:
Merci et bonjour, monsieur le président et membres du comité.
[Traduction]
Je m'appelle Scott Hutton. Je suis directeur exécutif adjoint du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et je suis accompagné de Peter Foster, gestionnaire de la télévision traditionnelle, et de Doug Wilson, directeur de la recherche stratégique et de l'analyse économique.
Avant de passer à l'exposé, je voudrais, au nom de notre président, Konrad von Finckenstein, déposer des renseignements, à la suite de la dernière comparution du Conseil devant votre comité, le 1er mars 2007. Lors de cette comparution, M. Angus a demandé des renseignements supplémentaires sur notre processus concernant les transferts de propriété, ainsi que des détails sur des transferts de propriété spécifiques effectués sans processus public.
Nous déposons donc un rapport sur la question. Je crois que le greffier en distribue des exemplaires au moment où je parle. Pour résumer, je dirais que le processus que nous appliquons aux transferts d'actions est appliqué à la suite de la parution d'un avis public annonçant que nous allons effectuer certains transferts d'actions, transferts de contrôle, sans processus public. Cet avis public figure dans le rapport. Il stipule les critères que nous appliquons pour avoir recours à un processus public ou non. Y figure également une explication du fonctionnement interne adopté par le CRTC quand il se penche sur des questions de ce type. Vous y trouverez également un aperçu des transactions ayant eu lieu à la suite de ce processus au cours des deux dernières années et, notamment, aux pages 4 et 5, les transactions spécifiques évoquées par M. Angus: les 18 stations radio de la province de la Colombie-Britannique. Pour ce qui est de ce cas précis, je me contenterai de signaler que, bien que 18 semble un nombre élevé, les chiffres d'ensemble pour l'auditoire et les recettes, dans le contexte de la province, sont plutôt minimes. En examinant la transaction, vous constaterez qu'il s'agissait, d'une certaine façon, de l'introduction de nouveaux intervenants dans le marché, si bien que nous avons estimé à l'époque que cela ne soulevait pas de questions de politique majeures susceptibles de requérir un processus public.
Merci de votre patience.
Nous allons à présent passer à notre sujet d'aujourd'hui. Nous sommes heureux de contribuer à votre étude sur la Société Radio-Canada et de vous donner un aperçu de la façon dont les nouvelles technologies transforment l'industrie de la radiodiffusion. Nous vous avons remis une présentation au sujet de notre récent rapport sur l'avenir de la radiodiffusion. Je ne le parcourrai pas avec vous, mais vous pourrez vous y référer si vous le souhaitez durant vos questions.
[Français]
Depuis quelques années, nous avons assisté à l'apparition de nouvelles technologies permettant de distribuer du contenu aux consommateurs, allant des appareils musicaux personnels, comme les lecteurs MP3 et les iPod, aux stations de radio sur Internet. En ce qui concerne la télévision, l'univers numérique offre une multitude de canaux payants et spécialisés dont la plupart attirent de nombreux téléspectateurs. L'Internet y joue aussi un rôle de plus en plus grandissant. Il suffit de se rendre sur des sites Internet tels que YouTube pour constater que les gens apprécient de pouvoir regarder et télécharger de courts vidéoclips. Pendant ce temps, les radiodiffuseurs conventionnels explorent différentes stratégies pour gérer la transition du mode analogique au mode numérique et, encore, à la haute définition.
[Traduction]
Ces innovations et bien d'autres encore créent un environnement concurrentiel en constante évolution, présentant à la fois de nouvelles possibilités et de nouveaux défis. Cet environnement donne encore plus de pouvoir et de choix aux consommateurs.
Quels en seront les effets sur les radiodiffuseurs canadiens et, en particulier, sur notre radiodiffuseur public national? Avant d'aborder cette question, j'aimerais passer brièvement en revue certains éléments de la Loi sur la radiodiffusion ayant rapport avec votre étude.
