:
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui sur le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence.
Le projet de loi en question projetterait dans le XXIe siècle les lois régissant la conduite avec facultés affaiblies et aiderait grandement les forces policières dans leurs enquêtes sur les incidents impliquant des conducteurs avec facultés affaiblies ainsi que le ministère public dans ses poursuites contre les présumés délinquants.
Je sais que tous les députés reconnaissent que la conduite avec facultés affaiblies demeure l’infraction criminelle la plus susceptible de causer la mort ou d’infliger des blessures à des Canadiens. Si elle est adoptée, cette mesure législative apportera une incommensurable contribution à la sécurité de tous les Canadiens. Par conséquent, j’espère que tous les partis l’appuieront et que nous allons pouvoir coopérer pour faire en sorte que ces changements nécessaires soient promptement étudiés par le comité permanent.
Je puis assurer à tous les députés que, pour rendre ce projet de loi encore plus efficace dans la poursuite de ses objectifs, le gouvernement est disposé à prendre en considération toute amélioration que le comité voudra bien suggérer après avoir entendu les parties intéressés.
Le projet de loi en question comporte trois volets principaux.
Premièrement, il donnerait aux policiers les outils dont ils ont besoin pour enquêter sur les cas de conduite avec facultés affaiblies.
Deuxièmement, il apporterait des changements qui tiennent compte des immenses progrès qu’a connus la technologie de l’ivressomètre depuis que le Parlement en a permis l’utilisation il y a près de 40 ans.
Troisièmement, il créerait de nouvelles infractions et augmenterait les peines imposées pour les infractions existantes.
Les dispositions du projet de loi visant la conduite avec facultés affaiblies par la consommation de drogues sont déjà familières à de nombreux députés. Elles sont pratiquement identiques à celles du projet de loi , qui avait été présenté au cours de la législature précédente. Ce projet de loi avait été étudié et amendé par le comité, puis il avait fait l’objet d’un rapport unanime comportant les propositions de modification formulées par ce dernier. Il est toutefois mort au Feuilleton.
Il va sans dire que les policiers et les poursuivants attendent avec impatience l’adoption de ces changements.
Je vais donc m’en tenir, dans mes observations, aux nouvelles dispositions du projet de loi afin que les députés comprennent bien ce qui a motivé le gouvernement à proposer ces modifications.
Probablement que la plus importante modification que propose ce projet de loi est celle qui vise à assurer que seuls les moyens de défense fondés sur des facteurs valides du point de vue scientifique pourront être utilisés dans le cas d’une personne accusée de conduite avec un taux d’alcoolémie supérieur à 80 milligrammes par 100 millilitres de sang. C’est ce qu’on appelle conduire avec une alcoolémie supérieure à 0,08.
C'est en 1921 que le Parlement a promulgué la première loi faisant de la conduite avec facultés affaiblies une infraction. L'alinéa 253(a) du Code criminel actuellement en vigueur, qui prévoit l'infraction de conduite avec facultés affaiblies, a été adopté en 1951. On sait depuis plus de 50 ans qu'une personne qui conduit avec une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes d’alcool constitue un danger pour elle-même et pour les autres usagers de la route.
Selon le département des Transports américain, un conducteur avec une alcoolémie supérieure à 90 milligrammes d’alcool est 11 fois plus susceptible d'être impliqué dans un accident mortel qu'une personne n'ayant pas consommé d'alcool. Une alcoolémie supérieure augmente la probabilité de façon exponentielle. Par exemple, la probabilité qu'une personne ayant une alcoolémie supérieure à 125 milligrammes d’alcool soit impliquée dans une collision mortelle est au moins 29 fois plus grande.
On sait que la probabilité d'accident mortel augmente selon la concentration d'alcool dans le sang, mais la difficulté consiste à prouver cette concentration. L'analyse sanguine permet de mesurer l'alcoolémie. Toutefois, on considère souvent que le prélèvement d'un échantillon de sang est un acte intrusif. Par ailleurs, il faut parfois beaucoup de temps pour obtenir les résultats d'une analyse sanguine, si bien que le contrevenant doit attendre pour savoir si des accusations seront portées contre lui.
L'invention de l'ivressomètre par Borkenstein dans les années 1950 a permis de surmonter les difficultés causées par l'analyse sanguine. C'est un appareil qui traduit le taux d'alcool dans l'haleine en taux d'alcool dans le sang selon un processus fiable et valide du point de vue scientifique.
