:
Monsieur le président, membres du comité. Merci de nous avoir invités. Nous apprécions tous les efforts visant à clarifier le rôle de la radiodiffusion publique.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Sylvain Lafrance, vice-président principal des Services français, de M. Richard Stursberg, vice-président principal, CBC Television et de Mme Jennifer McGuire, vice-présidente par intérim de CBC Radio.
J’irai droit au but. Les Canadiens pourraient être beaucoup mieux servis par leur système de radiodiffusion et par leur radiodiffuseur public.
[Français]
L'environnement de la radiodiffusion subit actuellement de profonds changements. Nous croyons que ce nouvel environnement exige une nouvelle convention avec les Canadiens. Il faut instaurer de nouvelles règles du jeu qui tiennent compte de la nouvelle réalité. Je suis tout de même heureux de vous confirmer que CBC/Radio-Canada est aujourd'hui en excellente forme.
Commençons par les médias traditionnels. Depuis une décennie, nos services de radio connaissent une croissance soutenue à la fois par la taille de leur auditoire et la fidélité de leurs auditeurs. Ils ont rehaussé la qualité de leur programmation et ont pratiquement remporté les prix les plus prestigieux en radiodiffusion, non seulement au Canada mais à l'échelle internationale.
Au cours des quatre dernières années, la télévision de Radio-Canada a remporté autant de succès auprès du public que de la critique, avec des émissions aussi innovatrices que Les Bougon et Tout le monde en parle. Ce succès ne passe pas inaperçu. Ce n'est pas par hasard que Radio-Canada s'est classé au quatrième rang des entreprises les plus admirées des Québécois, selon un sondage publié par la revue Commerce en mars 2007.
La télévision de Radio-Canada s'approche du difficile point d'équilibre entre une programmation grand public et la programmation de qualité exceptionnelle qu'on attend d'un radiodiffuseur public.
[Traduction]
Même la télévision anglaise, qui de tous nos services est celui qui est confronté aux plus grands défis, a le vent dans les voiles grâce à l'arrivée d'une nouvelle équipe de direction qui poursuit un plan audacieux. Confrontée à une concurrence féroce, à l'éclatement du marché et à un changement des habitudes des consommateurs, CBC Television a néanmoins maintenu une part d'auditoire entre 7 et 9 p. 100 aux heures de grande écoute, au cours des quatre dernières années, un résultat qui se compare à celui de Global TV et qui équivaut à plus du double de celui des services spécialisés les plus populaires.
La saison dernière, 15 des 20 émissions canadiennes les plus regardées ont été diffusées à l’antenne de CBC Television. Les sites Radio-Canada.ca et CBC.ca comptent parmi les sites de médias canadiens les plus populaires. Enregistrant plus de un million de téléchargements de fichiers par mois, CBC/Radio-Canada est l’un des chefs de file incontestés de la baladodiffusion au Canada. Fait à noter, les fichiers de baladodiffusion les plus populaires sont ceux des émissions les plus sérieuses diffusées à notre antenne, comme
[Français]
Les Années lumière, Les premières à la carte,
[Traduction]
Ideas et Quirks and Quarks. Le public qui les télécharge se situe principalement dans la tranche des 18 à 34 ans, ce qui dément la croyance voulant qu’il faille niveler par le bas pour intéresser les jeunes. Ce que l'on constate par ailleurs, c’est que la nouvelle technologie permet de recruter de nouveaux auditoires pour du contenu existant. Comme vous le voyez, CBC/Radio-Canada se porte bien en général, malgré l'incertitude du cadre dans lequel elle évolue.
Il y a quelques années de cela, dans le cadre de leur rapport intitulé : Notre souveraineté culturelle, les membres de ce même comité nous ont instamment priés de trouver des moyens pour améliorer les services offerts aux différentes régions du pays. Nous avions alors répondu en soumettant au gouvernement notre premier plan d'action complet à l'automne 2004. N'ayant reçu aucune réponse à notre proposition, nous avons soumis récemment un autre plan plus modeste, dont l'objectif principal est d’offrir des émissions de radio locale aux huit millions de Canadiens qui vivent dans des centres où le radiodiffuseur public national n’offre pas de service local.