Comme vous le savez, la Loi définit le mandat du CRTC, qui consiste à réglementer et à surveiller la radiodiffusion au Canada, et décrit, à l'article 3, la Politique canadienne de radiodiffusion. Cet article définit entre autres le rôle du radiodiffuseur public national. Il mentionne notamment que la SRC devrait offrir des services de radio et de télévision qui comportent une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit.
[Français]
Dans le cadre de son mandat, le conseil est chargé d'accorder, de modifier ou de renouveler les licences de radiodiffusion. La SRC doit lui soumettre des demandes comme n'importe quel autre radiodiffuseur. Nous avons alors l'occasion de travailler en étroite collaboration avec elle.
En effet, tous les sept ans, la SRC doit déposer des demandes de renouvellement de licence pour ses services radiophoniques, télévisuels et spécialisés. C'est pour nous l'occasion d'examiner l'ensemble de ses plans et stratégies pour les sept prochaines années. Cela nous renseigne précisément sur les émissions et services qu'elle offrira aux Canadiens, ainsi que sur la façon dont elle envisage d'atteindre ses objectifs.
[Traduction]
L'importance de cet échange ne doit pas être minimisée. Grâce à notre connaissance du système de radiodiffusion, nous sommes en mesure d'attirer l'attention sur certains aspects des propositions de la SRC, qui nous paraissent être les plus méritoires. De plus, cette procédure est ouverte au public. La dernière fois que nous avons tenu une audience publique afin d'examiner les demandes de renouvellement de licences de la SRC, nous avons reçu quelque 4 000 interventions de la part de citoyens partout au pays, ce qui indique clairement que l'avenir du radiodiffuseur public intéresse grandement les Canadiens.
De temps à autre, il arrive que le Conseil propose des conditions de licence afin de mieux répondre aux objectifs de la Loi, et la SRC a le droit de demander une consultation sur toute proposition de ce type. Cependant, et malgré cette consultation, il se peut que la SRC demeure convaincue que la condition proposée nuirait outre mesure à sa capacité de fournir les services de programmation qui sont visés par la Politique de radiodiffusion. Dans ce cas, l'article 23(2) stipule que la SRC peut soumettre la condition à l'examen du ministre, dans les 30 jours suivant la décision du Conseil.
[Français]
La Loi sur la radiodiffusion comporte également d'autres dispositions qui définissent les pouvoirs de la SRC, sa situation financière et sa constitution, de même que le mandat et les responsabilités de son conseil d'administration.
[Traduction]
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, la SRC évolue dans un environnement qui se développe rapidement et qui oblige les entreprises de radiodiffusion à revoir leurs modèles d'affaires. En juin 2006, la gouverneure en conseil, en vertu de l'article 15 de la Loi sur la radiodiffusion, a demandé au Conseil de produire un rapport factuel sur l'environnement futur du système canadien de radiodiffusion. Les domaines qu'elle nous a demandé d'examiner sont indiqués à la page 4 de la présentation que nous vous avons remise.
[Français]
À la suite de la publication de notre avis, nous avons reçu 52 propositions émanant de particuliers, d'associations de défense des consommateurs, de radiodiffuseurs, de distributeurs et d'associations de l'industrie. Nous avons commandé trois études indépendantes.
[Traduction]
Qu'avons-nous pu constater? Bien que l'utilisation de nouvelles technologies soit en hausse, son incidence sur le système réglementé reste minime. Les émissions que regardent les Canadiens proviennent encore en majeure partie d'entreprises de radiodiffusion réglementées et de nouvelles technologies. Jusqu'à maintenant, les nouvelles technologies n'ont joué qu'un rôle complémentaire.
[Français]
Cependant, au rythme où les nouvelles plateformes et technologies surgissent depuis les cinq ou dix dernières années, on peut dire que la seule constante à l'avenir sera le changement et la vitesse à laquelle il surviendra. Nous remarquons que les attentes et les demandes des consommateurs évoluent constamment. Ils souhaitent davantage de programmation audio et vidéo, et veulent pouvoir décider comment, où et quand ils y accèdent.
