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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du comité permanent, merci de votre invitation à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle David Lavigne et suis conseiller scientifique auprès du Fonds international pour la protection des animaux. Je fais des recherches sur les phoques du Groenland et autres pinnipèdes depuis 1969.
Le Fonds international pour la protection des animaux est un organisme dédié au bien-être des animaux dont la mission est d'améliorer le bien-être des animaux sauvages et domestiques du monde en en réduisant l'exploitation commerciale, en protégeant les habitats de la faune et en prêtant assistance aux animaux en détresse.
Laissez-moi commencer par une vérité de la palisse. La controverse entourant la chasse aux phoques commerciale au Canada, comme tous les débats du monde moderne sur la conservation, ne porte ni sur la science ni sur les faits. Il s'agit au contraire d'un conflit lié à des attitudes, des valeurs, des objectifs sociétaux divergents ainsi qu'à des conceptions différentes du bien et du mal. Autrement dit, le débat sur la chasse aux phoques au Canada est un débat politique teinté de connotations éthiques.
Dans le cadre de ce débat politique, les faits scientifiques sont souvent représentés ou cités à tort, voire fabriqués par certains des intervenants. Aujourd'hui, je voudrais prendre quelques minutes de votre temps pour débattre des certitudes et des incertitudes entourant certains des enjeux de la chasse aux phoques qui se pratique au Canada. Je vous communiquerai également divers éclairages, issus de la biologie de la conservation moderne, qui peuvent faire entrevoir une piste de solution.
La chasse aux phoques au Canada est la plus grande chasse commerciale de mammifères marins du monde. Ce seul fait suffit à soulever une question de conservation d'envergure en dépit de tout ce que vous avez pu lire ou entendre. La conservation moderne, c'est la gestion des répercussions des activités humaines sur les animaux, les populations animales et les écosystèmes, et ce dont il est question ici, c'est des valeurs.
Selon des estimations récentes, la population de phoques du Groenland de l'Atlantique Nord-Ouest était d'environ 5,8 millions de têtes en 2005. Il s'agit d'une estimation dont les limites de confiance sont de plus ou moins 2 millions d'animaux, ce qui signifie que cette population pourrait fluctuer dans une fourchette allant de 3,8 à 7,8 millions d'animaux. Une telle incertitude scientifique doit être prise en considération lorsqu'on élabore des plans de gestion pour n'importe laquelle des espèces exploitées.
Les scientifiques du gouvernement canadien nous disent également qu'aujourd'hui, il faut capturer environ 250 000 phoques pour atteindre un rendement équilibré. Mais bien entendu, cette estimation elle-même est douteuse car si la population actuelle était inférieure à 5,8 millions d'animaux, il s'ensuivrait que le rendement équilibré serait lui aussi proportionnellement plus bas.
Vous n'êtes pas sans savoir que le total autorisé des captures, ou TAC, pour les phoques du Groenland, qui est de 335 000 en 2006, excède le niveau de rendement équilibré prévu. Le TAC actuel devrait par conséquent entraîner un déclin des populations. Dans ce sens, ce TAC ne permet pas à l'espèce de survivre.
Pour la quatrième fois au cours des cinq dernières années, les prises enregistrées au Canada en 2006, soit 353 000 phoques du Groenland, excèdent le TAC, cette fois de presque 20 000 animaux. De tels dépassements ne devraient pas être tolérés dans une chasse dite bien gérée.
À moins que le TAC ne soit réduit et imposé, le modèle gouvernemental prédit que la population des phoques du Groenland continuera à décroître. Plus de 95 p. 100 des animaux abattus dans le cadre de la chasse aux phoques commerciale du Canada sont des blanchons à peine sevrés âgés de deux semaines à trois mois, des animaux que la majorité des Canadiens considèrent comme des « bébés phoques ».
Les sondages d'opinion ne cessent de nous dire que la majorité des Canadiens sont opposés à l'abattage des blanchons.
Alors que l'exploitation optimale reste un des objectifs du ministère canadien des Pêches et des Océans, cet objectif est loin d'être atteint. La plupart des carcasses sont abandonnées sur la glace et un récent rapport de l'Université Memorial de Terre-Neuve soutient que les chasseurs rejettent 80 p. 100 du petit lard. La situation est encore plus grave en Norvège, principal partenaire du Canada pour la chasse aux phoques, où le gouvernement subventionne l'abattage des phoques du Groenland et va même aujourd'hui jusqu'à offrir d'autres subventions pour brûler les fourrures.
En bref, la chasse aux phoques du Groenland, au Canada et ailleurs, s'accompagne d'un gaspillage éhonté qui viole une tradition séculaire de conservation et soulève, dans ce processus, d'importantes questions d'éthique.
Pour revenir à la question de l'éthique et de la graisse de phoque, je note qu'un des témoins invités devant votre comité a admis qu'il avait camouflé des cargaisons d'huile de phoque à destination des États-Unis. Une telle pratique de membres de l'industrie du phoque du Canada n'est pas seulement contraire à l'éthique mais également illégale en vertu de la loi américaine.
Pour passer à des enjeux de plus grande portée dans le domaine de la pêche, nous savons maintenant que les phoques du Groenland n'ont pas causé l'effondrement des stocks de morue au large de la côte Est du Canada. De plus, il n'est nullement prouvé par des méthodes scientifiques que les phoques du Groenland empêchent la reconstitution des stocks de morue ou de toute autre espèce de poisson. En fait, l'élimination génétique des phoques du Groenland pourrait même se faire au détriment du rétablissement de la morue. Il n'existe par conséquent aucune justification scientifique à la réforme des phoques du Groenland.
Comme les scientifiques du MPO, entre autres, l'ont fait remarquer, les propositions légitimes d'abattage de phoques pourraient être soumises à une évaluation indépendante telle que définie dans le Protocol for the scientific evaluation of proposals to cull marine mammals du Programme des Nations Unies pour l'environnement. Le Canada n'y est pas encore parvenu. Quoi qu'il en soit, il existe de nouvelles preuves établissant que les phoques du Groenland jouent un rôle important et positif dans l'écosystème de l'Atlantique Nord-Ouest. De tels écosystèmes marins sont extrêmement complexes et nous n'avons ni l'expertise ni la capacité de gérer des populations fauniques ou des écosystèmes entiers. Tout ce que nous pouvons tenter de faire, c'est de gérer l'activité humaine.
