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Mesdames et messieurs, bonjour.
J'aimerais déclarer la séance ouverte. C'est la 10e séance du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. À l'ordre du jour, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions les allégations selon lesquelles les noms d'auteurs de demandes d'accès à l'information auraient été divulgués.
Nous accueillons aujourd'hui trois témoins, dont vous avez la liste sous les yeux. Il s'agit de David Gollob, vice-président des affaires publiques de l'Association canadienne des journaux, de Ken Rubin, du Hill Times, une célébrité. Je ne veux pas vous paraître cavalier, monsieur Rubin. Nous respectons votre travail; vous êtes journaliste au Hill Times, entre autres choses. Nous accueillons également le colonel Michel Drapeau, avocat.
Messieurs, bonjour.
Nous vous accorderons 10 minutes pour vos exposés, dans l'ordre que je viens de vous donner—vous avez tous été présentés et vous connaissez les règles du jeu—puis nous passerons à une période de questions et d'observations de la part des membres du comité.
Monsieur Gollob, nous allons commencer avec vous.
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de m'adresser à votre comité. Je continuerai en anglais parce que c'est la langue que je préfère utiliser.
[Traduction]
Comme vous le savez sans doute, l'Association canadienne des journaux est la voix des quotidiens canadiens et nous nous préoccupons de deux questions précises: notre contexte d'affaires et les menaces à la liberté de la presse.
J'ai distribué au comité—j'espère que vous en avez tous reçu copie—une lettre de plainte de l'Association canadienne des journaux au Bureau du commissaire à l'information. Il s'agit d'une lettre datée de septembre 2005. Dans quelques instants, j'y ferai référence dans mes remarques.
Je vous ai également distribué une photo que je tiens dans mes mains, qui vient du département de la Défense américain. Elle a été publiée à la une du Globe and Mail un jour de la semaine dernière. Elle montre la péninsule coréenne, vue du ciel, la nuit. Cette image est une preuve flagrante des différences radicales entre deux systèmes de gouvernement. Comme vous le voyez dans la photo, la Corée du Sud est illuminée comme un arbre de Noël, et la Corée du Nord est obscure comme une tombe.
Mesdames et messieurs les membres du comité, monsieur le président, je n'ai pas besoin de vous demander laquelle de ces images vous préférez, parce que je sais que nous sommes tous d'accord sur la réponse. La différence entre le totalitarisme et la démocratie—entre un pays où l'on jouit de la liberté de la presse et un pays où ce n'est pas le cas—est si flagrante qu'on peut la voir de l'espace.
J'aimerais souligner que si le département de la Défense américain a pris cette photographie, c'est un journal canadien qui l'a publiée en première page. Nous dépendons des journalistes pour savoir ce qui se passe dans le monde, sur terre ou dans l'espace, et surtout dans les couloirs du pouvoir. Nous dépendons des journaux et des médias électroniques pour rendre nos gouvernements responsables, pour faire la lumière sur le fonctionnement du gouvernement.
Un monde où les médias ne font que répéter les communiqués du gouvernement, c'est le monde de Kim Jong-il. Ce n'est pas le monde que souhaitent les Canadiens. Malheureusement, les gouvernements du Canada n'ont pas toujours su montrer qu'ils avaient, comme leurs citoyens, le désir d'avoir la meilleure transparence possible, la plus grande lumière. Certains au gouvernement semblent préférer qu'on les laisse gouverner dans l'obscurité.
À mon avis, et c'est l'avis de l'Association canadienne des journaux, ce comité ne devrait pas se limiter à déterminer si les lois sont bafouées dans telle ou telle circonstance. Il devrait, à notre sens, enquêter sur la discrimination systématique dont font l'objet les demandes d'accès à l'information déposées par un groupe en particulier qui cherche à faire la lumière sur les décisions du gouvernement, soit les médias.
Selon la Cour suprême du Canada, l'accès à l'information est un droit quasi judiciaire et une pierre angulaire de notre démocratie. Ce comité a entendu des hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor déclarer que la Loi sur l'accès à l'information, outil principal de transparence, fonctionne bien. Vous avez entendu le Conseil du Trésor vous dire qu'il n'y a pas de problème généralisé de manque de respect ou de mépris, au sein du gouvernement, envers l'esprit ou la lettre de la Loi sur l'accès à l'information, la loi du pays. Cependant, en mai 2002, un ancien député du parti au pouvoir à l'époque, qui détenait un important pouvoir d'accès à l'information, a écrit un article dans lequel il a décrit la création d'un « groupe secret de coordination des communications » au centre même des opérations de communications du gouvernement.
Jonathan Murphy a écrit dans cet article, et je cite:
« Le GCC, présidé par [le directeur des communications du premier ministre], est constitué de hauts fonctionnaires libéraux appartenant au personnel des ministres, de hauts fonctionnaires du cabinet du premier ministre et de hauts fonctionnaires en communications du Bureau du Conseil privé, soi-disant non partisan, ce dernier groupe étant dirigé par le secrétaire adjoint du Cabinet (...)
Si le mandat du GCC est soi-disant de « coordonner » le message du gouvernement, en pratique, le comité passe chaque semaine le gros de son temps à discuter de façons de retarder ou d'entraver les demandes d'accès à l'information (...)
Ce groupe secret, composé de personnel exonéré et de hauts fonctionnaires du Bureau du Conseil privé a-t-il vraiment existé? Son objectif principal était-il de bafouer les droits quasi constitutionnels des Canadiens?
Jason Kenney et James Rajotte, députés conservateurs dans l'opposition en 2004, ont dénoncé l'existence de ce groupe secret de contrôle de l'information à la Chambre. Ils croyaient réellement que ce groupe existait. Un tel groupe existe-t-il aujourd'hui? Ce mécanisme de contrôle de l'information a-t-il été supprimé, ou existe-t-il sous une autre forme? Nous croyons que c'est cette question plus vaste qui devrait préoccuper le comité.
