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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 12 juin 2003




¿ 0910
V         Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.))
V         M. David General (conseiller, Six Nations de la rivière Grand)

¿ 0915

¿ 0920

¿ 0925
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne)
V         M. David General
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)
V         M. David General

¿ 0930
V         M. Yvan Loubier
V         M. David General

¿ 0935
V         Le président
V         M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.)
V         M. David General

¿ 0940
V         Le président
V         Le chef R. K. (Joe) Miskokomon (Première nation Chippewas of The Thames)

¿ 0945

¿ 0950

¿ 0955
V         Le président
V         Le chef R. K. (Joe) Miskokomon
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le chef R. K. (Joe) Miskokomon

À 1000
V         M. Yvan Loubier
V         Le chef R. K. (Joe) Miskokomon
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)
V         Le chef R. K. (Joe) Miskokomon
V         M. John Godfrey
V         Le chef R. K. (Joe) Miskokomon

À 1005
V         M. John Godfrey
V         Le président
V         Le chef R. K. (Joe) Miskokomon
V         Le président
V         Le chef William McCue (Chippewas de Georgina Island)

À 1010

À 1015
V         Le président
V         M. John Godfrey
V         Le chef William McCue
V         M. John Godfrey

À 1020
V         Le chef William McCue
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef William McCue
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef William McCue
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef William McCue
V         M. Maurice Vellacott

À 1025
V         Le chef William McCue
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef William McCue
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         M. Gérard Binet
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)

À 1030
V         Le chef William McCue
V         Le président
V         M. Murray Mollard (directeur exécutif, British Columbia Civil Liberties Association)

À 1035
V         Le président
V         M. Murray Mollard

À 1040

À 1045

À 1050
V         Le président
V         M. Murray Mollard
V         Le président
V         M. John Godfrey
V         M. Murray Mollard
V         M. John Godfrey

À 1055
V         M. Murray Mollard
V         M. John Godfrey
V         M. Murray Mollard
V         M. John Godfrey
V         M. Murray Mollard
V         M. John Godfrey
V         M. Murray Mollard

Á 1100
V         Le président
V         M. Murray Mollard
V         Le président
V         M. Frank Leonard (président, Municipal Finance Authority of British Columbia)
V         M. Steve Berna (directeur général, Municipal Finance Authority of British Columbia)

Á 1105
V         M. Frank Leonard
V         Le président
V         M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)
V         M. Frank Leonard
V         M. Steve Berna
V         M. Stan Dromisky
V         M. Frank Leonard
V         M. Steve Berna

Á 1110
V         M. Stan Dromisky
V         M. Steve Berna
V         M. Stan Dromisky
V         M. Frank Leonard

Á 1115
V         M. Steve Berna
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         M. Frank Leonard
V         M. Steve Berna

Á 1120
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         M. Steve Berna
V         M. Frank Leonard
V         M. Steve Berna

Á 1125
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Le président
V         M. Steve Berna
V         Le président
V         M. Steve Berna
V         Le président
V         M. Steve Berna
V         M. Frank Leonard
V         Le président
V         M. Robert Bish (professeur émérite, Université de Victoria)
V         Le président
V         M. Robert Bish

Á 1130

Á 1135
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

Á 1140
V         M. Robert Bish
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Robert Bish

Á 1145
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


NUMÉRO 084 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 12 juin 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Bonjour à tous.

    Nous reprenons nos travaux sur le projet de loi C-19, Loi prévoyant les pouvoirs en matière d'imposition foncière des Premières nations, constituant la Commission de la fiscalité des Premières nations, le Conseil de gestion financière des Premières nations, l'Administration financière des Premières nations ainsi que l'Institut de la statistique des Premières nations et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.

    Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin le conseiller David General, représentant les Six-Nations de la rivière Grand.

    Bonjour, monsieur le conseiller.

+-

    M. David General (conseiller, Six Nations de la rivière Grand): Bonjour.

+-

     Monsieur le président, avant de passer à l'exposé proprement dit, j'aimerais tout d'abord indiquer qu'il renvoie à une résolution du conseil de bande dont le contenu y apparaît en partie. C'est au nom de ma collectivité que je répondrais à toute question éventuellement posée par la suite.

    Je commence donc, monsieur. Il s'agit de l'exposé que le chef Roberta Jamieson aurait présenté si nous avions pu procéder par téléconférence ce matin. C'est son document et je suis très fier de le présenter en son nom.

    Bonjour. Salutations à la présidence et aux membres du Comité permanent de la Chambre des communes du Canada.

    Nous avons le plaisir d'exposer devant votre comité le point de vue du chef en conseil des Six-Nations de la rivière Grand au sujet du projet de loi C-19, sous forme de résolution du conseil de bande.

    Je suis désolé qu'en raison du court préavis, nous n'avons pas pu faire traduire cette résolution en langue française et je demande au comité de le faire faire.

    Si, selon les dires du ministre, le projet de loi C-19 est important, le comité doit alors assurer la participation adéquate des Premières nations à ses délibérations. Il faudrait donner un préavis amplement suffisant, lancer une invitation relative à la rédaction de mémoires et prévoir les audiences du comité dans des collectivités des Premières nations et non pas dans des hôtels de grandes villes.

    Certains membres peuvent très bien voir la façon dont ce projet de loi cadre avec la réalité. Il suffit de choisir 20 Premières nations au hasard pour s'apercevoir que rien de cela ne s'est produit au sujet de cet important projet de loi.

    Même si cela fait des mois que nous demandons à comparaître devant votre comité, j'ai reçu un préavis de 24 heures seulement. Beaucoup de chefs, comme le chef Victor Buffalo de la nation crie Samson, en Alberta, souhaitait comparaître en personne, selon l'esprit et la lettre du Traité no 6, et voulait préparer un exposé bien pensé. On ne lui a toutefois donné que quelques heures de préavis.

    Notre peuple aimerait pouvoir respecter votre comité et son mandat tout comme lorsqu'il était présidé par Keith Penner dans les années 80. Il est toutefois difficile d'inspirer le respect lorsque votre comité en manifeste peu, puisqu'il ne nous donne pas de préavis et ne se rend pas dans nos collectivités.

    Comme vous allez le voir dans notre résolution, les Six-Nations de la rivière Grand se joignent aux nombreuses Premières nations du pays qui s'opposent à cette mesure législative. Malgré les efforts fournis pour faire la distinction entre le projet de loi C-19 et le projet de loi C-7, le ministre lui-même a déclaré que le C-19 fait partie de la même législation.

    Notre problème ne se situe pas au plan des institutions, mais au plan de la législation. Elle crée des institutions dont les administrateurs sont nommés par le ministre des Affaires indiennes et relèvent de lui, du ministre, et non des Premières nations. Le fait, comme le dit le ministre, que des Autochtones siègent au conseil, ne change absolument rien. Cela n'en fait pas des institutions des Premières nations.

    Nos peuples des Six-Nations jouissent de droits inhérents, historiques, ancestraux et issus de traité selon leur existence en tant que nation. Si nous voulons des institutions, nous avons le pouvoir inhérent de les créer. Nous pouvons avoir des institutions auxquelles nous pouvons adhérer volontairement, sans influer sur les droits des Premières nations, sans mesure législative, sans contestation judiciaire, beaucoup plus économiquement, sans dégrader plus avant les relations entre le Canada et les Premières nations et sans ternir la réputation du Canada au sein de la communauté internationale.

    Lorsqu'on permet à des gouvernements de s'emparer de nos pouvoirs, on réinvente en fait le colonialisme. Le projet de loi C-19 est un outrage aux relations de nation à nation dont nos peuples jouissent avec l'État. Si le comité ne connaît pas l'histoire du Canada et le rôle que nous y avons joué, il devrait s'en informer au départ, avant d'entamer ses travaux.

    On nous dit que cette mesure législative est facultative, mais nous pouvons donner de nombreux exemples du contraire, comme les modes optionnels de financement qui commencent sous forme de projets pilotes avant de devenir obligatoires. Ce qui au départ est facultatif finit très vite par correspondre à une approche universelle, si souvent adoptée par les Affaires indiennes.

    Nous nous opposons au projet de loi C-19, car il suppose que les Premières nations ont très peu de droits et que des lois fédérales doivent être prises pour habiliter les institutions proposées par la mesure législative. En fait, les institutions n'exigent pas de lois; elles existent déjà et fonctionnent, des bureaux sont loués et du personnel nommé.

    Nous nous opposons au projet de loi en raison du langage très municipal qu'il utilise, représentant une vue très limitée des droits de nos peuples et de la place très particulière qu'ils occupent au Canada.

    Nous nous opposons au projet de loi C-19, car il est relié à l'objectif plus vaste du gouvernement. Comme l'a indiqué le ministre au comité lundi, le projet de loi C-19 joue un rôle clé dans le cadre de la grande stratégie du gouvernement, tout comme la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Il est scandaleux que le ministre puisse demander à votre comité, comme il l'a fait lundi, pourquoi, au XXIe siècle, dans un pays aussi prospère, tant de gens connaissent la pauvreté et le désespoir. Il a déclaré que le moment était venu d'agir et que le statu quo était inacceptable. Que propose le ministre comme solution? Le projet de loi C-19.

    Le ministre sait fort bien pourquoi il y a tant de pauvreté et de désespoir. C'est parce que le gouvernement fédéral s'est approprié les terres et les ressources que nous avions proposé de partager. Il en a pris beaucoup trop et nous en a laissé beaucoup trop peu. C'est parce que le gouvernement fédéral a omis de verser des centaines de millions de dollars conformément à ses obligations légitimes, comme il le reconnaît lui-même. C'est en raison d'années de politiques racistes et de négligence chronique, consistant à offrir du financement aux provinces et nous refusant pareil financement en ne respectant pas les obligations fiduciaires fédérales et en refusant de reconnaître qu'il y a conflit d'intérêts. C'est parce que nous sommes délibérément exclus du développement économique. C'est parce que nos écoles sont sous-financées.

    Pendant plus d'un siècle, le gouvernement fédéral et ses agents indiens ont eu la main-mise sur tous les aspects de nos vies dans nos territoires. C'est le gouvernement fédéral lui-même qui est à l'origine de la pauvreté et du désespoir dont a fait mention le ministre. Le gouvernement fédéral nous propose maintenant de percevoir des impôts fonciers et d'hypothéquer l'avenir de nos enfants sur Bay Street.

    Les institutions prévues par le projet de loi C-19 sont conçues pour donner l'impression que les Premières nations peuvent générer suffisamment de recettes pour vivre. Nous étions certainement en mesure de le faire avant l'expropriation de nos ressources, mais tant que cette injustice ne sera pas réparée, ce sont de faux espoirs. Quel est l'avantage du projet de loi C-19 pour Cat Lake, en Ontario; Shamattawa, au Manitoba; ou pour Grassy Narrows? Il donne de faux espoirs et rien de plus.

    Pourquoi donc le ministre s'intéresse-t-il à ces institutions? Comme il l'a déclaré devant le comité sénatorial des peuples autochtones le mois dernier : « Croyons-nous que le gouvernement du Canada va continuer de tout payer? Je ne pense pas que ce soit l'objectif des gouvernements autochtones, ni du nôtre. »

    Les fonctionnaires du ministère ont déclaré au comité que le coût des quatre institutions ne dépasserait pas les 10 millions de dollars. Vous pourriez demander à l'attaché de recherche de la Bibliothèque du Parlement de vérifier le site Web des institutions et de vous en indiquer les coûts. Vous verrez qu'ils s'élèvent à bien plus de 25 millions de dollars par an.

¿  +-(0915)  

    Le ministre a dit cette semaine à votre comité que le projet de loi C-19 ouvre la voie à de nouvelles sources de recettes et de meilleures infrastructures susceptibles d'attirer de nouveaux investissements. Le comité ne va sûrement pas prendre cette déclaration au pied de la lettre. Où se trouvent les études économiques qui étoffent une telle affirmation?

    Les spécialistes que nous avons consultés, dont M. Fred Lazar, de la Schulich School of Business à l'Université York, disent que les institutions ne peuvent pas vraiment stimuler le développement et qu'elles ne vont pas générer d'argent, contrairement à ce que prétend le ministre. Ce dernier a dit que le concept des institutions découle d'une résolution adoptée en 1996 par l'APN visant la création de nouvelles relations financières. Veuillez noter toutefois que le projet de loi C-19 ne porte pas sur de nouvelles relations financières, mais sur quatre nouvelles institutions fédérales qui consolident la capacité du gouvernement fédéral de contrôler nos droits et de percevoir des impôts fonciers.

    Le ministre aurait dû citer dans son entier la résolution qui crée le comité des relations financières à l'APN chargé d'aboutir à des transferts financiers d'une manière compatible avec des relations de gouvernement à gouvernement, tout en reconnaissant les droits inhérents des Premières nations. Je suis sûr que l'attaché de recherche de la Bibliothèque du Parlement peut fournir au comité le texte complet de la résolution citée par le ministre.

    Cela nous ramène à ce qui devrait être le but que nous recherchons, ainsi que celui de votre comité : des ententes financières justes avec le Canada. Notre objectif premier ne peut tenir compte de considérations fiscales. Nous ne parlons pas ici d'éventuels emprunts sur Bay Street pour financer le traitement des eaux, mais plutôt de la part qui nous revient en ce qui concerne la prospérité du Canada, de la part qui nous revient en matière de ressources.

    Nous devons mettre l'accent sur les ententes financières qui ne permettent pas au ministre de nous tenir en otages jusqu'à ce que nous promettions de répondre à ses exigences. Nous demandons plutôt que votre comité travaille avec nous pour mettre au point de nouvelles ententes financières qui soient compatibles avec les relations de nation à nation et avec les responsabilités fiduciaires et découlant des traités du gouvernement fédéral.

    Nous demandons à votre comité de travailler avec nous pour trouver une solution juste aux inégalités historiques. Le rapport Penner et la commission royale proposent des ententes de transfert de recettes qui ne soient pas racistes, pas coloniales, pas paternalistes et qui garantissent notre avenir économique au Canada. Comme l'a déclaré le chef Clarence T. « Manny » Jules devant la commission royale en 1993 : « Nous tenons à être maîtres de notre destinée et à vivre en coexistence pacifique avec la société canadienne. Pour cela, il faudra que les Premières nations reçoivent leur juste part des terres, des ressources et des compétences et qu'elles aient les moyens financiers nécessaires pour s'acquitter de leurs responsabilités de peuples bénéficiant de l'autodétermination. »

    Je vais m'écarter du texte pendant quelques minutes pour dire que c'est sur ce point que les Six-Nations sont d'accord avec le promoteur des instituts financiers. Nous croyons que nos terres, nos ressources et nos compétences l'emportent sur les moyens financiers nécessaires. Je le répète : les terres, les ressources, les compétences, puis les moyens financiers nécessaires. Sans les trois premiers éléments, il est inutile de commencer à envisager le dernier.

    Je reviens au texte.

    Nous y souscrivons. Nous demandons au comité de travailler avec nous pour atteindre cet objectif. Entre temps, nous demandons que le comité fasse ce qui s'impose et annonce qu'il va examiner le projet de loi C-19 comme il le mérite, qu'il va entendre des témoins spécialistes des Premières nations et qu'il ne va pas présenter de rapport à la Chambre tant qu'il ne sera pas sûr de ses recommandations.

¿  +-(0920)  

    C'est ainsi que se termine l'exposé officiel que le chef Jamieson m'a demandé de vous présenter.

    Monsieur le président, nous pouvons passer aux questions.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur le conseiller.

    Nous avons le temps pour une ronde de trois minutes.

    Monsieur Vellacott.

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Très rapidement, David, je vous remercie d'être ici et de nous faire part de votre point de vue.

    Pensez-vous qu'une annexe ou une liste seraient acceptables pour les Six Nations et pour d'autres bandes en Ontario que vous connaissez? Une annexe ou une liste, comme ce qui est prévu dans le cadre de la Loi sur la gestion des terres—seriez-vous prêts à l'accepter ou à en accepter une variante?

+-

    M. David General: Les Six-Nations ont rejeté toute la législation, qui comprend le projet de loi C-19, et nous ne sommes pas disposés à accepter d'amendement.

+-

    M. Maurice Vellacott: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): J'ai eu ma réponse, monsieur le président. J'allais poser la même question à M. General.

    Monsieur General, merci pour votre présentation. Je suis très heureux que vous soyez ici ce matin. Vous dites vous opposer au projet de loi C-19, et cette opposition semble radicale. Si j'ai bien compris, aucune disposition supplémentaire qui serait ajoutée au projet de loi C-19 sous forme d'amendement ne pourrait satisfaire Six Nations.

