:
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.
Je m'appelle Teri Kirk et je suis vice-présidente des politiques publiques et relations gouvernementales à Imagine Canada. Au nom de cet organisme et de 13 autres dont le nom apparaît à la première page, notamment Centraide Canada et Bénévoles Canada, je vous présente ce mémoire.
Ce faisant, nous désirons porter à la connaissance du comité les opinions du secteur concernant les effets de la partie 1 du projet de loi, qui traite de l'administration des subventions et des contributions, ainsi que de la partie 3, qui traite des contrats.
[Traduction]
J'ai divisé mon exposé en trois parties. Je vais d'abord vous donner un aperçu du secteur communautaire, bénévole et sans but lucratif et d'Imagine Canada. Ensuite, j'aimerais examiner quatre aspects du projet de loi dignes d'intérêt pour nous, à savoir les subventions et les contributions, les contrats, l'infrastructure du secteur et le cadre de référence pour la reddition des comptes du secteur. Enfin, j'aimerais prendre quelques minutes pour exprimer notre satisfaction à l'égard de plusieurs initiatives prises récemment.
Le secteur communautaire, bénévole et sans but lucratif est vaste et complexe. Il y a un graphique dans la documentation qui vous a été distribuée qui représente le secteur par une pyramide. Au sommet de la pyramide, on retrouve environ 161 000 organismes constitués en sociétés dans le secteur, dont 80 000 sont des organismes sans but lucratif et 80 000 autres des organismes de charité enregistrés. La différence entre les deux, c'est que les organismes de charité enregistrés peuvent fournir des reçus d'impôt pour les dons reçus. Il y a un autre million d'organismes non constitués en sociétés qui existent au Canada à un moment où à un autre. Ils sont formés pour soutenir les victimes de crimes, par exemple, ou organiser des activités d'intérêt local. Le secteur communautaire, bénévole et sans but lucratif regroupe à la base environ six millions et demi de Canadiens qui font du bénévolat, soit environ 30 p. 100 de la population du pays.
Je vous ai aussi remis un tableau qui énumère les grands domaines d'activités du secteur. Je suis sûre qu'il y a des gens ici très actifs dans le milieu communautaire qui vont trouver ces renseignements utiles. Vous allez constater qu'environ la moitié des organismes du secteur communautaire s'occupent d'activités sportives et religieuses ou encore de services sociaux. On peut avoir une idée de l'importance du secteur quand on se rend compte que les hôpitaux, les universités et les collèges confondus représentent seulement 1 p. 100 du secteur alors que la proportion des organismes qui offrent des services sociaux est d'à peu près 12 p. 100. Le secteur est une force économique qui emploie plus de deux millions de Canadiens. Il représente environ 7,8 p. 100 du PIB pour ce qui est des emplois rémunérés, ce qui est plus important que le secteur manufacturier.
Imagine Canada est le plus grand organisme intermédiaire du secteur et il compte plus de 1 100 membres. Il a été fondé il y a environ deux ans à la suite du fusionnement du Centre canadien de philanthropie et du Regroupement des organisations nationales bénévoles pour être le porte-parole national du secteur.
Imagine Canada est lui-même un organisme assez particulier au sein du secteur communautaire parce qu'il travaille en étroite collaboration avec les secteurs privé, public et communautaire pour défendre les intérêts des organismes locaux. Nous avons mis sur pied le programme des entreprises généreuses par lequel nous incitons les entreprises à s'engager à verser 1 p. 100 de leurs gains avant impôt dans la communauté. Toutes les grandes banques canadiennes et les chefs de file dans le secteur du pétrole et du gaz, comme EnCana, et dans le domaine des télécommunications, comme Bell Canada, participent au programme. Vous comprendrez que ce 1 p. 100 de gains avant impôt représente des sommes d'argent considérables.
Je vais maintenant passer aux quatre aspects du projet de loi sur lesquels j'aimerais attirer votre attention. D'abord, les subventions et les contributions font l'objet de la partie 1 du projet de loi. J'aimerais souligner l'extrême importance des subventions et des contributions pour notre secteur. Le gouvernement fédéral est souvent à lui seul la source de financement la plus importante de nombreux organismes, et il représente 7 p. 100 du financement de l'ensemble des organismes de bienfaisance et des sociétés sans but lucratif du Canada.
L'enchevêtrement de règles associées aux modalités de demandes de financement pèse lourdement sur la capacité d'action de ces organismes et impose des contraintes administratives souvent sans commune mesure avec les sommes en jeu ou la capacité de l'organisme bénéficiaire moyen de s'y conformer. Les exemples à cet égard sont légion.
Nous soutenons le gouvernement qui s'est engagé à redéfinir les exigences administratives liées aux subventions et aux contributions fédérales et à mettre davantage l'accent sur les résultats, et nous approuvons la création d'un groupe d'experts indépendants en vertu du plan d'action pour l'imputabilité.
Pour ce qui est des contrats ou de l'approvisionnement, nous approuvons l'engagement en matière d'équité, d'ouverture et de transparence dont il est question à la partie 5 du projet de loi mais, à l'instar des organismes-cadres qui représentent les petites et moyennes entreprises, nous craignons que le regroupement du pouvoir d'achat du gouvernement fédéral ait tendance à se traduire par des pratiques d'attribution de contrats qui vont nettement favoriser les grandes entreprises au détriment des petites et moyennes entreprises et des petits et moyens organismes. Ce regroupement nous inquiète parce qu'il pourrait porter atteinte aux principes d'équité envisagés dans la loi.
Le troisième aspect est ce que j'ai appelé l'infrastructure du secteur. C'est ce qui permet aux organismes de subvenir à leurs besoins et de pouvoir planifier à long terme, entretenir leurs installations, investir dans les technologies de l'information et même payer l'assurance des administrateurs et des dirigeants, pour faciliter le recrutement des membres du conseil d'administration et la mise en oeuvre des programmes communautaires, qui sont l'essence même de leur mission.
Nous sommes très heureux des efforts déployés pour rationaliser les modalités de gestion des subventions et des contributions, garantir les principes d'équité pour les contrats et tenir compte des petites et moyennes entreprises et petits et moyens organismes, mais ces améliorations aux modalités de financement sont très limitées et à court terme et elles ne répondent pas au financement plus stable et à plus long terme dont le secteur a besoin. C'est la raison pour laquelle l'infrastructure du secteur a continué de se dégrader.
