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Mon rôle au sein de l'Initiative boréale s'articule en grande partie autour de la sensibilisation des entreprises; au cours des derniers mois, j'ai ainsi fait de nombreux allers-retours à Calgary pour travailler avec les entreprises du secteur énergétique afin de dégager des enjeux d'intérêt commun et de régler des questions qui nous préoccupent tous. Nous espérons donc que les travaux de votre comité pourront contribuer de façon importante à nos efforts de développement durable de manière à optimiser les avantages de l'exploitation des sables bitumineux pour tous les Canadiens, tout en minimisant les risques qui s'y rattachent.
Dans le cadre de nos interventions, nous nous efforçons d'appuyer les solutions concrètes intégrées. Les sociétés forestières avec lesquelles nous collaborons détiennent une certification du Forest Stewardship Council, l'un des plus importants mécanismes mondiaux pour la gestion responsable des forêts, pour un territoire de plus de 42 millions d'acres. Chez les Premières nations, nos partenaires conçoivent des plans d'aménagement du territoire qui visent à établir un équilibre entre la protection et les possibilités de développement durable des ressources naturelles. Nous collaborons avec un éventail très large de groupes environnementaux qui s'emploient en priorité à inscrire des objectifs de durabilité à long terme dans le cadre des efforts actuels de développement économique. Nous avons conclu des protocoles d'entente avec les gouvernements et, fidèles à la tradition canadienne, nous entretenons des partenariats avec des intervenants de tous les secteurs.
Nous voulons vous parler de la forêt boréale aujourd'hui à partir d'une perspective un peu plus planétaire, en prenant du recul par rapport aux incidences régionales pour vraiment examiner le portrait d'ensemble. L'Initiative boréale a été mise sur pied lorsqu'on s'est rendu compte que seulement trois pays, le Brésil, la Russie et le Canada, abritent plus de 70 p. 100 des dernières grandes forêts encore intactes sur la planète.
De ces trois pays, le Canada ressort clairement comme celui qui est le mieux placé pour adopter une approche concrète axée sur la stabilité et la viabilité pour la gestion de ces forêts et de ces territoires. De fait, c'est une responsabilité d'ordre planétaire que nous assumons à l'égard de la forêt boréale et les activités liées aux sables bitumineux pourraient contribuer grandement à façonner l'avenir de ces régions.
Notre région boréale couvre plus d'un milliard d'acres et représente 58 p. 100 de notre masse terrestre; elle s'étend de Terre-Neuve jusqu'au Yukon. Cette région revêt une importance capitale non seulement du point de vue écologique, mais aussi pour les quelque 600 collectivités autochtones qui l'habitent et en tirent leur subsistance. Nous sommes tout à fait conscients qu'il s'agit d'un moteur économique pour ces collectivités comme pour le pays dans son ensemble, et nous visons à atteindre un juste équilibre entre le développement et la protection du territoire.
Les scientifiques réclament de grandes aires protégées afin de maintenir la faune et d'autres valeurs écologiques sur ce territoire. Dans certaines régions de la forêt boréale, une telle protection doit absolument être offerte de façon urgente. Par exemple, le caribou des bois est une espèce qui est très affectée par les perturbations actuelles dans l'ensemble de la région boréale et sa population est nettement en déclin, surtout en Alberta. À moins que des habitats critiques ne soient protégés et interdits au développement industriel, cette espèce déjà menacée risque de disparaître de la majorité de son ancienne aire de distribution géographique.
De toute évidence, l'extraction des sables bitumineux risque de transformer une grande partie de la région boréale. On estime que le secteur touché totaliserait environ 150 000 kilomètres carrés. Maintenant que se pointent de nouvelles expansions, nous prêtons notre appui au nombre grandissant d'intéressés qui réclament un examen exhaustif du rythme et de l'étendue des activités d'exploitation des sables bitumineux. Il est temps que nous jetions un deuxième regard critique sur l'évolution de la situation et que nous apportions des modifications considérables afin d'assurer un meilleur équilibre entre les préoccupations environnementales et le développement et les intérêts des Autochtones.
Comme je l'ai déjà indiqué, nous tenons à préciser que Suncor est membre de notre Conseil principal de la forêt boréale et signataire de la Convention pour la conservation de la forêt boréale. Nous collaborons d'ailleurs étroitement avec cette société dans plusieurs dossiers. Nous souhaitons toutefois souligner que nous ne nous exprimons pas en son nom ici aujourd'hui. Les représentants de Suncor se sont déjà adressés à votre comité. Nous demeurons constamment en contact et en discussion avec cette entreprise, mais ce sont les points de vue de l'Initiative boréale que nous vous exposons aujourd'hui.
Pour en revenir à la question des sables bitumineux, il faut évidemment considérer qu'ils se trouvent dans le bassin hydrographique du fleuve Mackenzie. Ce bassin couvre une grande région comprenant la presque totalité des Territoires du Nord-Ouest, la moitié nord de l'Alberta ainsi que certaines portions de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique et du Yukon.