    On pourrait, parallèlement au projet de loi C-19, essayer d'obtenir une prise de position claire de la part du gouvernement pour que les négociations sur l'autonomie gouvernementale, les revendications territoriales, les compensations pour préjudices passés et la participation à la croissance économique--bref, tout ce qui devrait être dévolu à un troisième ordre de gouvernement--soient considérablement accélérées. Si on obtenait cet engagement ferme du gouvernement fédéral et que l'opposition, bien sûr, collaborait à cette initiative, il serait possible, en se basant sur les conclusions de la Commission d'enquête sur les peuples autochtones, de corriger les lacunes du projet de loi C-19. Cela ne pourrait-il pas être un genre de point de départ?

    En outre, il y aurait une autre condition: faire en sorte que le projet de loi C-7 tombe, étant donné qu'il est tout à fait inacceptable. On va se battre jusqu'au bout contre le C-7.

    Si on réunissait toutes ces conditions, qu'on arrivait à obtenir l'engagement du gouvernement, qu'on initiait une démarche telle que nous invitait à le faire la Commission d'enquête sur les peuples autochtones, qu'on corrigeait les lacunes à l'égard de l'indépendance des institutions et de l'aspect optionnel du projet de loi C-19--en effet, il n'est pas du tout clair qu'il soit facultatif; à mon avis, vous allez obligatoirement être couverts par ce projet de loi, même si vous ne voulez pas l'être--, bref, si on arrivait à corriger tout cela, pensez-vous qu'il y aurait espoir d'arriver à un genre de consensus parmi les peuples autochtones du Canada?

[Traduction]

+-

    M. David General: Monsieur Loubier, je ne peux pas parler au nom des Premières nations du Canada, mais par contre, je pense pouvoir le faire au nom des Six Nations. Si vous connaissez l'histoire des Six Nations, vous savez que nous avons deux formes de gouvernement au sein de nos territoires. Le gouvernement traditionnel nous transmet toutes les valeurs qui nous relient à la terre. C'est la raison pour laquelle je dis toujours que la terre occupe la première place. Nous avons également un conseil élu qui travaille avec l'État, qui accepte les transferts, qui permet la réalisation de ce que nous voulons faire au sein de notre territoire.

    Le problème—et je dois revenir au projet de loi C-7—c'est que le projet de loi C-7 ne reconnaît pas les conseils traditionnels. C'est fort problématique pour les Six Nations.

    Pour ce qui est du projet de loi C-19 en particulier, les Six Nations s'opposent à toute forme d'imposition. Nous ne voulons pas imposer nos gens. Nous pensons que la solution au problème consiste à régler les questions en suspens relatives aux ressources territoriales. Ce serait la base de notre richesse, pour ainsi dire, qui nous permettrait de financer nos infrastructures, ainsi que de réaliser ce que nous voulons faire dans notre territoire.

    Je dirais que nous ne sommes par un fardeau pour le Canada. Nous ne prenons pas l'argent des contribuables. Ce qui est transmis aux Six Nations nous est dû à cause de l'énorme somme d'argent qui est une dette à notre endroit vu que nos relations avec l'État en matière de traités ont été négligées tout au long de notre histoire.

¿  +-(0930)  

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Monsieur General, je connais très bien Six Nations. Je vous connais d'ailleurs très bien aussi et je suis toujours très heureux de vous revoir, ainsi que Mme Jamieson.

    J'aimerais vous poser une autre question sur le sujet. Il y a 140 communautés des premières nations qui veulent utiliser les institutions précisées dans le projet de loi C-19. Si ces communautés avaient à construire des institutions, ce serait, à leur avis, celles qu'on retrouve dans le C-19. Comme vous le savez, ces communautés sont d'accord sur le projet de loi C-19, et certains des membres ont travaillé à ce projet de loi.

    Si on arrivait à faire en sorte que le C-19 ne s'applique qu'aux 140 communautés qui veulent utiliser ces institutions, qu'il soit vraiment clair dans le projet de loi que cela demeure facultatif et que d'autres formules--dont celles déjà utilisées par Six Nations--puissent être utilisées, indépendamment du C-19, cela pourrait-il être une alternative valable?

    Autrement dit, le projet de loi C-19 est comme si 140 communautés des premières nations avaient travaillé et décidé ensemble que c'était le genre d'institutions qu'elles voulaient pour l'avenir, en termes de gestion de la fiscalité. Pour votre part, à Six Nations, vous n'êtes pas intéressés à utiliser ces institutions: ce ne sont pas les vôtres, elles ne correspondent pas à vos coutumes, à votre histoire et aux institutions que vous avez déjà.

    Or, si on vous permettait de maintenir vos institutions et qu'on vous disait que c'est à vous, à votre conseil de bande et aux anciens de décider de quelle façon vous désirez gérer les besoins des membres et d'exploiter les ressources--après une véritable négociation sur le partage des ressources naturelles, les redevances et les richesses de votre territoire--, cela ne pourrait-il pas être une avenue? Est-ce qu'on ne pourrait pas concilier l'opposition et le soutien à ce projet de loi?

    Mon objectif, pour ne pas dire mon rêve--on a toujours des rêves, dans la vie--, est d'obtenir un consensus généralisé chez les premières nations, comme on l'a fait à l'encontre du projet de loi C-7. L'opposition était quasi unanime. À l'heure actuelle, ceux qui soutiennent le C-19 sont ceux qui se sont battus contre le C-7. L'idéal serait d'atteindre un genre de consensus qui satisfasse tout le monde. C'est le rêve que je poursuis et c'est la raison pour laquelle je vous pose cette question.

    Vous connaissez mon désir d'atteindre, non pas l'unanimité, mais un consensus. Vous connaissez aussi l'amitié que j'ai pour vos peuples. Or, j'aimerais savoir si, à votre avis, « il y aurait moyen de moyenner ».

[Traduction]

+-

    M. David General: Encore une fois, je ne peux que vous transmettre ce que notre conseil a exposé dans sa déclaration au sujet du projet de loi C-19. Nous le rejetons sans équivoque. Par contre, j'ai serré la main de chaque administrateur de toutes les institutions et je les ai félicités pour leur exposé. Ils ont travaillé fort. Ils savent ce dont ils ont besoin pour leur collectivité. Il y a probablement une solution. Il a été en effet question de faire en sorte qu'il ressemble à la Loi sur la gestion des terres des Premières nations ou d'élargir peut-être, la modification de Kamloops. Ils savent ce qui est le mieux pour leur collectivité et il ne faudrait pas le leur refuser. Je leur souhaite tout le succès possible.

    Cette législation nationale à l'échelle du Canada ne marche pas pour les Six Nations. Je crois que les Six Nations aimeraient probablement procéder progressivement par étapes selon leurs moyens, sachant que chaque étape est réussie et que nous ne nous retrouvons pas dans le monde précaire de l'emprunt.

    Certains aiment procéder de la sorte. Beaucoup de gens ne veulent pas de marge de crédit. Lorsqu'ils peuvent se permettre telle ou telle chose, il n'y a pas de problème. Je crois que c'est le genre d'approche que préfèrent les Six Nations.

    S'il est une ressource dont nous jouissons dans notre territoire, monsieur Loubier, c'est notre peuple qui représente sans doute l'une des ressources les plus importantes. Il faut parler aussi de notre emplacement, puisque nous nous trouvons au centre de la région du Golden Horseshoe, très près de Hamilton et de Toronto, et de grandes villes. Nos enfants fréquentent les universités de la demi-douzaine des villes avoisinantes. La capacité des Six Nations est considérable. Nos avocats reviennent, nos enseignants sont titulaires de maîtrise et nous avons probablement le plus haut pourcentage de titulaires de doctorat des Premières nations dans tout le Canada. Les Six Nations ont la capacité voulue et c'est à elles de décider quand franchir ces grandes étapes.

    Vous avez dit que quelque 140 Premières nations veulent avoir recours à cette mesure législative et aux institutions pour garantir leur prospérité, réaliser leurs rêves et leurs aspirations. Tout en respectant la diversité, je tiens à ce qu'elles connaissent la position des Six Nations; c'est celle que je viens de vous exposer.

¿  +-(0935)  

+-

    Le président: Merci.

    Même si j'ai accordé 10 minutes à M. Loubier, monsieur Binet, vous avez trois minutes.

[Français]

+-

    M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Merci, monsieur le président. Bonjour, monsieur General.

    Nous avons débattu, au sein du comité, du projet de loi C-7 pendant des heures, des semaines, et vous nous avez accompagné pendant 55 jours. Mercredi, nous avons reçu un groupe formé de personnes provenant de différentes communautés autochtones. Ces gens m'ont vraiment impressionné. Leur présentation m'a paru très étudiée et approfondie. Certaines personnes du groupe, qui avaient travaillé pendant 10 ou 12 ans, considéraient que ce projet de loi était porteur d'avenir. Suite à cela, lors d'une réunion à huis clos du comité, on s'est dit qu'il fallait exercer des pressions, car ce projet de loi provient vraiment des communautés autochtones. M. Loubier a même dit au ministre qu'il n'avait fait aucun travail pour ce projet de loi. Je lui ai posé la question et il m'a confirmé que ce projet de loi provenait vraiment des communautés autochtones et que les mesures qu'il contient ont été bénéfiques là où elles ont été appliquées pendant plusieurs années.

    Il n'y a pas de communauté autochtone dans mon comté et je me suis dit qu'il y avait peut-être de la lumière au bout du tunnel. Si je me fie à ce que j'entends de la bouche de ceux qui sont opposés au projet de loi et à ce que vous avez dit ce matin, je pense que vous êtes plutôt dans une position d'attente. Quand on a des attentes, c'est décevant, plus souvent qu'autrement. Vous considérez que ce projet de loi n'est pas progressif; vous le considérez plutôt négatif. Croyez-vous que rester en position d'attente envers le gouvernement fédéral va vraiment aider vos communautés?

[Traduction]

+-

    M. David General: Je remercie l'honorable député pour sa question.

    Je le répète, lorsque vous parlez d'environ 140 ou 143 Premières nations qui appuient la mesure législative—et vous savez très bien d'après les témoignages qu'il y a quelque 633 Premières nations à l'échelle du Canada—cela donne une différence de juste un peu moins de 500 Premières nations qui soit s'opposent soit n'ont pas d'opinion ou ne peuvent pas avoir recours à cette mesure législative. Même avec une telle disparité des chiffres, on n'arrive certainement pas à 50/50.

    Je respecte parfaitement tous ceux qui ont travaillé si fort; certains ont travaillé 15 ans. Dans nos collectivités, plusieurs ont pensé qu'il s'agissait peut-être du genre d'institution que nous avions. Certains dans notre territoire ont cru à ce système, et c'est bien. Nous essayons toutefois de parvenir à un équilibre entre notre conseil élu, celui qui détient le mandat actuellement, et le conseil traditionnel.

    Aujourd'hui je peux simplement vous dire que les peuples des Six Nations ne peuvent pas avoir recours à toutes ces mesures législatives présentées à votre comité, à la Chambre et au Sénat.

    Est-ce que je souhaite que les choses fonctionnent? Tout le monde le souhaite. Je reviens à la déclaration de Manny Jules à laquelle j'adhère. J'ai dit à Manny en Squamish—j'apprécie énormément cette déclaration, car elle vise la terre, les ressources, les compétences et la capacité financière. À mon avis, si on commence par l'un de ces éléments, si on commence par la terre et les ressources, par exemple, on a alors grandement besoin de capacité financière, une fois que l'on dispose des premières. Nous pouvons au sein de notre territoire amorcer et faire avancer les choses. C'est toutefois la terre qui va être notre point de départ.

    Je vous ramène à l'autre projet de loi, le projet de loi C-6, Loi sur le règlement des revendications particulières. Il traite d'argent; la seule solution, c'est l'argent. Pour nous, les Six Nations, ce n'est pas juste l'argent, c'est la terre. Nous sommes des Autochtones, parce que nous sommes liés à la terre. À partir du moment où nous ne le sommes plus, à partir du moment où nous n'avons plus la terre, je pense alors que nous ne sommes probablement plus autochtones. L'argent n'est pas tout.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur le conseiller, pour votre très bon exposé. Nous aimerions également vous demander de remercier le chef Jamieson de l'avoir préparé, même si c'était à court préavis. Merci donc beaucoup de votre participation.

    J'invite maintenant le chef Joe Miskokomon de la Première nation Chippewas of the Thames.

    Bonjour et merci de bien vouloir comparaître également à court préavis.

    Nous disposons de 30 minutes et nous vous invitons à faire un exposé qui, nous l'espérons, sera suivi de questions posées par les membres du comité. Je vous cède la parole.

+-

    Le chef R. K. (Joe) Miskokomon (Première nation Chippewas of The Thames): Merci, monsieur le président et membres du comité de me permettre de comparaître devant vous.

    Je suis le chef Joe Miskokomon; j'ai été grand chef de l'Union of Ontario Indians pendant quatre mandats consécutifs, soit 12 ans. C'est mon père qui a créé l'Union of Ontario Indians il y a 53 ans. Je suis actuellement chef de la Première nation Chippewas of the Thames et dans le sud-ouest de l'Ontario, nous sommes signataires de nombreux traités datant d'avant la Confédération. Je suis chef élu depuis huit ans et j'ai été membre de mon conseil pendant les 12 années qui ont précédé mon élection.

    Dans les années 80 et 90, j'ai été membre du Comité constitutionnel de l'Assemblée des premières nations et j'étais là au moment de l'article 35. Je me trouvais à Londres, en Angleterre, avant le rapatriement, et je suis au courant de toutes les discussions relatives aux droits inhérents ainsi qu'au titre autochtone et issu de traité.

    Notre collectivité n'a pas de loi sur l'impôt foncier. Nous ne sommes pas membres de l'Administration financière des Premières nations. Je suis toutefois membre du groupe consultatif du Conseil de gestion financière des Premières nations. Nous appuyons le projet de loi C-19, Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations.

    Ma collectivité est située à 25 milles au sud-ouest de London, en Ontario. Depuis des années nous observons la croissance des secteurs de la fabrication et des services. Plus récemment, nous avons assisté à la croissance des secteurs de haute technologie, des services de santé et de l'automobile dans notre région. Nous avons été témoins de la croissance de la population, et avons observé l'explosion des lotissements résidentiels, des centres commerciaux et des parcs industriels.

    Je me présente aujourd'hui devant votre comité pour une seule raison. Je suis là pour vous faire part de notre frustration face à toutes ces opportunités qui nous échappent. Nous en avons assez d'un taux de chômage élevé. Nous en avons assez d'être économiquement désavantagés. Nous en avons assez d'être marginalisés. Nous avons la terre ainsi que l'accès aux réseaux de transport. Nous disposons d'une main-d'oeuvre spécialisée et nous avons accès aux marchés internationaux.

    Pour soutenir la concurrence en matière d'investissements, nous avons besoin d'une infrastructure compétitive. Cela signifie l'Internet à haute vitesse, la gestion des eaux usées, l'accès à l'eau potable, le gaz naturel. Nous devons assurer une sécurité de base en matière d'investissement économique. Notre climat d'investissement doit être sûr, stable et, plus important encore, davantage concurrentiel que celui de nos voisins. Nous pouvons être plus que des propriétaires en faisant payer des loyers. Nous pouvons agir comme des gouvernements et percevoir de l'impôt foncier.

    C'est la raison pour laquelle j'appuie le projet de loi C-19. Il nous fournit en effet les conditions préalables nécessaires pour une économie moderne. Il signifie que l'investisseur potentiel envisagera les opportunités sur notre terre de la même façon qu'il le fait à l'extérieur. Cela veut dire qu'à l'avenir, les opportunités ne nous échapperont pas.

    Je sais parfaitement le genre d'effort qu'il faut déployer pour assurer le développement économique. J'ai assisté à toutes les étapes du Casino Rama, rêve qui est devenu réalité. L'impôt foncier est beaucoup plus courant que vous ne le pensez en Ontario. Beaucoup de collectivités perçoivent déjà des paiements à la place de l'impôt foncier auprès de services publics comme Hydro One de l'Ontario. Parmi elles se trouvent bien des opposants au projet de loi C-19.

    Le projet de loi C-19 ne vise pas seulement à créer nos institutions de gouvernement; il représente l'exercice de notre compétence inhérente en tant que gouvernement. Il a été proposé et élaboré par des Premières nations et sera mis en oeuvre par elles. Le projet de loi C-19 n'est pas relié au projet de loi C-17. Il y a et il y aura toujours cinq principes différents entre les institutions financières et l'initiative de gouvernance. Il y a une différence en ce qui concerne la portée de l'application. La Loi sur la gouvernance s'appliquera à toutes les Premières nations, tandis que le projet de loi C-19 sera facultatif.

    Les promoteurs de cette mesure législative sont différents. La Loi sur la gouvernance est une initiative du ministère des Affaires indiennes. La Loi sur la gestion financière et statistique est une initiative des Premières nations et je suis fier d'en être l'un des chefs.

