Bonjour. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion d’adresser la parole au comité aujourd’hui. Je m’appelle Melissa Blake et je suis la mairesse de la Municipalité régionale de Wood Buffalo, plutôt inconnue de la plupart des gens. Je suis aussi la mairesse de Fort McMurray, que les gens connaissent un peu plus. Nous représentons 80 000 résidents de cette région, et en leur nom, j’ai le plaisir de vous présenter certaines des expériences que nous avons vécues.
Je vais débuter ma présentation en vous disant que nous avons fait un long chemin depuis que les premiers explorateurs européens qui sont arrivés dans la région ont remarqué que les Autochtones y utilisaient une substance ressemblant au goudron pour imperméabiliser leurs canots. Depuis la population autochtone qui habitait Wood Buffalo pendant des éons, aux marchands de fourrure qui voguaient sur nos voies navigables vierges il y a 300 ans… nous sommes aujourd’hui la terre d’accueil de grandes entreprises d’énergie. C’est en effet une transformation remarquable. Et c’est une histoire captivante, mais je vous la raconterai un autre jour.
Je suis ici aujourd’hui pour aborder la question clé qui concerne votre comité: Le développement des sables bitumineux d’Athabasca est-il durable? Ma perspective actuelle est constituée de l’expérience de Wood Buffalo en tant que substrat municipal sur lequel le développement des sables bitumineux est basé. Cette base comprend une analyse stratégique des trois piliers de la durabilité du développement des sables bitumineux, soit les piliers économique, environnemental et social.
J’irai droit au but et je vous annonce que nous apprenons le fait que dans les limites de Wood Buffalo se situe la sécurité énergétique du Canada et de l’Amérique du Nord. Les réserves des sables bitumineux de l’Alberta sont estimées à 177 milliards de barils, derrière l’Arabie saoudite seulement. Mais nos réserves connues ultimes récupérables avec la technologie actuelle s’élèvent à 311 milliards de barils, de loin la plus importante source du monde. Et si nous extrapolons les réserves totales de l’Alberta, y compris les sables bitumineux dont la récupération nécessitera une nouvelle technologie, le chiffre s’élèvera à 1,7 milliard de barils.
La Municipalité régionale de Wood Buffalo, travaillant en collaboration avec le Regional Issues Working Group, a publié une analyse de rentabilisation en 2002, puis une autre en 2005. Au cours de ce bref exposé sur l’impact économique, je vous référerai à ces données tirées, ou mises à jour, de ce travail en particulier. Afin de commencer à récupérer un faible pourcentage du pétrole contenu dans ces réserves, l’investissement en capital dans la région a dépassé les 37 milliards de dollars entre 1996 et 2005. Entre 2006 et 2011, une période de cinq ans seulement, l’industrie prévoit investir un montant conservateur de 56,6 milliards de dollars additionnels. Cela amène le total de 15 ans à près de 100 milliards de dollars.
Le développement, bien sûr, a des retombées considérables. Il créera 240 000 nouveaux emplois partout au Canada d’ici 2008, et même si nous estimons que 60 p. 100 de ces emplois, soit 144 000, se trouveront en Alberta, cela signifie que presque 100 000 emplois additionnels s’éparpilleront partout au Canada grâce à l’exploitation des sables bitumineux. Et nous nous attendons à ce que ces chiffres demeurent à la hausse dans l’avenir. Pour mieux comprendre la situation, nous produisons présentement environ un million de barils de pétrole brut par jour. Ce montant additionnel de 56 milliards de dollars porterait notre production à deux millions de barils par jour, et les prédictions ou la vision pour l’Alberta semblent être de trois millions et cinq millions respectivement en 2020 et 2030.
D’après l’analyse de rentabilisation de 2005, les revenus perçus par le gouvernement fédéral, en utilisant seulement le scénario du 30 $ le baril de pétrole, s’élèvent à environ 69 milliards de dollars sur 20 ans, et ces chiffres sont assurément prudents si l’on tient compte des prix mondiaux plus élevés exigés pour le pétrole, qui sont inclus dans l’analyse de rentabilisation de 2005. Les défis engendrés par cet investissement, l’accélération du développement et la génération de revenus ont chargé notre municipalité au-delà de ses capacités. Une population croissante en flèche pendant six années, à un taux annuel au-dessus de 8 p. 100, dépasse de beaucoup la croissance de toute autre grande municipalité au Canada.
Ce que cela signifie dans la pratique pour les citoyens de notre région, c’est que nous dépensons 160 millions de dollars pour une nouvelle installation de traitement des eaux usées dont nous devrons augmenter la puissance à nouveau dès qu’elle sera terminée, et que nous dépassons présentement notre capacité de production. Nous disposons de 40 millions de dollars pour l’expansion de la station de traitement d’eau, qui atteindra sa capacité maximale l’an prochain; d’un montant de 107 millions de dollars pour le réaménagement du centre récréatif à MacDonald Island; de 24 millions de dollars pour un nouveau site de décharges; et de 51 millions de dollars pour de nouvelles installations pour la GRC, et ce budget, en fait, était au départ de 30 millions de dollars pour deux installations, et non pas seulement une.
Nous subissons des augmentations des coûts importantes pour la plupart des projets entrepris à ce jour. Les prix de nos loyers sont les plus élevés du Canada, et nos logements sont les plus coûteux en Alberta. Il en coûte présentement 483 000 $ pour une maison unifamiliale de catégorie moyenne dans notre région. Nous subissons aussi des congestions routières problématiques, nous avons vraiment besoin d’accroître nos activités du point de vue des capacités et des itinéraires, et cela signifie que nous souffrons également d’une gamme d’autres difficultés croissantes.
Ainsi, lorsqu’on pense à la durabilité économique, d’après le rythme actuel du développement des sables bitumineux, la capacité de Wood Buffalo à répondre aux besoins de base en infrastructure de Fort Murray est étirée au-delà de ses limites. Sans aide supplémentaire, cette simple réalité met en péril la durabilité de l’exploitation des sables bitumineux.
