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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 058 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 juin 2007

[Enregistrement électronique]

(1150)

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, en ce mardi 12 juin 2007.
    Chers collègues, vous avez l'ordre du jour sous les yeux. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous aurons aujourd'hui deux groupes de témoins. Tout d'abord, nous accueillons Mary Eberts et Yvonne Boyer, deux conseillères juridiques de l'Association des femmes autochtones du Canada. Par la suite, nous recevrons Phil Fontaine, chef national de l'Assemblée des Premières nations.
    Je voudrais présenter mes excuses aux témoins pour l'interruption causée par les votes. Je veux savoir si les députés veulent prolonger cette séance, qui est censée finir à 13 heures, si nous le pouvons.
    Une voix: Je suis désolé, mais j'ai une réunion à 13 heures.
    Une autre voix: Moi aussi.
    Eh bien, nous n'avons besoin que de trois personnes pour pouvoir continuer. J'aimerais qu'on le fasse. Je sais que l'exposé des témoins de l'Association des femmes autochtones du Canada avait été interrompu la dernière fois, et nous aimerions leur donner suffisamment de temps pour parler. Nous pourrions peut-être leur céder la parole jusqu'à 12 h 30.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    Monsieur le président, voici ma suggestion.
    Je vais laisser mes collègues s'installer. Je vais attendre que vous obteniez la traduction, car c'est important. La traduction est importante, il va sans dire.
    Monsieur le président, on vient de recevoir un message nous annonçant que le président de l'Assemblée des Premières Nations, M. Phil Fontaine, ne serait pas présent aujourd'hui. On vient de nous faire parvenir cette information. Il serait remplacé par son directeur exécutif.
     Je ne sais pas ce qu'on a à notre horaire mais je sais qu'on siège jeudi, à moins que mes collègues du gouvernement ne nous annoncent le contraire. On pourrait peut-être recevoir les femmes autochtones aujourd'hui et prendre le temps qu'il faut jusqu'à 13 heures. On pourrait recevoir le grand chef Phil Fontaine jeudi, en première heure de séance. Cela ferait probablement l'affaire de tous.
    Je suis d'accord avec vous, monsieur le président. Je respecte trop les femmes autochtones pour ne pas leur accorder le temps qu'elles méritent. On pourrait peut-être poursuivre jusqu'à 12 h 30 ou 12 h 45, avec elles et jeudi, recevoir le grand chef des Premières Nations. J'en fais une recommandation.

[Traduction]

    Que souhaite le comité?
    Monsieur Bruinooge.
    Je maintiens une position que nous avions soutenue lors d'une réunion antérieure. J'avais alors expliqué la position de notre parti, c'est-à-dire que les témoins précédemment appelés avaient déjà présenté leurs observations sur ce projet de loi. À ce titre, nous aimerions passer à l'étude article par article. Notre position n'a donc pas changé.
    Madame Neville.
    Je crois qu'il est important pour nous d'entendre le point de vue de l'Assemblée des Premières nations. Je suis prête à rester aujourd'hui, si les députés le veulent. Sinon, je crois que nous devrions reporter cela à jeudi. Quoi qu'il en soit, je crois qu'il est impératif pour nous d'entendre le point de vue de l'Assemblée des Premières nations.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    À cause de tout le respect que j'ai — et j'ai énormément de respect —pour l'Assemblée des Premières nations du Canada et son grand chef, je dois dire que c'est ce dernier que je veux entendre. On nous annonce que c'est le directeur exécutif qui se présentera devant nous. Je voudrais entendre le grand chef des Premières Nations lui-même.
    C'est un projet de loi tellement important que je désire que ce soit lui qui se présente devant nous. Il serait peut-être disponible. Comme je vois que son directeur exécutif vient d'arriver, peut-être peut-il nous dire s'il serait disponible jeudi. On vient de nous annoncer — je viens de l'apprendre — que M. Fontaine ne serait pas avec nous ce midi. Je pense que c'est important qu'il soit présent et que ce soit lui qu'on entende.

[Traduction]

    Monsieur Bruinooge.
    Monsieur le président, mise à part la source d'information de M. Lemay, je ne suis pas sûr que nous ayons eu une déclaration officielle du chef national.

[Français]

    Il est là. On peut vérifier. La greffière peut vérifier en l'espace de deux minutes. On pourrait commencer à entendre les témoins.

[Traduction]

