rappelle les étapes du processus interne de l'AFN qui a abouti au rejet du projet de loi C-19 par l'Assemblée des premières nations. Ma lettre contient des renseignements précis et, par conséquent, je n'entrerai pas dans les détails, sauf pour mettre en évidence quelques points clés.
Le comité des relations financières de l'AFN coprésidé par Herb Satsan George et Manny Jules avait trois conditions à remplir à la suite de la décision prise à l'assemblée générale annuelle de l'AFN, à Halifax, en ce qui concerne le projet de loi C-19 à l'étude. D'après les mandats accordés à ce comité par les chefs réunis en assemblée en 1996, tout projet de loi devait être jugé selon les principes directeurs et les conditions énoncés dans ces résolutions. Le projet de loi C-19 ne répond pas aux conditions énoncées dans les diverses résolutions de l'AFN, y compris dans celle de Halifax.
Une assemblée spéciale de l'AFN a été convoquée à Ottawa en novembre 2002 pour que les chefs réunis en assemblée prennent une décision au sujet de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations. L'assemblée spéciale de l'AFN a rejeté dans son entièreté le contenu de ce qui constitue maintenant le projet de loi C-19. Lors d'une réunion ultérieure de l'AFN, en avril 2003, une résolution proposant la démission de Herb Satsan George et de Manny Jules à titre de coprésidents du comité des relations financières de l'AFN a été adoptée dans les règles. En ce qui me concerne, Satsan et Manny Jules agissent pour leur compte personnel, sans mandat national de l'Assemblée des premières nations.
Lundi dernier, Satsan a déclaré devant vous que le projet de loi C-19 est appuyé par le Sommet des premières nations, par la Union of Ontario Indians, par le Congrès des chefs des premières nations de l'Atlantique et par les Premières nations dotées de règlements administratifs concernant l'impôt foncier. Il jouait avec les chiffres au sujet du niveau d'appui du projet de loi C-19 au sein des Premières nations. En fait, ce n'est qu'une minorité, et pas la majorité des Premières nations qui appuient le projet de loi C-19, contrairement à ce que certaines personnes insinuent. Je suis conscient que certains chefs ayant des règlements administratifs concernant l'imposition n'appuient pas ce projet de loi. Je sais que des chefs de la Union of Ontario Indians et du Congrès des chefs des premières nations de l'Atlantique ont voté contre les dispositions du projet de loi C-19.
½ (1900)
Je recommande qu'au lieu d'imposer ce projet de loi à la hâte, des audiences en bonne et due forme soient tenues à l'échelle nationale pour recueillir un échantillon de témoignages reflétant les opinions des Premières nations, et pas uniquement celles de quelques personnes ayant un intérêt particulier dans les quatre institutions visées par le projet de loi C-19.
Un autre commentaire que nous voulons faire est que nous ne reconnaissons pas que le projet de loi C-19 est distinct du projet de loi C-7, Loi sur la gouvernance des premières nations ou du projet de loi C-6, Loi sur le règlement des revendications particulières. Le ministre Nault a reconnu que ces trois projets de loi constituent un ensemble. En fait, à ce propos, je vous rappelle la déclaration que M. David Nahwegahbow, ex-coprésident de la Commission sur les peuples autochtones du Parti libéral du Canada, a faite au sujet de la trahison et des promesses non tenues de Jean Chrétien.
M. Nahwegahbow, qui est avocat, a dit:
Toutes les politiques et tous les projets de loi que (Jean Chrétien) a proposés en ce qui concerne les Premières nations, à savoir la politique du gouvernement fédéral, la Loi sur la gouvernance des premières nations, la Loi sur le règlement des revendications particulières et la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations vont à l'encontre des promesses qu'il avait faites aux Premières nations au cours de la campagne électorale de 1993. |
Aux fins du compte rendu et pour vous rafraîchir la mémoire, je vous remets un exemplaire de la déclaration faite le 1er juin 2003 par M. Nahwegahbow et du programme électoral de 1993 du Parti libéral en ce qui concerne les Autochtones.
Pour ce qui est de la teneur du projet de loi C-19, nous pensons qu'une loi, surtout une loi nationale, n'est pas nécessaire pour instaurer ces quatre institutions. La Commission consultative de la fiscalité indienne et d'autres conseils ou commissions sont déjà en place, pour autant que nous sachions. Les lois dans ce domaine ne devraient pas être de portée nationale mais devraient inclure en annexe une liste des collectivités des Premières nations qui veulent modifier la nature de leurs relations avec l'État en se basant sur un projet de loi comme celui-ci.
Le vice-chef Charles Fox de l'Ontario a déclaré au cours de l'exposé qu'il a fait devant vous:
Le projet de loi n'a aucun rapport avec le véritable programme du gouvernement en ce qui concerne les Premières nations. Les transferts fédéraux doivent être accrus et les ressources du territoire ancestral doivent être partagées. Le principe qui consiste à imposer des taxes pour emprunter, sur lequel repose ce projet de loi, manque complètement le but. Le projet de loi libère le gouvernement de ses obligations et aggravera les problèmes des Premières nations à la longue. |
J'exhorte le comité à rejeter le projet de loi en bloc. Des amendements de façade, comme des dispositions non dérogatoires, sont inutiles. J'exhorte les quelques Premières nations qui appuient ce projet de loi à le remettre sur le métier et à élaborer des modèles locaux. L'imposition de ce modèle à la majorité non consentante des Premières nations va à l'encontre des principes des Premières nations. |
Nous appuyons la position des chefs de l'Ontario, telle qu'elle a été exprimée par le vice-chef Fox.
En conclusion, je signale que la Union of B.C. Indian Chiefs appuie la position de l'AFN quant au rejet en bloc du projet de loi C-19. Nous avertissons le gouvernement fédéral que s'il est adopté, nous contesterons cette série de projets de loi, y compris le projet de loi C-19.
Je vous remercie pour cette occasion d'exprimer nos opinions sur cette question à aussi court délai de préavis. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
½ (1905)
Le président: Merci beaucoup, chef. Nous vous remercions d'avoir accepté de témoigner à aussi court préavis. Nous sommes conscients des difficultés que cela présente.
Nous pouvons faire d'abord un tour de dix minutes.
Dix minutes, monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Bonjour, chef Sanderson. On a eu l'occasion de se rencontrer à Kenora récemment et cette rencontre a été très intéressante.
J'aimerais vous poser une question au sujet du projet de loi C-19, parce que pour le projet de loi C-7, tout est clair. Lorsqu'on a mené notre bataille contre le projet de loi C-7, une bataille qui n'est pas terminée d'ailleurs, il était clair que des droits fondamentaux des peuples autochtones étaient bafoués et que ce projet de loi infantilisait les premières nations. Ce projet de loi était très prescriptif, et il l'est toujours d'ailleurs. On souhaite qu'à un moment donné il soit mis à l'endroit où il devrait être, c'est-à-dire sur les tablettes.
Dans le projet de loi C-19, il est question d'institutions sur lesquelles plusieurs membres des premières nations ont déjà travaillé. Depuis quelques jours, on a eu l'occasion d'entendre des témoignages de certains de vos membres qui on travaillé au projet de loi C-19 et qui le défendent avec enthousiasme. Bien sûr, vous vous battez avec enthousiasme contre le C-19, mais je me demandais s'il n'y avait pas moyen--j'ai posé la même question tout à l'heure au grand chef Swan du Manitoba--d'améliorer ce projet de loi pour faire en sorte que les premières nations qui veulent se prévaloir des institutions qui y sont prévues, qui se sentent prêtes à s'en prévaloir parce qu'elles ont atteint un certain niveau d'organisation et de gestion des recettes fiscales qu'elles prélèvent déjà, puissent le faire. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'améliorer le projet de loi?
C'est certain qu'on peut faire disparaître l'article 83 et le remplacer par une disposition disant que c'est optionnel. Lorsque des mesures sont prises sur le plan législatif au niveau de l'impôt foncier, il faut nécessairement se référer à quelque chose. Le projet de loi C-19 serait le projet de loi auquel on se référerait. Est-ce qu'il y aurait moyen d'enlever ce biais en présentant un ou deux amendements qui pourraient vous satisfaire et qui pourraient vous faire appuyer ce projet de loi?
½ (1910)
[Traduction]
Le chef Stewart Phillip: En bref, la réponse est non. Je profite cependant de l'occasion pour signaler que je reconnais et que je respecte que de nombreux efforts ont été investis dans l'élaboration de ces projets de loi, notamment par Herb George et Manny Jules.
Je respecte en outre l'opinion des 90 collectivités autochtones sur 633 qui appuient ce projet de loi. Il est indéniable que leurs règlements administratifs en matière d'imposition et leur régime d'imposition leur permettent de tirer parti d'un tel projet de loi.
