Passer au contenu

HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 021 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 avril 2008

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bonjour à tous et bienvenue au comité de la santé. Nous sommes très heureux de vous voir. Nous avons eu droit à des discussions fort intéressantes sur la surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques, et c'est avec grand plaisir que le comité vous accueille aujourd'hui.
    Avant de céder la parole aux témoins, j'aimerais savoir si le comité accepte de se réserver 15 minutes avant la fin de la réunion pour discuter des demandes que nous avons reçues des délégations allemande et tchèque, et de la séance du 8 mai, où il sera question des produits de santé naturels. Pouvez-vous lever la main? Êtes-vous d'accord pour qu'on se réserve 15 minutes?
    Avant la fin de la réunion?
    Oui.
    À 13 heures?
    Non, à 12 h 45, avant la fin de la réunion, soit les 15 dernières minutes.
    Très bien.
    Êtes-vous d'accord?
    Des voix: Oui.
    La présidente: Merci.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos trois témoins et invités. Il y a d'abord M. Andreas Laupacis qui, je crois, est médecin. Est-ce exact?
    Très bien. Je crois comprendre, monsieur Laupacis, que vous travaillez pour le St. Michael's Hospital, à Toronto. Nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui.
    Il y a ensuite M. Steve Morgan, de l'Université de la Colombie-Britannique. Bienvenue.
    Et enfin M. Patrick Orr qui, je crois, est avocat, n'est-ce pas? Et vous êtes d'Ottawa?
    Très bien.
    Je tiens à préciser que chaque témoin aura droit à 10 minutes pour son exposé. Nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
    Monsieur Laupacis, voulez-vous commencer?
    Merci beaucoup. Bonjour à toutes et à tous.
    Merci de me donner l'occasion de vous parler de la surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques.
    Permettez-moi de me présenter: je suis un patient qui consomme des médicaments, un médecin qui les prescrit, un chercheur qui s'intéresse à leurs avantages et leurs effets secondaires, ainsi qu'un conseiller en politique de la santé. Je suis également l'un des auteurs d'une proposition en vue de créer un réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments en situation réelle, proposition examinée en ce moment par Santé Canada.
    J'aimerais d'abord dire que le Canada et les autres pays bénéficieraient grandement d'un mécanisme de surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques plus rigoureux, et ce, pour plusieurs raisons.
    Premièrement, certains effets nocifs importants ne sont pas détectés dans les études menées en vue d'obtenir l'homologation, soit parce que les effets sont si rares que le nombre de patients est insuffisant pour les déceler pendant les essais randomisés, soit parce que les effets secondaires se manifestent à la suite d'une utilisation prolongée.
    Deuxièmement, les avantages et les effets nocifs des médicaments en situation réelle sont parfois différents de ceux observés pendant les essais randomisés en vue de l'homologation. Pour ces essais, on a tendance à recruter des patients en meilleure santé et plus susceptibles de prendre le médicament étudié que les patients moyens. Les patients sont pris en charge par des fournisseurs de soins de santé capables d'offrir un suivi plus étroit que ce qui se fait habituellement dans la pratique. Ainsi, les avantages et les effets nocifs en situation réelle sont parfois différents de ceux observés pendant les essais menés en vue de l'homologation.
    Troisièmement, certains médicaments sont présentement homologués en tant que marqueurs de substitution — par exemple, diminution du cholestérol —, sans preuves évidentes de leur incidence sur les résultats pour la santé qui ont de l'importance pour les patients, par exemple, si la diminution du cholestérol réduit le risque de crise cardiaque ou de décès.
    Les études post-commercialisation peuvent fournir des renseignements sur les résultats pour la santé qui ont de l'importance pour chacun de nous. En ce moment, au Canada, il n'existe aucune approche systématique de la surveillance post-commercialisation, et c'est pour cette raison que j'appuie avec enthousiasme la mise en place d'un réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments en situation réelle, proposition qui est présentement à l'étude par Santé Canada.
    Ce réseau indépendant réunira des cliniciens qui prescrivent des médicaments, des patients qui profitent de leurs avantages et qui en subissent les effets néfastes, Santé Canada, qui les approuve, les provinces et territoires qui les paient et des chercheurs capables d'analyser les bases de données — qui servent de fondement à la surveillance post-commercialisation. Un tel réseau fournirait des renseignements importants, lesquels ne sont pas toujours disponibles, en particulier s'il est relié adéquatement à d'autres réseaux du genre ailleurs dans le monde.
    On m'a demandé de parler brièvement du projet d'homologation progressive de Santé Canada.
    Si j'ai bien compris, l'homologation progressive permettra de commercialiser certains médicaments plus tôt, sur la base de preuves prometteuses, mais non concluantes, d'un rapport avantages-risques intéressant. La première homologation pourrait être conditionnelle à la réalisation d'études post-commercialisation de manière à déterminer si les résultats prometteurs initiaux se concrétisent en situation réelle.
    L'idée, dans un sens, est intéressante. Cela permettrait à des patients ayant une maladie grave pour laquelle il n'existe aucun traitement efficace, de faire l'essai d'un médicament prometteur. Toutefois, cette approche comporte de sérieux inconvénients. Si les essais randomisés sont considérés comme la référence pour l 'évaluation des nouveaux médicaments, c'est pour une raison bien précise. À la suite du processus de randomisation, au cours duquel les patients sont choisis à pile ou face pour faire l'essai du nouveau médicament ou pour utiliser un médicament courant, les patients qui reçoivent le nouveau médicament ont à peu près les mêmes caractéristiques que ceux qui utilisent le meilleur traitement offert. Cela signifie que l'on peut être pratiquement certain que les différences observées chez les deux groupes, que ce soit au chapitre des avantages ou des risques, sont probablement attribuables au médicament.
    Pendant les études post-commercialisation, il est rare que les patients qui y participent soient sélectionnés au moyen d'un processus de randomisation. Par conséquent, ceux qui ne participent pas à l'essai du nouveau médicament en situation réelle présentent souvent des caractéristiques sous-jacentes très différentes, ce qui risque d'empêcher de distinguer avec certitude les avantages et les effets nocifs causés par le médicament à l'étude.
    Bien qu'il semble raisonnable, dans quelques rares situations, de recourir judicieusement à l'homologation progressive, il est important que les études post-commercialisation ne servent pas de prétexte pour négliger de faire des essais randomisés de qualité. En outre, on doit mettre en place un cadre juridique et politique afin de permettre à Santé Canada de retirer un médicament du marché ou de restreindre sa prescription lorsque les résultats de l'étude post-commercialisation le justifient.
    Le comité doit savoir que la surveillance post-commercialisation n'est pas une panacée. Comme je l'ai déjà mentionné, ces études peuvent être difficiles à interpréter. Le Canada compte un nombre relativement petit de chercheurs qui ont les compétences requises pour les réaliser. Voilà pourquoi notre proposition de réseau comporte une composante formation importante à l'intention des jeunes chercheurs.
(1105)
    À mon avis, il est aussi inacceptable de retirer un médicament du marché à la suite de résultats erronés que de commercialiser à tort un médicament sans avoir l'information adéquate sur ses avantages et ses effets nocifs. Ainsi, les résultats d'une étude post-commercialisation menée dans un champ de compétence doivent être confirmés par des études réalisées dans d'autres champs de compétence. C'est pour cette raison que notre proposition précise que le réseau post-commercialisation doit être relié adéquatement à d'autres réseaux du genre dans le monde.
    Compte tenu des frais potentiellement élevés des études post-commercialisation, il faudra déterminer celles qui sont indispensables et celles qui ne le sont pas. Aussi, notre proposition de réseau prévoit former un comité chargé de l'établissement des priorités qui sera composé de plusieurs intervenants et d'un directeur scientifique compétent, qui aura pour mandat de décider de quelle manière seront dépensés les fonds limités dont nous disposons.
    Tout médicament efficace cause des effets secondaires. Par conséquent, les patients et les médecins auront toujours à prendre en considération les avantages d'un médicament et ses effets nocifs. Mon taux de cholestérol est élevé, et même si je suis malgré tout en santé, j'ai pris ce matin de l'aspirine et une statine, un médicament qui abaisse mon taux de cholestérol, afin de réduire mes risques de faire une crise cardiaque. En consommant ces médicaments, je prends en toute connaissance de cause le faible risque de subir des effets secondaires graves, comme le saignement d'un important ulcère causé par l'aspirine.
    Une autre personne dans la même situation que moi et consciente, comme moi, des effets secondaires possibles, pourrait considérer que les risques associés à ces médicaments sont trop grands par rapport à leurs avantages. Ce que je veux souligner ici, c'est que nous devrions être tout à fait au courant des dangers et des avantages des médicaments, et en mesure de prendre les décisions que nous jugeons les plus appropriées dans la situation qui nous est propre.
    Il est impératif que tous les Canadiens aient accès à l'information que j'ai la chance, en ma qualité de médecin, de détenir. Les Canadiens sont en droit d'obtenir une information complète, impartiale et facile à comprendre sur les avantages et les dangers des médicaments. Mais ce n'est pas le cas.
    Les renseignements fournis par les compagnies pharmaceutiques à la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada sont tenus secrets, tout comme l'évaluation de l'information effectuée par Santé Canada. Les Canadiens méritent d'avoir accès à ces données, et si des modifications législatives doivent être apportées, alors apportons-les.
    Nous devons produire de l'information sur les médicaments qui est rédigée dans un langage clair et qui emprunte un format à la portée de tous. Les avertissements publiés par Santé Canada sur les effets secondaires d'un médicament sont longs, techniques et difficiles à comprendre pour les médecins, à plus forte raison pour les patients.
    Santé Canada devrait prendre pour modèle l'industrie pharmaceutique, qui est passée maître dans la communication claire et succincte de son message. Le réseau que nous proposons de constituer pourrait en outre jouer un rôle, en fournissant des renseignements de source indépendante et accessibles sur les avantages et les dangers des médicaments.
    Pour terminer, je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps d'examiner cette importante question. La mise sur pied, au Canada, d'un système de surveillance post-commercialisation plus rigoureux, même s'il n'éliminera pas toutes les incertitudes, constituera un véritable bond en avant.
    Je répondrai volontiers à vos questions. Merci beaucoup.
(1110)
    Merci beaucoup, monsieur Laupacis.
    Pourriez-vous, quand vous allez partir, envoyez votre mémoire à la greffière pour que nous puissions le faire traduire? Nous le distribuerons ensuite à tous les membres du comité.
    Merci de cet exposé fort intéressant.
    Je le ferai, oui. Merci.
    Nous allons maintenant entendre M. Morgan.
    Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous pour discuter de cette question importante.
    Je m'appelle Steve Morgan. Je suis professeur adjoint au Centre de services en santé et de recherches en politiques de l'Université de la Colombie-Britannique. Le CSSRP figure parmi les centres universitaires au Canada qui recueillent des données administratives sur les soins de santé. Par ailleurs, le fait de suivre l'utilisation des médicaments et des services offerts par les médecins, les hôpitaux et autres établissements dans le domaine des soins de santé nous permet d'étudier l'organisation et la prestation des soins de santé de même que leur impact sur la santé des populations.
    Cet exemple illustre ce que j'appelle l'avantage canadien au chapitre de l'évaluation post-commercialisation de l'innocuité et de l'efficacité des médicaments. Je vais revenir à cet avantage canadien dans un instant.
    En plus d'être membre de la faculté à laquelle appartient le centre, je dirige le programme relatif à la politique pharmaceutique. Il s'agit d'une initiative interdisciplinaire qui réunit des chercheurs, des stagiaires, des décideurs qui s'intéressent à la politique pharmaceutique telle qu'elle s'applique pendant toute la durée de vie des produits.
    Monsieur Morgan, puis-je vous interrompre un instant? Pouvez-vous ralentir un peu? Les interprètes ont de la difficulté à suivre vos propos intéressants.
    D'accord.
    Notre programme de recherche englobe toutes les aspects de la politique pharmaceutique: les facteurs qui influencent l'innovation et la recherche-développement pharmaceutique, y compris les endroits où s'effectue cette recherche, les facteurs associés à la couverture des produits pharmaceutiques, la conception des régimes publics d'assurance et enfin, l'utilisation des médicaments par la population et son impact sur la santé et le régime de soins de santé.
    Je tiens à remercier le comité pour le soutien continu qu'il apporte aux Instituts de recherche en santé du Canada et aux conseils subventionnaires fédéraux qui appuient la recherche dans le domaine de la santé et autres secteurs scientifiques. Si j'aborde le sujet, c'est parce que certaines personnes établissent un lien entre les politiques réglementaires visant les médicaments et la politique d'innovation et de développement industriel.
    Le programme que je dirige à l'UCB met l'accent, depuis plusieurs années, sur l'innovation dans les produits pharmaceutiques. Nous avons appris, grâce aux recherches réalisées, que l'innovation et le développement économique ne passent pas par la baisse soutenue des crédits d'impôt à l'investissement pour la recherche ou par un assouplissement des exigences réglementaires, deux facteurs qui influent sur les profits de l'industrie, mais pas nécessairement sur l'innovation ou les lieux d'investissement. Les gouvernements peuvent favoriser l'innovation et attirer les investissements en investissant directement et de manière stratégique dans le personnel, la capacité et les réseaux scientifiques. C'est ce qu'ont conclu l'Institut C.D. Howe, un institut de recherche de renom du Canada, le Conference Board du Canada et de nombreux autres organismes.