    D'accord.
    Personne n'a informé la greffière, avant le début de la séance, que le chef national Phil Fontaine allait être absent aujourd'hui.
    S'il arrive plus tard, je suis sûr que nous pourrions prendre des dispositions pour prolonger la réunion.
    J'ai demandé à la greffière de vérifier auprès des représentants de l'APN et, en effet, le chef national Phil Fontaine ne viendra pas aujourd'hui. Par contre, il y a ici des représentants. Les députés pourront donc leur poser des questions. Nous pouvons nous occuper de cette question durant la réunion d'aujourd'hui. Sauf avis contraire, c'est ce que la présidence fera.
    Nous entendrons les témoins de l'Association des femmes autochtones du Canada jusqu'à environ 12 h 45. Ensuite, ce sera au tour des représentants de l'APN qui sont ici maintenant. À moins que quelqu'un présente une motion pour procéder autrement, c'est ainsi que se déroulera la réunion d'aujourd'hui.
    Je demande donc aux témoins de faire leurs exposés. Vous avez environ dix minutes, après quoi nous vous poserons des questions. Merci de votre patience.
(1155)
    Merci beaucoup d'avoir prolongé notre temps de parole.
    Je m'appelle Yvonne Boyer et je suis l'une des conseillères juridiques de l'Association des femmes autochtones du Canada. Je suis accompagnée aujourd'hui par ma collègue, Mary Eberts. Je vais faire la déclaration liminaire, après quoi ma collègue et moi répondrons à vos questions.
    Mme Jacobs, la présidente, et Mme Ellen Gabriel ont comparu devant vous il n'y a pas si longtemps. Elles vous ont présenté, de façon assez détaillée, la position de l'Association des femmes autochtones du Canada sur ces questions. En guise de récapitulation, j'aimerais clarifier huit points tirés de leurs exposés. Je vais donc commencer par cela. Ensuite, nous aimerions parler de la position du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et celle de la Commission canadienne des droits de la personne.
    Tout d'abord, en ce qui concerne l'abrogation de l'article 67, nous voulons affirmer que nous sommes pleinement d'accord pour dire qu'il est grand temps de régler cette question. Mais, il faut une consultation valable comme première étape solide dans un processus qui évolue et qui se fait en collaboration.
    Le renforcement des capacités et l'éducation sont nécessaires. Il s'agit de facteurs essentiels dans les collectivités lorsqu'elles mettent en oeuvre leurs propres mécanismes de protection des droits de la personne. Ce que nous envisageons comme délai, c'est un minimum de 36 mois, depuis l'abrogation de l'article 67 jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi, afin de permettre une consultation adéquate et de mettre en place le renforcement des capacités et l'éducation.
    Il faut établir un équilibre entre les droits collectifs et les droits de la personne, sans compromettre l'un ou l'autre des deux volets. Au coeur même de cette question se trouve la résolution des conflits par les différents types de traditions juridiques autochtones qui permettent aux collectivités de décider de la meilleure façon de régler les conflits par elles-mêmes.
    Un mécanisme interprétatif est également très important pour guider l'application du projet de loi C-44. Le processus visant à décider du contenu des dispositions interprétatives serait abordé dans la période des 36 mois avant l'entrée en vigueur de la loi.
    En ce qui concerne la position du MAINC face à certains des principaux aspects, l'Association des femmes autochtones du Canada n'appuie pas la position du MAINC voulant que des consultations aient déjà eu lieu dans le cadre des diverses initiatives entreprises dans le passé pour abroger l'article 67. Nous affirmons respectueusement notre désaccord face à la déclaration selon laquelle des consultations importantes se sont déroulées au cours des 30 dernières années.
    De plus, la politique adoptée par le MAINC, c'est-à-dire que la Cour suprême du Canada n'offre aucune orientation en ce qui concerne l'obligation de consulter avant d'adopter une loi, va directement à l'encontre du récent rapport de la représentante ministérielle sur l'union matrimoniale et les biens immobiliers et les opinions juridiques qu'elle a recueillies —
    Voulez-vous que je ralentisse? Je suis en train de m'emporter.
    Dans le cadre de son rapport sur l'obligation de consulter, Wendy Grant-John, la représentante ministérielle, a recueilli des opinions juridiques sur cette question importante. En fait, à la lumière de ces opinions juridiques, elle a affirmé avec force que le Canada a besoin d'élaborer une politique sur la consultation et qu'il ne l'a pas fait.
    Dans son exposé, le MAINC a minimisé l'impact potentiel de l'abrogation de l'article 67 sur les premières nations, tout en admettant qu'il n'avait fait aucune analyse véritable de cet impact.
    Contrairement à sa position actuelle, le gouvernement avait exprimé plusieurs inquiétudes devant la commission La Forest. Ces inquiétudes sont indiquées dans le rapport de la commission de 2000, à la page 144, notamment : l'abrogation de la loi pourrait provoquer des représailles contre les plaignants ainsi que des coûts additionnels pour les gouvernements autochtones appelés à justifier leurs actes; une période de transition pourrait être nécessaire pour leur permettre de réviser leurs pratiques; de nouvelles poursuites contre le ministère pourraient avoir des effets préjudiciables sur la disponibilité des ressources destinées aux Autochtones; et les Autochtones, particulièrement les femmes, devront être formés en ce qui a trait à la revendication de leurs droits. Ces déclarations faites par le MAINC viennent donc contredire sa position actuelle.
    L'Association des femmes autochtones du Canada a fait une proposition bien réfléchie sur toutes ces questions, y compris la consultation, le renforcement des capacités, l'éducation et l'intégration des traditions juridiques autochtones en tant que fondement pour la mise en oeuvre des droits de la personne après l'abrogation de l'article 67. Le gouvernement n'a toujours pas répondu à la proposition de l'Association des femmes autochtones du Canada.
(1200)
    Je vais maintenant présenter le point de vue de l'AFAC sur les observations faites par la Commission canadienne des droits de la personne.
    La Commission canadienne des droits de la personne a recommandé que le délai minimal de 18 mois avant l'application de la loi aux premières nations soit prolongé de manière substantielle. L'AFAC appuie cette position, mais préfère un délai minimal d'au moins 36 mois.
    La Commission canadienne des droits de la personne aimerait voir une disposition interprétative, comme l'avait recommandé la commission La Forest en 2000. L'AFAC est d'accord pour dire qu'une disposition interprétative s'impose.
    Le 7 juin 2007, la Commission canadienne des droits de la personne a proposé un libellé pour cette disposition. Toutefois, l'AFAC n'appuie pas cette approche; elle juge qu'on devrait formuler le libellé final durant la phase de consultation qu'elle préconise.
    La Commission canadienne des droits de la personne souligne que jusqu'à présent, aucune nouvelle ressource n'a été attribuée pour appuyer les initiatives de la commission visant à engager des discussions avec les intervenants des premières nations ou à planifier la mise en oeuvre. L'AFAC estime que la nécessité de fournir des ressources pour le renforcement des capacités et la consultation se fait sentir de façon très urgente et qu'il faut y voir rapidement.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Avez-vous d'autres observations, madame Eberts?
    D'accord, nous allons passer aux questions.
    Madame Neville.
    Merci.
    Merci d'avoir accepté de revenir. Nous sommes très heureux que vous ayez pris le temps de répondre à notre demande. Il est important que nous sachions votre point de vue.
    Vous avez fait allusion à la Commission canadienne des droits de la personne et à sa disposition interprétative. En fait, ce qu'elle recommande, c'est un principe interprétatif. Avez-vous jeté un coup d'oeil au libellé que propose la Commission et que pensez-vous de sa version actuelle?
    Nous avons examiné le libellé proposé par Mme Lynch lorsqu'elle a comparu le 7 juin dernier. Nous avons quelques observations à faire, mais notre position fondamentale, c'est qu'il serait des plus appropriés que le libellé de la disposition interprétative soit élaboré en consultation avec les peuples autochtones qui seront assujettis à la loi.
    Cela dit, permettez-moi de souligner que la proposition d'une disposition interprétative porte uniquement sur les plaintes déposées contre les premières nations. Il se peut qu'une telle disposition interprétative soit également nécessaire dans le cas des plaintes déposées contre le gouvernement du Canada. Un des éléments qu'il serait utile d'examiner, c'est la question de savoir si la disposition interprétative devrait s'appliquer de façon générale ou uniquement aux plaintes déposées contre les premières nations.
    L'autre point que nous voulons faire valoir à propos de la disposition interprétative est un principe un peu plus profond, c'est-à-dire qu'on laisse toujours entendre que les droits de la personne sont en conflit avec les droits des collectivités. Lorsque la présidente Jacobs a comparu devant le comité pour la première fois, pour présenter les principales observations de l'Association des femmes autochtones du Canada, elle a dit que, non, ce n'est pas le cas, car les personnes sont des personnes dans des nations.
    Il est donc nécessaire de réconcilier les deux groupes d'intérêts. L'AFAC est fermement convaincue qu'une des façons d'y arriver, c'est de puiser dans les traditions juridiques autochtones. Une des choses que nous constatons à propos de la disposition interprétative proposée par la commission cette fois-ci, et qui a également été proposée par le juge La Forest en 2000, c'est qu'il n'y a aucune mention de l'utilisation des traditions juridiques autochtones pour résoudre certaines de ces questions.
    J'aimerais également dire qu'à l'article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il est indiqué que la loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet au principe que tous les individus ont droit à l’égalité des chances. Le libellé poursuit en disant : « dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société ».
    Nous avons déjà une certaine reconnaissance, même dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, que les personnes vivent dans le contexte d'une société. Il est vraiment important que nous reconnaissions ce principe chez les Autochtones en accordant une plus grande place, en termes de références et de recours, aux traditions autochtones.
    Au cours des 30 dernières années, nous n'avons eu aucune occasion d'appliquer les principes autochtones à la Loi canadienne sur les droits de la personne, car les Autochtones ont été mis à l'écart du mécanisme des droits de la personne. Ces traditions et ces mécanismes de règlement des différends sont empreints de beaucoup de sagesse qu'il faut appliquer à ces questions. Notre grande déception à l'égard du libellé proposé jusqu'à maintenant, c'est qu'il ne reconnaît pas les traditions juridiques autochtones.
(1205)
    Merci.
    J'aimerais souligner que John Borrows a publié quelques ouvrages fort remarquables sur les traditions juridiques autochtones, par l'entremise de la Commission du droit du Canada, qui sont accessibles sur le site Web et qui peuvent être très utiles.
    Pour poursuivre dans la même veine, nous avons entendu le ministre dire, à maintes reprises, qu'il veut donner aux premières nations, particulièrement aux femmes, les droits et les privilèges dont jouissent les autres Canadiens et Canadiennes. En vous écoutant parler des traditions juridiques et de la collectivité, je me demande si vous entrevoyez cette loi dans un tel contexte, c'est-à-dire fournir aux femmes autochtones les droits dont jouissent les Canadiens et Canadiennes non-autochtones.
    Un des principes cruciaux reconnus par notre Cour suprême en ce qui concerne l'égalité des chances et les mesures visant à contrer la discrimination en général, c'est que les personnes n'ont pas besoin d'être identiques pour qu'on les traite avec une dignité égale et avec un respect égal et pour qu'on fasse la promotion de leur égalité. On l'a souvent répété, dès la première décision rendue en 1989 concernant les garanties à l'égalité prévues par la Charte. Les Autochtones ne sont pas identiques, à tous les égards, aux autres Canadiens et Canadiennes. Si le gouvernement actuel soutient que la seule façon pour les Autochtones de pouvoir jouir des mêmes droits que les autres Canadiens et Canadiennes en vertu de la Loi sur les droits de la personne, c'est de renier leurs racines communautaires et leur identité, c'est inacceptable.
    Il est important, voire essentiel, que les liens communautaires et l'identité des Canadiens et Canadiennes autochtones soient respectés. C'est l'essence même des droits de la personne. Nous croyons donc qu'il est nécessaire d'adopter une approche ingénieuse à cet égard. Et, heureusement, notre Cour suprême a établi les principes fondamentaux mêmes qui nous guideront ici.
    Merci.
    Monsieur Lemay, vous avez la parole.

[Français]

    Bonjour.
    Bonjour, mesdames. J'apprécie votre présence.
    J'ai bien écouté ce que vous avez dit et j'ai une question très précise, ou presque. J'essaierai de parler de façon générale. Le débat qui nous occupe aujourd'hui est la raison pour laquelle nous vous avons demandé de revenir nous voir, et nous entendons vous écouter. Le débat est le suivant. Une question fondamentale se pose. Je vous assure que nous poserons la même question à l'Assemblée des Premières Nations. Plusieurs groupes se sont présentés devant nous et nous ont demandé une consultation au sens des arrêts de la Cour Suprême avant d'adopter le projet de loi C-44. Peut-être ai-je mal compris, je ne le sais pas, mais je veux vraiment être certain. Vous nous dites que vous seriez prêtes à voir la loi adoptée mais à la condition que des amendements prévoient une clause interprétative, un délai, etc.  On peut les relire et les évaluer afin de les inscrire dans le projet de loi. Ma question est très simple. Nous sommes partagés actuellement. Devons-nous interrompre nos travaux pour qu'une consultation additionnelle ait lieu ou devons-nous adopter le projet de loi — ou recommander son adoption — avec des amendements très précis? C'est le débat en ce moment. C'est la raison pour laquelle je vous demande votre opinion. Vous comprendrez qu'elle est extrêmement importante par rapport au débat à venir au cours des prochaines heures.
(1210)

[Traduction]

    Je peux comprendre pourquoi vous avez tant de difficultés avec ce débat. Vous voulez connaître notre choix ou notre avis sur cette question.

