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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 042 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 14 mars 2007

[Enregistrement électronique]

(1405)

[Traduction]

    Avant de commencer, je vais prendre une minute ou deux pour me présenter. Je suis Gary Schellenberger, le président du Comité permanent du patrimoine canadien.
    Je vous souhaite la bienvenue cet après-midi.
    Nous avons deux autres membres que nous espérons voir arriver bientôt. Nous ne voulons pas trop tarder.
    Madame Bourgeois, je peux diriger la séance ici, s'il le faut, n'est-ce pas?

[Français]

    Monsieur le président, à nous deux, nous formons le comité.

[Traduction]

    Je suis sûr que les deux autres membres arriveront très rapidement.
    Il y a eu un petit changement dans l'ordre du jour. Qui avons-nous ici?
    Il y a British Columbia Film, et puis Save Our CBC Kamloops et la Citizens' Coalition for the Protection of Canadian Films pour le premier tour.
    Peut-être que ce qu'il faudrait, c'est que vous vous présentiez et que vous nous parliez un peu de vous. Nous espérons que les deux autres membres arriveront d'ici là, parce que c'est très important.
    Commençons avec British Columbia Film.
    Je m'appelle Michael Francis. Je suis le président du conseil d'administration de B.C. Film. J'occupe ce poste depuis plusieurs années.
    B.C. Film et la CBC ont entretenu une relation très, très productive toutes ces années.
    Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui.
    Je suis un comptable agréé et homme d'affaires de Vancouver.
    Nous sommes-nous rencontrés? Avez-vous témoigné devant le comité quand nous étudiions l'industrie du long métrage?
    Oui.
    Il me semblait bien vous reconnaître.
    Je m'appelle Richard Brownsey: Je suis directeur exécutif de British Columbia Film. C'est moi qui ferai la présentation cet après-midi.
    Merci.
    Je m'appelle Pam Astbury. Je suis présidente de Save Our CBC Kamloops. Je suis accompagnée de David Charbonneau, qui est aussi membre de notre groupe.
    Nous sommes ici aujourd'hui pour parler de la perte de la télédiffusion en direct de la chaîne CBC à Kamloops, qui a été la première ville du Canada, à ce que nous avons compris, à ne plus recevoir la chaîne CBC, dans le cadre d'un programme progressif de CBC...
    Je pense avoir reçu une lettre de votre groupe il y a quelque temps. Je l'ai lue.
    Je suis très heureux de vous voir ici.
    Je m'appelle David Charbonneau. Je suis un professeur d'électronique à la retraite de ce qui est appelée maintenant l'Université Thompson Rivers de Kamloops.
    Je me suis toujours intéressé à la radiodiffusion publique, et à la radiodiffusion en général.
    Je suis ici pour faire la présentation avec Pam au sujet de la perte de la télédiffusion de la chaîne CBC à Kamloops.
    Très bien. Merci.
    Je suis Carl Bessai. Je suis président de la Citizen's Coalition for the Protection of Canadian Films. Je suis réalisateur et producteur de films.
    Notre groupe est en fait une coalition de gens de toutes sortes de milieux. C'est en partie l'industrie. En partie des gens qui travaillent dans le milieu du cinéma. En partie, ce sont simplement des gens qui se préoccupent de la préservation du long métrage canadien.
    Ma présentation, aujourd'hui, portera spécifiquement sur le rôle que pourrait et devrait jouer le long métrage à CBC.
    Merci.
    Je pense que nous allons commencer. Espérons que nos collègues se joindront rapidement à nous.
    Monsieur Brownsey, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier le Comité permanent du patrimoine canadien de me donner cette occasion de comparaître devant lui aujourd'hui, et je vous souhaite la bienvenue à Vancouver en cette journée qui, pour nous, est typiquement printanière.
    British Columbia Film est une société à but non lucratif créée en 1987 par le gouvernement de la Colombie-Britannique. Elle a pour mandat d'étendre et de diversifier le secteur du cinéma, de la télévision et des médias numériques en Colombie-Britannique.
    Nous reconnaissons l'importance de passer en revue le rôle du radiodiffuseur public du Canada, CBC/Radio-Canada. Le Canada, comme de nombreux autres pays, doit relever le défi de redéfinir le rôle de son radiodiffuseur public dans un environnement de médias nationaux et internationaux qui évolue constamment. Étant donné notre géographie, notre diversité et notre proximité avec le plus grand producteur de produits de divertissement dans le monde, le radiodiffuseur public du Canada a une responsabilité unique et essentielle envers le public canadien. Compte tenu de ces défis, British Columbia Film appuie le maintien d'un radiodiffuseur public national fort, ainsi que l'actuel mandat de CBC/Radio-Canada, décrit dans la Loi sur la radiodiffusion.
    Nos commentaires, cet après-midi, seront centrés sur les questions qu'a posées le comité permanent pour cadrer cet examen, qui revêt une importance particulière pour British Columbia Film, et nous les ferons principalement dans le contexte de la télévision d'expression anglaise.
    La télévision, privée et publique, est confrontée à de profonds changements qui surviendront dans les années à venir. La prolifération de la câblodistribution et des chaînes spécialisées, la réduction du financement des marchés étrangers, l'impact de la fragmentation des téléspectateurs, l'émergence de mécanisme de distribution de contenus multi-plateforme, et l'imminence d'un impact et du coût de la télévision à haute définition auront tous une incidence sur ce qui jusqu'ici a été un secteur relativement stable. Surtout, on a le défi continu de créer et de produire une télévision canadienne distincte et de qualité qui peut plaire au public et faire contrepoids aux écrasantes émissions de télévisions américaines si facilement accessibles au public canadien.
     Pourtant, devant ces changements et les progrès rapides de la technologie et de l'innovation dans l'industrie de la radiodiffusion, le mandat de la CBC reste remarquablement pertinent. Il traite du rôle central du radiodiffuseur public tout en laissant place à la souplesse et à l'une adaptation à un contexte qui évolue. Nous pensons qu'il est d'une importance fondamentale, pour commencer, d'examiner, de clarifier et d'affirmer le mandat de CBC/Radio-Canada. Les enjeux et questions touchant la gouvernance, la gestion et la distribution opérationnelle ne peuvent être réglés que dans le contexte d'un mandat réaffirmé.
    Nous estimons qu'il faut trouver un équilibre entre le mandat du radiodiffuseur public et le dosage de ressources disponibles afin de soutenir ces activités. Il est essentiel de trouver cet équilibre pour orienter la CBC dans les décennies à venir.
    En tant que Canadiens, nous avons des choix à cet égard, mais chaque choix à ses implications. Un vaste mandat élargi sans les ressources pour l'appuyer n'est guère plus de la rhétorique. De même, un mandat étroit et restrictif, bien que peut-être plus abordable, pourrait ne pas répondre aux attentes des Canadiens à l'égard de leur radiodiffuseur public.
    Le système de radiodiffusion canadien, public et privé, est financé par divers programmes et politiques fédéraux et provinciaux qui offrent un soutien économique direct ou indirect aux radiodiffuseurs et à la programmation télévisuelle canadienne. Le Fonds canadien de télévision, Téléfilm Canada, le crédit d'impôt sur la main-d'oeuvre, les programmes de financement d'organismes provinciaux et les autres programmes mandatés établis dans le but de préserver, promouvoir et développer la culture canadienne, tous contribuent à ce secteur.
    Notre système de radiodiffusion est constitué de radiodiffuseurs conventionnels privés, qui doivent rendre des comptes à leurs actionnaires, qui jouissent directement ou indirectement d'importants avantages publics des politiques publiques fédérales et provinciales, et d'un radiodiffuseur public tirant d'importants revenus des transactions commerciales, normalement associées au secteur privé. Nous pensons que la distinction entre radiodiffuseurs publics et privés s'est considérablement estompée.

(1410)

    Toutes les parties du secteur de la radiodiffusion — la télévision spécialisée, conventionnelle, publique et privée — ont accès aux avantages découlant des politiques publiques.
    Dans le contexte de ces avantages de la politique publique et des défis financiers qu'affronte CBC/Radio-Canada, mis en évidence dans notre rapport, nous pensons que la réalisation d'un juste équilibre entre le mandat et les différentes ressources pour notre radiodiffuseur public établira les fondations de l'avenir. L'atteinte d'un accord sur le bon dosage de financement public et privé, et l'identification du mécanisme le plus efficace et le plus efficient pour fournir ces ressources, sont au centre de cet examen. Nous estimons qu'il est possible d'atteindre cet équilibre tout en réalisant la quintessence de ce qui est canadien. De plus, nous soutenons un financement stable et pluriannuel pour CBC/Radio-Canada, qui reflète au minimum le cycle trisannuel de planification de l'industrie.
    Le comité a aussi invité les commentaires sur la pertinence des services qui reflètent la diversité régionale et linguistique du Canada. À notre avis, le moment est venu de ne plus parler des régions, comme si la plus grande partie du Canada existe à une distance géographique et intellectuelle quelconque du centre. Nous souhaitons signifier notre désaccord sur l'idée que la Colombie-Britannique, ou Vancouver, est une région par rapport à un centre situé ailleurs au Canada.
    Pour assurer le succès du radiodiffuseur public, il est essentiel qu'il aille au-delà du concept des régions et se concentre pour répondre aux besoins distincts des communautés de tout le Canada. À cet égard, la sensibilité du radiodiffuseur public à la diversité locale et linguistique est une préoccupation continue. CBC/Radio-Canada doit redoubler d'efforts pour s'implanter dans les communautés locales dans tout le pays et s'assurer que les Canadiens, où qu'ils vivent, ont voix au chapitre de la détermination des priorités de leur radiodiffuseur public.
    Vancouver est un exemple frappant de la diversité croissante des communautés canadiennes, et il devient de plus en plus essentiel que CBC/Radio-Canada établisse un lien avec les cultures et coutumes de nos communautés multiculturelles et multiethniques et les reflète.
    L'avènement de nouvelles technologies pose de nombreux défis pour les télédiffuseurs conventionnels. Les consommateurs ont à présent un éventail de choix grandement élargi quant à la manière et au lieu où ils regardent les contenus vidéos. Bon nombre des nouvelles plateformes sont des services sur demande qui permettent aux consommateurs de visionner des programmes non disponibles à la télévision, et certaines fournissent des contenus sous d'autres formes que la télévision traditionnelle, offrant ainsi une nouvelle expérience aux téléspectateurs. Pour les diffuseurs, il est primordial de relever ces défis en développant des modèles de revenus et des contenus viables afin d'assurer la réussite future.
    Selon nous, CBC/Radio-Canada a été un leader en matière de conception d'une offre multi-plateforme aux téléspectateurs et auditeurs canadiens. Le site Web cbc.ca, par exemple, s'est imposé comme site de référence pour l'actualité et l'information. La CBC est une pionnière dans le développement de contenus soumis par les utilisateurs à des fins de télédiffusion. L'émission Zed, maintenant annulée et dont la production se faisait à Vancouver, était une initiative Internet novatrice qui invitait à la création de contenus soumis par les utilisateurs. Zed était l'exemple d'un nouveau genre d'émission télévisée ayant un impact sur la communauté de la télévision et des nouveaux médias, en allant au-delà des mesures limitées de téléspectateurs et de publicité. Nous estimons que les nouveaux médias font partie du mandat actuel de CBC/Radio-Canada, et il est pertinent et nécessaire que le radiodiffuseur public exploite la nouvelle plateforme dans le cadre de son mandat.
    CBC/Radio-Canada doit offrir des émissions d'actualité, d'information et de divertissement canadiens, tout en respectant les changements dans les préférences télévisuelles de nos citoyens. Pour ce faire, il faut adopter les nouvelles plateformes de diffusion. Le comité a aussi demandé si le CRTC devrait réglementer le secteur des nouveaux médias. C'est une question importante, et il est possible qu'il faille au CRTC qu'il réexamine le règlement de 1999 sur les nouveaux médias. Cependant, comme CBC/Radio-Canada est assujetti à un examen du CRTC, nous pensons que les initiatives des nouveaux médias relèveront du cadre réglementaire existant.
    Tout en reconnaissant l'importance de nouveaux médias, nous tenons à insister sur la résilience et l'adaptabilité de la télévision. La télévision continuera d'être la plateforme dominante de la diffusion de contenus dans un avenir prévisible.

(1415)

    En conclusion, British Columbia Film soutient le maintien d'un radiodiffuseur public national fort, un radiodiffuseur public équipé pour relever les défis et saisir les possibilités qu'offre le XXIe siècle et qui touche le coeur et l'âme des Canadiens.
    Nous convenons que cet examen est d'une importance fondamentale et que des solutions peuvent être trouvées, qu'un équilibre tout canadien peut être atteint. C'est là le génie et la promesse du Canada. Un mandat réaffirmé pour CBC/Radio-Canada est un premier pas essentiel, puis il sera possible de trouver un équilibre entre le mandat et les ressources, un équilibre entre ce que les Canadiens veulent et ce que CBC/Radio-Canada peut offrir, entre un financement public et privé, afin de créer un service de diffusion public dont les Canadiens peuvent être fiers.
    Enfin, une fois cet examen de mandat derrière nous, nous nous attendons à ce que CBC/Radio-Canada poursuive sa tâche qui consiste à servir les Canadiens sur toutes les plateformes et à fournir des rapports périodiques afin d'assurer aux Canadiens que le mandat est respecté.
    Merci pour votre temps et votre attention.
    Merci.
    C'est au tour de Save Our CBC Kamloops.
    Je voudrais profiter de cette occasion pour vous dire combien de suis ravie d'être ici cet après-midi. Je m'appelle Pam Astbury. Je suis ingénieure civile et présidente de Save Our CBC Kamloops. Je suis accompagnée de David Charbonneau, professeur d'électronique à la retraite de l'Université Thompson Rivers à Kamloops, et secrétaire trésorier de notre groupe.
    La raison pour laquelle nous assistons cet après-midi à cet examen du mandat est que nous voulons exprimer au Comité permanent du patrimoine canadien notre grande déception d'avoir perdu notre service de télédiffusion en direct de CBC, et aussi pour vous exposer la vision qu'ont les citoyens de CBC/Radio-Canada au XXIe siècle. Nous sommes un groupe non partisan, et aussi sans but lucratif. Notre présentation, aujourd'hui, a été préparée par des bénévoles dévoués de Kamloops qui ont été directement touchés par les changements récents au service de télédiffusion de CBC.
    En février 2006, alors que les Canadiens se remettaient des émotions des Jeux olympiques de Turin, les transmetteurs de Kamloops ont cessé de diffuser les émissions télévisées de CBC. Le lendemain de l'extinction de la flamme olympique, il en était de même de notre accès aux émissions télévisées de CBC. Ce fut une expérience surréelle que de réaliser que quelque chose que nous avions tous tenu pour acquis — l'accès gratuit à la télévision de CBC — n'était plus accessible. Des lettres à l'éditeur de notre journal local ont été publiées, dans lesquelles les résidents exprimaient leur consternation devant le fait qu'en dépit du versement de leur part des impôts réservés à CBC/Radio-Canada — environ 33 $ par personne, par année — ils seraient forcés de payer jusqu'à 360 $ par année pour pouvoir recevoir ces émissions par câble et ce, s'ils peuvent avoir accès au câble.
    Un groupe de citoyens de Save Our CBC Kamloops s'est formé dans le but de comprendre comment nous en sommes venus à perdre CBC, de déterminer la portée du problème à l'échelle nationale et de voir ce qu'il faudrait pour ravoir nos émissions. Pour l'historique, à ce que nous avons compris, notre télédiffuseur local, CFJC, avait diffusé environ neuf heures de CBC dans le cadre de son horaire quotidien. À la suite d'une décision fondée sur des motifs d'ordre financier, CFJC a demandé à CRTC de pouvoir abandonner le contenu plus coûteux de CBC en faveur du contenu moins coûteux de CH/Global.
    Notre groupe a tout d'abord approché le premier dirigeant de CBC, Robert Rabinovitch, pour qu'il fasse rétablir le signal perdu dans notre ville. En réponse à notre requête, son bureau a expliqué que les technologies analogiques étaient graduellement et systématiquement éliminées partout au Canada. Seuls les habitants des 44 plus grands centres urbains du pays pourraient avoir accès gratuitement aux émissions télévisés de CBC en format numérique. La lettre comportant cette explication est jointe au document que nous vous avons remis.
    D'ici à 2012, tous les Canadiens seront forcés de s'abonner au câble ou au satellite pour accéder à leur télédiffuseur public, à moins de vivre dans une grande ville. Pour le Canada, le fait de ne pas avoir un accès équitable à CBC, que ce soit la radio ou la télévision, suscite de grandes préoccupations. Les régions urbaines ont des chaînes télévisées en abondance — dans bien des cas, plus de 10 — sur leurs ondes. Cependant, les plus petites régions n'en ont parfois qu'une. Leur enlever la télévision de CBC, c'est les laisser avec bien peu de perspectives canadiennes comme référence. Chacun de nous contribue aux finances de CBC par les impôts. Le fait d'obliger les résidents des petites et moyennes communautés du Canada à s'abonner au câble et au satellite pour avoir accès aux émissions publiques est honteux. Sans le moindre doute, ce sont ces mêmes communautés qui sont les plus grands supporteurs de CBC.
    N'oublions pas que la câblodistribution n'est pas un privilège auquel tous les Canadiens ont accès. Les aînés qui ont un revenu fixe dépendent souvent de la télédiffusion en direct et de la radio pour connaître l'actualité et leur tenir compagnie, particulièrement quand ils sont confinés chez-eux. Les enseignants qui se sont appuyés sur des émissions de la CBC comme Canada: A People's History et The Greatest Canadian comme ressources d'enseignement à la maison ne peuvent plus être sûrs que leurs étudiants y auront accès. Nous devons aussi penser aux familles à revenu unique qui passent des soirées en famille à regarder Hockey Night in Canada ou Rick Mercer Report, par exemple. C'est la réalité de bon nombre des familles qui ont du mal à joindre les deux bouts.
    Depuis sept mois, notre groupe a communiqué avec des milliers de résidents de Kamloops. Nous avons fait circuler une pétition dans toutes la ville, qui a recueilli plus de 2000 signatures et qui continue d'en recueillir. Nous prévoyons de présenter ce document à la Chambre peu après le 31 mars. Nous avons posé deux questions à des centaines de personnes: « Pourquoi la CBC est-elle importante pour vous? » et « Est-ce que tous les Canadiens devraient y avoir également accès? ». Je vais vous lire quelques réponses reçues de résidents de Kamloops.
    Ginny Ratsoy dit: « Plus important encore que chaque émission, c'est l'ensemble que représente CBC. Son rôle a toujours été d'illustrer le Canada pour les Canadiens. Particulièrement en cette ère technologique et de mondialisation, cet emblème de notre nation est fondamental. Les émissions télévisées de CBC ont toujours été accessibles à tous les Canadiens, et qu'elles ne le deviennent plus que pour ceux qui peuvent se permettre la câblodistribution est absolument inacceptable ».
    Lori Schill dit: « J'ai vécu dans bien des régions du pays, et l'écoute de la CBC m'a toujours fait me sentir chez-moi ».
    Anne-Marie Hunter dit: « La CBC diffuse des émissions terre à terre et hors de l'ordinaire qui ne sont pas fondées sur des stéréotypes mais qui débordent plutôt de l'optique commune de la société ».

(1420)

    Selon Bronwen Scott: « La télévision de la CBC est littéralement le seul divertissement qui existe dans les régions isolées de la province et du pays. Elle contribue à préserver l'identité canadienne alors que les émissions américaines envahissent nos ondes. »
    Pour Connie Alger: « Ce sont les émissions pour enfants qui nous manquent le plus chez nous. Nous avons décidé de ne pas nous abonner au câble pour des raisons économiques et de mode vie... c'est-à-dire que nous préférons offrir à nos enfants un choix limité d'émissions de qualité qu'une foule de productions populaires à la journée longue. Nous aimions beaucoup KidsCBC qui présentait quelques émissions vraiment bien faites à la fois amusantes et instructives pour les enfants. »
    Enfin, d'après Jim Fornelli: « Les journalistes et les interviewers de la CBC sont chevronnés et assurent la crédibilité et l'intégrité de l'industrie de la télédiffusion. Les reportages réalisés sur des événements de nature sportive, politique, économique ou sociale qui se déroulent ailleurs dans le monde élargissent les horizons des téléspectateurs canadiens en leur offrant un point de vue à saveur internationale qui est différent de la vision nord-américaine conventionnelle. »
    La solution à cette crise culturelle est peut-être d'ordre technologique. Comme vous le savez peut-être, les États-Unis auront complété trois ans avant le Canada, soit en 2009, leur transition vers la télévision numérique. Pour permettre au plus grand nombre de gens possible de capter les émissions diffusées, il sera possible d'acheter un décodeur au coût de 80 $ que les téléspectateurs en direct pourront obtenir gratuitement grâce aux rabais financés par le gouvernement fédéral. Les États-Unis estiment qu'il s'agit là de la plus importante révolution de la télévision en direct depuis 50 ans. La télévision sans fil est considérée comme la nouvelle tendance et le nouveau visage de la télévision.
    Au Canada, il faudrait remplacer tous les émetteurs analogiques par des émetteurs numériques, et pas seulement dans les centres urbains, comme la CBC le propose actuellement. Ainsi, les Canadiens pourraient continuer de capter leur station préférée sans avoir à assumer les coûts et les inconvénients d'un abonnement complet au câble.
    Notre groupe estime que l'avenir de la CBC au XXIe siècle est prometteur en cette ère de la prolifération des médias. Pour notre petit groupe de fidèles auditeurs de la CBC, ce qu'il faut est bien simple: un accès à la radio et à la télévision de la CBC pour toutes les localités canadiennes, grandes et petites, le maintien d'un contenu canadien relevé de grande qualité et un financement fédéral fiable et accru pour assurer la vitalité de ce trésor national au XXIe siècle.
    Pour terminer, j'aimerais remercier tous les membres du Comité permanent du patrimoine canadien de reconnaître les graves problèmes de la CBC. On a fermement le sentiment que la télévision et la radio, qui sont toujours un élément essentiel dans le monde des médias, prennent une place de plus en plus dérangeante dans nos foyers. Au XXIe siècle, la CBC doit s'efforcer de dépasser la norme pour continuer d'offrir les services de télévision et de radio exceptionnels pour lesquels elle est reconnue. Il est certain qu'un engagement financier fiable de la part du gouvernement fédéral est grandement nécessaire pour que nous disposions de l'infrastructure nécessaire à la diffusion de la CBC dans toutes nos localités. Les gens à qui s'adressent les émissions de grande qualité qui font la renommée de la CBC ne pourront pas en reconnaître la valeur s'ils n'y ont plus accès.
    Nous demandons au comité de recommander que la CBC soit de nouveau diffusée à Kamloops, en Colombie-Britannique, et qu'elle continue de l'être dans toutes les petites et moyennes localités d'un bout à l'autre du pays.

(1425)

    Merci.
    David.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai deux brèves remarques à faire. D'abord, je ne pense pas exagérer en disant que l'arrêt de la diffusion en direct de la CBC à Kamloops est alarmant. Elle laisse présager ce que vont subir des dizaines de milliers de Canadiens qui ne vivent pas dans des grands centres. C'est ce que je pense parce que le dirigeant de la CBC a indiqué dans la lettre qu'il adressait à notre groupe et qui est jointe à notre mémoire que la télévision de la CBC continueraient d'être diffusée seulement dans 44 centres. Je ne sais pas quelles sont les villes qui figurent sur la liste, mais je conseille aux membres du comité de vérifier si leur circonscription est touchée et, dans l'affirmative, je pense que des centaines d'électeurs vont venir vous demander ce qui s'est passé avec la réception de notre diffuseur national.
    Ma deuxième remarque a trait au mandat de la CBC, qui doit être accessible dans tout le Canada par les moyens les plus appropriés et les plus efficaces à mesure que les ressources le permettent. C'est l'inverse qui s'est passé à Kamloops. Nous captions la télévision de la CBC et ce n'est plus le cas maintenant. On a justifié la situation en disant que la CBC ne pouvait plus offrir de signaux en direct. Je dirais que c'est un des moyens les plus efficaces et les plus démocratiques de diffuser la télévision au Canada, et j'espère que la CBC va revenir sur sa décision.

(1430)

    Merci.
    C'est maintenant au tour de notre prochain témoin.
    C'est à moi. Je suis heureux de parler le troisième étant donné que mes prédécesseurs présentent une vue d'ensemble de la question, ce qui est très important selon moi, et je les félicite tous les deux parce que j'ai trouvé leur déclaration très intéressante.
    Je suis ici pour parler très précisément des longs métrages. Nous sommes d'ailleurs venus vous rencontrer quand votre comité a examiné ce dossier. Nous vous avions alors exposé le contexte général. Aujourd'hui, mon exposé sera un peu plus spécifique.
    J'aimerais dire d'entrée de jeu que l'existence de la CBC n'est pas le sujet de mon exposé. Nous croyons profondément en l'importance de la CBC, mais il reste que je suis indigné, en tant que cinéaste, de voir que la CBC, surtout dans le Canada anglais, joue un rôle aussi négligeable particulièrement en ce qui concerne le long métrage au Canada, surtout sur le plan du contenu.
    Il y a trois sujets dont j'aimerais vous parler: le programme comme tel, c'est-à-dire la programmation de la CBC; la promotion et ce que la CBC pourrait faire pour le cinéma; et, enfin, j'aimerais vous parler du pré-achat des droits sur les longs métrages de cinéma.
    Je tiens à préciser qu'une bonne partie de mes propos et de mes critiques n'ont rien à voir avec Radio-Canada, qui entretient une relation formidable avec l'industrie du film au Québec. Je crois que les mêmes politiques existent probablement à la CBC mais, assez curieusement, la section anglaise de la SRC a négligé l'importance du cinéma, et je parle ici des films projetés dans les salles.
    Nous savons tous qu'on ne peut pas voir de films canadiens dans les salles de cinéma. D'accord, c'est une question sur laquelle nous pourrons revenir à un autre moment, mais nous devrions au moins pouvoir regarder des films canadiens à la télévision de la CBC, bon Dieu.
    L'année où les joueurs de hockey ont fait la grève, la CBC a décidé de présenter une émission qui s'appelait Movie Night in Canada. C'était son coup de force pour attirer de grosses cotes d'écoute et réaliser des recettes publicitaires, ce que nous comprenons. De plus, le présentateur de Movie Night in Canada était celui qui fait les commentaires lors des parties de hockey... Vous savez. Quelqu'un peut m'aider.
    Ron MacLean.
    Oui, Ron MacLean.
    Donc, durant les messages publicitaires, Ron MacLean renseignait les gens de l'auditoire des localités qu'il visitait sur le film captivant qu'ils étaient en train de regarder. Au fait, quelle sorte de films le petit groupe de Canadiens que nous formons tous ici regarde-t-il? Nous regardons les superproductions américaines. Je peux voir ces films américains dans toutes les salles de cinéma du pays, sur toutes les chaînes de télévision du Canada, en fait partout. Pourtant, l'émission Movie Night in Canada de la CBC fait essentiellement la promotion des superproductions américaines. Cela semble absurde.
    Ensuite, et encore ici, je parle de la programmation en anglais parce que je sais que Radio-Canada, au contraire, fait beaucoup pour le long métrage, la CBC diffuse les productions canadiennes en plein milieu de la nuit, et ce sont de vieux films canadiens qui n'ont plus aucun rapport avec la réalité d'aujourd'hui.
    Pourquoi est-ce si important? Pourquoi est-il important que la CBC joue un rôle pour promouvoir les créations cinématographiques, les longs métrages? Je crois que c'est une question culturelle cruciale. À mon avis, le film est un médium culturel respecté partout dans le monde et il doit mobiliser nos diffuseurs nationaux. En premier lieu, il faut les amener à présenter des longs métrages canadiens.
    Il y a une autre chose qu'on pourrait faire, qui serait formidable et aiderait vraiment tout le monde... Quand j'étais à Paris, j'ai rencontré la directrice de Radio-Canada au Québec à l'époque — j'ai oublié son nom et dans quelles circonstances — mais, pour vous donner une idée de ce que la section française de la SRC fait, elle a déclaré à un comité en Europe qu'elle avait des fonds discrétionnaires pour faire la promotion du cinéma québécois à Radio-Canada et qu'elle travaillait en étroite collaboration avec les distributeurs pour assurer la promotion des films projetés dans les salles. J'ai trouvé cela tellement formidable que j'aurais voulu déménager tout de suite dans ce coin de pays.
    Nous avons vraiment beaucoup de mal à obtenir que la CBC fasse de la publicité pour les longs métrages à l'affiche. Le film Fido qui sort ce vendredi est le premier à ma connaissance en dix ans qui est annoncé aux heures de grande écoute. C'est la chaîne Global qui l'a fait, pendant la diffusion de l'émission 24.
    Comment se fait-il que la CBC ne peut pas avoir le mandat d'au moins travailler avec les distributeurs pour faire la promotion des longs métrages canadiens à de meilleurs moments? La raison pour laquelle elle ne le fait pas est le principal sujet de mon exposé d'aujourd'hui. En effet, la CBC n'intervient pas du tout dans le pré-achat des droits sur les longs métrages. C'est un aspect important.
    Je vais vous expliquer en termes simples le travail d'un producteur de films au Canada. Son travail consiste à faire le tour du pays pour rencontrer tous les diffuseurs. Pourquoi? Parce que les diffuseurs ont reçu du CRTC le mandat d'acheter à l'avance le film. Avant même d'avoir lu le scénario, Movie Network et Movie Central, qui appartiennent à Corus Entertainment, ainsi que tous les canaux de CHUM vont s'engager par écrit à lui donner 100 000 $, 150 000 $ ou 250 000 $, selon la valeur qu'ils accordent au film, quand il va le présenter.
    Avec ce document qui permet la diffusion du film dans les salles, le producteur va annoncer à son distributeur qu'il a vendu les droits du film à Movie Network, à Movie Central et aux canaux de télévision CHUM. Je vous répète que cela permet au film d'être présenté dans les salles de cinéma, vendu en vidéo maison et vu à la télévision. Au Canada, le film est d'abord diffusé à la télévision payante pendant six mois.
    Vais-je trop vite? Vous me suivez alors? D'accord.
    Donc, le film passe pendant six mois à la télévision payante, puis à la télévision conventionnelle, c'est-à-dire CBC, CTV, Global et CHUM, au Canada. Il y a aussi les chaînes du câble, comme Showcase. Les droits de diffusion servent à financer le film.
    Ensuite, le producteur explique au distributeur, comme Alliance Atlantis ou TVA, qu'il a des lettres d'engagement indiquant qu'il va toucher tant pour son film. Le distributeur lui accorde alors une garantie minimum pour ces droits de diffusion, une avance, c'est-à-dire essentiellement l'argent qu'il va utiliser pour faire son film.
    Le producteur lui remet ses droits parce qu'il a besoin rapidement d'argent pour faire son film. Les droits de diffusion à la télévision ne sont utiles qu'au moment où le film est présenté à la télévision. Le diffuseur conventionnel va programmer le film seulement après qu'il aura été projeté dans les salles, produit en DVD et diffusé à la télévision payante, si vous me suivez bien.

(1435)

    Il ne peut donc pas vraiment utiliser cet argent. Aucune banque ne va accepter de le financer en attendant parce qu'il peut bien ne pas toucher l'argent de ces droits avant trois ans. Voilà pourquoi le distributeur vient jouer le rôle de répondant, de financier intermédiaire du film.
    Quoi qu'il en soit, j'en arrive au fait.
    Les distributeurs versent aux producteurs à peu près 50 ¢ par dollar actuellement. Pour eux, les films canadiens ne rapportent pas, on le sait tous, alors pourquoi les achèteraient-ils? C'est quand on leur dit qu'on a des droits de diffusion qu' ils acceptent d'accorder la moitié de leur valeur. C'est à prendre ou à laisser. Le producteur va nécessairement accepter parce qu'il ne peut pas faire valoir que son film va rapporter beaucoup en salle. C'est impossible. Il faut des droits de diffusion pour inciter les distributeurs à financer les films.
    Maintenant, au Québec, la situation est complètement différente parce que les films rapportent en salle; les droits ne sont pas dévalués autant par les distributeurs et Radio-Canada fait sa part.
    Maintenant, j'aimerais savoir pourquoi la CBC ne peut pas faire la sienne? Les membres de mon groupe, mais moi plus particulièrement, puisque je commence mon sixième film actuellement, un long métrage... Aucun de mes films n'a été financé à l'avance par la CBC. Ils auraient pu être diffusés par la CBC à un moment donné. Pourquoi alors? Pourquoi la CBC n'est pas intéressée à jouer un rôle dans la production de longs métrages?
    J'ai demandé à Slawko Klymkiw, qui était directeur à l'époque, pourquoi la Société ne s'intéressait pas aux longs métrages, quand je l'ai rencontré au Festival du film d'Halifax où il était venu faire la promotion d'une mini-série sur l'explosion d'Halifax, ce qui m'a semblé un peu paradoxal mais de toute façon... Il m'a répondu: « Ce n'est pas notre domaine, nous n'avons pas de mandat à ce sujet; nous ne voulons pas nous en mêler. Nous allons diffuser des séries dramatiques, par exemple. »
    C'est important parce que si la CBC était tenue au pré-achat de droits sur les longs métrages, nous aurions beaucoup plus d'argent pour faire des films. Mon associé est un des producteurs de l'émission Intelligence. C'est une émission formidable à CBC. La CBC a investi beaucoup d'argent dans cette émission alors qu'elle n'accorde rien aux longs métrages du Canada anglais. Rien.
    Si elle en accordait, ce serait très utile pour la promotion et je vous explique comment. Si j'étais directeur de la CBC et que j'achetais les droits de votre film, Jacques, j'aurais tout intérêt à m'assurer qu'on en fait la promotion. Le distributeur devrait nécessairement payer la publicité diffusée sur mon réseau parce que j'ai besoin de ces revenus, mais pourquoi ne lui offrirais-je pas un meilleur arrangement? Parce que c'est aussi pour moi et qu'il nous incombe à tous que l'auditoire s'intéresse à cette production.
    Quand on m'a demandé si je voulais m'adresser au comité, j'ai pensé qu'il était surtout question de diffusion, pas de longs métrages, qu'il ne fallait pas entrer là-dedans. Puis je me suis ravisé parce que j'ai cru que la CBC pouvait jouer un rôle vraiment important. En bout de ligne, on pourrait faire plus de longs métrages canadiens, faire la promotion de plus de longs métrages canadiens et faire voir plus de longs métrages canadiens au public.
    Pourquoi se préoccuper de cela? Parce que nous dépensons énormément d'argent pour produire des films. Chaque contribuable dans cette salle a financé tous mes films, ainsi que tous ceux que je connais et avec qui je travaille, mais qui peut me les nommer?
    On peut discuter ad nauseam de la présentation et de la distribution des films, mais les exploitants de salle et les distributeurs s'en fichent. Ils font beaucoup d'argent à vendre des films américains aux Canadiens. Ils sont heureux.
    Le CRTC et le contenu canadien obligatoire sont les seuls moyens d'aider le long métrage canadien. Et le Québec le sait. C'est ce qu'il fait. Je pense qu'on doit commencer à s'intéresser à ce que le Québec fait et à l'imiter un peu plus.
    Merci.

(1440)

    Très bien. Je vous remercie.
    Nous allons maintenant vous poser quelques questions.
    Madame Fry.
    Je suppose que je pourrais commencer par une question au dernier témoin.
    Vous dites que la SRC affirme qu'elle ne mettra pas d'argent dans le long métrage parce que ce n'est pas prévu dans son mandat. Selon le sous-alinéa (iii) de son mandat, la SRC doit « contribuer activement à l'expression culturelle et à l'échange des diverses formes qu'elle peut prendre ». Un film n'est-il pas une forme d'expression culturelle? Je serais pourtant portée à vous dire que oui.
    Je suis d'accord, madame.
    Et si la SRC francophone comprend que cela fait partie de son mandat, il n'y a pas de différence sur le plan de la langue dans ce que je viens de lire...
    Tout à fait.
    Mais la SRC anglophone, la CBC, ne le voit pas.
    Cela dit, c'est toujours la même question qui revient quand on parle de la SRC: les ressources. La SRC a-t-elle des ressources? En a-t-elle suffisamment pour s'acquitter de son mandat? C'est ma deuxième question. Vous aurez peut-être quelque chose à nous dire à cet égard.
    J'aimerais cependant parler aussi de Kamloops. Selon le sous-alinéa 3(1)m)(ii), la SRC a pour mandat de « refléter la globalité canadienne et [de] rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions ». Je ne comprends pas pourquoi la SRC... Je comprends qu'il y a un problème technologique pour ce qui est du transfert de l'analogique au numérique, mais compte tenu que c'est une partie importante du mandat de la SRC, je m'inquiète beaucoup du fait qu'elle ne s'en acquitte pas, surtout à la lumière du sous-alinéa 3(1)m)(vii), qui dicte que toute la programmation doit « être offerte partout au Canada de la manière la plus adéquate et efficace ».
    De toute évidence, nous avons encore un problème. J'ai lu la lettre dans laquelle les dirigeants de la SRC vous disent que oui, ils savent ce qu'ils doivent faire, mais qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires pour le faire. Les ressources ne sont qu'une grande partie du problème, une partie énorme, de toute évidence, mais la seconde partie du problème, c'est que même si l'on donne toutes les ressources possibles aux gens, si la volonté de faire la bonne chose n'est pas là et que personne ne veut comprendre à quel point le Canada est vaste sur le plan de ses régions, de sa population, de sa démocratie, de ses cultures, de sa diversité, il sera évidemment très difficile pour nous d'y arriver. La SRC va avoir besoin de financement, puisqu'il n'y a que 32 millions de personnes éparpillées sur ce territoire géographique vaste et complexe. Nous devons donc voir comment la SRC parvient à s'acquitter de son mandat, mais elle doit s'engager. C'est le deuxième volet.
    C'étaient les deux principaux éléments sur lesquels je voulais m'exprimer et vous demander votre opinion. J'aimerais aussi parler à Richard.
    J'aimerais vous poser une question, à laquelle vous pourriez peut-être tous répondre. Qu'arriverait-il si demain, la SRC disparaissait et qu'il n'y en avait plus? Que cela signifierait-il pour vous? J'aimerais que vous répondiez à cette question.

(1445)

    Pour répondre à la question de savoir ce qui arriverait si la SRC disparaissait demain, elle est déjà disparue chez nous. En ce moment, si nous passons devant la télévision et que nous l'allumons, nous y voyons un barrage constant de Botox, de liposuccion, de batailles armées, soit une foule de choses qui ne font pas partie de notre réalité ni de celle de la plupart des collectivités. Nous l'éteignons instantanément, si toutes ces choses nous repoussent, comme c'est le cas de beaucoup de membres de notre groupe.
    Le téléjournal est superficiel. Il a tendance à verser beaucoup dans le sensationnalisme. Il n'a ni la profondeur ni la rigueur auxquelles nous étions habitués à la SRC. En gros, on commence à glisser sous l'influence américaine. Nous n'aimons pas pointer qui que ce soit du doigt, mais il n'y a pas de contenu canadien. Toute la soirée, nous ne pouvons voir que des émissions comme Entertainment Tonight et des dramatiques américaines. Il y a très peu de contenu canadien. Le contenu canadien, c'est Entertainment Tonight Canada. Super. C'est tout, dans notre ville de 82 000 personnes.
    Monsieur Charbonneau.
    Pour répondre à votre question sur la technologie, la SRC prétend qu'il n'est pas viable, ni faisable d'installer des émetteurs à Kamloops pour offrir ce service, mais je crois qu'un jour, tout le Canada va se convertir à la technologie numérique. La technologie numérique permet de prendre différentes voies de transmission, de les comprimer et de les regrouper dans une seule ancienne voie analogique. On peut faire entrer cinq voies de transmission numérique dans un espace analogique. Je recommanderais donc que la SRC commence à envisager des partenariats avec les diffuseurs privés, comme elle le fait pour les affiliations, que nous avons perdues, et qu'elle leur dise: « Regardez, un jour, vos émetteurs analogiques vont devenir désuets. Nous suivons l'Europe et les États-Unis dans la conversion à la télévision numérique. Pourquoi ne travailleriez-vous pas en partenariat avec nous pour mettre la SRC dans votre voie locale? »
    On pourrait regrouper divers autres diffuseurs, dont peut-être Newsworld. Il y a une collectivité autochtone importante à Kamloops; cette voie pourrait comprendre une chaîne autochtone. Elle pourrait comprendre le Knowledge Network.
    La SRC pourrait donc envisager des partenariats avec les diffuseurs locaux et leur dire: « Regardez, nous allons vous aider à entrer dans l'ère du numérique et du même coup, nous aider à regagner la confiance de nos téléspectateurs. »
    Je vais répondre à la question de Mme Fry sur la mort soudaine de la SRC et ce qu'elle signifierait pour notre groupe d'intérêt, soit pour les réalisateurs de la Colombie-Britannique. Il pourrait y avoir des mécanismes qui la remplaceraient, par application des règles du CRTC pour les diffuseurs privés et le reste, et ils pourraient être tout aussi bénéfiques. Il y a des moments dans l'histoire de la relation entre ce groupe et la SRC, où les choses n'auraient pas vraiment été très différentes si nous avions fait affaire avec un diffuseur privé plutôt qu'avec la SRC.
    C'est la raison pour laquelle nous soulignons l'importance de la présence régionale, plutôt que l'établissement d'un centre et de satellites. Si l'on réaffirme le mandat de la SRC pour qu'elle ait la responsabilité d'assurer une présence importante dans toute les régions du pays, grandes ou petites, alors la différence sera énorme, parce que c'est le seul organisme du pays qui a ce mandat. C'est tout simplement crucial pour l'avenir du développement culturel à notre avis.
    Vouliez-vous répondre?
    Mme Fry a précisé que le mandat était le même au Canada français qu'au Canada anglais; quel est donc le véritable problème? Je dirai seulement que je suis d'accord avec vous que ce mandat a sa raison d'être. Il est là. Votre question porte sur les ressources. Comment pouvons-nous tout faire, être partout? Je n'en suis pas trop certain. Je pense que le problème se situe surtout au niveau de la volonté.
    Il coûte extrêmement cher au réseau de diffuser un film comme Gladiator à heure de grande écoute à la CBC, un samedi soir, et d'appeler cette soirée la Movie Night in Canada. La justification, bien sûr, ce sont les revenus de publicité. À mes yeux, c'est honteux. Ce mandat devrait prévenir ce type d'aberration. En quoi serait-ce si terrible de diffuser un film qui a été mis en nomination aux oscars comme le film Water, peu de temps après sa sortie en salles, à heure de grande écoute à la CBC, pour que tous les Canadiens puissent le voir? Combien êtes-vous à avoir vu ce film? Levez vos mains. Vous voyez? Voyons, ce film a été mis en nomination aux oscars.
    C'est l'un des problèmes. La culture, c'est ce que nous partageons tous. En quoi consiste-t-elle? Comment peut-on la définir? Il est très difficile de la définir au Canada. Le Québec l'a fait, et sa langue l'aide beaucoup à cet égard. Je crois toutefois que tout est une question de volonté. C'est une question de volonté et de perception.
    Pour moi, il est très bien, extraordinaire, que la SRC ne se comporte pas comme un diffuseur privé, parce que les diffuseurs privés du Canada ont tous le même mandat du CRTC. Il suffit de zapper à heure de grande écoute; regardez CTV et Global à heure de grande écoute au Canada anglais. Qu'y voyez-vous? Des émissions américaines. Ces chaînes utilisent le mandat du CRTC pour créer un protectionnisme qui leur permet de diffuser exclusivement des produits américains, puis de faire le strict minimum dans les émissions de variété pour présenter la part de contenu canadien obligatoire. Pendant ce temps-là, la SRC prend des risques pour produire des émissions de qualité, comme Intelligence, qui est diffusée à heure de grande écoute.
    Je préférerais qu'on abolisse la législation sur le contenu canadien pour les escrocs qui travaillent à Global et à CTV et qu'on investisse tout cet argent pour faire de la CBC une chaîne vraiment représentative de l'intérêt canadien. Pardonnez mon vocabulaire, mais nous nous faisons fourrer par les diffuseurs privés de toute façon. Si la HBO, la NBC ou n'importe quelle autre chaîne pouvait vendre directement sa programmation au Canada et qu'elle n'avait pas à passer par Global ou une autre chaîne, que diffuseraient Global et CTV? Que diffuseraient-elles? Elles n'auraient aucune émission. Elles devraient en acheter comme tout le monde et leurs représentants seraient ici à dire: « Oh! Nous devons produire des émissions. Qu'allons-nous faire? » Pendant ce temps, la SRC travaille vraiment à créer ses propres émissions.
    Il n'y a aucun doute que le problème en est un de volonté. Je m'excuse, mon vocabulaire est terrible.

(1450)

    Merci.
    Nous allons écouter Mme Bourgeois.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Messieurs, madame, bonjour.
    Il y a tellement de choses dont je voudrais qu'on discute. D'abord, je vais revenir sur ce que vous avez dit concernant le Québec. Je ne sais pas si les producteurs de films du Québec font de l'argent. Cependant, je peux vous assurer que nous avons tout tenté afin de protéger à la fois notre culture et nos artisans producteurs, autant chez les radiodiffuseurs et diffuseurs que chez les producteurs de films. Nous avons décidé de nous organiser avant de nous faire organiser. Voilà ce que nous avons fait au Québec.
    Il y a une autre menace dont vous n'avez pas parlé: des câblodistributeurs vont introduire des productions américaines. Vous en avez glissé un mot. Néanmoins, pour ce qui est de l'industrie du film, notamment, cette menace est très présente au Canada anglais, à mon avis.
    Je vais d'abord poser une question à M. Charbonneau et à Mme Astbury, puis je reviendrai sur l'ensemble de vos déclarations.
    Madame Astbury, pensez-vous qu'il y aurait eu entente ou collusion entre un câblodistributeur et la Société Radio-Canada pour vous faire perdre votre poste de télévision?

[Traduction]

    La réalité, c'est que quand la SRC est disparue des ondes, beaucoup de gens ont dû acheter des services de câblodistribution pour y avoir accès. Il est tout à fait possible que la SRC ait cru qu'elle pourrait s'en tirer à bon compte en laissant tomber le service direct à Kamloops, sans opposition de Kamloops, afin de tester son plan pour diminuer ses dépenses annuelles en infrastructure de télédiffusion, qui coûte très cher sur l'immense territoire du Canada. Ainsi, ce serait aussi un grand service à lui rendre que de réduire les coûts des émetteurs à Kamloops, à Quesnel ou à Prince George.
    Je pense qu'il y a des groupes qui ont profité de cette décision. Si elle était étendue à toutes les petites et moyennes collectivités du Canada, les nouveaux abonnements feraient sûrement grimper les revenus des câblodistributeurs. La SRC serait libérée d'un grand fardeau, puisqu'elle n'aurait plus à payer non seulement pour le remplacement des émetteurs, mais aussi pour leur entretien et le personnel qui vit dans ces collectivités pour entretenir les émetteurs.
    J'espère avoir répondu à votre question.

(1455)

[Français]

     À combien se chiffrent les coûts de fonctionnement de votre poste de télévision? Est-ce moins onéreux pour la Société Radio-Canada de...?
    J'imagine que vous avez tout un dossier à ce sujet. Vous est-il possible de nous transmettre ce dossier pour qu'on puisse en prendre connaissance?

[Traduction]

    Je vais vous donner l'exemple de... À deux heures au sud de Kamloops se trouve la ville de Kelowna. Au moment où Kamloops a perdu la diffusion en direct de la SRC en raison d'une demande de désaffiliation du diffuseur local, le diffuseur de Kelowna a lui aussi présenté une demande de désaffiliation. La région touchée est bien loin de se limiter à Kamloops seulement. Elle va jusqu'à Penticton, Vernon, Sicamous, beaucoup de petites villes. La SRC a accepté de remplacer les émetteurs par des émetteurs de la SRC au coût de 10 $, si je ne me trompe pas, pour servir une région beaucoup plus grande que celle de Kamloops seulement. C'est le seul chiffre que nous avons. En raison de notre taille, j'estimerais le total à trois millions de dollars, environ.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à tous les témoins.
    J'ai l'impression qu'en raison de vos mandats respectifs, vous aimeriez être consultés, mais aussi devenir des collaborateurs de l'expansion de cette culture « canadienne », pour ne pas la mélanger avec la culture du Québec, par exemple.
    Monsieur Brownsey, est-ce que je me trompe en disant que vous aimeriez devenir un collaborateur de la SRC?

[Traduction]

    Non, nous en serions très heureux. Notre industrie est très liée au mandat de la SRC. C'est un mandat surtout culturel, qui fait partie du nôtre.
    Je pense aussi qu'il est instructif aussi... Dans un rapport préparé pour le gouvernement fédéral et intitulé « Notre souveraineté culturelle », on a cité une étude réalisée par McKinsey & Company auprès de 26 diffuseurs publics du monde. On y a constaté que quand le diffuseur public d'un pays était fort, le standard de qualité de toutes les émissions s'en trouvait augmenté. Les diffuseurs publics utilisaient les fonds publics, et la qualité augmentait. Les diffuseurs privés, pour de très bonnes raisons commerciales, faisaient augmenter la qualité de la concurrence, à des fins de compétitivité. Je pense donc qu'il y a un rôle à jouer en ce sens.
    Bien sûr, nous voulons travailler avec la SRC. Nos intérêts sont liés à ceux de la SRC, mais je pense que le résultat, c'est qu'une telle mesure fait augmenter la qualité de toutes les émissions, et c'est ce que nous voulons.

(1500)

    Merci.
    Nous allons donner la parole à Mme Savoie.
    Je m'excuse d'être arrivée en retard, mais j'ai eu une urgence dans ma circonscription. J'ai reçu votre mémoire.
    J'aimerais vous poser deux questions sur la nécessité de revendiquer la production de dramatiques canadiennes au Canada anglais, en supposant qu'on en produit.
    Oui.
    En 1999, le CRTC a permis aux diffuseurs privés d'accroître leurs profits essentiellement en offrant la diffusion directe de films américains aux publics canadiens. Vous avez recommandé une solution que la SRC pourrait adopter pour améliorer la situation ou peut-être établir de meilleurs partenariats afin d'appuyer les dramatiques.
    Avez-vous d'autres idées pour la SRC? Tout est conditionnel au financement, qui fera l'objet de ma prochaine question.
    Dans un monde idéal, la SRC ne se comporterait pas comme un diffuseur commercial, n'est-ce pas? Dans un monde idéal, elle n'aurait pas besoin d'acheter de la publicité, ni d'en vendre. Elle pourrait mettre à l'affiche des émissions de grande qualité pour les Canadiens. Ce serait comme pour la radio: une solution de rechange fantastique à tout le bruit. Je suis un grand fan de la radio de Radio-Canada, parce que c'est la seule chaîne de la jungle qui est toujours bonne. Elle est toujours bonne: il n'y a jamais personne qui vante des couches, par exemple.
    Je sais toutefois que nous ne sommes pas dans un monde idéal. Malheureusement, la SRC est déchirée entre la nécessité d'agir d'une certaine façon comme un diffuseur privé et celle d'offrir tout ce que personne d'autre n'offre. Je pense que c'est vraiment important. Mes critiques et mes arguments se fondent sur la conviction que nous pouvons travailler main dans la main avec la SRC. Nous l'adorons. La SRC est importante. Je ne serais pas assis ici à participer à une séance sur Global ou CTV, parce que ces chaînes ne font rien, à tout le moins pour le long métrage canadien, elles ne font absolument rien.
    Ce que je trouve intéressant au sujet des films ici, du cinéma, c'est de voir tout ce que Showcase fait pour le long métrage canadien, ce que le réseau CHUM fait pour le long métrage canadien. CHUM est essentiellement un réseau commercial, mais il comprend l'avantage de travailler avec les gens du milieu du cinéma pour les faire connaître. Lorsqu'on va au festival des films de Toronto, qui est-ce qui organise les grandes fêtes et fait tout un tabac? Tout est dans son style de diffusion à la Entertainment Tonight. Ses administrateurs sont très brillants. Pourquoi la SRC est-elle invisible, invisible, dans le milieu du cinéma?
    La SRC était la première chaîne, la toute première, pour présenter un film d'Atom Egoyan. C'est la même chose pour les films de tous les grands réalisateurs du Canada. D'une certaine façon, c'était l'ONF de la diffusion. Pourtant, qu'est-ce qui s'est passé? Où est-elle? Je ne perdrai jamais mon temps à frapper à sa porte. Le jeu n'en vaut pas la chandelle. En cinéma, la porte de la SRC est fermée. Je pense que c'est une erreur.
    Il y a une distinction entre les dramatiques télévisuelles et les longs métrages dramatiques, mais soyons honnêtes, une dramatique est une dramatique. De plus, 99,9 p. 100 des longs métrages canadiens anglophones sont diffusés à la télévision, c'est donc la façon dont la plupart d'entre nous prenons connaissance de ces films. Nous ne les connaissons pas pour leur grande performance au grand écran.
    Merci.
    Cela m'amène à la seconde partie de ma question, sur la nécessité pour la SRC d'agir comme un diffuseur privé, de dépendre de la publicité et des abonnements et de se battre pour cela. Je pense qu'on comprend mal la question du financement. Même pendant une petite discussion en mangeant, je sais...
    Dans votre mémoire, à la page 3, vous parlez de financement. En 1985, les fonds d'administration du gouvernement canadien s'élevaient à 1,3 milliard de dollars, alors que le financement de la SRC aujourd'hui représente 335 millions de dollars de moins, soit un peu moins d'un milliard de dollars. De plus, 50 p. 100 de son financement vient de ses activités commerciales, dont nous avons déjà parlé. Une partie de ce financement n'est pas permanent, et je suppose que cela me porte à me demander... C'est presque comme si la SRC réussissait à faire un travail incroyable malgré le sous-investissement que nous observons ou dont j'entends parler; c'est vraiment choquant.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Ce matin, nous avons entendu parler de la nécessité que la SRC soit présente sur Internet et ailleurs, qu'elle répande ses activités encore plus. Je me demande à quel point nous pouvons en demander plus à notre diffuseur public, étant donné qu'il manque déjà tellement de financement.

(1505)

    C'est essentiellement ce que vous devez décider. Nous nous trouvons dans une situation difficile : Radio-Canada doit remplir un mandat très vaste, mais avec des ressources très limitées. Vous devez trouver un moyen de concilier ces deux éléments.
     Pouvons-nous continuer de lui confier un mandat vaste, mais sans les ressources pour l'appuyer? Si nous le faisons, ce sera l'échec; c'est inévitable. Si nous croyons que Radio-Canada doit être dotée d'un mandat vaste qui comporte les volets éducation, culture, communications et édification du pays, nous devons alors lui donner les ressources nécessaires pour qu'elle puisse s'en acquitter. Voilà le principal dilemme auquel est confrontée Radio-Canada, et voilà pourquoi nous pouvons nous présenter ici et critiquer bon nombre des décisions qu'elle prend, car nous attendons trop d'elle compte tenu des ressources dont elle dispose. Or, de deux choses l'une: ou vous réduisez les attentes, ou vous augmentez les ressources.
    Je suis tout à fait d'accord avec Richard.
    Nous devons choisir avec soin les investissements que nous voulons effectuer. J'aimerais bien que Radio-Canada, à l'instar de la BBC, ait une présence plus forte à l'échelle nationale. La BBC a une forte présence nationale au Royaume-Uni. Elle possède une société de production, la BBC Films, qui génère des recettes.
    Radio-Canada a la possibilité de faire des choix en s'appuyant sur son mandat. Or, elle a fait un choix fort embarrassant, récemment, quand elle a décidé, dans un geste tout à fait ridicule, d'imiter l'émission américaine The One. Elle a fait appel au sympathique animateur de l'émission The Hour pour diriger ce spectacle d'artistes amateurs. Vous connaissez l'émission, n'est-ce pas? Tout le monde s'en est moqué, mais d'importantes sommes d'argent ont été englouties...Imitons les émissions à succès d'un radiodiffuseur privé médiocre. C'était là un mauvais choix, une mauvaise décision. Or, il faut faire des choix responsables.
    Merci.
    Je tiens à remercier tous les témoins pour leurs exposés. Si nous avons d'autres questions à poser, nous vous les ferons parvenir pour que vous puissiez y répondre.
    Nous allons faire une pause de quelques minutes, le temps que nos prochains témoins s'installent.

(1505)


(1515)

    Bienvenue.
    Je sais que certains d'entre attendent patiemment depuis un bon moment. Nous avons pris un peu de retard. La séance de ce matin a été plus longue que prévu. Toutefois, nous voulions que tout le monde ait l'occasion de s'exprimer et de répondre aux questions.
    Cet après-midi, nous recevons l'Association canadienne de production de films et de télévision, la Union of BC Performers, et M. David W.C. Jones.
    Bienvenue à tous. Nous allons commencer par l'Association canadienne de production de films et de télévision.
    Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous. J'espère que vous allez trouver notre exposé intéressant. Je sais que vous avez entendu beaucoup de témoins.
    Je m'appelle Trish Dolman. Je fais partie du conseil d'administration national de l'Association canadienne de production de films et de télévision, qui représente les producteurs des industries du film, de la télévision et des nouveaux médias.
    Je suis accompagnée aujourd'hui de mon collègue Brian Hamilton, d'Omni Film Productions. Brian, voulez-vous dire quelques mots?
    Bonjour. Je m'appelle Brian Hamilton. Je fais partie du conseil d'administration de l'ACPFT de la Colombie-Britannique. Je suis le vice-président d'Omni Film Productions, une des maisons de production indépendantes les plus actives de la Colombie-Britannique.
    Nous existons depuis 27 ans. Nous sommes l'un des partenaires les plus prolifiques de Radio-Canada. Nous travaillons ensemble sur six projets dans les genres suivants: documentaires, dramatiques familiales, dramatiques sérieuses de fin de soirée, émissions pour enfants et pour les jeunes, et productions en direct.
    Je m'adresse à vous en tant que représentante de l'ACPFT et en tant que producteur indépendant. Je suis la présidente et la fondatrice d'une maison de production locale appelée Screen Siren Pictures. Nous existons depuis 10 ans. J'ai réalisé, au cours de cette période, des dramatiques, des longs métrages, des documentaires et des émissions en arts de la scène de concert avec Radio-Canada. Je vais donc vous exposer deux points de vue sur la question.
    À mon avis, la plus grande qualité d'un radiodiffuseur public, c'est la contribution qu'il apporte au sentiment commun d'identité nationale. Carl a parlé de la BBC. Je veux utiliser la BBC comme exemple pour illustrer ce qui, pour moi, constitue un radiodiffuseur public efficace. Ils ont réussi à créer un produit qui fonctionne bien et qui est reconnu au Royaume-Uni et à l'échelle internationale. Il repose sur trois piliers fondamentaux: les nouvelles; les émissions consacrées à la nature ou ce que nous appelons l'histoire naturelle; et les dramatiques.
     Radio-Canada, si je peux utiliser une analogie, me fait penser à une personne avec laquelle j'entretiens une relation, une personne que j'aime beaucoup, mais qui n'exploite pas pleinement son potentiel. Quand je pense aux liens qui me rattachent à Radio-Canada, et ce, depuis le début de ma carrière, je me rends compte que je tiens beaucoup à elle, que je veux qu'elle connaisse du succès. Elle occupe une place de choix dans la culture canadienne, tout comme la radio de Radio-Canada. Toutefois, j'ai l'impression qu'elle pourrait être plus efficace. Il set vrai que des progrès ont été réalisés récemment. Radio-Canada fait beaucoup pour remplir son mandat, mais elle pourrait faire encore plus. Elle représente une composante essentielle du système de radiodiffusion, en plus d'être un partenaire à part entière — si vous prenez l'exemple d'entreprises comme celle de Brian — des producteurs indépendants.
    Comme vous le savez, la télévision fait face à de nombreux défis: la fragmentation, la nature changeante de l'industrie, l'orientation des nouveaux médias. Nous ne savons pas vraiment vers où se dirige le milieu de la télévision. Ceux qui prétendent le savoir ne savent pas vraiment de quoi ils parlent. Tout relève du domaine de la théorie pour l'instant.
    À notre avis, Radio-Canada a besoin de financement adéquat à long terme pour pouvoir bien remplir son rôle et son mandat. Le renouvellement de la SRC amène toujours des remises en question, des discussions nouvelles sur la viabilité de l'entreprise, les services qu'elle devrait offrir. Radio-Canada a besoin de financement stable à long terme.
    Par ailleurs, Radio-Canada joue un rôle important, car nous avons besoin de radiodiffuseurs publics nationaux qui offrent des émissions à contenu entièrement canadien. C'est ce que je crois, et c'est ce que l'Association croit également. Radio-Canada a pour tâche est de refléter la réalité canadienne, et donc, le contenu canadien. Je ne parle pas ici du contenu américain ou autres. Nous pouvons réaliser des coproductions, mais elles doivent d'abord refléter la culture du Canada.
    Contrairement à ce que certaines personnes, dont Jim Shaw, laissent entendre, les Canadiens veulent voir des émissions canadiennes. Les radiodiffuseurs publics et privés l'ont compris. Par exemple, CTV a réalisé pour la télévision plusieurs films qui ont été regardés par plus de 2 millions de personnes. Le réseau produit une série télévisée qui est regardée par plus de 2 millions de personnes. Radio-Canada connaît elle aussi sa part de succès — mentionnons, par exemple, Little Mosque on the Prairie. Elle a fait la promotion de l'émission et a réussi à capter l'attention de l'auditoire. Cette tendance planétaire ne se manifeste pas uniquement au Canada. Cela semble être un produit de la mondialisation: au fur et à mesure que le monde devient de plus en plus planétaire, les gens veulent voir le reflet de leur propre culture. Cela se vérifie aussi bien au Canada qu'en Allemagne.
    Brian.

(1520)

    Omni travaille pour tous les grands radiodiffuseurs. Nous collaborons également avec Radio-Canada. En fait, nous tenons beaucoup à elle. Nous estimons que la société, par l'entremise de son mandat, doit façonner sa propre identité, trouver son propre créneau. C'est tout un défi, et elle compte sur l'aide du comité pour y arriver. Radio-Canada doit encourager la production d'émissions uniques qui, autrement, ne verraient pas le jour. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
    Nous avons réalisé une série intitulée Dragon Boys, qui a été diffusée en janvier. Il s'agit d'une mini-série de quatre heures, tournée à Richmond, qui met en scène un policier canadien d'origine asiatique qui lutte contre les groupes criminels et les triades de Hong Kong présents dans sa communauté. C'est une histoire que l'on ne verrait pas sur CTV, une histoire typiquement canadienne qui s'inspire de l'actualité et qui est pertinente. C'est le genre d'émissions que Radio-Canada devrait continuer de réaliser. En fait, elle devrait en produire davantage.
    Autre exemple: nous avons réalisé une émission intitulée Make Some Noise, une série d'une demi-heure de musique activiste qui met en vedette des jeunes Canadiens qui s'impliquent dans toutes sortes de causes à l'échelle internationale, allant de l'environnement à la prostitution infantile. L'émission a récemment reçu le Prix du Japon en reconnaissance de l'excellence de son travail à l'échelle internationale. Elle est présentement diffusée à Johannesburg, dans le cadre du Sommet mondial sur les médias pour les enfants et les adolescents. Encore une fois, il s'agit d'une émission qui reflète les valeurs canadiennes et qui constitue pour nous une véritable source de fierté. Sans Radio-Canada, elle n'existerait pas.
    À notre avis, Radio-Canada doit consolider les liens qu'elle entretient avec les producteurs indépendants. Elle doit établir des rapports avec chaque producteur. Elle doit servir de modèle. Les radiodiffuseurs privés réclament de plus en plus de droits, alors que l'émergence de nouveaux médias soulève des enjeux. Ce sont-là des questions qui préoccupent manifestement Radio-Canada : elle se doit de fixer les paramètres qui dictent les rapports qu'elle entretient avec les producteurs. Il existe de nombreuses maisons de production plus petites qu'Omni. Elles n'ont pas la même expérience en matière de négociations et doivent avoir la garantie que le radiodiffuseur public va les traiter de manière juste, qu'il ne les privera pas de leurs droits et qu'il ne les empêchera pas de réaliser de nouveaux projets. En effet, les producteurs indépendants sont prêt à tout hypothéquer pour assurer la réalisation de leurs projets.
    Trish, vous vouliez parler des différents genres de programmation sur lesquels Radio-Canada devrait notamment se concentrer.

(1525)

    Oui.
    Brian et moi avons précisé auparavant les créneaux que, selon nous, Radio-Canada devrait viser. Nous voulions aborder cette question en fonction de notre expérience commerciale personnelle et de notre collaboration avec la CBC.
    Je sais que Carl Bessai a parlé avec beaucoup de passion du long métrage. Je ne vais donc qu'effleurer le sujet pour faire valoir un point. Il y a cinq ans, la CBC avait promis, dans sa demande de renouvellement de licence, de consacrer 30 millions de dollars à la commercialisation des longs métrages canadiens et aux licences nécessaires. C'était à l'époque où Patrimoine canadien mettait sur pied le Fonds de financement de longs métrages canadiens. Je suis tout à fait convaincue qu'il faut une meilleure harmonie si le gouvernement doit prendre une décision. Pourquoi n'y a-t-il pas d'harmonie? Si nous devons investir, mettons à contribution tous les organismes et établissements en ce qui concerne les objectifs relatifs aux guichets des salles de cinéma au Canada.
    Quant à elle, la SRC a investi 20 millions de dollars à la commercialisation des longs métrages canadiens et aux licences nécessaires. Elle l'a fait, et je dois dire que cela a contribué au succès commerciale du film québécois. Il y a beaucoup d'autres facteurs, mais c'en est certes un.
    La CBC n'a pas tenu sa promesse d'investir 30 millions de dollars dans le long métrage, alors qu'elle aurait dû le faire, selon moi. J'ai produit un long métrage dont la CBC a obtenu la licence moyennant 75 000 ou 100 000 $ vers 2000, film qui a été diffusé en première au Festival international du film de Berlin, qui a remporté le prix Claude-Jutra du meilleur premier long métrage, que la chaîne américaine Sundance Channel a acheté et qui a fait connaître un grand talent canadien. C'est partiellement imputable au fait que la CBC avait investi dans la licence, ce qu'elle ne fait plus ou ce qu'elle fait très rarement.
    Sur le plan artistique, je m'inquiète beaucoup du fait que, récemment, Opening Night a été relégué aux oubliettes. Robert Sherrin, qui dirige la programmation artistique, est l'une des personnes les plus talentueuses à la CBC.
    Je suis convaincue que le rôle du diffuseur public consiste à refléter la vie artistique et culturelle de la société, et il est important que la CBC prenne à coeur la programmation artistique ou soit le reflet de la vie artistique canadienne. Si elle ne le fait pas, il ne restera plus aux Canadiens que la chaîne Bravo. L'avenir de Bravo est remis en question à l'heure où CTV a fait l'acquisition de CHUM.
    Dans le cadre de l'émission Opening Night, nous avons réalisé un film d'après la pièce de théâtre The Score. Ce fut la seule émission dramatique canadienne mise en nomination au Festival de la télévision de Banf, dans la catégorie meilleur film pour la télévision. Des centaines d'autres films provenant de différents pays avaient été mis en nomination également. Tout cela aurait été impossible sans Opening Night.
    Le troisième créneau que je veux aborder, c'est le documentaire. De toute évidence, le documentaire est le reflet réaliste de notre culture, et l'excellence du Canada à ce chapitre remonte à très loin. Grâce à l'ONF et à Radio-Canada, nous sommes réputés mondialement pour nos documentaires. Je pense que Radio-Canada doit prendre un engagement très clair envers ce créneau. On diffuse The Doczonele jeudi soir. Cependant, ce qui nous apparaît ambigu, c'est la répartition entre la production à l'interne et celle à l'externe. En outre, il faut un engagement très clair envers le documentaire.
    Si vous lisez notre mémoire, vous constaterez à quel point la CBC mise sur les émissions sportives pour améliorer ses cotes d'écoute. Je pense qu'elle pourrait éprouver un problème si jamais la LNH passait à un autre réseau.
    Voilà ce que je pense des genres de programmation.
    Brian, souhaitiez-vous ajouter quelque chose?
    Oui. Dans la foulée des propos de Trish sur les émissions sportives, je signale que, d'après les statistiques de l'an dernier, 48 p. 100 des téléspectateurs de la CBC regardaient des émissions sportives.
    Nous avons beaucoup à coeur les émissions pour les jeunes et les adolescents. Nous avons réalisé la série Make Some Noise, qui a remporté un franc succès. Pourtant, la CBC est incapable de s'engager pour une deuxième saison, parce qu'elle a décidé de ne pas réserver de tranches horaires aux émissions télévisées destinées aux adolescents et aux jeunes. C'est un dilemme, car bien sûr ce problème se répercutera dans l'avenir. Si la plupart des adolescents ne regardent pas la télévision de la CBC aujourd'hui, comment les inciterons-nous à syntoniser ce réseau ultérieurement? Si elle ne les fidélise pas aujourd'hui, comment la CBC fera-t-elle pour augmenter son audience demain.
    De concert avec la CBC, nous travaillons à une expérience sur l'Internet, c'est-à-dire que nous transposons sur le site Web de la CBC le contenu et l'esprit de l'émission.
     La CBC doit, à mon avis, opérer de nombreux choix difficiles, notamment sur les ressources à affecter à ses émissions télévisées. Il est peut-être judicieux de ne pas avoir réservé de tranche horaire aux émissions jeunesse, mais il faut en contrepartie contrebalancer le tout par une présence très forte sur l'Internet, car les jeunes privilégient beaucoup plus l'Internet que la télévision. Il faut y affecter les fonds suffisants et obtenir la participation du secteur de la production indépendante parce que le site Web de la CBC est l'un des plus populaires au Canada. Pour l'essentiel, le contenu du site est créé à l'interne, mais on pourrait certainement faire appel davantage à la production indépendante.

(1530)

    Si je peux simplement me permettre d'intervenir afin de préciser ou de récapituler...
    Effectivement, votre temps de parole est presque écoulé.
    Brian est d'avis qu'il faut fidéliser les auditeurs lorsque ils sont jeunes. Prenez l'exemple de George Stroumboulopoulos à l'émission The Hour. Beaucoup d'auditeurs de cette émission sont revenus à la CBC parce qu'ils connaissaient George lorsqu'il était VJ à MuchMusic. Je ne le signale que pour dire que la CBC fait parfois de bons coups.
    Je regarde beaucoup la télévision dans le cadre de mon travail, pour voir ce qui s'y joue. Je regarde l'émission The Hour par plaisir. C'est l'heure idéale en ce qui me concerne. J'aime le travail de l'animateur, entre autres, mais ce n'est qu'un exemple illustrant comment fidéliser les auditoires de jeunes, en leur offrant quelque chose auquel ils étaient habitués auparavant.
    Pour terminer, je voudrais faire valoir très brièvement que le bureau régional ici à Vancouver n'a pas une très grande importance aux yeux d'une grande maison de production comme la nôtre, car il ne détient aucun pouvoir financier. Sur la programmation, les commandes, etc., toutes les négociations se font avec Toronto. Son rôle consiste à aider les producteurs qui ne peuvent pas se procurer un billet d'avion ou qui n'ont jamais négocié avec la société. Je ne dis pas que cela n'est pas utile. Ce l'est effectivement, mais il m'apparaît peu logique que nos amis et collègues qui travaillent au bureau de Vancouver n'aient pas voix au chapitre quant à la programmation ou à la réalisation. Nous négocions directement avec Toronto.
     Par contre, CTV et Global ont toutes les deux des représentants sur place qui peuvent prendre notamment ce genre de décision.
    Merci infiniment de votre exposé.
    Je dois rappeler que nous ne disposons que d'un peu plus d'une heure. Si nous voulons avoir le temps de poser des questions, il nous faudra respecter l'horaire établi.
    Je cède la parole aux prochains témoins.
    Bonjour à tous. Je m'appelle Mercedes Watson et je suis directrice générale de l'Union of BC Performers. Je suis accompagnée de deux collègues: Howard Storey, président, qui est un artiste; Thom Tapley, directeur des opérations pour le film, la télévision et le média numérique.
    Nous savons que vous avez consacré une bonne partie de la journée à écouter une multitude de témoins. C'est pourquoi nous procéderons un peu différemment. Vous entendrez le témoignage exhaustif de notre organisation national. On examinera en détail toutes les questions décrites dans le cadre de l'examen du mandat. Par conséquent, nous n'allons faire double emploi, car ces questions seront abordées directement.
    Nous examinerons certains aspects qui nous concernent ici en Colombie-Britannique et des questions auxquelles notre organisation s'est attaquée et qui, d'après nous, pourraient être abordées davantage dans le cadre du mandat ou d'initiatives que la CBC pourrait prendre.
    Pour vous donner une idée de mes antécédents, je vous dirai que je suis dans ce domaine depuis près de 20 ans. J'ai commencé dans une très petite maison de production indépendante à Toronto, et j'ai travaillé au fil des ans chez Alliance Atlantis, lorsque c'était encore Atlantis, puis j'ai collaboré plus fréquemment et certes pendant plus longtemps à Showcase Television. J'ai été un de ceux qui ont lancé Showcase Television.
    Par la suite, je suis devenue membre du bureau de l'ACTRA, affectée à la question des droits d'auteur pour les artistes et des nouvelles règles régissant la rémunération des artistes dans l'industrie de l'enregistrement. Enfin, je me suis entrée au service de l'UBCP. Mes années au sein de l'industrie m'ont donné une assez vaste expérience, de la production télévisuelle à la diffusion, à la distribution, aux questions juridiques et à la loi sur le droit d'auteur. C'est sur la foi de cette expérience que je comparais.
    Je laisserai à Thom Tapley le soin de se présenter.
    L'Union of BC Performers compte 5 100 artistes de la Colombie-Britannique et du Yukon. C'est notre effectif. Au cours de l'année écoulée, nous avons négocié notre convention collective. Par conséquent, nous n'avons pas pu malheureusement consacrer à notre témoignage tout le temps que nous aurions voulu lui accorder, mais nous pensons que nous vous ferons valoir des points importants qui vous seront utiles dans la poursuite de votre examen du mandat de la CBC.
    Je le répète, vous entendrez le témoignage de nos collègues à l'échelle nationale, particulièrement sur le mandat actuel de la CBC.
    Nous avons choisi de vous donner nos idées sur la façon dont la CBC peut reformuler son mandat. On vous a probablement indiqué aujourd'hui comment tout devrait être modifié et être différent; nous avons pensé que nous pourrions peut-être vous proposer comment parvenir à mettre en oeuvre le changement.
    Nous estimons que la CBC devrait répondre aux besoins culturels de ses très nombreux téléspectateurs et auditeurs quotidiens. En fait, nous croyons que son auditoire général peu augmenter d'une façon exponentielle.
    Nous souhaiterions faire profiter au comité et à la CBC de notre expérience dans l'industrie du film et du spectacle, particulièrement dans les domaines de la distribution, du droit d'auteur et des médias numériques, de sorte que la CBC puisse reprendre la place qui lui appartient. Nous croyons qu'elle doit être le principal tremplin pour les talents canadiens et nos produits numériques. Nous croyons que la CBC peut aider notre pays à se mettre en valeur et à promouvoir sa culture par l'intermédiaire d'un portail de distribution numérique canadien alliant commercialisation et accès. Ce sont les deux éléments cruciaux qui ont empêché les Canadiens de voir leur propre histoire sur leurs ondes.
    Ce processus comporte trois étapes simples: mettre à contribution les experts et engager le dialogue sur les nouvelles réalités des médias numériques pour examiner de nouveaux modes de diffusion et déterminer leur utilité par rapport aux besoins de la CBC; se concentrer sur la promotion du contenu afin que les Canadiens en soient fiers; créer un modèle qui rémunère tous les détenteurs des droits et garantit un accès à tout le contenu.

(1535)

    On a abordé la question des ressources restreintes de la CBC. Celle-ci a continué de se serrer la ceinture pour atteindre les objectifs que, de l'avis de tous, elle doit réaliser au profit de tous les Canadiens. Nous estimons qu'un service numérique faciliterait la tâche en ce qui concerne les coûts. Un tel service est rentable et plaît énormément non seulement aux jeunes — comme l'a signalé Brian — qui ont délaissé la télévision au profit de l'Internet, mais également aux autres.
    Selon la tendance, la télévision n'exerce plus le même attrait auprès de la plupart. On s'en remet à l'Internet et aux médias numériques pour avoir accès au contenu, à l'information, à la musique et aux spectacles. Nous estimons que nous pouvons recourir à ces modes de diffusion pour augmenter l'audience et mieux utiliser ce qui est déjà une excellente image de marque canadienne, c'est-à-dire la CBC.
    Mon collègue, Thom Tapley, prendra le relais.
    Je m'appelle Thom Tapley et je suis le directeur des opérations. Ma carrière dans toutes les facettes de cette industrie compte une année de moins que celle de Mercedes.
    Je pense que le domaine où nous pourrions vous être le plus utiles serait celui des médias numériques, dans lequel nous avons été aspirés depuis un certain temps.
    Je m'inquiète quand j'entends des commentaires tel celui formulé plus tôt aujourd'hui et recommandant que la CBC ne devrait pas trop se diversifier. Par « trop diversifier », on entend peut-être les activités sur le Web. Nous croyons que c'est l'orientation à prendre. La CBC sera ainsi accessible à la plupart des consommateurs tout en étant la voix des Canadiens. Un dialogue sera alors possible entre les Canadiens et le diffuseur public.
    Nous avons plusieurs idées sur la façon de procéder. Nous estimons qu'il est important de choisir les personnes avec lesquelles nous examinerons les changements à opérer, de déterminer les modalités à cet égard et d'établir les meilleures solutions. Même si le dialogue est très important, il serait peut-être plus utile d'y faire participer des intervenants qui ne seraient peut-être pas invités habituellement, notamment Chris Anderson, qui a écrit The Long Tail. Il y a une multitude d'autres théoriciens qui ont des idées intéressantes sur la question.
    Chris Anderson est un cas particulièrement intéressant, parce que nous désignons souvent le contenu canadien comme étant un créneau de marché. The Long Tail aborde notamment le fait que le créneau de marché n'est pas aussi rentable que le modèle du succès commercial ou modèle hollywoodien. On a donc mis au point un modèle de succès commercial, c'est-à-dire qu'on concentre les efforts de commercialisation sur un petit nombre de films. Ces films ont heureusement été très populaires et ont rapporté suffisamment de recettes pour assurer la suite des choses.
    Ce modèle n'a pas été très utile à l'industrie cinématographique canadienne, particulièrement en ce qui concerne la promotion des films, parce que nous ne disposons pas de l'argent que possède Hollywood pour commercialiser les films. Trish a fait valoir que, si nous affectons 100 millions ou 125 millions de dollars à la production et à la distribution de tous les films canadiens, il ne reste plus beaucoup d'argent pour la commercialisation. Cependant, si vous consacriez ces 125 millions de dollars à la commercialisation d'un seul film, il y aurait vraiment des chances de percer le marché international.
    Nous ne pouvons pas y parvenir parce que le système prévoit la commercialisation de chaque projet individuel. Cependant, prenons l'exemple de la CBC. Si vous commencez à promouvoir son image de marque plutôt que ses produits individuels, nous pensons qu'il est possible d'en arriver à soutenir la concurrence internationale et à faire en sorte que le contenu canadien attire non seulement les téléspectateurs mais également les consommateurs en général.
    On pourrait continuer à formuler des idées à ce chapitre, mais nous mettrons un terme à notre exposé. Nous espérons être en mesure de répondre à vos questions sur les sujets que nous avons abordés.

(1540)

    Très bien. Merci infiniment.
    Je cède la parole à M. Jones.
    Merci, monsieur le président.
    En comparaison avec tous les témoignages que j'ai entendus aujourd'hui — et j'ai été ici toute la journée —, de personnes très versées en la matière, la déclaration que j'ai à vous faire va vous sembler très dénudée, plutôt simple. J'espère ne pas trop taxer votre patience.
    Je suis de souche britannique. En 1965, j'ai demandé le statut d'immigrant admis au Canada et j'ai eu le privilège d'accéder à la citoyenneté canadienne en 1971.
    Un des grands attraits de la citoyenneté canadienne alors était de pouvoir regarder et écouter des productions canadiennes authentiques de la Société Radio-Canada. Étant donné mes origines britanniques, le fait que, là-bas, la British Broadcasting Corporation règnait et produisait des émissions et des documentaires d'une qualité exceptionnelle m'a encouragé à m'établir dans un endroit où un organisme analogue diffusait sa programmation à l'échelle du pays, contribuant ainsi à unir un jeune pays en pleine croissance, à l'informer, à le renforcer, à éduquer sa population et à lui donner une identité. Durant cette période, j'estimais que la SRC était le ciment de la nation et qu'elle favorisait l'unité nationale, tout comme auparavant, le chemin de fer national avait relié entre elles les différentes régions de cet immense pays.
    Il me semble qu'actuellement, la SRC perd du terrain pour plusieurs raisons: le sous-financement, l'ingérence politique et le trop faible nombre d'employés de grand calibre. On tente délibérément d'empêcher la SRC d'exécuter son mandat, soit d'assurer un service national, régional et local à l'échelle du pays.
    La qualité des émissions s'est aussi détériorée. La qualité et le contenu sur le plan tant de l'art que du goût ont beaucoup baissé. La principale faille dans la structure de la SRC est la méthode de sélection des membres de son conseil d'administration. Un premier ministre élu devrait-il avoir le pouvoir de nommer les principaux membres de la société, y compris son président et les administrateurs? C'est tout à fait ridicule.
    Certaines des meilleures émissions radiophoniques et télévisuelles sont diffusées par la société d'État grâce à des dons de particuliers et d'entreprises. La beauté de ce genre d'émission est l'absence de messages publicitaires répétés et de propagande constante. Pour pouvoir rivaliser, il faut que la société ait les fonds requis, une direction hors pair et des travailleurs compétents et dévoués de manière à pouvoir montrer au monde que les Canadiens sont capables de produire sans tout le battage publicitaire et le grossier sécularisme que les commandites ne peuvent faire autrement que d'encourager. C'est la seule façon dont le Canada parviendra à s'associer à un service indépendant qui peut faire l'admiration du monde et dont les Canadiens peuvent être vraiment fiers.
    Monsieur le président, c'est tout ce que j'avais à dire.

(1545)

    Je vous remercie de votre déclaration.
    Je cède maintenant la parole à madame Fry, qui va poser la première question.
    Je vais commencer par dire à monsieur Jones que son exposé était peut-être court, mais qu'il était éloquent. Il a réussi à tout dire en peu de mots.
    J'aurais quelques questions à lui poser.
    Il en a déjà été question. Tous reconnaissent que la société d'État est aimée, qu'il faut en protégéger le caractère unique et qu'elle a un véritable mandat. Selon certains, elle tente de trop faire à la fois. D'autres ont affirmé que ses attentes sont trop élevées par rapport aux ressources dont elle dispose de sorte que, manifestement, ce sont les ressources qui sont problématiques. La question à se poser est de savoir ce que va faire la SRC.
    Vous nous avez donné une très bonne idée de ce que devrait faire la SRC. En fait, vous l'avez exprimé fort éloquemment: des documentaires, des longs métrages et ainsi de suite, et des émissions pour enfants. Vous avez parlé de la numérisation, et j'aurai des questions à poser à Thom à ce sujet tout à l'heure.
    Pour moi, il s'agit essentiellement de décider ceci. Nous avons tous établi, du moins avec les témoins d'aujourd'hui, que la SRC devrait continuer d'exister et qu'il faudrait lui donner les ressources convenables. Nous avons entendu M. Jones affirmer, comme bien d'autres avant lui, qu'il faut de toute évidence que la SRC soit très indépendante et qu'elle fasse l'objet du moins d'ingérence politique possible, mais qu'elle a tout de même des comptes à rendre.
    Voici ma principale question. J'ai toujours trouvé déconcertant que — et vous en avez vous aussi parlé, Brian — la SRC ne rejoint pas les jeunes. Elle a ignoré ce public. Comment doter la SRC d'un avenir? Nous savons que les ressources sont un facteur, mais parlons de la mécanique qu'engage la conception d'un avenir pour la SRC dans lequel elle pourrait se bâtir un nouveau bassin de spectateurs et d'auditeurs. Comment pourrait-elle le faire dans les médias numériques et, comme Thom l'a dit tout à l'heure, s'identifier à des niches plutôt qu'au bon vieux modèle?
    J'aimerais savoir quel avenir vous entrevoyez pour la SRC. Nous avons entendu parler de régionalisation, mais j'aimerais savoir si vous êtes vraiment convaincu que la SRC représente aussi bien qu'elle le devrait le caractère multiracial et multiculturel du pays.
    Ma réponse va être brève. Non, elle ne reflète pas la diversité raciale et culturelle du pays.
    Voilà la question essentielle. Je crois qu'en ce qui concerne les émissions pour les jeunes, le moins grand nombre de restrictions imposées à la SRC en ligne, par rapport à la télévision d'État, quant à la façon dont elle peut se financer m'encouragent. Je suis également encouragé par les personnes qu'elle engage pour le service en ligne et qui raisonnent autrement, qui ne sont pas des employés de la télévision d'État depuis longtemps. Elles viennent de l'extérieur.
    À mon avis, le principal défi est de rendre la SRC sympa. Certains éléments de la programmation le sont, dont l'émission de George Stroumboulopoulos. Ce qui importe, c'est de recruter les bonnes personnes et de faire appel à des producteurs indépendants qui travaillent déjà auprès de ces publics.

(1550)

    Pourrais-je renchérir? Outre ce que M. Jones a exprimé si éloquemment, il faut aussi, je crois, que les personnes aux commandes aient une vision. On a besoin de quelqu'un capable d'avoir une toute autre vision du plein potentiel de la SCR, qui envisagerait toutes les possibilités, qui ne se contenterait pas simplement de diffuser des émissions américaines et d'essayer de livrer concurrence aux diffuseurs privés. La société d'État ne pourra jamais le faire; admettons-le simplement. Toutefois, elle a besoin d'un visionnaire, ce que je ne crois pas qu'elle ait pour l'instant.
    Monsieur Tapley.
    La programmation en serait un exemple concret. Il s'agit d'utiliser la technologie de telle sorte que les Canadiens ont un meilleur accès au contenu canadien par l'intermédiaire de la SRC. Par exemple, il y a bien des émissions que j'aime regarder, mais que je manque parce que je ne suis pas chez moi à l'heure de leur diffusion ou je ne sais trop quoi. Si vous avez recours à l'Internet ou à un support numérique, vous pouvez enregistrer l'émission, puis lorsque vous êtes à la maison, la regarder. En réalité, j'estime qu'à elle seule, cette possibilité serait utile.
    C'est une question de vision effectivement, et une de mes craintes est que nous continuions d'examiner les modèles existants ou les façons de faire du passé et de chercher des moyens d'améliorer ce que nous avons déjà, plutôt que peut-être changer du tout au tout notre façon de voir.
    Brian a parlé d'une SRC sympa et pertinente. Selon moi, une autre façon dont la technologie pourrait être utile à cet égard serait de vraiment permettre ou faciliter un véritable dialogue. Je pense notamment à des chaînes sur l'Internet — ou parlons simplement, par souci de clarté, de la SRC en ligne, puis de canaux sur la SRC en ligne. Que diriez-vous de laisser de jeunes enfants canadiens dicter le genre de chaînes qu'ils souhaitent avoir? On peut mettre en place ce genre de rétroaction. Je ne crois pas que nous l'ayons utilisée, que nous ayons profité du plein potentiel de la technologie de manière à vraiment rassembler les consommateurs canadiens et mondiaux comme l'ont fait les chouchous des médias, par exemple YouTube. Leur réussite s'explique du fait qu'ils ont réussi à s'attirer de grands publics parce qu'ils leur ont donné un rôle décisionnel, leur ont permis de décider du contenu. La SRC pourrait le faire, elle aussi.
    Pourriez-vous simplement nous préciser ce que vous entendiez par « branding » — le branding de la SRC?
    Certainement.
    Manifestement, la production s'appuie sur des principes économiques. C'est là la dure réalité. Il faut qu'une production soit rentable. Par le passé, ce que nous appelions les produits-niche avaient de la difficulté à rentrer dans leurs frais.
    Ainsi, dans le monde de la musique, on a observé que par le passé... À nouveau, si l'un d'entre vous a eu la chance de lire le livre de Chris Anderson intitulé The Long Tail, ce serait utile. Voyez le tableau qu'il donne du modèle réussi d'entreprise classique. Quand la grande partie des recettes venait surtout de ce secteur-ci, on ne s'inquiétait pas trop de cette partie-là du tableau. On a constaté que, en raison d'une diminution du coût de distribution de la musique qui s'applique et continuera de s'appliquer à tous les genres de médias, y compris aux productions cinématographiques et télévisuelles, les gens y avaient tout à coup accès.
    Il existe peut-être dans le monde 3 000, 5 000 ou 100 000 fans de l'émission The Beachcombers. Ils pourraient se trouver n'importe où et y avoir accès. Les principes économiques sur lesquels repose ce genre de modèle sont radicalement différents de ceux du modèle où il y a une grille-horaire, où l'émission est diffusée à 20 heures au Canada si l'on veut la regarder. Il se pourrait que des millions de personnes veuillent regarder l'émission, de n'importe où dans le monde, et elles peuvent désormais le faire grâce à la numérisation.
    Si nous persistons à utiliser le modèle existant comme référence et à nous interroger sur les moyens de l'améliorer, nous en revenons au point qu'a fait valoir Trish, soit que nous avons besoin d'une nouvelle vision. C'est pourquoi dans sa déclaration liminaire, Mercedes a affirmé qu'il faut en réalité changer toute la vision de la SRC. À notre avis, il y a moyen pour elle de beaucoup mieux rejoindre des publics que par le passé.

(1555)

    D'accord. Je vous remercie.
    Madame Bourgeois.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je suis tentée de lancer des petits pavés dans la mare. Vous nous avez présenté toutes sortes de belles solutions démontrant combien vous êtes à la mode du jour et combien vous êtes vif. Pourtant — et ne me lancez pas de tomates —, lorsque nous avons rencontré M. Shaw, il nous a dit que les artistes ou les producteurs qui recevaient de l'argent du Fonds canadien de télévision ne produisaient pas d'émissions de qualité, et que les émissions canadiennes anglaises étaient ennuyeuses.
    Que répondez-vous à cela?

[Traduction]

    En réalité, ces deux personnes produisent du contenu, et je puis vous affirmer qu'il est de qualité.
    Dilemme intéressant, la qualité de nos films est reconnue ailleurs dans le monde. Il nous est parfois plus difficile, en tant que Canadiens, de l'admettre. Si vous vous fiez à la feuille de route, notre contenu, nos films télévisuels, plus particulièrement nos films, s'en sortent en réalité fort bien. Le problème vient des restrictions qui sont imposées. Le défi consiste à donner accès à ce genre de contenu. On peut l'offrir, mais le public ne sera pas forcément au rendez-vous, parce qu'il lui faut trouver un moyen d'accéder au contenu. À mon avis, le problème n'est pas tant une question de qualité que la capacité d'avoir accès au contenu, une fois qu'il est produit.
    Avec votre permission, j'aimerais renchérir sur ce qu'a dit Tom. Je souscris entièrement au principe du contenu canadien et, manifestement, à ceux qui le produisent. Nous nous nuisons à nous-mêmes en nous décrivant comme ennuyeux et en n'essayant pas de trouver de meilleurs moyens de faire remarquer nos produits.
    Sur ce plan, le Québec s'en est sorti avec brio pendant de nombreuses années. On oublie qu'il lui a fallu beaucoup de temps pour faire respecter son produit, pas seulement au Québec, mais partout au Canada et dans le monde. Le Canada anglais est resté dans l'ombre des Américains en essayant d'imiter quelque chose qui, selon bon nombre d'entre nous, n'était pas si bien fait que cela au départ.
    Il est temps selon moi de croire en nous-mêmes et dans la qualité de ce que nous produisons et de ce que nous avons produit. Comme Tom l'a dit tout à l'heure, il faut trouver ce créneau en ligne qui nous permettra d'être nos propres distributeurs, à l'échelle nationale comme internationale, du contenu que nous créons ici et d'offrir cet accès au public, aux millions de personnes que cela intéresse non seulement au Canada, mais dans le monde entier.
    En réalité, j'estime que c'est à M. Shaw qu'il faudrait lancer les tomates car, tout en profitant considérablement de la générosité des Canadiens, il ne semble pas la respecter.

[Français]

    Faites attention: ne dites pas que la Québécoise est venue demander qu'on lance des tomates à M. Shaw. N'interprétez pas mes paroles.

[Traduction]

    À mon avis, M. Shaw s'est lancé dans une campagne de salissage de la télévision canadienne pour servir ses propres fins et, pour être franche, je crois qu'il est plein de lui-même. Vous n'étiez pas dans la salle au début de mon exposé quand j'ai cité plusieurs exemples d'émissions télévisuelles canadiennes de qualité qui sont régulièrement regardées par plus de deux ou trois millions de spectateurs. Ce sont là des nombres élevés dans un pays aussi peu peuplé que le nôtre.
    Ainsi, on peut regarder Corner Gas, Degrassi, Little Mosque on the Prairie et plusieurs films produits pour la télévision qui attirent régulièrement des publics nombreux, des émissions dont les Canadiens raffolent, et si elles n'étaient pas de qualité, alors c'est le public canadien lui-même qu'il dénigre, et je crois qu'il ne dit que des conneries.
    Il fait ces déclarations pour servir ses propres fins et il exerce un monopole sur le marché canadien qui sert très bien ses intérêts, merci. Tant qu'à moi, il peut tout aussi bien se lancer les tomates à lui-même. La reconnaissance que nous obtenons ne vient pas seulement de l'extérieur du Canada, et j'en veux pour preuve que les diffuseurs privés estiment pouvoir faire de l'argent en utilisant le contenu canadien, parce que dans ce genre d'entreprises, part de marché équivaut à profit. CTV et Global font tous deux de l'argent d'émissions à contenu canadien. La seule raison pour laquelle ils en ont diffusées, c'est qu'ils ont été obligés de le faire au départ, et voilà qu'ils font désormais de l'argent. Vous savez quoi? Ils ne vont pas arrêter, parce que cela rapporte.

(1600)

    Je tenais simplement à préciser que les émissions populaires énumérées par Mme Doman, des émissions existantes et intéressantes qui connaissent vraiment du succès, ont été ficelées par des créateurs canadiens alors que les chances de succès n'étaient pas vraiment de leur côté. Comme nous le savons, il est très difficile au Canada anglais de faire produire quoi que ce soit.
    Ce sont des émissions de bonne qualité produites en dépit de chances de succès faibles, et elles sont de meilleure qualité en raison de l'appui du gouvernement et de la population canadienne et rendues sympas par les marchés créneaux qui les apprécient à leur juste valeur. Grâce à la distribution sur l'Internet, il est possible de donner accès aux émissions qui conviennent à ce créneau. Et quiconque en est le publicitaire actuel a là une merveilleuse occasion de prêcher à des convertis, parce que ceux-ci souhaitent déjà avoir l'émission, souhaitent déjà utiliser ce support, de sorte que le produit peut y être arrimé. C'est beaucoup plus viable sur le plan économique.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Jones, puis à M. Tapley
    Je souhaitais simplement savoir si M. Shaw a retiré sa contribution au Fonds canadien de télévision avant ou après vous avoir fait ses remarques?
    Je peux probablement vous répondre. Il a tenu ces propos après avoir rétabli sa contribution.
    Je vous remercie.
    Monsieur Tapley.
    Je viens de me souvenir d'un détail intéressant. Comme j'ai vécu à Los Angeles et que j'ai certainement fait la navette entre le Canada et cette ville pendant longtemps, j'ai toujours trouvé remarquable le fait que, dans un petit café que je fréquentais constamment, la moitié de la clientèle était habituellement canadienne.
    Le nombre de créateurs canadiens à Hollywood est énorme. Donc, ce n'est pas que les Canadiens ne sont pas capables de créer du contenu de qualité; le problème, c'est que les ressources ne sont pas au rendez-vous. Le fait qu'ils doivent s'exporter pour réussir est honteux. Souvent, ce ne sont que les véritables soldats qui ne partent pas, comme les deux personnes au bout de la table, qui décident malgré tout de rester ici. Il est vraiment difficile de produire du contenu au Canada. Ce n'est pas une question de qualité, ni de talent. Nous avons tout cela, mais le problème, c'est que les créateurs doivent parfois quitter le pays pour poursuivre leur carrièree.

[Français]

    Pour me racheter, je vais faire le commentaire suivant.
    Je pense que c'est vous, madame Dolman, qui avez parlé des trois piliers qui permettraient de régler la question de la radiodiffusion. On a parlé de passer par les nouvelles. Il a aussi été question d'histoire naturelle, soit d'environnement et de connaissance de notre milieu. Enfin, on a parlé des dramatiques, qui représentent ce que les gens vivent. Dans les trois cas, on rejoint les gens de la base.
    Je pense que la population veut se reconnaître, être dépeinte par sa télévision. Ce sont des gens comme vous, qui êtes en contact avec la population et qui travaillez sur le terrain, qui peuvent refléter la réalité de ces gens.
    Me suis-je rachetée un tant soit peu?
    Merci.

[Traduction]

    Les Canadiens souhaitent énormément voir leurs propres histoires, comme nous l'avons dit. Lorsque la CBC a mis suffisamment d'efforts pour commercialiser Little Mosque on the Prairie, les gens ont su que cela existait. Ils se sont rués devant leurs écrans. Nous avons une réponse extraordinaire de partout lorsque les gens voient nos programmes, qu'ils les découvrent, quand nous sommes capables de les rejoindre et de leur donner notre programmation à un moment qui leur convient, etc. Nous, les Canadiens, nous ne nous vantons pas assez de nos succès, mais nos programmes sont de calibre mondial.
    Il y a un élément financier, et le marketing est extrêmement important. Le paradoxe de la télévision d'État, c'est que peu de ses programmes sont écoutés par deux millions de téléspectateurs, durant lesquels elle peut annoncer la prochaine émission ou l'émission du lendemain. Ce que les diffuseurs privés font... CTV utilise American Idol pour promouvoir Corner Gas. Ou notre série, Robson Arms — nous avons attiré trois quarts de million de téléspectateurs lundi soir parce que d'autres programmes d'envergure en avait fait la promotion. Global possède des journaux dans lesquels il place des annonces, gratuitement, pour promouvoir sa propre programmation.
    La SRC a effectivement ces désavantages, mais je crois qu'en ligne, elle a un avantage.

(1605)

    Merci beaucoup pour cette intervention.
    Madame Savoie.
    Merci.
    Merci pour vos exposés. Ils ont été fascinants et donnent plein d'idées créatives en apportant des solutions à quelques-uns des enjeux que nous examinons, que ce soit le décalage — ce qui m'intéresse vraiment, parce qu'il y a constamment des émissions que j'aimerais voir — ou encore de meilleures techniques de marketing.
    La télévision en ligne pique ma curiosité. Mes propres enfants sont l'exemple vivant de ce que vous avez dit concernant la façon dont les jeunes veulent accéder aux médias. Nous avons déjà parlé du mandat trop dilué, et je crois que nous parlons ici du manque de ressources pour la société d'État alors qu'on s'attend à ce qu'elle soit tout pour tout le monde. C'est là, je crois, où la situation devient critique.
    Croyez-vous que les suggestions que vous avez exposées ou avancées peuvent être réalisées dans le cadre du budget existant? Devons-nous augmenter les ressources? Il se trouve que c'est ce que je pense, mais j'aimerais savoir quelle est votre opinion à ce sujet. Il faut aussi garder ces créateurs ici — tous ces gens qui partent vers le sud. Que devons-nous faire pour les garder ici et pour attirer les auditoires dont vous parler?
    Ces possibilités sont extraordinaires, mais je crois qu'elles doivent être le point de départ des discussions, parce qu'il s'agit de questions complexes. Comme Trish l'a mentionné au début, personne ne sait avec certitude où tout ceci nous mène. Ce que nous savons, en observant les tendances des consommateurs, c'est vers quoi les gens se dirigent, et vos enfants, comme vous le dites, en sont un exemple. Les gens se tournent vers ces nouveaux appareils pour profiter du contenu. Du point de vue économique, ces modèles sont bien différents de la télévision traditionnelle et de la production de films. Le coût de distribution est différent et il continuera de changer à mesure que la technologie évolue. Nous entrons dans une phase — certains parlent d'Internet 2, d'autres parlent d'Internet 3 — où le coût de la transmission du contenu par ce canal dans les foyers est différent.
    Pour répondre très exactement à votre question concernant les ressources, je crois que c'est toujours mieux d'avoir plus d'argent parce que cela nous permet de faire face aux enjeux plus rapidement et mieux. Toutefois, à long terme, il est possible que moins de ressources seront nécessaires, dépendamment de la façon dont ces modèles vont évoluer. Nous n'y sommes pas encore, et ce n'est pas notre faute. L'industrie n'y est pas encore, parce qu'on ne sait toujours pas comment ces modèles vont évoluer. Toutefois, tout indique, assurément en ce qui a trait à la distribution, que les coûts vont continuer de chuter.
    La réponse comporterait deux volets. À l'heure actuelle, ce serait bien d'avoir plus d'argent. À long terme, un ajustement pourrait s'imposer. Les besoins en argent pourraient diminuer parce que nous aurions établi un modèle plus efficace.
    Concernant la dimension économique, personne ne sait exactement comment cela fonctionne. Est-ce que cela compromet d'une façon quelconque la neutralité d'Internet ou l'aspect démocratique d'Internet?
    Eh bien, je crois...
    Je pose la question parce que c'est une autre chose très importante, il me semble, qui pourrait se produire.
    Je ne suis pas certain d'avoir très bien compris votre question. Pouvez-vous la répéter? J'allais y répondre, mais avant de le faire, j'aimerais m'assurer de bien la comprendre, parce qu'elle pourrait nous amener dans une autre direction.
    Comme je ne comprends pas la dimension économique de ce que vous proposez, je me demande si c'est une façon de mettre Internet sous le joug des grandes entreprises.
    Il ne fait aucun doute qu'une bataille mondiale a lieu présentement à cette fin. De nombreux livres ont été écrits sur le sujet; je vous recommande de lire Darknet, de J. D. Lasica; l'auteur montre comment les grands intérêts commerciaux essaient de restreindre Internet. C'est pourquoi il serait très intéressant d'établir cette marque de commerce maintenant, en particulier une marque mondiale, et nous pouvons le faire. Radio-Canada est déjà une marque de commerce mondiale, mais elle peut le devenir davantage. À mon avis, c'est plus difficile à restreindre une fois que c'est établi, et c'est pourquoi il faut le faire au cours des prochaines années.
    Je crains qu'à un moment donné, le système — le modèle qui est en place aujourd'hui — essaiera de se reproduire, c'est-à-dire que quelques intérêts seulement contrôleront la distribution dans votre foyer, et c'est un dialogue à sens unique: vous recevez du contenu, et ce n'est pas le dialogue à double sens que permet actuellement Internet.

(1610)

    Pourquoi est-ce plus difficile à restreindre? Je ne comprends pas cela.
    Actuellement, Internet est encore une véritable jungle. Je vais vous donner un exemple: le poste-à-poste, c'est-à-dire Napster. Les gens ont beaucoup parlé de Napster et des torts qu'il causait à l'industrie, mais ces mêmes compagnies qui avaient intenté des poursuites pour mettre fin à Napster utilisent maintenant cette même technologie pour diffuser leur contenu, alors je crois que nous traversons une période intéressante.
    Pouvez-vous restreindre Internet? La réponse est oui, et ceux qui croient le contraire se trompent. C'est possible. C'est une forme de distribution. Cela ne se fait pas encore, mais cela pourrait se faire dans l'avenir, et je crains que ce sera le cas.
    J'aimerais faire quelques observations pour répondre à votre question. Bien sûr, il est très important de faire de Radio-Canada une destination Internet si c'est le premier choix des Canadiens pour ce qui est des nouvelles. Les Canadiens sont très nombreux à être abonnés, par exemple, au New York Times en ligne. Je crois qu'ils utilisent Radio-Canada comme destination en ligne, mais tout ce qui peut aider...
    À l'heure actuelle, Radio-Canada reçoit un milliard de dollars de Patrimoine canadien.
    Est-ce exact?
    C'est moins.
    Concernant le financement, si nous parlons de faire... En gros, la société d'État se débarrasse de la publicité; évidemment, il faut alors trouver un nouveau modèle de financement. Je ne crois pas que le gouvernement actuel soit particulièrement enclin à augmenter le financement de Radio-Canada, alors il faut examiner attentivement les autres modèles de revenu, la façon dont la société d'État dépense son argent et combien elle consacre aux sports. Les téléspectateurs sont nombreux — cela vaut-il la peine? Elle perd les Olympiques; je crois que c'est important. Mais quels sont les autres modèles de revenu?
    Mon attachement pour la société d'État date de Mr. Dressup et The Friendly Giant. Exploite-t-elle ses ressources correctement? Offre-t-elle The Beachcombers et toutes ces émissions en ligne pour que vous puissiez les télécharger? Cette réalité existe aujourd'hui, pas dans deux ans.
    Il y a d'autres façons que la société d'État... C'est très difficile dans ce contexte de lancer simplement des recommandations, mais je crois que la question mérite certainement d'être étudiée. Je crois personnellement que pour survivre dans le monde moderne, Radio-Canada pourrait profiter d'un plus grand financement, mais je crois aussi qu'il faut examiner attentivement la gestion et la manière dont ces fonds sont répartis. Beaucoup de choses pourraient être faites différemment. Des sommes énormes sont investies dans des secteurs bizarres — dans l'immobilier, par exemple — qui ne sont pas nécessaires pour faire de Radio-Canada ce qu'elle est, des secteurs où des compressions pourraient être effectuées.
    Allez-y, monsieur Jones.
    Je crois certainement que plus d'argent doit être investi dans Radio-Canada. Lorsque j'étais en Angleterre — cela fait plus de la moitié de ma vie — nous devions contribuer sous forme de licence. Nous avions une licence de radio et une licence de télévision, et quiconque avait un appareil devait payer. Il me semblait que ces contributions permettaient de maintenir la qualité de la programmation.
    Je ne sais pas si ce système de licence existe encore, mais on avait toujours des normes élevées, et vous ne pouvez pas faire cela sans argent. Il y avait des normes de gestion très élevées et du personnel qui s'occupait du système. J'aimerais que ce soit possible ici également.
    La BBC a toujours ce système. Quiconque possède un téléviseur au Royaume-Uni paie un tarif qui est versé directement à la BBC.
    J'aimerais faire quelques commentaires, et si vous voulez y donner suite, vous pourrez me faire parvenir votre réponse plus tard. J'aimerais simplement confirmer certaines choses qui ont été dites ici aujourd'hui.
    Il y a environ trois semaines, j'ai dîné avec les Barenaked Ladies, qui donnaient un spectacle à Ottawa. M. Angus était là. Il y avait quatre membres du comité. Ils ont parlé avec beaucoup d'enthousiasme des nouveaux médias, du fait d'être en ligne et des changements qui s'imposent dans les façons de faire. Ils ont dit que dans l'industrie du disque, les grosses compagnies avaient l'habitude de piller les artistes. Aujourd'hui, ils ont la liberté et ils peuvent diffuser leur musique, et non seulement eux — ils sont bien connus — mais les nouveaux venus également. Alors je suis d'accord pour dire qu'en ce qui concerne les nouveaux médias, la façon dont ils en ont parlé, ce n'est vraiment qu'un début. Les possibilités sont simplement immenses.
    Je vous donne un autre exemple. J'ai quitté Edmonton hier pour venir ici, et j'étais à bord d'un avion moderne. En arrière de chaque siège, il y avait un écran de télévision. De l'endroit où je me trouvais, je pouvais voir des gens qui regardaient six choses différentes. Nous avions l'habitude d'avoir des écrans de télévision suspendus ici et là, et tout le monde devait regarder la même chose. J'ai voyagé à bord de ces avions et j'ai vécu cette pénible expérience.
    Je crois qu'il faut offrir des choix. Encore une fois, on l'a dit à plusieurs reprises: la promotion est essentielle. J'ai entendu ceci lors de l'étude sur la cinématographie que nous avons effectuée il y a quelques années. Vous pouvez faire le meilleur film, mais si vous n'en faites pas la promotion, si personne ne sait qu'il existe, personne ne le voit. Qui sait que c'est un bon film?
    Je crois donc que vous avez tout à fait raison sur ces choses, sur la façon dont ces programmes sont amenés. Vous pouvez être en train de regarder les nouvelles, et durant les annonces ou à la pause, lorsque la promotion est faite, peu importe le programme, si vous la voyez assez souvent, vous irez voir au moins une fois.
    Ce que vous avez dit aujourd'hui nous sera utile. Je vous remercie de vos exposés.
    Nous pouvons avoir une courte question à la fin.

(1615)

[Français]

    J'ai une question, monsieur le président.

[Traduction]

    Vous pouvez poser une très brève question.

[Français]

    Je voudrais simplement que les gens soient rassurés. Si, en tant que députés, nous sommes peu nombreux autour de cette table, il reste que le compte rendu sera pris en considération. Vos témoignages seront sûrement remis aux autres députés, et nous en discuterons ensemble. Soyez-en assurés.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons prendre une pause de cinq minutes.

(1615)


(1625)

    Reprenons nos travaux.
    Bienvenue à nos prochains témoins.
    Avant de commencer, je dois mentionner que Mme Savoie a dû nous quitter pour prendre un hélicoptère. Je crois qu'elle a une réunion très bientôt. J'aimerais que vous sachiez que même si nous ne sommes pas nombreux autour de la table, toutes les questions et réponses sont consignées et seront transmises au reste du comité. Un rapport sera fait et tout. Vous êtes donc tout aussi importants que les premiers témoins que nous avons entendus ce matin.
    Encore une fois, je tiens à excuser le départ de Mme Savoie et je vous souhaite la bienvenue.
    Nous allons entendre d'abord Catherine Murray, représentante de l'Université Simon Fraser. Puis M. Norman Hill viendra témoigner à titre personnel, et Pedro Mora parlera au nom de la Vancouver Community Television Association.
    Madame Murray, je vous prie de présenter votre exposé.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les membres du comité.
    Je dois aussi vous transmettre des excuses. Ma collègue, Mme Druick, est très malade aujourd'hui et ne pouvait pas être ici aujourd'hui.
    Je suis professeur associé de l'école de communication de l'Université Simon Fraser, et j'ai eu l'honneur d'avoir fait partie du comité d'examen des mandats présidé par M. Juneau, qui a publié un rapport intitulé Faire entendre nos voix en février 1996.
    Je suis également membre de la Graham Spry Foundation, affiliée à l'Université Simon Fraser, qui, de concert avec l'Université de Montréal, présente une conférence annuelle sur l'avenir de la radiodiffusion publique. Je vous recommande de consulter ce site Web pour de plus amples recherches.
    J'enseigne dans le domaine de la politique en radiodiffusion et j'aimerais souligner la présence des étudiants du cours Communications 333, qui ont assisté à votre réunion avec beaucoup d'intérêt. J'aimerais préciser également que je fais des travaux de recherche sur la diversité culturelle, les groupes de la société civile et les formes nouvelles de gouvernance des médias.
    Je me permets de laisser à votre secrétariat un article que j'ai rédigé sur CBC/Radio-Canada intitulé Wellsprings of Knowledge: Beyond the CBC Policy Trap. J'ai écrit cet article en 2002, en partie pour témoigner de mon expérience de 1996, et un grand nombre des recommandations qu'on y trouve sont aussi pertinentes aujourd'hui qu'elles l'étaient à l'époque.
    Aux fins de l'exposé cet après-midi, j'ai cru qu'il serait intéressant de me concentrer sur ce qui a changé depuis 1996, concernant le dilemme dans lequel se trouvait la société d'État à cette époque, et ce qui n'a pas changé.
    L'année 1996 a marqué ce que plusieurs ont perçu comme une époque de crise pour la radiodiffusion publique dans le monde, et les compressions budgétaires pratiquées à cette époque, sous la direction de M. Martin, qui ont entraîné la création du comité Juneau, ont soulevé d'importantes inquiétudes quant à la portée du mandat de CBC/ Radio-Canada et sa survie.
    Cette crise portait de nombreux visages. Le premier était l'aspect politique de la crise. Puis, la crise a été définie en regard du nationalisme québécois. Notre rapport a été rédigé à l'époque du référendum au Québec, et une bonne partie du texte peut être lue dans cette perspective.
    Aujourd'hui, la crise est déterminée et définie à la lumière de nos obligations internationales en Afghanistan, prises dans le cadre des ententes multilatérales de l'OTAN. Je remarque qu'après le 11 septembre, les politiques en matière de communication des gouvernements du monde entier ont été largement politisées au nom de la guerre au terrorisme. Au nom de la sécurité, l'accès à l'information a été interdit au journalisme public, et nous avons assisté à des litiges et même à la démission forcée des présidents de certains diffuseurs publics, comme la BBC, à cause de certains problèmes de divulgation concernant des allégations de renseignements erronés sur les armes de destruction massive.
    Je remarque que le dirigeant de la Corporation for Public Broadcasting, aux États-Unis, est montré du doigt pour avoir fait des nominations partisanes. L'ancien président de CBC/Radio-Canada a aussi démissionné pour avoir fait des remarques inappropriées que certains ont jugé offensantes.
    Ce qui a changé depuis l'examen de 1996, c'est la culture des nouvelles dans laquelle les crises entraînent notre diffuseur public. Mais je crois qu'on peut se réjouir ici. L'opinion publique et les cotes de qualité montrent un degré élevé de confiance du public envers les nouvelles de la société d'État, et il n'y a pas eu la même ingérence partisane comme ce fut le cas à la BBC, par exemple. CBC/Radio-Canada a établi son bureau de nouvelles à l'étranger et, dans un geste très important, a repositionné Radio-Canada International pour s'éloigner des nouvelles chaudes et diffuser une information plus générale, en partie, je crois, pour ne pas avoir à se mesurer à d'autres sources de radio internationale mieux financées et plus propagandistes. Toutefois, je crois que la société d'État a dépassé son rôle actuel dans l'autoréglementation de la qualité et des normes en matière d'information.
    J'ai présidé un processus d'ombudsman national durant l'élection fédérale de 2004 et bien que je puisse attester de la validité générale du processus, il ne peut remplacer deux éléments qui sont nécessaires pour protéger l'indépendance éditoriale et l'excellence des normes d'information de la SRC: premièrement, sortir le bureau d'ombudsman de la société d'État des cadres mêmes de la société; deuxièmement, restructurer tous les conseils de presse et les commissions responsables des normes de radiodiffusion pour former un seul organisme de nouvelles qui serait davantage responsable envers les citoyens, les journalistes et les rédacteurs en chef, qui serait plus accessible dans le règlement des conflits liés aux nouvelles et qui imposerait de meilleures normes en matière d'information.

(1630)

    Dans un monde où la couverture médiatique de CanWest Global s'est attirée les foudres de Reuters pour avoir véhiculé des stéréotypes inappropriés au sujet des terroristes dans un imbroglio survenu en 2004, il est plus important que jamais de maintenir une tribune publique pour discuter de l'éthique dans les médias et la SRC a un important rôle de leadership à jouer à ce chapitre.
    Le diffuseur public n'a jamais fonctionné dans un contexte aussi surchargé pour ce qui est de l'offre d'information. Pour s'acquitter de son mandat en matière d'information internationale et nationale, Radio-Canada continue de dépenser beaucoup plus pour la collecte de nouvelles, les reportages d'enquête plus poussés, comme en font foi les prix décernés par les pairs, ou les bases de données aux fins des demandes d'accès à l'information, notamment. La SRC n'a jamais été aussi ouverte à l'idée de soumettre ses normes en matière d'information à des degrés élevés d'examen public et de maintenir un plus grand nombre de bureaux de nouvelles à l'étranger.
    Sa valeur a été défendue par le Comité sénatorial sur l'avenir des médias d'information. Le rôle de CBC/Radio-Canada est plus important que jamais dans un contexte où le travail des journalistes présente de multiples dangers au sein d'un monde de plus en plus scindé par les fondamentalismes ethniques, nationaux et religieux qui tracent, comme l'indiquait Graham Murdock, prenant la parole à la conférence Graham Spry, des frontières inaccessibles ou infranchissables entre nous et eux.
    Je veux revenir en arrière encore une fois pour préciser qu'à l'époque, la crise était d'ordre technologique. Bien peu de gens prévoyaient en 1996 la concurrence éventuelle de plus de 100 chaînes numériques au Canada ou plus de 100 chaînes internationales pouvant être captées chez nous; nous n'étions pas plus nombreux à anticiper la croissance d'Internet et les défis qu'allaient nous poser la balladodiffusion et la transmission de contenu en ligne sur des sites communautaires comme YouTube. À ce moment-là, notre comité considérait qu'il s'agissait là de nouveautés intéressantes, mais je crois qu'il est juste de dire que nous ne nous attendions pas à ce que leur expansion soit aussi rapide. À l'époque, nous avons recommandé que la Loi sur la radiodiffusion de 1991 soit modifiée pour faire en sorte que Radio-Canada puisse offrir ses services sur Internet et utiliser les nouveaux médias de la façon la plus novatrice possible.
    Comme le CRTC a décidé par la suite de ne pas réglementer les nouveaux médias et l'Internet, aucune disposition de la loi de 1991 n'empêchait la société d'État de créer son propre portail Internet. Le site cbc.ca est maintenant, comme plusieurs l'ont mentionné précédemment, parmi les trois plus populaires au Canada avec plus de deux millions de visites par semaine. Les enquêtes sur son rendement au cours de la plus récente élection ont indiqué des résultats généralement positifs, surtout pour ce qui est de rendre la couverture électorale plus accessible aux jeunes électeurs, dont les deux tiers choisissent de ne pas voter lors de nos élections fédérales.
    C'est Radio 3, une station basée ici même à Vancouver, qui a été la première à s'attaquer au créneau des nouveaux médias et nous sommes très fiers de l'équipe responsable de cette initiative. Selon une étude menée sur Radio 3 par l'une de nos étudiantes de deuxième cycle, qui je crois est ici présente, Anu Sahota, c'est exactement le genre de mesures novatrices faisant appel aux nouveaux médias qu'un diffuseur public doit prendre.
    Les sites de musique nouvelle et indépendante accessibles via cbc.ca contribuent de façon extrêmement impressionnante au paysage sonore canadien. Selon moi, la société d'État a vraiment fait oeuvre utile en créant cette agora numérique en mode partagé. J'estime par contre malheureux que Radio 3 soit maintenant diffusé sur un réseau commercial numérique via satellite, car cela porte ombrage au dossier de la société en matière d'innovation.
    Dans l'ensemble, la SRC n'a pas exploité de façon optimale les possibilités qu'offrent les nouveaux médias. Je dirais que CBC/Radio-Canada devrait envisager la création d'une troisième, d'une quatrième, voire d'une cinquième chaîne, comme nous l'avons entendu plus tôt, sur le Web, afin d'offrir un portail de diffusion pour les documentaires indépendants et le travail des nouveaux producteurs de contenu télévisuel et faire concurrence à YouTube pour le privilège des primeurs.
    Il est bien certain que peu de gens avaient prévu que la SRC allait pouvoir exploiter les nouveaux médias, mais elle doit en faire bien davantage pour devenir la plaque tournante de l'agora numérique. Je pense également que notre comité, et surtout les auteurs du rapport Lincoln, voyaient la SRC comme un élément fondamental au maintien d'un espace public sur l'agora numérique. Je crois que le rapport Lincoln est allé plus loin que nous en ce sens en soulignant que Radio-Canada doit travailler de concert au sein du nouvel environnement Internet avec les secteurs de la diffusion sans but lucratif et communautaire, une avenue que la société d'État n'a pas encore commencé à emprunter.

(1635)

    Parmi les démarches les plus importantes que pourrait entreprendre le comité permanent, il y aurait lieu de demander à la ministre du Patrimoine canadien de coordonner une stratégie visant la protection des médias communautaires, indépendants et alternatifs, avec la SRC dans un rôle de plaque tournante sur le nouvel agora numérique qui s'installe au Canada. Selon ma vision des choses, une troisième chaîne de télévision à la CBC/Radio-Canada pourrait servir de noyau national reliant les télévisions universitaires, les chaînes communautaires et différents autres fournisseurs de programmation sans but lucratif.
    Si je reviens à nouveau en arrière, la crise était alors d'ordre financier. Nous étions confrontés à des coupures dépassant les 300 millions de dollars. Il faut noter qu'à compter de 2000, la ministre Copps a réinstauré un crédit annuel de 60 millions de dollars pour la diffusion de programmations spéciales, après quoi le Fonds canadien de télévision a fait son apparition en réservant une proportion de ses ressources provenant des impôts et des frais d'abonnement au câble. Ces sommes ont été utilisées pour des productions indépendantes réalisées pour le compte de la société d'État.
    Il faut dire que notre pays ne connaît plus le même niveau de dette publique ni une crise financière semblable. De fait, compte tenu des surplus sans précédent à la disposition du gouvernement en place, il devient possible de réinvestir dans la radiodiffusion publique. Année après année, Radio-Canada a dû composer avec une certaine incertitude au niveau financier. Ses crédits d'environ 1 milliard de dollars diminuent au regard de l'inflation et, comme beaucoup l'ont mentionné, nous avons une société d'État qui a été réduite environ du tiers, en dollars constants, par rapport à sa situation d'il y a dix ans.
    Qui plus est, nous disposons aujourd'hui de données beaucoup plus complètes relativement au taux d'investissement public dans les autres pays. Un certain nombre de sources différentes ont maintenant confirmé que le Canada se situe parmi les pays de l'OCDE qui investissent le moins proportionnellement au nombre d'habitants, alors que le taux de croissance de notre population figure parmi les plus élevés. Il y a donc quelque chose qui cloche.
    Même si on ajoute les dépenses provinciales pour la radiodiffusion éducative, le tableau global ne change pas. Je dirais que dans un état fédéral comme le Canada, où il y a bifurcation des compétences entre culture et éducation, les données produites à l'échelle planétaire, par le Groupe Mackenzie et le Groupe Nordicity notamment, indiquent que la culture est mal en point.
    La SRC est la plus grande institution au Canada. C'est notre institution culturelle et nous ne lui fournissons pas suffisamment de ressources pour remplir son mandat. J'ai pu constater qu'elle avait besoin d'un financement stable à long terme et j'appuie donc les revendications incessantes et répétées mises de l'avant à l'occasion d'enquêtes publiques comme celle-ci en faveur d'une charte à long terme et d'un financement stable. Je suis également favorable à une augmentation des crédits parlementaires annuels, car nous avons pu constater les effets que peut entraîner une incertitude à l'égard des fonds publics.
    Au cours des 10 dernières années, Radio-Canada s'est tournée de plus en plus vers les revenus publicitaires. On vous a déjà dit aujourd'hui que les émissions de sport comptent désormais pour près de 50 p. 100 de la part d'audience du réseau CBC, alors qu'elles dépassaient à peine 30 p. 100 à l'époque, en 1996. Nous avons toutefois assisté au cours des dernières années à une chute vertigineuse de 90 millions de dollars — soit près de 40 p. 100 — des revenus publicitaires de Radio-Canada. Depuis la fusion qui a créé CTVglobemedia, CBC/Radio-Canada s'est fait damer le pion dans une marge de trois pour un quant aux droits de diffusion de grands événements sportifs comme les Jeux Olympiques.
    Notre comité préconisait une réduction de la dépendance à l'égard de ces grands événements comme les Olympiques; les impératifs économiques et la perte de l'emprise sur le marché au profit de ces nouvelles forces émergeant de la concentration des ressources du secteur privé ont eu, par défaut, le même effet que les politiques publiques auraient dû avoir pour CBC/Radio-Canada. Ainsi, les fusions et les regroupements d'entreprises médiatiques ont privé Radio-Canada de son droit de négociation relativement aux grands événements. Le diffuseur public abandonnera donc le sport par la force des choses et pourrait maintenant recadrer le tout dans une perspective culturelle, ou mettre l'accent sur des sports amateurs ou moins populaires en Amérique du Nord, comme le soccer par exemple.
    L'hémorragie de ses revenus publicitaires continuera à affecter grandement la société d'État. Je m'en remets aux conclusions du Comité d'examen des mandats et aux recommandations du rapport Lincoln à l'effet que la CBC/Radio-Canada pourra s'affranchir encore davantage des revenus publicitaires si on lui fournit des fonds publics en quantité suffisante.
    Pour ce qui est de la masse critique, les revenus publicitaires comptent actuellement pour près de 50 p. 100 des frais d'exploitation de la télévision d'État. C'est une proportion beaucoup trop élevée. Un taux d'environ 20 à 30 p. 100 au cours de la période de transition pour la réappropriation de notre diffuseur public serait probablement plus viable.
    La nécessité de trouver de nouveaux revenus a mené à ce que j'appelle une « privatisation larvée des perspectives stratégiques » à la CBC/Radio-Canada. Lors des récentes audiences au sujet de l'avenir de la radiodiffusion privée, Radio-Canada est intervenue devant le CRTC en faveur des visées opportunistes des diffuseurs privés qui souhaitent obtenir leur part des revenus d'abonnement aux services de base du câble — un droit pour la transmission des signaux locaux de CTV et Global, par exemple — étant donné le manque de certitude quant aux revenus publicitaires.

(1640)

    Si l'on introduit ces droits de transmission des signaux locaux, la SRC pourrait toucher entre 12 millions et 30 millions de dollars, ce qui est nettement insuffisant pour répondre à ses besoins. Il s'agit selon moi d'une proposition s'inspirant du désespoir. Dans sa perspective stratégique, la CBC/Radio-Canada perd complètement de vue le fait que l'application de tels droits de retransmission locaux soulève certaines questions quant à la réforme des droits d'auteur, à l'universalité et aux problèmes d'accès qu'éprouvent ces 12 p. 100 de Canadiens ne pouvant profiter du câble numérique. Dans ce dossier, la société d'État a fait passer ses propres intérêts, dans le contexte de la diminution de sa base de revenu, avant les intérêts publics en adoptant un tel point de vue.
    Je préconise un financement stable à long terme pour Radio-Canada. Je veux simplement vous signaler que la dernière crise avec laquelle nous avons dû composer en 1996 n'est pas différente de celle à laquelle vous êtes maintenant confrontés. C'était également un problème de transparence et d'administration publique. Il est bien évident que le portrait était plus sombre en 1996. D'importantes mesures ont été prises pour moderniser les systèmes et instaurer une plus grande transparence au sein de la société d'État. Je constate que la vérificatrice générale du Canada a mené récemment deux vérifications externes de la SRC, et que celle-ci a entrepris des réformes majeures allant dans le sens des recommandations de notre rapport de 1996. Les conventions collectives ont été rationalisées, des gains d'efficience ont été réalisés à l'interne et la rationalisation du parc immobilier a permis des économies considérables. En outre, les rénovations effectuées ici, par exemple, aux bureaux de CBC/Radio-Canada à Vancouver en feront un carrefour pour le secteur culturel qui aura d'importantes retombées pour toute la collectivité.
    J'ai l'impression qu'on a presque exploité au maximum les possibilités de gains d'efficience pouvant découler de la modernisation et de la rationalisation de l'entreprise. Il ne reste plus beaucoup de gras à retirer de cette carcasse. Mais la vérificatrice générale note dans les commentaires plutôt positifs de son rapport de 2005 le besoin toujours présent d'établir des objectifs et des indicateurs organisationnels pour le rendement et la gestion et de mieux communiquer avec les intervenants externes. La SRC doit donner suite à ces recommandations. Je constate également que les mêmes lacunes ont été relevées à l'encontre de la ministre du Patrimoine canadien et de la Condition féminine lors d'une étude ultérieure sur les programmes visant l'industrie culturelle.
    La situation financière du diffuseur public s'est peut-être assainie, sous réserve, selon moi, d'un réaménagement majeur de nos investissements publics, mais un important obstacle demeure. Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport Faire entendre nos voix: le cinéma et la télévision du Canada au XXIe siècle, et comme le groupe Friends of Canadian Broadcasting l'a si brillamment fait valoir au cours des dix dernières années, il faut absolument s'assurer que le processus de nomination au conseil d'administration de la CBC/Radio-Canada soit moins assujetti aux considérations partisanes, de manière à éviter le piège dans lequel est tombé le président Bush avec PBS. J'estime d'ailleurs que votre comité a un rôle à jouer à cet égard.
    Il faut que ce conseil d'administration devienne plus représentatif des chefs de file des milieux de la science, de la culture, de la création, de la technologie et des affaires au Canada. Le conseil doit avoir le pouvoir de nommer son président et de le mettre à l'abri des pressions partisanes et des coontroverses du jour. Malgré les changements majeurs intervenus sur la scène politique fédérale au Canada, le Parlement continue d'exprimer une voix multipartite favorable à la CBC/Radio-Canada, laquelle bénéficie également du soutien de la population comme en font foi les sondages menés au pays.
    Ce qui a changé par rapport à 1996, c'est l'émergence d'une presse néoconservatrice qui véhicule un discours élitiste sur les questions stratégiques touchant notre pays, un discours au sein duquel les critiques à l'encontre de notre diffuseur public occupent une place de choix. Autre phénomène nouveau, la convergence hallucinante des sociétés privées au sein du paysage médiatique canadien, une situation sur laquelle le CRTC se penchera au cours d'une prochaine audience. Dans un contexte marqué à ce point par la convergence, il n'a jamais été aussi crucial que Radio-Canada offre des services locaux, car ceux-ci peuvent faire les frais de décisions prises par des administrations centrales situées à l'extérieur de la province. Il est étrange que les défenseurs de l'intérêt public — ceux qui préconisent une sphère de communication plus démocratique protégeant les droits de nos citoyens — se soient montrés aussi discrets.
    Votre comité parlementaire pourrait exiger de la ministre qu'elle demande au CRTC d'examiner, par exemple, les politiques en place en faveur de l'intérêt public au coeur de cette période frénétique de fusions et d'acquisitions et de rendre compte exactement de l'utilisation de ces sommes et des résultats obtenus. Si l'on annonce la vente d'Alliance Atlantis à un consortium d'investissement américain en partenariat avec CanWest, par exemple, qui va contester le transfert de la chaîne spécialisée? Pourquoi une telle chaîne, qui pourrait servir de base au renouvellement du diffuseur public en tant que carrefour central de l'agora numérique au Canada, ne reviendrait-elle pas aux contribuables canadiens qui ont financé son lancement? Peut-être le moment est-il venu de déterminer si l'intérêt public ne justifie pas que l'on réinvestisse pour ramener History Television à la CBC, son habitat naturel. Après tout, cela serait tout à fait logique, car la CBC/Radio-Canada est la principale source d'archives audiovisuelles au pays.

(1645)

    Ce qui n'a toutefois pas changé, c'est que le Canada a besoin d'institutions publiques qui promeuvent un sens de la citoyenneté, une citoyenneté cosmopolite qui valorise la diversité et qui veut régler les problèmes par la délibération, plutôt que par la force. La CBC/Radio-Canada est l'une de ces institutions; les enjeux auxquels elle est confrontée n'ont jamais été aussi gigantesques, mais les possibilités qui s'offrent à elle sont sans précédent.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Hill.
    Monsieur le président, membres du comité, je tiens à vous remercier grandement pour m'avoir invité à comparaître devant vous. Je suis un ardent partisan de Radio-Canada et je me réjouis d'avoir l'occasion de vous présenter mon point de vue aujourd'hui.
    Il ne fait aucun doute que la Société Radio-Canada traverse une crise et qu'elle a grand besoin d'une réforme en profondeur. Cela fait des années qu'elle souffre de sous-financement chronique: elle a vu ses budgets amputés sérieusement et a été privée d'un apport de fonds à long terme fiable qui aurait pourtant été essentiel à la planification de ses activités. Voilà pourquoi Radio-Canada a été forcée de se tourner de plus en plus vers les recettes publicitaires pour survivre. Hélas, sa dépendance à l'égard de la publicité du secteur privé a compromis son objectivité et ses capacités de protéger l'intérêt public. Par ailleurs, Radio-Canada a commencé à tendre vers un style de gestion caractéristique du secteur privé, ce qui ne convient pas du tout à un radiodiffuseur public.
    Dans ma jeunesse, la CBC/Radio-Canada était une institution fière qui produisait des émissions canadiennes de qualité. Elle n'en est plus aujourd'hui que la pâle imitation. Une bonne partie de sa programmation est constituée d'émissions américaines et d'autres productions étrangères. Il est même arrivé dernièrement que des émissions de téléréalité américaines décalent la présentation du National à une heure de grande écoute. De telles émissions de culture américaine populaire vont tout à fait à l'encontre du mandat de Radio-Canada. Il est inexcusable que la direction de la SRC ait laissé cela se produire. Il est encore plus scandaleux que le gouvernement du Canada ait été aussi négligent dans son traitement de Radio-Canada.
    D'aucuns diront que Radio-Canada n'a plus son utilité ou qu'il faudrait la privatiser. Au contraire, elle est plus pertinente et plus essentielle que jamais à l'unité ainsi qu'à l'indépendance du Canada. À l'heure de la mondialisation et de la domination croissante des États-Unis dans la région, il importe de revitaliser notre société d'État afin de protéger l'intérêt public, de promouvoir la culture canadienne et de favoriser l'unité et l'indépendance du Canada. Pour réformer et revigorer Radio-Canada, je crois que les mesures suivantes sont essentielles.
    Premièrement, le Parlement doit s'assurer que les postes de la haute direction de Radio-Canada (son conseil d'administration ainsi que son président et chef de la direction) ne font pas l'objet de nominations politiques. Ses dirigeants ne devraient donc pas être nommés par le premier ministre ni par le gouvernement. Ils pourraient par exemple être nommés par un comité multipartite de la Chambre des communes, constitué d'un nombre égal de députés de chacun des partis représentés à la Chambre. Nous pourrions ainsi nous assurer que CBC/Radio-Canada reflète les priorités de tous les Canadiens et non seulement celles du parti au pouvoir.
    Deuxièmement, le Parlement doit donner au conseil d'administration de Radio-Canada le pouvoir d'engager et au besoin de congédier le président et chef de la direction. Le conseil d'administration devrait toujours renfermer une majorité de personnes ayant une expérience de la radiodiffusion publique canadienne. Le président et chef de la direction de Radio-Canada devrait toujours venir des rangs de la société d'État. Ainsi, nous serions certains qu'il possède le bagage d'expérience et l'engagement qu'il faut envers l'organisation.
    Troisièmement, le Parlement doit donner à Radio-Canada un financement à long terme qui soit suffisant et stable pour qu'elle puisse remplir son mandat, et notamment revitaliser la programmation communautaire et améliorer considérablement le contenu canadien. Quel que soit le contexte financier du gouvernement, CBC/Radio-Canada joue un rôle vital dans notre culture et elle devrait toujours être protégée en priorité contre les aléas du financement public. Mais à l'heure des surplus budgétaires massifs, il est dégoûtant que Radio-Canada fasse l'objet de compressions douloureuses au point où elle a dû fermer son service des costumes. Dans une société prospère comme la nôtre, on ne peut tout simplement pas le tolérer.

(1650)

    Quatrièmement, le Parlement devrait s'assurer que Radio-Canada se départisse de la publicité privée à mesure que les fonds publics augmenteront. Il n'y a pas de place pour les recettes publicitaires privées chez un radiodiffuseur public. Si Radio-Canada était bien financée par le gouvernement, elle n'en aurait pas besoin.
    Cinquièmement, le Parlement doit renforcer le mandat de Radio-Canada. Au lieu qu'elle soit « principalement et typiquement canadienne », il devrait exiger qu'elle soit « essentiellement et typiquement canadienne ». Seul un mandat aussi limpide garantira la diffusion presque exclusive d'émissions canadiennes de qualité.
    Sixièmement, le Parlement doit s'assurer que Radio-Canada remplisse l'aspect de son mandat qui consiste à « contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales ». Pour cela, elle devrait augmenter considérablement sa programmation à caractère artistique et culturel, par exemple en produisant davantage d'émissions dramatiques contemporaines, des documentaires historiques et des films pour la télévision. Les Canadiens ont besoin de voir et d'entendre des histoires typiquement canadiennes pour que leur culture s'épanouisse.
    Septièmement, le Parlement devrait ordonner au conseil d'administration de Radio-Canada de donner la priorité aux instructions qui figurent dans la Loi sur la radiodiffusion et selon lesquelles Radio-Canada doit « refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions ». Radio-Canada a besoin de bâtir sa capacité de programmation au niveau communautaire partout au Canada afin de répondre aux besoins de ses collectivités et en même temps être représentative du Canada dans son ensemble.
    Huitièmement, le Parlement doit interdire à Radio-Canada d'établir des partenariats avec les radiodiffuseurs privés canadiens, qui sont tout à fait médiocres sur le plan culturel. Au Canada, le degré de concentration des entreprises de radiodiffusion et des médias est renversant. Une poignée de très grandes entreprises exerce une influence inégalée sur la culture canadienne et applique un programme d'action néo-libéral de privatisation, de déréglementation et de destruction du gouvernement et du bien public. Si Radio-Canada s'associait à ces entreprises, elle se trouverait dans un grave conflit d'intérêts. Son rôle est de servir l'intérêt public tandis que l'objectif des radiodiffuseurs privés est de porter au maximum les profits des actionnaires et d'aller dans le sens des objectifs de contrôle de l'entreprise. Radio-Canada doit rester fidèle à son mandat de servir l'intérêt public canadien et elle peut seulement le faire en préservant son indépendance et son intégrité.
    Neuvièmement, le Parlement doit veiller à ce que Radio-Canada continue de mettre l'accent sur les émissions de nouvelles et d'actualité. À l'heure où les médias sont des entreprises de plus en plus concentrées, les Canadiens ont besoin plus que jamais que Radio-Canada les renseigne sur ce qui se déroule au pays et en fasse une analyse approfondie et sérieuse. Hélas, c'est un aspect qui s'est gravement détérioré au cours des dernières années. Un certain nombre d'événements revêtant une grande importance pour l'indépendance et l'intégrité du Canada se sont produits au cours des dix dernières années mais ont été passés sous silence ou ont été à peine effleurés par Radio-Canada. Par exemple, le Partenariat sur la sécurité et la prospérité de l'Amérique du Nord, qui à mon avis aura pour effet de submerger le Canada dans une entité nord-américaine antidémocratique et dominée par les États-Unis, a été à peine mentionné à Radio-Canada. C'est pourtant le genre de menace urgente pour la souveraineté canadienne que Radio-Canada a la responsabilité de bien couvrir.
    Dixièmement, le Parlement devrait enjoindre Radio-Canada de continuer à présenter les épreuves sportives canadiennes comme le hockey. Il ne fait aucun doute que le hockey est un élément important de l'identité canadienne.
    J'invite le comité à prendre conscience de l'état dangereux dans lequel Radio-Canada se trouve en ce moment et à suivre les recommandations que je viens de formuler pour sauver la Société. Si vous n'agissez pas maintenant, le Canada perdra une grande institution qui a joué un rôle vital dans l'édification de notre pays.
    Encore une fois, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui, et je vous remercie également de l'attention accordée à mes recommandations.

(1655)

    Merci, monsieur Hill.
    Monsieur Mora, la parole est à vous.
    Je crois que je vais tout simplement répéter pour la troisième fois le même message. Je suis presque entièrement d'accord avec tous les autres. J'ai préparé un exposé de deux pages seulement.
    J'estime que la SRC, comparativement à tous les réseaux privés, est la plus équilibrée pour ce qui est de la diffusion de l'information régionale et culturelle et de la présentation de l'actualité.
    La SRC, conformément à son mandat, favorise une identité canadienne spécifique et, en raison de son indépendance par rapport aux entreprises à but lucratif, contribue davantage à une conscience nationale et sociale plutôt qu'à la promotion de la consommation. Cependant, avec l'avènement mondial d'Internet dans les années 1990, la diffusion traditionnelle de l'information a changé progressivement, du moins sur deux fronts. D'abord, le système de la SRC traditionnel, unidirectionnel et reposant sur le principe hiérarchique devient de plus en plus démodé, et des médias indépendants non hiérarchisés, au sein desquels des profanes participent à la diffusion des nouvelles et de l'information, sont en train de le supplanter.
    Ensuite, les questions auxquelles quelques journalistes et producteurs professionnels de la SRC accordent la priorité ne sont pas nécessairement les mêmes que celles auxquelles la plupart des citoyens s'intéressent. Autrement dit, il faut que le choix des sujets traités ne soit plus uniquement fait par un groupe de radiodiffuseurs professionnels, mais aussi par le public. Par conséquent, je crois que l'une des façons de faire en sorte que la SRC suive les tendances dans le domaine des communications est d'ajouter au mandat de cette société, par l'entremise de la Loi sur la radiodiffusion, l'obligation d'offrir à des groupes de producteurs locaux, indépendants, sans but lucratif, non religieux et non partisans la possibilité de contribuer à la production communautaire.
    À ce sujet, le CRTC a édicté en 2002 un règlement exigeant que les câblodistributeurs privés confient à des groupes communautaires jusqu'à 25 p. 100 de la programmation. La SRC devrait elle aussi être assujettie à cette exigence établie par le CRTC, qui implique une plus grande participation du public.
    Quant à la structure de gouvernance de la SRC, qui est fondée sur le principe hiérarchique, il faut la démocratiser en élisant un conseil d'administration pour chaque station locale. Je ne veux pas dire que les membres devraient être élus par la population; j'accepterais une élection par l'ensemble des 309 députés. Tout ce que je veux souligner, c'est que ces personnes devraient être élues plutôt que nommées par une seule personne. En outre, il faudrait doter la SRC d'un conseil consultatif sur la programmation composé de tous les participants.
    Si le comité du patrimoine canadien et les ministres élus de façon démocratique songent à démocratiser l'information et les communications, ils devraient aussi penser à démocratiser la structure de gouvernance de la SRC. Après tout, c'est cela la démocratie.
    En ce qui a trait aux partenariats entre la SRC et les radiodiffuseurs privés, je dois dire que le caractère unique de la SRC tient précisément au fait qu'elle est la propriété de l'État, ce qui, du moins en théorie, signifie que des intérêts privés ne peuvent exercer une influence sur elle. Vendre une partie de la SRC à des entreprises à but lucratif revient en fait à lui enlever ce caractère unique.

(1700)

    Des partenaires à but lucratif empêcheraient la SRC de s'acquitter de son mandat actuel et finiraient par la transformer en une autre de ces entreprises axées sur la rentabilité. Ce pronostic est simple et se fonde sur le fait connu que ce qui intéresse principalement les entreprises, c'est de réaliser des profits, alors que le mandat actuel de la SRC, qui est de servir le public, n'est nullement lié au profit.
    Je suggère de préserver adéquatement le caractère unique de la SRC en tant que média d'information démocratique sans lien avec des radiodiffuseurs à but lucratif, qui eux pourront continuer seuls d'annoncer leurs produits et services.
    En ce qui a trait aux nouveaux médias, si le financement de la SRC provenait entièrement des impôts, l'émergence de nouveaux médias n'aurait pas d'incidence sur le budget global de la société.
    Le CRTC, avec le concours des administrations locales, devrait faire en sorte que sa réglementation en matière de transmission s'applique aussi aux réseaux municipaux de communication sans fil. De la même façon qu'il existe des règles régissant la circulation routière pour éviter le chaos, il faut une réglementation pour ce type de réseau afin d'éviter les abus.
    Je vous remercie beaucoup.
    Très bien; je vous remercie.
    Je donne maintenant la parole à Mme Fry.
    Premièrement, je veux demander à Catherine Murray si elle a une copie papier de son exposé.
    Oui, madame Fry. J'ai essayé de faire en sorte qu'il soit disponible. Aussi, j'ai l'intention de remettre plus tard un document comportant des citations et des notes de bas de page.
    Merci. J'ai trouvé vos propos fort intéressants.
    Je suis aussi préoccupée que vous par le fait que le secteur des médias privés soit presque monolithique. Ils sont tous en train de se fusionner de sorte qu'il existe maintenant pratiquement qu'un seul réseau. Bien entendu, cette situation n'est pas bonne pour le journalisme ni pour n'importe quelle forme d'information pertinente.
    Je vais faire un commentaire qui ne plaira sûrement pas. La fusion de CHUM avec Global et CTV m'inquiète. À tout le moins, CHUM diffusait un contenu largement canadien. Il offrait en effet un type de programmation très différent. C'est pourquoi je suis préoccupée.
    Plus ce phénomène prend de l'ampleur, plus la SRC, comme vous l'avez très justement souligné, doit veiller à survivre. Elle doit par conséquent assumer le rôle particulier qu'on lui a confié.
    Tout le monde a parlé d'un nouveau modèle de gouvernance. C'est tout à fait logique. Vous avez entièrement raison à ce sujet.
     M. Mora notamment a fait un bon commentaire. J'ai lu votre exposé, et je suis désolée d'en avoir raté la majeure partie tout à l'heure parce que j'ai quitté la salle quelques instants. Vous êtes la deuxième personne aujourd'hui à parler de ce concept interactif, fondé sur les médias électroniques, adopté par la SRC afin de permettre la participation du public. Cela me semble une très bonne idée. Je crois que tous les radiodiffuseurs devraient emprunter cette voie.
    Je me demande toutefois qui veillerait à l'application de normes à cet égard? Devrait-il y en avoir, et si oui, qui les appliquerait? Et quel serait le code d'éthique?
    Nous avons vu que dans Internet... J'ai lu récemment un article à propos du responsable de Wikipedia, qui a pu lire dans cette encyclopédie qu'il aimait jouer aux échecs, alors que c'est totalement faux. Il y a donc l'exactitude de... Dans le cas de ce genre d'interaction, il faut veiller à ce que l'information soit bien étayée et exacte, en plus d'établir des normes en matière d'éthique notamment.
    J'aimerais savoir comment on pourrait s'y prendre. Comment faire en sorte que la SRC...? Comme on l'a fait remarquer tout à l'heure, on pourrait penser que les propos émanent de la SRC. Dans une telle situation, dans le monde des médias électroniques, comment peut-on faire? Je m'interroge sérieusement à ce sujet, et j'aimerais entendre votre opinion là-dessus.

(1705)

    Des normes existent déjà. Je travaille depuis 20 ans dans le domaine de la programmation communautaire. J'ai commencé chez Rogers Cable et je suis maintenant chez Shaw, qui refuse de diffuser quoi que ce soit qui ne correspond pas aux critères établis par le CRTC. Cette société est plus stricte que la SRC. Par exemple, si je fais un reportage sur une manifestation et que je filme la foule, et par le fait même certaines pancartes comportant des messages insultants, mais sans m'en rendre compte, on me dira de censurer cette partie parce que ce sont des messages inacceptables.
     Mais monsieur Mora, vous parlez de la télévision. Je vous parle d'Internet — et je sais que Catherine meurt d'envie de répondre — qui est un moyen de communication qui rend beaucoup plus difficile l'établissement de normes, n'est-ce pas?
    On peut toujours établir des critères ou un certain cadre que les gens doivent respecter, mais ce concept permet à tous de participer. L'information n'est plus transmise que par des journalistes. Il existe des centaines de sujets à traiter, mais ce sont les journalistes qui choisissent ceux dont nous entendrons parler. Ainsi, ce concept interactif, cet accès à la télévision communautaire...
    Je comprends la logique; j'étais simplement préoccupée par les normes.
    Catherine, je crois que vous mouriez d'envie de prendre la parole.
    Je pense que c'est une question très intéressante. Si je ne m'abuse, la SRC a déjà entrepris quelque chose dans ce sens. Elle invite toujours ses auditeurs à soumettre leurs observations, qu'elle affiche ensuite sur son site Web. Elle s'est d'ailleurs dotée d'une politique minimale en matière d'indépendance éditoriale. Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'interaction. Toutefois, sur son site radio-canada.ca, vous pouvez consulter une autre rubrique puis revenir en arrière; vous vous retrouvez donc avec plusieurs sections où différentes règles s'appliquent.
    J'aimerais signaler que M. Stephen Ward, de l'École de journalisme Sing Tao de l'Université de Colombie-Britannique, a été fasciné par cette tendance qu'est le blogging et toutes les nouvelles normes qui apparaissent dans la société. À mon avis, nous n'en sommes pas encore là, mais il semble y avoir de nouveaux protocoles, semblables à celui de Wikipédia, où l'on mise davantage sur l'équilibre des opinions exprimées plutôt que sur l'objectivité. Je pense que la SRC est l'une de ces nouvelles organisations engagées dans un dialogue avec la population; elle doit donc être en première ligne pour trouver et déterminer en quoi consistent ces normes sociales en pleine évolution et dire quand elles ne sont pas respectées, de façon à ce que nous ayons un meilleur système de règles éthiques dans ce pays, davantage adapté aux besoins de la population.

(1710)

    Merci.
    Merci.
    Madame Bourgeois.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame et messieurs, bonjour.
    J'ai des questions pour chacun d'entre vous. Je vais profiter de l'occasion pour passer un message à notre président. Étant donné qu'on est peu nombreux, on aura peut-être plus de temps pour poser des questions.
    Madame Murray, j'aimerais que vous comparaissiez de nouveau. J'aurais aimé obtenir votre mémoire. Si j'ai bien compris, vous avez travaillé au Comité Juneau. Vous nous avez égalment parlé du Comité Lincoln. Je vais demander à nos analystes de nous remettre toutes les informations reliées à ces comités. Vous possédez une expertise assez particulière.
    Vous avez piqué ma curiosité. En 1996, à la suite du référendum québécois, comment se fait-il qu'on ait mis sur pied ce fameux Comité Juneau? Pourriez-vous nous parler du Comité Juneau en rapport avec la crise politique référendaire au Québec? Quel genre de rapport prévalait à ce moment-là?

[Traduction]

    Nous avons rédigé le dernier chapitre du rapport et la recommandation à peu près au moment du référendum. Nous avons publié le rapport en janvier, et je crois que le référendum a eu lieu en novembre. Dans le rapport, nous avions recommandé de fermer les bureaux de Radio-Canada à Ottawa puis de les déménager à Montréal. Plus particulièrement, nous avons demandé davantage d'échanges d'émissions bilingues entre les chaînes de télévision et la création d'un contenu culturel novateur, entre autres dans la couverture de l'actualité et la production de documentaires. Nous avions recommandé de réserver une enveloppe spéciale. Je crois comprendre que la SRC n'a pas atteint son objectif de production de reportages télévisés bilingues.
    Par exemple, des films comme le très populaire Bon Cop, Bad Cop ne sont pas diffusés à Radio-Canada avec les sous-titres requis. Nous avions souhaité qu'une zone de programmation soit réservée à cet effet, mais tout cela était impossible à cause des délais. Nous étions également très préoccupés par l'indépendance éditoriale des réseaux SRC et CBC dans la couverture de la campagne référendaire à l'époque. Par la suite, j'ai réfléchi à la façon de mieux préserver l'indépendance éditoriale et l'impartialité à Radio-Canada. J'ai conclu, à contrecoeur, que le bureau de l'ombudsman et tout son système de surveillance au sein de la Société n'était plus du tout viable dans le contexte politique actuel.

[Français]

    L'histoire nous a rapporté par la suite que la CBC et la Société Radio-Canada étaient très partiales relativement à la couverture des événements au Québec, notamment en ce qui concerne le référendum. En convenez-vous, oui ou non?
    Je ne veux pas vous mettre en boîte. Néanmoins, votre réponse est extrêmement importante, compte tenu de ce que M. Norman Hill nous a dit quant au contrôle de Radio-Canada. C'est à cet égard que je veux vous entendre.
     À cette époque, la Société Radio-Canada ainsi que la CBC étaient très partiales quant à ce que les Québécois vivaient et à ce qui se passait relativement au référendum québécois. Est-ce exact, oui ou non?

[Traduction]

    Laissez-moi vous dire que les éditorialistes d'une partie de la presse d'élite au Québec étaient unanimes quant à la partialité de la SRC à ce moment-à. On a mené des études internes et rigoureuses, et celles-ci ont révélé que, tout compte fait, les Québécois eux-mêmes estimaient que la SRC n'avait pas fait du mauvais travail, mais que la norme n'était pas suffisamment élevée.
    À mon avis, un radiodiffuseur public se retrouvera toujours dans d'importants imbroglios politiques et devra faire face à des allégations de partialité, d'allégeance politique, etc. Cela fait partie des risques du métier. S'il dépasse certaines limites dans la couverture de l'actualité, il faut s'attendre à ce genre de controverse politique. Nous avons besoin, à la SRC, mais aussi ailleurs, d'un système pour gérer cette controverse et ce débat entourant la couverture.

(1715)

[Français]

    Avant de m'adresser à M. Hill, j'ai une autre question à vous poser, madame Murray.
     Vous avez parlé de quatre besoins: un bureau de l'ombudsman à l'extérieur de la CBC, un débat sur l'éthique des médias, des journalistes... Il m'en manque un parce que je n'ai pas votre mémoire.
    Voulez-vous me rafraîchir la mémoire? Je pense que c'est vous qui avez exprimé ces quatre besoins. En ce qui concerne les journalistes, qu'avez-vous dit exactement?

[Traduction]

    Monsieur Hill.

[Français]

    Est-ce M. Hill qui en a parlé? C'est Mme Murray.

[Traduction]

    Je suis désolé. Je pensais que vous vous adressiez à elle.

[Français]

    Madame Murray, lorsque vous vous êtes exprimée plus tôt, vous avez évoqué des besoins, dont un bureau de l'ombudsman à l'extérieur de la CBC. Vous avez aussi parlé d'un débat sur l'éthique des médias. Vous avez également dit que la CBC devrait fournir des reportages d'une plus grande qualité. En outre, vous avez parlé des journalistes.
     Qu'avez-vous dit à propos de ceux-ci?

[Traduction]

    Je crois que les reporters et les journalistes devraient évaluer leurs conseils de presse actuels. Le Conseil canadien des normes de télévision et les conseils de presse régionaux ne sont pas bien connus du public canadien. Je pense que leurs délibérations ne sont pas mises à la disposition de la population; c'est pourquoi nous avons besoin d'un système intégré, rationnel et fondé sur la reddition de comptes.
    Merci.

[Français]

    En m'adressant à M. Hill, je tenterai d'être brève.
    Monsieur Hill, au point no 9 de votre mémoire, que vous nous avez fait parvenir, vous dites que:
[...] les Canadiens ont plus que jamais besoin que Radio-Canada les renseigne sur ce qui se déroule au pays et en fasse une analyse approfondie et sérieuse.
    Selon vous, Radio-Canada serait-elle partiale? Manque-t-elle d'objectivité?

[Traduction]

    Une chose que j'ai remarquée, depuis le temps que je regarde la télévision — et Dieu sait si cela fait longtemps —, c'est que la SRC a de plus en plus tendance à se tenir loin des sujets controversés. Elle ne les couvre tout simplement pas. J'ai donné l'exemple du Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité. La SRC en a à peine parlé, et pourtant, celui-ci ne sera pas sans conséquence pour l'avenir du pays. Dans le cadre de ce partenariat, le Canada, le Mexique et les États-Unis s'associeraient pour forger une entité nord-américaine. À mon avis, il est inexcusable qu'un radiodiffuseur national n'analyse pas un événement de cette ampleur.

[Français]

    Finalement, monsieur le président, je termine par M. Mora.
    Monsieur Mora, vous avez dit vouloir que la radio et la télévision d'État puissent partager leurs pouvoirs.
    Est-ce à dire qu'actuellement, la Société Radio-Canada aurait trop de contrôle sur ce qui se dit et se fait en matière d'information au Canada?

[Traduction]

    Oui, c'est vrai. Je pense qu'on laisse une trop grande latitude aux journalistes professionnels et on ne tient pas suffisamment compte de ce qui est important aux yeux du grand public. C'est pourquoi Internet est si populaire. Beaucoup de jeunes préfèrent aller sur des blogues et d'autres sites Web parce qu'ils peuvent s'exprimer, et dans certains cas, transmettre des nouvelles. Ce que la SRC ignore, c'est qu'il ne suffit plus d'informer les gens sur l'actualité; il faut aussi leur donner la possibilité de faire valoir leur point de vue.
    C'est possible, puisque la télévision communautaire, qui appartient principalement à des intérêts privés, le fait. Alors qu'est-ce qui empêche la SRC d'en faire autant? J'ai d'ailleurs proposé l'idée à plusieurs reprises. Lorsque j'ai téléphoné à Radio-Canada, on m'a dit de remettre mes enregistrements à la réception ou à un journaliste quelconque. Et puis je n'en ai plus entendu parler. Je me sens ignoré et j'ai l'impression que la SRC est inaccessible.

(1720)

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je dois admettre que je suis étonné qu'on n'ait même pas daigné vous rappeler après toutes vos démarches. Depuis que je suis député, je me fais un point d'honneur de rappeler tous ceux qui attendent mon appel, et beaucoup en sont surpris. Je pense que c'est très important; c'est d'ailleurs la moindre des choses. Que la réponse soit oui, non ou peut-être, c'est bien de savoir à quoi s'en tenir. Alors, je comprends très bien ce que vous ressentez.
    J'ai une question. En 2004, la SRC a adopté huit orientations stratégiques articulées autour de son mandat. Croyez-vous que la SRC publie ses résultats adéquatement? Y aurait-il place à l'amélioration, et si oui, que pourrait-elle faire de plus?
    Qui souhaite répondre à cette question?
    Je ne connais pas particulièrement le sujet. Mme Murray serait probablement mieux placée que moi pour vous répondre.
    C'est un pas dans la bonne direction, mais je pense qu'on ne mesure pas ce qu'il faut. Il convient avant tout de mesurer la part d'auditoire des émissions canadiennes, notamment des émissions originales. Ce qui est paradoxal, c'est que notre système de radiodiffusion, si bien conçu soit-il, n'est pas doté d'un mécanisme lui permettant de suivre les productions originales ou les nouveautés. Nous avons besoin de l'équivalent d'un filigrane numérique sur la propriété intellectuelle pour déterminer exactement la viabilité de notre système.
    Tout d'abord, je pense que la SRC devrait faire rapport plus efficacement sur la part d'écoute des émissions canadiennes plutôt que sur la part totale d'écoute. Ensuite, elle devrait révéler quelque chose de très important, c'est-à-dire dans quelle mesure elle atteint toute la population. Enfin, elle devrait se conformer à la Convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle et, par conséquent, répondre à certains indicateurs de diversité.
    En ce qui concerne les finances, je m'en remets toujours à l'honorable Mme Fraser. Mais pour ce qui est des coûts causals associés aux nombreux projets de la SRC, particulièrement ceux qui ont été confiés à des entreprises privées, il n'y a pas suffisamment de transparence.
    Merci.
    Merci.
    C'est ce qui clôt la séance d'aujourd'hui. Je tiens à remercier tous ceux qui ont comparu lors de nos audiences tenues ici à Vancouver. J'ai trouvé ces séances très instructives, et je suis certain que les gens qui nous aideront à compiler ce rapport sont intéressées par vos réponses. Encore une fois, je vous remercie d'avoir participé et fait de ce voyage une expérience enrichissante.
    La séance est levée.