    Pour paraphraser Michael Porter, un professeur de l'Université Harvard qui se spécialise dans ce que l'on appelle les grappes industrielles, la meilleure approche est la suivante: se montrer exigeant envers un secteur donné tout en investissant de manière stratégique dans les capacités qui sauront transformer ce milieu de recherche en terrain fertile dans lequel investir. Le groupe que je représente est arrivé à la conclusion que le gouvernement du Canada a intérêt à investir dans les IRSC, par exemple, pour encourager la recherche et les essais cliniques en sciences fondamentales qui mènent à l'innovation, tout en se montrant exigeant envers celles-ci. Et c'est là, dans un sens, le sujet à l'ordre du jour de la réunion d'aujourd'hui: se montrer également exigeant au niveau de la surveillance post-commercialisation.
    J'ai eu l'occasion de travailler avec Mary Wiktorowicz qui, si j'ai bien compris, doit rencontrer le comité la semaine prochaine pour discuter d'une étude transnationale des mécanismes de surveillance post-commercialisation en place dans divers pays du monde. Une des principales constatations de cette étude, et je suis certain que Mary va en parler longuement la semaine prochaine, est qu'aucun pays n'a réussi à assurer une surveillance post-commercialisation efficace en confiant cette responsabilité, sur une base volontaire, à l'industrie pharmaceutique.
    Je n'accuse pas l'industrie. Il est important de reconnaître que les affaires sont les affaires et que les entreprises pharmaceutiques n'ont pas pour tâche première d'assurer la sécurité de la population et de veiller à ce qu'on ait un bon rapport qualité-prix lorsqu'on dépense pour des médicaments. Cette tâche nous revient à nous, c'est-à-dire les décideurs, les professionnels de la santé, les universitaires comme moi qui dépensent des fonds publics pour mener des recherches sur les politiques et les pratiques.
    De nombreux témoins vous ont parlé des lacunes dans les données qui concernent la surveillance post-commercialisation. Je n'ai pas l'intention de revenir là-dessus. Je tiens tout simplement à dire qu'il est tout à fait naturel qu'il y ait des lacunes dans les données lorsqu'un produit atteint le marché. Vous avez également entendu, je crois, divers commentaires contradictoires au sujet de la fiabilité de l'information portant sur les effets indésirables des médicaments.
    Il est vrai qu'il y a très peu de systèmes dans le monde qui arrivent à détecter tous les effets indésirables des médicaments, que ces systèmes reposent sur des mesures de déclaration obligatoire ou volontaire. Il est vrai aussi que les rapports sur les effets indésirables des médicaments servent de base aux décisions qui aboutissent à la suspension de l'utilisation d'à peu près la moitié des produits de par le monde qui finissent par faire l'objet d'une enquête et être retirés du marché. Il s'agit donc d'un outil important, un outil qui ne doit pas être négligé en raison des contraintes de temps des médecins et des personnes chargées de fournir ces renseignements.
    Il existe des moyens d'améliorer le système de notification des effets indésirables des médicaments. Le comité a entendu le témoignage de Bruce Carleton, qui a parlé de la nécessité de mettre sur pied un système actif de suivi, de surveillance et de déclaration en milieu hospitalier. En effet, il est possible, dans les hôpitaux, d'affecter du personnel au repérage, à la documentation et au suivi des effets indésirables potentiels des médicaments. Le réseau de centres implanté par le Dr Carleton dans les hôpitaux pour enfants au Canada excelle dans ce domaine. Toutefois, tous les renseignements au monde sur les effets indésirables des médicaments ne seront que de peu d'utilité, sinon aucune, si nous n'assurons pas un suivi des personnes qui font usage de médicaments, de celles qui n'en font pas, et des effets de ces tendances.
(1115)
    Divers témoins qui ont comparu devant le comité ont fait allusion aux systèmes d'information du Canada sur l'utilisation des médicaments. Des représentants du milieu pharmaceutique ont évoqué de manière précise le système de données PharmaNet de la Colombie-Britannique.
    En Colombie-Britannique, dans le cadre du programme PharmaNet, toutes les ordonnances prescrites sont versées dans une base de données par la pharmacie qui dispense le médicament. Ce système permet de surveiller l'innocuité du produit de diverses façons, d'abord au point de vente au détail. Lorsqu'une personne se présente à la pharmacie avec une ordonnance, peu importe la pharmacie et le médecin qui prescrit le médicament, le pharmacien a accès à des données qui lui permettent de cerner les risques d'interactions potentielles entre ce médicament et les autres médicaments que consomme la personne.
    Ce système a également ceci d'avantageux: chaque personne qui fait remplir une ordonnance est inscrite dans une base de données. Sont également enregistrés la date de l'ordonnance, le type de médicament, le numéro d'identification qui permet de relier l'ordonnance à un établissement hospitalier ou une clinique médicale, et les statistiques de l'état civil, comme le décès et les causes de celui-ci.
    Ces systèmes d'information peuvent être utilisés pour assurer une surveillance post-commercialisation active et prospective. Andreas Laupacis, que vous venez d'entendre, est l'ancien président-directeur général de l'Institute for Clinical Evaluative Sciences, à Toronto, un organisme qui se démarque dans le domaine de la surveillance post-commerciale par l'utilisation qu'il fait de ces bases de données.
    Autre point: certains témoins ont déploré l'absence, au Canada, d'un système électronique de surveillance des médicaments d'ordonnance. Il s'agit là d'une préoccupation sérieuse. En 2006, le Fonds du Commonwealth, une fondation basée aux États-Unis, a mené un sondage auprès de médecins généralistes dans huit pays. Ils ont constaté que plus de 80 p. 100 des médecins en Australie, aux Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni ont couramment accès à des systèmes électroniques qui décrivent les problèmes de posologie potentiels ou les risques d'interactions que présentent les médicaments qu'ils sont sur le point de prescrire aux patients.
    Au Canada, seulement 10 p. 100 des médecins disent avoir accès à de tels systèmes. Il s'agit là d'un échec déplorable de notre politique, compte tenu du fait qu'un investissement dans ces systèmes empêcherait les réactions indésirables ou éliminerait les ordonnances mal rédigées longtemps avant le fait. Si l'on peut éviter qu'un médicament contre-indiqué ne soit prescrit ou si l'on peut éliminer une réaction indésirable avant que l'ordonnance ne soit rédigée, le patient sera beaucoup plus susceptible de quitter le bureau du médecin avec le bon médicament, et la bonne posologie.
    Il n'y a pas de panacée, comme Andreas vient de le dire. En fait, pour assurer une surveillance post-commercialisation adéquate de même que l'efficacité et l'innocuité réelles des médicaments, et ce, de manière à tirer le maximum de nos investissements dans les soins de santé, nous devons prendre diverses mesures. Nous devons, en plus de déclarer les réactions indésirables des médicaments, surveiller les bases de données de manière prospective et active et aussi leur développement. Nous devons financer de nouvelles initiatives, comme de nouveaux essais cliniques comparatifs — que les fabricants ne souhaitent pas financer, mais qui sont essentiels pour entreprendre des enquêtes scientifiques poussées sur les médicaments qui répondent le mieux aux besoins de la population.
    Nous devrons peut-être effectuer des études de cohortes prospectives, qui permettent de recueillir des données brutes, y compris des renseignements génétiques, comme l'a mentionné Bruce Carleton devant le comité. Nous devrons peut-être faire ce que certains appellent des essais pragmatiques, ou encore provoquer ce que d'autres appellent des « délais programmés », délais conçus dans le but de permettre à certains groupes, choisis au hasard en fonction du code postal ou d'un autre mécanisme, d'avoir accès à des médicaments, tout en privant d'autres groupes de ce médicament pendant six mois ou un an, pour aboutir à une quasi-randomisation en temps réel.
    Ce sont là des processus complexes. De nombreux investissements s'imposent. Il est essentiel d'investir de façon soutenue et considérable dans la surveillance post-commercialisation. Andreas Laupacis vous a parlé d'une analyse de cas et du projet de réseau national. J'encourage les membres du comité à prendre connaissance du dossier et de discuter plus à fond du projet avec les responsables du réseau.
    Permettez-moi de revenir à la question des investissements. Les Canadiens achètent chaque année pour 21 milliards de dollars de médicaments d'ordonnance. Si l'on investissait 21 milliards de dollars dans notre régime de pension par le biais de fonds mutuels ou autres, on pourrait s'attendre à verser des frais d'environ 2 p. 100 aux gestionnaires de fonds qui sont chargés d'administrer le rendement du capital investi. Sans vouloir manquer de respect envers les gestionnaires de fonds, ils ne font qu'administrer des dossiers financiers. Le secteur pharmaceutique a besoin, dans un sens, d'un gestionnaire de fonds qui ne s'occuperait pas uniquement d'administrer le rendement du capital investi de façon optimale, mais également la santé et la sécurité de la population. Un investissement de 2 p. 100 dans l'efficacité, l'innocuité et la qualité après la mise en marché des médicaments au Canada correspondrait à l'injection de 420 millions de dollars par année, et ce, pour toujours, dans ce domaine d'activité.
(1120)
    Comprenez-moi bien: je ne propose pas que le gouvernement passe immédiatement de zéro à X d'un coup, mais il est très important que nous examinions sérieusement le fait que nous avons probablement sous-investi dans des régimes comme l'informatisation des dossiers médicaux en tant que mécanisme de coordination — ce dont vous a parlé Andreas — pour prioriser l'affectation de ressources humaines rares à la recherche sur la surveillance postcommercialisation des produits pharmaceutiques.
    Donc, je vous encourage à examiner avec soin l'investissement qui pourrait être fait, tant en vue d'accroître la quantité de ressources disponibles à Santé Canada pour faire une étude diligente précommercialisation qu'à l'extérieur.
    Enfin, je tiens à souligner, comme vous avez entendu plusieurs...
    Monsieur Morgan, vous avez épuisé le temps qui vous était alloué. Il faudrait donc que vous terminiez votre exposé.
    J'en arrive au dernier point.
    Je tiens simplement à souligner, comme vous avez entendu plusieurs témoins vous le dire, qu'en dépit de l'importance — peut-être du caractère essentiel — de la surveillance et de la vigilance postcommercialisation, celles-ci ne sont pas un substitut pour une étude diligente précommercialisation. Il ne serait pas acceptable de baisser la barre avant de commercialiser des médicaments simplement parce qu'en réalité, nous avons un filet de sécurité.
    Voilà qui met fin à ma déclaration.
    Merci, monsieur Morgan.
    Vous nous avez donné un très bon aperçu, et nous aimerions en avoir des exemplaires. Je crois savoir que vous lisez à partir de votre écran, comme je le fais souvent. Si vous pouviez fournir le texte de votre exposé au greffier, nous ferons en sorte qu'il est distribué à tous les membres du comité. C'était un excellent exposé, de sorte qu'il nous serait très utile.
    Je vous remercie.
    C'est maintenant le tour de M. Patrick Orr.
(1125)
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à prendre la parole devant votre comité aujourd'hui.
    J'exerce ma profession en cabinet privé à Ottawa à titre de rédacteur législatif, spécialité que j'exerce pour le compte de gouvernements au Canada et à l'étranger depuis plus de 20 ans, après avoir travaillé quelques années pour le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, à Yellowknife. J'agis aussi à titre de conseiller juridique dans plusieurs poursuites en recours collectifs lancés contre Santé Canada pour négligence dans l'application d'un règlement à l'égard de matériels médicaux non homologués et dangereux. J'aimerais bien préciser au départ que je suis un détracteur de Santé Canada, ce que vous pourrez constater par vous-même à mesure que je fais ma déclaration. Ces cas en instance engagent aussi de graves accusations de négligence dans la surveillance postcommercialisation .
    Après le drame attribuable à la prise de thalidomide, le rôle de Santé Canada a été législativement renforcé en vue de protéger la population contre les médicaments dangereux. Les Canadiens croient que ce genre de drame ne se reproduira plus. Récemment, dans un reportage de CBS sur l'utilisation du Trasylol aux États-Unis, on attribuait au médicament 1 000 décès par mois. Je ne crois pas que l'on puisse dire que nous avons tiré enseignement du passé.
    Je pourrais vous parler de bien des questions, mais je crois savoir que votre comité se concentre sur la surveillance postcommercialisation. Je vais donc m'en tenir à ce sujet.
    La surveillance postcommercialisation a pour objet de protéger la population. Le nouvel engagement pris par Santé Canada de réduire la protection du public par la voie de son cadre d'homologation progressive signifie que des produits plus dangereux seront plus rapidement homologués pour la vente au détail. Cela signifie aussi que la surveillance postcommercialisation sera encore plus essentielle pour protéger le grand public.
    À mon avis, la surveillance postcommercialisation passe par quatre éléments essentiels pour être efficace. Je le dis en tant qu'avocat qui conçoit des régimes de réglementation pour le compte de gouvernements. Je le fais pour le compte du gouvernement du Canada, pour des gouvernements du Nord et pour les provinces, ainsi que pour des gouvernements étrangers. Au départ, il faut qu'une loi l'exige. Ensuite, les élus et l'équipe de gestion ministérielle doivent avoir la volonté de vraiment le faire. De plus, il faut y affecter du personnel et un budget adéquats pour accomplir la tâche. Enfin, il faut pouvoir compter sur la collaboration des médecins, des hôpitaux et du grand public.
    Selon moi, aucun de ces éléments n'est présent actuellement. La surveillance postcommercialisation est une illusion, malheureusement une très triste illusion sur laquelle le public compte tout de même. Je ne m'excuse pas de ma morosité, mais je vais vous expliquer chaque observation une à une.
    Tout d'abord, pour ce qui est du cadre législatif, rien dans la loi n'oblige Santé Canada à faire de la surveillance postcommercialisation. Il faudrait que ce soit le cas. Je crois savoir qu'un projet de loi vient tout juste d'être déposé ou doit être déposé aujourd'hui pour exiger de plus grands pouvoirs de rappel de produits dangereux. Il faudra attendre de voir la suite, mais ce pourrait être là le début d'une solution au problème. Je vais vous parler de ce qui, selon moi, devrait figurer dans une pareille loi pour qu'il y ait véritable surveillance postcommercialisation.
    À tout le moins, il faudrait que la loi définisse la réaction indésirable comme suit: il y a réaction indésirable quand un médicament, y compris ses ingrédients inactifs ou non actifs, est soupçonné de causer l'absence d'avantages thérapeutiques, diagnostics ou prophylactiques, de ne pas avoir d'effet du tout et, enfin, de causer du tort au patient. Nous entendons parler d'antidépresseurs qui n'ont absolument aucun effet, même pas placebo. Cet état de fait devrait être signalé comme réaction indésirable.