La Union of B.C. Indian Chiefs ne s'y oppose pas. Ce qui nous préoccupe, c'est que ce projet de loi aurait dû être agencé de façon analogue à la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, étant donné que cette loi s'applique spécifiquement aux Premières nations qui veulent tirer parti des possibilités qu'elle leur offre. Nous pensons que le même cadre aurait dû être adopté en ce qui concerne la législation fiscale pour permettre aux collectivités dotées de règlements administratifs en matière d'imposition d'utiliser cette initiative législative pour promouvoir les intérêts socioéconomiques de leurs collectivités. Les autres Premières nations du Canada, dont le nombre se chiffre à environ 550, ne devraient pas être concernées.
[Français]
M. Yvan Loubier: Chef Sanderson, si on vous faisait la démonstration et la preuve qu'avec quelques amendements au projet de loi C-19, on pourrait obtenir exactement les résultats que vous souhaitez atteindre, c'est-à-dire ne pas pénaliser les quelque 140 communautés qui pourraient s'en prévaloir, non plus que les autres, plus nombreuses encore, qui ne désirent pas se prévaloir de ce projet de loi, est-ce que vous pourriez l'appuyer? Il s'agirait d'avoir un projet de loi qui serait vraiment optionnel et qui ne ferait pas en sorte que lorsqu'une communauté adopte une loi en matière fiscale, elle serait automatiquement assujettie à la loi si le projet de loi C-19 était adopté, étant donné que l'article 83 de la Loi sur les Indiens disparaît. Si on vous donnait cette preuve, est-ce que vous changeriez d'idée et est-ce que vous seriez un peu plus enthousiaste quant au projet de loi C-19?
[Traduction]
Le chef Stewart Phillip: Sauf votre respect, monsieur Loubier, je suis le chef Phillip et pas le chef Sanderson.
En bref, la réponse est non également. Nous pensons que ce projet de loi doit être complètement remanié pour s'appliquer spécifiquement aux Premières nations qui sont dotées de l'infrastructure financière nécessaire pour en tirer parti.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je m'excuse, monsieur Phillip. Je pensais à Phillip, mais j'ai dit un autre nom. Je vous remercie infiniment pour vos réponses.
[Traduction]
Le président: Madame Neville.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Je vous remercie, chef Phillip. J'apprécie que vous fassiez un exposé à si court préavis.
On m'a signalé que l'un des principes de base de la Union of B.C. Chiefs, lors de sa création en 1969, était l'appui de la formation d'institutions visant à aider les Premières nations en matière de gouvernance. Vous vous opposez à ce projet de loi et je me demande si cette opposition ne va pas à l'encontre d'un des principes de base.
Le chef Stewart Phillip: Non. Sauf votre respect, ce n'est pas notre conception. La Union of British Columbia Indian Chiefs, à l'instar de nombreux organismes provinciaux-territoriaux, a été créée du jour au lendemain dans la foulée de l'annonce relative à la politique énoncée dans le Livre blanc de 1969.
Depuis une trentaine d'années, notre organisation s'applique à protéger et à défendre les droits des citoyens des Premières nations. Nous avons certes aussi pour objectif un règlement équitable des questions territoriales en suspens en Colombie-Britannique. Nous pensons que toute initiative législative ou d'autre nature doit répondre au critère de la reconnaissance des droits enchâssés dans la Constitution et reconnus par les tribunaux, qu'elle doit venir de nous et bénéficier d'un large appui.
En ce qui concerne ce projet de loi, bien qu'il soit vigoureusement appuyé par les collectivités qui sont dotées de règlements administratifs en matière d'imposition, la grosse majorité des collectivités des Premières nations du Canada n'ont pas le privilège d'avoir une assiette fiscale.
La grosse majorité de nos collectivités sont éloignées et n'ont pas les mêmes possibilités que les collectivités urbaines ou que celles situées à proximité de grands centres urbains qui, du fait même, présentent un attrait pour les entreprises locales.
½ (1915)
Mme Anita Neville: Je pourrais peut-être continuer à poser des questions du même type. Je ne suis pas allée dans votre collectivité, mais je connais bien la région. Je suis consciente que vous ayez certaines difficultés financières. On m'a signalé que la Ville de Penticton perçoit des millions de dollars dans votre collectivité. Ne serait-il pas avantageux pour vous et pour les citoyens de votre collectivité d'avoir la possibilité de percevoir ces recettes?
Le chef Stewart Phillip: C'est un sujet de discussion dans notre collectivité depuis des années. Notre conseil actuel et ceux qui l'ont précédé en sont conscients—en tout cas depuis l'amendement de Kamloops—et ils en ont discuté; ils ont décidé qu'ils ne voulaient pas encore participer à un régime de règlements administratifs en matière d'imposition.
Nous avons de nombreuses préoccupations à ce sujet. L'une d'elles a été exprimée au cours d'une discussion récente et le conflit qui a éclaté dans notre collectivité des Premières nations voisine, à savoir celle de la Première national Westbank, est lié à l'opposition à son référendum local sur l'autonomie gouvernementale.
Environ 8 000 non-Autochtones habitent sur le territoire de cette collectivité des Premières nations. Ces résidents ont demandé une injonction pour faire obstacle à cet accord sur l'autonomie gouvernementale, en prétextant des accusations discriminatoires à l'effet que ceux qui ne paient pas d'impôt ont le droit de voter au sujet de ce type de mesure alors que les 8 000 personnes qui en paient n'ont pas le droit de le faire. La crainte qu'ont de nombreuses collectivités des Premières nations est qu'à un moment ou l'autre, la Cour suprême soit saisie de l'affaire. Il s'agira d'une contestation en vertu de la Charte. On accordera alors aux non-Autochtones qui résident sur le territoire de collectivités des Premières nations le privilège de voter et d'occuper des charges publiques.
Par conséquent, certaines collectivités des Premières nations refusent de passer des accords concernant des règlements administratifs en matière d'impôt pour diverses raisons.
Mme Anita Neville: Est-ce que ce serait le cas pour votre collectivité, d'après le motif que vous avez exposé?
Le chef Stewart Phillip: Bien que la distance entre notre collectivité et les collectivités voisines soit très réduite, la situation économique et le territoire sont complètement différents. Nous avons un territoire très étendu, mais 97 p. 100 de sa superficie est du terrain escarpé. C'est un territoire montagneux et les terres qui se prêteraient au développement sont touchées par de nombreux droits de passage, lignes de transmission, voies ferrées abandonnées—pour lesquelles le droit de passage est toujours un sujet de conflits—, aéroports, lits de rivière, routes, etc.
La question fondamentale qui se pose est: a-t-on ces possibilités ou pas? Nous pensons que la grosse majorité des collectivités des Premières nations n'ont pas ces possibilités fiscales et, si elles les avaient, plus de 90 collectivités auraient mis en place des règlements administratifs en matière d'imposition.
La grosse majorité des collectivités des Premières nations sont très éloignées et isolées. C'est pourquoi de nombreux témoins vous ont signalé que nous voulons qu'on tienne compte des intérêts liés à nos titres ancestraux et recevoir une part équitable des ressources situées sur nos territoires ancestraux. En ce qui nous concerne, c'est la solution à la situation socioéconomique épouvantable de nos collectivités.
½ (1920)
Mme Anita Neville: Merci beaucoup, chef.
Le président: Merci, madame Neville.
Quelqu'un d'autre a-t-il des questions à poser?
Dans ce cas, chef Phillip, nous vous invitons à faire des observations finales. Vous pouvez parler aussi longtemps que vous le voulez.
Le chef Stewart Phillip: Je remercie à nouveau le comité pour son attention.
Je voudrais que vous sachiez que nous sommes conscients des efforts considérables qui ont été déployés par les collectivités des Premières nations qui ont des règlements administratifs en matière d'imposition et se prévalent de ces occasions et que nous les respections; elles ont d'ailleurs obtenu des résultats remarquables. Nous comprenons leur appui énergique et enthousiasme en ce qui concerne ce projet de loi.
Nous estimons qu'il faut leur donner l'occasion d'avoir accès à ce projet de loi, sous une forme qui réponde à leurs besoins, mais que ce projet de loi ne devrait pas être de portée nationale. Il devrait s'inscrire dans le même style de cadre que la Loi sur la gestion des terres des premières nations. C'est le message que nous espérons communiquer.
En guise de conclusion, je dirais que la réconciliation entre les gouvernements fédéral et provinciaux et les Premières nations ne sera pas facile. Ce sera long. Des consultations sincères seront nécessaires. Un partenariat sincère et concret sera nécessaire. Ce n'est malheureusement pas encore le cas. Nous sommes encore victimes de l'opportunisme politique et de l'héritage que nous laisse le premier ministre actuel.
Je suis optimiste et je pense que ce climat et ces conditions changeront d'ici peu, pas seulement dans les milieux gouvernementaux, mais aussi dans nos collectivités. Je pense qu'une nouvelle dynamique générera des occasions de tenir le type de consultations nécessaires pour pouvoir élaborer ensemble des mesures législatives qui seront durables et qui permettront d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Je vous remercie pour votre attention.