Le deuxième pilier du développement des sables bitumineux se concentre sur les réalités et les stress environnementaux. Notre sensibilisation à l’environnement, avec l’accélération de l’exploitation des sables bitumineux, est enracinée dans les préoccupations croissantes du pays face aux gaz à effet de serre qui sont la source de changements climatique et à la pureté de l’air et de l’eau. À ce propos, la Municipalité régionale de Wood Buffalo appuie la soumission de la Fédération canadienne des municipalités au ministre de l’Environnement, traitant des initiatives de planification et de conception relativement à la pureté de l’air et aux changements climatiques.
Nous savons que les climats du Grand Nord, comme le nôtre, sont particulièrement vulnérables à la dégradation rapide provoquée par les changements climatiques et la pollution. C’est pour cette raison que Wood Buffalo a décidé de jouer un rôle actif en tant que responsable en matière de gérance environnementale dans la région. Nous savons que la province de l’Alberta a des compétences principales quant aux normes et pratiques environnementales. Nous savons aussi que le gouvernement fédéral a des compétences considérables relativement aux voies navigables et aux changements climatiques dans notre région.
Notre partie de l’équation nous pousse à investir fortement dans l’amélioration de la qualité de l’eau distribuée aux collectivités et à la population. Nous adoptons avec enthousiasme les normes LEED Canada dans nos établissements. Notre prochaine colonie d’habitations, appelée Saline Creek, établira de nouvelles normes en matière de durabilité, intégrant des mesures de conceptions innovatrices à l’emploi des énergies de remplacement.
Nous nous engageons à adopter toutes les mesures et tous les efforts conçus pour garder les bassins atmosphériques du nord-est de l’Alberta aussi purs que possible. À ce propos, nous appuyons les efforts des gardiens de l’environnement, et nous savons que nous devons faire plus en matière d’augmentation du niveau de notre vigilance dans le domaine de la protection de l’environnement.
Ceci nous amène au troisième pilier de la durabilité du développement des sables bitumineux qui, avec le pilier économique, pose des défis à notre municipalité qui l’étirent au-delà de ses capacités actuelles. Ce pilier est carrément fondé sur les impacts sociaux accumulés résultant du nombre d’années affichant une hausse soutenue dans l’exploitation des sables bitumineux.
Nous sommes, à l’heure actuelle, pris dans un combat perdu d’avance en essayant d’aborder les effets cumulatifs de cette croissance en flèche du développement des ressources en sables bitumineux, mené par une demande mondiale en pleine accélération.
Voici ce que cela signifie pour nos 80 000 citoyens et résidents. Une population croissante en flèche pendant six années, à un taux annuel au-dessus de 8 p. 100, dépasse de beaucoup la croissance de toute autre grande municipalité du Canada. En fait, ce taux est plus que le triple de la croissance de la population à l’échelle nationale. Il est plus que le double de celui de la deuxième municipalité connaissant une croissance en Alberta. Si le taux de croissance se maintient encore pendant six ans, ce qui pourrait même être une estimation prudente, cela signifierait que la population de Fort McMurray pourrait presque doubler encore une fois d’ici 2012.
Les stress sociaux que cela crée sont répandus. Notre déficit en termes de logements s’accentue avec chaque projet d’exploitation de sables bitumineux additionnels approuvés qui attire plus de main-d’œuvre dans notre région. L’offre est limitée par le calendrier provincial de libération des terres domaniales qui entourent Fort McMurray et par la disponibilité de la main-d’œuvre en construction. Une demande pour des logements dans toutes les catégories, du logement à prix abordable à celui du prix courant, ne cesse d’augmenter. Les prix sont les plus élevés en Alberta, et probablement au Canada. Les nouveaux lotissements de logements couvriront rapidement les terrains qui pourraient être desservis à un coût raisonnable, en se dirigeant vers les zones où les coûts des services monteront en flèche en raison de la topographie et des régions marécageuses.
Nous ajoutons de façon constante des ressources à la GRC afin d’assurer la sécurité publique. Notre système de soins de santé requiert une augmentation de 100 p. 100 du nombre de médecins sur place, une nouvelle formule de financement, une nouvelle installation de soins continus et plus de 150 membres additionnels du personnel. Nous avons besoin de plus d’écoles, plus d’enseignants et plus de ressources éducationnelles. Et nos programmes, services et installations sociaux ne répondent pas aux besoins actuels en services de garde, de toxicomanie, de violence familiale et de sans-abrisme. Quand vous vous arrêtez un moment pour contempler cette image, je crois que vous vous rendez compte qu’en effet, notre verre déborde.
Afin de subvenir à ses besoins actuels, Wood Buffalo a dû augmenter sa limite de dette à deux fois la valeur de son revenu total, avec l’approbation de la province, alors que d’autres municipalités l’ont augmentée à une fois et demie. Étant alors dans une province qui se vante d’être sans dette, le niveau de notre dette dépasse le seuil de tolérance établi par le conseil régional et il est maintenant le plus élevé de la province, soit trois fois plus élevé que celui d’Edmonton et de Calgary. Le conseil n’est pas d’avis que nous faisons preuve de gestion financière prudente, mais nos besoins nous obligent à agir de la sorte en tenant compte des circonstances.
En tant qu’intendants responsables de notre mandat municipal, le conseil a entrepris un nombre de mesures — nécessaires, typiques et même créatives et inhabituelles — afin d’aborder nos défis et nos lacunes communautaires uniques.
Je conclurai aujourd’hui en précisant les façons dont le comité des ressources naturelles et le gouvernement fédéral peuvent faire une différence en appuyant les efforts de notre municipalité visant à assurer la durabilité d’un engin économique majeur pour le pays entier.
Premièrement, la Municipalité régionale de Wood Buffalo a besoin d’un nouveau cadre de travail officiel et reconnu auprès du gouvernement fédéral. Wood Buffalo demande donc une convention tripartite avec les gouvernements provincial et fédéral en matière de développement régional afin de prévoir et partager les investissements nécessaires à la croissance future, y compris l’infrastructure et les services, à Wood Buffalo.
Deuxièmement, la municipalité a besoin de 1,9 milliard de dollars à investir dans l’infrastructure afin de répondre aux besoins en capital pour les services de base communautaires au cours des cinq prochaines années. Après cette période, un fond de soutien pour l’infrastructure sera requis. Nous demandons donc l’établissement immédiat de mécanismes de financement spéciaux de la part des gouvernements fédéral et provincial en vue d’amener l’infrastructure et les services actuels au niveau des autres municipalités de l’Alberta. Ceci comprendra la reconnaissance des caractéristiques uniques de la région, de son importance stratégique pour ce qui est de la force économique générale du pays et du continent. De plus, nous demandons que le gouvernement fédéral crée un fonds d’infrastructure à long terme pour subvenir aux besoins de cette région en pleine croissance.