¿  +-(0945)  

    Les plans de mise en oeuvre des deux mesures législatives sont différents. Le gouvernement fédéral va probablement imposer le projet de loi C-7 aux Premières nations, tandis que le projet ce loi C-19 sera mis en oeuvre par les Premières nations.

    Les objectifs des deux mesures législatives sont différents. On dit que le projet de loi C-7 vise l'obligation de rendre compte et l'application de la décision Corbiere. Nous voulons promouvoir et améliorer les opportunités d'investissement.

    L'origine des deux mesures législatives est différente. Nous avons commencé il y a près de 20 ans par les amendements Kamloops. Le projet de loi C-7 a été proposé après la décision de la Cour suprême de 1999 dans l'affaire Corbiere.

    Le projet de loi C-19 est de toute évidence facultatif. Nous pouvons choisir d'y avoir recours ou non. Les pouvoirs en matière de prise de textes législatifs du projet de loi C-19 sont permissifs. Dans le projet de loi C-19, vous pouvez prendre des textes législatifs. Nous pouvons demander de l'appui. Nous pouvons demander des conseils financiers. En fait, cette option de possibilité apparaît 93 fois dans tout le projet de loi.

    Je suis en faveur d'options. J'appuie les Premières nations qui souhaitent développer leur économie grâce à l'accès aux ressources. J'appuie les Premières nations qui veulent compter sur les obligations fiduciaires et issues de traité du gouvernement fédéral en vue de développer leur économie. J'espère qu'elles appuient nos aspirations également.

    Malgré cela, je suis conscient du débat relatif à la nature optionnelle du projet de loi. Les opposants au projet de loi C-19 ne sont pas convaincus qu'il est facultatif; par conséquent, pour plus de sûreté, ils recommandent qu'une annexe des Premières nations qui sont prêtes à avoir recours aux institutions financières et statistiques soit jointe au projet de loi. Cette annexe serait modifiée par le Canada au fur et à mesure que les Premières nations choisissent d'y souscrire ou non. Les opposants ont déclaré qu'ils pourraient appuyer le projet de loi C-19 si une telle annexe était prévue.

    La modification de l'annexe entraîne des coûts inutiles pour nous. Il suffit pour s'en convaincre de penser à l'expérience malheureuse de la modification d'une liste semblable annexée à la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Plus de 100 collectivités veulent s'y retrouver et seulement 15 par an peuvent s'y inscrire. Certaines de ces collectivités devront attendre plus de sept ans pour présenter leur demande.

    On a dit qu'un décret est un procédé plus rapide que le renvoi au Parlement. Un décret exige énormément de consultation bureaucratique, de nombreuses notes d'information et, au bout du compte, ce n'est toujours qu'un décret du gouvernement fédéral.

    Un tel procédé perpétue le contrôle fédéral sur la compétence des Premières nations. Nous avons travaillé trop fort pour obtenir notre indépendance. L'annexe est redondante puisque cette mesure législative est de toute évidence facultative. Une annexe contourne les processus des collectivités et force les Premières nations à décider si elles veulent souscrire ou non à la loi.

    Aucune autre loi fédérale du Canada ne comporte d'annexes. Plus important, une annexe signifierait la perte d'opportunités économiques pour les collectivités qui devraient attendre le bon vouloir du Canada avant de pouvoir avoir recours à l'institution.

    Pour arriver à un consensus, toutefois, je crois que nous pouvons accepter une liste dans le cadre actuel. J'aimerais notamment proposer d'ajouter deux paragraphes à l'article 32 :

32.(3) Les Premières nations qui ont pris un texte législatif en vertu des paragraphes 4(1) ou 8(1) sont inscrites à l'annexe de la Commission.

    32.(4)Une copie de cette annexe est publiée au moins une fois par année civile dans la Gazette des Premières nations.

    Cet amendement est un gain mutuel. De toute évidence, les Premières nations qui auront pris des textes législatifs en vertu de l'article 4 du projet de loi C-19 seront inscrites sur une liste, laquelle sera publiée chaque année dans la Gazette des Premières nations.

¿  +-(0950)  

    Cette liste désignera avec certitude et clarté les Premières nations qui adoptent le projet de loi C-19 et elle sera contrôlée par l'institut des Premières nations et non par le gouvernement fédéral. Ainsi, aucune opportunité ne sera perdue, les compétences des Premières nations seront protégées et cette mesure législative conservera son caractère facultatif.

    La Gazette des Premières nations nous permet d'énumérer nos lois. Elle a déjà publié plus de 500 de nos lois et je prévois qu'un jour elle renfermera toutes nos lois, à l'instar de la Gazette du Canada.

    J'aimerais également proposer deux autres amendements qui, si je comprends bien, ont été proposés par le vice-chef Satsan, lundi. Pour préciser l'indépendance des institutions, j'aimerais ajouter le mot « indépendantes » au neuvième article du préambule qui se lirait comme suit :

qu'en 1999, les Premières nations et le gouvernement du Canada ont reconnu les avantages de l'établissement d'institutions indépendantes par voie législative dans le cadre de systèmes globaux de gestion financière et statistique;

    Enfin, j'aimerais demander qu'une disposition non dérogatoire soit ajoutée tout de suite après l'article 2 et avant le début de la partie 1. Elle se lirait comme suit :

Il demeure entendu qu'aucune disposition de la présente loi ne sera réputée abroger les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones du Canada garantis en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ou d'y déroger.

    Je suis confiant que ces amendements nous permettront de parvenir à un consensus au sujet de ce projet de loi parmi les Premières nations. J'espère qu'avec ces amendements, vous pourrez donner la preuve que vous nous avez écoutés. Nous voulons travailler ensemble avec toutes les Premières nations ainsi qu'avec le Canada. Notre nouveau partenariat ne signifie pas seulement un partenariat avec les gouvernements, mais un partenariat entre les Premières nations et le Canada.

    Je vous encourage vivement à appuyer le projet de loi C-19 et à terminer les travaux du comité rapidement. Adoptez ce projet de loi avant les vacances d'été de la Chambre. Indiquez-nous que le Parlement dans son entier appuie les initiatives des Premières nations. Indiquez-nous que les temps ont changé.

    Merci beaucoup. Meegwetch.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Chef, vous faites trois propositions auxquelles, je crois, il faut prêter attention. Pour la partie des audiences publiques de nos travaux, nous n'avons pas besoin de quorum. Le quorum représente neuf personnes. Si nous arrivons à mettre sur papier les trois propositions que vous nous présentez, j'aimerais que chaque membre du comité les reçoive, car certains d'entre eux ne sont pas présents aujourd'hui, mais seront là pour l'étude article par article. Par conséquent, je crois qu'il serait important que tout le monde les reçoive sur papier. Si c'est possible, ce serait très utile.

+-

    Le chef R. K. (Joe) Miskokomon: Je me ferais un plaisir de vous fournir ces propositions d'amendement, monsieur le président.

+-

    Le président: Nous vous remercions beaucoup.

    Nous pouvons avoir une ronde de questions de cinq minutes.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président. Merci, chef Miskokomon.

    J'allais vous demander la même chose que le président, c'est-à-dire que vous nous fournissiez par écrit votre amendement concernant la liste publiée dans La Gazette des premières nations. Je voulais aussi vous poser une question, mais pas nécessairement sur la nature de votre amendement. Ce n'est pas la première fois que j'entends la suggestion de la création d'une liste des premières nations qui pourraient participer et de celles qui pourraient ne pas participer.

    Comme vous, j'en suis arrivé à la conclusion que dans un contexte où tout peut bouger rapidement--certaines des premières nations qui ne voudraient pas recourir aux institutions prévues par le projet de loi C-19 aujourd'hui pourraient le vouloir demain matin--, gérer une telle liste est quelque chose d'extrêmement ardu.

    Deuxièmement, comme vous l'avez dit, cela perpétue le pouvoir du ministre, en ce sens que cela demeure sa décision de vous accorder ou non un statut vous permettant de vous associer aux institutions.

    Ma préoccupation va au-delà de cela. Le projet de loi C-19 prévoit que l'article 83 de la Loi sur les Indiens, celui qui permet notamment des prélèvements d'impôt foncier, sera remplacé par les dispositions du projet de loi C-19. Ce faisant, il n'est plus tout à fait vrai que le projet de loi C-19 a un caractère optionnel. S'il y a disparition de l'article 83 et si les dispositions du projet de loi C-19 s'appliquent, cela veut dire qu'à toutes les fois qu'une première nation mettra en place une mesure de nature fiscale, elle sera automatiquement assujettie aux dispositions du projet de loi C-19. En d'autres mots, ce caractère optionnel existe tant et aussi longtemps que les premières nations n'adoptent pas de mesures de nature fiscale. Mais dès que des mesures fiscales sont adoptées, ce sont les dispositions du projet de loi C-19 qui s'appliquent.

    Je me demandais si, en plus de votre amendement concernant la liste et la gestion de cette liste par des institutions appartenant aux premières nations, il n'y aurait pas lieu d'inclure une disposition qui prévoirait qu'en dépit du fait que l'article 83 de la Loi sur les Indiens disparaît et parce que les dispositions du projet de loi C-19 devraient normalement s'appliquer aux premières nations qui prennent des mesures de nature fiscale, il est possible, pour les premières nations, d'avoir recours à d'autres institutions que celles qui sont proposées dans le projet de loi C-19. Pensez-vous qu'un tel amendement pourrait satisfaire d'autres premières nations qui sont moins chaudes envers le projet de loi C-19?

[Traduction]

+-

    Le chef R. K. (Joe) Miskokomon: Tout d'abord, nous ne voulons pas imposer quoi que ce soit aux Premières nations qui ne sont pas prêtes à y donner suite. Nous reconnaissons que dans de nombreux cas, ce projet de loi ne va probablement pas influer sur la capacité de nombreuses Premières nations de percevoir un impôt foncier, mais nous avons la capacité de fournir un service, soit de donner des conseils financiers et d'assurer la gestion financière de certaines ressources, si en fait c'est ce qu'elles souhaitent.

    Il est vrai que l'article 83 sera remplacé. Le sachant, nous nous retrouvons dans une situation très difficile : maintenons-nous le statu quo ou essayons-nous de bâtir des institutions qui tiendraient compte de tout ce dont j'ai fait mention?

À  +-(1000)  

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Je m'excuse de vous interrompre, chef Miskokomon. Je n'ai pas parlé de maintenir le statu quo. Si l'article 83 de la Loi sur les Indiens disparaît, il faudrait donner aux premières nations qui ne veulent pas automatiquement être assujetties aux institutions du projet de loi C-19 la possibilité d'avoir d'autres institutions, pour que le projet de loi C-19 soit vraiment optionnel. Dans un tel cas, on pourrait parler de choix des premières nations.

    Je ne parle pas de statu quo. Si une première nation met en place des mesures fiscales, elle peut choisir d'autres institutions que celles du projet de loi C-19. Ce n'est pas le statu quo; on tient compte de sa façon de faire, de ses coutumes, de ses traditions, de son mode de gouvernance. Je suppose que vous ne seriez pas fermé à ce genre de suggestion.

[Traduction]

+-

    Le chef R. K. (Joe) Miskokomon: Non, absolument pas.

    Si d'autres Premières nations souhaitent faire d'autres propositions, c'est leur choix et si elles leur conviennent, il faut absolument y donner suite.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Parfait. Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

    Mr. Godfrey.

[Traduction]

+-

    M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Merci, chef, de comparaître devant nous.

    J'aimerais vous poser quelques questions, car nous essayons vraiment de connaître les deux côtés de la médaille et savoir ce que vous avez à dire à propos de quelques critiques que nous avons entendues au sujet du projet de loi.

    Certains ont indiqué, pour commencer, que rien ne prouve que les Premières nations, mis à part quelques-unes, très rares, appuient la mesure législative proposée. Combien de Premières nations, pensez-vous, appuient cette mesure législative?

+-

    Le chef R. K. (Joe) Miskokomon: Permettez-moi de reformuler la question. Je me demande en fait combien de Premières nations comprennent la mesure législative proposée. Ce serait probablement une meilleure question à poser.

    À mon avis, les gens sont vraiment sur la défensive à partir du moment où ils entendent que les Premières nations peuvent percevoir de l'impôt. Le mot « imposition » a un effet sans précédent. Il fait automatiquement penser à la perception de l'impôt foncier auprès de nos propres résidents, à l'impôt sur le revenu et à d'autres formes d'impôt. Comme d'autres témoins l'ont dit, comment peut-on percevoir de l'impôt et tire de l'argent d'une pierre?

    Ce n'est pas l'objet de ce projet de loi et je ne crois pas que certains ont présenté la question comme il le fallait.

+-

    M. John Godfrey: J'aimerais vous interroger alors—puisque nous ne disposons que de cinq minutes—au sujet des trois autres critiques faites à l'égard de ce projet de loi. La première, c'est qu'il enfreint la relation de nation à nation avec l'État; deuxièmement, il viole le droit ancestral des Premières nations à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination, comme le reconnaît l'article 35; troisièmement, c'est une approche municipale à la gouvernance des Premières nations. Par conséquent, sur ces trois points—nation à nation, droit ancestral à l'autonomie gouvernementale et approche municipale—que répondriez-vous à ceux qui formulent de telles critiques?

+-

    Le chef R. K. (Joe) Miskokomon: Je ne crois pas qu'il viole quoi que ce soit. Je crois plutôt que c'est un exercice de gouvernement. Lorsque les peuples des Premières nations mettent au point des stratégies et tentent de créer des institutions pour plus de sûreté, plus de sûreté au sein du milieu des affaires...

    Comme le sait bien l'honorable député, lorsque nous essayons d'emprunter de l'argent, par exemple, ou que nous tentons d'attirer des investissements dans la collectivité, le milieu des affaires pose toujours la question de sûreté. Je crois que cela garantit au milieu des affaires que ces investissements sont sûrs.

    Depuis plusieurs années, nous essayons dans ma propre collectivité de susciter le développement de l'industrie et de l'économie. Nous ne pouvons y parvenir dans le contexte de l'actuelle relation de transfert financier que nous avons avec le gouvernement fédéral. C'est complètement inadéquat et nous n'avons pas d'autre moyen de générer de fonds que celui-ci.

    Nous avons récemment installé un système d'égouts que nous avons financé nous-mêmes. Il en a coûté à notre Première nation plus d'un million de dollars pour desservir 15 maisons et nous n'avons pu assurer ce financement que grâce à un emprunt au taux d'escompte sur sept ans. Par conséquent, nous devons trouver dans nos propres budgets internes environ 150 000 $ par an pour desservir ces maisons—qui en ont besoin.

    Par comparaison, lorsque nous cherchons à attirer l'industrie—l'industrie lourde, l'industrie commerciale—dans un secteur donné, ces chiffres augmentent de façon exponentielle et, par conséquent, nous ne pouvons nous le permettre.

    Je ne crois donc pas que cela touche les relations de nation à nation. En fait, je pense que cela les complète, car nous exerçons maintenant, en tant que nation, un droit inhérent à participer à la gouvernance et à promulguer des lois à cet effet--à notre convenance--et à créer des opportunités économiques au sein de notre collectivité.

À  +-(1005)  

+-

    M. John Godfrey: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Il nous reste deux minutes pour la conclusion.

+-

    Le chef R. K. (Joe) Miskokomon: J'aimerais simplement dire aux membres du comité que même s'il s'agit d'après moi d'un débat important parmi les 635 Premières nations du Canada, nous n'allons évidemment pas être toutes d'accord en ce qui concerne les approches à retenir. À mon avis, tous les résultats auxquels nous pensons, que nous prévoyons et auxquels nous rêvons peuvent découler de ce projet de loi. L'approche ainsi que la voie que nous suivons sont différentes pour chacun d'entre nous.

    Nous devons penser à ceux qui s'opposent à ce projet de loi et j'espère qu'à un moment donné, ils pourront favoriser des initiatives susceptibles d'assurer leur prospérité économique au sein de leurs collectivités et régions.

    Ceci étant dit, je vous remercie beaucoup. Meegwetch.

+-

    Le président: Merci beaucoup pour votre excellent exposé.

    J'invite maintenant le chef William McCue, des Chippewas de Georgina Island.

    Bienvenue. Je pense que tout le monde connaît le processus. Nous disposons de 30 minutes. Nous vous invitons à faire votre exposé qui sera suivi par des questions des membres du comité.

    Je vous cède la parole.

+-

    Le chef William McCue (Chippewas de Georgina Island): J'aimerais encore une fois remercier le comité de me donner la possibilité de comparaître. Ce fut un honneur de comparaître devant votre comité il y a plusieurs années au moment de l'adoption du projet de loi C-49, Loi sur la gestion des terres des Premìères nations.

    Je suis chef des Chippewas de Georgina Island, première collectivité au Canada à avoir adopté un code foncier en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Je suis ici pour parler des avantages de la Loi sur la gestion des terres ainsi que de la façon dont le projet de loi C-19 améliorerait les possibilités de notre collectivité en matière de développement.

