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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 10 juin 2003




¹ 1525
V         Le président (Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.))

¹ 1535
V         M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne)
V         Le président
V         Le président
V         Le chef Perry Bellegarde (Federation of Saskatchewan Indian Nations)

¹ 1545
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott

¹ 1550
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde

¹ 1555
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         Mme Pauline Picard (Drummond, BQ)
V         Le chef Perry Bellegarde

º 1600
V         Le président
V         M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)
V         Le chef Perry Bellegarde

º 1605
V         M. John Godfrey
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. John Godfrey
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. John Godfrey
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Le président

º 1610
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         M. Maurice Vellacott
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Le président
V         Mme Pauline Picard
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Mme Pauline Picard

º 1615
V         Le chef Perry Bellegarde

º 1620
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell

º 1625
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Le président
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Le président
V         M. John Godfrey
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Le président
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Le président
V         M. John Godfrey
V         Le président
V         Le chef Perry Bellegarde

º 1630
V         Le président
V         Le chef Perry Bellegarde
V         Le président

º 1635
V         Le chef David Paul (première nation de Tobique)

º 1640
V         Le président
V         Le chef David Paul

º 1645
V         Le président
V         Le chef David Paul
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


NUMÉRO 082 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 10 juin 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1525)  

[Traduction]

+

    Le président (Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Nous reprenons nos audiences publiques sur le projet de loi C-19, Loi prévoyant les pouvoirs en matière d'imposition foncière des premières nations, constituant la Commission de la fiscalité des premières nations, le Conseil de gestion financière des premières nations, l'Administration financière des premières nations ainsi que l'Institut de la statistique des premières nations et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.

    Avant que nous commencions, on m'a dit qu'il y avait deux chefs ou deux représentants dans l'édifice, ou dans la salle. Monsieur Hubbard, vous avez mentionné cela. Et M. Vellacott a également parlé de quelqu'un.

    Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

    Le président: Ce n'est pas un chef; elle travaille pour l'APN. Nous venons de passer un mois ensemble; je sais qui est qui. Non, elle ne pourra pas faire de présentation. Elle est à Ottawa depuis plus d'un mois. Nous ne pouvons pas accepter qu'elle fasse une présentation spontanée.

    Une voix: Je représente la nation crie de Samson, le chef—

    Le président: Oui, vous êtes déjà à Ottawa. Nous allons entendre des témoins pendant deux jours. Nous essayons de faire une place à quelqu'un qui est venu de Nouvelle-Écosse, parce que cette personne est ici. C'est tout.

    Une voix: Mon chef a demandé à être entendu, monsieur le président.

    Le président: Est-ce que c'est vous ou votre chef?

    Une voix: C'est mon chef, et je suis ici pour transmettre son message.

    Le président: Est-ce qu'il est ici?

    Une voix: Non, mais il veut être entendu. Il a présenté une demande.

    Le président: Ce n'est pas de cela qu'il est question. Il est question de témoins spéciaux aujourd'hui, cet après-midi.

    Une voix: Les Six Nations ont aussi présenté une demande.

    Le président: Ce n'est pas de cela qu'il s'agit.

    Une voix: C'est exactement ce que je veux dire. Nous voulons savoir quand nous serons entendus.

    Le président: Poursuivons notre séance.

    Monsieur Vellacott, vous avez parlé d'une personne qui se trouvait actuellement à Ottawa, et nous voulons que ce soit le témoin spécial—

¹  +-(1535)  

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Non, je me suis trompé.

+-

    Le président: Donc, la question ne se pose pas. Il y aura seulement un témoin spécial, et c'est celui du Nouveau-Brunswick : David Paul.

    Nous allons maintenant reprendre la séance.

    Une voix: En passant, je n'habite pas à Ottawa. J'appartiens à la nation crie de Samson, et c'est là que j'habite. Je regrette, mais je suis ici pour observer les travaux de votre comité.

    Le président: Nous entendrons maintenant, de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, le chef—

    Une voix: Monsieur Bonin, vous voulez dire que vous n'avez pas à m'entendre, après m'avoir traité de bâtard.

    Le président: Appelez la sécurité.

    Une voix: Je suis venu pour vous voir, et comme je n'ai pas d'emploi—

    Le président: Nous allons suspendre la séance jusqu'à ce que les agents de sécurité soient ici.

¹  +-(1535)  


¹  +-(1540)  

+-

    Le président: Monsieur Bellegarde, nous avons une heure à passer ensemble. Je vous invite à nous présenter votre déclaration préliminaire, qui sera suivie des questions des membres du comité. D'accord? Allez-y.

+-

    Le chef Perry Bellegarde (Federation of Saskatchewan Indian Nations): D'accord. Merci, monsieur le président.

    [Le témoin parle en langue autochtone.]

    Les membres de ma famille, à l'arrière, vous saluent tous. Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous apporte les salutations humbles et respectueuses de notre fédération.

    Notre fédération se compose de 74 réserves indiennes. Ce sont des réserves des premières nations de la Saskatchewan; il y a des Cris, des Saulteux, des Dénés, des Dakotas, des Lakotas et des Nakotas. Cela représente 110 000 personnes en Saskatchewan, visées par les traités numéros 2, 4, 5, 6, 8 et 10. Ce sont nos traités.

    La présentation que je vais vous faire aujourd'hui ne portera pas sur la série de projets de loi— parce que, comme vous le savez, il y aussi les projets de loi C-6 et C-7—, mais plutôt sur le projet de loi C-19 parce que c'est celui auquel vous vous intéressez tout particulièrement. C'est le principal sujet sur lequel vous voulez vous pencher.

    Permettez-moi de vous dire pour commencer que ce projet de loi ne fait pas l'unanimité parmi les 633 premières nations du Canada, et c'est très bien. Il faut respecter cette diversité. Les moyens que nous prendrons collectivement pour améliorer notre qualité de vie sont très importants pour les leaders des premières nations de tout le pays.

    En fait, j'ai deux présentations ici. J'en ai une qui m'a été confiée par l'Assemblée des premières nations et ses dirigeants. Vous savez, bien sûr, qu'il y a des divergences là aussi en ce qui concerne l'appui au projet de loi. Je vais donc la déposer ici. J'ai aussi une présentation de mes bons amis de Colombie-Britannique, de certaines des premières nations qui appuient ce projet de loi. Je vais la mettre ici, et je vais piger tour à tour dans ces deux documents, d'accord? C'est de cette façon que je veux procéder.

    Quand on regarde le projet de loi C-19, la première chose à dire, c'est que nous ne nous opposons pas au développement de nos propres institutions, mais qu'il est essentiel qu'elles soient placées sous le contrôle de nos propres premières nations, qu'elles relèvent de la compétence des premières nations. Je vais vous donner un exemple qui vient de mon propre territoire, celui du Saskatchewan Indian Federated College. Il n'y a pas eu de mesure législative pour créer cette institution. Elle est issue de la volonté de nos 74 chefs, qui travaillent ensemble dans notre assemblée législative. Ils ont donné instruction de le faire et ont demandé qu'un établissement d'enseignement soit créé. Il n'y a pas eu de mesure législative à ce sujet-là.

    Ce que nous disons, c'est que c'est ainsi que nous voulons procéder. Le projet de loi C-19 ne reflète pas le droit inhérent à l'autodétermination. Voici comment je vais vous le dire, respectueusement. Si les premières nations du Canada veulent faire quelque chose, si elles veulent choisir cette voie, nous avons toujours dit que la loi devrait être mutuellement exclusive pour elles. Faites une liste. Je sais qu'il y a des avantages et des inconvénients, mais pour maintenir un semblant de capacité d'aller de l'avant pour les premières nations qui le désirent, cette loi devrait être mutuellement bénéfique ou mutuellement exclusive pour elles, et elle ne devrait pas s'appliquer à Little Black Bear—parce que c'est là que j'ai grandi, dans la réserve. C'est chez moi. Donc, quand nous voyons ces choses se passer dans la grande ville qu'on appelle Ottawa, nous devons être prudents. Nous soutenons que notre droit inhérent à l'autodétermination est protégé par l'article 35, ce qui fait que, quoi qu'il se passe à Ottawa, il faut suivre un processus de consultation, un processus de consultation légitime.

    Mais nous sommes d'avis que cela ne s'est peut-être pas fait correctement sur certains aspects de cette série de projets de loi. Au sujet du projet de loi C-19, nous disons que, si les bandes veulent mettre en place un régime d'imposition... La majorité des premières nations du Canada sont pauvres. Alors, qui allons-nous pouvoir taxer? Si jamais nous en arrivons là, nous devons le faire de notre propre chef et en vertu de nos propres lois, cela ne fait aucun doute. Notre fédération a adopté une résolution en opposition au projet de loi C-19, c'est certain, mais cela concerne toute la série de projets de loi.

    Cela dit, la seule façon de progresser, encore une fois, c'est de tenir compte de la volonté des bandes qui voulaient qu'il y ait une liste. Je prends l'exemple de l'accord d'autonomie gouvernementale conclu en 1975 entre le Québec et les Cris de la baie James. Il s'applique strictement aux Cris de la baie James, n'est-ce pas? C'était une loi à cette fin. C'est ainsi que nous voulons procéder, si nous décidons de faire quelque chose. Nous avons une résolution par laquelle nous réclamons l'abandon de toute la série de projets de loi: le C-6, le C-7 et le C-19. Ils empiètent sur les champs de compétence des premières nations et sur leurs droits inhérents, et en particulier sur leur droit inhérent à l'autodétermination. Quand on regarde ce qui se passe, c'est la position des gens de notre territoire.