Le président: Merci beaucoup, chef Phillip.
Nous revenons maintenant de Vancouver à la Colline du Parlement où nous accueillons l'Aboriginal Peoples Council of Toronto. Nous avons le plaisir et l'honneur d'accueillir son président, Roger Obonsawin.
Soyez le bienvenu, monsieur Obonsawin. Vous connaissez le système. Nous disposons d'une demi-heure. Nous vous demandons de faire un exposé en espérant que vous nous laisserez du temps pour poser des questions. Vous pouvez commencer dès que vous serez prêt.
M. Roger Obonsawin (président, Aboriginal Peoples Council of Toronto): Je prends d'abord une gorgée d'eau.
[Le témoin parle en langue autochtone]
Bonsoir. Je tiens à remercier le comité de me permettre de faire cet exposé. C'est un court préavis et ce sera donc un bref exposé, mais j'apprécie cette occasion.
Je voudrais tout d'abord poser une question très simple. Comment la situation aurait-elle évolué si, au lieu de signer des traités avec les Européens qui ont débarqué dans ce pays, les nations autochtones avaient adopté une loi sur les colons blancs afin de dicter la nature des relations entre nos nations et les immigrants? Quelle aurait été leur réaction? Cela aurait inévitablement entraîné des conflits armés.
Alors que quelques conflits ont éclaté, la Proclamation royale de 1763 a instauré un processus pacifique fondé sur des traités dans le but de déterminer la répartition des terres et des ressources. Un système de rentes avait été instauré afin de compenser les inégalités de chances des peuples autochtones.
Aucun accord n'avait été conclu avec notre peuple au sujet de l'adoption d'une loi—à savoir la Loi sur les Indiens—ayant pour but d'exercer sur nous un contrôle et de nous gouverner. Cette loi a été mise en oeuvre alors que les traités auraient dû servir de base. Le gouvernement n'a jamais eu de discussions avec nos ancêtres au sujet de la Loi sur les Indiens et la plupart des Autochtones n'étaient même pas au courant de son adoption.
J'estime que la législation proposée maintenant par le ministre Nault, y compris le projet de loi C-19, représente la série la plus récente d'initiatives unilatérales et quasi dictatoriales prises par le gouvernement fédéral pour continuer d'exercer un contrôle sur notre vie et pour nous coincer, afin de se soustraire à ses obligations envers les peuples des Premières nations.
Ce projet de loi nous aidera-t-il à sortir de la misère? Non. Nous aidera-t-il à exercer davantage de contrôle sur notre économie? Non. Nous permettra-t-il d'avoir le contrôle sur nos terres et nos ressources pour accroître nos revenus? Non.
Quelles seront donc les incidences de ce projet de loi? Le projet de loi C-19 nous conférera un statut proche de celui des municipalités, surtout en matière d'imposition. Il supprimera notre exonération fiscale et entraînera une expansion des impôts dans d'autres secteurs que le secteur foncier. Il réduira par conséquent notre gouvernance et entraînera une «municipalisation» des réserves.
En outre, l'imposition foncière limitée aux terres de réserve pourrait donner lieu à des décisions de la cour défavorables aux revendications territoriales des Premières nations concernant le territoire hors réserve, étant donné que le nouveau système d'imposition foncière n'englobe pas ces terres. Les probabilités seraient grandes que les tribunaux décident qu'en appliquant des impôts uniquement dans les réserves, les Premières nations aient renoncé à leurs revendications territoriales sur le territoire hors réserve.
La situation est aggravée du fait que le nouveau système d'imposition est fondé sur la résidence plutôt que sur la citoyenneté, de sorte que l'on oblige les non-Autochtones qui ont établi des entreprises dans des réserves à payer des impôts. Nous faisons payer des impôts à d'autres citoyens que les nôtres et la situation peut être inversée.
Les municipalités savent très bien que les impôts fonciers sont le type d'imposition le plus restrictif et que c'est une méthode très restreinte de production de recettes pour la gouvernance et le développement de l'infrastructure. Elles ne cessent de s'en plaindre à Ottawa. Pensez-vous que ce serait différent en ce qui concerne nos impôts fonciers?
Quels gains financiers nets pourraient tirer les Premières nations de l'imposition foncière? Depuis 1987, soit sur une période de 15 ans, environ 200 millions de dollars ont été recueillis sur les biens fonciers des Premières nations. L'année dernière, le montant atteignait environ 1,6 million de dollars.
½ (1925)
Par contre, le manque à gagner des Premières nations, du fait que le service de la rente n'a pas été indexé, se chiffrerait à 300 millions de dollars pour une seule année. Ces fonds auraient pu être utilisés pour le développement de l'infrastructure, pour la gouvernance et pour le développement économique.
Après l'instauration d'une nouvelle assiette fiscale, le gouvernement fédéral réduirait très probablement ses paiements de transfert, ce qui lui permettrait de se libérer de ses obligations fiduciaires sans établir d'autres modes de production de revenus.
Je pense que M. Fred Lazar de la Schulich School of Business a déjà mentionné les aspects limitatifs du projet de loi en ce qui concerne la production de revenus. Je n'insisterai donc pas sur ce point.
J'estime que le gouvernement fédéral fait savoir, par le biais de ce projet de loi, qu'il ne respectera pas les engagements qu'il a pris dans le contexte des traités et qu'il se libérera de ses obligations futures sans prévoir des solutions de rechange viables.
Tous les objectifs que le projet de loi C-19 permettra d'atteindre, d'après le ministre, pourraient être réalisés sans avoir recours à une loi fédérale de contrôle. Pourquoi une loi fédérale est-elle nécessaire pour permettre aux Premières nations d'instaurer leurs propres institutions financières?
J'ai passé mon enfance—qui est déjà loin, et M. Bonin s'en souvient probablement—dans un quartier majoritairement francophone de Sudbury, le Flour Mill. Mon père a participé à la création de la caisse populaire. L'année où j'ai commencé à fréquenté l'école, j'étais très fier lorsqu'il a décidé de m'accorder une allocation et qu'il a versé 5 $ pour ma participation à la caisse populaire. C'était ma banque. Je n'avais que six ans, mais c'était ma banque. J'avais une action dans la banque. Une loi fédérale réglementant les banques a été mise en place, mais les francophones n'avaient pas besoin d'une loi spéciale fondée sur la race pour créer ou contrôler leurs propres institutions financières.
Je déconseille au gouvernement d'imposer ce projet de loi parce que cela entraînerait inévitablement l'imposition d'un régime de gestion non optionnel des terres visées par la Charte en vertu duquel des terres en fief simple seront utilisées comme garantie. Un système analogue établi sur les terres des Premières nations aux États-Unis dans les années 50 et 60 a entraîné la perte de plusieurs millions d'acres de terres au profit d'intérêts non autochtones. Cette loi a été abrogée en 1970.
Le projet de loi C-19 ne permettra pas de générer des ressources suffisantes pour aider les Premières nations à sortir de la misère. Pourquoi investit-on des sommes aussi considérables dans l'élaboration de ce projet de loi alors que ses avantages financiers seront très maigres?
Je ne peux pas appuyer les principes sur lesquels repose le projet de loi C-19. Si vous proposiez des amendements, ce serait comme mettre du rouge à lèvres à un cochon. On aurait beau tout faire pour embellir l'emballage, cela resterait un cochon.
La seule conclusion que je puisse en tirer est que le véritable motif de l'adoption du projet de loi C-19 et des autres projets de loi de cette série est de permettre au gouvernement fédéral de se soustraire aux obligations qu'il a contractées dans le contexte des traités et de la Proclamation royale de 1763.
Il faut s'appuyer à nouveau sur les traités. Il faut rétablir le système de partage des ressources et voir comment l'on peut le rendre vraiment équitable au lieu d'imposer des taxes aux plus pauvres qui, contrairement aux gouvernements provinciaux, n'ont pas les revenus nécessaires pour financer leur gouvernance. Cette initiative aggravera la situation mais, surtout, elle empoisonnera les relations entre le gouvernement fédéral et les Premières nations pour de nombreuses années.
Je vous remercie pour votre attention.
½ (1930)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Obonsawin.
Nous pouvons faire un tour de cinq minutes ou même de sept minutes. Qui veut commencer?
Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Les raisons que vous avez invoquées et qui ont été également invoquées par deux autres témoins pour rejeter ce projet de loi m'intéressent. En ce qui concerne notamment la possibilité que ce soit un prétexte pour se débarrasser des Autochtones et se libérer des obligations financières envers les collectivités autochtones, pour ne plus avoir un sou à leur donner en fin de compte, je me pose des questions. Connaissez-vous une collectivité au Canada où un système d'imposition est en place qui ne reçoive pas de fonds, directement ou indirectement, du gouvernement fédéral? C'est inexistant au Canada.