Comme vous le savez, le témoignage d'Elizabeth Thompson semble indiquer que les auteurs de demandes d'accès à l'information qui font partie des médias sont souvent nommés lors d'appels conférences entre les hauts fonctionnaires en communications au gouvernement. Cela pourrait témoigner de l'existence du groupe que j'ai décrit. Ce qui doit nous préoccuper, c'est que les auteurs de demandes qui viennent des médias sont l'objet d'un traitement particulier. Ne perdons pas notre temps à chercher à savoir si c'est une pratique répandue ou non. Après tout, il s'agit d'un petit nombre de demandes d'accès à l'information, puisque 10 p. 100 de ces demandes seulement viennent des journalistes. Pour quelle autre raison le Conseil du Trésor aurait-il prévu une catégorie spéciale pour les médias, si ce n'est pour leur accorder un traitement différent?
Lors des témoignages à la Commission Gomery, nous avons observé que ce traitement différent peut impliquer des allers et retours entre les bureaux politiques des différents ministères et peut consister également à entraver l'accès. D'après la recherche d'Anne Rees, boursière Atkinson, il existe un système appelé code jaune. Et je crois que le comité en a entendu parler et en a déjà discuté. D'après le professeur Alasdair Roberts, dont la recherche a montré que les demandes assujetties au code jaune sont ralenties de façon considérable, les demandes qui proviennent des médias sont traitées de façon différente, ce qui est une violation de l'esprit et de la lettre du texte de loi.
Comme autre exemple, au printemps dernier, l'Association canadienne des journaux a mené sa deuxième vérification au sujet de la liberté d'information. Il s'agit d'un test rudimentaire, fondé sur des échantillons, de la liberté d'information et des systèmes d'accès à l'information au pays. Cette année, au cours de cet exercice, nous nous sommes rendu compte que cinq des six demandes présentées au gouvernement fédéral étaient restées sans réponse après cinq mois, alors que la période fixée par la loi est de 30 jours. Ça fait bien longtemps que l'Association canadienne des journaux s'en plaint et cette question fait d'ailleurs l'objet d'une enquête officielle du Bureau du commissaire à l'information. La lettre de plainte que je vous ai distribuée dans les deux langues officielles, avec la photo, vous fournit des détails à ce sujet.
Plus d'un an après le début de l'enquête, nous ne savons toujours pas ce que l'on a découvert, parce qu'on nous dit que les avocats du Conseil du Trésor ne veulent pas nous laisser voir les données et retardent le processus. Nous croyons qu'il faut remédier à cela. Le gouvernement conservateur a le mandat de la population pour le faire et l'Association canadienne des journaux compte sur ce comité pour s'assurer que le gouvernement tienne ses promesses.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président et membres du comité.
Le travail du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes est un des rares changements positifs découlant de la première loi sur l'accès à l'information du Canada. Les efforts de votre comité détonnent avec la guerre constante que mène Ottawa pour minimiser l'importance des droits à l'information.
L'objectif de vos délibérations actuelles est de déterminer si les utilisateurs de l'accès à l'information sont trop bien connus, suivis et surveillés. Je veux parler de certaines de ces pratiques improductives, comme le code jaune et le profilage des utilisateurs de l'accès à l'information, adoptées par des organismes gouvernementaux. Ces pratiques créent des obstacles à l'accès aux dossiers fédéraux et représentent une violation du droit du public à savoir ce qui se passe à Ottawa.
Je suis sans doute l'auteur de demandes d'accès à l'information qui a le plus d'expérience et qui a l'expérience la plus diverse, ayant moi-même déposé des milliers de demandes d'accès à l'information depuis octobre ou novembre 1982. C'est sur cette expérience que je me fonde, ainsi que sur d'autres relatives à l'accès à l'information, dans ma comparution aujourd'hui.
D'emblée, j'aimerais préciser que le fait que le gouvernement surveille les auteurs de demandes d'accès et entrave le droit du public à avoir un accès rapide, équitable et objectif aux dossiers fédéraux ne date pas d'hier. J'ai remis au comité de nombreux articles sur ce problème. En outre, ces pratiques improductives ne découlent pas uniquement de quelques incidents isolés commis par quelques personnes mal intentionnées, contrairement à ce que vous ont dit les témoins du gouvernement plus tôt.
Il y a peu de fonctionnaires qui sont prêts à parler du vrai problème. Ils sont formés pour répondre de façon aussi superficielle que possible, très lentement — cela ressemble à mes demandes d'accès à l'information. Cela ne veut pas dire cependant que certains n'essaient pas, malgré des circonstances difficiles et de façon parfois trop timide, d'aider les auteurs de demandes d'accès à l'information.
Selon mon expérience, le traitement des demandes et la durée de celui-ci dépendent de la catégorie d'auteurs de demandes d'accès à l'information. Mes demandes, par exemple, sont généralement mises en évidence et peuvent obtenir un traitement inégal, selon l'organisme et les fonctionnaires concernés. Je suis perçu par différents organismes de façon différente, soit comme membre du public, soit comme membre des médias, du monde des affaires, des chercheurs... à vous de choisir. Ainsi, il est important que les fonctionnaires ne révèlent pas mon identité et que mes demandes soient examinées de façon équitable, mais ce n'est pas toujours le cas. Tout cela a une incidence sur la façon dont l'information recherchée est traitée.
Il existe deux systèmes de pistage pour surveiller les utilisateurs comme moi. Il y a un système de coordination de la gestion, soit la coordination des demandes d'accès à l'information, aussi appelée CDAI qui existe depuis 1989. Dans une entrevue au Toronto Star en 1989, j'ai remis en question la pertinence de ce système de pistage et son utilisation par l'organisme central. Pourtant, il existe toujours.
Je me suis également interrogé sur le besoin d'autres systèmes de détection rapide qui fournissent aux responsables des communications et de la politique une occasion d'intervenir dans la divulgation de l'information. Il y a un système particulièrement odieux qui existe depuis quelques années et que l'on appelle par des noms différents comme le code jaune, l'alerte rouge, ou le processus du signal d'alerte. Il permet de catégoriser certaines de mes nombreuses demandes et d'autres comme « sensibles », « intéressantes », qui toutes méritent d'être examinées.
