Passer au contenu
;

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 avril 2009

[Enregistrement électronique]

(1120)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur ce qui constitue la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada.
    Je tiens à remercier nos invités de leur patience. Notre dernière audience a dépassé un peu les temps; nous allons vouloir nous entretenir avec vous tout de suite. Nous vous demandons de prendre au plus 10 minutes pour votre déclaration. De cette façon, tous les membres du comité, ou tout au moins certains d'entre eux, pourront poser des questions.
    En commençant par ma gauche, je vais présenter chacun des témoins en lui demandant de livrer son exposé au nom de l'organisme qu'il représente. Je crois que Carmela Hutchison, du Réseau national pour la santé mentale, sera la première à présenter un exposé.
    Carmela, vous disposez de 10 minutes.
    Je remercie le comité de nous avoir invités aujourd'hui.
    Je tiens à remercier le peuple haudenosaunee de nous accueillir ici aujourd'hui sur les terres traditionnelles que nous partageons. J'espère que nous allons pouvoir échanger les uns avec les autres sur les façons dont nous pourrions travailler ensemble pour mettre fin à la pauvreté chez tous les Canadiens, même si je m'attacherai aujourd'hui en particulier au 6 642 540 Canadiens qui éprouvent des problèmes de santé mentale. J'espère que notre travail collectif débouchera sur une action et des modifications de fond véritables.
    Le Réseau national pour la santé mentale remercie vivement le gouvernement fédéral d'avoir mis sur pied la Commission de la santé mentale du Canada et vous demande de continuer à soutenir le travail capital qu'accomplit cet organisme. En élaborant ses objectifs stratégiques, l'organisme prend en considération l'importance des déterminants sociaux de la santé du point de vue de la santé mentale. Par conséquent, c'est là un domaine d'action où il pourra servir de pont entre les secteurs.
    Notre organisme vous incite vivement à créer une loi canadienne sur la santé mentale afin de pouvoir adopter la stratégie nationale qui s’impose en matière de santé mentale.
    Nous sommes très heureux de constater que le travail visant à réduire la pauvreté se poursuit au milieu de la crise économique mondiale. C'est pour nous une mesure proactive qui aidera les citoyens du pays à se tirer d'affaire tandis que le pays cherche à relever les défis que pose l'évolution de la situation économique. Savoir que les gens se souviendront de nous et qu'ils nous aideront est d'une valeur inestimable.
    Au cours des crises économiques passées, les personnes atteintes de maladie mentale ont été montrées du doigt, ignorées ou, pire encore, privées au nom de la réduction des coûts des quelques rares ressources à leur disposition. Je remercie le gouvernement de s'être rendu compte du fait que les mesures punitives comme celles qui ont été appliquées au début des années 1990 ne valaient pas le coup si on tient compte des pertes essuyées en fait de rétablissement, de productivité, de dignité et d'espoir. Les principes inhérents à la comptabilisation des coûts complets — les coûts du point de vue financier, environnemental et humain — devraient orienter l'exercice.
    Les personnes atteintes de maladie mentale présentent un taux de suicide qui est 40 fois plus élevé que celui des personnes ayant le VIH-sida. Cela ne comprend pas les décès attribuables aux autres problèmes de santé associés à la maladie mentale, par exemple les maladies du coeur, la toxicomanie et le diabète, affections qui présentent toutes un pronostic sombre dans les cas des personnes atteintes de maladie mentale. Cela ne compte pas les effets de la pauvreté et de l'itinérance sur les malades mentaux, mal lotis du point de vue des services et contraints à vivre dans la rue.
    Il faut prendre des mesures immédiates et énergiques pour contrer la pandémie de santé mentale qu'il y a au pays. L'expérience du VIH-sida nous le montre, un effort concerté de lutte contre la maladie à tous les échelons de la collectivité donne moins de maladies et moins de morts. Aux yeux de tous nos citoyens, la santé mentale doit devenir une question tout aussi importante que la santé du coeur, la prévention du diabète ou la prévention du VIH-sida.
    Comme les nombreux documents sur la santé de la population le font voir, l'accès aux déterminants sociaux de la santé tels que les conçoit Santé Canada est essentiel à une bonne santé mentale. Or, la seule façon d'en arriver au plein accès aux déterminants sociaux de la santé, c'est de miser sur la coopération entre les ministères, tous ordres de gouvernement confondus, et sur le soutien général des citoyens.
    Dans la mesure où cette coopération ne se concrétise pas, nous croyons que les administrations de tous ordres doivent reprendre leur pouvoir. Légiférer pour adopter les mesures nécessaires au règlement des problèmes. Recueillir les données les plus probantes et consulter les groupes d'intervenants. Veiller à ce que tous les citoyens soucieux de faire valoir leurs droits fondamentaux aient accès à la justice sans avoir à supporter un fardeau administratif excessif.
    Il a été question de navigateurs de systèmes. Nous avons besoin aussi de programmes d'aide juridique pour les nombreuses situations où les gens se retrouvent. Le rétablissement du programme de contestation judiciaire serait un bon point de départ, mais il faut aller plus loin. Les programmes d'aide juridique ne sont pas utiles aux gens qui ont des problèmes avec le bureau de l'assistance sociale, la commission des accidents du travail ou leur employeur, ou encore avec le propriétaire de leur logement.
    Dans la mesure où leur revenu dépasse le plafond fiscal établi, de nombreuses personnes atteintes de maladie mentale ne peuvent accéder aux programmes de bénévolat pour la déclaration d'impôt sur le revenu, soit du fait de la complexité de la déclaration, soit du fait du niveau de leur revenu. Ils ont vraiment besoin d'aide en raison de leur handicap, mais ils sont laissés à eux-mêmes. Les personnes ayant une déficience ne peuvent présenter leur déclaration d'impôt par voie électronique.
     Certaines des mesures de prévention en question seront utiles pour réduire la pauvreté. Il y a, dans l'ensemble du Canada, d'excellents projets de financement de logements abordables. Il importe de se rappeler que les gens qui éprouvent des problèmes de santé mentale peuvent avoir en même temps un handicap physique tout en étant parents. Souvent, les logements proposés ne conviennent pas aux parents handicapés; ainsi, les familles risquent de voir leurs enfants pris en charge par l'État.
    Les malades mentaux qui sont propriétaires de leur maison doivent se débattre aussi avec la pauvreté, la détresse et l'angoisse qui entourent l'idée d'entretenir leur maison. Les programmes à l'intention des propriétaires de maison, pour les réparations et autres trucs du genre, ont donc une importance capitale.
    Il faut au Canada une mesure de la pauvreté qui soit fiable. Les recherches donnent à voir que le SFR avant impôt, le seuil de faible revenu avant impôt, en est une qui déboucherait sur une qualité de vie, une vie vécue avec dignité. Selon les sondages d'opinion publique, les gens sont d'accord sur ce point. C'est la recommandation officielle de notre organisme au gouvernement: prendre pour mesure de la pauvreté le SFR avant impôt. Statistique Canada pourrait facilement surveiller la situation et faire le point périodiquement sur une mesure établie du revenu. Les autres indicateurs économiques utiles sont le dénombrement des itinérants, le bulletin sur les listes d'attente pour les services de santé mentale, l'ampleur de la pauvreté et l'écart de revenu.
    Dans un monde idéal, la perception de la qualité de vie d'une personne donnée peut se révéler utile aussi. On se demande s'il y a une façon de tenir compte du temps qui s'écoule entre le moment où les données deviennent accessibles et celui où la majoration d'un paiement en fonction du coût de la vie est décidée. Le gouvernement devrait présenter là-dessus des rapports trimestriels aux côtés des autres indicateurs financiers, par exemple le taux de chômage et le produit national brut.
    Nous croyons que la coopération fédérale-provinciale-territoriale s'améliore, vu la nécessité de s'attaquer aux graves problèmes que vivent les personnes aux prises avec une maladie mentale, la pauvreté ou un autre handicap. Parmi les mesures qui seraient jugées salutaires dans l'immédiat, citons les suivantes: le fait de ne pas soustraire la somme d'argent versée par une administration donnée du total à verser par une autre, le fait d'accorder des encouragements fiscaux aux employeurs qui proposent un régime d'avantages sociaux aux travailleurs, les programmes nationaux d'assurance-médicaments, un programme national de soins à domicile et des lois sur le soutien à domicile.
    Il faudrait reconnaître que les personnes atteintes de maladie mentale doivent avoir droit aussi à certaines des mesures visant à soutenir les personnes souffrant d'autres déficiences. L'argent versé pour soutenir les personnes handicapées devrait suivre la personne. Il ne faudrait pas pouvoir soustraire le montant de la prestation d'invalidité du RPC du montant des prestations d'invalidité de longue durée versé autrement, là où la personne bénéfice d'une assurance collective ou privée sur l'invalidité de longue durée. À moins que le revenu de la personne n'atteigne le SFR, il faut la dispenser de toute soustraction du genre, quelle que soit la source des revenus. Le crédit d'impôt pour personnes handicapées devrait être remboursable.
    Tous les programmes de soutien du revenu devraient être indexés en fonction de l'inflation. Le gouvernement fédéral pourrait faire le raccordement nécessaire avec les programmes provinciaux existants pour combler les écarts. Par exemple, une stratégie nationale d'assurance-médicaments permettrait de combler l'écart dans les cas où les prestations provinciales n'existent pas. Là où le gouvernement fédéral verse des sommes d'argent à la province, il s'agit de s'assurer que ce sont des fonds désignés qui ne seront pas utilisés à d'autres fins.
    Le gouvernement fédéral devrait rétablir un salaire minimum fédéral s'élevant à 10 $ l'heure, indexé en fonction de l'inflation. Les gouvernements des provinces et des territoires devraient geler leur salaire minimum au point où une personne travaillant à temps plein peut échapper à la pauvreté.
    Les universités et autres employeurs qui engagent des gens à contrat devraient adopter une politique de salaire minimum vital qui obligerait les sous-traitants à verser au moins 10 $ l'heure aux travailleurs chargés de fournir les services. Sur le site Web du CCSD, une étude en particulier est poignante. Elle est signée David Ross et elle s'intitule Child Poverty in Canada: Recasting the Issue. La pauvreté chez les enfants comporte une série d'effets, et sept des indicateurs énumérés — il y en a 35 en tout — touchent les problèmes de santé mentale chez les enfants et les adolescents, dans la mesure où ils y seront pour quelque chose dans tous les succès que peut connaître la personne en question plus tard.
    C'est à l'adolescence que se manifestent le plus souvent bon nombre d'affections mentales graves et persistantes. Pour réduire la pauvreté dans de tels cas, il existerait quelques mesures très importantes: prévoir l'accès à l'assurance-emploi pour les jeunes, fournir des emplois assistés et prévoir une forme ponctuelle de prestations d'invalidité pour les personnes souffrant d'un problème de santé mentale.
    De même, pour assurer l'accessibilité des études postsecondaires, il faut un plafonnement et une réduction des frais de scolarité. Lorsque la maladie contraint la personne à changer de voie, il faut lui faciliter la chose.
(1125)
    Les personnes atteintes de maladie mentale doivent aussi être considérées comme des forces agissantes dans l'économie. L'intégralité du revenu d'une personne pauvre retourne dans l'économie. Et, pour la majeure partie, il va à l'économie locale, car ce sont des gens qui ne peuvent s'éloigner très loin de chez eux. Le fait d'engager des travailleurs et de prévoir des mesures de soutien permettra de créer des emplois et de stimuler l'économie elle-même, tout en élargissant l'assiette fiscale. Le gouvernement doit être proactif et prendre garde de ne pas réduire l'impôt simplement pour réduire l'impôt, et il doit être responsable et veiller à satisfaire aux besoins de tous ses citoyens. Il est très bien d'avoir des idéaux, mais, au bout du compte, même les mesures les plus énergiques adoptées pour réduire les coûts n'échappent pas à la réalité: ça coûte ce que ça coûte. Les revenus doivent correspondre toujours aux besoins en services.
    Enfin, je voudrais dire que le mouvement en faveur des bénéficiaires de services de santé mentale au pays a bien montré la voie quant aux activités et programmes qui sont utiles aux personnes atteintes de maladie mentale et aux mesures permettant de réduire la pauvreté. Grâce au Fonds d'intégration pour les personnes handicapées, le Réseau national pour la santé mentale a mis au point des programmes assistés d'entrepreunariat, dont trois existent toujours aujourd'hui à Calgary, à St. Catharines et en Nouvelle-Écosse. Les participants au programme en question reçoivent une aide pour mettre sur pied une petite entreprise. À ce chapitre, ils ont accès à diverses mesures allant du programme de supplément du revenu à une aide pour qu'ils en arrivent à une indépendance financière totale.
    Le plus récent programme — le réseau BUILT — est un programme d'emploi assisté mis en branle par Dave Gallson et le Réseau national pour la santé mentale. Son objectif consiste à permettre aux gens d'acquérir des compétences en service à la clientèle et en informatique, de façon à pouvoir obtenir un emploi de service à la clientèle, d'administration, de bureau de commande ou de centre d'appels. Il s'agit d'abord et avant tout de donner à la personne atteinte de maladie mentale une plus grande emprise sur sa propre vie par l'acquisition de compétences et un travail. Pour cela, il faut relever et éliminer les obstacles réels et imaginés en milieu de travail. Pour y arriver, on invite des employeurs locaux à présenter un exposé en classe, à participer à l'élaboration du contenu d'un cours et à engager les participants au programme.
    Le Réseau national pour la santé mentale est fier d'annoncer que le projet de réseau BUILT a reçu la marque de reconnaissance nationale en apprentissage du Conseil canadien sur l'apprentissage le 12 juin 2007. Jusqu'à maintenant, le réseau BUILT a permis de servir environ mille personnes. Parmi celles-ci, 750 sont retournées au travail, et quelques centaines d'autres sont retournées à l'école.
    Il y a un obstacle à ce programme: parfois, il faut rejeter un demandeur qui a droit à l'assurance-emploi, même si le programme permettrait d'améliorer son employabilité et de réduire même sa période de rétablissement.
    En dehors de ces réalisations, le Réseau national pour la santé mentale montre la voie aux organismes faisant partie du mouvement national pour les personnes atteintes de maladie mentale, par l'entremise d'un conseil d'administration qui agit au nom de l'Alliance canadienne de la maladie mentale et de la santé mentale. Un de ses programmes s'intitule Canadian Coalition of Alternative Mental Health Resources. Il s'agit d'un organisme se composant de 24 leaders du mouvement pour les personnes souffrant d'un problème de santé mentale, provenant de toutes les régions du Canada. Il conseille le Réseau sur les questions relevant de la politique gouvernementale et explore avec lui les pratiques jugées exemplaires dans le domaine.
    Quoi qu'il en soit, le niveau de financement des programmes en question n'a pas suivi le rythme d'augmentation du coût de la vie, de la demande de services ou des besoins relatifs à une expansion. Cela nous met en face d'un risque important, à un moment où nous devons nous débattre pour satisfaire aux exigences opérationnelles des fluctuations économiques. Les ONG ont beaucoup à faire pour montrer le chemin à l'époque difficile que nous vivons; il faut donc les aider de toutes les façons possibles à faire le travail vital qu'elles font. Nous espérons instaurer avec le comité une collaboration durable qui permettra de favoriser une bonne santé mentale chez tous les Canadiens.
    Merci de votre intérêt. Je suis disposée à répondre à vos questions.
(1130)
    Merci.
    Dr Taylor Alexander, bienvenue. Merci d'être ici aujourd'hui, accompagné de Ruth-Anne Craig.