En 1969, le Parlement a reconnu le risque posé par une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes en adoptant une loi faisant une infraction de la conduite d’un véhicule avec une telle alcoolémie. La loi comporte une bizarrerie, à savoir que pour prouver l'alcoolémie il est nécessaire de demander à la personne de fournir une preuve qui peut être utilisée contre elle devant un tribunal. Par conséquent, le Parlement a fait du refus de donner un échantillon d'haleine dans un dispositif amélioré une infraction.
Les progrès technologiques permettant de mesurer le taux d'alcoolémie sur la route, le Parlement a autorisé le recours à l'alcootest routier à partir de 1979. Les appareils utilisés sur la route peuvent indiquer qu'une personne a probablement trop d'alcool dans le sang, mais ne sont pas assez précis pour fournir une preuve admissible dans une procédure judiciaire. Toutefois, ils donnent au policier un motif valable d'exiger une analyse avec un appareil approuvé. Le résultat de cette deuxième analyse est, lui, admissible comme preuve.
Il est interdit par la loi de refuser de se soumettre à l'alcootest routier ou à l'alcootest avec un appareil approuvé. Les tribunaux ont admis la nature unique de cette loi et l'ont jugée conforme à la Constitution. Elle constitue une limite raisonnable de la protection prévue dans la Charte contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. C'est une limite qui se justifie en raison des tragédies causées par la conduite avec facultés affaiblies.
Donc, en 1979, le Parlement a établi une démarche en deux temps pour déterminer si un conducteur dépassait 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang. La méthode paraissait simple. En présence d'un doute raisonnable, la police pouvait soumettre un conducteur qu'elle soupçonnait de conduire sous l'effet de l'alcool à un alcootest routier au moyen d'un appareil approuvé à cette fin. Si le conducteur échouait ce test, il devait subir un autre test au moyen d'un appareil pouvant fournir une preuve admissible que le taux d'alcoolémie dépassait 80, c'est-à-dire un certificat fourni par un technicien qualifié.
Cependant, comme les députés le savent probablement, la conduite avec facultés affaiblies, en particulier la conduite avec une alcoolémie supérieure à 80, figure parmi les infractions prévues au Code criminel qui sont les plus difficiles à prouver. On dirait que chaque mot et chaque virgule des articles concernés ont été contestés. Ceux qui ne sont pas convaincus de la complexité de la loi n'ont qu'à consulter le recueil annuel Martin sur le Code criminel. L'édition de 2007 comprend 12 pages de texte législatif et d'annotations sur les 13 articles concernant le meurtre, l'homicide involontaire coupable et l'infanticide. Par comparaison, cette édition comprend 62 pages de texte législatif et d'annotations sur les neuf articles concernant la conduite avec facultés affaiblies.
Les poursuites en vertu du paragraphe 253(b), dans les cas d'alcoolémie dépassant 80, occupent une proportion beaucoup trop grande du temps dans les tribunaux provinciaux. Souvent, il s'agit de la seule accusation portée. On ne peut pas prouver qu'il y a eu conduite mal assurée du véhicule. Il y a peu de signes de détérioration des facultés. Si la défense peut soulever un doute raisonnable sur la concordance du résultat de l'alcootest et de l'alcoolémie au moment où l'accusé était au volant, la poursuite n'aura pratiquement aucune autre preuve que l'alcoolémie dépassait la limite de 80 lorsque l'accusé conduisait.
À l'époque où le Parlement a adopté la première loi sur les analyses de l'haleine en 1969, l'opérateur devait effectuer une série d'essais pour s'assurer que l'appareil approuvé était bien calibré. Il devait observer la position de l'aiguille et la consigner manuellement. Manifestement, l'opérateur risquait de faire une erreur et le taux d'alcoolémie pouvait être mal noté.
Le Parlement a donc établi qu'en l'absence de toute preuve contraire, les résultats des tests sur le taux d'alcoolémie correspondent au taux d'alcoolémie au moment de la conduite. Malheureusement, même avec ces nouveaux instruments perfectionnés qui permettent un affichage numérique, un autocontrôle automatisé et une version papier des processus internes, les tribunaux ont interprété le principe de la preuve contraire comme incluant le témoignage de l'accusé qui affirme n'avoir consommé qu'une petite quantité d'alcool, parlant généralement de « deux bières », ce qui a donné naissance à la défense dite des deux bières.
