:
J'ai minuté et je crois pouvoir faire ma déclaration en moins de 10 minutes.
Hélas, mon collègue, M. Ricard, a été retenu mais il devrait arriver bientôt.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de venir vous parler une fois de plus du projet de loi . J'aimerais aujourd'hui commenter certains témoignages que vous avez entendus. Par la suite, mes collègues et moi serons disposés à répondre à vos questions.
Comme vous le savez très bien, le projet de loi C-44 traite d'un principe important. Bref, il fera en sorte que tous les Canadiens jouiront du droit que leur procure la Loi canadienne sur les droits de la personne, la LCDP, de ne pas être la cible de discrimination. Le projet de loi donne suite aux demandes répétées pour que soit abrogé l'article 67 et éliminera un article discriminatoire qui se voulait au départ une mesure provisoire.
Parlons maintenant de l'équilibre précaire. Monsieur le président, votre comité aura très bientôt la tâche immense de déterminer la marche à suivre pour examiner, article par article, le projet de loi C-44, tâche qui sera assurément éclairée par la multitude de témoignages qui ont été déposés.
Les témoins ont abordé une vaste gamme de questions et fourni de nombreux points de vue différents. Je crois qu'il serait juste de dire que, dans bien des domaines, les témoignages recueillis n'ont pas dégagé un consensus clair. Il serait peut-être utile de clarifier certaines questions pour faire progresser vos travaux.
[Traduction]
Nous pourrions entre autres faire ressortir les commentaires sur la nécessité ou non d'insérer un article d'interprétation ou une disposition de non-dérogation. Il s'agit clairement d'une question majeure pour laquelle il n'existe aucune solution simple ou consensuelle, et autour de laquelle gravitent de multiples conceptions différentes.
Certains témoins prônent l'insertion d'une disposition de non-dérogation, d'autres préconisent des articles d'interprétation et d'autres encore soulèvent les deux méthodes ou utilisent la terminologie indifféremment. Quelques témoins suggèrent d'inclure une disposition dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et d'autres, notamment la Commission canadienne des droits de la personne, proposent que des lignes directrices soient élaborées en dehors du cadre de la Loi, de concert avec les communautés autochtones.
Il importe de faire la distinction entre ces deux types de dispositions. Par disposition de non-dérogation, on entend une disposition qui précise le rapport entre une loi et les droits ancestraux et issus de traités protégés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. La LCDP, comme toutes les autres lois, est d'office assujettie à l'article 35.
Comme l'a dit la Commission dans son rapport sur l'abrogation de l'article 67, il serait redondant d'intégrer dans la LCDP une disposition de non-dérogation faisant référence à l'article 35. En outre, une telle disposition pourrait se révéler problématique car les tribunaux risquent d'y voir une protection accordée aux droits ancestraux et issus de traités qui s'ajoute à celle prévue à l'article 35.
Contrairement à la disposition de non-dérogation, un article d'interprétation constitue un article de fond qui enjoint aux autorités ou aux tribunaux d'appliquer ou d'interpréter la loi d'une certaine manière. En ce qui concerne les plaintes fondées sur la LCDP qui sont dirigés contre les premières nations, cet article pourrait faire en sorte que, en vertu de la Loi, la discrimination et les moyens de défense soient interprétés en tenant compte des intérêts collectifs et culturels de la première nation.
Les avis sont partagés sur la question de savoir si une telle disposition devrait s'inscrire à l'intérieur ou à l'extérieur du cadre de la LCDP ou prendre la forme d'un énoncé de principe ou d'une disposition de fond. De plus, les diverses formulations proposées auraient des effets différents. L'expérience nous a appris que, même lorsqu'on tente de trouver un consensus, les articles d'interprétation finissent inévitablement par être libellés de manière générale et assez vague. La tâche de déterminer le sens précis d'un article d'interprétation reviendra donc au tribunal, ce qui engendrera des litiges dont l'objectif ultime sera de cerner les enjeux cas par cas.
À notre avis, pour les raisons que je viens d'évoquer, l'insertion d'une disposition de non-dérogation ou d'un article d'interprétation dans la Loi pourrait entraîner des contestations judiciaires aux conséquences incertaines et involontaires, notamment l'affaiblissement éventuel de la protection qu'apporterait l'abrogation de l'article 67.
De plus, nous ne croyons pas qu'une disposition de non-dérogation soit nécessaire et, pour éviter d'ajouter un article d'interprétation à la Loi, on pourrait demander à la Commission de travailler avec les premières nations et les autres communautés autochtones à l'élaboration de lignes directrices, de politiques ou de règlements appropriés qui veilleraient à ce que la Loi soit appliquée en tenant compte des besoins particuliers de ces communautés.
La politique d'embauche d'autochtones de la CCDP démontre très bien les pouvoirs que la Commission possède déjà afin de répondre aux besoins des autochtones.
[Français]
L'autre sujet que j'aimerais aborder aujourd'hui porte sur les préparatifs en vue de l'abrogation et sur les répercussions qui s'ensuivront. De nombreuses préoccupations ont été portées à l'attention du comité. Ce n'est sûrement pas l'intention du ministre ou du ministère d'alourdir le fardeau des premières nations en abrogeant l'article 67.
L'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne aux programmes fédéraux et aux premières nations n'est pas tout à fait nouvelle. Comme le professeur Chartrand l'a signalé dans son témoignage, la commission et les tribunaux ont réservé une interprétation étroite à l'article 67. Bien des activités qui se déroulent dans les réserves ou qui sont administrées par le ministère sont déjà assujetties à la LCDP. Même s'il est extrêmement important d'abroger l'article 67, nous ne devrions pas en surestimer les répercussions éventuelles.
La commissaire en chef, Mme Lynch, a affirmé que la commission traite actuellement plus de 40 cas par an. Le professeur Chartrand a conclu que les répercussions de l'abrogation seraient modérées. Nous ne prévoyons pas être inondés de plaintes, mais nous reconnaissons tous qu'il est impossible de prédire avec justesse le nombre de plaintes relatives aux droits de la personne qui seront dirigées contre les conseils de bande, car elles porteront sur des faits précis, seront motivées par la décision d'une personne de déposer une plainte si, par exemple, elle croit s'être fait refuser sans raison un emploi ou un service.
[Traduction]
Des garanties sont prévues afin de donner aux premières nations le temps de s'ajuster et de les aider à se préparer. Il s'agit du délai de six mois appliqué à l'entrée en vigueur de l'abrogation et des directives formulées par la Commission.
Comme vous le savez, le financement de la Commission fait actuellement l'objet d'ajustements pour lui permettre de s'acquitter des responsabilités élargies qui lui incomberont après l'abrogation de l'article 67. La Commission a lancé un programme national autochtone et elle entend instaurer des mécanismes de redressement dans le domaine des droits de la personne, lesquels tiendront compte des cultures et modes de décision diversifiés des premières nations du Canada.
Lorsque les représentants de la Commission témoigneront, vous voudrez peut-être discuter avec eux du travail qu'ils entendent réaliser dans le cadre de leur programme. Je suis certain que leur témoignage contribuera beaucoup à atténuer certaines appréhensions des groupes et membres des premières nations qui craignent de devoir être seuls à assumer l'incidence de l'abrogation.
Le projet de loi C-44 comporte en outre une mesure visant à examiner les conséquences involontaires que pourrait avoir son article 2. Cet examen obligatoire des effets de l'abrogation doit être effectué dans les cinq ans mais il pourrait l'être plus tôt si le comité parlementaire désigné le décidait. Le comité pourrait également exiger une réponse exhaustive du gouvernement à ses constatations.
Votre comité a entendu diverses opinions sur la durée de la période de transition. Même si bon nombre de témoins estiment que six mois ne suffiront pas, je crois que cette période est assez longue pour permettre aux premières nations de commencer à se préparer à une mise en oeuvre complète et pour donner à la Commission le loisir de travailler avec les communautés. Bien sûr, le travail avec les premières nations ne prendra pas fin à l'issue de la période de transition. Au contraire, il se poursuivra à mesure que les effets de l'abrogation se préciseront et que nous prendrons de l'expérience. À ce sujet, notamment, le ministre Prentice sera heureux de connaître vos recommandations après avoir entendu un éventail aussi large de témoins.
[Français]
Enfin, pendant les audiences du comité sur le projet de loi , les témoins ont pu formuler leurs préoccupations à l'égard de la nécessité de garantir la protection de leurs droits, traditions et cultures autochtones. Nous avons parfois eu droit à des témoignages passionnés. Je prends bonne note des préoccupations soulevées. Je tiens aussi à signaler qu'à l'exception de deux témoins, tous ont dit soutenir le principe de l'abrogation de l'article 67, prouvant ainsi l'immense désir d'éliminer cette exemption. Je tiens à dire bien respectueusement que tout changement envisagé au projet de loi C-44 doit être évalué en fonction de ce principe important et de l'urgence d'agir.
Une fois de plus, monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre invitation à venir témoigner de nouveau aujourd'hui. Mes collègues et moi sommes disposés à répondre à vos questions.
[Français]
Merci de votre accueil.
[Traduction]
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître à nouveau devant votre comité pour la conclusion de vos audiences.
Nous avons évidemment suivi vos débats de très près. Nous avons écouté et nous avons appris. Aujourd'hui, avant de répondre à vos questions, je souhaite établir un lien entre les principaux éléments de notre déclaration d'origine et certains des témoignages entendus depuis. Je souhaite également fournir une brève analyse de ce que nous pourrions appeler certaines idées fausses et préoccupations exprimées par d'autres témoins au sujet de l'incidence de l'abrogation.
Pour commencer, je veux établir le lien entre notre déclaration et les autres témoignages. Le 19 avril, nous avons présenté quatre éléments essentiel : nous appuyons l'abrogation immédiate de l'article; il importe de veiller à ce que notre Loi soit interprétée de manière à établir un équilibre adéquat entre les droits et intérêts individuels et les droits et intérêts collectifs; la période de transition, à notre avis, devrait être beaucoup plus longue que six mois et être d'au moins 18 mois; et il est essentiel que la Commission et les premières nations reçoivent un financement adéquat pour assurer la mise en oeuvre avec succès de l'abrogation.
À mon avis, les témoins ont confirmé la validité foncière de ces quatre éléments.
[Français]
Commençons par l'abrogation immédiate.
Presque tous les témoins qui se sont présentés devant le comité ont appuyé la nécessité de mettre en oeuvre un mécanisme de protection et de recours relatif aux droits de la personne qui soit propre aux premières nations. Cela n'est pas surprenant. Nous continuons à insister sur l'urgence de l'abrogation. Cela fait 30 ans que la commission demande l'abrogation de cet article. La Loi canadienne sur les droits de la personne a été modifiée plusieurs fois afin que la commission puisse continuer à protéger et à promouvoir les droits de la personne; toutefois, l'article 67 a toujours fait partie de la loi.
Trente ans, c'est bien trop long à attendre pour pouvoir avoir accès à la protection fondamentale des droits de la personne, une protection que tous les autres Canadiens et Canadiennes tiennent pour acquise. Le temps est venu d'agir. Il apparaît clairement que la question n'est pas de savoir si les premières nations devraient bénéficier d'une protection exhaustive des droits de la personne, mais plutôt quel est le meilleur moyen de mettre en oeuvre une telle protection.
[Traduction]
Vous avez entendu des témoins dire que la protection des droits collectifs et des droits individuels est reconnue par les premières nations comme une valeur nécessaire pour la bonne gouvernance et le bien-être de leurs membres, et qu'elle est conforme aux traditions et cultures des premières nations. Vous avez aussi entendu des témoignages éloquents et émouvants sur la nécessité de veiller à ce que les droits de la personne soient appliqués aux premières nations d'une manière compatible avec les droits autochtones existants et les droits issus des traités, ainsi qu'avec les cultures et les traditions des premières nations.
Quasiment tous les témoins ont souligné la nécessité d'élaborer un mécanisme adéquat pour atteindre l'équilibre recherché. À notre avis, l'une des méthodes consisterait à modifier le projet de loi pour y inclure un énoncé de principe devant guider la Commission et le Tribunal dans leur interprétation des plaintes formulées contre les autorités autochtones, et nous vous proposons aujourd'hui le libellé suivant :
Dans toutes les questions pouvant faire, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, l'objet d'une plainte contre une autorité autochtone, l'interprétation et l'application de la présente Loi doivent se faire de façon à concilier les droits et intérêts individuels et les droits et intérêts collectifs.
Une telle disposition serait conforme aux articles 15 et 16 de notre Loi. L'article 15 permet à la Commission et au Tribunal de prendre en considération, au moment de déterminer s'il y a eu une infraction à la Loi, certaines questions telles que les exigences professionnelles justifiées d'un emploi. Par exemple, refuser un emploi de pilote de ligne à une personne ayant une déficience visuelle serait discriminatoire en vertu de notre Loi, mais il s'agit d'une discrimination qui pourrait être justifiée par les exigences de l'emploi.
Dans leurs témoignages, le professeur Larry Chartrand et Mme Wendy Cornet ont fait référence à des arrêts judiciaires et à des décisions du Tribunal canadien des droits de la personne concernant les premières nations dans lequelles on a déjà équilibré les droits collectifs et individuels au moyen de l'article 15. Pour ce qui est de l'article 16 de notre Loi, il autorise les programmes spéciaux établissant une discrimination en faveur de groupes particuliers si leur objectif est de surmonter une discrimination passée.
Du fait des articles 15 et 16, la Commission et le Tribunal ont déjà une longue expérience de la conciliation des intérêts dans l'examen des questions concernant les droits de la personne. Pour concrétiser cet équilibrage entre les droits collectifs et individuels, la Commission s'est engagée à collaborer étroitement avec les premières nations et avec les autres parties prenantes, de façon continue. Le dialogue est essentiel avant de se demander si d'autres mécanismes tels que des règlements, des lignes directrices ou des politiques, ou une combinaison de ceux-ci, pourraient mieux nous aider dans le traitement quotidien des plaintes touchant les droits de la personne. Et, bien sûr, nous avons déjà entamé ce dialogue.
[Français]
Je vais maintenant parler de la période de transition.
Presque tous les témoins s'accordent pour dire qu'on a besoin de temps pour mettre en place la capacité et les processus nécessaires pour faire face aux enjeux éventuels en matière de droits de la personne dans les collectivités.
Certains ont fait remarquer que bien que leurs collectivités appuient les droits de la personne, elles ne comprennent et ne savent pas vraiment comment un système de recours applicable à ces droits pourrait fonctionner dans leurs collectivités.
On a insisté plusieurs fois sur le fait que les collectivités des premières nations avaient besoin de temps pour en arriver à un consensus et à une meilleure compréhension, deux éléments qui sont essentiels au fondement solide sur lequel on pourra construire un système efficace permettant de gérer et de régler les questions liées aux droits de la personne.
Ces témoignages ont confirmé notre conviction selon laquelle la période de transition prévue, soit six mois, est tout à fait insuffisante pour effectuer le travail requis. Il faudrait à tout le moins prévoir un délai de 18 mois avant que la loi ne s'applique aux premières nations. Il serait même préférable de prévoir une période plus longue.
Passons maintenant à la question des ressources.
Des témoins ont fait valoir la nécessité d'un financement approprié pour assurer la mise en oeuvre harmonieuse et le fonctionnement soutenu des régimes de droits de la personne destinés aux premières nations. À cet égard, les représentants du MAINC ont rappelé la reconnaissance par le gouvernement de cette nécessité et sa volonté de se pencher sur cette question, en excluant toutefois la nécessité d'intégrer ces considérations pécuniaires aux dispositions du projet de loi. La commission partage les préoccupations des premières nations, à savoir que la satisfaction des besoins en ressources découlant de l'abrogation ne devrait pas se faire au détriment d'autres priorités urgentes, tels le logement, la santé et l'éducation.
Comme nous vous l'avons signalé lors de notre dernière comparution, la commission a entrepris des discussions avec les représentants du gouvernement au sujet des besoins en ressources de la commission pour mettre en oeuvre l'abrogation de façon efficace.
Toutefois, au moment où l'on se parle, il n'y a toujours pas de nouvelles ressources allouées en appui aux projets de la commission visant à collaborer avec les intervenants des premières nations, ou à planifier la mise en oeuvre de l'abrogation.
Compte tenu du fait que les ressources demandées ne nous seront pas accordées avant l'adoption du projet de loi, nous devrons nous limiter à l'amorce à pas prudents de notre stratégie de liaison.
[Traduction]
La deuxième partie de mes remarques concerne l'incidence de l'abrogation et ce que j'appellerai la réalité et la perception.
Certaines idées fausses ont été exprimées durant vos audiences quant à l'incidence possible de l'abrogation. Par exemple, on a avancé l'hypothèse qu'une plainte adressée à la Commission pourrait entraîner des changements importants et avoir de profondes répercussions sur les gouvernements des premières nations. On a dit aussi que l'abrogation de l'article 67 mettrait en péril toute la structure des relations entre le gouvernement et les premières nations, ce qui entraînerait le démantèlement massif de la Loi sur les Indiens.
Il s'agit de questions sur lesquelles il est difficile à la Commission d'exprimer un avis et je vais donc en traiter avec beaucoup de prudence.
La Commission examine chaque plainte qui lui est adressée en se penchant sur son mandat législatif, la preuve avancée et la jurisprudence pertinente. Quoi qu'il en soit, afin d'aider les membres du comité à mieux comprendre le mandat législatif de la Commission et la manière dont elle fonctionne, je veux apporter les précisions qui suivent.
Premièrement, même s'il est important, le mandat législatif de la Commission est relativement restreint. Les droits de la personne revêtent de nombreux aspects, comprenant par exemple un large éventail de droits civils, politiques, sociaux, culturels, indigènes ou autres. Le rôle de la Commission est axé avant tout sur le droit de ne pas être victime de discrimination dans l'emploi et dans la prestation de services.
Deuxièmement, pour qu'une plainte soit examinée, elle doit reposer sur l'un au moins des 11 motifs précis que sont le sexe, l'âge, la couleur, l'origine nationale ou ethnique, l'état matrimonial, la situation de famille, l'orientation sexuelle, la déficience, la religion et l'état de personne graciée.
Il ne suffit pas d'affirmer que deux personnes ou groupes ont fait l'objet d'un traitement différent ou qu'un groupe a reçu un service de qualité ou de niveau différent d'un autre groupe. Pour que la Commission examine la plainte, il faut que le lien avec l'un des motifs ci-dessus soit démontré. Je précise à cet égard que la « condition sociale » n'est actuellement pas un motif illicite de discrimination.
Troisièmement, il existe bien des situations dans lesquelles une personne peut avoir le sentiment d'avoir été traitée de manière injuste. Elle peut penser que ses droits humains, au sens le plus large de l'expression, ont été transgressés ou qu'on a commis une erreur administrative à son égard. Bien souvent, ses allégations seront peut-être justifiées mais la Commission ne peut se pencher que sur les motifs de discrimination illicites qui sont énoncés dans la Loi. La Commission n'est pas un ombudsman et n'est pas habilitée à jouer ce rôle.
Quatrièmement, bien que le traitement de certaines plaintes puisse être long, litigieux et coûteux, c'est l'exception plutôt que la règle. La plupart des plaintes peuvent être réglées en moins de neuf mois. De plus, dans 27 % des cas, la plainte est résolue et, dans 28 % des cas, elle est rejetée parce qu'elle n'était pas fondée ou pour d'autres raisons. Finalement, 35 % des cas sont renvoyés devant d'autres modes de règlement ou ne sont pas recevables et seulement 10 % sont renvoyés devant le Tribunal, bon nombre étant ensuite réglés par la médiation.
Comme la Commission fait la promotion active de la résolution des plaintes sans recours au contentieux, la participation d'avocats reste minime. Beaucoup de plaintes, si ce n'est la majorité, sont réglées avant l'engagement d'une procédure officielle devant la Commission. En outre, celle-ci encourage vivement les employeurs à mettre en oeuvre leurs propres mécanismes internes de gestion des conflits.
Une autre question assez importante est l'impression erronée que notre mandat se limite au traitement des plaintes. L'un des aspects essentiels de notre stratégie de mise en oeuvre consiste à travailler avec les premières nations pour bâtir des mécanismes communautaires de règlement des différends et renforcer les mécanismes existants. Dans les approches modernes de gestion des conflits, de solides processus de plainte sont importants mais ils ne devraient être invoqués qu'en dernier essort. Notre vision des choses et notre mandat font de nous beaucoup plus qu'un système de traitement des plaintes. Le règlement officiel des différents, même s'il est important, devrait rester une partie relativement mineure d'un système global englobant aussi la prévention et l'éducation.
La situation actuelle offre un potentiel énorme d'élaboration d'un système exhaustif débutant avec une structure de résolution des différends offrant de multiples options de règlement, appuyé par d'autre processus et pratiques mettant l'accent sur les étapes initiales que sont la prévention de la discrimination et l'éducation.
Les principes essentiels devant être formulés devraient avoir pour objectif de favoriser une culture dans laquelle la résolution des conflits est considérée comme l'une des composantes permettant de créer des collectivités et des milieux de travail inclusifs et productifs.
L'établissement de systèmes intégrés de gestion des conflits touchant les droits de la personne permettra aux citoyens des premières nations de mieux comprendre leurs droits et la manière de s'en prévaloir, aux gouvernements des premières nations de mieux apprécier les droits qu'ils ont le devoir de promouvoir et de respecter, et à toutes les parties de collaborer pour prévenir la discrimination et résoudre les plaintes touchant les droits humains.
Sixièmement, s'il est vrai qu'une plainte pourrait amener à conclure que certains éléments d'une loi fédérale sont discriminatoires, il est peu probable qu'un tel jugement puisse jamais déboucher sur le démantèlement à la pièce de tout un régime législatif. Le rôle de la Commission est d'offrir des recours, pas d'être une entreprise de démolition. Un gouvernement faisant l'objet d'un jugement de discrimination aurait la possibilité d'en profiter pour revoir ses procédures ou ses lois et de les adapter pour qu'elles ne soient plus en conflit avec la LCDP.
En conclusion, permettez-moi de réitérer que la Commission respecte les collectivités et gouvernements des premières nations. Nous respectons le droit des premières nations à l'autonomie gouvernementale. Nous respectons leurs traditions juridiques, leurs lois coutumières et leurs systèmes de règlement des différends. Nous sommes résolus à oeuvrer avec les premières nations afin d'élaborer un système de droits de la personne favorisant et confortant ce respect et rehaussant la protection de ces droits pour tous les citoyens des premières nations.
J'espère que ces remarques sur vos audiences vous aideront à conclure vos délibérations très importantes sur ce projet de loi.
Mes collègues et moi-même répondrons avec plaisir à vos questions.