Un autre volet de la conservation moderne est le bien-être des animaux. Depuis 2000, deux groupes de vétérinaires se sont penchés sur la chasse aux phoques commerciale au Canada. Même si le ministère des Pêches et des Océans n'en souffle mot, ces deux rapports sont, qualitativement, remarquablement similaires. Les deux décrivent ce que la plupart des gens raisonnables considèrent comme des niveaux de souffrance inacceptables chez des animaux. Lorsqu'un troisième groupe de vétérinaires a été rassemblé par le Fonds mondial pour la nature en 2005, ce groupe a rédigé 11 recommandations qu'il faudrait mettre en oeuvre pour transformer la chasse aux phoques commerciale du Canada en une activité dépourvue de toute cruauté.
La seule conclusion viable à tirer de la preuve dont on dispose est que la chasse aux phoques commerciale du Canada ne répond pas aux normes modernes d'abattage sans cruauté établies par des organismes comme l'Association américaine de médecine vétérinaire. Considérés dans leur ensemble, les faits portant sur la chasse aux phoques au Canada soulèvent un certain nombre de questions éthiques importantes. A-t-on le droit, au XXIe siècle, de subventionner l'abattage d'un si grand contingent d'animaux, dont un grand nombre de façon cruelle, pour en tirer des produits qui ne sont pas essentiels tout en abandonnant, sans souci du gaspillage, la majorité des carcasses et en jetant la plus grande partie du petit lard?
En plus des questions factuelles, nous connaissons tout un éventail d'autres choses, mais leurs effets ne sont pas connus ou sont difficiles à prévoir avec précision. Donald Rumsfeld parlerait sans doute d'une « incertitude incontestable ». La plus grande et plus importante incertitude incontestable à laquelle on est aujourd'hui confronté est le réchauffement planétaire et ses effets sur les phoques du Groenland et les phoques à capuchon. Les meilleures études de ces effets portent sur l'incidence du réchauffement planétaire sur la formation des glaces dont dépendent ces phoques en février et mars pour s'accoupler et nourrir leurs petits au large de la côte Est du Canada.
Au cours de la plupart des 11 dernières années, cette région a connu des températures hivernales plus chaudes que la moyenne et une couverture glaciaire inférieure à la moyenne. Même s'il est relativement facile d'établir les effets du réchauffement planétaire sur les conditions de glaciation, il est beaucoup plus difficile de mesurer les répercussions précises de ces bouleversements sur les phoques.
Un manque de glace utilisable, combiné à des tempêtes violentes et des débâcles précoces, compromet la saison normale de reproduction des phoques. Si les femelles ne trouvent pas de glace sur laquelle donner naissance, le niveau des avortements augmente et si la glace se rompt avant la fin de l'allaitement, les nouveau-nés meurent. Par exemple, pour l'année 2002, les scientifiques du MPO estiment que 75 p. 100 de tous les blanchons nés dans le golfe du Saint-Laurent sont morts avant même l'ouverture de la chasse. De tels effets, n'importe quelle année, réduisent la taille des cohortes, ou classes d'âge, et ont des répercussions à long terme sur la taille et l'évolution des populations.
Si les années chaudes qui réduisent la couverture de glace deviennent la norme, comme il semble que ce soit le cas, l'incertitude ira en croissant. La fonte des glaces bouleverse la saison de reproduction et compromet l'habitat de reproduction essentiel. Elle a également, sur le poisson et les invertébrés, des répercussions qui modifient l'accessibilité des proies pour les phoques et ont à leur tour une incidence sur la condition, la croissance, le taux de reproduction et de survie des phoques.
Les gestionnaires ne disposent que d'une poignée d'options pour faire face aux impondérables scientifiques et environnementaux croissants associés au réchauffement planétaire. Mais l'une des choses qu'ils peuvent faire pour compenser les effets du réchauffement planétaire sur les espèces exploitées comme les phoques du Groenland, tel que le recommande le Programme des changements climatiques du Fonds national pour la nature, c'est de limiter les sources de stress qui ne sont pas liées au climat, notamment la surpêche.
La stratégie utilisée par le Fonds mondial pour la nature pour construire la résilience aux changements climatiques est un bon exemple de mise en application d'une approche préventive en matière de conservation. Le Canada renvoie à l'approche préventive dans le préambule de sa Loi sur les océans. Et le gouvernement prétend que sa gestion de la chasse aux phoques est fondée sur ce principe de précaution. Elle ne l'est pas.
Dans les approches préventives modernes, les prises totales d'une population faunique donnée sont directement liées au degré d'incertitude scientifique et environnementale. Lorsque l'incertitude est élevée, le total autorisé des captures est réduit pour garantir que les populations fauniques seront maintenues à un niveau qui suffit à assurer la survie.
Aux antipodes de cette position, le plan de gestion de la chasse aux phoques du Canada ne contient aucun mécanisme qui lie le total autorisé des captures à l'incertitude scientifique et environnementale de l'heure. De plus, la stratégie de gestion du Canada n'a jamais été soumise aux essais rigoureux qui représentent une exigence obligatoire dans le cadre de l'élaboration de procédures de gestion modernes et prudentes.
Une récente étude scientifique s'est penchée spécifiquement sur l'approche mise de l'avant par le gouvernement du Canada pour déterminer l'état et l'évolution des populations de phoques du Groenland de l'Atlantique Nord-Ouest et pour fournir des avis sur le total autorisé des captures. Les chercheurs ont trouvé que, dans le cadre de sa stratégie de gestion, le Canada allait vraisemblablement maintenir un haut niveau de prises en dépit d'une population déclinante et qu'il risquait de décimer la population des phoques du Groenland dans une proportion pouvant atteindre de 50 à 70 p. 100 au cours des 15 prochaines années.
Cette étude recommandait que le Canada réduise son TAC en vigueur pour les phoques du Groenland à un niveau calculé selon une procédure prudente bien établie telle que la méthode du prélèvement biologique potentiel qu'il faut appliquer aux mammifères marins en vertu de la législation américaine. Une telle mesure réduirait de façon spectaculaire le TAC du Canada pour 2007. Elle réduirait aussi la probabilité que la population soit décimée par une chasse excessive, fournirait certaines mesures de la résilience des phoques aux prises avec les effets du réchauffement planétaire, réduirait le nombre d'animaux tués de façon cruelle et réduirait le volume de déchets associés à la chasse commerciale aux phoques au Canada.
Je vous remercie de votre attention.
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Je m'appelle Rebbeca Aldworth et je suis la directrice chargée des questions portant sur la faune canadienne auprès de la Humane Society of the United States.
