La Chambre reprend l'étude, interrompue le 13 mai, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Monsieur le Président, je suis très heureuse de parler du projet de loi , Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des Premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves.
Certaines personnes qui en ont débattu hier ont fait ressortir à maints égards la situation très difficile qui existe dans les réserves des Premières nations. Cette mesure législative est nécessaire parce qu'en ce moment, il n'y a aucune loi régissant les biens immobiliers matrimoniaux sur laquelle peuvent s'appuyer les gens s'ils en ont besoin. Pour les femmes et les enfants qui vivent dans les réserves, c'est également une question de droits de la personne. En réalité, c'est une question de droits de la personne pour les familles.
Le Parti libéral est certainement un fervent partisan de la Charte canadienne des droits et libertés, et il appuie ce projet de loi qui vise à conférer aux Premières nations des droits en matière de biens immobiliers matrimoniaux. Bien que l'opposition libérale appuie l'intention de ce projet de loi, elle n'appuie pas la démarche unilatérale du gouvernement fédéral pour présenter cette mesure.
Je vais axer mon exposé sur les questions de gouvernance et de renforcement des capacités, de manière à expliquer pourquoi nous aimerions que le gouvernement conservateur fédéral soit à l'écoute des gens et s'engage dans des consultations et dans un véritable partenariat. Ce que les membres de la collectivité autochtone, les membres du Comité des affaires autochtones et notre parti tentent de faire comprendre au gouvernement depuis deux ans, c'est qu'il ne saurait y avoir de solutions réelles dans les collectivités autochtones sans partenariat et sans collaboration véritables. Nous ne voulons pas de solutions symboliques.
Selon moi, le véritable partenariat est fondé sur le respect, la collaboration, la courtoisie et le compromis. Les négociations devraient être menées selon une conception de la diplomatie qui est ancrée dans la tradition de la plupart des collectivités autochtones. Toutes nos collectivités autochtones veulent que leurs membres, qu'ils soient sur les réserves ou à l'extérieur des réserves, soient en meilleure santé et mieux protégés. Il s'agit de notre territoire, il s'agit des terres et des régions avec lesquelles nous avons des liens historiques. Il s'agit des collectivités au sein desquelles nous allons continuer de vivre.
Bien sûr, nous voulons des solutions qui permettront à nos collectivités d'être plus saines et plus en mesure de trouver leurs propres solutions. Pour prendre les mesures qui feront progresser nos collectivités, nous devons aussi examiner les questions de gouvernance. Nous devons faire en sorte que les gens participent à la solution. Nous devons trouver des solutions aux difficultés auxquelles nous sommes confrontés, particulièrement en ce qui concerne les réserves, qui sont assujetties à une loi vieille de 130 ans, la Loi sur les Indiens.
Nous savons qu'aucune solution ne sera instantanée. L'histoire a tendance à se répéter et à rendre le changement difficile pour les membres de nos collectivités, particulièrement parce qu'ils ont vécu sous le régime de la Loi sur les Indiens.
Lorsque le gouvernement a été élu, nous avons été soulagés de voir qu'il sollicitait l'opinion de la collectivité autochtone, surtout lorsqu'il a nommé Wendy Grant-John pour mener les consultations. L'Association des femmes autochtones du Canada a participé aux consultations. Les collectivités autochtones y ont participé. Mme Grant-John a produit un rapport que bien des gens voyaient comme le fondement d'une mesure législative à venir. J'ai le regret de dire que le projet de loi C-47 ne semble donner suite à aucune des recommandations de ce rapport.
L'AFAC et l'APN ont diffusé des communiqués de presse pour faire part de leurs observations au sujet du projet de loi , et celles-ci ne sont pas élogieuses. Toutes deux estiment que leur contribution aux consultations est tombée dans l'oreille d'un sourd. Les collectivités se sentent abandonnées. Comme dans le cas du processus de règlement des revendications particulières, on a félicité le gouvernement de les avoir incluses dans le processus décisionnel et de les avoir invitées à participer à l'élaboration du projet de loi.
Nous savons tous que les projets de loi présentés à la Chambre ne jouiront jamais de l'appui de tous les Canadiens. Cependant, nous qui avons l'expérience du gouvernement estimons qu'on peut aller de l'avant avec une mesure législative lorsque beaucoup de gens reconnaissent qu'elle est le fruit d'une collaboration véritable et de consultations fructueuses. Les gens trouvent qu'ils peuvent l'appuyer, étant donné qu'ils auront la possibilité d'en évaluer le fonctionnement trois ou cinq ans plus tard, le cas échéant, et d'y suggérer des améliorations. Quand les personnes qui sont touchées par la mesure savent qu'elles auront cette possibilité, il y a de bonnes chances que cette dernière soit mise en oeuvre et appuyée par les collectivités concernées. Ce n'est pas le cas du projet de loi .
À l'époque où nous étions saisis de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, certaines bandes étaient sceptiques, car il leur semblait que nous nous attaquions à une infime partie de la Loi sur les Indiens au lieu d'éliminer celle-ci entièrement.
Cela fait bientôt 11 ans que je suis députée, et je suis fière d'affirmer être la seule, si je ne me trompe pas, qui siège au même comité depuis le début de son mandat. J'ai la chance de pouvoir me souvenir du nombre de mesures législatives qui ont été étudiées par le comité et du nombre de témoins venant de toutes les régions du pays qui ont comparu dans le cadre de ses travaux.
Lorsque la Loi sur la gestion des terres des Premières nations est entrée en vigueur, elle a été accueillie avec un certain scepticisme. Mais, après coup, les gens ont commencé à en voir les avantages pour leur propre bande. Ils se sont montrés très ouverts à l'idée de mettre à l'essai le régime prévu par la loi. À un point tel que le nombre de demandes a excédé la capacité de mettre en oeuvre ce régime. Si l'on fait ce type de travail avec les populations et qu'on essaie de les aider à se doter de meilleures capacités et à mieux gérer leurs affaires, je pense que les projets de loi concernant les Autochtones du pays seront dorénavant mieux accueillis. Comme il y a eu davantage de coopération et moins de relations conflictuelles, les gens se sont montrés prêts à accepter des suggestions. C'est le genre de comportement qu'il faut favoriser relativement aux projets de loi proposés. Il faut que les gens sentent qu'ils ont une contribution à faire. Ils peuvent faire un essai et voir si, dans leur milieu, les nouvelles dispositions peuvent être bénéfiques.