Avec le temps, les nouvelles technologies numériques pourraient bien remplacer les entreprises réglementées. C'est pourquoi il est vital que les radiodiffuseurs explorent de nouvelles avenues permettant d'offrir du contenu aux consommateurs.
[Traduction]
Les Canadiens, et en particulier les adolescents et les jeunes adultes, accèdent de plus en plus souvent à des émissions par l'intermédiaire de plateformes électroniques non réglementées, telles qu'Internet. Bien qu'il soit encore trop tôt pour définir le comportement futur de ces jeunes Canadiens, nous savons que leur influence sur le marché se fera pleinement sentir au cours des dix prochaines années.
Alors, à quel moment les radiodiffuseurs doivent-ils s'attendre à ressentir les effets des nouvelles technologies et de leurs implications financières potentielles? Nous avons constaté qu'une grande incertitude plane sur cette question. Nous avons en outre noté l'absence de consensus sur la question de la réglementation qu'il conviendra ou non d'appliquer à la radiodiffusion et aux nouveaux médias.
L'article 5 de la Loi nous indique que la réglementation et la surveillance du système de radiodiffusion devraient être souples pour pouvoir aisément s'adapter aux progrès techniques. Ainsi, cette Loi reconnaît explicitement le fait que diverses plateformes et technologies contribuent de différentes façons à l'atteinte de ses objectifs. À mesure que nous avançons, l'une de nos priorités sera de nous assurer que le système de radiodiffusion continue de répondre à ces mêmes objectifs.
[Français]
On note actuellement une solide présence canadienne dans le nouveau contenu généré par les utilisateurs ainsi que dans les émissions de courte durée pour les nouveaux médias, telles que les clips de nouvelles et de sports. En ce qui concerne les émissions de longue durée, plus coûteuses, telles que les dramatiques ou les événements d'intérêt national, nous constatons que le contenu canadien fait face aux mêmes défis aussi bien dans les nouveaux médias que dans la radiodiffusion.
Étant donné les preuves corroborant la rapidité des progrès technologiques et leur adoption, le conseil a conclu qu'il serait judicieux pour les décideurs de prendre en compte le fait que les entreprises de radiodiffusion subiront probablement des conséquences sur le plan matériel dans un avenir rapproché.
[Traduction]
Les participants à l'étude ont soulevé cette question primordiale: les nouveaux médias doivent-ils contribuer de manière explicite à l'atteinte de nos objectifs sociaux et culturels? Si vous pensez que la réponse est « oui », vous devez ensuite vous demander si une intervention publique est nécessaire. Et enfin, si une intervention publique est en effet requise, il faudra déterminer quels sont les outils les plus efficaces pour garantir que les nouveaux médias contribuent bel et bien à l'atteinte de nos objectifs.
Les participants s'accordaient également pour dire que la surveillance constante et détaillée des développements est essentielle à une intervention publique éclairée.
[Français]
Le conseil surveille d'ores et déjà avec une plus grande attention l'incidence des nouvelles technologies, afin de contribuer à l'élaboration d'une politique et d'une réglementation qui soient les plus adaptées possible. À cet effet, nous avons créé une division nommée Élaboration de politiques et recherche pour les nouveaux médias.
Nous sommes également en train de réviser nos principales politiques et nos principaux règlements. Nous avons d'abord publié, en février 2006, un cadre pour guider la migration des services payants et spécialisés en mode analogique vers le mode numérique. Ensuite, en décembre dernier, nous avons publié une politique révisée sur la radio, et nous en sommes maintenant à revoir la politique sur la télévision en direct. Une fois que nous aurons terminé cet examen, vers la fin du printemps, nous reverrons nos politiques sur les services facultatifs de la distribution en radiodiffusion.
[Traduction]
Après avoir complété la revue des règles régissant la télévision en direct, nous procéderons au renouvellement des licences de ce type de services et, bien sûr, de ceux de la SRC.
Avant de terminer, j'aimerais souligner la qualité du mémoire déposé par la SRC dans le cadre de notre étude. Les mémoires sont d'ailleurs disponibles sur notre site Internet, sous Avis public de radiodiffusion CRTC 2006-72.