Nous demandons au gouvernement de tenir compte, à propos des subventions et des contributions, de la nécessité d'appliquer des modèles de financement plus stables et à plus long terme.
Nous sommes conscients que cet objectif dépasse probablement la portée de la Loi fédérale sur l'imputabilité et du plan d'action du comité, mais je vais tout de même formuler des recommandations à la fin de mon exposé sur des solutions de rechange que nous aimerions que le comité examine.
Enfin, je voudrais souligner les avantages d'un cadre de référence gouvernemental pour la reddition des comptes du secteur. Des mesures ont été prises à ce sujet en 2001; en effet, l'Accord entre le gouvernement du Canada et le secteur bénévole et communautaire a été signé, ce qui a entraîné par la suite l'adoption de deux codes de bonnes pratiques, un pour le financement et l'autre pour le dialogue sur les politiques. Ces trois documents constituent un cadre efficace pour la reddition des comptes de notre secteur.
Néanmoins, l'adoption de ces textes était facultative. Services Canada sert d'exemple parce qu'il s'est bien conformé au cadre de responsabilisation de gestion, alors que d'autres ministères ne connaissent à peu près pas les accords et les codes et ne sont pas vraiment disposés à s'y conformer.
Nous demandons donc au gouvernement qu'il confirme qu'il tient à ce qu'il y ait un cadre de responsabilisation pour le gouvernement et les organismes du secteur. Nous croyons que ce serait facile à réaliser et qu'il suffirait de reprendre l'accord et les codes, de peut-être les mettre à jour et de les intégrer au plan d'action pour l'imputabilité.
Je vais conclure mon exposé en formulant des compliments et plusieurs recommandations. D'abord, nous voulons féliciter le gouvernement du Canada d'avoir créé un groupe d'experts indépendants sur les subventions et les contributions en vertu du plan d'action et d'avoir établi le principe d'équité pour le processus d'appel d'offres dans la loi.
Nos recommandations sont les suivantes: au sujet des subventions et des contributions, nous recommandons que le gouvernement du Canada allège le lourd fardeau que représente, pour le secteur communautaire, bénévole et sans but lucratif, l'enchevêtrement de règles qui régissent les pratiques fédérales en matière de subventions et de contributions et qu'il mette davantage l'accent sur les résultats, ce qui est plus conforme au mandat du secteur à l'égard de ses donateurs, de ses bénévoles et des collectivités qui comptent sur lui.
Nous demandons au gouvernement d'appliquer les recommandations de la vérificatrice générale, qui sont formulées dans son dernier rapport de mai 2006. Au chapitre 6, elle indique qu'il est nécessaire de rationaliser les exigences liées aux demandes de subventions et de contributions.
Enfin, nous demandons au gouvernement de conférer au groupe d'experts indépendants le mandat d'examiner la nécessité d'un financement à long terme ainsi que les modifications à apporter aux demandes de subventions et de contributions.
Au sujet de l'approvisionnement, nous recommandons que le gouvernement garantisse l'équité, l'ouverture et la transparence dans la loi, mais qu'il reconnaisse que le regroupement du pouvoir d'achat peut porter atteinte aux principes d'équité pour les petites et moyennes entreprises et les petits et moyens organismes.
Concernant l'infrastructure du secteur, nous encourageons le comité à recommander un financement à plus long terme et plus stable pour assurer le dynamisme du secteur communautaire sans but lucratif. Le secteur communautaire du Canada est l'un des plus solides dans le monde, mais il a été sérieusement ébranlé depuis une dizaine d'années parce que les modèles de financement à long terme se sont dégradés.
Vous pourriez peut-être recommander de former un comité parlementaire chargé d'examiner des modèles de financement à long terme; d'établir une fondation nationale, semblable à la Wild Rose Foundation de l'Alberta ou à la Fondation Trillium de l'Ontario, qui offrirait au secteur un programme national de financement de l'infrastructure en complément des subventions, des contributions et des régimes contractuels; de donner suite au rapport de la vérificatrice générale; et d'élargir suffisamment le mandat du groupe d'experts indépendants pour lui permettre d'examiner le financement à long terme.
Enfin, concernant le cadre de référence gouvernemental pour la reddition des comptes, nous demandons que le gouvernement adopte l'accord entre le gouvernement du Canada et le secteur bénévole et les deux codes de bonnes pratiques et qu'ils les intègrent, au nom du gouvernement du Canada dans son ensemble, dans les lignes directrices du Conseil du Trésor.
Voilà qui met fin à ma déclaration. Je serai heureuse de répondre aux questions que vous voudriez bien me poser.
Pour ce qui est de la vérificatrice générale, il est clair que nous sommes favorables à ce que les pratiques du gouvernement du Canada soient soumises à une vérification interne rigoureuse. Ce qui inquiète le secteur, c'est qu'il fait déjà l'objet de nombreuses vérifications pour l'obtention de subventions et de contributions. Parfois, les subventions viennent de plusieurs ministères: de Patrimoine Canada pour le volet bénévolat, par exemple, et d'Industrie Canada, pour le volet protection du consommateur. Il faut comprendre que 46 p. 100 des très petits organismes comptent moins de cinq employés et que subir de nombreuses vérifications est plus un problème qu'une solution pour eux. Nous demandons d'imposer moins de formalités administratives aux organismes pour qu'ils puissent concentrer surtout leurs efforts à aider les gens dans leur milieu et n'aient pas à former du personnel pour remplir des formulaires à temps plein.
Pour ce qui est du financement à long terme, c'est un problème crucial pour notre secteur. Ceux d'entre vous qui ont fait partie des conseils d'administration d'organismes communautaires vont comprendre que la gestion des ressources humaines est cyclique; les subventions prennent fin pour reprendre trois mois plus tard et il faut licencier les gens pour les réembaucher par la suite. C'est difficile pour ces organismes de bien planifier leurs ressources humaines.
Il y a cinq ou six domaines pour lesquels le manque de financement à long terme a une incidence sur ces organismes. Je vais vous donner un exemple bien concret, celui des assurances. Les organismes communautaires qui organisent des camps d'été pour les enfants handicapés ou tiennent des refuges pour femmes battues ou sans-abri sont exposés à des risques élevés auprès d'une clientèle à haut risque, et ils ne peuvent fonctionner sans pouvoir assurer leurs employés et leurs bénévoles. Quand les taux d'assurance responsabilité subissent des hausses de 25 p. 100 et qu'il n'y a pas de subvention, de contribution et de contrat pour tenir compte des primes d'assurance, beaucoup d'organismes ne sont pas en mesure d'offrir les services que nous aimerions qu'ils fournissent à ces clientèles plus risquées.