Le fait que ce soit Toronto, Vancouver, Edmonton, Lethbridge, Saskatoon ou Thunder Bay n'a aucune importance: des fonds sont transférés constamment, pour divers motifs, que ce soit par le biais des régimes des pensions ou de divers types d'avantages fiscaux, de régimes d'impôt sur le revenu, de régimes de sécurité sociale, de projets d'infrastructure pour de nouveaux réseaux d'égouts ou un nouveau stade ou des hôpitaux. Les collectivités autochtones reçoivent constamment des fonds du gouvernement fédéral de façon directe et aussi de façon indirecte, par l'intermédiaire des gouvernements provinciaux et des paiements de transfert. Les transferts de fonds sont constants.
Pourquoi explique-t-on à la population autochtone que la raison pour laquelle il faut rejeter ce projet de loi est que le gouvernement fédéral veut cesser de devoir octroyer des fonds aux collectivités autochtones? Pourquoi?
M. Roger Obonsawin: Le gouvernement fédéral a la responsabilité des paiements de transfert et des paiements de péréquation, ainsi que de certains services. Ce n'est pas là la question.
La question est que, pour gérer une structure de gouvernance et assurer le développement économique, le gouvernement fédéral a transféré ces ressources et leur contrôle aux provinces en vertu de la Loi sur le transfert des ressources naturelles. Il s'agissait, dans la plupart des cas, de ressources qui nous appartenaient. Pourquoi ces fonds—notre juste part de ces ressources—ne sont-ils pas versés aux collectivités autochtones? Ils constitueraient la base nécessaire pour la gouvernance que vous voulez implanter. C'est pourquoi les provinces ont été en mesure d'établir leur gouvernance et ont établi ensuite leur régime d'imposition, sinon, on aurait fait payer des impôts excessifs aux citoyens.
C'est là la question. Et c'est la question dont il faut discuter. Il ne faut pas examiner la possibilité d'instaurer un régime avant même d'avoir examiné la question du partage de ces revenus. Cela peut constituer la base nécessaire à une gouvernance efficace et au développement économique. Ensuite, on pourrait examiner les accords concernant le partage et déterminer s'il convient que ce partage se fasse par voie de transfert...
½ (1935)
M. Stan Dromisky: Vous ne répondez pas à ma question. Pourquoi affirmez-vous que nous comptons verser moins de fonds aux collectivités autochtones—«Nous espérons que finalement, vous aurez perçu suffisamment de recettes sur vos biens et que le gouvernement fédéral cessera complètement de verser des fonds»?
M. Roger Obonsawin: Parce que le processus est déjà entamé. Les paiements dans les secteurs de l'éducation et de la santé ont déjà été réduits, ainsi que dans le secteur des services de santé non assurés.
M. Stan Dromisky: Les restrictions touchent tout le pays. Toutes les localités ont été touchées. Tous les habitants de ce pays ont été touchés dans une certaine mesure. Ils ont été touchés par certaines restrictions, au même titre que toutes les entreprises, institutions ou associations. Toutes les personnes et tous les organismes qui recevaient des fonds d'Ottawa ont été touchés. Comprenez-vous ce que je veux dire?
M. Roger Obonsawin: Oui, je comprends très bien.
M. Stan Dromisky: Le ministère des Affaires indiennes et du Nord est le seul ministère fédéral dont le budget ait été augmenté chaque année.
Le président: Monsieur Dromisky, nous devons donner à notre invité l'occasion de répondre.
M. Stan Dromisky: Oui. Je m'excuse.
M. Roger Obonsawin: En outre, notre population augmente plus rapidement que l'ensemble de la population canadienne. C'est une population qui vit dans la misère; le niveau de vie est nettement inférieur à la moyenne nationale et on prévoit en outre que l'écart se creusera encore davantage. Le gouvernement fédéral avait des obligations en vertu des traités, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation. Ce sont nos perceptions ou nos opinions.
Au lieu d'examiner les possibilités de renforcer ces obligations, on examine les possibilités d'instaurer un régime d'imposition qui nous permettrait de prendre ces obligations en charge.
La confiance ne règne pas entre le ministère des Affaires indiennes et nos collectivités. Elle a disparu il y a des années. Cela a été mentionné à maintes reprises.
Je refuserai... Personnellement, je n'accepte jamais de fonds du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Ça me permet de rester libre; je n'ai pas à me préoccuper d'éventuelles compressions budgétaires. Je reste libre.
Nos collectivités n'ont toutefois pas les moyens de refuser. Certaines recommandations préconisent d'entreprendre des négociations pour chacune de ces questions en dehors du ministère et d'établir un poste de ministre d'État distinct pour entamer de véritables négociations, parce que l'affectation des fonds a toujours été une source de contrôle et d'abus. L'octroi de ces fonds découle généralement d'obligations contractées en vertu de traités; c'est là le problème.
Nous devons nous affranchir de ce système. C'est ce qu'ont recommandé le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones et le rapport Penner, mais nous ne nous en sommes pas encore affranchis. Comme je l'ai déjà mentionné, comment peut-on négocier les conditions de sa libération et de sa liberté avec son geôlier? Ce n'est pas possible. Vous instaurez un système à cette fin, un système distinct en nous menaçant de supprimer ces fonds si nous ne négocions pas selon vos volontés.
M. Stan Dromisky: Je pense que vous avez donné une excellente réponse et que vous avez vu juste en faisant état de l'absence de confiance.
Le président: Je vous remercie, monsieur Dromisky.
Monsieur Loubier, sept minutes.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur Obonsawin, je vais vous poser la question que j'ai posée à d'autres auparavant. J'essaie de voir comment on pourrait améliorer ce projet de loi au lieu de le mettre de côté et de recommencer l'exercice.
Est-ce que, selon vous, il y aurait moyen d'améliorer ce projet de loi? Si le projet de loi devenait véritablement optionnel, si l'article 83 de la Loi sur les Indiens disparaissait et que les premières nations n'étaient pas obligatoirement assujetties au projet de loi C-19 chaque fois qu'elles adopteraient des dispositions législatives, de façon générale, sur le plan foncier ou sur le plan fiscal, seriez-vous prêt à l'appuyer? Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'améliorer les choses à cet égard?
Le projet de loi C-7 est une chose. Je suis encore convaincu qu'il n'y a pas moyen d'améliorer quoi que ce soit dans ce projet de loi. Mais, selon vous, n'y aurait-il pas quelque chose à faire avec le projet de loi C-19?
½ (1940)
M. Roger Obonsawin: Le chef Phillip avait dit qu'il devrait y avoir une option pour ceux qui veulent profiter du projet de loi C-19.
Je suis un peu plus sceptique. Je vois que cela a commencé avec le Chartered Lands Act. C'était censé être une option. Quand les bandes n'ont plus d'argent, c'est le seul choix qu'elles ont. Elles ne choisissent pas cette option parce qu'elles le veulent bien, mais parce qu'elles y sont forcées.
À cet égard, le ministère n'est pas honorable. Je vais répéter en anglais ce que j'ai dit, parce qu'il est difficile de le traduire.
[Traduction]
On ne peut pas faire d'amendement car ce serait comme mettre du rouge à lèvres à un cochon. L'emballage reste le même et on ne peut pas l'embellir.
[Français]
Les principes ne sont pas acceptables.
M. Yvan Loubier: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Je vous remercie, monsieur le président.
Je ne comprends pas très bien.
Monsieur Obonsawin, d'après ceci, vous représentez le Aboriginal Peoples Council of Toronto. Vivez-vous en réserve ou hors réserve?
M. Roger Obonsawin: Les deux. J'ai une entreprise dans la réserve des Six Nations et également à Toronto. Je collabore beaucoup avec des réserves des Premières nations.
Ma réserve est située au Québec. Je suis Abénaquis.
M. Charles Hubbard: Vous êtes un homme d'affaires prospère et vous avez créé des richesses. Nous avons accueilli des représentants de plusieurs Premières nations vivant dans des réserves qui veulent créer des richesses pour leurs collectivités. Pourquoi, compte tenu du fait que votre entreprise est située à Toronto, à titre d'homme d'affaires prospère, qui fait des affaires avec des Autochtones hors réserve, voulez-vous les priver du projet de loi C-19 créant des instituts qui leur permettraient de générer des richesses et d'améliorer le sort des personnes vivant dans les réserves?
Cette attitude me laisse un peu perplexe. Je trouve que votre comparaison avec un cochon auquel on mettrait du rouge à lèvres n'est pas très appropriée compte tenu de l'interprétation que vous faites de ce projet de loi.
Le président: Je vous interromps parce que je n'ai pas perçu chez M. Obonsawin d'intention de priver d'autres collectivités des bienfaits du projet de loi. Il a signalé le manque de confiance. Il a cité de nombreuses autres raisons de ne pas appuyer ce projet de loi.
Je tenais à le préciser. En toute justice, je n'ai pas perçu chez lui l'intention de priver d'autres collectivités autochtones des avantages du projet de loi.
