HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 31 mars 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Conformément au paragraphe 108(2), notre étude sur la contribution du gouvernement fédérale à la réduction de la pauvreté au Canada se poursuivra aujourd'hui. Je remercie les témoins d'avoir pris le temps d'être ici en dépit de leurs horaires chargés.
Nous entendrons aujourd'hui Andrew Lynk, de la Société canadienne de pédiatrie, Jody Dallaire, de l'Association canadienne pour les services de garde à l'enfance, de même que Leilani Farha, de l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale. Je vous remercie à nouveau d'avoir pris le temps de comparaître devant nous.
Chacun de vous fera un exposé d'une dizaine de minutes. Nous commencerons avec vous, Mme Dallaire, puis nous suivrons avec les autres. Ensuite, nous aurons des séries de questions. Tout d'abord, les députés auront sept minutes pour la première série de questions, puis il y aura une deuxième série de cinq minutes. Les questions porteront sur des sujets qui ont piqué la curiosité des députés dans vos exposés ou sur des sujets qu'ils souhaitent approfondir.
Alors, allons-y. Madame Dallaire, vous commencerez. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé.
Merci. Je voulais préciser que nous présenterons un mémoire formel couvrant tous les aspects que j'aborderai aujourd'hui et qui contiendra quelques recommandations précises.
En commençant, je remercie le comité de nous avoir invités à participer à l'étude du rôle du gouvernement fédéral dans la réduction de la pauvreté au Canada. Je représente une organisation appelée l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, l'ACPSGE. Notre association recommande que le gouvernement assume un rôle de premier plan dans la mise en place d'un système de garderies pancanadien, universel et de haute qualité. Un tel système aura de multiples avantages sociaux et économiques pour les enfants, les familles et l'économie dont le premier sera la réduction de la pauvreté.
L'amélioration des services de garde des enfants réduira la pauvreté en faisant augmenter le revenu des familles de trois manières importantes. En améliorant la disponibilité des services de garde, nous aidons les parents à demeurer dans la population active. En soi, la participation au marché du travail est essentielle à une stratégie efficace de réduction de la pauvreté quoique, comme d'autres l'ont fait remarquer, cela n'est pas une garantie. En rendant les garderies plus abordables, nous réduisons les frais pour les parents et abaissons les coûts associés au maintien dans la population active. En améliorant la qualité des garderies, nous soutenons un développement sain des enfants. À long terme, cela conduit à de meilleurs résultats scolaires et à des emplois bien rémunérés.
Nous reconnaissons d'entrée de jeu que les services de garde des enfants ne constituent qu'un des éléments essentiels à une stratégie de réduction de la pauvreté. L'ACPSGE appuie les recommandations de nos organisations partenaires comme Campagne 2000 et d'autres, qui demandent que le gouvernement fédéral joue un rôle dans l'élaboration d'un ensemble de politiques complémentaires qui feraient augmenter le revenu des familles et favoriseraient l'atteinte du bien-être.
Étant donné les objectifs de notre organisation, mon exposé portera expressément sur le rôle des garderies dans une stratégie de réduction de la pauvreté. Je m'appuie sur ce que nous avons appris des parents, du personnel des garderies, de collectivités de tout le Canada et de travaux de recherche internationaux.
Nous faisons valoir quatre arguments: l'approche parentale des services de garde à l'extérieur du Québec ne fonctionne pas; l'accès universel à des services de qualité est essentiel; le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de premier plan; et la reddition de comptes est la clé.
Pour ce qui est du premier point, soit que l'approche canadienne ne fonctionne pas, je dirai qu'à l'extérieur du Québec, seulement 12 p. 100 des enfants de moins de 12 ans ont accès à des garderies réglementées. Les frais exigés des parents sont parmi les plus élevés dans le monde développé et dépassent souvent les droits de scolarité annuels dans une université. En outre, la qualité des services est minée par les bas salaires et le piètre taux de rétention des éducateurs de la petite enfance ayant une formation collégiale.
Pourquoi les choses se passent-elles ainsi? Le Canada s'en remet au marché pour la mise en place de garderies. Des groupes communautaires et des entrepreneurs aménagent et offrent les services selon leurs propres priorités, la participation du gouvernement se limitant à subventionner les parents à faible revenu et le personnel mal payé. Cependant, 30 ans d'expérience d'un tel système confirme que le marché n'a pas réussi à fournir des services de qualité, abordables et accessibles aux enfants, aux familles et aux collectivités.
La crise des services de garde au Canada, à l'extérieur du Québec, a été confirmée par une série d'études internationales. En 2006, l'OCDE rapportait que le Canada avait le taux d'accès à l'éducation préscolaire et aux garderies le plus bas de 20 pays développés et consacrait à ces services le moins de fonds publics parmi les 14 pays faisant rapport sur la question. En décembre 2008, le centre de recherche de l'UNICEF a publié le Bilan Innocenti 8, intitulé La transition en cours dans la garde et l’éducation de l’enfant, où étaient comparées une série de politiques familiales, y compris les politiques sur la garde des enfants de 25 pays riches. Encore là, le Canada se situait au dernier rang.
Il est assez honteux que le Canada n'ait atteint qu'un seul des dix points de référence établis sur la base des engagements que le Canada et la plupart des autres pays ont pris en faveur du maintien des droits de nos jeunes citoyens. Le Canada n'atteint pas les points de repère les plus fondamentaux puisqu'il n'a pas de plan national accordant la priorité aux enfants défavorisés. Le Canada ne fournit pas suffisamment d'espaces dans les services d'éducation préscolaire et les garderies, il ne s'impose pas de normes de qualité minimales et il n'investit pas 1 p. 100 de son PIB dans les services à la petite enfance. Le Canada n'offre pas non plus des services sanitaires de base de portée quasi universelle pour les enfants. Devant de telles lacunes dans la politique, on ne s'étonnera pas que le Canada n'abaisse pas son taux de pauvreté à moins de 10 p. 100.
Le Bilan Innocenti 8 de l'UNICEF vient s'ajouter aux éléments de preuve montrant que les pays qui mettent en place un réseau de garderies universel de qualité sont plus susceptibles d'avoir un taux de pauvreté des familles moindre. Alors que beaucoup de pays européens et nordiques offrent des exemples qui méritent d'être pris en compte, les résultats obtenus au Québec méritent aussi d'être examinés. Depuis l'introduction de sa politique familiale en 1997, dont les garderies constituent l'élément clé, le taux de pauvreté chez les enfants et les familles a diminué au Québec et la participation des femmes au marché du travail ainsi que leur salaire ont augmenté de façon marquée.
La qualité est essentielle parce que de bonnes garderies ont des avantages pour tous les enfants et des avantages additionnels pour les enfants vulnérables tandis que des garderies de piètre qualité peuvent causer du tort. Les avantages de garderies de qualité ont été si bien démontrés par des données scientifiques que nier ces avantages n'aurait aucune crédibilité. Ce serait comme dire que la terre est plate.
Au Canada, les services de garde sont en crise et cette crise a été nourrie par les compressions dans les ententes bilatérales signées avec les gouvernements des provinces et des territoires. L'amélioration des services de garde en vertu de ces ententes se faisait extrêmement lentement, mais il est évident que le leadership fédéral était utile. En raison des compressions dans les paiements de transfert aux provinces pour le financement des garderies, la Colombie-Britannique a réduit son financement de fonctionnement des garderies tandis que l'Ontario risque aujourd'hui de perdre des milliers de places subventionnées et le Nouveau-Brunswick pourrait bien amputer ses programmes de garderies.
Le problème des accords sur les paiements de transfert pour les garderies qui ont été conclus en 2003 et en 2005 en vertu de l'Entente-cadre sur l'union sociale, c'est qu'ils ne nécessitaient pas et ne finançaient pas non plus la mise en place d'un système responsable financé par les pouvoirs publics. Cependant, remplacer les accords fédéraux-provinciaux par des paiements en liquide — la Prestation universelle pour la garde d'enfants — ne constitue pas la solution aux problèmes des garderies au Canada.
En 2007, le nombre de places réglementées n'a augmenté que de 3 p. 100 au Canada, soit la plus faible augmentation en une décennie. Étant donné les frais élevés exigés des parents et les problèmes permanents de recrutement et de maintien du personnel, il est clair qu'un programme de prestation universelle pour la garde des enfants qui n'a aucun compte à rendre ne permet pas de mettre en place la gamme des programmes de qualité abordables et disponibles dont les parents ont besoin pour demeurer sur le marché du travail.
La reddition de comptes sur les transferts fédéraux aux provinces et aux territoires au titre des services de garde des enfants préoccupe depuis longtemps l'ACPSGE et l'affirmation du gouvernement fédéral actuel qui prétend avoir triplé les dépenses au titre des services de garde des enfants suscite davantage de préoccupations. Si le gouvernement actuel dépense trois fois plus que le gouvernement précédent, les Canadiens ont raison de demander pourquoi le nombre de places disponibles dans des garderies de qualité n'a pas triplé.
Pourquoi, en effet, la crise dans les services de garde continue-t-elle de s'amplifier au Canada? La réponse c'est qu'il n'y a pas une seule partie des fonds versés par le gouvernement fédéral qui vise expressément à améliorer l'offre de services abordables et de qualité. Par conséquent, si on veut qu'il y ait des progrès dans le réseau de garderies au Canada et si on veut respecter nos obligations en matière de droits de la personne envers les enfants et les femmes, il faut exiger la reddition de comptes dans les transferts conditionnels aux provinces et aux territoires.
En terminant, puisque nous traversons la pire crise économique depuis la Grande Dépression et que des milliers de Canadiens perdent leur emploi, le gouvernement fédéral ne saurait trouver meilleur moment pour s'affirmer dans la lutte contre la pauvreté. Le ralentissement économique donne au Canada la possibilité de rattraper les pays comparables dans le soutien de l'employabilité des parents et d'éviter un des pires pièges à pauvreté, soit le manque de garderies accessibles et abordables. Un investissement fédéral dans les garderies aurait un double avantage. Cela permettrait aux parents de travailler et d'améliorer leurs compétences tout en aidant les enfants à risque en raison de la situation socioéconomique de leur famille.
Nous avons quatre recommandations à proposer :
Nous recommandons que le gouvernement fédéral joue un rôle déterminant en adoptant une stratégie de réduction de la pauvreté dont les garderies constitueraient un volet majeur.
En deuxième lieu, nous recommandons que le gouvernement fédéral utilise son pouvoir de dépenser pour créer, par voie législative, un cadre de politique sur l'éducation préscolaire et les garderies prévoyant la mise en place de services de qualité, sans but lucratif ou publics, universels et abordables. Ce cadre devrait préciser à quelles conditions les gouvernements provinciaux et territoriaux pourraient obtenir des fonds tout en reconnaissant que le Québec a déjà les bases d'un programme de garderies et devrait recevoir les fonds inconditionnellement.
Notre troisième recommandation est de fournir un financement suffisant et conditionnel aux provinces et territoires, assorti de règles de reddition de comptes.
Merci.
Deux éléments des transferts devraient être un financement des frais d'administration et une offre publique sans but lucratif des services.
Merci beaucoup pour cet exposé, qui tombait pile pour ce qui est du financement et respectait rigoureusement le délai accordé, Mme Dallaire.
Nous entendrons maintenant Mme Farha. Vous avez dix minutes vous aussi.
Merci. L'Alliance féministe pour l'action internationale, l'AFAI, est heureuse d'avoir la possibilité de présenter sa position au comité.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissez pas l'AFAI, je précise qu'il s'agit d'une coalition de plus de 75 organisations féminines canadiennes travaillant pour instaurer l'égalité et ayant d'autres buts connexes. Nous voulions participer aux travaux du comité parce que la pauvreté frappe les femmes de manière disproportionnée, surtout certains groupes, et parce que la crise économique actuelle nous fait anticiper une aggravation continue de la pauvreté chez les femmes.
Ce matin, nous nous concentrerons sur trois éléments: premièrement, le gouvernement du Canada a l'obligation juridique de lutter contre la pauvreté; deuxièmement, le gouvernement fédéral est responsable des domaines voulus et a les ressources nécessaires pour lutter contre le pauvreté; troisièmement, toute mesure adoptée pour lutter contre le pauvreté doit viser clairement la pauvreté des femmes, les causes et les conséquences distinctes de cette pauvreté et doit reposer sur des principes de droits de la personne.
Je commence par le premier élément. Le gouvernement du Canada a l'obligation juridique de lutter contre la pauvreté. Cette obligation découle des traités internationaux sur les droits de la personne que le Canada a signés ou ratifiés, y compris le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la CEDAW.
Le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels garantit à tous le droit à un niveau de vie suffisant, y compris à une nourriture et à un logement suffisants. À cet égard, en 2006, le comité des Nations Unies chargé de vérifier si le Canada respectait le pacte a exprimé sa préoccupation devant le nombre de personnes vivant dans la pauvreté au Canada et devant le fait que les taux de pauvreté demeurent très élevés, particulièrement chez les femmes à faible revenu et les mères célibataires.
En 2008, lorsque le comité responsable de la CEDAW s'est penché sur la situation au Canada, il a exprimé les mêmes préoccupations, soit que la pauvreté est très répandue dans certains groupes de femmes, notamment les femmes autochtones, les femmes de groupes minoritaires et les mères célibataires. Le comité a ensuite lié la pauvreté à quatre situations précises: premièrement, le manque de places dans des garderies de qualité et abordables; deuxièmement, l'absence d'une stratégie nationale du logement et le manque de logements décents; troisièmement, la réduction des taux d'aide sociale et l'insuffisance de ces taux compte tenu du coût de la vie; et, quatrièmement, la violence contre les femmes.
Plus récemment, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, dans le cadre de l'Examen périodique universel, où les États évaluent les États, a exprimé des préoccupations devant le taux élevé de pauvreté et d'itinérance dans un pays riche comme le Canada. Plusieurs recommandations très concrètes sur la manière dont le gouvernement du Canada pourrait s'attaquer à la pauvreté ont émané du système des droits de l'homme des Nations Unies. Par exemple, on a exhorté à plusieurs reprises le gouvernement du Canada à élaborer une stratégie nationale sur l'élimination de la pauvreté, à fixer un seuil national de pauvreté, à intégrer les droits économiques et sociaux dans les stratégies de réduction de la pauvreté, à établir des normes minimales de financement des programmes d'aide sociale applicables aux paliers fédéral, provincial et territorial et à établir un mécanisme de surveillance de la reddition de comptes visant les stratégies et programmes pour s'assurer qu'ils sont efficaces auprès des femmes.
Je passe maintenant au deuxième élément: le gouvernement est responsable des domaines nécessaires et a les ressources voulues pour lutter contre le pauvreté. En vertu des lois internationales sur les droits de la personne et des obligations imposées au Canada par les traités, le gouvernement fédéral est, en dernier ressort, le premier responsable de la lutte contre le pauvreté en dépit de la structure fédérale du Canada. Les organismes de surveillance des traités ont été très clairs sur ce point.
Le gouvernement actuel rejette souvent cette obligation en invoquant les domaines de compétence; en d'autres mots, il soutient que les provinces sont clairement responsables des prestations d'aide sociale et économique et que ce n'est donc pas sa responsabilité. Cette position est contraire aux lois internationales sur les droits de la personne et ne tient pas compte non plus du pouvoir de dépenser du gouvernement du Canada. Ce pouvoir de dépenser permet au Parlement — et je suis sûre que vous le savez tous — de dépenser des fonds qu'il a le pouvoir constitutionnel de recueillir et de gérer dans des domaines où il n'a pas le pouvoir de légiférer ou dont il n'est pas responsable. En d'autres mots, le gouvernement du Canada peut utiliser son pouvoir de dépenser pour soutenir une stratégie nationale de lutte contre le pauvreté.
Afin de s'assurer du caractère national de toute norme ou stratégie, le gouvernement du Canada peut évidemment rattacher des conditions au versement de fonds aux provinces et territoires. Cela a déjà été fait, par exemple le transfert de fonds pour le soutien du revenu dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada prévoit des prestations de soutien du droit au revenu fondées sur les besoins, sans égard à la province de résidence.
J'arrive au troisième élément, soit que toute mesure de lutte contre la pauvreté doit clairement mettre l'accent sur la pauvreté des femmes et respecter les droits de la personne. Le Canada est un des pays les plus riches du monde, mais pourtant, même lorsque le taux de pauvreté chez les femmes est à son plus bas, une femme sur huit vit sous le seuil de la pauvreté. En outre, des taux de pauvreté élevés frappent des groupes particuliers de femmes.
Les statistiques sont incontestées et je n'ai pas l'intention de toutes les passer en revue ici. Le plan de l'Ontario, celui du Québec et celui de Terre-Neuve-et-Labrador confirment que les statistiques révèlent une sombre situation. Lorsque vous voyez que 57 p. 100 des femmes canadiennes d'ascendance africaine sont pauvres, vous comprenez qu'il s'agit d'une situation qui préoccupe énormément les femmes.
Nous pensons qu'une stratégie nationale de lutte contre le pauvreté fondée sur un cadre de droits sociaux et de droits de la personne peut atténuer les causes systémiques de la pauvreté et devrait comporter des lignes directrices sur l'évaluation pour s'assurer que la stratégie correspond aux besoins de ceux qu'elle est destinée à aider.
Par exemple, une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté fondée sur les droits de la personne ou les droits sociaux devrait être évaluable à la lumière des critères suivants: Est-ce que la stratégie tient compte de la situation précaire des personnes ou groupes défavorisés et marginalisés, comme les femmes? Est-ce que la stratégie est complète, cohérente et coordonnée? Par exemple, est-ce que la stratégie porte sur les principales causes de la pauvreté chez les femmes, comme la violence, le manque de logements décents, des taux d'aide sociale insuffisants et le manque de bonnes garderies abordables? La stratégie est-elle libre de toute discrimination? La priorité y est-elle accordée aux cas graves ou aux cas à risque?
Un cadre de droits de la personne donne d'autre points de repère dont je pourrai parler s'il y a des questions sur le sujet.
Une stratégie de lutte contre la pauvreté fondée sur les droits de la personne pourrait comporter un mécanisme pour aider à présenter les demandes de prestations auxquelles les individus ont droit, permettant à ceux qui vivent dans la pauvreté de sentir qu'ils ont un certain droit à un niveau de vie suffisant. Cela permettrait aux parlementaires de rester en contact avec les gens dont la dignité est en jeu. Cela permettrait de remodeler constamment la stratégie pour qu'elle inclut tous les groupes et tous les individus laissés pour compte ou négligés. Cela permettrait une interprétation du droit aux prestations qui tiendrait compte de la situation réelle des femmes.
L'AFAI veut présenter des recommandations au comité au sujet du rôle du gouvernement fédéral dans la lutte contre la pauvreté.
Tout d'abord, conformément aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, le gouvernement du Canada doit faire preuve de leadership sur la question de la lutte à la pauvreté en utilisant son pouvoir de dépenser et en adoptant une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté mettant l'accent sur les individus les plus pauvres, soit les femmes et tout particulièrement certains groupes de femmes.
Une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté doit être assortie de conditions assurant son respect par les provinces et les territoires à l'exception du Québec. Une telle stratégie doit reposer sur un cadre de droits sociaux. Elle doit comporter des initiatives ou être directement reliée à des initiatives s'attaquant aux causes premières de la pauvreté des femmes, comme la violence, les problèmes de logement, le taux insuffisant des prestations d'aide sociale et le manque de garderies accessibles et abordables. La stratégie doit corriger les iniquités systémiques qui plongent les femmes dans la pauvreté.
L'AFAI croit que c'est le bon moment d'agir. Des plans provinciaux et territoriaux surgissent un peu partout au pays. Nous sommes au coeur d'une grave crise économique. La communauté internationale et le système des droits de la personne de l'ONU nous donnent des orientations.
Merci.
Je vous remercie, monsieur le Président et membres du comité, de nous accueillir ici aujourd'hui. Je m'appelle Andrew Lynk. Je préside le comité d'action de la Société canadienne de pédiatrie et je suis pédiatre au Cap-Breton. Le Cap-Breton était plutôt enneigé aujourd'hui, mais j'ai quand même réussi à partir.
Notre association représente 2 000 pédiatres de tout le Canada. Tous les deux ans, nous produisons un rapport annuel sur les indicateurs de la santé et du bien-être des enfants où nous comparons l'action des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral. Cette année, soit 2009, nous aborderons dans ce rapport les mesures gouvernementales de lutte contre la pauvreté des enfants.
Je commencerai par une déclaration tirée d'un rapport de l'UNICEF de 2006 sur les enfants vivant dans la pauvreté dans des pays riches. Il s'agit d'une situation que, d'après moi, tous les pédiatres prennent à coeur. Voici: « Le niveau réel d’un pays se mesure à l’attention qu’il accorde à ses enfants, à leur santé et à leur sécurité, à leur situation matérielle, à leur éducation et à leur socialisation, ainsi qu’à leur sentiment d’être aimés, appréciés et intégrés dans les familles et les sociétés au sein desquelles ils sont nés. »
J'ai pratiqué la médecine au centre-ville de Vancouver, où je m'occupais des habitants du quartier Eastside, dont les médias ont récemment fait ressortir l'épouvantable convergence de pauvreté, de toxicomanies et de maladies mentales. J'ai travaillé dans des camps de réfugiés en Éthiopie pendant la famine du milieu des années 1980 et j'y ai constaté les effets extrêmes de la maladie, de la pauvreté et de la faim. J'ai travaillé dans de petites réserves du Nord de l'Ontario où j'ai vu la tuberculose se répandre, notamment chez les enfants et les bébés, en raison du surpeuplement des logements. J'ai travaillé auprès de familles de nouveaux immigrés dans le centre-ville de Toronto. Je travaille maintenant au Cap-Breton depuis 20 ans.
Je dois dire que si je devais choisir entre être un agriculteur éthiopien pauvre ou un habitant du quartier Eastside de Vancouver, je crois que j'opterais pour l'agriculture en Éthiopie. Vendredi dernier, avant de venir ici, j'ai vu une famille à mon cabinet. Le père est un peintre sans travail dont les deux enfants, des adolescents, ont des problèmes d'apprentissage. La famille n'avait qu'un pain et un pot de confiture pour tenir jusqu'à l'arrivée du prochain chèque, mercredi. Les parents se passeraient de manger. Le père avait une épouvantable maladie des dents et il se mettait des morceaux d'oignon dans les caries pour atténuer la douleur.
Nous, les pédiatres voyons tous les jours des gens dans cette situation dans les hôpitaux, les salles d'urgences et nos cabinets. Nous constatons les dommages à court comme à long terme. Nous voyons le potentiel perdu chez ces enfants et dans leurs familles. Il y a plus d'un million d'enfants vivant dans la pauvreté au Canada — et il y a aussi leurs familles. Je sais que tous les députés assis dans cette salle entendent raconter les mêmes choses que nous et voient les mêmes familles parce que ces gens s'adressent aussi à eux.
Je dirai que la pauvreté, et la pauvreté infantile en particulier, est plus qu'une question de justice sociale ou d'embarras politique. Nous pouvons aussi affirmer qu'il s'agit d'une question de santé publique.
La pauvreté se traduit par des problèmes de santé chez les enfants: prématurité accrue; insuffisance pondérale à la naissance et, comme conséquence, problèmes de développement à long terme; obésité plus fréquente parce que les enfants qui vivent dans la pauvreté consomment souvent des aliments peu coûteux à forte teneur calorique et peu nourrissants, de même que tous les problèmes associés à une obésité à long terme, tant pour eux que pour le système de santé. Nous constatons des taux accrus de blessures et de décès des suites de blessures; des grossesses chez les adolescentes; de la délinquance; des problèmes de vue et d'ouïe; de piètres résultats scolaires, des difficultés d'apprentissage et un bas niveau de scolarisation, c'est-à-dire des études secondaires au mieux, ainsi qu'une faible participation aux activités culturelles et récréatives. En d'autres mots, la pauvreté des enfants nuit au développement intellectuel et psychologique.
À la Société canadienne de pédiatrie, nous sommes inquiets de constater qu'au Canada, au cours des 15 années de prospérité économique qui ont précédé la présente récession, la pauvreté a augmenté et l'écart entre les riches et les pauvres s'est accru. Nous sommes très préoccupés et je partage les préoccupations des deux représentantes que nous avons entendues avant moi au sujet de ce qui arrivera à ces enfants et à leurs familles au cours de la récession actuelle.
Au Canada, un enfant sur six vit sous le seuil de la pauvreté. Un nouvel enfant canadien sur deux vit sous le seuil de la pauvreté. Un enfant sur deux qui vit avec une mère célibataire vit sous le seuil de la pauvreté. Un enfant handicapé sur quatre vit sous le seuil de la pauvreté. Un enfant autochtone sur quatre vivant dans une réserve et un sur trois hors réserve vivent sous le seuil de la pauvreté. Cela représente beaucoup d'enfants, beaucoup de préjudices potentiels et beaucoup d'avantages à long terme et de contributions perdues pour notre société et pour les personnes elles-mêmes.
À la Société canadienne de pédiatrie, nous croyons que le taux d'enfants vivant dans la pauvreté et le taux de pauvreté en général devraient revêtir la même importance sur le plan politique que les taux d'intérêt, l'emploi, l'inflation et les délais d'attente dans le service de santé pour les adultes. Nous ne sommes pas des experts du seuil de faible revenu avant ou après imposition. Nous ne sommes pas des experts des mesures de la pauvreté fondées sur un panier de consommation ni du calcul des avantages fiscaux, ni des pièges de l'aide sociale ou des transferts entre le gouvernement fédéral et les provinces. Cependant, nous sommes des experts de la santé et du bien-être des enfants et nous sommes des experts de l'élaboration de mesures d'intervention efficaces. C'est ce que nous faisons pour vivre.
Nous savons que la motion adoptée par les parlementaires en 1989 où ils s'engageaient à mettre fin à la pauvreté des enfants avant l'an 2000 était irréaliste et, dans le pire des cas, constituait un discours politique creux. Nous ne devrions pas répéter cela ici. Il y a des millions d'enfants sans voix qui espèrent que l'on fera quelque chose pour eux, mais comme je l'ai déjà dit, les choses ont empiré. Plus tôt, quelqu'un a aussi fait allusion à la Convention des Nations Unies de 1999 relative aux droits de l'enfant, que le Canada a signée, et qui demandait que tous les enfants aient un niveau de vie suffisant.
Peu importe les mesures que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux décideront d'adopter, ils doivent y inclure le soutien du revenu, le logement abordable, l'éducation et la formation pour les parents, des soins en santé mentale accessibles, des garderies accessibles et de qualité, des programmes d'éducation préscolaire ainsi que des activités récréatives et culturelles.
Je voudrais utiliser un modèle différent, un exemple tirée de la pratique en pédiatrie, si vous voulez. Je m'intéresse aux cancers chez les enfants. Dans les années 1960, un enfant ayant la leucémie mourait à coup sûr. L'enfant atteint de leucémie ne vivait que quelques mois. Un groupe de pédiatres dévoués est allé chercher des ressources et a adopté des objectifs et des délais, puis a mis à l'essai des médicaments produits avec une technologie rudimentaire. Le groupe a obtenu un taux de survie d'environ 10 p. 100. Il a fait de nouveaux essais en modifiant un peu les choses et a obtenu un taux de survie de 15 p. 100, puis de 20 p. 100. Maintenant, ce taux dépasse les 92 p. 100.
Cette réussite s'explique parce que ces pédiatres s'étaient fixé des objectifs et des délais, parce qu'ils ont étudié le problème, qu'ils ont réfléchi et qu'ils tenaient à obtenir des résultats. Nous pourrions faire la même chose au sujet de la pauvreté chez les enfants.
Selon le rapport de l'UNICEF sur la pauvreté des enfants paru en 2000, le Canada se classait 12e sur 21 pays riches après une évaluation de la pauvreté et du bien-être des enfants. Comme d'habitude, nous sommes loin derrières les pays scandinaves qui ont un niveau de richesse comparable à celui du Canada. Cela nous invite certainement à faire mieux.
L'Irlande et le Royaume-Uni ont des stratégies de réduction de la pauvreté qui ont donné des résultats en dépit de légers obstacles. J'ai cru comprendre que le Québec avait adopté un plan avec des objectifs, des délais et des ressources en 2004, que Terre-Neuve-et-Labrador avait fait de même en 2006 et l'Ontario l'avait fait cette année. On ne se contente plus des discours creux.
On pourrait dire que la pauvreté des enfants est un cancer pour le corps politique canadien. Comme on l'a vu, on ne peut pas améliorer le taux de guérison du cancer chez les enfants sans plan.
Nous demandons quatre choses au gouvernement fédéral. Nous nous en tenons à quatre aujourd'hui, mais il pourrait y en avoir davantage. Nous vous fournirons un rapport écrit en français et en anglais. Nous étions en train de le rédiger lorsque nous avons été convoqués par le comité. Ce rapport sera prêt dans quelques mois. Nous le communiquerons au comité.
Nous demandons donc quatre choses. Nous demandons au gouvernement fédéral d'insister, peut-être en en faisant une condition des transferts en liquide — et j'ignore si vous pouvez faire cela ou pas, vous êtes les experts — pour que les provinces et les territoires adoptent des stratégies de lutte contre la pauvreté comportant des objectifs et des délais ainsi que des ressources en vue d'atteindre l'objectif de l'UNICEF, qui est un taux de pauvreté inférieur à 10 p. 100 d'ici 10 ans. Il faudrait également présenter des rapports de situation réguliers aux Canadiens.
Deuxièmement, nous demandons au gouvernement fédéral de faciliter le partage des résultats des stratégies et des interventions résultant de travaux de recherche en politique sociale qui portent sur la recherche des faits et les meilleures pratiques.
Troisièmement, nous demandons que le gouvernement et l'Assemblée des Premières nations soient tenus conjointement responsables du déplorable niveau de pauvreté dans lequel vivent les enfants des premières nations. Il nous faut des programmes de lutte contre ce type de pauvreté disposant de ressources et comportant des objectifs et des délais.
Finalement, nous affirmons, comme Mme Dallaire, que nous avons entendue tout à l'heure, que des garderies de qualité améliorent le processus cognitif et le comportement des enfants défavorisés. Nous savons que les services de garde des enfants peuvent coûter cher, ce qui constitue un obstacle à l'emploi pour les mères célibataires ainsi que pour les mères et les familles à faible revenu. Dans son rapport de 2008, l'administrateur en chef de la santé publique au Canada déclarait que chaque dollar investi au cours des premières années de vie permet plus tard d'économiser entre 3 et 9 $ en dépenses dans le système de santé, le système de justice pénale et le système d'aide sociale. Le gouvernement fédéral doit inclure la mise en place de garderies abordables, accessibles et de haute qualité ainsi que des services d'éducation préscolaire dans toute stratégie efficace de réduction de la pauvreté.
Au nom des 2 000 pédiatres du Canada et des enfants, des familles et des jeunes que nous servons, nous sommes très heureux d'avoir eu la possibilité de nous présenter devant vous aujourd'hui. Merci beaucoup.
Merci, M. Lynk, pour cet exposé.
Question d'organisation, je précise que quelques questions seront posées en français. Je ne pense pas que Mme Minna posera des questions en français pendant cette première ronde, mais il y aura certainement du français au cours de la deuxième ronde. Il y aura de l'interprétation en anglais sur le canal un ou deux.
La première ronde de questions sera de sept minutes. Nous commencerons avec Mme Minna.
Vous avez la parole.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous.
Je dois préciser que tout ce que vous avez dit a déjà été entendu à maintes reprises. Je ne dis pas cela pour rabaisser vos exposés. Je le dis pour nous secouer un peu. Où allons-nous? Nous sommes maintenant en 2009.
Je me sens tenue de faire cette mise au point parce que je vous écoute tous les trois — et j'en ai déjà rencontré certains auparavant — et je suis extrêmement irritée, car je me dis que je sais déjà tout cela. Nous le savons tous déjà. Je ne veux pas dire que je ne veux plus l'entendre à nouveau parce que c'est bien de l'entendre répéter. Je veux simplement dire que le message que nous devrions nous donner à nous-mêmes, c'est que nous devrions vraiment nous mettre à la tâche.
J'ai une ou deux questions à poser. Votre dernière observation, M. Lynk, qui avait aussi été faite plus tôt par Jody Dallaire, portait sur l'aspect cognitif et les mesures d'aide.
Je présume, Mme Dallaire, que, lorsque vous parlez de garderies, vous parlez d'éducation préscolaire et de garde des enfants et pas uniquement de garderies. Je présume que vous parlez de garderies de qualité et accessibles et également du développement cognitif. Cela fait une grande différence.
Je voudrais que nous abordions certaines choses sérieuses. Nous avons maintenant ce que l'on appelle la Prestation universelle pour la garde d'enfants de 1 200 $. Est-ce efficace? Je pense qu'il nous faut des réponses claires au sujet de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Est-ce que cette prestation est efficace? Je n'appelle pas cela un programme de garde des enfants, mais c'est le nom officiel qu'on lui donne en ce moment.
Comme je l'ai précisé dans mon exposé, cette prestation ne fonctionne pas. Au cours de la dernière décennie, nous avons connu des taux de croissance des programmes d'éducation préscolaire et de garderie parmi les plus bas. Cette prestation n'a pas pour but précis de créer des places en garderie et il appartient aux parents de mettre leur argent en commun pour créer des programmes. Cette prestation ne créera pas les places qui manquent dans les collectivités.
Lorsque nous avons reçu le Caledon Institute et d'autres témoins également, la discussion a notamment porté sur le regroupement des fonds que nous consacrons actuellement au crédit d'impôt pour enfants, au crédit d'impôt pour la garde d'enfants et à différentes mesures disparates afin de les consacrer à la mise en place d'un programme national solide pour l'éducation préscolaire et la garde des enfants et au soutien du revenu. Est-ce une idée dont vous appuieriez l'examen? Je voulais simplement vous demander à tous deux si, de votre point de vue, vous seriez favorables à l'utilisation des fonds pour financer directement un programme national de garderies plutôt que de les consacrer à des crédits d'impôt?
Je pose cette question, puis j'aborderai la question de la pauvreté.
Je présume que le crédit d'impôt pour enfants revêt deux aspects. Ce crédit vise un objectif précis, qui est d'assurer un revenu suffisant aux familles, ce qui est important. Cependant, pour ce qui est de l'éducation préscolaire et de la garde des enfants, notre organisation affirme depuis 25 ans qu'à moins de transformer radicalement...
Je m'excuse de vous interrompre, mais je ne parle pas des 1 200 $. Je parle du crédit d'impôt pour la garde d'enfants.
Je comprends. Ce que j'essaie de dire, c'est que, en tant que société, nous devons décider si nous voulons assurer également un revenu suffisant. Je sais que d'autres organisations demandent que nous poursuivions...
Oui, c'est exact, mais pour ce qui est de la garde des enfants, à moins de changer radicalement notre façon de faire les choses afin d'accorder des subventions de fonctionnement directement aux programmes...
Donc, vous affirmez que nous devrions avoir un programme national plutôt qu'un système de crédits d'impôt et que nous devrions financer directement...
Évidemment. Pour moi, cela tombe sous le sens. Je le comprends parfaitement.
Monsieur Lynk, voulez-vous ajouter quelque chose?
Je suis d'accord avec vous là-dessus.
Il y a deux questions ici. Tout d'abord, nous n'avons pas suffisamment de places, particulièrement si nous voulons sortir les familles et les mères à faible revenu de la pauvreté.
Deuxièmement, si vous voulez vraiment améliorer les résultats obtenus par les garderies et les programmes d'éducation préscolaire, c'est-à-dire améliorer le développement cognitif pour préparer les enfants à commencer l'école primaire, ou entrer en première année, et améliorer aussi le comportement et la capacité de socialisation, il faut adopter des normes. C'est là que doit intervenir le gouvernement fédéral. Il faut des services de garde de jour de qualité. On ne peut pas avoir 20 enfants, dont certains portent encore des couches, surveillés par une seule personne sous-payée qui est carrément dépassée par la tâche. Cela ne fonctionne pas. Il faut donc adopter des normes nationales et financer les services.
Si vous me permettez, je voudrais ajouter une dernière chose. L'ACPSGE a un modèle. On le trouve dans le document intitulé: Stratégie canadienne en matière de services de garde à l’enfance — Cadre d’action proposé. Nous y présentons une stratégie s'étalant sur 15 ans parce que l'on ne peut pas mettre en place un tel système du jour au lendemain.
Tout à fait. Je vous l'enverrai. On y explique un moyen de mettre en place sur 15 ans un programme national de garderies.
Pouvez-vous nous dire ce que vous avez pensé de la dernière entente nationale sur les garderies que nous avions conclue avec les provinces et qui a été annulée par la suite?
Je sais, madame Dallaire, que vous avez dit que vous vouliez que le programme soit uniquement sans but lucratif, mais, parfois, à l'issue de négociations, les choses ne sont pas comme nous l'aurions souhaité parce que ce n'est pas nous qui fournissons directement les services, mais les provinces. Pouvez-vous vous prononcer sur ce que l'on pourrait appeler la qualité de l'entente intervenue avec les provinces? Si nous décidons de créer un programme, autant s'inspirer de ce qui est efficace et pas de ce qui ne l'est pas.
Comme je l'ai déclaré au cours de mon exposé, les ententes ont changé des choses. Depuis l'annulation des ententes, nous avons constaté des compressions au niveau provincial avec la perte possible de places subventionnées en Ontario et une réduction des subventions directes aux programmes en Colombie-Britannique. Dans le dernier budget du Nouveau-Brunswick, le gouvernement provincial annonce qu'il réduira les subventions aux programmes de garderies en raison du manque de fonds.
Ce que nous réclamons va plus loin que ces ententes. Nous avons besoin d'imposer aux provinces des points de repère clairs et des délais qu'elles devront respecter sous peine de voir leurs fonds coupés. Nous devons utiliser le pouvoir fédéral de dépenser pour nous assurer que nous irons dans la direction que nous voulons parce que, sans cela, nous n'aboutirons à rien.
Je ne m'occupe pas du dossier des garderies. Je travaille pour une organisation féministe ayant des visées plus larges. Cependant, nous avons notamment constaté que ces ententes fédérales-provinciales sur les garderies ne prévoyaient pas toujours offrir les services aux femmes bénéficiaires de l'aide sociale alors qu'il est évident qu'elles ont vraiment besoin de garderies abordables. Pour nous, c'est un problème. Afin que ces femmes puissent se sortir de l'aide sociale et trouver des emplois rémunérés, il est essentiel qu'elles aient accès à des garderies.
Merci beaucoup. Nous respectons l'horaire. Je vous remercie.
C'est au tour de Mme Beaudin. Vous disposez de sept minutes.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à vous d'être ici aujourd'hui.
À quelques reprises, vous avez mentionné le modèle québécois. J'aimerais que vous me parliez de ses avantages au regard des services de garde et des programmes de lutte contre la pauvreté.
Les services de garde ont fait une réelle différence dans la vie des gens. Certaines données découlant du modèle québécois démontrent, entre autres, qu'il y a un retour incroyable sur l'investissement: les femmes se retrouvent de plus en plus sur le marché du travail et acceptent des postes comportant plus de responsabilités. Chaque année, chaque dollar investi par le gouvernement québécois produit des retombées économiques de 40 ¢.
On a constaté une réduction du niveau de la pauvreté au Québec résultant de l'implantation de la politique familiale, qui contient beaucoup plus de mesures que des services de garde. Le Canada aurait beaucoup à apprendre de ce modèle.
[Traduction]
Oui, madame Beaudin.
La Société canadienne de pédiatrie a examiné la documentation disponible sur la pauvreté au Canada. Le fait que le Québec soit la seule province à avoir vu son taux de pauvreté chez les enfants diminuer au cours de la récente période de prospérité économique, c'est-à-dire ces 10 à 15 dernières années, nous a beaucoup impressionnés. Il y a donc quelque chose qui fonctionne bien au Québec et cela mérite qu'on s'y attarde.
Merci.
[Français]
Vous insistez sur le fait que les services de garde permettent aux femmes d'aller sur le marché du travail. Y voyez-vous également un moyen pour que les tout-petits de 0 à 5 ans sortent du cycle de la pauvreté?
La recherche démontre clairement que lorsque ces enfants ont accès à des services d'apprentissage de qualité, ils sont mieux nantis socialement. La qualité est importante, car des services de piètre qualité peuvent entraver le développement des enfants. Sur le plan cognitif, ils arrivent à l'école prêts à apprendre, ce qui peut briser le cycle de la pauvreté de l'enfant. L'éducation commence dès la petite enfance. Il y a un retour incroyable sur l'investissement.
L'économiste Eckman a démontré que l'investissement dans la petite enfance entraîne des retombées incroyables.
Vous parlez beaucoup du pouvoir provincial de dépenser. Effectivement, plusieurs provinces ont déjà des programmes de lutte contre la pauvreté. Vous avez également parlé du logement social, entre autres, comme élément permettant à des familles de s'en sortir. On sait que le logement est une dépense importante pour une famille. Parlez-moi de la façon dont vous voyez la contribution du gouvernement fédéral dans ce domaine.
[Traduction]
Madame, je ne suis pas spécialiste des politiques sociales. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, si on donne de l'argent aux provinces pour le logement ou d'autres stratégies de réduction de la pauvreté, il faut leur demander de rendre compte de leurs dépenses et elles doivent se fixer des objectifs et des délais. Voilà une chose que le gouvernement fédéral peut faire, et il devrait le faire.
Nous savons que probablement 70 p. 100 des familles à faible revenu, du moins dans le Canada atlantique, vivent dans des logements inabordables. Elles paient trop cher pour se loger, ce qui influe directement sur l'insécurité alimentaire. À l'instar de la famille que je mentionne dans mon rapport, un grand nombre de familles se nourrissent de céréales les derniers jours du mois, en attendant leur chèque d'aide sociale. Le logement est donc un élément crucial du problème.
[Français]
[Traduction]
Je suis membre du comité directeur de l'ACFAI, mais je suis également la directrice exécutive d'un organisme voué à la défense des droits en matière de logement en Ontario et je dirige un réseau national sur le logement et les femmes. Je peux donc parler directement du bilan du gouvernement fédéral en ce qui a trait au logement.
Il est vrai que le Plan d'action économique, présenté récemment, prévoit des fonds pour le logement social. Il ne fait aucun doute que le logement social est un élément très important de la lutte contre la pauvreté. Toutefois, ce n'est pas seulement sous cet angle que le gouvernement fédéral devrait envisager la question du logement comme outil pour atténuer la pauvreté. À l'heure actuelle, à Toronto, les femmes bénéficiaires de l'aide sociale qui n'ont pas accès à un logement social doivent attendre de sept à neuf ans avant d'en obtenir un. Même si le gouvernement investit de l'argent neuf, ces femmes devront quand même attendre, car la construction de logements sociaux prend du temps. Le gouvernement fédéral n'a pas vraiment réussi à trouver d'autres moyens créatifs de faire en sorte que les femmes à faible revenu puissent accéder aux logements qui existent déjà.
Dans de nombreuses villes, grandes et petites, du Canada, il y a des logements inoccupés. Si on offrait aux personnes à faible revenu d'autres options pour accéder à ces logements, cela contribuerait à améliorer les choses. Je veux parler de suppléments au loyer ou encore d'allocations de logement transférables, qui viennent augmenter le revenu d'une personne et lui permettent de s'offrir un logement au prix en vigueur sur le marché. Ceux qui critiquent cette approche disent qu'on risque de remplir ainsi les poches des propriétaires. Cependant, aucune donnée empirique ne montre que les locateurs haussent les loyers en fonction des suppléments au loyer. Ce n'est jamais arrivé, pour quelque raison que ce soit. Je ne suis pas économiste, mais cela n'arrive pas.
Par ailleurs, les accords fédéraux-provinciaux actuels en matière de logement sont disparates. Certaines provinces tardent à dépenser les fonds. L'Ontario est un bon exemple.
Tout d'abord, il n'y a pas de stratégie nationale relative au logement. Les Nations Unies ont clairement fait ressortir que le Canada était le seul pays développé à ne pas disposer d'une stratégie nationale et qu'une telle stratégie contribuerait grandement à améliorer la situation, en particulier pour les gens à faible revenu. Il est évident, cependant, qu'un mécanisme de reddition de comptes est nécessaire pour vérifier où va l'argent, ce que les provinces et les territoires en font et qui en bénéficie.
Je vous remercie.
Merci. Nous sommes dans les temps.
Madame Chow, je vous souhaite la bienvenue. Vous disposez de sept minutes. Allez-y.
Je vous remercie. Je suis contente de vous rendre visite.
Nous savons que le plafond imposé en 1995 à l'égard du Régime d'assistance publique du Canada a amorcé le mouvement de descente en flèche à l'échelle du pays. Qu'on parle de l'annulation du programme national de l'habitation ou de la dégringolade des taux de prestations d'aide sociale, nul besoin que je m'attarde sur la détérioration qui s'est ensuivie.
C'est aussi durant cette période que nous avons assisté au début du financement global et à l'arrivée du Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Les subventions aux collèges et aux universités ont été réunies et réduites considérablement. Je me suis souvent dit que, si nous voulons assortir de conditions les divers transferts de fonds — qu'on parle de stratégie nationale en matière de logement, de stratégie de lutte contre la pauvreté, de garde d'enfants et d'éducation préscolaire —, il faudra recréer un plan. À titre d'exemple, appelons cela le plan de prospérité du Canada ou le plan anti-pauvreté du Canada. Peu importe le nom que nous lui donnons, il faudrait rétablir le genre de structure que nous avions il y a de nombreuses années quand le gouvernement fédéral a instauré les transferts sociaux. Il est question ici de filet de sécurité sociale.
Ce filet ayant pratiquement disparu, il n'y a aucune condition qui se rattache aux transferts. Il est presque impossible de discuter de ces questions, car il s'agit d'un transfert direct et le gouvernement fédéral n'a aucun rôle à jouer, sauf recevoir des rapports à l'occasion.
Est-ce l'orientation dont nous parlons? Le Québec fait exception; il n'a pas de problème avec le transfert global. Le Québec a une grande longueur d'avance dans les domaines du logement, de la garde des enfants et de l'éducation préscolaire, ainsi que de la lutte contre la pauvreté. Est-ce de cela que nous parlons?
Avons-nous un plan relativement au logement, à la garde des enfants, à la lutte contre la pauvreté, aux prestations pour enfants, au salaire minimum et aux taux de prestations d'aide sociale? Nous sommes-nous réunis pour définir un plan? Nous avons différents éléments ici et là, mais si nous ne les regroupons pas... Nous pouvons bien parler de programme national de l'habitation, de la nécessité de construire des logements abordables, d'allocations pour le logement et de suppléments au loyer. Nous savons ce que c'est. Maintenant, comment concrétiser tout cela?
Voilà la grande question. Quelqu'un aurait-il une observation à formuler?
Ce n'est pas une question facile, mais je vais essayer de répondre.
Dans mon exposé, j'ai mentionné l'examen périodique universel du Canada réalisé par les Nations Unies. Toutefois, avant cet examen par les Nations Unies, des groupes de défense des droits de la personne et d'autres organismes de service social du pays désireux de se pencher sur la situation des droits humains au Canada s'étaient mobilisés. Plus de 125 organisations de divers secteurs — logement, emploi, éducation, sécurité — ont participé à cinq rencontres. Une des idées récurrentes qui sont ressorties de ces rencontres, c'est que nous avons besoin de mécanismes d'application pour garantir tous les droits: les droits sociaux et économiques de même que les droits civils et politiques. Je pense que cela répond à votre question.
Les gens commencent à comprendre qu'il est essentiel que les différents secteurs et parties intéressées concertent leurs efforts pour concevoir, à l'intérieur d'un système fédéraliste compliqué, un mécanisme d'application qui permette la reddition de comptes à tous les intervenants et qui intègre tous ces domaines verticaux, notamment le logement, les garderies, la garde d'enfants.
C'est à cet égard que nous avons besoin du leadership du gouvernement fédéral. Je n'en ai pas encore vu la manifestation dans mon travail. Je n'ai pas encore entendu de représentants du gouvernement fédéral dire: « Nous allons utiliser tel mécanisme d'application, nous allons interagir de telle façon avec les provinces et les territoires et ceux qui ont des droits pourront s'en prévaloir de telle manière. » Je n'ai pas vu cela dans le paysage politique. Des gens s'agitent, mais je n'ai encore pas vu de leadership.
Nous avons effectué une étude au sujet de la reddition de comptes dans le cadre des accords sur les garderies qui avaient été signés antérieurement. Nous avons constaté que ces accords exigeaient que les provinces rendent des comptes à leurs citoyens, mais non au gouvernement fédéral. Les provinces étaient comptables à leur population.
Nous avons découvert des incohérences. Parfois, on établissait des points de référence sur lesquels on faisait rapport. Puis, l'année suivante, on produisait un rapport, mais il ne mettait pas en lumière les progrès réalisés dans le cadre des programmes et n'indiquait pas comment ceux-ci répondaient aux besoins des enfants. Ce dont nous avons besoin, ce sont des échéances et des objectifs précis. Comme point de référence, on peut déterminer le nombre de places en garderie dans une province à un moment donné. Puis, on se demande combien de places supplémentaires ont été créées pendant la première année. On évalue si le gouvernement provincial a imposé un plafond aux frais alors qu'il débloquait les fonds pour le programme. Nous avons besoin de points de référence et d'échéances au sujet desquels les gouvernements provinciaux rendraient des comptes au gouvernement fédéral. Idéalement, cette obligation redditionnelle serait enchâssée dans la loi.
Je voudrais faire valoir un point. Lorsqu'on verse des fonds aux provinces et aux territoires — c'est une chose que nous devons faire et je suis content que nous le fassions —, cet argent n'est pas toujours bien utilisé, même s'il est dépensé avec les meilleures intentions du monde. Je vais vous donner deux exemples.
D'abord, vous avez peut-être entendu parler du programme Bon départ, qui était censé aider les enfants et les familles pauvres. On demandait à des personnes ordinaires de rendre visite à ces familles. Aux États-Unis, au début du programme du moins, on a constaté que, à long terme, ces visites n'avaient aucune incidence sur la maturité scolaire, sur les taux de grossesse chez les adolescentes, sur les démêlés avec la justice, etc. Toutefois, lorsque c'était des infirmières de la santé publique qui rendaient visite aux familles à faible revenu pendant les quelques premières années pour offrir des conseils sur l'éducation des enfants, on a remarqué des effets positifs. Or, très peu de provinces — aucune en fait — ont adopté cette approche. Suivant le vieux modèle du programme Bon départ, elles dépensent de l'argent pour envoyer des personnes ordinaires chez les gens démunis. C'est une source de préoccupation s'il n'y a pas de reddition de comptes. Nous versons de l'argent pour aider les familles à faible revenu, mais sans objectif défini et sans évaluation des résultats, comment savoir si le programme fonctionne? Comment déterminer si des enfants cancéreux vont mieux si nous ne savons pas qui est encore en vie et qui est sur le point de mourir à la fin de l'année. C'est la même chose. Il n'y a aucune rigueur scientifique ni aucune reddition de comptes.
L'autre exemple nous a causé un peu de frustration. En Nouvelle-Écosse, auparavant, pour entrer à l'école primaire, il fallait être né avant le 1er septembre, mais cette date a été repoussée au 31 décembre. L'an dernier, le gouvernement provincial a voulu harmoniser son système avec le reste du pays. Il a dépensé de fortes sommes d'argent pour engager des enseignants supplémentaires. Une foule d'enfants de 4 ans immatures entrent à l'école. L'argent aurait été mieux dépensé si on l'avait investi dans des programmes préscolaires à l'intention des enfants de 4 et 5 ans dans les régions où il y a beaucoup de familles à faible revenu, où les écoles obtiennent de moins bons résultats et où les enfants n'arrivent pas à l'école bien préparés. Le gouvernement n'est pas tenu de rendre des comptes à ce sujet et personne ne vérifie si les enfants sont prêts à entrer à l'école et s'ils ont de meilleurs résultats que dans les autres provinces. La SCP a l'intention de demander des comptes à toutes les provinces pour s'assurer qu'elles investissent dans des mesures fondées sur des preuves et les meilleures pratiques.
Si le gouvernement fédéral peut assortir ces transferts d'une obligation redditionnelle, j'y suis favorable. Je sais que c'est compliqué, comme on l'a mentionné. Malheureusement, ce ne sont pas toutes les provinces et tous les territoires qui dépensent judicieusement.
Je vous remercie, monsieur Lynk et madame Chow.
Nous donnons la parole aux conservateurs. Monsieur Komarnicki, vous avez sept minutes.
Monsieur le président, je vais partager le temps qui m'est alloué avec M. Cannan.
J'ai quelques questions à poser. Je vais débuter avec Jody Dallaire.
Si je comprends bien, d'après ce qu'a dit Andrew au sujet des transferts fédéraux aux provinces, même si le Transfert canadien en matière de programmes sociaux augmente chaque année, vous souhaiteriez qu'il soit assorti de conditions. Je me trompe?
Vous souhaitez une hausse plus grande que celle que nous appliquons déjà.
Nous transférons annuellement 250 millions de dollars aux provinces et aux territoires, et ce, précisément pour des places en garderie. Vous convenez que c'est bien, mais vous voudriez un montant plus élevé et vous voudriez qu'il y ait des conditions. C'est exact?
Si j'avais à choisir entre une hausse du montant et l'application de conditions, je choisirais les conditions, car nous pourrions mesurer les résultats des investissements.
Si nous n'augmentions pas le transfert de 250 millions de dollars aux provinces et aux territoires, vous voudriez qu'il soit assorti de conditions.
Oui, j'aimerais qu'il y ait des conditions afin de déterminer la manière dont les fonds sont dépensés et d'évaluer si les investissements répondent aux objectifs et satisfont aux besoins des enfants dans les collectivités.
Je crois comprendre que, à votre avis, l'argent serait peut-être mieux dépensé si on l'affectait directement aux garderies.
Nous avons la Prestation nationale pour enfants qui est versée aux familles. Il s'agit d'un programme de 3,6 milliards de dollars. Nous avons aussi la Prestation fiscale canadienne pour enfants qui, combinée avec la prestation nationale pour enfants, totalise environ 9,4 milliards de dollars. Au titre de la Prestation fiscale canadienne pour enfants, une famille à faible revenu qui a deux enfants touche environ 6 431 $ par année. Vous n'êtes pas en train de dire qu'il vaudrait mieux que cet argent soit affecté aux garderies. Êtes-vous en train de dire que cet aspect fonctionne bien et que vous aimeriez que des sommes supplémentaires soient dépensées différemment?
Ensemble, la Prestation nationale pour enfants et la Prestation fiscale canadienne pour enfants totalisent environ 9,4 milliards de dollars. Une famille à faible revenu qui a deux enfants reçoit environ 6 431 $ par année. Êtes-vous en train de dire qu'on devrait réaffecter ces fonds à des places en garderie ou aux services de garde? Ou bien vous êtes satisfaite des mesures actuelles et vous souhaitez des investissements supplémentaires?
Je pense que nous parlons de deux choses différentes. Le soutien au revenu des familles est important. Nous reconnaissons son rôle dans une stratégie de réduction de la pauvreté.
Nous en reconnaissons l'importance. Nous devons nous assurer que l'argent se rend bien aux familles et nous devons évaluer si cela améliore les choses.
Toutefois, au chapitre de la garde des enfants et de l'éducation préscolaire, le Canada se classe au dernier rang dans des études internationales de l'OCDE et de l'UNICEF. Nous avons un grave retard à rattraper. Je pense qu'il est important d'allouer des fonds pour la garde d'enfants également, afin de rejoindre la communauté internationale et de répondre aux besoins de nos enfants.
Je vous remercie, chers collègues et monsieur le président.
Je remercie nos témoins.
La pauvreté est un sujet très important pour tous les Canadiens et pour chacun ici présent. C'est un problème non partisan qui frappe dans chaque circonscription, sans égard pour la race, la religion, le sexe ou l'âge. Nous pourrions tous raconter des histoires concernant autant des jeunes que des vieux...
Je représente une circonscription de l'intérieur de la Colombie-Britannique où vit un grand nombre de personnes âgées. La pauvreté est un problème grave. Dans notre budget, il y a le crédit en raison de l'âge et nous avons tenté de trouver des façons d'aider les gens à s'affranchir de l'aide sociale. M. Flaherty a reconduit la Prestation fiscale pour le revenu de travail.
J'aimerais apporter des précisions. J'ai oeuvré neuf ans au sein d'une administration locale et j'ai siégé à des comités de planification sociale. J'ai également travaillé avec la province de la Colombie-Britannique dans le cadre d'initiatives relatives au logement et à la garde d'enfants. Au niveau fédéral, il y a des restrictions. Il faut tenir compte de la Constitution et des points de vue divergents. Si nous décidions d'établir automatiquement une norme nationale, nous nous heurterions à des obstacles, dressés par nos amis du Québec et d'autres communautés. Il faut respecter la Constitution.
Notre gouvernement a rétabli un financement stable et prévisible pour les provinces. Comme mon collègue l'a mentionné, le Transfert canadien en matière de santé augmentera de 6 p. 100 par année jusqu'en 2014 et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux ainsi que notre financement pour les services de garde d'enfants croîtront de 3 p. 100, sans parler des ententes sur le logement conclues avec les provinces et les territoires. En Colombie-Britannique, il existe un accord d'environ 2,2 milliards de dollars sur 30 ans. Et nous poursuivons l'application de programmes.
Monsieur Lynk, j'ai aimé l'analogie que vous avez utilisée concernant le taux de survie à la leucémie, qu'on a porté à 92 p. 100, pour expliquer qu'il fallait fixer des objectifs. Il existe une initiative semblable du Club Rotary visant à éradiquer la polio à l'échelle mondiale. Notre gouvernement a investi en Afghanistan. C'est l'un des quatre pays du monde...
À votre avis, quelles mesures le gouvernement actuel a-t-il prises pour contribuer à réduire et à éradiquer, espérons-le, la pauvreté chez les enfants?
Ma réponse sera peut-être philosophique. Je ne suis pas un expert en recherche sur les politiques, comme certains témoins ici aujourd'hui. Toutefois, pensons, par exemple, à l'accent mis par le Parlement ces deux ou trois dernières années sur les délais d'attente dans le domaine de la santé — pour les traitements contre le cancer, pour le remplacement d'une hanche ou d'un genou, pour la visualisation diagnostique et pour la cataracte. J'oublie peut-être un élément ou deux, mais ce sont là les principaux. Nulle part on ne mentionne la santé mentale.
Tous les intervenants auprès des familles à faible revenu et même de celles à revenu élevé savent que les services en santé mentale, notamment pour les résidants des petites régions, sont rares et difficiles à obtenir. Cette lacune a des effets énormes. Je reçois des familles et des enfants à mon bureau. Il y a des cas où la mère est déprimée et ne peut pas fonctionner, l'enfant ne fonctionne pas bien à l'école et on n'arrive pas à envoyer la mère en consultation ou alors elle ne peut pas se payer les médicaments. Vous souhaitez savoir ce que le gouvernement fédéral peut faire. C'est ce genre de choses, j'imagine. Il faut mettre l'accent sur les domaines appropriés et évaluer les bons éléments.
Tous les baby boomers qui doivent se faire remplacer une hanche veulent que cela se fasse dans un délai d'un mois ou deux. Il y aurait peut-être lieu d'attendre un peu plus longtemps et d'axer nos efforts et notre argent sur des programmes plus importants qui donneront des résultats plus vastes.
Il s'agit donc d'un choix philosophique, si vous voulez mon avis. Les gens de la Société canadienne de pédiatrie sont préoccupés par le fait que la santé mentale des enfants et des adultes a été mise de côté dans le dossier des délais d'attente.
Je comprends. La santé mentale est primordiale. Le sénateur Kirby a déposé un rapport et le gouvernement souhaite que le sénateur trace la voie. Par ailleurs, la reddition de comptes est cruciale.
Je vous remercie beaucoup.
Je vous remercie, messieurs Cannan et Lynk.
Nous passons à la deuxième partie, c'est-à-dire cinq minutes de questions et réponses. La parole est à Mme Folco.
[Français]
Merci, monsieur le président.
À mon avis, vous avez bien répondu, madame Dallaire. J'aimerais rappeler aux membres du comité qu'il existe présentement un programme d'aide fiscale pour les enfants. Il y a également ce que l'on appelle la Prestation fiscale canadienne pour enfants.
[Traduction]
Il s'agit donc de la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Ce n'est pas la même chose. Elle ne fait pas partie de ce que nous appelons les programmes de garderie. Je tenais à le préciser.
J'aimerais revenir sur certains éléments de base...
[Français]
...en termes de principes fondamentaux par rapport à la pauvreté au Canada. Comme ma collègue Mme Minna l'a dit tout à l'heure, ce que nous avons entendu de votre part aujourd'hui n'est nouveau pour personne autour de cette table.
J'aimerais bien vous entendre répéter certaines choses à l'intention de certaines personnes et peut-être même de certains partis ici présents aujourd'hui. Par exemple, j'aimerais bien vous entendre au sujet des bénéfices qui ont été accordés aux familles par l'aide financière directe. Il s'agit des 6 000 $ dont M. Komarnicki a parlé tout à l'heure.
Selon vous, cela a-t-il apporté des bénéfices importants aux familles, en ce qui concerne la santé de ces familles et des enfants en particulier?
Il y a plus important encore, plus fondamental, et c'est ce qui concerne la responsabilité du gouvernement du Canada. Comment la voyez-vous? J'aimerais que vous alliez dans les détails. Je souhaite que cela soit inscrit au procès-verbal de nos réunions.
Comment voyez-vous la responsabilité fédérale en ce domaine? On sait que c'est partagé avec les provinces. Compte tenu du manque de temps, j'apprécierais que vous ne parliez pas de la part des provinces, mais que vous cibliez strictement les responsabilités du gouvernement fédéral.
Je vais répondre à la deuxième question en premier. La responsabilité du gouvernement fédéral est d'établir des critères nationaux. Que vise-t-on par exemple pour un système de service de garde à l'enfance?
Il s'agit de rédiger soit une loi, soit des critères, une politique nationale excluant évidemment le Québec qui a un programme provincial des services de garde à l'enfance. Les provinces peuvent accéder à ce financement si elles sont en mesure de répondre à ces critères et de faire annuellement des rapports au gouvernement fédéral. Cela permet la diversité dans la livraison des services.
Au Nouveau-Brunswick, il y a beaucoup de rattrapage à faire. Je suis du Nouveau-Brunswick.
Au début, on voudra peut-être investir afin de créer plus de places en garderie, tandis que d'autres provinces, où il y a plus de places, vont accentuer l'accessibilité. Ça permet quand même une flexibilité dans la manière dont les provinces vont s'attaquer au problème, mais il y a des critères de base qui doivent être remplis.
En ce qui concerne le financement lié directement aux familles, je peux parler plus précisément du programme offert aux familles: 100 $ par mois par enfant de moins de 6 ans. Des familles nous disent que ce programme est certainement apprécié. Une fois qu'elles ont payé les impôts, ça permet peut-être de payer les frais d'essence pour se rendre à la garderie, mais ça ne répond nullement à leur besoin de trouver une place en garderie lorsqu'il n'y en a pas de disponibles. Même quand elles en trouvent une, les frais de services de garde sont d'à peu près 12 000 $ par année. Ça ne se compare pas en termes de montants.
[Traduction]
Au risque de me répéter, j'aimerais respectueusement et humblement faire valoir un autre argument dont tous les députés ici présents devraient discuter avec leur chef au sein de leur caucus. J'ai regardé le dernier débat télévisé des chefs pendant la campagne électorale et je n'ai entendu aucun des quatre ou cinq chefs soulever la question de la pauvreté. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois avoir écouté très attentivement. Si le taux d'inflation ou les taux d'intérêt avaient avoisiné les 15 ou 17 p. 100, on en aurait parlé. Mais que le taux de pauvreté chez les enfants soit d'environ 17 p. 100, ça, on n'en discute pas. Je ne comprends pas. À mon sens, cette question mérite qu'on s'y attarde.
Il ne s'agit pas seulement d'un enjeu de justice sociale pour les gens qui sont désavantagés. Ce ne sera bénéfique pour personne dans la société, aujourd'hui et demain, si on n'aide pas les gens démunis à améliorer leur sort. Il est important de débattre de la question.
Merci.
Merci, monsieur Lynk.
Le temps est écoulé. Nous passons à la prochaine ronde de questions. Monsieur Vellacott, vous avez cinq minutes.
J'apprécie la discussion, comme tous ceux parmi nous qui ont travaillé avec des enfants au fil des ans. Certains ont des enfants et des petits-enfants. Andrew a parlé d'un enfant ayant des problèmes de santé occasionnellement; ce doit être difficile. J'aimerais obtenir quelques renseignements généraux, car je pense que faire part de nos expériences personnelles contribue à la discussion. Je vais donc poser des questions directes à Jody et Leilani.
Êtes-vous maman? Avez-vous une famille, des enfants?
Oui, j'ai deux fils. L'un d'eux a 14 ans. Il n'a plus besoin de services de garde. J'ai aussi un fils de 10 ans.
Ils vont donc à la garderie.
Pour ma part, j'ai des enfants et des petits-enfants.
J'ai écouté une partie des témoignages et j'aimerais que vous répondiez à la question suivante. Parfois, lorsque j'entends des témoins, notamment aujourd'hui, j'ai l'impression qu'on insinue — et je suis convaincu que ce n'est pas ce que nous voulons dire — qu'il faut absolument augmenter le nombre de femmes sur le marché du travail. Je pense que vous comprenez ce que je dis. J'ai l'impression qu'on considère comme relativement inférieures les femmes qui ne font pas partie de la population active, qui ne contribuent pas à augmenter la proportion de femmes qui travaillent, qui ne sont pas sur le marché du travail à un moment donné. Certaines femmes m'ont dit avoir cette impression.
Vous avez formulé des commentaires ici aujourd'hui. Je ne sais pas si vous avez voulu affirmer cela, mais je cherche à éclaircir cela avec vous.
Ma femme a été sur le marché du travail à certains moments et, à certaines périodes, elle ne travaillait pas. J'espère qu'elle ne s'est pas sentie dévalorisée ou diminuée lorsqu'elle ne pouvait pas travailler. J'ai une fille...
Une voix: Personne n'a dit cela.
D'accord. Je suggère fortement au député de ne pas faire d'observations personnelles aux témoins. Ceux-ci sont ici à titre professionnel et leur vie personnelle les regarde. Je pense qu'il faudrait retirer ces propos.
Pensez-vous qu'il soit acceptable pour une jeune mère de demeurer à la maison pour prendre soin de ses enfants et de faire de son mieux pendant cette période? Cela vous pose-t-il problème?
Absolument pas. Je n'y vois aucun problème.
La raison pour laquelle j'ai adhéré au mouvement faisant la promotion des services de garde en tant que présidente bénévole de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, c'est que le rôle des mères change à mesure que les enfants grandissent. C'est le cas de beaucoup de mamans que j'ai rencontrées.
Je connais personnellement de nombreuses mères de ma collectivité et de tout le Canada. Nous sommes restées à la maison quand nos enfants étaient en bas âge. Nous avons choisi de travailler à temps partiel quand c'était ce qui répondait le mieux aux besoins de la famille. Certaines d'entre nous ont décidé de travailler à temps plein. Ce qui fait défaut à mesure que nos rôles changent, ce sont des programmes disponibles et abordables, tels que des haltes-garderies et des services de garde à temps partiel ou à temps plein. Nous n'avons pas de stratégie nationale qui répond aux besoins des femmes, dans toutes les situations, et aux besoins de leurs enfants en matière de développement.
Je vous remercie. Je comprends. En toute humilité, je pense qu'il faut affirmer clairement, dans la sphère publique et ailleurs, que le choix que ces femmes ou vous-mêmes avez fait à ce moment de votre vie est un choix valable, un bon choix. Il faut le reconnaître davantage publiquement, car j'ai souvent l'impression, quand je parle à des femmes, qu'elles sentent que leur choix n'est pas respecté ni honoré au pays.
Allez-y, madame Farha.
Vous avez utilisé le bon terme: « choix ». Je pense que nous sommes tous d'accord à propos de ce mot, mais nous nous attendons à ce que les femmes aient véritablement le choix, et le gouvernement a l'obligation de veiller à ce qu'elles l'aient. Quand les femmes se font offrir 1 200 $ par an à titre de prestation pour la garde d'enfants, nous devons nous demander — et vous devez vous demander — si nous leur donnons vraiment le choix. C'est une question importante à se poser.
Je serai bref. Je m'adresse à vous trois.
Un témoin précédent a prôné une hausse des montants offerts et vous en avez justement fait mention. Étant donné qu'on veut que les gens aient le choix, on peut investir ces sommes directement dans les garderies ou éventuellement augmenter l'aide au revenu afin qu'une tante ou un grand-parent... Je suis conscient que ce n'est pas tout le monde qui a ce choix, comme vous l'avez indiqué dans votre réponse, mais certaines personnes l'ont. Si on augmentait le financement, seriez-vous d'accord pour qu'une partie aille directement à la création de places en garderie et qu'une autre permette aux gens de demander à un grand-parent ou à quelqu'un d'autre de garder leurs enfants?
Votre temps est écoulé. Maurice, pour être juste envers tout le monde, nous devons donner la parole à quelqu'un d'autre.
Bienvenue, monsieur Nadeau.
Vous disposez de cinq minutes. La parole est à vous, monsieur.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Bonjour, madame Dallaire, madame Farha et monsieur Lynk.
Madame Farha, vous avez dit que la pauvreté, dans la situation d'ensemble, est un problème systémique. On vit une crise économique, bien qu'elle frappe à certains endroits plus qu'ailleurs. Les plus optimistes estiment qu'elle durera quelques années; les plus réalistes, encore plus. C'est à espérer que les plus réalistes se trompent. On connaît les conséquences de cette crise en matière de pauvreté.
On vit dans une société, dans un système économique qui a connu une crise dans les années 1930 et qui s'est ajusté après la Seconde Guerre mondiale. Il n'en demeure pas moins que c'est un système capitaliste à la base, le profit maximum étant la religion. Ceux qui parviennent à faire beaucoup de sous dans cette société sont supposés avoir le bon vouloir d'en saupoudrer les citoyens. J'en arrive à toute la question de l'intervention de l'État. De toute façon, l'État intervient.
Les pétrolières du Canada ont droit à des crédits d'impôt. On s'entend que ce ne sont pas les plus pauvres de la famille. Quant à la caisse d'assurance-emploi, depuis une décennie, c'est quelque 57 milliards de dollars qui ont été extirpés de la caisse et utilisés à d'autres fins, au lieu d'être remis aux travailleurs qui y ont droit en période difficile. Le fait de priver les travailleurs de cet argent n'aide en rien à enrayer la pauvreté, même que cela appauvrit les gens.
L'État intervient également à d'autres égards. Il n'y a qu'à penser au fonds discrétionnaire de 3 milliards de dollars qui vient d'être voté à la Chambre des communes par les libéraux et les conservateurs, dans le cadre du dernier budget. Ce fonds discrétionnaire, qu'on appelle en anglais slush fund — je n'en connais pas la traduction française exacte, mais on se comprend bien — , n'est assorti à aucune reddition de comptes première. On va là, on donne, voici.
Selon la statistique fournie par M. Lynk, 17 p. 100 des enfants vivent dans une situation de pauvreté. Je présume que c'est à l'échelle pancanadienne. Nos enfants représentent l'avenir du pays. On n'en dit pas grand-chose, mais on est bien conscient que c'est la base fondamentale.
Par ailleurs, même si vous oeuvrez dans un domaine particulier, vous apportez un élément de réponse. Je lance la question aux trois témoins: existe-t-il des solutions concrètes, tangibles? Le monde comprend 208 pays. Donnez-nous encore quelques semaines et il en comptera 209. Pourrait-on suggérer des pistes de solution, dans des domaines donnés, à ce gouvernement dont nous faisons tous partie en tant que législateurs? Y a-t-il des éléments de solution qui, à bien y penser, vont de soi et dont il a été prouvé qui'ils pouvaient faire avancer les choses?
La question est lancée.
C'est une question à plusieurs volets, difficile à attaquer. Vous mentionnez que la pauvreté est un enjeu systémique, et c'est vrai. Il est très compliqué d'aborder ce problème. Les services de garde ne représentent qu'un moyen de s'attaquer à la crise.
Vous dites qu'on vit dans un système de marché. C'est vrai, mais le marché ne répondra pas à tous les besoins des gens. Le marché comprend des failles, notamment dans les services de garde à l'enfance en dehors du Québec, domaine que je connais bien.
Au Québec, il a été reconnu que le marché n'allait pas livrer les services de garde de haute qualité dont les parents avaient besoin. L'intervention gouvernementale a été nécessaire pour qu'on reconnaisse ce problème et qu'on s'y attaque. Une fois que cela a été reconnu au Québec, le gouvernement a pris des mesures pour s'y attaquer. Jusqu'à maintenant, les gouvernements nationaux n'ont pas été reconnus dignes de développer des politiques nationales avec des critères applicables aux provinces autres que le Québec. Ils ne reconnaissent pas les problèmes et ne savent pas par où commencer pour les régler.
Il est évident que le gouvernement de ma province, le Nouveau-Brunswick, ne va pas aborder la question sans que le gouvernement fédéral joue un rôle de leadership. Par exemple, on pense tout de suite à réduire les impôts, alors qu'au Nouveau-Brunswick, 40 p. 100 des femmes et 27 p. 100 des hommes ont un revenu trop bas pour payer des impôts. De telles mesures ne parviendront pas à régler la crise de la pauvreté. Il s'agit plutôt d'investir dans des programmes dont les gens pourront bénéficier. Ces données sont comparables à l'échelle canadienne.
C'est 38,7 p. 100 des femmes au Canada qui ne paient pas d'impôt parce que leur revenu est trop bas, comparativement à 24,4 p. 100 des hommes. Il faut donc investir dans des programmes qui réussiront à rejoindre ces gens, non pas leur offrir des réductions d'impôts, ce qui ne répond pas à leurs besoins.
[Traduction]
Je vous remercie beaucoup. Votre temps est écoulé.
Je donne la parole à M. Lobb. Nous n'aurons pas le temps de procéder à une ronde complète de questions. Nous n'avons que 2 ou 3 minutes, car nous avons d'autres affaires à régler.
Je vous remercie de votre temps. Je vais poser mes questions rapidement et vous pourrez y répondre rapidement.
Madame Dallaire, le plan de votre groupe qui énonce votre vision en matière de garderies est-il chiffré? Quels sont les coûts?
Absolument, nous avons un plan chiffré. La députée Maria Minna a posé une question à ce sujet. Notre cadre d'action proposé établit des points de référence et un échéancier sur 15 ans. Je vais le transmettre au comité, qui pourra l'examiner.
Vous voudriez donc que ce montant s'ajoute aux 13 milliards de dollars que nous investissons actuellement dans d'autres initiatives de lutte contre la pauvreté chez les enfants et aux sommes dont a parlé M. Komarnicki. Le coût que vous avez prévu pour les services de garde s'ajoute-t-il à tout cela?
Notre plan établissait le coût d'un système de garderie universel pour tous les enfants de zéro à six ans. Ce coût n'est pas fondé sur des services à temps plein pour tous les enfants, car, comme je l'ai mentionné, des parents qui restent à la maison utilisent les haltes-garderies et d'autres utilisent des services à temps partiel. Le coût équivaut à 1 p. 100 du PIB. Nous n'avons pas examiné globalement la stratégie de réduction de la pauvreté. Nous avons axé nos efforts sur les services de garde.
Merci. Nous nous pencherons là-dessus une autre fois, alors.
Je viens d'une région rurale; je crois qu'il est donc prudent que je pose une question sur l'Ontario ou le Canada rural. Dans ma circonscription, il n'y a pas suffisamment d'enfants pour qu'on ait des garderies dans chaque localité. Comment votre stratégie aborde-t-elle ces questions liées à l'Ontario et au Canada rural? Je suis sûr que votre groupe s'est penché là-dessus.
C'est une très bonne question.
Je vis au Nouveau-Brunswick, une province très rurale, et nous collaborons avec un organisme appelé Voix rurales. Cet organisme a accompli des choses ingénieuses. Les services de garde dans les collectivités rurales semblent différer d'ailleurs, mais c'est faisable d'en offrir. On a souvent des groupes composés d'enfants d'âge différent et on combine ces services à d'autres services. Ce sont des initiatives communautaires, rien d'imposé par les gouvernement fédéral et provincial. La collectivité bâtit les services en fonction des besoins.
Dans le Nouveau-Brunswick rural, par exemple, il y a des écoles communautaires et beaucoup risquent de fermer. C'est donc une bonne idée d'intégrer les services de garde d'enfants et l'éducation préscolaire à ces écoles, d'une part, pour sauver les écoles et, d'autre part, pour fournir ce service essentiel à la collectivité. Si, à un moment donné, il y a moins d'enfants, on peut offrir un autre service.
Je vous remercie. C'est tout le temps que nous avons aujourd'hui.
Je tiens à remercier les témoins d'avoir pris le temps de venir ici. Merci beaucoup.
Chers membres du comité, nous allons poursuivre la réunion à huis clos pour traiter d'autres affaires. Avant, nous allons prendre une pause d'environ deux minutes.
Encore une fois, je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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