[Français]

    Je m'excuse. Je ne considère pas que ce que je vous demande est une consultation, mais je vous demande votre opinion. Que répondent les femmes autochtones du Canada — que vous représentez ici aujourd'hui — à la question que je viens de vous poser?

[Traduction]

    La consultation est un sujet qui nous tient à coeur. Nous avons fait une proposition très détaillée au gouvernement, à plusieurs reprises maintenant, au chapitre de la consultation et du renforcement des capacités, mais nous n'avons reçu aucune réponse. Selon nous, la simple abrogation de l'article 67 ne peut fonctionner.
    Quant à l'autre possibilité dont vous parlez — c'est-à-dire l'abrogation de l'article 67, accompagnée de quelques amendements très précis — nous estimons que les prescriptions de la disposition interprétative, par exemple, ne peuvent être établies sans consultation. Il faut une participation de la collectivité autochtone afin d'établir le libellé de la disposition interprétative avant de l'insérer dans la loi.
    Par conséquent, nous ne voyons pas comment il est possible d'apporter des amendements jugés efficaces sans procéder à la consultation.
    J'aimerais également ajouter que la Cour suprême a indiqué très clairement qu'avant qu'on touche aux droits ancestraux, il faut une consultation et ce, avec les titulaires des droits. Si tant est que la Cour suprême nous guide d'une manière quelconque, alors voilà ce qu'elle a dit.
(1215)

[Français]

    Je les ai lues, les décisions de la Cour suprême du Canada.
    Si on dit, dans un amendement au projet de loi, que le projet de loi C-44, qui abolit l'article 67, entrera en vigueur après —, il faut absolument qu'il y ait une clause interprétative, qui devra être définie avec les Premières nations. Je n'ai pas les mots exacts. C'est pour cette raison que je relisais la clause, et je vais vous la relire : « Dans toute question pouvant faire, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, l’objet d’une plainte contre une autorité autochtone, l’interprétation et l’application de la présente loi doivent se faire de façon à concilier les droits et intérêts individuels et les droits et intérêts collectifs. »
    C'est ce que la Commission des droits de la personne nous propose comme clause interprétative. Est-ce à ce sujet que vous n'êtes pas d'accord, c'est-à-dire au sujet de cette clause que je viens de vous lire?
    Elle protège les deux types de droits et d'intérêts.

[Traduction]

    Comme je l'ai dit à Mme Neville, nous croyons que le libellé final de cette disposition interprétative devrait être élaboré en consultation avec les premières nations et avec les Autochtones qui seront touchés par cette dernière.
    J'ai lu le mémoire de l'Assemblée des Premières nations et je sais, par exemple, que la disposition interprétative qu'elle propose est différente de celle de la commission; la disposition interprétative proposée par le juge La Forest, dans son rapport en 2002, diffère également de ce qui est proposé par la commission. Nous n'avons donc pas de consensus.
    Je crois qu'il est également très important de discuter du rôle de cette disposition interprétative au sein de la loi elle-même. Il y a certaines prescriptions qui se trouvent dans le code. Il y a certaines prescriptions qui constituent un moyen de défense. Il n'est pas proposé que cette disposition interprétative constitue un moyen de défense face à une plainte. La consultation pourrait mette en évidence certains types de défenses face aux plaintes qu'il importera d'inclure dans la loi.
    C'est une question compliquée et, même si nous comprenons certainement pourquoi la commission a proposé son libellé, nous croyons que le travail est toujours incomplet et que nous ne serions pas prêtes à ce que la loi soit adoptée avec une telle disposition, sans aucune consultation.
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à Mme Crowder.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais vous remercier de comparaître devant le comité.
    J'aimerais revenir à la question de la consultation. Il me semble que, dans un monde parfait, il y aurait une consultation, puis l'adoption de la loi et, enfin, une période de transition.
    Plusieurs témoins ont comparu devant le comité. Dans son témoignage, voici ce que Mme Mandell a dit :
Mais à quel moment, précisément, l’obligation de consulter prend-elle naissance? L’objectif de conciliation ainsi que l’obligation de consultation, laquelle repose sur l’honneur de la Couronne, tendent à indiquer que cette obligation prend naissance lorsque la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l’existence potentielle du droit ou titre ancestral revendiqué et envisage des mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur celui-ci.
    À mon avis, nous devons indiquer très clairement à quel moment il faut tenir une consultation. Faut-il la tenir avant l'adoption d'une loi, pour que celle-ci représente au mieux les personnes directement concernées et pour qu'elle reconnaisse les droits qui peuvent être touchés ou non, et être suivie d'une période de transition? Ou encore, faut-il la tenir après l'adoption d'une loi?
    Je sais que vous avez répondu à cette question, mais je crois quand même que les gens sont vraiment ambigus, parce qu'ils parlent de transition et de consultation. Il me semble qu'il existe, en réalité, deux processus consultatifs: il y a une consultation avant la loi, puis l'élaboration de la loi et, enfin, une période de transition où une consultation additionnelle peut être nécessaire.
    Pouvez-vous nous faire part de vos observations à ce sujet?
(1220)
    Voilà pourquoi il est très important d'avoir une politique en matière de consultation. Ces questions doivent être vraiment démêlées et tirées au clair pour que tout le monde soit sur la même longueur d'onde.
    Il me semble pourtant que, lorsque nous avons une loi qui peut potentiellement influer sur les droits — en fait, nous savons qu'elle le fera —, une consultation serait importante, même avec une période de transition, et je peux imaginer cette période de transition si nous parlons d'une disposition interprétative, nous parlons de ressources, de capacités et probablement de non-dérogation. Il me semble que la consultation devrait précéder l'élaboration de la loi. Je sais qu'en l'absence d'une politique en matière de consultation, cela peut être difficile, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous ne ferions pas la consultation en premier.
    Ce n'est certainement pas le cas, comme en témoignent les propos du MAINC devant le comité, à savoir qu'il y a déjà eu beaucoup de consultations sur l'abrogation de l'article 67. Ce n'est pas ainsi. Il est très important de savoir que l'article 67 a été intégré dans la Loi sur les droits de la personne parce que, dans les années 1970, on avait reconnu qu'il n'était pas approprié pour le gouvernement fédéral de changer la Loi sur les Indiens sans consultation. La raison pour laquelle le gouvernement a ajouté l'article 67, c'était pour empêcher la modification fragmentaire de la Loi sur les Indiens par le biais des plaintes liées aux droits de la personne. Si des modifications devaient être apportées à la Loi sur les Indiens, il voulait que cela se fasse en consultation.
    Dans ce contexte particulier, le gouvernement fédéral a reconnu, historiquement, qu'il s'agit d'une question qui nécessite une consultation. En réalité, j'aime bien la façon dont vous décrivez les deux phases de la consultation, car même après l'adoption de la loi avec une disposition interprétative satisfaisante, il y aurait quand même beaucoup d'activités au chapitre de la mise en oeuvre et du renforcement des capacités. Mais, si on a le choix, je crois qu'il est préférable de tenir d'abord une consultation sur le contenu de la loi.
    Une partie de l'argument qu'on nous a présenté relativement à l'obligation de consulter, c'est que rien n'oblige le gouvernement à consulter avant l'élaboration d'une loi ou que l'obligation de consulter s'applique uniquement lorsqu'il est question de ressources. Pourtant, lorsque je regarde le libellé proposé par les juges, ils parlent de l'existence potentielle d'un droit ou d'un titre ancestral. Il me semble que l'obligation de consulter devrait s'appliquer aux droits, et non seulement aux ressources.
    Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
    Lorsqu'on regarde l'article 35 de la Constitution, on parle des droits ancestraux et des droits issus de traités. Et pour ce qui est de toute forme d'empiètement sur l'un ou l'autre des deux groupes de droits prévus par l'article 35, ce point est crucial. Il s'agit, en fait, de l'argument principal. Bien sûr, la question que nous examinons, à savoir les droits de la personne, relève des droits ancestraux et des droits issus de traités.
    Il s'agit donc de droits qui sont protégés.
    Mary, voulez-vous poursuivre?
    Les causes portant sur l'obligation de consulter sont survenues dans différents contextes — qu'il s'agisse des ressources, de la construction de routes ou quoique ce soit d'autre. Toutefois, lorsque nous parlons des répercussions potentielles d'une loi sur les droits ancestraux comparativement à celles d'une loi sur la construction de routes, nous parlons ici de répercussions beaucoup plus importantes à long terme. Il ne semble pas logique d'avoir une obligation de consulter sur la construction d'une route alors qu'il n'y a pas d'obligation de consulter sur une loi qui touchera des millions de personnes.
    L'autre point que j'aimerais faire valoir, c'est qu'il y a un concept très important pour l'obligation de consulter: le concept de l'honneur de la Couronne. D'après la jurisprudence, les tribunaux ne peuvent intervenir dans le processus législatif. Lorsqu'un projet de loi est présenté à la Chambre, les tribunaux n'interviennent pas. Mais cela n'empêche pas d'appliquer l'obligation de consulter à la décision même du gouvernement de présenter le projet de loi. C'est toujours la Couronne qui agit et, en prenant sa décision de présenter le projet de loi, la Couronne doit agir conformément à son honneur et procéder à une consultation.
(1225)
    Merci.
    Passons maintenant aux députés du gouvernement. Qui veut prendre la parole?
    Monsieur Bruinooge, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'avoir accepté de nous faire part, une fois de plus, de leurs points de vue sur cette mesure législative importante. J'attends avec impatience le jour où, au Canada, les habitants des réserves qui jugent que leurs droits de la personne ne sont pas respectés auront l'occasion, au moins, de le dire à la Commission canadienne des droits de la personne. Espérons que cela ne tardera pas trop.
    Je vais commencer par poser quelques questions sur le sujet de la consultation. Je sais qu'il y a eu certaines observations —
    Madame Eberts, vous avez dit que la Cour suprême avait heureusement établi les principes de consultation qui nous guideront. Je crois que cette affirmation est discutable. Ce n'est pas ce que prévoit la loi du pays. Je veux dire par là qu'à l'heure actuelle, de peuples autochtones sont assujettis à la Loi sur les Indiens. Je trouve très difficile que si, par exemple, le gouvernement veut changer certaines parties de la Loi sur les Indiens — que bien des gens qualifient de loi déficiente —, selon la logique que vous avez présentée, il n'y ait rien que nous puissions faire, à titre de législateurs, pour aider les premières nations. Par exemple, pour les membres des premières nations qui vivent dans les réserves, qui estiment que leurs droits de la personne sont brimés et qui aimeraient avoir la possibilité de faire valoir leur point de vue devant la Commission canadienne des droits de la personne, nous n'avons pas le pouvoir, à titre de législateurs, de présenter une mesure législative.
    Je vois que ce n'est tout simplement pas le cas. Nous avons présenté une loi. En fait, c'est une bonne chose que d'étendre cette tribune aux membres des premières nations qui vivent dans les réserves. J'ai parlé à de nombreuses personnes qui aimeraient pouvoir défendre leurs droits devant une nouvelle tribune.
    Pour en revenir à l'élaboration d'une politique ou d'un processus de consultation, ma question générale est la suivante: comment cela fonctionnerait-il? Par exemple, je ne suis même pas sûr, d'après la logique que vous avez présentée, que le gouvernement pourrait même envisager... ou pas même le gouvernement — tous les gens dans cette salle ne pourraient même pas envisager d'élaborer, eux-mêmes, un processus consultatif ou d'essayer de le faire. Selon moi, il serait difficile de se mettre d'accord sur la façon dont le processus consultatif fonctionnerait.
    Par conséquent, y aurait-il même un point de départ dans le type de scénario dont vous parlez?
    Je crois qu'il y a deux points de départ. L'un a été décrit par la représentante ministérielle sur les questions liées aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, Mme Wendy Grant-John. Elle a signalé que le gouvernement du Canada doit établir une politique globale sur les consultations — quand il consultera, en quoi consisteront les consultations, etc.
    Je crois que vous avez établi à juste titre que le gouvernement ne peut pas élaborer unilatéralement cette politique sur les consultations. Il faudrait que la politique elle-même soit élaborée en consultation et, à mon avis, il est prématuré de conclure qu'il serait impossible de réaliser cette tâche.