    Notre collectivité a adopté son code foncier en 1996; il donne de très bons résultats pour notre collectivité et nous aide à améliorer le niveau de vie de notre peuple.

    J'aimerais vous parler du problème des annexes. La Loi sur la gestion des terres des Premières nations, au moment de sa mise en application initiale, devait être facultative. Toutefois, par suite de pressions exercées par l'APN et certaines Premières nations du Canada, nous avons été obligés d'y joindre une annexe la limitant à 14 collectivités. D'après notre expérience, la Loi sur la gestion des terres est excellente et toujours d'après notre expérience, les annexes n'ont rien de positif.

    Une fois la loi adoptée, davantage de collectivités du Canada ont voulu y souscrire. Elles avaient vu les avantages de cette loi qui permettait aux collectivités de progresser dans les domaines de l'autonomie gouvernementale. Certaines collectivités attendent maintenant depuis cinq ans. J'imagine, que comme le veut le vieil adage, si vous voyez que quelque chose marche bien pour autrui, vous le voulez pour vous; c'est ce qui a été le cas pour nous. Je suis très heureux que nous ayons fait partie des premières collectivités à avoir accès à cette loi.

    Ce n'est que depuis quelques mois que le ministre a offert la possibilité à plus de collectivités d'avoir accès à la loi. Dix-huit nouvelles collectivités y souscrivent actuellement, mais il y en a plus de 70 qui attendent. Le processus qui permet à une collectivité d'être signataire de l'accord-cadre et ensuite d'être ajoutée à la loi est long et pénible. La collectivité doit décider de passer par le processus d'une résolution du conseil de bande, notre résolution de Première nation. Cela exige des consultations avec le conseil consultatif des terres, une confirmation du Canada, de la bureaucratie MAINC, pour que la collectivité visée puisse être ajoutée une fois que certaines questions comme celles liées aux coûts sont examinées. Il faut alors présenter des exposés internes au cabinet du ministre et passer par des processus d'approbation avant d'apporter une modification de forme à la loi.

    Une fois les bureaucrates satisfaits, c'est le processus politique qui commence. Le cabinet doit y consacrer du temps et s'il ne s'agit pas d'une priorité, les collectivités peuvent attendre des mois, voire des années, avant d'être inscrites à l'annexe. Selon notre expérience, si l'on bénéficie de l'appui du gouvernement, la modification de l'annexe prend plusieurs années. Si le gouvernement n'est pas d'accord, cela prend bien sûr beaucoup plus de temps.

À  +-(1010)  

    Rétrospectivement, nous n'aurions jamais dû accepter d'annexe. Nous avons tiré les leçons des annexes. Je demande que le comité tienne compte de ce point lorsqu'il procédera à l'étude article par article du projet de loi.

    Je n'essaye pas d'imposer ma volonté à d'autres collectivités du pays. Je respecte l'autonomie de chaque Première nation du Canada et je conviens que les Premières nations de l'ensemble du Canada devraient respecter l'autonomie de celles qui veulent aller de l'avant.

    Je crois que ceux qui envisagent d'aller de l'avant avec leurs collectivités et qui n'ont pas peur de saisir cette occasion devraient pouvoir le faire. Ceux qui attendent ne devraient pas être exclus du fait que d'autres vont de l'avant. Ils devraient avoir cette option. Comme je l'ai déjà dit, certaines collectivités sont venues me voir peu de temps après l'adoption de notre code pour me demander : « Comment pouvons-nous participer? » Je leur ai répondu : « Où étiez-vous lorsque nous avons eu besoin d'appui? »

    Il s'agit de quelque chose qui, à mon avis, sera bénéfique. Le projet de loi C-19 va s'appliquer de pair avec la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Il ne vise pas uniquement le régime d'imposition, ce qui signifie qu'il se traduira par des avantages économiques pour notre collectivité. L'Institut de la statistique aidera également nos collectivités.

    La déduction au titre de l'emprunt pour les infrastructures permettra de considérablement favoriser le développement de nos collectivités qui ont des codes fonciers et qui veulent ouvrir nos Premières nations à la mise en valeur de chalets. Il y a au sein de ma Première nation quelque 500 chalets. C'est un avantage qui pourrait être rehaussé grâce au projet de loi C-19, car notre collectivité examine actuellement la question de l'impôt.

    J'aimerais de nouveau saisir l'occasion de remercier le comité d'avoir pris le temps de me recevoir. Comme je l'ai déjà dit, il est bon de comparaître de nouveau devant vous. Je vous remercie de l'appui dont nous avons bénéficié pour le projet de loi C-49 et je remercie le comité de m'avoir consacré du temps aujourd'hui.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Chef.

    J'ai presque envie de faire un sondage à l'amiable. J'ai passé tellement de jours et de nuits avec tous ceux qui sont présents ici et qui s'opposaient à une mesure législative que je me pose la question suivante: saurais-je deviner qui va lever la main pour exprimer son appui à propos de cette mesure législative? Je crois que ceux qui sont contre sont partis. Il se peut que je me trompe, mais c'est probablement encourageant pour ceux d'entre nous qui aimeraient que cette question soit réglée avant les vacances de l'été.

    Monsieur Godfrey.

+-

    M. John Godfrey: Merci, Chef, de comparaître.

    Étant donné que vous avez commencé par toute la question des annexes, j'imagine que j'aimerais tout d'abord vous demander ce qui, d'après vous, motive ceux qui proposent une telle solution? Comme vous avez décrit l'expérience malheureuse que vous avez vécue à propos des revendications territoriales ou du règlement de celles-ci, qu'est-ce qui, d'après vous, motive ceux qui continuent de proposer des annexes malgré l'expérience malheureuse que vous avez décrite?

+-

    Le chef William McCue: Je crois que c'est la crainte du gouvernement lui-même, la peur de ne pas savoir ce qui va se passer. J'ai vu toutefois les avantages de ce qui se passe lorsqu'on prend pareil risque et qu'on favorise les mesures législatives au sein de la collectivité et qu'on fait ce qui convient le mieux pour elle. À mon avis, joindre une annexe à cette loi découragerait les indécis ou leur causerait du tort.

    Le projet de loi et la façon dont il pourrait aider les gens sont mal compris ou mal interprétés et c'est d'ailleurs ce qui était arrivé au sujet du projet de loi C-49. On avait mal compris la façon dont le projet de loi allait être promulgué. À partir du moment où les gens ont vu ce que cela donnait, ils ont voulu en tirer les avantages qui leur étaient inaccessibles. À mon avis, l'annexe prévue pour ce projet de loi fait l'objet du même genre d'interprétation erronée.

+-

    M. John Godfrey: Les annexes vont donc à l'encontre des meilleurs intérêts de ceux qui participeraient.

    Pour terminer, j'aimerais simplement vous demander si vous pouvez nous donner une idée de Georgina Island et du genre de projets pour lesquels vous avez besoin de plus de pouvoirs financiers; j'aimerais également savoir comment votre expérience passée--lorsque vous êtes allés de l'avant--a porté fruit et ce que vous attendez pour l'avenir si ce projet de loi est adopté.

À  +-(1020)  

+-

    Le chef William McCue: Je peux vous donner un exemple qui s'applique à notre collectivité en ce moment-même. Nous envisageons de construire une patinoire. Notre collectivité est située sur une île du lac Simcoe et bien que nous soyons à 50 milles au nord de Toronto, nous sommes isolés. Nous devons nous déplacer par bateau pour atteindre notre collectivité, et pendant l'hiver, nous circulons sur la glace. Nous avons perdu un nombre assez considérable de nos membres par suite de noyades.

    Nous avons maintenant la possibilité de construire une patinoire pour le hockey, une patinoire pour notre Première nation. Nous n'avons toutefois pas tout le financement nécessaire. Nous avons du financement par crédit-bail, comme je l'ai dit, et nous comptons près de 500 propriétaires de chalets dans notre collectivité. Les membres de notre collectivité ont tous des enfants qui jouent au hockey ou qui font du sport, mais malheureusement, la patinoire se trouve sur la partie continentale et il faut y amener les enfants vers 5 heures ou 6 heures du matin. Comme tous ceux qui ont des enfants qui font du sport le savent, les enfants commencent le hockey à 6 heures ou 7 heures du matin et il n'y a aucun moyen de transport sécuritaire à ce moment-là. C'est la raison pour laquelle nous voulons construire une patinoire dans notre collectivité.

    Si nous voyons qu'il est possible d'emprunter en donnant nos fonds d'impôt comme garantie pour construire cette patinoire et rendre service à notre collectivité, ce serait utile. Ce serait l'un des avantages.

    Par ailleurs, nous nous chargeons de l'infrastructure routière, mais là encore, nous en assurons le financement. Nous empruntons à la banque et remboursons sur plusieurs années. Il vaudrait mieux faire appel à notre conseil de gestion pour l'infrastructure et l'emprunt, car il nous a fallu attendre plusieurs années avant que la banque accepte de nous prêter de l'argent, même si les vérifications indiquaient un surplus important de notre budget. Nous étions l'une des collectivités au Canada qui affichait des mouvements positifs de trésorerie.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Merci, monsieur Godfrey.

    Monsieur Vellacott, cinq minutes.

+-

    M. Maurice Vellacott: Merci.

    Envisagez-vous de relever très rapidement de l'Administration financière des Premières nations, compte tenu de vos antécédents financiers et de votre gestion financière prudente? Il a été recommandé que les membres devraient être tenus, en vertu de la loi, de prouver qu'ils ont réussi sur une période de cinq ans à percevoir l'impôt foncier ou de donner d'autres indications comparables de retenue financière. Pensez-vous donc faire une demande auprès de l'Administration financière des Premières nations pour y être assujettis assez rapidement?

+-

    Le chef William McCue: C'est ce que j'espère pour notre collectivité.

    Comme je l'ai dit, nous mettons au point actuellement un règlement relatif à l'imposition. Nous faisons payer aux propriétaires de chalets des frais d'utilisation et grâce à notre propre gestion financière des cinq dernières années, nous affichons des surplus, comme l'indiquent nos vérifications.

    J'espère que nous ferons une demande auprès du conseil pour faire partie de l'Administration financière des Premières nations une fois qu'elle sera créée.

+-

    M. Maurice Vellacott: D'accord.

    Pendant combien d'années avez-vous réussi à percevoir de l'impôt foncier? Depuis combien de temps en percevez-vous?

+-

    Le chef William McCue: Nous ne percevons pas un tel impôt.

+-

    M. Maurice Vellacott: Non?

+-

    Le chef William McCue: Nous obtenons des recettes fiscales des services publics et ce, depuis sept ans. Nous mettons au point actuellement un règlement relatif à l'imposition pour faire payer des frais aux propriétaires de chalets de la collectivité.

+-

    M. Maurice Vellacott: D'après vos discussions avec l'entité actuelle, pensez-vous que la condition requise qui est proposée, soit cinq années de perception de l'impôt foncier, ne s'appliquerait pas à bien des bandes, qu'elles pourraient participer plus tôt que cela ou que ce ne serait pas une exigence?

À  +-(1025)  

+-

    Le chef William McCue: Je ne peux pas parler de cet aspect du projet de loi.

    Comme je l'ai déjà dit, je peux parler en mon propre nom, en raison de nos antécédents et du fait que cela fait sept ans maintenant que nous percevons des taxes des services publics. Je ne peux que parler des avantages que cela procure à Georgina Island.

+-

    M. Maurice Vellacott: D'après la recommandation de RBC Capital Markets, il faudrait que ce soit des recettes de taxes foncières, pas nécessairement de services publics, etc. Je ne sais pas ce qui va être décidé à ce sujet.

    De toute évidence, vous êtes optimiste et pensez être en mesure d'y avoir accès tout de suite sans attendre cinq ans, car vous mettez au point actuellement votre régime fiscal. Vous voulez donc y avoir accès et vous pensez que ce sera accepté, tout de suite, sans attendre cinq ans.

+-

    Le chef William McCue: Je l'espère bien.

    Je ne peux parler pour l'Administration, mais une gestion financière saine est l'une des exigences, à laquelle nous avons répondu compte tenu de notre surplus budgétaire comme l'indiquent les vérifications des sept dernières années.

    Puisque notre gestion financière est saine, je dirais qu'effectivement nous pourrions avoir accès au fonds d'emprunt.

+-

    M. Maurice Vellacott: Je comprends ce que vous dites, William.

    Dans bien des situations, on peut avoir une gestion financière raisonnablement saine, mais si l'on ne dispose pas de garantie constituée sur un bien, la gestion ne suffit pas nécessairement à elle seule pour obtenir des fonds et des prêts.

    Je vous souhaite bonne chance et vous remercie de vos observations. Je n'ai pas été là tout le temps, mais si j'ai bien compris, vous n'approuvez pas le concept d'annexe ou de liste. Nous allons également nous reporter au compte-rendu à ce sujet.

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Binet.

[Français]

+-

    M. Gérard Binet: Ai-je le droit de parole?

    J'aimerais faire quelques remarques, en pensant surtout à l'interlocuteur précédent, M. Miskokomon. Quand on m'a demandé de faire partie du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles, certains anciens membres du comité m'ont dit que j'allais beaucoup entendre parler du passé. Ce matin, j'entends parler du futur. Je trouve cela très agréable et très rafraîchissant pour mes oreilles.

    J'aimerais faire une autre réflexion. J'ai perdu mon père jeune et j'ai souvent écouté les conseils de personnes plus âgées que moi. Imaginons, par exemple, que vous vous promeniez en bateau à moteur. Vous regardez en avant, le paysage est beau. Il est bon, de temps en temps, de regarder en arrière pour voir dans quel sens vous vous dirigez. Le plus important est de regarder en avant, et c'est cela que j'ai entendu aujourd'hui le plus souvent.

    On a parlé d'options. Je peux vous dire qu'après avoir choisi l'option d'avoir l'air climatisé dans mon auto, je ne peux plus m'en passer. Je suis certain que le projet de loi C-19 représente une option dont les autres communautés ne pourront pas se passer dans l'avenir.

    Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

    Je suis heureuse de vous voir, Chef, et je dois dire que j'ai eu le très grand honneur de me rendre dans votre collectivité et d'y voir le travail que vous avez accompli.

    Vous avez abordé la question de la lourdeur des formalités pour ceux qui veulent profiter de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, mais je sais que certaines collectivités ont également demandé d'être retirées de cette liste, ce qui a entraîné je crois, d'autres formalités administratives.

    Lors de l'examen d'un autre projet de loi, on nous a répété qu'il fallait retirer plus de pouvoirs au gouvernement, ou au gouverneur en conseil, pour les confier aux gens. Pourtant, les promoteurs d'une annexe veulent redonner un pouvoir au gouvernement, au gouverneur en conseil; je suis donc un peu perdue.

    Quand voulez-vous avoir la maîtrise de votre destinée et quand voulez-vous que le gouvernement s'en charge de nouveau? J'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet.

À  +-(1030)  

+-

    Le chef William McCue: Je crois que si certains ont demandé à être retirés de la liste du projet de loi C-49, c'est parce que leurs collectivités n'avaient pas voté pour au bout du processus et ils devaient donc être supprimés de la liste des collectivités.

    Les collectivités devraient avoir le choix d'être inscrites sur cette liste, d'en tirer parti ou non. Si par contre, il y a un contrôleur d'accès, le choix n'est plus possible; ces collectivités ne pourraient pas tirer parti des avantages dont bénéficient d'autres collectivités dans notre pays.

    Je suis très heureux que vous ayez eu l'occasion de vous rendre dans ma collectivité, mais je suis désolé de ne pas avoir pu vous y accueillir. J'étais probablement sur place et je crois que c'est au moment où nous examinions le projet de loi C-49.

    En règle générale, les Premières nations souhaitent plus de participation au niveau du chef et du conseil et moins de participation du gouvernement fédéral, plutôt que plus—par moments.

    Ma collectivité est à l'heure actuelle en train de négocier une entente d'autonomie gouvernementale, à l'instar de plusieurs autres collectivités. Dans certains domaines, le gouvernement doit participer, comme dans le contexte de la Constitution et des lois fédérales, mais dans d'autres, les collectivités ont besoin de plus de développement local. Notre code, ou gchi'naaknigewin, qui veut dire « constitution » dans notre langue, a été mis au point par nos anciens, nos jeunes, nos femmes et nos membres. C'est à ces moments-là que les collectivités ont besoin de la participation de leurs membres—lorsque leur avantage en dépend, elles doivent pouvoir prendre leurs propres textes législatifs.

+-

    Le président: Chef, merci beaucoup pour votre exposé très instructif et fort utile.

    Nos collègues ont dit qu'ils allaient examiner les bleus, car une question que vous avez abordée sera très utile, au moins pour un de mes collègues.

    Merci beaucoup.

    Nous passons maintenant à la vidéoconférence avec Vancouver. Nous souhaitons la bienvenue à Murray Mullard, directeur exécutif de la British Colombia Civil Liberties Association.