L'intimidation n'a pas sa place. Il faut rejeter les approches contraignantes qui ont inspiré beaucoup de décisions prises dans le passé, en particulier au cours des années 1960 et même avant. Quelqu'un prenait des décisions à Ottawa et disait à la population ce qui allait lui arriver. Elle n'avait pas un mot à dire. Ce n'est pas ainsi qu'on gère sainement les affaires de l'État et qu'on obtient la coopération des gens. Toute personne qui aurait pu coopérer en vue d'améliorer le sort des gens de son milieu se sent plutôt aliénée.
Je suis certaine que la plupart des Canadiens savent maintenant que les terres autochtones sont surtout des terres à propriété collective. Je sais qu'au Nunavut, la Loi sur les Indiens ne s'applique pas, mais les terres appartiennent à la collectivité. Il faut en tenir compte quand vient le temps de légiférer sur la propriété des habitations ou, dans le cas présent, des biens immobiliers matrimoniaux.
Compte tenu de ces situations spéciales, il faut bien comprendre quelles solutions pourront être utiles. Il est très important que la population souscrive à tout projet de loi ayant une incidence sur elle.
On sait que la violence est présente dans de nombreux foyers, que ce soit en milieu autochtone ou ailleurs. À moins de se doter de programmes pour aider les gens, ce problème ne diminuera pas. Les mesures juridiques ne constituent pas à elles seules la solution à ce problème. Elles doivent être accompagnées d'autres mesures, qui ne sont pas d'ordre juridique. L'Association des femmes autochtones du Canada a beaucoup insisté sur ce point. Il ne suffit pas de mettre en oeuvre des mesures juridiques permettant aux gens de demander de l'aide en invoquant la loi. Il faut aussi des mesures sur le terrain pour aider les femmes et les enfants, qui en ont habituellement besoin en pareil cas.
Comme je l'ai dit lorsque j'ai entamé ce débat, nous appuyons tout à fait l'adoption d'une loi qui aidera ces collectivités, mais la façon dont nous nous y prendrons pour y parvenir sera déterminante dans l'acceptation et la mise en oeuvre de cette mesure législative qui pourrait davantage aider les gens si une meilleure collaboration était établie avec la collectivité.
Nous vivons à une époque où nous voulons résoudre plus de conflits dans le monde de façon pacifique et en faisant participer les gens mêmes qui sont en conflit. Il ne suffit pas seulement d'intervenir, de prendre le contrôle et de décider de quelle manière les choses devraient être faites. Cela s'applique certainement aussi aux interactions avec nos collectivités autochtones. Voilà ce que nous voulons voir. Nous ne disons pas qu'il ne devrait pas y avoir de mesure législative visant à protéger les familles, surtout les femmes et les enfants, mais nous voulons qu'elle soit efficace.
Les jours sont révolus où quelqu'un pouvait prétendre connaître la meilleure façon d'agir avec nos collectivités. Il est très triste que nous ne saisissions pas cette occasion pour travailler avec les gens et leur permettre d'aider le Parlement à s'attaquer aux problèmes mêmes qui finissent parfois par entraîner la prise en charge de beaucoup d'enfants et l'emprisonnement d'Autochtones. Je ne pense pas que les familles ont vraiment la possibilité de rester unies et de trouver des solutions.
Quand ces enfants sont pris en charge d'une façon ou d'une autre, ou mis en prison, cela crée une autre rupture pendant laquelle une personne est privée de sa langue et de sa culture et il est très difficile d'en guérir. Nous ne pouvons pas continuer de causer du tort aux collectivités alors que nous essayons encore de réparer les erreurs que nous avons commises dans le passé, comme les pensionnats indiens, les réinstallations de collectivités, les personnes ayant perdu leur statut et ayant été réintégrées sans avoir les ressources pour permettre une transition sans heurt. Nous ne pouvons nous attendre à ce que les collectivités aillent de l'avant de façon saine et sûre alors qu'elles sont incapables de faire face à d'autres situations sociales.
Si nous ne tenons pas compte du fait que nous devons donner aux bandes la capacité de travailler avec les différents ordres de gouvernement, le projet de loi ne remplira pas son objectif principal qui est d'aider les femmes et les enfants à vivre des vies plus saines et sécuritaires.
Nous voulons tous cela. Je ne crois pas que quelqu'un ici dirait que nous n'avons pas tous le même objectif, mais nos points de vue diffèrent sur la façon d'y parvenir. Je n'insisterai jamais assez sur le fait que nous devons faire les choses de la bonne manière en collaborant avec les gens et en trouvant des solutions auprès de la population locale. Nous devrions certainement savoir maintenant que la façon dont nous avons fait les choses dans le passé ne fonctionne pas.
Je veux que le projet de loi soit renvoyé au comité afin que nous puissions entendre le témoignage de différentes personnes et d'experts en la matière et, je l'espère, proposer des amendements qui l'amélioreront.
C'est cela le travail d'un comité. Un comité s'efforce d'améliorer les projets de loi dont nous sommes saisis. Notre expérience des comités nous a appris que le gouvernement perçoit le travail des comités comme une menace, plutôt qu'une occasion de bonifier les mesures législatives. À titre de parlementaires, notre travail ici consiste à adopter les meilleures lois et politiques possibles pour notre pays, afin que celui-ci soit un endroit meilleur.
Le Canada est le meilleur pays du monde où vivre. J'ai été à même de le constater au cours des voyages internationaux que j'ai faits. Nous avons beaucoup à offrir, mais nous avons aussi beaucoup à apprendre. Le fait que nous soyons ouverts aux idées et aux façons différentes de faire les choses donne beaucoup d'espoir aux Canadiens, qui ont vu des changements être apportés par un comité après avoir entendu des témoins.
Nous ne pouvons pas contenter tout le monde et pondre une mesure législative parfaite. Toutefois, si nous travaillons tous ensemble, nous pouvons nous doter d'une mesure législative dont tous pourront s'accommoder. Dans un pays d'une si grande diversité, c'est un véritable exploit que d'adopter des mesures législatives avec lesquelles un grand nombre de personnes sont d'accord.
J'ai hâte que le projet de loi soit étudié en comité. J'ai hâte d'entendre les différents témoins. J'espère que nous pourrons améliorer cette mesure et en faire une loi que les collectivités seront fières de mettre en oeuvre.