Les discussions ne sont généralement pas enregistrées, du moins pas entièrement, lorsque ces demandes font intervenir des responsables des communications et de l'accès à l'information, voire des SMA, des SM et des représentants des cabinets des ministres. Cela revient donc à un système de détection rapide et à un outil de limitation des dégâts en communications, ce qui contribue à ralentir et à entraver le processus.
Combien de fois m'a-t-on dit que ma demande était retardée d'une semaine ou deux, voire plus, étudiée par les responsables des communications, examinée par telle ou telle personne exonérée au cabinet du ministre. Cela peut être quantifié grâce à des journaux de suivi — ils n'enregistrent pas tout. Des universitaires comme Alasdair Roberts en ont parlé et des groupes de citoyens comme la B.C. Freedom of Information and Privacy Association, que vous entendrez bientôt. ont documenté les problèmes liés à l'accès à l'information qui découlent des systèmes de pistage internes. Je ne suis pas une statistique. Je suis la preuve vivante des problèmes du système.
Étant donné que récemment pour la première fois une note de service interne d'alerte jaune a été préparée ... Cela met encore davantage en doute la validité de ce système de contrôle permanent. Cette alerte jaune en particulier qui remonte à juin 2006 a fait l'objet d'un article dans The Gazette et dans The Hill Times. Elle a été déclenchée par l'une des demandes que j'ai adressées à Citoyenneté et Immigration Canada pour obtenir des documents sur l'élaboration de systèmes d'immigration intégrés entre le Canada et les États-Unis.
Les responsables des communications, informés par les responsables de l'accès à l'information, ont été prévenus et se sont vus accorder quelques jours à l'avance pour examiner les documents devant m'être communiqués, pour leur permettre de préparer des fiches pour la période de questions à l'intention du ministre et des commentaires à faire aux médias. Certaines pages du document en question ont été indiquées — les pages 21, 52, 120, 224, etc. —, comme étant susceptibles d'être délicates ou d'embarrasser le gouvernement ou de faire l'objet de publicité indue.
L'un des responsables qui participaient à cet exercice d'alerte jaune travaille au bureau du ministre actuel de la Citoyenneté et de l'Immigration.
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On peut interpréter l'esprit de la loi de façon plus ou moins large, comme on peut le faire pour interpréter les influences. Ce que je veux dire, c'est qu'on peut évidemment parler des noms, mais une fois qu'un nom est entré dans le système ou qu'on applique une méthode de pistage ou de profilage, on est à l'intérieur d'un tout. Il y a du gris lorsque apparaît parfois la malhonnêteté ou le refus d'en parler de l'intérieur.
J'ai évoqué ce dossier très complexe d'immigration. Si le feu jaune n'est pas un véritable... [Inaudible]... dans le système de divulgation d'information, c'est que certains éléments sont isolés, découpés et disséqués. Les système de ce genre en viennent immanquablement à catégoriser les demandeurs d'accès et à cibler ceux qui posent le plus de problèmes ou qui présentent de nombreuses demandes. En l'occurrence, j'ai été classifié comme membre des médias et associé à ma demande d'accès.
On cible donc certains journalistes et certains groupes d'opposants, mais ils seront ciblés un jour, et le lendemain ou la semaine suivante, on ciblera quelqu'un d'autre. L'ancien Parti réformiste, qui présentait systématiquement des demandes d'accès sur certains sujets, a fait partie des groupes suivis et ciblés.
Le problème s'aggrave encore lorsqu'un citoyen présente en parallèle une demande d'accès à l'information et une demande de protection des renseignements personnels, et que l'administration conteste son identité, voire ses motifs. D'après mon expérience, ce fut notamment le cas lors de demandes présentées au nom des victimes des implants mammaires Meme, au nom de scientifiques licenciés de la fonction publique qui soulevaient des questions de sécurité, et dans le cas de Maher Arar, qui tentait d'obtenir des dossiers susceptibles de l'aider à rétablir sa réputation.
Mais il existe un autre niveau de surveillance qui va au-delà du pistage et qui me préoccupe considérablement: il s'agit de la catégorisation et de l'acheminement des réponses aux demandes d'accès. C'est là que les requérants font l'objet d'un profilage. Je viens de découvrir que j'avais moi-même été soumis à ce traitement. On a mentionné mon nom, je pense donc que les choses sont claires.
Le 5 octobre 2006, longtemps après avoir porté plainte auprès du commissaire à l'information, j'ai reçu de l'Agence des services frontaliers du Canada une note de service, gardée secrète jusqu'alors, datée du 27 janvier 2004. Elle portait le nom du président de l'Agence. Il y était question de plusieurs demandes d'accès à l'information, dont la mienne, sur les systèmes controversés d'enregistrement d'information sur les passagers des lignes aériennes, qui fonctionnent en parallèle avec les systèmes des États-Unis. La note de service était destinée à Anne McLellan, qui était alors ministre de la Sécurité publique, mais dans la lettre du 5 octobre 2006 que m'ont adressée les fonctionnaires de l'Agence, on disait que la note en question n'avait jamais été communiquée à la ministre ni à son service, du moins par écrit.
Mon nom apparaissait dans cette note de service, et on me reprochait de faire partie de ceux qui avaient demandé des données sur le système secret de pointage des passagers des lignes aériennes selon le risque. On signalait que le Toronto Star s'était servi de certaines données que m'avait communiquées l'Agence des services frontaliers sur ce sujet, mais les agents de renseignements des douanes qui ont rédigé la note de service ministérielle du 27 janvier 2004 ont de nouveau mentionné mon nom dans un contexte tout à fait différent, disant que je présentais des demandes d'accès à l'information pour Maher Arar et pour Monia Mazigh, qui, comme nous le savons, figuraient sur la liste de surveillance de l'Agence des services frontaliers du Canada, de même que ceux de leurs enfants en bas âge.
