:
Monsieur le Président, je vais partager le temps qui m'est accordé avec la députée de .
Je suis heureuse de pouvoir prendre la parole au sujet de la mission canadienne en Afghanistan. Notre gouvernement croit que la mission en Afghanistan est importante. Elle est importante pour les gens de ce pays et pour les Canadiens. Elle est particulièrement importante pour les fils et les filles du Canada qui oeuvrent sur le terrain, là-bas, qu'ils soient militaires, diplomates ou travailleurs humanitaires, pour que le peuple afghan puisse retrouver ses moyens de subsistance et reprendre une existence normale.
La semaine dernière, monsieur le Président, vous nous avez présenté six femmes qui se trouvaient à la tribune. Il s'agissait de parlementaires de la démocratie afghane naissante. Il y a seulement sept ans, ces femmes n'auraient même pas pu sortir de chez elles sans burka et sans être accompagnées d'un homme de leur famille. Il y a sept ans, elles n'auraient pas pu se rendre au coin de la rue ou obtenir des soins médicaux toute seules. Aujourd'hui, elles sont libres de se rendre à l'autre bout du monde et de prendre place à la tribune du Parlement du Canada, à visage découvert.
En tant que parlementaires canadiens, nous devons tous surmonter des difficultés, mais nous ne sommes pas constamment soumis à des menaces de mort. Or, de telles menaces sont le lot quotidien des femmes qui siègent au Parlement afghan.
Les députés de la 39e législature au Canada sont à 21 p. 100 des femmes. En Afghanistan, les femmes constituent 25 p. 100 des parlementaires. Elles ne disposent d'aucun budget pour ouvrir un bureau de circonscription et doivent aller rencontrer leurs électeurs un par un, là où ils se trouvent, ce qui les oblige à parcourir de vastes étendues en s'exposant à des dangers.
Qu'est-ce qui pousse ces femmes à quitter la sécurité relative de leur domicile pour exercer des fonctions très dangereuses? Selon elles, la raison est très simple. Elles ont la conviction profonde que leur courage dans la défense de la démocratie finira par avoir un effet favorable sur leur vie et celle de leurs enfants.
Les parlementaires canadiens se sont levés pour applaudir la bravoure de ces femmes et leurs réussites. Je ne vois donc vraiment pas pourquoi un député déciderait de cesser de les appuyer dans leurs efforts de reconstruction de leur pays, qui est gouverné par un Parlement élu démocratiquement, dans la primauté du droit ainsi que dans le respect des droits et des libertés de la personne.
Elles ne pourront pas crier victoire du jour au lendemain. Nous le savions dès le départ, et les Forces canadiennes qui sont sur le terrain le savaient aussi.
Le Parlement canadien a un choix à faire, et l'enjeu est clair. Nous pouvons faire partie de la solution ou nous pouvons faire partie du problème. Dans ma circonscription, dix réservistes ont pris leur décision eux-mêmes et sont récemment partis en affectation en Afghanistan. Ils vont mettre la main à la pâte. Cinq membres des Rocky Mountain Rangers sont, eux, revenus fort heureusement sains et saufs après une période d'affectation là-bas.
Je leur ai parlé et je les ai entendus raconter les succès qu'ils y ont remportés et qui représentent un pas en avant pour le peuple afghan. Ils ne regrettent rien. Ils ont été l'instrument du changement.
En janvier dernier, une travailleuse humanitaire américaine et son chauffeur ont été enlevés à Kandahar. Cyd Mizell était dans la région depuis six ans et travaillait à des projets portant sur l'éducation et le développement des femmes. Son chauffeur et elle n'ont toujours pas été retrouvés. Dans un geste d'appui, 500 femmes afghanes se sont rassemblées pour protester contre cet enlèvement. Elles ont exhorté les autorités, les aînés et les citoyens en général à travailler à leur libération. Il y a sept ans, ces femmes n'auraient jamais osé se réunir ainsi. C'est grâce aux Canadiens qu'elles peuvent le faire maintenant.
Il y a une semaine à peine, les Afghans ont célébré la Journée internationale de la femme. Des centaines de femmes ont marché pour la paix à Kandahar qui est le repaire des insurgés talibans. Dans les capitales provinciales du Nord, les femmes ont tenu des réunions publiques avec les gouverneurs des provinces, les conseils de femmes, les services de police locaux, les juges et les dirigeants religieux afin de donner la parole aux femmes. Ces rencontres n'auraient pas pu avoir lieu il y a sept ans. C'est grâce aux Canadiens qu'elles peuvent avoir lieu maintenant.
Rien de tout cela n'aurait pu se produire si les troupes de l'OTAN n'avaient pas assuré la sécurité du peuple afghan.
Certains de nos collègues voudraient que nos troupes quittent immédiatement l'Afghanistan. Ces gens ne font que miner le travail positif qui est actuellement réalisé en Afghanistan. Leur propagande est une insulte pour nos forces armées actuelles et pour tous ceux qui ont servi dans les zones de conflit depuis le début de notre histoire.
Chaque fois qu'il y a eu des situations difficiles, les Canadiens ne se sont jamais défilés. Nous sommes toujours venus en aide à ceux qui étaient dans le besoin, que ce soit pour rétablir la paix ou pour la maintenir.
À titre de , j'ai assisté à bon nombre de cérémonies du Souvenir, tant au pays qu'à l'étranger. J'ai également remarqué que les plus jeunes sont plus sensibilisés à l'histoire militaire de notre pays. Le fait de reconnaître les sacrifices qui ont été faits au nom de peuples opprimés du monde ne peut qu'engendrer une grande fierté.
Il suffit de voir aujourd'hui les viaducs de l'Autoroute des héros, qui sont bondés de Canadiens qui agitent notre drapeau et qui saluent un de nos militaires qui a fait le sacrifice ultime et dont la dépouille est rapatriée au pays. Ce spectacle est vraiment touchant.
Les Canadiens éprouvent une fierté renouvelée à l'endroit des hommes et des femmes de nos forces armées qui, pendant trop longtemps, ont été sous-financées et ignorées par le gouvernement. Nos militaires obtiennent maintenant la reconnaissance qu'ils méritent pleinement, et je dois dire que certains d'entre eux en sont surpris.
Lorsque nous nous adressons à des hommes ou à des femmes en uniforme pour les remercier, ces personnes affichent d'abord un air perplexe, puis font un grand sourire, tout en étant un peu mal à l'aise. Nos militaires ne sont pas dans les forces armées pour être louangés. Ils sont fiers de porter l'uniforme et de servir leur pays.
Je ne me suis pas allée en Afghanistan, mais je suis au courant des nombreux progrès accomplis, comme par exemple la baisse de 22 p. 100 du taux de mortalité chez les nouveau-nés, grâce au fait que le nombre de spécialistes en périnatalité a presque quadruplé depuis 2001. Par ailleurs, l'accès aux services médicaux de base a augmenté, pour atteindre 83 p. 100, comparativement à 9 p. 100 en 2004.
Il y a maintenant près de six millions d'enfants, dont le tiers sont des filles, qui fréquentent l'école, comparé à seulement 700 000 enfants, tous des garçons, en 2001. Je sais aussi que le programme canadien de microfinancement crée de belles possibilités pour les femmes afghanes, en leur permettant de diriger leurs propres petites entreprises, afin de soutenir leurs familles.
Toutefois, à mes yeux, la preuve la plus convaincante que l'État failli qu'était l'Afghanistan est sur la voie de la reconstruction est la présence de ces six femmes à la tribune. Ces femmes risquent leur vie pour leur pays, et elles ne méritent rien de moins que notre appui sans réserve.
Notre monde sera un endroit meilleur lorsque l'Afghanistan deviendra un pays libre et démocratique.
:
Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui pour parler de la motion sur le rôle du Canada en Afghanistan. Je suis heureuse de voir que le gouvernement et l'opposition officielle sont parvenus à s'entendre sur la mission du Canada en Afghanistan. Cette motion n'est ni une motion conservatrice ni une motion libérale; c'est une motion canadienne qui s'inscrit dans notre histoire et nos valeurs.
Pendant la Première Guerre mondiale, c'est le conservateur Robert Borden qui était au pouvoir. Dans le feu de l'enfer des guerres de tranchées, les historiens ont assisté à la naissance d'une nation.
Quelque trente années plus tard, c'était au tour de Mackenzie King, un libéral, de nous guider pendant la Seconde Guerre mondiale.
Nous avons combattu aux côtés de nos alliés américains et britanniques et nous avons participé à la victoire de l'une des plus grandes invasions terrestres de l'histoire.
À titre de membre du Comité de la défense nationale, j'ai eu le privilège de poser des questions au brigadier-général Atkinson sur la capacité de collecte de renseignements des talibans. J'estime que trop de députés dans cette enceinte perçoivent les talibans comme un petit groupe disparate de guerriers primitifs. Il est facile d'avoir une telle perception, car leurs valeurs sont tellement primitives.