La Humane Society of the United States, ou HSUS, est la plus grande association de défense des animaux au monde. Nous avons près de 10 millions de membres et d'éléments constitutifs à l'échelle mondiale et, par le biais de la Humane Society International, nous assumons une présence au niveau international.
Notre association s'intéresse à tous les aspects de la protection des animaux, ce qui veut dire que nous nous attaquons à une toute une série de questions, de la condition des animaux de fermes commerciales et de laboratoires à la protection des mammifères marins, en passant par les usines à chiots, à la dénonciation de la cruauté envers les animaux et l'élimination du commerce des fourrures.
La campagne visant l'élimination de la chasse aux phoques commerciale au Canada est l'une de nos activités principales à l'heure actuelle. Cela fait des années que nous tentons d'y mettre fin, une fois pour toutes.
Je dois vous avouer que la décision de comparaître aujourd'hui n'a pas été facile. J'estime que le comité manque d'impartialité dans son traitement de la question de la chasse aux phoques commerciale. J'ai assisté à certaines des délibérations précédentes et lu les rapports du comité et je suis d'avis que les conclusions qui émaneront du comité au terme des audiences ont déjà été fixées. Mes collègues me disent que je suis trop cynique et c'est pour ça que j'ai accepté de venir vous entretenir sur la chasse aux phoques commerciale.
Cela fait huit ans que j'observe de très près la chasse aux phoques commerciale au Canada. Je l'ai observée dans la golfe du Saint-Laurent et dans le nord-est de Terre-Neuve, région qu'on appelle le « Front ». Par conséquent, j'estime que j'ai une certaine expérience des questions de cruauté et comme cela fait dix ans que j'étudie le phénomène, je comprends les aspects économiques de la chasse aux phoques commerciale ainsi que les tenants et aboutissants de cette pratique au Canada.
Permettez-moi de vous parler brièvement de certains mythes véhiculés par le comité. Je vais passer très rapidement parce que je n'ai pas beaucoup de temps et vous demanderai d'être patients.
Tout d'abord, les bébés phoques. C'est une question que M. Lavigne a abordée brièvement et je pense que ça vaut la peine d'y revenir. Les rapports sur les prises émanant du gouvernement canadien démontrent clairement que 97 p. 100 des phoques tués au cours des cinq dernières années sont des blanchons de moins de trois mois. D'ailleurs, la majorité d'entre eux avaient moins d'un mois quand ils ont été abattus.
Lorsque ces animaux sont tués — et là, je vous fais part de mon opinion personnelle —, beaucoup d'entre eux ne savent pas encore nager et ne sont pas encore sevrés. Ils sont sans défense et ne peuvent pas échapper aux chasseurs.
On utilise différents termes pour les qualifier, blanchons, phoques juvéniles, autres. Moi, je les appelle des bébés phoques, tout comme je dirais bébés éléphants ou bébés hippopotames, par exemple. Pour moi, comme pour toute personne les ayant vus sur la glace, ce sont des bébés phoques.
J'aimerais maintenant vous parler d'un mensonge éhonté répété par nos autorités gouvernementales à maintes reprises au cours des derniers mois et je dois vous dire que je suis outrée, à titre de Canadienne, que vous vous comportiez ainsi: le fait que les vidéos que nous diffusons en Europe et ailleurs à la télé et sur nos sites Internet datent de 20 ans. J'étais sur les lieux, dans la plupart des cas, lorsque ces vidéos ont été tournées au cours des dernières années. Il n'y a pas un seul groupe qui diffuse des vidéos désuètes. En effet, les prises ont été tournées au cours des dernières campagnes de chasse aux phoques au Canada.
Je vais vous montrer une vidéo aujourd'hui parce que je veux que vous voyiez comment se déroule la chasse aux phoques commerciale. Si je vous disais que nombreux sont ceux dans cette salle qui n'ont pas été témoins de la chasse aux phoques commerciale, je ne pense pas que vous me contrediriez. Moi, ça fait huit ans que j'en suis témoin.
J'ai été outrée d'entendre des membres du comité dire, devant une délégation européenne le mois dernier, que la chasse aux phoques était, plus que tout autre type de chasse, exempte de cruauté. À cause des lois canadiennes et de nos règlements anticonstitutionnels sur les mammifères marins, je n'ai pas pu intervenir quand j'ai vu qu'on poignarde des blanchons conscients avec des gaffes en les traînant sur la banquise. J'ai vu de mes yeux vus qu'on empilait les animaux morts et mourants. J'ai été témoin, impuissante, de la mort d'un blanchon de trois semaines, mort au bout de 90 minutes, asphyxié par son propre sang. Ce sont des choses qui se passent régulièrement dans le cadre de la chasse aux phoques commerciale. On voit les animaux blessés qui souffrent, des phoques qui ont été abattus, certains peuvent même rester dans cet état pendant huit minutes dans l'eau.
Ce sont des choses que j'ai constatées tous les ans. D'ailleurs, j'ai été témoin de certaines choses qu'aucun être humain devrait être obligé de voir, y compris les chasseurs eux-mêmes. J'ai vu moi-même dans quelles conditions travaillent les chasseurs sur les banquises, les chasseurs que vous prétendez défendre. Certains d'entre eux ont la cinquantaine, voire la soixantaine, et doivent traverser la banquise en courant et travailler aussi rapidement que possible dans un climat excessivement rigoureux. C'est un travail déshumanisant et extrêmement dangereux. D'ailleurs, les compagnies d'assurance n'imposent pas une franchise de 250 000 $ aux bateaux des chasseurs qui vont dans la banquise pour le plaisir.
Il suffit de lire les journaux. Chaque année, il y a des bateaux qui sont pris dans la glace. Des chasseurs qui doivent être héliportés. La chasse est dangereuse pour ceux qui y participent.
J'aimerais maintenant vous parler de la relation entre les phoques et les poissons. Il y a un autre mythe qui est véhiculé par le comité: si on ne tue pas les phoques, tous les stocks de poisson vont continuer à décliner et ne pourront jamais se rétablir.
Je me permets de vous signaler que même les chasseurs de phoques des Îles-de-la-Madeleine qui ont témoigné dans cette même salle ont reconnu, lorsque je discutais avec eux dans le couloir, que les phoques étaient nullement responsables de l'effondrement des stocks de morue ou de poisson de fond. Si vous voulez vraiment savoir ce qui a causé cet effondrement, posez la question aux pêcheurs, qui vous le diront. La cause, c'est la mauvaise gestion du gouvernement fédéral.