C'est tout à fait inacceptable. On ne devrait pas faire de recoupement de mes données et de mes interventions dans différentes demandes d'accès pour créer un profil et pour contester la façon dont d'autres requérants ou moi-même nous servons de l'accès à l'information. Le fait que les données de ce genre soient rassemblées et disséminées à l'interne, voire transmises à un ministre, ne me semble pas relever d'une bonne conception du partage de l'information au sens de la Loi sur l'accès à l'information.
J'ai déposé d'autres demandes concernant la base de données sur le repérage des passagers des lignes aériennes à l'Agence des services frontaliers. Elles restent sans réponse depuis plusieurs mois.
Un autre élément inquiétant, ce sont les réunions hebdomadaires de révision des demandes tenues par de hauts fonctionnaires pendant des mois. Ce fut notamment le cas au lendemain du scandale des commandites et pendant l'enquête du juge Gomery. Des documents que j'ai obtenus révèlent que des hauts fonctionnaires tenaient des séances hebdomadaires au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour décider de la façon de réagir au scandale des commandites, notamment aux demandes d'accès à l'information présentées par moi-même et par d'autres.
Après le déclenchement de l'enquête du juge O'Connor, des hauts fonctionnaires et des sous-ministres adjoints ont tenu régulièrement des rencontres interministérielles sur le dossier Arar. Ils évoquaient la façon de traiter l'information, notamment la coordination des réponses qui allaient m'être adressées en tant que requérant, aussi bien en vertu de la Loi sur l'accès à l'information que de la Loi sur la protection des renseignements personnels, à propos de M. Arar et de Mme Mazigh. C'est une question qui préoccupe tous ceux à qui j'en ai parlé et qui me préoccupe moi-même, car on a alors partagé illégalement des renseignements personnels confidentiels et inexacts.
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Merci, monsieur le président.
Ces systèmes de pistage ont un effet dissuasif. Ils ne présentent pas d'intérêt, sauf pour les gens de l'intérieur qui veulent cacher, retarder ou manipuler des données, voire tromper d'autres fonctionnaires. Ce sont aussi des coûts supplémentaires. Les systèmes créent des strates administratives et provoquent de l'inquiétude. Ils engendrent un véritable code du silence.
Et qu'on ne s'y trompe pas, ces systèmes de pistage et de coordination sont situés au plus haut niveau. Dès 1986, les documents que j'ai obtenus révèlent que le premier ministre Brian Mulroney a demandé aux sous-ministres de la Défense et des Affaires extérieures, par l'intermédiaire de son personnel politique, de surveiller les chiffres qu'ils publiaient sur ses propres frais de déplacement à l'étranger. Jean Chrétien a dit la même chose lorsqu'il s'est adressé à son association de circonscription.
De cette façon, on envoie un signal aux subordonnés, en leur demandant de surveiller plus étroitement les auteurs des demandes d'accès à l'information. Depuis le premier ministre Joe Clark, aucun premier ministre n'a même pris la peine de dire à ses fonctionnaires qu'il s'agissait avant tout de publier de l'information. Et dans le dossier Bronskill, où des journalistes font officiellement l'objet de discussions interministérielles privées aux frais du contribuable, qui gouverne ce pays? Est-ce que la population parle des journalistes en les appelant par leur nom? Est-ce qu'on s'occupe des véritables problèmes?
Mon nom a été cité dès l'entrée en vigueur de cette loi. À l'occasion d'une demande d'accès à l'information, j'ai constaté que la Commission de contrôle de l'énergie atomique du Canada s'interrogeait sur les réseaux qui m'avaient amené à solliciter ses dossiers sur des problèmes de réglementation en matière de sécurité nucléaire. Je figurais en bonne place sur l'ordre du jour officiel de la Commission.
Dans les années 90, des ministères comme celui de la Défense nationale — et votre comité en a brièvement entendu parler — se sont mis à observer frénétiquement certains requérants comme moi, comme le Ottawa Citizen, comme David Pugliese et comme le colonel Michel Drapeau, ici présent. Leur comportement à notre égard était entaché de graves préjugés. Je suis certain que M. Drapeau pourra en témoigner.
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Monsieur le président, je n'ai pas d'exposé liminaire, mais j'aimerais vous présenter de façon très schématique les raisons qui m'amènent ici et qui font que je m'intéresse à l'accès à l'information.
Lorsque j'ai pris ma retraite de l'armée en 1992, j'ai été nommé directeur général par intérim des services ministériels de gestion au quartier général de la Défense nationale. À l'époque, l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels relevaient de ma responsabilité. J'y consacrais 4 à 5 p. 100 de mon temps chaque jour. Je recevais ces dossiers verts sur mon bureau. J'avais pour mission, le cas échéant, d'informer le ministre de la Défense nationale, par l'intermédiaire de son chef de cabinet, des documents qui allaient être publiés à telle ou telle date. Je l'ai fait pendant deux ans.
Une fois à la retraite, j'ai créé mon propre cabinet d'expert-conseils en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels. Ma clientèle comprenait des députés—il y en avait même de tous les partis—des sociétés privées, des particuliers, des universitaires, etc. En moyenne, je présentais de 1 200 à 1 500 demandes par an.
En 1996, j'ai décidé de retourner à l'école et j'ai obtenu des diplômes en droit civil et en common law. À la fin de mon stage à la Division d'appel de la Cour fédérale, j'ai compris que si l'on s'en tenait à la lettre, l'accès à l'information était un droit quasi constitutionnel... Au cours de mes recherches et des travaux que j'ai faits dans le cadre de mon stage à la Division d'appel de la Cour fédérale, j'ai constaté à la bibliothèque de droit qu'il n'y avait pas un seul ouvrage sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels. J'ai entrepris d'y remédier, et c'est ce que j'ai fait. Avant d'être accueilli au barreau, j'ai publié la première édition d'un ouvrage intitulé Federal Access to Information and Privacy Legislation. On en est maintenant à la cinquième édition.