L'avocat de la défense demande ensuite à un toxicologue d'évaluer le taux d'alcoolémie du défendeur en se basant sur le témoignage de l'accusé quant à sa consommation d'alcool, au temps écoulé, à sa consommation d'aliments et autres. En somme, l'accusé affirme que, quel que soit le taux d'alcoolémie qu'il avait au moment où le test a été fait, il ne pouvait être supérieur à 80 au moment où il conduisait le véhicule compte tenu de la petite quantité d'alcool qu'il avait consommée.
L'accusé n'a aucun compte à rendre sur le résultat du test effectué à l'aide de l'instrument approuvé au poste de police. À moins de rejeter toute la preuve présentée par l'accusé, les tribunaux présument que la présomption voulant que le taux d'alcoolémie corresponde au taux d'alcoolémie au moment de la conduite ne tient pas. Sans cette présomption, la poursuite ne peut prouver que le conducteur avait plus de 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang au moment où il conduisait.
La Cour suprême a tenu compte de la preuve contraire en décembre 2005, alors qu'un accusé dont le taux d'alcoolémie avait été calculé à .092 avait témoigné qu'il n'avait consommé que deux bières. Le verdict de culpabilité a été rétabli, mais la décision était fondée uniquement sur la crédibilité de l'accusé après qu'on eut évalué si la juge avait bien considéré l'ensemble de la preuve.
Les juges majoritaires ont conclu au paragraphe 43 que:
La juge fait aussi erreur lorsqu’elle précise que la crédibilité de l’accusé et de ses témoins peut être appréciée au regard des résultats des alcootests avant l’application de la présomption.
En conséquence, la Cour suprême a établi qu'un juge de première instance peut faire abstraction des résultats de l'alcootest et juger l'accusé non coupable sans devoir prouver un mauvais fonctionnement de l'appareil, à tout le moins en ce qui a trait à la « présomption d'exactitude à l'égard du certificat d'un technicien qualifié. » Même si le tribunal doute de la preuve présentée par l'accusé, la présomption ne peut être retenue parce qu'il suffit à l'accusé de présenter une preuve contraire.
En toute franchise, il s'agit peut-être d'une mauvaise interprétation de ce que le Parlement a voulu dire par « preuve contraire ». Le Parlement a adopté la loi sur l'ivressomètre, en 1969, de ce fait, le calcul du taux d'alcoolémie serait effectué à l'aide de l'instrument approuvé qui élimine tout élément de doute à condition qu'il fonctionne comme il faut, que l'utilisateur s'en serve convenablement et que les résultats soient correctement enregistrés.
L'interprétation du tribunal a peut-être été justifiée quand la technologie était telle qu'une erreur de l'utilisateur pouvait faire une différence et qu'il n'y aurait eu aucune preuve de cela. Par conséquent, c'est vraiment une défense qui reflète la faiblesse de la technologie qui était utilisée il y a environ 40 ans. Si je ne m'abuse, le Parlement ne voulait pas que la preuve contraire soit simplement une question de spéculation au sujet du taux d'alcoolémie d'un accusé.
Compte tenu de la technologie moderne, la preuve contraire doit être une preuve directe établissant que l'instrument n'a pas fonctionné ou n'a pas été utilisé comme il faut. À défaut d'une telle preuve, il faut accepter le taux d'alcoolémie indiqué par l'instrument.
L'accusé peut cependant être acquitté s'il peut prouver que son taux d'alcoolémie pouvait être de moins de 80 au moment où il conduisait, sans contester les résultats indiqués par l'instrument approuvé utilisé au poste de police. Une telle éventualité est possible si une personne a bu rapidement plusieurs consommations et a été arrêtée avant que l'alcool ne soit absorbé par son système. Il est également possible que, après avoir conduit mais avant l'alcotest, la personne ait consommé de l'alcool et que celui-ci ait été absorbé au moment où on a utilisé l'instrument approuvé pour mesurer son taux d'alcoolémie.
La question fondamentale qui se pose au Parlement est de savoir s'il est possible de se fier aux taux d'alcoolémie obtenus au moyen d'instruments approuvés. Heureusement, les progrès technologiques permettent d'informer l'accusé de tous les détails des tests modernes approuvés au moyen d'une version papier des processus internes de l'instrument.
En mars dernier, le ministère de la Justice a chargé M. Brian Hodgson, toxicologue judiciaire et président du Comité des analyses d'alcool, à la Société canadienne des sciences judiciaires, de préparer un rapport sur la validité de l'éthyloscopie. Je me ferai un plaisir de fournir un exemplaire de ce rapport à tout député désireux de l'obtenir. J'imagine que le comité permanent convoquera M. Hodgson comme témoin si nous renvoyons le projet de loi au comité à l'étape de la deuxième lecture.
Permettez-moi de résumer le rapport comme suit. M. Hodgson soutient que, comme l'ivressomètre est un appareil à commande manuelle, il peut y avoir place à l'erreur humaine lors de son utilisation. Les résultats des tests sont transcrits à la main par l'utilisateur et peuvent faire l'objet d'erreurs de transcription. Les instruments perfectionnés possèdent des fonctions préprogrammées qui réduisent les risques d'erreur humaine. M. Hodgson ajoute également que, par exemple, quand on allume l'instrument, tous ses éléments doivent atteindre une température de fonctionnement précise et que ce n'est qu'ensuite que l'utilisateur peut faire subir un test. Avec l'ivressomètre, cette fonction incombe à l'utilisateur. Les instruments plus perfectionnés ne fonctionneront pas tant que la température voulue n'aura pas été atteinte et des contrôles de sécurité préprogrammés signaleront les problèmes au moyen de messages d'erreur et provoqueront l'interruption du test.
Ces alcootests approuvés sont très perfectionnés et doivent être évalués rigoureusement avant que le comité sur l'alcootest ne recommande leur approbation comme instruments pouvant servir dans les tribunaux aux termes du Code criminel. Ce ne sont pas des instruments que l'on peut se procurer au Wal-Mart. Le comité permanent pourrait peut-être organiser une démonstration qui permettrait de mieux comparer les anciens alcootests et ceux qui sont plus récents.
Compte tenu de l'évolution de la science et de la mise au point d'alcootests approuvés, il est malheureux que les tribunaux n'aient pas su tenir compte dans leur jurisprudence de l'évolution de la technologie. Pour les policiers et les procureurs, qui s'évertuent à respecter les instructions du Parlement, il est très décourageant de constater que l'on évalue le taux d'alcoolémie à partir du témoignage de l'accusé au lieu de tenir compte du taux d'alcoolémie calculé selon une mesure exacte fondée sur l'analyse scientifique du contenu d'alcool dans l'haleine par un alcootest moderne approuvé.
Dès 1986, le comité sur l'alcootest s'est montré préoccupé du fait que les tribunaux acceptaient des témoignages qui, dans les faits, contredisaient les résultats de l'alcootest approuvé. En 1999, on a discuté de la preuve contraire durant les audiences spéciales du comité permanent, concernant la conduite avec facultés affaiblies.
Le comité a écrit ce qui suit:
Le Comité comprend la frustration des intervenants du système judiciaire face à ces défenses qui perdurent et qui, en apparence du moins, peuvent sembler non fondées. Cependant, comme l'accusé ne disposerait d'aucun moyen efficace de vérifier l'exactitude de l'alcootest, le Comité reconnaît que le fait de limiter l'interprétation de la « preuve contraire » de la façon recommandée pourrait en fait équivaloir à créer une infraction criminelle de responsabilité absolue, ce qui risque d'empiéter sur les droits que la Charte canadienne des droits et libertés confère à tout accusé. C'est pourquoi, dans les circonstances, le Comité n'appuie pas les modifications du Code criminel qui restreindraient l'interprétation de la « preuve contraire ».
Les circonstances ont certainement changé. Nous disposons aujourd'hui d'une technologie moderne conçue non seulement pour supprimer toute erreur de manipulation, mais également pour imprimer les résultats de vérifications internes diagnostiques garantissant le bon fonctionnement de l'appareil. L'accusé reçoit une copie de l'imprimé et peut s'en servir à son gré pour sa défense.
Il est aussi inacceptable de rejeter le taux d'alcoolémie mesuré avec un instrument approuvé en faveur du témoignage du défendeur et de ses amis que de rejeter en cour des empreintes génétiques trouvées sur une victime, quand les analyses révèlent qu'elles proviennent de l'accusé, parce que l'accusé et certains de ses amis déclarent qu'il n'était pas sur la scène du crime, sans expliquer pour autant comment ses empreintes génétiques ont pu se retrouver là.
Comme l'a déclaré Andrew Murie, chef de la direction de MADD Canada, dans un communiqué préconisant l'adoption rapide du projet de loi:
Le Canada semble être le seul pays qui permet le rejet des analyses d’haleine et de sang déposées en preuve en fonction du témoignage non corroboré et intéressé d’une personne accusée de conduite avec facultés affaiblies. Nous sommes très heureux de voir que le gouvernement entend restreindre la portée de ce genre de contestation.
Les députés conviendront qu'une personne qui a bu ne se souviendra probablement pas de la quantité d'alcool consommé. Il est indiqué que le taux d'alcoolémie du conducteur soit mesuré à l'aide d'un instrument scientifique qui donne une lecture précise, au lieu qu'on s'en remette à un calcul plutôt précaire.
Les amendements que nous proposons éliminent le concept flou de la « preuve contraire » et énumèrent les motifs de défense scientifiquement valides qu'un accusé peut invoquer.
Nous tenons également compte dans le projet de loi des progrès technologiques et nous avons ramené de quinze à trois minutes le temps requis entre les deux alcootests. Il fallait attendre dix minutes entre les tests avec les anciens ivressomètres. Les nouveaux instruments sont prêts en quelques minutes et un témoin indique quand on peut procéder.
Le projet de loi contient d'autres changements techniques, mais je concluerai en discutant des changements concernant les infractions et les nouvelles sanctions.
Le Code criminel prévoit actuellement des sanctions plus sévères dans les cas de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort ou des lésions corporelles. Ces peines plus sévères ne s'appliquent pas dans les cas de refus pour des infractions de conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à 80. Donc, à moins d'une condamnation pour avoir causé des lésions corporelles ou la mort dans l'incident, une peine maximale inférieure s'applique.
Bien qu'il ne soit pas obligatoire de fournir le taux d'alcoolémie comme preuve de la conduite avec facultés affaiblies causant la mort ou des lésions corporelles, cela demeure tout de même un élément de preuve admissible devant les tribunaux. Cela peut donc inciter l'accusé à refuser de fournir un échantillon dans le cas où l'incident a causé des blessures ou la mort, puisque la peine maximale pour refus de fournir un échantillon est de cinq ans.
Même s'il est admis en tant qu'élément de preuve, le seul taux d'alcoolémie n'est pas nécessairement suffisant pour prouver que le contrevenant conduisait avec des facultés affaiblies. La Couronne doit faire comparaître un toxicologue pour établir ce que nous savons depuis plus de 50 ans, c'est-à-dire qu'une personne dont le sang contient plus de 80 milligrammes d'alcool a les facultés affaiblies. Pratiquement tous les toxicologues conviennent que la capacité de conduire un véhicule des personnes dont le sang contient 100 milligrammes d'alcool sont affaiblies.
Nous proposons d'éliminer tout incitatif à refuser de fournir un échantillon en faisant en sorte que toute personne avec une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes qui provoque un accident causant la mort ou des lésions corporelles et qui refuse de fournir un échantillon d'haleine en sachant qu'il a causé la mort ou des lésions corporelles se voit imposer la même peine qu'un conducteur qui, en conduisant avec des facultés affaiblies par l'alcool ou la drogue, a causé la mort ou des lésions corporelles.
En ce qui a trait aux peines pour conduite avec facultés affaiblies lorsqu'il n'y a ni mort ni lésion corporelle, le gouvernement est d'avis que ces peines ne reflètent pas adéquatement la gravité du crime. Nous proposons de faire passer l'amende minimum pour une première condamnation à 1 000 $. Conjugué à l'interdiction de conduire, à la suspension du permis de conduire et à la hausse des frais d'assurance, cela devrait être suffisant pour convaincre les contrevenants de ne pas récidiver.
Par contre, nous proposons que ceux qui récidivent purgent des peines d'emprisonnement minimales de 30 jours pour une deuxième condamnation au lieu des 14 jours prévus actuellement. Pour une troisième condamnation, nous proposons 120 jours au lieu des 90 jours d'emprisonnement actuellement imposés.
Je suis heureux de recommander que la Chambre adopte le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. J'exhorte tous les députés à l'appuyer.
:
Monsieur le Président, je dois vous dire que c'est la première fois que je prends la parole en cette Chambre en tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice et je suis très heureuse de pouvoir le faire.
[Traduction]
Je suis très heureuse de prendre la parole au sujet du projet de loi .
Je le répète, c'est la première fois que j'interviens à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice. Je me réjouis à la perspective de collaborer avec mes collègues de toute allégeance à l'élaboration de solutions intelligentes pour les questions de justice dont la Chambre est saisie.
Quant au projet de loi , il est essentiel de savoir d'où il vient pour bien le comprendre. Ce projet de loi remonte à de nombreuses années, plus précisément à mai 1999, date à laquelle le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a publié son rapport intitulé Vers l'élimination de la conduite avec facultés affaiblies.
Le comité avait alors reconnu que les drogues étaient parfois en cause dans les accidents de la route mortels. Le rapport soulignait la nécessité, d'une part, de concevoir de meilleures méthodes pour dépister l'usage de la drogue au volant et, d'autre part, d'être en mesure de recueillir des preuves pouvant servir à inculper les personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies par la drogue.
Le Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites s'est également penché sur la question. L'une des principales conclusions de son rapport intitulé Le cannabis: Positions pour un régime de politique publique pour le Canada était qu'il n'existait aucun test de dépistage en situation de conduite qui soit fiable, non invasif et rapide pour les drogues. Dans le cas du cannabis, le meilleur test constitue l'analyse sanguine. C'est de toute évidence un défi qu'il faudra relever si nous voulons nous attaquer au problème de la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue.
En réponse au rapport de 1999, le ministère de la Justice et son groupe de travail sur la conduite avec facultés affaiblies ont tenu des consultations exhaustives auprès des provinces et des territoires. Ces consultations ont débouché sur la publication, en octobre 2003, d'un rapport intitulé Conduite avec facultés affaiblies par les drogues: Document de consultation. D'après ce rapport, beaucoup de conducteurs aux facultés affaiblies ne se soumettent pas de plein gré aux tests de dépistage. Le rapport insiste sur la nécessité d'autoriser les policiers à obliger les conducteurs soupçonnés d'avoir les facultés affaiblies par la drogue à se soumettre aux tests de dépistage.
Le rapport faisait état de deux options. La première prévoyait l'établissement d'une limite légale pour la consommation de drogues et la deuxième proposait l'adoption d'une mesure législative permettant aux responsables de l'application de la loi, c'est-à-dire les policiers, d'exiger une vérification de la présence de drogues. Cette mesure devrait permettre à un agent autorisé d'exiger qu'un conducteur se soumette à un test physique de sobriété ou qu'il fournisse un échantillon de salive ou de sueur sur place s'il a des motifs raisonnables de soupçonner la présence de drogue dans l'organisme du conducteur. Le fait d'échouer ce test fournirait alors un motif raisonnable pour mener une évaluation plus poussée et partant une évaluation plus complète au poste de police. Le projet de loi dont nous sommes saisis est inspiré de cette deuxième option.
Le rapport du Comité spécial de la Chambre des communes sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments, qui a été rendu public à l'automne 2003, demandait au Parlement de mettre au point une stratégie sur le problème de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. En avril 2004, le gouvernement libéral de l'époque a déposé un projet de loi à ce sujet, lequel portait, par un drôle de hasard, le même numéro que le projet de loi actuel, le projet de loi . Ce projet de loi prévoyait l'adoption des mesures décrites précédemment dans les cas de conduite avec facultés affaiblies par les drogues. Malheureusement, le projet de loi est mort au Feuilleton en mai 2004 au moment du déclenchement des élections.
Les libéraux ont été réélus, à la tête d'un gouvernement minoritaire toutefois, et ils ont présenté le projet de loi à nouveau, mais il s'agissait alors du . Le projet de loi a été soumis à l'étude du comité et il a été renvoyé à la Chambre avec quelques propositions d'amendements. Malheureusement, il est de nouveau mort au Feuilleton lorsque les élections ont été déclenchées en novembre 2005.
Le projet de loi présenté par le gouvernement conservateur minoritaire actuel est donc basé sur le travail effectué par le gouvernement libéral précédent. Les conservateurs ont toutefois décidé d'y apporter quelques modifications, prévoyant entre autres des pénalités plus sévères que celles établies dans les deux projets de loi présentés par les libéraux.