Nous attendons avec impatience les résultats de votre étude. Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.
Merci.
:
Sans vouloir minimiser l'importance des changements qui nous attendent, outre les nouveaux médias, nous avons des journaux, des magazines, les arts et la radiodiffusion. Les Canadiens ont donc bien des moyens de s'exprimer et de prendre connaissance de ce que les autres Canadiens ont à dire. C'est le fondement de la Loi sur la radiodiffusion et de bon nombre de nos interventions de politique publique dans tous ces domaines.
Il y a maintenant un nouveau domaine qui s'ouvre. C'est un domaine qui s'apparente probablement à ceux dont nous nous sommes occupés dans le passé, parce que bon nombre des entreprises de ce nouveau domaine sont soit des entreprises de télécommunications, que nous réglementons aux termes de la Loi sur les télécommunications, ou des entreprises de radiodiffusion, que nous réglementons aux termes de la Loi sur la radiodiffusion.
Nous avons donc un rôle qui est appelé à changer. En notre qualité de décideurs, nous devons être tournés vers l'avenir. À l'avenir, nous devrons compter sur toute une gamme d'interventions diverses. Quelles sont nos responsabilités à l'heure actuelle et quels sont les outils dont dispose le CRTC dans ses interventions auprès des radiodiffuseurs? Il y a les exigences relatives à la diffusion, le pourcentage de contenu canadien, que l'on soit pour ou contre ces exigences ou non. Dans le monde de la télévision sur demande, on se penchera plutôt sur l'espace occupé que sur le pourcentage de ce qui est diffusé. Nos outils peuvent donc évoluer avec l'arrivée de ces nouvelles réalités.
Nous avons aussi des exigences relatives aux dépenses. Nous exigeons des radiodiffuseurs et des câblodistributeurs qu'ils réinvestissent dans le contenu canadien. Ce genre d'exigences pourra probablement continuer de s'appliquer à l'avenir, et vous pourrez probablement compter là-dessus. Vous ne pourrez peut-être toutefois pas compter sur la source d'argent. Plus il y aura de concurrence dans ce domaine, plus il y aura de joueurs, plus le marché grandira, moins on pourra dépendre des joueurs actuels pour ces fonds.
Devrons-nous alors nous tourner vers d'autres joueurs pour obtenir ces fonds? Peut-être. Devrons-nous envisager une intervention plus directe du gouvernement? C'est aussi une option qu'il faudrait examiner.
En ce qui concerne l'intervention du gouvernement, il est certain que nous n'avons pas cet argent ou que notre mandat ne le prévoit pas, mais les moyens dont nous disposons actuellement deviendront vite insuffisants. Nous avons commencé une étude qui se poursuivra au cours des prochains mois pour déterminer où se situera le CRTC. À quoi ressemblera le CRTC dans cinq ans? Nous avons un nouveau président et il nous a posé cette question. Nous allons donc certainement y réfléchir.
Essentiellement, nous devons nous demander quel est le principal rôle du système de radiodiffusion. Je suis d'avis qu'il est bon que quelqu'un défende le système de radiodiffusion. Quelle forme devra prendre cette défense? Nos outils actuels devront évoluer et être adaptés, c'est certain, et je crois qu'on pourra prendre des mesures d'ici cinq ans mais que toutes les répercussions, comme nous l'indiquons dans notre mémoire, ne se feront probablement sentir que dans une demi-génération.
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Merci, monsieur le président.
Revenons aux nouveaux médias. Il y a tant de nouvelles technologies qui s'offrent à nous, surtout dans ce monde sans fil où l'on peut recevoir beaucoup de contenu sur son iPod ou son assistant numérique. J'ai aussi récemment entendu parler du Slingbox qui permet de visionner ce qu'on regarderait normalement à la télévision sur tout dispositif portable qui a les capacités voulues.