C'est la même chose pour l'assurance des administrateurs et des dirigeants. Les sociétés sans but lucratif ou les organismes de bienfaisance doivent avoir un conseil d'administration. Si je vous demande de faire partie du conseil d'administration d'un organisme, en vous prévenant toutefois qu'il n'y a pas d'assurance responsabilité et que vous serez tenu personnellement responsable des actes ou des manquements de l'organisme ou d'un de ses employés, vous allez fort probablement refuser mon offre. C'est une des conséquences de l'absence de financement à long terme, le fait que les organisations ont du mal à recruter des gens compétents au sein des conseils d'administration qu'ils sont obligés d'avoir.
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Je pense que vous voulez dire que j'ai droit à cinq minutes.
J'ai une question à vous poser, madame Kirk. D'abord, merci beaucoup d'être venue nous rencontrer.
Il y a plusieurs mois, DRHC, comme on l'appelait alors, a procédé à une réévaluation des marchés passés avec les organismes communautaires. C'était un véritable fouillis. À la page 13 de votre mémoire -- où il est question de l'accord et des codes -- , vous faites état des résultats de ce processus, c'est-à-dire des changements qui devaient être apportés : rationalisation de la gestion administrative, amélioration des modalités d'appel d'offres, poste de conseiller en équité, modalités de résolution de conflits portant sur l'équité des pratiques, mise en place d'un comité de pilotage paritaire, engagement à rendre public un rapport annuel sur le respect de l'accord et des codes.
À la fin de votre rapport, vous formulez des recommandations sur les subventions et les contributions, l'approvisionnement, l'infrastructure du secteur, le cadre de référence gouvernemental pour la reddition de comptes du secteur. Il me semble que si l'accord et les codes étaient appliqués, de manière générale, à la lumière des changements que vous proposez, la plupart de vos recommandations seraient mise en oeuvre. Vous dites, et je cite : « Or, l'« adoption » de l'accord et des codes a été inégale, au mieux, au sein du gouvernement du Canada. »
Ma question est plutôt d'ordre général. Comment pouvons-nous assurer l'adoption de ce cadre, par le truchement de la Loi sur l'imputabilité, par tous les ministères du gouvernement?
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L'Association des affaires publiques du Canada est un organisme national sans but lucratif qui a été créé en 1984. L'Association compte un nombre grandissant de membres qui proviennent de nombreuses disciplines liées aux affaires publiques: mentionnons, par exemple, l'élaboration des politiques, les relations gouvernementales, les communications, les sondages d'opinion et les relations publiques. Je tiens tout d'abord à dire que l'Association des affaires publiques du Canada appuie l'esprit de la Loi fédérale sur l'imputabilité, parce qu'elle fait la promotion des principes de transparence et de responsabilité, principes qui constituent la base d'un comportement éthique.
L'Association s'est récemment dotée d'un énoncé de principes éthiques, parce que nous prônons un comportement éthique dans toutes les facettes de notre travail. Donc, nous appuyons l'esprit de la loi. Toutefois, nous aimerions faire quelques suggestions constructives au sujet de la lettre de celle-ci.
Le lobbying — ou les relations gouvernementales, expression que nous préférons —, n'est pas une activité douteuse comme le laissent entendre de nombreux médias, et les politiciens ne sont pas des gens ignobles, comme le suggère souvent la presse. Les spécialistes des relations gouvernementales ne sont pas de simples consultants et ne travaillent pas uniquement pour les grandes et riches entreprises. Au contraire, ils jouent un rôle vital auprès des organismes sans but lucratif, et aident les défenseurs bénévoles au sein des organisations de citoyens à plaider leur cause devant le gouvernement.
Il importe de se rappeler que l'appareil gouvernemental, en raison de sa complexité, peut dérouter ceux qui n'en connaissent pas les rouages. Voilà pourquoi il faut faire appel à un professionnel aguerri quand on veut défendre son point de vue devant le gouvernement, notamment quand il est question de politiques d'intérêt public.
La plupart des gens savent que ceux qui comparaissent devant un tribunal ont besoin des services d'un avocat. Ils ne devraient pas se défendre eux-mêmes. Les organismes sans but lucratif et les organisations de citoyens, tout comme les grandes entreprises, ont eux aussi besoin de l'aide de professionnels quand ils défendent leur position devant le gouvernement. Or, il faudrait faciliter l'accès de ces organismes aux professionnels, et non pas l'interdire.
Nos représentants élus, qui ont le sens de l'éthique, veulent et devraient entendre les arguments des deux camps avant de procéder à l'élaboration de politiques qui intéressent le public. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Comme les fonctionnaires ne peuvent être des experts dans tous les domaines, il est essentiel d'écouter les vues exprimées par les professionnels de tous les côtés si l'on veut que les politiques reflètent véritablement l'intérêt du public.
Cela dit, je tiens à attirer l'attention du comité sur certains aspects du projet de loi qui soulèvent des inquiétudes. En effet, il y a des dispositions, dont l'objet est d'accroître la transparence, qui créent des problèmes imprévus.
Prenons, par exemple, les exigences additionnelles en matière de déclaration qui sont imposées aux lobbyistes. Ceux-ci seraient tenus de remplir une déclaration mensuelle indiquant le nom des hauts fonctionnaires qu'ils ont rencontrés, la date à laquelle ils ont communiqué avec eux, et de nombreux autres renseignements. En poussant la transparence à l'extrême, le projet de loi va désavantager, sur le plan concurrentiel, les organismes qui devront engager des dépenses administratives élevées pour respecter ces exigences. Pis encore, il risque d'inciter certaines personnes à contourner ce processus onéreux et, partant, d'encourager le non-respect de la loi.
Si le commissaire au lobbying se voit attribuer le pouvoir de communiquer avec des titulaires ou anciens titulaires d'une charge publique de haut rang pour vérifier les renseignements fournis et à publier les réponses dans le registre public qui se trouve sur Internet, nous allons être confrontés à une série similaire de problèmes imprévus. Cette exigence va alourdir le processus pour le personnel qui sera tenu de suivre les mêmes règles que les lobbyistes, au cas où on leur demanderait des renseignements, même si, d'un point de vue technique, il n'est pas tenu, à l'instar des lobbyistes, de fournir une déclaration.