M. Charles Hubbard: Il pourrait peut-être expliquer sa position.
M. Roger Obonsawin: En ce qui concerne le parallèle avec le cochon auquel on mettrait du rouge à lèvres, c'est une image que les économistes emploient constamment. C'est ainsi...
M. Charles Hubbard: Je n'avais encore jamais entendu cela.
M. Roger Obonsawin: Depuis 1969, mes activités se déroulent à la fois en réserve et hors réserve. La principale activité de mon entreprise porte sur le développement économique des Autochtones par le biais de l'imposition. Je dépense la plupart de mes revenus pour contester les initiatives du gouvernement fédéral dans ces domaines devant les tribunaux. J'ai le privilège d'en tirer malgré tout un revenu confortable. La majeure partie de ce revenu supplémentaire est distribuée à nos employés.
Nous avons plus de 1 000 employés à l'échelle nationale. La plupart d'entre eux vivent en réserve; d'autres vivent hors réserve. Un nombre croissant d'Autochtones hors réserve estiment avoir maintenu des liens avec les réserves, comme le signale Corbiere. On a donc une obligation à leur égard.
La plupart des Autochtones qui travaillent en milieu urbain et reçoivent des exonérations fiscales remettent une partie de cet argent à leur réserve. Ils ont une obligation et on a en quelque sorte des attentes à leur égard. Quand vous avez un emploi hors réserve et que vous gagnez bien votre vie, on s'attend à ce que vous aidiez ceux qui sont restés dans la réserve. Par exemple, une de mes employées a aidé sa mère à construire une maison dans la réserve. On a donc des attentes.
Par conséquent, il est difficile de faire une distinction entre ceux qui sont restés en réserve et ceux qui vivent hors réserve. Les économies autochtones ne sont pas des économies liées à un lieu précis, qu'il s'agisse de Toronto ou de la réserve des Six Nations; c'est une économie fondée sur les nations.
Toronto est la ville du Canada où sont représentées le plus grand nombre de nations autochtones et la plupart des membres de ces nations ont encore des liens avec leur réserve. Par conséquent, je n'aime pas faire de distinction à ce niveau.
D'après mon expérience personnelle, mon entreprise a contribué davantage au développement économique des collectivités que les millions de dollars distribués en cadeau et sous forme de paiements, parce que dans notre cas, aucune condition n'y est rattachée. J'ai très bien réussi. C'est donc le principe de base sur lequel je m'appuie.
½ (1945)
Le président: Madame Karetak-Lindell, vous disposez de cinq minutes.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): J'ai une petite question à poser.
Quelques témoins qui appuient le projet de loi ont expliqué qu'ils pourraient faire fructifier les fonds qu'ils reçoivent du MAINC et que cela leur permettrait d'entreprendre davantage de projets pour leur collectivité. Ils pensent que ce projet de loi est une des seules possibilités de le faire parce que la plupart des petites bandes ne peuvent pas obtenir les prêts nécessaires dans une banque.
En entendant cela, j'ai pensé que, puisque d'après la plupart des personnes qui l'appuient, ce projet de loi est optionnel, il constitue au moins un premier pas vers l'autonomie pour certaines collectivités. Comme en ce qui concerne les autres projets de loi, nous avons signalé que cela ne remplaçait pas les négociations sur l'autonomie gouvernementale. Il s'agit d'étapes provisoires visant à aider les collectivités à accéder à une plus grande autonomie.
M. Roger Obonsawin: Je ne critique pas les collectivités qui décident d'approuver le projet de loi C-19 parce qu'elles estiment que c'est la seule option pour elles. Je signale toutefois que nous avons d'autres options en matière de développement économique. L'imposition n'est pas l'option par excellence. En fait, elle nuit au développement économique.
Il faut donc d'abord égaliser les chances et on pourra ensuite discuter d'imposition. Tant que nous ne serons pas sur un pied d'égalité, j'éprouverai une certaine méfiance à l'égard des régimes d'imposition parce qu'en fin de compte, ce sont les plus démunis qui doivent payer des impôts et que je ne suis pas disposé à l'accepter.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Je n'ai pas interprété cela comme une façon directe de faire payer des impôts aux résidents. Je pensais que l'on considérait que c'était un investissement et que ce n'était pas de l'imposition directe sur le chèque de paye, ou quelque autre forme d'imposition appliquée aux résidents de la réserve, mais que cela pouvait servir de garantie pour obtenir un prêt auprès d'une banque.
M. Roger Obonsawin: J'ai eu des entretiens avec de nombreux Autochtones vivant dans les réserves et hors réserve. Pas une seule de ces personnes ne pensait que cela s'arrêterait là et se limiterait strictement à l'imposition foncière des non-Autochtones. Les précédents sont établis et les structures sont en place et il sera nécessaire de faire appel à ce système lorsqu'on sera à court de revenus, surtout lorsque la participation du gouvernement fédéral et des autres gouvernements sera limitée. Par conséquent, je considère que c'est une lourde contrainte.
Je pense tout simplement que ce n'est pas la bonne solution pour l'instant. Peut-être à l'avenir. On créerait des précédents en faisant des payer des impôts à d'autres citoyens. Ce système est fondé sur le lieu de résidence et non sur la citoyenneté.
Quand il s'agit d'un pays...si je travaille au Canada, puis que je vais travailler trois mois en France, et ensuite trois mois dans un autre pays, l'impôt que je dois payer revient au Canada. Le système est fondé sur la citoyenneté et non sur le lieu de résidence.
En instaurant dans les réserves un régime d'imposition fondée sur le lieu de résidence, on crée un moule. On dira certes que l'on a maintenant des territoires hors réserve. Comment générerez-vous des revenus en ce qui concerne les entreprises situées hors réserve? Non, vous n'avez pas la compétence nécessaire, parce que vous ne pouvez pas faire payer de l'impôt.
Ce n'est donc pas aussi simple qu'il paraît à première vue et on créerait un précédent très dangereux.
½ (1950)
Le président: Merci beaucoup, madame Karetak-Lindell.
Monsieur Obonsawin, avant de vous demander de faire des observations finales... Je pense que nos pères ont collaboré à la création des caisses populaires à Sudbury. Je pense que vous restez en contact avec Sudbury et vous savez probablement qu'il y a 12 caisses populaires Desjardins dans cette ville.
Sans tenir compte du projet de loi C-7 ou du projet de loi C-19, je pense que les francophones du nord de l'Ontario doivent leur survie à ces institutions. Sans vouloir m'engager dans un débat au sujet de ces institutions, j'encourage toujours les Premières nations à établir des institutions et j'apprécie toujours qu'elles le fassent parce que c'est ainsi que l'on forme des bénévoles comme votre père et le mien qui vous ont et qui m'ont beaucoup appris. C'est peut-être à ces institutions que nous devons notre réussite actuelle. Par conséquent, j'encourage toujours la création d'institutions. Comment pourrait-on survivre sans elles?
Je suis heureux de vous voir et je vous invite à faire des observations finales.
M. Roger Obonsawin: La différence que je perçois est que l'on hésite toujours à prendre des risques, à cause des années de dépendance totale des Autochtones à l'égard du ministère des Affaires indiennes.
En matière de développement économique, c'est inévitable. Plus on met de structures en place, et moins les personnes perçoivent de risque. À un moment ou l'autre, il faut voler de ses propres ailes et établir ses propres structures en prenant des risques. On tire des leçons des échecs et on profite des résultats.
Je pense effectivement que ce projet de loi a été élaboré avec l'aide d'un groupe de personnes très sincères, mais on se couvre en comptant sur le gouvernement fédéral, sur ses lois et sur ses structures. On pourrait obtenir de bien meilleurs résultats par ses propres moyens. On en tirerait une plus grande fierté et une plus grande dignité.
Je vous remercie pour votre attention.
Le président: Merci beaucoup. Nous apprécions beaucoup votre participation, surtout à aussi court préavis.
Nous communiquons maintenant avec Winnipeg, avec la Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc. On se retrouvera peut-être dans une autre région si ma prononciation est mauvaise.
Nous ferons une pause de quelques minutes en attendant que la communication soit établie.
½ (1954)
¾ (2002
Le président: Nous reprenons l'étude du projet de loi C-19 avec la Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc., de Winnipeg.
Grand chef Francis Flett, est-ce bien vous que je vois sur l'écran?
Le grand chef Francis Flett (Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc.): C'est bien moi.
Le président: Le grand chef est accompagné de Michael Anderson, le directeur de la recherche.
Nous disposons d'une demi-heure. Nous vous invitons à faire votre exposé en espérant qu'il nous restera quelques minutes pour vous poser des questions.
Vous pouvez y aller dès que vous serez prêt.
Le grand chef Francis Flett: Bien. Nous commençons tout de suite, étant donné que nous ne disposons que d'une demi-heure. Je pense que vous avez tous un exemplaire de notre mémoire.
Le président: Non, nous n'avons pas reçu votre mémoire.
Une voix: Il a été envoyé par télécopieur à la greffière, au cours de la dernière heure en tout cas, compte tenu du délai que nous avons eu.
