Passer au contenu

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 011 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 mars 2009

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    J'aimerais souhaiter à tout le monde la bienvenue à la séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Aujourd'hui, nous accueillons le professeur Noël.
    J'aimerais vous remercier d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui pour discuter de certaines des questions liées à la pauvreté que nous étudions.
    Monsieur, vous aurez de 10 à 15 minutes, après quoi nous aurons une période de questions et réponses. Le premier tour de questions et réponses sera de sept minutes, et les tours subséquents seront de cinq minutes jusqu'à environ 12 h 30, si cela vous convient.
    La deuxième partie de notre séance aujourd'hui sera à huis clos. Nous allons discuter des travaux futurs. M. Lessard a une motion; nous allons devoir décider comment l'aborder. Nous avons donc des questions dont il faut discuter entre 12 h 30 et 13 h 30 aujourd'hui.
    Je vais me taire. Je vais vous céder la parole, monsieur, afin que vous puissiez faire vos remarques liminaires. Ensuite nous allons passer aux questions et réponses.
    Je vous remercie encore une fois d'être ici. Vous avez la parole, monsieur.

[Français]

    Merci beaucoup. Merci de l'invitation. Je suis heureux de constater que votre comité accorde beaucoup d'importance aux politiques de lutte contre la pauvreté. Je sais que vous travaillez sur la question depuis plusieurs mois et que vous envisagez de faire une tournée pour poursuivre le travail. J'en suis bien content.

[Traduction]

    Je vais parler français, mais ensuite, durant les échanges, je répondrai aux questions dans la langue dans laquelle elles me seront posées.

[Français]