Nos recommandations concernent principalement les correctifs à apporter dans le contexte global de ce bassin hydrographique étant donné que les impacts de l'exploitation des sables bitumineux se font et se feront sentir sur l'ensemble de ce territoire. Je ne sais pas si vous avez lu les journaux aujourd'hui, mais la Première nation Deninu K'ue de Fort Resolution, à 600 kilomètres au nord d'une partie du site d'exploitation des sables bitumineux, vient d'exprimer officiellement ses inquiétudes quant à l'approvisionnement en eau et aux incidences à long terme sur sa population.
En raison de l'envergure et de l'intensité des activités d'extraction des sables bitumineux, l'efficacité des mesures d'atténuation des impacts aura une influence déterminante sur l'intégrité de la région élargie de ce bassin hydrographique. Cela influera également sur la capacité du Canada de respecter les accords internationaux ainsi que sur la perception de notre pays à l'échelle mondiale. Déjà, la région des sables bitumineux est reconnue par le programme des Nations Unies pour l'environnement comme l'un des 100 points chauds du globe en matière d'altération de l'environnement.
Il ne fait aucun doute que l'exploitation des sables bitumineux a un effet dévastateur sur le capital naturel de la région, c'est-à-dire l'intégrité de son habitat, de sa faune et de ses eaux. Nos écosystèmes boréaux évoluent depuis des milliers d'années et les dommages qui leur sont causés par cette forme d'activité minière sont fondamentalement irréparables. Des mesures d'atténuation sont possibles, mais le territoire changera, il sera altéré, et des processus écologiques comme l'hydrologie et le stockage de carbone seront transformés en profondeur et devront être sérieusement pris en compte pour déterminer les interventions requises.
Le drainage par gravité au moyen de vapeur transformera également le paysage de la région. Comme vous le savez très bien, il laissera derrière lui une empreinte industrielle beaucoup plus considérable que l'extraction minière elle-même. L'infrastructure de routes, de pipelines, de plateformes d'exploitation et d'installations de transformation aura pour effet de détériorer l'intégrité écologique, ce qui nous préoccupe tout particulièrement pour l'avenir du caribou des bois.
Compte tenu de l'intensité et de l'ampleur des impacts de l'exploitation des sables bitumineux, des mesures compensatoires de conservation devront absolument êtres prises pour maintenir l'intégrité écologique dans la région élargie de la vallée du Mackenzie. Une composante clef des mesures compensatoires requises est la mise en place d'aires protégées. De telles aires sont notamment nécessaires pour assurer la viabilité de processus écologiques régionaux, protéger des exemples représentatifs de communautés écologiquesindigènes et maintenir la biodiversité indigène. Des aires protégées adéquatement sélectionnées peuvent servir de jalons pour des stratégies de gestion et de développement durable. Des organismes de conservation, des Premières nations et des représentants de l'industrie ont déjà défini plusieurs aires protégées possibles.
La Société pour la nature et les parcs du Canada a défini des sites de la région des sables bitumineux pouvant présenter une valeur écologique élevée et un minimum de conflit avec des ressources pétrolières. La principale société forestière active dans la région, Al-Pac, essaie de voir comme elle pourrait procéder dans cette veine à l'intérieur de son territoire autorisé. Nous considérons que cette démarche revêt une importance fondamentale dans le cadre du projet global de développement. Les aires protégées proposées par la Première nation Deh Cho dans son projet de plan d'aménagement du territoire et par des collectivités locales en amont et en aval de la vallée du Mackenzie en vertu de la Stratégie sur les aires protégées des Territoires du Nord-Ouest ouvrent la voie à d'autres mesures clés pour compenser l'exploitation des sables bitumineux sur le plan de la conservation.
Nous recommandons donc au comité d'appuyer la mise en place des mesures compensatoires de conservation pour la création d'aires protégées dans la région entourant les sables bitumineux ainsi que dans la région élargie du bassin hydrographique du fleuve Mackenzie.
Nous souhaitons également aborder la question des services actuellement rendus par l'écosystème de la région et des répercussions qui pourraient être ressenties à ce chapitre. Nous avons collaboré avec l'Institut Pembina pour réaliser une étude sur la valeur de ces écoservices dans la région des sables bitumineux. Si la chose vous intéresse, j'ai ici un rapport intitulé Les chiffres qui comptent vraiment où vous pourrez notamment prendre connaissance de l'intéressant travail de Mark Anielski de l'Institut Pembina.
Les chercheurs ont établi à quelque 93 milliards de dollars par année la valeur non marchande totale des services de l'écosystème boréal. Les services les plus utiles incluent la filtration de l'eau, la maîtrise des crues, le piégeage du carbone et le contrôle des insectes et des animaux nuisibles. Les forêts et les tourbières de la région stockent quelque 67 milliards de tonnes de carbone, soit une valeur approximative de 3,7 billions de dollars.
En raison de la grande quantité d'énergie requise pour extraire le pétrole des sables bitumineux, on prévoit qu'ils deviendront la principale source de croissance des émissions de gaz à effet de serre et pourraient être responsables de près de la moitié de l'augmentation prévue de ces émissions au Canada entre 2003 et 2010. La gestion des émissions des sables bitumineux devient donc un volet essentiel de toute stratégie canadienne efficace concernant les gaz à effet de serre.