Le président: Si c'est au cours de la dernière heure, la greffière n'était pas dans son bureau; elle est ici. Par conséquent, nous écouterons votre exposé et nous recevrons certainement un exemplaire de votre mémoire demain matin.
Le grand chef Francis Flett: J'y vais.
Je suis le grand chef des 30 Premières nations que nous représentons à la Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc. J'entame directement notre exposé.
Avant le dépôt du projet de loi C-19, le 2 décembre 2002, le ministre des Affaires indiennes et du Nord, les Premières nations du Canada et le gouvernement du Canada avaient manifesté le désir d'établir de nouvelles relations financières entre les gouvernements des Premières nations et le gouvernement du Canada fondées sur les principes de la souplesse, de l'équité, du choix, de l'assurance de services gouvernementaux comparables à ceux que reçoivent les autres paliers de compétence, des initiatives économiques et de l'efficacité.
Ces nouvelles relations devraient être fondées sur un partage équitable des revenus tirés des terres visées par les traités et des ressources naturelles ainsi que des terres et des ressources auxquelles s'applique un titre ancestral non réglé.
Les Premières nations ont fait en outre savoir que toute nouvelle relation financière doit être conforme au cadre constitutionnel et juridique, y compris en ce qui concerne l'interprétation des traités et le respect des droits et des titres ancestraux par la Cour suprême du Canada.
Les Premières nations et le gouvernement fédéral avaient déjà convenu, tel que recommandé dans le rapport du Comité spécial de la Chambre des communes sur l'autonomie gouvernementale, paru en 1983, et dans le rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones, publié en 1996, que de nouvelles relations financières soient établies par consentement réciproque des Premières nations et du gouvernement fédéral.
La Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc. continue d'être en faveur de l'établissement de nouvelles relations financières entre les gouvernements des Premières nations et le gouvernement du Canada. C'est avec regret qu'elle se doit de vous signaler que le mécanisme proposé dans le projet de loi C-19 n'est pas conforme aux principes de la souplesse, de l'équité, du choix, de l'assurance, des initiatives économiques et de l'efficacité. Il n'est pas fondé sur un partage équitable des revenus provenant des terres et des ressources et n'est pas conforme au cadre constitutionnel et juridique.
La MKO représente 60 000 membres de Premières nations visées par des traités faisant partie de nos 30 Premières nations les plus septentrionales du Manitoba. Le territoire ancestral commun des Premières nations membres de la Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc. couvre près des trois quarts du territoire de la province du Manitoba.
Les Premières nations membres de la MKO ont signé des traités appelés Traité no 4 de 1874, ou Traité Qu'Appelle, Traité no 5, de 1875 à 1910, ou Traité de Winnipeg; Traité no 6 de 1876; traités de Fort Carlton et de Fort Pitt, et Traité no 10, de 1906 à 1908.
La MKO Inc. est actuellement représentée sur une médaille remise par Sa Majesté et les commissaires aux traités comme symbole de la relation sacrée entre nos nations et Sa Majesté. Cette médaille représente clairement un commissaire arrivant sur le territoire d'une Première nation pour négocier et passer des traités, pour rencontrer les dirigeants du gouvernement et conclure avec eux un accord, sur le territoire des Premières nations.
¾ (2005)
Cette médaille représente notre volonté commune d'édifier une nation dans la paix et la bonne volonté, en établissant des relations fondées sur les principes de la confiance réciproque, de la reconnaissance, de l'honneur et du respect.
Je passe maintenant la parole à Mike, parce que j'ai beaucoup de difficulté à lire le texte. Ma vision est trouble en quelque sorte.
Je laisse donc à Mike le soin de poursuivre la lecture de notre mémoire.
¾ (2010)
M. Michael Anderson (directeur de la recherche, Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc.): Je vous remercie, grand chef.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, si vous nous voyez très bien, l'image n'est pas très claire dans cette pièce. Nous ferons de notre mieux.
Pour résumer les autres parties du mémoire, je signale qu'on y mentionne que les traités font état de relations financières, même dans leur version initiale. Certes, dans les traités numérotés du Manitoba, une des principales formes de relations financières se manifeste clairement dans les droits de subsistance, c'est-à-dire des droits de récolte—la chasse, la pêche et le piégeage. Je signale que dans l'arrêt Marshall de 1999, la Cour suprême du Canada a fait des commentaires sur les relations financières dans le contexte tel qu'il aurait été perçu à l'époque des traités initiaux. Elle a mentionné que:
La clause relative au commerce n'aurait pas favorisé les objectifs des Britanniques (des relations harmonieuses avec un peuple mi'kmaq autosuffisant) ni ceux des Mi'kmaq (l'accès aux «biens nécessaires» européens, sur lesquels ils étaient venus à compter) si les Mi'kmaq n'avaient pas été assurés, implicitement ou explicitement, d'avoir un accès continu aux ressources de la faune pour en faire le commerce. |
...Si le droit est disposé à suppléer aux lacunes de contrats écrits—préparés par des parties bien informées et leurs conseillers juridiques—afin d'en dégager un résultat sensé et conforme à l'intention des deux parties, quoiqu'elles ne soient pas exprimées, il ne saurait demander moins de l'honneur et de la dignité de la Couronne dans ses rapports avec les Premières nations... L'arrangement commercial doit être interprété de manière à donner sens et substance aux promesses orales faites par la Couronne pendant la négociation du traité. La promesse d'accès aux «biens nécessaires» au moyen du commerce des ressources de la faune était l'élément fondamental, et, lorsqu'un droit a été accordé, il faut plus que la simple disparition du mécanisme créé en vue d'en faciliter l'exercice pour justifier la conclusion que le droit lui-même est caduc ou éteint. |
Dans des termes semblables à ceux utilisés dans l'arrêt Marshall, la recommandation 2.3.19 de la Commission royale sur les peuples autochtones se présente comme suit:
Que les arrangements financiers apportent une plus grande autonomie financière... |
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Le président Est-ce que vous nous entendez à Winnipeg?
¾ (2015)
M. Michael Anderson: Oh oui.
Le président: Bien.
Je ne sais pas si vous vous êtes rendu compte du moment où la communication a été coupée, mais...
M. Michael Anderson: J'ai entendu un «bip». Si j'avais terminé le...
Le président: Au «bip». Voudriez-vous reprendre à cet endroit?
M. Michael Anderson: Aviez-vous entendu mes commentaires sur la recommandation de la commission royale?
Le président: Oui.
M. Michael Anderson: Je pense que c'était environ à la moitié. Je reprends là.
Je mentionnais donc ce que la Cour suprême avait déclaré dans l'arrêt Marshall au sujet de l'esprit manifeste du traité et des relations financières entre l'État et les Premières nations signataires d'un traité. Je mentionnais que la recommandation 2.3.19 de la Commission royale sur les peuples autochtones se présentait comme suit:
Que les arrangements financiers apportent une plus grande autonomie financière aux gouvernements autochtones en leur facilitant l'accès à des sources de revenus qui leur soient propres, au moyen d'une redistribution juste et équitable des terres et des ressources aux peuples autochtones et en reconnaissance du droit des gouvernements autochtones d'instaurer leur propre régime fiscal. |
Les traités du Manitoba traduisent l'engagement solennel et la foi des Premières nations en ce qui concerne la participation à l'édification de la nation avec le gouvernement de Sa Majesté tant que le soleil brillera, que l'herbe poussera et que les rivières couleront. Cet engagement inclut l'obligation de renouveler, développer et faire évoluer nos relations de nation à nation. Notre engagement conjoint n'est pas figé dans le temps. Il doit être interprété dans un contexte contemporain en fonction des événements et de la croissance de nos nations respectives.
L'établissement de nouvelles relations financières fondées sur les principes de la souplesse, de l'équité, du choix, de l'assurance, des initiatives économiques et de l'efficacité, permettant un partage équitable des recettes tirées des terres et des ressources et conformes au cadre juridique en ce qui concerne l'interprétation des traités, les droits autochtones et le titre autochtone, est conforme aux clauses du traité et aux promesses des commissaires aux traités.
L'établissement de nouvelles relations financières par consentement mutuel est en outre conforme au maintien de l'honneur et du devoir fiduciaire de l'État. Il est possible que ces arrangements soient l'expression de nos relations durables en vertu de traités sous une forme contemporaine, en tenant compte des événements et des besoins de nos nations respectives, besoins qui ne cessent d'évoluer.
Un protocole d'entente passé en 1999 entre l'Assemblée des premières nations et le gouvernement du Canada—et, comme vous le savez, plusieurs ministères fédéraux—visant l'étude de nouvelles relations et de nouveaux arrangements financiers éventuels en vertu d'un processus conjoint, prévoyait la création d'une table ronde nationale sur les relations financières.