Cependant, le brigadier-général Atkinson a fait valoir des arguments réfléchis. Il a dit que tout article publié dans le Ottawa Citizen sera lu, peu importe sur quoi il porte. Les talibans sont au courant de tout ce qui est annoncé aux nouvelles de la BBC ou ailleurs.
Nous devrions tous réfléchir à cela quand nous débattons à la Chambre des communes. Les propos du général ne nous apprennent rien de nouveau. Nous devrions tous nous rappeler la phrase célèbre souvent répétée au cours de la Seconde Guerre, «L'indiscrétion fait couler des navires», qui, à mon avis, s'applique fort bien à la situation actuelle.
Je comprends parfaitement que les médias et les communications d'aujourd'hui ont rendu des questions comme celles-ci nettement plus complexes, mais les députés devraient tous prendre le temps de faire un examen de conscience. Quand on dit quelque chose ici, c'est comme si on le disait dans les rues de Kandahar.
Au terme du présent débat, nous allons montrer aux talibans et aux autres groupes radicaux comment on règle les conflits, soit par un débat démocratique suivi d'un vote. Toutefois, après le vote, je demanderais aux députés de se souvenir des soldats qui sont sur le terrain et de les aider à s'acquitter de leur tâche.
Proposer des critiques constructives, stratégiques ou tactiques est une chose, mais trop souvent les bouffonneries de la période des questions sont présentées comme des conseils légitimes en matière de guerre et de conflit.
Les députés doivent également savoir qu'il n'y a pas que les généraux qui expriment des préoccupations, il y a aussi des journalistes de bonne foi, comme Christie Blatchford du Globe and Mail. Je ne cite pas souvent les journalistes, mais le reportage de cette journaliste était particulièrement instructif. Elle déclare ce qui suit à la suite d'un entretien avec son traducteur afghan, qui venait de parler à des amis dans son village en campagne:
En réalité, il est tout à fait plausible que les taliban ciblent les Canadiens s'ils sentent que le moment est propice pour infliger des pertes.
L'Afghanistan est peut-être un pays en ruines, mais cela n'en fait pas un ennemi primitif [...]
J'aimerais que tous les députés tiennent compte de ces avertissements, non pour leur imposer le silence, mais pour qu'ils pèsent la sagesse de nos propos.
Nous avons fait de grands progrès en Afghanistan depuis le peu de temps que nous y sommes. Beaucoup de députés ont parlé de ces progrès extraordinaires, surtout en ce qui concerne les femmes. La situation est loin d'être parfaite, mais des progrès extraordinaires ont quand même été faits au cours des six dernières années.
Rappelons-nous des scènes ce que nous avons vues dans les années 1990. Nous avons vu une femme tremblante et visiblement craintive couverte d'une burka se pencher dans un stade de soccer pendant que son exécuteur barbare lui tirait une balle dans la tête. Il ne s'agit pas d'une vision de l'Europe médiévale, mais d'une réalité récente en Afghanistan.
Pensons à la satisfaction que nous avons eue à la Chambre dernièrement quand des parlementaires afghanes ont pris place à la tribune. Beaucoup d'entre nous sommes allés les voir pour les remercier de leur courage.
La fin de semaine dernière, 1 000 femmes se sont rassemblées à Kandahar pour célébrer la Journée internationale de la femme. Stephanie Levitz, journaliste de la Presse canadienne, a déclaré ce qui suit:
Depuis 2001 et la chute des talibans, les femmes reprennent peu à peu leur place dans la société afghane. Elles siègent au gouvernement et administrent des hôpitaux. De plus, elles ont regagné le droit à l'éducation.
« La situation s'est améliorée cette année par rapport à l'an dernier et à l'année précédente », a déclaré la docteure Farishta Bwar, qui travaille au ministère de la Santé publique. « La vie des femmes s'améliore un peu chaque jour. »
Si ces femmes font preuve de courage, le moins que les députés puissent faire est de les appuyer. Malheureusement, certains députés préfèrent continuer de nier volontairement la réalité et maintenir leur idéologie irresponsable plutôt que d'appuyer des femmes qui relèvent de plus grands défis.
Si je soulève ces questions, ce n'est pas pour des motifs partisans, mais plutôt parce que je m'inquiète sincèrement de ces hommes et de ces femmes. À en juger par la tournure du débat jusqu'à maintenant, il semble que l'opposition officielle et le gouvernement se soient entendus et que nos troupes resteront à Kandahar jusqu'en 2011. Les soldats seront toujours en danger et ils manqueront toujours autant à leurs familles.
La base des Forces canadiennes de Petawawa est située dans ma circonscription. Lorsque je suis dans ma circonscription, je me fais toujours une joie de visiter la base, les soldats et les familles de ces femmes et de ces hommes courageux. Ces familles ont quelque chose à dire. L'enfant d'un soldat qui a servi en Afghanistan a écrit un merveilleux discours dont je me dois de citer un extrait. Voici donc ce que cet enfant avait à dire, non seulement au sujet de son père, qui est vraiment un héros, mais aussi au sujet de sa mère, une héroïne dans sa vie:
Lorsque les gens pensent aux héros, ce sont souvent des personnages fictifs comme Batman ou Superman qui leur viennent à l'esprit. Pour moi, le héros, c'est mon père. C'est un soldat et il participe actuellement à son cinquième déploiement. Cette fois, il se bat pour améliorer la vie du peuple afghan.
Cependant, en continuant de réfléchir aux héros, je réalise qu'il y a souvent un « héros silencieux » derrière chaque héros. Si mon père peut être un héros et faire ce qu'il fait, c'est parce qu'il peut compter sur le soutien d'une personne extraordinaire ici-même au Canada. C'est ainsi que j'en suis venu à penser à ces héros derrière les héros, à cette héroïne qu'est ma mère.
Elle a appuyé les décisions de mon père de partir en mission et elle a déménagé avec lui lorsque nous avons été réaffectés, encore une fois. Depuis qu'elle a commencé à fréquenter mon père, elle a dû quitter plusieurs emplois et laisser sa famille et ses amis derrière elle. Chaque déménagement était un nouveau défi pour elle. Elle devait chaque fois s'ajuster à un nouvel environnement et réorienter sa vie et sa carrière en conséquence.
C'est elle qui maintient l'intégrité de notre famille pendant que mon père s'absente pour un déploiement ou un exercice. Je m'ennuie de mon père quand il n'est pas à la maison, mais ma mère fait en sorte que la vie continue, comme si mon père était toujours présent.
N'oublions pas, dans tout ce débat, les milliers de mères et de pères qui font aussi un sacrifice, qui sacrifient leur enfant, leur femme ou leur mari pour la cause que nous leur demandons de défendre. Soyons judicieux dans le choix de nos mots, car il en va de leur intérêt, de notre intérêt à tous.
Un de mes électeurs a également soulevé d'importants points en ce qui concerne les motifs de notre présence en Afghanistan. Dans sa lettre, il a écrit:
Devrions-nous intervenir là-bas? C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Il y a tellement de raisons de dire « oui »: protéger les droits des femmes; promouvoir la démocratie; mettre fin au commerce de la drogue; promouvoir l'éducation et aider ce pays à se développer pour qu'il puisse devenir une nation forte et apprendre à résoudre lui-même ses problèmes, à lutter contre la tyrannie et l'intolérance et à défendre les valeurs qui sont chères au Canada. La réponse est « oui ». Nous devrions assurer une présence en Afghanistan et examiner la situation de plus près.
À titre de députée, je suis heureuse de voir que le gouvernement et l'opposition officielle sont parvenus à s'entendre sur cette question. Ce faisant, nous clarifions nos intentions auprès de nos troupes et des Canadiens. Nous envoyons aussi le message clair aux talibans que leurs actes lâches et obscurs ne peuvent pas ébranler notre détermination.
Nous avons beaucoup accompli en Afghanistan, qu'on pense aux écoles pour filles ou encore aux progrès de la médecine ou de l'économie. Je demande aux députés de ne pas compromettre ces réussites avec un retrait prématuré.
Avec l'envoi de soldats additionnels, d'hélicoptères et d'UAV, nos troupes accompliront des progrès encore plus importants au cours des années à venir. Pour ma part, je me réjouis déjà à la perspective de leurs réussites futures.
:
Monsieur le Président, je prends la responsabilité qui nous incombe très au sérieux. À mon avis, il est malheureux que le débat n’ait pas eu lieu de façon plus exhaustive à travers le pays.
Cette initiative du gouvernement est d’une importance fondamentale pour nous tous. L'envoi de nos troupes à l'étranger est la chose la plus grave que puisse faire le gouvernement. Dans ce contexte, il est important que nous tenions ce débat, mais nous devons également trouver un moyen de consulter la société au sens large et permettre aux Canadiens de se prononcer. Les gens veulent engager un débat sur cette question parce qu’ils s’inquiètent. Ils sont divisés sur cette question. Nous devons être respectueux et ouverts à l’idée qu’ils viennent nous faire part de leurs réflexions.
Au cours des quelques minutes dont je dispose aujourd'hui, je vais vous faire part de réflexions sur ce sujet de certains groupes confessionnels du Canada. Ils ont eu beaucoup de mal à recueillir les renseignements, à faire des recherches, à définir leurs positions et à écrire des lettres aux autorités responsables sur le sujet important de notre engagement dans la vie du peuple afghan.
Il y a un certain nombre de questions à résoudre, et c'est nous tous, en fin de compte, que le ferons en votant cet après-midi.
Est-il possible de gagner cette guerre? Si oui, quel en sera le prix pour les Canadiens, pour les Forces armées canadiennes, mais surtout, pour le peuple afghan? Y a-t-il une valeur morale et éthique qui l'emporte sur la simple logistique à appliquer pour gagner une guerre? Y a-t-il une plus valeur morale et éthique supérieure dont nous devons tenir compte si nous voulons être utiles dans cette région du monde éprouvée depuis si longtemps?
En fin de compte, après avoir examiné ces questions que je pose en tout respect et humilité à mes collègues, la résolution dont nous débattons aujourd’hui nous permettra-t-elle d’y arriver? Nous mènera-t-elle vers quelque chose qui constituerait une victoire pour tous les intéressés? Respectera-t-elle les valeurs plus élevées et les considérations morales et éthiques de bien des gens dans le monde qui voient la guerre sous un autre angle après avoir participé aux guerres mondiales et à d’autres conflits dévastateurs qui ont eu de lourdes conséquences?
La première question que je pose est celle-ci : est-il possible de gagner cette guerre? Permettez-moi d'en douter. Il n’est certainement pas possible de la gagner sans un plus grand nombre de soldats et plus d’artillerie comme l’a si clairement souligné le rapport Manley.
L'histoire du peuple afghan n'est pas très différente de celle d'autres peuples du monde qui ont vu des forces étrangères tenter de leur imposer de nouvelles moeurs culturelles ou de nouvelles valeurs. Les gens résistent et mettent leur vie en jeu pour défendre ce qu'ils chérissent le plus, soit leur pays et leur liberté.
Il me suffit de regarder ma propre histoire et celle du peuple irlandais pour comprendre dans une certaine mesure ce qui est en jeu en Afghanistan. La guerre en Irlande ne pouvait pas être gagnée, peu importe combien de soldats les Britanniques y envoyaient. Le règlement du conflit et la fin des hostilités n'ont été possible qu'avec l'accord du Vendredi saint, une entente qui a nécessité des négociations avec l'IRA. Comme mon collègue d'Outremont l'a déclaré l'autre jour, le Canada a joué un rôle important et crucial dans les efforts de paix parce qu'on lui faisait confiance et parce qu'il était vu comme un pays non aligné.
Il y a deux jours, le député de a raconté avec brio la récente expérience de l'invasion avortée de l'Afghanistan par la Russie. Les Russes ont utilisé les mêmes tactiques que nous et pourtant, après avoir envoyé plus de 100 000 militaires, ils ont dû quitter le pays sans avoir atteint un seul de leurs objectifs, aussi nobles aient-ils été. Fait intéressant, ils n'étaient pas très différents des nôtres.
Manley fait ressortir les nombreux signes d'un échec en Afghanistan. Notre chef, le député de , en a parlé en amorçant le débat. L'Associated Press a rapporté que 5 000 vies avaient été perdues en Afghanistan en 2007 seulement. Parmi ces victimes, 27 étaient des soldats canadiens, et ce chiffre est maintenant passé à 31. Du côté afghan, ce sont des milliers de soldats, de femmes et d'enfants qui sont morts.
L'histoire et notre expérience devraient nous enseigner que, dans le contexte actuel, cette guerre ne peut pas être gagnée. Même Manley nous dit qu'il faudra au moins 1 000 soldats de plus. Les libéraux ont posé une bonne question à la Chambre: comment est-on arrivé à ce chiffre? Est-ce que cela suffirait? En faudra-t-il davantage lorsque nous constaterons que mille soldats de plus ne suffisent pas? Où nous arrêterons-nous?
Je veux maintenant aborder l'aspect plus large des valeurs morales et éthiques dont il faut tenir compte en évaluant la motion et un engagement prolongé du Canada dans cette insurrection. Dans son communiqué du 24 janvier 2008, le Conseil canadien des Églises faisait allusion à la lettre qu'il a envoyée au le 25 juin 2007, dans laquelle il insistait sur trois points:
1) l'engagement du Canada doit avoir pour objectif primordial la quête de la paix pour la population afghane, plutôt que la poursuite de la lutte au terrorisme;
2) il faut trouver une solution politique menant à la réconciliation des peuples afghans, en recourant à tous les moyens diplomatiques disponibles, dont l'appel à l'engagement de la société civile et des réseaux religieux;
3) les efforts des Forces canadiennes doivent être orientés vers la protection des vies et la préservation des infrastructures civiles.
Dans une déclaration faite en février, le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada dit, et je cite:
Ce que désire le peuple afghan, c'est la paix. Nous souhaitons que les membres du parlement du Canada gardent cette conviction au cœur de leurs délibérations. Les considérations d'ordre politique ou électoral sont secondaires lorsqu'il s'agit de l'avenir d'un peuple et de vies humaines. Nous invitons les parlementaires à mettre de côté leurs positions préétablies et à reconnaître que la vérité est à rechercher ensemble. La diversité des points de vue doit être accueillie comme une richesse possible pour l'élaboration d'un plan d'action concret et positif, mais dont le but ultime est l'établissement de la paix.
Depuis des siècles, l'Église catholique a élaboré une doctrine sociale riche de sagesse dont certains éléments pourraient contribuer à cette discussion. J'en énumère trois qui découlent de cet enseignement:
1. « Il devient humainement impossible de penser que la guerre soit, en notre ère atomique, le moyen adéquat pour obtenir justice. » Des négociations de paix, réalisées de bonne foi et qui impliquent toutes les parties en présence, constituent une voie à privilégier.
2. Il faut faire une nette distinction entre les opérations militaires et l'aide humanitaire. En particulier, « il est nécessaire que l'aide humanitaire atteigne la population civile et ne soit jamais utilisée pour conditionner les bénéficiaires. » Autrement, nous mettons en péril la vie de nombreuses communautés civiles, de même que celle des travailleurs humanitaires, devenus des cibles pour les insurgés.
3. Il faut protéger la dignité humaine des soldats canadiens. Leur intégrité morale est mise en cause quand le droit international n'est pas respecté, surtout à l'égard de la question vexante de la torture des prisonniers de guerre. De plus, il faut assurer le bien-être personnel de nos soldats et de leurs familles.
En août 2007, quelques chefs spirituels chrétiens ont rédigé une lettre au dans laquelle ils disaient ce qui suit:
Nous partageons avec vous et avec tous les Canadiens de bonne volonté le désir de voir s’instaurer la paix et la stabilité en Afghanistan. Nos Églises sont tenues de protéger la vie et la dignité humaines et d’oeuvrer pour la justice, d’exercer le pardon et de bâtir la paix et la réconciliation. Ces engagements font partie de notre vision : vivre la Bonne nouvelle de Dieu en Jésus-Christ.
Ils posent un certain nombre de questions importantes. Par exemple, sous la rubrique « Réconciliation », on trouve les questions suivantes:
Comment le Canada peut-il appuyer la réconciliation au sein de l’Afghanistan? [...] Comment le Canada peut-il appuyer des négociations pour la paix en Afghanistan? [...] Comment le Canada peut-il susciter un plus grand respect des droits de la personne en Afghanistan? [...] Comment le Canada peut-il appuyer cet État fragile qu’est l’Afghanistan et promouvoir les droits de la personne? [...] Comment le Canada peut-il le mieux aider à la reconstruction et au développement de l’Afghanistan? [...] Comment peut-on déployer les Forces canadiennes de façon à maximiser la sécurité et le bien-être des personnes partout où elles sont menacées? [...]
Ce sont les questions posées par notre caucus, dans ce petit coin de la Chambre, dans le cadre de ce débat très important sur notre engagement en Afghanistan. Ces chefs de nombreuses de nos principales organisations religieuses au Canada disent également ce qui suit:
Nous croyons que les Forces armées canadiennes doivent se concentrer sur la protection des Afghans vulnérables, au lieu de pourchasser et de combattre les insurgés dans des régions où la population ne fait pas confiance à un gouvernement central ou lui est hostile. La réorientation du mandat opérationnel des Forces armées canadiennes serait un important élément à prendre en compte dans une discussion publique et ouverte sur le rôle du Canada en Afghanistan.
Nous devrions tous considérer attentivement ces paroles et ces réflexions au moment de décider de combien de temps nous allons prolonger notre engagement et de quelle manière nous allons le mener au cours des quelques prochaines années en y affectant des ressources et des efforts.
L'Organisation catholique canadienne Développement et paix, une organisation d'aide au développement dans les pays du tiers monde, a déclaré ce qui suit dans son document du 23 octobre 2006:
1. Nous sommes en faveur d'un Afghanistan prospère et sécuritaire pour tous et toutes. Un pays où les hommes et les femmes peuvent avoir des conditions de vie digne et une participation active et reconnue à la vie sociale, économique et politique du pays.
L'organisme énonce un certain nombre de positions, mais je vais en retenir deux ou trois qui vont dans le sens de mes réflexions et de l'exposé d'aujourd'hui. Développement et paix déclare donc:
3. Pour contribuer à créer ces conditions, nous demandons que le commandement des opérations militaires étrangères en Afghanistan soit assumé le plus rapidement possible par les Nations Unies, et que l'OTAN soit relevée de cette responsabilité. Ceci pour qu'il soit clair que ces opérations ne sont pas et ne doivent pas être perçues comme une occupation du pays par des armées occidentales (tous les pays de l'OTAN sauf la Turquie sont des pays de l'Occident).
L'organisme déclare également:
8. Nous demandons que le dialogue entre les Afghans, à la fois ceux qui se trouvent toujours au pays et ceux qui ont dû le quitter, soit encouragé. Ce dialogue doit être franc, ouvert et sans peur. Tous les participants doivent pouvoir exprimer leurs griefs et leurs points de vue et parvenir ainsi à construire un nouveau consensus national.
Ces observations réfléchies sont celles d'un grand nombre de nos estimés chefs d'Églises qui se sont penchés sur cette question depuis de nombreuses années et ont échangé à ce sujet avec leurs collègues, leurs communautés et d'autres Canadiens. Alors que nous réfléchissons sur les perspectives morales et éthiques qu'ils nous proposent et sur l'orientation qu'ils préconisent, nous devons nous demander, à mesure que nous approchons d'un vote sur la résolution de ce soir, si cette dernière peut déboucher, à partir du rapport Manley, sur un résultat conforme aux valeurs que préconisent bon nombre de nos groupes confessionnels.
En renouvelant notre engagement à combattre l'insurrection pour encore trois ans ou plus après 2009, allons-nous finalement déboucher sur la paix, cette paix que nous souhaitons tous, ou sera-t-il possible d'y arriver en augmentant le nombre de soldats? Essentiellement, c'est ce que demande le rapport Manley, selon lequel nous ne pouvons gagner la guerre dans les circonstances actuelles, avec le mode d'engagement actuel. Cependant, si nous augmentons le nombre de soldats et la puissance de feu, nous pouvons gagner d'une manière quelconque, à un moment donné. Nous ne savons pas quand et nous ne connaissons pas l'ampleur de l'effort nécessaire.
Tout ce que nous savons, comme notre collègue de la Colombie-Britannique nous l'a brillamment rappelé l'autre soir, c'est qu'après avoir présenté toutes les raisons que nous présentons actuellement pour justifier notre présence en Afghanistan, et après y avoir envoyé quelque 100 000 soldats, les Russes ont été forcés de reconnaître leur défaite et de quitter le pays.
Pour ce qui est de ce rapport, personnellement, je n'y crois pas et c'est la raison pour laquelle je prends la parole aujourd'hui pour vous faire cet exposé sérieux et réfléchi. Au cours des quelques derniers jours, mes collègues et d'autres personnes ont présenté bon nombre d'arguments intelligents et convaincants qui me laissent croire qu'ils sont eux aussi d'accord pour dire que la présente résolution ne permettra pas d'atteindre le niveau de liberté et de paix que le peuple afghan recherche si désespérément.
Je laisserai mes collègues réfléchir à mes propos. J'y ajoute certaines idées, que les députés pourront ruminer au cours des quelques heures qui nous séparent du vote, certaines conditions qui nous ont été présentées par ceux dont le travail est justement de définir les conditions qui permettent de dire qu'une guerre est juste dans le monde d'aujourd'hui.
Ces gens disent qu'une guerre juste doit être une solution de « dernier recours ». Ils disent que « pour que le recours à la guerre soit justifié, toutes les solutions de rechange pacifiques doivent avoir été épuisées ». C'est ce que les néo-démocrates demandent, que toutes les solutions de rechange pacifiques aient été prises en compte dans cet effort que nous fournissons en Afghanistan.
Il y a quelques autres conditions que je juge également importantes. Les députés voudront peut-être prendre le temps de faire des recherches. Ces conditions sont facile à trouver sur Internet, où je les ai moi-même trouvées d'ailleurs.
L'article dit également qu'il doit y avoir une possibilité élevée de réussite. Les auteurs affirment de plus: « C'est un critère qui est difficile à appliquer, mais il doit servir à empêcher le recours irrationnel à la force ou la résistance inutile dans les cas où ces mesures sont clairement disproportionnés ou vaines. »
:
Monsieur le Président, je suis heureux de cette occasion qui m'est donnée de discuter de cette motion très importante. D'une certaine façon, c'est un fait historique que la Chambre des communes discute d'une mission en vue de décider si l'on doit la prolonger ou non, et surtout si l'on doit la modifier.
Il y a environ un an, j'ai assisté à un débat sur la mission en Afghanistan, tenu pas loin d'ici, au Centre Pearson pour le maintien de la paix. Des représentants de l'armée canadienne, de la GRC et de la Croix-Rouge canadienne ont tous fait valoir des arguments intéressants.
Ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant — et j'espère que le député de Sault Ste. Marie m'écoute —, c'est lorsque qu'un membre de la Croix-Rouge, qui, si je me souviens bien, était un officier supérieur ayant en Afghanistan, a dit qu'aucun effort de développement ne pouvait avoir lieu sans qu'on ait d'abord assuré la sécurité et que les organisations non gouvernementales n'avaient aucun endroit où travailler en toute sécurité. J'estime qu'il faut tenir compte de cela quand nous débattons cette motion et envisageons la meilleure approche à adopter.
Je suis le premier à remercier John Manley et ses collègues du rapport qu'ils ont rédigé, car celui-ci a donné lieu à un débat très intéressant. Dans ma circonscription, il n'y a pas de position unique, de position privilégiée. Les gens ont beaucoup d'opinions différentes. Certains estiment que nous devrions immédiatement mettre fin à notre participation et d'autres pensent que nous devrions rester jusqu'à la fin de la mission.
J'ai organisé deux tribunes dans ma circonscription il y a quelques semaines pour discuter du rapport Manley. J'ai écouté les électeurs et j'ai répondu à leurs questions de mon mieux. Cet exercice m'a aidé à façonner ma pensée et à guider mes actions au Parlement. Au sein de notre caucus, nous avons eu un débat à la fois long et difficile sur la question de l'Afghanistan afin de déterminer la position que le Canada et le Parti libéral devaient adopter. Je suis très satisfait de ce que nous avons convenu. Notre chef a présenté des amendements à la motion initiale des conservateurs. Je crois que ces amendements répondent, de façon responsable, aux préoccupations des résidants de ma circonscription. Évidemment, tous ne seront pas satisfaits.
Je dois dire aux députés qu'il est très insultant, à mon avis, d'entendre les partisans de la mission accuser ses détracteurs de ne pas appuyer les militaires. Appuyer les militaires et appuyer les décisions du gouvernement sont deux choses complètement différentes.
Il est possible d'être en désaccord avec les dirigeants politiques, mais d'appuyer les troupes. Je faisais partie du Cabinet qui a envoyé nos militaires dans cette région après le 11 septembre. Les Canadiens peuvent être contre la décision que j'ai prise, mais, comme je peux le constater d'un océan à l'autre, ils appuient pleinement nos militaires en service à l'étranger.
Tout cela a commencé avec le 11 septembre. Nous ne devons pas oublier comment nous en sommes arrivés là et comment nous en sommes venus à assurer une présence en Afghanistan. Un de nos partenaires de l'OTAN a été attaqué le 11 septembre.
Le Canada est un vaste pays peu peuplé. Nous ne pourrons jamais assurer notre propre sécurité sans aide. Nous dépendrons toujours des alliances que nous avons conclues, notamment avec l'OTAN, les Nations Unies et les organismes internationaux avec lesquels nous collaborons, pour promouvoir la sécurité et assurer notre défense. À mon avis, l'OTAN est le meilleur exemple. L'OTAN fonctionne très bien depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle a certains défis à relever, mais elle fonctionne très bien.
Un de nos alliés de l'OTAN a subi des attaques dirigées contre les tours et le Pentagone, et un autre avion était censé exploser à Washington. Les attentats ont été perpétrés par un groupe de terroristes qui trouvait refuge en Afghanistan. Les talibans permettaient à Al-Qaïda de mener ses opérations à partir de leur pays et ont refusé de livrer les terroristes au lendemain des attentats. Parce que les talibans ont persisté à défendre Al-Qaïda, les Américains ont décidé d'attaquer leur pays.
À mon avis, il n'y avait aucune décision à prendre et aucun choix à faire. Nous sommes membres de l'OTAN et dans l'OTAN, on considère que lorsqu'une nation est attaquée, nous sommes tous attaqués. C'est pourquoi nous sommes allés en Afghanistan.
Les députés se souviendront qu'autour de la même époque, nous avons eu un débat semblable sur la question de savoir si nous devions intervenir en Irak. Comme la majorité de la Chambre, j'avais refusé qu'on intervienne là-bas. Certains députés voulaient aller en Irak, mais, suivant la même logique et les mêmes critères, nous avons décidé de ne pas y aller. Je pense que le député de Sault Ste. Marie a soulevé plusieurs points auxquels il faut penser avant de s'engager dans un conflit armé.
Quoi qu'il en soit, nous sommes allés en Afghanistan et nous avons déstabilisé le gouvernement des talibans. Nous sommes maintenant dans une position où notre départ créerait un vide — et je parle de l'OTAN en général. Tous les gens que nous avons aidés et qui nous ont aidés et qui ont coopéré avec nous seraient laissés sans protection. Je pense qu'il y aurait un massacre là-bas, et que les têtes rouleraient littéralement.
C'est pourquoi, en ce qui me concerne, il est hors de question de quitter l'Afghanistan immédiatement. Je pense que c'est ce que préconise le NPD, et je ne suis pas d'accord.
La position énoncée par les conservateurs dans la motion initiale m'a aussi parue stupide pour de nombreuses raisons, tout d'abord parce qu'il n'y avait aucun changement prévu à la mission et aucune date de fin. Il n'y avait aucun moyen de mesurer notre succès.
Toutefois, l'aspect le plus stupide dans la motion a été mis en lumière quand le a dit à la Chambre qu'il cherchait des gens pour remplacer les Canadiens. Il a dit qu'il demandait à l'OTAN de fournir de l'aide dans la région, mais, parallèlement à cela, le gouvernement a présenté une motion de confiance à la Chambre sur la poursuite de la mission. Ce n'était pas une façon judicieuse d'exercer une forte pression sur nos alliés de l'OTAN puisque ceux-ci savaient que, si la motion était rejetée, ils n'avaient pas à s'inquiéter outre mesure étant donné qu'il y aurait des élections au Canada et que, si la motion était adoptée, les troupes canadiennes resteraient sur place. Alors, la tactique de pression n'a pas marché.
Notre chef a proposé un amendement, que j'estimais responsable, à la motion et le gouvernement a modifié la motion en conséquence.
En fin de compte, le NPD se retirerait immédiatement l'Afghanistan et le Parti conservateur serait prêt à faire des concessions et à intégrer une bonne partie des éléments de notre amendement. Les concessions me conviennent.
L'amendement porte sur quelques-uns des éléments que nous estimons essentiels. Il précise aux Canadiens à quel moment nos troupes quitteront Kandahar et il fixe une date pour la fin de la mission. Il modifie également la nature de celle-ci. Tout ces éléments doivent former un tout. Le Canada ne peut quitter l'Afghanistan tant qu'il n'aura pas établi une certaine sécurité de façon à permettre la mise en place d'un processus menant à un traité. Cette approche favorisera un développement accru et la réussite des efforts diplomatiques.
Dans la motion, il est précisé que la sécurité doit permettre d'améliorer les forces armées, la police, le système de justice et le système correctionnel, pour que les Afghans jouissent de certains éléments de démocratie. On ne peut s'attendre à ce que dans deux, trois ou dix ans, l'Afghanistan ait un système similaire ou égal au nôtre. Ceci dit, notre système est nettement meilleur qu'il y a 50 ans, mais dans 50 ans d'ici, les Canadiens estimeront que nous étions à l'âge de l'homme de Néandertal parce que nos institutions démocratiques auront encore été améliorées. J'ai bon espoir qu'il aura une telle évolution. Ce sera la tâche à laquelle devront s'attaquer les pages d'aujourd'hui, dans leur future carrière.
Dans le cadre des réunions que j'ai organisées, j'ai demandé si ce débat avait sa place au Parlement. Dans la mesure où c'est un débat exploratoire visant à informer le gouvernement, je pense que nous serions tous d'accord pour dire qu'il a sa place au Parlement. Certains — et je suis peut-être l'un des derniers dinosaures à penser ainsi — pensent qu'il ne revient pas au Parlement de décider d'envoyer des soldats au combat. Il incombe au gouvernement de prendre ces décisions. Toutefois, il peut y avoir des discussions dans le cadre desquelles le gouvernement est informé par le Parlement, mais, finalement, je ne vois pas de député qui soit assez informé pour déterminer si cette mission peut réussir, ce qu'il lui faut pour réussir et combien de temps elle devrait durer.
Le gouvernement ne peut pas, et ne devrait pas, me transmettre toute l'information secrète fournie au chef d'état-major de la Défense, au , au et au . Ce faisant, il apprendrait à l'ennemi comment l'information nous est transmise et mettrait nos alliés et nos soldats en péril, ce qui ne pourrait que nuire. Cependant, nous ne sommes pas nombreux à penser ainsi. Même à ces réunions, j'ai laissé entendre qu'une décision aussi importante devrait faire l'objet d'un référendum, qu'elle devrait être prise de la manière la plus directe et démocratique possible et qu'il existe beaucoup d'information pour qui souhaite être informé sur le sujet.
Nous avons eu de bonnes discussions. Nous n'étions jamais tous d'accord, dans aucun domaine, mais les gens ont présenté leurs idées et les ont assez bien défendues.
Comme je l'ai déjà mentionné, je n'étais pas à l'aise avec la position initiale de mon parti. Avant de présenter l'amendement, nous avons reçu beaucoup de suggestions.
L'une des choses qui comptent, c'est de ne pas dire aux militaires comment mener leurs opérations. Nous leur communiquons l'objectif et le chef d'état-major de la Défense et ses subordonnés font ce qu'il faut pour l'atteindre.
Nous voulions préconiser une mission de sécurité plutôt qu'une opération de recherche et de destruction. Toutefois, que faire pour assurer la sécurité dans une région? S'il faut faire des sorties et éliminer la menace partout où elle existe, c'est une décision qui incombe aux militaires et non aux politiciens.
Notre rôle, comme politiciens, est de définir l'objectif de la mission. Le chef d'état-major de la Défense nous indique si l'objectif que nous lui avons donné est réalisable ou non et, le cas échéant, il nous dit ce dont il a besoin pour l'atteindre. Nous décidons ensuite si nous pouvons fournir les outils nécessaires.
Cela dit, le reste ne repose pas entre les mains des politiciens.
Ce qui compte -- et il en est fait mention dans la motion -- c'est la transparence. Il en est question dans le rapport Manley et dans notre amendement. Par le truchement de leurs institutions, les Canadiens doivent savoir comment la mission se déroule. Ils n'ont pas à connaître les éléments secrets, mais ils doivent savoir. C'est un des points du rapport Manley et il en est question dans la motion. Nous espérons que cet aspect sera respecté.
Nous apprenons dans les journaux aujourd'hui que des commissions devront être mises sur pied pour examiner la question des prisonniers. Il en coûtera 2 millions de dollars pour obtenir les renseignements que le gouvernement pourrait nous fournir facilement, mais qu'il refuse de divulguer. C'est ce que nous apprennent Le Devoir et le Globe and Mail et c'est inacceptable. Le gouvernement doit aborder cet élément de transparence de manière responsable.
Dans une mission comme celle-là, dirigée par le chef d'état-major de la Défense, ou le gouvernement, il faut tenir compte de la capacité des talibans et d'Al-Qaïda de se réapprovisionner. Nous devons savoir qui sont leurs fournisseurs et mettre un terme à cela. Nous devons aussi définir quoi demander aux autres pays qui nous aident, les autres pays dans la région. Nous devons connaître notre rôle diplomatique. Peut-être que nous avons besoin d'accroître nos efforts diplomatiques dans la région. Espérons que cela se concrétisera. Il en est aussi question dans le rapport Manley.
Par ailleurs, dans une mission de cette importance, nous devons veiller à l'aspect de la gestion et le gouvernement a un rôle à jouer à cet égard. Nous devons nous assurer, dans cette région, d'administrer nos opérations d'une manière responsable.
Je n'ai pas toutes les réponses et je ne connais pas nos besoins. Cependant, je me souviens d'avoir lu dans le journal il y a quelques temps qu'il nous fallait des blindés là-bas. J'arrive encore difficilement à le comprendre puisque nous ne faisons pas face à des blindés ou à de l'artillerie. Nous faisons face à des armes, évidemment, mais surtout des armes du genre qu'utilisent les terroristes. Pourtant, nous avons expédié des blindés là-bas, puis nous avons décidé de louer un certain nombre de vieux blindés de pays européens parce qu'ils étaient nécessaires en Afghanistan. Ce projet d'approvisionnement a été très coûteux. J'ai lu plus tard que ces blindés ne seraient pas disponibles pour la mission, que certains d'entre eux seraient réparés assez rapidement, mais qu'il faudrait encore deux ou trois ans pour les obtenir.
Il convient de soumettre de telles questions au comité parlementaire. Nous pouvons les étudier en toute transparence et obtenir des conseils. Il existe peut-être des réponses valables, mais il semble déraisonnable que nous soyons dans une telle position.
La question des coûts mérite également qu'on s'y intéresse. J'ai lu dans le journal cette semaine, comme nous l'avons tous fait, que notre effort en Afghanistan donnait lieu à un dépassement budgétaire d'un milliard de dollars. Pourtant, le plus difficile, selon moi, ce n'est pas l'argent. C'est de savoir si nous devons envoyer nos soldats au combat.
Si nous décidons de le faire, j'espère que ce sera après avoir obtenu des réponses aux questions que j'ai posées concernant les possibilités de réussite de notre mission et la disponibilité des ressources nécessaires. Et si nous prenons cet engagement, il faudra fournir à nos troupes tout ce dont elles ont besoin, peu importe le coût.
Cependant, le gouvernement du Canada a la responsabilité d'informer les Canadiens de façon périodique. Nous pouvons encaisser des surprises des 10 millions de dollars, mais nous ne devrions pas avoir des surprises d'un milliard de dollars. Nous devons constamment avoir une idée des coûts, savoir si nous avons fait les préparatifs et formulé les budgets en conséquence, et savoir également ce qui sera nécessaire pour maintenir l'effort.
Cela ne coûtera pas moins cher en 2011 et en 2012. Nos ressources sont-elles suffisantes? J'ai consulté les budgets récemment. À cause des choix faits par les deux gouvernements précédents et par le ministre des Finances, nous avons très peu de latitude budgétaire. Nous sommes près du déficit. Sommes-nous en mesure d'augmenter le financement des troupes et de leur équipement? Est-ce que cela nous plongera dans un déficit?
Une autre question a été posée relativement aux 1 000 soldats. D'où vient ce nombre? Est-ce un nombre exact? À mon avis, 1 000 soldats ne suffiront pas, mais je crois comprendre que c'est le minimum exigé par le rapport. Où en sommes-nous?
Depuis plus d'un an, nous demandons au gouvernement d'avertir l'OTAN que notre mandat achève et qu'elle devrait se préparer à nous remplacer. Le gouvernement a refusé catégoriquement. Il présente maintenant une motion indiquant que nous jouerons un certain rôle et maintiendrons notre présence là-bas pendant encore deux ans.
Nous ne savons toujours pas quel pays va envoyer ces 1 000 soldats à Kandahar. Dans les journaux, on indique que la France est prête à augmenter son effectif, mais je crois comprendre que ses soldats seront déployés dans l'Est de l'Afghanistan, où les troupes françaises sont déjà présentes, et non dans la région de Kandahar.
Pour bien gérer, il faut être transparent. Le gouvernement ne peut saisir la Chambre de ces questions à contrecoeur. Il nous a présenté cette motion, afin que la Chambre soit responsable du prolongement de la mission, mais il ne nous a donné aucun renseignement. Au moins, nous avons suffisamment de temps pour en débattre. La première fois que le gouvernement a agi de la sorte, nous avons eu trois heures de débat.
Combien de débats nous avez-vous donnés? Aucun.
Monsieur le Président, on me pose des questions avant la période prévue à cette fin.
:
Monsieur le Président, je partagerai le temps qui m'est alloué avec la députée de .
Je prends la parole aujourd'hui pour appuyer la motion sur le rôle futur du Canada en Afghanistan. Il ne s'agit pas d'une motion libérale ni d'une motion conservatrice. C'est une motion canadienne qui définit nos engagements envers nos alliés, le peuple afghan et les Forces canadiennes.
La motion réaffirme la position du Canada comme leader parmi la communauté internationale. Évidemment, le Canada n'est pas le seul leader parmi la communauté des nations, mais il peut certainement se considérer comme un des chefs de file mondiaux. C'est pour cette raison que nous sommes l'un de 50 membres fondateurs des Nations Unies et l'un des 12 membres fondateurs de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. C'est pour cela que nous sommes l'un des 19 membres fondateurs de l'Organisation de coopération et de développement économiques. C'est pour cela que nous sommes membres du G8.
Le leadership a un prix: la responsabilité de prendre part aux affaires mondiales, la responsabilité de participer à des efforts multilatéraux, une responsabilité envers les Nations Unies et l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, la responsabilité de donner généreusement sous forme d'aide étrangère, la responsabilité d'assurer la sécurité des citoyens et, selon beaucoup, la responsabilité de protéger. C'est le prix à payer quand on est un chef de file mondial. C'est pourquoi le Canada se classe au deuxième rang pour ce qui est des contributions au Commonwealth et à la Francophonie. Il est la septième source en importance du budget régulier des Nations Unies. Au fil des décennies, le Canada a contribué des milliers de soldats à des dizaines d'opérations de maintien de la paix des Nations Unies.
Le Canada est un leader mondial et cela implique des responsabilités. Nous avons une responsabilité envers les Nations Unies, celle d'être présents en Afghanistan. Notre mission en Afghanistan s'inscrit dans un certain nombre de résolutions de l'ONU, la principale étant la résolution 1267, qui exige que les talibans cessent leurs activités et cessent de fomenter le terrorisme sur la scène internationale. Cette résolution de l'ONU a été appuyée et renforcée par la suite par d'autres résolutions onusiennes, notamment la résolution 1333 en l'an 2000, la 1390 en 2002, la 1455 en 2003, la 1526 en 2004, la 1617 en 2005 et la 1735 en 2006.
Les Nations Unies n'ont pas adopté qu'une ou deux résolutions, mais, en tout, sept résolutions sur l'Afghanistan.
[Français]
Nous, en tant que membre fondateur des Nations Unies, avons la responsabilité de soutenir ces résolutions de l'ONU. C'est la raison pour laquelle nous sommes en Afghanistan.
[Traduction]
Le Canada est reconnu comme un chef de file dans le monde et cette position entraîne des responsabilités. Nous avons une responsabilité envers l'OTAN, celle de participer aux opérations en Afghanistan.
Le 4 avril 1949, le Canada a souscrit à l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord qui dit ce qui suit:
Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.
Le 11 septembre 2001, les États-Unis, qui sont membres de l'OTAN, ont été attaqués par une cellule d'Al-Qaïda qui jouissait de l'aide des talibans en Afghanistan. Le 11 mars 2004, un autre pays membre de l'OTAN a été touché par une cellule terroriste adepte de l'idéologie d'Al-Qaïda lorsqu'une bombe a explosé dans le métro de Madrid. Le 7 juillet 2005, le Royaume-Uni, qui est aussi membre de l'OTAN, a aussi été victime d'un attentant perpétré dans le métro par une autre cellule terroriste adepte de l'idéologie d'Al-Qaïda.
L'article 5 prévoit qu'une attaque contre un des membres de l'OTAN doit être considérée comme une attaque dirigée contre tous les membres et il prévoit également que tous les membres de l'OTAN ont l'obligation d'assister le membre attaqué en prenant toutes les actions qu'ils jugent nécessaires, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord et de l'Europe.
En signant le traité de l'OTAN, le Canada a engagé sa parole et son honneur. Ce sont la parole et l'honneur de bon nombre de nos ancêtres que ce traité représente. Le 4 avril 1949, ces Canadiens ont représenté le Canada en promettant solennellement de respecter les termes de l'article 5. Nous devons respecter notre engagement à cet égard, sans quoi nous renions notre parole et notre honneur et nous affirmons que notre parole et notre honneur ne valent pas grand-chose.
[Français]
Nous, comme membres fondateurs de l'OTAN, avons la responsabilité de soutenir l'article 5 du traité, et c'est la raison pour laquelle nous sommes en Afghanistan.
[Traduction]
Le Canada est un chef de file mondial au plan des acquis sociaux et de la richesse. Les Canadiens vivent dans une des sociétés les plus riches au monde. La richesse et le leadership sont assortis de la responsabilité de donner généreusement aux pays en difficulté. Le Canada est l'un des cinq pays les plus généreux envers l'Afghanistan, et l'Afghanistan est le plus grand bénéficiaire de l'aide canadienne.
Sur une période de dix ans, soit de 2001 à 2011, le Canada aura fourni une aide de plus de 1 milliard de dollars à l'Afghanistan. Ces fonds aident les Afghans à rebâtir leurs vies et leurs rêves brisés par des décennies de violence.
Nous vivons dans un des pays les plus riches de la planète, et les pays riches ont la responsabilité d'aider les pays pauvres. L'Afghanistan est l'un des pays les plus pauvres de la planète, et c'est pour cela que nous y menons une mission. Sans la sécurité et la défense qu'assurent les Forces canadiennes là-bas, cette aide ne serait pas possible, et c'est pour cela que les Forces canadiennes sont en Afghanistan.
En tant que représentants élus des Canadiens à la Chambre des communes, nous devons faire preuve de leadership. Ce leadership est assorti d'une responsabilité: celle d'assurer la sécurité de nos concitoyens, de les protéger des menaces tant intérieures qu'extérieures et de les protéger du terrorisme.
Pendant quelques années avant 2001, les talibans ont fourni un refuge sûr au réseau d'Al-Qaïda, qui a utilisé l'Afghanistan comme lieu de planification et d'entraînement et comme base pour ses attaques. Nous sommes en Afghanistan pour éviter qu'un gouvernement taliban ne reprenne le pouvoir et recommence à fournir un refuge sûr permettant à des réseaux tels que le réseau d'Al-Qaïda d'entraîner des terroristes et de planifier et de lancer leurs attaques contre le Canada et les Canadiens.
[Français]
Nous, le leadership que les Canadiens ont élu, avons la responsabilité de protéger les Canadiens et de réduire le risque d'un terrorisme basé en Afghanistan qui peut venir à nos côtes et menacer nos citoyens. C'est la raison pour laquelle nous sommes en Afghanistan.
[Traduction]
Le nombre d'années que nous avons passées dans ce pays, le prix que nous avons payé en vies humaines, nos dépenses de défense, les fonds que nous avons fournis en aide ne devraient pas affaiblir notre détermination. La victoire ne sera pas chose facile en Afghanistan. On poursuivra le débat, on examinera des propositions et on proposera des solutions. Il est essentiel que nous assumions nos responsabilités internationales, car le Canada est un chef de file dans le monde et le leadership est assorti de responsabilités.
Nous devons assumer nos responsabilités à l'égard des Nations Unies, de l'Organisation du Traité de l'Atlantique-Nord, des Afghans et des Canadiens. C'est pour cela que nous sommes en Afghanistan et qu'il importe d'appuyer la motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui.
:
Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir participer à ce débat historique, qui porte sur la question fondamentale de savoir si le Canada doit être présent dans un rôle de combat en Afghanistan. Je me réjouis de ce débat. Je ne suis peut-être pas d'accord sur la position des conservateurs ou des libéraux, mais je sais qu'il s'agit d'un moment historique. Ce débat, nous avons essayé de l'obtenir pendant des années quand le gouvernement libéral était au pouvoir.
Quand le gouvernement libéral a décidé au départ d'envoyer les troupes en Afghanistan, y a-t-il eu un vote à la Chambre? Non. Quand il a décidé d'augmenter les effectifs militaires à Kandahar, avons-nous voté ici? Non. Ce n'est qu'après des pressions persistantes que nous avons pu obtenir un débat exploratoire.
Je remercie les conservateurs, au nom des Canadiens, de permettre à nos concitoyens de se faire entendre par l'intermédiaire de leurs représentants sur un sujet aussi fondamental que la participation du Canada à une guerre.
Ce débat va au coeur de notre identité de Canadiens. Il montre qu'il existe en fait de nombreux points de vue différents qu'il faut respecter. Les Canadiens n'affirment pas comme un seul homme qu'il faut féliciter le gouvernement, envoyer nos troupes à l'étranger et dire que tout va bien. Notre nation a un esprit critique. Elle va au fond des problèmes et elle étudie les solutions de rechange. C'est aussi une nation qui a une longue tradition de consolidation, de rétablissement et de maintien de la paix.
Les Canadiens s'inquiètent vraiment de ce qui est en jeu ici. Quelle est l'intention du gouvernement avec cette motion qu'il nous a soumise? Pourquoi prolonge-t-on la mission jusqu'à 2011? Pourquoi ne cherche-t-on pas d'autres solutions pour établir une véritable paix dans la région et y remédier aux causes profondes du conflit, du mécontentement et des privations?
Je dois dire d'emblée que ce n'est pas parce que nous sommes contre la position des conservateurs et des libéraux que nous n'appuyons pas nos troupes.
Je tiens à dire tout d'abord très clairement que je déplore le chahut auquel nous avons assisté au cours de ce débat. Je suis heureuse que personne ne me chahute actuellement et j'espère que personne ne le fera au cours des dix prochaines minutes. J'ai été consternée d'entendre des députés chahuter et prétendre que les néo-démocrates n'appuyaient pas nos troupes et n'étaient pas de vrais Canadiens avec de vraies valeurs canadiennes.
Nous examinons cette question d'un oeil critique et notre position s'appuie sur d'excellentes raisons, mais cela ne veut pas dire que nous n'appuyons pas nos troupes, bien au contraire.
En fait, nous étions présents au Manitoba quand 800 soldats basés à Shilo s'apprêtaient à partir pour les champs de bataille de Kandahar. Il y a un mois seulement, nous en avons vu 70, surtout du Manitoba, quitter Shilo pour Kandahar. Et 650 ou 700 autres soldats du Manitoba sont prêts à partir pour Kandahar.
Nous craignons pour leur avenir. Nous nous soucions des risques auxquels ils s'exposent. Nous nous inquiétons pour les familles qu'ils laissent derrière eux et l'angoisse et les peurs qu'elles connaissent chaque jour. Nous appuyons nos troupes et nous reconnaissons que ces soldats ont choisi cette carrière et choisi d'être fidèles à leur pays conformément à leur serment.
Il ne faut pas croire que nous appuyons moins nos troupes. En fait, tous les députés du NPD et des autres partis à la Chambre ont assisté à des événements en faveur de nos troupes. Nous avons signé les rubans jaunes, envoyé des messages d’appui, prié avec les familles de nos soldats et pleuré la perte d’êtres chers. Nous sommes toujours là pour nos soldats, comme nous le sommes pour nos anciens combattants et les membres de nos légions partout au Canada.
Cela ne signifie pas que nous appuyons nos anciens combattants moins résolument que quiconque à la Chambre. Cela ne signifie pas que nous avons oublié notre passé et le courage des soldats qui ont participé à d'autres missions.
D’ailleurs, je voudrais que la Chambre sache que si mon père n’avait pas participé à la Seconde Guerre mondiale et s’il n’avait pas risqué sa vie, je ne serais pas ici aujourd’hui. Mon père est très courageux. Il a pris part à la Seconde Guerre mondiale en tant que membre de la Governor General's Horse Guards. Il a traversé l’Italie, est entré en Hollande et c’est au cours de la libération de la Hollande qu’il a rencontré celle qui est devenue ma mère et celle de cinq autres enfants. Nous saluons le courage dont mon père et d’autres comme lui ont fait preuve.
Cela ne veut pas dire que mon père, qui est maintenant un ancien combattant, d’autres anciens combattants comme lui et les membres de la légion partout au pays ne se posent pas de questions sur le rôle du Canada à Kandahar, le rôle du Canada en Afghanistan. Tout le monde partout s'interroge sur la politique et se demande si elle a du sens ou pas.
Il y a des gens dans tous les camps. Il n’existe pas de réponse unidimensionnelle, homogène face à la situation. Les gens doivent exercer leur jugement, faire appel à leur expérience et se demander ce qui est sensé. Ils disent que, compte tenu de ce qu’on sait de l’Afghanistan et de Kandahar, ça n’a pas de sens que le Canada soit en Afghanistan, qu’il est absolument insensé qu’il y soit jusqu’en 2011.
Bonté divine! Nous prenons quotidiennement conscience des dangers. Nous avons perdu jusqu'à maintenant 80 de nos soldats dans ce conflit en Afghanistan. C’est un nombre incroyablement élevé. Combien d’autres devront y perdre la vie? Combien d’autres seront blessés ou handicapés? Plusieurs centaines de nos soldats rentrent au pays gravement handicapés, souffrant d’un trouble de stress post-traumatique ou d’une incapacité physique ou mentale.
Nous sommes en train de créer un énorme problème. Je sais que le gouvernement dit qu’il fait de gros efforts pour répondre à ces besoins, mais nous ne sommes pas en mesure de répondre à toute la gamme de besoins de nos soldats qui reviennent avec des incapacités, des blessures et des problèmes par suite de leur participation aux opérations en Afghanistan.
Bien sûr, des anciens combattants et des membres de la légion posent des questions sur les positions gouvernementales. Le gouvernement tente de justifier sa position face à cette guerre, mais il ne daigne même pas s'occuper des anciens combattants de notre pays et de leurs femmes. Nous avons étudié la question à la Chambre récemment. On nous a dit que, dans le budget, le gouvernement allait corriger le Programme pour l’autonomie des anciens combattants. Qu’est-ce qu’il a fait? Il a à peine entrouvert la porte pour que quelques veuves de plus soient protégées, mais il en a laissé beaucoup d'autres sans le moindre accès à ce programme.
Joyce Carter ne mâche pas ses mots quand il est question de la promesse que le gouvernement avait faite lors de la dernière campagne électorale, lorsqu'il s'était engagé à veiller à ce que tous les anciens combattants et les veuves d’anciens combattants aient accès au Programme pour l’autonomie des anciens combattants, promesse qu'il n'a pas tenue. Le gouvernement a prévu des mesures modestes dans le budget pour tenter de camoufler le problème et prétendre qu'il s'occupe de la question. La population s’attendait à une véritable réponse.