Un meilleur recours à la technologie existante fait partie des actions à prendre pour atteindre cet objectif, mais il nous faut bien comprendre que les forêts canadiennes sont les plus grands sites terrestres de stockage de carbone sur la planète. Elles ont un rôle essentiel à jouer dans les mesures que prendra la communauté internationale en réaction aux changements climatiques. Afin d'atténuer les impacts globaux sur la forêt boréale, nous devons offrir des mesures incitatives qui permettront aux entreprises d'investir dans la conservation des forêts en stockant du carbone pour compenser les émissions résultant de l'extraction des sables bitumineux.
Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de tout premier plan, de concert avec les gouvernements provinciaux, pour que ces incitatifs puissent intéresser concrètement les entreprises. De telles mesures incitatives incluent un système d'échange de droits d'émission de carbone axé sur le marché et un fond incitatif de conservation à intensité carbonique. Nous recommandons au comité de soutenir la proposition formulée par l'Institut Pembina visant à ce que l'industrie des sables bitumineux devienne neutre en carbone d'ici 2020 et d'appuyer des mesures incitatives de préservation du carbone forestier.
Comme vous le savez, l'extraction des sables bitumineux est une activité qui consomme beaucoup d'eau. Comme il a été beaucoup question lors de vos audiences précédentes de la quantité d'eau requise et des problèmes pouvant en découler sur le plan de la qualité de l'eau, je ne vais pas m'éterniser sur le sujet. Nous savons que chaque baril de pétrole produit exige entre deux et cinq barils d'eau et que 65 p. 100 de la quantité totale d'eau puisée dans la rivière Athabasca sert à l'extraction des sables bitumineux. Cette proportion devrait d'ailleurs croître au cours des années à venir. Les répercussions sur l'habitat des poissons et l'intégrité du delta des rivières de la Paix et Athabasca sont considérables.
Étant donné que l'eau n'est pas retournée dans le bassin hydrographique, mais est plutôt stockée dans des bassins de résidus toxiques qui ne pourront être valorisés avant plusieurs décennies — et il faut attendre pour voir quels seront les efforts consentis à ce titre — il va de soi qu'il y a certaines incertitudes et des risques de contamination de l'eau à long terme, si ces territoires et ces ressources aquifères ne sont pas gérés avec le plus grand soin. Il est évident que nous ne comprenons pas aussi bien qu'il le faudrait l'impact de l'extraction de l'eau sur l'écosystème de même que les risques que posent des toxines comme les hydrocarbures polyaromatiques.
Des collectivités locales situées en aval de ces sites de développement doivent composer avec des altérations draconiennes de la qualité et de la quantité de leur eau. Elles nous demandent de mieux comprendre les impacts du développement sur l'eau, ce qui est absolument essentiel si nous voulons trouver une solution juste et durable sous cet aspect de notre développement.
De fait, nous devons mieux comprendre toutes les composantes du capital naturel de la région. Les gouvernements seront ainsi mieux à même de tenir compte des coûts écologiques et socioéconomiques dans la prise de décisions concernant l'aménagement du territoire régional.
Les Premières nations du Traité numéro 8 de l'Alberta réclament une évaluation environnementale stratégique de l'ensemble des impacts directs et des effets cumulatifs des projets présents et futurs d'extraction de sables bitumineux et de pétrole lourd dans la région. Une telle approche ouvrirait la voie à un examen exhaustif de l'empreinte actuelle et projetée de ces projets de développement et permettrait aux décideurs de tenir compte de l'ensemble des impacts à l'échelle régionale, plutôt que de se concentrer uniquement sur les impacts de chaque projet individuel, ce qui est inefficient pour les entreprises à bien des égards et fait souvent en sorte qu'on ne prend pas en considération les éléments clés qui pourraient être profitables à toutes les parties en cause. Dans un tel contexte, l'évaluation et la planification doivent tenir compte à la fois du rythme et de l'étendue des projets de développement proposés et de seuils critiques ou de limites à la croissance, de manière à assurer que la quantité d'eau utilisée pour extraire le pétrole ne dépasse pas un niveau qui porterait atteinte à une fonction écosystémique qui mettrait en péril des collectivités.
Parmi les autres priorités qui pourraient être prises en compte dans le cadre d'une évaluation environnementale stratégique, on peut noter les impacts de l'exploitation des sables bitumineux sur les habitats de poissons dans la rivière Athabasca; les impacts de la construction de routes dans la région des sables bitumineux sur les poissons et la faune; les menaces pour l'intégrité écologique du delta des rivières de la Paix et Athabasca dans le parc national Wood Buffalo; et les menaces pour la faune, y compris le caribou, qui souffre déjà d'un déclin précipité de ses populations, ainsi que pour les populations d'orignaux, une espèce clé essentielle à la survie des collectivités des Premières nations locales.
Nous recommandons au comité d'appuyer la mise en oeuvre d'une évaluation environnementale stratégique des impacts de l'ensemble des effets directs et cumulatifs de projets actuels et proposés d'extraction de sables bitumineux et de pétrole lourd dans le bassin hydrographique du fleuve Mackenzie.
Il est temps d'adopter de nouvelles approches pour protéger les écosystèmes et les cultures et promouvoir des économies viables. De telles approches pourraient même créer un avantage concurrentiel mondial dont bénéficieraient les entreprises et les collectivités du Canada. La région boréale du Canada nous offre l'occasion de penser différemment, d'entrer en partenariat différemment et de faire des affaires différemment. L'Initiative boréale canadienne s'engage justement à travailler différemment et estime que des solutions s'offrent à nous si nous adoptons l'approche appropriée et si nous prenons dès maintenant le temps de faire les choses comme il se doit.