    La déclaration d'incidents indésirables devrait être obligatoire, tant au Canada qu'à l'étranger. La loi devrait prévoir le rappel obligatoire de produits médicamenteux provoquant des réactions indésirables et la diffusion obligatoire d'un avis public sur les produits aux effets indésirables.
    Je me suis entretenu avec Dr Ed Napke, un médecin qui travaillait auparavant pour Santé Canada, et c'est lui qui a établi le système initial de signalement des réactions indésirables au Canada. C'est un des premiers au monde. Il insiste pour que les médicaments soient définis comme des produits comportant des ingrédients à la fois actifs et inactifs.
    Le fabricant n'est pas tenu légalement d'inclure les ingrédients inactifs dans l'étiquetage, même si ces produits chimiques nuisent à l'efficacité et l'innocuité du médicament. Le comité ne le sait peut-être pas, mais le Parlement a adopté à l'unanimité en 1989 une motion demandant au gouvernement d'exiger l'étiquetage complet de tous les ingrédients actifs et inactifs des médicaments. Dix-neuf ans plus tard, on attend encore.
(1130)
    Un exemple actuellement à Ottawa est le Flomax, un médicament prescrit pour traiter la prostate. Les ingrédients inactifs qui entrent dans sa composition ont été modifiés pour permettre une action retard. Désormais, il se gonfle pour se transformer en une substance gluante et dure de la taille d'une noix environ. S'il reste collé dans l'œsophage, la personne peut en mourir. Ce ne sont pas là les ingrédients actifs; ce sont des ingrédients « inactifs ».
    Selon moi, le règlement actuel des aliments et drogues n'est pas suffisant pour assurer une surveillance post-commercialisation. L'industrie n'est obligée de signaler que les réactions indésirables imprévues et graves des médicaments, c'est-à-dire les réactions indésirables graves dont la nature, la gravité ou la fréquence ne figure pas dans l'information sur les risques fournie sur l'étiquette du médicament. Si le fabricant affirme que 5 p. 100 des personnes qui le prennent peuvent en être gravement affectées et qu'en fait, 5 p. 100 le sont, l'industrie n'est pas obligée de le signaler.
    L'industrie n'est pas obligée de rappeler des médicaments. Si un médicament commence à tuer des gens, l'industrie n'est pas obligée de rappeler son produit. Rien ne confère au gouvernement le pouvoir d'ordonner un rappel. C'est une attitude typiquement canadienne de faire appel à la bonne volonté. On demande poliment au fabricant de bien vouloir retirer son produit du marché.
    Rien non plus n'exige que le public soit informé des médicaments qui ont des effets indésirables ou inefficaces. On préfère laisser l'industrie faire de l'auto-inspection. Elle n'est même pas obligée de signaler à Santé Canada les plaintes reçues ou les études faites au sujet de médicaments. Si les personnes se plaignent directement aux sociétés pharmaceutiques, celles-ci ne sont pas obligées de le signaler à Santé Canada. On s'attend qu'elles vont conserver la plainte dans un dossier, mais seulement pendant un an après la date de péremption du lot de médicament.
    J'aimerais maintenant aborder la question de la volonté de la classe politique et de l'équipe de gestion ministérielle. Même si les mesures législatives en place sont bonnes, il faut, naturellement, que le gouvernement ait la volonté d'agir pour protéger le grand public. À mon avis, le ministère a perdu cet objectif de vue.
    Le ministère est en train de développer un profil de risque en vue de cerner les défis qui se posent en matière de gestion, et je vous cite le passage suivant, rédigé par le ministère:
Le ministère est en train d'établir son profil de risque afin de cerner les défis que devront relever ses gestionnaires relativement aux risques potentiels (par exemple, financiers, technologiques, relatifs à la propriété) susceptibles d'avoir un effet sur la réalisation des objectifs poursuivis par le ministère.
    Donc, l'expression « protection contre les risques » représente pour le ministère non pas la protection des Canadiens, mais la protection du ministère contre les risques posés par le public.
    La priorité du ministère est d'améliorer l'accès aux médicaments et aux appareils médicaux. Arrêtons-nous à sa stratégie d'accès à la thérapeutique. C'est un volte-face complet par rapport à l'objectif initial du ministère, qui était de protéger le grand public.
    Dans le discours du Trône de 2002, on prônait d'accélérer le processus réglementaire d'homologation des médicaments pour faire en sorte que les Canadiens ont accès plus rapidement aux médicaments sans danger dont ils ont besoin. Selon moi, cela signifie que plus de produits dangereux se retrouveront sur le marché, de sorte qu'il sera encore plus nécessaire d'assurer une surveillance post-commercialisation.
    Dans ses documents, Santé Canada parle de l'industrie des médicaments comme de son client. Selon ma propre expérience des litiges relatifs à des implants de l'articulation temporomandibulaire, Santé Canada a soutenu à de nombreuses reprises en cour qu'elle n'a pas de devoir de diligence à l'égard du grand public. Vous m'avez bien entendu: elle n'a pas de devoir de diligence à l'égard du grand public. De plus, les avocats de Santé Canada soutiennent que, s'il y a grossière négligence de la part du ministère, même avouée, il n'y a aucun recours sauf de mettre l'élu à la porte lors des élections. Donc, le seul recours contre la négligence des bureaucrates, selon les avocats du ministère, est de voter contre le ministre. Je ne puis trop insister sur ce profond changement de principes au ministère.
    Je travaille de concert avec des gouvernements depuis longtemps. Je sais qu'aucun ministère n'aime envoyer des inspecteurs de l'application des règlements et causer des difficultés aux intéressés. Il existe donc au sein du gouvernement une très forte tendance — et c'est naturel — à réduire les inspections parce qu'elles ne sont que sources de problèmes. L'inspecteur va sur place et déclare: « Vous avez un produit interdit, retirez-le du marché ou faites quelque chose à son sujet ». Le ministre ou le sous-ministre reçoit un appel qui empoisonne la vie de tous. Il faut prendre des mesures pour régler ce problème.
    Dans ma propre cause concernant l'articulation temporomandibulaire, le ministère a pendant neuf ans résisté à l'idée d'informer le grand public d'un appareil médical désastreux dont il a autorisé la mise en marché. Pendant neuf ans, le ministère nous a livré bataille en cour, affirmant qu'il n'a pas l'obligation d'informer le grand public des effets de ce matériel.
    La semaine dernière, nous avons enfin, après avoir déposé de nombreuses motions, obtenu que le tribunal ordonne à Santé Canada de lancer une campagne publique en vue d'informer la population qu'il existe un matériel... Il est question de matériel médical, mais c'est le principe même qui est en jeu — le ministère n'estime pas être obligé d'informer le grand public.
(1135)
    Je vois que j'ai presque...
    Monsieur Orr, vous avez maintenant épuisé le temps qui vous était alloué. Pouvez-vous conclure rapidement?
    Oui. J'allais vous parler également du caractère adéquat des fonds et du personnel. Vous trouverez cette question quelque part dans les notes que j'ai remises au comité.
    Je suis désolée, mais nous n'avons pas... Pourriez-vous simplement récapituler?
    Oui. Je vais sauter ce point.
    Je vous remercie vivement de m'avoir permis de prendre la parole et je demeure maintenant à votre disposition pour répondre aux questions.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à la période durant laquelle des questions sont posées à tous les témoins. Nous allons entamer le premier tour de table; chaque membre du comité disposera de sept minutes pour poser ses questions et obtenir les réponses, et le premier sera M. Thibault.
    Merci, madame la présidente. Je suis également reconnaissant aux témoins d'avoir bien voulu accepter notre invitation.
    Nous avons entendu plusieurs groupes de témoins nous parler de la même chose. Si vous voulez bien m'excuser, monsieur Orr, je n'entrerai pas dans les détails juridiques. Je crois que vous ajoutez une toute nouvelle dimension à l'étude en nous parlant des problèmes de réglementation. J'aimerais m'en tenir un peu aux problèmes et aux solutions concernant la surveillance post-commercialisation.
    Monsieur Morgan, je me réjouis que vous ayez mentionné M. Carleton, parce que c'est justement le genre de question qui me venait à l'esprit pendant que j'écoutais le témoignage de M. Laupacis. M. Carleton a laissé entendre qu'un réseau de chercheurs devrait être créé pour étudier des médicaments précis qui causent des réactions et des incidents indésirables. Le réseau essaierait de les découvrir de sorte qu'on puisse les prédire et savoir comment utiliser...
    Ensuite, beaucoup d'autres témoins nous ont dit que les praticiens utiliseraient un réseau d'établissement de rapports si le réseau leur était utile dans l'exercice de leur profession grâce à une interaction avec le site Web. Ils pourraient obtenir l'information dont ils ont besoin pour améliorer la pratique ou pour mieux utiliser les traitements existants.
    Proposez-vous une solution intermédiaire entre les deux approches ou une combinaison de celles-ci?
    Je n'ai pas entendu l'exposé de Bruce, mais, de ce que j'en sais, il s'intéresse à savoir s'il est possible de prédire, en fonction de la prédisposition génétique, surtout des personnes qui sont particulièrement à risque, certaines réactions indésirables aux médicaments. J'ai l'impression que si nous arrivions à le faire, ce serait merveilleux.
    Si je peux reposer ma question de manière à ce que vous la compreniez, je crois que le principe qu'il décrivait va au-delà de la simple prédisposition génétique. Il est question d'étudier des domaines dans lesquels il existe des problèmes connus et de les analyser à fond de manière à les comprendre et à utiliser ces connaissances acquises dans quelques cas particuliers plutôt que de tout étudier en bloc.
    Oui. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, même si ce réseau de surveillance post-commercialisation était bien financé, il faudrait tout de même prendre des décisions au sujet des travaux sur lesquels on va se concentrer. Je me concentrerais sur des domaines qui, en fonction des données initiales fournies par des essais aléatoires, sont préoccupants sur le plan des effets secondaires éventuels. Je me concentrerais sur des maladies pour lesquelles des médicaments sont fréquemment utilisés, par exemple la dépression ou l'insuffisance cardiaque. J'estime qu'on aurait vraiment besoin d'un groupe de praticiens, de spécialistes de la réglementation, de chercheurs et de décideurs qui examinent la question et établissent les priorités. Manifestement, on ne pourrait tout faire en bloc, car cela ne nous mènerait nulle part.
    J'ai fait un peu de biologie et de physique et, de ce que j'en sais après avoir entendu tous ceux qui viennent témoigner devant le comité, la première loi de physique de Newton s'applique également à la pharmacologie. À moins qu'on ait un produit pharmaceutique qui n'a absolument aucun effet, il existera un effet contraire égal. S'il a un effet positif, il aura aussi un quelconque autre effet qui sera probablement indésirable.
    On ne peut pas qualifier tous les effets secondaires de désastreux; à mon sens, il faut que le patient ou le praticien soit capable de raisonnablement prédire quels sont les effets et de prendre une décision en conséquence. Si j'ai une maladie terminale, je courrai le risque que le médicament me tue s'il y a autant de chances ou même plus que j'en tire un effet bénéfique.
(1140)
    Je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites. Quand mes patients, durant une consultation, me disent qu'ils souhaitent prendre un médicament homéopathique qui est sans effet secondaire, je leur dis que s'il existe un médicament qui n'a pas d'effet secondaire, je ne crois pas qu'il va être efficace. Vous avez parfaitement raison. La gestion des cas de personnes atteintes du VIH a évolué, de sorte que ces personnes qui mourraient dans les six mois vivent désormais longtemps — en réalité, ils ont une maladie chronique. Ces médicaments ont tous des effets secondaires importants, mais si vous interrogez presque n'importe qui qui est atteint du VIH pour savoir s'il souhaite prendre ces médicaments, je crois qu'il vous répondra qu'il y tient absolument.
    J'utilise actuellement un médicament pour m'aider à cesser de fumer. Voilà six semaines que je n'ai pas fumé.
    Je vous souhaite de réussir.
    Toutefois, le médicament a d'importants effets secondaires.
    Une voix: Nous pouvons le constater.
    L'hon. Robert Thibault: En tant que consommateur, j'ai dû décider si les effets secondaires du médicament étaient acceptables ou si je préférais ceux du tabagisme à long terme, et j'ai choisi de prendre les médicaments qui m'aident à cesser...
    Une voix: Vous avez pris la bonne décision.
    L'hon. Robert Thibault: Comme vous l'avez fait remarquer quand il était question de cholestérol, vous agissez en connaissance de cause.
    Pour ce qui est des épreuves aléatoires — et ma question s'adresse à M. Morgan —, tel que je conçois le régime d'homologation progressive proposé ou les modifications à l'homologation ou à la loi habilitante, qui si j'ai bien compris est censée être déposée aujourd'hui... je suis impatient d'en connaître les détails. Peut-être que nous vous ferons revenir comme témoin au sujet de ces questions.
    Je suis conscient que cela ne représente pas des épreuves cliniques complètes, mais peut-être les utilisations permises d'un médicament, à mesure que nous accumulons des connaissances à son sujet, nous permettent de le commercialiser plus rapidement, avec autant de sécurité.
    Cependant, vous laissez entendre que, plutôt que de faire des épreuves aléatoires, on procède par région définie selon le code postal, de sorte qu'une certaine partie du grand public ait accès à un nouveau traitement et que d'autres ne l'aient pas. Cela me semble bon, à moins que le hasard ne fasse que j'habite dans la région définie selon le code postal qui n'a pas accès au nouveau médicament qui est peut-être, sur le plan scientifique, meilleur. Si je suis en situation critique, je vais souhaiter avoir le médicament. Je crois que cette suggestion prive un peu le patient.
    Il importe de reconnaître que ces notions d'épreuves pragmatiques ou ce qu'on qualifie de retards programmés, s'appliquent typiquement dans les cas où nous ne savons pas réellement si le nouveau médicament est en fait supérieur ou s'il causera plus de tort que de bien.
    On les qualifie aussi de retards programmés, et toutes les populations qui seraient admissibles au traitement l'obtiendront tôt ou tard. C'est simplement...
    Mais certains n'y auront accès qu'une fois morts.
    Il existe une période durant laquelle certains obtiennent un médicament et d'autres pas. C'est aléatoire. Cela représente essentiellement un moyen pratique de faire des essais aléatoires une fois que le produit est sur le marché. Mais il existe des provinces qui envisagent actuellement l'idée de faire ces essais pratiques dans un contexte où l'on ignore l'utilité et l'innocuité du médicament.
    Monsieur Morgan, je vous remercie.
    Monsieur Malo.