Je pense que les gens dans cette salle, pour protéger leur carrière politique, font passer la mauvaise gestion des pêches sur le dos des phoques. Ainsi, dans votre rapport vous affirmerez que les phoques ont un impact négatif sur les stocks de poisson même si les recherches effectuées par le ministère des Pêches et des Océans font état du contraire.
Passons maintenant brièvement au traitement qui est réservé aux phoques pendant la chasse. Je vous demanderais de me permettre de vous montrer une vidéo. J'estime que c'est important étant donné qu'on vous a dit à maintes reprises que les images étaient soit désuètes soit trafiquées soit prises hors contexte. J'aimerais vous expliquer certaines choses qu'on constate tous les ans sur la banquise.
Est-ce que vous acceptez que je vous montre la vidéo, monsieur le président?
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Ces images ont été tournées pendant la campagne de chasse aux phoques commerciale au Canada en 2005. Comme vous pouvez le constater, les phoquiers ne prennent pas le temps de s'assurer que les animaux sont bien morts avant de passer au suivant. C'est un comportement qui va à l'encontre des règlements sur les mammifères marins. Ainsi, on ne peut qualifier ce comportement d'abattage conforme aux règlements. Et pourtant nous sommes maintenant en 2006, près d'un an plus tard, et personne n'a été poursuivi en dépit du fait que cela fait près d'un an que le MPO est en possession de ces images. Comme vous pouvez le constater, les animaux sont tués à coup de gourdin en présence d'autres phoques. Souvent, ils sont blessés, souffrent et sont asphyxiés par leur propre sang, et on les laisse à leur triste sort.
Ce phoque-ci a langui pendant 90 minutes avant que le chasseur ne décide de l'achever en lui enfonçant dans le crâne la partie pointue de l'hakapik. Ceux qui parmi vous qui connaissent les méthodes utilisées, savent que ce n'est pas comme ça qu'on est censé se servir de cet instrument.
Ces animaux sont blessés et souffrent puisqu'ils sont toujours conscients et sont abandonnés sur la banquise. Le gouvernement canadien et les phoquiers vous diront que ces images reflètent le comportement de 2 à 3 p. 100 des phoquiers qui ne se conforment pas aux règles. Tout ce que je peux vous répondre, c'est que ça fait huit ans que je filme la chasse aux phoques. Et ces images sont le reflet de tous les bateaux que je filme, de tous les phoquiers que je suis sur la banquise, dans toutes les directions.
La chasse est complètement anarchique. C'est une activité qui est menée à 70 milles des côtes, et jusqu'à 150 milles, dans des conditions climatiques rigoureuses et sur une banquise instable. Les phoquiers se disputent les quotas. Ils abattent un maximum de phoques aussi rapidement que possible. Pensez-y. À Terre-Neuve, plus de 140 000 phoques sont tués normalement en moins de deux jours. Quand on pense à l'envergure de cette chasse et au traitement accordé aux phoques étant donné les conditions de travail...
Ces images qui dérangent, je vous les montre parce qu'elles ne sont pas diffusées par les médias canadiens. Par contre, elles sont diffusées ailleurs dans le monde, ce qui explique que beaucoup de nations aient agi en vue de ne plus importer de produits du phoque. Ces images ont été diffusées par des chaînes de télévision partout dans le monde. Mais ce ne sont pas nos images qui ont été reprises. En effet, les médias étrangers se sont déplacés pour filmer eux-mêmes la chasse aux phoques. Il y a plus de parlementaires européens qui ont été témoins de la chasse que de députés canadiens. C'est une honte pour le Canada.
Les images ne sont pas truquées et ce qu'on y voit se produit tous les ans dans le cadre de la chasse aux phoques commerciale. Les animaux sont victimes de tant de cruauté qu'aucun être humain normalement constitué, qu'aucun Canadien, ne pourrait accepter cette situation s'il pouvait en être témoin. Je vous le dis à titre de Terre-Neuvienne. Je suis convaincue que tous les Terre-Neuviens que je connais dénonceraient la chasse s'ils savaient ce qui se passe véritablement sur la banquise.
En guise de conclusion, je voudrais vous remercier de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je vais vous donner des informations sur les aspects économiques de la chasse aux phoques commerciale. J'espère qu'on pourra en discuter pendant la période des questions.
On pourrait se passer de la chasse aux phoques. En effet, les recettes générées représentent moins de 1 p. 100 du PIB de Terre-Neuve et moins de 3 p. 100 de la pêche commerciale. Les phoquiers terre-neuviens ont gagné, en moyenne, moins de 1 500 $ en 2005. Il serait facile de mettre un terme doucement à la chasse aux phoques et de la remplacer par autre chose. Si on se décidait, et j'espère que vous vous déciderez, ça pourrait se faire rapidement.
Comme vous le savez, la chasse aux phoques nous coûte beaucoup trop cher. En effet, l'impact du boycott des produits de la mer canadiens commence à se faire ressentir sur les exportations de poissons canadiens à destination des États-Unis. Vingt mois se sont écoulés depuis la mise en place du boycott en 2005 et la valeur du crabe des neiges canadien exporté aux États-Unis a chuté de plus de 330 millions de dollars. Nous ne pensons pas que le boycott soit le seul responsable de cette situation, mais il est clair qu'il s'agit d'un facteur déterminant.
La HSUS serait ravie que l'embargo soit levé et voudrait collaborer avec le gouvernement canadien afin de trouver des solutions de rechange viables pour les gens des ports reculés de Terre-Neuve et du reste du pays qui chassent actuellement le phoque à des fins commerciales. Mais pour cela, il faudra que le gouvernement fédéral collabore avec nous pour mettre un terme à l'abattage des phoques au Canada à des fins commerciales.
Merci.
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J'aimerais répondre à la question. Cela fait un moment que vous parlez et j'aimerais bien répondre à votre question.
Vous êtes le député de ma mère. Je suis au courant de vos allégations au sujet des images qui ont été tournées. Je peux vous dire que c'est ma mère qui voit dans quel état je suis quand je rentre de la banquise et que vos allégations ne la mettent pas de bonne humeur.
Nous tournons sans faire de montage. Évidemment, quand les phoquiers se déplacent, il se peut qu'on éteigne la caméra jusqu'à ce qu'on atteigne la zone de chasse suivante, pour alors recommencer à filmer. Les images qu'on donne au ministère des Pêches et des Océans sont brutes, et n'ont donc pas été modifiées, puisqu'il s'agit de preuve légale. On y voit tout: les infractions, les visages et les bateaux des phoquiers.
Au cours des dernières années, j'ai déposé des images qui font état de centaines d'infractions évidentes. Et pourtant, personne n'a pas été encore poursuivie. Cette fois-ci, j'espère ardemment que la situation changera. Je travaille en étroite collaboration avec les autorités du MPO pour que les coupables soient poursuivis. Les individus concernés ont été identifiés, les autorités du ministère semblent aller de l'avant et, par conséquent, j'espère qu'il y aura des poursuites. Mais pour chaque clip comme celui que je vous ai présenté, nous avons des heures, des semaines, voire des mois de chasse sur vidéo que vous pouvez voir dans mon bureau si vous le voulez. Vous êtes le bienvenu, c'est quand vous voulez. Je suis prête à tout vous montrer, nous n'avons rien à cacher.
Pour assister à la chasse aux phoques, nous y allons en hélicoptère et nous atterrissons au milieu de la banquise. Puis, nous nous approchons des phoquiers à l'oeuvre et nous filmons. Nous filmons sans nous cacher, sans montage ni manipulation des images.
Vous avez parlé d'images trafiquées. La seule organisation que je connaisse qui serait coupable de ce genre de chose, c'est la CBC, et c'était en 1964. Évidemment, il ne s'agit pas d'un groupe de défense des animaux mais plutôt d'une chaîne d'information. Aucune association de protection des animaux a participé à la manipulation ou au trafic d'images tournées pendant la chasse aux phoques commerciale. Et nous sommes un groupe de défense des animaux.
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Vous avez soulevé beaucoup de questions, j'aimerais revenir sur certaines. Peut-être qu'il y a eu un problème de traduction, mais si ce n'est pas le cas et que je vous ai entendu dire que le concept de bébé phoque est un mensonge, alors, monsieur, je dirais que vous devez aller sur la banquise pour voir ces animaux. Il y a des bébés phoques là-bas.
Les phoquiers vous diront que ce sont de très jeunes phoques. Ils vous diront que ce sont des blanchons, et même, dans certains cas, ils utiliseront le terme bébés phoques. Pour moi, c'est un choix personnel d'utiliser le mot « bébé ». Notre organisation utilise indifféremment les mots « blanchons », « phoques juvéniles », « très jeunes phoques » et « bébés ». Au sein de l'organisation, et à mon avis, le mot bébé est pertinent. Vous n'êtes pas d'accord, mais cela ne veut pas dire que nous sommes des menteurs, mais plutôt que nous avons des opinions divergentes.
De plus, il est important de préciser que je ne peux pas contrôler les activités des autres groupes de protection des animaux. Brigitte Bardot peut bien choisir de montrer certaines images dans ses publicités. Après tout, elle n'est pas membre de la Humane Society of the United States, ne travaille pas pour moi, et par conséquent je ne peux pas lui interdire d'utiliser certaines images. Brigitte Bardot dirige la Fondation Brigitte Bardot en France, qui choisit ses propres images. La fondation n'a rien à voir avec la Humane Society of the United States.
Pour répondre à votre question maintenant, cela ne m'a pas pris trois ou quatre minutes pour me rendre compte que le phoque en question était toujours en vie. Je m'en suis rendu compte dès l'instant où je l'ai vu ramper en crachant du sang. Il était clair que l'animal était non seulement en vie, mais également conscient. Nous n'avions aucun moyen à notre disposition qui nous aurait permis de l'euthanasier sans cruauté.
Comme j'ai pu le constater au cours des huit dernières années, il est très difficile de tuer un phoque. Il y en a tellement qui sont abandonnés après avoir été assommés. Il faut savoir que les phoquiers sont forts et qu'ils ont comme outils des gourdins lourds, de longs gourdins en bois assortis de bouts métalliques et de manches en bois. Ils frappent les phoques violemment, et pourtant ces animaux reprennent conscience. Ils reviennent à eux et se retrouvent empilés sur la banquise.
Je ne suis ni vétérinaire ni compétente pour euthanasier un phoque. Ainsi, l'expérience m'a brisé le coeur. L'animal souffrait énormément et, comme c'est toujours le cas, il n'y avait pas d'agent de surveillance sur place. Tout ce que je pouvais faire... J'avais un téléphone satellite et j'ai passé un coup de fil aux États-Unis pour tenter de déterminer s'il y avait un biologiste marin ou un collège vétérinaire qui serait prêt à accepter l'animal, si l'animal pouvait même être transporté par hélicoptère sans risque de mort, s'il y avait quelque chose à faire.
Nous venions tout juste d'avoir au bout du fil un représentant du collège vétérinaire de l'Atlantique quand les phoquiers sont revenus. C'est alors qu'ils ont transpercé le crâne du phoque d'une pointe pour ensuite se mettre à dépecer l'animal alors qu'il faisait toujours aller ses nageoires supérieures et ressentait clairement la douleur qui lui était infligée.
Ce n'est pas une expérience facile. S'il s'agissait d'un incident isolé, ce ne serait pas aussi grave, mais ce n'est pas le cas. En effet, lorsque je me suis approchée d'une autre pile de phoques, je me suis rendu compte qu'il y en avait deux qui étaient conscients. L'année précédente, sur la banquise, j'ai filmé un phoque dans cette situation pendant 60 minutes, et je peux vous dire que c'était difficile. Même pour un phoquier, ce serait difficile, tout comme pour vous. Après tout, vous êtes un être humain, vous avez sans doute un chat ou un chien à la maison, et vous vous souciez du bien-être des animaux.
Le problème, c'est que c'est un phénomène qui se produit chaque année sur la banquise, phénomène auquel on ne peut mettre un terme en raison de l'environnement physique de la chasse et de la rapidité des gestes des phoquiers. C'est pour cette raison qu'il faut arrêter définitivement la chasse.
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Merci, monsieur le président et merci à nos deux témoins d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui.
Tout d'abord, je comprends tout à fait l'objectif principal du Fonds international pour la protection des animaux, pas seulement en ce qui a trait à la chasse aux phoques mais également à la protection des animaux en général: protéger les espèces animales dans leur environnement et protéger, par effet de conséquence, l'espèce humaine. Ainsi, on devrait vous féliciter pour vos nombreuses bonnes oeuvres, comme notamment le passage de l'île de Sable.
Par contre, je ne partage pas votre opinion sur la chasse aux phoques. Rebecca, vous avez raison. Si les images ont été données au MPO et que les autorités du ministère ont refusé d'agir et d'intenter des poursuites, il faudrait qu'il y ait des poursuites appropriées. Le fait est, comme vous l'avez mentionné, que le comité a accepté unanimement la chasse aux phoques commerciale après avoir étudié les informations qui nous ont été données et passé de nombreuses années à observer la situation. J'ai moi-même, comme beaucoup d'autres, observé la chasse aux phoques même si je n'ai pas été témoin de certaines des choses qu'on a vues dans vos images... J'en ai vues d'autres et j'ai une certaine expérience à cet égard.
Par contre, au nom de mon parti, je discute avec les scientifiques du MPO à l'échelle du pays. Monsieur Lavigne, ce que vous dites et ce qu'eux disent sont deux choses différentes. D'un point de vue scientifique, votre témoignage devant le comité de 1999 est le même que celui d'aujourd'hui, et nous sommes en 2006. En fait, vous avez répété ce que vous aviez déjà dit précédemment. Mais les scientifiques du MPO ont une opinion qui est très différente de la vôtre et quand je dis scientifiques, il ne s'agit pas d'un seul scientifique mais de plusieurs.
Je m'interroge sur la question. On s'entête à dire que si vous posez une question à 100 avocats vous obtiendriez 100 avis juridiques et que si vous interrogez 100 économistes vous vous retrouverez avec 100 points de vue différents. Mais dans la collectivité scientifique, pas uniquement au MPO mais également au sein de diverses universités en Nouvelle-Écosse et ailleurs, on interprète la situation différemment, notamment qu'on peut maintenir un rendement équilibré en permettant la prise de 250 000 animaux ou même 330 000, je crois, c'est-à-dire le TAC actuel. Bien sûr, si nous assistons à des changements climatiques ou autres facteurs graves, il y aura d'autres circonstances atténuantes qui auront un effet non seulement sur les phoques, mais également sur les autres espèces.
Le MPO se base-t-il sur des données scientifiques erronées ou les scientifiques du ministère nous transmettent-ils des informations qui ne sont pas factuelles?
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Ni l'un ni l'autre. D'ailleurs, lorsqu'on vous donnera les notes de bas de page de mon exposé, vous constaterez que je fais référence à des documents publiés par les scientifiques du MPO.
En fait, la controverse scientifique ne porte pas tellement sur la situation actuelle mais plutôt sur les valeurs. Si le MPO estime que pour avoir un rendement équilibré il faut qu'il y ait un maximum de prises de 250 000 animaux et si le TAC est plus élevé, on ne peut que conclure, et je pense que l'ensemble des scientifiques canadiens seraient d'accord là-dessus, que si les modèles sont exacts, la population chutera. Ça, c'est pour le rendement équilibré.
Seul l'exemple que vous avez donné sur le rendement équilibré suscite des divergences d'opinions scientifiques. Quand on utilise ce terme, bien évidemment, il faut le définir. Ainsi, ce que j'ai dit, et j'ai bien fait attention aux termes utilisés, c'est que le TAC actuel était supérieur au chiffre associé au rendement équilibré, et que la population de phoques devrait diminuer. Je ne pense pas que vous puissiez trouver un scientifique qui me contredise.
Dans 15 ans, c'est bien le nombre d'années que j'ai cité, il y aura toujours des phoques. Donc, si vous voulez définir un rendement équilibré de façon différente, vous pourriez parler d'équilibre en ce sens que la population n'aura pas complètement disparu.
Les scientifiques aiment bien utiliser des termes techniques, c'est bien connu, mais moi, j'ai vraiment fait un gros effort pour vous donner des exemples dans mon exposé qui démontrent que les scientifiques du gouvernement canadien disent exactement la même chose que moi.
Vous avez dit que mon discours d'aujourd'hui n'était pas tellement différent de celui de 1999. J'ai trouvé cela intéressant. Qualitativement parlant, la science a évolué depuis 1999 mais la gestion de la chasse par le gouvernement canadien n'a pas su suivre les nouveaux développements qu'a connus le secteur de la conservation biologique. Le gouvernement n'a pas agi assez prudemment.
Sachez que moi aussi je discute avec les scientifiques du gouvernement du Canada et que c'est vrai que nous ne sommes pas toujours d'accord mais ces divergences d'opinions portent sur des détails. Quand on a suggéré pour la première fois en 2000 que le gouvernement canadien adopte une approche prudente dans notre rapport sur la conservation biologique, on a constaté qu'un ou deux ans plus tard le gouvernement canadien ou les scientifiques du MPO proposaient quelque chose qu'ils qualifiaient de prudent. Maintenant, la mésentente porte sur la définition de « prudent ».
Il n'y a donc pas de véritables conflits. Je serais ravi de revenir avec mes collègues du MPO et d'ailleurs je pense que vous seriez surpris de constater à quel point nous partageons la même opinion.
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Non, pour nous cela ne suffirait pas.
D'après ce que j'ai pu observer et d'après les études conduites par le ministère, dans le cas de la chasse commerciale aux phoques, les chasseurs tirent sur les phoques depuis des bateaux en mouvement, ils tirent sur des animaux qui bougent sur des glaces elles-mêmes en mouvement. Il est très difficile dans ce genre de circonstances de tuer un phoque d'une seule balle, d'autant que la chasse se pratique souvent dans des conditions météorologiques dures et sur une mer très houleuse.
J'assistais il y a peu de temps encore à une conférence organisée par la North Atlantic Marine Mammal Commission au Danemark. On y faisait remarquer que le nombre de bêtes touchées mais non récupérées dépendait beaucoup des facteurs environnementaux. La chasse se pratique loin au large, en pleine mer, sur les glaces flottantes. Ainsi, lorsque les chasseurs tirent sur un animal, il est rare qu'ils parviennent à le tuer d'une seule balle. Ce que j'ai pu constater sur le front, là où, d'après le gouvernement canadien, 90 p. 100 des phoques sont abattus, c'est que les chasseurs immobilisent l'animal en lui tirant une balle, pour ensuite amener leur embarcation à la limite de la plaque de glace sur laquelle ils sautent pour l'abattre enfin d'un coup de gourdin. Ensuite, ils le crochettent et le chargent sur le bateau.