Merci beaucoup.
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Bonjour. Je vous remercie.
Monsieur le président, et membres du comité, je suis ravi de vous entretenir aujourd'hui de la remise en état des terrains et de la fermeture des mines de sables bitumineux.
Mon point de vue est celui d'un spécialiste de la remise en état des terrains. En tant que directeur responsable des terrains et de l'environnement chez Syncrude, je travaille avec une équipe de techniciens spécialisés qui s'emploient activement à remettre en état les sites d'exploitation des sables bitumineux de notre entreprise. Jusqu'à maintenant cette année, notre équipe a réalisé la remise en état d'une étendue de plus de 300 hectares, c'est-à-dire un peu plus d'un mile carré. Elle a planté plus d'un demi-million d'arbres et d'arbustes issus de semis. De façon toute aussi importante, nous avons investi au-delà de 1,5 million de dollars dans la recherche sur la remise en état.
Je vais vous exposer certaines des principales difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans le cadre de nos travaux de remise en état progressive et je vais vous parler aussi de l'orientation de notre programme de remise en état. J'ose espérer que cette information sera utile au comité dans le cadre de son étude.
Tout d'abord, je dois dire — je suis à la troisième page du document — qu'il faut reconnaître la réalité, c'est-à-dire que l'exploitation des sables bitumineux nuit à l'environnement puisqu'elle nécessite de raser la forêt boréale, d'enlever le terrain de couverture, c'est-à-dire le terrain qui couvre les sables bitumineux, et de creuser dans ces sables. Comme il est évident que nous nuisons à l'environnement, nous veillons, chez Syncrude, à restreindre l'empreinte écologique de nos activités ainsi que la zone visée. Nous y parvenons grâce à la remise en état progressive. Cependant, puisque l'environnement à été touché, nous nous sommes clairement engagés à respecter l'obligation juridique et sociale que nous avons de remettre en état, selon des normes acceptables, les terrains altérés.
À la page 5 du document, vous pouvez lire un extrait de la disposition d'une loi albertaine qui prévoit qu'au terme des activités d'exploitation, la capacité de production d'un terrain altéré doit être équivalente à ce qu'elle était à l'origine. Nous devons aussi, bien entendu, satisfaire aux exigences d'autres lois provinciales et fédérales, dont la principale est la Loi sur les pêches, précisément les dispositions concernant l'habitat du poisson et la santé des ressources halieutiques.
À la page 6 de notre document, nous exposons notre vision sur l'état de l'environnement après la fermeture de notre site. Pour nous aider à relever le défi qui nous attend, en tant que spécialistes de la remise en état des terrains, nous avons élaboré une vision concernant le paysage que nous allons laisser aux gens qui vivront dans la région de Wood Buffalo une fois que nous aurons cessé nos activités. Nous sommes conscients du fait que la population, en particulier les collectivités autochtones, aura besoin de la nature pour continuer à subvenir à ses besoins. Nous voulons que cet environnement soit utile, et que son état soit suffisamment bon pour atteindre la maturité en harmonie avec la forêt boréale environnante.
À la page 7 figure une image qui traduit cette vision. Et à la page 8, on peut voir clairement une partie d'un terrain remis en état conformément à cette vision. C'est presque dommage que le comité ait visité Fort McMurray durant l'hiver; nous aimons bien montrer les terrains remis en état lorsque tout est vert et que la nature s'épanouit.
La photographie de la page 8 montre une partie de la mine de Mildred Lake, où on trouve maintenant une forêt, des prairies et des milieux humides. Le terrain qui se trouve à droite de la route était jadis une mine d'environ 60 mètres de profondeur. L'endroit a été remblayé avec le terrain de couverture puis remis en état.
Passons maintenant à la page 9, qui expose le processus de remise en état. Comme je l'ai déjà dit, nous altérons tout d'abord le terrain, ce qui le rend inutile pour d'autres usages. À partir de ce moment-là, nous veillons à rétablir la capacité de façon à ce qu'elle soit équivalente, mais pas nécessairement identique, à ce qu'elle était à l'origine. Le graphique illustre les différentes façons d'y parvenir, qui sont plus ou moins rapides.
Le graphique illustre aussi les trois étapes de la remise en état d'un terrain. Premièrement, nous déterminons la forme finale du terrain, avec ses monts et ses vallées. Deuxièmement, nous étalons la couche supérieure de matériau, choisi pour sa compatibilité avec les horizons pédologiques futurs. Troisièmement, nous donnons un coup de pouce au développement de la faune et de la flore en plantant quelques essences d'arbres et d'arbustes.
Je tiens à souligner que toutes ces activités s'appuient sur une vaste expérience et d'abondantes recherches. C'est ce que nous faisons lorsque nous procédons à la remise en état d'un terrain.
La page 10 présente un diagramme, et je veux attirer votre attention sur l'encadré qui se trouve dans le coin supérieur gauche. Il nous incombe de planifier la fermeture d'un site. Nous devons élaborer un plan viable à suivre à partir de l'instant présent jusqu'à la fermeture du site. Il doit exister un tel plan que nous pouvons suivre à partir de n'importe quel moment jusqu'à la fermeture. Sinon, nous n'avons aucun droit d'altérer le terrain.