[Français]

    Merci, madame la présidente. Je vous remercie, messieurs, d'être parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Orr, j'aimerais revenir sur un certain nombre d'aspects de votre présentation. À vous écouter, on dirait qu'on ne sait pas quels sont les médicaments qui sont sur le marché et ce qu'on vend aux patients. On dirait qu'une fois que les médicaments sont commercialisés, on ne sait pas vraiment ce qu'il sont et ce qu'ils font. Je voudrais seulement que vous précisiez si c'est effectivement ce que vous aviez le goût de nous dire ou de laisser entendre.
    Vous disiez également que plus personne, une fois que les médicaments sont sur le marché, n'est imputable ou responsable des effets que ceux-ci peuvent avoir. Si je comprends bien, selon vous, le ministère de la Santé s'en lave les mains. L'industrie fait-elle la même chose, ou assume-t-elle un certain nombre de responsabilités puisque les entreprises ont besoin que ce qu'ils vendent soit efficace, réponde à une certaine nécessité, que la valeur de leurs actions soit élevée et que leur réputation soit au beau fixe?
    Je vous laisse répondre.

[Traduction]

    Il reste une minute.
    Oh! Il me reste donc une minute?
(1145)
    Désolée. Non, ça va. J'ai fait erreur. Allez-y.
    J'essayais de vous laisser du temps.
    Je m'excuse de tout malentendu. Je crois qu'on sait bien quels médicaments sont sur le marché. Je ne voulais pas par là laisser entendre qu'on ignore quels médicaments sont sur le marché. Il pourrait y avoir des médicaments illicites sur le marché, mais en règle générale, on sait assez bien quels médicaments sont vendus. Ce qui n'est par contre pas forcément connu, ce sont les effets de ces médicaments.
    Votre deuxième question concernait qui est responsable des effets du médicament, une fois qu'il est sur le marché. Santé Canada affirme qu'il n'est pas responsable. C'est là la position adoptée par le ministère. L'industrie tente d'éviter d'en assumer la responsabilité. Aux États-Unis — une situation qui n'affecte pas directement le Canada —, on voit des poursuites dans le cadre desquelles des sociétés pharmaceutiques basées pour la plupart aux États-Unis soutiennent qu'une fois que le médicament a été homologué par le FDA, ce n'est plus à elles d'assumer la responsabilité du fabricant. Même si un mauvais produit est homologué, elles s'en tirent à bon compte. Elles n'ont aucune responsabilité à l'égard du produit, même si des effets indésirables sont signalés. Donc, l'industrie tente de se délester de ses responsabilités.
    Dans mes propres échanges avec Santé Canada dans le cadre de litiges, le ministère soutient que la responsabilité revient au médecin et au patient. C'est dont la règle du caveat emptor, soit qu'il appartient à l'acheteur de prendre garde. En somme, le médecin est censé connaître tous les effets des médicaments et, si ces effets sont mauvais, même s'ils n'étaient pas voulus, c'est le médecin qu'il faut blâmer.
    Je vous remercie.

[Français]

    Que pensez-vous de l'idée proposée d'avoir un organisme indépendant qui ferait justement ce travail de surveillance des médicaments? Serait-ce la solution?

[Traduction]

    C'est peut-être une solution. On contournerait ici le problème actuel, soit qu'une fois que Santé Canada a homologué un médicament, il est très difficile pour lui d'avouer qu'il a commis une erreur. Les deux tiers au moins de ses fonds viennent de l'industrie, de sorte qu'il est difficile de critiquer la main qui vous nourrit. Un organisme indépendant serait peut-être la solution.

[Français]

    Professeur Morgan, dans votre présentation, vous disiez que la réglementation sur une base volontaire de l'industrie ne fonctionne pas et qu'il y a des exemples ailleurs qui le prouvent.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, à savoir dans quels pays cela se fait et pourquoi cela ne fonctionne pas?
    La question suivante ressemble à celle que je posais à M. Orr, tout à l'heure. Ne croyez-vous pas nécessaire pour l'industrie de faire en sorte que les produits qu'elle met sur le marché sont valables, justement pour préserver sa rentabilité à long terme?

[Traduction]

    Le principal point que j'aimerais que vous reteniez, c'est qu'il faut concevoir un cadre de réglementation qui contraint le fabricant à mener à terme la phase quatre, soit les essais post-commercialisation. La pénalité serait le retrait du produit du marché. Plusieurs pays, comme les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont tous fait l'essai de divers cadres réglementaires faisant appel à diverses formes de persuasion plutôt qu'à la stricte réglementation pour encourager les sociétés à faire ces études post-commercialisation. Une majorité écrasante d'études ne sont jamais achevées.
    En Nouvelle-Zélande, on a adopté une loi permettant à l'organisme de réglementation des médicaments de commander ses propres études post-commercialisation de l'innocuité et de l'efficacité des médicaments. Elle a commandé ces études de groupes de chercheurs universitaires indépendants pour faire en sorte qu'elles se font de manière publique et transparente.
    Cela semble être la solution adoptée par la Nouvelle-Zélande pour régler le problème, soit d'obliger une entreprise à faire l'étude. En un certain sens, si le cadre de réglementation dit qu'une fois sur le marché, le médicament demeure homologué, cela ne correspond pas aux meilleurs intérêts des entreprises. Il ne faut pas blâmer les sociétés. C'est tout simplement la nature du commerce.
    Il faut changer le cadre de réglementation pour que le non-respect des exigences réglementaires entraîne le retrait ou que le gouvernement s'engage dans des études et les finance adéquatement afin de faire en sorte qu'elles sont menées à terme.