    Nous savons qu'il y a une grande diversité au Canada et qu'il est difficile d'avoir une loi qui s'applique à tout le monde, comme la Loi sur les Indiens. C'est une loi qui touche tout le monde. Nous n'aimons pas cette loi. Nous voulons avoir un jour une loi de mise en oeuvre des traités. Nous voulons avoir un jour un nouveau processus pour assurer l'application de l'article 35. Donc, avant que nous en arrivions là, il faudrait laisser ces choses en suspens, comme nous le proposons, mais pour éviter de ralentir nos frères et soeurs qui le veulent, nous disons qu'il faudrait dresser une liste. C'est ce que nous pensons, c'est ce que je pense et c'est ce que diraient les leaders de nos premières nations: il ne faut pas les ralentir.

    Je voulais venir vous dire cela, pour que ce soit public, que cela figure au compte rendu. Si le gouvernement veut aller de l'avant, il a des appuis un peu partout au Canada, mais il y a aussi de l'opposition un peu partout. Tout dépend comment on définit cela, et nous en avons un bon exemple dans la salle aujourd'hui. Il y a des gens des premières nations qui sont contre et des gens des premières nations qui sont pour, et c'est difficile. C'est un dilemme pour vous. Comment allez-vous faire? Où est la majorité?

    Mais il ne fait aucun doute qu'il y aura des conséquences pour nos droits inhérents, s'ils sont protégés par l'article 35. La solution la plus simple pourrait donc être le compromis que je suggère au sujet de l'établissement d'une liste, pour que ce soit utile aux gens. De cette façon-là, il pourrait y avoir une certaine unité parce que nous devons nous battre pour nos droits, surtout s'il y a une loi qui aura des conséquences négatives. C'est ainsi que nous voyons la chose.

    Si vous dites que c'est optionnel... Parce que c'est ce que les gens disent: «C'est optionnel. De quoi avez-vous peur, vous les Indiens?» C'est peut-être optionnel aux yeux de certaines personnes, mais si nous voulons prendre cette voie-là à un moment donné, plutôt que de faire ce que nous choisirons de faire en vertu de nos droits inhérents, nous devrons procéder de cette façon-là parce que cela deviendra la seule chose à faire. Cela enlève certaines choses. Cela limite les choses. En cri, nous disons peyahtak: faites attention. Faites attention à cela; c'est ainsi que nous voyons les choses. C'est ainsi que je les vois.

    Il y a des éléments optionnels, comme l'institut de la statistique. Il y a toujours un besoin d'information, c'est certain. Mes collègues vont dire: «Eh bien, c'est Bellegarde qui a présenté la motion et qui l'a appuyée à un moment donné.» C'est certain. Quand on subit des pressions dans une salle, on dit: «Le chef Tom Bresette est mon bon ami. Tom va certainement le proposer, et nous allons lancer la chose, pas de problème. Tenez, je vais vous appuyer.» C'est ce qui se passe parfois dans une salle pleine de politiciens. C'est ce qui se passe.

    Parfois, quand on s'engage dans cette voie, on dit que c'est pour faire bouger les choses. Il est certain que nous voulons faire bouger les choses, mais quand on voit les détails, quand on constate les effets possibles et les dommages potentiels, on se dit qu'on a appuyé cela pour que les choses bougent. Dieu merci! Oui, nous avons amorcé quelque chose. Une fois que nous pourrons voir, une fois que nos gens commenceront à comprendre ce qui se passe vraiment, ils diront: «Un instant! Regardons cela de plus près.» Voilà ce que nous disons. Donc, c'est aussi pour cette raison que je suis ici, parce que je sais qu'il y aura des questions.

    Je suis à l'exécutif. Je porte deux chapeaux ou, dans notre cas, deux bonnets à plumes. Je suis chef et membre de la FSIN, mais je suis aussi vice-chef régional de l'APN pour la région de la Saskatchewan. Tout ce que nous essayons de défendre, c'est notre position. Que pensent les membres de nos 74 premières nations? Je dois me faire l'écho de ce que disent nos chefs, et nous le faisons à partir de motions officielles de notre conseil exécutif et de notre assemblée législative des chefs de la FSIN. Ce sont les directives qu'on m'a données et, si je n'y fais pas écho, je vais me faire botter le derrière quand je vais rentrer à la maison; vous devez donc prendre des directives vous aussi.

    Il y a des gens qui diraient que vous devez aussi montrer la voie. C'est pourquoi j'affirme à votre comité, ainsi qu'à tous les gens qui m'écoutent dans la salle, qu'il pourrait y avoir des possibilités à cet égard si vous énumérez ces bandes et que laissez la loi appliquer à elles si elles le désirent. Dressez une liste parce que, de cette façon, tout ira bien. Et nous serons protégés.

    Il y aussi toute la question de la clause de non-dérogation. Où est-elle? Si le gouvernement y tenait tellement, si les choses était tellement claires pour lui, il aurait dû l'inclure. Il y aurait d'autres mesures de protection pour nos gens si elle était incluse, mais nous ne voyons rien de ce genre. C'est pourquoi nous agitons là aussi des drapeaux rouges.

    Il y a également la question de l'obligation fiduciaire du gouvernement fédéral. Quelles seront les conséquences de la dévolution à cet égard? Une fois que d'autres organisations commenceront à assumer des responsabilités gouvernementales, où irons-nous si cette obligation fiduciaire est amoindrie ou affaiblie de quelque manière que ce soit? Nous disons que nous entretenons déjà des liens bilatéraux avec la Couronne. Ce sont des liens bilatéraux, de nation à nation, et c'est ce que nous voulons voir respecté et honoré.

¹  +-(1545)  

    Chaque fois qu'une obligation fiduciaire est dévolue ou réduite, cela fait du tort aux générations futures. Nous devons les protéger. Vous l'entendez dire constamment. Nous sommes censés penser aux sept générations qui nous suivront. Dans nos traités, nous parlons toujours de coexistence pacifique et de respect mutuel—pas de domination, d'assimilation, d'extinction et d'intégration, mais de respect mutuel. Ce respect s'applique parfois à nos gouvernements, à nos façons de faire les choses et à nos mécanismes législatifs. Quand d'autres font des lois à notre place, il n'y a pas de respect mutuel.

    Il n'y a rien là-dedans. C'est pourquoi nous devons dire: «Ralentissons et trouvons une solution.» D'accord?

    Ce sera tout pour le moment. Je laisse le reste de côté. Je parle uniquement de ce que pensent les gens de notre territoire.

+-

    Le président: Monsieur Vellacott, vous avez sept minutes.

+-

    M. Maurice Vellacott: Perry, corrigez-moi si je me trompe, mais si j'ai bien compris, le projet de loi C-19 entraînerait l'abrogation de l'article 83 de la Loi sur les Indiens. Les premières nations qui voudront adopter des lois fiscales à partir de maintenant n'auront pas le choix; elles devront le faire sous le régime du projet de loi C-19. Est-ce que c'est aussi ce que vous comprenez à ce sujet-là?

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Nous avons des spécialistes dans la salle, à qui nous pouvons poser la question.

+-

    M. Maurice Vellacott: D'accord, mais l'article 83 de la Loi sur les Indiens n'existe plus et, si vous voulez adopter des lois de nature fiscale, vous n'aurez pas le choix: vous devrez le faire sous le régime du projet de loi C-19.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Là encore, c'est ce que nous craignons.

+-

    M. Maurice Vellacott: Donc, c'est coercitif de ce point de vue-là. Vous n'avez pas d'autre choix que de le faire en vertu de l'article C-19.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: L'autre façon de le faire, ce serait d'invoquer notre droit inhérent. Si nous voulons adopter nos propres lois fiscales, ou nos propres régimes d'imposition, nous pourrions le faire si ce droit inhérent était respecté et appliqué. C'est l'option que nous préférons. C'est ce que nous devons faire. Le fédéral, les provinces et tous les autres nous laisseraient le champ libre, et nous l'occuperions.

+-

    M. Maurice Vellacott: Mais c'est limitatif, et cela semble vous mettre de côté, comme vous l'avez laissé entendre au cours de nos conversations plus tôt dans la journée. Vous avez l'air de penser qu'il y a une réaction en chaîne parce que ces mesures législatives sont reliées de façon tellement intrinsèque que vous subissez une pression pas très subtile, mais presque irrésistible pour vous engager dans ce sens-là.

    Si on compare ceci à la Loi sur la gestion des terres des premières nations, on constate qu'il y a une annexe à la fin de cette loi, dans laquelle sont énumérées les 14 premières nations initiales. Certaines personnes m'ont dit que c'était un processus très lourd si on décidait d'adhérer après coup, qu'il était très difficile de faire adopter des modifications à la Chambre, et ainsi de suite. J'ai déjà vu la Chambre adopter des modifications assez rapidement. L'ajout de quelques noms—un, deux, trois ou quatre—ne me paraît pas vraiment un obstacle insurmontable.

    Chef Bellegarde, au sujet de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, est-ce que le fait d'avoir une liste et d'y ajouter les bandes qui choisissent d'y adhérer ou d'en faire partie plus tard est considéré en pays indien comme un obstacle absolument insurmontable? Est-ce que c'est très difficile? C'est ce que certains disent au sujet de l'AFPN; ils affirment que, si on se contente d'établir une liste dans une annexe, c'est extrêmement compliqué d'y ajouter des noms plus tard par voie de modification adoptée par le Parlement.

    Quand on veut, on peut. Nous adoptons des choses assez vite quand nous le voulons. C'est le cas par exemple du projet de loi C-24, sur le financement, dont la Chambre va finir de débattre aujourd'hui. C'est faisable.

¹  +-(1550)  

+-

    Le chef Perry Bellegarde: C'est faisable s'il y a une volonté politique au sommet.