Entre-temps, grâce aux progrès de la technologie, nous nous employons à repenser notre offre de nouvelles locales. Nous n’avons pas l'intention de reproduire ce que font déjà les radiodiffuseurs privés. Nous croyons en effet qu’en gérant nos budgets avec une précision chirurgicale et en utilisant la technologie de manière innovatrice, nous pourrons ainsi tisser des liens de proximité avec les citoyens ordinaires et, du même coup, aller à l’encontre de la tendance du secteur privé qui se retire graduellement des émissions de nouvelles locales.
J'ai mentionné les efforts que nous déployons pour gérer nos budgets. J’ajouterai qu’au cours des sept dernières années, notre gestion est devenue beaucoup plus efficace et beaucoup plus pointue. Nous avons en effet réduit nos coûts de 75 millions de dollars par année de façon permanente et l'an dernier, nous avons réalisé au-delà de 93 millions de dollars de revenus en marge de la publicité, au moyen d’un éventail d'activités allant du marchandisage à une utilisation plus efficiente de notre actif immobilier.
Malgré ces prouesses de gestion, nous continuons de subir de graves pressions financières. Le fait est que nous devons trouver rapidement des solutions pour diminuer ces pressions, car nous n’aurons aucune autre carte à jouer pour sauver la mise.
Certains se demandent encore si CBC/Radio-Canada en donne pour leur argent aux citoyens. La réponse est simple : tout à fait!
[Français]
Selon l'étude du Groupe Nordicité portant sur un échantillon de 18 pays industrialisés que nous avons déposée avec notre mémoire, c'est au Canada que le besoin d'un radiodiffuseur public est le plus criant et que le système est le plus complexe. Le Canada figure cependant au 16e rang pour ce qui est de l'importance du financement public : moins de la moitié de la moyenne de 80 $ par habitant. La BBC, qui offre le service dans une seule langue et à l'intérieur d'un seul fuseau horaire, dispose de 7,3 milliards de dollars. En comparaison, le Canada verse un milliard de dollars à son radiodiffuseur public, ou 30 $ par habitant, pour offrir des services dans deux langues et couvrir cinq fuseaux horaires et demi.
[Traduction]
Nous avons besoin d’un contrat explicite. La BBC opère selon une charte royale, qui est renouvelée et financée après examen tous les dix ans. C'est le genre de prévisibilité et de clarté que nous souhaitons. Accepter toute forme de compromis en deçà de ce modèle optimal équivaudrait à ériger un monument de vœux pieux à l’idéal de la radiodiffusion publique, alors que celle-ci dépérit lentement.
Mais vous vous demandez peut-être quelle est l'urgence d'agir? Je vous répondrai qu'en 1997, le public canadien n’avait pas comme aujourd'hui accès à une centaine de chaînes numériques spécialisées, qu’il ne pouvait recevoir au-delà de 100 chaînes étrangères par satellite ni choisir parmi les 17 services de vidéo sur demande ou à la carte qui lui sont offerts. Les Canadiens ne regardaient pas la télévision et n’écoutaient pas la radio sur leurs ordinateurs portatifs, leurs assistants personnels Blackberry, leurs cellulaires ou leurs iPod comme ils le font maintenant.
En 2004, il n’y avait pas encore de radio par satellite. En 2005, le site YouTube était encore à venir. En 2006, on attendait encore le iPhone. Aujourd’hui, les Canadiens veulent pouvoir accéder au contenu quand et où ils le veulent. CBC/Radio-Canada est appelée à dépasser son statut de simple entreprise de radiotélévision pour devenir un fournisseur de contenu totalement affranchi des contraintes inhérentes à la technologie. Cette inévitable réalité nous amène déjà à transformer radicalement nos activités.
L'ampleur du changement qui devra être opéré est l'un des facteurs qui expliquent l'urgence d'agir que nous ressentons. Et en raison de la vitesse à laquelle ce changement s’effectue, retarder indéfiniment l'examen des objectifs et des stratégies à long terme de CBC/Radio-Canada décuplera les risques inhérents à la politique du laisser-aller, et ce, sur tous les plans — financier, culturel et politique.
