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Merci beaucoup, monsieur.
J'ai remarqué l'honneur que vous me faites tous en insistant pour me donner le titre de docteur. En fait, c'est M. Fuller et pas docteur, mais si vous insistez, j'accepte que vous employiez le terme dans d'autres acceptions.
C'est pour moi un très grand plaisir d'être ici pour faire un exposé sur une question qui me tient beaucoup à coeur. Je sais qu'elle est d'une importance extrême pour le Canada à ce stade-ci de développement de sa politique étrangère.
J'aimerais tout d'abord rendre un très grand hommage au courage, au dévouement et à l'abnégation des Canadiens et des Canadiennes qui sont en Afghanistan et qui travaillent d'arrache-pied, font d'énormes dépenses et surtout sacrifient leur vie en Afghanistan pour défendre cette cause.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les objectifs de la participation au conflit en Afghanistan sont extrêmement louables, car il s'agit d'affaiblir le radicalisme, d'améliorer la situation en ce qui concerne les femmes, les droits de la personne, l'éducation —surtout pour les femmes, encore une fois — et la primauté du droit, de déraciner la corruption et d'instaurer la démocratie et la justice. Je pense que ce sont des objectifs qui n'ont rien d'exceptionnel et auxquels nous pouvons tous aspirer. Le problème est que ces objectifs ne sont pas mis en oeuvre de façon significative en Afghanistan. Je pense que la situation se détériore, en fait.
Je vous rappelle, à vous et aux personnes qui sont peut-être allées là-bas tout récemment, les statistiques et les chiffres les plus récents que vous avez. Je sais que quantité de chiffres provenant de nombreuses sources différentes appuient cette position; je n'essaie pas de jouer le petit jeu qui consiste à démontrer que mes statistiques sont meilleures que les vôtres. J'expose tout simplement ce que je considère être mon point de vue sur la situation.
Je pense qu'elle se détériore, car le nombre d'attaques dans tout le pays augmente d'une année à l'autre. Un plus grand nombre de combattants étrangers participent au conflit. Les EEI ou engins explosifs improvisés, qui étaient en fait pratiquement inconnus en Afghanistan il y a quelques années, sont maintenant d'usage généralisé, à cause de l'expérience que les combattants ont acquise en Iraq.
La situation est la même en ce qui concerne les attentats suicide à la bombe. Pendant les nombreuses années de conflit entre l'Afghanistan et les étrangers, les attentats suicide à la bombe étaient inconnus et ce, jusqu'à il y a quelques années à peine. Ils sont maintenant monnaie courante.
La zone de conflit s'étend malheureusement au-delà de la zone la plus touchée, à savoir le sud, dominé par les pachtounes, et gagne des régions qui n'ont pas la réputation d'être sous leur contrôle. Kaboul n'a malheureusement pas le contrôle sur le pays comme tel. Karzaï est appelé — parfois de façon plutôt cruelle — président de Kaboul plutôt que de l'Afghanistan.
Les problèmes liés à la culture du pavot sont très sérieux. L'Afghanistan fournit probablement la majeure partie du pavot qui est consommé dans le monde occidental, sous une forme ou une autre. Lorsque j'étais chef de station en Afghanistan, dans les années 70, je me souviens avoir été breffé par des personnes qui m'ont signalé avoir commencé la lutte contre le pavot une trentaine d'années avant cela. L'été, j'allais compter les cultures de pavot rien que dans les environs de Kaboul avec ma femme et mes enfants pour voir s'il y avait eu du changement grâce à tous les efforts des Américains et des autres ambassades de la région pour tenter d'atténuer ce problème. Je ne vois donc pas de changement important dans ce domaine. Et ce qui est pire aujourd'hui, c'est l'insistance de certaines politiques visant à détruire les champs de pavot. Ce serait détruire le gagne-pain des agriculteurs afghans et les pousser dans les bras des talibans.
En bref, je ne pense pas qu'on est en train d'atteindre les objectifs qui ont été fixés par Washington, par l'OTAN ou par les participants à ces opérations; ils ne seront en fait pas atteints à moyen terme. On pourrait peut-être avoir un certain espoir d'atteindre certains de ces objectifs au cours d'une génération.
Mes commentaires sont très pessimistes, mais je signale que je ne suis pas le seul à faire de tels commentaires. La plupart de mes collègues du milieu du renseignement ou ceux qui travaillaient pour le département de l'État, mais ne sont plus impliqués dans cette affaire, partagent généralement ces opinions, au même titre que de nombreuses évaluations externes indépendantes de la situation.
Je voudrais faire quelques brèves observations sur la nature du problème. Je sais qu'un grand nombre d'entre vous connaissent une bonne partie des faits, mais j'aimerais les exposer dans un contexte.
D'une façon générale, le pouvoir des talibans semble augmenter mais, ce qu'il est essentiel de comprendre au sujet des talibans, c'est qu'il ne s'agit pas principalement d'un mouvement idéologique. C'est plutôt un mouvement national ou nationaliste de la population pachtoune, qui est le groupe ethnique le plus important du pays, car il représente la moitié de la population. Si vous étiez pachtoune, vous considéreriez les talibans comme le principal outil d'exercice du pouvoir pachtoune en Afghanistan. Les pachtounes ont la perception d'avoir perdu ce rôle depuis la chute du gouvernement taliban, et même depuis plus longtemps. Bien que la plupart des pachtounes n'aiment pas les talibans ou qu'ils ne sympathisent pas tout à fait avec la plupart de leurs interprétations extrêmes de l'Islam, ils leur offrent souvent leur soutien au nom du rétablissement du pouvoir pachtoune dans le pays.
Si certains parmi vous ont lu l'histoire fascinante de la région, je n'ai pas besoin de rappeler qu'au cours des siècles, les envahisseurs ne s'en sont jamais très bien tirés dans ce pays. Je ne vois aucune raison pour que les forces qui y sont actuellement, qui sont perçues comme des forces d'occupation par un grand nombre d'habitants, doivent s'attendre à ce que les perceptions soient très différentes.