    Par exemple, dans le cas de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, il y avait deux bandes, celles de Muskoday et de Cowessess, qui ont adhéré au départ. Il y en a maintenant deux de plus, à ma connaissance, celle du chef Darcy Bear, de la première nation des Dakotas Whitecap, et la première nation de Kinistin, dont Donna Rennenberg est le chef. Elles ont adhéré elles aussi. C'est possible.

+-

    M. Maurice Vellacott: Vous n'y voyez pas une tâche trop onéreuse ou un obstacle trop important à surmonter?

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Ce n'est pas une tâche onéreuse, mais pour l'ensemble des premières nations, c'est une autre histoire.

    Est-ce que je peux faire quelques commentaires à ce sujet-là?

+-

    M. Maurice Vellacott: Certainement.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Rapidement, ce n'est pas une tâche onéreuse. À mes yeux, je ne pense pas que ce soit une tâche onéreuse.

+-

    M. Maurice Vellacott: Autrement dit, dans le cas de l'AFPN, nous pourrions avoir une liste à laquelle nous ajouterions tout simplement des noms.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Nous y ajouterions d'autres bandes. Si elles jugeaient que c'était une bonne chose, tant mieux.

+-

    M. Maurice Vellacott: Vous ne pensez pas que cela pose un problème, si vous faites la comparaison?

+-

    Le chef Perry Bellegarde: À mon avis, non. Je vais me faire taper dessus par tous les gens qui sont pour, mais en effet, je n'y vois aucun problème. Je ne pense pas que ce soit un problème s'il y a une volonté politique.

+-

    M. Maurice Vellacott: C'est ce que nous devrions faire d'après moi.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: C'est faisable.

    Dans le cas de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, la principale question à laquelle nous devons répondre dans notre pays, c'est de savoir si ma réserve, celle de Little Black Bear, est un territoire souverain. Je crois que oui. Nous partageons tout le reste. Je ne crois pas que ce soient des terres de la Couronne fédérale réservées pour l'usage et le bénéfice des Indiens. C'est ce que dit la loi actuellement. N'importe quel avocat vous dira que les réserves sont des terres de la Couronne fédérale. Mais je ne le crois pas. C'est un territoire souverain. C'est notre territoire.

    Tout le reste, nous le partageons, mais ce territoire, c'est notre territoire. La Loi sur la gestion des terres des premières nations découle des traités, et ces terres sont une propriété collective. Nous ne pouvons même pas dire qu'elles nous appartiennent. Elles sont destinées aux générations futures, mais à cause des traités, nous n'en avons pas la propriété individuelle, nous n'en avons pas le titre en fief simple. Tout le monde est censé en profiter. Nous n'en sommes pas collectivement propriétaires. Donc, ce que les gens craignent chaque fois qu'on parle de légalisation, de titre en fief simple ou de droits individuels, c'est que cela empiète sur les droits collectifs des gens sur ces terres. C'est effectivement très inquiétant. Je vais le dire avec prudence parce que ces terres sont liées à un traité. C'est ce qui se passe sur notre territoire. C'est ce qui se passe. Si ce titre en fief simple est là, il y a toujours la crainte et la possibilité qu'il soit perdu. Et alors, nous n'aurions plus de territoire. Où est notre territoire?

    Je voulais faire ces commentaires parce que c'est ce que disent nos Anciens. C'est ce que je crois aussi.

+-

    M. Maurice Vellacott: Pensez-vous que le développement économique ne peut pas se faire à l'extérieur? Les partisans du projet de loi C-19 pour les communautés des premières nations ont dit qu'ils ne croyaient pas que le «développement économique» pouvait se faire à l'extérieur d'un régime grâce auquel vous obtiendriez les meilleurs taux, par exemple, comme le régime que prévoit le projet de loi C-19. Nous avons besoin de ce capital supplémentaire, de ce bassin.

    Pensez-vous qu'il y a d'autres moyens d'assurer le développement économique, par exemple? Je ne parle pas de l'infrastructure, mais pouvez-vous assurer une partie du développement économique qui serait censément possible autrement en vertu du projet de loi C-19?

+-

    Le chef Perry Bellegarde: La grande question, c'est celle des terres et des ressources. Les membres des premières nations ont-ils accès aux outils nécessaires pour exploiter les ressources naturelles sur leur territoire? Qui exploite toutes ces ressources à l'heure actuelle? Les grosses compagnies. Je peux vous parler de la Saskatchewan. Il y a de la potasse, de l'uranium, et maintenant des diamants, n'est-ce pas? Nous estimons que les traités n'ont pas réglé la question. Nous partageons la profondeur d'une charrue avec nos frères et soeurs blancs. Mais il n'est pas question des arbres, de l'eau et de toutes les ressources naturelles. Alors, qui est-ce qui les exploite actuellement? Les gens des premières nations ne participent pas directement.

    C'est la grande question à résoudre pour favoriser le développement économique. Les gens vont dire que nous avons besoin de nos propres institutions, de nos propres systèmes. Le développement économique est impossible sans accès au capital. C'est un problème, certainement, parce que c'est le principal obstacle dans les réserves. Nous n'avons pas accès au capital dans les réserves à cause des questions de nantissement, de cautionnement, et ainsi de suite. Il faut trouver une solution. Il faudrait examiner la question, mais est-ce qu'il faut créer une loi pour le faire? Est-ce qu'il serait possible de mettre en place un organe de développement économique qui pourrait créer cette richesse?

¹  +-(1555)  

+-

    M. Maurice Vellacott: Et vous pensez que c'est possible?

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Il pourrait y avoir une société de placements obligataires, ou encore une banque. Il y a des choses qui peuvent se faire.

    Ce que les gens craignent, Maurice—je le répète—, c'est que c'est une solution qui est censée s'appliquer à tout le monde. Si les bandes du territoire de la Colombie-Britannique ou de l'Ontario qui ont accès aux gens de leur territoire veulent le faire, elles devraient tout simplement être portées sur la liste et faire ce qu'elles veulent. C'est la solution. Les autres ne sont pas au même niveau. Il faut respecter cette diversité.

+-

    M. Maurice Vellacott: Il serait possible d'adhérer à un moment donné, quand les conditions s'y prêteraient.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Il faut simplement respecter cette diversité.

+-

    M. Maurice Vellacott: Oui, et vous n'auriez aucune inquiétude au sujet des bandes qui voudraient adhérer plus tard. Elles pourraient le faire.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Cela ne posera pas de problème. Si vous travaillez le système politique, cela devrait se faire. C'est ce que je crois.

+-

    M. Maurice Vellacott: Oui.

[Français]

+-

    Le président: Madame Picard, vous avez cinq minutes.

+-

    Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur Bellegarde, vous avez dit tout à l'heure que des bandes s'opposaient au projet de loi C-19 parce qu'on leur demande de percevoir des impôts dans ce projet de loi. Celles qui ne veulent pas percevoir des impôts pourront très difficilement le faire. Il y a également toute la question de la pauvreté. On ne peut percevoir d'impôts parce que les communautés sont pauvres, et c'est pour cette raison qu'elles ne peuvent être adhérer au projet de loi C-19.

    Est-ce qu'il ne serait pas indiqué de faire une liste de ces communautés pour avoir une idée de ce qu'elles sont et de ce qu'elles veulent? Ne pourraient-elles pas négocier des accords avec le gouvernement afin de se développer au même titre que les communautés plus riches qui voudront adhérer au projet de loi C-19?

    Certaines communautés, comme celles de la Baie-James, que vous avez mentionnées, ont augmenté leur niveau de vie au moyen des accords qu'elles ont pu conclure avec les provinces. Avez-vous une idée du taux de chômage actuel dans ces communautés? On leur permet une plus grande autonomie et on leur donne le pouvoir de développer leurs ressources afin qu'elles puissent s'en sortir. Est-ce que cette perception est réelle? Avez-vous une idée du taux de chômage chez les Innus ou dans les communautés de la Baie-James?

[Traduction]

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Merci beaucoup, madame.

    Si nous voulons mettre en place une structure d'imposition, quelles sont nos options actuellement? Pour les 633 réserves à travers le Canada, il y a la Loi sur les Indiens si elles veulent le faire. Par exemple, supposons pour les besoins de la discussion que nous ayons une école et que vous enseigniez dans ma réserve. Vous paieriez de l'impôt sur le revenu. Et où irait l'argent de votre impôt? Il pourrait aller au gouvernement fédéral ou alors à la province. Mais qu'en est-il du gouvernement de la première nation? Voilà pour l'impôt.

    Nous devons être en mesure d'instaurer nos propres régimes fiscaux. La seule option, c'est de le faire en vertu de notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ce n'est qu'un exemple. Il n'y en a pas beaucoup qui le font actuellement en vertu de ce droit inhérent, mais nous voulons en arriver là à un moment donné. L'impôt, c'est simplement une redistribution de la recherche. À l'heure actuelle, la majorité des bandes sont pauvres.

    Il y a le droit inhérent et il y a la Loi sur les Indiens. C'est compliqué. Par exemple, la première nation de White Bear, en Saskatchewan, a un régime d'imposition en vertu de la Loi sur les Indiens parce qu'il y a des chalets dans sa réserve. Il y a un lac, où viennent des gens qui ont des chalets. La bande a adopté ses propres mesures fiscales. C'est très compliqué, très problématique, bien sûr. Elle devrait se fonder sur son droit de taxation inhérent plutôt que sur la Loi sur les Indiens. Elle examine la question. Voilà quels sont les régimes fiscaux en place actuellement, du moins ceux que je connais. Vous avez deux options: la Loi sur les Indiens ou l'application du droit inhérent. C'est à cela que nous voulons travailler.

    L'autre question était de savoir si de nouvelles bandes pourraient négocier des ententes pour pouvoir rattraper les autres. Il s'agit d'avoir la même capacité que les autres pour développer leurs ressources naturelles. Elles doivent avoir cette capacité. C'est ce qui permet de créer de la richesse, des occasions d'emploi, de l'emploi et du développement économique. C'est lié.