Il s'agit donc, bien sûr, non pas seulement pour Radio-Canada mais pour le secteur de la radiodiffusion en général au Canada, de saisir ce contenu. Autrement, comme l'a dit M. Angus, comment « monétiser » ce contenu?
Cela m'amène à une question sur l'exemption s'appliquant aux nouveaux médias. À l'heure actuelle, presque tous les nouveaux médias sont soustraits à la réglementation du CRTC. Je vous renvoie aux parties 392 à 398 du rapport.
Il semble que, au sein de l'industrie, deux opinions prévalent. Certains préconisent vigoureusement le maintien de l'exemption pour les nouveaux médias faisant valoir qu'elle contribue à la croissance de cette technologie au Canada. D'autres, comme Radio-Canada, le commissaire aux langues officielles et certains intervenants des secteurs culturels et de la production remettent en question la valeur de cette exemption pour les nouveaux médias.
Permettez-moi de citer le paragraphe 396 du rapport :
Le Conseil prend note des observations des nombreux intervenants qui soulignent que l'ordonnance d'exemption des nouveaux médias a stimulé l'innovation et l'esprit d'entreprise des sociétés canadiennes sur Internet.
Je passe maintenant au paragraphe 397 :
Il est certain que l'ordonnance d'exemption des nouveaux médias n'empêche ni un service canadien de lancer de lui-même des activités conformes aux objectifs de la Loi, ni le gouvernement ou le Conseil de mettre en place des mesures incitatives pour encourager les entreprises à lancer des services canadiens mobiles ou sur Internet...
Enfin, au paragraphe 398, on dit :
La politique publique dispose d'autres moyens que les traditionnelles approches de réglementation pour renforcer la présence canadienne sur les nouvelles plateformes. À cet égard, il est possible que des mesures incitatives obtiennent finalement plus de succès dans de nouveau système de radiodiffusion « ouvert ».
Ces observations, qui reflètent sans doute les préjugés du Conseil — mais peut-être que préjugés n'est pas le bon terme — nous portent à croire que, pour réglementer les nouveaux médias, une approche fondée sur des mesures incitatives serait peut-être plus souhaitable qu'un modèle traditionnel.
Ma première question est la suivante: Avez-vous déjà pris position sur ce sujet? Deuxièmement, avez-vous l'intention de supprimer l'exemption des nouveaux médias dans un avenir rapproché?
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis accompagné des commissaires adjoints Gérard Finn et Renald Dussault, qui seront en mesure de répondre à certaines des questions plus détaillées que vous ne manquerez pas de poser.
[Français]
Je remercie le comité de me permettre de m'adresser à lui. Par un heureux hasard, c'est aujourd'hui la Journée internationale de la Francophonie.
[Traduction]
Le sujet dont vous discutez m'intéresse au plus haut point. Radio-Canada est une institution fédérale pleinement assujettie à la Loi sur les langues officielles. Elle a, par le fait même, l'obligation de prendre des mesures positives afin de promouvoir la dualité linguistique du Canada et de mettre en valeur la vitalité des minorités linguistiques francophones et anglophones. Notre diffuseur national doit également veiller à la préservation de notre patrimoine commun, au renforcement de notre identité et à la réaffirmation de notre système de valeurs. Cela est particulièrement vrai dans un contexte de mondialisation marqué par un accroissement de la diversité et par l'apparition des tensions qui parfois menacent notre partenariat linguistique.
Aujourd'hui, j'aimerais traiter de l'universalité d'accès aux stations radiophoniques et télévisuelles de Radio-Canada, ainsi que du rôle fondamental que doit assumer Radio-Canada dans la création de passerelles interculturelles. Radio-Canada est au coeur de la radiodiffusion canadienne. Il faut, selon moi, en réaffirmer l'importance à titre d'instrument essentiel à la promotion, à la préservation et au soutien de la culture canadienne. Radio-Canada se doit à la fois d'être à la fine pointe de la technologie et de faire preuve d'une vision du Canada et de son avenir.