Syncrude et d'autres exploitants de sables bitumineux ont défini un plan de remise en état et de fermeture pour chacun des sites. Nous avons mis par écrit toutes les activités que nous allons entreprendre ainsi que les méthodes et les technologies que nous allons appliquer. En faisant cela, nous étions conscients des nombreuses difficultés inhérentes à la remise en état d'un terrain en général et d'une mine de sables bitumineux en particulier.
À la page 11 sont énumérés quelques-uns des plus importants éléments dont nous devons tenir compte. Comme nous devons remettre en état de grandes étendues de terre, nous devons connaître l'écoulement direct de surface et par conséquent assurer un drainage dentritique, et pour ce faire, nous devons étudier les zones naturelles environnantes pour voir ce dont la nature a besoin en termes de drainage. Deuxièmement, nous devons tenir compte du fait que des sels sont naturellement présents dans le terrain de couverture et dans les gisements de sables bitumineux, qui se retrouveront dans le nouvel environnement. Nous devons veiller à ce que la qualité du sol et de l'eau demeure acceptable. Troisièmement, nous devons déterminer la toxicité initiale des composés organiques naturellement présents dans les gisements de sables bitumineux, mais qui sont éliminés durant le traitement. Heureusement, comme il s'agit de composés naturels, ils se décomposent sous l'action des rayons du soleil et de bactéries. Nous sommes donc confiants de pouvoir relever le défi que pose cette toxicité initiale.
La page 12 vise à illustrer la première étape du processus de remise en état, c'est-à-dire façonner le relief, principalement en conformité avec l'écoulement direct de surface de façon à ce que le rythme d'érosion soit acceptable. Soit dit en passant, le tiers supérieur droit de cette image montre une portion de terrain remis en état; on y voit des prairies et de la forêt.
L'étape suivante consiste à choisir, avant de commencer l'exploitation, les types de matériaux qui composeront le sol par après. Idéalement, les matériaux de surface et la couverture morte, qui contient les racines, sont transférés directement au site à remettre en état de façon à ce que la flore s'établisse et se diversifie le plus rapidement possible.
À la page 13, la photo de gauche montre un endroit où, avant l'exploitation, les matériaux de surface ont été enlevés en vue d'être chargés dans des camions. La photo de droite montre l'étalement de la première levée. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une levée de 80 centimètres de loam argileux. La dernière levée consistera en la couverture morte.
À la page 14, on voit à l'avant-plan un terrain de couverture peu de temps après l'étalement de deux levées. Je tiens à attirer votre attention sur le centre de la photo de façon à pouvoir vous expliquer la difficulté que pose la gestion de l'eau. Juste à côté d'un mont, on peut voir une étendue de verdure, qui est en fait un terrain remis en état. C'est en plein centre de la photo. À gauche de cela, on peut observer un élément de drainage, soit une future vallée. Étant donné la taille et la pente de ce terrain, il y aurait là naturellement une série de vallées, et c'est donc ce que nous avons créé. À la page 15, on peut voir cet élément de drainage en gros plan.
Vous pouvez donc constater que Syncrude possède les outils et les méthodes nécessaires pour refaçonner un terrain et restaurer la végétation. La page 16 vous montre une forêt ainsi qu'une prairie et des milieux humides. À la page 17, on peut voir un terrain formé à partir de résidus sableux.
Passons maintenant à la page 18, qui porte sur l'aspect de notre travail qui est probablement le moins bien compris et qui nous pose le plus grand nombre de difficultés. Je veux parler de la consistance molle de certains de nos résidus. Le drainage de l'eau se fait lentement, ce qui fait en sorte que les résidus restent mous pendant une certaine période. Vous pouvez voir une photo d'un ingénieur en géotechnique démontrant la consistance molle de ce que nous appelons les résidus composites.
Étant donné ce problème, Syncrude prévoit adopter deux méthodes de gestion de ces résidus mous. À la page 19, se trouvent des dessins très détaillés d'une de ces méthodes. Je suis désolé si ce n'est pas très clair, mais je voulais seulement insister sur le fait que nous devons avoir recours à de nombreuses technologies pour arriver au résultat final. Beaucoup de recherche et développement est nécessaire. Je ne vais pas vous expliquer chaque partie de ces dessins.
Essentiellement, le dessin du bas présente une coupe transversale d'un gisement de résidus composites. Au-dessus se trouve une couche d'un matériau plus solide, soit des résidus sableux. Par-dessus cela se trouve une couche d'un matériau choisi pour la remise en état et duquel pousse de la végétation. Le dessin qui se trouve dans le coin supérieur droit constitue une coupe transversale de ce même terrain, mais de l'autre côté, et montre qu'il y a plusieurs collines et dénivellations. Elles servent à assurer un bon drainage des eaux de pluie et à faire en sorte que la nappe phréatique se trouve suffisamment loin de la surface du sol de sorte que les arbres puissent prendre racine. Le dessin que l'on voit dans le coin supérieur gauche donne une idée claire du paysage. On observe une série de crêtes où poussent des arbres. Entre ces crêtes se trouvent des dénivellations aqueuses où pousse de la végétation comme des saules et des massettes. En bas de ce paysage; on trouve des milieux humides plus vastes.