    Vous avez mentionné la baie James. C'est un territoire précis, visé par un accord d'autonomie gouvernementale particulier. Il se passe énormément de choses là-bas. Il y a un processus législatif et il y a beaucoup de monde pour administrer cet accord. Un autre accord vient d'être signé au sujet de l'exploitation conjointe des ressources naturelles. C'est un bon exemple, un bon modèle.

    Il y a encore bien des choses à faire sur nos territoires, conformément aux traités. Nous n'avons toujours pas résolu toute la question de l'accord de transfert des ressources naturelles, conclu en 1930. Le gouvernement fédéral a refilé cela unilatéralement aux provinces, sans consultation et sans consentement du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. Toutes les ressources naturelles sont passées sous le contrôle du gouvernement provincial. Bien sûr, les peuples indigènes n'ont pas donné leur consentement. C'est pourquoi nous disons qu'il reste des choses à régler en ce qui concerne les traités.

    Nous songeons à contester la LTRN, mais il s'agit à notre avis d'un partage des retombées de l'exploitation des ressources pour que nos frères et nos soeurs blancs puissent dire qu'ils ne veulent pas tout reprendre, qu'ils veulent partager. C'est ainsi que nous voulons voir les choses, pour que nous puissions tous en profiter en trouvant de l'emploi et en développant ces ressources ensemble. Si Weyerhaeuser coupe des arbres, nous devons avoir notre mot à dire. Si quelqu'un fait du développement, par exemple la Potash Corporation of Saskatchewan, nous devons avoir notre mot à dire. Et ainsi de suite.

    Pour ce qui est du chômage, je ne connais pas les taux par coeur, mais si nous avons accès au développement de ces ressources naturelles, il devrait diminuer.

º  +-(1600)  

+-

    Le président: Merci, chef.

    Monsieur Godfrey.

+-

    M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Merci beaucoup de votre franchise sur les questions comme celle-ci.

    Ce que j'essaie de comprendre exactement, c'est la différence entre une liste... Toutes ces institutions sont collectives parce que vous cherchez à vous servir de la force collective des gens qui choisissent d'emprunter de l'argent à un taux inférieur, à acquérir une plus grande expérience dans le domaine financier ou à faire autre chose. C'est un exercice collectif. Il ne s'agit pas d'une série d'accords bilatéraux entre une première nation et le gouvernement fédéral; il s'agit d'un groupe de communautés des premières nations qui souhaitent faire cela collectivement pour obtenir de meilleurs taux de financement.

    Ma question est la suivante, je suppose. J'ai du mal à comprendre la différence entre cette liste, qui varierait—j'imagine—à mesure que les bandes examineraient la situation et décideraient d'adhérer ou non... Ce que vous dites, si je comprends bien, c'est que, si nous pouvions trouver un mécanisme ou un moyen d'exprimer le principe de l'adhésion facultative par une liste quelconque, vous n'auriez pas de problème. Je ne sais pas si c'est la meilleure solution. C'est une question de procédure à laquelle je demande à l'attaché de recherche de réfléchir. Il me semble qu'il devrait y avoir une stratégie permettant d'avoir un règlement ou autre chose qui ferait en sorte qu'il ne soit pas nécessaire de modifier la loi pour établir cette liste.

    Ce qui serait utile, si c'est ce que vous pensez et d'autres aussi, c'est que cela puisse être exprimé dans un amendement quelconque qui clarifierait la différence entre l'adhésion facultative et la liste d'une manière que vous jugeriez satisfaisante. Cela nous donne une piste. Je pense que nous sommes tous ouverts à cela. Je pense que personne ici ne cherche à établir un régime obligatoire déguisé. Nous pensons qu'une des forces de cette formule, potentiellement, c'est que vous pourriez ajouter volontairement votre nom à la liste, ou adhérer ou exprimer votre adhésion comme il vous plairait. Je ne sais pas si cela pourrait répondre à certaines de vos préoccupations si nous pouvions trouver un moyen d'y arriver grâce à un mécanisme de réglementation ou à un amendement quelconque.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Encore là, je ne sais pas combien de bandes veulent d'un exercice collectif qui leur permettrait de recueillir des capitaux. Vous le savez peut-être. Il serait intéressant que vous me le disiez. L'établissement d'une liste dans un texte réglementaire serait une option, mais encore là, pourquoi n'y a-t-il pas de clause de non-dérogation? Cela rassurerait bien des gens. Si les libéraux décidaient d'inclure une clause de non-dérogation, par exemple une clause selon laquelle les dispositions de cette loi n'ont aucun effet sur les droits inhérents et les droits issus de traités, tout le monde se sentirait plus à l'aise.

º  +-(1605)  

+-

    M. John Godfrey: Sur ce point, nous avons entendu ce commentaire au sujet du projet de loi C-7 et nous avons ajouté une clause de ce genre. Je suppose que, si nous en avons ajouté une dans cette loi-là, nous pourrions faire la même chose dans ce cas-ci. Je pense qu'il n'y a rien de sorcier là-dedans. C'est une requête qui me semble raisonnable, et à laquelle nous avons acquiescé pour d'autres lois.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Et ce qui est intéressant, quand on établit une liste, c'est que les bandes qui le veulent vraiment seront prêtes à inscrire leur nom sur cette liste. Et cela n'aurait aucun effet sur les 500 autres, ou je ne sais trop combien, n'est-ce pas?

+-

    M. John Godfrey: Certainement.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Et, un de ces jours, certaines de ces 500 autres bandes pourraient décider d'inscrire par exemple Little Black Bear. Je rencontre mes gens, à Little Black Bear, le chef arrive et dit: «Oui, nous sommes prêts; nous voulons aller faire du lobbying intensif à Ottawa et nous voulons que notre nom soit ajouté à cette liste.» Qu'y a-t-il de mal à cela? Cela se fait déjà dans des lois existantes, par exemple la Loi sur la gestion des terres des premières nations. C'est possible.

+-

    M. John Godfrey: Je pense que c'est une chose que nous devons envisager parce que cela pourrait être une solution à notre problème.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: C'est aussi une façon de garder notre cercle aussi fort que possible parce que ces dissensions entre gens des premières nations—je le dis sans avoir rien préparé à ce sujet-là—ne sont pas saines pour la réalisation de nos priorités futures. Mais nous devons faire ce qu'il y a à faire, c'est certain. J'imagine que tout le monde doit se rappeler un mot, le mot «respect», et permettre cette diversité parce qu'il n'y a pas de solution qui pourrait s'appliquer à tout le Canada. C'est impossible. Il y a plus de 60 nations différentes, qui parlent des langues différentes et qui ont toutes des façons différentes de faire les choses, surtout en Colombie-Britannique et entre la Saskatchewan et la côte Est. Mais nous savons une chose: nous sommes des peuples indigènes qui ont le droit inhérent à l'autodétermination, et c'est ce que nous voulons faire un jour reconnaître, respecter, honorer et appliquer.

+-

    Le président: Tout le monde est d'accord avec vous sur ce point.

    Merci, monsieur Godfrey.

    Nous allons faire une ronde de cinq minutes. Monsieur Vellacott.

+-

    M. Maurice Vellacott: J'apprécie les commentaires qui ont été faits. Je crois vraiment que c'est tout à fait crucial pour que ce projet de loi soit adopté—sait-on jamais?—avant les vacances. Mais je pense que le principal problème, fondamentalement, c'est celui de tous ceux qui disent... Je pense que les gens des bandes de Colombie-Britannique ne trouveront peut-être pas ceci acceptable—notre ami Manny et les autres qui sont ici—, mais ils pourront peut-être nous aider à trouver un terrain d'entente sur cette question. Je pense que ce serait un solution, d'avoir une annexe et de procéder ensuite par règlement, ce qui serait facile. Il serait peut-être trop compliqué de passer par les comités et les votes à la Chambre, et par toutes les lectures nécessaires. Si nous voulions seulement ajouter des noms, cela pourrait se faire facilement au Parlement, mais si nous voulions procéder par règlement, il serait peut-être possible d'y arriver également. Mais nous devons apaiser les craintes des nombreuses bandes qui jugent qu'elles n'ont pas besoin de cela maintenant et qu'elles n'en auront probablement pas besoin avant un bon bout de temps, mais qui pourraient ainsi adhérer facilement lorsqu'elles le jugeraient nécessaire.

    L'autre question à laquelle vous pourriez répondre, je pense, chef Bellegarde, se rattache à l'AFPN. L'AFPN supervise la construction de l'infrastructure communautaire, par exemple les égouts, les routes, les réseaux d'aqueduc et ainsi de suite, ainsi que d'autres types d'activités économiques. Craignez-vous—et j'ai déjà soulevé cette question—que le ministre vous dise, par suite de cela, de vous tourner vers l'AFPN? Je ne passe pas de jugement quant à savoir si ce serait une bonne ou une mauvaise chose, mais il me semble que vous allez devoir choisir une de ces deux voies.

    Est-ce que cela vous préoccupe? Est-ce qu'il y a des chefs d'autres premières nations qui en parlent, par exemple?

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Je ne peux pas vous répondre, Maurice. Je ne sais pas si cela va vraiment se faire de cette façon-là. Évidemment, si c'est ce qui se passe, ce sera le cas, encore une fois à cause de l'obligation fiduciaire du gouvernement fédéral. Est-ce que je vais voir Manny, actuellement, si je veux une route? C'est bien ce que vous voulez savoir?