Encore une fois, cela va créer un fardeau administratif imprévu et onéreux. Ces exigences vont peut-être constituer une lourde charge pour les entreprises grandes et riches qui sont souvent associées, dans l'esprit du public, aux activités de lobbying, mais elles vont avoir un effet destructeur et débilitant sur les organisations de citoyens. En effet, les défenseurs des intérêts des citoyens assurent, par définition, la communication entre les particuliers et les représentants élus. De façon plus précise, les défenseurs bénévoles qui oeuvrent au sein d'organisations sans but lucratif, comme celles qui mettent l'accent sur la recherche médicale, pourraient délaisser ce travail utile sur le plan social, de crainte que ces réformes en profondeur ne les transforment en transgresseurs de la loi.
Les nouvelles exigences en matière de déclaration représentent le premier des deux grands écueils du projet de loi. Le deuxième concerne les restrictions bien intentionnées, mais potentiellement dangereuses, qui s'appliquent à ceux qui veulent agir comme lobbyistes. En effet, le projet de loi interdit aux titulaires d'une charge publique de haut rang d'exercer des activités de lobbying dans les cinq ans suivant la cessation de leur emploi.
Pour les personnes qui lisent les journaux et qui sont prêts à croire que les personnes qui ont récemment été à l'emploi du gouvernement auraient des avantages injustes, cela semble bien. Mais pour les personnes qui connaissent le processus d'élaboration des politiques, l'alarme devrait sonner.
Afin de les travailler efficacement dans le domaine des relations gouvernementales, il faut bien connaître le processus d'élaboration des politiques. Une fois de plus, je fais la comparaison avec les avocats : ce n'est pas tout le monde qui est qualifié pour défendre une cause devant la Cour. Le fait d'empêcher pendant cinq ans les personnes qui ont récemment travaillé dans la fonction publique d'utiliser leurs compétences fraîches dans le domaine des relations gouvernementales, cela équivaut à empêcher les nouveaux avocats de pratiquer pendant cinq ans.
Dans un sens, cela aurait seulement comme effet que les personnes perdraient leurs compétences fraîchement acquises. En plus, il y a un argument encore plus important contre disposition. Beaucoup de personnes compétentes travaillent en relations gouvernementales. En disant aux personnes dévouées et compétentes que le gouvernement les disqualifiera et les empêchera de faire ce type de travail pendant cinq ans, cela les dissuadera tout simplement et ils ne voudront plus travailler dans la fonction publique, ce qui n'est pas une bonne chose pour le gouvernement ni pour la population en général.
Mesdames et messieurs, pour ces deux raisons, les exigences en matière de présentation de rapports, à grands frais, et l'interdiction pendant cinq ans sont deux problèmes qui peuvent être réglés sans modifier l'objectif premier de la Loi, soit d'accroître l'imputabilité et la transparence. Le principe est simple : si quelque chose n'est pas vraiment brisé, il n'a pas besoin d'être réparé. Il n'est pas nécessaire de modifier les exigences en matière de présentation de rapports pour répondre aux craintes de la population à l'égard du lobbying secret, craintes qui ne sont d'ailleurs pas fondées. De plus, personne ne peut s'attendre à ce que l'interdiction de cinq ans favorise le bon processus d'élaboration des politiques, car cela ne ferait que dissuader les personnes qui peuvent faire une grande contribution.
S'il faut imposer une restriction en matière de lobbying, il faudrait que cette interdiction vise uniquement les dossiers sur lesquels l'ancien officiel du gouvernement travaillait ou même les dossiers du ministère pour qui il travaillait. Il serait encore mieux d'appliquer les exigences dans ces deux cas, ce qui permettrait de favoriser plutôt que d'entraver le travail des défenseurs populaires et de favoriser le recrutement de personnes compétentes au gouvernement.
Merci de m'avoir écouté.
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Merci, monsieur le président.
Il me fait plaisir de vous présenter mon exposé aujourd'hui. Le projet de loi dont il est question est très complexe, mais très important aussi.
Les membres du Conseil canadien des chefs d'entreprise, pour ceux qui ne le savent pas, sont surtout des cadres de grandes entreprise situées au Canada. Nos membres comprennent très bien l'importance de la bonne gouvernance dans le secteur public comme dans le secteur privé. Une bonne gouvernance d'entreprise assure un avantage concurrentiel, contribuant à attirer les investisseurs et les personnes de talent, et favorise de ce fait une croissance plus vigoureuse et durable de la valeur de l'action.
De même, la bonne gouvernance publique procure un avantage concurrentiel au pays en attirant les gens et les investissements des marchés mondiaux. Elle aide également les gouvernements à fournir des services de plus grande valeur aux citoyens et contribuables. C'est pourquoi notre organisation accorde une très grande attention aux enjeux de la gouvernance depuis plus de trois décennies. Nous avons participé activement aux grands débats nationaux touchant la réforme parlementaire et constitutionnelle. Le CCCE est la seule organisation de dirigeants d'entreprises à être intervenue devant un comité de cette Chambre pour appuyer la réforme du financement des partis politiques. Lorsque ce projet de loi était déposé à la Chambre, nous nous sommes faits les défenseurs à la fois des règles plus rigoureuses d'effort volontaire en vue d'améliorer les normes et des pratiques en matière de gouvernance des entreprises.
Par conséquent, je tiens d'abord à féliciter le gouvernement pour son intervention rapide et décisive en vue de régler ce que je qualifie de crise de confiance du public. La loi qu'étudie votre comité comporte un large éventail de mesures importantes, parmi lesquelles je désire souligner, en particulier, le renforcement des pouvoirs du vérificateur général et le rôle du commissaire à l'éthique de même que la création d'un poste de directeur parlementaire du Budget et d'un organisme indépendant chargé d'examiner le processus des nominations publiques.
Je veux que vous vous rappeliez ce qui s'est passé en 2002, lorsque les États-Unis ont réagi à la crise de gouvernance des entreprises en adoptant la Loi Sarbanes-Oxley (SOX). Cette loi a rassuré les investisseurs en imposant des règles et sanctions nouvelles et rigoureuses, mais elle avait été rédigée à la hâte et était très complexe, de sorte qu'elle a causé des maux de tête aux responsables de la réglementation durant plusieurs mois et qu'elle continue de comporter d'énormes coûts d'observation pour les entreprises.