Troisièmement, la municipalité est très consciente de la nécessité de prévoir et de surveiller de façon précise les répercussions socio-économiques cumulatives provoquées par le rythme élevé de l’exploitation des sables bitumineux. C’est un élément qui souffre actuellement d’un vide considérable en matière de prévisibilité, d’engagement et de ressources communs. Nous demandons donc la collaboration du gouvernement fédéral dans la création et le maintien d’un système qui sert à analyser et à surveiller les répercussions socio-économiques provoquées par l’exploitation des sables bitumineux, y compris la vérification des prévisions et de l’appui que l’on communiquera au public de façon régulière.
Finalement, du moins pour aujourd’hui, la municipalité réclame des rapports beaucoup plus étroits avec le gouvernement, au niveau des représentants élus ainsi qu’avec la fonction publique. Nous demandons donc l’appui et l’engagement continus de la part du gouvernement fédéral dans le cadre d’un programme de relations bilatérales intergouvernementales basées sur les intérêts communs, les résultats et les occasions, provenant de l’exploitation et des opérations des sables bitumineux.
Voilà qui conclut ma présentation faite à votre comité aujourd’hui. Je vous remercie de nouveau de m’avoir donné cette occasion. Vos questions et votre appui sont les bienvenus.
Merci.
:
Merci, président Richardson, membres du comité. Je suis heureux de soumettre cette présentation au comité au nom de la Chambre de commerce de Fort McMurray.
D’abord et avant tous, nous reconnaissons ne pas avoir de compétence environnementale ou sociale particulière, de sorte que nous cédons volontiers la parole à d’autres intervenants pour faire valoir leurs vues dans ces domaines.
Pour commencer, j’aimerais partager avec les membres du comité ce qui devrait être une évidence. Notre mandat est d’appuyer le développement économique au sein de notre collectivité. À cet effet, nous avons adopté un énoncé de position l’été dernier, que l’on retrouve à la page 2 de notre présentation officielle. En résumé, cet énoncé indique que la Chambre de commerce de Fort McMurray croit à un développement économique responsable et durable rendu possible par la coopération avec tout l’ensemble des intervenants locaux. Nous voulons être clairs. Nous ne contestons pas que l’exploitation des sables bitumineux pose des défis qu’on ne saura relever qu’avec des approches aussi audacieuses que novatrices. La Chambre est convaincue que Wood Buffalo peut être un modèle d’intégration des économies de l’exploitation industrielle et du savoir, dans l’intérêt de l’Alberta et même de tout le Canada. Nous espérons que tous les paliers du gouvernement recevront de la Chambre de commerce des contributions axées sur la découverte de solutions pratiques aux défis qu’ils doivent relever. À ce titre, permettez-moi d’ajouter que nous estimons que le gouvernement fédéral a un rôle particulièrement important à jouer.
Le gouvernement fédéral peut faire bien davantage que rajuster ses politiques fiscales et environnementales, même si ce sont assurément des mesures qu’il a la compétence de prendre pour résoudre certains des problèmes qui se posent à Wood Buffalo et ce, dans l’intérêt de tous les Canadiens. Il n’en reste pas moins que les questions auxquelles Wood Buffalo va devoir faire face sont à la fois très nombreuses et extrêmement complexes, et que cela exige une volonté politique plus concertée à tous les paliers de gouvernement.
Nous encourageons votre comité à se rappeler sa rencontre avec Pierre Alvarez, le président de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, quand ce dernier a dit:
Les marchés envoient des messages, et les entreprises y réagissent de toute évidence en réduisant leurs coûts et en accroissant leur efficience. Ce n’est pas aux gouvernements de décider ce qui doit aller de l’avant.
Les gros joueurs dans l’exploitation des sables bitumineux ont déjà rajusté leurs échéanciers en fonction des conditions du marché.
Enfin, en toute déférence, nous pressons votre comité à résister à la tentation de laisser ces recommandations entraîner des querelles de compétence, et causant un embâcle cognitif et procédural d’un type que les Canadiens connaissent trop bien lorsque les sphères de compétence du gouvernement fédéral et les provinces se recoupent. Il est vrai que, dans l’approbation qu’elle a accordée la semaine dernière seulement à la proposition d’expansion de Suncor Energy, la Commission de l’énergie et des services publics (Energy and Utilities Board) de l’Alberta a déclaré ce qui suit:
L’EUB est convaincue qu’il faut investir davantage dans la région de Wood Buffalo, et elle pense aussi que le temps est compté pour faire ces investissements, parallèlement à la poursuite de l’exploitation des sables bitumineux.
Toutefois, cette déclaration, qui enjoint le gouvernement provincial de réagir comme il se doit dans son domaine de compétence, ne dégage pas le gouvernement fédéral de sa responsabilité morale et financière dans la région et ce, dans l’intérêt du reste du Canada. En fait:
L’EUB recommande qu’on prenne des mesures coordonnées à tous les paliers du gouvernement [c’est nous qui soulignons] pour veiller à ce que la Municipalité régionale de Wood Buffalo ait la capacité nécessaire pour soutenir la croissance durable escomptée dans la région.
À notre avis, votre comité peut aider le gouvernement fédéral à réfléchir sur ce que serait sa stratégie optimale, compte tenu des questions suivantes, pour appuyer l’exploitation durable des sables bitumineux au XXIe siècle.
En juin 1996, le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Alberta ont conjointement rendu publique leur « Déclaration de possibilité », à Fort McMurray. La déclaration a été avalisée par les deux plus hauts paliers de gouvernement et par dix-huit représentants de l’industrie pétrolière et gazière ayant des intérêts dans l’exploitation des sables bitumineux. La Chambre est convaincue que ce document, même s’il a été mis en œuvre par l’ancien gouvernement, est compatible avec les principes du nouveau gouvernement et mérite son appui, tant dans ses paroles que dans ses actions.