Bien que je pense qu'Hamid Karzaï soit un homme très honorable, très convenable et sympathique, il n'est malheureusement pas extrêmement compétent. Il y a pire: il est perçu comme un instrument des États-Unis et un peu comme un oncle Tom par la plupart des pachtounes. Bien que Karzaï soit pachtoune lui-même, on le perçoit comme un effort pour apaiser les perceptions des pachtounes, mais pas comme une personne qui les représente tout à fait. On voit par conséquent se former dans le pays de nouvelles coalitions qui sont pro-talibans, ou qui sont composées d'ex-communistes, de seigneurs de guerre ou d'autres types de personnes qui s'opposent au pouvoir de Karzaï.
Une autre réalité au sujet du pays est qu'il est impératif de comprendre que, si les pachtounes sont le principal groupe ethnique en Afghanistan, ils sont deux fois plus nombreux au Pakistan. Toute la zone pakistanaise de la frontière avec l'Afghanistan est peuplée de pachtounes qui ont des liens très étroits sur les plans linguistique, culturel, tribal, en termes de clan ou encore à d'autres points de vue; une frontière à cet endroit est pour ainsi dire extrêmement artificielle. C'est une frontière poreuse. Les gens la traversent le plus souvent en dehors de tout contexte juridique. Par conséquent, les pachtounes pakistanais participeront très activement à la politique pachtoune en Afghanistan, qu'on le veuille ou non.
Cette situation a une incidence viscérale sur la position du Pakistan. Le Pakistan est un pays qui manque beaucoup de sécurité à de nombreux égards, du fait qu'il est le voisin immédiat du colosse que représente l'Inde. Par conséquent, le Pakistan n'a pas les moyens d'avoir un autre ennemi ou de faire face à une autre menace à ses frontières occidentales. Je pense donc que tout gouvernement pakistanais ou que les responsables de la sécurité ou les responsables militaires du Pakistan seront déterminés à maintenir le contrôle et leur droit de regard sur la politique pachtoune en Afghanistan, et qu'ils aimeraient en fait avoir la maîtrise pour ce qui est de la nature des politiques de Kaboul. Je ne pense pas que la situation changera à cet égard. Elle n'a aucun lien avec l'Islam ou avec l'idéologie; elle est liée aux intérêts et aux craintes géopolitiques pakistanaises dans la région.
J'aimerais sauter des passages, car le temps dont je dispose est limité; je suis d'ailleurs impatient d'avoir une discussion avec vous.
J'aimerais pouvoir dire que le Canada a été apprécié au Pakistan et dans la région à titre de puissance totalement indépendante ayant une longue et éminente culture de maintien de la paix et travaillant dans le contexte des Nations Unies. La plupart des Afghans pensent toutefois que la participation du Canada fait essentiellement partie d'un projet américain. Je crains que cette association au projet américain soit vraiment fatale, car c'est une source d'angoisse et de colère pour la plupart des musulmans, pas seulement en Afghanistan ou au Pakistan, mais aussi dans tout le Moyen-Orient. Bien que nous puissions la considérer comme une organisation internationale qui chapeaute la participation canadienne, l'Organisation du Traité de l'Atlantique-Nord est essentiellement perçue comme un instrument du pouvoir occidental.
À l'heure actuelle, les musulmans de tout le Moyen-Orient perçoivent la guerre américaine au terrorisme et ses alliés comme une guerre contre l'Islam. Quels que soient les faits, c'est la perception. La perception est que des dizaines de milliers de musulmans de toute la région sont tués, surtout par les forces américaines. Les musulmans craignent les objectifs américains — et même ceux de l'OTAN — dans la région, et ils s'en méfient. J'aimerais que ce ne soit pas le cas et que le Canada puisse être là à titre indépendant, qu'il soit apprécié pour lui-même, à titre de force indépendante ayant de prestigieux antécédents.
J'aimerais donner deux précisions qui sont à mon sens capitales. Je ne tiens pas à avoir des discussions sur le Pakistan avec les nombreux experts du gouvernement canadien. Je pense que votre éminent ambassadeur en Afghanistan vient ce soir, et je ne tiens pas à croiser le fer avec lui, à quelque égard que ce soit. J'aimerais toutefois signaler que si un échec de l'OTAN et de ses alliés est probable au cours des prochaines années, bien que ce ne soit pas ce que je souhaite, il est essentiel de réfléchir à des stratégies de retrait. C'est la vieille maxime de Colin Powell en ce qui concerne la participation américaine: des stratégies de retrait.
Je pense qu'il n'y aura pas de solution durable tant que les pachtounes n'auront pas été entièrement intégrés au système, ce qui implique qu'il faudra intégrer certaines formes et certains éléments des talibans, aussi détestable que ça puisse être. Il n'est pas réaliste d'envisager de transformer l'Afghanistan à court terme en un pays démocratique, homogène, uni, épris de paix et propre.
De plus, outre qu'il faudra faire participer activement les pachtounes, autrement dit le pouvoir pachtoune, même si les talibans les plus radicaux sont exclus, certaines puissances régionales représentent des intérêts très considérables dans la région et sont très importantes dans le contexte d'un futur règlement. Ces puissances sont l'Iran, qui a une influence énorme sur l'ouest de l'Afghanistan; le Pakistan, sur lequel j'ai déjà fait des commentaires, mais aussi la Russie qui, comme vous le savez, lèche toujours ses plaies à la suite de son intervention, qui présente de nombreux parallèles déplorables avec la participation actuelle de l'OTAN. La Russie, la Chine et l'Inde ont des intérêts profonds et permanents que n'ont pas les États-Unis. Les États-Unis n'ont pas été voisins de l'Afghanistan et la plupart des habitants de la région estiment que, lorsque la crainte d'al-Qaïda aura disparu, les États-Unis et l'OTAN ne s'y intéresseront plus.
Il doit y avoir des possibilités de faire participer ces pays, même si Washington ne tient pas à discuter ou à traiter avec l'Iran, ni à faire participer de façon plus active la Chine ou la Russie. Je pense en fait que, bien que les Américains qui sont sur le terrain soient très réalistes, les dirigeants qui sont à Washington continuent de percevoir l'Afghanistan comme une future base de la projection de la puissance américaine à travers l'Asie, pour faire obstacle à la Chine et à la Russie. Par conséquent, j'estime que, bien qu'il ne soit pas formulé, cet objectif est bien réel et suscite une réaction de la part de la Chine et de la Russie dont l'aide, sans mentionner celle de l'Iran, est absolument essentielle.