Le Canada a adopté à cet égard une démarche plus réfléchie. Il a élaboré un système qui est à la fois tout à fait compatible avec les règles américaines touchant les entreprises comme celles qui composent nos membres, qui sont souvent intercotées, mais qui est plus souple et mieux adaptée aux besoins des entreprises cotées plus petites, qui composent la plus grande partie de nos marchés.
Aujourd'hui on constate d'importantes similitudes entre la gouvernance d'entreprise et la gouvernance publique. Dans les deux cas, il existe des échecs réels et des problèmes fondamentaux de perte de confiance auxquels il faut s'attaquer. Mais comme dans le cas de la Loi Sarbanes-Oxley, nous croyons qu'il est important de nous demander si la volonté politique d'agir rapidement ne peut pas mener à un excès de règles nouvelles qui pourraient, à terme, s'avérer contre-productives. Je vous rappelle que dans le secteur des entreprises, les règles de gouvernance ont pour but de protéger les investisseurs, mais elles imposent aussi des coûts qui entraînent des pertes de revenus. En outre, les dirigeants qui passent trop de temps à s'entretenir avec des juristes et des comptables et qui n'en consacrent pas suffisamment à l'expansion de leur entreprise ne peuvent assurer la meilleure valeur possible aux actionnaires.
Actuellement, personne ne remet en question la nécessité de remédier aux failles de la gouvernance publique qu'a mises en évidence le scandale des commandites. Mais comme dans le secteur des entreprises, la mise en place de nouvelles règles et mesures de contrôle interne entraînera des coûts fixes importants même si elle réduira les possibilités de fraude.
Je me demande aussi avec inquiétude quelles incidences auront ces nouvelles mesures, dans leur ensemble, sur la culture du gouvernement. Mèneront-elles à une obéissance stricte aux règles et à un souci obsessif d'éviter les erreurs qui limiteront gravement l'innovation et l'efficacité? Pour assurer la meilleure valeur possible aux citoyens, il faut faire davantage que de prévenir les fautes.
J'aimerais soulever une dernière préoccupation. Les fonctionnaires, même s'ils sont bien qualifiés et bien intentionnés, n'ont pas le monopole des bonnes idées. Un gouvernement efficace doit pouvoir entretenir des échanges d'idées sains avec les intervenants de l'extérieur. Si je me fie à l'expérience de ma propre organisation, ces échanges sont souvent l'initiative de hauts fonctionnaires qui désirent avoir des commentaires sur l'état d'une industrie ou sur l'impact probable de changements stratégiques envisagés. La nouvelle loi imposera beaucoup plus d'activités de tenue de dossiers et d'établissement de rapports à quiconque désire s'adresser à des hauts fonctionnaires. Elle en imposera aussi, de ce fait, à ces derniers.
Je tiens toutefois à établir clairement que je ne m'élève pas contre l'idée de faire en sorte que le processus de lobbying à des fins de bénéfices soit transparent et honnête. Notre seule préoccupation d'importance à cet égard est que l'importance du processus d'établissement de rapports et la vitesse à laquelle il devra se déployer peuvent mener à la divulgation inéquitable de renseignements commercialement sensibles.
Les nouvelles règles, cependant, sembleraient également toucher les activités du grand nombre d'organisations qui font des démarches auprès du gouvernement dans le but d'influencer des politiques publiques d'une manière qu'ils croient bénéfique pour le pays dans son ensemble. La vaste majorité de ces organisations affichent déjà un haut niveau de transparence en ce qui a trait à leurs activités de défense des intérêts publics et je crains que le nouveau fardeau — comme mon collègue l'a dit — s'avère particulièrement lourd pour les organisations non gouvernementales de moindre envergure. Si la lourdeur des procédures d'observation de la loi décourage le dialogue, le gouvernement pourrait se retrouver plus isolé des citoyens et être moins enclin à s'en remettre à la sagesse collective pour mettre de l'avant des solutions stratégiques innovatrices.
Ce projet de loi est important en ce qu'il répond à un besoin urgent de rétablir la confiance du public et les chefs d'entreprise du Canada adhèrent entièrement à ces objectifs. Cependant, notre propre expérience en ce qui concerne la crise de confiance qui a touché la gouvernance des entreprises nous fait croire qu'il est très important de réfléchir à toutes les répercussions éventuelles d'une loi complexe comme celle-ci, comme ce que votre comité fait aujourd'hui.
Je suis maintenant prêt à recevoir les questions.
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Merci beaucoup pour vos présentations respectives.
Monsieur Stewart-Patterson, vous avez fait deux déclarations qui se trouvent à la page 2 de la version française de votre mémoire. En parlant de la loi Sarbanes-Oxley, vous dites :
Cette loi a rassuré les investisseurs en imposant des règles et sanctions nouvelles vigoureuses, mais elle avait été rédigée à la hâte et était très complexe, de sorte qu'elle a causé des maux de tête aux responsables de la réglementation durant plusieurs mois et qu'elle continue de comporter d'énormes coûts d'observation pour les entreprises.
À la même page, à la troisième phrase du troisième paragraphe, vous ajoutez :
Mais comme dans le cas de la Loi Sarbanes-Oxley, nous croyons important de nous demander si la volonté politique d'agir rapidement ne peut pas mener à un excès de règles nouvelles qui pourraient, à terme, s'avérer contre-productives.
Mme Flis, que nous avons déjà entendue, et d'autres témoins qui vous ont précédé ont parlé de certaines contraintes dues à des changements aux règles touchant le secteur du bénévolat qui reçoit des contributions du gouvernement. Ces changements commencent vraiment à les empêcher de faire leur travail et contribuent ainsi à une réduction des services que ces organismes peuvent donner.
L'expérience démontre qu'au cours des 15 dernières années, par exemple, il a fallu au Parlement 200 jours en moyenne pour adopter un projet de loi comportant autant d'articles et touchant autant de lois. Or, l'objectif du gouvernement actuel est de faire adopter ce projet de loi à toutes les étapes, du moins à la Chambre des communes sinon au Sénat, en moins de 40 jours.
Compte tenu de la complexité du projet de loi, pensez-vous qu'on nous accorde assez de temps pour que nous puissions nous assurer que les changements ne deviendront pas, à la longue, contre-productifs?
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Si vous me le permettez, monsieur le président, ce n'est pas uniquement ce qui a été dit qui est préoccupant, mais c'est plutôt le manque de certitude quant à la loi et sa signification.
