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SNSN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité de la Sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 22 février 2005




¹ 1535
V         Le président (M. Paul Zed (Saint John, Lib.))
V         M. Jim Judd (directeur, Service canadien du renseignement de sécurité)
V         M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.)
V         M. Jim Judd

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Jim Judd

º 1600
V         M. Dale Neufeld (directeur adjoint, Opérations, Service canadien du renseignement de sécurité)
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Jim Judd
V         M. Kevin Sorenson

º 1605
V         M. Dale Neufeld
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Dale Neufeld
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Dale Neufeld
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Dale Neufeld
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Jim Judd
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Jim Judd
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Jim Judd
V         Le président
V         M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ)
V         M. Jim Judd
V         M. Serge Ménard
V         M. Jim Judd
V         M. Serge Ménard

º 1610
V         M. Jim Judd
V         M. Serge Ménard
V         M. Jim Judd
V         M. Dale Neufeld
V         M. Serge Ménard
V         M. Jim Judd
V         M. Serge Ménard
V         M. Jim Judd

º 1615
V         M. Serge Ménard
V         M. Jim Judd
V         M. Dale Neufeld
V         M. Serge Ménard
V         M. Dale Neufeld
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)

º 1620
V         M. Jim Judd
V         M. Joe Comartin
V         M. Jim Judd
V         M. Joe Comartin
V         M. Jim Judd
V         M. Joe Comartin
V         M. Jim Judd
V         M. Joe Comartin
V         M. Jim Judd
V         M. Joe Comartin
V         M. Dale Neufeld
V         M. Jim Judd
V         M. Joe Comartin

º 1625
V         M. Jim Judd
V         M. Joe Comartin
V         M. Jim Judd
V         M. Joe Comartin
V         M. Jim Judd
V         M. Joe Comartin
V         M. Jim Judd
V         M. Joe Comartin
V         M. Jim Judd
V         Le président
V         M. Tom Wappel
V         M. Dale Neufeld
V         M. Tom Wappel

º 1630
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Dale Neufeld
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Dale Neufeld
V         M. Tom Wappel
V         M. Dale Neufeld
V         M. Tom Wappel

º 1635
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd
V         M. Tom Wappel
V         M. Jim Judd

º 1640
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)
V         M. Jim Judd
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Jim Judd

º 1645
V         M. Dale Neufeld
V         L'hon. Paul Harold Macklin

º 1650
V         Le président
V         M. Dale Neufeld
V         Le président
V         M. Peter MacKay (Nova-Centre, PCC)
V         M. Jim Judd
V         M. Peter MacKay
V         M. Jim Judd
V         M. Peter MacKay
V         M. Jim Judd
V         M. Peter MacKay
V         M. Jim Judd
V         M. Peter MacKay

º 1655
V         M. Jim Judd
V         M. Peter MacKay
V         M. Jim Judd

» 1700
V         M. Peter MacKay
V         M. Jim Judd
V         M. Dale Neufeld
V         M. Peter MacKay
V         M. Dale Neufeld
V         M. Peter MacKay
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         M. Jim Judd
V         M. Serge Ménard
V         M. Jim Judd
V         M. Serge Ménard

» 1705
V         M. Jim Judd
V         M. Dale Neufeld
V         M. Serge Ménard
V         M. Dale Neufeld
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Joe Comartin

» 1710
V         Le président
V         Le président










CANADA

Sous-comité de la Sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 février 2005

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Paul Zed (Saint John, Lib.)): La séance est ouverte.

    Bonjour, mesdames et messieurs. J'ai le privilège d'ouvrir cette première réunion du sous-comité chargé de l'examen triennal de la Loi antiterroriste adoptée par le Parlement en 2001. Avant de vous dire quelques mots de la tâche importante que nous allons entreprendre, je tiens à remercier mes collègues du sous-comité de m'avoir nommé président.

    En décembre 2004, comme vous le savez, la Chambre a unanimement adopté une motion confiant l'examen de cette loi au Comité de la justice, examen qu'il a lui-même renvoyé à notre sous-comité. Nous tiendrons bien sûr compte des événements tragiques des événements de Washington et de New York. À cette époque, nous ne savions pas grand chose de ce qui s'était passé. Cependant, peu de temps après, le Canada et le reste du monde prenaient de nombreuses mesures pour lutter contre le terrorisme et contre la peur qu'il engendrait. Le Parlement n'a pas eu beaucoup de temps pour vraiment se pencher sur cette loi dont la portée est vaste, mais le débat qu'elle a suscité, à tous les paliers de la société canadienne, a été passionné, vigoureux et dynamique.

    Ce faisant, plusieurs changements ont été apportés à cette mesure législative aux différentes étapes de la procédure parlementaire. Les changements les plus importants concernent le mécanisme de temporisation qui prévoit une révision de la loi au bout de cinq ans, les audiences d'investigation, l'arrestation à titre préventif et le mécanisme d'examen parlementaire. Ces mesures ont été adoptées parce que les parlementaires partageaient le point de vue de nombreux Canadiens qui s'inquiétaient que cette loi fut adoptée dans des circonstances difficiles et qu'elle aient des répercussions sur les droits et libertés garantis par la Constitution.

    La tâche que nous allons entreprendre aujourd'hui nous est imposée. Il y a trois ans, le Parlement a dit aux Canadiens qu'il effectuerait un examen approfondi des dispositions et du mode opératoire de la Loi antiterroriste, qui est l'une des mesures législatives les plus vastes adoptées depuis plusieurs années. Cette entreprise va être exigeante, mais je suis certain que nous allons la mener à terme avec beaucoup d'énergie, en débattant de sujets difficiles pour parvenir à des conclusions valables. C'est ce que les Canadiens attendent de nous.

    À cette fin, je suis heureux, en votre nom, d'accueillir nos premiers témoins à cette réunion publique, j'ai cité Jim Judd, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, et Dale Neufeld, directeur adjoint des opérations. Messieurs, je crois que vous vouliez faire une déclaration liminaire.

+-

    M. Jim Judd (directeur, Service canadien du renseignement de sécurité): Oui, monsieur le président.

    Si vous me le permettez, je vais m'appuyer sur un ensemble de diapositives que l'on vous a fait remettre et qui est intitulé : Présentation au sous-comité de la sécurité publique et nationale.

+-

    M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Je l'ai.

+-

    M. Jim Judd: Je commencerai par vous dire, monsieur le président et messieurs les députés, que nous nous réjouissons de cette occasion qui nous est donnée de faire le point sur l'évaluation de la menace afin de vous aider dans votre étude du projet de loi C-36, Loi antiterroriste.

    Je commencerai par rappeler aux membres du comité que, depuis l'adoption de cette loi par le Parlement, le gouvernement a également produit son tout premier énoncé complet de politique canadienne sur la sécurité nationale dont les objectifs sont énoncés à la page 2 de notre document. Je me permets de vous faire remarquer cela, car les trois objectifs visés par la politique en matière de sécurité nationale vous concernent directement dans le cadre de ces audiences. Il s'agit de protéger le Canada et les Canadiens au pays et à l'étranger, de s'assurer que le Canada ne soit pas la source d'où émanent des menaces visant nos alliés, et de contribuer à la sécurité internationale.

    À la page suivante, nous indiquons que le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau au Canada. Avant l'adoption de la Loi antiterroriste, l'acte terroriste international qui a eu les conséquences les plus catastrophiques a été organisé par des résidents du Canada, je veux parler de la destruction d'un avion d'Air India, il y a plus de 20 ans. De tout temps, la plupart des organisations terroristes installées ailleurs dans le monde ont eu ou ont cherché à avoir des bases d'opération au Canada pour assurer leur financement, leur propagande, leur recrutement et lancer d'autres activités. C'est très certainement encore le cas aujourd'hui. Je dois également ajouter que l'arrestation d'Ahmed Ressam, en décembre 1999, une année avant les attaques du 11 septembre, nous a également rappelé que le terrorisme mondial était présent au Canada et en Amérique du Nord de façon plus générale.

    Toutefois, aux fins de vos travaux d'aujourd'hui, je vais me limiter à la menace terroriste au lendemain du 11 septembre et à l'adoption de cette loi que votre comité est en train d'examiner, et je me propose de vous parler plus particulièrement de deux choses. Tout d'abord, nous allons voir ce qui a changé dans le monde et au Canada depuis cette époque pour essayer de mieux expliquer la situation actuelle. Deuxièmement, je me propose de faire le point sur la situation actuelle et de voir vers quoi nous nous acheminons dans un avenir prévisible, encore une fois à l'échelle mondiale et plus particulièrement au Canada.

    Dans les trois ans et demi qui ont suivi l'attaque du 11 septembre, beaucoup de choses ont changé, certaines pour le mieux et d'autres pour le pire. Tous ces changements ont modifié la menace terroriste, ici et ailleurs dans le monde. À la page 4 de cet ensemble de diapositives, j'ai essayé d'isoler les grands changements positifs, s'il y a lieu de s'exprimer ainsi.

    Il y a tout d'abord eu le renversement du régime taliban en Afghanistan, régime qui abritait les dirigeants du réseau al-Qaeda en mettant à sa disposition son infrastructure d'entraînement. Il y a eu aussi la mort, la capture ou la fuite de nombreux chefs de ce réseau après la chute du régime, ce qui nous a aidé à lutter contre le menace terroriste.

    Deuxièmement, de nombreux gouvernements dans le monde ont adopté un ensemble de mesures, notamment le gouvernement du Canada, soit en réponse à des résolutions de l'ONU, soit de leur propre chef. Ces mesures ont consisté à accroître les ressources investies dans la sécurité et le renseignement; les gouvernements ont restructuré les organisations, les mandats et les responsabilités, ils ont amélioré l'interopérabilité et la coopération entre les divers organismes chargés du renseignement de sécurité et ils ont apporté des changements aux pouvoirs législatifs de ces organismes afin de faciliter la campagne de lutte au terrorisme.

    Troisièmement, on a assisté à une bien meilleure collaboration à l'échelle internationale entre les organismes de sécurité et de renseignement des différents pays. C'était là une condition préalable absolument nécessaire pour combattre cette menace mondiale relativement sophistiquée.

    Enfin, les mesures plus intensives adoptées par les organismes d'exécution de la loi, par les agences du renseignement et de sécurité dans chaque pays, notamment au Canada ont permis d'emprisonner des terroristes, de perturber de façon notoire leurs réseaux et d'éviter ainsi de nouveaux actes terroristes.

    Cela dit, il convient cependant de mettre ces développements positifs dans la balance avec les événements négatifs qui se sont produits au cours des dernières années et qui ont compliqué et qui compliquent encore la tâche des agences d'exécution de la loi et de sécurité du renseignement.

    Il y a d'abord eu l'augmentation du nombre d'attentats et de victimes dans le monde au lendemain des actes terroristes. Depuis le 11 septembre, des actes terroristes ont ainsi été commis dans plus de 30 pays où ils ont fait des centaines de morts et de milliers de blessés.