À la page 20, il est question des facteurs liés au bilan hydrique, c'est-à-dire l'équilibre entre les précipitations, l'évaporation et l'écoulement jusqu'à un milieu humide. Il est très important de comprendre tous les facteurs qui entrent en jeu.
Bien des gens se demandent s'il est réaliste de s'attendre à ce que les milieux humides se rétablissent d'eux-mêmes dans un terrain remis en état. La page 21 montre un milieu humide qui a évolué pour devenir très diversifié au cours d'une période de quatre ans seulement. Certaines personnes qui critiquent notre programme de remise en état des terrains font valoir que nous ne pouvons pas décider du type précis de milieux humides ou des essences d'arbres nécessaires à l'environnement. Nous sommes d'accord. Nous nous efforçons de créer des conditions qui peuvent permettre le développement d'une faune et d'une flore variées. Nous croyons avoir réussi à cet égard. Toutefois, comme un de mes collègues l'a fait observer, c'est la nature qui a le dernier mot. Nous nous occupons de jeter les bases, et ensuite la nature développe d'elle-même la végétation appropriée selon l'endroit.
J'ai parlé de deux méthodes qu'on utilise pour incorporer dans la nature les résidus mous. La deuxième consiste à couvrir d'eau un gisement de résidus mous. Cette méthode est illustrée clairement à la page 22.
La photographie de la page 23 montre une vue aérienne des installations de recherche. Pendant plus de 20 ans, Syncrude a effectué des recherches sur cette méthode et des expériences. En 1988, nous avons créé un étang expérimental — c'était donc il y a 20 ans pratiquement — et en 1993, nous avons créé un bassin de démonstration de quatre hectares. Grâce à nos recherches et à nos expériences, nous croyons maintenant bien comprendre cette méthode ainsi que le comportement d'un lac créé sur un gisement de résidus mous. Nous sommes convaincus que l'application à grande échelle de cette méthode, qui est prévue pour 2012, sera une réussite.
Comme on le mentionne à la page 24, il faut souligner l'importance des recherches de qualité dans l'amélioration de nos méthodes de remise en état des terrains.
Dans le cadre de nos recherches, nous préférons collaborer avec les chercheurs les plus éminents des universités canadiennes et attirer ainsi les meilleurs étudiants diplômés, qui ensuite publient leurs travaux réalisés selon les exigences des universités. À l'été 2006, nous avons publié dans notre site les travaux de plus de 30 équipes de recherche formées d'étudiants de partout au Canada.
La page 25 présente des chiffres, que je ne vais pas vous répéter. Si vous avez des questions à ce sujet, n'hésitez pas à me les poser.
En résumé, au site de Mildred Lake, nous remettons des terrains en état plus rapidement que nous en altérons. Nous sommes en train de réduire l'empreinte écologique à cet endroit. Si nous continuons au même rythme qu'à l'heure actuelle -- l'an dernier nous avons remis en état 260 hectares, soit environ un mille carré -- il nous faudra encore 50 ans de travail. Les activités d'exploitation dureront encore pendant à peu près 30 ans, et une fois qu'elles auront cessé, la remise en état prendra encore cinq à dix ans. Il s'agit donc d'un projet qui s'échelonnera sur 35 à 40 ans. Si nous continuons au rythme actuel, nous aurons terminé dans 50 ans. Nous devrions accélérer le rythme, mais seulement un peu, car nous sommes pratiquement rendus là où nous devrions être.
En terminant, j'aimerais mettre l'accent sur trois points. Premièrement, Syncrude est tout à fait conscient du fait que la remise en état des terrains est une condition préalable à l'exécution de ses activités. Si nous ne sommes pas en mesure de remettre le terrain en état, nous n'avons aucun droit de l'altérer. Si nous n'avons aucun plan pour nous mener au résultat final, nous n'avons aucun droit de commencer. Deuxièmement, nous savons que la remise en état des terrains et que la fermeture des sites revêtent beaucoup d'importance. Elles nécessitent l'application de technologies avancées et une grande expérience, mais Syncrude mène des recherches depuis plus de 40 ans et effectue des expériences sur le terrain depuis 30 ans. Cela exige beaucoup d'argent et d'efforts et un véritable engagement. Troisièmement, nous sommes d'avis que la remise en état des terrains donne de bons résultats, et nous avons tout à fait l'intention de poursuivre dans cette voie.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions du mieux que je le pourrai. Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Friesen, monsieur Young et monsieur Carlson, je vous remercie d'être ici.
Vous comprendrez que ces deux exposés sont un peu impressionnants, même pour notre comité qui a déjà eu l'occasion — et je parle pour moi-même — de voir sur place l'ampleur du développement.
Si je devais retenir l'essentiel de ce qui a été présenté aujourd'hui, du point de vue du déterminisme environnemental, de nombreuses questions sont soulevées quant au rythme du développement, l'affaiblissement de la capacité de la foret boréale de séquestrer le carbone dans son cycle naturel et la capacité des écosystèmes et des eaux souterraines et de surface de se régénérer. Tout cela est lié au rythme d'extraction et de développement, soit par l'exploitation minière ou par les projets in situ. Tous deux sont intrusifs dans la mesure où le développement se fait à un rythme qui dépasse la capacité de régénération.