Une fois admis au barreau, j'ai ouvert mon propre cabinet et je consacre une bonne partie de mes activités à l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels. Mes clients sont en majorité des journalistes, des sociétés privées et des particuliers. Actuellement, je consacre environ 20 p. 100 de ma pratique à l'accès à l'information. Je présente environ 600 ou 700 demandes par an, ou du moins, mes collaborateurs le font en mon nom.
En plus de ma participation à cet ouvrage, j'enseigne également à la faculté de droit,
[Français]
à la section de droit civil, un cours sur l'accès à l'information destiné aux étudiants diplômés et prédiplômés.
Je dois également souligner que mon expérience, pour ce qui est de la violation de ma vie privée et de mes renseignements personnels — et dans certains cas, cela remonte à 1996 et 1997 —, m'a convaincu que chaque fois que je soumettais une demande, les autorités, les gens qui voulaient savoir qui était l'auteur de la demande, s'arrangeaient pour le savoir, et ce, de façon régulière.
[Traduction]
À l'occasion d'un cocktail ou d'un coup de téléphone, ou de quelque autre façon, des gens m'ont dit qu'ils avaient appris que moi-même ou mon cabinet avions présenté une demande d'accès à l'information. J'ai donc perdu toute illusion quant à la confidentialité de mes demandes.
Les gens s'adressent à moi ou à mon cabinet d'avocat pour présenter une demande d'accès à l'information parce qu'en plus de l'expérience que j'ai acquise au fil des années, je leur assure la confidentialité des rapports entre l'avocat et son client. Mon nom peut être divulgué, mais l'identité ou l'activité de mon client reste confidentielle. Il est dommage qu'on doive en venir là, mais nous n'avons pas le choix.
Pour moi, la divulgation des renseignements personnels n'est qu'un des aspects du problème. Il est sérieux, mais il ne m'empêche pas de faire mon travail. J'ai appris au fil des années à m'en accommoder, tenant pour acquis que le système ne m'accorde aucune protection et que mon identité sera régulièrement divulguée selon les besoins.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Je veux d'abord vous remercier d'être venus au comité cet après-midi. Votre témoignage est important, d'autant plus que selon vos dires, vous seriez l'un et l'autre des victimes expertes de la Loi sur l'accès à l'information. Aucun d'entre vous, sauf erreur de ma part, ne semble remettre en question le fait que le nom d'un journaliste ayant fait une demande d'accès à l'information s'est retrouvé dans un cabinet de ministre. Si jamais vous n'êtes pas d'accord là-dessus, dites-le moi. Il serait intéressant d'entendre votre avis à titre de victime experte, si vous me permettez l'expression, sur certains sujets, qu'ils soient secondaires ou très importants.
D'abord, il y a deux semaines, des experts du Bureau du commissaire à l'information ont comparu et nous ont dit que les demandeurs étaient divisés en cinq catégories: les corporations, le public, les organisations, les médias et le milieu de l'enseignement. On nous a indiqué la répartition des demandes sous forme de pourcentages.
Croyez-vous vraiment qu'il n'y ait que cinq catégories et qu'il n'existe pas de sous-catégories? Avez-vous déjà considéré faire une demande d'accès à l'information pour vérifier s'il existait d'autres catégories?
Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que notre comité a adopté une motion il y a deux semaines et demie pour demander au ministre de refaire la Loi sur l'accès à l'information. On lui a donné comme limite le 15 décembre. Il nous écoute peut-être en ce moment. Il est possible aussi que certaines personnes veuillent savoir quelles solutions vous prônez pour protéger l'identité des demandeurs. À votre avis, c'est-à-dire celui de victimes expertes, quelles sanctions devrait-on imposer aux gens qui ont divulgué le nom des demandeurs afin de s'assurer que cela ne se reproduise plus?
Enfin, il y a deux semaines, j'ai suggéré une idée aux gens du Bureau du commissaire à l'information, à savoir que lorsqu'on répond à une demande d'accès à l'information, on envoie au demandeur, avec la réponse, la liste des personnes à qui on a dû divulguer son identité. Je ne sais pas si c'est une bonne idée. J'aimerais que vous me donniez votre avis, l'un après l'autre et dans l'ordre qui vous plaira, sur chacune des mes questions.
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Quant à savoir s'il y a plus de cinq catégories, j'en suis absolument certain. Pour ce qui est de savoir si les catégories actuelles sont utiles, valables et exactes, la réponse est non.
Lorsque mon cabinet soumet une demande, est-ce que cela intéresse certains médias, universités, organisations, corporations ou individus? Ces gens n'en ont absolument aucune idée. Pour ma part, j'ignore totalement dans quelle catégorie la demande est classée. L'est-elle en tant qu'organisation ou autrement? Ces chiffres valent ce qu'ils valent, et je ne vois pas l'intérêt, sur quelque plan que ce soit, de classer les demandes selon les demandeurs.
Il m'est déjà arrivé de soumettre une demande à des fins de recherche. Dans ce genre de cas, il est possible de demander, tel que la loi le prévoit, d'être exempté des frais et des débours afférents. Dans la demande, on doit expliquer que le but de la démarche concerne la poursuite d'une recherche. Or, dans le cas de chacune de ces demandes, on a essuyé un échec. Identifier non pas le demandeur mais la catégorie à laquelle appartenait celui-ci n'a rien donné.
Pour ce qui est d'une éventuelle refonte de la Loi sur l'accès à l'information, je vous avouerai, madame Lavallée, me sentir à la fois possessif et protecteur face à la forme actuelle de cette loi, même si j'en suis victime. Pourquoi? L'expérience qu'on a de cette loi totalise 23 ans. Si je sortais mon livre dans un instant, vous pourriez voir à quel point les cours se sont efforcées d'interpréter cette petite loi, que ce soit la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale ou la Cour suprême. Il n'y a pas d'équivoque: la Cour suprême a décrété qu'il s'agissait d'une loi quasi constitutionnelle. C'est un droit qui appartient à tout le monde. Selon M. La Forest, c'est une façon d'assurer que notre démocratie soit vivante et riche. En se renseignant, les simples citoyens, de même que les médias, acquièrent la capacité d'obliger les gouvernants à un certain degré de responsabilité. Je suis donc surpris que ce droit soit en cause. Aucun autre droit, que ce soit celui d'exercer sa religion ou de s'exprimer, n'est remis en question. Ces droits sont respectés par nos fonctionnaires et par tous les gens. Pourquoi cette loi-ci hériterait-elle d'un régime imprégné de je-m'en-foutisme?
Selon moi, la loi telle qu'elle est présentement est bonne. J'y ai recours de façon régulière. Malgré la situation de victime à laquelle vous faites allusion, je finis par tirer de cette loi ce dont j'ai besoin. Il y a des problèmes beaucoup plus épineux, beaucoup plus aigus, entre autres les retards considérables. M. Peterson en a parlé plus tôt. Je pourrais vous donner deux exemples de situations que j'ai vécues, dans un cas vendredi passé et dans l'autre ce matin.
En 2004, j'ai fait une demande auprès du ministère des Affaires indiennes de la part d'un homme d'affaire. Un mois plus tard, on m'a remis une trentaine de pages. Je savais instinctivement que ça ne répondait pas à mes besoins. Si je n'avais pas eu à ce moment-là le réflexe de porter plainte, je n'aurais reçu que ces 33 pages. Aujourd'hui, j'en ai reçu 635.
Je vais maintenant parler du deuxième cas. En 2003, j'ai été engagé par Radio-Canada — et on parle ici du domaine public — pour faire une recherche sur l'historique associé au référendum de 1995. J'ai soumis une foule de demandes d'accès à l'information. Plusieurs ont servi, mais la totalité des dossiers — j'en ai obtenu environ 10 p. 100 — datait d'avant l'année anniversaire de 2005. La semaine dernière, j'ai reçu une boîte de cette hauteur-ci de la part du Conseil privé. Après m'être plaint, voici que j'ai reçu enfin des documents. Il est trop tard: tout ça est maintenant connu du public. Il ne fallait pas être une tête à Papineau pour deviner que mon intérêt était de nature historique.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie également nos témoins.
Nous avons entrepris cette étude parce que nous avons été scandalisés d'apprendre que le nom d'un journaliste avait été divulgué dans le contexte d'une demande d'accès à l'information. La plupart des députés que je connais ignoraient ce genre de choses et nous avons été scandalisés d'apprendre, grâce à votre témoignage et grâce aux témoignages de fonctionnaires du Conseil du Trésor et du commissaire à l'information, qu'il est courant qu'un ministre, ou du moins des hauts fonctionnaires ministériels, découvrent l'identité de l'auteur de la question. Il semble même aller de soi que lorsqu'un ministère reçoit une plainte difficile ou portant sur un préjudice subi, le cabinet du ministre demande tout d'abord qui est l'auteur de la plainte. Je trouve cela scandaleux. Si le droit de savoir est de dimension quasi constitutionnelle, cela signifie que les droits constitutionnels sont systématiquement et massivement violés.
L'intérêt premier de notre étude, c'est donc de savoir si ces choses se produisent effectivement. D'après ce que nous avons entendu, nous sommes convaincus qu'elles se produisent. Nous voulions savoir si elles étaient fréquentes et largement répandues, et nous avons obtenu réponse. Nous voulions savoir si cela se produisait du temps du précédent gouvernement et sous le gouvernement actuel. Ken a même indiqué que c'était une pratique largement répandue et très ancienne.
J'aimerais vous poser une question — et j'en apprends tous les jours, et plus j'en apprends, plus je suis déçu et scandalisé — sur ce que Ken vient de dévoiler, à savoir que non seulement on se renseigne sur le nom de l'auteur de la demande, mais en plus, on produit un profil détaillé de l'auteur, en indiquant le niveau de menace que peut représenter la question pour le gouvernement.
Pouvez-vous nous donner des détails sur la fréquence de ce type de profilage? Quand il est question non seulement du nom de l'auteur, mais également de ses activités, du type de questions qu'il peut poser et des causes auxquelles il a déjà adhéré, s'agit-il là d'un élément nouveau? Ces renseignements supplémentaires m'inquiètent et ajoutent toute une nouvelle dimension au problème. Je trouve proprement ahurissant qu'on se renseigne non seulement sur l'identité du requérant, ce qui à mon avis porte atteinte à l'intégrité même du système, mais que l'on demande également des renseignements personnels confidentiels à son sujet.
N'y a-t-il pas là une infraction à la Loi sur la protection des renseignements personnels?
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Je ne me considère pas comme une victime ou une cible. J'exerce mes droits à l'information, ce qui constitue un acte légal. Le problème, c'est que certains fonctionnaires ont décidé que ce droit n'existait pas, qu'il s'agit simplement d'un privilège qu'ils peuvent manipuler et négliger. Il est bien malencontreux qu'on en soit là.
Le profilage est exactement à l'opposé de ce à quoi l'on s'attend lorsqu'on fait une demande d'accès à l'information, en particulier si on le fait au nom de citoyens qui sont en conflit avec le gouvernement, qu'ils veulent rétablir leur réputation ou qui sont aux prises avec un site contaminé par des déchets toxiques.
Et que font les fonctionnaires? Ils essayent de se renseigner sur le requérant, au lieu de s'en tenir à l'esprit de la Loi sur l'accès à l'information. Voilà le problème.
Je ne pense pas que ce soit le premier exemple que j'aie rencontré. Comme on vous l'a déjà dit, ces choses se font le plus souvent oralement et je constate souvent, à l'occasion d'un événement social ou d'un rassemblement, que dès que je m'approche, certains disent: « Je ne peux plus rien dire, voici Ken Rubin ».
Voilà le problème qui se pose.
Je voulais signaler un élément à la suite de la question de M. Martin. D'après ce que j'ai entendu, le ministre n'exige pas cette information. D'après les témoignages que nous avons entendus dernièrement, les ministres ont la possibilité d'obtenir ces renseignements et je serais heureux de me pencher sur les bleus pour le confirmer. Mais ce que nous avons entendu aujourd'hui en réponse à certaines de nos questions diffère de ce que nous avons entendu précédemment, c'est indubitable.
Il va sans dire que notre comité tient à ce que l'accès à l'information ait lieu de façon objective; que, quelle que soit la catégorie dans laquelle une personne est classée, la requête soit traitée de façon professionnelle; et que les renseignements soient fournis dans le respect de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Il y a 25 000 demandes d'accès à l'information. Il y en a 36 000 autres relevant de la Loi sur la protection des renseignements personnels. On a parlé du peu d'empressement à fournir l'information demandée. Mais il convient de mettre les choses en perspective: l'opération est de taille. Quelque 500 fonctionnaires fédéraux s'occupent exclusivement des questions d'accès à l'information.
D'après les témoignages que nous avons entendus, oui, effectivement, il y a eu certains problèmes. Le Secrétariat du Conseil du Trésor prend des mesures pour remédier au problème, assurant une formation et faisant ce qui doit être fait. Vu le volume de travail, il est inévitable qu'il y ait des glissements ou des accidents en matière d'information. Mais dire que c'est généralisé, à mon avis, tel n'est pas le cas. Qu'en pensez-vous?
D'abord, l'accès à l'information devrait être un droit constitutionnel et non pas un privilège conféré par une loi qui peut être modifiée.
Deuxièmement, vous devriez instaurer un service de divulgation proactif, avec un mandat spécifique, sous l'égide d'un ministre. L'article du projet de loi qui porte sur les services d'accès à l'information n'a pas assez de mordant et est hypocrite.
Troisièmement, il s'agit de bannir le recours systématique au feu jaune en matière de profilage. Il faudrait aussi bien préciser les responsabilités des agents à l'intégrité de l'AIPRP; ne plus permettre aux agents de l'AIPRP d'avoir deux rôles, par exemple de travailler à la fois sur le pistage et sur des dossiers ministériels classifiés; et s'assurer que ceux qui traitent et examinent les demandes d'accès à l'information et statuent à leur sujet puissent être identifiés.
Quatrièmement, les pratiques secrètes de pistage et de profilage devraient constituer un motif d'appel.
Cinquièmement, les pouvoirs du commissaire à l'information devraient être exécutoires, notamment le pouvoir d'examiner les agences responsables du pistage et du profilage des demandeurs d'accès.
Sixièmement, le pistage et le profilage des demandeurs devraient constituer des infractions entraînant des sanctions et des peines d'emprisonnement. En plus, il faudrait réduire, de façon significative, les exemptions, notamment les exemptions générales, et mettre fin aux retards entraînés par le pistage et le profilage des utilisateurs du système d'accès à l'information.
Enfin, il faudrait modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels afin de restreindre l'accès de tierces personnes aux renseignements personnels, d'offrir davantage de protection des renseignements personnels, et d'assujettir les codes d'utilisation et de divulgation à un examen indépendant.
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Monsieur Drapeau, vous avez dit plus tôt détenir des boîtes contenant de l'information sur le référendum. J'aimerais vous offrir d'aller les chercher et d'en passer moi-même le contenu à la déchiqueteuse.
Pour en revenir à des choses plus sérieuses, j'aimerais reparler du sujet que nous avions entamé, plus particulièrement des solutions. Même si vous dites ne pas vous sentir victimes, il reste que c'est ce qui vous réunit aujourd'hui. Le ministre est en train de moderniser et de renforcer la Loi sur l'accès à l'information. Vous avez certainement des solutions à proposer.
M. Rubin nous a fait part plus tôt des changements qu'il voudrait voir apporter à cette loi. J'aimerais entendre ce que M. Gollob a à dire à ce sujet. Le fait que le ministre ait accès au nom du demandeur serait-il un point à modifier?
Monsieur Drapeau, j'aimerais que vous me disiez très brièvement à quel moment exact il devient selon vous essentiel pour un ministre, aux fins de la conduite des affaires de l'État, de connaître le nom d'un demandeur.
Enfin, puisque vous avez tous été victimes, j'aimerais savoir quelles sanctions devraient être imposées à ceux qui transgressent ces règles. Il semble que dans la loi actuelle, rien ne soit prévu à cet égard.
Monsieur Drapeau, je vous demanderais de me répondre très brièvement, afin de permettre aux autres de répondre également.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Dans la même veine, nous avons entendu des témoignages la semaine qui a précédé la pause au sujet de cette question même. Les témoins qui ont comparu ont indiqué assez clairement, à mon avis, qu'il est tout à fait conforme aux dispositions de la Loi sur la protection de la vie privée que les ministres et les fonctionnaires du ministère connaissent le nom de l'auteur de la demande — cela est prévu par le paragraphe 8(2). Il s'agit de la disposition habilitante à cet égard. Il existe une dizaine de catégories pour lesquelles cela est autorisé. Cela revient au point que j'avais soulevé plus tôt en ce qui concerne l'argument présenté par M. Martin, à savoir que même si une chose est autorisée, cela ne signifie pas qu'elle se produira forcément.
La même question m'est venue à l'esprit lorsque certains d'entre vous, dans le cadre de votre témoignage, ont parlé des différents cas où l'on tombait sur de l'information qui semblait indiquer que vous aviez appris d'une façon quelconque que quelqu'un dans un ministère connaissait le nom de l'auteur de la demande. Ce fait même ne signifie pas nécessairement qu'il y ait eu irrégularité. Il était fort possible que la communication de cette information ait été faite conformément aux dispositions de la Loi sur la protection de la vie privée. Je m'interroge sur la raison pour laquelle on arriverait à une conclusion différente.