    Bienvenue. Nous vous invitons à faire votre exposé qui sera, espérons-le, suivi de questions. Je vous cède la parole.

+-

    M. Murray Mollard (directeur exécutif, British Columbia Civil Liberties Association): Merci.

    Je vais vous parler brièvement de la B.C Civil Liberties Association.

    Notre organisation existe maintenant depuis 40 ans et nous fêtons notre quarantième anniversaire cette année.

    Notre mandat qui est vaste consiste essentiellement à protéger les droits et libertés des Britanno-colombiens et des Canadiens par rapport aux activités du gouvernement, des institutions privées, etc. Nous travaillons sur diverses questions—la liberté d'expression, la liberté d'association, la religion, la vie privée, l'antidiscrimination et, bien sûr, les principes de la démocratie, dont je vais vous parler aujourd'hui—qui sont importantes aux yeux de notre association.

    Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole. Bien sûr, tout s'est fait à la hâte, en quelque sorte, et j'aimerais savoir si des membres du comité--le président peut-être--pourraient me donner une explication de cette précipitation. J'aurais peut-être des observations à faire à ce sujet, car je crois que cela touche certains des thèmes que je dois présenter ce matin.

    J'aimerais commencer par préciser très clairement la position de la B.C. Civil Liberties Association à propos de l'autonomie gouvernementale des Autochtones. Nous en appuyons fortement le concept. Nous nous sommes prononcés en faveur du Traité nisga'a. Nous nous sommes opposés au référendum sur les droits ancestraux et la conclusion de traités en Colombie-Britannique. Nous appuyons le fait que les collectivités des Premières nations puissent percevoir des impôts pour assurer leur développement économique.

    Ce qui ressort clairement à propos de l'autonomie gouvernementale des Autochtones, c'est que sans pouvoir économique et sans moyen économique de développer les collectivités, le principe d'autonomie gouvernementale et la capacité de diriger ses propres affaires sont en quelque sorte dénués de sens. Je pense qu'il est important de souligner ces points compte tenu de l'opinion de notre association à cet égard.

    J'aimerais maintenant passer au sujet principal dont je veux entretenir le comité aujourd'hui; au fur et à mesure que nous nous rapprochons de plus en plus de la réalisation du concept d'autonomie gouvernementale dans le contexte des traités et au sein des collectivités de bandes locales, je crois qu'il faut faire face aux questions relatives aux droits des non-Autochtones de participer à la prise de décisions relatives aux questions qui les touchent directement et de façon importante.

    Nous avons été véritablement saisis de cette question au moment de la controverse passionnée à Musqueam. Lorsque nous avons commencé à examiner les faits—et très franchement, nous ne sommes pas spécialistes en la matière—nous avons décidé qu'il était important de prendre du recul et de poser des questions plus générales au sujet des principes en jeu, qu'il s'agisse des pouvoirs en matière d'imposition, des pouvoirs de gestion et de développement des terres, ou des genres de questions que les gouvernements doivent prendre en compte et au sujet desquelles ils doivent prendre des règlements lorsqu'ils gouvernent, effectivement.

    Nous ne parlons pas ici simplement du contexte des conseils de bande en vertu de la Loi sur les Indiens, bien sûr, mais aussi des compétences autochtones créées par la conclusion de traités.

    Par conséquent, je voudrais—et peut-être pourrait-on me confirmer si oui ou non, votre comité... Dans le cadre de ma demande de comparution devant le comité, j'ai envoyé un exposé de principe que nous avons préparé en décembre 2000, intitulé « Democracy and Aboriginal Self-Government: Considering the Rights of Non-Aboriginal Residents in First Nation Jurisdictions ». Je vais m'y reporter et j'espère que les membres du comité ont ce document. Sinon, veuillez m'en informer pour que je puisse vous l'envoyer dès que notre séance de ce matin sera terminée.

    Permettez-moi de commencer par cet exposé, avant d'aborder quelques-uns des grands principes. Peut-être le président pourrait-il me dire si les membres du comité ont notre document.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Je vais demander à la greffière si nous l'avons reçu.

    Nous l'avons reçu, mais nous ne l'avons pas distribué, car il est en cours de traduction.

+-

    M. Murray Mollard: D'accord. Je vous demanderais de le distribuer le plus tôt possible. Je comprends que l'on soit un peu limité par le temps, et peut-être aurons-nous la possibilité d'aborder ce point, mais permettez-moi de vous en tracer les grandes lignes.

    Selon le deuxième principe énoncé dans ce document: « Ceux qui vivent dans des compétences autochtones, mais ne sont pas membres de la bande, n'ont pas le droit d'être membres de la collectivité politique autochtone ». En d'autres termes, ils n'ont pas les mêmes genres de revendications que les peuples autochtones en matière d'autonomie gouvernementale. Autrement dit, ce n'est pas une personne, un vote—ce qui serait la norme au Canada dans son ensemble—en raison de la compétence unique que nous créons, qui existe et que les collectivités autochtones peuvent revendiquer de façon légitime.

À  +-(1040)  

+-

     Je voulais faire comprendre que les non-Autochtones qui ne sont pas membres de la collectivité autochtone n'ont pas le droit d'être membres de la collectivité politique autochtone en tant que telle. En d'autres termes, la règle une personne, un vote n'existe pas comme ce serait le cas dans le contexte politique canadien.

    Toutefois, nous disons que les résidents des compétences autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions relatives aux questions qui les touchent directement et de façon importante. Nous disons que les citoyens canadiens qui ne sont pas membres d'une bande indienne ou d'une Première nation ont le droit de participer aux décisions gouvernementales qui les touchent dans les compétences autochtones, parce qu'ils conservent un degré important, même s'il est nécessairement atténué dans les compétences autochtones, de leur statut de souveraineté au Canada.

    Le droit des citoyens de participer de façon significative à la prise de décisions est une caractéristique fondamentale de la démocratie canadienne. J'aimerais développer ce point.

    Tout d'abord, de l'avis de notre association, tous les gens au Canada, qu'ils soient autochtones ou non-autochtones, sont des citoyens souverains collectivement mais aussi individuellement. En d'autres termes, en tant que représentants élus, vous n'êtes que l'instrument par lequel nous pouvons en tant que Canadiens, en tant que citoyens, nous gouverner. Nous nous gouvernons. C'est le principe de la démocratie. Nous disposons de plusieurs moyens pour ce faire, mais au bout du compte, il s'agit simplement de méthodes qui permettent de donner un sens aux souhaits et aux avis des Canadiens.

    Permettez-moi de développer ce point. Il s'agit selon nous d'un droit pour les non-Autochtones que de participer de façon significative à la prise de décisions relatives aux questions qui les touchent directement et de façon importante.

    Je reconnais que pour les Autochtones—et j'ai eu l'occasion, par exemple, de rencontrer les représentants de la Commission consultative de la fiscalité indienne et certains des chefs participant à cette organisation—cette revendication est un peu un anathème et ils n'ont pas encore complètement compris, je crois, ce que représente le véritable concept d'autonomie gouvernementale. Ce que je veux vous dire et ce que je veux leur dire, c'est qu'à partir du moment où vous obtenez un tel pouvoir, vous devez le partager avec les non-Autochtones. Cela risque de les irriter un peu, puisqu'ils n'ont absolument pas atteint leurs objectifs, mais je crois que c'est une réalité qu'il faut leur présenter directement, pour qu'ils puissent y faire face, comme n'importe quel gouvernement doit le faire; en d'autres termes, comment inclure les intérêts de ceux qu'ils gouvernent. Permettez-moi donc de préciser comment nous défendons notre argument, à savoir que les non-Autochtones ont le droit de participer de façon significative à la gouvernance, même dans des compétences autochtones.

    Nous considérons deux justifications à cet égard. Tout d'abord, on parle d'équité. En tant que personnes assujetties aux règlements, les non-Autochtones devraient être en mesure de participer aux décisions qui les touchent, puisque leur donner cette possibilité favorise une meilleure harmonie sociale. Nous avons rejeté cet argument, parce qu'il s'appuie davantage sur la sagesse qui milite pour la participation des non-Autochtones que sur n'importe quelle question de principe. En outre, l'équité exige simplement des mesures de protection équitables, comme le droit de faire des observations, le recours à un genre de mécanisme d'appel, plutôt que le droit de s'asseoir à une table où les décisions se prennent et de participer entièrement à ces décisions.

    Nous préférons une justification plus solide qui parte du principe que les non-Autochtones et les Autochtones, malgré leurs différences, jouissent de la même citoyenneté dans une collectivité politique plus vaste, c'est-à-dire le Canada. L'autonomie gouvernementale des Autochtones qui, même si selon certains date d'avant la souveraineté canadienne, fait toujours partie de la structure constitutionnelle du Canada et y est assujettie. En tant que démocratie, le Canada et tous les Canadiens, quels que soient leurs ancêtres ou leur patrimoine, sont un peuple autonome.

    Diverses sources reflètent cette justification. Je crois que le Charte des droits et des libertés donne une valeur constitutionnelle à tout un ensemble de droits démocratiques qui donnent vie au concept de peuple autonome, individuellement et collectivement.

À  +-(1045)  

    Dans le renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême du Canada a énoncé les valeurs et les principes d'une société libre et démocratique, y compris, entre autres choses, la confiance dans les institutions sociales et politiques qui rehaussent la participation des particuliers et des groupes à la société.

    J'aimerais également souligner que même la Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé que les intérêts des peuples non-autochtones soient pris en compte au moment de la création d'administrations des Premières nations, en autorisant leur participation en matière de gouvernance. Je vous cite la Commission royale à cet effet, la recommandation 2.3.16 :

Lorsque des Autochtones décident d'établir un gouvernement fondé sur la nation : a) que les droits et les intérêts des habitants du territoire de la nation qui n'en sont pas citoyens ni membres soient protégés; b) que cette protection soit assurée grâce à une certaine représentation au sein des structures et des processus décisionnels de la nation.

    Il ne s'agit pas simplement de la capacité de représentation « auprès » d'une structure gouvernementale, mais de représentation « au sein » d'une telle structure. C'est un extrait de la Commission royale.

    J'aimerais également vous renvoyer aux observations des commissaires Dussault et Erasmus devant le Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes pour expliquer cette position.

    Si je ne me trompe, M. Dussault a déclaré :

Pour ce qui est des territoires, dans l'éventualité où ils seraient élargis, comme Georges l'a dit, à 50 p. 100 les mariages sont mixtes, mais en plus il est fort vraisemblable qu'il y aura de plus en plus de non-Autochtones habitant sur ces terres.

    Je crois que c'est la réalité, dans une certaine mesure, en ce qui concerne le développement économique.

Nous ne laissons place à aucun doute, même si le territoire est géré selon le modèle de la nation autonome, ils devront avoir le droit d'être représentés, de faire entendre leur point de vue puisqu'ils seront imposés et assujettis aux lois régissant ces territoires.

    Par conséquent, la Commission royale est très claire lorsqu'elle parle d'englober les intérêts, de façon réelle et significative, des non-Autochtones dans le processus décisionnel.

    Il vaut également la peine de souligner que le Traité Nisga'a en lui-même donne valeur constitutionnelle au principe de participation, en ce qui concerne les institutions publiques Nisga'a, à tout le moins—par exemple, les écoles, les services de santé ou les commissions de police—si elles sont créées.

    En résumé, la British Columbia Civil Liberties Association croit que les autorités autochtones autonomes doivent également respecter les droits des minorités qui relèvent de leurs compétences. C'est le début de ce que je veux présenter à votre comité aujourd'hui; ensuite, je me propose d'aborder la question de la pertinence de ces points par rapport au projet de loi que vous examinez maintenant.

    Je dois dire toutefois que nous reconnaissons qu'il s'agit d'un très grave dilemme lorsque des non-Autochtones sont en fait plus nombreux que les Autochtones au sein d'une compétence. Si vous prenez Musqueam, par exemple, ou West Bank, près de Kelowna, il n'est pas possible de faire respecter les principes démocratiques de base—c'est-à-dire, la règle une personne, un vote. En effet, pour les respecter, il faudrait essentiellement diminuer la capacité de la collectivité autochtone à s'autogouverner.

    Il faudra alors une certaine mesure de partage asymétrique de pouvoirs, de manière à préserver la capacité de la collectivité autochtone à l'emporter sur les intérêts non-autochtones. Certains s'y opposent prétendant que ce ne serait pas significatif pour les non-Autochtones, mais cela ne cadre tout simplement pas avec la réalité.

    Tout au long de l'histoire démocratique du Canada, on a pu observer que les partis minoritaires peuvent avoir une influence significative sur les lois et les règlements. Nous avons pu l'observer dans votre propre Parlement, à Ottawa. Nous admettons qu'il va falloir prévoir une représentation asymétrique des non-Autochtones afin qu'il ne l'emportent pas sur la capacité des Autochtones à s'autogouverner.

    Je vais maintenant passer à la loi elle-même. Je dois admettre que j'ai ici un avant-projet de loi et je ne suis pas sûr que le projet de loi présenté y corresponde, si bien que je vous demanderai de m'arrêter si je cite des articles qui n'existent pas ou qui ont été modifiés après la présentation du projet de loi. Veuillez m'en excuser, mais cela s'explique en partie par la précipitation avec laquelle j'ai dû me préparer pour cette séance, soit moins d'une demi-journée. Je parle d'un projet de loi qui, dans un certain sens, était un avant-projet de loi, mais c'est ce dont je veux traiter maintenant.

À  +-(1050)  

    Je cherche en fait dans la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations une élucidation et une consécration des principes que je viens juste de citer; en d'autres termes, qu'il y ait possibilité de participation significative des non-Autochtones dans ce contexte en matière de pouvoir d'imposition et cela, de deux façons. La première, relative aux règles portant sur l'élaboration de règles d'évaluation, de taux d'imposition, etc.—la perception des taxes, autrement dit—mais aussi le côté des dépenses; une fois les fonds perçus auprès des divers résidents assujettis à la bande...

+-

    Le président: Monsieur Mollard, ce projet de loi ne traite pas des points que vous venez juste de mentionner. Pouvons-nous passer aux questions? Il ne reste que dix minutes et les membres du comité voudraient vous en poser.

+-

    M. Murray Mollard: Certainement, allez-y. Peut-être est-ce le problème que je veux faire ressortir, à savoir que la participation des non-Autochtones n'est pas suffisamment prévue.

    Je me ferais un plaisir de répondre aux questions.

+-

    Le président: Monsieur Godfrey.

+-

    M. John Godfrey: Monsieur Mollard, juste pour nous assurer que nous parlons de la même page, je ne sais pas ce si que vous avez devant vous correspond à notre version où il est indiqué « Première lecture le 2 décembre 2002 ».

+-

    M. Murray Mollard: Je n'ai pas cette version.

+-

    M. John Godfrey: Permettez-moi de passer aux principes que vous avez énoncés, car je crois qu'ils sont importants.

À  +-(1055)  

+-

    M. Murray Mollard: Certainement.

+-

    M. John Godfrey: Si je comprends bien, nous parlons ici de différentes catégories de droits en ce qui concerne ceux qui payent de l'impôt foncier, catégories dépendant du lieu de résidence. Par analogie, j'ai une maison en Nouvelle-Écosse, mais je n'y vis pas. Je ne peux participer aux élections municipales, provinciales, ou fédérales, mais je paie des impôts et j'ai le droit d'interjeter appel à ce sujet. Toute la question qui se pose à moi en tant que personne qui paye de l'impôt foncier sur cette maison en Nouvelle-Écosse, c'est de savoir si cela correspond à l'application régulière de la loi. D'une certaine façon, mes intérêts en tant que propriétaire et contribuable sont-ils représentés et me permettent-ils de penser que je peux avoir voix au chapitre? La même chose s'appliquerait, soit-dit en passant... J'ai des voisins allemands qui ne sont même pas citoyens canadiens et qui se trouvent dans la même catégorie—qui payent des impôts, etc.

    À partir de l'expérience que nous avons eue relativement à la Commission consultative de la fiscalité indienne, nous avons inclus dans le projet de loi C-17 les éléments suivants : un énoncé de mission, un article qui permettrait aux Premières nations de prendre des règlements relatifs aux intérêts des contribuables, et la représentation des intérêts du contribuable au sein de la commission elle-même—je veux parler de la nouvelle Commission de la fiscalité des Premières nations. Si tel est le cas--et c'est effectivement le cas--pensez-vous que ces dispositions particulières représentent un progrès significatif par rapport à la situation actuelle et que, en général, les contribuables seraient suffisamment représentés—qu'il y aurait application régulière de la loi, tout comme c'est le cas pour moi en ce qui concerne ma maison en Nouvelle-Écosse, ou pour n'importe quel autre contribuable non-résident qui dispose de moyens de se défendre?