Le secteur privé s’attend à investir 125 milliards de dollars dans la région de Wood Buffalo au cours de la prochaine décennie, étant donné que les promoteurs voudraient tripler la production actuelle de brut synthétique. C’est cinq fois plus que les projections d’investissement estimatives de 1996 et que ce que l’on prévoyait dans la « Déclaration de possibilité ».
L’économie régionale de Wood Buffalo est sans conteste la plus solide du monde. Madame la mairesse a parlé brièvement des revenus fiscaux à venir. J’aimerais m’étendre un peu sur le sujet. À 30 $ le baril, l’on prévoyait que le gouvernement fédéral allait recevoir approximativement 54 milliards de dollars en taxes. À 40 $ le baril les revenus totaux du gouvernement s’accroîtraient de près de 50 p. 100 produisant des revenus de 84 milliards de dollars pour le gouvernement fédéral. Bien sûr, la semaine dernière nous avons fermé à un montant minimum jamais vu pour l’année, soit à 55 $US le baril. Autrement dit, ces projections de revenus ne tenaient pas compte des véritables prix mondiaux. Nous croyons que le gouvernement fédéral bénéficie énormément de l’exploitation des sables bitumineux, et les recettes qu’il en tirera ne cesseront de s’accroître. Il se doit d’accroître aussi ses investissements dans la région afin qu’ils reflètent mieux ces avantages.
Un de plus grands défis de l’exploitation des sables bitumineux est le recrutement et le maintien en poste de personnel qualifié, non seulement dans l’exploitation proprement dite mais dans tous les secteurs de l’économique. Les salaires sont élevés, et même si les entreprises offrent des primes d’embauche, voire des primes mensuelles de « fidélisation », elles n’arrivent pas à doter tous les postes vacants de travailleurs qualifiés.
En mai 2004, le gouvernement du Canada et l’Alberta ont signé un protocole d’entente visant l’entrée de travailleurs étrangers temporaires pour des projets dans les sables bitumineux de l’Alberta afin d’autoriser l’entrée ciblée de travailleurs étrangers temporaires pour répondre aux besoins urgents de travailleurs qualifiés.
La semaine dernière, le gouvernement fédéral a annoncé des modifications du Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires conçues de façon qu’il soit plus facile pour les employeurs albertains d’embaucher rapidement des travailleurs étrangers lorsqu’il n’y a pas de citoyens canadiens ni de résidents permanents du Canada pour occuper les postes vacants. La gamme d’emplois s’est aussi diversifiée pour s’étendre à quelque 170 professions différentes, ce qui démontre les pressions extrêmes sur le marché du travail dans la région.
Il est encourageant de constater que le nouveau gouvernement du Canada est tout disposé à faire fond sur les ententes existantes en vue de les améliorer. Le PE sur les travailleurs étrangers et les engagements connexes ont harmonisé la politique d’immigration du Canada et la stratégie de la main-d’œuvre de l’Alberta, qui reconnaît que l’immigration et l’importation de travailleurs étrangers sont au troisième rang parmi les sources de main-d’œuvre dans la province.
Même si le PE appuie le recrutement d’employés qualifiés, il reste encore des défis à relever sur le marché du travail, notamment celui de l’agrément des recrues potentielles qui ont fait leurs études et reçu leur formation dans d’autres pays. On connaît bien des cas de médecins ou d’ingénieurs formés à l’étranger, mais devenus chauffeurs de taxi pour subvenir aux besoins de leur famille.
Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial doivent collaborer pour améliorer la reconnaissance des études faites à l’étranger ou pour aider les immigrants déjà formés à perfectionner leurs habiletés jusqu’à ce qu’elles satisfassent aux normes canadiennes. Mais surtout, en dépit de sa portée restreinte et de son application seulement pour mitiger des pressions sur le marché du travail, le PE a évolué sous le leadership du nouveau gouvernement canadien, en prouvant que les deux paliers du gouvernement collaborent de plus en plus pour répondre à des besoins patents.
La Chambre de commerce est convaincue que les efforts constants déployés en vue de remédier aux pressions persistantes sur le marché du travail pourront servir de modèle à d’autres accords tripartites dont on a grandement besoin pour soutenir le développement durable dans la région. Il est incontestable que les municipalités de tout le pays ont des problèmes d’infrastructure. Le gouvernement fédéral a régi depuis 2004 en réduisant la TPS et en partageant les recettes des taxes sur l’essence.
Même si ces mesures — et d’autres — sont importantes, elles ne suffisent pas à corriger ce qu’on commence à appeler le « déséquilibre fiscal » dans le débat pancanadien sur la répartition des recettes fiscales. La Chambre de commerce voudrait simplement souligner qu’environ 65 ¢ par dollar fiscal perçu des Canadiens aboutissent dans les coffres du gouvernement fédéral, comparativement à 30 ¢ dans ceux des provinces et 5 ¢ ou moins dans ceux des municipalités.
La Municipalité régionale de Wood Buffalo peut aussi se vanter, si c’est le mot, de ses caractéristiques démographiques uniques. Elle a virtuellement doublé sa population au cours de la dernière décennie. Elle doit aussi offrir des services à une population fantôme fluctuant entre 7 000 et 15 000 personnes.
Ces pressions se combinent pour créer une situation qui l’a incitée depuis 2004 à réclamer de plus grands investissements des autres paliers du gouvernement dans l’infrastructure municipale. La municipalité fixe sa part à 814 millions des 1,9 milliard de dollars mentionnés dans l’analyse de rentabilisation du RIWG avec la municipalité. Ces chiffres doivent être vérifiés en tenant compte des besoins d’infrastructures permanents, de la tendance à l’inflation, des engagements municipaux récents et du soutien des autres paliers de gouvernement pour les projets de transport ayant une incidence municipale.
En juin 2006, dans une allocution prononcée devant la Fédération canadienne des municipalités, le premier ministre Harper a déclaré que: « Le rôle du gouvernement fédéral [en matière d’infrastructure] doit être défini par rapport aux projets d’importance nationale ».
Quant à nous, il nous est impossible d’imaginer une région où l’infrastructure nécessaire au soutien du développement économique est plus importante pour la nation. Nous soulignons particulièrement que le gouvernement a cité les deux principes suivants parmi les cinq qu’il a retenus: 4) le soutien d’une « union économiquement plus compétitive » et 5) « une gestion de la fédération efficace en collaboration ».