¹  +-(1540)  

À la page 6, nous avons brièvement résumé les attentats les plus notables survenus depuis le 11 septembre.

    Aucun de ces attentats n'a eu l'ampleur de ceux du 11 septembre, ce qui n'empêche qu'ils ont eu des effets catastrophiques. Celui de la boîte de nuit de Bali et celui des trains à Madrid, l'année dernière, de même que la prise d'otages à l'école de Beslan ont été parmi les plus spectaculaires mais ils sont loin d'avoir été les seuls.

    Nous découvrons régulièrement des preuves que des terroristes planifient d'autres attentats dans le monde, et même chez nous. Nous avons une bonne idée de ce que sont les cibles actuelles mais ce sont celles que nous ignorons qui sont le plus préoccupantes pour nous et pour d'autres agences dans le monde.

    Deuxièmement, les réseaux terroristes responsables des attentats du 11 septembre, ou qui ont été associés à ces attentats, sont aujourd'hui plus dispersés et ils disposent en même temps d'une technologie beaucoup plus perfectionnée qui leur permet de mieux fonctionner et de mieux communiquer. Ainsi, l'utilisation d'Internet par les réseaux terroristes en tant que moyen de communication, de recrutement et de propagande a permis aux terroristes d'accroître considérablement leur capacité dans le monde — de même que dans notre propre pays — grâce au chiffrage, aux techniques de sténographie et à l'utilisation d'Internet pour diffuser des vidéos sur le recrutement auprès des nouveaux adhérents et communiquer par courriel grâce aux adresses multiples créées par de nombreux suspects.

    Nous estimons, par ailleurs, que les terroristes cherchent toujours à obtenir davantage d'armes de destruction massive, biologiques, chimiques ou radiologiques, voire nucléaires. Le responsable de l'Agence internationale de l'énergie atomique a récemment fait part de ses craintes quant à la relative facilité avec laquelle il est possible de mettre la main sur des armes radiologiques et sur des armes nucléaires.

    La façon dont al-Qaeda et les groupes associés sont structurés a également changé, passant d'une structure de commandement et de contrôle relativement centralisée à un système beaucoup plus décentralisé n'ayant plus de liens aussi étroits. À de nombreux égards, cette structure a été transformée en un mouvement davantage mondial, souvent composé d'éléments autonomes très éloignés. En fin de compte, il est devenu plus difficile pour les organismes de sécurité du renseignement et pour les organismes d'exécution de la loi de repérer et d'arrêter les membres des organisations terroristes mondiales, surtout ceux de la nébuleuse d'al-Qaeda. La plus grande autonomie et la décentralisation de ces groupes leur a notamment donné davantage l'occasion d'entreprendre des actions locales, plutôt que des attentats organisés par la tête.

    Pour en terminer avec cette page, je vous parlerai du nombre d'adhérents des groupes terroristes qui n'a cessé d'augmenter depuis le 11 septembre 2001. L'année dernière, à l'occasion de son évaluation de la menace devant le Congrès américain, le directeur de la CIA a dit que l'Irak était sans doute devenue une base du terrorisme international. Des individus venus d'un peu partout dans le monde, notamment d'Europe et du Canada, se sont joints aux terroristes en Irak et le mouvement se poursuit. Par exemple, on croit que Said Rasoul, citoyen canadien, est membre d'Ansar el Islam, groupe qui fait partie de la nébuleuse d'al-Qaeda en Irak. On croit aussi qu'Abdula Jaber, immigrant reçu, est un commandant et un idéologue de ce groupe.

    Pour terminer, je dirai que le genre d'individus attirés par les réseaux terroristes a changé de manière inquiétante au cours des dernières années. Tout d'abord, beaucoup font partie de la seconde génération de familles d'immigrants en Europe, au Canada, en Australie, aux États-Unis et ailleurs — et ils appartiennent souvent à la classe moyenne typique, si l'on peut s'exprimer ainsi. D'autres n'avaient aucun lien antérieur discernable avec un quelconque réseau terroriste, phénomène que nous avons également constaté au Canada.

    Passons à la page 7 et permettez-moi de vous parler un peu des caractéristiques communes ou des constantes du terrorisme, à la façon dont nous le percevons aujourd'hui. Tout d'abord, les extrémistes sont des gens déterminés, prêts à mourir pour leurs causes. Ils prennent des cibles aveugles, sans faire la différence entre les forces militaires ou de sécurité et les civils, préférant même s'attaquer à des cibles non protégées pour causer un maximum de victimes et donc obtenir un impact public maximum pour leurs actions.

¹  +-(1545)  

    Ils continuent de faire preuve d'une compétence exceptionnelle dans les questions de sécurité opérationnelle et dans la planification de leurs actions, puisqu'il leur faut souvent plusieurs années pour passer aux actes. De plus, ils conservent la capacité d'opérer efficacement, à l'image d'une société multinationale, puisqu'ils mènent des opérations nécessitant l'engagement simultané d'individus qui visent le même résultat, mais qui fonctionnent de façon tout à fait indépendante dans différents pays. La géographie ne semble pas avoir été un problème pour les terroristes.

    Je terminerai ici en parlant des nombreux outils du terrorisme, notamment les recettes d'agents chimiques et les éléments disponibles dans le commerce pour fabriquer des explosifs ou d'autres armes.

    Nous avons beaucoup de chance au Canada de ne pas avoir subi le même genre d'attentats que ceux du 11 septembre. Nous ne sommes cependant pas à l'abri des répercussions du terrorisme. À part les 20 Canadiens au moins qui ont été tués dans les attentats du World Trade Center, deux autres Canadiens seulement sont morts et c'était à Bali. Le personnel des Forces canadiennes a été tué ou blessé dans des attentats terroristes en Afghanistan et la menace qui pèse sur nos troupes, là-bas, demeure élevée. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'appui apporté aux Forces canadiennes déployées en Afghanistan est une priorité pour le SCRS. Étant donné la mobilité des citoyens canadiens dans le monde et le déploiement continu des Forces canadiennes en Afghanistan et éventuellement dans d'autres coins chauds de la planète, nos citoyens sont exposés quand ils se trouvent à l'étranger.

    Nous ne sommes pas à l'abri du terrorisme à d'autres égards. De nombreux individus qui ont été formés dans des camps pour terroristes, et dont beaucoup sont d'anciens combattants aguerris ayant participé aux campagnes d'Afghanistan, de Bosnie, de Tchétchénie et autres, résident ici, au Canada, et d'autres continuent de pénétrer chez nous. La plupart du temps, ces personnes sont en contact avec un résident canadien et, d'après leurs agissements, on peut conclure qu'elles se livrent à des activités clandestines, puisqu'elles emploient des techniques sophistiquées de contre-espionnage, ont des communications secrètes et organisent des réunions dans le secret. Des Canadiens ont aussi pris part à la planification et à l'exécution d'opérations terroristes ailleurs dans le monde, que ce soit à partir d'ici ou de l'étranger. Ce fut notamment le cas d'Abdel Rahman Jabara que l'on recherche pour sa participation aux attentats contre le complexe résidentiel de Riyadh de mai 2003. Son frère, Mohamed Jabara, qui a participé à un complot terroriste avorté contre des ambassades étrangères à Singapour, est depuis lors en prison.

    Il a beaucoup été question de la famille de feu Ahmed Said Khadr, qui était un proche de Ben Laden et qui était un personnage central d'un réseau d'extrémistes au Canada. Certains de ses enfants ont suivi un entraînement en armement et explosif dans des camps en Afghanistan. Fateh Kamel, canadien d'origine algérienne, a été condamné à huit ans de prison en France pour avoir dirigé une cellule terroriste dans ce pays. Kassem Daher, également citoyen canadien et membre d'Asbat al-Ansar, est en prison au Liban pour une attaque armée contre les forces de sécurité libanaises. De plus, les noms de Abderraouf Jdey et de Faker Boussora, citoyens canadiens d'origine tunisienne, apparaissent sur la liste des gens recherchés et pour qui le département d'État américain promet une prime dans le cadre de son programme de justice. Tous deux ont suivi un entraînement dans des camps d'al-Qaeda et l'un apparaît dans une « vidéo suicide » d'al-Qaeda dans laquelle il s'engage à donner sa vie pour le mouvement.

    Le Canada continue, par ailleurs, d'être un refuge intéressant pour les extrémistes. Ainsi, Hani al-Sayegh, revendicateur du statut de réfugié, a participé aux attaques d'Al Khobar en Arabie saoudite, en 1996. Ahmed Ressam, dont la revendication du statut de réfugié a été refusée, planifiait un attentat contre l'aéroport de Los Angeles à partir de Montréal à la fin des années 90, après quoi il a été jugé et condamné aux États-Unis. Nous croyons que plusieurs de ces extrémistes viennent au Canada pour y poursuivre leurs activités et qu'ils font actuellement l'objet de certificats de sécurité. C'est le cas de Mohamed Majoub, membre des Vanguards of Conquest, aile radicale de la jihad islamique égyptienne; c'est aussi le cas de Mahmoud Jaballa, qui est l'un des principaux agents de l'organisation terroriste islamique égyptienne al Jihad et d'al-Qaeda, de Hassan Almrei et de Mohamed Harkat, que l'on soupçonne tous deux d'appartenir au réseau de Ben Laden, et de Adil Charkaoui, soupçonné également d'appartenance au réseau al-Qaeda.

¹  +-(1550)  

    Nous savons que des missions de reconnaissance, dans le cadre de la planification d'attentats, ont été effectuées au Canada dans le cas de plusieurs cibles éventuelles, dont certaines se trouvent dans nos grands centres métropolitains. Une action terroriste qui a aboutirait contre l'une de ces villes pourrait occasionner énormément de pertes de vies humaines. L'affaire Samir Ait Mohamed, dont la demande de statut de réfugié a été rejetée et qui est actuellement incarcéré à Vancouver, a fait couler beaucoup d'encre. On pense qu'il ciblait un quartier juif de Montréal, mais ce n'est là qu'un exemple connu par le public.

    Enfin, il convient de ne pas oublier que le Canada a été spécifiquement mentionné par Osama Ben Laden comme étant l'une des cibles désignées pour des actes terroristes à cause du rôle que nous avons joué en Afghanistan après le 11 septembre. Le Canada a été cité deux fois comme cible d'activités terroristes par al-Qaeda, la dernière fois, l'année dernière, sur un site Internet.

    Pour résumer, je dirai que si les circonstances ont changé depuis le 11 septembre tant pour ce qui est de la nature de la menace terroriste et des mesures prises pour lutter contre cette menace, le risque demeure bien réel au Canada et dans de nombreux autres pays. La menace terroriste qui pèse contre le Canada n'est pas très différente de celle qui pèse sur d'autres pays, notamment ceux qui ont été ou qui sont susceptibles d'être directement ciblés. Autrement dit, le Canada n'est pas à l'abri d'actes très violents.

    Si notre principale préoccupation consiste à lutter contre les menaces à la sécurité qui pèsent contre le Canada et les Canadiens, nous sommes également investis d'une obligation fondamentale envers nos partenaires internationaux, par le truchement des conventions de l'ONU et d'autres accords, pour faire en sorte que le Canada ne serve pas de base à des attaques terroristes contre d'autres pays ou que des Canadiens participent à la planification de telles attaques. Pour réduire la menace terroriste et notre vulnérabilité à des attentats, ici et ailleurs dans le monde, nous devons tous faire preuve de créativité dans l'application de toute la gamme des techniques et des outils législatifs dont nous disposons.

    Le fait que nous n'ayons pas eu d'attentat ici ne doit pas être une raison pour relâcher notre vigilance. À bien des égards, nous nous sommes fait notre propre chance en poursuivant inlassablement certaines cibles, en appliquant les moyens juridiques que nous confère la loi et en travaillant en collaboration avec nos partenaires dans l'application des nouvelles mesures adoptées par le gouvernement pour mieux lutter contre le terrorisme, au Canada et à l'étranger.

    Monsieur le président, membres du comité, voilà qui conclut mon aperçu de la situation. Je me dois de vous rappeler la réserve habituelle avec laquelle les directeurs du SCRS doivent répondre à certaines de vos questions et je vous demanderai de nous en excuser d'avance mais, à cause de préoccupations d'ordre opérationnel, nous ne pourrons pas vous fournir de réponses aussi détaillées que nous l'aurions aimé dans ces circonstances.

¹  +-(1555)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Judd.

    Je suppose que, de toute évidence, il en va de même pour les causes qui se trouvent actuellement devant les tribunaux, mais vous n'avez bien sûr pas besoin de moi pour vous servir d'avocat.

    Monsieur Sorenson, pouvez-vous lancer cette série de questions?

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci monsieur Judd de votre présence.

    Je pense pouvoir vous assurer que personne au comité ne vous posera jamais de question à laquelle vous ne pourriez répondre. Je ne suis bien sûr pas totalement sérieux en vous disant cela, parce qu'on ne sait jamais quand ce genre de question peut être posée.

    Je vous félicite une fois de plus pour votre nomination à la direction du SCRS. C'est un poste que vous occupez depuis un mois environ et nous espérons que vous y demeurerez, puisque dans notre travail de comité, je suis certain que nous aurons la possibilité de nous prévaloir de votre expertise à un moment donné.

    J'ai deux questions à vous poser.

    D'abord, nous sommes ici pour parler de la Loi antiterroriste que nous avons été chargés de réviser à la suite de certains événements. La Loi antiterroriste a élargi le mandat de la GRC à qui elle permet d'enquêter sur les activités terroristes au Canada. Ce mandat découle d'amendements apportés au Code criminel qui redéfinissent ce qu'est un crime terroriste.

    La GRC, qui est le corps policier national responsable de faire appliquer les dispositions antiterroristes du Code criminel, s'est soudainement retrouvée dans la situation qui était la sienne, selon certains, avant l'adoption de la Loi sur le SCRS et avant l'époque où le SCRS, après sa création, lui a retiré cette responsabilité. Voilà donc que la GRC se retrouve de nouveau avec un mandat en matière de sécurité et de renseignement et qu'elle est investie du pouvoir non seulement d'enquêter sur des crimes mais, dans une certaine mesure, de prévenir le crime. Une partie de la Loi antiterroriste lui donne la possibilité d'effectuer des arrestations à titre préventif et d'appliquer d'autres mesures pour empêcher la commission de crimes. Ainsi, après 20 ans, la GRC reprend du service dans un domaine qui lui avait été retiré après l'adoption de la Loi sur le SCRC.

    Dans le passé, on a pu craindre des guerres intestines dans le domaine des communications entre vos deux organismes. Comment réagissez-vous à tout cela en tant que nouveau directeur du SCRS? Êtes-vous d'accord avec cette façon de voir les choses? Admettez-vous que tel est le cas?

    J'ai deux autres questions.

    Combien de temps ai-je à ma disposition, monsieur le président?

+-

    Le président: Sept minutes.

+-

    M. Kevin Sorenson: À quelle fréquence le SCRS fait-il non seulement rapport au ministre de la Sécurité publique mais lui adresse-t-il des recommandations relativement à l'inscription de tel ou tel groupe sur la liste des entités terroristes? Vous recevez de nouveaux renseignements et vous constituez des dossiers en permanence. Pouvez-vous nous donner une petite idée de la procédure selon laquelle le SCRS formule ses recommandations au ministre relativement à l'inscription éventuelle de certains groupes?

+-

    M. Jim Judd: Puis-je, à cette occasion, inviter mon éminent collaborateur à répondre à vos deux questions, car il a beaucoup plus d'expérience que moi dans ce domaine.

    Pour ce qui est de la GRC, je comprends ce sur quoi vous avez fondé votre question. Je crois que, historiquement, pour en revenir à l'époque où le SCRS a été détaché de la GRC, des problèmes se sont posés dans la façon dont les deux organisations collaboraient ou ne collaboraient pas entre elles. J'ai l'impression que la relation entre les deux organismes semble être aujourd'hui au beau fixe, et pour plusieurs raisons.

    D'abord, les deux organisations ont resserré leurs liens sur les plans personnel et professionnel, notamment en concluant des accords qui permettent à nos employés respectifs de travailler avec ceux de l'autre organisation. Ainsi, nous avons récemment créé un Centre intégré d'évaluation de la menace, qui relève du SCRS mais qui est essentiellement une opération du gouvernement du Canada dirigée par un officier de la GRC. Cette organisation est composée de fonctionnaires appartenant à divers ministères et organismes.

    Nous avons également collaboré avec la GRC au programme des EINS. Beaucoup d'informations sont échangées dans les deux sens. La grande différence entre les deux tient au domaine d'intervention en matière de sécurité et de renseignement face à la menace terroriste, en ce sens que le SCRS s'occupe plutôt de la menace potentielle, c'est-à-dire très tôt, dès qu'elle se dessine, tandis que la GRC est une organisation de police appelée à mener ses enquêtes à un stade ultérieur.

    Mais je vais m'arrêter et demander à M. Neufeld s'il a quelque chose à rajouter à ce sujet.

º  +-(1600)  

+-

    M. Dale Neufeld (directeur adjoint, Opérations, Service canadien du renseignement de sécurité): Je pense que le directeur vous a assez bien résumé les grands enjeux. Je dirais qu'une grande partie de ce que vous avez lu dans la presse sur l'acrimonie qui règne entre les deux organisations est vraiment une chose du passé. Il y a 20 ans, quand le SCRS a été créé, je ne pense pas que la GRC était particulièrement heureuse de perdre ses responsabilités en matière de sécurité nationale. Ce faisant, il y a eu une certaine tension entre les deux organisations pendant quelques années. Et puis, tout de suite après la création du SCRS, il y a eu l'attentat terroriste contre le vol d'Air India. Ce faisant, nous sommes partis du mauvais pied pour bâtir une solide coopération entre les deux organismes.

    Toutefois, je peux vous assurer aujourd'hui que tout cela est loin derrière nous. Dès les débuts, nos deux organisations ont nommé des agents de liaison chargés de promouvoir l'échange de renseignements et la compréhension mutuelle, mais nous nous sommes vite rendu compte que cela ne suffisait pas. Le directeur vous a parlé de détachements. Dans chacun de nos grands bureaux, nous avons maintenant parmi nous un agent de la GRC qui a pour fonction et pour tâche de comprendre la façon dont nous fonctionnons et nous avons quelqu'un qui travaille aussi avec la police. Nous sommes donc parvenus à éviter certains des irritants du début.

    Comme je le disais, une grande partie de la tension qui existait avant était tout à fait naturelle. Dans n'importe quel pays — et j'aimerais vous donner l'exemple de la Grande-Bretagne où les choses se déroulent généralement bien, parce qu'elle a une longue habitude de la collaboration, tout comme en France — et vous constaterez qu'il existe des tensions dès que les services de police et les services du renseignement sont appelés à travailler sur des dossiers communs. La question est de savoir où se situent les seuils d'intervention. Bien sûr, les services du renseignement émettent généralement des réserves sur la divulgation des informations les plus délicates qu'ils ont en leur possession et les services de police ne peuvent pas utiliser ces informations aussi librement qu'ils le voudraient. Une partie de ces irritants sont tout à fait naturels et ils ne disparaîtront sans doute jamais, même pas à la faveur de projets de loi comme celui-ci.

    Le directeur vous a dit qu'en général nous entamons nos enquêtes un peu plus tôt que la police. Notre mandat nous permet de débuter une enquête dès que nous avons un soupçon de menace à la sécurité canadienne, tandis que la police doit avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été commise ou est sur le point de l'être.

    Nos équipes de gestion se réunissent régulièrement. Comme je l'ai déclaré à certains comités de la Chambre auparavant, j'ai parcouru nos bureaux régionaux et j'ai rencontré les gens des divisions de la GRC, sur le terrain — là où ça compte — et ils m'ont dit que le SCRS et la GRC travaillent vraiment bien ensemble et que c'est sans doute ici, dans à nos administrations centrales à Ottawa, que nous avons des problèmes. Or, si vous vous entretenez avec la direction ici, comme avec M. Zaccardelli ou avec le sous-commissaire Loeppky, vous verrez que la collaboration à ce niveau est excellente. D'ailleurs, nos groupes de cadres supérieurs envisagent de se rencontrer plus fréquemment. Ainsi, s'il y a des irritants, nous pourrons les tuer dans l'oeuf.

+-

    M. Kevin Sorenson: Merci.

    Ma deuxième question concernait l'inscription des entités.

+-

    M. Jim Judd: Vous me prenez un peu de court ici, parce que je n'ai pas eu l'occasion d'en inscrire depuis que je suis directeur.

+-

    M. Kevin Sorenson: Vous vous voulez dire qu'au cours du dernier mois, vous n'avez pas recommandé d'inscrire une entité terroriste sur la liste?

º  +-(1605)  

+-

    M. Dale Neufeld: Je crois qu'il y en a quelques-unes de nouvelles, peut-être trois, que l'inscription soit en cours ou qu'elle soit dans les mains de notre ministère.

+-

    M. Kevin Sorenson: Ce sont trois nouvelles?

+-

    M. Dale Neufeld: Oui.

+-

    M. Kevin Sorenson: Ce ne sont pas celles que vous avez recommandées dans le passé, il y a trois nouveaux groupes qu'il faudrait inscrire sur la liste, selon vous.

+-

    M. Dale Neufeld: Je pense que c'est cela. Nous inscrivons régulièrement des entités terroristes sur la liste en vertu du projet de loi C-36.

+-

    M. Kevin Sorenson: Quelle est la procédure? Vous remplissez simplement un dossier et vous allez voir votre ministre en disant « Nous vous recommandons d'inscrire celle-ci et nous espérons que vous allez l'accepter? » Elle a ensuite la prérogative de le faire ou pas.

+-

    M. Dale Neufeld: C'est cela.

+-

    M. Kevin Sorenson: Très bien.

    J'ai une autre question à vous poser, mais je pourrai le faire plus tard.

    Reid Morden, l'ancien directeur du SRCS, a exprimé des réserves au sujet des arrestations à titre préventif, de la détention préventive et des audiences d'investigation.

    Nous en avons deux ici du ministère. Partagez-vous les réserves de M. Reid Morden?

+-

    M. Jim Judd: Pour être honnête avec vous, je n'ai pas vu les commentaires de M. Morden. Si je me souviens bien, aucune de ces dispositions n'a été utilisées depuis l'adoption de la loi, bien que dans le cas d'Air India, il y a quelque temps déjà, une de ces dispositions a été appliquée.

+-

    M. Kevin Sorenson: Cela revient-il à dire, selon vous, que si elles ne sont pas appliquées c'est qu'elles ne sont pas nécessaires?

+-

    M. Jim Judd: Ce n'est pas ce que j'ai dit, j'ai indiqué qu'elles n'avaient servi qu'une fois. D'ailleurs, le fait qu'elles n'aient pas été utilisées ne doit pas nous amener à dire qu'elles ne sont pas nécessaires. Nous n'avons peut-être pas encore rencontré les circonstances où ce genre de disposition serait à la fois souhaitable et nécessaire.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Kevin Sorenson: Une autre petite question rapide.

    Comme nous n'avons utilisé ces dispositions que de façon sporadique, peut-être une ou deux fois seulement, peut-on conclure qu'elles sont nécessaires, qu'elles ont bien servi dans le cadre de cette loi et que si on ne les a pas trop utilisées, elles n'en sont pas moins nécessaires?

+-

    M. Jim Judd: C'est effectivement ce que je dirais au stade où nous en sommes.

+-

    Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Vous avez créé récemment le Centre intégré d'évaluation des menaces. Pourriez-vous nous donner un aperçu de ses fonctions?

[Traduction]

+-

    M. Jim Judd: Le Centre a été établi après l'adoption de la politique sur la sécurité nationale, l'année dernière. Il se veut une installation gouvernementale consacrée à l'évaluation de la menace à la sécurité nationale au Canada à partir de renseignements obtenus de sources canadiennes ou de sources étrangères.

    Si le Centre est ainsi constitué, c'est surtout parce qu'il était destiné à être un point central vers qui tout le monde pourrait se tourner, plutôt que d'avoir à s'adresser à différentes personnes faisant la même chose dans des ministères et organismes différents, et à faire en sorte que l'on applique une démarche plus cohérente, davantage coordonnée, en matière d'évaluation de la menace tant pour les fins du gouvernement que pour alimenter nos principaux alliés, advenant que nous découvrions une menace susceptible de les intéresser.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Auriez-vous objection, pour des raisons de sécurité, à nous dire quel est son budget?

[Traduction]

+-

    M. Jim Judd: Six millions par an.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Ces dernières années, soit à partir du 11 septembre 2001, on a considérablement augmenté votre budget. Pourriez-vous nous dire de quel ordre était cette augmentation?

º  +-(1610)  

[Traduction]

+-

    M. Jim Judd: J'ai ces chiffres, monsieur.

    Le budget de 2000-2001, qui a immédiatement précédé le 11 septembre, prévoyait 179 millions de dollars et, pour l'exercice financier en cours, ce sont 284 millions qui ont été annoncés.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Avez-vous constaté des liens entre les groupes terroristes et le crime organisé?

[Traduction]

+-

    M. Jim Judd: Oui et dans certains cas on sait que des entités terroristes ont financé leurs activités grâce au trafic de drogues. Certaines, que nous connaissons, entretiennent des relations avec le crime organisé ou essaient d'avoir des relations avec le crime organisé pour essayer de se procurer des armes ou autres instruments utiles à leurs affaires.

    Si vous me le permettez, je vais inviter M. Neufeld à vous en dire davantage à ce sujet, s'il a quelque chose à ajouter.

+-

    M. Dale Neufeld: Je dirais que la plupart des terroristes sur lesquels nous enquêtons n'entretiennent aucun lien avec le crime organisé. Il y a bien quelques exceptions. Hezbollah, groupe extrémiste chiite, est très impliqué dans la grande criminalité. Nous avons d'ailleurs aidé les Américains, il n'y a pas très longtemps, dans une affaire de contrebande de cigarettes en Caroline. Ce trafic s'inscrit certainement dans le cadre des liens avec le crime organisé.

    Beaucoup de terroristes, cependant, participent à des activités criminelles de moindre envergure pour se financer. Certains recourent bien sûr à des organismes de bienfaisance qui leur évitent d'entreprendre des activités ouvertement criminelles.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Dans votre présentation, vous avez dit entre autres que les nouveaux outils législatifs mis à votre disposition vous avaient permis de déjouer certains complots. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples, sans enfreindre les règles de sécurité?

[Traduction]

+-

    M. Jim Judd: Je pense que je voulais parler plus généralement des organismes d'exécution de la loi et de sécurité du renseignement au Canada. D'ailleurs, la Loi antiterroriste, qui a été adoptée au lendemain des attentats terroristes du 11 septembre, n'a eu que peu de répercussion sur la loi qui nous régit puisqu'elle n'en a changé que trois mots à l'article 2.

    Je voulais parler plus généralement des efforts déployés par le gouvernement. Je pense que cette loi nous a placés dans la situation où nous devons fournir au gouvernement des informations plus variées que par le passé, notamment des renseignements sur les entités terroristes et sur certaines initiatives qui ont pour objet de filtrer les immigrants et les réfugiés et qui ne découlent pas directement de la loi, mais qui font partie des services offerts et des activités renforcées et adoptées depuis cette époque.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Vous avez recours aux certificats de sécurité depuis longtemps? Combien en avez-vous émis depuis le 11 septembre?

[Traduction]

+-

    M. Jim Judd: Je pense que la disposition relative aux certificats de sécurité existe dans la loi depuis 1978. Depuis cette époque, je crois savoir que 27 certificats ont été mis et, depuis le 11 septembre, il n'y en a eu que trois. Tous ces certificats, si je me souviens bien, remontent à plusieurs années.

    Je crois donc qu'il y en a eu trois depuis le 11 septembre.

º  +-(1615)  

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Je me demande en quoi le fait d'incarcérer un individu en vertu d'un certificat de sécurité peut être utile.

    Il me semble qu'en procédant de cette façon, vous informez ses complices éventuels qu'il est surveillé. Or, soit qu'il a commis des actes criminels et que, pour ce motif, il est préférable de l'accuser et de le faire incarcérer, soit qu'il est laissé en liberté, de façon à ce que vous vérifiiez qui il fréquente. Cela pourrait s'avérer des pistes à poursuivre.

    Enfin, je ne comprends pas en quoi il peut être utile de garder quelqu'un pendant un temps considérable sans l'accuser.

[Traduction]

+-

    M. Jim Judd: Excellente question.

    Je vais, de nouveau, demander à M. Neufeld de vous répondre, mais j'ai l'impression que les certificats de sécurité ont été appliqués dans le cas de personnes qui ne sont pas des citoyens canadiens et que nous ne voudrions pas tout de suite accepter comme résidents du Canada.

    Je crois savoir que, dans le passé, ces cas ont été tranchés en fonction du genre de calcul dont vous parliez, c'est-à-dire que si nous les laissons évoluer dans la société afin d'avoir une meilleure idée des liens qu'ils entretiennent avec d'autres, nous devons tenir compte de la menace potentielle qu'ils représentent alors par rapport aux avantages que nous procurerait le fait d'en savoir plus à leur sujet et au sujet de leur réseau.

+-

    M. Dale Neufeld: La difficulté dans le cas de ces individus — et je pense qu'il y en a six actuellement au Canada qui font l'objet des dispositions de l'article 77 — c'est qu'ils sont venus ici et que, si nous avons de la chance, nous parvenons à découvrir leur provenance et leurs connexions terroristes. Le problème c'est qu'ils sont dormants, qu'ils ne font rien pendant trois ans, qu'ils veulent acquérir la citoyenneté canadienne qui est magique pour eux et obtenir le passeport qui l'accompagne avant de se replonger dans le milieu terroriste.

    C'est pour cette raison que nous devons les intercepter avant qu'ils n'obtiennent leur citoyenneté canadienne parce qu'ensuite, nous ne pouvons plus appliquer la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. C'est pour cela que nous avons agi dans les cas que j'ai cité, que nous avons sélectionné très soigneusement les candidats à l'immigration. Cette procédure est très coûteuse pour nous. Nous avons sélectionné les gens dont nous sommes persuadés qu'ils représentent une menace grave, des gens qui sont des figures de proue du mouvement terroriste.

    Ce que nous voulons, c'est les arrêter avant qu'ils n'obtiennent leur citoyenneté. C'est cela qui est important.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Une chose m'intrigue davantage que l'utilité de ces certificats de sécurité, et elle concerne les évaluations que vous faites. Sans vouloir faire allusion à un cas actuel véritable, je veux tout de même souligner ce que cela nous révèle quant aux habitudes générales.

    L'information, signature à l'appui, semble provenir de pays où les interrogatoires sont très souvent menés sous la torture. Or, lorsqu'ils sont enfin libérés de la peur d'être torturés, les gens nient avoir dit ces choses.

    Est-ce qu'il vous arrive de décider d'incarcérer quelqu'un uniquement en vous fondant sur ce genre d'information?

[Traduction]

+-

    M. Dale Neufeld: Non, nous n'utilisons jamais d'information provenant d'une seule source. Nous cherchons toujours à corroborer les renseignements dont nous disposons par le biais de nos propres enquêtes et évidemment à partir d'informations de sources alliées que nous jugeons fiables. Toutefois, si l'information provient d'un pays où nous pensons qu'elle aurait pu être obtenue par les moyens dont vous parlez, elle ne suffit pas pour que nous agissions; nous voulons corroborer les renseignements qui nous parviennent.

+-

    Le président: Merci beaucoup, chers collègues.

    Monsieur Comartin.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Monsieur Judd, je prends acte que vous avez récemment été nommé à la direction du SCRS. Quand cela s'est-il fait?

º  +-(1620)  

+-

    M. Jim Judd: J'ai été nommé à la fin novembre, mais je ne suis pas entré en fonction avant le 10 janvier.

+-

    M. Joe Comartin: Aviez-vous une expérience du SCRS avant cela, en qualité de cadre ou dans un poste administratif quelconque?

+-

    M. Jim Judd: Non.

+-

    M. Joe Comartin: Il y a quelque chose qui me trouble un peu à la page 6 du document que vous nous avez remis.

    Année après année, à partir de 2002, vous isolez Israël et l'Algérie — Israël et l'Algérie en 2003, Israël, l'Algérie et l'Irak en 2004, et, de nouveau, Israël, l'Algérie et l'Irak en 2005. Pouvez-vous me dire pourquoi d'autres mois ne sont pas mentionnés à part ceux-là?

+-

    M. Jim Judd: Vous voulez parler du fait que l'année est mentionnée pour certains pays, mais pas les dates?

+-

    M. Joe Comartin: Oui.

+-

    M. Jim Judd: Je suppose que c'est la même date que la précédente et qu'il y avait un écart...

+-

    M. Joe Comartin: Mais dans chaque cas, vous passez de la date précédente qui est fin décembre à celle de l'année suivante. Ne pensez-vous pas que c'est parce qu'il y a eu des attentats simultanés dans ces pays?

+-

    M. Jim Judd: M. Neufeld vient juste de me préciser qu'il y a eu plusieurs attentats aux mêmes endroits.

+-

    M. Joe Comartin: Bien.

    Monsieur Neufeld, je vais revenir un peu sur la question de la collaboration entre les organismes chargés du renseignement et vous contredire. Dans son rapport d'octobre ou de novembre 2004 — je ne me souviens plus lequel — la Vérificatrice générale parle de la question du blanchiment des capitaux et des informations que l'agence frontalière communique au SCRS et à la GRC. À l'occasion de son enquête, elle n'a pas semblé constater d'interactions dans le sens inverse, c'est-à-dire dans le sens SCRS et GRC vers le CANAFE.

    Je vous avais déjà posé cette question ainsi qu'au commissaire Zaccardelli. À l'époque, vous n'aviez pas été en mesure de répondre. Je me demande si, depuis, vous avez pu déterminer si le rapport de la Vérificatrice générale est exact et ce que vous avez éventuellement fait pour corriger le problème?

+-

    M. Dale Neufeld: Après que vous m'avez posé la question, je me suis précipité à mon bureau pour obtenir la réponse. Je pense que cette critique avait paru dans le journal du jour.

    Je peux vous garantir que nous collaborons régulièrement avec le CANAFE. Je sais qu'il existe de sérieuses limitations quant à la façon dont nous pouvons utiliser les informations que nous nous communiquons l'un-l'autre, mais je ne pense pas que cela soit dû à un manque de volonté de collaboration.

+-

    M. Jim Judd: Monsieur Comartin, je pense qu'un des problèmes liés à l'interaction avec le CANAFE tient aux limitations statutaires imposées au genre d'informations qui nous sont communiquées par le Centre et à la façon dont celui-ci peut communiquer cette information au SCRS ou à la GRC. J'ai discuté de la question de la collaboration entre notre service et le CANAFE avec le responsable du Centre, le mois dernier. Je crois savoir que son organisation vient d'entreprendre un examen interne de sa politique et du règlement qui le régit après quoi il passera au mandat législatif afin de déterminer ce qui peut être amélioré pour faciliter la collaboration entre le CANAFE, la GRC et nous-mêmes.

    Nous nous sommes entendu sur le fait qu'il faut déployer davantage d'efforts pour travailler en commun en examinant notamment la possibilité d'échanger du personnel entre les deux organisations afin de mieux nous connaître.

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur Judd, ce qui a surtout chatouillé la Vérificatrice générale, c'est que toute cette information sur le blanchiment potentiel d'argent était communiquée à la GRC et au SCRS. Or, le CANAFE n'obtient aucune réaction de ces agences relativement à l'utilisation de ces renseignements et il ne sait pas s'ils sont ensuite utilisés dans le cadre de poursuites ou s'ils pourraient être communiqués sous une forme différente afin d'être plus utiles à la GRC et au SCRS. J'aimerais savoir si vous avez abordé cette question, pas pour montrer le CANAFE du doigt mais plutôt pour répondre au genre d'interrogation que se pose le CANAFE en lui disant, par exemple, que ses communications ne sont pas satisfaisantes, que vous avez besoin de telle ou telle information plutôt que de telle autre. Vous pourriez lui faire part de vos réactions pour lui dire s'il fait un travail acceptable.

º  +-(1625)  

+-

    M. Jim Judd: C'est ce que nous avons fait.

+-

    M. Joe Comartin: Je veux également que nous parlions budget, monsieur Judd. On me cite sans cesse ce chiffre. Je crois l'avoir entendu de la bouche de la vice-première ministre et de celle du commissaire Zaccardelli. Depuis septembre 2001, nous avons augmenté d'environ 8 milliards de dollars en trois budgets les sommes accordées à l'ensemble des ministères et des organismes au titre de la sécurité. D'après les chiffres que vous avez donnés à M. Ménard, votre budget a augmenté de plus de 100 millions de dollars, soit plus de 100 p. 100. Pouvez-vous me dire quelle somme, sur ce qu'il reste des 8 milliards de dollars, a abouti dans votre administration, si vous avez reçu quelque chose?

+-

    M. Jim Judd: Rien. L'augmentation de 100 millions de dollars nous a été accordée sur cinq ou six ans et le reste de l'argent a été réparti entre les divers organismes et ministères du gouvernement fédéral.

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur Neufeld, vous allez peut-être pouvoir répondre à ma question. Le CIEM existe depuis un peu plus d'un an, c'est cela, un an?

+-

    M. Jim Judd: Pas tout à fait, car le CIEM a été créé l'été dernier.

+-

    M. Joe Comartin: Y a-t-il une raison pour laquelle nous ne l'avons pas créé plus tôt? J'en reviens à l'interaction entre les deux organismes et il a fallu attendre exactement deux ans, après le 11 septembre 2001, pour que vos cadres supérieurs se rencontrent pour la première fois de façon constructive. Voici ma première question : pourquoi cela ne s'est-il pas produit plus tôt? Si vous le pouviez, sans pour autant entrer dans le détail opérationnel, pourriez-vous me dire comment les choses ont fonctionné au cours des huit ou neuf derniers mois?

+-

    M. Jim Judd: Les choses ne se sont pas produites ici exactement pour les mêmes raisons que celles constatées dans d'autres pays, ce qui revient à dire que le Royaume-Uni et les États-Unis nous ont devancés d'à peu près une année dans la création de tels centres d'évaluation de la menace. Si nous avons agi ainsi, dans ces pays et au Canada, c'est que nous nous sommes rendu compte que nous devions faire des progrès pour que nos gens collaborent à la résolution d'un ensemble de problèmes unique afin que nous puissions fournir des conseils de meilleure qualité à nos gouvernements respectifs.

    Pour ce qui est de l'organisation elle-même, elle est en partie dotée par du personnel du SCRS, qui est minoritaire en fait, et par du personnel venant de différents organismes et ministères fédéraux. Depuis sa création, nous avons consacré beaucoup de temps et d'efforts pour remplir les postes offerts et doter le centre de la technologie des systèmes informatiques nécessaires.

    Toutefois, le centre a produit des rapports sur l'évaluation de la menace dès l'automne dernier. Il en produit de plus en plus au fur et à mesure qu'il a accru sa capacité technologique et ses effectifs.

    Le centre a également cherché, activement, à resserrer ses contacts avec Américains et Britanniques et avec d'autres pays partenaires, comme l'Australie.

+-

    M. Joe Comartin: Qui est à la tête du CIEM actuellement?

+-

    M. Jim Judd: Le responsable opérationnel du CIEM est un officier supérieur de la GRC.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Wappel.

+-

    M. Tom Wappel: Merci beaucoup et bon après-midi.

    Y a-t-il une raison pour laquelle vous ne pouvez donner le nom de cet officier supérieur de la GRC?

+-

    M. Dale Neufeld: Il s'appelle John MacLaughlan et il est commissaire adjoint de la GRC.

+-

    M. Tom Wappel: Merci.

    Je vais vous poser quelques questions à l'emporte-pièce, si vous me le permettez. Le projet de loi C-36 a donné lieu à la modification d'un article de la Loi sur le SCRS. Après trois ans d'application de la loi, le SCRS estime-t-il qu'il faudrait modifier sa loi pour lui permettre de mieux combattre le terrorisme et, le cas échéant, de quelle façon?

º  +-(1630)  

+-

    M. Jim Judd: Très sérieusement, c'est la même question que j'ai posé quand j'ai assumé mes fonctions.

    Nous avons entrepris un certain travail au niveau du service, en collaboration avec notre conseiller juridique et avec la partie opérationnelle pour répondre très précisément à cette question. Malheureusement, au stade où nous en sommes, je n'ai pas de réponse à vous donner, mais dès que j'en aurai une, je serai heureux de revenir pour vous la donner et vous dire, si nous parvenons à une conclusion quelconque, quels ajustements s'imposent.

    Si je me souviens bien, depuis qu'elle a été adoptée il y a plus de 20 ans, la loi n'a fait l'objet que d'un seul amendement qui semble avoir bien résisté à l'épreuve du temps. Une nouvelle vérification ne fera cependant pas de mal et c'est pour cela que j'en ai demandé une.

+-

    M. Tom Wappel: Merci.

    Dans la note d'information qu'on nous a communiquée, il est dit que la Loi sur l'antiterrorisme n'a donné lieu qu'à une modification mineure de la définition de la menace à la sécurité du Canada dont nous venons juste de parler. Voici ce qu'on dit : « Elle a cependant confié des responsabilités supplémentaires au SCRS pour ce qui est de l'inscription des entités terroristes, du dépistage du financement des activités terroristes et de la révocation de l'enregistrement des oeuvres de bienfaisance ». Cela décrit-il assez précisément les responsabilités supplémentaires qui ont été confiées au SCRS?

+-

    M. Jim Judd: Oui.

+-

    M. Tom Wappel: Pouvez-vous me dire comment ces responsabilités supplémentaires ont été confiées au SCRS? L'ont-elles été par le truchement d'un décret, d'une loi ou d'un règlement? Quel canal a-t-on pris?

+-

    M. Jim Judd: C'était une question de politique. Comme nous sommes l'agence nationale de sécurité du renseignement, cela relevait de notre mandat et l'on nous a confié la mission de créer le centre.

+-

    M. Tom Wappel: Est-ce vous qui avez pris cette décision?

+-

    M. Jim Judd: Non, je suppose que c'est le gouvernement de l'époque.

+-

    M. Tom Wappel: Monsieur Neufeld, êtes-vous au courant de quoi que ce soit qui serait contraire à cela?

+-

    M. Dale Neufeld: Non, en fait je ne peux rien ajouter.

+-

    M. Tom Wappel: Ainsi, à un moment donné, quelqu'un vous a dit que votre tâche consistait à contribuer à l'inscription d'entités terroristes, à dépister le financement des activités terroristes et à révoquer de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, mais vous ne savez pas qui est ce « on » et vous ne vous rappelez pas quand.

+-

    M. Jim Judd: Cette décision a dû être prise par le gouvernement à l'époque qui a confié ces tâches au service.

+-

    M. Tom Wappel: Je veux obtenir une clarification, monsieur Neufeld, au sujet des certificats de sécurité. Vous avez dit, je crois, que vous vouliez mettre la main sur les gens avant qu'ils n'obtiennent leur citoyenneté canadienne parce qu'après cela, vous ne pouvez pas appliquer la Loi sur l'immigration. Je crois que c'est à peu près ce que vous avez dit. Eh bien, je ne comprends pas très bien. Êtes-vous en train de dire qu'il n'est pas possible de révoquer la citoyenneté canadienne?

+-

    M. Dale Neufeld: Je crois qu'il existe une procédure pour retirer la citoyenneté canadienne. Je pense que les motifs pour lesquels on peut le faire sont cependant limités. Si je ne m'abuse, cela n'a été fait que très rarement dans l'histoire canadienne. Il est beaucoup plus facile, je crois, d'intercepter une personne avant qu'elle ne devienne citoyenne canadienne et qu'elle n'obtienne notre passeport.

+-

    M. Tom Wappel: Certes, mais il est ici question d'incarcérer quelqu'un sans chef d'accusation ce qui, de façon générale, va à l'encontre des valeurs canadiennes. Il est évident que si l'on demande à quelqu'un s'il est ou a été membre d'une organisation terroriste tel que défini par l'article numéro tant, que cette personne répond non et que l'on établit par la suite qu'elle a menti, cela constituerait une raison de lui retirer a priori la citoyenneté canadienne. N'êtes-vous pas d'accord?

+-

    M. Dale Neufeld: Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas quels sont les motifs à invoquer pour cela. Je pourrais me renseigner et vous faire rapport par la suite.

    Je crois que dans plusieurs autres cas au Canada, comme les cas de criminels de guerre qui ont menti à leur arrivée au pays, notre pays a eu beaucoup de difficultés à les déporter par la suite. Une fois qu'une personne est protégée par tous les droits et les privilèges de la citoyenneté canadienne, la cause devient très difficile, sauf si la personne en question a commis un acte terroriste important.

    Il arrive très souvent que ces gens-là veuillent disposer des documents accompagnant la citoyenneté non pas pour accomplir un acte terroriste ici, mais pour aller ailleurs dans le monde où la citoyenneté canadienne donne un accès sans problème.

+-

    M. Tom Wappel: Je ne suis pas certain si M. Sorenson en a parlé et, s'il l'a fait, veuillez m'en excuser, mais je vais revenir peut-être sur une chose.

    Quel est l'acronyme des Tigres tamouls? C'est LTTE?

º  +-(1635)  

+-

    M. Jim Judd: Oui.

+-

    M. Tom Wappel: Bien.

    Je sais que le SCRS considère que les LTTE sont une organisation terroriste — n'est-ce pas? Je sais qu'elle apparaît comme telle sur la liste de l'Organisation des Nations Unies mais je sais que tel n'est pas le cas ici, au Canada, en vertu de nos lois. De façon pratique, cela n'a pas l'air de faire grande différence, puisque cette organisation apparaît sur la liste des Nations Unies et que nous devons aider l'ONU à appliquer sa loi antiterroriste. Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Jim Judd: À la façon dont je vois les choses, le gouvernement dispose des outils et des pouvoirs nécessaires pour s'attaquer à cette organisation parce qu'elle apparaît sur une liste des Nations Unies, au même titre que si elle apparaissait dans une liste dressée en vertu du projet de loi C-36. Toutefois, comme je ne suis pas avocat, vous pourriez peut-être réserver cette question à un membre du barreau qui se présentera peut-être devant votre comité avant longtemps.

+-

    M. Tom Wappel: Bien. Personnellement, j'ai l'impression que cette question ne doit pas se limiter aux cercles juridiques, parce que ce genre d'intervention fait partie de la boîte à outils que l'on peut employer dans la guerre contre le terrorisme, pour présenter la chose ainsi. En fait, j'essaie de me rassurer au sujet d'une chose. Ce n'est pas simplement parce que le nom d'une organisation n'apparaît pas sur une liste, pour quelque raison que ce soit, notamment le risque de porter atteinte au processus de paix, que le Canada n'est pas en mesure d'appliquer d'autres mécanismes dans sa lutte contre le terrorisme, y compris des mécanismes internationaux. N'ai-je pas raison? Je crois que c'est ce que vous avez dit.

+-

    M. Jim Judd: Je pense que vous avez raison mais, comme je le disais, vous auriez sans doute intérêt à recueillir le point de vue d'un juriste plus aguerri que moi en la matière.

+-

    M. Tom Wappel: Très bien. Nous en resterons donc là.

    Nous avons parlé des responsabilités additionnelles et j'aimerais maintenant connaître votre rôle en matière de révocation de l'enregistrement des organismes de bienfaisance. Comment cela fonctionne-t-il?

    Tout d'abord, est-ce que cela s'est déjà produit?

+-

    M. Jim Judd: Non, pas à ma connaissance.

+-

    M. Tom Wappel: Parfait. Est-ce que vous êtes en train d'y travailler dans l'abstrait?

+-

    M. Jim Judd: Non, pas à ce que je sache.

+-

    M. Tom Wappel: Bien. Existe-t-il des protocoles que vous devriez appliquer dans ce genre de situation?

+-

    M. Jim Judd: Il existe une procédure à suivre qui, si je me souviens bien, exige la constitution d'un dossier expliquant les motifs de la révocation. L'Agence canadienne du revenu devrait participer à cette décision et un ministre au moins devrait signifier son accord avec la décision, sur les conseils du service.

+-

    M. Tom Wappel: Bien.

    J'aimerais revenir au CIEM, si vous me le permettez. Il est actuellement dirigé par un officier de la GRC, mais il relève du SCRS. Pourquoi n'est-ce pas un cadre du SCRS qui le dirige?

+-

    M. Jim Judd: Le centre a été créé au sein du SCRS simplement pour lui fournir un lieu, en quelque sorte. Il est placé sous la responsabilité d'une personne extérieure au SCRS en partie pour prouver qu'il s'agit d'une entité qui n'est pas limitée au SCRS mais qui représente davantage tout le gouvernement du Canada.

+-

    M. Tom Wappel: Ainsi, c'est une nouvelle créature mais remplace-t-elle quelque chose d'autre?

+-

    M. Jim Judd: Le CIEM est tout nouveau, puisqu'il remonte à l'an dernier. Il existait une organisation analogue qui relevait exclusivement du SCRS mais qui, depuis, a été remplacée par ce centre qui correspond davantage à une vision globale.

+-

    M. Tom Wappel: Pouvez-vous nous dire qui sont les membres du centre, qui le dirige?

+-

    M. Jim Judd: Oui.

+-

    M. Tom Wappel: Par exemple, en faites-vous partie?

+-

    M. Jim Judd: Le SCRS a des agents qui travaillent au centre. Il y a également des représentants du ministère des Affaires étrangères, de Transports Canada et de l'Agence des services frontaliers du Canada. La ministre de la Sécurité publique s'est au moins engagée à détacher des gens au centre. Le Conseil privé s'est également engagé à y détacher des gens. Il est surtout question de regrouper des représentants de ces ministères et organismes qui s'intéressent plus particulièrement aux questions de sécurité, quelles qu'elles soient.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Wappel.

    Monsieur Macklin.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Cette question est très complexe pour la plupart d'entre nous qui essayons de l'appréhender. Il y a tout d'abord la menace et la façon de l'aborder, surtout dans le cas des organismes de bienfaisance qui peuvent bien sûr servir à alimenter les organisations terroristes. Est-ce que les choses sont profondément en train de changer dans la façon dont ces individus se financent?

    Vous avez dit que l'organisation, jadis centralisée, s'est maintenant fractionnée en groupuscules. Avez-vous constaté si les méthodes de financement ont suivi cette transformation afin que nous puissions savoir comment ces gens parviennent à se financer? Ou alors, est-ce qu'ils se financent chacun de leur côté?

    Je sais qu'il est difficile de faire des généralisations, mais dans le passé, nous avons constaté qu'il était important de ne pas hésiter à dresser la liste des entités pour qu'elles ne puissent pas devenir des organismes de bienfaisance en bonne et due forme qui, nous le pensons, canalisaient l'argent pour appuyer les organisations terroristes. Ainsi, la façon dont ces organisations se financent a-t-elle évolué d'une façon qui mérite notre attention?

+-

    M. Jim Judd: Je pense que les activités de financement ont subi un dur coup. Dans le cas d'al-Qaeda, une grande partie de l'argent provenait des poches d'une seule personne. Une autre partie du financement était due aux relations que les terroristes entretenaient avec le crime organisé, par exemple dans le trafic de drogues ou, comme Dale le disait, dans la contrebande de cigarettes.

    Nous savons que, dans d'autres cas, le financement a essentiellement reposé sur des vieilles techniques de divers genres, comme le vol simple et le vol qualifié. C'est ainsi que la plupart des individus associés aux attentats du chemin de fer à Madrid ont financé leurs activités. D'autres organisations, comme l'IRA, ont été associées à des vols de banque et à des activités du genre. L'autre façon assez courante pour les organisations terroristes d'obtenir des fonds consiste à faire directement appel à des communautés sympathisantes dans différents pays qui s'associent à la cause du groupe solliciteur. Cela aussi, c'est assez répandu dans le monde.

    Toutefois, je ne sais pas s'il existe une tendance qui s'est dégagée et qui pourrait nous indiquer la façon dont les choses ont évolué au cours des dernières années.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Eh bien, parlons d'évaluation à proprement parler. Je sais, monsieur Judd, qu'il est peut-être délicat pour vous de nous dire s'il y a eu une augmentation ou une diminution de la menace depuis le 11 septembre 2001, par exemple. Je sais que de nombreux attentats se sont produits, comme on peut le voir d'après votre liste des incidents.

    Comment faites-vous pour conclure si la menace a augmenté ou diminué au Canada?

+-

    M. Jim Judd: Voilà une question épouvantable. Eh bien, tout dépend de l'expérience des gens qui travaillent dans le domaine de la sécurité et du renseignement au Canada de même que dans le domaine de l'exécution de la loi. Comme je suis tout nouveau dans ce domaine, je me suis moi-même posé la question. Je pense que ce qu'il y a de radicalement différent par rapport à la veille du 11 septembre 2001, c'est que Osama ben Laden et al-Qaeda ont spécifiquement désigné le Canada comme l'un des six pays cibles, ce qui est tout à fait nouveau. Tel n'était pas le cas avant le 11 septembre.

    Deuxièmement, des six pays désignés par la nébuleuse d'al-Qaeda, je crois que nous sommes le seul à ne pas avoir été victime d'un attentat sur notre territoire. Cela me rend un peu nerveux, du simple point de vue des probabilités. Par ailleurs, malgré les progrès que nous avons réalisés dans la lutte contre la menace terroriste, ici et ailleurs, le terrorisme demeure dynamique partout dans le monde, y compris au Canada.

    Enfin, je pense qu'il ne faut pas perdre de vue que certains des attentats les plus spectaculaires ont été planifiés des mois d'avance. Dans certains cas, les terroristes planifient leurs actes deux ou trois ans avant de les commettre.

    Je vais toutefois céder la parole à mon collaborateur beaucoup plus expérimenté que moi, au cas où il veuille ajouter quelque chose.

º  +-(1645)  

+-

    M. Dale Neufeld: Le directeur vient de vous parler des trois éléments qui sont vraiment importants compte tenu de la menace actuelle.

    Si j'avais comparu devant vous il y a deux ou trois ans, je n'aurais pas pu vous parler de deux tendances lourdes que nous constatons au Canada et que nos alliés constatent également. Il s'agit de la deuxième génération de musulmans, c'est-à-dire les enfants nés au Canada. Nous avons constaté qu'ils ont grandi dans des conditions tout à fait normales mais qu'à un moment donné de leur adolescence ou dans leur jeune vingtaine, ils sont tombé dans l'islam radical.

    Je pense par exemple à Khawaja, ce jeune homme qui a été arrêté à Ottawa et qui est actuellement derrière les barreaux. Pour l'instant, malheureusement, cette cause fait l'objet d'une interdiction de publication, mais quand les faits seront rendus publics, vous constaterez qu'il avait un lien avec un très grand nombre de personnes au Royaume-Uni qui correspondent à la même description que lui. Ces gens-là ne viennent pas d'un Afghanistan, d'un Irak ou d'une Tchétchénie ravagés par la guerre. Ce sont des gens qui grandissent dans des conditions relativement normales, dans un pays tout à fait démocratique et qui, à un moment donné, décident de bifurquer.

    Il y a aussi les autres Canadiens qui sont plutôt désillusionnés, ce qui est très troublant parce qu'il est difficile de les détecter et de faire enquête à leur sujet. Ce sont des jeunes qui ne se débrouillent pas très bien au secondaire et qui pourraient faire n'importe quoi. Ils pourraient devenir de petits criminels. Ils pourraient tomber dans la drogue. Ils pourraient se joindre à une bande de motards. De nos jours, beaucoup décident d'adhérer à la forme la plus radicale de l'islam.

    Il y a deux tendances, comme je le disais, dont je n'aurais pas pu vous parler avant. Ces deux tendances constituent un véritable défi pour nous et ce ne sont pas des discours creux que je vous tiens. Je suis intimement persuadé que, quand le temps viendra, beaucoup de ces gens essaieront de commettre un acte grave.

    J'associe à cette menace celle que représentent les armes de destruction massive. Le directeur vous en a parlé dans son exposé et je peux vous garantir que nous ne manquons pas d'exemples dans le monde. En Afghanistan, par exemple, les alliés ont capturé des personnes à cause de leurs activités dans le domaine de l'armement ou parce qu'elles essayaient d'obtenir certains types d'armes. Je peux vous garantir que ces gens-là essaient de mettre la main sur des armes chimiques, biologiques ou nucléaires. S'ils y parviennent, ils les utiliseront.

    Voilà l'assortiment de menaces auxquelles nous sommes actuellement confrontés et qui nous rend la vie difficile.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Quand vous vous faites une idée sur un dossier particulier et que vous avez l'impression d'avoir mis le doigt sur quelque chose, comment vous y prenez-vous pour déterminer quand vous allez en faire part aux autres autorités?

    Je sais que, par le passé, on a reproché au SCRS de faire ses petites affaires dans son coin, de ne pas vouloir se départir d'informateurs actifs ou autres, pour pouvoir garder un oeil sur eux. Le SCRS ne veut pas vraiment les intégrer au système et ces gens-là peuvent être arrêtés ou détenus, mais le SCRS préfère les garder hors du circuit dans ce que vous appelez un rôle actif. Quand en arrivez-vous à la conclusion que vous avez suffisamment d'informations sur les terroristes potentiels pour communiquer ce renseignement à l'échelon supérieur et vous assurer que les mesures nécessaires sont prises pour nous protéger?

    Je sais que vous êtes toujours en porte-à-faux parce que vous essayez de prévenir les coups, ce qui est extrêmement difficile. Je suppose que nous devrions aussi vous poser une question sur le genre d'outils dont vous disposez. Mais je crois qu'elle vous a déjà été posée. Est-ce que ces outils sont suffisants, surtout pour le travail de prévention que vous essayez de faire et qui est excessivement difficile?

º  +-(1650)  

+-

    Le président: Merci.

    Pouvez-vous répondre brièvement à cette question?

    Excusez-moi, nous sommes en retard.

+-

    M. Dale Neufeld: Je vais essayer de vous répondre brièvement.

    Tout d'abord, ce sont vos deux serviteurs, ici présents, qui prennent les décisions qui s'imposent dans le cas des enquêtes les plus sérieuses. Nous sommes un organisme où la décision est très centralisée.

    Deuxièmement, je suis chargé du côté opérationnel de l'organisation et je peux vous dire que la dernière chose que je souhaite, c'est d'administrer un organisme qui se limiterait à recueillir des renseignements et qui ne pourrait pas empêcher une catastrophe, parce que nous en serions alors responsables. Je puis aussi vous garantir que, si j'ai l'impression que nous flirtons un jour avec une telle situation, je n'hésiterai pas, sur les conseils du directeur, à confier le dossier à un organisme d'exécution de la loi, qu'il s'agisse d'un corps policier, de l'immigration, de l'agence frontalière ou de qui que ce soit d'autre. Je crois que nous faisons preuve de beaucoup de jugement dans la façon dont nous tirons l'alarme.

    Cela dit, ce que vous venez de dire découle peut-être des vieilles critiques qui ont été formulées au sujet de notre relation avec la GRC. Il arrive souvent que les critiques soient fondées. Le Canada s'en portera mieux si nous continuons à administrer ce genre d'opération plutôt que d'y mettre à un moment donné.

+-

    Le président: Merci, monsieur Neufeld.

    Monsieur MacKay.

+-

    M. Peter MacKay (Nova-Centre, PCC): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Neufeld, je vais vous donner un petit conseil. Quant un député du côté gouvernemental vous demande si vous avez besoin de plus d'argent dans votre budget, répondez oui.

    Je suis heureux de vous accueillir tous les deux et je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation et de nous parler aussi franchement.

    J'ai deux questions bien précises à vous poser, questions qui sont assez larges.

    Monsieur Judd, félicitations pour votre nomination. J'ai apprécié votre exposé, surtout pour la partie traitant de l'évaluation du risque qui pèse sur les Canadiens, pour votre appel à la vigilance et pour la reconnaissance de nos obligations internationales. Êtes-vous d'accord avec le jugement plutôt radical qu'avait posé votre prédécesseur, Ward Alcock, quand il avait déclaré que la question n'était pas de savoir si ce pays allait subir un attentat terroriste, mais plutôt « quand ».

    Êtes-vous d'accord avec lui?

+-

    M. Jim Judd: Comme je le disais en réponse à une autre question, les simples probabilités m'amènent à penser comme lui.

+-

    M. Peter MacKay: J'ai une question au sujet de la hiérarchie en place. Le Bureau du conseil privé a un secrétariat chargé du renseignement de sécurité et, comme vous le savez, il y a sans doute un monsieur là-bas qui tient le BCP au courant de certaines activités et de certaines opérations.

    Comment voyez-vous votre relation avec le secrétariat du Conseil privé et quand communiquez-vous des renseignements à ce bureau? Est-ce ainsi que vous envisagez la communication de renseignements au BCP? Est-ce le seul canal de communication?

+-

    M. Jim Judd: Non, le Bureau du conseil privé a, dans ses rangs, un conseiller en sécurité nationale auprès du premier ministre —

+-

    M. Peter MacKay: Mais je crois comprendre que ce poste est vacant.

+-

    M. Jim Judd: Il sera libéré un peu plus tard au printemps quand le titulaire actuel, M. Wright, s'en ira.

    Le SCRS donne un exposé quotidien à M. Wright sur des questions exigeant une réaction immédiate mais, en plus, M. Wright peut s'appuyer sur un secrétariat chargé de l'évaluation du renseignement et sur un secrétariat de la sécurité et du renseignement avec qui nous travaillons de façon régulière, comme avec les autres parties du gouvernement, comme la GRC, sur toutes ces questions.

+-

    M. Peter MacKay: La communication au quotidien est assurée par l'intermédiaire du secrétariat, mais il peut y avoir des occasions où vous-même et M. Wright ou celui qui le remplacera plus tard, êtes appelés à donner des exposés directs. N'est-ce pas?

+-

    M. Jim Judd: Oui.

+-

    M. Peter MacKay: Ma prochaine question va concerner votre mandat.

    Compte tenu des nouveaux pouvoirs qui ont été conférés à votre ministère et de l'intention visée qui est de recueillir des renseignements et de prévenir... cela fait évidemment partie intégrante de ce mandat, si j'en crois la déclaration de l'ancien greffier adjoint du Conseil privé, Richard Fadden, qui a dit que le SCRS n'avait pas un mandat suffisant pour aller recueillir des renseignements à l'étranger et qu'il dépendait des autres pays pour obtenir des renseignements de sécurité. En avril dernier, l'actuelle ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a déposé un rapport intitulé « Protéger une société ouverte : La politique canadienne de sécurité nationale ». Dans ce rapport, il est question de ce problème et l'on mentionne ceci : aucun changement n'est proposé pour l'instant aux structures et mandats actuels des organes de sécurité et de renseignement du Canada ». Ce rapport a été déposé en avril dernier.

    Toutefois, la semaine dernière, la même ministre qui a comparu devant le Comité sénatorial chargé d'examiner la Loi antiterroriste a déclaré que, si le SCRS recueille effectivement des renseignements étrangers, ce n'était pas un secret qu'il devrait faire davantage sur ce plan.

    La question que je vous adresse est destinée à mettre un terme à cette confusion qui entoure la question de la collecte du renseignement étranger. Je vous concède que vous êtes nouveau dans le poste, mais selon vous, quel est le mandat du SCRS en matière de collecte du renseignement étranger? Sur quel fondement législatif vous appuyez-vous?

    Plus important encore — et ma question s'adresse également à vous, monsieur Neufeld — y a-t-il quelque chose que le SCRS devrait faire en plus? Plus précisément, faudrait-il créer un organe distinct, comme nous l'avons vu aux États-Unis avec le FBI et la CIA, une organisation particulière qui serait chargée de recueillir le renseignement étranger?

    Ma question était longue et elle porte sur beaucoup de choses, mais j'aimerais que vous y répondiez.

º  +-(1655)  

+-

    M. Jim Judd: Bien sûr.

    Je commencerai par apporter une petite précision terminologique pour faire la distinction entre renseignement de sécurité nationale et le renseignement étranger. Le SCRS recueille des renseignements qui concernent la sécurité nationale à l'étranger, depuis assez longtemps, en recourant à différents moyens et il continue d'agir ainsi. Je crois que ce que voulait dire la ministre dans sa déclaration au Comité sénatorial et ailleurs, elle voulait sire qu'il serait intéressant pour le gouvernement et pour le pays que le SCRS fasse plus que ce qu'il fait actuellement.

    Je ferai ici une distinction par rapport à la collecte de renseignements étrangers à l'extérieur du Canada. Notre mandat actuel en matière de renseignement étranger nous limite à la collecte de renseignements concernant l'étranger mais à partir du Canada, ce qui revient à dire, que nous recueillons des renseignements sur les intentions et les activités des gouvernements étrangers. Nous n'avons pas légalement pour mandat de faire cela à l'extérieur du Canada.

    Je crois que la ministre parlait du désir que nous avons de faire plus dans la façon dont le renseignement de sécurité nationale est recueilli à l'étranger, plutôt que de collecter des renseignements étrangers comme tels.

+-

    M. Peter MacKay: Dans la même veine — et je ne veux pas vous mettre dans la position où vous devriez divulguer quoi que ce soit ni faire une quelconque référence tombant dans la rubrique des renseignements protégés ou à caractère sensible — mais vous êtes sûrement au courant des préoccupations qui ont été exprimées dans la presse la semaine dernière, au sujet de la sécurité des barrages sur le Saint-Laurent, la Manicouagan et dans la Baie James.

    Sans parler de cette situation en particulier, est-ce que le SCRS s'est dit préoccupé par la situation des sources d'énergie du Canada, comme les sables bitumineux et les pipelines, ou est-ce qu'il a évalué des menaces pesant sur ces sources d'énergie? Enfin, est-ce que nos alliés ont exprimé des craintes relativement à la vulnérabilité de ces autres sources d'énergie?

+-

    M. Jim Judd: Pour répondre à votre deuxième question, non, pas à ma connaissance.

    Pour répondre à la première question qui concerne toutes les infrastructures essentielles du Canada, notamment les sources d'énergie, les réseaux d'approvisionnement et les systèmes de transport, entre autres, il est évident que c'est un aspect dont s'occupe tout principalement le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. C'est ce ministère qui se charge de ces questions au premier chef, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et les administrations municipales. Je ne crois pas me tromper en vous disant que notre ministre a organisé une réunion il y a quelques semaines à laquelle ont participé tous les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de ces domaines pour s'assurer que tous les ressorts au pays mèneraient une action concertée sur ce plan.

    Je crois que le SCRS peut effectuer une partie du travail à cet égard, mais c'est essentiellement le ministère en général qui s'en occupe.

»  +-(1700)  

+-

    M. Peter MacKay: Convenez-vous que, dans les situations qui concernent les infrastructures essentielles ou les sources d'énergie particulières dont nous avons parlé, le plus important, c'est la prévention. Avez-vous eu vent de préoccupations particulières quant au risque d'attentats terroristes qui auraient pour objet de détruire ou de mettre hors service des infrastructures essentielles?

+-

    M. Jim Judd: Je ne sais pas s'il pèse actuellement des menaces particulières sur ce genre d'infrastructure. Comme vous-même et d'autres le savez, nous avons eu d'énormes problèmes sur ce plan à l'occasion de la tempête de verglas et, plus tard, de la panne d'électricité en Ontario, il y a deux ans environ. Je ne pense cependant pas que des terroristes aient été associés à ce dernier incident.

+-

    M. Dale Neufeld: L'une des conséquences intéressantes, c'est que nous contrôlons maintenant tous les employés de l'industrie nucléaire au Canada. Il s'agit d'une mesure de précaution qui a été adoptée ensuite.

    Je crois que d'autres signes nous indiquent que les terroristes envisagent de lancer des attaques contre des centrales nucléaires, attaques qui auraient des conséquences spectaculaires et très graves à long terme. Je dois cependant vous préciser que je ne vois rien de dangereux en ce qui concerne les barrages et les oléoducs au Canada ou d'autres installations du genre. Cependant, je crains que les terroristes ne soient en train d'acquérir de l'expérience dans le domaine, puisqu'ils font régulièrement sauter les pipelines irakiens, ce qui m'amène à penser qu'ils savent bien comment s'y prendre et quel effet obtenir.

+-

    M. Peter MacKay: Toutefois, vous n'en êtes pas au point où vous jugez nécessaire de tirer la sonnette d'alarme à ce sujet.

+-

    M. Dale Neufeld: Je suis beaucoup trop prudent pour vous dire cela. Je pense que toute cible non protégée pourrait être facilement attaquée et j'estime que beaucoup de celles que vous avez mentionnées appartiennent à cette catégorie. Elles sont vulnérables.

    Cela dit, pour autant que je sache, il est sans doute beaucoup trop tôt pour prendre des mesures exceptionnelles à Ottawa, mesures qui seraient essentiellement symboliques. Nous savons que les terroristes se sont intéressés au métro de Montréal et au train GO à Toronto que j'estime être des cibles plus immédiates.

+-

    M. Peter MacKay: Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Chers collègues, en votre nom je tiens à...

+-

    M. Serge Ménard: Monsieur le président.

+-

    Le président: Excusez-moi, je ne pensais pas que quelqu'un d'autre voulait poser des questions.

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Votre rôle est essentiellement de prévenir les actions terroristes. Or, lorsque, dans ce genre de circonstances, vous obtenez la preuve que des actions illégales ont été commises, votre rôle n'est pas de poursuivre les responsables.

    Est-ce que vous les rapportez à la police, preuve à l'appui, ou est-ce que vous ne faites rien du tout?

[Traduction]

+-

    M. Jim Judd: Dans de telles circonstances, nous nous tournerions vers les organismes d'exécution de la loi, la GRC ou un autre corps policier.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Vous savez que monter un dossier pour la cour et y envoyer des officiers pendant plusieurs jours peut être très coûteux. En fait, vous ne faites pas fréquemment ce genre de chose.

    Je ne sais pas combien d'argent par année vous consacrez à cela, mais ce doit être une somme négligeable. Vous laissez cela à la police.

[Traduction]

+-

    M. Jim Judd: Je répondrai en deux parties à votre question. Nous avons déjà dépensé beaucoup d'argent dans les procédures légales, pas nécessairement devant des tribunaux, mais pour comparaître devant des juges de la Cour fédérale afin d'obtenir des mandats et pour d'autres activités que nous jugions nécessaires dans le cadre de notre travail. Il y a également eu des cas où des agents du SCRS ont témoigné dans le cadre de procès criminels au Canada et à l'étranger.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais vous demander si, selon vous, des groupes canadiens visant des changements politiques importants au Canada constituent une menace terroriste.

    Vous consacrez-vous plutôt à des actions terroristes qui menacent l'ensemble des pays libres?

»  +-(1705)  

[Traduction]

+-

    M. Jim Judd: Je vous dirais, monsieur, que nous avons plutôt tendance à nous intéresser à la menace générale qui pourrait peser contre n'importe quelle partie du Canada ou du monde, plutôt qu'aux menaces qu'occasionnerait un changement politique au Canada.

+-

    M. Dale Neufeld: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Nous consacrons la grande majorité de nos ressources à la lutte contre le terrorisme. La vaste majorité de ces ressources est aussi consacrée à l'étude de la menace internationale.

    Cela dit, nous consacrons une toute petite partie de nos ressources à ce que nous pourrions appeler la menace intérieure. Celle-ci peut émaner de particuliers ou de groupes qui pourraient être tentés d'invoquer la menace d'une violence grave obéissant à des motifs politiques.

    Je vais vous donner deux exemples situés à chaque extrémité du spectre envisageable. Il y a, par exemple, des suprémacistes blancs qui occupent un peu de notre temps. Ils ne représentent pas une menace grave au Canada, mais dans certains cas, ils sont à la limite. Nous avons aussi quelques préoccupations à cause des Autochtones qui peuvent décider que la violence est la meilleure façon d'agir, notamment quand ils veulent faire sauter des bateaux de pêche ou conduire ce genre d'action. Cela tombe également dans notre domaine de compétence.

    Ainsi, ces deux exemples se situent à l'extrémité du spectre politique. Nous avons de la chance. Le 49e parallèle signifie beaucoup pour nous. L'extrémisme au Canada est un problème très mineur en ce qui nous concerne par rapport à ce qui se passe aux États-Unis, par exemple.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: La situation a déjà été différente, par exemple il y a 20 ou 30 ans. Donc, si je comprends bien, ce genre de chose n'existe plus.

[Traduction]

+-

    M. Dale Neufeld: Notre loi précise — et c'est peut-être là où vous voulez en venir, monsieur — les quatre parties de notre mandat, elle indique ce sur quoi nous pouvons faire enquête et il y a aussi le paragraphe 2d) qui nous donne pour mandat de lutter contre la subversion. Depuis 1988, nous devons obtenir l'approbation du ministre pour enquêter sur tout groupe subversif, sur tout élément subversif. Or, aucune demande du genre n'a été adressée au ministre depuis 1988.

+-

    Le président: Chers collègues, on me rappelle que nous devons aller voter à 17 h 30 et que la cloche raisonnera à 17 h 15.

    Je vais devoir vous interrompre, monsieur Ménard.

    Monsieur Comartin, pour une brève question, sans quoi nous allons devoir laisser votre motion de côté et la remettre à un autre jour.

+-

    M. Joe Comartin: Nous ne voudrions pas ça, monsieur le président.

+-

    Le président: Non.

+-

    M. Joe Comartin: En fait, je vais envoyer à M. Judd une lettre qui comportera la question que j'entends lui poser. J'aimerais qu'il me réponde rapidement.

+-

    Le président: Pourriez-vous en adresser copie à tous les membres du comité? Ça va? Bien.

    Merci, messieurs Judd et Neufeld. Nous avons été contents de vous accueillir comme premiers témoins dans le cadre de cette importante étude que nous venons d'entreprendre. Comme plusieurs de mes collègues l'ont laissé entendre, nous avons hâte de collaborer avec vous et nous vous félicitons pour votre nouveau poste à la tête du SCRS. Si, pour une raison ou une autre, vous estimez nécessaire de revenir devant notre comité n'importe quand dans le courant de la prochaine année, n'hésitez pas à le faire et sachez d'avance que vous entendrez aussi parler de nous.

    Merci. Les témoins sont libérés.

    Chers collègues, nous devrions tout de suite passer à la motion de M. Comartin.

    Monsieur Comartin, je veux revoir cela très vite avec vous. Cette motion a été dûment distribuée. Nous l'avons dans les deux langues officielles. Elle concerne essentiellement les deux grands thèmes sur lesquels nous nous sommes entendus, en principe.

    Monsieur Comartin, voulez-vous intervenir sur cette question... Voulez-vous que nous passions au vote ou que nous en fassions une résolution?

+-

    M. Joe Comartin: Je tiens à préciser à l'intention de mon collègue, M. Wappel, qui n'aimait pas tous les « attendu que », que ces termes sont là parce que je dois faire passer ce document devant le comité plénier de la justice; je sais que tous les membres du comité connaissent l'origine de cette motion, mais pas ceux du comité plénier, raison pour laquelle nous avons tous ces « attendu que ». Très franchement, sachez que j'aurais été prêt à les retirer si cela s'était passé entre nous.

»  -(1710)  

+-

    Le président: Puis-je considérer que cette motion a été lue? Y a-t-il débat ou discussion? Tout le monde est en faveur?

    (La motion [voir le procès verbal] est adoptée)

-

    Le président: La séance est levée.