[Français]

    Un peu plus tôt au cours de nos consultations, plusieurs témoins nous ont dit que très peu d'effets secondaires étaient rapportés par les médecins.
    Pourriez-vous nous dire pour quelle raison? Pourriez-vous nous dire aussi de quelle façon on pourrait maximiser le rapport d'effets indésirables?
(1150)

[Traduction]

    C'est une question importante. Comment augmenter le taux de déclarations des réactions indésirables? Même lorsqu'on oblige un médecin, un pharmacien ou un hôpital à signaler les effets indésirables, seulement 10 p. 100 environ de ceux-ci ont tendance à être déclarés, dans le meilleur des cas. On pourrait augmenter le nombre de déclarations au moyen de mesures coercitives et législatives, mais il vaudrait mieux entreprendre des démarches concrètes. L'idée d'avoir dans les établissements des employés formés pour suivre et surveiller les déclarations de réactions indésirables a du bon. Nous pourrions alors avoir au Canada un réseau d'hôpitaux où un pharmacien formé à cette fin se chargerait de surveiller les réactions indésirables, du moins dans la salle d'urgence. Cela nous permettrait de recueillir l'information de manière beaucoup plus subtile.
    Le réseau de M. Carleton y réussit parfaitement dans les hôpitaux pour enfants.
    Il existe d'autres mécanismes. Mary Wiktorowicz, que vous allez rencontrer la semaine prochaine, pourra vous dire ce qu'il en est à l'échelle internationale.
    Merci, monsieur Morgan.
    Madame Wasylycia-Leis, c'est à votre tour.
    Merci, madame la présidente, et merci à tous pour vos excellents exposés.
    Patrick, vous avez raison. Le gouvernement vient de déposer deux nouvelles mesures législatives qui ont certainement une incidence sur nos délibérations d'aujourd'hui. Il s'agit de la Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues et les autres lois en conséquence, et de la Loi concernant la sécurité des produits de consommation. Nous tenons à connaître vos réactions à ce sujet, parce que ces deux mesures auront clairement des répercussions sur les activités de surveillance post-commercialisation. Je me demande si vous accepteriez de nous remettre, dans le cadre de notre étude sur la surveillance post-commercialisation, une critique de ces deux projets de loi que nous pourrions utiliser à l'appui de nos travaux et de notre rapport final. Seriez-vous tous prêts à le faire?
    J'ai quelques exemplaires des projets de loi avec moi; je pourrais vous en laisser à la fin de la séance.
    Je crains que nous ayons devant nous une mesure législative qui, sous le couvert de la modernisation, nuise à la capacité du gouvernement de veiller à ce que toutes les précautions soient prises avant que les médicaments, les aliments et les produits de consommation soient mis sur le marché. Ce qui me fais craindre cela, c'est l'homologation progressive. Cette méthode comporte des avantages et des inconvénients. Toutefois, que devrait comprendre le projet de loi pour que ce processus n'entraîne pas  — comme Steve et Patrick l'ont fait remarquer — un assouplissement des exigences concernant les produits qui peuvent être commercialisés? Quels éléments seraient indispensables, à votre avis?
    Ensuite, pourriez-vous m'expliquer la phrase suivante? Ce projet de loi est truffé d'attendus que:
    Que le Parlement du Canada reconnaît que l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard la prise de mesures visant à prévenir les effets négatifs sur la santé humaine qui pourraient être graves ou irréversibles.
    Pourriez-vous tous les trois me dire un peu comment s'inscrit l'homologation progressive dans ce contexte, compte tenu de ce qui se passe au sein du ministère?
    Qui veut répondre en premier?
    Bien sûr. J'aborde d'ailleurs la question dans mon exposé. Je crois que, comme pour toute chose dans la vie, il s'agit de trouver un juste équilibre entre deux maux. À l'heure actuelle, les études que l'industrie doit présenter pour faire homologuer ses médicaments constituent, la plupart du temps, une exigence minimale.
    M. Orr a parlé du Trasylol, un médicament pour prévenir les hémorragies chez les patients qui subissent un pontage. J'ai présidé le comité qui a proposé de mettre fin à l'étude de ce médicament parce qu'on avait l'impression, en le comparant à l'autre produit, qu'il provoquait la mort des sujets. C'est un bon exemple en fait, parce que personne n'a jamais prétendu que le Trasylol était inefficace. Des éléments de preuve solides indiquent qu'il déduit les risques de saignement. Le problème, c'est qu'aucune étude approfondie n'a été menée pendant une période suffisamment longue pour évaluer les effets du médicament sur la mortalité. L'industrie a réussi à faire financer le Trasylol parce que de toute évidence...
    Je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Orr. À mon avis, il est très exagéré de sous-entendre que nous ne connaissons pas les avantages ou les effets de la plupart des médicaments. Nous les connaissons grâce aux marqueurs de substitution. Il est bon de savoir qu'un médicament diminue le risque d'hémorragie, mais il est aussi bon de savoir qu'il accroît le risque de décès.
    Il y a de toute évidence un désavantage... Je crois qu'il faut bien s'assurer qu'il n'y a pas de diminution marquée de la qualité des essais randomisés actuellement exigés. Ce critère constitue un minimum absolu. L'utilisation du médicament pourrait se justifier pour certains patients atteints de cancer ou d'une autre maladie en phase terminale, mais ces pratiques doivent être strictement encadrées.
    Laissez-moi faire une dernière remarque avant de terminer. L'étude sur le Trasylol a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada parce que c'était précisément le genre d'essai comparatif que les compagnies pharmaceutiques n'étaient pas intéressées à effectuer, comme Steve l'a mentionné. Elles ne tenaient pas à comparer leurs produits à ceux de leurs concurrents. Les IRSC ont financé un total de sept essais randomisés — sept. Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais je suis convaincu qu'ils ne portaient pas tous sur des médicaments.
    Selon moi, le comité devrait notamment chercher à augmenter le financement des IRSC — dans notre réseau, nous proposons de financer plus d'essais — pour leur permettre d'entreprendre un plus grand nombre d'études de ce genre, des études que vous et les Canadiens souhaiteraient avoir et qui feraient état des avantages et des risques des médicaments.
(1155)
    Combien de temps reste-t-il? Je veux m'assurer que Steve et Patrick...
    Deux minutes.
    Est-ce que chacun d'entre vous pourrait parler au moins une minute à ce sujet?
    Je dirai très rapidement qu'il faudrait veiller à ce que les homologations progressives ne soient utilisées que dans des situations extrêmement critiques, lorsque des raisons impérieuses ou des motifs de compassion justifient qu'on accorde un accès précoce à un médicament. À mon avis, hâter l'utilisation d'un nouveau médicament de gestion du cholestérol au nom de l'accès aux médicaments n'est pas nécessairement une bonne chose. Pour assurer une plus grande transparence, il faudrait vérifier si cet accès rapide n'est pas une arme à double tranchant.
    Si un fabricant commercialise un produit avec peu ou pas de preuves de son efficacité, peu importe les preuves, peu importe l'enjeu commercial, il se sert littéralement des Canadiens comme cobayes. Ces derniers devraient donc avoir accès à tous les renseignements sur les effets du produit dont dispose Santé Canada.
    Merci.
    Patrick.
    Merci.
    Premièrement, la disposition du projet de loi que vous avez lue porte, je crois, sur le principe de prudence proposé lors du sommet de Rio sur les questions environnementales. Cela signifie qu'il faut aller de l'avant, et ce, même en l'absence de certitudes scientifiques absolues, ce qui me semble une bonne chose.
    D'accord. Je crois qu'on peut pratiquement l'interpréter des deux manières, mais c'est bon à entendre.
    Je préfère l'interprétation optimiste.
    Bien.
    Le projet de loi devrait prévoir, outre les points que j'ai soulevés, des dispositions obligeant les fonctionnaires ou l'industrie à agir. Ces mesures ne devraient pas être discrétionnaires — ce qui laisse aux gens le loisir de faire ceci ou cela —, mais bien obligatoires, dans certaines circonstances. Bien sûr, les éléments déclencheurs serviront de seuil. Devrait-on fixer un seuil extrêmement élevé — en cas de blessure grave ou de mort — ou peu élevé?
    Merci, monsieur Orr.
    Madame Davidson.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à nos témoins. Nous avons certainement entendu des exposés intéressants ce matin.
    J'aimerais, si vous le permettez, commencer par M. Orr. Si j'ai bien compris, vous avez dit qu'il faut imposer une exigence législative rendant obligatoire la surveillance post-commercialisation, que les mesures actuellement en place sont inadéquates, que cette exigence doit permettre d'assurer une surveillance efficace et d'obtenir les meilleurs résultats possibles.
    J'ai deux ou trois questions à vous poser. La première porte sur ce point. Vous avez également donné à l'expression réaction indésirable une définition qui, je crois, diffère de celle que nous avons aujourd'hui, même si je ne suis pas certaine qu'il y ait une définition bien précise pour l'instant. Pourriez-vous nous indiquer les quatre ou cinq éléments que cette définition devrait contenir?
    Vous avez également abordé la question des appareils médicaux et plus précisément des litiges relatifs à l'ATM. À votre avis, quels sont les changements qui devraient être apportés au cadre réglementaire régissant ces appareils pour renforcer la surveillance post-commercialisation au Canada? Pourriez-vous commenter ces trois points, s'il vous plaît?
(1200)
    Merci.
    La première question portait sur l'exigence législative. C'est peut-être parce que je suis un avocat et que je rédige des lois, mais je crois que la mesure législative est, de façon générale, une bonne chose et qu'il est nécessaire d'avoir une mesure législative pour assurer une surveillance post-commercialisation efficace. À mon avis, le gouvernement a accepté ce principe en présentant aujourd'hui un projet de loi sur ce sujet précis. Je suis tout à fait d'accord avec le gouvernement sur ce point.
    Vous avez également parlé de la définition d'une réaction indésirable. Les règlements sur les aliments et drogues définissent ce que l'on entend par réaction indésirable grave à un médicament. Cela figure d'ailleurs dans mes notes. J'ai donné ce que j'appellerais la définition idéale. Elle n'est pas de mon cru; je l'ai empruntée à M. Ed Napke, qui a élaboré le premier système de déclaration des réactions indésirables au Canada. Ce système exhaustif couvre les appareils, les médicaments et les poisons. Je vous fais donc part de sa recommandation.
    Un médicament provoque une réaction indésirable s'il ne procure aucun avantage thérapeutique, diagnostique et prophylactique — aucun effet quelconque — ou s'il cause des blessures — et pas seulement celles qui ne figurent pas parmi les effets secondaires reconnus. Donc, si on s'attend à ce que le médicament provoque des ulcères gastro-duodénaux et que le patient en développe effectivement, il faudrait le signaler. On tend à considérer que les patients ont accepté d'assumer le risque, mais je crois qu'en leur fort intérieur, la plupart croient qu'ils n'auront pas d'effets secondaires et qu'il ne feront pas partie des 10 p. 100 qui subissent des effets secondaires.
    Enfin, pour ce qui est des règlements sur les appareils médicaux, je me suis préparé au cas où le comité aborderait la question. Ces règlements sont encore pires que ceux qui régissent les médicaments. La déclaration n'est obligatoire qu'en cas de décès ou de détérioration grave de l'état de santé, et ce, seulement au Canada. Si le décès provoqué par un appareil médical survient à l'étranger, personne n'est obligé de le signaler à moins que des mesures correctives ne soient prises. Si l'industrie ne fait rien, que personne n'est au courant de la situation ou ne prend de mesures, ces décès n'ont pas à être déclarés, car le règlement ne s'applique qu'au Canada.
    Merci.
    Monsieur Morgan, j'aimerais vous poser quelques questions. À votre avis, qu'est-ce qui fonctionne dans le système de surveillance après la mise en marché? Sur quoi devraient porter nos efforts d'amélioration? Vous pouvez peut-être commencer par là.
    Merci.
    Je suis un adepte de l'approche constructive, qui mise sur les points positifs. Je crois qu'il y a quelques bons éléments. Mentionnons l'Isis, un institut de Toronto qui fait de l'excellent travail d'évaluation ou de pharmaco-vigilance en sélectionnant des médicaments ou des catégories de médicaments qui semblent présenter un risque ou un avantage potentiel qui doit être mesuré ou mieux évalué en situation.
    Nous avons des centres de recherche qui accomplissent un travail exceptionnel à cet égard. Nous sommes en train de mettre sur pied des bases de données au Canada. Celles de la Colombie-Britannique figurent parmi les meilleures au monde. Les autres provinces cherchent à renforcer leur capacité de recueillir et de relier les données nécessaires pour ce genre de recherches. Lorsque le Québec et l'Ontario seront prêts, nous disposerons de la plus importante base de données au monde pour la surveillance de l'innocuité et de l'efficacité des médicaments.
    Par ailleurs, nous avons grandement amélioré notre manière de fixer les priorités, de consulter, d'utiliser le réseau interprovincial de centres, de chercheurs et de décideurs en vue d'établir une sorte de laboratoire au Canada. Notre population étant très diversifiée du point de vue culturel, nous pouvons réaliser des recherches sur les effets des médicaments sur des populations précises. Nous disposons également de 13 régimes pour le remboursement des médicaments. Tous ces éléments contribuent à créer un laboratoire naturel qui permet de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas en matière de politique, et aussi de déterminer l'efficacité des médicaments en fonction de leur disponibilité au Canada.
    Donc, nous avons de bons éléments, et il y en a de nombreux autres, j'en suis certain. Je crois que nous sommes sur la bonne voie. Il nous manque cependant un mécanisme de coordination et une infrastructure qui nous permettraient d'agir de manière réfléchie, planifiée et soutenue afin de mettre en place des pratiques réglementaires et des politiques provinciales de remboursement judicieuses.
(1205)
    Un grand nombre de joueurs surveillent les produits de santé dans divers domaines, et ils ont été nombreux à nous indiquer qui devrait se charger de déclarer les effets indésirables et les rôles que chacun devrait jouer.
    À votre avis, quels sont les domaines que devrait cibler Santé Canada et ceux dont devraient s'occuper les autres joueurs? Et qui ces joueurs devraient-ils être?
    Ces joueurs devraient être les provinces qui, dans les faits, s'occupent actuellement des renseignements administratifs sur l'utilisation de produits pharmaceutiques et les autres services de soins de santé. Elles vont avoir un rôle majeur à jouer dans la surveillance active permanente post-commercialisation et dans ce que l'on appelle parfois l'exploration de données.
    À mon avis, il faut investir dans les ressources humaines et les infrastructures nécessaires à ces activités. Il faut également mettre en place un secrétariat ou un comité consultatif chargé d'établir les priorités et de veiller à ce que les efforts de recherche répondent aux exigences du cadre de réglementation et des autres partenaires.
    Merci, monsieur Morgan.
    Vous avez la parole, monsieur Bennett.
    Tout d'abord, j'aimerais que le Dr Morgan me dise comment il interprète le processus d'homologation progressive, car je crois que ma perception est différente. Je croyais qu'il s'agissait d'une homologation conditionnelle aux résultats obtenus dans des conditions réelles, et que par conséquent, tous les médicaments étaient en quelque sorte en période d'essai.
    À mon avis, l'homologation progressive n'était pas quelque chose qui permettait d'accélérer le processus. Je croyais qu'il fallait d'abord corroborer les résultats initiaux en situation réelle.
    Je crois que je vais vous poser mes trois questions tout de suite, puis vous prendrez le temps qu'il reste pour y répondre.
    Si on investissait 2 p. 100 des 21 milliards de dollars — on peut toujours rêver en couleurs —, que pourrait-on faire avec les 500 millions de dollars qui seraient ajoutés aux fonds déjà existants?
    J'imagine que le réseau sur l'innocuité des médicaments en situation réelle, proposé par le Dr Laupacis, pourrait se concrétiser, et j'aimerais savoir si vous envisagez qu'un tel réseau fasse partie d'une agence de protection de la santé distincte, comme la FDA, dont le mandat, qui est d'assurer la qualité et l'efficacité des médicaments, a été établi clairement, contrairement à la situation nébuleuse dans laquelle on se trouve actuellement à Santé Canada. Ensuite, ce réseau pourrait ressembler au réseau de santé publique actuel, qui réunit tous les administrateurs en chef de la santé publique afin qu'ils cernent et réduisent les dangers pour la santé publique.
    Enfin, je suis consciente du fait que nous tirons de l'arrière sur le plan des dossiers médicaux électroniques, mais dans le cas du système PharmaNet, implanté en Colombie-Britannique, qui renferme toutes les ordonnances, est-ce que cela signifie que les pharmaciens sont en mesure d'appeler tous les patients qui prennent du Prepulsid afin qu'ils consultent leur médecin pour savoir s'il y a un rappel relatif à ce médicament?
    Voilà qui met fin à mes trois petites...
    Très brièvement, par homologation progressive, processus que vous avez exposé, on entend le fait de maintenir le statu quo relativement à la réglementation des produits pharmaceutiques avant leur mise en marché tout en reconnaissant le caractère temporaire. À mon avis, c'est ainsi qu'on devrait interpréter la notion.
    Toutefois, à la une des journaux d'aujourd'hui, on décrivait plutôt le processus d'homologation progressive comme un mécanisme permettant aux Canadiens d'avoir un accès plus rapide à des médicaments « révolutionnaires ». Je n'ai pas vu la mesure législative, mais si l'homologation progressive vise à commercialiser les médicaments plus tôt, il semble qu'on diminue la protection du public.
    Dans un article fascinant paru récemment dans The New England Journal of Medicine, si je ne m'abuse, on semblait dire que les délais dans la politique de réglementation pouvaient compromettre la santé publique.
    Si un médicament a été approuvé à l'échelle internationale — aux États-Unis, au Japon, etc. —, existe-t-il un processus permettant aux intervenants, aux groupes de patients, ou à qui que ce soit d'autre, d'accélérer le processus, à la lumière des preuves internationales, de sorte que nous puissions nous concentrer sur la surveillance post-commercialisation des médicaments en situation réelle au Canada? Je pense que le Dr Laupacis, ou vous deux, avez indiqué que vous vouliez le faire dans toutes les sphères de compétence.
(1210)
    Je crois que je vais laisser à Andreas le soin de répondre à cette question.
    Tout d'abord, en ce qui concerne l'homologation progressive, je l'ai interprétée de la même façon que Steven. Par conséquent, Santé Canada pourrait permettre la mise en marché d'un médicament contre le cancer qui a démontré avoir la capacité de réduire une tumeur, par exemple, alors qu'auparavant, il aurait fallu des études révélant une diminution du risque de décès.
    Si c'est le cas, à ce moment-là, vous auriez beau rassembler toutes les données disponibles partout dans le monde, si vous n'avez pas les résultats cliniques tangibles, vous n'obtiendrez pas la réponse que vous souhaitez.
    Je suis désolé, quelle était la deuxième partie de votre question?
    Si nous pouvions investir 2 p. 100 des 21 milliards de dollars dans le système souhaité, est-ce que vous consacriez 500 millions de dollars à la création d'une agence? De quelle façon pourrions-nous nous y prendre? Est-ce que cette agence engloberait votre réseau? Comment cela se ferait-il?
    Quand nous avons envisagé ce réseau, nous ne pensions pas au mandat législatif de Santé Canada, mais plutôt à la création d'une agence indépendante et assez souple...
    J'ai déjà comparu devant votre comité il y a quelque temps, à titre d'ancien président du Comité consultatif canadien d'expertise sur les médicaments, et honnêtement, si je ne siège plus à ce comité, c'est entre autres parce que nous ne pouvions rien faire sans obtenir au préalable l'approbation des 13 gouvernements provinciaux et territoriaux et du gouvernement fédéral. C'était très frustrant. À mon avis, on a besoin d'un groupe qui soit indépendant, mais qui entretient un lien avec les décideurs.
    S'il n'en tenait qu'à moi, je financerais certains essais randomisés de comparaisons directes, comme pour le Trasylol, dont j'ai parlé, et je pense que cela augmenterait sensiblement la qualité de l'information.
    Et je ne suis pas certain que je ferais ce que vous dites, c'est-à-dire rendre obligatoire la surveillance post-commercialisation de tous les produits pharmaceutiques qui ont été homologués ou financés. S'il s'agit d'un autre béta-bloquant ou de quelque chose du genre, est-ce réellement nécessaire?
    À mon avis, il ne faut pas mener des études chaque fois que c'est possible, car je crains qu'on se retrouve avec beaucoup trop d'information et qu'on finisse par jeter le bébé avec l'eau du bain. Il faut pouvoir trouver l'information dont nous avons besoin.
    Je suis désolée, mais je dois vous interrompre. Merci, docteur Laupacis.
    Monsieur Brown.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Morgan, vous avez mentionné qu'en Nouvelle-Zélande et en Australie, si je ne me trompe pas, les médecins utilisent des systèmes électroniques pour obtenir rapidement des renseignements au moment de prescrire des médicaments.
    J'ai trouvé cela très intéressant, d'autant plus que des représentants de l'AMC ont soulevé le problème de l'accès en temps réel à diverses informations lors de leur comparution devant le comité. Il y a certains médecins qui reçoivent les mises à jour par télécopieur ou par la poste, et ce n'est pas assez rapide.
    Pouvez-vous nous en dire davantage sur le type de système électronique qui est utilisé en Nouvelle-Zélande? S'agit-il d'un appareil de poche tel qu'un BlackBerry? Avez-vous une idée des coûts qu'occasionnerait une telle initiative?
    J'ignore à combien s'élèveraient les coûts, mais je peux vous donner un exemple d'un système innovateur au Canada visant à doter les médecins de dispositifs électroniques d'aide en matière de prescription.
    C'est à Montréal. Le Dr Robyn Tamblyn, de l'Université McGill, mène un projet intitulé Pratiques médicales de l'avenir, PMA. Il s'agit d'un projet dans le cadre duquel on inscrit les médecins et les pharmaciens dans un système qui leur permet, au moment de la consultation, d'obtenir de l'information, à partir d'un dispositif portatif du type de BlackBerry ou de Palm Pilot, non seulement sur les médicaments qu'ils veulent prescrire aux patients, mais aussi sur les médicaments qui ont déjà été prescrits par eux et par d'autres médecins, de même que sur le renouvellement de leurs ordonnances. Il est important de savoir pourquoi une ordonnance n'a pas été renouvelée.
    J'encouragerais donc votre comité à convoquer le Dr Tamblyn pour qu'elle vous en parle. Les résultats obtenus dans le cadre des essais de ces dispositifs sont ahurissants. C'est assez impressionnant de voir à quel point on a pu accélérer le processus de prescription.
(1215)
    Ces appareils sont-ils utilisés partout?
    Docteur Morgan, le Dr Tamblyn comparaîtra la semaine prochaine.
    Fantastique. Je lui adresserai ces questions. C'est un exemple de réussite particulièrement impressionnant au Canada.
    Ce sera intéressant.
    Quant aux autres exemples à l'étranger, pourriez-vous nous dire de qui le Canada pourrait s'inspirer?
    Le Canada pourrait regarder ce qui se passe au sud de la frontière, par exemple, du côté de la Veterans Administration, aux États-Unis. La VA exploite un système électronique qui assure un suivi et une surveillance de l'utilisation des médicaments d'ordonnance et qui aide les médecins à faire un choix au moment de leur prescription. Il en est de même pour de nombreux organismes de santé aux États-Unis. La Group Health Cooperative, à Seattle, dispose d'un système bien établi, qui est mis autant à la disposition des médecins que des patients, permettant à ces derniers d'avoir accès à leur propre dossier d'ordonnances.
    Au Royaume-Uni, on a investi massivement dans les dossiers médicaux électroniques et les dossiers d'ordonnances, et c'est tout un système à voir. Comme partout ailleurs, ils ont éprouvé certaines difficultés, parce qu'évidemment, ce n'est pas donné, et les professionnels de la santé doivent avoir la certitude qu'ils retireront quelque chose de ce processus.
    La Group Health Cooperative a d'ailleurs réalisé une étude à ce chapitre, et elle a découvert que les médecins ne peuvent plus s'en passer. On leur enlève le dispositif et ils commencent à se plaindre.
    J'ai une question pour Andreas.
    Dans votre réponse à Mme Bennett, vous avez indiqué que le signalement des réactions indésirables n'était pas obligatoire dans tous les cas. Je pense que vous avez abordé un peu cette question. Pourriez-vous nous dire où nous devrions fixer la limite, afin que ce soit efficace?
    À ce chapitre, je crois qu'il faut encourager les médecins à signaler les effets indésirables pour chaque médicament qu'ils jugent problématique.
    Je voulais parler de l'utilisation de certaines de ces banques de données administratives, comme Steven l'a décrit, qui nous permettraient de consulter de l'information sur les réactions indésirables de chaque médicament qui a été approuvé. Parfois, il se peut qu'on trouve des données qui ne soient pas tout à fait exactes.
    Et il y a aussi la question des coûts, en termes de personnel et de mise en oeuvre. Si un nouveau médicament, appartenant à une certaine classe de médicaments, fait son entrée sur le marché et que les études initiales ne révèlent aucun problème, j'ai bien l'impression que si une personne rapporte un effet indésirable, on voudra en savoir davantage sur ces médicaments en consultant la banque de données.
    Par ailleurs, s'il s'agissait d'une nouvelle statine, comme Steven l'a indiqué, pour abaisser le taux de cholestérol, et que je disposais de peu d'argent et de temps, je ne suis pas certain que je me renseignerais sur ce médicament. Il me semble que nous devons prendre des décisions raisonnables.
    Merci, docteur Laupacis.
    Nous allons maintenant céder la parole à Mme Thaï Thi Lac.