[Français]

    C'est un plaisir d'être parmi vous aujourd'hui pour vous présenter nos idées sur les liens entre la santé mentale et la pauvreté.

[Traduction]

    Je suis accompagné aujourd'hui de Ruth-Anne Craig, directrice générale à la division manitobaine de l'Association canadienne pour la santé mentale, et auteure principale de notre mémoire. Ruth-Anne présentera l'essentiel de l'exposé et répondra à l'essentiel des questions posées par la suite. Nous sommes heureux à l'idée de pouvoir discuter avec vous des questions qui figurent dans notre mémoire.
    En guise de contexte, disons que l’Association canadienne pour la santé mentale, l'ACSM, est la seule organisation caritative bénévole au Canada dont la raison d’être est de promouvoir la santé mentale de tous et de favoriser la résilience et le rétablissement de personnes atteintes de maladie mentale. L’ACSM accomplit ce mandat par la défense des droits, la recherche, l’éducation et les services. Notre vision – « Des personnes mentalement saines dans une société saine » – consiste à encourager tant la santé individuelle que la responsabilité publique et sert de cadre pour le travail que nous effectuons.
    En plus de notre bureau national à Ottawa, nous avons 11 bureaux provinciaux et territoriaux et des succursales régionales desservant quelque 135 collectivités d’un océan à l’autre. Depuis 1918, l’ACSM encourage les changements au niveau des politiques ayant trait à la maladie mentale et à la santé mentale pour tous les Canadiens. L’ACSM offre des services à plus de 100 000 Canadiens annuellement dans le cadre de divers programmes et services : éducation, défense des droits, recherche, services directs, promotion de la santé mentale et information sur la santé mentale, information et élaboration de politiques gouvernementales. Du fait que la pauvreté touche un grand nombre de personnes atteintes de maladie mentale, l’ACSM s’intéresse grandement au problème de la sécurité du revenu, et ce, depuis de nombreuses années.
    Comme Mme Hutchison l'a déjà affirmé pendant son exposé, les personnes atteintes de maladie mentale sont touchées gravement par les inégalités sociales et économiques. Bien malgré elles, elles font face durant de longues périodes et, souvent, pendant toute leur vie, au chômage, à l'exclusion sociale, à l'isolement, aux problèmes relationnels, à la mauvaise santé physique et à l'absence d'espoir face à l'avenir.
    Au Canada, les malades mentaux forment un pourcentage disproportionné de la population vivant sous le seuil de la pauvreté, situation qui accentue les problèmes liés à la maladie mentale et qui contribue à la manifestation de facteurs de stress à l'origine de problèmes de santé mentale. De même, les personnes atteintes de maladie mentale constituent une grande proportion des sans-emploi au Canada. Les liens entre l'incidence élevée de pauvreté et la mauvaise santé mentale ont des répercussions profondes sur les familles, notamment les enfants, et font obstacle à l'accès à l'éducation et à d'autres possibilités économiques.
    Comme plus de 20 p. 100 des membres de notre population ont un problème de santé mentale et que les facteurs de stress liés à la vie quotidienne, qui vont en s'amplifiant, en touchant un nombre nettement plus grand, l'effet du phénomène sur les Canadiens et sur le budget national de la santé est profond, et proprement stupéfiant. Nous consacrons maintenant plus de 14 milliards de dollars par année aux soins de santé mentale.
    Selon le Conseil canadien de développement social, le risque pour les personnes handicapées de vivre dans la pauvreté est élevé. Au Canada, d'après le recensement de 2006, le nombre approximatif de personnes handicapées s'élève à quatre millions et demi. Selon l'EPLA de 2006, 15 p. 100 de ces personnes souffraient d'un handicap psychologique. De ce nombre-là, plus de 70 p. 100 étaient sans emploi (c'est plus d'un demi-million de personnes). Le revenu médian d'une personne handicapée est inférieur de presque 30 p. 100 à celui des autres membres de la population, et il s'agit là des personnes handicapées qui ont la chance de pouvoir travailler.
    L'absence de débouchés représente encore le plus grand obstacle aux personnes éprouvant des problèmes de santé mentale. Ce sont la stigmatisation et la discrimination qui ont essentiellement orienté le traitement des services de santé mentale. Le souci d'éliminer les déficits et des hypothèses erronées à propos de l'expérience vécue par les intéressés ont modulé les politiques gouvernementales; ce faisant, on a empêché l'adoption de lois axées sur le rétablissement de la personne. Néanmoins, nous savons qu'il est possible de se rétablir d'une maladie mentale et que les personnes atteintes de maladie mentale peuvent être mentalement saines. Dans certains cas, elles le sont tout à fait.
    Comme tout le monde, les personnes atteintes de maladie mentale ont besoin d'un logement salubre et abordable, d'un emploi, d'études et de possibilités d'avancement pour eux et pour leur famille. Il faut qu'un changement structurel advienne pour qu'une société mentalement saine donne sa juste mesure, ce qui comprend une pleine participation des personnes atteintes de maladie mentale aux affaires de la collectivité.
    Cela est tout à fait possible dans la mesure où nous appliquons une stratégie intégrée de santé mentale fondée sur des politiques dont les points d'appui sont la globalité des mesures et leur accessibilité. Nous voulons insister sur la nécessité pour les administrations fédérale, provinciales et territoriales de faire preuve de leadership et de coopérer en vue de produire une stratégie commune de santé mentale.
    Le climat est maintenant propice à la réalisation d'une telle stratégie compte tenu de deux facteurs: le gouvernement fédéral s'est engagé à mettre en place une stratégie intégrée de santé mentale, et la Commission de la santé mentale du Canada et des organismes comme le nôtre, l'ACSM, ont déjà effectué le travail d'amorce qui consiste à lier les questions pratiques et stratégiques concernant la maladie mentale et le bien-être psychique.
    Dans le mémoire, nous faisons valoir que les mesures de soutien du revenu et autres pour prévenir et réduire la pauvreté peuvent jouer plusieurs rôles à l'égard de la maladie mentale et de la santé mentale. Elles peuvent aider ceux qui travaillent déjà à conserver leur emploi. Elles peuvent aider ceux qui sont aptes à travailler à obtenir un emploi ou être utiles à ceux qui possèdent peu d'expérience de travail et présentent des possibilités limitées sur le plan de l'emploi. Elles peuvent empêcher la manifestation initiale d'une maladie mentale de même que les rechutes, étant donné que le revenu, nous en avons déjà fait la démonstration aujourd'hui, constitue un déterminant de la santé mentale. Elles peuvent servir à promouvoir la santé mentale et le bien-être psychique en optimisant le fonctionnement de la personne sur le plan psychologique, social, civique et économique.
    Premièrement, nous voulons nous acquitter d'une tâche capitale en aidant ceux qui ont déjà travaillé à rester près du marché du travail en période de chômage. Une période de chômage peut se produire du fait que la personne éprouve des symptômes aigus qui posent des difficultés ou encore parce que l'emploi fait partie d'un secteur économique vulnérable. Il s'agirait ici de renforcer l'actuel régime d'assurance-emploi. Pour le faire, on ferait passer le taux de remplacement du salaire de 55 p. 100, ce qu'il est en ce moment, à 75 p. 100 des gains hebdomadaires moyens, ce qui permet de réduire le fardeau subi que représente une diminution des gains pour les familles, surtout celles où le revenu est faible. On peut y arriver en ramenant l'assurance-emploi à ce qu'elle était avant 1996, c'est-à-dire en adoptant de nouveau une période d'admissibilité de 360 heures. Cela permettra de venir en aide à de nombreuses personnes atteintes de maladie mentale dont le problème est de nature cyclique de même qu'à celles qui travaillent à temps partiel parce que c'est la seule possibilité qui s'offre à elles, étant donné les symptômes liés à leur état et les effets des nombreux médicaments employés pour le traiter.
(1135)
    On peut y arriver en portant de 15 à 30 semaines la durée des prestations de maladie associées au régime d'assurance-emploi, ce qui donnerait aux personnes atteintes de maladie mentale tout le temps voulu pour se rétablir. On peut y arriver en élargissant l'accessibilité aux programmes de formation de l'assurance-emploi, y compris le financement, pour que les gens puissent mieux réintégrer le marché du travail après s'être arrêtés en raison d'une maladie mentale ou d'un facteur de stress lié à la santé mentale.
    Deuxièmement, les personnes atteintes de maladie mentale seraient nettement plus nombreuses à travailler si les aménagements appropriés étaient faits en milieu de travail. Le gouvernement fédéral a reconnu sa responsabilité à l'égard d'une stratégie nationale de santé mentale en créant la Commission de la santé mentale du Canada et en lui donnant pour mandat de concevoir une stratégie nationale de santé mentale. Il faudrait associer à cette stratégie un fonds d'importance qui permettrait de travailler de concert avec les provinces et les territoires à élargir les programmes de formation et d'éducation assistées, les programmes d'emploi, de même que la formation et les ressources à l'intention des employeurs soucieux de faire les aménagements nécessaires.
    Les personnes atteintes de maladie mentale font face à plusieurs obstacles qui les empêchent de profiter des possibilités d'avancement économique. Elles ont souvent de la difficulté à acquérir une formation scolaire appropriée et à décrocher un emploi correct, elles sont victimes de discrimination indue et sont marginalisées dans les milieux de l'enseignement et du travail à cause de leurs problèmes de santé mentale et aussi en raison des idées fausses que la société en général se fait de la maladie mentale. Souvent, pour ces raisons-là, les personnes atteintes de maladie mentale n'arrivent pas à gagner un revenu adéquat sur le marché du travail; elles doivent donc s'en remettre aux programmes de soutien du revenu. Seules les personnes qui comptent un solide attachement au marché du travail ont droit aux prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada ou aux prestations de maladie du régime d'assurance-emploi. Les autres doivent compter sur l'assistance sociale provinciale.
    Ce sont quelque 70 p. 100 des sans-travail atteints d'un trouble psychiatrique qui vivent, pauvrement, des prestations d'assistance sociale. Selon le Conseil national du bien-être social, dans les dix provinces, le revenu annuel d'une personne souffrant d'une déficience peut ne représenter que 7 851 $. Le revenu d'assistance sociale dans toutes les provinces est inférieur aux deux tiers du seuil de faible revenu. Le montant de l'écart de revenu des personnes ayant une déficience était plus élevé que le montant qu'elles recevaient concrètement dans chacune des provinces. Je répète: dans chacune des provinces.
    Le financement des régimes provinciaux provient en partie du Transfert social canadien. Pour s'assurer que les personnes atteintes de maladie mentale reçoivent un revenu suffisant pour se rétablir et vivre dignement, nous recommandons que le Transfert social canadien soit ramené à ce qu'il représentait en 1992-1993 et que le gouvernement fédéral élabore, en consultant les provinces et les territoires, des normes d'exécution de programmes pour garantir que le tout est adéquat et « bienveillant ».
    L'ACSM est d'accord avec le Caledon Institute of Social Policy: pour le moyen et le long terme, le gouvernement fédéral devrait mettre sur pied un programme de soutien du revenu de base des personnes handicapées, y compris les personnes ayant reçu un diagnostic de maladie mentale. Ainsi, les personnes ayant une déficience ne relèveraient plus des régimes d'assistance sociale des provinces. Elles auraient droit à un revenu de base plus équitable, plus uniforme, semblable à la prestation de SV et au supplément de revenu garanti pour les personnes âgées. De même, leurs prestations suffiraient à réduire la fréquence et l'ampleur de la pauvreté chez les personnes handicapées.
    Le montant des prestations des personnes incapables de travailler en raison d'un handicap pourrait également être majoré, dans la mesure où on modifie le crédit d'impôt pour personnes handicapées afin de le rendre remboursable à l'échelle tant fédérale que provinciale. Il faut adopter en même temps des modifications du critère d'admissibilité qui permettent de mieux tenir compte des restrictions découlant de ces intérêts.
    Rendre plus adéquats et plus fonctionnels les programmes fédéraux de soutien du revenu et les initiatives en matière d'emploi et de travail sont autant de mesures de prévention clés qui permettraient de limiter les difficultés économiques et la détresse humaine liée à la maladie mentale. C'est que le revenu a été établi comme étant un déterminant clé de la santé. Par conséquent, il est primordial que le gouvernement fédéral améliore l'exécution de ces programmes de soutien du revenu et qu'il les rende plus durables; de même, il est essentiel que le gouvernement fédéral instaure des politiques nationales de promotion du bien-être psychique et d'une bonne santé mentale.
    Il existe de nombreuses façons d'y parvenir, mais comme je vois que je vais manquer de temps, je me contenterai d'en nommer quelques-unes. Nous devons tirer profit des initiatives gouvernementales intersectorielles qui font appel aux ministères comme ceux du travail, du logement, de la santé et de la justice. À titre d'exemple de la manière dont une politique sociale axée sur la prévention peut améliorer le sort des familles au Canada, y compris les familles touchées par la maladie mentale, il y a l'amélioration de la prestation fiscale pour enfants et le supplément de la Prestation nationale pour enfants, qui relèvent le pouvoir de dépenser des Canadiens à faible revenu.
    Le maximum payable aux familles à faible revenu devrait être relevé jusqu'à 5 100 $ par enfant en dollars de 2007. Sur ce point, nous soutenons la Campagne 2000 pour mettre fin à la pauvreté chez les enfants, étant donné que le phénomène entraîne des dommages psychologiques pour les enfants en question, dommages qui durent trop souvent toute une vie. La prestation fiscale pour enfants et le supplément de la Prestation nationale pour enfants se sont révélés des mesures importantes pour réduire la pauvreté chez de nombreux enfants. L'augmentation recommandée rendrait la prestation encore plus efficace quand il s'agit de prévenir des problèmes de santé mentale qui se répercutent parfois durant toute une vie.
    Le logement est un autre champ d'action auquel le gouvernement national doit s'attaquer. En ce moment même, il y a une crise du logement au Canada, et les personnes atteintes de maladie mentale forment le plus gros segment de la population des itinérants; souvent, sinon, ils occupent un logement insalubre.
(1140)
    Un plan global sur le logement doit comporter un financement des immobilisations et un financement personnel. Par conséquent, le logement doit représenter une considération de premier plan pour le gouvernement fédéral.
    Le gouvernement du Canada a démontré son intérêt face à la santé mentale des Canadiens en mettant sur pied la Commission de la santé mentale du Canada et en lui donnant pour mandat de concevoir une stratégie nationale de santé mentale. L'analyse ci-dessus montre que des améliorations des programmes fédéraux de soutien du revenu représentent des éléments importants de cette stratégie et qu'il faut prévoir des fonds adéquats à l'appui de ces améliorations; c'est même un élément impératif de leur succès.
    L'amélioration des programmes de soutien du revenu a sa place dans la stratégie nationale sur la santé mentale pour trois raisons.