    Lorsqu'on voit ce qui s'est passé dernièrement dans le cadre de la négociation de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, par exemple, le processus a été très vaste et compliqué. Même si les ententes sur l'autonomie gouvernementale qui ont été négociées sont longues et compliquées, on parvient quand même à les négocier. C'est la première chose que je pense. Nous vous recommandons fortement de suivre les observations faites par la chef Grant-John dans son étude.
    Dans le cas de cette question particulière, l'AFAC a également mis de l'avant une proposition sur le déroulement des consultations dans le contexte des réformes des droits de la personne. La proposition comporte plusieurs étapes.
    La première étape comprend une discussion, la rédaction de documents de travail et la création d'un groupe de réflexion. Le groupe de travail se pencherait sur l'accès à la justice et sur la conciliation entre les droits individuels et les droits collectifs dans les collectivités autochtones.
    Puis, il y aurait la discussion de ce groupe de réflexion, qui sera suivi d'une troisième étape de consultations régionales et nationales, de sensibilisation et d'engagement communautaire. Pour terminer, la dernière étape pourrait être, en fait, la réalisation de plusieurs projets pilotes sur le règlement des différends au sein des collectivités autochtones.
    Cette proposition a été soumise au ministère de la Justice, au ministère des Affaires indiennes et, je crois aussi, au ministre lui-même. Nous n'avons jamais eu de réponse.
    Vous avez de grands esprits ici qui réfléchissent à la façon de mener ces consultations. Tout ce qu'il faut, c'est que le gouvernement veuille s'engager.
(1230)
    Madame Eberts, lorsque vous faites une rétrospective des 30 dernières années, je crois qu'au fond, vous seriez d'accord pour dire que l'abrogation de l'article 67 est nécessaire. C'est votre point de vue, n'est-ce pas?
    Lorsque vous présentez la situation aussi mal, je dirais que l'abrogation de l'article 67 est nécessaire, mais non suffisante, comme diraient les scientifiques.
    Alors, peut-être avec —
    L'abrogation est nécessaire, mais non suffisante, car si vous ne faites qu'abroger l'article 67, un climat de tension, un chaos et un déséquilibre s'installeraient au sein des collectivités autochtones, car vous ne sauriez jamais quelles parties du cadre seraient menacées.
    J'ai été avocate plaidante pendant plus de 30 ans et je sais que lorsqu'une politique commence à être élaborée par voie judiciaire, vous gaspillez beaucoup de ressources dans le litige et il n'en reste plus pour élaborer ou mettre en oeuvre la politique. Ce n'est donc pas souhaitable.
    Merci.
    Nous allons passer au deuxième tour.
    La greffière vient de m'informer que le chef national Phil Fontaine pourra être ici à 12 h 45; il arrivera donc à cette heure-là.
    Nous allons maintenant passer au tour de questions de cinq minutes. Monsieur Russell, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président, et bonjour à vous deux.
    Votre témoignage semble être d'une importance vitale en raison de la façon dont le gouvernement a essayé de promouvoir ce projet de loi, c'est-à-dire en affirmant qu'il est le défenseur des droits des femmes autochtones. Voilà ce que le gouvernement dit : « Nous sommes les défenseurs des droits des femmes autochtones; par conséquent, nous devons faire en sorte que ce projet de loi soit adopté le plus tôt possible sans amendement. Nous devons le faire adopter ». C'est l'approche qu'il a adoptée.
    Puis-je poser quelques questions précises? Combien de temps s'est-il écoulé depuis que vous avez présenté au gouvernement fédéral une proposition sur des consultations efficaces? Quand l'avez-vous présentée?
(1235)
    Cela fait deux ans.
    Deux ans?
    Oui.
    D'accord. Et le ministre actuel est au courant de votre proposition de tenir une consultation sur l'abrogation du projet de loi C-44?
    Cette proposition a été présentée au ministère de la Justice. Je n'étais pas là quand la proposition a été discutée avec le ministère. J'étais présente lorsqu'il en a été question avec M. Ricard du MAINC l'été dernier. La proposition a d'abord été présentée au ministère de la Justice, puis a fait l'objet de discussions avec le MAINC, mais sans résultat. Puis, à une réunion avec le ministre qui a eu lieu en avril, je dirais, cette proposition a été soulevée encore une fois par la présidente et la directrice générale de l'AFAC. On a discuté de l'historique de la proposition avec le ministre et on lui a rappelé que la proposition avait été présentée au gouvernement, par l'entremise de la fonction publique, à plusieurs reprises. Il était donc au courant non seulement de la proposition, mais également de l'historique de cette proposition mise de l'avant par l'AFAC, qui n'a pas reçu de réponse.
    Vous n'avez reçu aucune réponse officielle depuis?
    Non.
    Rien du tout?
    Non.
    Croyez-vous que la consultation est un droit en soi?
    Oui.
    Elle est notre experte en consultation. C'est pourquoi je la regarde en ce moment.
    Non, je ne suis pas une experte. Il y a beaucoup de personnes qui possèdent une expertise en la matière, qui pourraient aider à régler la question.
    Le projet de loi semble cibler dans une certaine mesure les premières nations elles-mêmes et son incidence sur les gouvernements des premières nations.
    Prenons le scénario suivant. Si quelqu'un dépose une plainte contre les premières nations, combien d'avocats celles-ci auront-elles pour les défendre? Il y aura une défense si la plainte se rend à une certaine étape dans le processus. Comparez cela avec une plainte déposée contre le MAINC. Combien d'avocats le MAINC aura-t-il pour assurer sa défense face à certaines plaintes?
    Il semble y avoir un déséquilibre, certainement en ce concerne l'incidence que le projet de loi aura.
    Comment répondriez-vous à cela?
    Il semble y avoir un énorme déséquilibre dans l'incidence que le projet de loi aura. Le MAINC possède de grandes capacités en matière de litige, car il a ses propres avocats et peut aussi faire appel au ministère de la Justice et à des avocats de l'extérieur, au besoin.
    Et le budget du MAINC... Nous avons trouvé révélateur qu'en s'adressant à la commission La Forest, le MAINC dise lui-même qu'une poursuite judiciaire intentée contre lui en vertu de cette Loi sur les droits de la personne modifiée aurait pour effet d'enlever des ressources consacrées aux programmes pour les réaffecter au litige.
    Ce qui se produira, c'est que le MAINC va assurer sa défense avec l'argent des premières nations. L'argent qui servirait à l'assainissement de l'eau, au logement, à l'éducation et à la santé sera réaffecté au litige.
    En tant qu'avocate plaidante, je peux vous dire que dans les premières années suivant l'adoption d'un nouveau texte législatif, il y a toute la question de la cause type. Les gens ne savent pas ce que le projet de loi signifiera vraiment et il est donc tentant de porter le litige au niveau le plus élevé, ce qui coûte très cher.
    Nous allons passer au parti ministériel, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos deux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je ne crois qu'il est nécessaire de rappeler aux membres du comité le nombre de fois qu'on a tenté d'abroger l'article 67 depuis 1992. Ensuite, il y a eu le Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne en 1999 et en 2000. Tous les groupes qui représentaient les femmes autochtones à ce moment-là appuyaient fortement l'abrogation de l'article 67.
    Puis, le projet de loi C-7 a été présenté en 2002. D'après ce que je comprends, l'une des principales critiques formulées contre le projet de loi C-7 était l'imprécision de la disposition interprétative qui devait faire partie de ce projet de loi.
    Vous avez dit, madame Eberts, qu'il y a beaucoup de sagesse dans les traditions juridiques autochtones, et je suis certainement de cet avis. Je ne le contesterais absolument pas.
    Mais, compte tenu du nombre de premières nations partout au Canada, est-ce réaliste de penser que nous pourrons élaborer une disposition interprétative universelle alors que nous représentons un ensemble aussi varié de premières nations au Canada? Ce serait l'une de mes préoccupations puisqu'on a déjà formulé cette critique à l'endroit d'une tentative précédente. Comment pouvons-nous surmonter cet obstacle?
(1240)
    Je ne crois pas que la disposition interprétative précédente était le fruit d'une consultation non plus, alors vous ne pouvez pas exclure la possibilité que la consultation ne donnera pas lieu à une disposition qui a plus de poids et qui fait davantage l'unanimité.
    Par ailleurs, la consultation ouvrira la porte à d'autres solutions à certaines questions qui sont soulevées, ce qui serait très souhaitable, par exemple, pour appliquer la sagesse des mécanismes autochtones de règlement des différends à certaines de ces questions.
    Vous croyez vraiment que grâce à des consultations plus poussées, nous pourrions élaborer une disposition interprétative sur laquelle nous pourrions tous nous entendre, même s'il y a quelques instants, vous avez dit que la Commission canadienne des droits de la personne, l'Assemblée des Premières Nations et la commission La Forest — les trois — ont présenté trois propositions différentes. Je suppose que j'ai de la difficulté à partager votre optimisme face à la possibilité d'élaborer une disposition interprétative qui conviendrait à tous les différents groupes des premières nations, partout au Canada.
    Nous venons de mener à bien un processus relatif aux biens immobiliers matrimoniaux au cours duquel, pour la première fois, le MAINC, l'APN et l'AFAC ont travaillé ensemble afin de trouver des solutions. Si vous examinez le rapport de la représentante ministérielle, il n'y a pas eu de consensus total, mais il y a eu un consensus très large dans un certain nombre de questions cruciales. Il n'y a pas eu de consensus total parce que le gouvernement du Canada ne voulait pas accepter que le projet de loi reconnaisse la compétence inhérente des premières nations en matière de biens immobiliers matrimoniaux.
    Évidemment, les positions des gens à la table peuvent nuire au consensus, mais le gouvernement fédéral se doit de participer au processus de consultation d'une manière conforme à l'honneur de la Couronne.
    J'ai du mal à comprendre comment vous pouvez faire l'unanimité sur une telle disposition dans un groupe, peu importe la taille, que ce soit de 10, de 100 ou de 10 000 personnes. À mon avis, nous avons besoin d'avoir des consultations, de suivre un processus et d'écouter les gens pour qu'en bout ligne, quelqu'un, quelque part, prenne la décision.
    Je pense que vous pourriez retrouver cette pratique parmi les groupes des premières nations. Je suis certain que les groupes consultent leurs membres sur des questions qui se posent parmi eux, et pourtant, une personne ou un groupe quelconque est responsable à un moment donné de prendre une décision qui s'applique à l'ensemble du groupe et ce, même si une personne ou peut-être une famille n'est pas du même avis.
    Je ne sais pas si vous avez une réponse à cette observation.
    Dans la loi qui a été élaborée par la Cour suprême du Canada sur la question des consultations, la cour reconnaît que le consentement des personnes consultées sera requis dans certains cas pour avoir un processus de consultation, au bout duquel, si la question est suffisamment sérieuse et que les droits en cause sont assez importants, le seul résultat satisfaisant pour la consultation, sera le consentement du groupe. Toutefois, il y a d'autres points de vue bien différents et il s'agit tout simplement de trouver où vous devriez vous situer par rapport à une question particulière.
(1245)
    Merci.
    Nous allons conclure la période de questions maintenant et passer au témoignage suivant.
    Je tiens à remercier les témoins de leur temps. Veuillez m'excuser encore une fois d'avoir commencé la réunion en retard, mais il reste que la séance a été fructueuse. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant quelques minutes.
(1250)
    Pourrions-nous reprendre nos travaux, s'il vous plaît?
    Chers collègues, nous sommes prêts à entamer la deuxième partie de nos témoignages d'aujourd'hui.
    Nous accueillons le chef national Phil Fontaine. Il est accompagné de Mme Candice Metallic, avocate-conseil; de M. Richard Jock, chef de la direction; et de Mme Lisa Abbott, analyste des politiques.
    Nous remercions le chef Phil Fontaine d'avoir pris le temps de venir ici.
    Étant donné que nous avons commencé notre réunion en retard, nous allons poursuivre jusqu'à 13 h 30 ou 13 h 45, au plus tard.
    Monsieur le président, je signale que certains d'entres nous ont d'autres réunions et doivent partir. Nous ne le faisons pas par manque de respect.
    D'accord.
    Aimeriez-vous faire une déclaration, chef Fontaine?
    Merci. Je tiens également à remercier les membres du comité de me donner l'occasion de faire un exposé sur une question que nous considérons d'une importance vitale pour nous tous. Il ne devrait faire aucun doute que les chefs des premières nations se soucient et ont à coeur de protéger les droits de la personne pour tous nos citoyens. Nous sommes tous très dévoués à cette cause. Nous voulons offrir les mesures de protection les plus appropriées qui soient à tous nos citoyens : femmes, hommes, jeunes et aînés. En tant qu'organisme national, nous ferons tout en notre pouvoir pour nous assurer que ces mesures de protection sont en place pour tous nos citoyens, tant dans les réserves qu'à l'extérieur de celles-ci.
    Je crois qu'on mettait en doute notre engagement. Je tiens à préciser que la question nous tient beaucoup à coeur et qu'il est très important que vous sachiez que nous sommes dévoués à la cause. Nous avons exercé beaucoup de pressions pour nous assurer que toutes les mesures appropriées sont adoptées afin que le projet de loi C-44 reflète tous les intérêts des citoyens des premières nations et que peu importe la décision finale concernant le projet de loi C-44, les droits et les intérêts de tous nos citoyens ne sont pas compromis.
    Nous avons déjà dit très clairement que nous sommes très préoccupés au sujet des collectivités des premières nations qui vivent dans la pauvreté. Nous sommes très préoccupés par le fait que de trop nombreuses collectivités n'ont pas accès à l'eau potable; que trop de nos collectivités n'ont pas de bonnes écoles; que l'arriéré de logements est substantiel; que nous ne pouvons pas avoir accès à des soins de santé de qualité; que le nombre de suicides est encore beaucoup trop élevé; et qu'il y a un trop grand nombre d'enfants pris en charge —  27 000 enfants sont pris en charge à l'heure actuelle, majoritairement dans l'Ouest du Canada. Toutes ces questions sont directement liées aux droits de la personne de nos citoyens.
    L'eau, par exemple, est un droit de la personne. Ce droit a été bafoué et ce n'est parce que les chefs et les conseils sont corrompus, ou insensibles ou négligents à l'égard de leurs citoyens. Nous n'avons pas contaminé l'eau, alors je ne comprends pas pourquoi les gens continuent de blâmer les dirigeants pour cette situation. Nous n'avons pas créé la crise du logement à laquelle doivent faire face les collectivités. Nous n'avons pas exigé que le taux de chômage soit aussi élevé. La liste est encore longue et il est totalement injuste de continuer d'accuser les chefs et les conseils des premières nations d'être à l'origine de tous les défis que doivent affronter nos collectivités.
    Il faut dissiper l'idée que, pour une raison quelconque, nous ne nous soucions pas et n'avons pas à coeur de protéger les droits de la personne pour tous nos citoyens, car ce n'est pas le cas. Mais nous avons besoin de votre aide pour nous assurer que leurs droits sont protégées au même titre que ceux de tous les Canadiens. Ce n'est pas trop demander. À nos yeux, c'est une proposition claire et simple.
    Voilà pour le préambule de ma déclaration. J'avais préparé un exposé plus détaillé, mais je sais que vous manquez de temps. Je m'excuse d'être arrivé en retard et je sais que certains d'entres vous doivent partir. J'ignore comment vous voulez vous y prendre.
    Si vous me laissez le temps, j'aimerais soulever trois points qui sont d'une grande importance pour la discussion en cours.
(1255)
    Je résumerai rapidement les principaux amendements que nous avons proposés dans notre mémoire. Je dépose également une liste d'amendements qui, d'après nous, répondent le mieux aux préoccupations faisant consensus au sujet du projet de loi C-44 et exprimées par les témoins qui ont comparu devant le comité depuis un certain temps.
    La première question qui est à l'origine de toute cette discussion, c'est l'obligation de consulter. Inhérente à cette question est l'obligation de prendre en compte et d'atténuer les répercussions négatives sur les droits ancestraux et issus de traités ou les préjudices indus subis par les premières nations. Nous notons que ces éléments ne se retrouvent aucunement dans le projet de loi.
    Ensuite, il faut amender le projet de loi C-44 pour y ajouter des mesures afin de protéger les droits et les intérêts collectifs uniques propres aux premières nations.
    Enfin, le dernier point se rattache à la nécessité d'avoir des mesures de transition et de mise en oeuvre efficaces et appropriées.
    Je dois préciser que nous avons entendu les exposés des divers témoins qui ont comparu devant le comité. D'après nous, il est clair qu'on s'entend sur la nécessité de régler la question des droits de la personne pour les premières nations et d'abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous n'avons aucune hésitation à défendre cette idée. Toutefois, il est également devenu très clair que le projet de loi C-44, tant au niveau du processus que du fond, n'était peut-être pas été le meilleur moyen d'y parvenir.
    Je m'arrête ici.
(1300)
    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par madame Neville.
    Merci.
    Monsieur le président, je vais juste profiter de l'occasion pour répondre aux observations du chef national par un bref préambule pour affirmer que les membres de ce parti ne sont pas opposés aux droits de la personne ni à l'abrogation de l'article 67, comme on l'a dit à plusieurs reprises.
    Nos préoccupations ont trait au processus. À notre avis, le processus était vraiment loin de ce qu'il aurait dû être, mais nous n'avons jamais dit que nous étions contre l'objet du projet de loi C-44 et je tiens à ce que ce soit clair aux fins du compte rendu.
    Je vous remercie encore une fois d'être venu témoigner devant nous, chef national. J'ai un certain nombre de questions. Certains ont proposé de retarder l'adoption de ce projet de loi pour permettre une période de consultation. Comme vous le savez très bien, les autres propositions voulaient que l'on fasse adopter le projet de loi avec tous les amendements et toutes les dispositions appropriés dans le cadre d'un processus de consultation très long.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez et que vous me disiez quelle serait, d'après vous, la façon la plus efficace de régler cette question.
    Monsieur le président et membres du comité, il importe de souligner que le fait que nous préconisons de retarder ce processus pour permettre une consultation complète et appropriée de nos membres ne devrait pas être perçu comme une contradiction parce que nous avons recommandé que trois autres projets de loi soient étudiés attentivement en vue d'être adoptés. Nous sommes venus sur la Colline avec M. Suzuki et M. Barr et nous avons fait connaître notre position sur ces projets de loi.
    Nous avons exclu le projet de loi C-44 de notre position, car nous croyons qu'il doit faire l'objet d'une consultation complète. Nous estimons que le projet de loi, dans sa forme actuelle, est lacunaire et déficient et que nous devons en discuter plus à fond pour le corriger.
    Merci.
    Je suis en train d'examiner votre résumé de recommandations, que nous venons de recevoir. Parmi ces recommandations, vous parlez d'un examen opérationnel. J'aimerais que vous nous parliez de l'analyse que vous jugez nécessaire pour déterminer les répercussions potentielles du projet de loi et la façon dont vous voudriez que le comité en soit informé.
    Je vais vous en énoncer les grandes lignes, puis je vais faire appel à mon équipe de soutien compétente pour vous expliquer les détails techniques liés à votre question.
    Il est clair que la plupart des gens reconnaissent que nos collectivités sont dans une situation très difficile. Idéalement, ces collectivités seraient en mesure de protéger les intérêts de tous leurs citoyens, qu'il soit question de logement, d'eau, de santé, d'éducation — nommez le programme ou le service —, et ces programmes et services seraient assurés de la façon la plus appropriée et la plus efficace possible.
    Compte tenu de notre situation actuelle, de la crise du logement, du fait qu'il y a trop de collectivités des premières nations qui doivent respecter des avis d'ébullition d'eau et que nous avons encore du mal à atteindre des taux de réussite en éducation comparables à ceux de l'ensemble de la société, nous devons nous assurer que la capacité au sein de nos collectivités des premières nations est telle que tous nos gouvernements des premières nations seront en mesure d'offrir des services gouvernementaux efficaces, justes et équitables à tous leurs citoyens.
    Cela devrait être une préoccupation majeure de ce comité et, à vrai dire, de la Chambre lorsqu'elle étudie les effets et les incidences du projet de loi C-44 sur nos collectivités. Il est assez clair que si le projet de loi était adopté dans sa forme actuelle, cela placerait nos dirigeants dans une situation absolument injuste et nous serions jugés selon des critères complètement injustes. Les Canadiens croient à l'équité; les Canadiens ont le sens de la justice. S'ils connaissaient les dangers inhérents à ce projet de loi dans sa forme actuelle, ils ne l'appuieraient pas.
(1305)
    Merci.
    Je suppose que je n'ai plus de temps.
    Non.
    Nous allons poursuivre avec M. Lemay.