L'Assemblée des premières nations a appuyé les efforts axés sur l'établissement de nouvelles relations financières dans sa Résolution 5/1996 et dans sa Résolution 49/1998. Ces résolutions lui conféraient un mandat permanent, avec l'appui des Premières nations de la Manitoba Keewatinowi Okimakanak en ce qui concerne l'examen, dans un contexte contemporain, de ces relations financières qui puisent leurs racines dans les promesses faites dans le traité.
Cependant, en novembre 2002, après la présentation de l'ébauche de projet de loi pour consultation, les chefs de l'AFN réunis en assemblée ont rejeté, en adoptant la Résolution 30/2002, la proposition que l'ébauche de projet de loi fédéral établissant quatre institutions en vertu de ce qui était alors présenté comme une loi sur la gestion financière et statistique à des fins de consultation, soit applicable à l'ensemble des Premières nations du Canada. À la même occasion, les chefs de l'AFN réunis en assemblée ont appuyé la Résolution 31/2002 indiquant que, conformément aux principes de l'autonomie et de la diversité énoncés dans la Charte de l'Assemblée des premières nations, ils respectent le droit de ces dernières et des autres Premières nations de passer des ententes locales et régionales, mais pas dans le contexte d'une loi nationale.
Les dirigeants des Premières nations membres de la MKO ont, bien sûr, participé à ces discussions et à l'élaboration des résolutions qui ont été présentées dans le cadre de l'assemblée spéciale de novembre 2002 concernant l'examen de ce projet de loi.
Malgré les préoccupations de l'Assemblée des premières nations, le ministre a déposé le projet de loi tel que décrit par le grand chef le 2 décembre 2002, créant l'Administration financière des premières nations, la Commission de la fiscalité des premières nations, le Conseil de gestion financière des premières nations et l'Institut de la statistique des premières nations.
La MKO appuie la reconnaissance de l'autonomie qu'ont les diverses Premières nations de déterminer si les dispositions de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations proposée sont applicables à leur situation personnelle. La MKO n'appuiera toutefois pas une législation fédérale visant à imposer un système d'arrangements financiers à une Première nation ou à empiéter de quelque autre façon sur les pouvoirs d'une Première nation, y compris de celles qui exercent déjà des pouvoirs financiers, notamment en matière d'imposition, aux termes des articles 83 et 84 de la Loi sur les Indiens.
¾ (2020)
Conformément à la politique officielle établie en vertu de la Proclamation royale, la Cour suprême du Canada a reconnu qu'un des objectifs primordiaux des traités est de faire respecter le titre d'Autochtone initial aux terres, aux eaux et aux ressources naturelles faisant partie du territoire constituant maintenant le Canada. On ne mettra jamais trop l'accent sur la nécessité impérieuse d'établir de nouvelles relations financières qui soient conformes à notre ferme détermination de contribuer à l'élaboration de notre pays et à la politique de l'État.
Il est regrettable que, dans la nouvelle MKO, les participants à la table ronde nationale sur les relations financières n'aient pas pu s'entendre sur un projet de loi tenant compte des objectifs des chefs réunis en assemblée énoncés dans les Résolutions 5/1996 et 49/1998. Par conséquent, le Parlement doit maintenant procéder avec prudence pour protéger et respecter la nature de nos relations issues des traités.
Pour que ces relations et notre engagement conjoint envers l'édification du pays soient enrichissants et évoluent dans un contexte contemporain, il est essentiel que l'État respecte ses divers engagements de façon intègre et honorable. Dans le cadre de ces engagements, il était en outre essentiel que soient établies de nouvelles relations financières fondées sur les principes que nous avons mentionnés, à savoir la souplesse, l'équité, le choix, l'assurance, les initiatives économiques et l'efficacité. Elles devraient être axées sur un partage équitable des revenus tirés des terres et des ressources naturelles visées par les traités ainsi que, comme l'a mentionné le grand chef, des terres auxquelles s'applique un titre ancestral non réglé. Les Premières nations ont également fait savoir que les nouvelles relations financières devraient être conformes au cadre constitutionnel et juridique.
En ce qui concerne le projet de loi C-19 et l'établissement d'un organisme indépendant de règlement des revendications territoriales, les Premières nations membres de la MKO recommandent que, puisque les relations établies en vertu de traités, l'honneur de la Couronne, ainsi que les droits inhérents issus de traités et les droits ancestraux des Premières nations sont en jeu, le comité s'assure que les Premières nations et les organismes des Premières nations qui souhaitent témoigner aient l'occasion de le faire.
Alors qu'il s'agit à certains égards d'une question de gestion et que les quatre institutions ayant des fonctions précises sont mentionnées, les traités comme tels instaurent des relations financières entre Sa Majesté et les Premières nations. Les enjeux sont essentiellement liés aux ressources et aux revenus, ainsi qu'au bien-être économique; par conséquent, toute Première nation qui pense que ses intérêts sont touchés doit avoir l'occasion de témoigner devant le comité.
Le comité devrait recommander dans son rapport à la Chambre des communes de réexaminer le projet de loi C-19 dans le contexte du rapport du Comité spécial de la Chambre des communes sur l'autonomie gouvernementale des Indiens de 1983, du rapport Penner et, bien entendu, du rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones paru en 1996, contenant des recommandations globales au sujet des relations financières. Il devrait en outre examiner les instructions concernant l'établissement de nouvelles relations financières données par les chefs de l'AFN réunis en assemblée dans les résolutions 5/1996 et 49/1998, parce que même si certains commentaires ont été faits en ce qui concerne l'appui actuel du projet de loi tel qu'il a été déposé, il est important de ne pas oublier que les dirigeants des Premières nations du Canada ont appuyé une initiative contemporaine concernant un examen des relations financières sous de nombreux angles.
Notre troisième recommandation est que le comité recommande dans son rapport que le gouvernement renouvelle son engagement envers une initiative conjointe des Premières nations et de l'État ayant pour but d'établir de nouvelles relations financières fondées sur la souplesse et l'équité, des relations qui, comme l'a mentionné l'Assemblée des premières nations dans ses résolutions, soient conformes au principe d'un partage équitable des revenus tirés des terres et des ressources naturelles visées par les traités ainsi que des terres auxquelles s'applique un titre ancestral non réglé, et de veiller à ce qu'elles soient conformes au cadre constitutionnel et juridique, y compris celui établi par la Cour suprême du Canada en ce qui concerne l'interprétation des traités, les droits ancestraux et les titres ancestraux.
Notre préoccupation est que, bien que l'Assemblée des premières nations et la MKO acceptent la politique des Premières nations portant sur l'autodétermination de leur avenir s'appuyant directement sur le droit souverain des Premières nations en matière de conclusion d'un traité, et de reconnaissance ou d'affirmation du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, droit protégé par la Constitution et reconnu par le gouvernement actuel, il est important que la législation examinée par le Parlement n'entraîne pas un empiétement sur les pouvoirs actuels et futurs.
¾ (2025)
Par exemple, je constate que dans son analyse du projet de loi, la Bibliothèque du Parlement mentionne que les nombreuses Premières nations qui ont des pouvoirs d'imposition en vertu des articles 83 et 84 seront automatiquement touchées par le projet de loi, s'il entre en vigueur. C'est indiqué à la page 26 de l'analyse faite par la Bibliothèque du Parlement. Ce commentaire est applicable à de nombreuses Premières nations—bien que deux Premières nations du Manitoba, dont l'une est une Première nation membre de la MKO et l'autre la nation crie d'Opaskwayak...
Outre ce type d'imposition directe et cet empiétement sur les pouvoirs actuels qu'il représente, le projet de loi empiète également, dans la partie intitulée «pouvoirs financiers des premières nations», sur les pouvoirs des Premières nations visées par la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Si elles adoptent des «règles générales—notamment de procédures—pour régir les recettes tirées des ressources naturelles», elles ne peuvent pas prendre un texte législatif à cet égard aux termes du paragraphe 3(2) «sans faire agréer ces règles par le Conseil de gestion financière des premières nations».
Par conséquent, bien que le long préambule du projet de loi semble indiquer que ce soit une question d'adhésion ou que ce soit un choix qu'une Première nation peut faire si, dans sa sagesse, elle pense que la structure prévue dans le projet de loi est intéressante, certains articles du projet de loi imposent en fait un pouvoir fédéral qui a la priorité sur les pouvoirs actuels des gouvernements des Premières nations aux termes de la Loi sur la gestion des terres des premières nations et des articles 83 et 84 de la Loi sur les Indiens.
Nous pensons qu'il est ironique que le projet de loi empiète sur les pouvoirs actuels des Premières nations qui sont peut-être considérées comme les plus avancées ou progressistes par le gouvernement. Par exemple, une Première nation comme la Première nation Opaskwayak, qui est depuis longtemps une Première nation en vertu des articles 53 à 60 et gère elle-même ses terres, a été jugée, par une cour de l'impôt, suffisamment progressiste pour être considérée comme une municipalité aux termes de l'application de la législation fédérale concernant l'impôt—mais pas en vertu d'une loi sur l'autonomie gouvernementale. Il en résultait que les recettes réalisées par ses diverses entités de développement économique, à savoir la Kikiwak Inn, la Paskwayak Business Development Corporation, etc., sont exonérées d'impôt conformément aux dispositions de la Loi sur les Indiens et aux engagements pris aux termes d'un traité.
