Au nom de l'Assemblée des Premières nations, je souhaite remercier le président et les membres du comité législatif chargé du projet de loi C-2 de nous avoir invités à comparaître.
Nous aimerions d'emblée être très clairs au sujet de notre opinion vis-à-vis de la question générale de la responsabilisation.
D'abord, les premières nations du Canada ont déjà une relation de reddition de comptes fondamentale que nous considérons comme unique dans la Confédération.
Il est très clair également comme l'a indiqué la vérificatrice générale hier, que notre relation avec le gouvernement a échoué car nous n'avons pu atteindre les objectifs que nous nous étions fixés. En outre, nous croyons que le projet de loi C-2, tel qu'il est structuré, ne permettra pas d'améliorer la reddition de comptes sur les dépenses liées aux questions autochtones.
Troisièmement, nous avons des recommandations et disposons d'un processus par lequel nous travaillons avec des hauts fonctionnaires et des membres du gouvernement afin d'atteindre cet objectif principal de la responsabilisation, mais nous pensons également que le projet de loi C-2 risque de miner ce processus et cette mentalité.
Nous nous préoccupons, en outre, des effets de C-2 sur les plans juridique, pratique et de l'équité. Je m'explique brièvement.
En ce qui concerne l'aspect juridique, le projet de loi, sous sa forme actuelle, semble être incohérent avec l'article 35 de la Constitution du Canada, dans la mesure où il empiète sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
En ce qui concerne l'équité, les gouvernements des premières nations ont un traitement différent des autres gouvernements dans C-2, ce qui isole environ 98 p. 100 des gouvernements des premières nations de tous les gouvernements du monde qui reçoivent du financement du gouvernement du Canada.
En ce qui concerne l'aspect pratique, les premières nations sont déjà assujetties à une plus grande surveillance que tout autre palier de gouvernement. Dans ses observations, la vérificatrice générale a également précisé clairement que les premières nations sont en réalité surchargées par des contrôles redondants qui ne sont pas nécessaires.
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Les Premières nations sont impatientes d'améliorer leur relation de responsabilité. L'initiative « La reddition de comptes axée sur les résultats », qui existe depuis près de deux ans, témoigne de cet engagement au niveau national. La vérificatrice générale a mentionné cette initiative dans ses observations du 9 mai. Nous savons qu'elle sera plus efficace que les dispositions prévues par C-2. Comme l'a signalé la vérificatrice générale, le projet de loi C-2 ne permettra pas une meilleure reddition de comptes en ce qui concerne les Premières nations. Il n'aura pas d'effets positifs et risque ne miner les efforts menés par les Premières nations pour améliorer la reddition de comptes de façon pratique et efficace. Parmi ces efforts — et vous avez entendu la vérificatrice générale en parler — figure l'idée d'un vérificateur général des Premières nations et d'un ombudsman pour les Premières nations.
Comme l'a dit la vérificatrice générale, la responsabilité est une relation qui va bien au-delà de la surveillance et des vérifications. La vérificatrice générale n'a pas demandé le mandat accru par le projet de loi C-2 et même s'il lui était accordé, nous pensons, d'après son témoignage, qu'elle n'a pas l'intention de s'en servir, car elle sait que cela ne permettra pas d'améliorer la reddition de comptes.
Nos recommandations sont simples: nous recommandons que le projet de loi C-2 soit amendé afin que les gouvernements des Premières nations soient traités comme les autres gouvernements. Nous cherchons également à ce que les membres du comité soutiennent l'initiative de l'Assemblée des premières nations intitulée « Reddition de comptes à l'égard des résultats ».
Je pense qu'il est important que les membres du comité sachent que ces trois derniers mois, nous n'avons pu progresser dans le cadre de cette initiative. Elle avançait à grands pas, mais je pense que certains avaient peur d'un conflit ou d'un dédoublement. Quelle qu'en soit la raison, cette initiative n'a pas progressé. Ces trois derniers mois, nous aurions pu réaliser de grands progrès, mais cela ne s'est pas fait, c'est pourquoi nous avons besoin de votre aide.
Troisièmement, nous avons déposé au comité des propositions d'amendement au projet de loi C-2 qui pourraient figurer au compte rendu, ainsi qu'une copie de notre exposé de principes avec une description de l'initiative « La reddition de comptes axée sur les résultats ».
J'aimerais remercier le président et les membres du comité de nous avoir permis de prendre la parole. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
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Merci d'avoir posé cette question.
Je pense que la position que prendraient la plupart des Premières nations du Canada, c'est que l'argent qu'ils reçoivent fait partie d'un paiement lié à une relation historique entre le gouvernement du Canada et les Premières nations. Cet argent peut être lié à l'éducation, comme droit découlant d'un traité, il peut être lié aux soins de santé, comme droit découlant d'un traité ou il peut être lié au logement, comme droit découlant d'un traité. Ainsi, tous les versements reçus par les Premières nations, bien qu'ils soient votés par le Parlement, font partie d'une relation historique et continue entre le gouvernement du Canada et les Premières nations, qui est aussi vivante aujourd'hui qu'elle l'était il y a dix ans, ou qu'il y a cent ans dans de nombreuses de nos collectivités.
En ce qui concerne l'idée que, d'une façon ou d'une autre, l'argent voté et transmis aux Premières nations en vertu de l'entente de contribution a été d'une façon ou d'une autre détourné ou utilisé à des buts autres que ceux auxquels il était destiné, comme l'a mentionné la vérificatrice générale, qui l'a répété à de nombreuses reprises, en réalité, l'argent transmis aux Premières nations a été justifié maintes et maintes fois. Il ne s'agit pas ici d'un problème de rapports et de comptabilité, le problème concerne la conception de programmes, il s'agit de donner le contrôle aux Premières nations pour qu'elles s'assurent que les programmes et services sont conçus pour satisfaire aux besoins de leur peuple.
Un très faible pourcentage, moins de 3 p. 100, des vérifications faites chez les Premières nations posent des problèmes. Et la plupart sont résolus immédiatement. Dans certains cas, des documents n'ont pas été utilisés dans le cadre de la vérification, dans certains cas on a oublié quelque chose, mais tout cela a été rectifié immédiatement. Ainsi c'est un plus faible pourcentage que 3 p. 100 qui pose problème en ce qui concerne la façon dont l'argent est géré par les Premières nations.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Je m'excuse de n'avoir pu être présente pour la première partie de votre présentation. Mais, comme je lis assez rapidement, j'ai pu prendre connaissance du mémoire que vous avez déposé et des témoignages que vous avez rendus après la période des questions orales.
J'aimerais explorer un des points que vous avez soulevés. Il existe un grand mythe concernant l'aide financière que le gouvernement canadien accorde depuis plus d'un siècle aux communautés autochtones. Ce mythe des handouts, comme on l'appelle, existe dans la communauté en général, chez les Blancs et chez les autres qui ne sont pas d'origine autochtone.
Vous avez parlé de la responsabilité fiduciaire de la Couronne envers les nations autochtones, en partie parce que les Blancs — les Français en premier et les Anglais par la suite — sont venus et ont saisi des territoires. Il s'agit de territoires qui n'ont pas été gagnés à la suite d'une guerre. Ensuite, d'autres territoires ont été transférés en vertu des traités, et en contrepartie, la Couronne avait une obligation envers les premières nations.
Cette responsabilité existe toujours parce qu'aucune date limite n'a été inscrite dans les traités. Par exemple, si je signe un contrat avec M. Poilievre sans indiquer de date limite, je serai obligée de lui remettre un montant d'argent, par exemple, ou de m'occuper de lui ou de ses descendants à perpétuité. Donc, même 200 ans plus tard, cette entente est toujours valide et l'obligation existe toujours.
À mon avis, tous les partis qui ont été au pouvoir au Canada ont fait du tort aux premières nations en n'éduquant pas les gens d'origine français et britannique et les gens de toutes les autres origines ethniques qui sont arrivés par la suite.
Est-ce que mon idée est sensée?
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Je pense que c'est une question en deux volets et que c'est une bonne question.
Il est certain, par un processus de développement, qui selon nous doit inclure un processus d'incubation au sein même du Bureau du vérificateur général que nous considérons les cinq principes de reddition de comptes comme étant les mêmes, qu'il s'agisse d'un gouvernement des Premières nations ou d'un gouvernement non autochtone. Ce qui sera intéressant pour nous sera la création de l'institution et l'examen d'une correspondance culturelle, dans la façon de mettre en oeuvre certains éléments de transparence.
Par exemple, au niveau de la collectivité d'une Première nation, il peut être beaucoup plus important d'avoir des moyens d'arriver à la transparence, moyens qui correspondent à ce dont a besoin la collectivité locale, par exemple, par l'intermédiaire d'une activité ou d'une fête ordinaire ou d'un rassemblement annuel ordinaire. Ce sont des moyens plus significatifs culturellement pour trouver une solution à la transparence que de publier quelque chose dans une gazette ou un document. Nous chercherions des moyens d'exprimer ces cinq principes et de les exécuter, d'une façon qui veut dire quelque chose pour nous.
Le deuxième élément est que ce que nous demandons quand nous demandons d'être exclus de ce projet de loi est que les gouvernements des Premières nations soient traités de la même façon que tous les autres gouvernements. De la façon dont ce projet de loi est libellé à l'heure actuelle, les gouvernements des Premières nations sont en fait particularisés en ce qui concerne l'application. Alors je demanderais pourquoi les gouvernements des Premières nations sont particularisés dans ce processus.
Deuxièmement, si la vérificatrice générale a déjà donné clairement son opinion sur la valeur de ce genre d'exercice en vertu du projet de loi et a déjà donné une opinion éclairée, une opinion apolitique, selon moi, pourquoi est-ce encore envisagé, étant donné cette rétroaction? Cette disposition, selon moi, est quelque chose qui a de moins en moins sa raison d'être. Et si c'est la situation, j'aimerais savoir pourquoi. Je n'ai pas encore entendu de raison pour cela.
:
[
Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Bonjour.
L'Association des femmes autochtones du Québec soutient ses frères de l'Assemblée des Premières nations et de l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador dans leurs efforts afin de développer la reddition de comptes et la transparence dans nos collectivités. Cependant, nous reconnaissons que la plupart de nos collectivités ont déjà commencé ces bonnes pratiques et qu'une vaste majorité d'entre elles présentent leurs vérifications annuelles tous les ans.
Les plus importants intervenants sont nos peuples et les plus vulnérables sont nos femmes et nos enfants. Une façon plus efficiente d'allouer les ressources financières sera bénéfique pour tous, en particulier pour les femmes autochtones qui ont désespérément besoin de plus d'abris et de plus de programmes préconisant la non-violence. Pourtant, comme l'a indiqué Sheila Fraser dans son rapport, nos collectivités à court d'argent sont déjà surchargées de rapports à fournir, rapports qui sont rarement lus.
Par conséquent, nous avons besoin de demander à quel point AINC doit nous rendre des comptes à nous, combien d'argent qui est censé être alloué aux collectivités des Premières nations est accaparé par une bureaucratie inefficace. À l'heure actuelle, approximativement 35 p. 100 de l'argent alloué aux peuples autochtones est en fait réellement donné aux collectivités des Premières nations. Par conséquent, nous nous inquiétons du fait que le gouvernement veuille imposer encore une autre couche de bureaucratie canadienne à nos collectivités, sans véritable consultation. Cela n'avancera personne, ni la population canadienne, ni les peuples autochtones. De plus, c'est une attitude paternaliste qui va à l'encontre d'une relation de gouvernement à gouvernement, qui existe entre les Premières nations et le gouvernement du Canada. Elle va également à l'encontre des efforts que nous déployons pour redevenir autonomes. Par conséquent, nous soutenons la notion d'un vérificateur général autochtone et nous croyons que les femmes autochtones devraient participer à l'élaboration des critères et à la création de ce poste.
Afin de promouvoir une relation plus saine entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones, voici quelques-unes des recommandations de notre organisation: que le gouvernement du Canada rationalise les exigences en matière de rapports existantes des collectivités des Premières nations, afin de les rendre plus efficaces et moins lourdes, comme l'indiquaient les recommandations précédentes de la vérificatrice générale du Canada; que le gouvernement du Canada fasse des efforts pour réduire la bureaucratie à AINC, afin que davantage de fonds du budget alloué aux peuples autochtones atteignent réellement les peuples autochtones qui vivent dans les réserves ou hors des réserves; que le gouvernement du Canada soutienne les peuples autochtones dans leurs efforts visant à créer un cadre de reddition de comptes et le poste de vérificateur général et défenseur des Autochtones; que le processus d'élaboration du rôle d'un vérificateur général et défenseur des Autochtones comprenne une représentation équitable des femmes autochtones.
Nous sommes d'accord avec les principes de reddition de comptes et de transparence, mais le processus devrait se faire de concert avec les peuples autochtones. L'imposition d'une décision unilatérale du gouvernement du Canada se heurtera toujours à une résistance.
Une fois encore, je souligne qu'il est temps de forger une nouvelle relation entre nos peuples, fondée sur le respect mutuel, l'honnêteté et l'intégrité.
Merci.
[Le témoin s'exprime dans sa langue.]
Bon après-midi. Je suis honoré d'être devant vous aujourd'hui et surtout de partager cette tribune avec mes soeurs, les femmes autochtones du Québec, avec lesquelles nous avons une relation assez étroite depuis de nombreuses années.
J'ai commencé mon intervention par des salutations et une introduction dans ma langue. Je crois qu'il est important que vous sachiez qu'elle est bien vivante et qu'elle forme la toile de fond de notre identité et de notre place sur cette terre et dans toute la création.
En premier lieu, j'aimerais saluer les dirigeants et le peuple de la Nation algonquine, à qui on offre l'occasion de se retrouver sur leur territoire ancestral, auquel ils n'ont jamais renoncé. Je salue également les représentants de l'Assemblée des Premières Nations, qui nous ont précédés aujourd'hui. Ils ont fait une présentation devant le comité sur laquelle les représentants de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador sont entièrement d'accord. Je veux également exprimer toute ma gratitude à ce comité pour l'occasion qui nous est offerte de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-2, Loi fédérale sur l'imputabilité.
Je me nomme Ghislain Picard et je suis le chef régional de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador. L'APNQL représente les 38 collectivités des premières nations des territoires que plusieurs connaissent sous les noms de Québec et Labrador. Les peuples et les nations qui forment l'APNQL sont les Cris, les Atikamekw, les Naskapis, les Innus, les Abénakis, les Hurons-Wendat, les Mohawks, les Algonquins, les Malécites et les Mi'gmaq.
Je vous serais reconnaissant d'accepter le fait que les commentaires que je ferai aujourd'hui sont destinés à transmettre un point de vue qui peut sembler difficile à accepter pour certains, mais qui est exprimé dans le plus grand respect du Parlement.
[Traduction]
Ma présentation sera brève et sans détour. Je veux faire passer trois messages simples:
Premièrement, j'espère vous faire prendre conscience de vos obligations et des obligations du Parlement pour ce qui est de rendre des comptes aux Premières nations pour les mesures prises par les gouvernements successifs, mesures qui ont nui à notre survie en tant que peuples et nations.
Deuxièmement, je souhaite que le Parlement assume ses obligations envers les Premières nations en éliminant toute référence aux Premières nations dans le projet de loi C-2, et en proposant des arrangements négociés afin d'améliorer la reddition de comptes des Premières nations lorsqu'il s'agit des fonds qu'elles reçoivent et qui sont votés par le Parlement.
Troisièmement, l'APNQL accepte entièrement l'idée de la reddition de comptes.
Il vous incombe d'examiner un projet de loi qui aborde la question de l'imputabilité de façon différente, mais limitée. Les Premières nations, quant à elles, ont une perspective plus vaste de l'imputabilité. Le Canada a encore des comptes à rendre à ses citoyens et aux Premières nations pour ce qui est de sa piètre performance. D'ailleurs, ceci aurait pu être une citation du rapport de la vérificatrice générale rendu public hier. Les Premières nations exhortent le Canada à rendre des comptes concernant nos compétences initiales par rapport au Canada, nous demandons à ce que le Canada règle cette question, et nous exigeons également une pleine compensation pour nos terres volées et la main-mise continue du gouvernement sur nos terres et nos ressources ainsi que sur les avantages qui en découlent.
Regardons de plus près la définition d'« imputabilité ». En gros, il s'agit de rendre transparentes les mesures et les dépenses de fonds, ainsi que d'en assumer la responsabilité, et cela comprend le fait d'établir des objectifs, les moyens efficaces pour les atteindre, l'efficacité en matière de performance, et les résultats atteints.
Les Premières nations appliquent cette définition au Canada dans un vaste contexte, historique et contemporain. En d'autres termes, le Canada établit des objectifs de façon unilatérale pour les Premières nations. Il élabore des plans pour nous absorber dans la société canadienne. Il impose ses plans sans scrupule aussi bien aux adultes qu'aux enfants, et les résultats sont la pauvreté, l'isolement, le manque de débouchés, le déclin de cultures uniques, le suicide chez les jeunes, peu ou pas d'économie, des infrastructures dignes du tiers-monde, un harcèlement envers nos pratiques traditionnelles, et la liste est encore longue.
Vous vous trompez si vous pensez que je ne faisais référence qu'aux temps historiques. Par exemple, le fait d'inclure un article dans le projet de loi C-2 qui donne au vérificateur général de nouveaux pouvoirs afin d'effectuer des vérifications auprès des gouvernements des Premières nations n'est qu'un exemple supplémentaire, et dans ce cas-ci récent, d'un comportement unilatéral inacceptable qui affecte les champs de compétence des Premières nations.
Ce que je dis n'est pas pure rhétorique. La Commission royale sur les peuples autochtones et de nombreuses autres études, y compris une étude de l'Université Harvard, ont démontré que le bien-être socio-économique des Premières nations dépendait de la reconnaissance et de l'application des compétences des Premières nations, ainsi que du contrôle par les Premières nations de leurs terres. En d'autres termes, l'amélioration concrète, sur le terrain, des conditions de vie est liée à cette reconnaissance.
La Proclamation royale de 1763 oblige le Canada à négocier sa relation avec les Premières nations. La plupart des titres ancestraux au Québec font encore l'objet de différends. Les conditions des négociations sont si restreintes que le territoire innu, par exemple, est en train d'être dépouillé de ses ressources tandis que les négociations s'éternisent.
La Constitution du Canada, les traités et les tribunaux, appuyés par de nombreuses études, exigent que le gouvernement fédéral règle la question de ses relations avec les Premières nations par le biais de négociations, en agissant dans l'intérêt des Premières nations et en honorant la Couronne. Ces obligations sont également celles du Parlement. Le Parlement vote les fonds, adopte les lois, supervise le gouvernement, et garantit le respect de la Constitution. Ses responsabilités comprennent également des obligations juridiques lorsqu'il s'agit des questions relatives aux Premières nations. À titre de députés, ces obligations sont également les vôtres. Cela dit, je ne pense pas que l'on vous forme, que l'on vous informe, ou que l'on vous sensibilise à propos de ces obligations. Il est certainement plus facile de laisser d'autres personnes s'en charger, vos collègues qui ont des circonscriptions dans lesquelles on trouve des réserves, ou qui ont des circonscriptions frontalières de réserves, ou bien encore ceux dont c'est la responsabilité de traiter des Premières nations. Mais ça ne suffit pas.
À moins que vous, de façon collective et individuelle, n'acceptiez et ne fassiez appliquer les obligations juridiques qui sont devenues les vôtres lorsque vous vous êtes librement portés candidats, le Canada continuera à être inefficace et à ne pas rendre de comptes lorsqu'il s'agira des Premières nations.
[Français]
L'APNQL recommande que ce comité amende ce projet de loi en laissant tomber toute référence aux premières nations et qu'il recommande au Parlement d'obliger le gouvernement à créer, de concert avec les premières nations par le biais de négociations, des arrangements alternatifs adéquats pour apporter des améliorations à la reddition de comptes des premières nations en ce qui a trait aux fonds votés par le Parlement.
L'APNQL recommande aussi que ce comité demande un avis juridique indépendant sur ses obligations, selon la loi, envers les premières nations et sur les dispositions de cette loi qui touchent les premières nations.
Quoique la recommandation suivante puisse aller au-delà de votre mandat, je l'inscris tout de même dans les notes officielles. L'APNQL souhaite que ce comité recommande au Parlement de demander un avis juridique indépendant et constitutionnel concernant ses obligations collectives et celles de ses membres, selon la loi, à l'égard des premières nations en général, et qu'il développe et mette en oeuvre, conjointement avec les premières nations, de la formation, de l'orientation et de l'information pour tous les députés concernant leurs obligations à l'égard des premières nations.
Soyons clairs, l'APNQL appuie la notion de responsabilité. Les dirigeants des premières nations doivent actuellement rendre des comptes au peuple qui les a élus. Il y a toujours place à de l'amélioration, mais ce n'est pas par une loi imposée unilatéralement que des progrès seront accomplis. Ce ne sont pas des mesures de reddition des comptes contenues dans la loi qui définiront la relation entre les premières nations et le Canada. C'est la relation avec le Canada qui définira des mesures de responsabilité adéquates.
J'aimerais conclure mes remarques dans la merveilleuse langue innue. J'exprime l'espoir qu'un jour les Innus et toutes les premières nations du Québec et du Labrador seront respectés à part entière partout au Canada et qu'ici, au Parlement, on le fera en s'assurant que tous les débats seront traduits simultanément dans nos langues.
[Le témoin s'exprime dans sa langue.]
Je vous remercie beaucoup.
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Merci monsieur le président.
Je vais en venir directement à vos recommandations. Je comprends la première recommandation. Mais la deuxième et la troisième recommandations ne sont-elles pas simplement des solutions de rechange? Car si nous retirions toute référence... Ce n'est pas qu'une référence. En fait, si ce projet de loi n'empiétait pas sur la souveraineté des Premières nations, et donc on éliminait cela du projet de loi... Je suppose que les deuxième et troisième recommandations sont plutôt des conseils, et ne seraient pas vraiment nécessaires.
Il y a également la question de l'avis juridique indépendant, et les autres conseils que nous souhaiterions peut-être avoir... Honnêtement, notre comité, certains jours, aurait du mal à se décider sur le degré de torréfaction du café, alors on ne risque pas de se mettre d'accord sur un conseiller juridique indépendant — à moins que l'on propose M. Morgan, qui cherche certainement à donner son avis. Plus sérieusement, cela serait difficile pour nous étant donné notre structure. Les attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement font un excellent travail. Un certain nombre de témoins représentant divers ministères fédéraux nous ont éclairés, et après tout, nous sommes le Parlement. Je me demandais si cela pourrait vraiment fonctionner.
Je comprends bien votre mémoire, mais à quoi nous servirait-il d'avoir un avis juridique indépendant dans la mesure où... et je ne vais pas utiliser le terme « seulement » pour minimiser notre rôle, nous sommes vraiment un comité du Parlement? Les avis qui nous sont donnés par nos conseillers parlementaires sont non partisans. C'est tout ce que nous pouvons faire étant donné la situation. Vos objectifs sont louables, mais peut-être ne peuvent-ils être atteints dans le cadre de notre simple comité.
J'aimerais entendre vos observations à ce sujet.
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Malgré tout le respect que je dois à M. Poilievre et à ses excellents commentaires, je m'oppose à sa motion pour plusieurs raisons.
Je fais partie de comités depuis plusieurs années et, généralement, lorsque les témoins se présentent devant nous, nous avons en notre possession un document préparé par les recherchistes qui contient des questions qui nous sont suggérées par ceux-ci. Je crois bien humblement que nos recherchistes le faisaient parce qu'ils avaient le temps de le faire et que présentement ils ne le font pas parce qu'ils n'en ont pas le temps, alors que nous ne siégeons que 10 heures par semaine. Si nous siégeons 48 heures par semaine, logiquement, ils auront moins de temps, et nous aussi.
C'est la première fois que je fais partie d'un comité où nous n'avons aucun document pour nous préparer à entendre des témoins. À mon avis, ce n'est pas un signe de très grand professionnalisme. J'ose espérer que M. Poilievre partage mon opinion à cet égard.
Je vais donner quelques exemples démontrant qu'il faut étudier rapidement le projet de loi, bien sûr, mais qu'il faut quand même prendre le temps de l'étudier sérieusement. Je fais référence à la partie qui porte sur la commission des nominations politiques. Selon moi, la décision annoncée hier par M. Harper d'éliminer la commission des nominations politiques, plutôt que de nommer quelqu'un d'autre, va modifier un peu l'étude du projet de loi C-2.
Par exemple, vous avez annoncé, ce qui est une bonne chose, qu'on éliminait le montant de 1 000 $ de récompense. Cela démontre l'importance d'avoir des témoins. Tous les témoins nous ont proposé des amendements. J'ai déposé un document de la bibliothèque qui indiquait qu'en ce qui a trait à 600 lois adoptées entre 1988 et l'an 2000, la durée moyenne de la période qui séparait la première lecture et la proclamation royale était d'environ 200 jours. Nous sommes même prêts à accélérer le processus afin que cette durée soit réduite de moitié, mais il me semble un peu exagéré de passer de 200 jours à 15 jours.
À la page 840 du Marleau-Montpetit, on peut lire ceci : « La durée moyenne des séances est de deux heures, [...] » deux fois par semaine, « [...] mais un comité peut se réunir pendant une période plus courte ou plus longue [...] ».
Nous avons décidé par vote que le comité, plutôt que de se réunir deux fois pendant deux heures chaque semaine, se réunirait 10 heures par semaine. Nous venons d'augmenter de beaucoup le nombre d'heures où nous siégeons. Nous avons ainsi fait preuve de bonne volonté et démontré que nous étions prêts à étudier rapidement la loi.
Pour toutes ces raisons, qui me semblent rationnelles, nous allons nous opposer à la motion. Je vous demanderais de me pardonner d'emblée, monsieur le président, car je ne veux pas présumer du résultat du vote, mais en cas d'égalité, le vote de la présidence doit-il préserver le statu quo?
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Oui. Monsieur le président, rapidement, je voulais dire que je vais bien entendu appuyer cette motion car je suis motivé, comme c'est le cas d'un certain nombre d'autres membres également, je veux faire preuve de diligence raisonnable, mais je souhaite que les travaux soient terminés d'ici la fin du mois de juin.
Il se passe beaucoup de choses dans nos circonscriptions. Je suppose que c'est également le cas pour M. Sauvageau, puisqu'il a présenté un amendement plus tôt qui stipulait que si nous devions siéger cet été, alors ça devrait être au mois d'août plutôt qu'au mois de juillet. J'en conclus donc qu'il a, comme moi de nombreux engagements au mois de juillet. C'est pour cela que j'aimerais que nous fassions tout notre possible pour examiner ce projet de loi en détail, tout en ayant terminé dans un délai raisonnable -- à mon avis, d'ici la fin du mois de juin.
Apparemment, certaines personnes craignent qu'en modifiant le calendrier de travail afin d'augmenter le nombre de séances tel que proposé par la motion, nous mettrions dans l'embarras, d'une façon ou d'une autre, les témoins qui ont déjà été contactés. Cela dit, il va y avoir une semaine de relâche, et je pense que la greffière ou d'autres pourront probablement modifier les dates de comparution ou faire venir d'autres témoins. Ça leur donnerait environ dix jours, d'ici le 29 mai, pour réorganiser leur emploi du temps et se présenter devant le comité dans le cadre de son nouveau calendrier de travail. Je ne pense pas que cela pose de véritables problèmes pour les témoins dans la mesure où nous les prévenons autant à l'avance.
De plus, tout le monde semble dire qu'il y a de nombreux témoins potentiels, donc nous devrions pouvoir les faire comparaître et avoir une semaine bien remplie lorsque nous reviendrons après la semaine de relâche. Si nous arrivions à la fin de la liste des témoins, alors nous pourrions commencer l'étude article par article. À mon avis, très honnêtement, monsieur le président, c'est cela qui représente le plus gros de notre travail.
Une fois que nous aurons entendu tous les témoins et les amendements qu'ils ont à proposer -- et beaucoup de ces amendements sont très bons et utiles -- nous pourrons commencer l'étude article par article, ce qui est au coeur des travaux du comité, afin de faire adopter ce projet de loi. Je pense qu'il est dans l'intérêt des Canadiens que nous nous attaquions à l'étude article par article le plus tôt possible. C'est pour cela que je suis en faveur de cette motion.