Certains contesteront la nécessité d’un radiodiffuseur public maintenant que l'offre est pratiquement illimitée et que la technologie est de plus en plus puissante. En supposant que ce point de vue ait jamais été valable, cela n'est certes plus le cas aujourd'hui. De nos jours, l’importance du rôle que Radio-Canada joue pour enrichir la vie culturelle et démocratique de la communauté francophone fait pratiquement l’unanimité. Pour les services français comme pour les services anglais, il existe toutefois des éléments dont les diffuseurs privés ne peuvent ou ne veulent tout simplement pas se charger, mais qu'un radiodiffuseur public digne de ce nom se doit d’offrir, en l'occurrence : diffuser des émissions canadiennes aux heures de grande écoute à la télévision; offrir des émissions pour enfants qui divertissent, sans publicité et sans risque; assurer une desserte dans le Grand Nord et dans les régions éloignées du pays; produire des émissions d'actualités originales; couvrir la scène internationale selon un point de vue canadien; et d’autres types de programmation mentionnés dans notre mémoire. Voilà en quoi se distingue le radiodiffuseur public national.
Il y a également la question de la diversité de la programmation. À Vancouver, deux entreprises se partagent pratiquement la totalité du marché des médias de masse, toutes plateformes confondues. La concentration des médias a pour effet de gommer la diversité des points de vue exprimés. Préserver cette diversité fait également partie des rôles qui incombent au radiodiffuseur public.
La demande en matière de produits diversifiés et de qualité a littéralement explosé. La réalité économique est toutefois contraignante. En effet, le financement de base de CBC/Radio-Canada n’a jamais été relevé de façon permanente au cours des 33 dernières années, soit depuis 1974.
Je tiens à remercier la ministre Oda qui a annoncé, hier, que le radiodiffuseur public recevrait une enveloppe de financement supplémentaire de 60 millions de dollars pour les deux prochains exercices. Ce financement ponctuel est essentiel et sera utilisé à bon escient.
Par ailleurs, dans une perspective plus large, le modèle de financement de la télévision commerciale est gravement menacé. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une stratégie de radiodiffusion à long terme dûment financée pour les dix prochaines années. Il faut que le Parlement et les citoyens canadiens s’investissent dans un processus de planification pour trouver des solutions aux grandes questions propres à la politique de la radiodiffusion. Des questions comme : Le Canada a-t-il besoin d'émissions canadiennes de qualité diffusées aux heures de grande écoute? Les Canadiens souhaitent-ils qu'on leur propose des émissions qui rendent compte de leur réalité?
Il a été démontré que les dramatiques présentées à la télévision étaient les instruments les plus efficaces et ayant le rayon d’action le plus étendu pour modeler la culture populaire dans les pays occidentaux. De fait, au cours des 20 dernières années, tous les autres pays du monde industrialisé ont fait de leur radiodiffuseur national le point d’ancrage de leur stratégie visant à rapatrier les téléspectateurs aux heures de grande écoute. Partout ailleurs, les dramatiques produites à l’échelle nationale sont les émissions les plus regardées aux heures de grande écoute.
[Français]
Une autre question qui se pose est de savoir comment présenter les événements internationaux d'un point de vue typiquement canadien. CBC/Radio-Canada possède déjà le plus vaste réseau de correspondants à l'étranger par rapport aux autres radiodiffuseurs canadiens. Faudrait-il intensifier notre présence à l'échelle internationale?
On peut se demander également comment promouvoir la cohésion de l'une des sociétés les plus diversifiées à l'échelle de la planète. Comment pouvons-nous soutenir l'identité canadienne dans un monde où la diversité et la fragmentation sont la norme? Comment parvenir à créer un sentiment d'appartenance et de fierté nationale? Aussi, comment peut-on inciter les Canadiens à faire avancer les principes de la démocratie?
Nos chaînes de radio se démarquent par leur engagement à servir de tribune à des débats pancanadiens. Que ce soit avec Christiane Charette, The Current, Cross Country Checkup ou Maisonneuve en direct, nos services de radio sont à leur meilleur lorsqu'ils sont un lieu de rassemblement pour toutes les régions, dans un même échange.
[Traduction]
Les émissions d'actualités et les documentaires sont chose rare à télévision généraliste, les chaînes privées offrent en tout 70 heures d’actualités par semaine dans le cas de la télévision anglaise et encore moins à la télévision française. En revanche, CBC Television et la Télévision de Radio-Canada en diffusent des centaines d'heures par année, et nous n’incluons même pas dans ce compte la contribution de CBC Newsworld et du RDI. Qui d’autre est prêt à en faire autant?
CBC/Radio-Canada est en fait une entité mixte, à la fois publique et privée, pour ce qui est de son financement, alors que le mandat qu’elle remplit auprès des Canadiens fait d’elle un radiodiffuseur essentiellement public. En raison du mandat que nous devons remplir et de nos niveaux de financement, nous sommes contraints de trouver des activités commerciales pour soutenir financièrement les services que nous offrons. Est-ce véritablement ce que souhaite le gouvernement? Cette question mérite une réflexion approfondie et une planification rigoureuse pour que nous puissions parvenir à un bon équilibre.
À l'heure actuelle, CBC/Radio-Canada se trouve à un tournant décisif, et aucune solution ponctuelle ou stratégie unidimensionnelle ne suffira à régler l’impasse dans laquelle elle se trouve. Pour réaliser son plein potentiel comme instrument au service de la politique canadienne, CBC/Radio-Canada doit passer un nouveau contrat avec le peuple canadien qui, comme tous les contrats, définira les obligations de toutes les parties en cause pour une durée précise, qui pourrait être fixée à dix ans. Le contrat en question fournirait des éléments de solution aux grandes questions que j’ai soulevées précédemment. Il reposerait sur les principes de base déjà consacrés dans la Loi sur la radiodiffusion, et viendrait préciser la relation que nous entretenons avec nos 32 millions d'actionnaires. L'un des principaux postulats de tout contrat est la présomption que les parties disposeront des ressources nécessaires pour s'acquitter de leurs obligations de part et d’autre et respecter les attentes prévues dans la convention. En vérité, si l’argent fait défaut, les obligations contractuelles ne pourront être honorées.
Notre souhait le plus cher est que le comité voie dans le projet d’instaurer un processus permanent d’examen du mandat CBC/Radio-Canada l’occasion pour les Canadiens de renouveler le lien qui les unit à leur radiodiffuseur national et de clarifier au moyen d’un nouveau contrat comment servir au mieux les citoyens canadiens.
[Français]
Je vous remercie. Nous sommes prêts maintenant à répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus témoigner ce matin. Nous vous remercions d'être venus présenter vos points de vue à l'heure où nous entamons l'examen du mandat de CBC/Radio-Canada afin de déterminer de quelle manière nous pouvons l'adapter pour les années à venir et tout au moins proposer quelques suggestions pour aller de l'avant.
Il est clair que CBC/Radio-Canada joue un rôle important dans la préservation de notre souveraineté culturelle. Je pense que tous les Canadiens reconnaissent que nous avons quelque chose de spécial à préserver au Canada et que nous voulons conserver nos caractères distinctifs. CBC/Radio-Canada joue un rôle important et nous vous en remercions.
Nous vous remercions d'avoir appliqué des principes de responsabilité financière ces dernières années. Vous avez maintenu non seulement votre entité, mais également la souveraineté culturelle.
Comme vous l'avez dit dans votre témoignage, personne au pays ne sera surpris d'apprendre que nous allons faire face à toutes sortes d'obstacles découlant des nouvelles technologies et que les téléspectateurs pourront s'adresser à d'autres fournisseurs d'émissions télévisées. On sait que chaque année les nouvelles chaînes se comptent par centaines.
Permettez-moi de vous raconter une anecdote personnelle. J'écoute régulièrement CBC Radio. Dans notre région, c'est la seule radio qui propose des émissions-débats et la plupart des gens qui aiment ce genre d'émissions, écoutent CBC Radio. Depuis quelques années, j'ai un groupe d'amis à qui je peux parler d'une émission de CBC Radio ou d'une information que j'ai entendue à As it Happens ou ailleurs, car je sais qu'ils écoutent ce genre d'émissions. Depuis quelque temps, ces mêmes amis m'ont avoué qu'ils écoutent d'autres émissions qui leur proviennent par satellite. J'ai constaté que ce phénomène a pris plus d'ampleur au cours de l'année écoulée. Je suis un peu surpris, mais le plus inquiétant, c'est que les gens qui écoutent d'autres émissions de radio parlée n'écoutent pas nécessairement des émissions canadiennes.
Cela me préoccupe à plus d'un titre. Pour commencer, je suis inquiet quant à l'avenir de CBC/Radio-Canada. Deuxièmement, la souveraineté culturelle de notre pays me préoccupe. Il est évident que nous devons nous pencher sur cette question.
J'espère, à mesure que nous progresserons dans l'examen du mandat, que nous comprendrons mieux ce phénomène et que nous trouverons un moyen de ramener les auditeurs aux préoccupations canadiennes et aux ressources que nous offre CBC/Radio-Canada. Cependant, je ne sais absolument pas comment nous pourrons nous y prendre et cela me préoccupe.
J'ai fait ma propre enquête et les gens à qui j'ai parlé m'ont dit qu'ils se tournent vers CBC/Radio-Canada pour certains produits-créneaux. Par exemple, ils regardent Hockey Night in Canada. Ils regardent les actualités régionales et autres émissions de ce type. Je crains que CBC/Radio-Canada n'ait plus ces produits-créneaux si ses concurrents commencent eux-mêmes à les offrir.
Il y a des secteurs où CBC/Radio-Canada peut offrir aux auditoires canadiens des produits-créneaux que personne d'autre ne peut proposer. Vous avez dit notamment que les émissions dramatiques diffusées aux heures de grande écoute pourraient être ce type de produit-créneau.
Franchement, je ne suis pas certain que vous allez pouvoir intéresser tout le monde, en particulier les jeunes. Je ne suis pas sûr qu'ils seront attirés par ce genre d'émissions. J'ai parlé à des jeunes. Ils préfèrent les émissions de télé-réalité. Ce n'est pas le genre de chose qui m'attire nécessairement, mais les jeunes aimeraient en voir un peu plus. Nous pourrons peut-être proposer ce genre d'émissions avec un contenu canadien.
Quels sont les produits ou émissions-créneaux? Quand je pose la question, je pense essentiellement au réseau anglais, parce que je sais que le réseau français a ses propres créneaux. Quels sont les produits-créneaux que peut proposer le réseau anglais pour faire face à l'énorme concurrence de nos voisins du Sud? On sait bien sûr que l'avenir de l'émission Hockey Night in Canada est un peu incertain. Où en sommes-nous à ce sujet? Quels sont les autres produits-créneaux sur lesquels on pourrait tabler à l'avenir?
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Ce n'est pas grave. Je vais essayer de répondre à certaines de vos questions et peut-être que mes collègues voudront également ajouter leurs points de vue.
Je trouve réconfortant, si je peux utiliser ce terme, que les témoignages que vous avez entendus jusqu'à présent reconnaissent qu'il est impossible de demander à CBC/Radio-Canada d'en faire plus. Je crois que l'on reconnaît de plus en plus que nous faisons le maximum et que si nous voulions en faire plus, en fait, nous en ferions moins. Il faudrait éliminer certaines choses de notre programmation et de notre approche. Et je n'ai pas entendu beaucoup de voix réclamer raisonnablement notre retrait de tel ou tel secteur, car, chaque fois qu'une telle suggestion est faite, on ne nous dit pas comment nous pourrions nous procurer les fonds que nous rapportent telle ou telle activité et qui nous permettent de poursuivre nos autres projets.
Cela me semble très rassurant. Comme je l'ai mentionné dans mes remarques préliminaires et dans le document que j'ai déposé au comité, je pense que nous sommes à la croisée des chemins. Nous avons participé à toutes les audiences spéciales sur CBC/Radio-Canada, tous les trois ou quatre ou cinq ans. Je pense que le moment est venu et nous pensons qu'il est temps de réunir toutes ces données sous la forme d'un contrat. Comme tous les contrats, ce document comportera des clauses et exposera des attentes : en fonction des attentes, nous définirons les coûts que cela représente et nous conclurons un contrat. Ou, si nous estimons qu'il en coûterait tant pour atteindre les objectifs mais que vous ne nous en donnez que la moitié, il faudra alors s'entendre sur des échéances différentes.
Mais j'accepte totalement cette formule et je pense qu'il est tout à fait logique pour le gouvernement et le Parlement de définir plus précisément ce qu'ils attendent de leur radiodiffuseur public — dans un contrat — et d'aller de l'avant à partir de là.
Je pense que la BBC fonctionne selon la même formule et, si vous regardez le contrat, il a évolué avec le temps. Le contrat actuel met plus l'accent sur les variétés et précise notamment qu'un radiodiffuseur public n'a pas à présenter des émissions ennuyeuses. Le contrat de la BBC exige également la décentralisation de certaines opérations. Le contrat précise aussi que la BBC doit s'approvisionner plus souvent auprès de fournisseurs indépendants et diminuer les productions internes. Mais c'est très bien. Cela fait partie de la définition des objectifs que vous voulez nous voir atteindre.
C'est pourquoi j'estime que nous devons nous lancer dans ce débat et engager ce dialogue. Cependant, cela ne peut se faire du jour au lendemain. Cela nécessitera, je crois, une réflexion commune et la participation du public canadien.
Mais je dois dire que pour nous, l'essentiel réside dans la programmation. L'essentiel pour nous est de faire parvenir nos émissions à nos auditoires; c'est-à-dire à tirer parti des nouvelles technologies et des systèmes de transmission. Mais sans programmation et sans financement, nous n'avons rien à confier aux systèmes de transmission. Et quelle est l'utilité d'un tuyau, s'il reste vide?
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Je vais commencer en parlant des marchés anglais.
Nous sommes parfaitement d'accord avec vous quand vous dites que nous devons concevoir toute notre production, dès le départ, en fonction de toutes les plates-formes possibles sur lequel elle est susceptible d'être diffusée et commercialisée.
Pour ce faire, Radio-Canada a transformé complètement son processus de production de façon à ce que chaque projet soit envisagé dès le départ en fonction des différentes plates-formes envisageables pour les Canadiens.
Évidemment, la situation est un peu plus difficile quand il y a des producteurs indépendants. En ce qui concerne les émissions d'information et notre propre production, il n'y a pas de problème mais, quand il y a des producteurs indépendants, c'est une autre affaire.
Je sais que l'Association canadienne de production de films et télévision a comparu devant votre comité l'autre jour en disant que nous étions un peu trop gourmands en voulant obtenir ce genre de droits pour des plates-formes autres que la télévision.
Voici ce que nous avions dit à l'association des producteurs quand nous avons commencé à discuter de cette question : « Vous savez, le problème de ces nouvelles plates-formes est que personne n'en connaît la valeur réelle parce que nous en sommes au tout début. Donc, pourquoi ne pas — » — et c'est votre question de commercialisation — « — envisager un accord entre Radio-Canada et le producteur pour que Radio-Canada soit le distributeur du produit sur toutes les autres plates-formes? Ainsi, nous le distribuerons quand il y aura une offre de vidéo sur demande, une offre de diffusion mobile, que ce soit par téléphone cellulaire ou autrement, ou une offre de diffusion par Internet. Nous travaillerons avec vous pour assurer une bonne diffusion du produit et nous nous partagerons les recettes à égalité. Faisons ça pendant une certaine période, jusqu'à ce que le marché se soit stabilisé et qu'on ait une meilleure idée de la valeur réelle de ces différentes plates-formes. »
Nous pensions que c'était une offre extraordinaire car, voyez-vous, ce qui entraînera l'expansion de toutes les nouvelles plates-formes sera en réalité le moteur de la télévision qui est et restera pendant encore un certain temps la plate-forme dominante. Avec notre proposition, nous aurions pu partager les risques et les revenus.
Cette offre a été refusée et, très franchement, je pense que c'est dommage car cela aura pour effet de ralentir de la capacité de notre pays à produire du contenu canadien pour ces nouvelles plates-formes.
:
Nous avons le même problème du côté français.
[Français]
En français, cette question des droits est vraiment fondamentale. Elle est complexe, d'abord, parce qu'elle touche à l'international, à beaucoup d'ayants droit, mais aussi parce qu'elle touche au Fonds canadien de télévision, par exemple, qui fixe lui-même certaines règles et certaines limitations. Le Fonds canadien de télévision en est venu un peu à arbitrer les relations des producteurs et des diffuseurs, au point où, au moment d'acheter une licence pour une nouvelle série, on n'a pas le droit de discuter des autres droits. C'est un peu bête et ça provoque un peu, à mon avis, ce qu'on a appelé le problème des séries lourdes au Québec, c'est-à-dire que le diffuseur est quand même le déclencheur des grandes séries. Autrement dit, s'il n'y a pas Radio-Canada, TVA, TQS ou une grande télévision pour donner naissance à une série, elle n'existera pas.
Alors, nous ne pouvons pas bénéficier de l'ensemble des droits. En tout cas, on n'a pas le droit d'en discuter au départ. Donc, nous investissons de moins en moins. Alors, ces séries n'existeront plus, à un moment donné. Je pense que le temps va faire son oeuvre, parce que technologiquement, on n'aura pas le choix de changer ces pratiques. Il va falloir que ça change, parce que le diffuseur a un investissement beaucoup trop important pour se contenter d'une seule ou de deux diffusions.
Alors, cette question des droits est fondamentale si on veut protéger le contenu, et l'industrie télévisuelle connaît quand même un grand succès au Canada. Pour protéger le contenu, il va falloir trouver une façon de s'entendre avec l'ensemble des ayants droit, y compris des producteurs indépendants.
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À ce sujet, monsieur le président, il m'a fallu sept ans de présence ici pour réaliser qu'il y avait un président.
Je voudrais aborder trois questions. Premièrement, au sujet de vos démarches devant le CRTC, je sais que vous aviez dit lors d'une comparution de 2006 qu'il fallait s'intéresser avant tout aux investissements pour l'avenir au lieu de paniquer devant la baisse du nombre de téléspectateurs, et faire des choix.
J'aimerais avoir des précisions à ce sujet. Quelles sont nos priorités? Je crois qu'il est crucial de comprendre la relation entre le monde de la télévision traditionnelle et le monde dans lequel vivra mon fils d'un an. Quelle sera votre place dans ce contexte? Je vous demande des précisions car, comme vous pouvez l'imaginer, beaucoup de gens sont actuellement très inquiets.
Deuxièmement, en ce qui concerne votre mandat, je crois qu'il contient beaucoup d'éléments concernant les régions, notre diversité, nos langues, le Nord, etc. Considérant tous ces éléments, serait-il souhaitable d'envisager votre mandat de manière chronologique?
Autrement dit, avec tous les différents services offerts aux Canadiens, les autres éléments de ce mandat touchant l'esprit des Canadiens et touchant l'impression que les Canadiens se font de leur propre pays, etc., sont manifestement là mais, si personne n'y a accès, c'est difficile à faire. On devrait peut-être inclure les écoles dans votre mandat, ou d'autres méthodes action pour que les gens aient accès à tout. Je n'ai que 52 ans, il n'y avait que deux stations de télévision dans ma région pendant toutes mes années de formation et cet élément marchait bien alors. Aujourd'hui, c'est différent et il est peut-être nécessaire de trouver des moyens plus créatifs d'être présents pour les gens, de leur donner accès au radiodiffuseur public, etc.
L'autre problème est celui du financement, qui est l'éléphant dans le salon. Ayant été membre de gouvernements ayant pris des décisions qui ont eu un effet négatif sur les ressources de Radio-Canada, je crois qu'il nous faut tous dépasser le contexte politique afin de prendre de bonnes décisions pour le radiodiffuseur public. J'invite tous les députés à adopter cette attitude afin de ne pas engager de débat inutile à ce sujet. Je sais que je prêche pour ma paroisse en disant ça mais il y a toujours deux côtés à chaque médaille. Je crois que ce serait une perte de temps pour nous de nous lancer dans ce genre de débat. Nous devrions simplement discuter de ce que nous attendons de Radio-Canada et de la manière dont elle souhaite se repositionner pour faire face aux nouvelles réalités, et je répète ce que j'ai dit.
J'aimerais aussi beaucoup obtenir des précisions de votre part sur ce que vous avez dit dans le passé au CRTC au sujet de l'intégration des différents médias.
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En ce qui concerne la télévision hertzienne, quand nous avons parlé au CRTC, nous étions bien conscients du fait que nous avons 650 tours de transmission rien que pour la télévision, à quoi il faut ajouter la radio, et que ces tours vieillissent. Elles ont été essentiellement construites dans les années 70 pour desservir toutes les collectivités de 500 personnes ou plus. Cela faisait partie d'une politique du gouvernement appelée le plan de couverture accéléré. Nous savions que c'était un système peut-être conçu pour une époque différente, une époque où la plupart des gens recevaient la télévision par voie hertzienne.
La réalité d'aujourd'hui est que 90 p. 100 des Canadiens, à peu près, choisissent de payer pour recevoir la télévision par satellite ou par le câble, en grande mesure, et qu'ils pourront bientôt la recevoir par les sociétés de téléphone. Cette évolution produit une situation tout à fait particulière. Les régions qui étaient autrefois défavorisées, c'est-à-dire qui n'avaient qu'un service réduit de télévision, parfois même avec une seule chaîne, sont aujourd'hui celles qui reçoivent une multitude de canaux par ExpressVu or Star Choice. Là où les gens choisissent encore de recevoir la télévision par voie hertzienne, c'est surtout dans les collectivités urbaines. C'est une décision consciente de leur part, ou une décision d'ordre financier — parce qu'ils ne regardent pas la télévision, parce qu'ils ne souhaitent pas recevoir plus que Radio-Canada et CTV par voie hertzienne, ou parce qu'ils veulent simplement regarder les émissions d'information. Quoi qu'il en soit, c'est généralement une décision tout à fait consciente de leur part.
Le gouvernement ne nous a pas dit de remplacer les 650 tours, ce qui coûterait très cher, et nous ne sommes pas sûrs que ce serait la bonne politique. Aujourd'hui, alors que nous passons à l'ère du numérique et de la haute définition, nous pouvons atteindre 80 p. 100 de la population par voie hertzienne avec 42 tours, ainsi que la plupart des gens qui ont choisi de ne pas prendre le câble ou le satellite. Donc, nous ne privons personne en disant que c'est un modèle commercial rationnel. Si le gouvernement veut que nous remplacions toutes les tours, nous sommes prêts à le faire.
Si l'on me demandait mon avis, comme ancien bureaucrate et conseiller en politiques publiques, je dirais qu'il y a probablement de meilleures manières de dépenser notre argent qu'en remplaçant ce vieux système et en étant encore axé sur la diffusion plutôt que sur la production.
Donc, quand nous avons rencontré le CRTC, nous avons exposé ce qui nous semblait être une méthode responsable de donner accès à la télévision en haute définition par voie hertzienne à 80 p. 100 de la population. J'ajoute que TQS a annoncé son intention de construire au maximum un transmetteur de haute définition. Les autres diffuseurs sont aussi très préoccupés par les coûts. Tel était donc le thème de notre présentation, c'est-à-dire que nous avons essayé d'être raisonnables et rationnels eu égard au contexte économique et au fait que notre priorité est encore et restera la programmation.
Cela m'amène à la deuxième partie de votre question qui est de savoir comment nous éduquons le public sur la disponibilité de Radio-Canada. À bien des égards, c'est ce que les nouvelles technologies nous permettent de faire. Je dis parfois en plaisantant qu'il faut avoir des goûts particuliers pour apprécier la radio de Radio-Canada. Les moins de 50 ans n'ont pas ce genre de goûts. C'est quelque chose qui s'acquiert avec le temps. Je dois cependant reconnaître que je suis dans l'erreur, comme me le prouvent mes propres enfants et leurs amis. Il y a beaucoup de jeunes qui aiment la radio de Radio-Canada et nous prouvons aujourd'hui avec les IPods et la baladodiffusion qu'on peut avoir accès à cette radio avec les nouvelles technologies, en anglais et en français. C'est ça la solution. Nous devons utiliser toutes les nouvelles technologies. Évidemment, certaines d'entre elles disparaîtront et seront remplacées par d'autres mais notre rôle à nous est de dire aux Canadiens qu'ils peuvent avoir accès à nos émissions quand ils le veulent et non pas quand nous le voulons. De cette manière, nous continuerons à élargir notre public à long terme.
Si nous n'utilisons pas ces nouvelles technologies, nous y perdrons. Si quelqu'un veut voir un événement des Jeux olympiques sur le petit écran de son téléphone cellulaire, dans l'immédiat, nous devons le lui permettre. Pendant les derniers Jeux olympiques, la société de téléphonie cellulaire et nous-mêmes avons constaté avec enthousiasme qu'un grand nombre de nouvelles personnes commençaient à regarder certains événements de cette manière puis continuaient sur un écran de télévision.
En ce qui concerne le financement, mon rêve est que nous puissions définir avec vous tous ce que vous attendez du radiodiffuseur public et quelles sont les lacunes actuelles du système canadien. J'estime en effet qu'il y a actuellement une lacune énorme. Le service aux communautés francophones hors Québec est un volet extrêmement important que nous devons fournir si nous croyons en l'avenir de notre pays, et c'est quelque chose qui doit être défini au-delà de la Loi sur la radiodiffusion, et être redéfini régulièrement ensuite, une fois tous les 10 ans, disons. Cela veut dire qu'il faut entreprendre l'évaluation au bout de la septième année, par exemple.
Cela dit, il y a toujours deux parties à un contrat. La première concerne le service attendu et la deuxième, la manière dont on le paye. Les deux éléments vont ensemble. À mon sens, la seule solution à long terme est que nous agissions tous ensemble.