Dans le même ordre d'idées, une dépêche de la Presse canadienne en date du 22 novembre dernier traitait du dépôt du projet de loi C-2 en ces termes:
Le Parti conservateur a déposé une mesure législative visant à sévir contre les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par les drogues--en reprenant un plan qui avait d'abord été présenté par les libéraux, en prévoyant des amendes et des peines de prison plus sévères et en présentant le tout comme une initiative conservatrice.
Je crois que cette description est juste et je ne peux que féliciter les conservateurs d'avoir su reconnaître une bonne idée même si elle avait été mise au point et présentée tout d'abord par un autre parti, c'est-à-dire le Parti libéral, au moment où il était au pouvoir.
[Français]
Maintenant qu'on a établi l'historique du projet de loi qui est devant nous, il nous faut examiner les changements qu'il apportera au Code criminel. Le sommaire du projet de loi se lit comme suit:
Le texte modifie le Code criminel pour, notamment:
a) ériger en infraction le fait pour une personne de conduire un véhicule à moteur alors qu’elle est en possession d’une substance désignée au sens du paragraphe 2(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances;
b) autoriser les agents de la paix ayant reçu la formation voulue à effectuer des épreuves et des examens en vue d’établir si les facultés d’une personne sont affaiblies par l’effet d’une drogue ou par l’effet combiné de l’alcool et d’une drogue;
c) autoriser le prélèvement d’échantillons de substances corporelles pour permettre de déterminer la présence d’alcool ou de drogue;
d) ériger en infraction le fait pour une personne de causer des lésions corporelles à une autre personne ou sa mort en conduisant un véhicule à moteur alors qu’elle a une alcoolémie supérieure à quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang;
e) préciser les éléments de preuve que la personne accusée de conduire un véhicule alors qu’elle a une alcoolémie supérieure à quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang est autorisée à présenter pour soulever un doute raisonnable relativement à la commission de l’infraction;
f) ériger en infraction le fait pour une personne de refuser de fournir un échantillon d’haleine alors qu’elle sait ou devrait savoir que le véhicule qu’elle conduisait a été impliqué dans un accident ayant causé des lésions corporelles à une autre personne ou sa mort;
g) relever les peines prévues pour la conduite avec facultés affaiblies.
Il apporte en outre des modifications corrélatives à d’autres lois.
En tant que porte-parole libérale en matière de justice, je tiens à affirmer que notre parti prend très au sérieux les problèmes que pose la conduite des véhicules avec des facultés affaiblies par l'alcool et/ou d'autres drogues. À mon avis, la preuve à cet égard est le fait qu'alors que nous formions le gouvernement, nous avons justement présenté à deux reprises un projet de loi afin de modifier le Code criminel pour s'attaquer à ce problème.
Je pense que la preuve est là. Nous prenons ce dossier très au sérieux et nous prenons également très au sérieux des mesures qui sont intelligentes et efficaces et qui ont une bonne chance et même une excellente chance d'atteindre les objectifs voulus. De plus, nous appuyons les initiatives visant à donner aux services responsables du maintien de l'ordre public des moyens concrets et efficaces d'appliquer les lois conçues afin de réprimer la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool ou d'autres drogues.
Nous sommes donc prêts à appuyer le projet de loi afin qu'il puisse cheminer au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Celui-ci pourrait ainsi étudier le projet de loi plus en profondeur et convoquer des témoins et des experts qui pourront offrir leur perspective unique. De plus, s'il le faut, le comité pourrait proposer des amendements qu'il croit nécessaires. Toutefois, je tiens à préciser que nous avons toujours des réserves à propos de certains aspects de ce projet de loi. Nous espérons que le gouvernement collaborera de façon constructive avec tous les partis d'opposition pour que ces réserves soient prises en compte et que le texte législatif le plus utile et le plus efficace soit adopté.
Quelles sont les préoccupations ou réserves que nous pourrions avoir face à ce projet de loi?
Certains les ont déjà exprimées.
[Traduction]
Le Conseil canadien de la sécurité a déjà exprimé des objections quant aux tests routiers de dépistage de drogue. Il s'interroge sur le type de drogues visées par les tests de dépistage administrés par les policiers. Ciblera-t-on simplement les drogues illicites, les drogues illégales, ou s'intéressera-t-on aussi aux drogues légales, c'est-à-dire aux médicaments délivrés sur ordonnance? Une personne peut légalement être en possession de tels médicaments, mais les effets de ceux-ci peuvent affaiblir les facultés, ce qui est clairement indiqué dans les mises en garde concernant ces médicaments.
Combien d'entre nous se sont déjà vu prescrire par leur médecin un médicament pour traiter une mauvaise grippe ou une vilaine infection et ont pu lire sur l'étiquette du médicament obtenu à la pharmacie une mise en garde indiquant clairement de ne pas faire fonctionner d'équipement et de ne pas conduire sous l'effet du médicament?
Le Conseil canadien de la sécurité s'interroge sur les drogues qui feront l'objet des tests et se demande s'il y aura une distinction entre les médicaments d'ordonnance et les drogues illégales. De plus, comment traitera-t-on les drogues comme la marijuana, dont des traces peuvent rester dans l'organisme bien après que l'état euphorique et les effets des facultés affaiblies ont complètement disparu?
Le Conseil canadien de la sécurité pose ces questions. Comment ces points seront-ils réglés dans le projet de loi? Ce sont-là des questions qui seront tranchées, espérons-le, si le projet de loi est renvoyé au comité.
Comme je l'ai déjà dit, en tant que porte-parole libérale, je recommanderai à mes collègues de voter en faveur du renvoi du projet de loi au comité, de façon à ce que nous puissions tenter d'obtenir des réponses à ces questions et, si possible, amender le projet de loi lui-même. Si nous recevons des réponses étoffées de spécialistes qui nous affirment que nous pouvons effectivement procéder ainsi et amender le projet de loi de façon concluante, il nous sera permis d'espérer la coopération du gouvernement pour aller de l'avant.
J'ai une autre question, à laquelle le secrétaire parlementaire n'a pas répondu pendant les questions et observations. J'ai demandé si des études avaient été faites pour déterminer dans quel pourcentage des cas où la mort ou des lésions corporelles avaient été causées par un véhicule automobile dont le conducteur avait les facultés affaiblies, disons par l'alcool, la Couronne avait porté des accusations d'homicide involontaire aux termes d'un article du Code criminel qui existe actuellement. Celui-ci porte sur les homicides involontaires et sur la mort et les lésions corporelles causées par un véhicule, y compris la conduite en état d'ébriété. Il prévoit une peine maximale d'emprisonnement à vie.
J'aimerais savoir quelles études scientifiques ont été menées pour expliquer pourquoi ces dispositions, selon le secrétaire parlementaire, n'avaient manifestement pas été appliquées assez souvent. Il a parlé des conducteurs en état d'ébriété qui causent un vrai carnage avec leurs véhicules et s'en tirent simplement parce qu'ils refusent de se soumettre aux tests. Où est le problème? Nous avons déjà des dispositions, mais il semble qu'on ne les utilise pas. Pourquoi? Qu'est-ce qui pourrait expliquer pourquoi ces dispositions ne sont jamais appliquées?
Enfin, nous savons que le gouvernement a annoncé qu'il allouerait 2 millions de dollars aux forces de l'ordre pour financer la formation des agents afin qu'ils puissent administrer un test de dépistage routier. Combien d'argent, d'autre part, le gouvernement prévoit-il consacrer à une campagne de sensibilisation du public?
[Français]
L'histoire a déjà démontré que les campagnes d'éducation publique élaborées et mises en place partout au Canada en ce qui a trait à la conduite avec facultés affaiblies ont quand même obtenu une excellente réponse du public.
C'est pour cette raison qu'on profite aujourd'hui d'un conducteur désigné, lors d'une soirée chez des amis ou lors d'une fête dans une salle de réception ou dans un restaurant, et où il y a consommation d'alcool. Aujourd'hui, la très grande majorité des personnes se résigne à ne pas consommer du tout. Toutefois, si une personne décide de consommer, elle a déjà son conducteur désigné.
Le gouvernement a-t-il l'intention de mettre des ressources financières et humaines derrière l'idée d'une campagne d'éducation sur la question de la conduite avec facultés affaiblies non seulement par l'alcool, mais aussi par la drogue, par exemple? J'aimerais le savoir. Peut-être aura-t-on les réponses en comité, si c'est la volonté de la Chambre d'envoyer ce projet de loi en comité.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le Président, et je remercie mes collègues de cette Chambre qui participent à ce débat. Comme je l'ai déjà mentionné, je recommande à mes collègues de tous les partis d'envoyer ce projet de loi en comité afin de pouvoir chercher ces réponses et, si nécessaire, améliorer le projet de loi.