En conclusion, je pense que le Canada aura un rôle très prestigieux à jouer à l'avenir, à titre de force de maintien de la paix et de pays indépendant. Cependant, son association avec les politiques gravement déficientes et dangereusement vouées à l'échec du gouvernement américain, sous l'administration actuelle, rend quasi impossible la mission canadienne dans cette région. J'aimerais que ce ne soit pas le cas mais, étant donné que j'ai été longtemps associé à la politique étrangère américaine, je suis au regret de dire que c'est la réalité.
Par conséquent, étant donné que le monde devient davantage multipolaire, même contre les voeux de Washington, je pense que le Canada trouvera de plus en plus de latitude pour exercer de l'influence auprès des grandes puissances émergentes du monde plutôt que de se contenter de demander tout simplement si elles sont pour ou contre l'Amérique. Je pense que le monde ne se résume pas à être pro-américain ou anti-américain. Des pays comme le Canada devraient avoir la latitude d'oeuvrer parmi un large éventail de puissances différentes.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur. C'est une question très importante.
Tout gouvernement tente de faire très bonne figure en ce qui concerne ses politiques et ses réalisations.
Si l'on me demandait aujourd'hui d'être en charge de l'effort afghan, il faudrait que je pense de façon positive à ce que je pourrais faire dans l'immédiat pour changer cette situation. C'est peut-être un luxe d'être un agent de renseignement ou un analyste du renseignement pour avoir la liberté de voir ce qui se passera à l'avenir, peu importent les incidences politiques de l'analyse. C'est pourquoi il y a très souvent des tensions entre les organismes du renseignement et les décideurs.
Oui, je pense que Washington a fait de gros efforts pour présenter sous un jour positif non seulement la situation en Afghanistan, mais aussi en Iraq et bien d'autres situations dans la région. C'est toujours vrai, mais je pense que ce l'est particulièrement depuis huit ans.
Vous vous êtes demandé comment on peut être informé de la situation sans avoir accès à des documents secrets. J'ai travaillé pendant 25 ans avec des documents secrets et je ne pense pas du tout que ces documents contiennent nécessairement des secrets qui vous permettraient ou me permettraient de mieux comprendre ce problème. Les renseignements secrets peuvent être parfois importants pour savoir où se cache ben Laden et où se trouve actuellement une force militaire prête à lancer une attaque militaire; c'est donc important sur le plan tactique. Par contre, pour ce qui est de comprendre les tendances générales, aucun renseignement ne donne une réponse à cette question. Tout ce que l'on peut donner, c'est un jugement ou une opinion éclairée. Les personnes bien informées peuvent très bien ne pas s'entendre, même sur la façon d'interpréter les faits.
Mon interprétation des événements qui se déroulent actuellement en Afghanistan, en Iraq ou dans d'autres régions n'est pas fondée du tout sur des renseignements secrets. Je n'ai pas de renseignements secrets. Je n'en ai pas vu depuis 15 ans.
Si l'on apprend toutefois à réfléchir intelligemment et à examiner différentes sources... À propos, sur Internet, on trouve une variété remarquable de sources et de bons renseignements concernant les différents points de vue sur la situation. Si on examine les points de vue d'autres pays — la presse anglaise, la presse indienne en anglais ou des publications comme l'Asia Times, qui est publiée en Asie de l'Est en anglais et qui a un point de vue indo-chinois très différent et très éclairé —, ça donne quelques perspectives différentes.
Je ne pense pas que des renseignements secrets soient nécessaires pour évaluer les difficultés considérables que l'on a à comprendre cette situation.
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C'est aussi une question très importante et très délicate, monsieur. S'il y avait une réponse facile à cette question, nous ne serions pas ici.
Je pense qu'il y a une différence. Je pense que la présence des troupes occidentales « qui occupent » — et c'est le terme employé par la plupart des musulmans — leur pays engendre un élément radicalisant qui encourage d'autres forces radicales. Il encourage les djihads à venir des quatre coins du monde pour se battre, surtout contre la présence américaine, contre laquelle on mène un combat militaire dans plusieurs pays.
J'estime d'abord que les talibans, dans la mesure où on peut généraliser à leur sujet, car il existe des tendances différentes parmi eux — ils sont tous pachtounes, ils sont tous nationalistes, ce sont tous des fidèles de l'Islam à un certain degré —, ont également appris quelques petites choses en une génération, en observant cette débâcle terrible. Même les vieux talibans n'étaient pas à l'aise avec ben Laden lorsqu'il est arrivé là-bas, mais ils se sont trouvés progressivement pris au piège dans une situation de dépendance à son égard. Je ne pense pas que cette situation pourrait se présenter à nouveau sous la même forme.
Je pense donc que les talibans ont appris quelque chose, les pachtounes aussi, et que les Pakistanais eux-mêmes ont pris connaissance des dangers d'une perte de contrôle des éléments mêmes qu'ils appuyaient, comme ils l'ont déjà fait.
Si l'on sait que les troupes occidentales quittent le pays et que des mécanismes sont mis en place avec le soutien des puissances régionales — de la Russie, de l'Iran, de la Chine, de l'Inde, d'autres pays et des Nations Unies — pour tenter essentiellement de rétablir un gouvernement au sein duquel les talibans pourraient avoir une forte influence, ce qui importe le plus, c'est le type de talibans et le type de politiques visés.
Je ne pense pas qu'on se remette à incendier des écoles, mais n'observera-t-on pas un retour à un pays conservateur, à une politique sociale conservatrice, et à une politique conservatrice à l'égard des femmes, que je n'approuve pas? Oui, je pense que ce serait le cas dans une certaine mesure, mais pas qu'on en reviendrait aux atrocités et aux exagérations commises par les plus radicaux des talibans ni à leurs méthodes, qui sont considérées comme faisant partie de leur combat anti-américain.
Je suis désolé, mais j'ai oublié ce que je voulais dire, mais pas l'autre commentaire important que je voulais faire. Ce que je voulais dire me reviendra à l'esprit.
Il ne s'agit pas de remettre le pays entre les mains des talibans, mais d'entamer un nouveau processus politique et essentiellement non militaire, et ce, très rapidement, dans le cadre duquel un nouveau gouvernement et un nouvel équilibre des forces pourront être établis. Je ne peux pas indiquer la formule parfaite pour le déroulement du processus, mais l'alternative est également importante.
Vous parlez de quitter le pays et d'abandonner la partie. Je ne suis pas persuadé que si nous restons deux, trois, cinq, voire dix ans, nous atteindrons l'objectif que nous espérons atteindre. Je pense que nous aurions de la chance si nous l'atteignions en une vingtaine d'années et on n'a aucune garantie qu'on ne continuerait pas à enflammer les passions nationalistes, religieuses et fondamentalistes, en Afghanistan, au Pakistan et dans la région, pour venir lutter contre le projet actuel de l'OTAN.
Par conséquent, il ne s'agit pas de faire un choix qui soit de la folie plutôt qu'un choix raisonnable. C'est un choix raisonnable actuellement qui, à mon avis, n'est pas efficace et ne le sera probablement pas. Et c'est une nouvelle façon d'utiliser les puissances régionales pour empêcher les pires des éléments du passé de refaire surface. C'est la participation d'éléments comme al-Qaïda. Le Pakistan n'en veut pas et l'Iran, la Russie et la Chine non plus. Ces pays sont très puissants.
Un autre scénario est que l'Afghanistan soit divisé en sphères d'influence pour un certain temps, avec la participation de ces pays. C'est parfaitement imaginable, quoique ce serait regrettable.
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J'insiste sur le fait qu'il est important de comprendre que, parmi les talibans, il y a des éléments modérés et des éléments plus radicaux, comme dans tout autre mouvement. Les talibans modérés ne nous rassurent peut-être pas tout à fait par une éducation occidentale, avec des opinions sur les femmes qui sont, dans la meilleure des hypothèses, primitives. Même les vues tribales très répandues sur les femmes sont extrêmement primitives à cet égard depuis des siècles et des siècles.
Il y a toutefois un spectre. Je pense que, dans leur optique, lorsque les forces militaires d'occupation occidentales s'en iront, il y aura une lutte pour le pouvoir parmi les talibans. Certains talibans tenteront d'obtenir des fonds et de l'aide des pays occidentaux pour reconstruire le pays, pour autant que ce soit sans troupes et sans Américains. Ils accepteront même des fonds américains si c'est sans les forces américaines. D'autres ne voudront jamais en entendre parler, parce qu'ils ne veulent pas d'Occidentaux là-bas. Certains estimeront qu'ils devraient travailler en collaboration étroite avec le Pakistan alors que d'autres diront qu'ils vivent en Afghanistan et, par conséquent, ne voudront pas dominés par le Pakistan.
Il y aura donc un désaccord au sujet de leurs liens avec les forces internationales djihads. Y a-t-il parmi les talibans des forces et des éléments qui coopèrent avec al-Qaïda? Oui. Mullah Omar et la vieille bande, les vieux éléments, sont très affaiblis, mais ils sont toujours là, et ils ont probablement ce vieux point de vue qui ne changera pas. Les jeunes éléments ont toutefois un jeu différent. Ce sont des Afghans. Ils sont intéressés au pouvoir en Afghanistan. La plupart d'entre eux ne veulent pas révolutionner le monde, malgré certains de leurs commentaires.
Vous m'avez posé une question au sujet de la politique américaine. Je pense que c'est un facteur de l'échec général. Elle mettra dans le même panier tous les mouvements qui ont recours au terrorisme: ce sont tous des ennemis, il faut les combattre tous et il faut tous les tuer.
Il est extrêmement important de faire la distinction entre des mouvements comme le Hezbollah au Liban, par exemple — je ne les appuie pas — et même le Hamas. On peut aller au Liban — je l'ai fait —, dans les bureaux du Hezbollah, leur parler, obtenir leurs documents, les interviewer, les prendre en photo et publier des articles sur eux. Ils font partie du gouvernement et font partie d'un mouvement dans ce pays. Il ne s'agit pas d'une conspiration internationale ou d'un mouvement international, qu'on le veuille ou non.
Je pense que le même type de raisonnement est davantage applicable aux talibans, car la situation change. Ils ne seront pas très unifiés par cette présence américaine et par cette présence des forces armées occidentales. Ils se diviseront selon les clans, peut-être selon les croyances religieuses, selon les différences régionales, selon les politiques, et ils coopéreront avec certaines personnes et pas avec d'autres, comme je l'ai mentionné. Je pense qu'il faut être ouvert et encourager cette situation, mais toute l'approche militaire au terrorisme entreprise par Washington a mené à la catastrophe et s'est soldée par un échec dans tous les pays: au Liban, en Palestine, en Somalie, en Iraq et dans d'autres pays.
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J'ai signalé que je pensais que les talibans avaient avant tout des objectifs locaux que je résumerais comme suit.
Ils veulent principalement restaurer une domination pachtoune du gouvernement à Kaboul, mais si j'emploie le terme « domination », il n'évoque pas nécessairement une image effrayante. Les pachtounes ont dominé la politique afghane pendant trois siècles et continueront probablement de le faire, puisqu'ils constituent le groupe le plus important. Il n'est pas exclu pour autant que d'autres éléments interviennent ou fassent partie d'un futur gouvernement.
Il y a en Afghanistan des groupes religieux non violents, bien que fondamentalistes, qui partageraient un grand nombre de ces objectifs sociaux. Ils veulent davantage de charia. Ils veulent des fonctions sociales très traditionnelles. Ils voudraient au moins la séparation des hommes et des femmes dans le domaine de l'éducation. La plupart de ces groupes accepteraient que les femmes reçoivent une instruction, mais pas dans des écoles mixtes, comme cela se fait en Arabie saoudite.
Je pense que le programme serait surtout une politique sociale conservatrice conjuguée avec une forte représentation pachtoune. Les pachtounes manoeuvreraient à l'intérieur du système pour obtenir le pouvoir.
En ce qui concerne le prochain gouvernement américain, c'est difficile à dire. Je ne pense pas qu'un candidat républicain soit susceptible de modifier considérablement l'approche américaine. Elle pourrait être plus intelligente — elle sera probablement plus intelligente —, mais je pense que cette approche restera gouvernée par les mêmes instincts.
S'il s'agissait d'un gouvernement démocrate — à supposer que ce soit quelqu'un comme Barack Obama —, une réflexion sur le projet global américain est possible, mais sur ce projet jusqu'à présent, car la fin de la Guerre froide a surtout été marquée par une hégémonie américaine. Que le gouvernement ait un visage souriant, comme celui de Bill Clinton, ou un visage grave, comme celui du gouvernement Bush, il s'agit surtout d'une vision hégémonique, et c'est ainsi qu'elle a été explicitement désignée. Je n'ai pas inventé ces termes; ce sont les termes qui ont été employés par de nombreux néo-conservateurs: le siècle américain, le nouvel empire américain, reconnu et appuyé par de nombreux citoyens.
Je pense que l'idée d'abandonner un monde unipolaire sera tenace. Elle disparaîtra lentement, mais elle disparaîtra, car elle est déjà en train de disparaître de fait, comme on peut le constater dans des pays comme la Chine et la Russie, voire dans la récente solution des Hezbollah et du Liban, et à la suite des discussions avec le Hamas; les politiques américaines ne sont plus observées par les intervenants régionaux.
J'espère qu'on verra à l'oeuvre un monde plus multilatéral et je pense que, dans ce contexte, Washington se mettra à abandonner ses aspirations à un contrôle hégémonique.
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Merci beaucoup, mesdames et messieurs. J'allais faire remarquer moi-même que certains d'entre vous ont fait un séjour en Afghanistan tout récemment et que d'autres y sont allés pendant que j'étais là-bas. Ça fait plaisir de voir quelques visages qui ont une expérience directe de l'Afghanistan.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité et de m'avoir donné cette occasion de faire un exposé.
J'ai préparé un exposé. Je le parcourrai, mais j'attends impatiemment la discussion. Comme un de vos membres l'a signalé, vous venez d'entendre un exposé intéressant et même provocateur. Je me réjouis de poursuivre cette discussion.
Je signale également que j'ai suivi les progrès de ce comité au cours de la brève période qui s'est écoulée depuis sa création; il est en tout cas très actif. Je pense qu'il est très utile pour la tâche que nous accomplissons en Afghanistan que des parlementaires s'intéressent d'aussi près à ce que le Canada tente d'accomplir dans ce pays-là.
Je suis en poste à Kaboul depuis un an, mais je suis le dossier de l'Afghanistan depuis environ sept ans. J'étais à l'ambassade du Canada à Washington la nuit du 11 septembre 2001. À partir de cette nuit-là, mon travail a consisté à observer l'Afghanistan et la réaction internationale. Ensuite, j'y ai travaillé d'ici, et maintenant sur place, en Afghanistan.
Je le précise pour vous donner une idée de mon point de vue. J'ai vu le dossier à des points bas et à des points hauts. Je termine ma première année en Afghanistan avec l'impression que nous prenons de la vitesse. Nous avons une certaine prise sur un grand nombre des questions que nous essayons de régler.
Je voudrais faire quelques commentaires à ce sujet pour faire le point et vous parler de l'approche pangouvernementale du Canada en Afghanistan, du Pacte pour l'Afghanistan et de la façon dont nous le mettons en oeuvre, du lien entre la sécurité et le développement — qui est à mon avis crucial, et je pense qu'il est vraiment essentiel pour ce qui intéresse le comité; je voudrais aussi faire quelques commentaires sur les progrès et les difficultés, en guise de point de départ de notre discussion.
Une de mes fonctions les plus importantes à titre d'ambassadeur consiste à superviser le travail de plus de 50 fonctionnaires civils canadiens en Afghanistan, à Kaboul et à Kandahar, et aussi à superviser la cohérence et l'intégration de l'effort canadien dans le pays.
Outre des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, des civils d'une demi-douzaine de ministères et d'organismes sont déployés en Afghanistan, notamment ceux de l'Agence canadienne de développement international, de la GRC et du Service correctionnel du Canada.
Les efforts du gouvernement du Canada en Afghanistan sont, à bien des égards, une entreprise sans précédent. Jamais encore des fonctionnaires de plusieurs secteurs de la fonction publique n'avaient été déployés de façon aussi intégrée et coordonnée pour atteindre des objectifs communs. Le Canada est, naturellement, en Afghanistan dans le contexte d'un effort international beaucoup plus vaste, comme vous le savez sans doute.
Avec plus de 60 nations et organisations internationales, le Canada est en Afghanistan dans le cadre d'une mission sanctionnée par les Nations Unies, ayant pour objet d'aider à édifier une société stable, démocratique et autonome. Il y a deux ans, le Pacte pour l'Afghanistan avait été adopté conjointement par les Nations Unies, par le gouvernement de l'Afghanistan et par les membres de la communauté internationale, y compris le Canada.
L'objectif du Pacte est d'assurer une plus grande cohérence des efforts entre le gouvernement afghan et la communauté internationale. Il guide l'engagement du Canada. Il établit des résultats, des jalons et des délais de livraison précis, ainsi que les obligations réciproques dans trois domaines: la sécurité; la gouvernance, la primauté du droit et les droits de la personne; le développement économique et social. L'approche du Canada est entièrement conforme aux priorités énoncées dans le Pacte.
Nous reconnaissons que ces trois piliers — la sécurité, la gouvernance et le développement — sont interdépendants et qu'ils se renforcent mutuellement. Un développement valable n'est par conséquent, naturellement, pas possible sans la sécurité. L'expérience a démontré que la sécurité doit être établie si l'on veut que le développement et la reconstruction progressent. Les Afghans ont besoin de sécurité pour édifier, gouverner et fournir les services de base comme de meilleures routes, un accès plus aisé aux soins de santé et à l'éducation et des débouchés économiques intéressants. L'accès à des possibilités accrues donnera à tous les Afghans un intérêt dans la stabilité et la prospérité.
L'interdépendance implique en outre qu'une amélioration de la sécurité à long terme n'est pas possible sans une gouvernance plus ferme. Il est par conséquent essentiel qu'il y ait de meilleurs services publics, un appareil judiciaire plus robuste et des institutions gouvernementales plus responsables en Afghanistan. Des améliorations dans ces trois domaines — la sécurité, le développement et la gouvernance — sont essentielles pour contrer l'insurrection. Je ne peux toutefois pas insister assez sur le fait qu'il est important d'établir un environnement sûr pour réaliser ces progrès.
En termes simples, les Afghans ont besoin d'avoir confiance dans leurs institutions gouvernementales. Il faut qu'ils sachent qu'ils peuvent envoyer leurs enfants à l'école en sécurité. Il est essentiel qu'il sachent que l'avenir leur apportera davantage de prospérité et de stabilité. Alors qu'avec eux nous travaillons pour atteindre ces objectifs, il ne faut pas oublier le point de départ. La reconstruction du pays après des décennies de guerre est une entreprise de longue haleine qui exige de la patience et de l'engagement. Ceux parmi vous qui sont allés en Afghanistan sont au courant des défis que cela pose.
Quand les talibans ont été évincés du pouvoir, en 2001, le pays était littéralement en ruines. Presque toute l'infrastructure de base avait été détruite. Il n'y avait pour ainsi dire plus de services gouvernementaux et les Afghans étaient traumatisés par des années de désordre et d'oppression. En bref, les talibans avaient tout simplement tout rejeté. Ils avaient rejeté la démocratie, le développement économique, les droits des femmes et tout type de développement social.
Sept ans plus tard, les Afghans one en fait accepté l'édification d'une démocratie, d'une économie, la reconstruction de leurs institutions et la reprise en main de leur pays avec l'aide de la communauté internationale. Malgré les revers et les difficultés indéniables, certains progrès ont été réalisés, et je pense que c'est très clair.
Le revenu par habitant a plus que doublé en Afghanistan. Plus de 5 millions de réfugiés sont revenus depuis 2002. Quatre-vingt-dix pour cent des réfugiés qui sont revenus avaient trouvé un emploi six mois après leur retour. Plus de 80 p. 100 des Afghans ont maintenant accès à des soins médicaux de base, au lieu de 9 p. 100 en 2004. Près de 6 millions d'enfants sont maintenant inscrits dans une école et un tiers d'entre eux sont des filles; en 2001, il n'y avait que 700 000 enfants dans le système scolaire et uniquement des garçons.
Les chiffres ne sont pas de simples statistiques. Ils reflètent une amélioration tangible de la vie de millions d'hommes, de femmes et d'enfants afghans. Le Canada, à titre de donateur important en Afghanistan, joue un rôle important dans ce rétablissement.
Nous faisons en outre des progrès spécifiques à Kandahar, où le Canada s'est investi le plus. Nous y jouons un rôle de premier plan depuis 2005. On y voit des signes concrets de réussite. Le Canada fournit un appui essentiel au gouvernement afghan, notamment par le travail des Forces canadiennes et de notre équipe provinciale multidisciplinaire de reconstruction. L'aide du Canada est visible dans des projets d'infrastructure, dans la police, dans l'entraînement des forces armées et dans le soutien à la primauté du droit.
Nous avons encore, naturellement, bien des progrès à accomplir. L'Afghanistan reste un des pays les plus pauvres au monde. Il n'y a pas de raccourci ni de solution à l'emporte-pièce, mais il y a certainement une réponse, à savoir de continuer d'aider à établir et accroître la sécurité, d'axer les efforts sur la reconstruction et la gouvernance, et d'encourager le gouvernement afghan à améliorer son bilan en matière de gouvernance, de développement et de corruption.
Les élections seront un jalon essentiel de ce processus. L'année prochaine, les Afghans voteront à l'occasion de leurs deuxièmes élections présidentielles et, l'année suivante, à l'occasion de leurs deuxièmes élections parlementaires.
En 2004 et 2005, plus de 10 millions d'Afghans se sont inscrits pour voter aux premières élections. Ce sont des jalons importants qui démontrent que l'Afghanistan est sur la bonne voie.
Les difficultés qui se posent en matière de sécurité et de gouvernance subsistent, mais elles ne devraient pas voiler le fait que la situation s'améliore sur le plan gouvernemental et sur celui de la capacité institutionnelle, ainsi qu'en ce qui concerne la vie quotidienne des Afghans.
Monsieur le président, je voudrais terminer en faisant une observation très personnelle de quelqu'un qui travaille sur le terrain. On entend beaucoup — et chaque fois que je suis ici, j'en entends beaucoup — de discussions sur les chiffres; on se demande si nous faisons bien les choses et si nous faisons ce qu'il faut et le communiquons. Je voudrais signaler qu'un grand nombre de facteurs entrent en jeu dans cette histoire.
À certains niveaux, l'histoire de l'Afghanistan est une histoire humaine, et c'est une histoire nationale; c'est en fait une histoire à long terme. Si je parle d'histoire nationale, c'est parce qu'il s'agit d'une priorité nationale. Quand on est sur place, en Afghanistan, il n'y a pas seulement des fonctionnaires et des militaires canadiens. Il y a environ 150 Canadiens à Kaboul qui ne sont pas des fonctionnaires; ils travaillent pour les Nations Unies, avec des ONG, et même dans le secteur privé. Je pense qu'il ne faut pas perdre de vue le fait qu'un grand nombre de Canadiens travaillent sur ce dossier parce qu'ils croient dans cette priorité. Il s'agit surtout d'une histoire humaine pour les Afghans. C'est l'histoire des travailleurs qui déminent les champs pour littéralement en reprendre possession, d'enfants qui sont vaccinés contre la polio, de filles qui ne vont pas seulement à l'école, mais qui suivent des cours de formation d'enseignante et qui deviennent enseignantes alors qu'elles n'en avaient encore jamais eu l'occasion, de jeunes garçons qui s'enrôlent dans l'Armée nationale afghane et dans le Corps de police afghan. Ce ne sont pas nécessairement des tâches agréables, mais ce sont les Afghans eux-mêmes qui risquent leur vie pour lutter pour leur pays et pour le défendre. Je pense qu'il ne faut jamais oublier que l'effort canadien, malgré la nature du débat, est responsable de cette histoire humaine très constructive qui se déroule en Afghanistan.
Je voudrais terminer en signalant que c'est aussi une histoire humaine pour les Canadiens qui travaillent là-bas. Les militaires et les civils sont parmi les personnes les plus engagées, les plus dévouées, les plus efficaces et les plus impressionnantes avec lesquelles j'ai jamais travaillé. Je tiens à dire combien je suis fier, après un an, du travail que tous les Canadiens font là-bas, et que je suis très honoré de faire ce travail à un tournant critique de l'histoire de l'Afghanistan. Je remercie du fond du coeur les Canadiens pour l'appui qu'ils donnent à tous les Canadiens qui travaillent là-bas.
Merci.
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En ce qui concerne les détenus, je pense que l'effort canadien et l'effort international sont très bien documentés pour le moment.
Premièrement, ce n'est pas uniquement un problème canadien. Cinq ou six autres pays ont signé des protocoles d'entente concernant les détenus avec le gouvernement afghan. Par conséquent, c'est un problème partagé entre la communauté internationale et le gouvernement afghan. La première chose que nous avons faite, c'est signer des ententes avec le gouvernement afghan qui indiquent clairement ses responsabilités en ce qui concerne le traitement des détenus ainsi que ses obligations en vertu du droit international et de ses propres lois.
Deuxièmement, nous mettons en place et en oeuvre un régime très strict — de nombreuses personnes le qualifient d'extrêmement strict — de contrôle des détenus transférés aux autorités afghanes. Plusieurs autres pays le font également et, par conséquent, nous assurons une présence dans les établissements où il y a des détenus. Nous collaborons avec les autorités afghanes en matière de partage d'information, mais nous avons des représentants qui vont vérifier sur place pour s'assurer que les détenus sont traités correctement.
Troisièmement, nous sommes en outre conscients du fait que la solution à long terme est, dans ce cas-ci également, d'accroître la capacité afghane en termes d'institutions et de formation. Par conséquent, nous entreprenons actuellement notre propre programme d'encadrement, d'assistance technique et de formation des fonctionnaires afghans, comme le font d'autres pays.
Nous avons donc adopté une approche beaucoup plus coordonnée dans ce domaine qu'on ne pourrait le croire du fait que nous mettons l'accent sur Kandahar, mais plusieurs autres pays font exactement la même chose, et il y a un effet cumulatif positif. Je suis en fait convaincu que nous faisons tout ce qui est possible et tout indique que, du côté afghan, on prend l'entente au sérieux. Le président Karzaï s'est engagé publiquement et le gouvernement a réagi lorsque des problèmes ont été signalés.
En ce qui concerne la corruption, un des problèmes est qu'il n'y a pas de solution miracle. Nous ne pouvons pas faire disparaître la corruption rien qu'en légiférant. Les Afghans ont indiqué de façon très claire qu'ils comprennent et admettent que la corruption pose un gros problème.
Je pense qu'il y a deux autres problèmes que nous pouvons régler et qui aideront à lutter contre la corruption; c'est d'ailleurs très visible. L'un est lié au fait que les employés de la fonction publique doivent recevoir une meilleure formation et être mieux rémunérés. Si on peut régler ce problème, ça réglera en partie celui de la corruption. Le deuxième facteur est qu'il est très bien et très légitime, à mon sens, que le Canada et les autres pays continuent d'exhorter le gouvernement afghan — et même d'exercer des pressions sur lui — pour qu'il prenne quelques mesures décisives lui-même, afin de mieux évaluer les candidats qu'il nomme à des postes supérieurs dans la fonction publique et pour qu'il agisse davantage. Je pense que, lorsqu'il a témoigné devant votre comité, l'ambassadeur de l'Afghanistan a fait également des commentaires sur les mesures que son gouvernement devrait prendre, d'après lui, pour lutter contre la corruption, notamment examiner le processus judiciaire et être en mesure de poursuivre les personnes qui sont soupçonnées de corruption de manière évidente.
Nous le faisons en finançant des programmes de formation dans différents ministères. Nous le faisons dans une certaine mesure, comme je l'ai déjà signalé, en aidant à régler les questions salariales dans le Corps de police afghan, par exemple. Cette année, les agents de police sont mieux payés que l'année dernière. Leur salaire est l'équivalent du salaire des membres des forces armées, et nous savons que ça fait une différence. Je ne pense pas qu'il y ait une solution à court terme, mais il faut maintenir la pression.
Je crois que cette initiative n'est pas seulement celle des Américains ou des États-Unis. Comme nous l'avons dit, 60 pays, organisations et institutions présents dans le pays travaillent avec nous. Nous sommes bien coordonnés. Ce projet compte beaucoup d'acteurs. La politique en Afghanistan n'est pas seulement celle des Américains. Ce sont des politiques de développement, de bonne gouvernance et de droits humains. Ces valeurs ne sont pas seulement américaines, ce sont les valeurs éthiques du Canada également. Je pense que c'est vraiment une mission internationale.
En ce qui concerne le rôle, la présence, l'influence et la diplomatie du Canada,
[Traduction]
nous avons en tout cas augmenté la mise, comme l'ont fait d'autres pays. Notre ambassade en Afghanistan est actuellement une de nos principales ambassades en ce qui concerne son déploiement de civils. L'ambassade canadienne en Afghanistan est une des cinq principales ambassades du Canada en termes de personnel civil. Nous avons une influence considérable, car nous sommes un des principaux donateurs. L'année dernière, nous avons probablement été le quatrième plus gros donateur de l'Afghanistan. Par conséquent, sur une question bien précise, qu'il s'agisse de surveillance policière, d'éducation ou de gouvernance, le Canada est en fait un des chefs de file. Les États-Unis, le Royaume-Uni — qui est généralement un des principaux chefs de file — et les autres pays nous consultent pour aider à résoudre le problème et aussi pour s'assurer que nous approuvons leurs initiatives dans certains cas.
Nous avons de très bonnes relations avec le gouvernement afghan. Je vois le président Karzaï presque toutes les semaines et je le vois plus souvent que cela dans des réunions multilatérales avec d'autres ambassadeurs importants.
Nous avons en outre une certaine crédibilité que d'autres pays n'ont pas, car je pense que les Afghans savent que nous ne sommes pas là en raison de certains antécédents. Ils savent également que nous ne sommes pas là parce que nous voulons nous tailler un rôle permanent pour l'avenir. Je pense qu'ils nous respectent, parce que nous nous appliquons de certaines façons à y établir une stabilité qui sera avantageuse pour eux, mais qui le sera aussi pour la sécurité des Canadiens.