+-

    M. Maurice Vellacott: Oui, c'est ce que je vous demande.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Si c'est ainsi que les choses fonctionnent, alors en effet, il y a beaucoup de bandes qui vont avoir des problèmes, c'est certain. Je vous ai parlé de l'obligation fiduciaire du gouvernement fédéral et de la dévolution de responsabilités. Est-ce qu'une société d'État indienne va assumer cela au nom de la Couronne? Si oui, cela aura des répercussions sur cette obligation fiduciaire, et je n'en sais pas assez long là-dessus pour commenter. Si c'est ainsi que c'est censé fonctionner, certaines bandes pourraient avoir des problèmes.

    Encore là, c'est contraire aux droits inhérents, et je sais que Manny voudrait dire quelque chose.

+-

    Le président: Il y a des gens qui s'intéressent à cette question, qui y ont travaillé et qui veulent que ce soit adopté. Ils sont dans la salle. Les gens du ministère sont également dans la salle, et les membres du personnel du ministre doivent y être également. Il faudrait que tout le monde se creuse les méninges ensemble pour essayer de résoudre le problème.

º  +-(1610)  

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Pour trouver un terrain d'entente. C'est tout ce que nous cherchons à faire. Nous ne voulons pas ralentir les bandes qui sont intéressées, mais en même temps, nous devons respecter celles qui ne le sont pas. Comment trouver une solution? C'est le défi que doivent relever les législateurs. Ils doivent trouver des accommodements.

+-

    Le président: Comme je le dis souvent, les experts sont dans la salle. Réglez le problème, sinon nous allons le régler. Et nous ne sommes pas nécessairement des experts.

+-

    M. Maurice Vellacott: Est-ce que vous prenez le temps qui m'est alloué, monsieur le président?

+-

    Le président: Non, non. Je vais vous donner tout le temps dont vous aurez besoin.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Comme je le dis toujours, nous allons aller vite lentement.

+-

    M. Maurice Vellacott: Si vous me le permettez, j'avais une brève question supplémentaire à poser dans les dix minutes auxquelles j'avais droit.

+-

    Le président: Oui. Je ne vous volerais jamais votre temps.

+-

    M. Maurice Vellacott: Le paragraphe 72b) prévoit que l'AFPN peut trouver du financement par l'utilisation de recettes provenant d'autres sources que les impôts fonciers. On ne dit pas clairement si les transferts fédéraux aux premières nations seraient compris dans ces autres recettes. Il peut aussi y avoir un problème de déficit, qui fait qu'il faut prendre à Pierre pour donner à Paul, par exemple, et qu'il n'y a pas assez de fonds pour la santé, pour l'éducation ou pour autre chose parce que les transferts fédéraux sont utilisés pour obtenir du financement, et ainsi de suite. Est-ce que cette question a fait l'objet de discussions dans le contexte du projet de loi C-19?

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Maurice, voulez-vous parler des recettes autonomes, qui proviennent de nos propres sources? C'est à cela que vous faites allusion?

+-

    M. Maurice Vellacott: On dit au paragraphe 72b) que l'AFPN peut trouver du financement par l'utilisation de recettes autres que les recettes fiscales foncières. Quelles seraient ces autres recettes?

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Je ne sais pas. Quelles sont les autres recettes, Manny?

    Il y a d'autres sources pour trouver des fonds, en effet, qui viennent du gouvernement. La seule chose—et nos gens le disent souvent—, c'est que quand on commence à parler d'un nouvel arrangement fiscal avec la Couronne, il faut parler de transferts fiscaux. Nous avons besoin de nouveaux transferts fiscaux et de nouveaux budgets fiscaux, pas de fonds de programmes, mais de budgets, tout comme les transferts que le gouvernement fédéral consent aux provinces, vous voyez? Dans les années 60, le gouvernement a versé beaucoup d'argent pour l'éducation, la santé et les services sociaux, et ce sont les provinces qui ont le contrôle de cet argent maintenant. Eh bien, où sont nos budgets? Nous n'avons pas de budgets en place pour la gouvernance des premières nations.

    Mais quand vous parlez de recettes autonomes, ce que les gens craignent, c'est que certaines personnes disent: «Oh, nous venons de trouver des diamants dans la réserve et nous sommes maintenant multimilliardaires; nous faisons beaucoup d'argent grâce à nos recettes autonomes.» Est-ce que cela signifierait que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien cesserait d'envoyer de l'argent pour l'école? Est-ce que cela signifierait que le ministère cesserait d'envoyer de l'argent pour le logement, les routes et l'enseignement postsecondaire? Si oui, il y a une obligation qui demeure en raison des droits issus de traités et de l'obligation fiduciaire fédérale, vous savez. Il y a des gens qui ont peur que certaines personnes disent: «Nous sommes indépendants de fortune, maintenant; nous n'avons pas besoin de l'argent du gouvernement fédéral.» Il y a des gens qui le craignent, parmi les gens des premières nations et ceux qui sont régis par des traités, c'est certain. Nous devons être prudents en ce qui concerne le développement de nos propres revenus et de nos propres ressources dans les réserves, mais il y a toujours une crainte que le gouvernement fédéral cherche à un moment donné à se débarrasser de cette responsabilité. Et je le souligne toujours.

    Il y a beaucoup d'économistes dans la pièce, et ils connaissent sûrement l'expression «produit intérieur brut», ou PIB. Combien de milliards et de milliards l'exploitation des ressources naturelles a-t-elle générés dans le pays que nous appelons aujourd'hui le Canada? C'est ainsi que nous voyons la chose en tant que peuples indigènes. Le PIB et combien de milliards? Donc, nous avons vraiment partagé beaucoup de choses.

    Pour en revenir à votre question sur les recettes autonomes, en échange de ces droits issus de traités, nous devons nous assurer que les recettes autonomes n'auront pas de répercussions, et qu'il ne faudra pas par exemple prendre à Pierre pour donner à Paul.

+-

    Le président: Merci, monsieur Vellacott.

    Madame Picard, cinq minutes.

[Français]

+-

    Mme Pauline Picard: Je ne suis pas un membre permanent du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles.

[Traduction]

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Je ne suis pas d'accord.

[Français]

+-

    Mme Pauline Picard: Je remplace mon collègue Yvan Loubier, qui a fait un excellent travail.

    Parmi tous les témoins que j'ai entendus, vous êtes le seul à avoir résumé avec autant de clarté la position de ceux qui ne veulent pas adhérer au projet de loi et celle de ceux qui veulent y adhérer parce que c'est dans leur intérêt.

    Avez-vous des propositions à faire afin que toutes les communautés autochtones parviennent un jour à atteindre, avec leurs ressources naturelles, leur autonomie en tant que peuples? Pensez-vous que le projet de loi C-19 est un premier pas dans la bonne direction? C'est sûr qu'il y a toujours des négociations.

    Tout à l'heure, vous avez mentionné qu'il y avait plusieurs communautés parlant plusieurs langues. Il ne s'agit pas ici de diviser tout le monde et de créer deux clans. D'après ce que je vois actuellement, en Colombie-Britannique, les communautés ont pu développer leurs richesses naturelles, améliorant ainsi leur qualité et leur niveau de vie, alors que dans d'autres communautés que j'ai déjà visitées, comme à Davis Inlet ou au Nouveau-Brunswick, j'ai vu des gens qui vivaient dans des conditions inimaginables en l'an 2000.

    Il ne s'agit pas non plus de créer deux classes, soit une classe de riches et une classe de pauvres. Il faut absolument que toutes les communautés se prennent en main, prennent leurs responsabilités, se développent et deviennent autonomes. Je sais que le modèle ne sera pas parfait, mais avez-vous une idée de ce qu'on pourrait mettre dans ce fameux projet de loi C-19 pour aider tout le monde?

º  +-(1615)  

[Traduction]

+-

    Le chef Perry Bellegarde: C'est une question intéressante, et je vous remercie de vos commentaires.

    Il faut respecter la diversité des 633 réserves de tout le Canada. Il est question d'un commissaire aux traités chargé par le Parlement d'implanter des relations en vertu des traités, des relations bilatérales une fois pour toutes, ce qui serait une façon de se débarrasser de la Loi sur les Indiens. Dieu sait que nous voulons tous nous débarrasser de la Loi sur les Indiens. Elle est archaïque et dépassée. Elle existe depuis 1876, et tout, et tout, mais elle est là et elle régit tous les aspects de nos vies. Nous ne voulons pas de la Loi sur les Indiens.

    Depuis le rapatriement de la Constitution en 1982, nous avons l'article 35, qui reconnaît et confirme les droits ancestraux et issus de traités. Où est le processus de mise en oeuvre de ces droits? Où est le nouveau cadre législatif à cette fin? Il faut mettre cela en oeuvre. Autrement, on se retrouve avec des décisions comme celle que la Cour suprême a rendue dans l'affaire Corbiere. En vertu de la Loi sur les Indiens, chaque Indien—à l'intérieur comme à l'extérieur des réserves—peut participer à l'élection du chef et du conseil. La prochaine cause portée devant les tribunaux concernera la transférabilité des droits parce que, là encore, nous n'allons pas nous contenter de voter pour un chef et un conseil sans nous attendre à ce qu'il se passe quelque chose, que nous vivions à Regina ou à Ottawa. Il y aussi la question du financement versé aux communautés en fonction de leur population totale, du nombre total de leurs membres, et pas seulement de ceux qui se trouvent dans les réserves. Il faudra également prendre une part des transferts aux provinces. Comme nous le disons, quand nous prenons en main nos programmes d'éducation, de santé, de services sociaux, de justice ou d'autre chose, le gouvernement fédéral nous laisse le champ libre. On dirait presque des cercles: le fédéral, les provinces, les premières nations. Il y a des chevauchements, mais nous nous occupons aussi de nos propres affaires. Donc, nous allons occuper le champ quand nous aurons nos propres lois.