Notre présentation, qui vous est adressée, décrit un domaine qui nous préoccupe particulièrement, celui de notre usine de traitement de l’eau et des eaux usées.
Dans ce contexte, nous répétons les recommandations de la Commission de l’énergie et des services publics de l’Alberta, qui estime que le temps est compté pour que tous les paliers du gouvernement fassent les investissements nécessaires dans l’infrastructure pour assurer que la région peut soutenir la croissance durable escomptée.
La Chambre de commerce croit fermement qu’il est non seulement correct, mais que c’est simple justice qu’un protocole d’entente compatible avec les principes de la Déclaration de possibilité soit conclu entre le gouvernement du Canada et celui de l’Alberta pour mettre en place l’infrastructure municipale nécessaire dans la région de Wood Buffalo grâce soit Fonds canadien sur l’infrastructure stratégique, soit à un autre programme. Une telle entente aiderait le gouvernement fédéral à déterminer l’importance de l’investissement dans l’infrastructure qu’il doit faire dans la région en proportion des avantages qu’elle génère pour lui et aiderait aussi à rendre l’exploitation des sables bitumineux à la fois plus concurrentiel et plus durable, tout en étant compatible avec l’engagement du gouvernement fédéral à promouvoir la gestion en collaboration.
La Chambre de commerce croit que le gouvernement fédéral doit travailler de concert avec les provinces pour supprimer les barrières commerciales interprovinciales restantes. Vous trouverez également plus de détail à ce sujet dans ma présentation écrite.
Pour terminer, j’aimerais remercier le comité permanent des ressources naturelles d’avoir invité la Chambre de commerce. Nous ne saurions surestimer à quel point il faut que tous les paliers du gouvernement collaborent pour s’attaquer aux problèmes de développement durable dans la région de Wood Buffalo, et nous sommes convaincus aussi que le gouvernement fédéral a là une excellente occasion de faire preuve de leadership dans ce domaine.
Les recherches effectuées par l’Institut canadien de recherche énergétique démontrent clairement que le gouvernement fédéral tire d’énormes avantages de l’exploitation des sables bitumineux, et nous estimons qu’il n’a pas investi en conséquence dans notre région, que ce soit dans sa politique fiscale ou dans ses investissements directs chez nous. Nous vous pressons de collaborer avec vos collègues du gouvernement de l’Alberta, peut-être en vous inspirant du protocole d’entente de 2004 comme modèle de coopération future.
La Chambre de commerce a aussi réalisé des sondages auprès de ses membres pour s’assurer que la prise de décisions tiendrait compte des intérêts de la communauté régionale des affaires, dont les produits et les services sont précisément ce qui fait de Fort McMurray plus que la ville d’une seule compagnie. Nous serions heureux de partager nos constatations avec votre comité et de vous faire parvenir toutes les nouvelles données ou les statistiques que nous recueillerons dans le contexte de l’élaboration du plan d’action pour la durabilité.
Une fois encore merci, et nous sommes ouverts à vos propositions.
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Bon après-midi monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs. Je m’appelle Pat Marcel. Je suis l’ancien chef de la première nation Chipewyan d’Athabasca. Je suis le président du comité des aînés de la première nation Chipewyan d’Athabasca, et moi-même un aîné.
Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Ce que j’ai à dire est important. Ce que j’ai à vous dire est grave. Une fois que j’aurai terminé ma présentation, demandez-vous si vous croyez ou non que les conditions de vie de nos personnes âgées, de nos aînés, sont acceptables. Demandez-vous si vous voudriez que vos parents vivent dans les conditions décrites. Demandez-vous pourquoi ces conditions existent en dépit de la prospérité des sables bitumineux canadiens d’Athabasca où, à Fort McMurray, le salaire annuel moyen est de 91 000 $. Le seuil de faible revenu après impôt — le terme élégant de Statistique Canada pour désigner le seuil de la pauvreté — dit qu’une personne qui vit seule dans un milieu rural et dont le revenu annuel est inférieur à 10 718 $ par année vit dans la pauvreté.
Monsieur le président, la majorité de nos aînés vivent à Fort Chipewyan, où le prix du litre de lait est 53 p. 100 plus élevé que celui de Fort McMurray. Un sac de pommes d’une livre y coûte 209 p. 100 de plus, une laitue pommée 333 p. 100 de plus. En général, la nourriture à Fort Chipewyan se vend 121 p.100 plus cher que celle trouvée à Fort McMurray, où les prix sont déjà gonflés. Cela signifie que les aînés doivent consacrer environ 500 $ par mois pour la nourriture.
Monsieur le président, certaines nuits à Fort Chipewyan, la température peut descendre jusqu’à — 40 degrés Celsius. Nous chauffons nos maisons au mazout. Ce combustible coûte environ 190 $ le baril. Pendant l’hiver, d’octobre à avril, nous utilisons environ quatre barils de mazout par mois. Heureusement, il y a des rabais, mais en dépit de ceux-ci, nos coûts de chauffage font quand même diminuer considérablement notre modeste revenu.
Jusqu’à présent, les aînés étaient hébergés gratuitement conformément à la politique de logement de notre première nation. Toutefois, en raison des coûts élevés d’immobilisations et d’entretien découlant de subventions insuffisantes en matière de logement accordées par les Affaires indiennes ainsi que de l’âge et des conditions précaires de nos maisons, notre chef et le conseil ont été obligés d’imposer un loyer aux aînés. Une inspection récemment effectuée a permis de déceler la présence de moisissures dans le logement de certains aînés. Selon la première nation, 80 maisons nécessitent des réparations de l’ordre d’un million de dollars.
Voici le problème, monsieur le président. Le revenu moyen d’un aîné n’est que de 13 228 $ par année, et chaque aîné accumule en moyenne plus de 4 000 $ de dettes par année. Ceux qui sont dans cette situation sont les plus chanceux. Quatre de nos aînés ont un revenu annuel de moins de 10 000 $. Nous vivons sous le seuil de la pauvreté, monsieur le président. Nous sommes pauvres.
Il y a 11 ans, le revenu moyen d’un Autochtone au Canada était de plus de 16 000 $. C’était il y a 11 ans, monsieur le président, et aujourd’hui, nous avons bien moins que ce revenu de misère.