C'est précisément pour ces raisons que la MKO a recommandé un renouvellement de l'engagement à examiner la nature des relations financières afin de s'assurer que les objectifs des Premières nations soient réalisés et que l'on n'empiète pas sur leurs pouvoirs actuels. Dans ce dernier cas, le gouvernement violerait les engagements qu'il a pris envers de nombreuses Premières nations qui ont pris des initiatives progressistes. Ce serait en outre un empiétement sur les droits à l'autonomie gouvernementale reconnus par l'article 35—en ce qui concerne les régimes d'imposition actuels ou futurs établis par les Premières nations sur leur propre territoire, ainsi que les relations financières futures, surtout en ce qui concerne le partage des recettes provenant des ressources situées sur nos territoires.
Vous savez peut-être que les trois quarts du territoire du Manitoba que représentent les terres ancestrales de nos Premières nations sont principalement situées dans le Nord. C'est la région d'où proviennent les richesses tirées de l'exploitation des minerais, de l'énergie hydroélectrique et des forêts.
L'objectif du traité était de partager ces ressources. À la suite de l'arrangement concernant le transfert des ressources naturelles et de divers autres accords, les relations et les engagements financiers ont été modifiés par cette loi—ou du moins par l'interprétation qu'on en fait les gouvernements—, si bien que les Premières nations concernées n'ont pour la plupart même plus accès à ce type de ressources. Pourtant, l'objet de ce type de structures financières est d'apporter aux gouvernements des Premières nations la stabilité financière et l'assurance nécessaires, de leur donner la capacité de gérer les ressources—pas nécessairement dans l'optique présentée dans le projet de loi, mais en fonction de l'objectif des gouvernements des Premières nations.
Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de conclure des arrangements pour reconnaître l'esprit initial du traité et du principe du partage des ressources afin de réexaminer les mécanismes concernant ce partage et d'établir de nouvelles relations financières.
Je n'ai plus d'autres commentaires à faire pour l'instant, monsieur le président.
Je vous remercie.
¾ (2030)
Le président: Nous vous remercions l'un et l'autre.
Le temps dont nous disposions est écoulé. Merci beaucoup pour votre exposé.
Nous allons maintenant de Winnipeg à Victoria.
Je signale à mes collègues qu'à Victoria, nous entrerons en communication avec Larry Blain, qui est directeur général de RBC Capital Markets.
Soyez le bienvenu, monsieur Blain. C'est vous qui avez eu le préavis le plus court. Nous apprécions le fait que vous ayez accepté notre invitation et nous vous invitons à faire un exposé, en nous laissant quelques minutes pour poser des questions.
Vous pourrez commencer dès que vous serez prêt.
M. Larry Blain (À titre individuel): Merci beaucoup.
Je tiens à préciser que je ne suis plus directeur général de RBC Dominion Securities. J'ai collaboré avec la Municipal Finance Authority lorsque je travaillais pour Dominion Securities et, du fait même, avec l'Administration financière des premières nations. Au mois de janvier, j'ai quitté Dominion Securities après 20 années de service et je suis maintenant président-directeur-général de Partnerships BC, qui est une société d'État provinciale. Je ne travaille plus dans le domaine des finances, mais mes opinions n'ont pas changé, bien entendu.
Mes contacts dans ce dossier remontent à un certain nombre d'années. Au cours des contacts que j'ai eus avec la Municipal Finance Authority de la Colombie-Britannique, nous avons beaucoup discuté et établi l'Administration financière des premières nations; nous avons beaucoup réfléchi à cette question. Au cours des deux ou trois dernières années, pendant que l'on élaborait ce projet de loi, nous avons conseillé l'Administration financière des premières nations sur des questions de possibilités de financement. Nous avons examiné la structure de très près et rédigé deux rapports. Nous sommes allés à New York deux ou trois fois avec ses représentants pour consulter les agences de cotation et nous avons écouté leurs réponses alors que nous leur exposions la structure de cet organisme.
En ce qui concerne la structure de l'Administration financière des premières nations, nous en avons conclu, avec l'aide des agences de cotation, que si les procédures étaient mises en application comme nous le pensions, elle obtiendrait une cote de crédit d'investissement, autrement dit, que sa cote de crédit serait d'au moins «A» simple, ou supérieure. Et si c'est une cote de crédit d'investissement, les obligations émises avec cette cote de crédit s'écouleraient facilement sur les marchés financiers canadiens parce que le marché est très large pour ce type de titres.
En fait, nous nous sommes inspirés du modèle de la Municipal Finance Authority de la Colombie-Britannique. Je ne sais pas quelles informations ni quelles discussions vous avez eues aujourd'hui. J'espère bien que l'information que je vous communique n'est pas redondante. La MFABC est un organisme qui a une cote de crédit triple «A», et elle est autonome de la province de la Colombie-Britannique. Sa cote de crédit est établie en fonction de plusieurs facteurs clés. L'un est qu'il s'agit d'une cote de crédit collective liée à une obligation conjointe des divers gouvernements locaux de la Colombie-Britannique. Elle est collective parce que c'est une cote de crédit commune plutôt que la cote de crédit d'un gouvernement local précis.
La MFA a également la capacité de percevoir des impôts au cas où elle serait en danger imminent de défaut, par exemple. Si elle avait besoin de fonds supplémentaires pour le service de la dette, elle pourrait établir des cotisations d'impôt pour les divers gouvernements locaux de la province. En fait, la municipalité de Vancouver est le seul gouvernement local de la Colombie-Britannique qui ne soit pas membre de la MFABC; elle emprunte en son nom personnel. Cependant, si une perception générale est nécessaire, elle couvre également la municipalité de Vancouver. Il s'agit donc d'une cote de crédit collective.
Le troisième aspect est l'existence d'un fonds de réserve. En d'autres termes, si l'administration a un problème de liquidités et ne peut plus faire les versements du service de la dette sur les obligations, elle a accès à un fonds qu'elle gère et qui servira de première ligne de défense, ou en attendant d'organiser une perception d'impôts ou de taxes, par exemple. Un fonds de réserve a été mis en place à cette fin.
Je pense que Ken MacLeod a témoigné tout à l'heure. Est-ce exact? Il était inspecteur des municipalités en Colombie-Britannique. Je présume qu'il a mentionné que la structure fondamentale du système de gouvernement local en Colombie-Britannique est très semblable à celle de l'Administration financière des premières nations, c'est-à-dire que l'on ne dispose que d'une certaine marge d'emprunt déterminée par la valeur de l'ensemble des biens selon l'évaluation. Tant que l'on respecte cette marge, la capacité de percevoir des impôts fonciers et d'assurer le service de la dette reste dans des limites très prudentes.
¾ (2035)
Je suis, bien entendu, disposé à répondre à vos questions. En somme, nous pensons que c'est un crédit très finançable et nous avons d'ailleurs préparé pour les entités deux rapports qui confirment que c'est l'opinion de RBC Dominion Securities.
Je vous remercie pour votre attention.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Blain.
Nous passons à la période des questions.
Madame Karetak-Lindell.
¾ (2040)
Mme Nancy Karetak-Lindell: Je vous remercie.
Un des témoins précédents a déclaré qu'il ne pensait pas que les financiers de Bay Street ou qu'une autre institution soient intéressés par ce type de financement. Je voudrais que vous fassiez des commentaires à ce sujet.
M. Larry Blain: La question controversée n'est pas de savoir si les obligations pourraient être vendues mais plutôt si elles recevraient la cote de crédit que j'ai mentionnée. Si elles obtiennent la cote de crédit d'investissement, c'est-à-dire triple «B» plus ou simple «A» moins, ou une cote supérieure, il ne fait absolument aucun doute dans mon esprit que ces obligations pourront être écoulées sur le marché canadien. Ça ne fait aucun doute.
La question qui est discutable est celle de savoir si ces obligations obtiendraient une telle cote. Nous pensons que, si l'on adopte une structure semblable à celle de la Municipal Finance Authority, qui a la cote triple «A», avec les mêmes principes en matière d'équilibre des pouvoirs... elle obtiendrait une cote semblable. C'est d'ailleurs également l'avis des agences de cotation. Je suis donc optimiste.
Le président: Merci beaucoup. Avez-vous des observations finales à faire?
M. Larry Blain: Non. J'ai terminé.
Le président: Il n'y a pas d'autres questions à poser ni d'observations finales à faire.
Je vous remercie pour votre participation. C'était très intéressant.
M. Larry Blain: Je vous en prie. Merci beaucoup.
Le président: Chers collègues, la séance est donc terminée.
Nous pourrions la prolonger. Avec le consentement unanime des membres, nous aurions beaucoup de possibilités, mais nous n'avons pas de quorum.
La séance est levée.