    Nous avons besoin de ce commissaire aux traités, et nous avons besoin de la Couronne. Le gouvernement doit être restructuré. Il faut un centre fiduciaire fédéral, et pas uniquement les Affaires indiennes. Mon traité ne me lie pas seulement au ministre Robert Nault et au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, pour l'amour du ciel! Il me lie à la Couronne, à toute la fichue Couronne, ce qui veut dire tout le monde: l'éducation, la santé, les affaires indiennes et tout le tralala. Mais nous traitons avec un seul ministre. Ce n'est pas la bonne façon de faire.

    Il faut restructurer tout cela et ensuite, bien sûr, si vous voulez créer des possibilités de développement économique et nous donner vraiment accès aux ressources, il faut faire participer les premières nations à la mise en valeur de ces ressources. Cela ne fait aucune doute.

    Nous devons également travailler tous ensemble à l'échelle nationale. Nous ne voulons pas voir les ministères fédéraux se disputer l'argent du budget fédéral. Je vais vous donner un exemple. Le ministère des Affaires indiennes reçoit des fonds pour l'enseignement spécial. Nous avons demandé 300 millions et nous en avons reçu 30. Ce n'est pas assez, mais c'est un début. Donc, c'est le ministère des Affaires indiennes qui contrôle cet argent, et c'est pour les enfants.

    La Direction générale de la santé des premières nations et des Inuits, la DGSM, reçoit de l'argent pour le SAF et les EAF. Comme cela a des répercussions, il y a un ministère qui reçoit de l'argent pour cela. Et Développement des ressources humaines Canada en reçoit pour le développement des jeunes enfants. Où sont les liens de communication à l'échelle nationale? Il n'y en a pas. Mais au niveau des communautés, nous faisons bouger les choses. Il faut ensuite signer des ententes à droite et à gauche, et les rapports ne vont nulle part. Vous avez entendu parler du rapport de la Vérificatrice générale. Il faut donc rationaliser tout cela et abattre les cloisons, et c'est pourquoi je parle d'un centre fiduciaire fédéral. Il y a quelques idées.

º  +-(1620)  

+-

    Le président: Merci, chef.

    Madame Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci beaucoup.

    Quand nous avons parcouru le pays plus tôt cette année, nous nous sommes arrêtés en Saskatchewan et nous avons entendu des témoins très convaincants qui nous ont parlé des différentes options possibles pour la Saskatchewan. Je pense parler au nom de tout le comité quand je dis que nous avons été très impressionnés par certaines des initiatives prises en Saskatchewan.

    Si certaines premières nations choisissaient de suivre leur propre voie, qu'est-ce qui les en empêcherait, même si ce projet de loi était adopté? On nous a donné l'assurance qu'il était facultatif. Qu'est-ce qui empêcherait des premières nations de la Saskatchewan, par exemple, de choisir leur propre voie plutôt que de suivre cette loi? Qu'est-ce qui les empêcherait, si ce projet de loi était adopté, de suivre la voie de leur choix?

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Le manque de soutien et de volonté politique. Je vais être très franc avec vous. Une fois que des premières nations commencent à prendre position fermement contre un projet de loi proposé par un ministre, elles sont automatiquement pénalisées, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial, par l'intermédiaire des directeurs généraux régionaux avec lesquels nous devons travailler. Les choses deviennent plus difficiles, par exemple pour organiser des réunions. Nous n'avons pas d'accès, ce qui fait que nous ne pouvons pas apporter de changements. Les portes se ferment et on nous dit: «Oh, vous vous opposez au projet de loi C-6, au projet de loi C-7 et au projet de loi C-19, alors vous pouvez bien aller au diable.» Il n'y a donc pas de volonté politique.

    Nous pouvons toujours nous entendre pour ne pas nous entendre. Il ne faut pas voir les choses sur le plan personnel. Les gens doivent respecter et reconnaître la vue d'ensemble. Ils ont souvent leurs propres objectifs, mais ils doivent aller au-delà.

    Nous avions une option, à la FSIN, et nous avons encore une solution pour nous débarrasser de la Loi sur les Indiens. Je veux parler d'un nouvel arrangement fiscal avec la Couronne, d'une structure de gouvernance. Il y aurait une table de traités et une table commune avec le gouvernement fédéral et la FSIN, et même avec les provinces parce qu'elles devront faire leur part quand nous établirons notre compétence dans certains secteurs. Nous avons cette option et nous voulons continuer à y travailler, mais cela prend une volonté politique au niveau ministériel, et au niveau de tout le Cabinet.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Ce que j'essaie de faire ressortir, c'est que s'il y a des bandes qui choisissent de suivre la voie tracée par le projet de loi C-19, ils en ont la possibilité en vertu de ce projet de loi. Je ne vois pas vraiment en quoi cela menace les autres bandes, celles qui choisiront une autre voie. Pourquoi les bandes qui n'appuient pas le projet de loi C-19 essaient-elles de le bloquer pour les autres, alors qu'elles n'ont qu'à ne pas y adhérer, tout simplement?

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Parce que cela a des conséquences sur le droit inhérent à l'autodétermination. Cela le limite. Et cela devient la règle du jeu, la seule façon de faire pour tout le monde. Nous, nous proposons le contraire: si certains y tiennent tellement, ils n'ont qu'à mettre leur nom sur la liste. Quel mal y a-t-il à cela? Vous pourrez faire adopter votre projet de loi et nous nous sentirons plus rassurés; ce ne sera plus la seule façon de faire. Nous aurons notre option, et notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale sera respecté et honoré, sans qu'il y ait de conséquences négatives. Nous ne cherchons pas à bloquer le projet de loi ou à le ralentir, en ce sens que nous disons que ceux qui y tiennent peuvent choisir cette option, mais qu'il faut mettre par exemple le nom de Kamloops sur la liste pour que la loi s'applique uniquement à Kamloops. C'est ainsi que nous voyons les choses, et c'est plus sûr. Et laissez-moi vous dire que ce sera plus rassurant si les choses se passent de cette façon-là.

+-

    Le président: Vous avez encore deux minutes.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Tous les autres témoins que nous avons entendus au sujet d'un autre projet de loi, le C-7, nous ont parlé de lourdeur administrative, et il me semble que l'établissement d'une liste constituerait une procédure administrative de plus à laquelle les bandes devraient se plier, plutôt que de laisser la porte ouverte à celles qui voudraient adhérer ou pas. Il me semble que, chaque fois que nous essayons de dresser des listes, cela devient trop précis. Un des arguments qu'on nous a fait valoir, c'est que nous cherchions—par l'intermédiaire d'AINC, je suppose—à diriger les affaires des gens en leur disant quelle voie prendre.

    Je trouve tout cela un peu contradictoire. D'un côté, les gens nous disent que nous imposons un fardeau administratif trop lourd aux premières nations, et de l'autre, ils veulent que nous établissions une liste, ce qui me semble un peu excessif sur le plan administratif.

º  +-(1625)  

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Un peu, mais c'est le travail des législateurs, et il faut le leur laisser faire. Il y a toutes sortes de ressources. Pour plus de sûreté, et pour que ce soit juste pour tout le monde, je pense qu'il serait raisonnable de procéder de cette façon. Il est vrai qu'il y a de multiples exigences administratives en vertu de la Loi sur les Indiens.

    Si vous voulez que nous parlions du projet de loi C-7, nous avons une minute, vous savez. Tout le monde, sur notre territoire, s'y oppose parce qu'il nous dit comment choisir nos chefs, il supprime notre système héréditaire, il fixe un statut ou une définition juridique, ce qui est très inquiétant pour les bandes; nous allons avoir une définition juridique. Cela causerait des maux de tête et ce serait un cauchemar administratif parce que les communautés n'ont pas les ressources humaines ou financières nécessaires pour répondre à ces exigences supplémentaires. C'est un fait; cela ne fait aucun doute.

    Mais faire cela dans cet autre projet de loi, le C-19... Vous dites que nous, les Indiens, nous prétendons qu'il y a trop de formalités administratives, mais que nous en réclamons encore plus. Qu'est-ce que nous voulons exactement? Eh bien, ce n'est pas nous qui avons conçu ce projet de loi. C'est le gouvernement et le Cabinet, et il y a des tonnes de ressources ici pour le faire, et c'est pourquoi cela ne cause pas de gros maux de tête parce que les ressources sont là. Mais, au niveau des communautés, les ressources administratives et financières sont loin d'être suffisantes pour mettre un système en place convenablement, quel qu'il soit.

    Il faut des ressources financières si on veut avoir des ressources humaines suffisantes pour mettre en place le système qu'on veut, et il n'y en a jamais assez au niveau communautaire. Il n'y a pas de facteurs d'inflation, il n'y a rien. Le principal besoin, c'est le logement...

    Oh, oh! Je dois me taire.

+-

    Le président: Non, je ferme seulement son micro à elle. Mais je vous laisse continuer. Allez-y.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: D'accord, je respecte votre décision, monsieur le président.

+-

    Le président: Je disais seulement à la dame qui est derrière de fermer son micro, c'est tout.

    Il nous reste 12 minutes. Si nous faisons une autre ronde, cela prendra du temps, et j'aimerais laisser amplement de temps au chef pour qu'il nous présente ses conclusions.

    Seriez-vous prête à laisser deux minutes à M. Godfrey, madame Picard? Deux minutes.

+-

    M. John Godfrey: J'aimerais vous parler de quelque chose. Premièrement, il est question ici de quatre institutions différentes. Je m'intéresse en particulier à l'Administration financière des premières nations. Je remarque que les paragraphes 74(1) et (2) du projet de loi C-19 se lisent comme suit:

    74.(1) Toute première nation peut demander à devenir membre emprunteur.



    (2) L'Administration ne peut accepter une première nation [...] que si le Conseil de gestion financière des premières nations lui a délivré [un] certificat [...]

    Je suppose que ce sera rendu public, parce que cette information devra être connue des gens que cette première nation ira voir pour emprunter de l'argent. Je ne cherche pas vraiment à apporter des modifications à la sauvette, mais il me semble qu'une simple déclaration, quelque part dans cette disposition du projet de loi, selon laquelle la liste de tous les membres ayant présenté une demande avec succès serait publiée—puisque ce ne serait pas un secret de toute façon—permettrait de savoir exactement quelles sont les bandes qui auraient demandé à devenir membres et qui auraient obtenu un certificat.

    Je pense que ce serait du domaine public de toute manière. Il devrait donc être possible d'indiquer quelque part qu'il y aura une liste, et cette liste devrait être très explicite quant aux premières nations qui y figurent et à celles qui n'y figurent pas. Seules celles qui auraient présenté une demande et obtenu un certificat pourraient figurer sur cette liste.

    Ce n'est qu'un exemple. Mais est-ce que cela aiderait?

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Je ne peux pas vraiment répondre, monsieur le président.

+-

    Le président: Il y aura un débat là-dessus.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: C'est très détaillé, et je n'ai pas le texte sous les yeux.

+-

    Le président: Je suis sûr que nous y reviendrons à l'occasion de l'étude article par article.

+-

    M. John Godfrey: D'accord. Je voulais simplement le mentionner.

+-

    Le président: Je sais que Maurice va soulever la question, et nous avons tous le loisir de trouver une solution ou...

    Merci beaucoup de votre façon très efficace d'aborder les questions et d'y répondre. Nous avons passé une excellente journée. Quand les gens répondent aux questions sans tourner autour du pot... Nous vous admirons pour cela.

    Vous avez maintenant dix minutes pour nous présenter votre conclusion. Vous pouvez en faire ce que vous voulez.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: Merci, monsieur le président, et merci encore à vous, mesdames et messieurs les membres du comité. Votre comité compte des membres de tous les partis, et il est toujours agréable de voir des gens capables de s'entendre. Une chose que nous devons apprendre, en tant que membres des premières nations, c'est que le mot «respect» est primordial et qu'il n'y a pas de solution qui convient à tout le monde. Je tenais à le souligner. Nous devons respecter le fait qu'il y a de la diversité au Canada.

    S'il vous plaît, ne prenez pas de positions différentes. Les membres des premières nations n'ont pas l'impression qu'il n'y a pas d'unité. Il y a une unité, et nous faisons front commun quand nous y sommes vraiment obligés, quand nous devons nous battre pour les droits de nos gens. Encore une fois, vous devez respecter le fait qu'à certains endroits, certaines choses progressent à une certaine vitesse.

    J'ajoute que, dans notre fédération, nous avons une structure en place. Nous avons toujours dit que nous jouions au gouvernement. Nous avons une assemblée législative, avec 74 chefs; nous avons un secteur exécutif, avec quatre vice-chefs et moi. Nous n'avons pas de secteur judiciaire. Nous soutenons que nous avons nos propres lois, ce qui est le cas. Il y en a certaines que nous ne pouvons même pas écrire. Toutes ces choses sont sacrées. Mais les membres des premières nations doivent travailler à cet aspect judiciaire.

    Il y a trois secteurs dans tout gouvernement et, si nous voulons faire changer les choses, nous devons faire en sorte que les trois secteurs fonctionnent. Nous avons besoin du respect du gouvernement fédéral pour un autre gouvernement, le nôtre. Nous avons aussi besoin du respect du gouvernement provincial. Les autres paliers doivent être prêts à nous laisser le champ libre dans certains secteurs, quand nous affirmerons qu'ils relèvent de notre compétence.

    Prenons l'exemple de la citoyenneté et de l'appartenance. Si nous, les Indiens visés par un traité ou même les Indiens inscrits, demeurons régis par la C-31, la Loi sur les Indiens, il n'y aura plus d'Indiens inscrits dans 50 ans au Canada. Nous allons nous soustraire aux dispositions de la Loi sur les Indiens au sujet de l'appartenance, parce que, si vous connaissez bien la Loi sur les Indiens et les questions d'appartenance, vous savez sûrement que la loi C-31—ou quelque chose du genre—, adoptée en 1985, a vraiment fait du tort à nos gens, en un sens. Bien sûr, elle a corrigé l'injustice qui faisait que les femmes indiennes épousant des hommes blancs perdaient leur statut. Cela a mis fin à cette injustice, mais cela a également créé un grave problème pour nous. Nous devons donc nous débarrasser de la Loi sur les Indiens, et nous occuper des questions de citoyenneté et d'appartenance dans notre propre champ de compétence. C'est pourquoi nous disons que cela devrait se faire en vertu de nos propres lois et de nos propres coutumes.

    Pour notre fédération, nous avons une option en vertu de la Loi sur les Indiens et nous allons chercher à nous en prévaloir. Je vous ai énuméré certaines options que nous privilégions au sujet de la restructuration du gouvernement; je vous ai fait part de certaines de nos idées et de nos réflexions, et tout cela se résume au partage du territoire et à l'égalité d'accès à toutes les possibilités.

    Chez nous, l'âge moyen de la population indienne de la Saskatchewan est de 17 ans. Chez nos frères et soeurs blancs, il est de 39 ans—et il augmente sans cesse. Nous sommes jeunes. Donc, nous disons qu'il ne devrait pas y avoir 10 000 étudiants sur les listes d'attente des établissements postsecondaires. Il nous faut du financement. Si nous disons qu'il nous faut 300 millions de dollars pour un programme national d'enseignement spécial, pourquoi est-ce que ce n'est pas considéré comme un investissement du gouvernement, si c'est bien investi? L'éducation est primordiale pour nous tous. C'est notre bison, en l'an 2003. Nous devons nous y consacrer. Nous devons nous concentrer sur l'éducation.

    Avant de conclure, je voudrais vous dire qu'il y aura un changement en novembre, je pense. Nous devons établir de nouveaux rapports avec la Couronne, des rapports qui ne se déroulent pas constamment sous le signe de l'affrontement; il nous faut un véritable partenariat, marqué par le respect mutuel. C'est ainsi que je vois les choses.

    Pour terminer, parce que la fin de la journée approche, je voudrais ajouter que vous devez respecter et reconnaître toutes les contributions des membres des premières nations du Canada. Nous avons partagé beaucoup de choses. Même le mot Kanata est un mot des premières nations. Même le mot «Manitoba», Manitowabi, qui désigne le lieu où siège le Créateur, est un mot des premières nations. Et c'est la même chose pour le mot «Saskatchewan», Kis-is-ski-tche-wan, qui désigne les eaux vives. Toutes ces choses que nous avons faites sont une contribution au Canada. Même le mot Wanuskewin vient des premières nations.

    Et le mot «végétarien» vient aussi des premières nations. Le saviez-vous? Il signifie «terrible chasseur».

    Des voix: Ah, ah!

    Le chef Perry Bellegarde: Je vous laisse sur cela.

    Je vous souhaite bonne chance dans vos délibérations et vos débats, monsieur le président, mais je vous demande simplement de respecter cette diversité.

º  +-(1630)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Je vous dirais, chef, que vous n'avez besoin de personne pour préparer vos discours. Quand vous parlez du fond du coeur, vous êtes très efficace.

+-

    Le chef Perry Bellegarde: D'accord, au revoir.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous invitons maintenant le chef David Paul à nous faire une présentation. Nous avons accepté d'allouer 15 minutes à cette présentation de la première nation de Tobique.

º  +-(1635)  

+-

    Le chef David Paul (première nation de Tobique): Bon après-midi. Je suis heureux d'être ici et je vous remercie beaucoup de m'avoir accordé un moment.

    J'écoute vos travaux depuis quelques jours, et je m'occupe de ces questions depuis bien des années—environ 15 ans. J'ai déjà vu dans le passé de l'opposition à des tentatives pour faire progresser nos communautés et pour rendre la vie plus facile aux membres de nos communautés. J'appartiens à la première nation de Tobique, au Nouveau-Brunswick. Je suis Malécite.

    Chose intéressante, j'ai présenté un exposé dans l'Est il y a quelque temps, devant les chefs de l'Union of New Brunswick Indian Chiefs, et un des commentaires qui ont été faits portait sur la pauvreté dans les réserves et les raisons de cette pauvreté. Nous avons parlé des lois et des raisons pour lesquelles cela pouvait nous intéresser. Nous sommes pauvres, nous sommes peu nombreux, nous n'avons pas d'entreprises, pas de développement.

    J'ai raconté aux chefs une histoire sur un des plus grands contestataires de ma région, le chef Lawrence Paul, qui est capable d'exprimer ses intérêts avec beaucoup d'éloquence et d'efficacité. Le chef Lawrence était farouchement opposé aux travaux de la Commission consultative de la fiscalité indienne et à l'imposition de la taxe foncière dans les réserves. Ce qui est intéressant, c'est qu'après quelques années, la communauté de Millbrook a été la première des premières nations de l'Est à imposer cette taxe, sous le règne du chef Lawrence Paul. Elle est encore aujourd'hui une des plus progressistes en ce qui concerne l'établissement d'une véritable économie dans les réserves. Elle a connu une profonde renaissance économique, comme elle n'en avait pas connu depuis les premiers contacts avec les Européens. Millbrook était une réserve pauvre. La communauté n'avait rien, mais elle a été la première à adopter un règlement sur la taxe foncière.