Monsieur Friesen, vous avez surtout parlé de la remise en état, et je respecte tout à fait ce que vous avez dit au sujet de l'engagement de votre entreprise. J'ai une question à ce sujet. Vous avez dit à deux reprises que si nous ne suivions pas ce cheminement, nous n'avions pas le droit d'entreprendre un projet de développement. C'est la première chose, et vous avez utilisé votre modèle de fermeture et de remise en état pour faire valoir cet aspect. Vous avez dit également que la remise en état était une condition préalable, et que nous n'avions pas le droit d'entreprendre un projet de développement si nous ne pouvions garantir la capacité de renouvellement comme vous l'avez décrit ici.
J'imagine que c'est une question de proportion. Nous avons un graphique montrant l'ampleur du développement. La proportion des terres remises en état est représentée par la partie pâle du graphique. Vous pouvez voir, monsieur Friesen, alors que vous avez affirmé... Vous admettez que vous avez été un peu lent au début, que vous pourriez accélérer la remise en état.
Cela étant dit, j'ai une question. J'aimerais que M. Young, M. Carlson et M. Friesen y répondent, et je crois que cela intéressera le comité. Nous sommes préoccupés par les applications individuelles de développement que vous, monsieur Friesen, avez dit ne pas vouloir entreprendre si vous jugiez ne pas être en mesure de reconstituer les ressources, et nous sommes préoccupés aussi par l'effet cumulatif.
Ces questions sont-elles prises en considération dans le cadre de l'étude d'impact environnemental lorsqu'une demande est présentée en vue du développement initial d'un site? Existe-t-il un critère obligatoire, monsieur Friesen, concernant ce que vous avez dit, à savoir que vous n'entreprendriez aucun développement si vous jugiez ne pas être en mesure de remettre le site dans son état naturel? Cet élément fait-il partie de l'étude d'impact environnemental, de sorte que le bien public puisse être protégé durant le développement du site, mais aussi en regard de toutes les implications sur le plan de la remise en état, de l'eau, de l'hydrologie, des impacts toxiques, etc.?
Je vous remercie tous de ces exposés et d'avoir accepté de témoigner devant le comité.
J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées. M. Friesen, vous avez dit que la remise en état des terrains était une condition préalable au développement et qu'on devrait éviter de développer si l'on ne peut pas remettre en état. Je me réjouis de vous l'entendre dire. Quand nous avons visité le projet de sables bitumineux, nous avons survolé un terrain remis en état, et nous en avons par la suite vu un alors que nous étions sur la route. Même enneigées, ces terres ont l'air plutôt bien. Il est difficile de les distinguer du reste du paysage.
J'ai quelques questions au sujet de ce qui trouve dans le sol, parce qu'il y a des bassins de décantation et de stockage, des matières ont été injectées de détersifs et de produits chimiques, de produits qui permettent d'extraire le pétrole, matières qui se retrouvent ensuite dans le sol. Je sais qu'il y a eu décantation, mais j'aimerais savoir combien des substances se trouvent dans le sol.
Vous affirmez faire de la recherche et y consacrer 500 000 $ environ — vous avez bien parlé d'un demi-million de dollars. Est-ce suffisant? Sur combien de temps s'étale cet investissement? Pendant combien de temps cet argent est-il dépensé? Est-ce un demi-million par année ou pour tout le projet? Que reste-t-il dans le sol? Je m'inquiète de ce qui atteint les plantes, la végétation qui y pousse.
Mon autre question s'adresse à M. Young. Vous avez utilisé le mot « disparaître », ce qui signifie que tout est complètement détruit. Donc, si quelque chose est entièrement détruit, si la faune et la flore ne peuvent ou ne veulent pas se rétablir dans ce secteur parce qu'il a tellement changé, car il a peut-être l'air inchangé, mais si quelque chose n'y pousse plus en raison des changements survenus dans le sol — c'était auparavant une tourbière ou une terre humide, ce qu'elle n'est plus maintenant en raison des changements survenus dans le sol —, peut-on vraiment parler d'une remise en état? Comme je l'ai dit, en surface tout a l'air bien, mais aurons-nous des surprises plus tard?
Mon autre question — parce que je n'ai jamais suffisamment de temps pour toutes les poser — est de savoir qui est responsable en fin de compte? Je sais que les terres sont rendues au gouvernement après que vous avez satisfait aux exigences de remise en état et que vous avez assuré une surveillance pendant un certain temps. Si, après plusieurs années, nous découvrons que les animaux et la végétation n'y sont plus, n'y demeurent pas ou que les choses ne poussent pas comme elles le devraient, qui en est responsable?
Enfin, pour ce qui est du piégeage du carbone — j'ai lu récemment un article, mais je ne me souviens plus de la source. On a découvert que le carbone qui était réinjecté dans le sol accélérait la croissance de la végétation, ce qui est une bonne chose je suppose, mais on a aussi découvert qu'il accroissait la concentration de poison dans le sumac grimpant, c'est-à-dire l'herbe à puce. Quels sont les effets sur la végétation?
Les fonds affectés à la recherche sont-ils suffisants? Exécute-t-on des travaux permanents et...? J'ai posé beaucoup de questions. Je vais m'arrêter là.
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Voilà d'excellentes questions, et fort bien posées. Je vous en suis reconnaissant et je vais tenter d'être à la hauteur.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'ampleur ou la quantité des recherches, Syncrude y consacre 1 million et demi de dollars cette année-ci. Collectivement, grâce aux autres entreprises qui contribuent l'équivalent ou plus des fonds versés par le CRSNG, l'investissement en recherche sur la remise en état des terrains dont ont été extraits les sables bitumineux est actuellement de 5 millions de dollars par année environ.
La nature des travaux effectués correspond beaucoup aux préoccupations dont vous avez parlé. La qualité du sol est-elle durable et, plus particulièrement, les recouvrements de sol sont-ils sans danger? Y aura-t-il des changements dans l'écopaysage qui seront insatisfaisants, en termes de sécurité de la population et des animaux?
Nous abordons cette recherche à partir d'un bassin hydrographique où ont été installés des instruments d'observation. Le matériau de remise en état— la couche superficielle —, quand nous le mettons en place, est naturel. Nous le récoltons au début des travaux d'exploitation minière et le déposons sur les terrains remis en état. La question à se poser devient alors de savoir s'il y a risque de changement? Le premier jour, le matériau est en fait sécuritaire; nous le savons.
Le concept d'observation d'un bassin hydrographique instrumenté consiste à surveiller une parcelle de terre remise en état suffisamment grande pour nous permettre d'observer la circulation des eaux — les eaux de surface, les eaux souterraines — et, par conséquent, les changements qui surviennent dans l'écopaysage comme les sels ou d'éventuels contaminants. On vise ainsi à confirmer que nos pratiques courantes protègent la couche surperficielle. Tout dépend — vous l'avez fort bien exprimé — d'un sol qui au départ donnait des résultats satisfaisants. Si les procédés utilisés sont acceptables, alors le résultat à long terme devrait l'être aussi.
C'est effectivement une question à très long terme, de sorte que la rétrocession des terres à l'État, le moment choisi pour le faire et l'intégrité des travaux sont importants. Nous croyons qu'il faudra beaucoup de temps. Nous estimons que nous devrons documenter l'évolution des écopaysages pendant de nombreuses décennies — aux fins de l'argument, pendant 50 à 100 ans — avant d'avoir la preuve que la situation est acceptable.
Même là, ce ne sera peut-être pas une rétrocession complète; le transfert pourrait être appuyé par des fonds permanents ou une surveillance continue. Comme je l'ai dit, nous avons accumulé 30 années d'expérience environ. Quand je parle de 50 à 100 ans environ, ce que je dis en fait, c'est qu'il faudra peut-être 20 autres années, ou 50 à 70 autres années, avant de pouvoir prouver sans équivoque aux Albertains et aux Canadiens qu'une rétrocession à l'État est un risque acceptable.
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Je crois sur parole Syncrude et son engagement. Je crois que cette entreprise fait sincèrement de son mieux, mais il est important de rappeler, comme vous l'avez fait, que l'ampleur des activités est réellement sans précédent. De nombreux intervenants sont à l'oeuvre simultanément dans un environnement qu'aucun de nous ne connaît. L'hydrologie, en elle-même, est extraordinairement complexe.
Je mentionne à ce propos que Canards Illimités a mené récemment des travaux assez approfondis sur l'hydrologie qui donnent des résultats très intéressants et très surprenants, qui seront déterminants pour la viabilité à long terme des écosystèmes. Il s'agit d'une expérience d.envergure planétaire et nous devons la traiter ainsi.
La conjugaison de la complexité de cette problématique et de l'accélération des changements climatiques, comme on l'a vu, nous permet de faire des expériences avec des plantes, et parfois des animaux, dans un milieu climatique qui change beaucoup, ce qui est vraiment crucial lorsqu'on tente de faire de nouvelles communautés de plantes. Quels seront les paramètres climatiques dans 50 ans? Nous ne le savons pas. Les hypothèses seront constamment remises en doute, constamment démenties, et c'est pour ça que je dirais que la véritable réponse à votre question, à mon point de vue est non, nous ne savons pas ce qui va se passer.
Pouvons-nous gérer cela? La seule façon d'y arriver, c'est d'être d'emblée très prudents et très humbles. Cela suppose donc que l'obligation de rendre des comptes fasse partie intégrante du système. Ainsi, si un problème se pose, quelqu'un va l'apprendre en temps opportun, nous saurons qui a la responsabilité de le corriger et à quel moment nous avons atteint des seuils critiques, qu'il s'agisse de produits toxiques ou de la perte de l'habitat de certaines espèces, par exemple.
Il nous faut des structures de responsabilité très bien définies. Il nous faut des mécanismes de rétroaction très clairs pour connaître les problèmes de santé dans la population et les problèmes d'ordre écologique sur le terrain. Il nous faut aussi des seuils concrets et assortis de sanctions et de récompenses financières, ainsi que de mécanismes réglementaires, car si nous ne prenons pas cela au sérieux, nous connaîtrons de graves problèmes plus tard.
Une expérience est en cours. Nous devons la considérer traiter comme une expérience d'importance vitale, une expérience très dangereuse à certains points de vue, mais aussi comme une formidable occasion d'essayer ce faire ce qu'il faut, avec les énormes ressources financières dont nous disposons.