    Premièrement, le statut socio-économique, et surtout le revenu, est un déterminant important de l'étiologie des problèmes de santé mentale tant chez les enfants que chez les adultes. Par conséquent, rendre les programmes du soutien du revenu plus adéquats et plus fonctionnels constitue une mesure de prévention clé susceptible d'alléger le fardeau économique et humain que posent la maladie mentale et les problèmes de santé mentale. Il s'agit d'une mesure efficace sur le plan économique qui permet parfois d'éviter des traitements coûteux pour des problèmes quelquefois chroniques.
    Deuxièmement, un nombre disproportionné de personnes handicapées vit dans la pauvreté ou près du seuil de pauvreté, notamment en raison des coûts liés à leur handicap, des limites au chapitre de l'employabilité associées à leur handicap et de l'absence d'installations appropriées dans de nombreux lieux de travail. Dans le cas des personnes ayant des problèmes de santé mentale, le stress et la marginalisation liés à la pauvreté et au faible revenu compromettent leur traitement et exacerbent les symptômes de la maladie.
    Enfin, les personnes ayant des problèmes de santé mentale sont nombreuses à vivre bien malgré elles dans la pauvreté ou près du seuil de pauvreté. Les troubles mentaux comme la schizophrénie ou les troubles de l'humeur apparaissent très souvent à la fin de l'adolescence ou au début de l'âge adulte, et causent l'interruption des études. En règle générale, cette situation a des répercussions permanentes sur la réussite professionnelle. Les symptômes et les effets secondaires de la médication ont généralement pour résultat une rupture des liens avec le marché du travail. Les personnes ayant des problèmes de santé mentale sont également nombreuses à souffrir de la stigmatisation et de la discrimination à leur égard dans le milieu de travail.
    Nous devons tous travailler ensemble, tous les ordres de gouvernement, tous les citoyens du Canada, à mettre fin à l'injustice sociale qui naît de la stigmatisation et de la discrimination, et à aider les personnes défavorisées à avoir une certaine qualité de vie.
    Au Canada, nous en faisons depuis longtemps une obligation. Le gouvernement fédéral a l'occasion de faire preuve de leadership et de s'assurer d'adopter sans délai des mesures de soutien du revenu qui améliorent le sort des gens en question; c'est-à-dire qu'il ne doit pas attendre la mise sur pied de la stratégie nationale de santé mentale. Il doit plutôt travailler, en même temps, à élaborer les éléments nécessaires pour y arriver.
    Nous proposons donc que le président du conseil d'administration de la Commission de la santé mentale du Canada soit invité à discuter de la question de la réduction de la pauvreté en tant qu'élément d'une nouvelle stratégie nationale de santé mentale.
(1145)
    Monsieur le président, j'ai l'impression que nous sommes allés au-delà du temps qui nous est alloué, et nous avons encore plusieurs recommandations à formuler. De deux choses l'une: soit que nous demandons au comité de se reporter aux recommandations formulées dans notre mémoire, soit nous résumons les recommandations tout de suite.
    Nous allons faire traduire cela et en remettre des copies aux membres du comité. Nous devons passer au prochain témoin. Merci beaucoup.
    Le prochain témoin est M. Palmer, du Causeway Work Centre.
    Merci d'être venu. Vous disposez de 10 minutes. S'il vous plaît...
    J'ai l'intention de parler surtout de la nécessité de prévoir des services d'emploi et des mesures de soutien comme mécanismes pour que les gens se rétablissent des suites d'une maladie mentale et d'autres déficiences, et pour réduire la pauvreté chez les personnes handicapées. Je veux également attirer votre attention sur l'entreprise sociale en tant que véhicule novateur et économiquement efficace pour créer des emplois et de la richesse dans le secteur caritatif sans but lucratif.
    Chacune des personnes présentes dans la salle, ici, fonde une partie, si ce n'est la majeure partie de son identité sur son travail. Dans combien de situations nous trouvons-nous où la première question qui est posée est la suivante: « Et que faites-vous dans la vie? » Imaginez ce que donne à entendre la réponse: « Rien » ou encore « Je ne travaille pas, je vis de l'aide sociale. » Ce sont des réponses qui ne sont guerre propices à l'estime de soi, la confiance en soi. À moins de gagner la loto, il est difficile de se relever au-dessus du seuil de pauvreté sans un travail rémunéré quelconque.
    Historiquement, pour un grand nombre de personnes gravement handicapées, la possibilité d'occuper un emploi assisté n'a pas été vue de manière réaliste. Les employeurs sont nombreux à ne pas considérer les personnes handicapées comme des candidats dignes d'être recrutés. Les fournisseurs de soins de santé mentale et fournisseurs de services auprès des personnes souffrant de déficiences cognitives graves sont nombreux aussi à juger irréaliste l'idée que les personnes auprès desquelles ils travaillent puissent occuper un emploi sur le marché concurrentiel au sein de la collectivité.
    Ayant moi-même conçu et fourni des mesures de soutien aux services d'emploi à l'intention de personnes gravement handicapées depuis plus de 20 ans, je sais qu'il s'agit là d'un mythe. En 30 ans d'histoire, le Causeway Work Centre a aidé et placé en emploi des centaines de personnes souffrant d'une maladie mentale grave. La technologie nécessaire pour cela existe, elle existe depuis plus de 20 ans. Si tel est le cas, pourquoi n'y a-t-il pas plus de personnes gravement handicapées qui travaillent?
    Voici certaines des raisons qui, à mon avis à moi, expliquent cela.
    Les encouragements sur ce plan font défaut. La plupart des programmes d'assistance sociale ne comportent pas vraiment l'encouragement nécessaire pour que la personne envisage un retour au travail, si ce n'est une première expérience au travail. Soit que l'incitatif financier est minime, et les exigences de déclaration des gains, lourdes, soit que les gens craignent constamment que leurs prestations de santé soient éliminées. Si certaines améliorations ont été apportées à la structure de l'assistance sociale au cours des quelques dernières années, il demeure que, souvent, la récompense financière tirée du travail ne suffit pas pour qu'une personne gravement handicapée cesse d'être pauvre.
    Il existe peu de mesures pour inciter les employeurs à engager des personnes gravement handicapées. Le gouvernement de l'Ontario a adopté en 2005 la Loi sur l'accessibilité pour les personnes handicapées de l'Ontario et il travaille en ce moment à l'élaboration de normes d'accès à l'emploi pour l'ensemble des employeurs de l'Ontario. À titre de membre du comité d'élaboration des normes, je m'inquiète à l'idée que nous privilégiions le bâton au détriment de la carotte. Je préférerais pour moi-même une approche équilibrée proche de celle des Américains avec leur Disabilities Act, loi adoptée durant les années 1990 et qui prévoit un excellent incitatif fiscal pour les employeurs qui engagent des travailleurs handicapés.
    Le gouvernement finance tout un méli-mélo de programmes visant à aider les personnes gravement handicapées à recommencer à travailler. Que ce soit dans la sphère municipale, fédérale ou provinciale, chacun propose ses propres critères d'admission et détermine que tel service est offert plutôt qu'un autre, et prévoit des mesures limitées dans la durée, pour la plupart — ce qui, particulièrement dans le cas d'une personne souffrant d'une maladie mentale, ne convient pas pour affronter les difficultés que pose une maladie souvent cyclique.
    Les programmes des ministères apparentés ne sont pas coordonnés entre eux. Il est rare que leurs éléments se soutiennent mutuellement pour maximiser les résultats du point de vue du travailleur handicapé. Bon nombre des programmes d'emploi financés par le gouvernement n'envisagent pas le travailleur handicapé dans une optique globale. Les mesures de soutien de l'emploi se limitent à l'emploi lui-même, à la formation sur le tas ou à des questions portant précisément sur le milieu de travail, alors que les événements négatifs susceptibles de mener à une perte d'emploi se situent en dehors de la limite des services permis. La personne peut risquer de perdre son logement, mais, selon les règles d'un programme d'emploi, il faudra qu'elle attende qu'un gestionnaire de cas ou un responsable du logement lui soit désigné. Le travailleur d'aide à l'emploi n'aura pas le droit d'intervenir; il devra se contenter de regarder la situation en espérant que le problème se réglera avant que le travailleur handicapé ne perde son emploi.
    Ce n'est pas que la faute au gouvernement ou aux programmes gouvernementaux. Les fournisseurs de services ne coopèrent pas toujours d'une façon qui soit utile aux travailleurs handicapés. L'instinct territorial, la limitation du volume de travail et l'adoption de priorités mal avisées ont une influence sur le comportement des fournisseurs de services.
    Les solutions ne sont pas extraordinairement compliquées. Les programmes d'assistance sociale peuvent être structurés de manière à encourager le retour au travail. Les ordres de gouvernement peuvent coopérer et structurer les programmes pour permettre une collaboration, et, ce faisant, éliminer le dédoublement et réduire ce que cela coûte aux contribuables. L'adoption et le financement de modèles exemplaires permettent aux personnes handicapées de recevoir le soutien qu'il leur faut pour trouver du travail et, ce qui est encore plus important, de conserver l'emploi trouvé. Les employeurs peuvent recevoir un incitatif financier s'ils engagent un travailleur handicapé.
(1150)
    Outre les mesures décrites ci-dessus, nous devons explorer des solutions novatrices pour créer de l'emploi et éliminer la pauvreté. Or, l'entreprise sociale représente une des approches les plus prometteuses, mais, en même temps, la moins avancée qui soit au pays. La définition de l'entreprise sociale varie d'un pays à l'autre, d'une culture à l'autre aussi, mais, dans le contexte canadien, nous pouvons dire qu'il s'agit d'une organisation économique qui emploie la production orientée vers le marché et la vente de biens ou de services pour promouvoir une mission d'intérêt public. L'entreprise sociale peut prendre de nombreuses formes, depuis l'oeuvre de bienfaisance traditionnelle qui vit de dons jusqu'à l'entreprise purement commerciale, en passant par les organismes sans but lucratif.
    Je veux me concentrer sur l'entreprise à caractère social mise sur pied pour produire, à parts égales, un avantage d'intérêt public et un avantage économique. Ces organismes à double vocation sont souvent qualifiés en anglais de double bottom-line businesses ou triple bottom-line businesses, étant donné qu'ils mesurent leur rendement en fonction d'impacts sociaux ou environnementaux positifs aussi bien que de retombées économiques.
    Le Causeway Work Centre dirige trois entreprises sociales: Krackers Katering, Good Nature Groundskeeping et Cycle Salvation. Ces trois entreprises ont été conçues pour créer un marché d'emploi concurrentiel pour les personnes souffrant d'une maladie mentale grave et pour montrer qu'il est possible pour ces dernières de contribuer à la croissance économique et au bien-être de la collectivité. Les trois entreprises ont une double mission. Elles produisent des gains financiers et prennent à charge les dépenses et les salaires des travailleurs tout en générant des retombées sociales positives, c'est-à-dire des travailleurs productifs et en santé qui sont aptes à conserver un emploi soumis à la concurrence. En 2007, les trois entreprises sociales de Causeway ont versé un salaire compétitif à 107 travailleurs souffrant d'une maladie mentale grave pour un total de plus de 150 000 $. Les trois continuent d'aspirer à l'autonomie financière.
    Le secteur sans but lucratif du Canada est économiquement important. En ce moment, il compte pour 120 milliards de dollars en dépenses annuelles, ce qui est supérieur aux secteurs de la vente au détail, des mines ou du pétrole et du gaz naturel. L'action gouvernementale et philanthropique touchant leur limite, la mobilisation de capitaux privés représente pour nous la meilleure stratégie possible pour faire croître le secteur, afin de répondre à un besoin collectif nouveau et en croissance et de situer notre travail de manière plus novatrice dans un climat économique qui va en dépérissant.
    Le secteur sans but lucratif a actuellement un accès très limité aux outils financiers qui s'offrent au secteur privé. Les organismes sans but lucratif sont nombreux à ne pas se tourner vers d'autres formes de capital parce qu'ils manquent d'expertise commerciale, qu'ils craignent les risques liés au fait d'emprunter ou qu'ils ne disposent pas d'un modèle d'affaires pour soutenir le financement par emprunt. En même temps, les obstacles réglementaires empêchent les organismes caritatifs et organismes sans but lucratif de structurer et financer des entreprises sociales.
    Les investisseurs du secteur privé feront face à d'autres défis encore. L'absence d'incitatifs fiscaux et d'autres approches parrainées par l'État pour atténuer les risques, de même, dissuade les investisseurs institutionnels de participer à ce marché. Malgré ces obstacles, les secteurs comme celui du logement abordable ont commencé à mobiliser des capitaux privés et à créer un stock de logements dont on a désespérément besoin.
    Pour faire croître le nombre de possibilités d'emploi à la disposition de l'entreprise sociale et pour réduire la dépendance à l'égard des subventions gouvernementales, nous devons aménager au Canada un marché de capital social qui soit efficace. Nous devons franchir l'étape actuelle, qui se caractérise par une innovation sporadique et sans concertation, pour mettre en place des politiques, des cadres réglementaires, des incitatifs et des éléments d'infrastructure qui permettront de harnacher la valeur des entreprises sociales et de donner libre cours au capital privé qui en est le moteur.
    Depuis une dizaine d'années en particulier, les gouvernements fédéral et provinciaux chantent les louanges de l'autonomie financière. Ils encouragent les oeuvres de bienfaisance et les organismes sans but lucratif à collaborer davantage, à employer des approches fondées sur des données probantes, à aspirer à l'autonomie, et à rechercher des fonds du côté du secteur privé plutôt que du gouvernement.
    Certes, dans la mesure où il est question de l'emploi des personnes handicapées et défavorisées, l'entreprise sociale est un creuset idéal, où se fondent bon nombre de ces idéaux. Tout de même, nous ne pouvons faire les choses tout seul dans le secteur sans but lucratif. Nous avons besoin d'un gouvernement qui crée et encourage un cadre réglementaire convivial à cet égard, pour promouvoir l'innovation liée aux entreprises sociales.
    Merci.
(1155)
    Merci, monsieur Palmer, et merci d'avoir respecté la contrainte de temps.
    Nous allons maintenant écouter notre dernier groupe de témoins. C'est la Corporation Salus d'Ottawa. Je crois que nous accueillons Carolyn Buchan et Margaret Singleton.
    Bienvenue. Vous disposez de 10 minutes.
    D'abord, je tiens à vous remercier de nous avoir invitées à prendre la parole devant le comité aujourd'hui. Ma collègue Margaret Singleton et moi sommes ici parce que nous nous soucions beaucoup de la pauvreté, et, en particulier, de la pauvreté des personnes ayant une maladie mentale.
    La corporation Salus, que nous représentons, est un organisme sans but lucratif qui travaille depuis plus de 30 ans auprès des personnes atteintes de maladie mentale grave à Ottawa.
    Comme nos collègues l'ont dit aujourd'hui, la maladie mentale grave mène à la stigmatisation, à l'isolement social et à la pauvreté. Souvent, elle mène à l'itinérance.
    Je suis présidente de Salus — soit dit en passant, cela veut dire bien-être en latin — et aussi présidente du conseil d'administration bénévole, qui compte 18 membres. Notre conseil d'administration compte des clients, d'ex-clients, des amis et des parents de personnes atteintes de maladie mentale, de même que d'autres personnes qui souhaitent simplement aider notre groupe de clients.