Certains vous chuchoteront à l’oreille: « Interrogez-les au sujet des rétributions que leur versent les sociétés pétrolières pour qu’ils assistent à des rencontres sur l’exploitation des gisements de sables bitumineux ». Cette rétribution s’élève à 150 $ la rencontre. Bien souvent, cet argent sert à aider des membres de notre famille, à payer des factures imprévues ou à acheter des cadeaux de Noël pour nos proches. Cette rétribution constitue pour les exploitants de gisements de sables bitumineux une preuve qu’ils nous ont consultés au sujet de leurs projets et de leur expansion sans fin. Comme l’a dit un aîné, « les gens de l’industrie nous rendent visite quand ils ont besoin de quelque chose. Ils nous offrent à manger et nous donnent de petits cadeaux. Ils parlent de leurs besoins ».
Je pourrais poursuivre ainsi, mais je crois que vous comprenez la situation. Cette situation démontre qu’au Canada, près des sables bitumineux d’Athabasca, où s’effectuent des achats de l’ordre de milliards de dollars et où le salaire moyen s’élève à près de 100 000 $ par année, un groupe de personnes vit comme s’il était dans un pays du tiers monde. Soyons clairs: nos aînés ont du mal à mettre du pain sur la table, alors que l’industrie reçoit des milliards de dollars de redevances provenant de terres ancestrales. Pourquoi est-ce ainsi? Les aînés ne devraient pas vivre de cette façon. Si nous faisions partie de votre famille, toléreriez-vous ces conditions de vie? Est-ce un mode de vie acceptable?
Monsieur le président, ce qui est le plus difficile à accepter, c’est que nous n’avons pas toujours été pauvres. Autrefois, nous vivions de la terre. Nous avions amplement de viande, de poisson et de baies. Même nos remèdes provenaient de la terre. Nous étions riches parce que nous profitions des bienfaits de la terre. Aujourd’hui, nous lisons les avis de l’homme blanc qui nous dit de ne consommer du poisson qu’une fois par semaine. L’orignal contient de l’arsenic. Nous craignons dorénavant de manger de la nourriture que nous avons consommée pendant des milliers d’années.
Monsieur le président, nous n’avons pas demandé à ce que nos vies soient transformées. Nous n’avons pas demandé à ce que l’orignal disparaisse, ni à ce que le poisson soit empoisonné ni non plus à ce que les fourrures provenant des animaux que nous avons piégés deviennes rares et sans valeur. Nous n’avons pas demandé à ce que le coût de la vie augmente parce que le Canada vend son pétrole aux États-Unis et à la Chine. Un de nos aînés a déclaré: « Nous approuvons des projets de sables bitumineux depuis 2000 et nous sommes plus pauvres que jamais ».
En dernier lieu, j’ai deux questions pour le comité. Quel héritage le Canada laissera-t-il en ce qui a trait aux aînés autochtones vivant dans l’une des régions économiques les plus prospères du pays? Qu’est-ce que vous direz à vos petits-enfants quand ils vous demanderont quel rôle vous avez joué à cet égard?
Merci beaucoup, membres du comité et monsieur le président.
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Merci, monsieur le président, et merci à vous, madame Blake, monsieur Allen et monsieur Marcel.
Je trouve que cette étude sur les sables bitumineux a quelque chose de fascinant. Je suis ici depuis quelques années et je n’ai jamais été témoin d’un projet ou d’une initiative qui demande instamment à ce qu’on le prenne en main, et pourtant chaque témoin qui se présente ici nous parle de son impuissance. Il semble que personne n’y peut rien.
Monsieur Allen, dans votre présentation, vous avez commencé par dire que vous n’aviez aucune compétence environnementale ou sociale particulière. Je comprends cela, mais, sauf votre respect, nous savons qu’il y a beaucoup d’argent à faire avec les sables bitumineux. Tant mieux si cela peut se faire d’une manière durable et qui respecte l’environnement. Mais nous savons qu’il existe des défis considérables en relation avec l’eau, avec le CO2, avec les pressions exercées sur l’infrastructure et avec les problèmes sociaux. M. Marcel et Mme Blake ont abordé certains de ces sujets aujourd’hui.
Pourquoi est-ce ainsi? Êtes-vous si impuissants? Nous allons devoir demander au gouvernement de l’Alberta de venir ici, parce que si quelqu’un souhaite s’attaquer à ce problème… On a proposé un moratoire ou un certain regroupement avant d’aller de l’avant avec tous ces nouveaux projets, et on a exprimé le désir d’aborder certaines des questions liées à l’infrastructure, aux problèmes sociaux, à l’eau, au CO2 et à l’utilisation du gaz naturel, avec de passer à la phase suivante. Du point de vue des compétences, il est clair que la province pourrait le faire. Je ne suis pas certain qu’ils ont la volonté politique de le faire.
Le gouvernement fédéral pourrait avoir recours à certains leviers. Je ne sais pas si le gouvernement fédéral a la volonté politique de le faire. J’espère que ce comité a la volonté politique de faire des recommandations solides de sorte que l’on s’attaque à ces problèmes, parce que le bitume va être là pour de nombreuses années à venir.
Nous nous trouvions là-bas il y a peu de temps, et je dois dire que les Albertains et les Canadiens ont de quoi être fiers de ce qui se passe là-bas à bien des égards. Mais à moins que nous ne nous attaquions aux problèmes environnementaux et sociaux, je sais qu’on dit que nous gardons la tête dans le sable, même si c’est un très piètre jeu de mots.
Permettez-moi de commencer par vous, madame Blake. Du point de vue de votre rôle, vous disposez de certains leviers que vous pouvez utiliser en matière d’autorisations. Je ne suis pas un expert en affaires municipales, mais êtes-vous obligée de répondre à chacune des demandes que l’on vous présente? Avez-vous le pouvoir de dire que vous n’autorisez pas un projet parce que vous ne possédez pas l’infrastructure pour répondre aux besoins en matière d’égouts, de circulation routière, de toxicomanies, ou de toute autre question? Avez-vous certains pouvoirs et les utilisez-vous?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Marcel, votre discours m'a touché. J'y reviendrai tout à l'heure.
Monsieur Allen, dans votre texte, on retrouve un peu ce que M. Cullen vient tout juste de soulever. Vous dites, et je cite:
[...] nous pressons votre comité de résister à la tentation de laisser ses recommandations entraîner des querelles de compétences [...]
Forcément, nous sommes tout à fait d'accord là-dessus. Toutefois, nos champs de compétence, au fédéral, sont très limités. Il y a beaucoup de choses dans votre exposé qui touchent beaucoup plus l'aspect provincial que fédéral.
Vous présentez des recommandations au gouvernement fédéral sur ce qu'il peut faire pour améliorer la situation des politiques environnementales. Comme M. Cullen l'a relevé, vous dites que vous n'avez pas de compétence en matière environnementale, mais que vous aborderez exclusivement les questions de viabilité économique. Là, vous parlez du développement durable.
Personnellement, je suis assez d'accord sur ce dont vous parlez, soit la viabilité économique. Ce matin, lors d'une séance d'un autre comité, des personnes ont démontré qu'il y avait un lien direct entre les gaz à effet de serre et le développement économique. Si on ne tient pas compte des gaz à effet de serre, l'innovation diminuera et, ailleurs, dans d'autres pays, la rentabilité deviendra plus grande que chez nous. Autrement dit, si on pousse les compagnies dans le dos pour qu'elles tiennent compte des gaz à effet de serre grâce à de l'innovation technologique, cela les rendra plus efficaces. Si elles sont plus efficaces, elles seront en mesure de réduire leurs prix, au lieu de penser que cela coûte plus cher.
Dans votre milieu, quelle est votre capacité de faire comprendre aux manufacturiers et aux grandes compagnies cette dimension économique qui veut que la viabilité économique doit passer par l'innovation technologique? Je ne parle pas d'environnement, parce que cela relève beaucoup plus du municipal et du provincial que du fédéral. Je parle des gaz à effet de serre.
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Du point de vue de l’expansion et des nouveaux projets à venir, nous faisons partie du groupe environnemental qui procède aux évaluations. Nous faisons également partie des comités qui surveillent ces émissions de CO
2 et ainsi de suite.
Ce qui me surprend le plus de l’industrie en Alberta, c’est qu’elle continue dans la même veine, en disant approuvons tout cela, alors qu’ils possèdent la technologie requise pour réduire le CO2 de Syncrude et Suncor. Suncor est déjà passée d’environ 500 000 tonnes par jour à près de 120 000 tonnes par jour. Syncrude demeure l’un des principaux pollueurs au Canada. Est-ce que tous ces autres projets approuvés dans le cadre de l’expansion vont faire mieux?
Ce sont des comités comme celui-ci qui doivent établir les règles et déclarer que si la technologie existe, il faut l’utiliser. La technologie doit être mise en œuvre lorsque vous dites: « Vous avez le permis, allez et construisez ». Elle doit être en place. Elle ne l’est pas présentement. Je ne la vois pas. Mais mon peuple devra continuer de vivre lorsque tous les autres auront quitté les lieux.
Ils parlent de remise en état, mais je ne vois aucun montant là-bas destiné spécialement à remettre toutes les terres en état. Ils parlent d’environ 90 millions de dollars ou d’un quelconque autre montant qu’ils réuniront tous ensemble. Lorsque vous examinez des projets comme celui d’Uranium City, cela relève de la responsabilité du gouvernement fédéral. Lorsque les médias poussent de hauts cris, le gouvernement fédéral passe à l’action. Il accorde deux milliards de dollars pour le nettoyage. Cela ne touche même pas Eldorado. Du matériel radioactif est déversé dans le lac Athabasca, et ainsi de suite.
Vous dites que l’industrie devrait s’en charger, mais qu’en est-il de la personne qui leur donne l’autorisation de le faire? Eldorado et toutes ces mines d’uranium étaient des initiatives fédérales, parce qu’ils avaient besoin d’uranium. Lorsqu’ils se sont retirés, ils ont quitté les maisons et tout. Chacun a reçu 9 000 $, merci, bonsoir.
Les choses vont-elles mieux se passer à Fort McMurray? Nous n’avons aucune certitude là-bas. Mon peuple dit qu’il doit continuer d’y vivre, mais la terre va-t-elle être durable dans 500 ans? Voyez la pollution déjà produite après 60 ans d’exploitation des sables bitumineux. Après 60 ans, je ne peux pêcher qu’une fois par semaine. Présentement, on effectue des tests sur les orignaux pour déceler la présence d’arsenic. Ils démontrent des niveaux 453 fois plus élevés que les normes acceptables. Mes gens de Fort Chip ont des congélateurs remplis de leur approvisionnement annuel, et plusieurs n’en mangent même pas.
Nous avons besoin de réponses. Nous avons besoin de réponses du gouvernement fédéral pour faire l’étude. Souvent, mes aînés disent que nous avons des droits issus de traités qui doivent être protégés. Bien, vous devez protéger ma santé. C’est une garantie.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être venus comparaître devant nous aujourd'hui.
Depuis que nous avons entamé cette étude sur les sables bitumineux, je me suis entretenu plusieurs fois avec mon père, qui me répète que l'Homme est l'animal le plus rapace de la Terre. Je ne sais pas si c'est l'image qui convient dans le contexte de cette étude, mais ça me revient toujours à l'esprit quand je pense à cette machine gigantesque qui continue de ronger la terre et, essentiellement, à rouler sur le dos des gens. Ça semble presque hors de contrôle. Je crois que ce que nous tentons de faire, en partie, c'est de nous assurer que, même si c'est hors de contrôle, ce soit au moins durable, mais j'en doute fort.
Vos points de vue, aujourd'hui, en particulier ceux de Mme Blake et de M. Marcel, commencent à faire contrepoids à ce que nous avons entendu des autres témoins. De plus, M. Allen a un point de vue que nous avons beaucoup entendu depuis quelques semaines. Je me demande si le développement peut être durable tel qu'il existe, sans parler de son expansion. Le comité doit traiter de questions très importantes à ce sujet.
Personnellement, d'après le point de vue que vous avez donné sur les infrastructures, au sujet de l'environnement au nom de votre communauté, chef Marcel, je suis d'accord avec M. Trost, votre communauté n'est probablement pas seule dans sa situation. Mais ce que tout cela me dit, c'est que nous avons très mal fait notre boulot de traiter nos peuples autochtones honorablement, où que nous soyons au pays. C'est ce que je comprends de tout cela. Nous avons fait un mauvais travail.