Dans vos témoignages, vous avez également proposé certaines façons de modifier la Loi sur l'accès à l'information, et c'est parfait. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est d'arriver à mieux comprendre comment procèdent les ministères en ce qui concerne le nom des auteurs de demandes. C'est le contexte de notre discussion d'aujourd'hui.
En ce qui concerne la communication du nom au ministre, combien des cas dont vous avez parlé pourraient être tout à fait légitimes dans le cadre de la Loi sur la protection de la vie privée, telle qu'elle existe aujourd'hui?
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C'est pratique courante si vous demandez par exemple un dossier criminel ou certains autres dossiers. La personne doit fournir d'autres renseignements permettant de l'identifier.
Comment détermine-t-on la quantité de renseignements à fournir? Je reviens à ce que j'ai déjà dit, soit que lorsque l'on crée des systèmes parallèles, cela soulève des préoccupations en matière de protection de la vie privée et de surveillance, et en intégrant ces deux aspects, les erreurs de jugement et les pertes de temps sont inévitables. Cela nuit énormément au fonctionnement du système.
Les témoins qui représentaient le gouvernement ont dit que la solution réside simplement dans la formation. Je suis désolé, mais j'ai comparu devant ce comité et celui du Sénat pour faire adopter la seule modification apportée à la Loi sur l'accès à l'information, qui prévoit des sanctions dans les cas de destruction ou de falsification de documents, après le camouflage des incidents survenus en Somalie et après la destruction par le comité de documents. L'amendement proposait des peines d'emprisonnement et des sanctions pour les personnes qui falsifiaient des documents.
Voilà une situation qui aurait dû être traitée de façon sérieuse. Vous pouvez avoir toute l'information au monde, mais lorsque vous avez un système de formation interne qui se trouve à des lieux de là, nous vous dirons et vous rappellerons que cela est loin d'être suffisant. Il faut qu'il y ait des incitatifs. Il faut prévoir des sanctions et qu'on se rende pleinement compte qu'il est possible de ruiner des réputations, sinon vous perdez tout simplement votre temps, vous faites du sur-place.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'ai présenté la motion qui a donné lieu à ces audiences, donc j'aimerais relire au comité et aux témoins la motion en question, parce que nous sommes en train de nous écarter nettement de son objet. Il s'agit d'une motion très simple, restreinte et discrète: « Que le Comité examine les allégations selon lesquelles les noms d'auteurs de demandes d'accès à l'information auraient été divulguées à du personnel politique à l'emploi du gouvernement actuel ou des gouvernements antérieurs, et qu'il fasse rapport sur le sujet. »
Il ne s'agit pas d'une discussion générale et ouverte sur la politique d'accès à l'information. Nous avons déjà tenu cette discussion au comité; nous pourrons la tenir à l'avenir. Je comprends qu'il s'agit d'une question qui fait l'objet d'un débat perpétuel. Mais nous ne sommes pas ici pour discuter des digressions et de toutes les autres pratiques qui semblent être parfaitement légales, selon les bureaux des commissaires à l'information et à la protection de la vie privée, qui ont comparu devant nous. Nous sommes ici pour discuter des allégations selon lesquelles les noms d'auteurs de demandes d'accès à l'information auraient été divulgués au personnel politique.
J'ai une question simple, et je pense que c'est la seule question pertinente à poser en fait aux témoins, et je ne suis pas sûr de la raison pour laquelle nous entendons des témoins qui ne semblent pas s'en tenir directement à la teneur de la motion; j'aimerais qu'on s'applique à le faire. En fait, ces audiences ont lieu parce que l'opposition a prétendu que le gouvernement avait délibérément enfreint la Loi sur la protection de la vie privée dans au moins un cas. J'aimerais savoir si cela est vrai.
J'ai donc une simple question à poser aux témoins. Avez-vous des preuves concrètes, précises et tangibles que vous pouvez fournir au comité quant aux noms des auteurs de demandes d'accès à l'information qui ont été communiqués à du personnel politique?
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Je respecte l'opinion de M. Kenney, à savoir qu'on cherche à déterminer s'il existe des situations permettant de déterminer si des noms ont été transmis au ministre, mais je me rallie aussi à l'affirmation de M. Gollob voulant que le mandat du comité, bien que ce ne soit pas celui qu'on s'est donné dans le cas présent, est aussi de s'assurer que les lois sont respectées. Je veux bien croire qu'on ne soit pas nécessairement en mesure de trouver un ou des coupables, mais il faut à tout le moins éviter que d'autres situations de ce genre se produisent. Dans ce sens, je pense que le débat est important.
La Loi sur l'accès à l'information est en vigueur depuis plus d'une vingtaine d'années. Je pense qu'au cours de cette période, on s'est rendu compte qu'elle donnait lieu à des effets collatéraux non désirables pour les gouvernements. À mon avis, le système de contrôle voulant qu'à des fins statistiques on classe les demandeurs d'information par catégorie a généré d'autres formes d'information. Je pense que c'est devenu un obstacle au droit du public à une saine information.
Toutes les raisons sont bonnes pour expliquer la situation. Cette loi prévoit très peu de sanctions à l'endroit du personnel, bref elle n'a pas de mordant. Certaines personnes sont prises entre l'obligation de respecter la confidentialité des demandeurs en vertu de la loi et le désir d'obtenir des promotions. En ce sens, je suis convaincu que ce système, qui fait en sorte que de nombreux fonctionnaires se retrouvent assis entre deux chaises, est drôlement difficile.
La question que je vous pose à tous les trois est la suivante. Selon vous, s'il y avait une refonte de la Loi sur l'accès à l'information, est-ce qu'on ne devrait pas y inclure des dispositions spécifiques, beaucoup plus claires que ce qui existe présentement, afin d'empêcher la divulgation des noms des demandeurs? En plus, est-ce qu'on ne devrait pas prévoir des sanctions visant à neutraliser l'effet d'attirance que peut avoir sur les fonctionnaires l'idée d'obtenir une promotion, effet qui les incite parfois à ne pas faire grand cas de la loi?