C'est une façon très peu précise de tuer un animal. Le gouvernement canadien reconnaît que 5 p. 100 des jeunes phoques qui sont abattus au fusil sur une glace flottante ou à proximité sont touchés et ne sont pas récupérés, ce qui veut dire qu'ils sont blessés et qu'ils parviennent à s'échapper. Ils meurent donc de mort lente. Si on fait le calcul, cela veut dire que 5 p. 100, plus les 50 p. 100 de phoques adultes qui, d'après les chiffres du gouvernement canadien, sont touchés mais non récupérés, représentent en moyenne 26 000 phoques par an. C'est un nombre considérable d'animaux qui connaissent ainsi une mort lente et douloureuse. Par conséquent non, nous ne pensons pas que la chasse à l'arme à feu soit une bonne façon de tuer ces animaux.
Une dernière chose, toujours à ce sujet: les acheteurs baissent leur prix pour chaque trou de balle qui a endommagé la peau, ce qui fait que les chasseurs n'ont pas intérêt à tirer plus d'une seule balle. Ainsi, lorsqu'un phoque est immobilisé par un coup de feu, on ne lui tirera pas une deuxième fois parce que l'acheteur réduira encore davantage son prix. C'est pour cette raison que le chasseur va plutôt attendre et aller achever l'animal à coup de gourdin. C'est cela la réalité de la chasse commerciale aux phoques. C'est à cause de l'environnement naturel dans lequel elle s'effectue que la chasse au fusil et au gourdin est dans les deux cas une chasse intrinsèquement cruelle.
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Le plus important programme de la Humane Society of the United States concerne précisément les élevages industriels. Je voulais le dire clairement.
Par contre, je pourrais vous dire trois choses en réponse à votre intervention.
Pour commencer, nous sommes bien évidemment en faveur de tout ce qui peut être fait pour rendre cette chasse moins cruelle mais nous croyons aussi, comme Mme Mary Richardson, une vétérinaire canadienne spécialiste des méthodes d'abattage sans cruauté, que cette chasse demeure intrinsèquement une chasse cruelle, et elle le restera toujours d'après les normes canadiennes d'abattage sans cruauté en raison de l'endroit où elle se pratique et de la rapidité avec laquelle elle doit se pratiquer. Par conséquent oui, nous sommes en faveur de tout ce qui peut être fait pour rendre cette chasse moins cruelle, mais nous ne croyons pas qu'on puisse faire quoi que ce soit pour la rendre moins cruelle d'une façon acceptable.
Il ne s'agit pas d'un laboratoire, pas plus que d'un abattoir. Cette chasse se pratique au large, sur des glaces flottantes instables et dans des conditions météorologiques extrêmes. J'imagine que je pourrais vous parler de ce que nous faisons pour rendre cette chasse moins cruelle. Si, année après année, nous faisons parvenir cet enregistrement à Pêches et Océans Canada, c'est pour une bonne raison. C'est parce que nous voulons que le ministère s'en prenne aux pires des coupables. Malheureusement, d'après ce que j'ai pu constater, Pêches et Océans Canada n'a pas été à la hauteur. C'est la raison pour laquelle, ayant moi-même soumis plus de 700 cas de ce genre, des cas aussi choquants que celui-là, des cas aussi bouleversants que celui-là, nous n'avons pas encore vu une seule accusation portée par Pêches et Océans Canada. Par conséquent, oui je suis favorable à l'idée de rendre de toutes les façons possibles cette chasse moins cruelle mais non, je ne pense pas que cela soit possible.
Je soutiens également que ce n'est pas une chasse de subsistance. Cette chasse est pratiquée pour confectionner des manteaux de fourrure. Le gouvernement canadien lui-même — Ken Jones — a admis que cette chasse servait principalement à l'industrie de la fourrure. Les carcasses des animaux sont abandonnées sur les glaces flottantes. La graisse est un sous-produit de l'industrie de la fourrure. Mais la chasse est pratiquée pour les peaux, des peaux qui sont utilisées par l'industrie de la mode.
Pour commencer, madame Aldworth, j'aimerais dire aux fins du compte-rendu que vous êtes arrivée ici avec les pistolets dégainés, vous avez attaqué l'intégrité des membres de ce comité, fait allusion aux mythes qui ont été perpétués selon vous par ce comité, et à ses préjugés. Depuis le début, votre approche a été très accusatoire.
Au nom de mes collègues autour de cette table, je dois vous dire que je trouve que vos propos sont très offensants. Je suis content que M. Matthews en ait parlé, parce que vous êtes en train d'attaquer l'intégrité de tous les députés autour de la table et je crois que c'est répréhensible et inutile.
Je ne viens pas de Terre-Neuve. Je viens de l'Île de Vancouver. Je m'intéresse aussi aux questions reliées à la biologie. Mon baccalauréat a été aussi en zoologie. J'ai écouté très attentivement l'exposé des vétérinaires qui sont venus témoigner sur l'abattage des phoques, notamment avec le hakapik, et sur les preuves résultant de leurs études, leurs dissections, et leurs analyses des cerveaux des phoques qui ont été tués. Ils en avaient conclu qu'en fait le hakapik est un outil très efficace et non cruel.
Peut-être vous seriez plus satisfaite si on pouvait plutôt rassembler ces animaux... Peut-être ne le seriez-vous pas, mais vous disiez que ce serait plus acceptable si ces animaux étaient abattus dans un abattoir, dans un édifice clos, comme on fait pour le bétail, les moutons et les agneaux destinés à la consommation humaine. Je doute que votre groupe soit favorable à cela non plus.
Aux fins du compte-rendu, je trouve que votre façon d'attaquer l'intégrité des députés autour de cette table ne facilite certes pas les choses et est répréhensible.
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...ni les calculs. C'est bien dit.
Je voudrais quand même dire deux choses. Madame Aldworth, vous avez fait deux affirmations que je tiens à contester formellement.
Je viens d'une famille de pêcheurs, mes amis sont pêcheurs, je vis dans un village de pêcheurs et ma circonscription est au bord de la mer. Pas une seule fois — et je suis prêt à le jurer sur la tête de mes enfants — je n'ai entendu un pêcheur dire qu'à son avis, les phoques n'avaient pas d'incidence sur les stocks de poissons. Tous les pêcheurs sont convaincus qu'ils en ont une. Ils connaissent tous les autres éléments, que ce soit la surpêche ou toute la liste des autres facteurs du déclin, mais ils sont convaincus que les phoques en sont un élément majeur.
Vous avez dit également que la chasse au phoque n'était pas une chasse alimentaire. En fait, si. Je connais bien la situation économique de la collectivité que je représente. Il est facile de dire que 1 500 $, ce n'est pas grand-chose. Mais je connais, dans ma circonscription, des familles qui pourraient nourrir tous leurs membres pendant deux mois avec 1 500 $. Ce n'est pas rien.
Vous avez dit qu'il y a dans la pêche trois éléments qui vous préoccupent: l'endroit où elle se pratique, la façon dont elle se pratique et sa durée.
Pour ce qui est des lieux de pêche, ce n'est pas nous qui choisissons. On pourrait inviter les phoques sur le stationnement du Mile One Centre, mais je ne sais pas s'ils vont répondre en grand nombre à l'invitation. Je plaisante. Il faut évidemment aller là où se trouvent les phoques.
Quant à la façon dont cette chasse se pratique, c'est bien de cela qu'il est ici question, car nous voulons retenir les meilleurs pratiques et envisager toutes les possibilités.
Quant à la durée de la chasse, il y a déjà eu un échange à ce sujet.
Allons directement au coeur du problème. À votre avis, peut-on envisager une chasse au phoque sans cruauté?
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Merci, monsieur le président.
Je représente un comté de la Côte-Nord du Saint-Laurent. Une grande partie de mon comté se situe entre Kegaska et Blanc-Sablon et se rend jusqu'aux limites du Labrador. Des villages vivent exclusivement de la seule industrie qui existe là, celle de la pêche. Ce sont des villages dont les familles se sont installées le long de la côte pour ne faire que de la pêche.
On dit que le phoque est un mammifère marin qui vit dans les eaux marines et qu'il s'alimente à partir des fonds marins. On ne peut que déduire qu'il est l'un des plus grands prédateurs de la morue ou de tout autre poisson de fond. Ces mêmes pêcheurs font présentement face à un moratoire sur la morue. Ils ne peuvent pas pêcher la morue parce que ce moratoire favorise la régénération de la morue.
Ces pêcheurs subissent également des baisses de quotas à cause des fonds marins. Certaines espèces sont effectivement en voie de disparition. Or, la population de loups marins augmente considérablement, alors que le pêcheur est restreint dans l'exécution de sa profession qui est la pêche et devant l'augmentation du nombre de phoques qui s'alimentent à partir des produits marins. Cela crée une certaine frustration, vous en conviendrez avec moi.
Certains pêcheurs veulent même un permis pour la chasse sportive du phoque, pour leur propre consommation.
Il est donc normal qu'à partir du moment où ces villages ne vivent que de l'industrie de la pêche — la seule industrie de la Basse-Côte-Nord —, ils nous demandent de réglementer, d'augmenter le nombre de permis de chasse au phoque afin de protéger le poisson de fond.
Je voyais tout à l'heure votre vidéocassette nous montrant la cruauté faite aux animaux. Pour les personnes sensibles à l'élimination d'un animal, vous allez présenter plusieurs situations. Sur un tableau, vous allez mettre la chasse aux phoques; sur une image, on voit du sang rouge sur la glace blanche. À côté, vous allez présenter un porc qui se vide de son sang et qui se lamente pendant 15 ou 20 minutes, tant que tout son sang ne s'est pas vidé. Vous allez aussi mettre un poulet qui a la tête coupée, qui est passé par la cuve d'eau bouillante, qui est monté sur les transporteurs à courroie, qui n'a plus de plumes mais qui bouge encore. Vous allez aussi montrer un mouton qui passe à l'abattoir, avec les larmes aux yeux, et qui se laisse faire parce que le mouton n'est pas un animal qui se défend. Un enfant ou une personne qui est sensible à ce genre de situation sera sensible à toute exécution d'animal.
Vous montrez ce qu'est la chasse aux phoques, mais je tenais à vous montrer aussi ce qui se passe quand on tue un porc, un poulet ou un mouton. Soyez assurés que les gens sont aussi sensibles à ces situations.
L'autre question est la chasse autochtone. Je pense que plusieurs rectifications ont été déjà faites aujourd'hui. Je ne prétends pas parfaitement connaître toutes les collectivités autochtones du Nord canadien, mais j'en ai visitées plusieurs. Il faut dire la vérité au sujet du moment où le moratoire sur les fourrures a été imposé et où le Canada a interdit presque totalement l'utilisation des pièges à mâchoires au Canada. À partir de là, le taux de suicide chez les Autochtones des premières nations a augmenté de 250 p. 100 et le nombre de cas d'alcoolisme a également augmenté considérablement. Les Autochtones ne savaient plus où ils en étaient, ils n'avaient plus confiance en eux. Quiconque a été en contact avec la culture autochtone le comprend facilement. C'est terrible ce qui s'est passé. Lorsqu'on interdit la vente des fourrures, on ne l'interdit pas seulement aux non-Autochtones, on l'interdit à tout le monde. C'est tout un marché qui disparaît.
Il y a quelque chose qui m'inquiète vraiment. Vous avez parlé de la chasse à la baleine. Pour les premières nations, la chasse à la baleine est quelque chose de très important. C'est une chasse très pratiquée, probablement celle qui est la plus pratiquée dans le monde entier. Est-ce que le narval, le dauphin et le béluga sont les prochains sur la liste? Et qu'arrivera-t-il alors?
Je ne pense pas qu'on puisse d'une part appuyer cette collectivité autochtone en disant que nous allons faire tout pour protéger cette composante intéressante de la société canadienne alors que, soyons francs — et c'est quelque chose qui doit être dit — je pense que ces espèces seront les prochaines sur la liste. Lorsque ce sera plus commode, lorsqu'ils n'auront personne pour les défendre qu'ils se retrouveront tous seuls... Pour des gens qui n'ont aucun lien avec les modes de vie qu'on connaît dans le Sud, pour ces gens qui habitent dans les collectivités septentrionales, la vie est extrêmement difficile. Il y a toutes sortes de gens qui ont des liens avec le Sud, qui vont régulièrement dans le Sud et qui y vivent, mais ils n'ont pas à trouver comment subsister dans cet environnement.
Je dirais qu'il y a ici certaines recommandations que nous allons suivre: allonger la durée de la chasse et faire en sorte qu'il y ait davantage d'observateurs sur le terrain. Par contre, il y en a d'autres pour lesquels il faudrait selon moi rétablir la vérité, surtout, en ce qui concerne les premières nations.
Je vous prie encore une fois de m'excuser si j'ai pris beaucoup de temps pour faire ces observations.
Je remercie nos deux témoins d'être venus aujourd'hui.
La dernière chose sur laquelle je voudrais vous interroger dans le droit fil... Il y a quelque chose que vous avez dit. C'est important. Vous avez dit que vous n'étiez pas financés par les mouvements opposés à la chasse au phoque, et que cela ne représentait qu'une toute petite fraction...