Toutes les bandes seront heureuses de disposer d'un tel outil dans leurs réserves. Je ne pense pas que les gens s'opposent à avoir une mesure législative, une réglementation, un outil ou une initiative de renforcement des capacités qui va faire en sorte que leurs réserves soient plus saines et plus sécuritaires pour leurs femmes et leurs enfants.
Lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité, j'exhorte le gouvernement à faire preuve d'ouverture face aux témoins et aux amendements. Personne ne dit que le moment est mal choisi pour présenter ce projet de loi. Ce qui nous importe c'est la façon de faire, la façon de mettre en oeuvre cette mesure, et aussi la nécessité d'affecter les ressources nécessaires afin de s'assurer que les collectivités puissent se servir de cette loi d'une manière efficace.
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Monsieur le Président, dans le contexte actuel du projet de loi , nous savons qu'il existe actuellement, que ce soit au Québec, dans les provinces et territoires du Canada, des lois sur les biens matrimoniaux afin de reconnaître le principe général d'égalité entre les époux. Elles régissent leurs droits durant le mariage et en cas de rupture. Elles permettent de définir les biens matrimoniaux personnels et immobiliers des époux. Elles permettent aussi de prévoir un système de droits et de protections obligatoires concernant les biens matrimoniaux et, en cas de rupture, d'établir une présomption de droit dans le partage égal de biens matrimoniaux. Les lois prévoient aussi diverses mesures de protection pour chacun des époux, comme par exemple, dans le cas de la vente de la maison familiale, où la signature des deux époux serait exigée.
Toutefois, entre le Québec, les provinces et les territoires du Canada, il existe quelques différences concernant les unions de fait, les relations entre personnes de même sexe, les droits en cas de décès de l'un des époux et les questions relatives à la violence familiale.
Ces lois s'appliquent aussi aux époux des Premières nations situés hors réserve, mais ne s'appliquent pas de la même manière aux personnes vivant dans les réserves administrées par la Loi sur les Indiens, principalement en ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux, les cas de violence familiale et de rupture.
En fait, la Loi sur les Indiens prévoit un régime de gestion des terres qui comprend un système d'attribution individuelle des terres de réserve aux membres de la bande pour laquelle des terres ont été mises de côté, mais elle ne traite pas de la question des biens matrimoniaux. Elle n'accorde pas non plus de compétence législative aux Premières nations en cette matière, qu'il s'agisse de biens immobiliers ou personnels.
Le projet de loi concerne les foyers familiaux situés dans les réserves des Premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves. Il vise à combler le vide juridique qui existe actuellement pour faire respecter les droits fondamentaux et matrimoniaux et aussi à offrir des recours, et ce, tant pendant la relation qu'à la suite d'une rupture ou d'un décès.
En gros, la loi propose d'assurer un équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs, à préciser l'inaliénabilité des terres de réserve et à augmenter le degré de sécurité pour les époux ou les conjoints de fait dans les réserves en ce qui concerne le foyer familial et les autres intérêts ou droits matrimoniaux.
Le projet de loi met en place des règles fédérales provisoires et des dispositions en prévision de l'adoption des lois des Premières nations. Les règles fédérales représenteront une mesure provisoire, mais tiendront compte du fait qu'il est possible que certaines Premières nations n'élaborent pas leurs propres lois sur les intérêts ou les droits matrimoniaux. Le projet de loi permet aux communautés de développer leur propre projet de loi. Chaque Première nation sera assujettie aux règles fédérales provisoires de la loi proposée jusqu'à ce qu'elle adopte ses propres lois, à l'exception de celle qui aura déjà adopté des lois sur les biens immobiliers matrimoniaux.
La loi proposée serait assujettie à la Charte. Elle serait aussi assujettie à la Loi canadienne sur les droits de la personne dans la mesure, bien sûr, où on estimera que ses dispositions sont incluses dans la portée de la loi.
Ce ne sont pas tous les recours en matière de biens immobiliers qui existent hors des réserves qui peuvent être appliqués dans les réserves. Étant donné la nature collective du régime foncier des réserves, les terres dans les réserves ne peuvent être possédées complètement et les droits de possession diffèrent entre les membres ou les non-membres d'une bande. Ainsi, afin d'assurer une plus grande exactitude, la loi proposée renverrait aux « intérêts ou droits sur les foyers familiaux dans les réserves et autres intérêts ou droits matrimoniaux », plutôt qu'aux « biens immobiliers matrimoniaux » qui, hors des réserves, renvoient tant aux terres qu'aux structures.
Le projet de loi propose aussi certaines dispositions entourant une séparation suite à de la violence conjugale.
Je crois que tous mes collègues ici présents seront d'accord avec moi pour dire que, malgré le travail colossal réalisé dans le cadre de ce projet, il y demeure cependant cet esprit revanchard et de tout savoir de ce gouvernement qui, encore une fois, a omis de consulter les femmes ou l'Association des femmes autochtones. Il a encore réussi à faire oublier, s'il en est, la volonté de régler de graves lacunes.
La visite, cette semaine, de la présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec, Mme Gabriel, ne laissait planer aucun doute à ce sujet.
Le projet de loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des Premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves prévoit colmater un trou important dans la législation actuelle.
Bien que le Bloc québécois reconnaisse ce qui précède, ainsi que l'importance et l'urgence d'agir, tant pour le bien de toutes les femmes et des communautés des Premières nations, nous croyons que le gouvernement a failli à la tâche sur certains points.
Je souhaite démontrer à mes collègues ici, à la Chambre, en quoi le gouvernement n'a pas respecté ses engagements. Je tiens également à expliquer quelles sont les propositions du Bloc québécois qui permettraient certainement d'apporter des correctifs importants aux lacunes non seulement de ce projet de loi, mais aussi de tout le processus entourant ledit projet de loi.
Afin de bien étayer mes propos quant au non-respect des engagements du gouvernement actuel dans l'élaboration de ce projet de loi, je vais revenir brièvement en arrière et faire un saut dans l'histoire pour rappeler la signature d'un accord politique survenu en 2005. On n'est pas sans savoir que les conservateurs ont beaucoup misé, pour accéder au pouvoir, sur la transparence et le respect des engagements pris.
Les derniers mois nous ont tous démontré que ce parti ne semblait pas valoir mieux que celui qui l'avait précédé sur ce point. À ce sujet, permettez-moi de citer ses ténors: « Chers collègues, il est de notre devoir d'élus de s'assurer que la population puisse continuer de nous faire confiance, et de faire preuve d'intégrité et de cohérence dans nos prises de décisions. »
Or, le processus qui a mené à l'élaboration du projet de loi va à l'encontre d'un accord important ayant été signé entre l'Assemblée des Premières Nations et le gouvernement du Canada en 2005. Je me permets de lire un extrait de cet accord politique du 31 mai 2005, accord que nous rappelons depuis le dépôt du projet de loi C-44 en 2006:
[...] le gouvernement discutera avec eux [les membres des Premières nations] avant d'élaborer des politiques. Ce principe constituera la pierre angulaire de notre nouveau partenariat [...]
On peut également y lire:
Le ministre et l'Assemblée des Premières Nations s'engagent à entreprendre des discussions:
a) sur les processus permettant d'accroître la participation de l'Assemblée des Premières Nations, ayant été mandatée par les chefs de l'assemblée, dans l'élaboration de politiques fédérales qui concernent les membres de l'Assemblée des Premières Nations [...]
Cet accord vise à renforcer la collaboration de l'Assemblée des Premières Nations avec ce gouvernement sur l'élaboration des politiques fédérales concernant les Premières nations. Quelqu'un peu-il alors m'expliquer pourquoi cette même Assemblée des Premières Nations est contre ce projet de loi, tout comme l'Association des Premières Nations du Québec et du Labrador, tout comme aussi le regroupement Femmes Autochtones du Québec ou l'Association des femmes autochtones du Canada?
Dans le processus entourant l'élaboration de ce projet de loi, il semble clair qu'un élément important en matière de communication a été oublié. On reconnaîtra comme moi que, dans une discussion, il y a deux interlocuteurs face à face qui peuvent échanger des idées. Certes, des consultations ont eu lieu avec tout un éventail de regroupements représentant les Premières nations et aussi, puisque ce projet de loi les concerne au premier chef, avec des groupes de femmes des Premières nations.
Cependant, il semble que si le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a écouté les représentants des Premières nations, il n'a pas tenu compte, ou du moins pas suffisamment, de ce qu'ils ont dit. Je ne crois pas que les représentants du gouvernement aient agi de mauvaise foi, mais l'esprit de l'accord de 2005, où la collaboration et la participation des Premières nations auraient dû prévaloir pour l'élaboration de cette loi, n'a pas été respecté.
Il serait donc inconséquent d'aller de l'avant avec la deuxième lecture de ce projet de loi. C'est pourquoi le Bloc demande à la Chambre de renvoyer le projet de loi au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord afin que ce comité puisse amender ce projet de loi, et ce, dans le but de le rendre acceptable pour les communautés des Premières nations.
Le Bloc québécois croit fermement au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des Premières nations et il veillera à ce que ce droit ne soit pas entaché par la mise en œuvre de cette loi. Cependant, nous croyons aussi en l'utilité d'une telle loi afin de corriger les lacunes de la réglementation actuelle, en attendant que les communautés développent leur propre loi sur les foyers immobiliers.
Le projet de loi pourrait être adopté, par suite de son retour d'une étude et des modifications nécessaires par le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord en collaboration, cette fois, avec les personnes désignées par les responsables des Premières nations.
À cette étape-ci, je souhaiterais présenter à la Chambre quelques exemples plus concrets des raisons qui poussent le Bloc québécois à demander le renvoi de ce projet de loi en comité.
Plusieurs de mes collègues ne sont pas sans savoir que les Premières nations font partie intégrante du paysage humain de la circonscription que je représente. Je tiens donc à témoigner de l'expérience que j'ai acquise à côtoyer différentes nations.
Une des inquiétudes émanant des groupes de femmes autochtones concerne le manque de logements à l'intérieur des réserves, car une des dispositions de ce projet de loi traite de l'obtention d'un logement à la suite d'une rupture conjugale.
Après avoir visité maintes fois plusieurs communautés autochtones, je peux affirmer que cette inquiétude n'est certes pas vaine. Combien de fois ai-je pu voir des familles entières entassées dans des logements exigus? Combien de fois m'a-t-on martelé, lors de rencontres avec des chefs, que le plus gros défi dans les communautés était le manque de logements? Je ne peux plus les compter. Et c'est sans tenir compte des bâtiments qui sont habités, par exemple dans la communauté d'Eastmain, à la Baie-James, malgré des problèmes majeurs de moisissure, des problèmes tellement graves que les bâtiments doivent être reconstruits. Car lorsque les logements manquent, il devient difficile de relocaliser des familles, quelle qu'en soit la raison.
Par expérience, je me questionne également sur un autre aspect de ce projet de loi. Celui-ci prévoit des procédures, dont le renvoi à des processus juridiques qui ne tiennent pas toujours compte de la réalité culturelle et de l'accessibilité à certaines informations et à certains services pour des communautés qui vivent souvent dans des conditions d'éloignement ou de pauvreté. Ce projet de loi reste muet quant à la mise en place de la façon dont les communautés auront accès à l'information et à des services juridiques.
Pour le Bloc québécois, il est primordial que ces réalités puissent être prises en compte, et ces questionnements, éclaircis. C'est pourquoi nous aimerions connaître le plan de mise en oeuvre du gouvernement ainsi que le financement prévu pour permettre aux personnes concernées de profiter du projet de loi. Je demande aussi au gouvernement quel sera le financement prévu pour les communautés afin de se préparer pour l'application de celui-ci. Enfin, nous aimerions que le gouvernement soumette au comité les études des effets sur les communautés du projet de loi ainsi que des mesures qui seront mises en place afin de favoriser le développement des lois propres aux communautés sur les foyers matrimoniaux.
Pour conclure, étant donné l'importance de la question et de la précarité qu'elle inflige aux personnes vivant dans les réserves, je crois qu'il est urgent que le gouvernement agisse. Il doit permettre à la population des réserves autochtones d'exercer leurs droits et intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans les réserves. Il doit s'assurer que chacune de ses actions et décisions est conforme aux recommandations des principales organisations autochtones et celles des comités permanents, et ce, tout en honorant l'accord politique de 2005 conclu avec les Premières nations.
Je crois qu'il serait possible d'amender le présent projet de loi pour atténuer les causes de mécontentement invoquées par les regroupements autochtones, par exemple les questions touchant à la mise en oeuvre du plan d'action, aux ressources disponibles et à l'accessibilité des femmes aux processus judiciaires. Nous nous engageons à travailler en étroite collaboration avec les Premières nations et le gouvernement, lequel, dans sa démarche, sera fidèle à l'entente de 2005, afin d'amender le projet de loi et de le rendre acceptable. Il en sera de même avec le projet de loi .
Cependant, je dois rappeler que nous, du Bloc québécois, nous questionnons sur le plan du gouvernement pour la mise en oeuvre de ce projet de loi. Nous nous questionnons aussi sur le financement qui sera offert aux communautés, de même que sur la mise en place de mesures visant à permettre l'accessibilité de la population aux procédures, compte tenu de l'information à donner à la population et des conditions de pauvreté et d'isolation géographique qui pourraient être une contrainte réelle à l'application de ce projet de loi.
En résumé, le Bloc québécois est favorable au renvoi du projet de loi au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord afin qu'on en étudie les tenants et aboutissants et, surtout, qu'on entende les témoignages des acteurs concernés.
Mais avant tout, nous voudrions connaître les intentions du gouvernement quant aux possibles amendements au projet de loi qu'il serait prêt à accepter.
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Monsieur le Président, je suis content d'avoir l'occasion d'intervenir cet après-midi pour dire quelques mots au sujet de ce dossier qui est très complexe en raison des nombreux enjeux qu'il comporte.
Premièrement, j'appuierai le projet de loi au moment du vote afin de le renvoyer au comité. Certains intervenants sont contre cette mesure législative. J'ai lu plusieurs des points, des documents et des mémoires soumis par différents groupes d'intérêts et j'ai fait de mon mieux pour digérer tout cela. J'appuierai néanmoins le renvoi du projet de loi au comité pour que ce dernier puisse l'examiner en profondeur, y apporter des améliorations et nous le renvoyer après en avoir abondamment discuté.
Ces dernières années, un problème est apparu. L'écart s'est considérablement creusé entre ce qui se passe dans les réserves et l'évolution de la société canadienne au cours des 50 dernières années. Cela pourrait ne pas être mauvais, mais dans ce cas-ci, un redressement s'impose.
Mon instinct parlementaire me dit qu'il nous faut progresser très prudemment après de vastes consultations auprès de nos concitoyens autochtones. Une solution législative est de mise, et j'espère que ce sera une solution législative provisoire. Nous ne pouvons cependant pas ignorer ce problème. À mon avis, c'est une question qui touche fondamentalement les droits humains des femmes et des enfants qui vivent dans les réserves, et nous ne pouvons en faire abstraction.
Afin de situer le débat, il est intéressant d'examiner les changements qui se sont produits dans la société au cours des 50 dernières années. J'ai commencé à pratiquer le droit il y a environ 32 ans. Les choses changeaient à ce moment-là, mais remontons encore quelques années en arrière.
La loi reconnaissait très peu de droits à une femme mariée en cas de séparation ou de divorce. Elle ne reconnaissait aucun droit aux conjoints de fait. Dans la plupart des cas, le titre de propriété d'une maison ou d'une ferme était au nom de l'homme. Cette façon de faire a pour ainsi dire disparu du droit. En revanche, il y avait ce qu'on appelait les biens dotaux. Une femme avait un intérêt viager, soit un tiers des biens matrimoniaux, mais elle n'avait pas un mot à dire si la propriété était vendue ou hypothéquée, et elle n'avait pas droit à la moitié en cas de séparation ou de divorce.
La société a beaucoup évolué au cours des 50 dernières années. L'évolution s'est faite graduellement. Certaines provinces ont promulgué des lois sur le patrimoine familial. Ces mesures ont été débattues, interprétées et modifiées. Puis on a adopté une mesure sur le divorce sans égard au tort qui faisait en sorte qu'on pouvait demander le divorce sans avoir à prouver qu'il y avait eu adultère, par exemple. Puis l'intérêt des enfants est devenu une notion du droit matrimonial. J'ai fait un survol du passé, mais je crois que la plupart des Canadiens acceptent aujourd'hui ces notions comme des droits fondamentaux de la personne.
J'en arrive à la situation dans les réserves autochtones à l'heure actuelle. Le problème remonte à une décision rendue par la Cour suprême en 1986 relativement à la séparation d'un homme et d'une femme, qu'ils soient mariés légalement ou conjoints de fait. La cour a statué que la cour provinciale n'avait pas la compétence voulue pour se prononcer sur la terre qui était en jeu dans cette affaire, car elle était située dans une réserve fédérale, laquelle était régie par le fédéral. Cela a créé un énorme vide juridique et laissé un grand nombre de personnes sans droit. La loi provinciale ne s'appliquait pas dans ces cas.
Les Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves n'ont pas connu les mêmes difficultés, car les lois provinciales s'appliquent dans leurs cas. Lorsqu'un couple autochtone vivant dans une ville, un village ou une région rurale du Canada, à l'extérieur d'une réserve, se sépare, il est assujetti aux lois matrimoniales de la province où il vit.
Les difficultés ont été nombreuses. Le plus grand vide juridique, c'est qu'aucun gouvernement ne pouvait régler le problème. Pour compliquer les choses, dans la plupart des réserves les terres n'appartiennent pas à des particuliers. Ce sont des biens collectifs. Toutefois, le couple ou le particulier a un intérêt possessoire, ce qui complique encore davantage les choses.
Par conséquent, il existait ce que j'estime être un grand vide juridique lorsqu'un couple se séparait, surtout dans les cas de violence familiale, ou lorsque les droits, la sécurité ou la protection des enfants étaient en jeu. Dans certains cas, les juges avaient les mains liées. Ils ne pouvaient rendre d'ordonnance de non-communication temporaire ou permanente. La cour ne pouvait entendre d'action en partage relativement à la vente des biens. Rien n'empêchait l'un des conjoints de vendre tout intérêt possessoire qu'il ou qu'elle détenait, ou une hypothèque sur ledit intérêt. Bref, les droits fondamentaux d'une personne pouvaient être violés et l'étaient effectivement, et c'est pour cette raison qu'une solution législative s'impose.
Il s'agit d'un dossier très important, dont la Chambre a été saisie à plusieurs reprises. Cette question a fait l'objet de discussions dans au moins trois comités parlementaires et aussi à la Chambre. Comme je l'ai mentionné plus tôt, le projet de loi ne jouit pas de l'appui unanime des intervenants. À l'heure actuelle, l'Assemblée des Premières Nations, le bureau du grand chef et l'Association des femmes autochtones du Canada s'opposent à la mesure législative.
J'ai pris connaissance de leurs mémoires au moment de la préparation de mon intervention. Je pense qu'ils sont en train d'essayer d'élargir la portée du projet de loi sous prétexte qu'il n'englobe pas les causes de cette situation particulière. Il laisse en effet de côté la pauvreté, l'éducation, la santé ou l'accès limité à l'eau. Cependant, ce n'est pas l'intention du projet de loi. Celui-ci a plutôt pour but de s'attaquer au problème.
Le projet de loi n'est pas une tentative de régler les problèmes de plus grande envergure, ce que certains lui reprochent. À mon avis, aucun député, aucun Canadien, ne suggérerait que ces problèmes ne doivent pas recevoir l'attention du gouvernement. Le projet de loi porte sur un cas très précis. La question doit être réglée sans plus attendre.
Voilà ce qui guide mes observations. Il est temps de renvoyer le projet de loi au comité et de recueillir les suggestions des principaux intervenants dans ce dossier.
Pour revenir aux mémoires présentés par certains chefs autochtones, ceux-ci y laissent entendre que le projet de loi ne reconnaît pas les droits inhérents, issus de traités, des Premières nations. Ces droits devraient être reconnus. Cependant, il s'agit ici d'un projet de loi provisoire qui reconnaît que les Premières nations et les bandes devraient se charger elles-mêmes de régler le problème. Il leur fournit le cadre nécessaire. Il leur donne également un certain temps pour le faire. J'espère qu'elles iront de l'avant et qu'elles feront ce qui s'impose et ce qui est nécessaire. Elles pourront ainsi se doter des mécanismes de gouvernance nécessaires et le problème sera résolu à partir du moment où les Premières nations auront élaboré leurs propres dispositions.
Je le répète. Le projet de loi reconnaît que les Premières nations, leurs gouvernements et leurs chefs devraient prendrela situation en main. Ce projet de loi est une mesure provisoire, mais il permettra d'amorcer le processus. Il est à espérer que les diverses bandes, d'un bout à l'autre du pays, prendront effectivement la situation en main.
Il ne faut pas oublier que cette affaire a été jugée devant les tribunaux en 1986. Vingt-deux ans plus tard, nous en sommes toujours au même point. Tant que les choses ne bougeront pas, le projet de loi continuera d'être pertinent.
Je pense, comme je l'ai déjà dit, que tous les Canadiens, qu'ils soient autochtones ou non, aimeraient voir un pareil changement, entre-temps. Lors du divorce ou de la séparation d'un couple marié ou de conjoints de fait, les biens matrimoniaux devraient être partagés également. Cependant, personne n'aurait le droit de vendre ou d'hypothéquer un intérêt dans une propriété, qu'il s'agisse d'un droit possessoire ou d'un droit réel. Dans un cas de violence familiale où les droits des enfants pourraient être violés et où il faudrait protéger leurs intérêts, une ordonnance judiciaire temporaire ou permanente pourrait être émise. Les bandes seraient informées lorsque de telles procédures auraient lieu. C'est très important dans l'ensemble de la démarche.
Comme je l'ai dit auparavant, dès que j'ai pris connaissance du dossier, j'ai vu qu'il fallait procéder avec beaucoup de prudence et en faisant le maximum de consultations. Cependant, le Parlement doit prendre une décision. J'espère que nous ne serons pas encore ici dans 22 ans, en train de parler du même dossier.
Dans leurs mémoires, quelques-uns des principaux intéressés disaient vouloir traiter en même temps de bon nombre de problèmes qui ne sont pas d'ordre juridique, notamment la pauvreté, le logement, l'eau, l'accès à la justice et les questions de gouvernance. Je suis d'accord avec eux. Rien n'entache plus la réputation de la société canadienne que le sort actuel des Autochtones du pays.
Lorsque je pense à ce qui s'est passé auparavant, je me dis que le gouvernement a l'obligation d'agir. Je pense à l'occasion formidable que représentait l'accord de Kelowna et dont on n'a pas su profiter. Dans la salle se trouvaient les dix provinces, les principaux groupes autochtones, le gouvernement du Canada et tous les autres grands acteurs dans le dossier. Ils étaient prêts à signer. Je ne dirais pas que cet accord aurait constitué la solution à tous les problèmes. Cependant, c'était un point de départ. Il n'aurait peut-être pas mis fin aux discussions acerbes et aux échanges d'accusations qui ont lieu dans cette enceinte chaque jour, mais il aurait lancé le dialogue. Je fondais beaucoup d'espoir sur cet accord et j'ai été profondément déçu qu'on l'abandonne.
Pourtant, nous devons nous soucier du présent et non du passé.
Je préside le Comité des comptes publics. La solution à ces problèmes ne viendra certainement pas de ce comité. Cependant, chaque année et parfois même deux fois par année, nous recevons des rapports fort déplaisants et bouleversants de la vérificatrice générale du Canada au sujet des difficultés de nos citoyens autochtones dans les réserves. L'avant-dernier concernait le système d'éducation dans les réserves ou dans les collectivités autochtones. Ce rapport était fort inquiétant et troublant. Les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Dans le rapport que nous avons reçu la semaine dernière, il était question de la prise en charge d'enfants autochtones, du manque de lignes directrices à cet égard et, effectivement, du manque de prise en charge. Il est question ici d'enfants âgés de trois à sept ans à qui notre système ne rend pas justice. Nous n'avons pas encore examiné ce chapitre au comité, mais il fait partie des mauvaises nouvelles dont la vérificatrice générale fait part au comité.
Nous formulons des recommandations, mais quatre ou cinq ans plus tard, rien n'a changé. Le même ministère nous revient et rien ne s'est amélioré. Il est plutôt frustrant de le constater année après année. Je ne puis que noter que le système actuel ne semble pas servir les intérêts de nos citoyens autochtones.
En conclusion, j'estime que le projet de loi doit être renvoyé au comité. J'espère que le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord l'examinera de façon attentive et exhaustive. C'est un cadre de travail. J'espère que l'on apportera des changements et des amendements au projet de loi. J'espère que les membres du comité tiendront compte du droit inhérent des collectivités autochtones, de nos Premières nations, tout comme de l'article 25 de la Constitution du Canada et qu'ils reviendront à la Chambre avec une version finale de la mesure.
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Monsieur le Président, c'est un grand honneur pour moi de prendre part au débat sur le projet de loi , qui est destiné à remédier aux problèmes de longue date entourant les droits relatifs aux biens matrimoniaux dans les réserves.
Tous les députés qui ont participé au débat jusqu'à présent ont reconnu la nécessité d'agir enfin dans un dossier qui stagne depuis que la Cour suprême a rendu, en 1985, une décision selon laquelle les lois provinciales relatives au partage des biens en cas d'échec du mariage ne s'appliquent pas dans les réserves. On s'entend là-dessus.
Il ne se trouve personne parmi nous, j'en suis certaine, pour s'opposer au principe fondamental qui est en cause ici et pour nier la nécessité de proposer une mesure législative pour combler le vide juridique. Nous convenons tous qu'il faut légiférer afin de garantir le partage équitable des biens mobiliers et immobiliers en cas d'échec du mariage, que l'on vive dans une réserve ou non.
Nous appuyons ce principe. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si la mesure proposée fait l'affaire. Répond-elle adéquatement aux besoins de la situation?
J'ai écouté très attentivement ce que le député de a dit. Il a semblé dire que le projet de loi n'est peut-être pas parfait, mais qu'il faut bien commencer quelque part et qu'une telle mesure se fait attendre depuis très longtemps. Selon lui, des dispositions provisoires s'imposent et celles-ci pourraient convenir. On nous dit qu'on verra après l'étude en comité et qu'il n'y a pas lieu de se poser trop de questions puisque le projet de loi n'est censé s'appliquer qu'à un aspect bien défini.
Toutefois, je ne peux dissocier l'égalité des droits en matière de biens matrimoniaux de l'égalité en général. Nous ne pouvons pas nous contenter d'étudier seulement une toute petite partie de la question en négligeant tout le reste. Nous ne pouvons nous contenter d'appliquer un pansement sur une situation de ce genre en espérant que cela permettra d'endiguer l'hémorragie.
Je présume qu'il n'y aurait rien de mal à soumettre le projet de loi à l'étude du comité pour que nous puissions entendre les divers intervenants bien au fait de ces questions nous dire que ce projet de loi est loin de répondre aux besoins actuels et de constituer la solution idéale et qu'il tient très peu compte des consultations qui ont eu lieu à ce sujet.
Pour le bénéfice de mes collègues, je reprendrai les paroles du ministre responsable de ce dossier qui a dit, comme il l'a répété hier, que « les lois sont plus susceptibles de donner les résultats voulus lorsque le législateur a tenu compte de l'opinion des personnes qu'elles touchent ». Je suis tout à fait d'accord. Le problème dans ce cas-ci, c'est que le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte de tous les témoignages qui lui ont été présentés et de la majorité des suggestions qui ont été apportées et qui auraient dû être incluses dans cette mesure législative.
Le gouvernement donne le change aujourd'hui. Il prétend avoir tenu des consultations et s'être penché sur toute la gamme des préoccupations et des intérêts en cause et en avoir tenu compte dans ce projet de loi.
C'est loin de la réalité. Il suffit de nous tourner vers certains des principaux intervenants. Je pense tout particulièrement à l'Assemblée des Premières Nations, un important organisme dirigeant qui regroupe les Premières nations du Canada. Il est évident qu'elle a été consultée. Le ministre aimerait bien nous faire croire que ses commentaires ont été pris en compte, mais ce n'est pas ce que Phil Fontaine dit.
Phil Fontaine reconnaît très clairement qu'il y a eu consultation, mais que les suggestions qui ont été faites n'ont pas été prises en compte dans ce projet de loi. Voici un extrait de la lettre qu'il a transmise le 8 avril:
[...] le fait que l'orientation que ce dialogue avait tracée ne semble pas avoir été prise en compte dans le projet de loi déposé nous porte à conclure que ce dialogue n'avait pas une très grande valeur pour la promotion et la mise en oeuvre d'une démarche de conciliation entre les droits ancestraux et issus de traités existants des peuples autochtones et la souveraineté de l'État.
Comment donnons-nous suite aux recommandations des collectivités, comme le prétendent les conservateurs? Il y a quelque chose qui cloche quand le ministre prend la parole à la Chambre pour dire que le projet de loi correspond aux souhaits des peuples autochtones alors que ceux qui ont été consultés affirment qu'on n'a pas donné suite à leurs recommandations.
L'Association des femmes autochtones du Canada fait la même observation dans les documents remis aux députés. Pas plus tard qu'hier, elle affirmait avoir participé à de longues réunions avec des femmes autochtones de l'ensemble du pays pour trouver des réponses aux questions complexes qui s'inscrivent dans la problématique des biens immobiliers matrimoniaux. Selon l'AFAC, il faut que l'approche du gouvernement tienne compte des opinions de ces femmes autochtones et des solutions qu'elles proposent. Ce n'est pas le cas. J'espère que les députés m'écoutent. L'Association des femmes autochtones du Canada soutient que l'approche du gouvernement ne tient pas compte de l'avis des femmes autochtones. Le gouvernement a choisi de faire abstraction des éléments importants pour les femmes autochtones quand il a présenté ce projet de loi, rendant inutiles les consultations qui ont eu lieu au préalable.
J'espère que les députés ministériels ne font pas de remarques désobligeantes à l'endroit de l'Association des femmes autochtones du Canada et de l'Assemblée des Premières Nations. J'espère qu'ils tiennent compte de l'opinion des membres de ces organisations de longue date, de ces organisations réputées qui, aujourd'hui, nous disent qu'on n'a pas tenu compte de leurs préoccupations dans le cadre de ce projet de loi. C'est important. Cela revient à ce que le ministre lui-même disait hier, soit que les meilleurs projets de loi sont ceux qui traduisent les sentiments de ceux qu'ils touchent.
Si ce projet de loi ne fait pas cela, il faut le modifier. Nous ne pouvons l'adopter sous sa forme actuelle. Nous ne pouvons retenir la proposition du député de , qui affirme qu'il ne s'agit que d'une mesure provisoire et qu'il faudra y revenir après avoir tenu des consultations. Non. Nous devons régler le problème. Si nous l'envoyons au comité, nous devons le faire pour les bonnes raisons, à une fin concrète, et le gouvernement doit indiquer qu'il est disposé à accepter les amendements et à apporter les changements recommandés par les groupes.
De toute évidence, nous avons touché un point sensible. Les députés conservateurs commencent à chahuter. J'imagine que je les agace. Je l'espère du moins.