[Français]

    C'est au tour de M. Lévesque.
    Bonjour, monsieur Fontaine. Je suis heureux de vous revoir. Bienvenue.
    Je me souviens qu'il y a une semaine maintenant, on a souligné le deuxième anniversaire d'un engagement du gouvernement à consulter les premières nations au sujet de tout projet de loi ou de toute modification qui amèneraient des changements à la vie des membres des premières nations. On a un projet de loi devant nous. Vous nous dites qu'il est important d'avoir des modifications, des consultations et des amendements. Une question nous préoccupe fondamentalement aujourd'hui. Doit-on appuyer le projet de loi en essayant d'apporter des amendements ou préférez-vous — comme plusieurs nous l'ont demandé — qu'on retarde son adoption et qu'on s'assure d'avoir les consultations et toutes les dispositions pour la protection des premières nations dans le cadre d'un nouveau projet de loi qui reflète votre vision? Il est fondamental pour nous de le savoir. Nous devons savoir où vous vous situez.

[Traduction]

    Monsieur le président, je dirai très rapidement que ce serait acceptable si les amendements proposés représentent substantiellement le point de vue consensuel des témoins qui ont comparu devant le comité et si vous partagez leurs préoccupations, à savoir que le projet du loi C-44, dans sa forme actuelle, comporte des lacunes et n'offrirait pas une protection juste à nos gens parce que nos gouvernements ne seraient pas en mesure de leur offrir cette protection en raison d'un manque de capacités. Mais s'il est évident que nous avons besoin de plus de temps pour vous donner amplement l'occasion de réfléchir à la validité, à la légitimité et à la pertinence de nos amendements proposés pour rendre ce projet de loi aussi efficace qu'il devrait l'être, alors c'est ce que nous demanderions au comité d'examiner.
    Il importe de noter certaines considérations techniques concernant le projet de loi qui font qu'il nous est extrêmement difficile de l'accepter dans sa forme actuelle.
    Richard.
(1310)
    J'aimerais juste ajouter que peu importe la version finale du projet de loi, les facteurs opérationnels resteront. Nous estimons qu'il serait prudent et parfaitement logique d'effectuer un examen des préparatifs pour déterminer ensuite s'il y a effectivement eu préparation et que les questions liées ressources ont été présentées comme prévu. C'est une façon de régler ces questions tout en continuant d'aller de l'avant.
    Nous croyons que nos amendements renforceraient toute approche adoptée et mettraient un accent accru ou peut-être un accent plus ciblé sur la consultation. Nous croyons que c'est une façon de faire qui permettrait aussi de réduire les répercussions négatives imprévues sur les collectivités qu'ont entraîné d'autres projets de loi, tel que le projet de loi C-31, ainsi que quelques-unes des autres approches. On a présumé que ces projets de loi n'ont pas eu de répercussions, mais ce n'est pas le cas en réalité. Il ne s'agit pas de réflexions négatives sur le contenu du projet de loi; il s'agit uniquement de conséquences imprévues et non planifiées de mesures législatives.
    Monsieur Lemay, vous avez deux minutes et demie — pas plus.

[Français]

    Mon collègue a été précis. Je vais l'être encore plus. J'ai entre les mains vos projets de modifications. Je viens de les lire en français et en anglais. Si on les incluait dans le projet de loi C-44 et qu'on amendait celui-ci, seriez-vous satisfaits? C'est ce que je veux savoir.

[Traduction]

    Nous serions certes plus satisfaits qu'avec ce que nous avons en ce moment. C'est certain.

[Français]

    Grand chef, il est certain que le projet de loi C-44, tel que rédigé, ne sera pas adopté. Nous allons proposer des amendements. Si vous êtes d'accord, nous allons utiliser les vôtres. De cette manière, seriez-vous satisfaits?

[Traduction]

    Nous serions certainement plus satisfaits.
    Merci.
    Madame Crowder.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de comparaître devant le comité aujourd'hui.
    À mon avis, le meilleur scénario possible comporterait des consultations, des mesures législatives prévoyant des consultations et une période de transition appropriée. Je crois comprendre qu'un deuxième scénario consisterait à présenter les amendements proposés.
    J'aimerais que vous abordiez deux points. Le premier est que tous les amendements, je suppose, devront être adoptés pour que le projet de loi soit satisfaisant. Le deuxième point est que dans d'autres cas d'adoption de ce genre de projet de loi suivie d'une période de transition, les ressources et les capacités n'étaient pas toujours disponibles pour permettre aux nations de pouvoir répondre. Je me demande si vous pourriez développer ces deux points.
    Je vais répondre très rapidement sur un point. Puis je demanderai à Candice Metallic de parler des aspects plus techniques liés à votre question.
    Rappelez-vous du projet de loi C-31. On nous avait dit, lorsqu'il a été déposé, qu'aucune collectivité des premières nations n'en souffrirait. Aussi bonnes qu'aient été les intentions quand il a été déposé, son effet immédiat a été de compromettre sérieusement la capacité des gouvernements des premières nations à confronter en toute loyauté et justice ses effets. Nous sommes très inquiets que le projet de loi, sous sa formulation actuelle, aboutisse à des résultats semblables ou même pires.
    Avant de m'adresser à Candice, vos propos ne présentent-ils l'argument selon lequel il faut tenir des consultations avant de déposer un projet de loi?
    C'est ce que nous avons dit. Nous avons exprimé nos préoccupations dès que le projet de loi a été déposé. Ce qui nous est particulièrement difficile à accepter c'est qu'il s'agit d'une fausse accusation que nous avons dû endurer et qu'en quelque sorte le problème a été causé par des chefs et des conseils — dominés par des hommes — qui voulaient causer du tort aux femmes en particulier. Nous savons que cela est faux et que c'est tout simplement injuste de le dire. Je tenais à le dire.
(1315)
    Je pense que la position de l'Assemblée des Premières Nations a toujours été que dans un monde idéal, on commence par des consultations. J'ai eu le privilège de vous entendre poser des questions sur ce point aux représentantes de l'Association des femmes autochtones. Je suis d'accord avec vous sur l'approche que vous proposez concernant les consultations, la loi prévoit aussi ce processus, c'est-à-dire de commencer par des consultations. Mais, le rôle de la Couronne est de toujours consulter, et je pense que c'est très important. Ils ont l'obligation permanente de consulter dans les divers processus et au cours des étapes de l'élaboration de la politique administrative.
    Étant donné les circonstances créées par le projet de loi C-44, nous avons beaucoup réfléchi à la position que devrait prendre l'Assemblée des Premières Nations. Nous avons remanié nos amendements de façon à prolonger la période de transition à 36 mois. Nous avons essayé d'y inclure la consultation. C'est la raison pour laquelle nous l'avons prolongée à 36 mois. Pour avoir une période d'examen dans un délai commençant immédiatement et se terminant dans 18 mois au plus tard afin que ces consultations puissent se tenir et qu'il y ait un examen et une évaluation opérationnels pour assurer aux premières nations la capacité nécessaire visant à mettre leurs édifices, leurs politiques et leur loi à la hauteur des normes répondant aux exigences de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Mais aussi pour trouver des façons selon lesquelles les gouvernements des premières nations peuvent assurer la protection des droits de la personne de manière générale.
    Il faut donc que nous considérions un processus à deux étapes et nous en avons tenu compte en remaniant les amendements.
    Il vous reste encore deux minutes et demie.
    Donc, d'après ce que vous dites, tous les éléments se trouvent dans les amendements proposés.
    Je voudrais revenir encore une fois aux consultations, juste pour un instant. J'ai aussi posé cette question à l'Association des femmes autochtones, car je pense que c'est une question importante étant donné que l'on prétend qu'il n'y a pas d'obligation de tenir des consultations pour les projets de loi ou les droits, mais seulement pour les ressources. Pourtant, l'article 35 et d'autres décisions judiciaires mentionnent des droits ou des titres ancestraux. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Il est vrai que les faits liés aux affaires judiciaires des tribunaux et particulièrement celles de la Cour suprême du Canada étaient axés sur la mise en valeur des ressources. Mais les tribunaux, dans la terminologie qu'ils ont utilisée pour définir l'obligation de consulter, déclarent, comme Mme Eberts l'a dit, qu'il y a obligation de consulter chaque fois qu'il y a un droit ou — il me semble que vous avez cité Louise Mandell dans votre question — chaque fois que le gouvernement sait ou est conscient qu'il y a un droit ancestral et qu'il envisage de prendre une mesure, législative ou politique, qui aura un effet négatif sur ce droit.
    Je crois que limiter les consultations seulement à la mise en valeur des ressources n'est pas une manière très honorable de décrire l'obligation de la Couronne.
    À notre avis, chaque décision que prend le gouvernement et qui a un effet sur les premières nations entre dans le cadre de l'obligation de consulter. Le gouvernement suit pratiquement tout ce que font les gouvernements des premières nations et chaque décision qu'il prend a une incidence ou un effet sur nos droits et nos intérêts.
    Si ce qui nous intéresse ici est une bonne politique gouvernementale, la question par elle-même exige que le gouvernement fédéral s'assoit avec nous pour nous parler très sérieusement. Autrement, la politique est imparfaite, tout bien intentionné que puisse être le gouvernement.
    Merci,
    La parole est à M. Bruinooge.
(1320)
    Merci beaucoup, et merci, monsieur le chef national, d'être revenu nous faire part de vos avis supplémentaires concernant cet important projet de loi.
    Je tiens aussi à vous féliciter car vous défendez l'élargissement aux premières nations de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il faut rendre à César ce qui appartient à César, et de toute évidence, c'est la position que vous avez toujours eue depuis votre première comparution devant le comité.
    Ma première question porte sur votre deuxième exposé. Je ne l'ai lu que brièvement et je me demandais si vous, M. Jock ou Mme Metallic pourrait souligner les changements éventuels par rapport à votre premier exposé.
    Je demande à Candice de le faire.
    Nous vous avons remis une analyse article par article du projet de loi. Le texte original du projet de loi est en italiques et nos changements sont en caractères gras. Donc, la plus grande partie de ce que nous avons fourni est identique à notre premier exposé. La disposition interprétative est la seule chose que nous avons changée.
    Nous avons rencontré des représentants de la Commission canadienne des droits de la personne avec lesquels nous avons eu plusieurs discussions sur la meilleure façon d'approcher l'élaboration d'une disposition interprétative. En essayant d'arriver à un consensus avec la Commission canadienne des droits de la personne, nous avons convenu de souligner un principe qui serait inclus dans la loi, la Loi canadienne des droits de la personne. Nous avons essentiellement utilisé le principe que nous a proposé la Commission canadienne des droits de la personne et nous l'avons modifié pour assurer l'incorporation des traditions juridiques et des lois coutumières dans le principe interprétatif afin d'accorder toute l'importance nécessaire aux coutumes traditionnelles utilisées par les premières nations pour régler leurs différends impliquant la Loi canadienne des droits de la personne.
    Il me semble que le principe interprétatif proposé par la Commission canadienne des droits de la personne est conforme au libellé présenté par tous les critiques de l'opposition ainsi que par le gouvernement. Je crois qu'ils ont aussi indiqué qu'ils vous ont rencontré et je pense que vous venez de le dire. Vous suggérez que le libellé qu'ils ont proposé pourrait être inclus de manière satisfaisante dans tout amendement qui pourrait être présenté.
    Notre position est qu'une version modifiée de ce qu'ils ont proposé serait acceptable à condition que des politiques et des lignes directrices supplémentaires fassent l'objet d'autres consultations avec les premières nations.
    Où se trouve la disposition modifiée dans le document?
    Au paragraphe 3, « Disposition interprétative » :
S'agissant d'une plainte déposée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne à l'encontre d'un gouvernement de première nation, y compris d'un conseil de bande, d'un conseil tribal ou d'une autorité gouvernementale administrant ou dispensant des programmes ou des services en vertu de la Loi sur les Indiens, la loi doit être interprétée et appliquée de manière à ce que, dans le règlement des litiges, toute l'importance nécessaire soit accordée aux traditions juridiques et aux lois coutumières des premières nations pour assurer un juste équilibre entre les droits et intérêts individuels et les droits et intérêts collectifs.
    Il y a ensuite une note explicative qui décrit essentiellement ce que je viens d'expliquer.
    D'accord. Donc à ce stade, à partir de la plus grande partie des renseignements que vous avez communiqués et de vos réponses à certaines des questions posées par d'autres membres du comité, en incorporant certaines de ses idées, il y a un intérêt à ce que cela passe à la prochaine étape du projet de loi, c'est-à-dire à devenir une loi du pays.
    Si tous les amendements que nous avons présentés sont pris dûment en considération, alors bien sûr, nous appuierons cet effort, à condition qu'il se poursuive avec l'avis unanime du comité.
    Je suppose, monsieur le chef national, qu'il est difficile pour les députés de se décider étant donné les diverses positions qui leur ont été présentées — celle de l'Association des femmes autochtones, bien sûr, et un certain nombre d'autres chefs régionaux qui ont aussi présenté leurs points de vue. Je pense donc qu'il sera difficile au comité d'incorporer tous les éléments que vous avez présentés compte tenu du fait que d'autres organismes ont des avis différents.
    En tant que député, je pense que la partie la plus difficile de mes fonctions est peut-être d'évaluer ce qui doit être incorporé, parce qu'on ne peut pas incorporer toutes les positions. Alors, avez-vous un conseil à me donner quant à la façon avec laquelle nous pourrions nous prononcer face à toutes ces diverses positions?
(1325)
    Il existe un consensus, celui ayant rapport au respect des consultations. En cas d'impossibilité d'arriver à un consensus ou à une position commune sur les amendements proposés, il incombe au comité de tenir des consultations appropriées et approfondies avec toutes les parties qui lui ont présenté des amendements.
    Il serait tout à fait injuste de ma part de venir ici et de suggérer que nos amendements sont les meilleurs. Dans une conversation en privé, je dirais probablement qu'ils le sont, mais en public...
    Les consultations sont absolument essentielles, et nous exhortons le comité à prendre la juste décision à cet égard.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Vous n'en avez malheureusement plus.
    Bien, nous sommes arrivés au terme d'une série complète de questions. Voulez-vous continuer?
    Monsieur le président, si le comité accepte que M. Russell ait une petite séance avant de continuer, pourrions-nous considérer cela comme...?
    Faites-le pour l'Accord atlantique.
    Des voix: Oh, oh!
    Veuillez rester dans le sujet. Je vous prie de ne pas oublier où vous vous trouvez.
    Monsieur Russell, vous pouvez poser votre question.
    Bonsoir, monsieur le chef national et bonsoir à votre personnel de soutien.
    Si le projet de loi est adopté sous sa formulation actuelle, sans aucun changement, pensez-vous, du point de vue du processus, qu'il y aura eu atteinte à l'obligation de consulter?
    Je l'ai dit plus tôt ici, nous nous trouverons dans une position très injuste. Nous serons traités différemment. Nos gouvernements seront traités différemment car ils n'auront pas suffisamment de temps pour étudier ce projet de loi. Tous les gouvernements au Canada disposent d'une période de transition de trois ans; il a été donné six mois à nos gouvernements pour entreprendre cette très importante tâche.
    Est-ce que des consultations appropriées, en fonction de leur structure, pourraient diminuer la période de transition?
    Par exemple, s'il y avait des consultations appropriées auxquelles pourraient contribuer toutes les diverses premières nations, les divers groupes d'intérêts et intervenants, et selon le type de questions posées, est-ce que la période de transition pourrait être réduite?
    Vous demandez 36 mois, mais disons que vous avez 18 mois ou une année de consultations et que vous arrivez à un certain consensus. Est-ce que cela pourrait réduire la période de transition?
    Notre proposition est fondée sur une certaine notion d'équité. Il faudra évaluer cela par rapport à ce qui est considéré juste par les autres gouvernements dans le contexte de la Charte. Ce processus a duré trois ans. Bien sûr, avant cela, il y a eu des consultations approfondies avec tous les gouvernements du pays. Cela ne leur a pas été imposé dans l'espoir que leurs gouvernements seraient prêts à répondre dans un délai très court pour donner cet effet approprié.
    On devrait au moins nous donner la même considération pour être sûrs que c'est bien géré.
    Il semble que de très nombreuses différences, qu'elles soient perçues ou réelles, existent entre les diverses premières nations. Les gens ont leur propre tradition, leur propre culture, leur propre langue; il ne s'agit certainement pas d'une entité homogène, à bien des égards. A-t-on envisagé une option de participation, indiquant qu'il y aura des négociations bilatérales avec les diverses premières nations portant sur la disposition de nom-dérogation ou la disposition interprétative? A-t-on envisagé une telle possibilité?
    Puis, si vous ne pouviez pas à arriver à cette disposition de déclenchement ou quel que soit son nom, il y aurait une disposition implicite. Ce pourrait être la vôtre, par exemple. A-t-on envisagé une telle possibilité?
(1330)
    C'est une idée intéressante. Je dois admettre que nous n'y avons pas songé. Je pensais que nous avions quelque chose de suffisamment détaillé. Nous pourrions y songer.
    C'est seulement une idée qui m'est venue à l'esprit. Le gouvernement semble penser que compte tenu du grand nombre de peuples et de groupes différents, il n'est pas possible d'arriver à un consensus même après des consultations? Supposons que des premières nations n'arrivaient pas à quelque chose qui soit conforme à la politique du gouvernement, des dispositions implicites, s'il y en avait, déclencheraient la mise en application.
    Je vous laisse le soin d'y réfléchir.
    La seule chose que je dirais... Ce n'est pas le même genre de problème que l'accord de règlement pour les pensionnats pour Indiens. Cet accord comporte une période de non-participation qui se termine le 20 août. il incombe à chaque survivant de décider si cet accord est juste et équitable. Sinon, le survivant peut choisir de ne pas participer. Si le survivant ne dit rien, alors l'accord de règlement est jugé tel qu'il est présenté — juste et équitable.
    Si je peux aussi répondre à cette question, je pense que c'est un concept intéressant et j'y ai personnellement songé.
    Mais je pense vraiment qu'en fin de compte ce sont les ressources qui sont importantes. S'il n'y en a pas pour assurer que les premières nations aient la capacité de le faire, une disposition de participation ne servirait donc à rien. Elle pourrait même être une source de frustration si les ressources nécessaires ne sont pas fournies.
    Je rejoins vos propos. quelque soit votre approche, participation ou on-participation ou toute autre expression de votre choix, les ressources sont nécessaires.
    Oui, les ressources sont essentielles.
    Je remercie les membres du comité.
    Je tiens à assurer le chef national Phil Fontaine que le comité a entendu beaucoup de témoins. Un grand nombre de témoignages — pratiques et juridiques, parce qu'il y a une différence — ont présenté des points de vue similaires. Je crois que c'est important pour nous.
    Selon un dicton, le leadership n'est pas d'arriver à un consensus, mais de le forger. je pense qu'il est important que nous forgions un consensus en nous fondant sur tous les témoignages. C'est ce que nous allons faire dans le proche avenir.
    Je vous remercie beaucoup pour votre temps
    Merci pour votre temps et votre attention. Vous avez été très patients avec nous.
    Chers membres du comité, la réunion de jeudi se tiendra à l'édifice La Promenade à 11 heures.
    La séance est levée.