[Français]

    Merci beaucoup aux témoins d'être parmi nous ce matin.
    Ma première question s'adresse à tous les témoins. On sait que présentement, il y a le phénomène du vieillissement de la population. Également, au cours des dernières années, on a connu un sous-financement dans le domaine de la santé qui a occasionné plusieurs problèmes d'accessibilité pour la population. On sait que le manque d'accessibilité à un médecin a occasionné des autodiagnostics de la part des gens, de même que des autotraitements. On sait de plus que le marché des médicaments en vente libre est en progression depuis plusieurs années.
    Vous semble-t-il acceptable que les pratiques publicitaires actuelles relatives aux médicaments en vente puissent biaiser le traitement dont quelqu'un a vraiment besoin? Pour ma part, quand je dois avoir recours à un traitement par des médicaments en vente libre, je consulte toujours un pharmacien avant de choisir un produit sur une tablette, mais les gens n'agissent pas tous ainsi. Les pratiques publicitaires peuvent avoir une grande influence sur les consommateurs.
    Je voudrais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

    Je ne suis pas certain de pouvoir vous donner une réponse satisfaisante. Le nombre de médicaments en vente libre disponibles sur le marché est relativement petit, mais à mon avis, certains sont susceptibles de causer du tort. Certains patients prennent des médicaments non prescrits contre l'arthrite, par exemple, ou des douleurs aiguës. Dans ce cas, en tant que médecin, je ne trouve pas cela dramatique.
    Par contre, de nombreux patients ont recours à la médecine douce ou à des thérapies naturelles sans toutefois être au courant de a) leur efficacité, b) leur innocuité et les ingrédients qui les composent, et c) comment ils interagissent avec des médicaments conventionnels. Je crois donc que c'est un élément préoccupant.
    Par ailleurs, je partage votre préoccupation concernant le manque d'accès à des médecins de famille et, pour les gens qui souffrent de maladies chroniques comme le diabète, le manque d'accès à une gestion adéquate. Nous avons beaucoup parlé de l'utilisation excessive des médicaments et de leurs effets secondaires, mais je crois que ce n'est pas mieux si des patients n'ont pas accès aux médicaments efficaces dont ils ont besoin.
(1220)
    Je suis content que vous me parliez de l'accès car c'est une question très importante dans le cadre de notre discussion sur les médicaments d'ordonnance. Le Canada et les États-Unis figurent parmi les seuls pays développés à ne pas offrir d'assurance-médicaments à l'ensemble de la population. Par conséquent, les Canadiens font face à de plus grandes difficultés financières, au moment de renouveler leurs ordonnances, que les habitants des autres pays, à l'exception des Américains.
    C'est un enjeu important, puisque cette situation peut conduire les gens à utiliser des médicaments en vente libre ou à avoir recours à des médecines alternatives qui peuvent être évalués moins rigoureusement ou, comme vous le demandez, qui échappent à notre contrôle. À cet égard, je pense que le gouvernement fédéral devrait s'assurer de mener des études et de recueillir de l'information sur les habitudes de consommation de la population à l'égard des médicaments en vente libre et des traitements homéopathiques et naturels.
    Je crois que cela pourrait se faire, par exemple, en élargissant le champ d'application de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, menée par Statistique Canada, ou par le biais d'autres mécanismes. Il est donc possible de sonder la population afin de mieux comprendre la situation.
    Je ne vais pas parler des produits pharmaceutiques en vente libre parce que je n'ai aucune expertise en la matière, mais je trouve que c'est une bonne question, en ce sens qu'elle montre que tout le système médical doit être considéré comme un système global. Il est évident que si les gens n'ont pas accès à un médecin, ils vont essayer de s'autotraiter en prenant des médicaments non prescrits.
    En marchant devant un abribus ce matin, j'ai vu une affiche publicitaire de l'OMA montrant une personne qui se recoud elle-même.
    Si des personnes prennent des médicaments qui déclenchent chez elles des réactions indésirables et qu'elles n'ont pas de médecin à qui en parler, que peut-on faire pour remédier à la situation? Comment s'y prend-on pour les amener dans le système plutôt que de les laisser prendre des médicaments marginaux? C'est tout ce que je peux dire aux gens.
    Il vous reste 10 secondes.

[Français]

    Je peux poser une dernière question?

[Traduction]

    Le temps s'écoule. Il ne vous reste que quelques secondes.

[Français]

    Dans le document que nous a remis la Bibliothèque du Parlement, je vois qu'il y a une section au sujet des avis et mises en garde de Santé Canada concernant des médicaments. Sur la liste, il y a trois médicaments au sujet desquels Santé Canada a publié des mises en garde. Je suis stupéfaite de voir cela, parce que je suis moi-même utilisatrice d'un de ces médicaments et je n'ai même pas été mise au courant, comme consommatrice. Même après la mise en garde, j'ai reçu une nouvelle ordonnance du médecin.
    N'y aurait-il pas un moyen simple, comme une alerte, lorsqu'on va chez le pharmacien, pour nous avertir qu'il y a une mise en garde concernant un certain médicament? On sait qu'il y en a...

[Traduction]

    Très brièvement, je vous prie.

[Français]

    On sait que dans le domaine de l'automobile, s'il y a un rappel ou une mise en garde, on en est informé. Je voudrais savoir.

[Traduction]

    Je vais maintenant céder la parole au prochain intervenant.
    Monsieur Fletcher.
    Aujourd'hui, nous avons beaucoup parlé de la surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques. J'aimerais aborder la question sous un angle différent. Le Journal de l'Association médicale canadienne a aujourd'hui publié la première étude à décrire les diverses conséquences imprévues sur la santé d'une importante mise en garde sur un médicament.
    Il est question d'une mise en garde émise par Santé Canada, portant sur une variété d'antidépresseurs destinés aux adolescents, qui a donné lieu à une diminution des consultations chez le médecin de 10 p. 100, mais à une augmentation du taux de suicide de 25 p. 100. J'ai lu cela en premier dans le Winnipeg Free Press ce matin. Je me reporte ici au Leader Post de Regina.
    Qu'avez-vous à dire sur ces conséquences inattendues? Si on est trop prudent, c'est-à-dire si on refuse aux gens les médicaments dont ils ont besoin, cela pourrait entraîner des conséquences qui vont en sens contraire. Si on refuse des médicaments ou en réduit la disponibilité, cela serait une conséquence imprévue en soi.
(1225)
    Merci.
    Je n'ai pas eu vent de cette étude, mais je connais les problèmes liés à ces médicaments. Je suis sensible à la cause. Si on met les gens en garde, ils vont faire des choix qui peuvent nuire à leur santé.
    À mon avis, le problème est attribuable au manque de confiance dans le système. Lorsque le public est informé de la mise en marché d'un médicament miracle, on fait beaucoup de publicité, puis il y a toutes ces conséquences imprévues; la confiance des gens à l'égard du processus d'approbation et des compagnies pharmaceutiques est donc ébranlée. Le public a des attentes. On dit aux gens qu'ils auront un accès plus rapide aux médicaments révolutionnaires, et ainsi de suite, mais ils sont rapidement déçus et peuvent opter pour des solutions qui ne sont pas nécessairement les bonnes.
    Nous devons sensibiliser le public au fait que les médicaments sont loin d'être parfaits et causent beaucoup de problèmes.
    Mais c'est là le problème pour le gouvernement — en arriver à un juste équilibre.
    Cette étude est la première en son genre. Je suis préoccupé. Le gouvernement tente de procéder à cette homologation progressive pour permettre aux gens d'avoir un accès; nous surveillerons les conséquences négatives, et ainsi de suite, mais si nous ne le faisons pas, bien plus de gens pourraient être négativement touchés, mais il sera beaucoup plus difficile de le savoir.
    Docteur Laupacis, je pense que vous souhaitiez réagir à l'autre question. Aimeriez-vous vous prononcer là-dessus également?
    Oui. Je ne connais pas les détails de cette étude, mais je crois que c'est un exemple parfait de la nécessité d'équilibrer les avantages et les dommages des médicaments de manière rationnelle.
    Pour répondre à votre question quant à savoir si la surveillance post-commercialisation comporte d'autres côtés négatifs, le fait est qu'analyser ces bases de données dont Steven et moi avons parlé est relativement peu coûteux, car elles existent déjà. Ce n'est pas comme pour les essais aléatoires, où il faut faire des tests au hasard auprès de centaines de patients.
    Il faut que nous soyons prudents. Par exemple, chez l'industrie pharmaceutique, on tend à vouloir fouiller ces bases de données jusqu'à ce qu'on y trouve un résultat qui fait en sorte qu'un médicament a l'air sensationnel, pour ensuite publier ce fait sans révéler qu'on a effectué 25 études avant de trouver le résultat véritablement souhaité. Dans le même ordre d'idées, certaines personnes qui auraient des comptes à régler avec l'industrie pharmaceutique pourraient faire 25 recherches dans ces bases de données et rapporter uniquement l'étude qui a fait état d'effets indésirables.
    Je pense qu'il est absolument crucial que nous ayons ce réseau de chercheurs et que nous ne prenions pas de décisions majeures telles que de retirer un médicament du marché en nous fondant sur l'une de ces études post-commercialisation, mais plutôt en nous appuyant sur des preuves tangibles et utilisables provenant de diverses compétences.
    Merci, docteur.
    Mme Wasylycia-Leis est la suivante, mais elle a dû s'absenter pour un moment.
    Nous allons donc passer à M. Tilson.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai une question pour M. Orr. Monsieur, vous avez dit avoir représenté des gens qui ont intenté un recours collectif. Ai-je bien entendu?
(1230)
    Oui, c'est exact.
    Peut-être cela contredit-il légèrement ce que vous avez dit, mais j'ai cru comprendre qu'il n'y avait aucune obligation de la part des professionnels de la santé — infirmières, médecins, pharmaciens, personnel des hôpitaux — de signaler, comme vous l'avez expliqué, les problèmes sérieux. J'ai peut-être mal interprété vos propos. D'après ce que j'ai compris, les entreprises pharmaceutiques sont tenues de signaler les graves problèmes — les plaintes sérieuses.
    Si une personne subit un effet négatif parce qu'elle a pris un médicament, elle ignore ce qui est grave et ce qu'il ne l'est pas. Je ne sais même pas moi-même si j'arriverais à dire en quoi consiste un grave problème, même si j'ai posé la question à un certain nombre de témoins.
    Il ne nous reste probablement que trois minutes, mais pourriez-vous nous parler brièvement de la jurisprudence en matière de responsabilité des professionnels qui n'ont pas l'obligation de faire des déclarations à Santé Canada, le cas échéant?
    Il est difficile pour moi de répondre à cette question. Ce n'est pas dans mon champ d'expertise.
    Si vous parlez de la responsabilité des médecins à l'égard des patients, et non pas à l'égard de l'industrie ou de Santé Canada, d'après ce que je comprends, ils doivent prendre des mesures raisonnables pour protéger la santé de leurs patients. Ce standard est jugé selon ce qui est normal dans la profession. Un signalement des médecins à l'industrie ou à Santé Canada, selon moi, ne fait pas nécessairement partie de leur norme de diligence.
    Eh bien, alors, pour en venir au fait, les médecins prescrivent un médicament, et il s'avère qu'ils ont peut-être eu tort de le faire; alors les patients arriveront en disant: « Mais qu'est ce qui se passe? », et les médecins tenteront de se protéger en disant quelque chose... Eh bien, ils peuvent être tenus responsables.
    J'en viens à la question de l'obligation de signaler les effets indésirables. Quelqu'un a indiqué ici — du moins, je le crois, et peut-être était-ce vous — qu'on n'était pas tenu d'en faire la déclaration, comme c'est le cas pour ces personnes, je crois. Mais bon sang, si un médecin prescrit quelque chose et qu'il se trouve qu'il y a un grave problème, il ferait mieux de le signaler. Et s'il ne le fait pas, je pense qu'il serait responsable.
    À cet égard, je m'en remettrais probablement aux médecins et à leur code déontologique.
    Je voudrais parler de la déclaration obligatoire pour l'industrie, parce qu'en ce moment, l'industrie a au moins une certaine obligation à cet égard, même si, je crois, cela vaut seulement pour un incident très grave. Mais selon moi, les médecins devraient informer le patient des éventuels problèmes que peut poser un médicament et s'en occuper, et devraient sans doute être tenus de le signaler à leur association professionnelle, laquelle, si elle est au courant du fait que ce médicament entraîne des problèmes, devrait aussi le déclarer à Santé Canada.
    Oui. Eh bien, je crois que nous devrons surveiller ce qui se passe.
    Vous avez fait des remarques à propos des effets indésirables. Dois-je comprendre que d'après vous, les effets qui constituent actuellement de graves effets indésirables doivent faire l'objet d'un signalement? Dites-vous vraiment que tous les effets indésirables devraient être déclarés?
    Oui.
    J'aimerais que d'autres témoins se prononcent là-dessus.
    En tant que médecin, si je prescris un anticoagulant comme la warfarine, qui présente clairement un risque de saignement majeur, que je parle de ce risque à mon patient et que nous tombons d'accord sur le fait qu'il ou elle veut prendre ce risque, si ce patient a un saignement par la suite, à ce que je sache, je ne suis pas tenu d'en faire la déclaration. Je suis obligé d'en discuter avec le patient, et je me sentirai très mal si cela se produit, mais il s'agit d'un effet secondaire très connu du médicament. Franchement, le signaler à Santé Canada, dans le contexte où 30 millions de personnes prennent des médicaments, ne ferait que paralyser le système.
    Le temps est maintenant écoulé, docteur Laupacis.
    Madame Wasylycia-Leis, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci également de votre indulgence, puisque j'ai dû sortir de la salle.
    J'aimerais revenir aux éléments essentiels de tout type de système de pharmacovigilance. L'un dont nous avons parlé est l'homologation progressive, tant que ce moyen ne réduit pas, ou n'empêche pas toute tentative de respecter dès le départ un principe de précaution. J'aimerais seulement vérifier que c'est bien ce que vous affirmez, et ce que cela signifie lorsque le sous-ministre adjoint se présente devant notre comité en disant qu'en matière de réglementation des produits de santé, on souhaite mettre en oeuvre une approche de style de vie qui réorienterait l'étude précédant la commercialisation vers une évaluation continue des risques et avantages du produit. Cela ne pose-t-il pas problème?
    Ensuite, dans le même ordre d'idées, je sais que nous devons parler des risques ou des bienfaits, et que des médicaments arrivent sur le marché et présentent certains problèmes sur le plan de l'innocuité, mais que leurs effets pourraient être préférables à la mort, etc. N'avons-nous pas actuellement un programme de commercialisation des médicaments en cas de « circonstances exceptionnelles » à cette fin précise? Pourquoi devrions-nous être moins rigoureux à l'étape initiale et mettre en péril davantage de Canadiens pour accomplir une chose qui existe déjà?
    Voilà pour ma première question; je vais tenter d'en poser d'autres, si j'ai le temps.
(1235)
    En bref, je vous dirais que je préconiserais une terminologie, puisque je ne suis pas un avocat, selon laquelle la surveillance post-commercialisation constitue un « ajout » à l'information provenant des essais aléatoires initiaux plutôt que, comme vous l'avez dit, je crois, un « remplacement » de cette information.
    Il s'agissait d'une « réorientation ».
    D'une « réorientation », oui.  
    J'aimerais seulement réitérer que l'homologation progressive prend son sens si elle doit ajouter à la rigueur qui existe en matière de surveillance pré-commercialisation. Et vous avez raison: je crois que le Canada a des mécanismes en place afin d'accélérer l'accès à des médicaments pour les gens en situation précaire.
    Êtes-vous d'accord, Patrick?
    Je vais ensuite poser une autre question.
    Oui. À mon avis, l'homologation progressive équivaut à abaisser la barre.
    D'accord.
    D'autres avis nous ont été exprimés par d'autres intervenants à propos de ce qui est nécessaire pour un bon système de surveillance post-commercialisation. Premièrement, nous devons nous assurer que Santé Canada soit complètement transparent en ce qui a trait au processus d'approbation des médicaments, ce qui implique de trouver le moyen de convaincre ce ministère d'afficher sur un site Internet tous les renseignements concernant l'approbation et la non-approbation des médicaments.
    Qu'en pensez-vous? Vous en avez déjà glissé mot, je crois.
    Deuxièmement, il faudrait établir un conseil indépendant pour évaluer l'innocuité des médicaments sur ordonnance.
    Troisièmement, il y a une question dont nous n'avons pas beaucoup parlé jusqu'ici, c'est-à-dire faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous prononcer contre la publicité sur les médicaments qui s'adresse directement aux consommateurs et pour y mettre un terme.
    Quelle est votre opinion sur ces trois points?
    Ils me paraissent raisonnables. Par ailleurs, je ne perdrais pas de vue que les provinces et les médecins sont des cibles importantes en matière de surveillance post-commercialisation. Autrement dit, Santé Canada dispose d'un instrument radical, soit le pouvoir de retirer ou non un médicament du marché. En tant que médecin, je bénéficierais grandement de ce type de pharmacoviligance, car cela m'aiderait à décider quels types de patients... et je pourrais ainsi mieux comprendre les risques et avantages réels des produits.
    Ce que vous dites, c'est que les provinces devraient faire partie d'une approche coordonnée à l'échelle du pays.
    Je dis que l'information provenant de la surveillance post-commercialisation sera aussi utile, sinon plus utile encore aux provinces, aux praticiens et aux patients, qui ont des choses plus subtiles à faire dans la vie que de déclarer qu'un médicament peut ou ne peut pas être approuvé.
    Très bien.
    Steve.
    Peut-être que ce qu'il faut faire, c'est enlever de la pression à Santé Canada en présentant une mesure législative exigeant un nouveau degré de transparence en ce qui a trait aux essais cliniques utilisés pour approuver ou non les médicaments. En ce moment, le fardeau et le blâme semblent reposer sur les bureaucrates et les cadres qui administrent le système. Peut-être la solution consiste-t-elle à leur enlever cette pression et à adopter concrètement une certaine forme de loi sur la transparence en ce qui concerne l'innocuité des médicaments.
    Patrick.
    J'abonde dans le sens de cette dernière remarque.
    Par ailleurs, un conseil indépendant pour l'approbation des médicaments pourrait être une bonne idée. Il n'y a rien de mal à ce qu'un ministère s'en charge, pourvu qu'il agisse de façon indépendante et dans le meilleur intérêt du public, peut-être conformément à la loi.
    Votre dernière question concernait la publicité s'adressant directement aux consommateurs. Je crois que c'est terrible. C'est censé être interdit au Canada, mais on n'applique pas véritablement la loi à cet égard, et l'industrie tente de la contourner.
    Santé Canada, au moins, essaie de protéger nos normes en vigueur, mais je crois que la plupart des entreprises pharmaceutiques tentent de s'adresser directement aux consommateurs pour éviter toutes les approbations nécessaires, et ainsi de suite.
    Aux pages 19 et 20 du projet de loi C-51, on trouve un article qui porte sur les essais cliniques; j'aimerais que vous y jetiez un coup d'oeil. Il serait utile de recevoir vos commentaires écrits là-dessus, en même temps que les autres informations que nous vous avons demandées aujourd'hui.
(1240)
    Judy, je crois qu'en raison des contraintes de temps, nous allons devoir demander qu'on nous fasse parvenir ces observations par écrit. Si vous les remettez à la greffière, nous veillerons à les distribuer.
    Pourrions-nous maintenant entendre M. Temelkovski?
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à nos témoins.
    Monsieur Orr, vous avez mentionné avoir travaillé à la législation dans différentes provinces. Y a-t-il des modèles utilisés par ces provinces dont nous pourrions tirer des enseignements?
    Non, en matière de dispositifs médicaux, je n'ai rien rédigé... Cela concerne seulement la sphère fédérale, au Canada, et je n'ai rien fait à ce niveau. Santé Canada ne m'a demandé de rédiger aucune de ses mesures législatives dans ce domaine.
    Il y a d'autres gouvernements. Nous devrions regarder à l'étranger et nous pencher sur les exemples des États-Unis et de l'Europe. Malheureusement, les États-Unis ne sont pas particulièrement un bon modèle, car c'est là que bien des industries sont installées. Je pense que le Canada était un leader dans ce domaine, mais ce n'est plus le cas. Les décennies ont passé.
    Malheureusement, je pense que globalement, la protection du public a été réduite. L'harmonisation internationale équivaut à un nivellement par le bas et à un abaissement des normes. Le Canada a agi en ce sens pour faciliter l'entrée des médicaments sur le marché.
    Merci.
    D'autres médecins nous ont dit qu'ils étaient réticents à remplir des rapports sur les effets indésirables. Cela est dû au fait qu'ils ne reçoivent aucun renseignement en échange; il semble s'agir d'un processus à sens unique. Partagez-vous cette opinion? De plus, quels incitatifs pourrions-nous utiliser pour que les médecins et autres intervenants participent activement à la déclaration des effets indésirables?
    Personnellement, je ne partage pas cette opinion. Si je signalais les effets indésirables de médicaments, j'espère que je le ferais par altruisme. Le fait de ne pas obtenir immédiatement une réponse ne me dérangerait pas.
    J'estime qu'il y a deux problèmes en cause.
    Pour utiliser l'exemple de Vioxx, un médicament qui, comme tout le monde le reconnaît maintenant, accroît les risques de crise cardiaque, j'ai eu beaucoup de patients qui en prenaient. Je suis sûr que certains d'entre eux ont eu une crise cardiaque, mais je n'avais jamais fait le lien jusqu'à ce que les études soient effectuées. Beaucoup de gens âgés ont des crises cardiaques. Quand cela se produit, on n'y réfléchit pas. Je pense que c'est un excellent exemple.
    Si quelqu'un avait une réaction vraiment bizarre juste après avoir commencé à prendre un médicament, la plupart des médecins diraient qu'il y a possiblement un lien entre les deux. Mais dans le cas d'une personne ayant une crise cardiaque six mois après avoir commencé à prendre Vioxx, ce lien ne me serait pas venu à l'esprit. Je crois que cela met en lumière les problèmes concernant un certain type de déclaration spontanée d'effets indésirables, ainsi que la raison pour laquelle il faudrait qu'on examine certaines de ces bases de données.
    Voilà mes deux remarques.
    Je partage ce sentiment. L'un des principaux problèmes, ici, c'est que la déclaration des effets indésirables des médicaments, ou EIM, constitue un signal. Il est difficile, parfois, de détecter ces rares cas et de faire le lien entre les éléments. C'est la raison pour laquelle le système de surveillance post-commercialisation et l'innocuité et l'efficacité après la mise en marché doivent faire l'objet d'une surveillance et d'une évaluation. Cela devra se faire au moyen d'une variété d'outils, dont le moindre n'est pas la déclaration des EIM, mais aussi grâce à des analyses de données administratives ainsi que de nouveaux essais cliniques, notamment.
    Quel rôle croyez-vous que les centres d'excellence en pharmacovigilance devraient jouer au Canada?
    Je pense qu'on devrait mettre ces centres en lien avec la série d'intervenants dont nous avons parlé — le gouvernement fédéral, les provinces, les médecins et les patients —, en définissant les domaines de recherche prioritaires. On effectuerait cette recherche hautement pertinente sur le plan des politiques et transmettrait directement cette information à Santé Canada, aux provinces et aux décideurs pour qu'ils puissent utiliser ces renseignements dans le cadre de l'élaboration de politiques. C'est ce que je pense.
    Je considère également qu'il est avantageux d'avoir des centres d'excellence régionaux. Je pense que nous avions lancé l'idée d'avoir de trois à cinq centres au Canada. Se rapprocher des praticiens — ceux qui prescrivent et délivrent les médicaments — est important, car cela crée des liens qui permettent de traduire plus facilement l'information en nouvelles pratiques, sans parler des politiques réglementaires.
    Donc, il est bon d'avoir un réseau de centres plutôt qu'un seul centre isolé au pays.
(1245)
    Merci beaucoup.
    J'aimerais remercier tous nos témoins de leur comparution et de leurs commentaires éclairants. Nous prenons très au sérieux toutes vos observations, alors le temps et les efforts que vous nous avez consacrés comptent beaucoup pour nous.
    [La séance se poursuit à huis clos.]