Il ne sert à rien d'aborder sans grande conviction une question de cette importance qui a été négligée pendant si longtemps. Il faut procéder de façon globale et écouter le point de vue des gens qui sont concernés. Ils nous disent que ce projet de loi permet encore au ministre d'invalider des lois autochtones concernant les intérêts matrimoniaux. Par surcroît, il ne tient pas compte du bien-être des enfants. Cette mesure législative qui constitue une priorité pour les femmes autochtones depuis 1985 accorde toutefois plus de valeur ou d'importance, autrement dit la priorité, aux droits individuels par rapport aux droits collectifs, élément vraiment primordial pour le traitement des questions concernant les collectivités autochtones dans les réserves.
Il faut renvoyer ce projet de loi et le réécrire entièrement. Si cela se fait au comité, tant mieux. Cela ne pose aucun problème. Cependant, on ne peut pas faire abstraction du contexte social et économique actuel.
Je sais que d'autres dans cette Chambre ont dit être au courant de tous ces problèmes, notamment en matière de logement, d'eau, de santé, de protection de l'enfance et de suicide, mais qu'on ne peut les aborder tous dans cette mesure législative. Je demande alors quand nous pourrons y voir. Quand l'actuel gouvernement se penchera-t-il sur la négligence dans les champs de compétence qui sont les siens, notamment la protection des enfants dans les réserves? Pourquoi n'agit-il pas alors que paraissent des rapports indépendants sur le suicide chez les adolescents dans les réserves, notamment celui du juge Guy au Manitoba? Pourquoi ne réagit-il pas alors que la vérificatrice générale a parlé à maintes reprises, la semaine dernière encore, de la situation des enfants et des adolescents autochtones dans les réserves?
Les preuves sont là. Il y a un lien entre le fait de négliger les gens, entre la valeur d'un individu et le droit à la propriété lorsqu'une famille est en crise ou qu'un mariage se brise. Il y a là des liens à faire.
Nous savons tous qu'il arrive que des mariages se brisent en raison de facteurs socio-économiques. Ne voulons-nous pas protéger et préserver la famille et l'institution du mariage? Ne voulons-nous pas accorder un accès égal à la propriété après la dissolution d'un mariage, ce qui signifie qu'il faut d'abord nous attaquer au problème du manque de ressources dans les réserves?
À quoi cela sert-il de diviser la propriété et d'affirmer qu'un des conjoints devrait quitter le foyer matrimonial et trouver une autre maison, qui n'existe tout simplement pas, dans la réserve? À quoi sert-il d'agir si nous ne parvenons pas à trouver un moyen de contrer la violence faite aux femmes, ce qui ne semble plus figurer au programme du gouvernement? Qu'en est-il des femmes disparues et enlevées au Canada? N'avons-nous rien appris en fin de semaine dernière lorsque des femmes ont participé à des marches dans des villes de tout le pays pour dénoncer l'absence de programmes pour retracer les femmes disparues et protéger les femmes prises dans des conflits familiaux?
À Winnipeg, des femmes ont participé à une marche à l'appel de gens comme Bev Jacobs, de l'Association des femmes autochtones du Canada, de Gloria Enns, du centre pour les femmes de l'avenue Dufferin, de Kim Pate, directrice exécutive de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, et de Jackie Traverse, une artiste qui fait partie du mouvement en faveur de mesures pour retracer les femmes disparues. Où est le gouvernement dans tout cela? Comment réagit-il?
N'est-ce pas important pour la question des biens matrimoniaux et de la division des actifs? N'est-il pas important d'examiner la situation des femmes et des enfants?
Au moment où nous nous parlons, une campagne est organisée autour de tout le dossier de la violence en milieu familial dans les collectivités autochtones. Il s'agit d'une campagne de sensibilisation contre la violence en milieu familial. Elle découle de récentes constatations de la vérificatrice générale et de divers rapports qui montrent que le sous-financement des services est une question importante dans le dossier qui nous occupe aujourd'hui. Ces rapports parlent d'une discrimination contre les familles autochtones dont un pourcentage alarmant d'enfants sont appréhendés et placés dans des familles non autochtones un peu partout au Canada. Nous avons appris que presque tout l'argent que le gouvernement fédéral réserve aux services à l'enfance et à la famille est consacré au service de placement. Il ne reste que des miettes pour la prévention.
On ne peut pas simplement isoler une partie du problème et dire que nous allons y remédier sans même tenir compte de l'avis des personnes concernées.
Il y a deux choses dans le projet de loi que nous tenons à corriger à l'étape de l'étude en comité. D'une part, le projet de loi en tant que tel comporte des lacunes en ce qui a trait au partage du patrimoine familial dans les réserves. D'autre part, la démarche adoptée par le gouvernement pour remédier à la situation des Autochtones dans les réserves laisse à désirer.
Le gouvernement a failli à ses responsabilités constitutionnelles. Il a manqué à son devoir de régler les problèmes qui affligent les enfants et les adolescents dans les réserves. Il a manqué à son devoir de lutter contre la violence faite aux femmes dans les réserves. Il a manqué à son engagement de fournir des services de santé et des services sociaux convenables à toutes les personnes qui relèvent de sa compétence. Ce ne sont pas les exemples qui manquent à ce chapitre.
Monsieur le Président, comme vous le savez, j'ai essayé d'obtenir votre consentement pour la tenue d'un débat d'urgence sur la nécessité de protéger adéquatement les enfants autochtones dans les réserves. Cette idée découle du fait que les ressources financières allouées par le gouvernement provincial du Manitoba pour les enfants à l'extérieur des réserves dont les parents vivent de l'aide sociale sont beaucoup plus généreuses, adéquates et responsables que celles allouées par le gouvernement fédéral pour les enfants vivant dans les réserves, les enfants en difficulté dans les réserves, lesquelles relèvent du gouvernement fédéral.
Quand le gouvernement va-t-il assumer ses responsabilités et prendre au sérieux les besoins des Autochtones? C'est réellement la question de l'heure parce que des enfants sont en train de mourir. Des suicides surviennent chaque jour. Il suffit de penser à se qui se passe à Shamattawa, au Manitoba, pour se rendre compte que le nombre de suicides augmente quotidiennement.
Nous avons la possibilité de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les femmes, les enfants et les familles dans les réserves, de leur garantir le droit d'être traités comme des citoyens égaux de ce pays, d'être traités sur un pied d'égalité, dans le respect et la dignité.