[Français]

    Nous offrons nos services en français ainsi qu'en anglais. L'année dernière, le Salus d'Ottawa a reçu une désignation partielle du gouvernement provincial en vertu de la Loi sur les services en français de l'Ontario. Cette désignation vise à assurer que les francophones auront accès à nos services communautaires en santé mentale en français. Environ 25 p. 100 de nos 375 clients s'identifient comme francophones.

[Traduction]

    Salus a commencé dans le domaine du logement supervisé, qui demeure un élément capital de l'ensemble des services dont ont besoin nos clients.
    Grâce à un effectif de 72 personnes, nous travaillons avec les clients pour qu'ils puissent se rétablir, c'est-à-dire, pour paraphraser le rapport-cadre de la Commission de la santé mentale du Canada, chercher à maximiser leur potentiel et leur participation aux affaires de la collectivité, et les aider à s'épanouir, malgré une maladie qui est habituellement chronique et qui est toujours ou qui a déjà été débilitante.
    Pratiquement tous nos clients sont pauvres, la plupart étant dépendants du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées. Cela veut dire que, une fois le loyer payé, ils disposent de 554 $ par mois pour vivre, ce qui suffit à peine à survivre, sans parler de participer pleinement aux affaires de la collectivité, de prendre en charge les coûts supplémentaires liés à une maladie grave ou de composer avec les urgences ou autres événements extraordinaires.
    Je demanderais maintenant à Margaret Singleton, directrice exécutive chez Salus, de parler des besoins de nos clients et de la façon dont nos services permettent de répondre aux besoins en question.
(1200)
    D'autres organismes seraient plus aptes que Salus à définir dans une optique statistique générale les besoins des personnes pauvres. L'ACSM a très bien fait cela ce matin. Tout de même, nous pouvons parler, nous, des besoins des gens qui reçoivent ou attendent de recevoir les services de Salus.
    Nos services permettent de soulager certains des problèmes liés à la pauvreté et, en particulier, aux formes extrêmes d'exclusion sociale liées à la maladie mentale.

[Français]

    Nous offrons une gamme de services bilingues. De plus, nous avons une équipe spécifique qui offre des services d'accompagnement communautaire à notre clientèle francophone. Ce service est sensible aux aspects particuliers de la culture et de la communauté francophones de notre région.

[Traduction]

    Quant à l'accessibilité, Salus propose ses services dans les deux langues officielles avec en vérité trois grands programmes, trois voies principales.
    Les besoins dépassent la demande dans tous les programmes. Voici quelques renseignements de base sur la question de l'accès et aussi trois exemples, modifiés pour protéger la vie privée de trois clients qui ont réussi à se prévaloir de nos programmes et dont la vie, de ce fait, a été transformée.
    Nous avons 186 appartements « autonomes » pour parler de nos logements assistés permanents, mais la liste d'attente comporte 797 noms. Il y a donc 186 appartements et 797 personnes qui attendent. Le taux de roulement est négligeable, et les quelques rares places qui se libèrent, souvent, sont prises par les gens qui viennent de terminer nos programmes de réadaptation.
    Notre toute dernière locataire, « Karen », est sourde et souffre d'anxiété et de dépression graves; elle est aussi toxicomane. Comme elle a la chance d'être sourde et que nous avions une place libre dans un appartement spécialement aménagé, elle n'a dû attendre que cinq ans, plutôt que huit, ce qui est la moyenne. Elle a vécu dans des refuges et dans de multiples maisons de chambres depuis 1996. Enfant, elle a vécu dans huit foyers d'accueil différents et un internat. Un gestionnaire de cas de Salus la prend en charge. Deux gestionnaires de cas ont appris le langage des signes pour servir les clients sourds. Cela promet d'être pour Karen le début du processus de rétablissement.
    Nous n'avons pas de liste d'attente pour nos programmes intensifs de réadaptation, où il peut y avoir 25 clients à tout moment, dont dix provenant particulièrement des services de psychiatrie judiciaire des Services de santé Royal Ottawa. C'est l'hôpital qui doit nous recommander la personne, et la demande est inépuisable. Nous devons rejeter un grand nombre de clients possibles.
    « Dave » est maintenant dans la cinquantaine. Il a commencé le programme de transition Fisher après avoir passé 20 ans à l'hôpital psychiatrique de Brockville. Avant, depuis l'adolescence, il a souvent été hospitalisé et a eu des démêlés avec la loi. Comme de nombreux clients chez Salus, il est toxicomane en plus d'avoir des problèmes de santé mentale. Au moment où il est arrivé, on a dû lui inculquer la base: comment faire sa toilette, comment manger de manière acceptable, comment faire des choix d'adulte — ce qui n'arrive pas souvent dans l'aile psychiatrique d'un hôpital. Après 12 mois à Fisher, il a emménagé dans un appartement chez Salus. Avec l'aide d'un gestionnaire de cas, il essaie maintenant d'être autonome; il s'est fait quelques amis, il évite l'hôpital et il est heureux.
    Notre programme intensif de gestion de cas comporte une liste d'attente que nous avons en commun avec tous les organismes locaux qui proposent le même service. De façon générale, les clients qui arrivent chez nous attendent depuis deux ans.
    « Theresa », qui est maintenant dans la trentaine, a un trouble de la personnalité et un trouble alimentaire; de même, elle a déjà été victime de mauvais traitements. Elle a entamé en 2001 le programme de gestion de cas de Salus, d'où elle est partie récemment, après avoir trimé dur pendant environ huit ans à régler toute une série de difficultés. Quand elle nous a quittés, elle avait en main un diplôme d'études d'un collège communautaire. De même, elle ne vit plus dans un appartement de Salus ni ne fait partie de notre programme de gestion de cas; elle est mariée et a un enfant, et elle n'est plus pauvre.
    Les personnes atteintes de maladie mentale devraient disposer d'un certain nombre d'options quant à la façon dont elles reçoivent les services, mais, pour nombre d'entre elles, le modèle de Salus est ce qui fonctionne le mieux. Le service qui leur convient est celui qui comporte un appartement sur place où les locataires ont accès à de l'aide et peuvent créer une petite société d'entraide. Cela renforce les avantages de la gestion de cas individuelle. C'est une assise solide à partir de laquelle on peut élargir les liens avec le reste de la collectivité.
     Dans la mesure où les personnes souffrant d'une maladie mentale grave n'ont pas accès aux services de Salus ou à ceux d'organismes semblables, la pauvreté et l'exclusion sociales demeureront leur lot. L'accès à nos services n'est pas en lui-même la solution aux problèmes que pose la pauvreté, mais il permet d'atténuer certains des aspects les plus extrêmes de la pauvreté. Certaines personnes se rétablissent au point où elles cessent d'être pauvres et intègrent la collectivité générale.
(1205)
    Vous avez demandé quel serait le rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est de la pauvreté. Nous reconnaissons l'obligation constitutionnelle qu'ont le gouvernement fédéral et les provinces de jouer un rôle approprié en rapport avec tous les secteurs de programme. Cependant, de notre point de vue à nous et, fait plus important, de celui de nos clients, il importe d'abord et avant tout que les services appropriés soient financés et offerts en quantités suffisantes, d'où que vienne le financement.
    En ce moment, une stratégie nationale sur le logement et une stratégie nationale sur la santé mentale font défaut au Canada. À nos yeux, ce serait là des éléments clés d'une tentative sérieuse qu'on pourrait faire pour réduire la pauvreté. La Commission de la santé mentale travaille à la conception d'une stratégie sur la santé mentale au Canada, mais personne ne semble travailler à une stratégie nationale du logement, même si nous notons que cela est préconisé dans un projet de loi d'initiative parlementaire, le C-304, qui a été déposé à la Chambre en février.
    Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait absolument montrer la voie et élaborer les deux stratégies. De même, il devrait s'assurer du fait que nous agissons pour nous attaquer aux problèmes en question. À coup sûr, l'élimination de la pauvreté peut représenter un objectif des provinces aussi et, à coup sûr, les autorités peuvent collaborer pour parvenir à atteindre un objectif aussi important. En l'absence de stratégies, il n'y a pas d'orientation politique, selon nous, ni d'impulsion pour que nous avancions dans la bonne direction, mais si on croit qu'il faut respecter le leadership fédéral en ce qui concerne les questions stratégiques, il faut croire aussi que le gouvernement fédéral doit montrer l'exemple en fournissant le financement nécessaire.
    Salus et ses clients ont profité de la collaboration fédérale-provinciale par le passé. Nous avons construit 40 appartements en nous prévalant du programme de logements abordables selon l'entente intervenue entre le Canada et l'Ontario et du financement des partenariats en action communautaire. Ce qui n'était pas possible, c'était de financer un travailleur de soutien travaillant dans le bâtiment. En maximisant l'utilisation que nous faisons du personnel, nous avons réussi à en désigner un, mais il serait irresponsable de continuer à aménager des logements dont les gens ont vraiment besoin sans les doter du personnel voulu pour les aider. Pour notre groupe de clients à nous, le financement du logement doit aller de pair avec le financement des services de soutien.
    Vous avez demandé que l'on propose des solutions novatrices. À nos yeux, une innovation utile consisterait à profiter d'une expérience solide et d'une certaine capacité organisationnelle. Nous en faisons déjà beaucoup pour bien répondre aux besoins de notre groupe de clients. Ce qu'il faut maintenant, c'est élargir les services existants et les améliorer progressivement.
    Ce qu'il faut, ce sont des programmes qui reposent sur des ressources adéquates. Il s'agit non seulement de faire le travail en tant que tel, mais aussi de l'évaluer périodiquement, en intégrant ce que nous apprenons à la conception même des programmes. Pour y arriver, les organismes communautaires doivent pouvoir situer les programmes et les budgets dans un contexte stable, prévisible et coopératif qui favorise l'expansion de modèles comme celui de Salus, qui a fait ses preuves.
    C'est ce vers quoi le gouvernement fédéral devrait se diriger, selon nous, s'il veut adopter des mesures positives et faire preuve de leadership.
    Merci, madame Buchan.
    Merci beaucoup à tous ceux qui ont présenté un exposé.
    Nous allons maintenant procéder à quelques tours de questions. Pour le premier tour, ce sera sept minutes, pour le deuxième, ce sera cinq, et nous allons commencer par écouter Mme Folco.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je ne sais pas quoi dire. Nous avons entendu tant de groupes qui sont venus témoigner, et chaque histoire de pauvreté qu'on raconte est pire que la précédente. Parfois, on se demande jusqu'à quel point les gens peuvent s'enfoncer dans la misère; puis, on entend des gens comme les témoins que nous avons accueillis aujourd'hui et on constate que la misère peut être encore plus profonde. Quand je dis « s'enfoncer », je ne veux pas dire quelque chose de péjoratif; je veux dire des conditions qui sont encore pires, les situations encore pires où les gens doivent supporter de multiples problèmes, si vous me comprenez. Il y a toujours pire.
    J'aimerais vous poser une question que j'ai posée à d'autres groupes. Plutôt que de prendre pour point de départ le strict minimum, car on ne peut jamais prendre cela pour point de départ, et que, ensemble, nous représentons ici les efforts concertés du gouvernement... Plusieurs mesures ont déjà été adoptées. On a déjà fait certaines choses qui ont bien fonctionné pour les gens que vous représentez. D'autres choses encore ont moins bien fonctionné.
    J'aimerais que vous nous disiez ce que le gouvernement devrait continuer à faire ou améliorer et, de même, ce qui ne se fait pas encore et qui, selon vous, devrait voir le jour. Je vous prierais d'être le plus concrets possible. Je laisse la question ouverte à quiconque souhaite répondre.
(1210)
    Il y a maintenant dans plusieurs provinces — c'est à l'initiative de la Commission de la santé mentale du Canada — des allocations de logement dont se prévalent certaines personnes. Ce sont des prestations transférables, mais c'est un régime qui pourrait certainement être universel. Pour l'instant, il ne s'applique qu'à une petite fraction des personnes éprouvant des problèmes de santé mentale.
    Je traiterai de la question des programmes d'emploi financés par le gouvernement fédéral. Je vais vous donner un exemple concret.
    Nous avons un programme d'emploi conçu pour placer en emploi et soutenir les itinérants ayant une maladie mentale grave. Notre proposition de départ, celle qui a été financée, reposait sur une pratique exemplaire ayant fait l'objet de recherches approfondies en Amérique du Nord. Malheureusement, la bureaucratie a fait des siennes, et le programme conçu pour fournir un soutien aux gens sur 24 mois après le moment où ils étaient placés a été réduit à trois mois. C'est donc devenu un programme qui générait d'excellentes statistiques si on se penchait sur le phénomène du retour au travail, mais le bailleur de fonds ne se souciait de savoir s'i les gens gardaient leur emploi pendant cinq minutes ou pendant cinq mois. Nous, nous voulions savoir si les gens obtenaient et gardaient aussi l'emploi.
    Certes, mettre les modèles exemplaires à l'abri de la bureaucratie sera très avantageux du point de vue de l'efficacité de l'investissement fait.
    Je pourrais peut-être ajouter que, dans le contexte des programmes de logement abordable, que le gouvernement fédéral a parrainés par le passé, il est vraiment important pour notre groupe de clients que la subvention soit suffisante. Un programme qui, de fait, est conçu pour ramener le loyer à ce qu'une personne ayant des revenus moyens peut se permettre de payer ne suffira pas pour nos clients, dont les revenus sont faibles. Les programmes conçus pour aider les gens comme nos clients sont ceux où les subventions sont vraiment suffisantes.
    Oui, c'est coûteux, mais c'est ce qu'il faut pour que ça fonctionne, pour que ceux qui en ont vraiment besoin le plus puissent en profiter.
    Pour parler de choses très concrètes, si le gouvernement prend pour référence le programme de revenu assuré pour les personnes handicapées de l'Alberta, il faut dire qu'il serait possible d'appliquer à l'ensemble du pays bon nombre des recommandations issues de l'examen qui a été fait, dans ce cas, des situations où les gens tirent des faibles revenus, particulièrement en ce qui concerne la modification des prestations provinciales d'assistance sociale — de manière à ce qu'on vienne en aide aux gens avant qu'ils ne tombent. Autorisez une même série d'éléments d'actifs partout au pays et appliquer dans l'ensemble du pays aussi un programme uniforme comme le Programme de revenu assuré pour les personnes handicapées.
    En ce moment, le programme DB2 en Colombie-Britannique et le POSPH ici même en Ontario sont les deux autres programmes qui s'apparentent à la formule, mais il faut qu'une telle mesure s'applique partout au pays. Si les éléments d'actifs permis étaient les mêmes, nous pourrions venir en aide à bien plus de gens avant qu'ils ne tombent.
    L'autre élément qu'il faut retenir, c'est que l'amélioration des moyens d'action des organismes non gouvernementaux financés par l'État fédéral est très importante. De même, il me semble capital que le Canada ratifie la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées et que le cas de la santé mentale, certainement, soit prévu dans le contexte.
    Je crois qu'il est très important que nous agissions vraiment, au-delà des belles paroles. Voilà quelques-unes des recommandations très concrètes que nous pouvons formuler.
    À propos de l'assurance-emploi, ma collègue a cité le Caledon Institute. En ce qui concerne le processus d'assurance-emploi, il y a un autre document de Michael Prince qui s'intitule Canadians Need a Medium-Term Sickness/Disability Income Benefit. Le deuxième enjeu invoqué dans ce document, et cela suppose des recommandations touchant le régime d'assurance-emploi, renvoie à une autre recommandation très concrète dont l'adoption pourrait se faire très rapidement et qui produirait rapidement ces effets.
    Lorsque j'ai témoigné en rapport avec Condition féminine Canada à propos des effets de l'assurance-emploi, on a demandé s'il fallait prolonger le nombre de semaines admissibles ou encore éliminer le délai de carence. J'ai répondu que, idéalement, ce serait les deux. Je veux vraiment encourager le gouvernement à faire les deux, dans la mesure où il envisage de modifier la réglementation sur l'assurance-emploi, étant donné que c'est une mesure qui peut commencer à s'appliquer tout de suite.
    Selon un des arguments invoqués, le délai de carence s'apparente à la franchise d'une assurance. Il y a eu un incendie dévastateur chez moi en 2004. Comme les dommages causés représentaient une valeur supérieure à 10 000 $, la franchise de ma police d'assurance ne s'appliquait pas. Je vois la maladie comme étant une chose tout à fait catastrophique dans la vie de quelqu'un; nous devrions peut-être éliminer le délai de carence pour les gens malades.
(1215)
    Merci.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Désolé, mais non.
    Merci beaucoup d'avoir fait ces propositions concrètes.
    Monsieur Ménard, bienvenue de nouveau. Vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président. C'est un plaisir de venir à ce comité, puisque c'est un mandat important de la Chambre.
    Vos présentations ont été extrêmement éloquentes. Elles sont non seulement une combinaison de force et de lucidité, mais également de détresse. Elles nous rappellent un poème de Réjean Ducharme, mais je résisterai à la tentation de vous le lire, pour m'en tenir à des questions très précises. Sachez que j'ai beaucoup apprécié le message que vous avez livré ce matin.
    J'aimerais poser trois brèves questions. Je ne suis pas convaincu que le meilleur gouvernement pour lutter contre la pauvreté soit le gouvernement fédéral. Dans les parties du Canada où on a le mieux gagné cette bataille, c'est en raison d'initiatives provinciales, notamment du Québec, de Terre-Neuve et, de plus en plus, de l'Ontario. Cependant, cela ne veut pas dire que le gouvernement fédéral n'a pas un rôle à jouer.
    Le fil conducteur de tous vos témoignages, ce sont les problèmes de santé mentale. Des analystes disent qu'au cours des prochaines années, une personne sur cinq connaîtra un problème de santé mentale à des degrés variables et vivra de la discrimination. La Loi canadienne sur les droits de la personne offre un certain nombre de garanties pour mettre fin à la discrimination, particulièrement dans les rapports entre les gouvernements. Or, le gouvernement fédéral n'a pas inscrit le motif interdit de discrimination qu'est la condition sociale, alors que les neuf autres provinces l'ont fait.
    La première chose que le gouvernement devrait faire, dans le plein respect de ses champs de compétence, ne serait-elle pas d'offrir un outil de contestation aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale et qui se voient refuser un service bancaire ou l'accès à un logement? Le gouvernement et l'ensemble des parlementaires ne pourraient-ils pas commencer par amender la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'y inclure la condition sociale? Vos organisations ont-elles examiné cette question?
    Quelqu'un souhaite-t-il engager un premier échange à ce sujet? Par la suite, je reviendrai sur la question du logement.

[Traduction]

    J'aimerais certainement que les citoyens puissent s'adresser au besoin à une commission des droits de la personne qui, elle, aurait vraiment le pouvoir d'agir. Il y a un ombudsman dans la plupart des provinces, mais je ne peux parler que de l'Alberta dans ce cas-ci. Je sais que l'ombudsman là ne peut contraindre les parties à adopter une solution, ce qui veut dire que les gens doivent invoquer la loi sur les droits de la personne et s'adresser à la Cour du Banc de la Reine. Or, il en coûte 200 $ pour déposer un avis à la Cour du Banc de la Reine. Impossible pour nous comme pour les gens touchés de le faire.
    Quant à l'accès à la justice pour celui qui souhaite défendre ses droits, qu'il s'agisse d'une assurance privée, d'un conflit entre un propriétaire et un locataire ou d'une question conjugale, ceux qui souhaitent obtenir de l'aide se trouvent aux prises avec d'affreux problèmes.
    Je ne suis qu'une femme handicapée. J'ai une maladie mentale complexe, une affection neurologique, et, comme vous le savez, un handicap physique. Je ne suis certainement pas avocate. J'ai une formation en soins infirmiers que j'ai acquise avant de me blesser.
    Il y avait un homme, un pharmacien handicapé. Il avait accès à un régime privé qui lui permettait de toucher un revenu de 5 000 $ par mois. Sinon, il aurait été dans la misère, sans abri. La seule façon pour nous de l'aider, c'était de lui servir d'avocat et d'aller devant le tribunal présenter les documents nous-mêmes. Il avait déjà eu un avocat. Il avait donné 30 000 $ à cet avocat, qui, en huit ans et demi, n'avait pas présenté une seule requête en son nom. J'ai dû plaider pour lui et présenter ses documents.
    C'était un stress énorme. Je disais aux gens qu'il me fallait de l'aide, que je ne savais pas quoi faire et qu'il était possible que je perde tout ce qu'ils avaient. Ils m'ont dit qu'ils avaient déjà donné 30 000 $ à un avocat sur huit ans et qu'ils auraient quand même pu finir par tout perdre. Heureusement, ils ont pu en arriver enfin à un règlement.
    C'est un problème énorme, le moment déterminant dans ce genre de situation. Les gens nous dirigent vers des ressources étudiantes comme le regroupement Pro Bono Students Canada ou un centre local d'aide juridique, qui nous dit qu'il peut nous renvoyer à un tel ou à l'autre, mais qu'il ne peut nous représenter devant le tribunal ni s'occuper de nos documents. Je les ai regardés et je leur ai dit: vous ne pouvez pas m'aider; je sais déjà rédiger mes propres affidavits. Mais j'ai dû apprendre une chose: faire cela d'après les règles du tribunal est une chose très ardue et très stressante.
(1220)

[Français]

    Permettez-moi maintenant d'engager l'échange sur la question du logement. Vous avez absolument raison de rappeler aux parlementaires que pour lutter efficacement contre la pauvreté, le premier déterminant dont il faut tenir compte est que beaucoup trop de gens consacrent une partie importante de leur revenu à l'habitation.
    Vous savez sans doute que le gouvernement fédéral s'est désengagé, depuis 1993, de toute forme de logement social. Il y a eu un programme de logement abordable, mais il n'y a pas de projet de construction de HLM dans les communautés mettant à contribution le gouvernement fédéral, qui a un rôle à jouer dans les coopératives d'habitation. Il y a des conventions de coopératives d'habitation qui vont venir à échéance.
    La meilleure façon de s'assurer qu'il y ait un parc de logements sociaux viables et intéressants dans les communautés ne serait-elle pas de mettre sur pied des politiques de transfert dans les différentes provinces? Les provinces ne pourraient-elles pas jouer un rôle beaucoup plus utile à cet égard? L'impulsion doit-elle ne venir que du gouvernement fédéral?

[Traduction]

    Madame Singleton.
    Sans aucun doute, les provinces ont un rôle à jouer. Il y a eu un moment où le Canada était reconnu comme chef de file dans le domaine du logement social et abordable. À ce moment-là, il y avait une collaboration entre les autorités fédérales et provinciales, et le gouvernement fédéral jouait un rôle très actif dans l'aménagement de logements. Le retrait fédéral du dossier, en 1993, a eu une incidence importante sur les options qui s'offrent, si vous voulez, dans l'ensemble du pays pour qui souhaite aménager des logements. Je crois que le gouvernement fédéral a un rôle clé à jouer si nous voulons que cela fonctionne concrètement, mais ce n'est pas pour dire que la province n'a aucun rôle ni aucune responsabilité dans l'affaire.
    Au bout du compte, tout de même, peu importe d'où vient l'argent du point de vue de nos clients.
    Le logement social n'est pas toujours la solution au problème. Parfois, se retrouver dans un logement social conduit à encore plus de discrimination. Pour les gens atteints d'une maladie mentale, être citoyen au sens plein du terme, c'est être intégré à la collectivité; voilà la mesure la plus saine.
    Je suis donc d'avis que la solution ultime est celle de l'allocation de logements transférables, qui n'est pas rattachée à un programme.
    Madame Chow, bienvenue à nouveau parmi nous. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai remarqué que les tentatives de suicide sont dix fois plus élevées chez les assistés sociaux que chez les Canadiens moyens. Parmi les personnes vivant de l'assistance sociale, il y en a une sur dix qui a essayé de se suicider au cours des 12 mois précédents. Il y a donc un lien certain entre la pauvreté et la santé mentale.
    Je remarque aussi que la fréquence de la dépression chez les personnes à faible revenu est supérieure d'environ 60 p. 100 à ce qu'elle est chez les Canadiens ordinaires et que les premiers sont plus susceptibles de se retrouver à l'hôpital en raison d'une dépression. C'est supérieur de 85 p. 100 à ce que c'est pour les Canadiens moyens.
    Vous avez raison de dire que les seuls coûts de santé liés à une tentative de suicide ou une hospitalisation pour cause de dépression sont énormes. Bien sûr, il y a le prix énorme que la maladie mentale fait payer aux gens sur le plan strictement humain. On dirait une spirale descendante. On devient déprimé, on devient pauvre. Puis, quand on est pauvre, on devient encore plus déprimé. Ce sont des phénomènes qui s'alimentent l'un et l'autre. Puis, il y a la toxicomanie qui naît de cela et ainsi de suite. Et ça ne fait que s'aggraver.
    J'ai vu dans la région de Toronto une équipe appelée le Dream Team, qui est un groupe de personnes ayant déjà eu des problèmes psychiatriques et des problèmes de santé mentale. Ces gens-là se sont remis sur pied parce qu'ils ont pu trouver un logement, et comme ils ont pu trouver un logement, ils ont pu prendre leur médicament lorsqu'il le fallait. Ils ont une dynamique de groupe. Ils se soutiennent les uns les autres. Ils mangent correctement. Il y a dans leur vie une stabilité qui fait qu'il est beaucoup plus facile pour eux de se rétablir de la maladie mentale. Ce Dream Team parle aux gens de Toronto de la nécessité d'investir dans le logement supervisé et d'investir pour s'assurer que les gens ne deviennent pas extrêmement pauvres et tout le reste. Ils font beaucoup d'éducation sur cette question-là.
    Je vais demander au Dr Alexander, de l'Association canadienne pour la santé mentale, de parler en particulier des prestations d'invalidité, des crédits d'impôt, des incitatifs fiscaux et du revenu. En ce moment, l'approche appliquée est une sorte de méli-mélo. Si on va sur Internet pour repérer certains des incitatifs fiscaux — si je suis employeur et que je veux engager une personne handicapée, par exemple —, on voit que c'est le désordre le plus grand.
    Y a-t-il une sorte de guichet unique pour les employeurs ou les personnes handicapées? Je crois que vous avez manqué de temps plus tôt; vous pourriez donc nous donner des précisions sur les crédits d'impôt, les incitatifs et les prestations qui nous permettraient de nous assurer que les gens ne se font pas piéger dans cette spirale descendante ou ce cycle de pauvreté.
(1225)
    Merci de poser la question.
    Le phénomène comporte diverses dimensions. Pour ce qui est de parler d'une norme universelle quelconque, d'un guichet unique, à ma connaissance, ça n'existe nulle part. Ici et là au Canada, il peut y avoir des collectivités ou des villes qui fournissent ces genres de services, mais c'est très fragmentaire, très ponctuel. Il n'y a pas de programme national en ce moment, autrement que pour dire, peut-être, que le gouvernement fédéral a un centre d'information avec un numéro de téléphone et un site Web.
    Soit dit en passant, il y a une tendance très inquiétante que nous pouvons observer en ce moment dans le domaine de la santé mentale: à l'heure actuelle, il y a des gens pauvres, itinérants, ayant des problèmes de santé mentale, du fait qu'il n'y a pas pour eux d'installations ou de services localement, qui se retrouvent en prison. Les prisons deviennent le centre de traitement de choix, par défaut. C'est une tendance qui n'est pas bien connue ni bien comprise au pays, mais ça se passe en ce moment même.
    De même, voici la partie qui est très inquiétante: il arrive que les policiers doivent intervenir auprès d'une personne ayant des problèmes de santé mentale, pour une raison ou une autre, peut-être pour un problème de comportement ou je ne sais quoi encore, et cela donne alors un casier judiciaire. Le problème de santé mentale devient alors synonyme de comportement criminel. Cela nous ramène à la question de la stigmatisation et de l'idée d'une étiquette qui colle aux gens lorsqu'ils vont demander un emploi, un logement social et ainsi de suite. C'est un obstacle terrible à leur participation aux affaires de la société.
    Quant aux mesures concrètes que nous recommandons, à propos de ce que vous avez dit, nous recommanderions, par exemple, de porter de 55 p. 100 à 75 p. 100 des gains hebdomadaires moyens le taux de remplacement salarial du régime d'assurance-emploi. Tout cela se trouve dans notre mémoire. Je peux les faire ressortir pour vous.
(1230)
    Qu'en est-il des prestations fiscales de la personne qui reçoit des prestations d'assurance-emploi? Les prestations fiscales, les crédits d'impôt, les prestations d'invalidité...
    La recommandation que nous formulons sur ce point, surtout en ce qui concerne les enfants, c'est d'améliorer la prestation fiscale pour enfants du Canada.
    À 5 000 $?
    Oui, jusqu'à 5 100 $ en dollars de 2007.
    Qu'en est-il du crédit d'impôt pour personnes handicapées? Je crois que vous envisagiez...
    Nous recommandions de modifier le crédit d'impôt pour personnes handicapées pour en faire un crédit remboursable à l'échelon fédéral en plus de l'échelon provincial, et de modifier aussi les critères d'admissibilité.
    Pouvez-vous expliquer ça un peu plus? Je ne comprends pas.
    Je vais demander à ma collègue d'en parler.
    Souvent, il est très difficile de se prévaloir du crédit d'impôt pour personnes handicapées dans le cas d'une maladie mentale. Il y a un si grand nombre d'obstacles à cela.
    Pour revenir à ce que vous demandiez au début, madame Chow, il est souvent très difficile de se prévaloir de quelque programme que ce soit étant donné le manque d'information. Par ailleurs, il y a un grand problème qui survient lorsque les gens deviennent pauvres, c'est tellement renversant, et il faut tant d'énergie pour...
    Ce sont des gens qui ne paient pas d'impôt de toute façon.
    Eh bien, ce n'est pas tout à fait vrai.
    Mme Olivia Chow: Enfin, certains d'entre eux n'en paient pas.
    Mme Ruth-Anne Graig: Si vous étudiez la situation des gens à faible revenu, vous verrez qu'ils paient quand même de l'impôt.
    Mme Olivia Chow: D'accord.
    Mme Ruth-Anne Graig: Nous sommes simplement d'avis qu'il faudrait offrir le crédit d'impôt pour personnes handicapées aux gens souffrant d'une maladie mentale. Et ce ne sont pas toutes les personnes atteintes d'une maladie mentale qui sont miséreuses au point de ne pouvoir se prévaloir des crédits d'impôt.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter M. Vellacott. Vous disposez de sept minutes, monsieur Vellacott.
    Merci, monsieur le président.
    Je me réjouis vraiment d'entendre les excellents témoins que nous accueillons aujourd'hui exprimer des points de vue différents. J'en suis très heureux. Je connais Margaret et Carolyn, au fait.
    Ceux parmi nous qui ont un membre de la famille éprouvant des problèmes de santé mentale, nous envisageons avec appréhension le fait de nous en occuper et de veiller à son avenir pour le temps où nous n'y serons plus nous-mêmes. Personnellement, notre famille à nous en est venue à connaître beaucoup de gens extraordinaires dans les groupes d'entraide. Nous avons un fils qui est schizophrène. Nous avons un fils qui a le syndrome d'Asperger. Nous sommes donc au courant, nous avons donc à affronter certaines de ces choses-là. Ces deux enfants-là sont vraiment un cadeau du ciel, mais en même temps, bien entendu, ils présentent des défis particuliers qu'il faut relever.
    J'ai quelques questions à poser, mais j'aimerais formuler des observations d'abord et peut-être vous demander d'y réagir aussi.
    En tant que membre d'un groupe parlementaire composé de conservateurs ayant des membres de la famille touchés directement par les problèmes de santé mentale, j'ai évidemment accueilli avec beaucoup d'enthousiasme le fait que notre gouvernement s'engage à réserver 130 millions de dollars sur dix ans à la création de la Commission de la santé mentale du Canada. C'est une mesure qui nous paraissait très intéressante, et qui nous enthousiasme.
    L'autre élément à retenir, c'est la somme de 110 millions de dollars prévue sur une période de cinq ans dans le budget de 2008 pour les projets de recherche sur la santé mentale et l'itinérance dans les grands centres urbains du Canada. Vous pourriez me dire ce que vous en pensez, tout simplement; cela m'intéresserait de savoir quels devraient être, selon vous, membres de notre groupe de témoins, les secteurs prioritaires de la recherche en question. Vous avez peut-être des propositions assez intéressantes et assez utiles que nous pourrions noter, à savoir quels sont les champs de recherche qu'il faudrait retenir à l'échelle fédérale. C'est d'abord et avant tout un champ d'action provincial, mais comme nous collaborons et travaillons ensemble, je vous demande: quels sont les résultats heureux qui pourraient provenir de telles recherches?
     De même — j'espère que vous allez pouvoir me répondre tout de suite —, je voulais vous demander ce que vous pensez du nouveau régime enregistré d'épargne-invalidité du gouvernement fédéral, entré en vigueur le 1er janvier 2009. Bon, certains parmi nous sont allés à la banque pour simplement voir comment ça prenait forme, pour obtenir des précisions là-dessus et ainsi de suite. Dans notre réseau d'amis et d'associés au sein des groupes d'entraide, il y a beaucoup de gens qui voulaient en savoir davantage à ce sujet. Je veux le dire pour le compte rendu: les gens devraient consulter le site Web pour voir ce qu'il en est du nouveau régime enregistré d'épargne-invalidité.
    Qu'en pensez-vous? La contribution que l'on peut faire est là. On peut mettre quelque chose sur pied pour ses enfants. Même les gens dont le revenu est modeste peuvent cotiser à un fonds pour leurs enfants, pour assurer leur avenir, pour qu'ils ne soient pas pauvres plus tard. Je lis maintenant — ça vient de me revenir — que la contrepartie représente 100 p. 100, 200 p. 100 ou 300 p. 100 de la somme, selon le critère de revenu qui est appliqué. Le gouvernement verse donc une somme en contrepartie qui est très, très importante par rapport à ce qu'investissent les familles.
    Dites-moi s'il y a quelques premières indications sur ce point, s'il y a des questions que les gens posent, des réactions au nouveau régime enregistré d'épargne-invalidité qui entre tout juste en vigueur.
    D'abord, Carolyn.
    Je laisserai à mes collègues, qui sont mieux renseignés que moi, le soin de répondre à cette question-là. Je veux simplement dire que, pour ceux parmi nous qui siègent au conseil d'administration de Salus, il y a une source de motivation, entre autres: chaque fois qu'un de nos clients trouve un logement salubre et abordable, il y a un effet multiplicateur qui entre en jeu, qui fait que ce n'est pas que cette personne-là qui est touchée. C'est la famille entière qui, en vérité, tandis qu'elle avance en âge et se soucie de ses enfants — s'il s'agit d'un enfant — est rassurée, dans une certaine mesure. Les clients qui viennent s'installer dans nos logements y demeurent, de manière générale, même si ce n'est pas vrai dans tous les cas. Ils peuvent se rétablir et se réintégrer à la collectivité générale, mais, pour bon nombre d'entre eux, ils sont chez eux; l'effet multiplicateur est donc très important.
    Je voulais remercier aussi Mme Chow pour la proposition qu'elle faisait concernant le Dream Team. C'est une des choses dont nous nous soucions toujours: notre travail n'est pas très bien connu des gens; je parle de ceux parmi nous qui essaient d'aider les personnes atteintes de maladies mentales. Peut-être pouvez-vous nous donner un peu plus tard quelques conseils sur la façon de mieux faire connaître le travail que nous effectuons déjà. À bien des égards, notre travail représente une merveilleuse histoire de réussite.
    Je demanderais à mes collègues de traiter des aspects particuliers de cette question.
(1235)
    Dans le domaine de la santé mentale, nous savons depuis longtemps que le fait d'avoir un logement figure parmi les éléments capitaux de la qualité de vie de la personne. Les programmes inspirés du modèle « priorité au logement » se sont révélés très fructueux. Si nous envisageons les effets à long terme du logement et les recherches de la Commission de la santé mentale du Canada sur la question dans le cadre de l'initiative pour les sans-abri, nous constatons que cela se répercute probablement dans d'autres domaines comme l'éducation et l'emploi, la qualité sociale de la vie et, certainement, les relations.
    Quant à l'autre question que vous avez posée, je pourrais peut-être m'y attarder pour un instant.
    Eh bien, j'ai posé tant de questions, mais, quoi qu'il en soit, allez-y.
    La grande difficulté que je vois dans le nouveau régime d'épargne-invalidité, c'est qu'il est merveilleux à condition qu'on ait des moyens. Malheureusement, les gens qui éprouvent des problèmes de santé mentale sont souvent exclus — je parle des gens qui ont rompu les liens avec leur famille et leurs réseaux d'entraide naturels. C'est merveilleux pour les gens qui peuvent y accéder.
    Il n'y a pas beaucoup de connaissances établies sur la question en ce moment, mais on n'a pas même... et j'imagine que vous avez raison de le dire, ça dépend s'ils sont encore liés à leur famille ou non et ainsi de suite. Mais ils n'ont même pas à...
    En vérité, quand on arrive à l'âge de 18 ans, si ce régime ou ce fonds existe, sans qu'on y ait même cotisé soi-même, le gouvernement y versera une somme importante; ce sont les moyens qui sont pris pour critères. C'est comme cela que je comprends la chose; nous avons étudié le régime de manière assez approfondie.
    On a donc pas même à avoir une famille qui a des moyens importants ou je ne sais quoi...
    Mais vous devez y mettre quelque chose en contrepartie.
    Non, pas vraiment. Non, ce n'est pas vrai.
    D'accord.
    Il serait bien que les gens étudient cela avec attention; nous avons vérifié auprès de la banque. Le jeune qui est sans moyens arrivé à l'âge de 18 ans peut quand même bénéficier de cette mesure. Quant à la somme d'argent dont il sera question, elle se composera uniquement de la part du gouvernement.
    De toute manière, je n'ai plus de temps. Je voulais vous poser une question sur les fiducies de type Hansen. Je voulais vous poser des questions sur le régime d'invalidité de l'Ontario et sur bien d'autres questions. J'allais poser à Don une question sur l'idée d'un salaire minimum concurrentiel.
    Si mes collègues me permettent de tricher plus tard et prendre un peu de leur temps, je pourrai peut-être poser ces questions-là. Sinon, nous allons vous poser ces questions-là personnellement.
    Merci de nous donner ces renseignements.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour.
    Je veux souhaiter la bienvenue à Mme Coady.
    Vous disposez de cinq minutes.
    D'abord et avant tout, permettez-moi de vous remercier, tous, des exposés très complets que vous êtes venus présenter ce matin. Visiblement, vous y avez mis beaucoup de temps et de réflexion. Cela a certainement transparu dans les exposés et plusieurs des propositions que vous avez présentées, et nous vous en savons certainement gré.
    Deuxièmement, je veux vous remercier aussi du travail que vous faites auprès de ceux qui éprouvent des problèmes de santé mentale au sein de la collectivité. C'est certainement un problème très grave pour le Canada, pour les Canadiens, pour chacun. Toutes les personnes ici présentes pourraient, à un moment donné, avoir recours à vos services; c'est donc très apprécié. Si ce n'était de la bonté de Dieu, cela aurait pu être moi, c'est bien cela?
    Ce n'est que pour commencer que j'ai dit cela. Je veux parler aussi un peu de la hiérarchie des besoins.
    Vous êtes nombreux à avoir parlé ce matin du logement. J'ai deux questions à formuler; je vais commencer par la question qui porte sur le logement.
    J'aimerais savoir ce que nous faisons concrètement pour régler la question du logement. Comme vous le savez, au cours des quelques dernières années, le gouvernement canadien a investi beaucoup d'argent dans les projets du genre. Durant la semaine à venir, je vais tenir une table ronde sur les questions et les préoccupations relatives au logement, dans ma collectivité. J'ai eu l'occasion de voir beaucoup d'endroits où vivent les gens atteints d'une maladie mentale; je peux vous dire que ce n'est pas beau.
    L'un d'entre vous pourrait-il nous dire ce que nous devrions faire concrètement, en ce moment, dans le dossier du logement? C'est une affaire très grave.
    Je voudrais maintenant poser ma deuxième question, étant donné que nous n'avons que sept minutes. Constatez-vous que vos services sont davantage en demande avec le ralentissement de l'économie? Par exemple, je crois que M. Palmer a parlé des emplois offerts. Est-ce que c'est à la baisse? Y a-t-il des répercussions plus graves que cela? Je me soucie de la question de la prévention et de l'idée d'intervenir rapidement, et de la spirale, car il s'agit d'une spirale. Nous pourrions tous avoir aujourd'hui une maladie mentale et devenir pauvres, la question est grave à ce point-là.
    J'ai de nombreuses questions à poser, mais je commencerai par ces deux-là.
(1240)
    Nous devons nous attacher d'abord à la hiérarchie des besoins; je suis vraiment heureuse que vous ayez soulevé cette question-là. La hiérarchie des besoins selon Abraham Maslow est un merveilleux point de départ. Le refuge se trouve à la base. Il y a là la nourriture, l'eau, l'air, ce qu'il faut fondamentalement pour simplement survivre en tant qu'organisme.
    Cela dit, pour parler de questions relatives au logement, je crois que le supplément de loyer privé représente une mesure très concrète que l'on pourrait améliorer pour aider vraiment un grand nombre de personnes. Les personnes atteintes d'une maladie mentale qui y ont droit affirment que c'est vraiment avantageux.
    Pour ce qui est de prévenir l'itinérance dans les situations d'urgence, lorsqu'une personne n'arrive plus à s'acquitter de ses paiements, on pourrait prévoir une forme d'aide quelconque. À mes yeux, on ne saurait trop insister sur la protection du revenu en tant que médecine préventive dans cette histoire. Il faut y voir une des formes possibles de médecine préventive.
    Il y a toute une ville de sans-abri à Calgary et toute une autre ville de sans-abri à Edmonton, et ce ne sont que deux villes dont on parle. Il y a environ 4 800 sans-abri à Calgary en ce moment, dont 50 p. 100, de fait, travaillent. Il y en a 3 000 encore à Edmonton. C'est un phénomène qu'il faut voir... et je sais que ça vaut pour l'ensemble du pays. C'est une crise nationale.
    Dans le cas d'une inondation ou d'une autre catastrophe, nous n'hésiterions pas à adopter des mesures d'urgence. J'implore nos administrations — provinciale, locale, fédérale... je vous en prie, occupez-vous de cette crise. C'est une urgence. Réagissez en conséquence. C'est une épidémie.
    Il y a déjà suffisamment de recherches qui ont été faites pour que nous sachions ce qu'il faut faire. À mon avis, le souci premier du service de recherche de la Commission de la santé mentale devrait consister à exploiter les filons repérés et faire uniquement des recherches sur les lacunes. C'est là un point qui me paraît être très important: les solutions se trouvent déjà dans les dossiers, c'est un élément capital.
    À propos de l'augmentation de la demande de service, j'habite à 45 milles de Calgary, en campagne. Il y a des gens qui me joignent tous les jours par Internet, au téléphone, qui viennent chez moi, ça n'a pas de fin. Nous en mangeons, c'est pour dire. Ça n'a pas de fin. Je sais que les organismes à vocation éducative peuvent, au bout du compte, se retrouver à essayer de résoudre les problèmes fondamentaux des gens.
    Encore une fois, on ne saurait trop insister sur le fait qu'il s'agit d'une crise.
    Merci.
    Peut-être puis-je commenter la question?
    Vous avez parlé des mesures concrètes qui pourraient être adoptées. Je crois qu'il convient tout à fait de faire remarquer que nous possédons déjà beaucoup de connaissances sur la question, mais je crois qu'il importe aussi de dire qu'il n'y a pas de solution universelle au problème. Il n'y a pas de solution qui conviendrait à toutes les situations. Les gens sont différents. Qu'ils aient une maladie mentale ou non, ils sont différents. La solution qui est bonne pour une personne ne l'est pas pour une autre.
    Il a été question du modèle de supplément de loyer. Certes, c'est une mesure très positive, mais chez nombre des clients auprès desquels nous travaillons, ça ne fonctionnerait pas bien. Il leur faut un logement communautaire supervisé. L'intégration peut se faire dans les petits complexes de logements supervisés à l'intérieur d'un quartier.
    Ce ne sont que deux éléments de l'équation, mais je crois qu'il importe vraiment de ne pas s'attacher à une seule et unique solution.
(1245)
    Merci.
    Monsieur Cannan.
    Merci, je tiens à remercier nos témoins.
    Nous avons eu aujourd'hui un entretien très humain, très convaincant aussi, sur une question qui me touche beaucoup. J'ai siégé pendant neuf ans au conseil municipal de Kelowna et j'ai travaillé au comité de logement de même qu'au conseil de planification sociale. Comme nous l'avons dit au comité, la pauvreté fait fi des divisions établies selon le parti politique, l'âge et le secteur social, économique ou démographique. Chacun d'entre nous peut raconter l'histoire de quelqu'un qu'il connaît en rapport avec cette question. J'ai une fille d'âge adulte qui souffre d'un trouble de la personnalité limite, et cela a vraiment présenté des difficultés. Ceux parmi nous qui ont eu affaire à l'Association canadienne pour la santé mentale reconnaissent la valeur de ses efforts. Grâce aux programmes d'intervention dans la rue et à la stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, nous avons enregistré un bon nombre de réussites dans notre collectivité.
    Et comme à Calgary, Carmela, on travaille à un plan d'immobilisations de dix ans. Deux des problèmes qui se présentent tiennent au fait de savoir d'abord où commencer et ensuite si on progresse. C'est là dedans que nous nous lançons maintenant. Il n'y a pas de panacée. C'est pluridimensionnel, tous les ordres de gouvernement entrent en jeu, comme aussi le secteur sans but lucratif et le secteur privé. Tout le monde doit travailler ensemble. Nous sommes reconnaissants des grands efforts déployés pour en arriver au rapport du sénateur Kirby et à la commission de la santé mentale. Le budget de 2007 réservait plus de 130 millions de dollars sur 10 ans à ce dossier; le budget de 2008 réservait 110 millions de dollars sur cinq ans.
    À la fin du mois, le comité va se rendre à Vancouver, où nous verrons de nos propres yeux le travail qui est en train de se faire et qui doit se faire là-bas. Étant originaire moi-même de la Colombie-Britannique, j'ai vu cela de mes propres yeux à maintes reprises.
    Quant à la question du logement, je sais que nous avons discuté d'une stratégie nationale sur ce point, mais ça ne passe pas très bien en Colombie-Britannique quand un type d'Ottawa vient nous dire ce qu'il faut faire chez nous. Nous allons investir 2,2 milliards de dollars selon le plan de 30 ans que notre gouvernement a avalisé en 2006. Le plan repose sur une collaboration de BC Housing et de la SCHL en tant que partenaire au sein de la collectivité. Nos efforts portent donc fruit dans une certaine mesure.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée d'accorder un financement à long terme aux provinces et de travailler de concert avec les collectivités locales, par opposition à l'idée d'un programme national où il n'y a pas de possibilités de prendre des décisions localement. Quelle option préconiseriez-vous?
    Je crois qu'il est absolument essentiel d'appliquer une approche mixte. Pour reprendre et appuyer les propos de mes collègues de Salus, je dirai qu'il est vrai qu'avoir un logement supervisé est essentiel pour un grand nombre de personnes atteintes de maladie mentale. Je profiterais moi-même de mesures de soutien à cet égard qui, autrement, ne nous seraient pas facilement accessibles. Les soins à domicile figurent parmi les choses qui ne sont pas financées; souvent, les soins à domicile et l'aide au logement figurent parmi les premiers éléments à être évincés d'un budget. Ce sont les mesures de soutien qui partent en premier — on peut continuer à financer les soins infirmiers, mais pas l'aide aux courses, l'aide pour aller à un rendez-vous ou pour faire le ménage. Pourtant, ce sont des choses dont on a vraiment besoin, tout comme la planification des activités élémentaires qui font partie de la vie. Le logement doit s'accompagner de services de soutien, comme du reste.
    Il importe que le gouvernement fédéral et les localités travaillent ensemble, pour permettre aux collectivités de s'unir autour du but visé. Selon un document récent de la SCHL, pour qu'un projet ait du succès, il est impératif de donner aux utilisateurs un mot à dire dans la conception et la planification des habitations. Il importe aussi d'aider les administrations municipales et provinciales, assaillies de toutes parts, à se retrouver dans les transferts fédéraux.
    Je suis d'accord. Je suis d'accord aussi avec mon collègue, monsieur Ménard, quand il dit que plus on s'approche du problème, meilleures sont les chances de trouver une solution à la base.
    Mon frère travaille auprès de déficients intellectuels d'âge adulte. Il essaie de leur trouver du travail. En Colombie-Britannique, on a fait l'expérience et essayé de sortir les gens des établissements pour tenter de les intégrer à la société. Croyez-vous que c'était une erreur?
(1250)
    Non, certainement pas. La technologie existe depuis 30 ans. C'est un nombre important de personnes qui sont sorties des établissements et se sont intégrées à la collectivité, à qui on a pu trouver un emploi et qui ont pu conserver l'emploi en question. Il faut un certain esprit d'initiative et il faut certaines habiletés, mais c'est certainement une façon de faire que nous devrions adopter.
    Quant à savoir s'il faut que ça soit un emploi ou le logement, je crois qu'il nous faut des normes nationales. Je comprends bien ce que vous voulez dire. Il nous faut des solutions locales. Il nous faut de l'innovation. Nous devons avoir les coudées franches pour pouvoir innover, mais il faut aussi des normes nationales pour qu'il n'y ait pas d'érosion des services d'une province à l'autre ou d'un endroit à l'autre.
    Merci, monsieur Cannan.
    Madame Beaudin, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci infiniment aux témoins d'être ici ce matin. Merci pour le travail que vous faites. J'imagine que vous êtres très impatients et impatientes, tout comme moi, de voir les résultats de votre travail.
    Vous avez ressorti tellement d'éléments ce matin que j'aborderai probablement de façon un peu désorganisée plusieurs thèmes.
    Entre autres, vous parliez de tout ce qui se fait à l'échelle des provinces. Bien sûr, ce sont les provinces qui traitent du dossier de la santé mentale, mais il faut penser aussi à tout le travail accompli localement par les organismes communautaires. Entre autres, je vous ai tous et toutes entendu parler d'initiatives locales qui apportaient de l'aide et du soutien aux personnes handicapées. J'imagine que vous vivez des problèmes de financement récurrents en ce sens. Comment pourrait-on vous aider dans toutes les initiatives entreprises par les organisations locales qui agissent sur le terrain, dans vos localités, sur votre territoire?
    Vous avez parlé également des priorités. La location de logements pourrait être une priorité importante. J'aimerais connaître les autres priorités qui pourraient suivre. Si nous avions à mettre une mesure en place rapidement pour avoir un effet rapide, compte tenu en plus de la situation économique, quelle devrait être cette mesure? Je sais qu'il faut avoir une vue d'ensemble de la situation, mais quelles pourraient être la ou les mesures à mettre en place?

[Traduction]

    Je crois qu'une des mesures qui aurait l'effet le plus profond sur les revenus des gens serait de relever les ressources offertes aux gens à faible revenu, à la manière de la SV et du supplément de revenu garanti. Ainsi, les gens auraient de l'argent dans leurs poches tout de suite.
    Vous disiez aussi que le gouvernement doit travailler davantage avec le secteur sans but lucratif. Nous parlions de désinstitutionnalisation il y a quelques minutes de cela, et une des grandes difficultés liées à ce phénomène, c'est que les fonds ne sont pas transférés vers la collectivité, là où tout se passe.
    J'ajouterais simplement que les services dans la collectivité sont les moins bien financés dans l'ensemble des services de santé mentale. Par exemple, à Ottawa, en ce moment même, on éprouve beaucoup de difficultés à attirer des travailleurs de soutien pour le réseau des soins à domicile, étant donné que le salaire n'est pas suffisant. Les aides à domicile forment l'épine dorsale du réseau de soins à domicile; c'est un cercle vicieux. Il faut s'attaquer au problème des ressources humaines.
    Je reviendrai en arrière pour commenter la remarque d'un autre membre du comité. Il faut adopter de façon urgente une stratégie nationale sur les ressources humaines en santé mentale tant du coté de l'offre que de celui de la demande. Je crois que c'est un axe de recherche très important pour nous.
    Quant au financement, il y avait un fonds de transition en santé mentale à un moment donné. Qui semble s'être évanoui dans le décor. Ce genre de fonds fédéral contribuerait grandement à mettre des sommes d'argent à la disposition des services communautaires de tout le pays. À un moment donné, je crois qu'il y avait un demi-milliard de dollars dans le fonds de transition en santé mentale. Il faudrait revoir cela. Tout de même, c'est un bon exemple de la façon dont le gouvernement fédéral peut montrer la voie, et les provinces pourraient affecter les fonds en question à des usages appropriés.
    Pour parler de l'autre élément de la dynamique fédérale-provinciale, je dirai que, à mon avis, si le gouvernement fédéral souhaite bien faire, il peut mettre au point les normes nationales en question. Par contre, ce sont les provinces, évidemment, qui ont la responsabilité de mettre en oeuvre les programmes en question. C'est là une des lacunes du financement de la santé qu'il y a eu il y a quelques années: la responsabilité provinciale relative à l'usage des fonds demeure importante.
    S'il est question d'une stratégie sur le logement ou d'une stratégie sur le financement des services de santé mentale, oui, débloquez les fonds, donnez aux provinces la liberté d'agir, mais prévoyez des mécanismes redditionnels pour que les fonds n'aillent pas dans le trésor général, par exemple, comme cela a été le cas pour les fonds destinés au réseau de la santé.
(1255)
    Je dirais que, chez Salus, nous sommes tout à fait d'accord avec les propos qui viennent d'être exprimés. Dans le hall d'entrée tout à l'heure, nous attendions de pouvoir entrer dans la salle d'audience, et Gilliam Mulvale de la Commission de la santé mentale nous a demandé d'où provenait notre financement. Il nous a fallu répondre: eh bien, c'est de bien des sources. Depuis 30 ans, nous avons reçu de l'argent de tous les ordres de gouvernement, à différents moments, selon l'administration qui était la plus active dans le domaine au moment en question.
    Au bout du compte, comme Margaret l'a dit plus tôt, du point de vue de nos clients, il importe peu d'où vient l'argent. Nous traitons assez habilement avec tous les ordres de gouvernement. Tout de même, d'un point de vue administratif, je crois que l'idée qui a été évoquée plus tôt serait notre choix.
    Merci.
    C'est tout le temps que nous avons pour le présent tour.
    Nous allons clore cela avec M. Lobb, qui dispose de cinq minutes environ.
    Merci beaucoup. Je vais essayer de poser les questions le plus rapidement possible.
    Ma belle-mère oeuvre dans le domaine de la santé mentale dans le sud-ouest de l'Ontario depuis plus de 30 ans; on me tient donc bien au courant de la situation qu'il y a là.
    Nous avons parlé d'écarts relevés dans les régions rurales du Canada. Étant originaire d'une région rurale de l'Ontario ou du milieu rural du Canada, de façon générale, cela m'a fait plaisir d'entendre Carmela dire qu'elle provenait de la campagne albertaine, près de Calgary. J'aimerais savoir quelles sont, de votre point de vue, les lacunes à combler dans les soins de santé mentale en milieu rural au Canada, ce qu'il faudrait améliorer selon vous.
    De fait, quand je me suis blessée, je travaillais dans un centre de santé mentale rural, à Hanna. En route vers une réunion de l'équipe, le véhicule dans lequel je me trouvais a fait un tonneau. Je peux donc parler de cette question en long et en large.
    Les lacunes en milieu rural sont tout simplement énormes. Le problème des ressources humaines est profond. C'est une chose, indéniablement. Nous n'arrivons pas à attirer des cliniciens, pas plus que des aides à domicile, étant donné que les salaires ne sont pas suffisants.
    Nous sommes tous des ONG ici autour de la table, nous sommes tous aussi des employeurs, et il est très difficile de trouver un personnel de qualité. Dans le mouvement en faveur des personnes éprouvant des problèmes de santé mentale, c'est un problème énorme aussi: nous essayons de recruter des gens qui ont vécu eux-mêmes l'expérience de la maladie mentale. Si le salaire ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins fondamentaux, d'un point de vue éthique, cela ne nous intéresse pas vraiment. Du côté de l'Alberta Network for Mental Health, en particulier, nous fonctionnons sans personnel depuis deux ans, étant donné que nous ne pouvons même pas verser un salaire qui permettrait de se loger. D'un point de vue éthique, en tant que conseil, nous croyons qu'il ne conviendrait pas d'agir ainsi.
    Voilà donc où nous en sommes. Sur tous les plans, le problème des ressources humaines est des plus épineux.
    L'accès au traitement s'est amélioré avec l'avènement de la télésanté, mais ce n'est pas vraiment de cela que les gens ont besoin. Dans les hôpitaux ruraux, il faut qu'il y ait au moins un ou deux lits pour les cas moins graves et peut-être d'une durée plus courte de maladie mentale, où la personne n'a pas forcément besoin de toute l'infrastructure d'une aile psychiatrique dans l'hôpital d'une ville, par exemple.
    Parfois, c'est le transport vers le lieu du traitement qui pose des difficultés. Si la personne doit quitter sa localité pour aller recevoir son traitement, souvent, il n'y a pas de transport adapté. De fait, pour donner un exemple, il y a une allocation donnée aux municipalités rurales de l'Alberta pour le transport. Le problème, c'est que l'argent prévu pour le transport adapté n'est pas désigné comme tel. Toute somme d'argent prévue à cette fin, mais qui n'est pas désignée comme telle finit souvent par être versée dans le trésor. Il faut mettre fin à cette pratique-là.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Palmer, je m'intéresse beaucoup à l'entreprise sociale, depuis un certain temps déjà. Je me demande simplement si vous pourriez nous donner des précisions sur le devenir de l'entreprise sociale pour les cinq prochaines années?
(1300)
    Je crois que le secteur sans but lucratif s'intéresse de plus en plus à l'entreprise sociale comme façon d'atténuer certains des problèmes sociaux auxquels nous nous attachons. Nous savons que le gouvernement dispose de fonds limités, et je crois que l'esprit d'entreprise est très fort. L'ARC impose des restrictions, par contre, à l'entreprise sociale. L'entreprise sociale doit être axée sur la formation. Le fait d'engager des personnes handicapées et de leur fournir de l'emploi ne suffit pas à autoriser une dispense; voilà ce qui dissuade vraiment bon nombre d'organismes sans but lucratif à s'engager dans cette voie.
    Quelqu'un a posé une question sur le marché du travail et ce qui arrive aux gens qui passent par chez nous. À mon avis, les emplois offerts sont moins nombreux, particulièrement pour les gens que nous soutenons, qui, souvent, ont besoin d'un travail dans l'industrie des services ou de la fabrication. L'entreprise sociale représente une façon de contourner ce problème. Nous travaillons auprès de bien des gens talentueux dont on pourrait mobiliser les compétences pour faire fonctionner une entreprise qui leur procurerait un salaire décent.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier nos témoins d'être venus comparaître aujourd'hui, non seulement pour avoir donné d'excellents témoignages, mais aussi pour l'excellent travail qu'ils accomplissent. Votre contribution nous sera d'une grande utilité au fil de notre étude. Je crois qu'il est important aussi que les députés, entre autres, soient sensibilisés à la question.
    Encore une fois, merci d'être venus faire part aujourd'hui de votre expérience et de vos recommandations.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU