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La séance est ouverte. Bonjour, mesdames et messieurs.
Celle-ci est la dixième réunion du Comité législatif chargé d'examiner le projet de loi C-2. L'ordre du jour prévoit, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 27 avril 2006, l'examen du projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation.
Les témoins que nous accueillons parmi nous aujourd'hui sont des représentants du Commissariat à l'information du Canada. Il s'agit du commissaire à l'information, John M. Reid; du sous-commissaire à l'information, J. Alan Leadbeater; du directeur général, Enquêtes et révisions, J. G. D. Dupuis; et du directeur des Services juridiques, Daniel Brunel.
Bonjour, messieurs.
Monsieur le commissaire, cela fait de nombreuses fois que nous nous sommes entretenus avec vous. Vous savez ce que nous faisons. Si vous pouviez nous livrer quelques remarques préliminaires, je sais que les membres du comité auront des questions pour vous.
Merci d'être venus.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les membres du comité de l'occasion qui m'est ici offerte de collaborer à vos travaux concernant le projet de loi C-2.
Je vais traiter des dispositions de la Loi fédérale sur l'imputabilité qui viennent modifier la Loi sur l'accès à l'information.
Comme certains d'entre vous le savent, le 28 avril dernier, j'ai déposé au Parlement un rapport spécial faisant état de mes réserves au sujet du plan d'action du gouvernement pour la réforme de l'accès à l'information, dont un aspect est recouvert par les dispositions du projet de loi C-2. Les deux autres éléments du plan d'action du gouvernement en matière d'accès à l'information sont un document de travail sur la réforme de la Loi sur l'accès à l'information et la loi sur la transparence du gouvernement proposée, que le Commissariat a déposée en septembre dernier auprès du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique.
Un rapport spécial, qui vous a été remis, énonce ma position. C'est pourquoi mes remarques aujourd'hui seront brèves.
Depuis le dépôt du projet de loi C-2, le ministre Baird est sensible à mes préoccupations. Je lui sais gré, à lui comme au gouvernement, d'avoir accepté mes critiques du projet de loi C-2 dans l'esprit non partisan dans lequel celles-ci ont été formulées. Je m'inquiète de ce que le projet de loi C-2 propose d'ajouter dix nouvelles exceptions et deux nouvelles exclusions à la Loi sur l'accès à l'information, multipliant ainsi presque par deux le nombre de dispositions relatives au secret que renferme l'actuelle loi.
Je crains que ces deux nouvelles exclusions aient été ajoutées afin d'empêcher un examen indépendant des décisions de refuser la communication par la SRC et par Énergie atomique du Canada. Quels que soient les besoins légitimes en matière de secret de ces institutions -- et je comprends parfaitement que celles-ci aient des besoins légitimes en cette matière --, rien ne justifie l'interdiction d'un examen indépendant imminent de ceux-ci par le Commissaire à l'information et la Cour fédérale.
Je déplore qu'aucune des dix nouvelles exceptions au droit d'accès ne nécessite qu'on fasse la preuve, dans chaque cas, que la communication risquerait vraisemblablement de causer des torts ou des préjudices. L'objet même de la Loi sur l'accès à l'information est d'imposer aux institutions qui souhaitent garder l'information confidentielle le fardeau de justifier leur décision. Seule l'une des dix nouvelles exceptions applicables aux rapport sde vérification internes est limitée dans le temps; les documents visés peuvent être gardés secrets pendant 15 ans. Et seulement deux des nouvelles exceptions sont de nature discrétionnaire. Toutes les autres rendent le secret obligatoire, peu importe les circonstances, l'âge de l'information ou le fait que des raisons impérieuses, liées à l'intérêt public, militent en faveur de la communication.
Cette approche à l'égard de la modification de la Loi sur l'accès à l'information et de l'ajout d'institutions dans le champ d'application de celle-ci est contraire aux objets convenus de la Loi et ne servira à mon sens pas l'objectif global d'une plus grande responsabilisation par la transparence. À cet égard, le voile de secret dont le projet de loi C-2 revêt les projets de rapport de vérification et les documents relatifs à des méfaits dans l'administration fédérale s'avère particulièrement rétrograde.
Dans la lettre que j'ai adressée au comité le 9 mai 2006, j'apportais des propositions d'amendements pour régler les problèmes que j'avais relevés à l'égard du projet de loi C-2. Si vous voulez bien jeter un coup d'oeil sur la documentation que vous avez reçue, vous y trouverez des versions anglaise et française des lettres que j'ai envoyées au président. Si vous voulez bien suivre, je vais parcourir très rapidement les amendements proposés.
Le premier viserait à supprimer les exceptions très larges prévues aux articles 89, 147, 149, 150, 152, 172, 183, 189, et à des éléments des articles 222 et 225. Les modifications proposées sont tirées de la oi sur la transparence du gouvernement et prévoiraient une protection suffisante pour les renseignements sensibles visés par ces dispositions.
Ma deuxième recommandation serait de supprimer l'article 161, prévoyant l'exclusion de la SRC et d'Énergie atomique Canada. Les dispositions de la loi sur la transparence du gouvernement offriraient la protection voulue aux renseignements sensibles visés par l'exclusion en question.
Je constate qu'un grand nombre de réformes nécessaires à la Loi sur l'accès à l'information n'ont pas été prévues dans le projet C-2. Nous devons rendre obligatoire la création de documents, faire des documents confidentiels du Cabinet une exception au lieu d'une exclusion, préciser que les documents détenus dans les cabinets des ministres sont assujettis au droit d'accès, établir des critères pour l'ajout de nouvelles institutions au champ d'application de la Loi et prévoir la primauté de l'intérêt public.
Le gouvernement a plutôt décidé que ces éléments et les autres réformes proposées dans l'ébauche de la loi sur la transparence du gouvernement seront examinés par le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Il me tarde de travailler avec le comité ici réuni au dossier élargi de la réforme de l'accès à l'information.
Monsieur le président, moi-même et mes collègues sommes prêts à répondre aux questions des membres du comité.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Reid. Merci de votre exposé, et merci pour la documentation que nous avons reçue en prévision de cette séance. Cela nous a été très utile.
Je suis quelque peu confus. À la page 4 de la version française de votre mémoire, vous dites très clairement que vous déplorez « qu'aucune des dix nouvelles exceptions au droit d'accès ne nécessite qu'on fasse la preuve, dans chaque cas, que la communication risquerait vraisemblablement de causer des torts ou des préjudices, et que nombre d'entre elles, ou plutôt toutes les autres, à l'exception des deux que vous mentionnez, sont obligatoires, quelles que soient les circonstances. Une seule d'entre elles est limitée dans le temps. Il ressort très clairement pour moi que vous estimez en fait -- fort de vos connaissances, dirais-je, humblement, pour vous -- que ces amendements ne sont pas bons.
Je suis confus, car j'ai plusieurs fois à la Chambre entendu le président du Conseil du Trésor dire que vous vous aviez déclaré que c'était la loi la plus radicale ou la plus large -- je ne peux pas citer ses mots exacts -- que vous aviez jamais vue. En ce qui nous concerne, de notre côté, nous en déduisions que vous en étiez très content.
Je ne parviens pas à concilier ces deux commentaires.
Mais si vous permettez que je passe aux pages 13, 14 et 15 de ce petit mémoire...
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Je pourrais peut-être répondre, car c'est intéressant.
Lorsque je me suis entretenu avec le président du Conseil du Trésor, j'avais pris avec moi une copie de la loi sur la transparence du gouvernement, et je lui ai dit « Monsieur le ministre, si vous preniez cette loi et l'incluiez dans votre Loi fédérale sur l'imputabilité, alors tous vos problèmes seraient réglés en la matière, car cela résoudrait tout ». Lorsque j'ai fait cette déclaration au sujet de cette réforme radicale, je parlais du fait que le gouvernement, dans sa plate-forme, avait suggéré la concession au commissaire à l'information du pouvoir d'ordonner, chose que je n'avais pas demandée et contre laquelle je m'étais très souvent prononcé en comité, comme s'en souviendra le président. J'estimais qu'il s'agissait-là d'un changement radical.
J'avais supposé, sur la base de ce que j'avais entendu, que les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information que j'avais soumises au ministre allaient se retrouver dans la Loi fédérale sur l'imputabilité. Or, cela n'a pas été le cas.
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J'avais eu plus tôt une réunion avec le secrétaire parlementaire afin de discuter de questions relatives à la loi sur la protection des dénonciateurs. J'avais une invitation ouverte du président du Conseil du Trésor à aller le rencontrer pour que nous fassions un petit peu connaissance. C'est lors de cette rencontre, qui est intervenue bien avant... c'était début mars, et j'avais apporté avec moi une copie du rapport sur la loi sur la transparence du gouvernement et lui avais dit: « Écoutez, ceci règle tous vos problèmes; mettez simplement cela dans la loi et vous satisferez mes exigences et celles de tous les autres ». À partir de ce moment-là...
Il me faudrait dire qu'au même moment, le sous-commissaire, M. Leadbeater, avait rencontré la sous-ministre de la Justice pour lui livrer le même message: « Voici un exemplaire de la loi sur la transparence du gouvernement, et nous sommes prêts à vous rencontrer n'importe quand pour discuter avec vous de l'une quelconque de ces questions ».
Ni lui ni moi n'avons reçu d'appel du gouvernement. Nous n'avons eu aucune séance de breffage avant le dépôt du projet de loi. Nous n'avons bénéficié d'aucune séance de breffage depuis le dépôt du projet de loi.
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Les amendements que j'ai déposés auprès du président recouvrent les exceptions nécessaires s'agissant des renseignements devant demeurer secrets. Nous avons organisé cela de telle sorte que chaque exception s'inscrive dans les 13 qui sont là. Vous verrez qu'il y a à ces articles des amendements visant la clarté, ce de façon à veiller à ce que les renseignements devant demeurer secrets le demeurent bel et bien. Par exemple, vous y verrez un amendement particulier traitant du travail de journalisme et des programmes de la SRC.
L'autre chose dont il faut se rappeler est qu'en ce qui concerne les sociétés d'État qui seront assujetties à la loi, elles ne sont pas uniques s'agissant de ce qui doit être protégé. Il existe des analogies d'un bout à l'autre des systèmes. Par exemple, si vous vous préoccupiez de plans de commercialisation ou d'autres choses du genre, vous verriez que la Banque du Canada est là, vous vérifieriez que le ministère des Finances est là et ce serait la même chose pour la Monnaie royale.
Toutes les exceptions prévues par ces entités pour les renseignements très secrets qu'elles détiennent sont bien protégées dans la loi. Mais en cas de conflit, la loi prévoit le déroulement d'une enquête en bonne et due forme sous l'égide du commissaire à l'information. Ces amendements érigent une porte parfaitement fermée qu'il nous sera très difficile de franchir car dans bien des cas il n'y a aucun moyen pour faire sortir l'information.
Nous aimerions voir instaurer un système qui régisse ces sociétés d'État de la même façon qu'il régit toutes les autres sociétés d'État et tous les ministères fédéraux.
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Monsieur le président, les ébauches de vérification, les documents de travail de vérification et autres sont assujettis à la loi depuis 23 ans. Ils n'ont jamais été communiqués à moins de motif, alors il n'y a là rien de nouveau.
Cela ne nous pose pas non plus de problème de dire que la documentation relative à toute enquête devrait demeurer secrète au moins jusqu'à ce que l'enquête soit terminée. Cela est parfaitement logique, et nous sommes d'accord.
Il se présente néanmoins des occasions où il est nécessaire d'être en mesure de retourner en arrière et de retracer ce qui s'est vraiment passé. C'est pourquoi il devrait y avoir un critère de préjudice pour prouver qu'un grave préjudice serait causé si les renseignements visés étaient divulgués plus tôt. C'est ce qui a traditionnellement été fait dans tous ces autres cas. Par exemple, c'est cette règle qui est suivie pour la GRC et le SCRS. Toutes les agences de sécurité nationale du Canada sont recouvertes par la loi.
Avec cette loi, l'on tente en vérité d'essayer d'assurer une plus grande protection aux rapports de vérification qu'aux secrets pouvant être renfermés au sein de n'importe quel élément du gouvernement. Nous croyons tout simplement que ces documents devraient être traités de la même façon. Il devrait y avoir un critère de préjudice, et si de tels renseignements sont nécessaires, nous devrions avoir le moyen d'y accéder.
Je ne suis pas seul à être de cet avis. Le commissaire à l'intégrité en est lui aussi arrivé à la même conclusion. Il est parfaitement logique que l'on soit en mesure d'accéder à ces renseignements en cas de besoin. Un critère de préjudice protégerait tout le monde.
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Monsieur Reid, bonjour et bienvenue. Merci pour votre présentation.
J'ai lu avec intérêt votre déclaration préliminaire, mais aussi le rapport spécial que vous nous avez remis. Je vais vous lire certaines parties du rapport spécial que vous avez déposé fin avril. Si, par la suite, vous souhaitez intervenir pour dire comment le projet de loi C-2 peut être amélioré afin de corriger cette perception, interrompez-moi .
À la page 10 de votre rapport spécial, vous avez écrit, et je vous cite:
Si elle est acceptée, la proposition actuelle du gouvernement aura pour effet de réduire la quantité d'information accessible au public, d'affaiblir le rôle de surveillance du Commissaire à l'information et d'accroître la capacité du gouvernement de camoufler des agissements répréhensibles, de se protéger des situations embarrassantes et de contrôler la circulation de l'information destinée aux Canadiens.
Pour un projet de loi qui vise la transparence, il me semble que c'est assez accablant comme commentaire. Voulez-vous ajouter quelque chose, ou est-ce suffisamment clair?
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Je suis d'accord avec vous.
Plus loin dans votre rapport, vous dites:
Avec ses propositions, le gouvernement actuel aspire autant au « rêve bureaucratique » que le gouvernement Chrétien.
Vous ajoutez:
Rien ne témoigne mieux du pouvoir des forces du secret au gouvernement que le changement radical apporté en seulement quelques semaines aux promesses électorales du premier ministre concernant la réforme de la Loi sur l'accès à l'information. Quand il était chef de l'opposition, Stephen Harper a ridiculisé la décision du gouvernement Martin de publier un document de travail plutôt que de présenter un projet de loi visant la réforme de la Loi sur l'accès à l'information.
En terminant, vous dites:
En outre, le gouvernement propose de maintenir à jamais secrets tous les documents liés aux enquêtes sur les agissements répréhensibles du gouvernement.
Selon vous, le projet de loi C-2, qui se veut un projet de loi sur la transparence et la responsabilité, donnera complètement le résultat contraire si on l'applique tel qu'il est rédigé en ce moment.
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Monsieur le président, le coeur de tout régime d'imputabilité est l'ouverture et la transparence, et c'est ce qu'assure la Loi sur l'accès à l'information. Lorsque les documents ne sont pas disponibles, il y a alors confusion, il n'y a pas transparence et il y a peu d'ouverture.
C'est pourquoi je suis préoccupé par le libellé du projet de loi. En effet, il en résultera que les entités qui seront dorénavant sujettes à la loi -- et je songe aux sociétés d'État et à certains autres changements -- empêcheront les renseignements de sortir. Si nous n'allons pas pouvoir obtenir auprès de ces organismes plus de renseignements que ce que nous pouvons aujourd'hui trouver sur leurs sites Web, dans leurs états financiers ou autres, alors pourquoi les englober dans la loi? Il ne sert à rien de leur imposer la Loi sur l'accès à l'information s'il n'en résulte pas la communication de renseignements autres que ceux qui sont déjà disponibles.
Je suis également préoccupé par les articles se rapportant aux mandataires du Parlement, et tout particulièrement au commissariat que je dirige. Lorsque je suis devenu commissaire à l'information, j'ai découvert à mon étonnement que nous n'étions pas assujettis à notre propre loi. J'ai également été surpris de découvrir que nous ne sommes pas non plus assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ce qui s'est passé c'est qu'avant mon entrée en fonctions au commissariat mes prédécesseurs avaient automatiquement instauré un système en vertu duquel nous nous soumettions aux contraintes de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
J'estime que les mandataires du Parlement, vos agents, devraient être les plus ouverts et les plus transparents parmi toutes les organisations du gouvernement du Canada. Je pense que nous devrions montrer la voie en assurant ce genre d'ouverture et de transparence non seulement aux députés mais également au grand public.
Les dispositions du projet de loi, dans leur libellé actuel, ne permettront pas cela.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue, monsieur Reid.
Monsieur Reid, il me semble que vous avez dit dans l'un de vos articles qu'il est difficile de surestimer la place centrale qu'occupe la liberté d'information dans notre démocratie, que le public a le droit de savoir ce que le gouvernement fait de son argent et que cette idée est au coeur de tous les principes qui nous animent.
Les Conservateurs, pendant la campagne électorale, avaient promis de lever ce voile de secret à Ottawa. Nous en étions tous heureux et envisagions avec plaisir cette possibilité et c'est pourquoi je partage pour ma part la frustration qui est ressortie dans votre récent rapport. Nous étions tous déçus. Tout parlementaire aguerri sait que le renvoi de projets d'ébauche à un comité parlementaire n'est pas une façon de faire rapidement avancer un dossier ou adopter une loi. C'est en fait tout le contraire. C'est la mort par comité.
Même si nous sommes déçus et découragés du fait que le projet de loi C-2 ne comporte pas de changements significatifs en matière d'accès à l'information, vous nous avez à tous fourni une carte routière qui nous permettra d'au moins veiller à ce que le projet de loi C-2 ne soit pas néfaste, et alors qu'au Comité de l'éthique nous serons occupés à essayer d'élaborer une nouvelle loi sur l'accès à l'information, au moins nous ne serons pas en train de faire marche arrière; il n'y aura rien de rétrograde dans le projet de loi C-2.
Tout d'abord, je peux dire que ce sont des idées très modestes. Il n'y a certainement rien de radical d'après ce que je peux voir dans les huit recommandations que vous avez faites. Cela m'étonne cependant que vous n'ayez pas injecté au moins une nouvelle idée dans le projet de loi C-2 par suite de vos commentaires fréquents sur le manque de documentation et sur l'obligation de verser au dossier ce qui se passe afin que les renseignements soient à la disposition de ceux qui feront des recherches à l'avenir.
Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez choisi de ne pas ajouter cela à votre liste de huit recommandations et nous indiquer de quelle manière nous pourrions nous les y ajouter tout en maintenant la conformité avec le projet de loi C-2?
Je trouve cela très utile. Je tiens à vous féliciter, monsieur Reid, vous et votre équipe, d'avoir élaboré la loi sur la transparence gouvernementale à la demande du comité de l'éthique lors de la dernière législature. Il s'agit là de notre feuille de route pour l'avenir. Cela ne m'ennuie pas de déclarer publiquement que j'aimerais bien que nous en soyons là avec le comité ici réuni, de façon à pouvoir mettre en oeuvre le projet de loi C-2.
Je comprends les limites, bien qu'en tant que comité législatif nous n'ayons pas mis les amendements à l'épreuve pour voir jusqu'où nous pourrions aller tout en restant conformes. Je serais intéressé de savoir s'ils seraient prêts à accepter de tels changements de fond.
D'autre part, monsieur Reid, vous devez savoir que le comité de l'éthique, lors de la dernière législature, a produit un septième rapport juste avant que le Parlement ne s'arrête. Ce rapport demandait au gouvernement d'élaborer des lois sur la base de la loi sur la transparence du gouvernement. Il semble que chaque fois que l'on approche d'une réforme significative de l'accès à l'information -- dès que cela est à notre portée -- l'occasion passe et il faut alors attendre encore une autre décennie. Les ennemis de la véritable liberté d'accès à l'information sont d'une vigilance inébranlable et sont en permanence aux aguets, et dès que l'on est sur le point de démolir les barrières, ils se rassemblent à nouveau. Il semblerait qu'ils aient réussi à atteindre l'actuel gouvernement tout comme ils avaient atteint son prédécesseur, alors que nous étions tout juste sur le point de faire une percée importante.
Auriez-vous quelque commentaire à faire là-dessus?
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Merci d'être des nôtres.
J'aimerais discuter de certaines de ces prétendues « nouvelles exceptions » dont vous dites qu'elles seraient créées par la nouvelle Loi sur l'imputabilité. Vous avez déclaré que dix nouvelles exceptions ou exclusions vous préoccupent. C'est une erreur. J'aimerais passer en revue celles que vous avez énumérées.
Commençons par l'article 183, Loi sur la protection des renseignements personnels, et qui vise le Commissaire à la protection de la vie privée.
À l'heure actuelle, avec le statu quo, aucun des renseignements exemptés dans la Loi sur l'imputabilité n'est accessible -- rien. Vous ne pourriez pas accéder à ces renseignements si vous faisiez une demande d'accès à l'information aujourd'hui, avant l'adoption du projet de loi C-2. Il n'y a aucune nouvelle exception. Il y a un élargissement s'agissant du Commissaire à la protection de la vie privée. Nous avons ici une exception; vous parlez de l'article 222, Bureau de l'intégrité de la fonction publique. Il ne s'agit pas d'une nouvelle exception. Le Commissaire responsable de l'intégrité de la fonction publique n'est pas tenu, en vertu du statu quo, de répondre à une quelconque demande d'accès à l'information. Nous avons ici une autre exception, l'article 225. Il s'agit ici encore du Commissaire à la protection de la vie privée. À l'heure actuelle, le Commissaire n'est pas assujetti à la loi, alors il ne s'agit pas d'une nouvelle exception. Nous élargissons l'accès à l'information pour ce mandataire du Parlement.
Passons maintenant à l'article 147. Il s'agit là d'une exception relative à la Loi électorale du Canada. Encore une fois, ce sont là des exceptions qui sont créées du fait de l'élargissement de l'accès à l'information. L'exception pour le Centre national des arts n'est pas une nouvelle exception, étant donné que le CNA n'est pas couvert par la loi existante. Il n'y a à l'heure actuelle pas d'accès. Plusieurs de ces exceptions, dont je viens d'en énumérer six, ne sont pas nouvelles. Elles résultent du fait que nous ayons en vérité élargi l'accès à l'information. Avant l'introduction par l'actuel gouvernement de la Loi sur l'imputabilité, ces organisations n'avaient aucune responsabilité quant aux suites à donner aux demandes d'information. Aujourd'hui, elles en ont. Vous dites que nous ne sommes pas allés assez loin, mais il n'est pas juste de dire que nous avons fait marche arrière, car les exceptions actuelles ne sont que des exceptions par rapport aux nouvelles dispositions en matière d'accès que nous avons créées.
Il est faux de dire que nous faisons marche arrière par rapport à la Loi sur l'accès à l'information. Vous arguerez peut-être que nous ne sommes pas allés assez loin, et vous aurez sans doute des arguments convaincants pour nous dire que nous devrions aller plus loin, mais il est faux de dire que nous reculons pour ce qui est de ces organisations en particulier.
Je vous invite à réagir.
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Je comprends que le Commissaire Reid ait peut-être des arguments fort intelligents quant aux raisons pour lesquelles ces exceptions ne devraient pas figurer dans la loi. Je ne fais que souligner que nous ne sommes ici pas en train de restreindre l'accès qui était disponible auparavant. Si nous accordons 70 p. 100 d'accès à l'information pour la SRC, c'est 70 p. 100 de plus qu'avec le statu quo. Avant le projet de loi C-2, il n'y avait absolument aucun accès à l'information en ce qui concerne la SRC. Avec le statu quo, il n'y aurait strictement aucun accès à l'information pour le Centre national des arts, un point c'est tout. Il n'y avait aucun accès à l'information pour le Commissaire à la protection de la vie privée ni pour les mandataires du Parlement. Vous pourriez dire qu'il ne devrait y avoir aucune exception pour ces organisations, mais, dans les faits, pré-projet de loi C-2, il n'y a aucune capacité d'accès à l'information quelle qu'elle soit.
Je ne comprends tout simplement pas vos commentaires lorsque vous dites que nous reculons par rapport à l'accès à l'information, alors qu'en fait nous avons fait d'importants pas en vue d'une expansion et d'un élargissement de l'accès.
Pour ce qui est des autres volets qui font bel et bien l'objet de nouvelles exceptions, car il y en a, passons-les donc en revue.
Premièrement, pour ce qui est de l'article 152, portant sur les rapports préliminaires de vérification interne, vous avez présenté des arguments intelligents pour expliquer pourquoi vous estimez que ces exceptions ne devraient pas exister. Je souligne respectueusement qu'il s'agit là d'exceptions qu'a demandées le vérificateur général. Il ne s'agit pas d'efforts du gouvernement de miner la transparence du gouvernement. Il s'agit tout simplement d'une réponse donnée à un autre mandataire du Parlement.
Les articles 172 à 179 concernent des exceptions pour Exportation et Développement Canada en matière de renseignements sur les clients. Comment une organisation du genre pourrait-elle fonctionner si elle devait dire aux clients que les renseignements les concernant pourraient devenir publics en vertu de la Loi sur l'accès à l'information?
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J'aimerais aborder tout d'abord la question des rapports de vérification. Cela fait 23 ans que les rapports de vérification interne sont visés par le droit d'accès et assujettis à un critère de préjudice. Les rapports de vérification interne ne sont communiqués que si et quand les vérifications finales sont terminées, ce afin de pouvoir les mettre en contexte. Ils font par ailleurs l'objet de toutes les autres exceptions visant à protéger les renseignements personnels, les secrets commerciaux, la sécurité nationale et tout le reste.
La vérificatrice générale et d'autres ont comparu devant le juge Gomery qui, vous vous souviendrez, a dirigé la plus longue enquête publique de toute l'histoire du Canada sur une partie de son mandat, soit la Loi sur l'accès à l'information. Les gens disaient qu'il leur fallait davantage de secret s'agissant des rapports de vérification. Le juge Gomery, dans son examen du prgramme des commandites, a déterminé que ce qu'il faillait c'était la façon dont le gouvernement a décidé d'aborder la chose, soit nommer davantage de membres externes aux comités de vérification, et assurert un plus grand rôle au contrôleur général, etc. Le juge Gomery n'a aucunement recommandé un secret accru pour les ébauches de rapports de vérification ou documents de travail.
Il n'y a jamais eu -- et je ne pense pas que le vérificateur général en est jamais fait état -- de cas où des documents de travail de vérification ou des rapports de vérification préliminaires aient été divulgués avant le dépôt de la vérification finale. Une fois la vérification finale déposée, les constatations peuvent être mises en contexte et le public peut demander pourquoi telle chose a changé par rapport à l'ébauche initiale, qui a demandé que ce soit changé -- précisément les questions que le juge Gomery a posées en vue de déterminer pourquoi ces premiers rapports de vérification avaient été modifiés dans le contexte de l'enquête sur le programme de commandites.
La théorie derrière ce projet de loi est que le secret devrait être chose difficile. Il doit y avoir un fardeau de preuve. Chacune des nouvelles exceptions qui ont été incluses dans le projet de loi dit que le secret devrait être facile -- un voile à jamais, sans critère de préjudice.
Bienvenue, monsieur Reid, monsieur Leadbeater et votre équipe.
Comme l'a évoqué plus tôt M. Martin, il semble que nous frappions depuis longtemps dans ce pays à cette porte, et je pensais que nous tous en étions arrivés à la conclusion qu'il était vraiment temps d'avancer. Nous avons plus de 25 années d'expérience de cette loi, de ce concept; nous avons appris des choses et il est temps de passer à la suite.
Si vous permettez que je dise simplement où je pense que nous en sommes -- et M. Leadbeater et moi-même en discutions déjà il y a 20 ans, il me semble -- les renseignements publics devraient être publics. C'est là le principe.
Il va y avoir certaines exceptions, mais elles devraient être limitées, ciblées, liées au préjudice et même là assujetties à la primauté de l'intérêt public, et les décisions de la bureaucratie, de l'administration, devraient pouvoir être revues par un intervenant indépendant. C'est là le principe.
Et la dernière chose, je pense, est qu'un haut fonctionnaire du Parlement ne devrait pas avoir le pouvoir de faire des ordonnances, car un haut fonctionnaire du Parlement est un agent des députés. Le Parlement doit prendre ses propres décisions. Il a pleins pouvoirs. Il peut même mettre des gens en prison s'il le désire. Mais c'est là le principe général.
L'expérience pratique que nous avons eue est que la notion originale, voulant qu'au départ la bureaucratie publique ferait tout simplement en sorte de rendre tout ouvert, sans qu'il faille passer par le commissaire, sauf pour certains points critiques qu'il y aurait lieu d'envisager, a été frustrée -- sans vouloir en attribuer la faute à une quelconque personne ni même à quelque conspiration -- par le fait d'une bureaucratie vaste et lente et l'existence de craintes et de préoccupations politiques. Cela a donc tout simplement ralenti les choses et le système n'a pas fonctionné comme prévu.
Au fil des ans, donc, et aussi récemment qu'il y a à peine un an, on a demandé au Commissariat de faire un certain nombre de recommandations particulières, fondées sur l'histoire du Commissariat, quant à la façon d'améliorer la situation, de lever les barrages, d'ouvrir les choses et d'en arriver à la transparence visée par M. Leadbeater. C'est ce que vous avez fait. Vous avez créé la loi sur la transparence du gouvernement. Vous l'avez proposée en guise d'exemple au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Celui-ci l'a endossée. Le Parti conservateur l'a inscrite noir sur blanc dans sa plate-forme électorale, en disant que ce serait un élément clé de la Loi sur l'imputabilité, devant être la première initiative législative du gouvernement si les Conservateurs se faisaient élire. Ils ont été élus, ils ont proposé un projet de loi sur l'imputabilité, et celui-ci n'englobait pas la loi sur la transparence du gouvernement. C'est là-dessus, je pense, que nous allons avoir de très sérieuses discussions lorsqu'il s'agira de traiter des amendements et de la façon d'améliorer la Loi sur l'imputabilité, qui comporte selon nous de nombreux éléments positifs.
Il me faut cependant contester respectueusement ce qu'a dit M. Poilievre concernant le consentement de pouvoirs accrus. La question n'est pas le fait que davantage d'autorités soient englobées sous la loi. C'est le genre d'exceptions créées qui cause le problème, plutôt que le nombre des nouvelles entités assujetties, et c'est le principe du « à tout jamais », sans critère de préjudice, sans possibilité d'invoquer la primauté de l'intérêt public et sans un examen par le mandataire parlementaire indépendant -- et, rappelez-vous, indépendant du gouvernement mais non pas indépendant du Parlement --, pour le compte de tous les députés, afin de vérifier, de façon confidentielle, l'existence de préjudice et l'absence de raisons impérieuses d'intérêt public.
C'est là la beauté et la magie de cette loi qui devrait, comme l'a dit l'un des prédécesseurs du commissaire Reid, fonctionner à la manière d'un « réparateur de Maytag ». Une fois le tout en place, tout cela se ferait naturellement. D'ailleurs, le fait d'avoir un meilleur accès, de prendre l'habitude de rendre facilement disponibles les renseignements et de les organiser dans le cadre d'un système de dossiers tel que les choses seraient possibles, contribuerait à l'amélioration des décisions du gouvernement, car celui-ci agirait de façon éclairée, ayant pour pratique et pour habitude d'organiser comme il se doit les renseignements.
Commissaire Reid, j'aimerais simplement vous soumettre que je pense que ce que vous avez fait c'est nous donner des recommandations qui pourraient dégriffer ou désarmer le projet de loi dans son libellé actuel en matière d'accès à l'information, mais si je comprends bien vos commentaires -- et je tiens bien sûr également compte de l'histoire de l'an dernier -- j'en déduis que votre principale recommandation serait d'intégrer la loi sur la transparence du gouvernement à la Loi sur l'imputabilité.
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Monsieur Reid, hier, nous avons rencontré des personnes d'origine autochtone qui sont venues nous faire part de leurs désirs par rapport au projet de loi C-2. Ils demandent d'être exclus complètement des définitions contenues dans le projet de loi C-2. Ainsi, même la Loi sur l'accès à l'information viendrait court-circuiter et enlever le pouvoir de l'autorité fédérale de vérifier l'imputabilité en ce qui a trait aux sommes versées aux groupes autochtones. Ils demandent à être complètement exclus.
Selon la modification à l'article 146 du projet de loi, ou à l'article 16.1 proposé, contenue dans votre document, il n'est pas obligatoire de trouver cette mention à cet endroit, c'est-à-dire que les groupes autochtones se sont placés dans la définition pour s'assurer de ne pas être dans ce qui est exclu.
Êtes-vous d'accord pour que toutes les tribus autochtones, qu'elles soient dans les territoires ou dans les provinces, soient exclues du projet de loi C-2?
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L'actuelle loi fonctionne de la façon suivante. Les demandes de documents qui relèvent du contrôle et sont aux mains d'un ministère sont assujetties à la loi. Cela englobe un volume énorme de documents, y compris une vaste documentation relative aux Autochtones. S'ils relèvent du contrôle d'un ministère, alors ils sont assujettis à la loi.
Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est assujetti à la loi, et en conséquence toute la documentation qu'elle produit est assujettie à la loi. Ce qui n'y est cependant pas assujetti ce sont les documents qui sont produits par les Premières nations elles-mêmes et qui relèvent donc de leur contrôle. Ces documents font l'objet d'une exception obligatoire. Un document qui est aux mains d'un conseil de bande n'est donc pas assujetti à la Loi sur l'accès à l'information. Il est exclu, et nous ne le voyons donc pas, ni ne le pouvons. Cependant, s'il est question d'instances présentées au gouvernement du Canada par le conseil de bande ou un groupe autochtone, et si cela relève d'une façon ou d'une autre du contrôle du gouvernement du Canada, alors cela est alors couvert par la loi, à la manière de tout autre renseignement.
Pour ce qui est de la Loi sur l'accès à l'information, le statut des Autochtones est déjà tel qu'ils n'y sont pas assujettis.
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Monsieur le président, je ne pense pas que les journalistes de la SRC verraient le moindre problème à ce que le commissaire à l'information s'y penche conformément aux propositions que j'ai faites relativement au principe du critère de préjudice. Après tout, nous faisons cela avec les documents les plus sensibles qui soient en matière de sécurité nationale. Nous traitons de tous les documents du SCRS et de la GRC -- de tous les documents sensibles en matière de sécurité nationale.
Je pense donc qu'il est clair, sur la base de la proposition que j'ai faite, que l'intégrité et l'indépendance des activités de collecte d'information et de programmationt de la SRC devraient jouir de protection. Je ne crois cependant pas que les décisions de la GRC de refuser la divulgation devraient échapper à un examen indépendant ou à la rigueur du critère de préjudice, comme cela est proposé dans le projet de loi C-2. Ma position en la matière a été endossée par le juge Gomery, et j'estime qu'il s'agit d'une approche très sage.
Je ne pense pas qu'il doive y avoir la moindre exception obligatoire à un examen par le commissaire à l'information, contrairement à ce qui est énoncé dans la première partie du projet de loi. Le commissaire à l'information a pour rôle d'examiner tous les renseignements les plus sensibles au sein du gouvernement du Canada. Je ne pense pas que ce soit un rôle difficile pour nous.
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Vous savez, nous aimerions vraiment exhorter les membres du comité, et tout particulièrement ceux du parti au pouvoir, de reconnaître que les institutions qui sont de nouveaux ajouts à l'application de la loi ont peur et s'inquiètent. Je me souviens de ce qui s'est passé il y a de cela 23 ans lorsque les services de police et de sécurité avaient voulu des exceptions et des exclusions. Ils voulaient être à l'écart de cela, parce que c'était nouveau. Trois ans plus tard, le Parlement a fait un examen de la loi et la police ne s'est jamais présentée. La police avait convenu qu'elle pouvait accepter les critères de préjudice. Si les renseignements sont vraiment aussi sensibles que cela, alors il est très facile de satisfaire le critère de préjudice. S'ils sont si sensibles qu'ils requièrent une exclusion, alors la satisfaction du critère de préjudice ne devrait pas poser le moindre problème.
Les renseignements les plus sensibles que détienne le gouvernement du Canada, soit les renseignements sur les militaires, la sécurité nationale, la contre-subversion et le contre-terrorisme, sont tous assujettis à l'article 15 de la loi. Il s'agit d'une exception discrétionnaire sur la base du critère de préjudice; il ne s'agit pas d'une exception obligatoire générale de catégorie. Nous avons eu étude après étude après étude, et il n'a jamais été recommandé que l'article 15 soit transformé en une exception objective de catégorie.
Le projet de loi dit que le commissaire à l'information a par exemple pour obligation exécutoire de maintenir à jamais le secret s'agissant de ses dossiers d'enquête, et il en est de même pour tous les autres mandataires du Parlement. Aucun organe d'enquête présentement couvert par la loi jouit de ce droit. Je peux vous dire que si le projet de loi est adopté tel quel, le SCRS, la GRC, les militaires, la police et les enquêteurs des services d'immigration vont tous défiler dès demain pour dire que si le commissaire à l'information a besoin d'un tel niveau de secret, alors c'est leur cas aussi. Alors soyez prudents.
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Merci, monsieur le président.
J'aurais quelques questions. Le comité a entendu plusieurs témoins dire qu'ils ont la solution parfaite pour l'accès et la transparence et une plus grande imputabilité au sein du gouvernement. Nombre d'entre eux ont dit qu'ils aiment tout ce que nous faisons. Les gens ont été nombreux à nous dire qu'ils aimaient tout ce que nous faisons, sauf qu'ils aimeraient en être exclus.
Nous comprenons que vous ayez certaines propositions et que vous les déposiez. À mon avis, cette Loi sur l'imputabilité va ouvrir le gouvernement et le rendre plus redevable.
Il y a certaines choses qui figurent dans vos propositions, comme par l'exemple l'accès aux sources des journalistes de la SRC, et dont nous avons traité. Une personne qui a été complètement blanchie, la preuve ayant été fournie que les accusations portées contre elle étaient malicieuses ou non fondées, serait assujettie à la Loi sur l'accès à l'information. Les gens sont nombreux à estimer que cela va trop loin, que si une personne a été accusée à tort puis innocentée elle ne devrait jamais voir son nom rendu public. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Reid, vous auriez déclaré ce qui suit: « d'une façon ou d'une autre tous les freins et contrepoids conçus pour limiter l'abus du pouvoir du gouvernement sont fonction de l'accès par des gens de l'extérieur aux « renseignements d'initiés » des gouvernements », et vous auriez poursuivi en disant: « un gouvernement et une fonction publique qui adhèrent strictement à une culture de secret sont un gouvernement et une fonction publique à l'invite d'abus ». J'ai trouvé cela dans un discours que vous avez prononcé quelque part, monsieur Reid. Je ne saurais être davantage d'accord avec vous là-dessus. Je pense bien franchement que les gens ne savent pas à quel point nos politiques de « droit de savoir » que nous avons dans ce pays sont un puissant outil et un puissant cadeau. S'ils le savaient, je pense bien franchement qu'ils lutteraient davantage pour les conserver.
J'ai entendu une personne dire: « imaginez ce que ce serait si nous avions 30 millions de vérificateurs au lieu d'une seul vérificatrice générale surmenée ». La quantité de gaspillage et de corruption... Je ne veux pas dire par là qu'il y a tant de corruption que cela, mais imaginez combien le gouvernement pourrait être meilleur. Comme l'a dit Oliver Wendell Holmes, vous ne pouvez pas imposer la moralité par voie législative, mais je pense que le projet de loi et les recommandations que vous avez faites servent l'argument selon lequel en autorisant l'examen par le public et en braquant la lumière sur les opérations du gouvernement nous pourrons encourager certains types de comportement et décourager les choses que nous essayons d'éviter. Dans les quelques minutes qui me restent, j'aimerais dire qu'il est vraiment déplorable que nous perdions ici l'occasion de traiter d'une réforme sérieuse de l'accès à l'information dans le contexte du projet de loi C-2.
J'ai en fait dit à la Chambre des communes et au président du Conseil du Trésor que je lui échangerais volontiers tout le reste du projet de loi C-2 s'il nous accordait la réforme de l'accès à l'information promise lors de la campagne électorale, et je lui renouvellerais cette offre aujourd'hui, même si je pense que les aspects concernant les lobbyistes et le processus de nomination sont importants aussi -- bien que, pour une question de saute d'humeur, le premier ministre semble avoir vidé cette partie-là. Tout le reste pâlit comparativement à une sérieuse réforme de l'accès à l'information -- le droit de savoir du public. Il y a très peu d'initiés au sein du gouvernement qui soient vraiment des partisans du droit de savoir du public, et je pense que l'actuel gouvernement ainsi que son prédécesseur, nonobstant ce que M. Owen a eu à dire, ont sous-estimé le mouvement de recul par rapport aux puissants mandarins d'Ottawa, au BPC et à je ne sais trop qui encore. Les ennemis du droit de savoir sont légion, et ils sont bien armés et bien branchés, car chaque fois que l'on approche du but, ils minent, ils sapent ce que nous tentons de faire. Même les promesses directes des premiers ministres sont minées par quelqu'un qui apparemment... Ces gens qui ont un intérêt dans le maintien du secret semblent gagner chaque fois.
Il ne me reste sans doute plus de temps, mais vous auriez peut-être un commentaire à faire en réaction à ce que je viens de dire, monsieur Reid. Je devrais donner un peu de temps de parole aux témoins.
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Auquel cas il y aurait cette obligation. Bien.
Permettez-moi de vous interroger au sujet d'une autre de vos suggestions, celle-ci s'appliquant aux dénonciateurs. Vous recommandez que tous les renseignements relativement aux dénonciateurs soient assujettis à la Loi sur l'accès à l'information.
J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous n'êtes pas en faveur de l'une des exceptions que nous avons. Si une enquête au sujet d'une accusation frivole ou fausse en vertu de la partie de la loi concernant les dénonciateurs déterminait qu'il n'y avait absolument aucun fondement, aucun base de vérité justifiant l'allégation, alors ce que nous proposons c'est que les allégations et le nom de la personne innocente visée en la matière... En d'autres termes, si une allégation a été faite au sujet d'une personne et qu'une enquête conclut qu'il n'y a eu absolument aucun acte fautif, alors nous disons -- étant donné qu'il s'agissait au départ d'une allégation frivole ou à tout le moins d'une allégation sans fondement -- que cette allégation et que le nom du dénonciateur ne devraient pas être rendus publics.
Vous, vous prétendez que toutes ces allégations -- peu importe qu'elles soient ou non frivoles ou fondées -- devraient faire l'objet de divulgation. Est-ce bien cela? Cela correspond-il à votre position?
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Nous vous avons fait distribuer un document qui fait une comparaison dans le temps de l'article 55 du projet de loi C-11 et de l'article 222 portant sur l'article 55. Vous avez cela devant vous. Vous y verrez que l'article 55 du projet de loi C-11 -- le projet de loi original -- autorise le maintien du secret pour une période de cinq ans. C'était discrétionnaire et non pas obligatoire. On y dit que le responsable « peut ». L'objet était de protéger l'identité des dénonciateurs et des personnes collaborant aux enquêtes. C'était là la proposition originale.
D'un autre côté, l'article 222 du projet de loi C-2 autorise le maintien du secret en permanence. En d'autres termes, l'information n'est jamais communiquée et c'est obligatoire au lieu d'être discrétionnaire. Il ne met pas l'accent sur l'aspect identité. Il autorise le secret pour les renseignements créés en vue de faire une divulgation et les informations créées dans le cadre d'une enquête menée sur une divulgation.
Je suis du même avis que le commissaire à l'intégrité du secteur public, et celui-ci a recommandé que le secret ne couvre que la période de l'enquête. Il a demandé une marge discrétionnaire quant à la divulgation d'information pour des raisons d'intérêt public, par exemple l'identité des transgresseurs.
Pour pousser un peu plus loin votre exemple, monsieur le président, si j'ai été faussement accusé de quelque chose, pourquoi ne devrais-je pas disposer des éléments de preuve afin de protéger ma réputation? En vertu de cette proposition, la divulgation des renseignements serait interdite à jamais, de façon obligatoire, mais pourquoi, si j'ai été accusé et déclaré innocent, devrais-je me voir interdire l'accès aux renseignements? Cela me touche directement.
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Puis-je ajouter quelque chose?
Il vous faut comprendre ce qui se passe à l'heure actuelle. Il y a de toute ancienneté eu des allégations et des enquêtes en matière d'actes fautifs au sein du gouvernement, et la Loi sur l'accès à l'information a toujours couvert ces rapports. Voici comme cela se passe.
Si une personne demande un document au sujet d'une enquête portant sur une accusation de commission d'actes fautifs portée contre vous, les institutions gouvernementales ni ne confirment ni n'infirment qu'un tel document existe, car ce faire révélerait des renseignements personnels à votre sujet. Elles ne divulguent rien. Voilà quelle est la méthode actuelle. Nous ne parlons pas d'une situation dans laquelle tout est divulgué. Il y a dans la loi des exceptions dans l'intérêt de la protection des renseignements personnels, mais il y a des dispositions qui permettent la communication avec consentement si les renseignements sont déjà du domaine public ou s'il y a un intérêt public prépondérant. Ce que fait la disposition proposée dans le projet de loi C-2 c'est éliminer toutes ces dispositions de sortie, de telle sorte qu'il n'y ait aucune primauté de l'intérêt public, aucun consentement -- vous ne pouvez même pas consentir à ce qu'il y ait divulgation -- et aucune communication, même si les renseignements visés sont déjà du domaine public.
Tout ce que nous disons c'est que les actuels mécanismes de protection sont solides, mais assortis de dispositions de sortie qui sont essentielles dans toute démocratie. Ce qui est proposé viendrait supprimer ces clauses de sortie essentielles à une démocratie.
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Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Reid, ainsi qu'à vos collaborateurs.
Je ne vais pas aborder la question ni du point de vue juridique ni du point de vue conspiration. J'essaie de comprendre, depuis la perspective d'un non-initié, ce que signifie pour vous, en tant que commissaire à l'information, dans le contexte d'une organisation énorme et très complexe, le fait de désentraver votre capacité d'intervention.
J'ai siégé au comité des comptes publics, tout comme M. Martin, à l'époque où la question des commandites faisait l'objet d'une enquête dans le cadre d'un examen interne ou d'une vérification interne. Il n'y avait à l'époque pas de boucle hiérarchique ou de reddition de comptes pouvant être enclenchée s'agissant des renseignements livrés par la vérification interne. Rien ne bougeait, aucune mesure n'était prise -- il n'y avait rien du tout. À l'époque, soit aux environs de 1995, le Bureau du contrôleur général avait été démantelé pour ce qui est de rapports de vérification internes s'inscrivant dans un genre de régime d'archivage et de réponse.
Sur la base de cette expérience, le voile de secret sous lequel le projet de loi C-2 engloutit les ébauches de rapports et les documents de vérification en matière d'actes fautifs au gouvernement est particulièrement régressif. Vu l'expérience de 1995, je ne saurais vous dire à quel point j'épouse cette opinion. Maintenant que le Bureau du contrôleur général a été rétabli et, si j'ai bien compris, que la vérification interne relèverait du contrôleur général en vertu des dispositions de la loi proposée sur la transparence du gouvernement, si une demande était faite d'accéder à des informations ne figurant pas dans un rapport de vérification interne, avez-vous le pouvoir, en vertu du projet de loi dont nous sommes saisis ou en vertu de l'ébauche de la loi en matière d'accès à l'information, de communiquer tout renseignement pertinent que vous jugeriez d'intérêt public?
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Oui. Nous avons la capacité d'enquêter pour veiller à ce que les renseignements qui sont censés sortir sortent bel et bien. En gros, nous avons la possibilité de voir les documents et de veiller à ce que, s'ils sont divulgués, cela est conforme à la loi, et s'ils ne le sont pas, cela est conforme à la loi.
Ce qui me préoccupe ici est qu'il arrive parfois lorsque vous voyez une vérification -- une vérification est une enquête -- je ne pense pas que vous devriez voir les documents de travail de la vérification tant et aussi longtemps que celle-ci n'est pas terminée. C'est comme ce que nous faisons dans presque toutes les autres situations. Lorsqu'une demande est faite pour des documents, l'on utilise ces documents pour retracer le parcours suivi par une politique, le parcours d'une décision.
De la même façon, lorsque nous nous penchons sur des vérifications, il nous faut pouvoir retourner en arrière et examiner les documents et l'enquête originaux afin de vérifier le cheminement. La loi est très complexe, comme je l'ai déjà dit, car chaque fois qu'est faite une demande d'information, les 13 exceptions entrent en jeu, et chacune de ces 13 exceptions s'applique à chaque document qui est communiqué en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et(ou) par une divulgation indépendante de la part du gouvernement.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le commissaire, j'ai apprécié l'ensemble des recommandations que vous nous avez transmises. Cependant, le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique fait également l'étude de la Loi sur l'accès à l'information.
Pendant la campagne électorale, les conservateurs on dit que la révision de la Loi sur l'accès à l'information ainsi que la Loi fédérale sur l’imputabilité étaient éminemment importantes pour eux. Donc, hier, on a imposé à notre comité un horaire de travail de 23 heures par semaine.
J'aimerais savoir si vous avez été invité à comparaître au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, qui doit réviser la Loi sur l'accès à l'information. Le comité a-t-il commencé ses travaux et à quelle fréquence se réunit-il?
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Je pense qu'il est important pour les membres du comité ici réuni de garder à l'esprit l'article 229 du projet de loi C-2, qui permet au gouvernement, par décret, de fixer la date d'entrée en vigueur de ces dispositions visant à intégrer de nouvelles entités.
J'ai entendu dire, et peut-être que les députés membres du parti au pouvoir pourraient tirer cela au clair pour vous, qu'il n'y a en vérité aucune intention d'englober ces nouvelles entités dans la Loi sur l'accès à l'information tant et aussi longtemps qu'un examen exhaustif de la loi sur la transparence du gouvernement n'aura pas été effectué par l'autre comité, et nous ne savons pas du tout quand cela se fera. C'est en tout cas ce qui a été dit à d'autres fonctionnaires dans le cadre de séances de breffage dont on m'a parlé.
La question temporelle est donc très importante pour moi. En d'autres termes, cet ajout de nouvelles institutions, aussi modeste soit-il, avec ces exceptions, quand va-t-il vraiment avoir lieu? C'est le Cabinet et non pas la sanction royale qui déterminera l'entrée en vigueur de ces dispositions.
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La réunion devait se terminer il y a de cela quelques minutes.
Merci beaucoup, messieurs, de votre comparution. Je sais que le comité va faire un examen très attentif de vos amendements proposés.
Merci encore d'être venus.
Le comité reprendra ses travaux le lundi 29 mai, à 15 h 30, dans cette même pièce. La séance est levée.