Tous les jours, nous sommes confrontés aux conséquences de la guerre en Afghanistan et aux problèmes dont le gouvernement ne s'occupe pas. Hier, par exemple, il a été question de la transparence au sujet du coût que les Canadiens doivent assumer pour cette mission. Le gouvernement ne veut même pas dire ouvertement aux Canadiens combien cette guerre leur coûte vraiment. Il ne veut même pas confirmer les renseignements obtenus suite à une demande d'accès à l'information selon lesquels notre participation en Afghanistan entraîne, pour cette année seulement, un dépassement de coûts de près de 1 milliard de dollars. Le coût total de notre participation à la mission en Afghanistan se chiffre maintenant à près de 10 milliards de dollars.
C'est beaucoup d'argent, spécialement quand on songe aux priorités, aux besoins et aux demandes des Canadiens. Dans les réserves autochtones, certains de nos concitoyens vivent dans des conditions dignes du tiers-monde. Le gouvernement conservateur, à l'instar du gouvernement libéral qui l'a précédé, n'a même pas trouvé le moyen d'aider des enfants qui souffrent de graves problèmes de santé mentale et qui recourent maintenant au suicide.
Il va sans dire que je suis navrée de constater aujourd'hui que les libéraux ont cédé et qu'ils ont perdu de vue ce qui est en jeu ici. Je suis déçue de voir que les libéraux appuient la motion des conservateurs. J'aurais souhaité que les libéraux respectent leurs principes et les valeurs qu'ils défendent depuis des années, du moins c'est ce que j'avais compris, même si on note ces jours-ci chez les libéraux une certaine confusion et une zone grise quant à la prise de décisions.
Ce qu'il faut, et nous ne nions pas qu'il y ait des problèmes en Afghanistan, c'est tout simplement une nouvelle approche de la situation. Je demande aux députés d'examiner l'amendement proposé. C'est un amendement constructif qui fera l'objet d'un vote. Les gens verront le résultat du vote ce soir. C'est un amendement qui invite à chercher une approche plus responsable et plus raisonnable à l'égard de la situation en Afghanistan.
Nous estimons que deux possibilités s'offrent à nous: soit poursuivre la guerre, soit construire la voie menant à la paix. Pour le NPD, c'est un choix entre la guerre et la paix.
:
Monsieur le Président, c'est avec une grande joie que je prends la parole, aujourd'hui, dans le cadre de ce débat sur l'Afghanistan. C'est un débat très important pour l'avenir des futures générations, pour orienter nos futures relations internationales, pour savoir quel rôle le Canada devrait jouer dans nos relations avec les autres États au regard d'un processus qui doit inévitablement passer par la paix.
Aujourd'hui, en tant que député de , j'ai le plaisir de me lever en cette Chambre, au nom des citoyens que je représente, soit quelque 105 000 personnes, et de m'opposer fièrement au prolongement de cette mission qui, selon nous, doit prendre fin dès février 2009.
Ce n'est pas la première fois que nous avons des débats aussi émotifs en cette Chambre. Je me rappelle le débat qui avait eu cours lors de cette décision que nous devions prendre, à savoir si le Canada devait participer à ce conflit en Irak. Le Bloc québécois avait été la formation politique, en cette Chambre, qui s'était vigoureusement opposée à une participation canadienne au conflit en Irak.
De plus, je me rappelle ce vote du 17 mai 2006: nous devions nous prononcer sur le prolongement de deux ans de la mission en Afghanistan. Je me rappelle que, dans les heures précédant ce vote, je m'étais posé quatre questions. Bien que simples, elles me permettaient, en tant que parlementaire, de prendre une décision afin de savoir si nous devions ou non prolonger cette mission.
Voici la première question que je me suis posée le 17 mai 2006: l'intervention canadienne est-elle justifiée, réaliste et utile? Voici la deuxième question que je me suis posée avant de voter le 17 mai 2006: quelle est la nature exacte de l'engagement canadien — est-il militaire ou humanitaire? Voici la troisième question que je me suis posée le 17 mai 2006: les gens qui vont risquer leur vie disposent-ils de moyens adéquats pour la réussite de la mission que nous voulons leur confier? Voici la quatrième question: existe-t-il une stratégie précise pour cette mission?
Voilà les questions que je m'étais posées, en tant que parlementaire, avant de me prononcer en cette Chambre sur la nécessité de prolonger de deux ans cette mission en Afghanistan. Quelle fut la réponse du Bloc québécois et du député de ? Ce fut de dire non à cette prolongation.
À la lecture des questions que nous nous étions posées au moment du vote, on se rend compte qu'on y trouve écho dans un certain nombre de rapports — publiés aujourd'hui — portant sur l'état d'avancement de cette mission. Le rapport Manley est très critique à l'égard de l'approche militaire de ce gouvernement. Il indique clairement:
Il est essentiel de corriger les déséquilibres, aux chapitres du financement et du personnel, entre l’imposante mission militaire canadienne en Afghanistan et la mission civile nettement plus modeste qui œuvre à la reconstruction, au développement et à la gouvernance.
Par conséquent, nos inquiétudes de mai 2006 ont été validées par le rapport Manley, qui reconnaît l'existence d'un déséquilibre entre les aspects militaire et humanitaire.
Entre-temps, faut-il ne rien faire? Non. Nous devons lancer un message clair en cette Chambre, à savoir que cette mission doit prendre fin en février 2009. Entre-temps, nous devons faire pression sur ce gouvernement afin qu'il prenne un certain nombre de décisions. Premièrement, le gouvernement doit aviser ses alliés de l'OTAN de son intention de se retirer de l'Afghanistan dès février 2009. Le message à nos alliés doit être clair. Il n'est pas question de compromis sur cette question.
Le Canada quittera l'Afghanistan en février 2009, et nos alliés de l'OTAN doivent en être informés le plus rapidement possible.
Deuxièmement, il faut prévoir un plan de retrait. Le gouvernement doit déposer un tel plan, parce que ce n'est pas vrai qu'on quitte l'Afghanistan en deux temps, trois mouvements, comme on ferme et qu'on plie notre tente pendant un week-end au Mont-Tremblant. Ce n'est pas comme cela que nous devons agir. Être responsable exige de la part de ce gouvernement qu'il dépose immédiatement un plan visant le retrait de nos troupes en février 2009.
Troisièmement, il faut prévoir entre-temps un rééquilibrage rapide de la mission vers des ressources à l'aide au développement. Actuellement, il y a plus de 7,718 millions de dollars, selon les rapports de Défense Canada, pour l'année 2001 à 2008, ce qui représente les coûts d'opération de la mission canadienne en Afghanistan. Nous devons faire en sorte de réallouer ces sommes vers l'aide humanitaire. Il faut nous assurer de développer des capacités pour les citoyens et pour les populations civiles. Nous devons leur donner des moyens. Ainsi, non seulement on réussira à transférer et à doter l'Afghanistan de capacités, mais très certainement, par ce transfert de sommes du secteur militaire vers le secteur humanitaire, cela pourrait nous permettre d'atteindre cet objectif de 0,7 p. 100 du PIB consenti à l'aide au développement. C'est encore un engagement que le Canada ne peut tenir actuellement.
Il faut donc aviser nos alliés de l'OTAN que nous voulons et que nous sortirons de l'Afghanistan dès février 2009; prévoir un plan de retrait et le dépôt d'un plan de retrait immédiat; prévoir un transfert et un rééquilibrage des sommes du secteur militaire vers le secteur humanitaire; faire jouer plus fortement la diplomatie, parce que la discussion, le dialogue et l'échange politique sont très certainement la solution que le Canada doit privilégier, non seulement dans le cadre des difficultés en Afghanistan, mais dans le cadre de solutions que doit envisager le Canada afin de résoudre les conflits.
Il faut donc être clair à cet égard. L'approche que nous privilégions permet au Canada d'assumer ses responsabilités. Cependant, il faut se rappeler que les responsabilités du Canada ont des limites. Cet engagement ferme du Canada, visant à faire en sorte de se retirer de l'Afghanistan d'ici février 2009, est pour nous non négociable. Rappelons que la motion conservatrice fixe à 2011 l'échéance de la mission canadienne à Kandahar. Aujourd'hui, à la lumière de ce débat, on se rend compte qu'il existe deux forces en présence. Il y a non seulement la force conservatrice qui souhaite le maintien des troupes en Afghanistan, mais aussi une force libérale qui a décidé de s'allier à l'approche militaire canadienne conservatrice afin de régler ce conflit.
Je ne pense pas que c'est l'approche souhaitée par les Québécois et les Québécoises. Nous sommes un peuple pacifique qui souhaite avoir une résolution rapide des conflits, mais dans le dialogue, dans la diplomatie et dans la discussion politique.