Radio-Canada a réussi à produire une programmation radiophonique et télévisuelle dépeignant les réalités linguistiques et rapprochant les solitudes. Nous devrions l'en féliciter et l'encourager à poursuivre sa contribution unique à la programmation canadienne, en particulier sur les nouvelles plateformes médiatiques. Radio-Canada doit continuer d'assumer un rôle de chef de file en matière de radiodiffusion au Canada, surtout dans l'actuel contexte de fragmentation croissante de l'environnement médiatique. Les nouveaux services médiatiques peuvent en outre agir comme compléments à la stratégie globale de programmation de Radio-Canada.
Afin de garantir à tous les Canadiens les services de Radio-Canada dans les deux langues officielles, il importe de maintenir l'étendue des obligations incombant déjà à Radio-Canada en vertu de la Loi sur la radiodiffusion pour ce qui est de la mise en oeuvre de programmations locales.
[Français]
Radio-Canada est depuis longtemps une artère de transmission d'information et de liens culturels, tant au sein des régions que d'un bout à l'autre du Canada. Dans plusieurs régions du pays, Radio-Canada est l'unique outil médiatique dont dispose les minorités de langue officielle dans leur langue respective. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des minorités francophones, mais ça l'est aussi dans le cas des minorités anglophones du Québec.
J'appuie fortement les efforts que déploie Radio-Canada pour desservir ces localités menacées, et en particulier: le Quebec Community Network de CBC, qui produit une programmation radiophonique anglophone; le maintien d'une forte présence journalistique et culturelle francophone dans les collectivités hors Québec, les projets télévisuels francophones réalisés à l'extérieur du Québec.
Il subsiste toutefois des carences en matière de programmation régionale puisque cette année, la programmation a été centralisée à Montréal et à Toronto. Radio-Canada a d'ailleurs elle-même exprimé de grandes inquiétudes à cet égard. Les projets qu'elle avait élaborés en 2005 proposaient une série de mesures visant à réinstaurer une forte présence régionale et locale de Radio-Canada dans les régions. L'une de ces mesures visait l'accroissement de la programmation culturelle destinée aux réseaux principaux par l'entremise de centres de production nouveaux et existants situés à l'extérieur du Québec.
Le gouvernement devrait appuyer un renforcement du rôle de Radio-Canada en matière de programmation régionale. Ce rôle est déjà énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion, mais les fonds ne sont pas accordés en fonction de cette obligation. Si la loi est modifiée, les obligations régionales devraient être maintenues et même, s'il le faut, renforcées.
[Traduction]
Au fil des ans, Radio-Canada a mis en oeuvre et produit ce que l'on pourrait appeler une programmation interlinguistique. Le Canada: Une histoire populaire et Breaking Point, une émission sur le référendum québécois de 1995, en sont des exemples mémorables. Paradoxalement, à une époque où de plus en plus de Canadiens adoptent le bilinguisme, le dialogue journalistique et artistique véritablement bilingue, à la télé comme à la radio, se fait plus rare. Voilà qui est regrettable. Comme Canadiens, nous gagnerions à nous parler plus souvent et à travailler plus étroitement ensemble. Heureusement, certaines émissions comme C'est la vie, diffusée sur les ondes de CBC Radio One, et Au Courant, diffusée à Newsworld, donnent un aperçu de la vie quotidienne des francophones du Canada, grâce à des animateurs talentueux et habiles.
Il n'en demeure pas moins que la communication interlinguistique n'a jamais fait partie des activités normales de CBC et de Radio-Canada. Selon moi, nous aurions avantage à ce que cette situation change. Radio-Canada devrait compter parmi ses priorités la mise en oeuvre d'un nombre accru d'émissions interlinguistiques, en particulier sur les nouvelles plateformes médiatiques, plus souples et plus adaptables. Loin de nous l'idée de proposer une programmation à « l'huile de foie de morue », mais des émissions qui nous montreraient combien la vie des gens qui s'expriment dans l'autre langue officielle est, en soi, intéressante.
Radio-Canada doit également créer des espaces réels et virtuels où les professionnels francophones et anglophones du monde médiatique pourront, à l'intérieur de la Société, échanger et mettre en oeuvre leurs idées et leurs projets communs. Pour illustrer une telle forme de collaboration interlinguistique, je citerai en exemple la collaboration fréquente entre les producteurs et le personnel de Radio Two et d'Espace musique dans le cadre d'enregistrements musicaux en direct et de diverses autres activités de programmation.
Ce n'est ni la volonté, ni l'imagination qui manque pour que tous puissent unir leur créativité. On constate toutefois l'absence d'un espace commun pour la collaboration bilingue et biculturelle. Il est difficile de concevoir comment Radio-Canada pourrait encourager la compréhension entre anglophones et francophones sans créer, à l'intérieur même de sa structure, de façon ascendante, des conditions qui permettraient aux artistes et aux artisans francophones et anglophones d'oeuvrer ensemble en unissant leur créativité.
Le paragraphe 46(4) de la Loi sur la radiodiffusion prévoit que :
dans ses projets d'extension de services de radiodiffusion, Radio-Canada tient compte des principes et des objectifs de la Loi sur les langues officielles.
Il y a des défis particuliers à relever à cet égard, compte tenu de l'actuelle transition aux services numériques. Actuellement, la stratégie hybride numérique/haute définition de Radio-Canada prévoit le remplacement, dans les principaux marchés, des transmetteurs analogiques par des transmetteurs numériques/haute définition terrestres. Ces transmetteurs rejoindraient 80 p. 100 de la population du Canada.
Ailleurs, on aura recours à la télévision par satellite, par câblodistribution ou par protocole Internet. Cela signifie que les citoyens des collectivités éloignées et rurales n'auront d'autre choix que de s'abonner à des services comme ExpressVu et Star Choice. Il y a cependant un problème: ces services ne transmettent pas toutes les stations locales. J'ai d'ailleurs rencontré quelqu'un en Saskatchewan récemment qui après s'être abonné à la télévision par satellite a constaté qu'il n'avait plus accès à la programmation locale en provenance de Regina. Par conséquent, de nombreux membres de minorités linguistiques risquent de ne plus avoir accès aux services locaux de Radio-Canada, pourtant essentiels à leur développement.
[Français]
L'universalité de l'accès doit demeurer le principe fondamental de Radio-Canada. Durant la période de transition, le signal terrestre de Radio-Canada doit demeurer offert, particulièrement pour les petites collectivités.
Avec la diminution graduelle de la transmission terrestre, des obligations devront être confiées aux fournisseurs de télévision par satellite, afin que la programmation complète de Radio-Canada puisse être rendue disponible. Dans ce but, je réitère la recommandation formulée par ce comité en 2003: le gouvernement devrait, par décret, faire en sorte que le CRTC enjoigne aux fournisseurs de services de diffusion directe par satellite de distribuer les signaux de toutes les stations locales de télévision de CBC et de Radio-Canada.
Cela dit, j'estime que le gouvernement fédéral devrait faire en sorte que Radio-Canada dispose des outils et du financement nécessaires pour émettre une voix distinctive et indépendante dans les deux langues officielles.
En raison du sous-financement chronique, il est de plus en plus difficile pour Radio-Canada de continuer à refléter les aspirations et les réalisations des Canadiens à l'échelle régionale et locale. Radio-Canada ne peut guère continuer bien longtemps à viser l'excellence dans un cadre budgétaire aussi restreint. Les crédits parlementaires dévolus à Radio-Canada devraient à tout le moins égaler ce qu'ils étaient avant 1996 et devraient s'accroître en fonction de la croissance globale des dépenses gouvernementales et des dépenses fédérales liées à la culture. À cet égard, on se basera en partie sur ce qui est octroyé, à l'étranger, aux autres diffuseurs publics pourvus de mandats semblables. La Suisse, par exemple, pays comportant plus d'une langue officielle, octroie à son réseau de radiodiffusion publique 2,5 fois le financement de ce qu'y investit le Canada. La BBC reçoit en financement 122 $CAN par Britannique, alors que Radio-Canada reçoit 33 $CAN par Canadien. Parmi 18 pays qui possèdent un réseau de radiodiffusion publique, le Canada arrive au 15e rang en matière de financement.
Le gouvernement doit soutenir Radio-Canada dans la réalisation de toutes les obligations qui lui incombent, par un financement adéquat. Je réitère la recommandation formulée par ce comité en 2003: le Parlement devrait octroyé à Radio Canada et CBC un financement pluriannuel accru et stable.
Par le passé, Radio-Canada a démontré sa volonté de demeurer à la hauteur de son rôle d'outil de promotion et de soutien de la culture canadienne, en anglais comme en français, et d'instrument de mise en valeur de la vitalité de nos minorités linguistiques. Je suis persuadé qu'avec l'aide et le soutien de ce comité, Radio-Canada arrivera à s'adapter et à se réaffirmer comme diffuseur public national véritable en ce début de siècle.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je vous remercie d'être venu parce que je considère que votre présentation est tout à fait indispensable. Il existe d'énormes communautés minoritaires de francophones partout au pays. En Colombie-Britannique, par exemple, il y a environ 65 000 francophones mais qui ne sont pas tous regroupés au même endroit; ils sont dispersés un peu partout. Seul Vancouver reçoit vraiment une programmation en langue française de Radio-Canada; les activités de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique reçoit une certaine couverture médiatique. Mais à Campbell River et dans d'autres régions de la Colombie-Britannique et plus au nord, qui comptent d'énormes collectivités francophones, on ne fait rien, on ne dit rien. Je pense que le problème que soulignent la plupart, c'est que les gens du Québec et d'ailleurs au Canada qui regardent la SRC ignorent l'existence des collectivités minoritaires de francophones en Colombie-Britannique, parce qu'elles ne sont pas représentées à la SRC. Et le mandat de la SRC est non seulement de représenter le Canada mais également les régions.
Cela m'amène à ce dont nous parlions plus tôt, c'est-à-dire les médias numériques. Avec l'avènement des nouveaux médias numériques, la SRC a la possibilité d'atteindre et de relier, à l'aide de ces nouveaux médias numériques, les petites collectivités partout au Canada, particulièrement les collectivités francophones, et s'assurer que ses émissions sont diffusées à l'échelle nationale afin que les Québécois soient au courant de la diversité régionale du Canada, particulièrement en ce qui concerne les minorités francophones. Les francophones ont très facilement accès aux médias québécois, mais cela ne fonctionne pas dans le sens inverse.
J'aimerais avoir votre avis à ce sujet. Croyez-vous que si le CRTC, au lieu d'attendre 10 ans, devenait proactif et décidait d'examiner la possibilité d'émettre des licences de radiodiffusion sur Internet, afin que la SRC puisse développer non seulement la radio mais également la télévision sur Internet afin que ses services soient offerts partout au pays, cela serait un moyen de rendre compte de la réalité linguistique du bilinguisme et de la réalité francophone partout au pays? Considérez-vous que l'émission d'une licence Internet par le CRTC pourrait faire partie intégrante de ce processus de manière à ce que la SRC puisse recourir aux médias numériques? Comme on l'a entendu plus tôt, il ne s'agit pas uniquement des collectivités francophones mais également des collectivités rurales qui n'ont plus accès à ces signaux parce que ce sont maintenant les câblodistributeurs qui possèdent l'ensemble de l'infrastructure pour la transmission de chaînes numériques et que les gens n'ont pas les moyens de s'abonner au câble pour obtenir ces chaînes numériques et pour acheter le décodeur, qui coûte environ 400 $.
Donc, le recours à Internet serait un moyen formidable de faire connaître à toute une nouvelle génération de jeunes Canadiens l'existence de la minorité francophone, ce qui pourrait également se faire par le biais des iPod. Considérez-vous que le développement d'une licence Internet serait un outil indispensable? Comment à votre avis pouvons-nous convaincre le CRTC qu'il devrait prendre cette mesure dès maintenant et non dans 10 ans?