En toute sincérité, le leadership n'est pas une position à laquelle les Canadiens sont habitués, mais l'Afghanistan est un endroit où nous sommes en fait un des chefs de file. Une des conséquences de cette situation est que ce n'est pas facile et, en tant que Canadiens, il est essentiel que nous nous en accommodions. Le leadership nous oblige parfois à prendre des décisions et des mesures dures et difficiles; je pense que c'est ce que nous faisons en Afghanistan.
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Merci, monsieur le président.
Quand j'aurai fini, mon collègue, Laurie Hawn, posera une question, car il vient de rentrer d'Afghanistan.
Avant de commencer, monsieur Lalani, je voudrais répondre à M. Bachand.
Monsieur Bachand, étant donné que je suis secrétaire parlementaire des Affaires étrangères depuis deux ans, je connais très bien M. Lalani. J'ai travaillé avec lui et je peux vous assurer que c'est un professionnel. La diplomatie que nous avons au Canada est de la diplomatie très professionnelle et c'est un de nos meilleurs diplomates qui dit les choses comme elles sont, comme un professionnel.
Monsieur Lalani, je ne vante pas seulement vos mérites. Je le sais, car j'ai travaillé avec vous. Monsieur Lalani, c'est un plaisir de vous revoir ici et d'entendre votre évaluation de la situation, en qualité d'ambassadeur du Canada en Afghanistan.
Au cours des dix derniers jours, j'ai voyagé en Croatie et en Italie avec l'ancien ministre des Affaires étrangères. Aujourd'hui, j'ai rencontré les Allemands. Tous les pays de l'OTAN tiennent beaucoup à ce que la mission en Afghanistan soit une réussite. D'après ce qu'ils m'ont tous dit, ils tiennent à ce que l'Afghanistan soit une réussite; par conséquent, la communauté internationale fait preuve de bonne volonté.
Au cours des entretiens que j'ai eus avec eux, j'ai dit que si la mission était une réussite, l'Afghanistan pourrait devenir un modèle pour amener la paix à bien d'autres régions du monde, notamment à la Somalie. Par conséquent, nous avons beaucoup plus d'intérêts acquis dans l'effort de coordination que nous faisons pour que l'Afghanistan soit une réussite.
Chose intéressante, le ministre des Affaires étrangères de l'Arabie saoudite m'a dit qu'une des raisons pour lesquelles le Pakistan survivait en tant qu'État, ce sont ses forces armées professionnelles, et c'est l'édification de cette institution. J'ai demandé pourquoi on ne pouvait pas appliquer ce principe à l'édification des institutions de l'Afghanistan, pour que le pays puisse s'en tirer.
Je pense que vous êtes le principal ambassadeur et puisque aujourd'hui vous communiquez avec le comité et avec tous les Canadiens par le biais de la télévision, et les citoyens de notre pays voudraient probablement savoir quelles sont les perceptions des Afghans, étant donné que nous sommes là-bas depuis un certain temps et que nous y resterons pendant un certain temps. Ils se sont sacrifiés et demandent s'ils peuvent avoir confiance en l'avenir. Que veulent les gens, sur place?
Nous accueillons des témoins qui font toutes sortes de déclarations. Celui qui vous a précédé a dit que... Je pense que les Canadiens veulent avoir une idée de ce qui se passe en Afghanistan. Le voyage pour se rendre en Afghanistan est très difficile. Mon collègue et moi venons de rentrer.
En votre qualité d'ambassadeur, pourriez-vous dire aux Canadiens quelles sont les perceptions des Afghans? Ont-ils confiance en leur avenir?
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Je pense que nous sommes sur la bonne voie car, si vous examinez ces facteurs... Nous employons des Afghans.
Le Canada est un des pays qui contribuent le plus au programme de microfinance, en vertu duquel des petits prêts sont accordés à des Afghans. La plupart de ces Afghans sont des femmes. Elles démarrent leur entreprise; elles deviennent indépendantes. Elles prennent soin d'elles-mêmes et de leur famille. Il y a davantage d'enfants dans les écoles que jamais. Cette année, nous formerons des enseignants supplémentaires. Nous aurons de nouveaux manuels scolaires et un nouveau programme. On fait des travaux dans le domaine du logement, en termes de construction. Nous creusons des puits, construisons des ponts, et asphaltons 4 000 kilomètres de route. Par conséquent, il y a ces aspects.
L'aspect sur lequel j'estime qu'il y a vraiment du travail à faire est celui de la sécurité personnelle; il faut que les gens soient capables d'avoir confiance lorsqu'ils s'adressent à un fonctionnaire ou à un agent de police. Je pense que c'est là-dessus que nos efforts sont principalement axés.
On voit tellement de photos qui représentent les difficultés avec lesquelles nous sommes aux prises et c'est naturel, car c'est ce que vous voyez. J'ai voyagé dans la plupart des régions du pays — dans le nord, dans l'est, dans l'ouest et dans le sud. Les Afghans mènent une vie normale. Ce n'est pas parce que nous, nous devons prendre certaines précautions que cela signifie que leurs déplacements sont aussi restreints que les nôtres. Ils marchent dans la rue, ils conduisent leurs véhicules, ils pratiquent des sports, ils regardent la télévision. Il y a de nouvelles émissions et des stations de télévision locales. Je pense qu'ils mènent une vie normale et que c'est la raison pour laquelle ils ont de l'espoir.
Enfin, je signale que les Afghans sont habitués à un certain niveau d'insécurité et qu'ils sont habitués à certaines difficultés, car ça fait malheureusement partie de leur histoire récente.
J'ai un tout dernier commentaire à faire. Quand on pense à la situation dans laquelle se trouvaient les Afghans en 2001, sous la domination des talibans, et à leur situation actuelle, on constate que ça fait une énorme différence. Sous les talibans, personne ne se promenait dans les rues, personne n'allait à l'école et il n'y avait aucune activité économique. Toutes ces activités ont été rétablies. La situation n'est pas encore ce qu'elle devrait être, mais elle a été rétablie.