+-

    M. Murray Mollard: Certainement, permettez-moi de vous répondre.

    Je crois qu'il est important de souligner--et j'ai essayé de faire cette distinction un peu plus tôt--qu'il y a une différence entre l'application régulière de la loi—c'est-à-dire le droit d'interjeter appel lorsque vous pensez que l'évaluation de vos taxes est injuste—et l'élaboration des règles relatives à l'imposition et à la façon dont, par exemple, grâce à l'établissement d'un budget, cet argent va être dépensé.

    Il est normal pour les collectivités autochtones locales d'élaborer certaines règles en matière de résidence pour qu'aucun propriétaire absent ne puisse en fait avoir la capacité réelle de participer de manière significative à la prise de décisions. Supposons que vous soyez en Nouvelle-Écosse, que vous y viviez, que vous fassiez partie de cette collectivité et que vous ne soyez pas uniquement un propriétaire absent. C'est ce dont je veux parler, je crois: la possibilité pour ces gens non seulement de faire des observations devant le conseil par exemple--comme ce projet de loi le prévoit, dans la version que j'ai lue, à tout le moins--comme je le fais dans un certain sens--mais aussi d'être présents avec vous et de participer au processus décisionnel relatif à ces règles.

    C'est la distinction fondamentale que je fais et à mon sens, le projet de loi est loin d'aller dans ce sens.

+-

    M. John Godfrey: Permettez-moi de faire une autre analogie. À Toronto se trouve un archipel d'îles habitées par plusieurs personnes qui s'y trouvent depuis des années et qui ont des baux à long terme sans toutefois être propriétaires de la terre. Leurs droits sont limités, puisque c'était bien l'entente de départ; ces gens savaient qu'ils ne seraient jamais propriétaires de cette terre. Leurs droits ne sont pas aussi étendus que ceux des gens qui disposent de droits complets sur leurs maisons. Les gens qui habitent sur ces îles l'ont toujours su. Ils se sont sans doute dit: « Eh bien, c'est comme si je vivais près d'un aéroport ou d'autre chose. C'est une condition que j'accepte, caveat emptor. » Pourquoi devraient-ils s'attendre à un changement des conditions, pour la simple raison qu'elles ne leur conviennent pas maintenant?

+-

    M. Murray Mollard: J'imagine que ces preneurs de bail, et certainement ceux qui ne sont pas propriétaires dans les secteurs municipaux, ont en fait le droit de vote—sous réserve de certaines exigences en matière de résidence toutefois—et le droit de se présenter à des élections. En d'autres termes, ils ont le droit de participer de façon significative à la prise de décisions; ils ne sont pas exclus du processus décisionnel politique.

    Je crois que c'est ce dont il est question ici. Lorsqu'on crée des compétences autochtones, il faut se garder de simplement créer toute une nouvelle série de structures qui exemptent des principes fondamentaux de la participation démocratique. Je crois que c'est ce dont nous parlons ici; il ne s'agit pas simplement d'une question de caveat emptor.

+-

    M. John Godfrey: J'imagine que si vous êtes un résident étranger propriétaire à Toronto ou dans n'importe quelle région du Canada, vous ne pouvez pas participer entièrement à tout ce qui pourrait influer sur la façon dont les fonds sont dépensés ou perçus, mais vous le comprenez, parce que vous n'êtes pas citoyen de cette collectivité en particulier. Par conséquent...

+-

    M. Murray Mollard: Oui, j'en conviens, mais les collectivités autochtones font toujours partie du Canada et sont en fait assujetties à toutes les limites et tous les droits constitutionnels au Canada. Nous sommes tous Canadiens et c'est le point et le principe de départ auxquels je souscris.

    Si vous souhaitez lire une version assez élaborée de notre exposé, vous vous apercevrez qu'effectivement la résidence ne donne pas à elle seule droit à la participation politique. Prenez, par exemple, les immigrants ayant obtenu le droit d'établissement, qui peuvent vivre au Canada pendant des années sans toutefois avoir le droit de vote. Je suis donc d'accord avec vous.

    Toutefois, je pars du point de vue que, pour commencer, nous sommes tous Canadiens. Par conséquent, à moins que vous n'envisagiez de créer une compétence autochtone qui soit complètement étrangère à la nature du Canada, votre argument... Mais de toute évidence, elle ne l'est pas; elle reste toujours assujettie à la Charte, puisqu'elle découle de la conclusion d'un traité entre divers ordres de gouvernement. Par conséquent, je crois que c'est la distinction qui doit se faire.

Á  +-(1100)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous vous invitons à nous présenter votre conclusion.

+-

    M. Murray Mollard: J'allais aborder toutes les parties du projet de loi, mais franchement, même l'avant-projet de loi dont je dispose—qui n'est probablement pas très différent de votre projet de loi—ne s'éloigne pas beaucoup du principe selon lequel les Canadiens, indépendamment de leur lieu de résidence au Canada, ont la possibilité de participer de façon significative à la prise de décisions relatives aux questions qui les touchent directement et de façon importante. Il ne suffit pas de prévoir simplement l'application régulière de la loi en ce qui concerne les appels en matière de fiscalité, et il ne suffit pas d'être avisé d'un règlement. Il faut prévoir une participation significative plus conséquente. C'est ce qu'on peut d'ailleurs observer dans le Traité Nisga'a, par exemple, comme dans la Commission royale sur les peuples autochtones dont les auteurs reconnaissent que ces principes doivent être inclus.

    Bien sûr, il faut comprendre que la participation significative des non-Autochtones ne doit pas l'emporter sur la capacité des collectivités autochtones d'être, au bout du compte, maîtresses de leur destin.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant passer de Vancouver à Victoria.

    Nous souhaitons la bienvenue aux représentants de la British Columbia Municipal Finance Authority, Steve Berna, directeur général; Frank Leonard, président et maire.

    Bienvenue. Nous vous invitons à faire votre exposé qui, nous l'espérons, sera suivi de questions. Je vous cède la parole.

+-

    M. Frank Leonard (président, Municipal Finance Authority of British Columbia): Bonjour. Je m'appelle Frank Leonard et je suis maire de Saanich et président de la Municipal Finance Authority of British Columbia. Je préside un conseil d'administration composé de 10 membres élus sur 35 au total, qui représente les collectivités de toute la province.

    Nous fonctionnons comme une société collective ou coopérative à laquelle toutes les municipalités de Colombie-Britannique participent. Nous faisons office de banque ou de caisse populaire en matière d'investissements et d'emprunts. Une telle formule représente un avantage extraordinaire qui nous permet de maintenir nos coûts peu élevés. Nous empruntons grâce à l'effet de notre cote de crédit triple A que nous avons obtenue au fil des ans. Cela nous donne pas mal d'influence sur le marché. Que la collectivité se compose de 500 ou 500 000 personnes, elle tire profit du poids de notre cote de crédit financier et de notre pouvoir sur le marché.

    Nous sommes conseillers de l'administration financière des Premières nations depuis de nombreuses années, soit depuis sa création. Nous sommes fiers d'avoir joué le rôle de mentors pour cette organisation, de lui avoir donné des conseils et d'avoir agi à titre de consultants pour elle jusqu'à présent. Si le projet de loi que vous présentez est adopté, nous avons accepté de jouer de nouveau le rôle de consultants pour cette administration.

    Je vais laisser à Steve Berna, notre directeur général, le soin de vous exposer les genres de services dont elle aurait besoin ou que nous pourrions lui offrir en tant que consultants.

+-

    M. Steve Berna (directeur général, Municipal Finance Authority of British Columbia): Bonjour. Je m'appelle Steve Berna et je suis directeur général de la Municipal Finance Authority of British Columbia.

    L'Administration financière des Premières nations suit en fait notre modèle—bien qu'elle le modifie légèrement compte tenu de sa situation particulière et de ses besoins législatifs. Nous jouons notre rôle—depuis près de 10 ans—dans le domaine des services d'arrière-guichet et aussi dans celui des services de soutien, mais pas dans celui de la prise de décisions. Le processus décisionnel appartiendra uniquement au conseil d'administration ou au personnel de l'Administration financière des Premières nations. Nous sommes donc légèrement en arrière-plan, mais en même temps offrons un service.

    L'Administration financière des Premières nations sera essentiellement chargée de réunir des capitaux pour des projets donnés, qu'il s'agisse de routes, d'égouts ou de canalisations d'eau. Nous fournirons là encore un service de consultants; elle pourra nous soumettre ses idées, mais le processus décisionnel lui appartiendra. Nous nous chargerons de la comptabilité pour elle, car elle ne dispose pas du personnel voulu pour l'instant. Nous nous chargerons également des services administratifs, de la perception des fonds, de l'émission des chèques au titre des obligations des diverses Premières nations, ainsi que des investissements. Ces investissements prendront de l'ampleur et permettront de rembourser la dette au bout d'un certain temps. Nous faisons ce genre de travail depuis 33 ans. Quelques fonds spéciaux vont également être créés pour protéger et améliorer sa cote de crédit dont nous allons également nous occuper.

    L'élément sans doute le plus important au départ, c'est le logiciel, qui est très coûteux, comme vous le savez sans doute. Notre système est conçu pour correspondre à celui de l'Administration financière des Premières nations. Par conséquent, à l'heure actuelle, nous allons simplement faire une copie de notre logiciel que nous transférerons dans notre système maison à son nom pour pouvoir l'exploiter.

    Nous lui fournissons donc des services d'arrière-guichet, une consultation à certains égards et des services administratifs en matière d'investissements et de facturation.

Á  +-(1105)  

+-

    M. Frank Leonard: Nous allons nous arrêter maintenant, puisque nous sommes d'avis qu'il serait peut-être plus utile de répondre aux questions. Nous sommes certainement ouverts à toutes celles que vous aimeriez nous poser.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Avez-vous une question, monsieur Dromisky?

+-

    M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Pouvez-vous nous donner une idée de ceux qui en Colombie-Britannique sont membres de cette unité administrative?

+-

    M. Frank Leonard: Chaque gouvernement local de Colombie-Britannique en est membre. Les municipalités sont regroupées dans ce que l'on appelle en Colombie-Britannique des districts régionaux, et chaque district régional devient membre de notre conseil, ce qui donne un total de 35. Les plus grands districts régionaux de la région métropolitaine de Vancouver et de celle de Victoria ont plus d'un représentant. C'est la raison pour laquelle notre conseil se compose de 35 membres dont 10 sont élus.

    Chaque municipalité, district régional, ville et village s'adresse à la Municipal Finance Authority pour ses emprunts. La ville de Vancouver contracte elle-même une petite partie de ses emprunts afin de conserver sa cote de crédit triple A, qui représente un certain prestige pour n'importe quelle grande ville comme Vancouver. Je le répète toutefois, dans leur majorité, les emprunts se font pour le compte du district régional pour les égouts, les canalisations d'eau et autres infrastructures, et nous nous en chargeons. Nous faisons également les emprunts pour TransLink, la commission de transport et l'aérotrain de la région métropolitaine de Vancouver. Nous faisons des emprunts pour les communications d'urgence, connues sous le sigle ECOM.

    Nous nous chargeons de l'emprunt pour les agences ou sociétés spéciales qui sont maintenant créées par les municipalités. Nous sommes leur banque et leur société de financement.

+-

    M. Steve Berna: Pour comprendre les raisons pour lesquelles la Colombie-Britannique est un peu différente... Si vous ne vivez pas en C.B., mais dans une autre province, vous vous demandez probablement pourquoi les choses ne se passent pas de la même façon chez vous. À la fin des années 60, les municipalités de Colombie-Britannique ont eu beaucoup de difficultés à réunir des fonds à des taux d'intérêt décents pour leurs projets d'immobilisation. Elles se sont donc adressées à la province de Colombie-Britannique pour lui demander si elles ne pourraient pas emprunter en tant que membres faisant partie du gouvernement. Le gouvernement de Colombie-Britannique a répondu à ce moment-là qu'il ne souhaitait pas que la dette municipale figure dans ses livres et leur a donc dit de se débrouiller.

    En 1971, elles ont donc signé un document indiquant qu'elles travailleraient ensemble et créeraient leur propre banque obligataire—c'est-à-dire nous—qui se chargerait de réunir les capitaux pour elles. Il s'agit donc d'une situation légèrement différente et propre à la Colombie-Britannique parce que les municipalités ont pris politiquement pareille décision en 1971.

    Les municipalités de l'Ontario ont décidé de travailler séparément, si bien qu'elles sont différentes de nous. Le gouvernement provincial de l'Alberta a accepté que les municipalités contractent des emprunts par l'entremise de la province, si bien que là encore il y a une légère différence.

    Ce n'est donc pas pour rien que nous sommes différents, mais cela fonctionne depuis 33 ans et nous avons bénéficié d'une cotation de crédit triple A pendant 23 de ces 33 années.

+-

    M. Stan Dromisky: J'ai besoin d'explication ici. Les collectivités des Premières nations font-elles partie du réseau dont vous parlez?

+-

    M. Frank Leonard: Non. Elles sont à part, et nous avons simplement agi à titre de mentors ou de conseillers auprès d'elles.

+-

    M. Steve Berna: Il y a 10 ans, la première étape du processus a consisté à demander aux Premières nations de travailler ensemble. Une telle solution n'est jamais facile, puisqu'il faut tenir compte du climat de confiance et de l'histoire particulière de chacune.

    Nous avons donc ouvert l'un de nos programmes volontaires, les fonds communs de placement ou les sociétés de fonds mutuels. À ce moment-là, nous avons créé un partenariat avec les Premières nations pour qu'elles puissent tirer parti de ces fonds. Les possibilités d'investissement étaient telles que les coûts de gestion étaient très bas, si bien que le rendement était supérieur à celui qu'elles auraient obtenu séparément.

    Depuis 10 ans maintenant, nous avons créé un climat de confiance qui leur permet de travailler ensemble, mais c'est le seul domaine dont nous nous occupons. C'est volontaire. L'emprunt ne passe pas par nous, le bail ne passe pas par nous; nous nous occupons strictement des investissements.

    Nous parlons ici de copier notre modèle, qui, comme je l'ai dit, jouit de la cotation triple A depuis 1980, et de l'adapter aux besoins actuels des Premières nations.

Á  +-(1110)  

+-

    M. Stan Dromisky: Vous me dites en fait que vous offrez des services de consultants ainsi que de conseils et d'information, de manière à éduquer les membres des groupes de Premières nations qui s'intéressent à ce modèle et qui ont des objectifs précis qu'ils espèrent atteindre.

    Pouvez-vous m'indiquer, d'après votre expérience et vos relations avec les Premières nations en général ou avec certaines d'entre elles, en particulier, le taux de réussite qu'elles ont pu obtenir ou qu'elles prétendent avoir obtenu ou ..? Eh bien, je ne veux pas vraiment demander le taux de succès obtenu, mais comment évaluez-vous ces services en ce qui concerne les Premières nations?

+-

    M. Steve Berna: Les Premières nations de Colombie-Britannique. sont extrêmement bien organisées. On ne peut probablement pas dire que toutes le sont, mais un grand nombre d'entre elles commencent déjà à établir des partenariats avec les municipalités dans le domaine des projets d'égouts ou de canalisations d'eau. La région de Kelowna en est un très bon exemple. La demande est comprimée, car on ne peut réaliser d'économies d'échelle à propos de projets—en d'autres termes, on emprunte un an à la fois—on ne peut jamais terminer les projets en se fondant sur des facteurs strictement économiques. Ce n'est pas la même chose que de commencer un projet et de le terminer.

    En ce moment, les municipalités de Colombie-Britannique commencent à devenir partenaires des Premières nations. Un de nos districts régionaux, qui représente un secteur géographique, vient juste d'admettre une Première nation en tant que membre. C'est la première fois que j'entends parler d'un pareil cas et ce n'est qu'un début.

    Lorsqu'on examine les Premières nations dont on parle, qui vont composer l'Administration financière des Premières nations, on se rend compte, comme je l'ai déjà dit, qu'elles sont extrêmement bien gérées au plan administratif. Elles perçoivent également de l'impôt foncier auprès de ceux qui louent des maisons à bail sur leurs terres. Le partenariat en matière d'investissement est une première étape.

    On peut probablement affirmer sans se tromper que les banquiers hésitent à prendre des risques, et je ne pense pas que quiconque me contredise à ce sujet, mais lorsqu'on voit l'intérêt et le désir des banquiers qui veulent devenir ce qu'on pourrait appeler les acheteurs de la dette de l'administration financière des Premières nations, on peut en conclure que c'est probablement une bonne idée, parce que si les banquiers ne se montraient pas intéressés à participer, on se demanderait alors ce qui ne va pas dans cette formule. Les banquiers toutefois font la queue et vont donc acheter la dette. Ils garantissent un prix aux Premières nations et prennent à eux seuls le risque de la vente. Par conséquent, si les banquiers sont prêts à prendre ce risque, ils se sont informés comme il le fallait et sont pratiquement sûrs d'obtenir d'excellents résultats.

+-

    M. Stan Dromisky: Nous savons très bien que les peuples des Premières nations de la Colombie-Britannique sont très en faveur du projet de loi C-19. Pouvez-vous nous donner des conseils au sujet de ce projet de loi, quelles améliorations pourrait-on lui apporter, par exemple, ou quelles sont les faiblesses que vous avez détectées à la lumière de vos expériences et des processus adoptés dans votre province?

+-

    M. Frank Leonard: C'est la relation établie entre les municipalités et les districts régionaux qui nous garantit de bons résultats. Les maires, comme moi-même, ont la responsabilité de la cotation de crédit; nous en sommes très fiers et nous savons que le fait de travailler ensemble donne des résultats. Notre force correspond à celle de chaque élément du groupe et lorsque l'un des membres a quelques difficultés—certaines villes de Colombie-Britannique qui dépendent de l'industrie primaire en ont connues—nous savons que nous devons les aider, comme nous l'avons fait dans le cas de Bull Rivers et Tumbler Ridges afin de refinancer leur dette.

    Ce que je veux souligner, c'est que cette mesure législative suit de très près notre modèle dont la force provient de la camaraderie et de l'engagement que nous avons pris en tant que groupe pour faire en sorte que cela fonctionne et que les fonds restent sur place pour nous, et qu'ils ne se retrouvent pas sur les marchés internationaux où une tierce personne pourrait faire des profits excessifs à partir de nos besoins en matière d'emprunt.

Á  +-(1115)  

+-

    M. Steve Berna: Tout d'abord, en ce qui concerne les points faibles, je n'en vois pas. Je crois que ce projet de loi a fait l'objet d'une excellente recherche, à en juger par son libellé.

    Deux éléments le rendent en fait beaucoup plus fort que lorsque nous avons commencé en 1971. Tout d'abord, on a prévu ce que l'on appelle le fonds de réserve. C'est un fonds mis de côté au cas où si une Première nation ne remboursait pas sa dette—le principal ou l'intérêt—on pourrait prendre de l'argent de ce fonds pour payer le créancier obligataire qui, par conséquent, ne subira jamais aucun préjudice. Nous avons mis 1 p. 100 de nos fonds de côté pour l'instant. Le projet de loi C-19 propose d'en mettre 5 p. 100. Par conséquent, le fonds de protection des créanciers obligataires est beaucoup plus important que celui que nous avons actuellement.

    Deuxièmement, au départ, nous avons accepté chaque municipalité au sein de la Municipal Finance Authority et nous avions une cotation A. Nous avions des villes de diverses tailles, par exemple 252 habitants pour la ville de Silverton et plus de deux millions d'habitants pour la région métropolitaine de Vancouver. Cela nous a donc donné de la force, mais en même temps, nous n'avons pas pris que le dessus du panier.

    L'Administration financière des Premières nations prévoit des points de référence, des échelons, et il suffit de les atteindre pour être admis dans le groupe. Elle va en fait choisir les bandes les mieux exploitées et les mieux gérées. Nous n'avons pas eu ce choix. Je crois que cela va lui rendre grand service, car d'autres Premières nations devront essayer de suivre leur exemple et celles qui sont admises seront les plus solides.

+-

    Le président: Merci, monsieur Dromisky.

    Madame Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

    Merci pour votre intervention.

    D'autres témoins nous ont dit que cela n'aurait pas vraiment un très gros impact sur les très petites collectivités, car elles ne pensent pas pouvoir y avoir recours pour aller chercher plus de fonds.

    Nous avons également entendu dire que ce n'était pas la solution idéale pour les collectivités. Elles pourraient faire beaucoup mieux et Bay Street ne serait pas intéressée par ce genre d'entreprises.

    J'aimerais simplement savoir ce que vous en pensez.

+-

    M. Frank Leonard: Le modèle de la British Columbia Municipal Finance Authority a été présenté à d'autres compétences du pays—les commissions scolaires de l'Ontario, d'autres municipalités, ainsi que plusieurs instances du Québec. Très souvent, l'offre n'est pas acceptée pour des raisons d'indépendance, mais l'indépendance coûte cher.

    Les membres de notre groupe ont décidé d'économiser de l'argent plutôt que d'aller individuellement à New York frapper à la porte des agences de cotation, s'occuper de leurs propres obligations et mener ce genre d'activités. En tant que groupe, nos emprunts correspondent à la cote triple A; nous empruntons au coût qui se rapproche de celui que paient les provinces elles-mêmes pour leurs emprunts. Notre groupe paie moins que certaines provinces, en fait. C'est parce que nous travaillons ensemble.

    Si les petites collectivités avaient besoin d'emprunter un million de dollars, elles ne pourraient en aucune façon emprunter à un taux se rapprochant de... Pour les emprunts à long terme, notre pourcentage se situe à moins de 6 p. 100 actuellement. Par conséquent, elles tirent avantage des plus grandes municipalités. Dans la région métropolitaine de Vancouver, en tant que groupe, nous avons appuyé les plus petites collectivités ces dernières années. À l'heure actuelle, la plupart des emprunts visent la région métropolitaine de Vancouver, qui donc tire avantage du groupe également.

    Je suis convaincu que d'autres organisations à l'échelle du pays—les municipalités essentiellement et parfois les commissions scolaires—qui n'en tirent pas avantage paient cher leur indépendance. Elles paient davantage pour emprunter de l'argent, car elles veulent faire leurs propres exposés, émettre leurs propres chèques. Or c'est ce à quoi il faut renoncer lorsqu'on se joint à un groupe mais, en contrepartie, on peut économiser beaucoup d'argent.

+-

    M. Steve Berna: Pour vous donner un exemple des sommes dont nous parlons, il nous a fallu dix ans pour passer de la cotation A à la cotation triple A. Lorsque vous arrivez à la cotation double A ou triple A, que vous gravissez les échelons... À l'heure actuelle nous dépassons de trois échelons la plus grande banque du Canada, la Banque Royale, sur l'échelle de cotation de crédit. C'est assez important, car lorsque nous prêtons de l'argent, que ce soit à de grandes ou de petites collectivités, c'est le même taux, qui se situe en-dessous du taux préférentiel. Actuellement, c'est 1 p. 100 en-dessous du taux préférentiel. Nos autres programmes de marge de crédit se situent à 1,25 p. 100 en-dessous du taux préférentiel.

    Vous ne pouvez y avoir accès si vous êtes une petite bande, mais comme le président Leonard l'a dit, il faut céder un peu de son indépendance; c'est le genre de compromis à faire. Si on ne regarde que les chiffres et qu'on se situe en-dessous du taux préférentiel et qu'on peut obtenir le taux préférentiel auprès d'une banque, cela veut dire que les choses vont bien.

Á  +-(1120)  

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Que se passerait-il dans le cas, par exemple, d'une petite collectivité de 600 ou 500 personnes—je sais en effet que certaines collectivités sont très petites. Il serait peut-être utile d'expliquer ce que cela veut dire en langage de tous les jours pour les collectivités. Je représente de petites collectivités et parfois nous avons une vue d'ensemble, sans toutefois savoir ce qu'entraînent en fait la négociation et le processus.

+-

    M. Steve Berna: Plusieurs choses. Comme je l'ai dit, notre plus petite collectivité compte 252 personnes, et nous en avons probablement deux douzaines comptant moins de 600 personnes. Elles obtiennent les mêmes taux que les plus grandes collectivités; il n'y a pas de différence en matière de taux.

    Le problème d'une petite collectivité, c'est qu'elle n'a pas l'expertise technique ou la main-d'oeuvre voulue pour faire l'analyse nécessaire ou chercher de l'information sur le financement. Notre personnel administratif s'efforce essentiellement de travailler avec les plus petites collectivités pour trouver des stratégies—et nous ne les faisons pas payer, cela fait partie de notre travail —qu'il s'agisse de stratégies de financement ou qu'il s'agisse d'expliquer les programmes aux maires et aux conseils, la façon dont ils fonctionnent et leurs avantages, ou d'offrir des services de consultants. Parfois, nous prenons le temps d'examiner leurs chiffres pour arriver à élaborer une stratégie sur cinq ou dix ans; ce n'est pas quelque chose qu'elles peuvent faire seules. Lorsqu'on laisse les chiffres de côté et qu'on envisage uniquement ce qui est proposé, il y a aussi échange d'idées.

    C'est au cours de déplacements dans notre province que nous leur communiquons certains plans. Je passe près du tiers de mon temps sur la route. Ainsi, on apprend vite ce que d'autres villes, conseils et maires ont trouvé comme stratégies en cas de difficultés, économiques ou autres. Au cours de mes déplacements, je ne suis pas seulement à l'écoute de ce qui se passe dans leur région, mais je partage également des idées.

    Vous avez donc l'appui d'un personnel qui est qualifié au plan technique et que vous n'avez pas nécessairement si vous êtes une petite collectivité. Il y a par contre un véritable échange d'idées, ce qui est fort important lorsque vous présentez une stratégie visant à aplanir les difficultés.

+-

    M. Frank Leonard: Je pourrais peut-être vous donner l'exemple précis du camion d'incendie, qui est assez courant dans les petites collectivités. Les camions d'incendie coûtent des centaines de milliers de dollars actuellement. Une petite communauté devrait aller sur le marché, se rendre à la banque ou à la caisse populaire pour demander combien coûterait l'emprunt et pour le négocier. Dans de nombreux cas, elle paie des taux d'intérêt à deux chiffres.

    Si elle faisait partie de notre organisation, il suffirait que le conseil municipal adopte un règlement indiquant « qu'il va emprunter tant d'argent pour financer un camion d'incendie et que le remboursement de la dette va prendre 15 ans »; c'est la seule décision à prendre.

    Le règlement nous est alors envoyé et deux fois par an, nous allons sur le marché et présentons cette demande avec toutes les autres. Par conséquent, qu'il s'agisse des dizaines de millions de dollars dépensés dans la région métropolitaine de Vancouver ou des dizaines de milliers de dollars dépensés dans la petite collectivité, nous regroupons ces demandes d'emprunts et contractons un emprunt dont les taux se rapprochent de ceux que paient les provinces.

    Cette petite collectivité n'a donc qu'à prendre une seule décision pour tirer profit d'un système financier qui est aussi fort et aussi important que n'importe quel autre au Canada.

+-

    M. Steve Berna: Je pourrais aussi donner l'exemple de l'investissement. Beaucoup de Premières nations vont avoir de l'argent ou en ont déjà. Je ne sais pas combien parmi vous avez des fonds mutuels, mais si vous examinez les frais de gestion de vos fonds mutuels, vous vous apercevrez qu'ils oscillent entre 2,75 p. 100 pour les fonds d'actions et 0,5 p. 100 pour les fonds du marché monétaire. Ensemble, nous avons accès à un groupe de Vancouver—Phillips, Hager & North, qui est le principal gestionnaire de fonds de Colombie-Britannique—qui nous fait payer cinq-centièmes d'un point de pourcentage pour la gestion de nos fonds. Par conséquent, même les petites collectivités bénéficient de l'expertise du plus grand gestionnaire de fonds en Colombie-Britannique, mais au taux le plus bas possible.

    Les entreprises recherchent des opportunités. Il est beaucoup plus facile de faire un appel à Victoria par l'entremise de la Municipal Finance Authority que d'en faire 210 à chaque municipalité de Colombie-Britannique C'est véritablement un portail qui nous aide à baisser les coûts du côté des investissements comme du côté de la dette. Les coûts diminuent donc beaucoup.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Poursuivez.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci beaucoup. Vos observations nous sont très utiles pour l'examen d'un projet de loi comme celui-ci. Nous l'avons lu, mais il est parfois difficile de le transposer dans la réalité de tous les jours et je vous remercie de l'avoir fait pour nous. Merci.

    Une voix: Je vous en prie.

+-

    Le président: J'aimerais vous demander à combien se chiffre le pourcentage de perte en matière de créances ou de prêts irrécouvrables. Pour les banques, je crois qu'il se situe autour de 2 p. 100, comme vous devez sans doute le savoir.

+-

    M. Steve Berna: Au cours des 33 ans de notre existence, nous n'avons jamais eu de perte.

+-

    Le président: Je suis heureux d'avoir posé la question.

+-

    M. Steve Berna: Ce n'est pas simplement parce que nous n'avons rien à faire parce que tout le monde est formidable; c'est grâce aux automatismes régulateurs que nous avons mis en place.

    Lorsque vous allez dans un magasin, la première chose qui se passe, c'est la vérification de votre carte Visa ou Mastercard pour s'assurer que vous avez le pouvoir d'emprunt nécessaire pour faire les achats que vous souhaitez faire. Chaque municipalité en C.-B. a une limite Visa ou un pouvoir d'emprunt établi. Aucune n'a jamais la possibilité de dépasser cette limite.

    Le projet de loi C-19 prévoit l'équivalent de ce qu'on appelle un inspecteur des municipalités, ou un employé qui demande : « La municipalité ou la Première nation peut-elle rembourser ceci? Dispose-t-elle d'une marge d'emprunt? Quels sont actuellement les avantages ou les difficultés qui pourraient l'empêcher de rembourser? »

    Grâce aux automatismes régulateurs que nous avons en place actuellement—qui sont encore plus stricts dans le projet de loi que vous avez devant vous; les nôtres datent d'il y a 33 ans et si on les rédigeait de nouveau aujourd'hui, ils seraient peut-être un peu différents—nous n'avons jamais connu de défaut de paiement ni même de paiement tardif, en l'espace de 33 ans.

+-

    Le président: Ce sont de très bonnes nouvelles. Une fois que nous aurons terminé l'étude du projet de loi C-19, j'espère que nous pourrons nous réunir et créer une autre institution qui nous permettra d'acheter de l'assurance à des taux raisonnables. Je crois que vous pourriez le faire. Nous avons fait don de milliards de dollars aux Américains suite à la catastrophe du 11 septembre, mais nous payons de nouveau par le biais de nos primes d'assurance.

    Les personnes présentes ici et celles avec lesquelles nous avons parlé dans le cadre de cette vidéoconférence pourraient créer une telle institution. J'y participerais sans aucun doute, surtout après avoir pris connaissance cette semaine de la facture de mon assurance.

    Je tiens à vous remercier de vos observations fort utiles. Le comité pourra certainement rappeler à d'autres membres du comité—qui voudraient présenter des amendements susceptibles d'être préjudiciables—les raisons pour lesquelles le projet de loi devrait être respecté tel qu'il est et ne faire que l'objet d'amendements qui soient constructifs et non politiques.

    Merci beaucoup.

+-

    M. Steve Berna: Merci beaucoup de nous avoir donné la possibilité de nous exprimer.

+-

    M. Frank Leonard: Tout le plaisir a été pour nous. Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons rester à Victoria pour entendre le prochain témoin.

    Nous souhaitons la bienvenue à M. Robert Bish, professeur émérite de l'Université de Victoria.

    Ils viennent d'ouvrir la porte derrière vous, et on voit qu'il fait soleil en Colombie-Britannique. La journée va sûrement être belle. Il est 8 h 30 là-bas.

+-

    M. Robert Bish (professeur émérite, Université de Victoria): C'est une belle matinée, mais on attend un peu de pluie cet après-midi.

+-

    Le président: Il en faut aussi, de la pluie.

    Monsieur Bish, bienvenue. Nous allons entendre votre exposé. Il nous reste 30 minutes, et j'espère que nous allons avoir le temps de vous poser des questions. Nous vous écoutons.

+-

    M. Robert Bish: Merci de m'avoir invité.

    J'ai pris ma retraite il y a cinq ans, mais je continue à faire un peu de travail. Je suis un économiste, et je n'ai jamais travaillé à ce titre pour les Premières nations, mon domaine de spécialisation étant la gestion financière des administrations locales. J'ai rédigé un livre sur le sujet qui s'intitule Local Government in British Columbia. J'ai également effectué une analyse sur les questions de fusion pour l'Institut C.D. Howe.

    J'ai réalisé quelques études pour les Premières nations. Fort de mon expérience en matière de gestion financière des administrations locales, j'ai effectué, en 1986, à la demande de Manny Jules, une analyse des recettes que tirent les gouvernements non autochtones des impôts levés sur les tenures à bail dans les terres de réserve de la Colombie-Britannique. Cette analyse a, en partie, servi de base au projet de loi C-115, qui a donné lieu à la mise sur pied d'un régime d'imposition.

    En 1993, j'ai rédigé la proposition concernant l'Administration financière des Premières nations, parce que j'étais fermement convaincu que nous devions nous doter d'un système coopératif comme celui de l'administration financière des municipalités, et non recourir aux garanties de prêts du gouvernement fédéral, si nous voulions promouvoir l'autonomie gouvernementale à long terme.

    J'ai également organisé un projet important pour la Fondation Donner, projet qui consistait à accompagner des Autochtones du Yukon en Alaska pour qu'ils puissent se familiariser avec le processus de règlement des revendications foncières de l'Alaska. C'était vraiment fort intéressant. Je ne sais pas si vous avez suivi le dossier sur le règlement des revendications foncières au Yukon, mais il y en a certains qui ont gaspillé beaucoup d'argent en très peu de temps. Cette expérience nous a permis de nous rendre compte que les Autochtones sont mieux placés que les consultants non autochtones pour dire aux autres Autochtones ce qu'il convient de faire.

    Je suis également appelé à organiser, à l'occasion, des colloques sur le rôle que jouent les petites administrations dans l'application des traités.

    Les études que j'effectue pour les Autochtones ne représentent que 10 p. 100 environ de mon travail universitaire. Il y a deux économistes au Canada qui sont spécialisés dans le fédéralisme et les administrations infranationales, et j'en suis un. Mes ouvrages sur les administrations locales sont traduits en français, en allemand, en italien, en japonais et en chinois. C'est mon domaine de spécialisation.

    Ce projet de loi vise, à mon avis, à régler deux problèmes. D'abord, les Premières nations doivent être en mesure de tirer des recettes de leurs tenures à bail, et qui dit recettes dit développement. Or, ce développement passe en partie par l'infrastructure qui, dans les autres pays du monde, est financée par les sources de revenu de l'administration locale, comme l'impôt foncier.

    Il passe aussi par le financement par emprunt, ce qui pose quelques problèmes. D'abord, les investisseurs, pour la plupart, n'aiment pas investir dans les tenures à bail. En Amérique du Nord, il n'y a que deux endroits où l'on effectue d'importants investissements dans les tenures à bail: à Hawaï et dans le Maryland. Ce genre de structure n'existe pas au Canada.

    Donc, les Premières nations ont beaucoup de difficulté à attirer des investisseurs sur leurs terres. Ce qui intéresse ces derniers, c'est le long terme et, notamment, la stabilité, la sécurité, le traitement équitable, surtout qu'ils n'ont pas voix au chapitre au sein des gouvernements des Premières nations.

    Il en va de même pour les émissions de titres de créance. Ce n'est pas uniquement l'emprunt initial qui pose problème. Il existe un marché secondaire pour les instruments d'emprunt, ce qui fait que si vous achetez des créances pour une période de 20 ans parce que vous faites confiance à une Première nation et que les choses tournent mal au bout de 10 ans, vous ne pouvez pas vendre ces créances, et cela ne fait pas l'affaire des créanciers obligataires.

    Donc, la situation des tenures à bail est plutôt délicate. Le pire, c'est que si une Première nation cafouille et que sa réputation est ternie, les investissements dans les autres terres vont s'en ressentir. Voilà pourquoi il nous faut une structure pour réglementer les impôts et l'émission de titres de créance.

    À mon avis, les propriétaires fonciers des Premières nations ont tout intérêt à ce qu'on mette en place une structure réglementaire, puisque ce sont eux qui, après tout, vont louer ou non leurs terres. Ils ont tout intérêt à voir à ce que des règlements adéquats soient mis en place.

    La solution me semble évidente. Le régime fédéral a ceci d'avantageux qu'il englobe de nombreux ordres de gouvernement. Nous pouvons définir les secteurs de compétence, nous doter d'une structure réglementaire qui encadre une multitude d'unités locales ou plus petites. Nous risquons d'avoir de sérieux problèmes si nous laissons les Premières nations prélever leurs propres impôts et émettre des titres de créance. Je ne suis pas, par philosophie, contre le mouvement en faveur des droits inhérents, mais je dois dire que, dans la pratique, en tant que spécialiste de la gestion financière des administrations locales, la question m'inquiète.

Á  +-(1130)  

    Un grand nombre d'entre vous ne savent peut-être pas que les petits gouvernements ne peuvent obtenir une cote des agences d'évaluation du crédit. Ils ne peuvent pas contracter des emprunts sur le marché institutionnel. Quand j'ai réalisé l'étude sur l'Administration financière des Premières nations, en 1993, pour le compte de la bande de Westbank—il y a déjà un bon moment de cela—les municipalités de l'Ontario ne pouvaient, pour la plupart, obtenir de cote d'une agence d'évaluation.

    Certaines provinces contournent le problème en confiant au gouvernement provincial la responsabilité d'effectuer tous les emprunts en leur nom. D'autres, comme la Colombie-Britannique, ont recours à une institution coopérative, comme l'administration financière des municipalités.

    Donc, il nous faut absolument un organisme de réglementation. L'absence d'un deuxième palier auprès duquel un Autochtone peut interjeter appel lorsqu'un différend l'oppose au gouvernement de la Première nation est essentiel à l'autonomie gouvernementale des Premières nations.

    Nous avons accès, nous, à ce deuxième palier. Lorsqu'un citoyen d'une municipalité de la Colombie-Britannique est insatisfait, il s'adresse à l'inspecteur des municipalités, à l'ombudsman, ou encore invoque la Judicial Review Procedure Act, ou la loi sur la procédure de révision judiciaire, une procédure peu coûteuse.

    L'imputabilité est, elle aussi, importante, et il faut que celle-ci soit assurée par un deuxième palier d'intervention au sein des Premières nations. Le projet de loi constitue, à cet égard, un pas dans la bonne direction.

    Il y a un deuxième point qui me préoccupe : si des traités sont ratifiés, comme ce fut le cas au Yukon, en Colombie-Britannique—nous espérons que d'autres accords viendront s'ajouter à celui qui a été conclu avec les Nisga'a—et que certaines Premières nations commencent à lever des taxes, la situation risque de devenir problématique.

    La Commission de la fiscalité des Premières nations et l'Administration financière des Premières nations devront faire deux choses. D'abord, elles devront se faire connaître des investisseurs, c'est-à-dire ceux qui louent des terres pour y construire des installations ou ceux qui achètent des obligations. Ensuite, le projet de loi parle de formation. Or, j'estime que nous devons créer une communauté de spécialistes de la politique fiscale qui sont en même des membres des Premières nations. C'est à eux que s'adressera logiquement une Première nation qui veut mettre sur pied un régime d'imposition, que ce soit sous la direction de la Commission de la fiscalité ou en vertu du principe du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Il s'agit-là d'un point très important.

    Lors de notre voyage au Yukon, nous avons accompagné des groupes formés de 15 Yukonnais en Alaska, où ils ont pu visiter des villages autochtones qui se sont avérés à la fois une réussite et un échec. Depuis le rapport de la Commission Berger, qui remonte à loin, les entreprises de deuxième génération dirigées par des Autochtones de l'Alaska, par des Inuits, non pas celles qui ont été conseillées par des consultants non autochtones, ont connu beaucoup de succès dans bon nombre de régions, notamment dans le sud-est. Quand ces Autochtones se sont mis à expliquer ce qu'ils ont fait ou ce qu'ils n'ont pas fait, les Yukonnais les ont écoutés très attentivement. Nous devons former des spécialistes de la politique fiscale au sein de la communauté autochtone.

    Il y a des bandes en Colombie-Britannique qui, aujourd'hui, partagent avec d'autres leurs recettes, et pas seulement celles qui découlent des impôts fonciers. Certaines se sont engagées, par voie de traité, à abandonner le principe de l'immunité fiscale et à partager leurs recettes fiscales. C'est très important, à long terme.

    Les universités sont confrontées à un problème. Quand j'ai fait mes études dans les années 60, on pouvait étudier le régime d'imposition, le droit fiscal, la politique fiscale, la comptabilité fiscale dans la même salle de classe. Aujourd'hui, comme ces domaines sont spécialisés, les cours sont données dans différents endroits: mentionnons, par exemple, les facultés de droit, les écoles de comptabilité, les facultés d'économie, l'administration publique. C'était là le meilleur endroit où commencer. J'ai été invité à plusieurs reprises—cinq fois, je pense—par la Commission consultative de la fiscalité indienne, à donner des cours sur l'imposition foncière. À mon avis, la Commission de la fiscalité des Premières nations serait bien placée pour offrir ce genre de cours.

    Je pense que le projet de loi favorisera l'autonomie gouvernementale des Autochtones, aidera les organisations autochtones à se prendre en charge. Il faut assurer leur développement économique. L'idéal, ce serait qu'elles puissent louer leurs terres à des fins de développement économique, utiliser les recettes générées par l'impôt foncier pour fournir des services et construire des infrastructures, faire en sorte que les membres de la bande profitent des recettes tirées des tenures à bail.

    Cette façon de faire cadre avec le régime fédéral. J'analyse depuis 35 ans le fonctionnement des petits gouvernements et des régimes fédéraux, et ce projet de loi constitue un pas dans la bonne direction. Nous ne sommes pas tout à fait prêts à avoir des administrations autonomes qui lèvent des impôts sur la propriété foncière et qui obtiennent du financement par emprunts. Nous avons besoin des mécanismes de coopération que prévoit le projet de loi.

    J'aimerais que l'on procède à un transfert des pouvoirs du ministre, pour que celui-ci n'en ait pas autant. Je pense vraiment que ce projet de loi constitue, pour les Autochtones, un élément positif.

    Merci. Je consacrerai le reste de mon temps aux questions.

Á  +-(1135)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. On va sûrement vous poser des questions, car votre exposé était fort intéressant.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président. Professeur Bish, j'ai beaucoup apprécié votre exposé. Comme la fiscalité m'a toujours intéressé, j'ai porté une attention particulière à vos propos, surtout les derniers.

    Vous avez affirmé qu'il fallait penser à une période ou une méthode de transition qui n'accorderait pas autant de pouvoirs au ministère. J'aimerais que vous précisiez votre pensée à cet égard et que vous nous disiez de quelle façon le projet de loi C-19 pourrait être amélioré pour atteindre cet objectif de transition dont vous avez fait mention.

Á  +-(1140)  

[Traduction]

+-

    M. Robert Bish: C'est compliqué, car les tribunaux ont confié au ministre la responsabilité fiduciaire des Premières nations. Donc, les enjeux pour les contribuables canadiens, le ministre, le ministère des Affaires indiennes, sont considérables.

    Je suis un partisan des petits gouvernements. Je ne fais pas tellement confiance aux grandes bureaucraties, même si les gens sont bien intentionnés. Quand le régime d'imposition est entré en vigueur, j'ai passé beaucoup d'heures au téléphone à expliquer aux fonctionnaires du ministère comment fonctionnait la fiscalité foncière en Colombie-Britannique. Ils n'y connaissaient rien.

    Franchement, les administrateurs fiscaux autochtones étaient ceux qui avaient tout intérêt à ce que le régime fonctionne et ils ont appris très vite. La bande de Squamish, dans la région de Vancouver ouest, a agi avec très grande prudence quand elle a commencé à lever des impôts. Les recettes générées par l'impôt foncier s'élèvent aujourd'hui à cinq ou six millions de dollars. Elle a agi avec beaucoup de prudence. Certaines personnes, comme Harold Calla, ont pris soin de s'assurer que la valeur des tenures à bail ne diminuerait pas. J'ai vu le genre de problèmes que les évaluations des terres de la bande de Musqueam ont occasionné. Toute la province en a subi les contrecoups. Il y a même des projets de grande envergure qui ont été interrompus sur d'autres terres. Cela m'a convaincu que les Autochtones en savaient plus sur le sujet que les fonctionnaires du ministère. Toutefois, nous évoluons, dans une certaine mesure, dans un régime parlementaire où le ministre a beaucoup de responsabilités.

    J'espère que nous allons reconnaître à quel point les organismes de réglementation autochtones sont importants. Toutefois, je ne vois pas comment nous pouvons, légalement, mettre fin au rôle du ministre et, en même temps, soutenir un système de réglementation et empêcher certaines Premières nations d'agir à leur guise. Nous ne savons pas comment démarrer le processus.

    La CCFI ne comptait, dans un premier temps, que des fiscalistes non autochtones. Les fiscalistes sont maintenant tous des Autochtones.

    La Commission a été mise sur pied il y a 15 ans. La proposition concernant l'Administration financière des Premières nations a été rédigée il y a dix ans. Nous sommes pris dans un dilemme. On ne peut faire fi de la responsabilité fiduciaire qui existe, mais franchement, je préférerais que les Premières nations assument elles-mêmes cette responsabilité. C'est pour cette raison que j'aime l'idée d'avoir un système coopératif, sauf qu'il ne doit pas être soutenu par le gouvernement fédéral, mais par l'assiette fiscale des autres Premières nations.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Je vous remercie, professeur Bish. C'est très intéressant et j'ai pris bonne note de tout cela. Je vous remercie.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

    Y a-t-il d'autres questions?

    Comme il n'y a pas d'autres questions, je vous laisse le mot de la fin.

+-

    M. Robert Bish: Ce sont surtout les administrations locales qui m'intéressent, puisque j'ai fait des recherches dans ce domaine pendant 35 ans. J'ai passé une bonne partie des deux dernières années à la Guyana, en Amérique du Sud, où j'ai aidé la Banque interaméricaine de développement à consolider les administrations locales. Franchement, les meilleurs systèmes sont ceux où les décideurs sont en mesure de voir le prix à payer pour les erreurs commises et les avantages que l'on tire des choses bien faites. Ces Premières nations possèdent leurs propres terres. Toutefois, lorsque des administrations locales commettent des erreurs, que ce soit au niveau du marché obligataire ou des tenures à bail, leur réputation en souffre beaucoup. Elles ont donc tout intérêt à voir à ce que les autres Premières nations n'en commettent pas. À mon avis, elles sont les mieux placées pour remplir le rôle d'organisme de réglementation. C'est de cette façon, d'ailleurs, que fonctionne le régime fédéral. Quand on obtient des fonds de quelqu'un d'autre et qu'on les utilisent à des fins locales, cela ne donne pas de très bons résultats.

    Le meilleur exemple qui me vient à l'esprit est celui des finances scolaires, en Colombie-Britannique. La province a pris en charge les finances des écoles. Les conseils scolaires sont devenus essentiellement des lobbyistes, puisqu'ils exercent des pressions auprès du gouvernement provincial pour qu'il leur verse plus d'argent. Les contribuables locaux n'ont plus voix au chapitre.

    Or, d'après des études réalisées aux États-Unis, les contribuables locaux, lorsqu'ils n'ont plus voix au chapitre, deviennent désintéressés. Donc, en Colombie-Britannique, le contribuable moyen, s'il n'a pas d'enfants qui fréquentent l'école, n'attache pas d'importance à cette question parce qu'elle n'a aucun impact sur sa situation financière.

    Nous avons énormément d'expérience dans le domaine du financement de l'infrastructure des administrations locales. L'impôt foncier est beaucoup moins imprévisible que les revenus, les ventes, les autres taxes d'accise. Les agences de cotation ont l'habitude des évaluations. Le modèle coopératif axé sur la réassurance est celui qui connaît le plus de succès au Canada. En effet, il ne faut pas oublier que l'administration financière des municipalités, en Colombie-Britannique, a reçu la cote de crédit triple A auprès de toutes les agences de cotation. Même l'Alberta ne bénéficie pas d'une telle cote. Donc, nous avons un système qui, à mon avis, peut servir de base au financement de l'infrastructure des tenures à bail. Ce projet de loi permettra de combler les lacunes lorsque le ministère des Affaires indiennes refusera de fournir les fonds nécessaires aux Premières nations, comme il le fait pour les résidents. Nous ne pouvons pas supprimer le rôle que joue le ministre, en tout cas, pas avant que la question de la responsabilité fiduciaire ne soit réglée.

    Voilà pour le mot de la fin. Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous.

Á  -(1145)  

-

    Le président: Merci beaucoup.

    Comme vous êtes notre dernier témoin, je tiens à dire que je suis très impressionné par la contribution, les compétences et les connaissances de nos invités.

    Quand j'étais plus jeune, et il y a de nombreuses années de cela, je faisais partie de conseils scolaires et de conseils municipaux. Il y a un vieux routier dans notre ville qui a fini par devenir maire. Je n'aimais pas du tout avoir recours aux services de consultants, parce qu'en Ontario, on avait l'habitude de dire : « Pas d'étude, pas d'argent ». Donc, on menait des études, même si ce n'était pas nécessaire de le faire. Et il disait toujours qu'un consultant était une personne qui empruntait votre montre pour ensuite vous donner l'heure. Donc, quand je vais retourner chez moi, je vais dire à mon collègue : « Frank, tu en as pour ton argent, parce que des consultants qui sont excellents, on en trouve. » Vous faites partie de ceux-ci, et nous avons eu l'occasion d'en rencontrer beaucoup. Je suis fort impressionné.

    Je vous remercie tous de votre aide.

    Chers collègues, les amendements doivent être déposés d'ici 17 heures, demain. Ils vous seront distribués lundi, à 9 heures, et nous entreprendrons l'examen article par article du projet de loi le même jour, à 15 h 30.

    La séance est levée.