J'aimerais vous poser une question directe. Aimeriez-vous qu'on impose un moratoire sur ce développement jusqu'à ce que nous relevions les défis qui se présentent à nous, jusqu'à ce que nous ayons réussi à établir une relation honorable avec notre peuple autochtone, jusqu'à ce que nous disposions des infrastructures, des plans et d'un peu d'argent à la banque, pour ainsi dire, pour contribuer à l'épanouissement de votre communauté, et jusqu'à ce que nous freinions les émissions de CO2, de gaz à effet de serre et ce genre de choses? Pensez-vous que nous ayons besoin d'un moratoire? Ça ne signifie pas que nous arrêterions tout pour toujours, mais seulement jusqu'à ce que nous ayons relevé quelques-uns de ces défis. Je crois que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, particulièrement auprès des Autochtones. Selon la catégorie 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle, nous sommes responsables des « Indiens et [d]es terres réservées pour les Indiens ». Nous avons aussi la responsabilité de respecter les « droits ancestraux des peuples autochtones du Canada et les droits existants issus de traités », en vertu de l'article 35. Nous avons des responsabilités et je crois que notre comité va devoir formuler quelques recommandations sévères à mesure que nous progresserons.
J'aimerais avoir vos commentaires à tous les trois au sujet d'un éventuel moratoire.
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Merci, monsieur Ouellet.
À nouveau, je tiens à remercier le comité ainsi que nos témoins et aussi Brian Jean, le député de la circonscription pour Fort McMurray, qui n'a pas pu être des nôtres aujourd'hui. M. Jean est secrétaire parlementaire du ministre des Transports, et son comité se réunissait aussi aujourd'hui.
Je regrette qu'il n'ait pas pu être ici. C'est lui qui a suggéré que vous y soyez et je crois que c'était une très bonne suggestion.
Le comité a beaucoup apprécié vos témoignages. Merci encore d'avoir bien voulu comparaître.
Nous allons prendre une minute. Tandis que nos invités se préparent à partir, je veux attirer l'attention du comité, très brièvement, sur les prochaines étapes. Je vais lire la liste des témoins qui doivent venir d'ici la fin des séances et vous demander votre avis sur la façon de procéder.
La semaine prochaine, nous commencerons mardi avec une discussion sur la remise en état des sols et la forêt boréale. C'est un problème qui a paru particulièrement évident à ceux d'entre nous qui ont eu l'occasion de visiter Fort McMurray, et c'est un problème que nous voulons régler. Nous en avons encore parlé aujourd'hui. Nous allons recevoir un représentant de l'industrie, le responsable de la remise en état des sols chez Syncrude, et aussi Mary Granskou, de l'Initiative boréale canadienne, une ONG qui supervise ce genre de projets dans le Nord.
Nous faisons relâche jeudi, à cause du colloque à Montréal. Il n'y aura donc pas de réunion.
Nous reviendrons le mardi 5 décembre, pour discuter des répercussions de l'exploitation des sables bitumineux sur l'environnement et sur la collectivité. La première heure sera consacrée à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et à la Cumulative Environmental Management Association (CEMA).
Au cours de la deuxième heure, nous espérons recevoir Vance MacNichol, qui est le président du comité multipartite sur les sables bitumineux (Oil Sands Multi-stakeholder Committee). Il s'agit d'un comité établi en Alberta, qui travaille sensiblement sur les mêmes questions que nous et qui semble avoir accompli un excellent travail. Plutôt que de réinventer la roue, nous aimerions écouter ce qu'ils ont à dire.
Il se peut aussi que, à partir de ce témoignage, nous trouverons d'autres domaines à explorer, pour découper l'information que nous avons reçue jusqu'ici. Nous serons très occupés le 5 décembre.
Le jeudi 7 décembre, nous discuterons de la possibilité d'utiliser l'énergie nucléaire pour récupérer les sables bitumineux. Nous avons entendu des gens de Fort McMurray à ce sujet, qui a été soulevé à quelques reprises. Il s'agit en fait de remplacer l'utilisation du gaz naturel par celle de l'énergie nucléaire.
Nous entendrons la Energy Alberta Corporation, qui formule une proposition à cet égard. Nous pensons aussi entendre un expert reconnu en la matière, M. Keith, de l'Université de Calgary, qui a un point de vue différent de celui de notre premier témoin. Cette discussion sur la possibilité d'utiliser l'énergie nucléaire dans les sables bitumineux devrait être intéressante. De plus, nous entendrons le président du groupe de travail sur la R-D dans les sables bitumineux, M. Angus Bruneau.
Voilà ce qui complète notre liste de témoins.
Il nous restera ensuite encore deux jours avant le congé des Fêtes. C'est ce dont je voulais vous parler. À mon avis, il serait bon d'utiliser une journée de plus pour entendre des témoins afin de récapituler — pas pour trouver de nouvelles idées ou de nouveaux témoins, mais plutôt pour nous concentrer sur des domaines sur lesquels vous désirez davantage d'information. Il peut s'agir de témoins que nous avons déjà entendus ou que nous entendrons bientôt. J'ai pensé que, la dernière journée avant le congé des Fêtes, nous pourrions examiner notre orientation, peut-être seulement pour tenir une séance de remue-méninges, où l'on pourrait discuter de l'orientation que nous voulons donner à notre comité.
Je vais demander à notre recherchiste de préparer une ébauche pour que nous voyions si cela représente l'orientation que nous voulons donner au rapport, en prenant soin de donner une orientation à vos commentaires. Lorsque nous fermerons pour le congé des Fêtes, nous laisserons ces données et les transcriptions d'audiences au recherchiste, en plus de vos commentaires, et nous lui demanderons de rédiger une ébauche de rapport pendant le congé. Nous vous donnerons cinq semaines pour produire un rapport à partir de l'information que le cmité vous aura transmise et, en février, nous entreprendrons une analyse point par point de cette ébauche pour rédiger le rapport final dans les deux semaines suivantes, idéalement.
Voilà les impressions que j'ai eues en discutant avec vous. Vos commentaires sont les bienvenus.
Madame DeBellefeuille.