    En réponse à un chef qui avait demandé ce que cela signifiait pour sa réserve, j'ai répondu par une autre question: «Où vous voyez-vous dans dix ans? Vous voyez-vous dans une réserve pauvre et sans ressources, sans capacité de créer de la prospérité ou de la richesse?» Il m'a répondu: «Non, nous avons des projets. Nous voulons faire des choses.» Et je lui ai dit qu'à une certaine époque, Millbrook était dans la même situation; les gens n'avaient rien, mais ils avaient des idées, des projets, et ils les ont réalisés.

    À la fin de la présentation, nous avons obtenu un appui total au projet de loi au Nouveau-Brunswick. Un des derniers récalcitrants était un des principaux chefs, que je ne nommerai pas, mais auparavant, nous avions fait une présentation à l'Atlantic Policy Congress et, là encore, nous avions reçu l'appui de tous les chefs présents.

    Je sais que le député qui est ici, M. Vellacott, se fonde probablement uniquement sur l'information qui lui est transmise par les opposants au projet de loi, à savoir que ce n'est pas seulement un projet de loi pour la Colombie-Britannique. Apparemment, ce n'est pas une solution applicable à tout le monde. Les intérêts de la côte atlantique, et de toutes les communautés qui appuient ce projet de loi, me montrent clairement que ce n'est pas le cas et que l'information que vous avez reçue est erronée, monsieur.

    Il y a eu des inventions et des distorsions des faits des deux côtés; je ne sais pas, mais c'est à vous de déchiffrer comment cela s'applique. Mais le projet de loi a été bien pensé, avec la participation de gens de toutes les régions du pays; c'est venu de nos gens et c'est pour nous. Si vous retardez son adoption ou si vous essayez de le modifier en créant une liste, ce sera une erreur et cela ne fonctionnera pas pour nous.

º  +-(1640)  

    Je sais que le chef Perry est un ardent défenseur de l'établissement d'une liste de communautés qui appuient cela. Eh bien, cela ne fonctionne pas pour un certain nombre de raisons, et vous en avez déjà entendu quelques-unes. Il se trouve que j'ai moi aussi une liste de raisons.

    Les modifications coûtent cher. Il y avait une liste des premières nations participantes en annexe à la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Quand des premières nations ont voulu se servir de ces pouvoirs, elles ont dû participer à un exercice long et coûteux pour faire modifier la loi. Cela a pris environ quatre ans. Et maintenant, le chef Bellegarde affirme que, s'il y avait une volonté politique, les modifications pourraient aller assez vite. Mais s'il n'y en a pas, le processus peut être très lourd.

    Sur la question du contrôle fédéral accru, l'inclusion d'une annexe sur les premières nations priverait nos communautés de leur pouvoir de décider d'avoir recours aux services de ces institutions, au profit du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral peut modifier ses lois en fonction de ses priorités, et non des nôtres. Cette approche est paternaliste et contraire aux valeurs de choix et d'autonomie chères aux premières nations—

+-

    Le président: Excusez-moi, chef, je vais vous laisser encore quelques secondes. N'allez pas trop vite, parce que nos interprètes ont du mal à vous suivre.

+-

    Le chef David Paul: Le retrait est optionnel. Non seulement l'ajout d'une annexe à une loi optionnelle est redondant, mais les premières nations qui souhaiteraient se soustraire à la loi devraient la faire modifier en conséquence.

    Il n'y a pas de temps prévu pour un examen. Un certain nombre de premières nations consultent actuellement leurs membres pour déterminer si cette loi serait bénéfique pour elles. Si elles décident que non, elles ne seront pas incluses sur la liste originale et seront incapables d'avoir recours à ces institutions quand elles le voudront.

    C'est également contraire à l'égalité. Il y a plus de 133 institutions de gouvernance communes au Canada. Et aucune n'a établi de liste des personnes qui peuvent y avoir recours. L'établissement de cette liste serait un affront au principe de l'égalité dans les circonstances.

    Il y a des occasions manquées. La modification adoptée dans le cas de Kamloops, en 1988, contenait des dispositions habilitantes similaires à celles qui se rattachent à l'AFPN proposée. À ce moment-là, une dizaine de premières nations se sont montrées intéressées et auraient pu être inscrites en annexe. Depuis lors, cependant, plus de 90 premières nations ont adopté des régimes de taxe foncière. Ces quelque 80 premières nations de plus auraient perdu plus de 140 millions de dollars en recettes fiscales si elles avaient dû attendre une modification, jusqu'à maintenant, pour que leur nom soit ajouté sur la liste.

    Les occasions commerciales et économiques n'attendent pas les modifications apportées aux lois fédérales. Si une communauté a la chance d'améliorer son économie grâce à une meilleure infrastructure ou à n'importe quel autre service offert par ces institutions, elle ne devrait pas en être empêchée par une loi fédérale.

    Voilà quelques-unes des raisons. Il est intéressant de voir les contradictions avec les arguments du témoin précédent sur les raisons pour lesquelles il devrait y avoir une liste, même si on peut facilement dire qu'il y a aussi des raisons pour lesquelles il ne devrait pas y en avoir.

    Il y a la question des droits inhérents et la question de savoir si c'est optionnel. Eh bien, si c'est optionnel, c'est optionnel. On adhère ou on n'adhère pas.

    Le témoin précédent a mentionné que cela empiétait sur les droits inhérents. Eh bien, c'est impossible. Dans ses déclarations antérieures, il a mentionné qu'il cherchait un système de rechange, quand le député lui a demandé quelles étaient les options. «Eh bien, je peux adhérer au processus du droit inhérent et aller dans cette voie. Je n'ai pas besoin du Canada ni des tribunaux.» Eh bien, c'est toujours ouvert, et nous ne disons pas à ceux qui veulent suivre cette voie qu'ils doivent le faire. Ce que nous suggérons, c'est que pour ceux qui veulent prendre cette direction immédiatement, c'est une option. On peut décider d'adhérer ou pas. La porte est toujours là pour les droits inhérents. Elle ne disparaîtra pas.

    Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre d'être inscrits sur une liste. Les communautés n'en ont pas les moyens. Certaines d'entre elles n'ont pas encore pris leurs décisions. En plus, il y aura une procédure à suivre pour pouvoir participer. Et il s'agit de communautés qui sont déjà en déficit, comme l'ont dit tous les témoins, tant ceux qui sont pour que ceux qui sont contre. Il y a des problèmes, il y a de la pauvreté, et il n'y a pas de solutions. Nous n'en sommes pas encore là. Nous ne voulons pas avoir à attendre que quelqu'un veuille bien corriger ce qu'il y a à corriger. Nous voulons régler ces questions aujourd'hui même. Et cela n'enlève rien à la responsabilité du gouvernement fédéral.

    Un des témoins a mentionné que sa communauté venait de recevoir l'eau potable depuis quelques années; d'autres ont parlé de nouvelles routes, et ainsi de suite. Je n'accepte pas qu'on dise que le statu quo va enlever quelque chose à la responsabilité du gouvernement. Si c'est le cas, et si c'est cela le statu quo, eh bien, ma communauté n'a pas les moyens d'attendre 20 ans qu'on lui construise une école, un centre de traitement des eaux usées ou un réseau d'aqueduc.

º  -(1645)  

    Il y a de très longues listes pour obtenir un logement dans nos communautés. Les réserves ne peuvent pas attendre que le gouvernement fédéral corrige le problème. Elles doivent s'en occuper elles-mêmes. Ce sont ces communautés-là qui appuient ce projet de loi et qui veulent cela. Elles veulent faire quelque chose maintenant, pas dans 20 ans, quand le gouvernement fédéral ou les programmes seront là pour répondre aux besoins des réserves. Les populations augmentent beaucoup trop rapidement. Il a été question de l'accès aux terres et aux ressources, que certains ont présentés comme une solution. Nous n'y avons pas accès en ce moment. Cela fait l'objet de discussions et de négociations très longues avec ceux qui profitent actuellement de ces terres et de ces ressources ou qui les partagent avec nous. Nous n'avons pas accès à cela. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre que ces discussions et ces négociations soient menées à terme, d'attendre d'avoir des terres et des ressources à exploiter.

    Ce projet de loi n'empêche pas ces discussions. Elles peuvent se tenir parallèlement au travail que ces communautés veulent faire. En définitive, tout ce que nous voulons, c'est nous créer une meilleure vie. Cette loi va aider certains d'entre nous à y parvenir. Il est vrai que les réserves n'en profiteront pas toutes immédiatement, mais celles qui... C'est le même argument que celui que j'ai entendu au sujet de la taxation. Est-ce que nous nous taxons nous-mêmes? Eh bien, non, mais il y a des gens dans nos réserves. Il y a des intérêts non autochtones dans nos réserves aujourd'hui. Si vous avez le téléphone, si vous avec le câble, si vous recevez des services publics, vous avez des intérêts taxables. Et alors, les gens examinent la situation et se rendent compte que c'est effectivement le cas. Et je leur dis que si quelqu'un doit percevoir des taxes pour eux, sur ces intérêts situés dans leurs réserves, ce doit être eux. Alors, ils commencent à comprendre. Dans ce cas-ci, c'est la même chose.

    Les communautés ne profiteront pas toutes de ce projet de loi; mais elles ont des aspirations. Elles ne veulent pas rester indéfiniment des spécialistes en gestion de la pauvreté. Je pense que nous devons leur laisser la responsabilité de changer cela et leur donner la possibilité de le faire.

    Sur ce, je vous remercie beaucoup.

+-

    Le président: Merci de votre précieuse contribution. Elle nous sera très utile. Vous avez dit que vous vous occupiez de ces questions depuis 12 ans?

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    Le chef David Paul: Depuis 15 ans.

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    Le président: Je tiens à remercier M. Hubbard de nous avoir signalé que vous étiez prêt à nous faire une présentation aujourd'hui. Merci.

    Nous reprendrons nos travaux demain à 15 h 30. La séance est levée.