    Comme j'ai peu de temps et comme vous avez déjà étudié un peu la question, je présenterai simplement cinq éléments, idées ou questions au sujet des politiques de lutte contre la pauvreté. Je pense que c'est ce dont vous voulez que l'on parle aujourd'hui, à partir de l'expérience du Québec. Par la suite, durant les échanges, on pourra aller plus loin sur chacun de ces aspects ou sur d'autres questions que vous souhaiterez soulever. J'annonce les cinq éléments tout de suite et j'y reviendrai après. Ce sont les suivants.
    D'abord, depuis une dizaine d'années, le Québec a mis en place une démarche intégrée de lutte contre la pauvreté, une démarche qui évolue encore, mais qui a une cohérence et qui s'institutionnalise. Je reviendrai sur ce sujet. Le premier élément concerne donc une approche intégrée.
    Le deuxième est que cette approche est, à certains égards, unique au Québec, mais elle est aussi en accord avec une tendance internationale. Vous avez rencontré des gens de l'Irlande et du Royaume-Uni. En Europe, plusieurs pays avancent certainement dans cette direction. Au Canada, plusieurs provinces vont aussi dans ce sens. Il s'agit de la deuxième question dont je traiterai brièvement.
    Troisièmement, cette démarche intégrée donne des résultats. Il reste beaucoup à faire, mais on peut déjà voir, après quelques années, des résultats concrets de ces politiques publiques.
    Quatrièmement, le gouvernement fédéral a très certainement un rôle à jouer à l'intérieur de ses compétences et compte tenu de ses ressources. J'en traiterai très brièvement.
    Cinquièmement, la conjoncture actuelle rend une action ou des orientations claires encore plus importantes, dans la mesure où les années qui viennent risquent d'être économiquement difficiles et dures pour les gens les plus pauvres.
    En ce qui concerne le premier élément, soit une approche intégrée, l'histoire de la démarche québécoise est bien connue. Elle est principalement construite autour de l'adoption d'une loi, en décembre 2002, par l'ensemble des partis à l'Assemblée nationale — c'était donc un vote unanime — pour contrer la pauvreté et l'exclusion sociale. Cette loi avait d'abord été conçue et dessinée par un mouvement collectif, le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, qui est maintenant devenu le Collectif pour un Québec sans pauvreté. Il s'agit donc d'un mouvement social créé à cette fin, regroupant un ensemble de personnes et de groupes communautaires de toutes les régions du Québec et ralliant les syndicats, les différents mouvements sociaux et organisations, ainsi que plusieurs municipalités. Le collectif a proposé une loi. Évidemment, la loi finale n'a pas été la même que celle qui avait été préparée par le collectif, mais c'est tout de même un processus social qui a donné naissance à cette loi.
    Cette loi de 2002 a été suivie, en 2004, d'un premier plan d'action de cinq ans qui en est à peu près à son terme et qui sera suivi par un prochain plan d'action. Ce plan d'action comprend un certain nombre de mesures. Dans la stratégie québécoise, la loi date de 2002 et le plan d'action date de 2004, mais des mesures qui seront importantes par la suite ont été prises à partir de 1997. On peut dire qu'à partir de 1997, les politiques publiques au Québec ont commencé à changer.
    Sans entrer dans les détails, on peut dire que les interventions les plus importantes ou le cadre que le Québec s'est donné met l'accent d'abord sur les familles et inclut notamment une reconstruction des allocations familiales, le développement des centres de la petite enfance pour les services de garde et le congé parental. Il s'agit de mesures pour aider toutes les familles — et on pourra le voir plus en détails si vous le voulez —, en particulier les familles dont les revenus sont moins importants. Le deuxième accent porte sur le travail. Cette politique, un peu comme cela se fait dans plusieurs pays, cherche à rendre le travail payant, pour reprendre l'expression connue. Elle offre une prime au travail pour les personnes à faible revenu et une assurance médicaments pour ceux dont les frais ne sont pas couverts par un employeur.
    Bien sûr, les centres de la petite enfance constituent un appui aux familles, mais ils sont également un appui pour faciliter l'intégration au travail des mères et, donc, font aussi partie de ce volet. Il y a l'amélioration du salaire minimum et, plus récemment, un pacte pour l'emploi annoncé par le gouvernement du Québec il y a un peu plus d'un an. Cette mesure vise à favoriser l'intégration au travail des gens sans emploi et des gens qui font face à différents obstacles en ce qui concerne l'intégration au travail.
    Finalement, le troisième volet, après la famille et le travail, c'est aussi une politique qui réaffirme certains droits sociaux, notamment qui protège les allocations d'aide sociale des réductions — cela faisait partie du plan d'action de 2004 — et qui indexe aussi au coût de la vie les prestations sociales. Plus récemment — cela date de quelques mois à peine —, les prestations pour les personnes aptes au travail ont été indexées pleinement.
    Donc, il s'agit d'un ensemble de politiques, et non pas d'une seule politique, structurées autour d'un certain nombre d'objectifs. C'est aussi une façon de faire qui inclut un certain nombre d'institutions, dont on pourra parler plus en détail si vous le voulez, mais notamment un comité consultatif composé de personnes de différents horizons au Québec, incluant des personnes en situation de pauvreté qui font des recommandations au gouvernement sur des cibles à atteindre, des objectifs, etc.
    Parallèlement au comité consultatif, il y a également un Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion, qui est en quelque sorte l'équivalent de ce qui existe en France et qu'on appelle Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Il s'agit d'un organisme qui fournit des recommandations au gouvernement au sujet d'indicateurs utilisés pour suivre les situations de pauvreté. C'est donc une instance de savoir et de consultation auprès d'experts.
    En parallèle, il y a également une démarche qui a favorisé, au Québec depuis quelques années, la recherche en sciences sociales sur la pauvreté et ses enjeux. Il y a une action concertée, comme on le dit dans le langage des fonds de recherche québécois, finançant la recherche dans le domaine. Cette dernière vient à terme et sera renouvelée dans les prochains mois.
    Cette façon de faire est un peu typique de la façon de procéder au Québec, c'est-à-dire avec plusieurs partenaires, de façon concertée, avec les gens du milieu aussi, et cela reflète un peu les façons de faire récentes au Québec. Cela reflète aussi le fait que la lutte contre la pauvreté est née d'une initiative citoyenne et, donc, elle ne peut pas se faire simplement par le gouvernement.
    Finalement — et c'est le deuxième grand élément que je soulève aujourd'hui —, cette approche intégrée est en accord, elle est relativement compatible avec ce qui se fait ailleurs dans le monde depuis quelques années, à peu près depuis le tournant des années 2000.
     Je ne m'avancerai pas beaucoup là-dessus, mais au tournant des années 2000, les Nations Unies se sont donné des objectifs, pour le millénaire, de réduction de la pauvreté. L'Union européenne, à Lisbonne en 2000, s'est également donné des objectifs et un processus. Ce processus vise à établir, un peu comme on l'a fait au Québec, des objectifs, à se donner un ou des plans d'action précis, des structures institutionnelles permettant de voir à la réalisation de ces plans d'action, des mécanismes de reddition des comptes, une attention aux indicateurs pertinents et à la participation des personnes en situation de pauvreté.
    Bref, la démarche québécoise est relativement semblable à celle qui a été développée dans l'Union européenne, sans l'être directement. Il n'y a pas eu véritablement d'influence directe, mais c'est parti du même genre de processus et, bien sûr, vous en avez certainement entendu parler ici. Ailleurs au Canada, on commence, dans plusieurs provinces, à avancer dans la même direction. Donc, il s'agit d'une démarche intégrée, d'un processus qui fonctionne.
     Il est évidemment tôt pour voir des résultats, mais on peut quand même constater que, peu importe la mesure que l'on retient, selon tous ces indicateurs, la pauvreté a diminué au Québec au cours des 10 dernières années. Si vous le voulez, on pourra parler de la pertinence des différents indicateurs ou des mesures qu'on peut retenir pour évaluer la pauvreté, qui comprennent le seuil de faible revenu canadien, la mesure de faible revenu telle que ce qu'utilisent les Européens ou encore la mesure du panier de consommation telle que proposée par Ressources humaines et Développement des compétences Canada.
(1115)
    La pauvreté a diminué davantage au Québec qu'ailleurs au Canada. Ceci est vrai notamment pour les familles, étant donné que c'est à celles-ci que le gouvernement a consacré le plus d'efforts. Les revenus d'aide sociale au Québec, tels que mesurés par le Conseil national du bien-être social, se sont améliorés, surtout dans le cas des familles. Au cours des récentes années, les revenus des familles étant sur le marché du travail et ayant des revenus de travail se sont également améliorés, surtout les revenus après impôt et transferts. Au Québec, les inégalités ont diminué un peu plus qu'ailleurs au Canada. Les politiques semblent donc donner des résultats. Je vais revenir sur les résultats un peu plus tard.
    Je voudrais simplement signaler que cette redistribution n'a pas créé de problèmes en termes d'incitation au travail, au contraire. On constate en effet que le nombre de prestataires de l'aide sociale a davantage diminué au Québec qu'en Ontario au cours des sept ou huit dernières années. En outre, un fait étonnant a été constaté: les ménages avec enfants, dont le revenu d'aide sociale a pourtant été le plus augmenté, ont été plus nombreux que les personnes sans enfants à abandonner leur statut de prestataire. Contrairement à ce que l'on aurait pu penser, en améliorant la situation des ménages, on n'a pas incité ces derniers à demeurer prestataires de l'aide sociale. Au contraire, ils ont intégré le marché du travail davantage qu'auparavant. Le fait d'avoir beaucoup amélioré la situation des familles implique que les personnes seules ont moins profité de cette tendance.
    Quatrièmement, quel est le rôle du gouvernement fédéral? Il joue déjà un rôle très important, mais celui-ci n'est pas constitué selon une logique cohérente visant la réduction de la pauvreté. Ce rôle repose avant tout sur l'histoire d'un remarquable succès. Celui-ci n'est pas récent, mais il nous permet de comprendre la situation de la pauvreté au Canada. Le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces, a pratiquement réussi à éliminer la pauvreté chez les personnes âgées, au cours des 20 ou 30 dernières années. Dans les années 1960 et 1970, le Canada était, parmi les pays de l'OCDE, un de ceux qui comptaient le plus de personnes âgées pauvres. Or, il fait maintenant partie de ceux qui en comptent le moins. Bien sûr, c'est attribuable aux Programmes de la sécurité du revenu, qui relèvent du fédéral, au Supplément de revenu garanti, au Régime de pensions du Canada et au Régime des rentes, dans le cas du Québec, de même qu'à l'ensemble des autres mesures qui contribuent à la sécurité financière des personnes à la retraite.
     Quand on pense au rôle du fédéral, on constate qu'à ce succès correspond aussi un échec. Autant l'effort a été remarquable en ce qui a trait aux personnes âgées, autant la situation des peuples autochtones est désastreuse. Bien sûr, c'est là un enjeu très important pour le gouvernement fédéral. Sans entrer dans les détails des compétences fédérales, je dirais qu'il est important d'éviter de prôner trop rapidement une approche pancanadienne visant à normaliser ou uniformiser ce qui se fait au Canada. Pourquoi? D'abord parce qu'une grande partie des mesures devant être prises ne relève pas des compétences fédérales, mais qu'en revanche, une grande partie des mesures pouvant être prises relève des compétences fédérales.
(1120)
    Il s'agit donc d'identifier les leviers d'intervention pour le gouvernement fédéral. Il est aussi important de dire que les politiques dont on parle ici sont de nouvelles politiques qu'on expérimente. Le Québec fait ses propres expériences. On apprend. Plusieurs pays européens font la même chose et plusieurs provinces canadiennes ont commencé à réfléchir en ce sens. On ne sait pas encore ce qui réussira le mieux. Donc, il y a de grands avantages à fonctionner dans le cadre d'un régime fédéral et à laisser les provinces faire leurs propres expériences en fonction de leurs priorités.
    En ce qui concerne le rôle du gouvernement fédéral, bien sûr, outre la question des peuples autochtones, deux enjeux semblent prioritaires. Premièrement, l'assurance-emploi, le grand programme de sécurité du revenu canadien pour les personnes en âge de travailler, devrait être améliorée, ce qui relève très certainement du gouvernement fédéral. Deuxièmement, il y a les transferts aux provinces, qui jouent un rôle important dans le financement des programmes sociaux. J'ajouterais que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer — qu'il joue déjà — et qu'il sera interpellé par les provinces en ce qui concerne la mesure de la pauvreté.
    Statistique Canada et, surtout, Développement des ressources humaines Canada ont travaillé notamment au développement de la mesure du panier de consommation. Cette mesure apparaît très intéressante du point de vue du Québec parce qu'elle tient compte des coûts réels encourus par les personnes pauvres. C'est une mesure qui n'est pas sans problèmes, mais qui complète avantageusement la mesure de faible revenu utilisée par les Européens et qui est certainement plus intéressante que les seuils de faible revenu de Statistique Canada, qui deviennent de plus en plus désuets.
    Il existe d'autres dimensions à la pauvreté qu'on connaît mal, notamment en ce qui concerne l'exclusion sociale et la privation matérielle, auxquelles Statistique Canada pourrait contribuer de façon très utile.
    En guise de conclusion, on entre dans une période de récession. Ça ne remet pas en question les efforts qui ont été faits. Au contraire, ça nous ramène à la question des ressources disponibles et remet sur le tapis l'importance de l'assurance-emploi et des transferts.
    Je vous remercie beaucoup et je suis ouvert à vos questions.
(1125)

[Traduction]