La question de l'obligation de faire rapport a été soulevée. Comme je l'ai déjà dit, je n'envisage pas cela comme un travail transactionnel, car nous ne faisons pas cela; nous faisons affaire uniquement avec la sphère politique publique. Mais ce n'est pas clair.
Je m'excuse, monsieur le président, si j'utilise le temps de quelqu'un d'autre.
Voici un exemple : Quelles sont les limites à ce sujet? Il est clair lorsqu'une personne s'adresse à un responsable gouvernemental de niveau supérieur pour parler d'une question politique, il s'agit d'une réunion qui devra faire l'objet d'un rapport. S'il s'agit d'un groupe de personnes représentées par une seule organisation, faut-il présenter un seul rapport ou un rapport par personne? Si plus d'un représentant du gouvernement participe aux discussions, doit-il y avoir un seul rapport ou un rapport par représentant?
Et que se passe-t-il pour les consultations menées par le gouvernement lui-même? J'ai récemment pris part à une consultation prébudgétaire à laquelle participait le ministre des Finances. Cette consultation a été organisée à l'initiative du ministre, qui avait invité 17 organisations, si je me souviens bien. Est-ce que toutes les organisations devraient présenter un rapport même si elles assistaient à une consultation organisée par le gouvernement?
De manière plus générale, il pourrait y avoir une conférence politique à laquelle participeraient des centaines de personnes et des gestionnaires ou des ministres y feraient des allocutions, car la conférence porterait sur la politique et sur différents points de vue. Il s'agit d'un événement organisé, mais qui ne sera peut-être pas public. Toutes les personnes participant à la conférence devraient-elles présenter un rapport? Ce n'est pas clair.
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Bonjour, madame Flis, monsieur Stewart-Patterson et autres personnes qui vous accompagnent.
Lorsque vous, ou d'autres témoins, nous dites que le projet de loi C-2 n'est pas parfait, cela semble vexer un peu les conservateurs qui étaient convaincus d'avoir présenté un projet de loi aussi parfait que les dix commandements. Lorsque vous nous dites qu'il faut prendre le temps nécessaire pour faire de ce projet de loi un projet de loi qui se tient, nous partageons entièrement votre opinion. Toutefois, autant le NPD que les conservateurs nous accusent de vouloir recourir à des mesures dilatoires.
Mme Jennings disait qu'il y a une statistique à l'effet qu'il y a eu, entre 1988 et 2000, 14 projets de loi qui comptaient plus de 300 articles. Or, le temps moyen requis pour étudier ces projets de loi a été de 200 jours. Aujourd'hui, on nous demande de le faire en 40 jours environ. Mais il y a pire encore: il n'y a même pas de révision possible de la loi. Nous avons proposé un amendement à cet effet que nous espérons voir accepter. On est tellement certain d'avoir mis au monde un document parfait qu'on n'a même pas inclus un article précisant qu'il y aura une révision de la loi dans cinq ou sept ans. Je trouve cela très dangereux. J'espère que nos amis les conservateurs seront intéressés, à tout le moins, à entendre nos commentaires sur une révision de la loi tous les cinq ans.
Je vais reprendre un peu les commentaires du début de Mme Jennings. Vous avez parlé de la loi Sarbanes-Oxley qui a été mise en vigueur aux États-Unis en 2002. Dans d'autres pays, on a adopté des lois sur la responsabilité ou sur l'imputabilité. Supposons que nous fassions un sondage aujourd'hui qui révèle que le niveau de confiance de la population canadienne est de x. Pour voir si la loi a atteint ses objectifs, il faudra, dans deux ou trois ans, faire un autre sondage afin de déterminer si cette loi, qui visait à rétablir la confiance, a atteint son objectif.
Dans le cadre de la loi en vigueur aux États-Unis, a-t-on atteint l'objectif qu'on s'était fixé? Est-ce que les Américains se disent maintenant satisfaits, et ont-ils confiance à M. Bush et à son gouvernement?
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Merci beaucoup de cette occasion.
Concernant la question, et pour ne pas répéter ce qui a déjà été dit, je pense qu'il est important de souligner deux points. L'un concerne la complexité administrative et le temps nécessaire pour évaluer réellement le projet de loi. En tant que praticien dans le domaine, je peux vous dire que la plupart des gens qui sont des praticiens en relations gouvernementales font, en fait, partie de petites entreprises indépendantes. Un grand nombre d'entre nous sont, en fait, des praticiens uniques dans le domaine.
Dans l'état actuel des choses, le temps qu'il faut pour respecter les règles qui sont actuellement en place du point de vue administratif est certainement justifiable. À notre sens, les règles sont suffisamment détaillées pour garantir que dans le travail que nous faisons, la déclaration qui est exigée et la transparence qui est nécessaire sont déjà incluses dans la déclaration que nous faisons à l'heure actuelle.
Dans l'état actuel, de notre point de vue, même les ressources au sein du bureau du directeur des lobbyistes sont telles que l'on est en train de traiter à l'heure actuelle un arriéré important d'enregistrements. Alors, vous pouvez vous imaginer, avant que quelqu'un examine ce que nous devons maintenant déclarer ou fournir, on nous oblige souvent à présenter la version suivante des exigences en matière de déclaration, quelles qu'elles soient.
Concernant le deuxième point, l'accessibilité au gouvernement, notre point de vue est le suivant. Nous sommes très heureux d'entendre que le gouvernement envisage d'examiner la façon dont les décisions sont prises au gouvernement et de voir de quelle façon on peut accroître l'imputabilité à ce chapitre, mais ce que nous craignons, c'est que le projet de loi, dans sa forme actuelle, porte principalement sur les points d'accès au gouvernement. Nous croyons certainement, ou nous sommes conscients de certaines des lois sur l'imputabilité dans d'autres administrations, où très souvent, ce qu'on examine, c'est la façon de rendre le gouvernement plus accessible aux gens et, par le fait même, plus transparent, de sorte que les décisions prises par le gouvernement soient plus justes et davantage dans l'intérêt public.
Notre crainte, c'est que ce projet de loi mette trop l'accent sur les points d'accès eux-mêmes. Notre point de vue, c'est qu'il s'agit fondamentalement du mauvais endroit à examiner du point de vue de la transparence et de l'imputabilité du gouvernement.
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
Si je pouvais commencer, s'il vous plaît, par une comparaison entre la Loi fédérale sur l'imputabilité et la Loi Sarbanes-Oxley, cela permet de faire une juxtaposition intéressante. Je suis heureux que vous ayez tracé ce parallèle pour nous. Je suis certainement d'accord avec vous pour dire qu'il y a une crise de confiance du public face aux institutions publiques et privées. Là où les deux lois divergents quelque peu, c'est que la Loi Sarbanes-Oxley a été adoptée en tant que réaction spectaculaire immédiate. Sa valeur était tout aussi symbolique que pratique, je crois. Il fallait faire quelque chose. La réaction du monde des affaires ici, de la communauté des affaires au Canada, c'est que nous préférerions le respect volontaire de lignes directrices éthiques à la rigidité de la Loi Sarbanes-Oxley. C'est le message que nous avons reçu de votre patron et d'autres.
Je peux vous le dire, j'ai travaillé pour un syndicat international et nous avions 40 milliards de dollars dans le fonds de pension de notre syndicat relativement petit qui était géré des deux côtés la frontière. Et le crime en col blanc est certainement devenu un problème de cols bleus pour les bénéficiaires de notre régime de pension. Alors, je suis partiellement en désaccord avec vous aussi bien au niveau du ton que du contenu, lorsque vous défendez l'idée que peut-être nous faisons ici ce que les Américains ont fait avec la Loi Sarbanes-Oxley et qu'ils sont allés trop loin. C'est le message que nous avons eu des libéraux. La réaction immédiate à ce projet de loi était qu'il n'était vraiment pas si mauvais; il n'est pas nécessaire d'y aller avec autant de force; nous ne voulons pas laisser entendre que nous étions une bande d'escrocs. Eh bien, c'est le ton que je perçois dans votre réaction. Peut-être que vous sous-estimez à quel point les Canadiens ont été horrifiés tant par les scandales des libéraux que par les gestes malhonnêtes du monde des affaires.
Les règles que nous avons mises en place ici ne se rapprochent même pas de celles que l'on retrouve dans la Loi Sarbanes-Oxley. Je lisais que Kenneth Lay resterait impuni s'il avait été accusé ici au Canada en vertu de nos règles, mais aux États-Unis, on va le conduire en prison menottes aux poings.
Vous avez soulevé la question de l'indépendance des vérificateurs. Comment se fait-il qu'au Canada le vérificateur d'une grande entreprise peut également vendre des conseils fiscaux et d'autres services financiers à cette même entreprise? Si j'étais administrateur d'une fiducie de pension, je ne voudrais pas investir dans cette entreprise parce qu'il y a un conflit d'intérêts très clair. Et vous êtes prêts à accepter que cela... Je ne remets pas en question votre droit de critiquer la Loi fédérale sur l'imputabilité comme étant trop stricte, mais il est certain que je le prends avec un grain de sel, parce que vos propres institutions ne sont pas allées très loin pour apaiser les craintes des Canadiens.
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Si vous le permettez, vous avez soulevé un certain nombre de questions. Je veux dire clairement que je ne suggère pas une dilution de la Loi fédérale sur l'imputabilité. Ce que je suggère, c'est de nous assurer qu'elle est efficace. Et je dis qu'il faut du temps pour y arriver.
De la même manière, je ne veux pas trop insister sur les comparaisons directes entre la Loi Sarbanes-Oxley du côté de l'entreprise, parce qu'il s'agit d'une loi américaine, et ce qui se passe ici en termes d'imputabilité dans le secteur public. Ceci dit, si vous regardez les comparaisons entre le Canada et les États-Unis, les législateurs et les responsables de la réglementation canadiens ont regardé les résultats de la Loi Sarbanes-Oxley; ils ont regardé ses implications et le fait que la loi qui a été rédigée aux États-Unis a imposé un fardeau indu aux plus petites entreprises; et ils ont dit, eh bien, nous avons un très grand nombre de petites entreprises au Canada, alors nous devons nous assurer que nos règles reflètent les réalités de notre marché et qu'elles ne se limitent pas uniquement à une copie automatique de ce qui a été fait aux États-Unis.
Le deuxième point que j'aimerais apporter, c'est qu'à certains égards, les Canadiens sont allés plus loin que les Américains à la fois sur le plan législatif et sur le plan des gestes volontaires. Je fais allusion à la séparation de la présidence et de la direction générale, question qui n'a pas été traitée dans la Loi Sarbanes-Oxley et qui n'a même pas fait partie des discussions. Les Américains considèrent que la séparation de ces deux fonctions dilue le leadership. Ils considèrent que c'est une mauvaise pratique. Les Canadiens ont dit non, nous pensons que c'est important, et une à une, les entreprises se sont mises à le faire.
Alors, le point général que j'essaie de faire valoir, c'est que le Canada a une situation unique. Nous ne sommes pas des Américains; nous faisons les choses à notre manière. Et il s'agit certainement de la position que notre organisme a préconisée du côté de la gouvernance des entreprises. Tout ce que je suggère ici ne porte pas sur la substance du projet de loi, mais assurons-nous d'aller jusqu'au bout et de bien faire les choses, et de faire en sorte qu'il réponde aux besoins des Canadiens et qu'il règle les préoccupations bien réelles des Canadiens.
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Je vais continuer dans la même veine que M. Martin.
Beaucoup de gens sont venus témoigner devant le comité pour dire qu'ils aiment la Loi sur l'imputabilité; ce qu'ils n'aiment pas, c'est la façon dont elle s'applique à eux. Nous trouvons cela très intéressant.
De plus, vous serez tous heureux de vous faire rappeler que nous parlons maintenant d'un texte législatif sur l'imputabilité depuis deux ans maintenant, depuis que le scandale des commandites des libéraux a été exposé dans le rapport de la vérificatrice générale au tout début de 2004. Nous arrivons maintenant au milieu de 2006. Alors, oui, il y a eu beaucoup de discussions. Elles se poursuivent interminablement. Il n'y a pas de réaction instantanée dans ce pays; s'il y a quelque chose, c'est que nous bougeons beaucoup trop lentement.
Vous serez également très heureux de savoir que le présent comité, d'ici la fin de cette semaine, aura entendu un total de 70 témoins. Nous avons entendu 45 heures de témoignages et pouvons prévoir qu'il y aura encore probablement 45 heures d'examen des amendements dans le cadre de l'étude article par article. Je suis certain que vous serez très impressionnés par la quantité de travail qui est consacré à ce projet de loi particulier.
Cependant, pour ce qui est de vos préoccupations particulières concernant les exigences en matière de déclaration, d'autres lobbyistes sont venus dire au comité que c'était un fardeau trop lourd que d'avoir des exigences en matière de déclaration. Ils ont dit, évidemment, qu'ils ne s'inquiétaient pas pour les lobbyistes, mais pour les petites entreprises familiales qui, d'une façon quelconque, sont écrasées par ces règles.
Je n'ai jamais rencontré dans ma circonscription une seule petite entreprise ou un seul organisme de bienfaisance qui a dit ne pouvoir arriver sans son lobbyiste -- aucun. Nous ne parlons pas vraiment des petites entreprises familiales ou des petits organismes de bienfaisance familiaux, n'est-ce pas? Nous parlons vraiment des grandes entreprises et des gros cabinets de lobbyistes -- dont la plupart, en passant, font ce genre de déclaration de toute manière, tous les jours. Ils ont même conçu des logiciels pour le faire. Ils le font parce qu'ils veulent facturer leurs clients. Toute conversation téléphonique de 15 minutes est consignée. Ils n'ont aucune difficulté à les inclure dans leur facture, mais lorsque vient le temps de faire une déclaration publique et de rendre les choses transparentes, tout à coup, cela devient un fardeau épouvantable.
Je veux savoir pourquoi. Peut-être pouvez-vous m'expliquer la contradiction qu'il y a ici.
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Ma réponse la plus brève serait qu'il n'y a pas de recette miracle pour regagner la confiance du public. La confiance, je l'ai déjà dit, une fois perdue, peut être très difficile à regagner. Il faudra du temps; il faudra plusieurs mesures et beaucoup de dévouement.
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il est important non seulement d'être conscients des conséquences imprévues, mais aussi de nous concentrer sur l'objectif d'une bonne gouvernance, ce qui revient encore à répondre aux besoins et aux attentes des citoyens et de faire que le gouvernement soit aussi efficace que possible.
C'est pourquoi, si je peux encore une fois établir un parallèle avec l'aspect du secteur privé, l'un des changements dans les exigences en matière de gouvernance qu'on retrouve dans la loi Sarbanes-Oxley et dans la loi canadienne, c'est la notion de la responsabilité personnelle — autrement dit, l'attestation personnelle de la part des chefs de direction et directeurs financiers, relativement à chacun des rapports de la compagnie.
Si je peux résumer rapidement, monsieur le président, les attentes et l'obligation légale d'un chef de direction sont maintenant claires: non seulement un rapport doit-il refléter intégralement et avec exactitude la situation de la compagnie, mais tout ce qui est dit dans le rapport doit être vrai. Rien ne peut être omis, si une telle omission peut induire en erreur; la personne qui atteste doit être pleinement informée des faits essentiels. Des processus doivent exister pour faire en sorte que cette personne soit pleinement informée des faits importants; et cette personne doit confirmer qu'elle a vérifié ces processus et signaler tout défaut.
C'est une mesure très simple. Elle est dans la loi Sarbanes-Oxley, elle est dans la loi canadienne, et elle a l'appui inconditionnel de nos dirigeants. Je me pose la question suivante: si des clauses similaires existaient dans le secteur public, est-ce que cela aurait changé quelque chose à la situation que nous avons connue avec, par exemple, l'affaire des commandites? Je ne sais pas, mais je vous invite à vous poser cette question.
Ce genre d'attestation ne va pas sans travail. Les chefs de direction doivent investir beaucoup de temps pour s'assurer de pouvoir la fournir, parce que d'importantes pénalités sont prévues en cas d'erreur. Ce n'est pas une approche, jusqu'ici, qui a eu la faveur du côté public. Vaudrait-il la peine d'y réfléchir, tandis que nous étudions un projet de loi complexe? Que faut-il pour regagner la confiance du public?
Comme je l'ai dit, ce projet de loi comporte bien des choses qui, selon moi, seront utiles et sont importantes, et j'encourage les députés de cette Chambre, de tous les partis, à l'appuyer et à faire avancer le projet de loi. En même temps, je pense qu'il est important de reconnaître qu'aucun projet de loi, aucune disposition d'un projet de loi ne résoudra le problème, et par conséquent, il est important non seulement de faire tout en notre pouvoir pour avoir un bon projet de loi, mais aussi pour ne pas perdre de vue le fait qu'il faudra encore plus de travail, quelle que soit la forme dans laquelle ce projet de loi sera adopté.
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Merci, monsieur le président.
Quand j'ai été affecté au Comité de l'examen de la réglementation, on m'a dit que c'était un comité peu populaire. Maintenant, je vois que nous allons interpréter la Loi sur l'imputabilité fédérale, et j'en suis ravi.
J'ai l'impression que nous avons un problème, ici, quand tout est exprimé en dichotomies. Si on ne fait pas passer ce projet de loi — ce sont les sites Web qui le disent — nous avons tort. Si nous passons 45 heures à entendre des témoins, mais que pendant 35 de ces heures, en tant que politiciens, nous menons notre campagne politique de la semaine, ce n'est pas un véritable examen du projet.
En fait, si les lobbyistes sont d'anciens membres de l'équipe libérale, ce sont des affreux et on ne devrait pas les laisser faire. Mais si ce sont d'anciens membres de l'opposition conservatrice, alors ça va. Alors je voudrais laisser de côté cette dichotomie du bien et du mal, du rouge et du bleu — je ne virerai jamais au bleu, monsieur Poilievre, mais probablement au rouge — et nous concentrer sur élément, un élément très positif, un plan d'action au sujet de ce dont a parlé Mme Flis, et c'est l'idée du conflit d'intérêts tel qu'il est défini par d'autres sociétés. Je vous le propose parce que selon moi vous avez le devoir, comme le disait en fait M. Martin, de vous autodiscipliner, et plus vite que cela.
Les gouvernements du pays travaillent en partenariat avec les ordres des avocats, les ordres des dentistes, les ordres des psychologues, etc., et ils se disciplinent d'eux-mêmes. Mais c'est un partenariat, parce que le gouvernement vous donne un projet de loi d'initiative parlementaire et dit, établissez vous-mêmes vos règles. Ce n'est pas sans faille, mais les avocats peuvent être rayés du Barreau et des accusations criminelles sont portées contre eux, etc.
Je pense que ce pourrait être quelque chose à faire. Comme vous le savez peut-être, quand il y a conflit d'intérêts, dans les ordres des psychologues et des avocats du pays, si vous connaissez les affaires d'un client et voulez aller travailler pour un autre, vous n'en avez pas le droit. C'est tout à fait le même genre de situation ici.