    Merci, monsieur.
    Nous allons procéder au premier tour, en commençant par le Parti libéral. Madame Folco, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Noël. Malheureusement, vous allez devoir me répondre en français.
    Plusieurs des points que vous avez mentionnés nous intéressent et nous avons l'intention d'en discuter, par exemple la réforme éventuelle du programme d'assurance-emploi. C'est bien clair et je crois que tous les partis sont assez d'accord qu'il y a des choses à faire. Quelles seront-elles? On le verra évidemment en temps et lieu.
    Nous sommes également d'accord avec vous au sujet de la situation des personnes âgées. Cela devrait prouver que dans certains cas, le programme d'aide financière peut, à lui seul, aider certains groupes de personnes. Il faut le noter.
    Au Québec, d'où je viens, on a fait énormément de travail, que vous nous avez exposé en partie. Quelles sont les leçons que vous avez apprises, vous et les personnes qui se penchent sur cette question? On ne veut pas réinventer la roue ni recommencer du début, car certaines actions importantes et positives ont été entreprises. J'aimerais vous entendre sur ce qui a très bien fonctionné et sur ce qui a moins bien fonctionné. Dites-nous aussi pourquoi. Ce qui nous aiderait, c'est que vous nous disiez comment le gouvernement fédéral pourrait s'y prendre, au moyen de ses programmes, pour ne pas réinventer la roue par rapport à ce qui a été fait au Québec.
    Dans le contexte économique actuel, qu'est-ce que le gouvernement du Québec a l'intention de faire? Les programmes qu'il a mis en place suffiront-ils? J'en doute fort. Comment le gouvernement et les organismes qui entourent le gouvernement ont-ils l'intention de progresser? Comment le gouvernement fédéral pourrait-il tirer parti des leçons du Québec? Ce ne serait pas la première fois, d'ailleurs.
(1130)
    C'est une question à plusieurs volets.
    Oui, mais il y a une orientation dans tout cela.
    Si je retourne en arrière, quand le débat se faisait au Québec sur la Loi contre la pauvreté et l'exclusion sociale, je ne le disais pas trop fort, mais j'étais un peu sceptique. J'avais été sollicité pour appuyer la proposition. À ce moment-là, j'étais en congé sabbatique en Californie et j'étais content de pouvoir dire que je n'étais pas sur place et tout cela. J'étais sceptique parce que je me disais qu'on allait adopter une loi, mais qu'est-ce qui allait suivre? Finalement, le constat qu'on peut faire, c'est qu'il est très important, premièrement, de reconnaître le problème et, deuxièmement, d'en faire un objet politique ou un enjeu dont on doit débattre ouvertement.
    L'idée d'adopter une démarche lucide, qui consiste à dire que c'est une priorité, qu'on se donne des objectifs et des instruments, qu'on vérifie comment cela avance, constitue une contribution importante. À la limite, ce que cela signifie aussi, c'est qu'on accepte, en faisant cela, qu'on ne peut pas tout faire tout de suite. On se donne des objectifs réalistes pour au moins avancer dans la bonne direction. C'est un premier aspect.
    Le deuxième aspect qui ressort de ce qui a été fait au Québec depuis une dizaine d'années, c'est que les politiques ayant le mieux fonctionné sont celles qui s'adressent à l'ensemble des familles, des ménages et des personnes, finalement. Il y a, d'ailleurs, un vieil adage des spécialistes des politiques sociales, pas au Canada, mais un peu partout en Occident. Je pense qu'on attribue cette maxime à un sociologue suédois, qui avait dit à un certain moment que policies for the poor are poor policies, soit que les politiques pour les pauvres sont de pauvres politiques.
    Les centres de la petite enfance en sont un exemple. Quand j'avais des enfants en âge d'être dans des garderies, il y avait des mesures pour aider les personnes pauvres à payer les frais de garde. Elles devaient faire une demande, il y avait des formulaires à remplir, etc. C'était compliqué. Si la personne perdait son emploi, elle perdait sa place en garderie, etc.
    En créant des centres de la petite enfance qui sont universellement accessibles et à modeste coût pour tout le monde, ce ne sont pas des politiques pour les pauvres, ce sont des politiques pour les gens qui ont des enfants. Ce que cela a fait — et à ce sujet, les études économétriques sont très claires —, c'est que cela a permis une intégration au marché du travail pour les femmes en âge de travailler. On a vu la différence. Il y a plusieurs femmes qui ont pu retourner sur le marché du travail. Les Européens qui réfléchissent sur la natalité, sur l'emploi et sur la pauvreté prônent presque tous un système un peu comme celui qu'on a instauré au Québec. D'ailleurs, on a aussi vu au Québec que non seulement les femmes ont davantage intégré le marché du travail, mais les jeunes familles se sont mises à avoir plus d'enfants. Il y a un genre de retour de la natalité, au Québec. Les bonnes choses viennent ensemble.
    Donc, premièrement, il faut une démarche intégrée et, deuxièmement, une démarche qui, autant que possible, crée un cadre politique pour tous et non pas seulement, par exemple, pour les personnes bénéficiaires de l'aide sociale. Plus tôt, je parlais d'un sociologue suédois, mais Plume Latraverse, une grande inspiration pour moi, a une chanson qui s'appelle Les pauvres. Le refrain de cette chanson est: « Les pauvres n'ont pas d'argent ». Plume Latraverse y dit que les pauvres s'organisent mal, sont mal habillés, qu'ils ne prennent jamais de vacances, qu'ils sont assis sur leur balcon, etc., mais le refrain, c'est « Les pauvres n'ont pas d'argent ». Cette question est le nerf de la guerre, au fond. La pauvreté, c'est d'abord et avant tout un manque de revenu. Ce que cela veut dire, qu'on le veuille ou non, c'est qu'à un certain moment, il faut aborder cette question. Il faut créer des mécanismes qui améliorent le revenu des personnes. On l'a fait assez bien pour les familles. On l'a fait pour les personnes âgées, on l'a vu. On l'a fait assez bien pour les familles, depuis quelques années, et on ne l'a pas fait seulement pour une catégorie de familles.
(1135)
    Encore une fois, on a créé des mécanismes. Luc Godbout, dans un petit livre qui est paru cet automne et intitulé Le Québec, un paradis pour les familles?, montre comment les transferts, tant du gouvernement québécois que du gouvernement fédéral, ont changé la situation des familles depuis une dizaine d'années. Grâce à ces transferts, une famille gagnant un revenu d'environ 25 000 $ par année voit celui-ci augmenter de presque 14 000 $.
    On a créé des mécanismes qui améliorent le revenu de toutes les familles, y compris le mien, et des bénéficiaires de l'aide sociale. De cette façon, on a amélioré la situation de tout le monde. C'est le côté positif.

[Traduction]

    Oui, merci.

[Français]

    J'ai un dernier point à soulever; c'est une question vaste. Le côté négatif, c'est qu'on n'a pas réussi à faire la même chose pour les personnes qui n'ont pas d'enfant. Le terrain est ouvert et il y a beaucoup à faire.
    Je vais m'arrêter là.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci.
    Je me rends compte que c'est toute une question. Je vous remercie de votre réponse.
    Nous allons maintenant passer à M. Lessard pour sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie aussi M. Noël d'être ici ce matin pour nous faire part de ses observations et de son expérience des lois et des études qu'il a faites sur la pauvreté.
    Ma question risque d'être aussi vaste. Ce matin, j'avais aligné un certain nombre de questions techniques qui peuvent vous paraître trop faciles. Je suis un peu perplexe par rapport à l'exercice auquel nous sommes en train de nous livrer en partie. Je reviens là-dessus à l'occasion au comité et je vais vous l'exprimer comme ça vient.
    D'après moi, certains facteurs aggravants de la pauvreté viennent de politiques mal adaptées ou qu'on refuse de mettre en application, ou de mesures qu'on a abolies. D'ailleurs, vous avez souligné une de ces politiques à deux reprises: l'assurance-emploi. Il s'agit là d'une mesure aggravante extraordinaire prise par les deux partis politiques qui se sont succédé. Je ne veux pas aller sur un terrain politique partisan, mais parler strictement des contraintes qu'on a imposées aux gens pour les empêcher d'avoir droit à de l'assurance-emploi.
    À ce propos, vous avez dit que l'augmentation des prestations d'aide sociale n'avait pas diminué l'intérêt des gens pour le travail. Au contraire, on a observé une augmentation du nombre de ces gens sur le marché du travail, ce qui vient contredire la croyance selon laquelle le fait de recevoir des prestations d'assurance-emploi décourage les gens à travailler. C'est quasiment formulé ainsi par certains amis d'autres partis.
    Ne croyez-vous pas qu'on devrait identifier très concrètement les mesures aggravantes de la pauvreté prises par les gouvernements au cours des dernières années? Cela nous éviterait de travailler pour rien. De façon subsidiaire, j'ajouterai que s'il n'y a pas de volonté politique, de parti-pris pour éliminer la pauvreté, si on ne crée pas une loi suivie d'une stratégie et de comités-conseils, comme ce qui s'est fait au Québec, il sera très difficile de s'en sortir.
    Je vous avais prévenu que ma question serait un peu large, mais elle part d'une intention véritable de s'attaquer à la pauvreté.
(1140)
    En ce qui concerne le dernier sujet, effectivement, l'idée de concevoir une loi-cadre, une stratégie ou un plan d'action est importante, tout comme le fait de se donner des objectifs. C'est aussi rattaché à l'idée que, normalement, quand on adopte des politiques publiques, on devrait être sensible à leur impact sur différentes catégories de la population.
    On parlait de l'assurance-emploi, par exemple. Le fait que l'accès à l'assurance-emploi soit difficile a des impacts différents pour différentes catégories de personnes. Cela ne veut pas dire que quelqu'un qui ne touche pas d'assurance-emploi se retrouve nécessairement pauvre, puisqu'il peut avoir un conjoint, par exemple, qui a un bon emploi, etc. Toutefois, on devrait avoir de l'information à ce sujet. On devrait pouvoir comprendre quelles sont les conséquences des politiques publiques adoptées.
    Tout cela pour dire que la pauvreté n'est pas seulement un phénomène qui relève du fonctionnement du marché ou des capacités ou des compétences des personnes. C'est également une création des politiques publiques. Les gouvernements font beaucoup pour contrer la pauvreté créée par le marché ou par d'autres inégalités sociales, mais ils peuvent aussi parfois aggraver la situation. On ne peut pas le faire ici, mais on devrait réfléchir aux politiques publiques. Ce devrait être un critère dans l'élaboration des politiques publiques, à savoir essayer au moins de ne pas aggraver la situation et, au mieux, de l'améliorer.
    J'ai donné l'exemple de l'assurance-emploi. On a aussi sabré, au cours des ans, dans le logement social. De 1993 à 2001, le fédéral ne contribuait plus au logement social. Je mets ceci en parallèle afin de suivre votre réflexion sur ce sujet et de parler du budget du Québec. Par exemple, Mme Monique Jérôme-Forget nous disait qu'elle n'a pas touché aux congés parentaux ni aux garderies parce qu'il s'agit d'un placement qui fructifiera dans 10, 15 ou 20 ans. Cette position politique d'une leader politique est une mesure avant-gardiste et visionnaire puisqu'il s'agit d'une véritable mesure pour éliminer la pauvreté. D'un autre côté, particulièrement à Ottawa, on s'est retrouvé avec des mesures de compression afin d'équilibrer le budget.
    Le Conseil national du bien-être social prétend que le Canada devrait se doter d'une stratégie. Il n'a pas parlé d'une loi, mais d'une stratégie concernant l'élimination de la pauvreté. Croyez-vous qu'il s'agisse d'une bonne chose et, si oui, quels devraient être les principaux éléments de cette stratégie?

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Noël.

[Français]

    La réponse est oui. Cette stratégie devrait être inspirée, d'abord et avant tout, des compétences fédérales. Le gouvernement fédéral devrait passer en revue les mesures qui relèvent de ses compétences et qui ont une incidence importante. On a parlé d'assurance-emploi, mais l'autre enjeu central est tout ce qui touche la fiscalité, soit la façon dont on redistribue ou pas le revenu au Canada.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Martin. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
    J'ai été particulièrement impressionné au début, par les commentaires que vous avez faits, à savoir qu'il faut s'assurer de sortir tout le monde de la pauvreté. Et vous faites remarquer que lorsque vos programmes sont ciblés vers toutes les familles, c'est en fait ce que vous avez tendance à faire. Vous avez également parlé des succès au niveau fédéral, pour les personnes âgées, avec le Régime de pensions du Canada, le Supplément de revenu garanti et la Sécurité de la vieillesse, mesures qui ont sorti beaucoup de gens de la pauvreté.
    Nous avons accueilli un témoin de l'Ontario la semaine dernière, et cette province s'est fixée des objectifs intéressants. Cependant, je ne les trouve pas assez ambitieux. L'Ontario veut sortir 25 p. 100 des enfants de la pauvreté en cinq ans. Mais qu'en est-il des autres 75 p. 100 et qu'en est-il du reste de la population qui vit dans la pauvreté?
    Compte tenu de ce témoignage et du vôtre aujourd'hui, quelles leçons ont jusqu'à maintenant été tirées dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale? Quelles sont les points forts et les points faibles de la stratégie du Québec de lutte contre la pauvreté?
(1145)
    Vous avez sans doute raison de dire qu'il vaut mieux ne pas avoir des cibles trop pointues mais n'oublions pas qu'il vaut mieux avoir des cibles que de ne pas en avoir.
    Toujours à propos de l'exemple des enfants, au Canada, le débat a souvent porté sur la façon de tirer les enfants de la pauvreté. C'est en partie une question de vocabulaire utilisé mais au Québec, les politiques mettent l'accent sur les familles plutôt que les enfants. Il est important qu'il en soit ainsi car s'il y a des enfants pauvres, c'est parce qu'ils vivent dans des familles pauvres. Il est donc logique de retenir que c'est la famille entière qui est l'unité essentielle en l'occurrence.
    Brièvement, les leçons que nous avons tirées m'amènent à souligner qu'il est important de mettre en place une stratégie, de fixer des cibles, d'avoir des objectifs et de suivre un processus également, afin que le gouvernement ne se borne pas à présenter une stratégie mais qu'il suive un processus permettant la participation des parties prenantes, donnant une voie aux gens qui vivent dans la pauvreté et aux groupes formés dans la collectivité, afin que tous puissent intervenir. Il ne suffit pas de mettre en place une bonne politique; il faut la concrétiser correctement.
    Comme vous l'avez dit, il est important de viser tous les ménages, tout le monde, non seulement les plus pauvres. Auparavant, très souvent c'était l'un ou l'autre: soit une couverture universelle, toutes les familles recevant la même allocation, par exemple, soit une aide ciblée, ciblant seulement les pauvres. Désormais, la plupart des politiques sociales sont universelles et ciblées. Elles s'adressent à tous mais avec un effort spécial pour les plus pauvres. Cela offre une assez grande précision.
    À la fin de votre exposé, vous avez évoqué la nécessité de reconnaître les autres groupes qui vivent dans la pauvreté, les femmes seules, les hommes seuls, qui n'appartiennent pas à ce que nous appelons une famille classique. Dans la définition que le Québec donne de la pauvreté, on inclut l'exclusion sociale qui correspond à l'état d'un être humain privé de ressources, de moyens, de choix et du pouvoir nécessaire pour accéder à l'autosuffisance économique et s'y maintenir ou pour s'intégrer à la société et y participer. Sur le plan économique — et bien entendu la lutte contre la pauvreté constitue une politique économique valable également —, le Québec se distingue en ce qu'il reconnaît la nécessité d'avoir recours à des vecteurs créatifs comme les coopératives et l'économie sociale afin de réduire la pauvreté.
    Selon vous, qu'est-ce que l'exclusion sociale? Comment cette notion d'exclusion sociale influence-t-elle la stratégie provinciale? Comment la mesurez-vous?
    La définition que vous venez de citer est en fait la définition de la pauvreté en droit, et selon la loi, si je me souviens bien... Je ne suis même pas sûr que l'expression « exclusion sociale » soit définie en droit. Je travaille avec le Centre pour l'étude de la pauvreté et de l'exclusion au Québec et nous avons élaboré diverses recommandations pour l'adoption d'indicateurs de la pauvreté — indicateurs d'inégalité également, car, la semaine dernière encore, Jean-Michel Cousineau, économiste à l'Université de Montréal, est venu nous expliquer qu'évidemment pauvreté et inégalité ne correspondent pas à la même chose, même si plus il y a d'inégalité dans une société, plus la pauvreté est grande. Il y a une relation.
    Ainsi, nous pouvons compter sur de bons indicateurs de la pauvreté, de l'inégalité, mais quant à l'exclusion sociale, nous avons encore du travail à faire. C'est une notion qui... Personnellement, je ne suis pas sûr qu'il serait bénéfique que vous utilisiez cette notion car il n'y a pas de consensus international quant à ce qu'elle représente. Dans le cadre de leur méthode ouverte de coordination, les Européens ont suivi ce cheminement. Chaque pays d'Europe doit présenter un plan d'action national pour lutter contre l'exclusion sociale, et là-bas, on s'est adressé à des groupes de spécialistes des sciences sociales pour qu'ils élaborent des indicateurs et ils y sont parvenus. Pour la plupart, ces indicateurs sont essentiellement des indicateurs de la pauvreté ou de l'indigence. Les Britanniques ont des définitions de l'exclusion sociale. Il est extrêmement difficile de parvenir à un consensus quant à ce que la notion recouvre. Dans ces conditions d'incertitude, il est bien sûr difficile d'en mesurer l'étendue.
    Je ne dis pas qu'on ne devrait pas y songer mais étant donné les connaissances actuelles sur cet aspect, ce n'est sans doute pas une notion des plus utiles.
(1150)
    Merci beaucoup pour la réponse.
    Nous allons céder maintenant la parole à M. Komarnicki.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci pour votre exposé et pour votre analyse de la situation.
    Vous avez répondu en partie à ma question, mais je voudrais entrer dans le détail. Compte tenu de la stratégie du Québec — et de ses chances de succès selon vous —, et plus particulièrement de l'évolution de la situation économique, quelles seront les répercussions pour votre stratégie? Où pensez-vous en être d'ici la date cible qui est, je crois, fixée à 2013?
    J'ai du mal à entendre. Peut-être que si vous vous approchiez du microphone... Mais ce sera traduit, n'est-ce pas?
    Oui.
    Il s'agit juste du bruit dans la salle.
    Grosso modo, ma question est la suivante: vous vous êtes fixé une cible pour 2013. Quelles sont les répercussions sur votre cible de la conjoncture et du ralentissement économiques et, de façon plus générale, où en êtes-vous quant à l'atteinte de cet objectif?
    Nous l'ignorons, car la cible de 2013 est assez floue: le but est de se classer parmi les meilleurs. Il ne s'agit pas d'une cible avec des chiffres précis. De plus, lorsque la cible a été établie, on n'avait pas d'indicateur prédéterminé. Le Canada n'a pas de mesure officielle de la pauvreté, pas plus que le Québec, d'ailleurs. Nous sommes en train de nous mettre d'accord sur des indicateurs. Dans les semaines à venir, le gouvernement devrait préparer un document portant sur les indicateurs de la pauvreté, mais il n'y a pas d'échelle nous permettant de dire où nous en sommes exactement.
    Conformément au plan d'action, le gouvernement doit faire le bilan de la situation chaque année. Jusqu'à 2004 et peut-être même 2006, nous savons que la situation s'est améliorée. Évidemment, il y a toujours un délai pour recevoir les données sur la pauvreté, et les informations les plus récentes à notre disposition datent de 2006. La récession sera peut-être terminée avant que nous connaissions quel sera son impact. J'espère qu'elle ne sera pas trop longue. La situation sera difficile, car elle créera davantage de chômage. Elle compliquera les choses parce que nous savons bien que le gouvernement du Québec a moins de ressources, moins de revenus et par conséquent moins de capacité pour maintenir les programmes actuels, et on ne parle pas de nouveaux programmes ni d'une redistribution. Ce sera dur, mais évidemment, comme la cible nous permet de faire des comparaisons...
(1155)
    Vous vous êtes managé une certaine marge de manoeuvre quant à vos objectifs. Pour que ce soit vraiment juste, il vous faudrait des points de repère ou des balises ainsi qu'un système de suivi qui vous permettraient de comparer, d'une année à l'autre, vos progrès. Êtes-vous d'accord sur cette évaluation?
    Oui. Normalement, je dirais — d'après ce que j'ai lu sur la situation en Europe —, que les politiciens n'aiment pas avoir des cibles trop précises.
    D'accord.
    L'autre aspect de votre stratégie consiste à faire de l'emploi une priorité toutes les fois que c'est possible. C'est lié, je crois, à la question du chômage et de l'économie. Rendre le travail rentable constitue une autre stratégie. Ce n'est pas tout le monde qui croit que c'est la solution et que votre stratégie ne devrait pas être élargie, mais à partir de ce point de vue assez étroit dans votre plan ou programme, pouvez-vous me dire quelles mesures vous avez prises exactement et ce que vous envisagez de faire pour les travailleurs âgés, les nouveaux arrivants ou les immigrants, les minorités visibles et les personnes handicapées? Prenez-vous des mesures précises en matière d'emploi pour ces différents groupes? Si oui, lesquelles et comment?
    Pour rendre le travail payant, nous avons commencé par donner des prestations d'emploi aux travailleurs à faible salaire. Plus récemment, le gouvernement du Québec a présenté un pacte de l'emploi, en accord avec les syndicats et le patronat. Évidemment, cela était conçu juste avant que ne courent les rumeurs d'une récession imminente, mais en collaboration avec les syndicats et le patronat, on cherchait par cette stratégie à instaurer des mesures d'intégration par la formation à l'intention des gens qui n'étaient pas tout à fait dans l'orbite du marché du travail ou qui rencontraient des obstacles particuliers. Cette stratégie vise presque toutes les catégories que vous avez énumérées: les travailleurs âgés sans travail, les immigrants récents, les personnes handicapées ou ceux qui font face à des obstacles quelconques.
    Nous n'oeuvrons pas sur un seul front. Le gouvernement du Québec injecte de l'argent dans la formation et dans des subventions à l'emploi — par exemple, en versant des sommes à un employeur qui emploie des gens qui ne sont pas intégrés au marché du travail pour une raison quelconque. Dans le dernier budget, celui que le gouvernement vient de déposer, des sommes étaient réservées à ces programmes. Même en période difficile, cela demeure une priorité pour le gouvernement.
    Qu'est-ce que cela représente en dollars? Pouvez-vous me dire à quel pourcentage des gains cela correspond?
    Non, je ne peux pas vous répondre.
    D'accord, merci.
    Je pourrais fouiller dans mes papiers mais le chiffre ne serait pas à jour.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au deuxième tour, cinq minutes pour les questions et les réponses. Mme Minna va commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être venu, monsieur Noël.
    Je voudrais faire une remarque, seulement.
    À une séance d'un autre comité, on nous a dit que le programme de la petite enfance et des garderies à lui seul avait aidé les femmes québécoises. Le résultat est que plus de femmes travaillent désormais et que plus d'enfants naissent. Pouvez-vous nous parler davantage de cet aspect. On m'a dit que c'était le concours de plusieurs facteurs. J'aimerais que vous nous en disiez davantage en ce qui concerne la petite enfance et les garderies et le programme de congé parental québécois, lequel est plus avantageux que le programme général. Pouvez-vous nous confirmer cela et expliquer une corrélation éventuelle en ce qui concerne l'atténuation de la pauvreté?
(1200)
    Je ne pense pas qu'on ait fait d'études économétriques quant à la quantité d'enfants qui naissent. Par contre, l'intégration des femmes sur le marché du travail a été vérifiée par des études économétriques qui ont cerné toute une gamme d'autres variables. Les places disponibles en garderie — même s'il n'y en a pas encore assez, mais quand même, une fois que vous l'obtenez, c'est abordable — conjuguées à un service de garderie abordable, plus les suppléments, les allocations familiales et les suppléments versés aux travailleurs à faible revenu font qu'il est plus possible pour quelqu'un d'avoir un emploi. Cela a accru la participation des femmes au marché du travail. On a pu le vérifier de façon empirique.
    Le Québec a légiféré en ce qui concerne sa stratégie de lutte contre la pauvreté. Pensez-vous que s'il ne l'avait pas fait, la stratégie aurait eu le même succès? Une loi est-elle fondamentale dans le processus?
    C'est une très bonne question car on pourrait arguer de cela et de son contraire. Certaines des mesures dont nous parlons ici ont été introduites avant la loi. Nous venons de parler des places en garderie et des allocations familiales. Cela dit, la principale transformation du système de transfert remonte au premier plan d'action, en 2004, et je suis convaincu que sous la loi... Quand le gouvernement de Jean Charest a été élu en 2003, il n'était pas chaud à cette idée.
    Il se peut qu'on ait apporté un bémol au plan.
    Je pense que divers facteurs sont intervenus mais la loi exigeait qu'ils préparent un plan d'action si bien qu'ils étaient forcés de faire quelque chose. Avec le temps, ils se sont rendu compte que l'opinion publique y était très favorable. Ainsi, la loi a poussé le gouvernement à agir mais cela a confirmé dans l'esprit des gens qu'on pouvait faire quelque chose. Donc, oui, la loi a fait une différence.
    Vous avez dit tout à l'heure...
    Je voudrais ajouter autre chose. Avec un de mes étudiants, j'ai examiné les divers programmes électoraux nationaux de 15 pays d'Europe. Les programmes sociaux dans ces divers pays étaient organisés de façon très variée. Toutefois, à certains égards, on remarquait une nette différence entre les pays dotés d'un engagement légiféré et ceux qui n'en n'avaient pas et on pouvait en constater le résultat dans les politiques adoptées, à savoir les suppléments accordés aux travailleurs et d'autres mesures adoptées. Ainsi, ce genre de loi fait une différence.
    Vous avez fait remarquer tout à l'heure que bien entendu le centre d'attention était la famille et je le comprends. Quant aux personnes qui sont seules, aux gens qui n'ont pas d'enfant, y a-t-il des mesures à leur intention, et je pense ici aux adultes pauvres qui pour une raison ou pour une autre n'ont pas d'enfant ou de famille? Y veille-t-on actuellement au Québec?
    Assurément, le gouvernement en est conscient. Quand on consulte le bilan du plan d'action, on constate que d'emblée on reconnaît que les personnes seules ont en quelque sorte été lésées. Il y a une volonté de mieux s'en occuper mais je pense que ce sera plus difficile. Il s'agit d'un groupe nombreux. Cela dépend des incitatifs, etc. Je dirais que c'est la prochaine étape.
(1205)
    Je vois.
    Ma dernière question porte sur une intervention nationale. On envisage, et on espère que ce sera concrétisé, une stratégie nationale sur la pauvreté. Je vous pose la question: premièrement, conseillez-vous que nous légiférions d'une façon quelconque? Deuxièmement, bien entendu avant toute rédaction d'une loi, je présume qu'il faudrait de solides consultations avec les provinces dans les secteurs où les compétences se chevauchent. Quels conseils nous donneriez-vous à cet égard?
    Allez-y, répondez à la question, mais faites vite. Nous avons dépassé le temps qui nous est réservé.
    D'accord.
    Tout d'abord, je ne qualifierais pas cette politique de nationale. Je la qualifierais de canadienne ou de fédérale. Ensuite, il faudrait veiller à ne pas loger toutes les provinces à la même enseigne, les soumettre aux mêmes normes, car nous n'avons pas de garantie quant à ce qui va fonctionner le mieux.
    Oui, je suis tenant d'une loi mais il faudrait qu'elle soit orientée avant tout sur les domaines de compétences fédérales. Ils offrent beaucoup de latitude.
    Deuxièmement, s'agissant du rôle du gouvernement fédéral, je mettrais l'accent sur des mesures qui favorisent l'échange de renseignements, l'acquisition des connaissances en ce qui concerne les indicateurs de la pauvreté, la connaissance des politiques, les échanges entre provinces sur les pratiques exemplaires, etc.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Lobb.
    Vous disposez de cinq minutes, monsieur.
    Merci beaucoup.
    Je me suis un peu documenté sur le centre de recherche que vous avez créé. Quels sont les résultats tangibles en matière de pauvreté qui seraient attribuables à votre centre de recherche?
    Qualifier notre centre de centre de recherche, c'est beaucoup dire sans doute. Effectivement, c'est un centre, mais il est petit et dispose de peu de ressources.
    Notre rôle principal — et je dis « notre » parce que je siège au conseil d'administration du centre — est de conseiller le gouvernement sur les indicateurs et par la suite, de publier des renseignements sur les indicateurs. Jusqu'à présent, nous nous sommes bornés à étudier les meilleurs indicateurs et à aligner nos recommandations sur eux. Par conséquent, le gros de notre travail ne porte pas tant sur la recherche sur d'éventuelles politiques que sur la juste description des faits. Par exemple, nous posons la question: Parvenons-nous à atténuer la pauvreté ou constatons-nous qu'elle progresse? Y a-t-il des groupes de la population qui font face à plus de difficultés que les autres? Qu'en est-il de l'inégalité?
    Outre ce centre de recherche, un programme de recherche a été mis sur pied avec la collaboration de plusieurs ministères québécois et avec l'appui du Fonds pour la recherche sociale du Québec, pour aider financièrement des universitaires et des groupes de recherche dans les universités s'intéressant à la pauvreté. Les études ainsi préparées seront présentées d'ici un an environ. Ensuite, il y aura un deuxième volet.
    Nous avons discuté avec des représentants d'un grand nombre de groupes. Nombreux sont ceux qui ont évoqué l'augmentation des revenus, et les avantages que cela représente. Les revenus ont augmenté de façon appréciable. Je pense que vous nous avez cité le chiffre de 14 000 $. Votre province a-t-elle pris des mesures pour faciliter la gestion financière, pour faire en sorte que ces sommes soient optimisées? J'aimerais que vous nous en disiez davantage là-dessus.
    En outre, d'autres ont évoqué la dépendance et la maladie mentale. Les gens de ce groupe peuvent toucher plus d'argent mais pourtant ce qui les afflige ne les quitte pas.
    Voilà mes deux questions: Pourrait-on oeuvrer du côté de la gestion financière pour qu'il y ait optimisation de l'argent dans le quotidien? Deuxièmement, y a-t-il des mesures prises en ce qui concerne ceux qui ont un problème de dépendance?
    Pour répondre à votre première question, quand j'ai parlé d'une augmentation appréciable du revenu, je songeais essentiellement à des familles qui tirent un revenu d'emploi, bonifié par le gouvernement. Je dois présumer que ces gens dépensent leur argent à bon escient. Ils n'en demeurent pas moins des familles dans les tranches inférieures de revenu. À ma connaissance, le problème ne vient pas du fait que les gens ne dépensent pas judicieusement. Je n'ai pas trouvé d'études sur cet aspect et il n'existe pas de politiques non plus.
    Quant aux gens qui souffrent de dépendance ou de maladie mentale, ce sont des problèmes qui ne sont pas encore réglés. Comme vous le savez fort bien, par l'intermédiaire de services cloisonnés et de ministères, les gouvernements adoptent des politiques moyennant quoi tout ce qui touche la santé est traité séparément. Je ne pense pas qu'on se soit longuement attardé à la question. Cependant, je vous dirais que c'est peut-être parce que ce n'est pas mon domaine de spécialisation.
(1210)
    Autrement dit, si je comprends bien, rien n'est fait pour consolider les compétences en matière de gestion financière et il n'existe pas de stratégie pour contenir le problème de la dépendance et de la maladie mentale, n'est-ce pas?
    Avez-vous un exemple à proposer?
    En matière de gestion financière, nous savons que les Américains, pendant des années, ont dépensé plus qu'ils ne gagnaient. Les derniers chiffres que j'ai pu consulter indiquent que les gens — non seulement les pauvres, mais de façon générale la classe moyenne, les travailleurs ordinaires — dépensent 1,07 $ pour chaque dollar gagné. Manifestement, la classe moyenne a du mal à gérer son argent.
    Je me demandais si on pouvait en dire autant des gens les plus nécessiteux et songer à les aider à optimiser leur argent.
    Il y a toutes sortes d'organisations communautaires qui s'emploient à cela et elles sont appuyées par le gouvernement. Toutefois, il n'existe pas de stratégie d'ensemble. Essentiellement, s'agissant des assistés sociaux ou ceux qui le sont presque, des gens qui sont pauvres ou qui sont presque pauvres, le problème de gestion auquel ils font face est tout simplement un budget trop court. Je suppose que c'est l'essence même d'être pauvre.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Beaudin, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Monsieur Noël, je vous remercie d'être ici. Vous dites que l'on arrive à diminuer la pauvreté. Peut-on dire que l'on arrive à briser le cycle de la pauvreté et, plus particulièrement, à la prévenir chez les enfants?
    La loi et les politiques publiques peuvent-elles suffire à elles seules à diminuer la pauvreté? Au-delà de la loi, y a-t-il d'autres facteurs ou d'autres partenaires qui permettent de diminuer la pauvreté? Y a-t-il des initiatives locales? Les politiques publiques seules arrivent-elles à régler la chose?
    Vous avez également parlé du Collectif pour un Québec sans pauvreté. La loi a pris naissance suite à une mobilisation citoyenne au Québec et grâce à un partenariat assez large, ce qui me semble assez important. Le Collectif pour un Québec sans pauvreté est toujours aux aguets et informe le gouvernement de ce qui se passe sur le plan de la pauvreté. Je pense que les initiatives locales sont des facteurs importants, même quand on parle de santé mentale.
    Passons maintenant au dossier du logement. On parle de revenus, mais on a très peu parlé de dépenses. Aujourd'hui, un logement est cher pour une famille à revenu moyen, alors imaginez ce que c'est pour une famille qui a très peu de revenus. Ce dossier du logement traîne. Près de 42 000 familles au Québec sont en attente d'un logement social, c'est-à-dire un logement qu'elles peuvent se permettre de louer.
    J'aimerais que vous nous parliez de ce dossier et de ses éléments.
    Le cycle de la pauvreté constitue une très vaste question. Honnêtement, on ne le sait pas, mais nos enfants le sauront peut-être. Ce qu'on sait sur la question nous vient de recherches internationales. De plus en plus, il existe un consensus à ce sujet: ça se passe pendant la petite enfance. Presque tous les experts qui se sont penchés sur la question disent qu'il faut s'assurer que les mères aient un travail et un revenu. De plus, il faut s'assurer que les enfants aient accès à des services de garde de qualité. Si on fait cela, je pense qu'on investit à la bonne place.
(1215)
    Il y a aussi le droit à un logement décent, j'imagine.
    C'est une autre question. Au Québec, on est un peu favorisé dans ce domaine. Pour des raisons historiques, il y a notamment à Montréal et à Québec, plus que dans d'autres villes canadiennes, un stock de logements. Les villes moyennes du Québec comptent plus de logements abordables qu'ailleurs au pays. Cela étant dit, il est clair qu'un effort doit être fait dans le domaine du logement social, qui n'est pas suffisamment développé. C'est en effet un obstacle important pour les gens.
    En ce qui concerne l'autre aspect de votre question, c'est-à-dire l'importance de la loi et des partenaires, le fait est que ça fonctionne tout ensemble. La loi a été un genre de point de ralliement pour des organisations déjà existantes. Ça servait à mobiliser divers partenaires. Au Québec, un bon nombre d'initiatives sont dues au dynamisme du milieu communautaire, local, et c'est tant mieux. On parlait plus tôt de briser le cycle. Ce problème est devant nous. Le décrochage scolaire est un problème qui interpelle aussi les partenaires dans les communautés.
    Je vous interromps parce que mon temps est très restreint.
    Vous dites que c'est tant mieux, mais n'avez-vous pas plutôt envie de dire que c'est essentiel?
    Oui, oui.
    Même si nous appliquons une politique et que nous disposons d'un peu plus de sous pour nos enfants, il reste que localement et régionalement, les gens doivent se tenir et s'organiser entre eux. Je pense ici à tous les projets d'économie sociale. En temps de crise, il faut se rapproprier son économie. Le Québec, encore une fois, est très proactif. On n'a qu'à penser à son Chantier de l'économie sociale.
    Aussi dynamique que soit le milieu communautaire, il reste qu'un cadre et des appuis sont nécessaires. Pour que les demandes des gens soient entendues, qu'il y ait une certaine légitimité, il faut travailler de concert avec les gouvernements. C'est en ce sens que la loi peut jouer un rôle important.
    Oui, tout à fait. C'est parallèle.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Le temps est écoulé.
    C'est maintenant au tour de M. Vellacott pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux faire suite à ce que nous appelons les « gentilles questions » posées par Ben Lobb, à côté de moi, du Parti conservateur. Je trouve qu'il a posé une bonne question. Je vais poursuivre dans la même veine.
    Nous avions dans la ville de Saskatoon un programme particulier qui n'était pas destiné uniquement aux « gens pauvres à faible revenu »; il s'adressait aussi à d'autres personnes, mais on mettait quand même l'accent là-dessus. Cela s'appelait le programme des boîtes d'aliments santé. Du moins, c'est le nom dont je me rappelle. On fournissait des fruits et légumes frais provenant des maraîchers des alentours de Saskatoon que l'on apportait directement aux gens. Les gens dont le nom était inscrit sur la liste et qui voulaient ces produits les recevaient à un prix minime, et l'on fournissait même des recettes. Je pense que l'idée était que, dans notre société moderne, à l'ère des supermarchés, bien des gens ont oublié comment cuisiner de délicieux repas avec des légumes frais venant directement du jardin. On se contente de boîtes de conserves, de macaroni en boîte, etc., ce qui coûte parfois plus cher et qui n'est souvent pas aussi nourrissant, comme nous le savons bien.
    Je ne dis pas nécessairement que les gouvernements sont les mieux placés pour faire ce genre de choses, mais il est certain que quiconque traverse une période difficile, et en fait n'importe qui n'importe quand peut bénéficier d'une aide pour l'établissement du budget, la sensibilisation aux programmes gouvernementaux, etc. Surtout quand j'ai eu des baisses de revenus, je comptais probablement plus que jamais sur des conseils de ce genre. Cela venait renforcer ce que je savais déjà. Parfois, j'apprenais aussi quelque chose de nouveau.
    J'ai trouvé vos observations un peu étonnantes. Peut-être pouvez-vous m'aider. Vous êtes peut-être au courant de programmes communautaires. Est-ce ce que vous vouliez dire? Avez-vous dit que le gouvernement ne le ferait pas, mais que les groupes communautaires devraient s'en charger? Cela semble être une bonne chose. Ce programme s'adressait aux foyers où il y avait un papa et une maman, ou bien des gens vivant seuls, mais des gens qui n'avaient personne pour leur apprendre à cuisiner à partir d'aliments frais. On ne mangeait que des conserves et des plats préparés, ce que trop de gens font trop souvent. Il me semble que c'était une bonne chose de fournir des repas sains et nourrissants à ces enfants, grâce à ce programme qui donnait régulièrement, une ou deux fois par semaine, à un coût relativement minime, des aliments accompagnés de recettes.
    J'ai entendu dire beaucoup de bien de ce programme. Nous y en avons eu recours à l'occasion nous-mêmes, mais ce n'était pas destiné exclusivement aux gens dont le revenu se situe au niveau de la pauvreté. D'autres pouvaient également en bénéficier à l'occasion.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il me semble que nous tous pouvons bénéficier d'une aide quelconque pour l'établissement de notre budget, quel que soit notre niveau de revenu. Peut-être qu'à mesure que les gens gagnent plus d'argent, ils ont davantage de marge de manoeuvre et en ont donc moins besoin, mais cela pourrait nous être utile à tous, même pour nous enseigner ce qui est, j'hésite à le dire, peut-être un art quelque peu oublié, parce que nous sommes tellement habitués à ouvrir des boîtes de conserve et des repas préparés. Nous avons perdu cet art que connaissaient nos grands-mères et nos mères, l'art de cuisiner avec des légumes frais directement du jardin, si l'on peut s'en procurer.
(1220)
    Je ne sais pas trop ce que les gens préparent comme repas, mais je pense que vous avez raison. Bon nombre de programmes qui traitent d'aliments, de nutrition et de tout le reste sont communautaires. Vous êtes peut-être mieux placé que nous pour le savoir, mais nous avons une assez bonne idée de ce que cela représente dans l'ensemble du pays.
    On a parlé tout à l'heure de l'importance du secteur communautaire pour ce type d'intervention. Nous savons par ailleurs que pour ceux qui vivent dans un quartier pauvre, c'est assez bien établi. Dans un quartier pauvre, non seulement les gens ne savent pas nécessairement quels sont les possibilités ou les aliments qu'on peut acheter, mais aussi, l'offre est moins abondante. Très souvent, les magasins d'alimentation sont moins bien pourvus dans les quartiers pauvres. Évidemment, quand on n'a pas de voiture, on n'a pas le choix et l'on doit magasiner dans son quartier. On achète ce qui est disponible tout près de chez soi et si l'on vit dans un quartier pauvre, on n'a peut-être pas accès à de très bons fruits et légumes frais.
    Je pense que c'est important d'avoir des initiatives comme celle-là. De façon plus générale, l'idée est également, à mon avis, de donner aux gens la possibilité de s'organiser au niveau communautaire. À Montréal, Centraide du Grand-Montréal a fait une expérience dans un quartier, à Saint-Michel; on a mis beaucoup d'efforts pour renforcer le leadership local pour appuyer les organisations. Dans une sorte d'effort concerté on a décidé d'intervenir pour appuyer des organisations de ce quartier. Cela a fait une grande différence.
    Vous donnez un bon exemple et l'on pourrait généraliser en parlant de l'importance d'aider les communautés à se doter de services, de programmes, etc.
    Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avons.
    Nous passons maintenant à M. Savage qui a cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Noël, d'être venu ici aujourd'hui nous parler de ce que l'on fait au Québec pour lutter contre la pauvreté.
    Depuis longtemps, le Québec a une approche très progressiste pour l'infrastructure sociale, qu'il s'agisse des garderies et des maternelles, des frais de scolarité peu élevés ou d'autres éléments de l'infrastructure sociale. Je vous inviterais maintenant à nous faire part de vos réflexions sur le rôle que devrait jouer le gouvernement fédéral à cet égard.
    Je sais par exemple que le Québec est l'une des provinces qui applique sur mesure le programme fédéral de la PFRT, la Prestation fiscale pour le revenu de travail, en fonction des besoins du Québec. En fait, il y a trois provinces où le gouvernement fédéral permet une certaine souplesse pour que la PFRT corresponde aux besoins de la province: le Québec, la Colombie-Britannique et, sauf erreur, le Nunavut. Il y a donc moyen, comme vous l'avez dit, pour le gouvernement fédéral et un gouvernement provincial de travailler ensemble pour lutter contre la pauvreté.
    Je voudrais savoir si vous avez des recommandations précises à faire au gouvernement fédéral quant à notre stratégie antipauvreté. Quelles recommandations devrions-nous formuler au gouvernement pour ce qui est des composantes de cette stratégie?
    Je suis très content que vous ayez utilisé l'expression « infrastructure sociale », parce qu'on a beaucoup parlé ces dernières semaines d'investir dans l'infrastructure. D'habitude, quand on parle d'infrastructure, on songe à des ponts et à des ouvrages de béton que l'on peut réparer, et tout cela est très bien; nous ne voulons pas que les ponts s'écroulent. Mais il est bon de garder à l'esprit qu'il y a aussi l'infrastructure sociale et qu'une bonne école, ce n'est pas seulement une école qui a un toit étanche, c'est aussi une école qui a de bons professeurs et des ressources pour les élèves et tout le reste. Par conséquent, il est tout aussi avantageux d'investir dans l'infrastructure sociale.
    Pour ce qui est du rôle d'Ottawa, d'une certaine manière, c'est votre tâche de déterminer quelles devraient être les priorités pour la stratégie. Je pense qu'il faut d'abord commencer par faire de la pauvreté une priorité. Ce serait déjà un très bon début.
    Je commencerais par les revenus, en particulier pour... En fait, nous avons parlé de l'assurance-emploi, mais aussi du régime fiscal. Beaucoup d'efforts ont été déployés ces dernières années pour réduire l'impôt sur le revenu, mais ces efforts n'ont pas tenu compte de ce qui se passe quand les gens sont au bas de l'échelle des revenus. Ce serait un élément important.
    Et, bien sûr, comme je l'ai dit tout à l'heure, la pauvreté parmi les premières nations doit être une préoccupation majeure du gouvernement fédéral.
(1225)
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Pour ce qui est de l'infrastructure sociale, vous avez tout à fait raison. Il faut que ces dépenses en infrastructure soient faites. Pour ce qui est même des dépenses qui servent à stimuler l'économie, beaucoup d'études indiquent que les dépenses en infrastructure sociale stimulent l'économie de façon efficace. Dans le budget récent, les dépenses en infrastructure — les dépenses en infrastructure pour stimuler l'économie — n'aident pas les Canadiens à faible revenu dans beaucoup de cas, parce que ce seront probablement les travailleurs très qualifiés qui vont bénéficier plus que les travailleurs à temps partiel.
    Le système d'assurance-emploi, les investissements dans la prestation fiscale canadienne pour enfants, le crédit d'impôt sur la TPS et d'autres mesures de la sorte auraient un impact très fort, aideraient non seulement ceux qui ont besoin d'aide mais mettraient l'argent directement dans l'économie parce que ceux qui reçoivent l'argent seront obligés de le dépenser immédiatement. Êtes-vous d'accord?
    Oui.
    D'après vous, est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire quelque chose de particulier, par exemple augmenter la prestation fiscale pour enfants, continuer à travailler sur la PFRT, ou faire un investissement pour donner de l'argent aux provinces afin qu'elles puissent investir dans leur infrastructure sociale? Y a-t-il une notion particulière que vous aimeriez voir émerger d'une stratégie nationale contre la pauvreté au Canada?
    Tout ce que le gouvernement fédéral fait pour les familles en ce moment découle d'une série de mesures, des mesures qui ont été prises l'une après l'autre. Vous avez la prestation fiscale canadienne pour enfants, le supplément de la prestation nationale pour enfants, les déductions fiscales, maintenant qu'elles existent, et bien sûr la prestation pour la garde d'enfants, les 100 $.
    La prestation universelle pour la garde d'enfants.
    La prestation universelle pour la garde d'enfants. D'après moi, cette mesure ne fonctionne pas. Elle n'est pas redistribuée, elle n'appuie pas la garde d'enfants, et elle n'aide pas les femmes à s'insérer dans le marché du travail. Cette mesure serait donc facile à changer.
    Je pense que vous avez raison.
    Merci.
    Merci, monsieur le professeur. Nous voulons vous remercier d'être venu aujourd'hui. Notre temps est malheureusement écoulé. Après une courte pause, nous allons passer à huis clos pour discuter de certains travaux du comité. Mais merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui.
    Nous allons nous interrompre quelques moments, puis reprendre.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU