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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 021 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 11 mai 2009

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.
    Bienvenue à cette 21e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Vous trouverez devant vous l'ordre du jour d'aujourd'hui. Conformément à l'ordre de renvoi, le comité poursuit son étude du projet de loi C-15, Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois. Nous accueillerons aujourd'hui et mercredi nos derniers témoins au sujet du projet de loi C-15, et nous ferons une étude article par article le 27 mai.
    Quelques organisations sont ici aujourd'hui pour parler du projet de loi C-15. Je souhaite la bienvenue en premier lieu à Mme Line Beauchesne, qui représente l'Université d'Ottawa. Sont aussi présents le chef Vernon White et le sergent d'état-major Pierre Gauthier, du Service de police d'Ottawa. M. Eric Sterling, qui représente la Criminal Justice Policy Foundation, prendra part à la réunion par vidéoconférence depuis Washington D.C. Enfin, nous accueillons le professeur Bruce Alexander de l'Université Simon Fraser, qui participera par vidéoconférence de Vancouver.
    Je souhaite la bienvenue à tous. Je crois que vous avez été informés que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Nous passerons ensuite aux questions. Je vous conseille de jeter régulièrement un coup d'oeil vers moi; si votre temps de parole de 10 minutes tire à sa fin, je vous ferai signe. Lorsque vous répondrez aux questions, veuillez ne pas dépasser les cinq ou les sept minutes qui vous seront allouées.
    Madame Beauchesne, vous pouvez débuter.

[Français]

    Selon le rapport de 2001 de la vérificatrice générale du Canada, les dépenses du gouvernement fédéral en matière de drogues se situent entre 404 et 426 millions de dollars: la GRC reçoit 164 millions de dollars; le Service correctionnel du Canada, 157 millions de dollars; le ministère de la Justice, 70 millions de dollars; et Santé Canada, 8 millions de dollars. En effet, Santé Canada, qui reçoit 15 millions de dollars dans ce secteur, consacre plus de la moitié de cette somme à l’analyse de drogues saisies par la police — 5 millions de dollars — et à l’administration des lois qui contrôlent l’usage des drogues — 2 millions de dollars. Quant aux 7 millions de dollars qui restent, plus de la moitié vont à la GRC pour ses programmes de sensibilisation aux drogues. Comparativement à ces sommes, 28 millions de dollars sont consacrés à la prévention et au traitement, incluant les 4 millions de dollars de la GRC en prévention. En somme, 5 p. 100 vont pour la prévention et le traitement, et 95 p. 100 vont pour la répression. À ces dépenses fédérales en matière de répression s’ajoutent celles des gouvernements provinciaux et municipaux. Cela se solde par une facture oscillant entre les 700 millions de dollars et 1 milliard de dollars par année pour les Canadiens, selon le rapport Nolin.
    Avec la nouvelle Stratégie nationale antidrogue du gouvernement canadien entrée en vigueur le 4 octobre 2007, nous sommes encore dans les mêmes proportions. Sur les 590 millions de dollars affectés à cette stratégie, 60 millions de dollars vont à la prévention et au traitement, mais une partie est consacrée à la GRC, en prévention, et une autre aux tribunaux de traitement de la toxicomanie. Et pour ceux qui ne voient aucun problème aux derniers éléments, cela peut se traduire au mieux par 90 p. 100 pour la répression et 10 p. 100 pour la répression et le traitement.
    Ainsi, le projet de loi C-15s’inscrit dans cette volonté de privilégier la répression comme stratégie de lutte aux drogues, stratégie rentable politiquement, mais parfaitement inutile en termes de promotion de la santé et de diminution des usages problématiques de drogues, comme l’ont montré de multiples études. Dans ce mémoire, j’attirerai l’attention sur trois aspects du projet de loi C-15: les résultats des études évaluatives sur l’effet des sentences minimales en matière de drogues qui en montrent l’inefficacité, le rôle des tribunaux de traitement de la toxicomanie, qui demeure une solution fort limitée, et nos obligations internationales qui ne justifient en rien ces stratégies répressives.
     Les sentences minimales en matière de drogues ont commencé à être évaluées dans les années 1970 aux États-Unis. L’expérience de l’État de New York à cet égard mérite que l’on s’y attarde, car elle en illustre bien leurs résultats.
    De 1973 à 1976, l’État de New York devint l’État américain doté de la législation la plus sévère en matière de drogues par l’instauration de sentences minimales, une stratégie qui a coûté des millions de dollars. L’objectif annoncé par le politique était de réduire la consommation et le trafic de drogues illicites sur leur territoire, ainsi que les crimes contre la propriété qui leur étaient associés. Cette stratégie fut mise en place contre l’avis de tous les intervenants sociaux et même de la police de New York.
    En effet, la police de New York, en 1971, avait constaté que l’arrestation de trafiquants de drogue se résumait presque toujours à des acteurs au bas de l’échelle et que, quels que soient les trafiquants arrêtés, ils étaient remplacés immédiatement sans que cela n’affecte en rien le marché des drogues illicites. Pour économiser les ressources gaspillées inutilement, la police recommandait d’investir davantage dans des programmes sociaux d’éducation et de santé, qui feraient bien davantage pour diminuer les usages problématiques de drogues. Mais politiquement on s’y refuse car les gains de popularité par ce type de stratégie sont trop importants.
    Le barreau de New York demande alors une étude évaluant l’effet de ces nouvelles mesures pénales. Cette étude, d’une durée de trois ans, est menée conjointement par le Conseil sur l’abus des drogues et l’Institut national de police et de justice criminelle.
    Quelles en furent les conclusions après trois ans d’évaluation du programme?
    Premièrement, aucune diminution de la consommation et du trafic de drogue ne fut enregistrée sur le territoire.
    Deuxièmement, malgré l’injection de plus de 100 millions de dollars pour la création de nouvelles cours de justice affectées aux délits de drogues, il y avait engorgement des tribunaux. Cet engorgement n’était pas attribuable à une hausse des arrestations et des accusations. Au contraire, celles-ci avaient sensiblement diminué pendant cette période, car la police hésitait, dans plusieurs cas, à effectuer des arrestations, à cause des risques de sentence qu’elle jugeait d’une trop grande sévérité. Cet engorgement était en fait attribuable aux avocats qui, à cause de la sévérité des peines, déconseillaient à leurs clients de plaider coupable pour éviter la comparution devant le tribunal. Ils utilisaient ensuite tous les moyens possibles pour retarder le procès, en espérant un abandon de la poursuite, ou encore un procès devant jury.
    Troisièmement, à cause de cet engorgement des tribunaux, des procureurs ont effectivement abandonné plusieurs poursuites. Pour les autres cas, grâce à la négociation de plaidoyers de culpabilité sur les chefs d’accusation entre la poursuite et la défense, les sentences furent d’un an, soit le minimum fixé par la loi. Ainsi, il n’y a pas eu plus de sentences de prison qu’auparavant.
(1535)
    En 1976, l'État de New York est obligé d'adoucir ses lois pour désengorger les tribunaux. Cette répression pénale accrue pendant trois ans fut un geste politique qui a peut-être rapporté quelques voix aux élections, mais qui a coûté très cher en engorgement des tribunaux et n'a strictement rien changé à la consommation problématique des drogues illicites ou encore au trafic.
    Cette évaluation, croyait-on, allait donner le fin mot de l'histoire sur la prétendue efficacité d'une augmentation des mesures pénales répressives à l'égard des consommateurs pour diminuer l'usage problématique des drogues illicites, ou encore à l'égard du trafic. Pour faire cette évaluation, tout avait été mis en oeuvre et, pour l'application de ces mesures, des millions de dollars avaient été déboursés. Non seulement cette répression s'est-elle révélée inutile, mais en plus les citoyens ont dû verser des millions de dollars pour cette parade politique, qui n'a en rien diminué la violence qu'ils pouvaient subir dans certains quartiers.
    Pourtant, cette répression continue de plus belle aux États-Unis, et actuellement, une personne y est arrêtée toutes les 20 secondes pour un délit de drogues.
    Des minima de sentence pour obliger l'emprisonnement de trafiquants, des peines plus longues et une hausse des arrestations par dizaines de milliers font la gloire des médias et des bureaucraties de la répression dans lesquelles sont investis des milliards de dollars; mais ces milliards de dollars seraient plus adéquatement investis dans la diminution de la pauvreté, la prévention et le traitement. Plusieurs analystes des politiques répressives américaines ont d'ailleurs donné à la guerre à la drogue le qualificatif de guerre « antipauvres ». Comme les études ne cessent de le montrer, les États-Unis, malgré les mesures les plus répressives en matière de drogues, demeurent le pays occidental avec les plus hauts taux de consommation et un marché illicite florissant, les classes défavorisées faisant les frais de ces mesures répressives.
    Il est important de le rappeler, on intercepte très peu de la drogue qui circule sur le marché illicite: entre 5 et 10 p. 100, selon les diverses estimations policières. Cela n'est pas dû à l'inactivité de la police ni à son manque de ressources, mais à l'impossibilité de contrôler un trafic d'une aussi grande envergure où tous les moyens sont bons pour maintenir ce marché à flot en raison des immenses enjeux financiers qui sont en cause. Comme le signalait le général Viviani: « Même si la police et les forces militaires se consacraient uniquement à combattre le trafic de drogue, de la production à la revente au détail, elles ne réussiraient qu'à faire monter les prix de la drogue » ou encore à déplacer les lieux de vente, les modes de production et les produits vendus. En fait, la prohibition des drogues et leur répression assurent la prospérité du marché du noir.
    Les études évaluatives des sentences minimales en matière de drogues effectuées par la suite n'ont fait que confirmer ces résultats. De plus, d'autres études ont montré clairement qu'il n'y avait aucun lien, quel que soit le pays, entre les taux de consommation de drogues illicites et la sévérité des sentences. En d'autres termes, les taux de consommation des différentes drogues illicites montent et descendent, indépendamment de l'augmentation ou de la diminution de la sévérité des sentences. Et quand il y a des acheteurs, il y a des vendeurs.
    C'est la même chose en prison. On enferme des consommateurs et des vendeurs, et on a un marché. Mais ici, considérant les conditions de consommation de drogues illicites, les coûts en matière de santé publique, tant pour les détenus que pour la population en général quand ils en ressortent, sont très élevés. Je ne m'étendrai pas davantage sur les coûts en matière de santé publique puisque je pense que le Réseau juridique canadien VIH/sida fait un témoignage à cet effet ici.
    Dans le rapport Cain de 1994, J. V. Cain, qui était à l'époque le coroner-chef de la Colombie-Britannique chargé d'enquêter sur la montée des surdoses mortelles d'héroïne dans cette province, reconnaît que pour une majorité de gens, les problèmes liés aux drogues illicites doivent avant tout relever de la police et des tribunaux. Cette perception des gens repose sur deux croyances, explique Cain: premièrement, que la prison est un bon moyen d'éliminer ces problèmes; et deuxièmement, que la peur des peines est un bon moyen de dissuasion. Il explique dans son rapport que ces croyances sont erronées. D'une part, les drogues sont aisément accessibles en prison, et certains détenus ont même commencé leur usage de drogues dures à l'intérieur des murs. D'autre part, l'environnement carcéral conduit davantage à l'exclusion qu'au développement d'une activité sociale et personnelle plus équilibrée où l'individu bénéficiera d'une meilleure qualité de vie. En somme, la prison ne constitue ni un lieu d'élimination des problèmes de drogues ni un moyen de dissuasion efficace. Non seulement cela, mais nos prisons facilitent les contacts personnels avec des membres de réseaux de trafiquants quand ceux-ci retournent dans la rue. En effet, elles constituent un apprentissage du milieu qui se poursuit dans le « old boys network ».
    Ces conclusions de Cain furent également celles des divers comités au Canada et aux États-Unis. Elles ont également soulevé le fait que l'on avait trop souvent tendance à oublier les coûts associés aux familles des gens emprisonnés et le fait que les clientèles principalement visées par ces mesures étaient parmi les plus démunies. Considérant le renversement du fardeau de la preuve prévu à l'article 10, on sait qui aura les moyens de se payer les avocats nécessaires pour l'effectuer.
(1540)
    Le deuxième point est très court. Il s'agit des tribunaux de traitement de la toxicomanie. La dernière mode, venue encore une fois des États-Unis, est de créer des tribunaux spécialisés dans le domaine des drogues qui remplacent l'incarcération par un traitement obligatoire pour certains usagers. Au Canada, le premier tribunal du genre fut créé à Toronto en 1998.

[Traduction]

    Madame Beauchesne, votre temps de parole est presque écoulé, et vous devriez ralentir la cadence. Pourriez-vous conclure en 15 secondes environ?

[Français]

    Puis-je finir le tout en deux minutes?

[Traduction]

    Vous devez conclure.
    Oh, je lis trop vite. Je vais passer à la conclusion dans quelques secondes et je parlerai lentement.
    Je vous accorde 20 secondes pour conclure et nous passerons ensuite à autre chose.
    D'accord.

[Français]

    Les tribunaux de traitement de la toxicomanie sont perçus comme une solution. Toutefois, faire passer les gens par le système pénal entraîne des coûts faramineux alors qu'on pourrait offrir davantage de traitements volontaires, qui sont, de fait, beaucoup plus efficaces.
    Le troisième point dont je souhaitais faire état était que rien dans les conventions internationales signées ne nous oblige à être aussi répressifs. Elles nous obligent à des collaborations internationales, à des interdits, mais pas à une répression du type de ce que l'on tente de faire maintenant.
     En conclusion, le projet de loi C-15 ne répond ni à nos besoins en sécurité publique ni à nos besoins en santé publique.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole au chef Vernon White. Vous disposez de 10 minutes.
(1545)
    Merci beaucoup. Je vous remercie de nous avoir invités à la réunion d'aujourd'hui.
    Le sergent d'état-major Pierre Gauthier et le sous-officier responsable de la section des drogues du Service de police d'Ottawa m'accompagnent.
    Dans notre service de police, nous trouvons que cette loi est importante dans certains domaines, tout particulièrement en ce qui a trait aux organisations criminelles qui font de la distribution de drogues. Elle est également importante dans tous les cas liés aux écoles ou lorsque cela permet aux services de police de défendre les personnes les plus vulnérables, c'est-à-dire les jeunes dans les cours d'école. Il s'agit là d'une occasion de lutter contre les organisations criminelles ou les trafiquants de drogues qui leur distribuent de la drogue.
    Enfin, cette loi est importante lorsque des armes sont en cause, tout particulièrement en ce qui a trait aux activités des gangs au pays à l'heure actuelle — et surtout en ville, où des organisations criminelles et des gangs de rue, comme on l'a entendu la semaine dernière, font de la distribution de drogues et prennent part à des activités de gangs et à des activités comportant l'utilisation d'armes à feu —, car cela aiderait la collectivité à prendre conscience de la gravité de la situation et permettrait par le fait même à la police de lutter contre le crime organisé au pays. Il serait bien insouciant de notre part de ne pas en faire autant.
    Nous estimons que les peines minimales associées aux accusations ou aux infractions prévues par la loi nous seraient d'une grande aide et qu'elles permettraient par le fait même d'assurer la sécurité de la collectivité; les infractions commises, par exemple près d'une école ou par une organisation criminelle qui utilise des jeunes à des fins criminelles, seraient donc plus sévèrement punies.
    Nous sommes très heureux de voir que l'on envisage le traitement de la toxicomanie ou les tribunaux de traitement de la toxicomanie comme des solutions de rechange à l'incarcération immédiate. Mais la capacité de notre ville, de notre province et de notre pays est limitée. À l'heure actuelle, à Ottawa, un toxicomane doit attendre en moyenne sept mois à partir de la date de notification avant d'être traité. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit accepter une large part de responsabilité quant au traitement de la toxicomanie et accroître le financement à cet égard. Mais nous sommes conscients que la situation ne peut être réglée du jour au lendemain.
    Dans notre ville, nous avons concentré nos efforts sur le trafic de drogues à grande échelle des organisations criminelles — et ces efforts ont été fructueux dans une certaine mesure — et sur le trafic à petite échelle, qui a une incidence sur la criminalité dans les rues. Notre service comporte une unité des crimes de rue qui a mené avec grand succès des opérations dans certains secteurs de la ville, où la criminalité de rue avait connu une hausse considérable en raison de l'achat et de la consommation de crack, par exemple, et tout particulièrement au marché, à quelques coins de rue d'ici.
    Bref, nous tenons à souligner qu'il faut se concentrer sur la distribution, à laquelle sont mêlées les organisations criminelles, mais aussi sur les options, à savoir le traitement de la toxicomanie et les tribunaux de traitement de la toxicomanie. Nous croyons que cette loi serait du moins un début, un premier pas dans certains de ces domaines.
    Merci.
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à Eric Sterling, qui se trouve à Washington.
    Monsieur Sterling, vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé.
    Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité.
    Je m'appelle Eric Sterling. En 1986, j'étais dans la même situation que vous: je participais à l'étude d'une loi visant à imposer des peines minimales obligatoires, qui était menée par la Chambre des représentants du Congrès américain.
     Je vous félicite pour ce que vous faites, c'est-à-dire examiner la question très attentivement, parce qu'en 1986, nous avons agi à la hâte. L'un de nos joueurs étoiles de basket-ball au niveau collégial est décédé en juin. Quelques semaines plus tard, Tip O'Neill, représentant du district de Boston et président de la Chambre des représentants, a convoqué les démocrates en vue de préparer la réponse du gouvernement à la suite de cette mort tragique et il a demandé qu'une loi soit déposée d'ici un mois.
    Nous nous occupions, entre autres dossiers, du blanchiment d'argent, et pendant les trois jours précédant la relâche du mois d'août, nous avons mis sur pied l'idée des peines minimales obligatoires. C'est moi qui ai mis cette idée par écrit, et c'est probablement la plus grande erreur que j'aie commise au cours de ma carrière en droit, longue de plus de 30 ans.
    Je salue donc votre travail et la loi que vous étudiez. La durée des peines minimales obligatoires que vous proposez — un, deux ou trois ans — n'a rien à voir avec celle des peines prévues par la législation aux États-Unis. Nos peines minimales obligatoires sont de 5, 10, 15 et 20 ans, selon les circonstances.
    Je constate que vos peines minimales obligatoires s'appliquent aux infractions qui, si je comprends bien, peuvent être passibles d'emprisonnement à vie, ce qui fait que le message que vous envoyez est, d'une certaine façon, confus et contradictoire. Si dans certaines situations, un juge peut imposer une peine d'emprisonnement à vie, l'existence d'une peine minimale obligatoire de seulement un ou deux ans peut alors, en un sens, sembler contradictoire aux yeux du juge et porter à confusion.
    Regardons ce qui s'est passé aux États-Unis. Je ferai seulement quelques observations. Les mesures que nous avons prises ont été inefficaces. Une des personnes a témoigné plus tôt aujourd'hui au sujet de l'inefficacité des peines minimales obligatoires à New York. Les peines minimales obligatoires imposées aux États-Unis n'ont nullement limité la possibilité pour nos jeunes de se procurer des drogues. Les études montrent que la perception des gens quant à la facilité pour nos jeunes de se procurer des drogues a très peu changé, voire pas du tout.
    Depuis 1986, les prix demandés par les trafiquants de drogues ont chuté considérablement. Prenons par exemple le prix au consommateur de l'héroïne. En 1986, un gramme d'héroïne coûtait 1 352 $ américains. D'après les plus récentes données de la DEA, qui datent de 2003, le prix est passé de 1 352 $ à 362 $, ce qui représente une baisse de près de 75 p. 100. Parallèlement, la pureté de l'héroïne vendue au consommateur a connu une hausse; elle est passée de 24 p. 100 à 32 p. 100 en moyenne en 2003. Et ces tendances se sont accentuées, si on se fie aux récentes déclarations de la DEA.
    Le même phénomène s'applique aussi à la cocaïne. En 1986, un gramme de cocaïne pur coûtait un peu moins de 300 $. En 2003, le prix dépassait légèrement 100 $, et la pureté était passée de 56 p. 100 à 70 p. 100 en moyenne, selon les données de la DEA, compilées par le White House Drug Czar Office.
    Voilà qui ne témoigne en rien d'une réussite.
(1550)
    Nos prisons fédérales comptaient 36 000 prisonniers en 1986 et 203 000 à la fin du mois de mars — une hausse vertigineuse —, dont plus de 100 000 seulement pour des infractions liées à la drogue. Il s'agit donc d'une énorme augmentation de la capacité de nos prisons.
    Bien entendu, un grand nombre de nos tentatives ont un caractère symbolique. Je suppose que vous, mesdames et messieurs membres du comité, êtes conscients du message que vous pourriez envoyer aux jeunes, à savoir que nous prenons le problème très au sérieux, et le message que vous souhaitez faire passer aux trafiquants de drogues et aux futurs criminels. Laissez-moi vous dire une chose: les trafiquants de drogues ordinaires n'écoutent pas ce que vous dites. Ils ne lisent pas le compte rendu de vos délibérations. En fait, ils ignorent probablement la loi. C'est à peine s'ils prêtent attention aux journaux ou écoutent les nouvelles à la télé au sujet de vos délibérations. Ils ne reçoivent pas le message et ne s'en soucient guère.
    Ils n'ont pas l'habitude de planifier à long terme. Ils ne sont pas comme les hommes et les femmes qui songent à une carrière en politique, qui prévoient 5, 10, 15 ou 20 ans à l'avance leur carrière au conseil municipal, à l'assemblée législative provinciale ou au Parlement à Ottawa. Ils pensent à court terme. Ils sont très impulsifs et ne font pas les calculs que vous feriez et qu'il serait raisonnable de faire. Bref, votre message s'adresse à un public qui ne vous écoute pas et qui ne sait même pas comment faire pour comprendre le message que vous croyez leur transmettre.
    Je vous encourage à examiner très attentivement le coût de ces mesures et de réfléchir très sérieusement à leur efficacité.
    Je n'utiliserai pas le temps qu'il me reste et j'attends vos questions à la fin de tous les exposés. Merci beaucoup.
(1555)
    Je vous remercie de ne pas avoir dépassé le temps qui vous était alloué.
    Je cède maintenant la parole à M. Bruce Alexander, professeur au Département de psychologie de l'Université Simon Fraser. Il est actuellement à Vancouver et fera son exposé par vidéoconférence. Professeur, vous disposez de 10 minutes.
    C'est un honneur pour moi de comparaître devant ce comité dans le cadre de ces importantes délibérations. J'essaierai d'apporter de nouvelles informations dont, je l'espère, vous n'avez pas encore parlé.
    Pour moi, la question de la toxicomanie est très très importante. Les 40 dernières années de ma carrière de psychologue ont été consacrées à la recherche et au traitement dans le domaine de la toxicomanie. En fait, je perçois ce problème comme un fléau. Ce mot a été utilisé dans l'introduction du projet de loi, ce qui me parait logique. Selon moi, la toxicomanie est une question très sérieuse et j'espère que le gouvernement fédéral servira de guide et de leader pour venir à bout de ce problème important.
    Toutefois, je crois que le projet de loi C-15 est une grave erreur, et j'aimerais vous dire pourquoi. Il y a trois points que je souhaite soulever. Le premier concerne les peines minimales obligatoires. Le deuxième porte sur le fait de pousser ou de contraindre les gens à suivre un traitement par crainte des peines minimales obligatoires. Le troisième porte sur la théorie sous-jacente au projet de loi.
    Tout d'abord, je parlerai des peines minimales obligatoires. On a entendu beaucoup de choses sur l'expérience américaine qui est, à mon avis, très importante. Cependant, je crois que l'expérience la plus importante est l'expérience canadienne. Notre pays a une grande expérience en matière de peines minimales obligatoires. Je ne sais pas si tout le monde le sait parce qu'on n'en a pas parlé beaucoup. De nombreux Canadiens ont oublié que les peines minimales obligatoires pour les infractions liées à la drogue ont été intégrées à la loi canadienne sur les drogues au cours du siècle dernier, à l'époque où le Canada a atteint son sommet historique en matière de répression des crimes liés à la drogue.
    Les modifications successives à la Loi sur l'opium et les drogues narcotiques du Canada, adoptée en 1920, ont autorisé l'utilisation d'un outil très punitif instauré en 1950. Ces modifications autorisaient des peines longues — certaines obligatoires —, la correction des condamnés, à la discrétion des juges, ainsi que la déportation des condamnés qui n'étaient pas des citoyens canadiens. Les policiers pourraient légalement faire irruption sans mandat dans les résidences de personnes suspectées de consommation de drogues et détruire l'intérieur de celles-ci aux fins de perquisition. Les policiers pourraient légalement blesser les suspects en les étranglant et en les battant suffisamment fort afin qu'ils rendent toute drogue qu'ils auraient pu ingérer dans le but d'éviter de se faire prendre. En fait, plusieurs personnes sont décédées de cette façon à la suite de fouilles.
    Le point que je cherche à soulever est que le Canada a une vaste expérience d'application robuste des lois en matière de drogue. Cette expérience a culminé dans les années 1950, lorsque l'échec complet de ce régime extrêmement punitif de l'application de la loi canadienne en matière de drogue est devenu évident. Dans les années 1950, on pouvait lire à Vancouver et dans l'ensemble du Canada des manchettes alarmantes qui visaient à prévenir la population d'une vague croissante de crimes attribués aux toxicomanes, de l'augmentation du nombre de jeunes héroïnomanes et des terribles souffrances des toxicomanes. L'histoire se répète. Dans les années 1950, on disait que 2 000 toxicomanes, un nombre important, habitaient dans le quartier malfamé de Vancouver, qui est actuellement à l'est de la ville. En fait, un habitant sur 250 était toxicomane. Le magasine Maclean's avait alors dit qu'à un tel taux de croissance, un habitant de Vancouver sur 16 serait bientôt toxicomane.
    Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas de raison de croire que les minimums obligatoires ou tout autre type de politique musclée permettraient d'obtenir de meilleurs résultats aujourd'hui, si on se fie à l'expérience canadienne. Il n'est pas nécessaire de se fier à l'expérience américaine.
    Mon deuxième point concerne le fait de forcer les toxicomanes reconnus coupables à suivre un traitement. Je suis psychologue et j'ai donné des traitements. La plupart de mes amis donnent des traitements. Je crois que nous serions tous d'accord pour dire que c'est une très mauvaise idée. Je parlerai de ce point en me référant à l'histoire canadienne.
    Dans les années 1970, le traitement pour la toxicomanie — qui ne représentait qu'une infime partie des mesures prises par le Canada pour contrer le problème de la toxicomanie avant la Deuxième Guerre mondiale — est devenu une entreprise très importante. Nous parlons des années 1970.
    Les professions de psychologue et de psychiatre ont prospéré dans les décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, et pratiquement tous les nouveaux traitements ont été essayés sur les toxicomanes et les alcooliques. Il y a eu tant d'argent investi dans les traitements que le gouvernement fédéral a fait construire en 1966 une prison — l'Établissement de Matsqui, situé près de Vancouver — qui servait de centre pour traiter les prisonniers toxicomanes. Les plus récentes thérapies de groupe et méthodes thérapeutiques communautaires étaient au coeur des traitements offerts à Matsqui. Les prisonniers ont également eu amplement accès aux services des ergothérapeutes, des travailleurs sociaux et des agents d'éducation. Le public a fondé ses espoirs dans le traitement, et le financement gouvernemental était généreux.
(1600)
    Les résultats de l'expérience de traitement des toxicomanes reconnus coupables à l'Établissement de Matsqui ont été examinés méticuleusement. Ils étaient horribles: on a observé que plus de 90 p. 100 des toxicomanes traités qui étaient toujours vivants cinq ans après leur libération ont récidivé. Encore pire, le traitement le plus intense a entraîné un taux de récidive plus élevé que le traitement moins intense, bien que ce résultat ait été peu significatif d'un point de vue statistique. Matsqui et son programme bien financé, lancé dans l'optimisme, ont rapidement prouvé que les psychologues ne pourraient traiter la toxicomanie des consommateurs de drogues reconnus coupables, pas plus que les policiers ne pourraient les forcer à devenir sobres.
    J'ai élaboré sur ce point, mais je ne crois pas que j'aurai le temps de tout présenter. J'ai moi-même pris part aux activités de traitement dans les années 1970 et 1980. Je peux vous dire que ce n'est pas une panacée. Bien sûr, on observe parfois des réussites. On observe malheureusement bien souvent des échecs, bien plus souvent.
    Les résultats des nouveaux types de traitement obligatoire, y compris les tribunaux consacrés en matière de drogue et les camps de type militaire, ne sont pas plus prometteurs que ceux des traitements précédents. On observe à l'occasion certaines réussites documentées pour des cas particuliers, mais il y a également des cas dans lesquels le traitement contre la drogue a fait plus de tort que de bien.
    La troisième raison pour laquelle je m'oppose au projet de loi C-15 est la théorie sous-jacente. Bien sûr, le projet de loi n'énonce pas de théorie, mais il est clairement fondé sur la manière de se pencher sur la toxicomanie qui provient du mouvement pour la sobriété américain du XIXe siècle. Cette façon de voir les choses met l'accent sur la toxicomanie par opposition à tous les autres types de dépendance, et elle conçoit la toxicomanie comme le résultat de l'exposition à la drogue. Si cette théorie était vraie, il serait alors logique d'adopter des mesures extrêmement punitives contre les producteurs, les importateurs et les trafiquants de drogues. Il faudrait également traiter les toxicomanes pour la maladie présumée de toxicomanie, qu'ils ont développée.
    Je ne sais pas si vous en avez déjà parlé, mais vous devez savoir que cette façon de percevoir la toxicomanie est grandement contestée et archaïque. Il existe différents types de nouvelles recherches importantes effectuées par des chercheurs du monde entier, dont plusieurs au Canada, qui ont sérieusement remis en question cette théorie. Ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas activement promue par le National Institute on Drug Abuse aux États-Unis et par tous nos médias, mais il s'agit en fait d'un point de vue archaïque. Il y a de nouvelles manières d'examiner la toxicomanie, mais, selon moi, le gouvernement ne les a pas prises en considération.
    J'aimerais conclure par une recommandation. Je demande avec insistance à la Chambre des communes de rejeter le projet de loi C-15 et de recommander au gouvernement d'aller chercher des conseils auprès des historiens et des professionnels de la toxicomanie canadiens qui ne travaillent pas avec le paradigme conventionnel avant de formuler toute nouvelle loi relative à la toxicomanie. Une foi aveugle dans les mesures punitives et le traitement obligatoire ne permettra jamais de résoudre le problème de la toxicomanie.
    Je conclus en vous disant que, bien que je m'adresse au gouvernement du Canada avec respect, le gouvernement de mon pays, je crois que vos considérables talents intellectuels devaient dans ce cas-ci être consacrés à autre chose lorsque cette loi a été élaborée.
    Merci.
    Merci, monsieur.
    Je tiens à remercier tous nos témoins.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Nous commencerons avec M. Murphy.
    Monsieur Murphy, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui. Le débat sur l'augmentation des minimums obligatoires est très intéressant. Nous avons en quelque sorte travaillé sur cette question au cours des trois dernières années et demie.
    Monsieur Sterling, vos commentaires m'intéressent beaucoup, et j'espère avoir l'occasion de revenir à vous au cours des prochaines rondes, mais un chef de police est présent dans la salle et j'aimerais soulever un point qui pourrait l'opposer à M. Alexander.
    Le chef a été très clair dans ses déclarations écrites — et bien sûr, la presse présente toujours les choses correctement —, donc je vous rappelle vos commentaires. Vous dites qu'en vertu du projet de loi C-15, le choix de recourir au tribunal consacré en matière de drogue peut s'avérer être un bon outil de prévention du crime. C'est ce genre de choses que nous n'avons pas vues au cours des trois dernières années et demie, c'est-à-dire une manière d'utiliser le minimum obligatoire comme un levier ou un incitatif visant à l'éviter, à s'améliorer.
    Toutefois, monsieur Alexander, vous avez dit qu'un des points de ce projet de loi que vous n'aimez pas est l'aspect contrainte, l'idée de contraindre les gens à passer au tribunal consacré en matière de drogue, de les pousser à suivre un traitement. Vous n'avez sans doute pas eu suffisamment de temps, mais je crois que vous avez dit que quiconque connaît les traitements ou la thérapie sait qu'ils ne fonctionnent pas.
    Je suis quelque peu mitigé parce qu'on a entendu beaucoup de preuves et que tout le monde a lu que la toxicomanie est un problème de santé. Il existe des facteurs sous-jacents et les gens doivent souhaiter suivre un traitement pour que le traitement réussisse. Nous provenons tous de différents horizons et nous savons également qu'il y a des moments déterminants qui incitent les gens à demander un traitement, comme le départ du conjoint, le manque d'argent ou le fait de se retrouver à la rue. Ce sont ces choses qui poussent ces personnes à aller chercher un traitement qui, bien souvent, fonctionne.
    Tout d'abord, j'aimerais donner au chef l'occasion de réitérer le commentaire qui lui est attribué et d'expliquer pourquoi les tribunaux consacrés en matière de drogue constituent un outil positif qui peut être utilisé par quelqu'un qui essaie d'éviter la peine minimale obligatoire. Je donnerai peut-être ensuite l'occasion à M. Alexander d'étoffer ses commentaires concernant la contrainte au traitement.
(1605)
    Ma réponse est en deux volets. Le premier est que la grande majorité des villes et des provinces de ce pays n'ont pas la capacité de venir en aide à ceux qui souhaitent se soumettre volontairement à un traitement.
    Deuxièmement, je peux parler à la fois pour le chef de Rideauwood et le chef du Dave Smith Centre situés à Ottawa, qui travaillent principalement avec de jeunes gens. Ils vous diront que de temps en temps, la persuasion en douceur permet à une personne de réaliser qu'un traitement contre la toxicomanie pourrait l'aider. De plus, un certain nombre de systèmes de tribunaux de traitement de la toxicomanie en exploitation dans ce pays, qui connaissent un certain succès, utilisent toujours la persuasion en douceur. L'autre possibilité est la justice applicable à l'ensemble de la population ainsi qu'une potentielle incarcération. Ils vous diront la même chose.
    Je peux également vous dire que je me rends régulièrement au centre de détention régional où je rencontre un groupe de 20 prisonniers, dont 16 pourraient dire qu'ils souffrent de toxicomanie ou qu'ils pourraient en souffrir. Ils vous diront la même chose: si quelqu'un a eu au bon moment de sa vie la possibilité de suivre un traitement — il peut s'agir de persuasion en douceur —, il ne serait sans doute pas où il est aujourd'hui. Donc, selon moi — et je ne suis pas un spécialiste des traitements ni un psychologue, pour être équitable envers mon ami — en tant que policier, parent et membre d'une collectivité, je peux vous dire qu'il y a certaines personnes qui en ont besoin. Nous n'avons pas la capacité de répondre aux besoins de ceux qui font une demande de traitement, encore moins de ceux que nous devons persuader de suivre un traitement.
    Monsieur Alexander.
    Il y a ici plusieurs questions importantes. Je répète que la question la plus importante, c'est que le Canada a l'habitude de traiter les toxicomanies des personnes condamnées pour une infraction liée aux drogues, à Matsqui, et je presse tout ceux qui n'ont pas étudié ce dossier de le faire avec soin. Il est vraiment très révélateur. Il fait l'objet d'une étude approfondie, le traitement a été très bien appliqué, mais il n'a donné aucun résultat.
    Maintenant, compte tenu de cela, il est évidemment vrai — et je suis d'accord avec les commentaires formulés — que le traitement coercitif fonctionne parfois. Il est vrai que tout le monde a besoin d'un peu d'encouragement à l'occasion, pas seulement les gens qui prennent de la drogue. Tout ça est vrai.
    Il est vrai que des personnes qui ont été contraintes à suivre un traitement l'ont réussi, mais elles ne sont pas très nombreuses. Il ne peut jamais nous faire contourner le problème de la drogue et celui de la toxicomanie, ou nous en sortir, problèmes qui ont tendance à nous envahir, et vous devez savoir que le fait de pousser les gens à suivre un traitement, ou de les persuader gentiment, dure depuis très longtemps. C'est le cas à Vancouver depuis les décennies où je suis en poste; les juges diront simplement aux gens: « Je ne veux pas vous revoir en cour avant que vous n'ayez suivi un traitement, et vous irez en prison la prochaine fois que vous venez ici. » C'est toujours ce qui s'est produit. Il n'y a rien de nouveau quant au fait d'encourager un peu les gens à suivre un traitement.
    Ce qu'il faut savoir, c'est que la loi institutionnalise cela de manière peu glorieuse, c'est-à-dire qu'elle prévoit des peines minimales obligatoires, des peines minimales très arbitraires, et elle dit: « D'accord, voulez-vous aller en prison ou purger la peine minimale obligatoire? » Ce n'est pas de la persuasion en douceur ni de l'encouragement. Nous parlons d'une poussée institutionnalisée pour amener les gens à suivre un traitement, ce qui est très différent.
    En tant que psychologue, j'aimerais dire que le traitement est vraiment un art délicat; c'est un processus en douceur. Et il n'y a rien dans cette loi qui favorise la persuasion en douceur.
(1610)
    Monsieur Murphy.
    Monsieur White, dans le journal ce matin, il y avait un article au sujet de la fusillade, et on ne parlait pas vraiment des lois sur la drogue ni des lois fédérales, d'ailleurs. On parlait beaucoup de sécurité, de formation, de gestion des bars au centre-ville, etc.
    J'imagine que vous diriez probablement que cela n'est pas la solution miracle, et que tout ce que nous faisons ici fait uniquement partie du tableau.
    C'est vrai.
    Je ne parle pas non plus d'un accro au crack ou à la cocaïne qui vit dans la rue ou sous le pont sur Wellington. La loi n'en parle pas. En fait, elle parle de la distribution de drogue à haut niveau ou de ceux qui ciblent les secteurs précis qui nous préoccupent, comme les écoles, par exemple, ou qui ciblent les jeunes personnes qui pourraient être impliquées dans des crimes parce qu'elles ont été poussées ou utilisées par d'autres trafiquants de drogue. Nous ne parlons pas ici de l'accro au crack dans la rue, selon moi, et nous ne parlons certainement pas d'un pourvoyeur de crack de bas échelon, parce que pour nous, il y a une solution à ce problème également.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Ménard. Vous avez sept minutes.

[Français]

    Je vais poser une question à Mme Beauchesne, puis une autre à M. Sterling.
    Madame Beauchesne, merci de votre témoignage. En tant que chercheure, vous possédez de grandes connaissances sur ces questions. Le Bloc québécois va voter contre ce projet de loi; je pense que vous le savez. Ce qui l'inquiète beaucoup est l'absence de distinction entre les petits trafiquants, les petits consommateurs et ceux qui organisent le trafic de drogue à une échelle plus considérable, qu'on pourrait assimiler à des paliers significatifs du crime organisé.
    J'aimerais que vous parliez des conséquences appréhendées en termes d'incarcération. Quels sont les méfaits qui pourraient en résulter socialement, surtout pour les consommateurs de cannabis qui, on le sait, sont parfois des consommateurs occasionnels? Le projet de loi contient des dispositions prévoyant des peines de deux ans pour des consommateurs qui se trouvent, entre autres, devant des établissements d'enseignement.
    J'aimerais connaître votre point de vue sur cette question.
    Il y a en effet un problème de vente auprès des clientèles mineures, mais il y a des acheteurs, comme je le disais plus tôt. Quand on dit que ce genre de mesure est un succès, c'est qu'on compte celui-ci en termes d'arrestations. Or, si vous avez arrêté 15 personnes, mais qu'il y en a 15 autres le lendemain matin pour les remplacer, ça ne change strictement rien au marché. On ne calcule pas le succès de ce type de mesures en termes d'arrestations: on le calcule sur le terrain en vérifiant si l'application de ces mesures fait en sorte qu'il y a moins de drogue ou moins de trafiquants qu'avant. C'est le premier point.
    La deuxième chose à considérer est que toutes les études sur les arrestations reliées au trafic, que ce soit ici ou ailleurs, montrent clairement que les personnes les plus touchées par ce type de loi sont les petits trafiquants et non les grands. Les grands ont les moyens de se protéger de la police. Dans les rares cas où ils se font arrêter, ils peuvent se permettre d'engager des avocats et de faire durer les procédures. Ce sont les petits trafiquants qui vendent près des écoles, et non les messieurs à cravate, bien sûr. Ces derniers font faire ce travail par des sous-fifres, et ce sont eux qui se font arrêter. D'autres prennent alors leur place. Ces gens qui sont arrêtés ont des familles.
    En plus, l'étude que Santé Canada a faite sur l'injection de drogue en prison a démontré que des gens qui ne s'en injectaient pas auparavant commençaient à le faire en prison. Les conditions dans ces endroits font que certaines aiguilles valent un montant donné du fait qu'elles ont été utilisées 30 fois, que d'autres valent un montant différent du fait qu'elles sont cassées et que d'autres encore valent un montant déterminé du fait qu'il s'agit de crayons taillés. Or, plusieurs de ces individus séropositifs réintègrent la communauté, à leur sortie de prison. Donc, en termes de santé publique, il s'agit d'un coût inutile par rapport à ce qu'on veut faire. Et en plus, ça engendre des coûts non seulement pour les familles de ces personnes mais aussi pour la population.
(1615)
    Merci, madame Beauchesne.
    J'aimerais adresser ma prochaine question à M. Sterling.
    Je pense que ce témoignage souligne de façon très concluante l'inefficacité de cette approche. Mme Beauchesne y avait fait allusion dans le cas de l'État de New York. J'aimerais que vous nous expliquiez clairement pourquoi, à votre avis, la stratégie consistant à recourir aux peines minimales obligatoires en matière de drogues a été inefficace et infructueuse aux États-Unis. J'aimerais que vous soyez très clair, pour le bénéfice du comité et, tout particulièrement, pour celui du gouvernement.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    L'élément fondamental de l'inefficacité aux États-Unis, je crois, c'est que les quantités ont détourné l'attention des organismes d'application de la loi et les ont empêchés de concentrer leurs efforts sur les trafiquants de haut niveau. Les limites de quantité — 500 grammes, 5 000 grammes, 100 plants, 1 000 plants, 1 000 kilos — sont devenues les obstacles auxquels les procureurs voulaient s'attaquer, plutôt que les gens qui faisaient le commerce de millions de grammes de drogue. Lorsque la cocaïne entre aux États-Unis à la tonne — cela représente un million de grammes —, nous ne voyons presque jamais ce genre d'affaires traduites en justice. Nous voyons des affaires de niveaux beaucoup moins élevés. Les organismes d'application de la loi ont donc mal interprété les peines minimales obligatoires. Le Congrès a fixé de bas niveaux, ce qui s'est traduit par une mauvaise répartition des ressources, et les trafiquants de haut niveau ont en grande partie évité les poursuites.
    Évidemment, bon nombre de ces trafiquants de haut niveau sont établis en Colombie ou au Mexique. Dans notre système, le gouvernement fédéral est censé être l'organisme d'application de la loi qui se consacre aux dossiers les plus complexes; toutefois, selon les analyses très détaillées réalisées par la United States Sentencing Commission, partout au pays la plupart des efforts du fédéral en matière d'application de la loi ont porté sur des contrevenants de niveau inférieur.
    Cela répond-il à votre question ou ai-je oublié quelque chose?

[Français]

    Non. Je vous ai posé une seule question et je vous remercie d'y avoir répondu.
    Cela dispose-t-il de mon temps, monsieur le président? D'accord. Je m'arrête ici.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons à Mme Davies. Vous avez sept minutes.
    Tout d'abord, je remercie les témoins de leur participation en personne ou par vidéoconférence.
    La plupart des gens comprennent et savent instinctivement que le traitement obligatoire ou forcé contre la toxicomanie ou la consommation de drogues et d'alcool, qu'il soit légal ou non, n'est pas quelque chose pouvant faire l'objet d'une mesure législative. Tous ceux qui ont essayé de traiter un problème d'alcool ou d'arrêter de fumer savent qu'il n'est pas facile de le faire au moyen d'une mesure législative, alors je considère que le traitement judiciaire des toxicomanies dont parle ce projet de loi est en réalité une concession visant à amener les gens à croire qu'en quelque part, nous sommes plus humains. Beaucoup de preuves montrent que le traitement judiciaire des toxicomanies ne fonctionne pas, mais je ne m'étendrai pas sur le sujet, car je crois qu'il pourrait faire l'objet d'un autre débat.
    J'aimerais revenir à ce que M. Sterling a avancé. Je crois que vous avez dit que nous devions répondre à deux questions: combien coûteront-ils et seront-ils efficaces. J'ai essayé d'obtenir des réponses à ces questions. Nous devrions au moins avoir une idée de ce à quoi nous pouvons nous attendre au Canada.
    Avez-vous en tête de l'information, ou pouvez-vous attirer notre attention sur de l'information qui nous permettrait de savoir s'il y a une façon d'évaluer le coût des peines minimales obligatoires aux États-Unis en ce qui concerne les coûts supportés par le système judiciaire et ceux supportés par les communautés locales? Je ne sais pas si vous pouvez en parler d'une façon ou d'une autre.
    Le fait de tenir compte de l'efficacité des peines minimales obligatoires soulève la question du critère que nous devons appliquer pour définir l'efficacité d'une politique sur les drogues. S'agit-il d'incarcérer davantage de personnes? Certaines personnes diraient en fait qu'incarcérer davantage de personnes est synonyme de réussite, mais si la consommation de drogue continue de s'accroître dans la société, comme le démontrent les statistiques au Canada, on pourrait avancer comme argument que la criminalisation ne s'est pas avérée une politique efficace.
    Sur le plan de l'efficacité, en deuxième lieu j'aimerais entendre les commentaires de MM. Sterling et Alexander sur ce qu'ils considèrent une mesure efficace. Quels critères devrions-nous appliquer dans le contexte de l'examen de cette question des peines minimales obligatoires?
(1620)
    Merci, madame.
    En ce qui concerne l'efficacité, notre premier objectif devrait être de sauver des vies. La politique sur les drogues et les lois qui la mettent en exécution devraient porter sur le fait de sauver des vies. Aux États-Unis, le taux de mortalité chez les consommateurs de drogues illégales a plus que triplé depuis 1980. Tous nos efforts n'ont pas permis de sauver des vies.
    Le deuxième objectif devrait concerner la prévention des blessures, le fait d'éviter que les gens doivent se rendre à l'hôpital. Les admissions à l'urgence des hôpitaux ont augmenté de 50 p. 100 depuis le milieu des années 1990.
    Le troisième objectif devrait être d'empêcher que la drogue se retrouve dans les mains des enfants. Chaque année, nous effectuons une enquête appelée « Monitoring the Future ». Nous demandons à des finissants de l'école secondaire, à des élèves de 11e année et à des élèves de 8e année de nous dire avec quelle facilité ils pourraient d'après eux se procurer diverses drogues illégales. Nous posons ces questions depuis les années 1970 et malheureusement, il y a très peu de changements. Les changements sont marginaux. Dans certains cas, il n'y a absolument aucun changement. Les drogues demeurent très faciles à trouver pour les jeunes, à leur avis, année après année.
    La quatrième mesure d'efficacité se situe dans le marché. L'objectif de l'application est d'augmenter le prix et de diminuer la pureté. Aux États-Unis, le prix n'a cessé de diminuer et la pureté a augmenté. Alors les tests rigoureux que nous avons effectués dans le marché indiquent que nous n'avons pas réussi, que ces politiques n'ont pas réussi à diminuer la capacité des trafiquants de drogue d'apporter leur produit sur le marché.
    En ce qui concerne la première question et les coûts, j'ai effectué un peu de recherche concernant les coûts pour le Federal Bureau of Prisons. Lorsque la loi a été élaborée en 1986, notre Congressional Budget Office a prévu que les coûts augmenteraient de 1,2 million de dollars au cours de la première année, et qu'ils seraient de 27 millions de dollars d'ici cinq ans. Les dépenses réelles du Bureau of Prisons ont explosé et elles ne tiennent pas compte de l'inflation. En 1986, lorsque nous avons adopté les peines minimales obligatoires, les dépenses du Federal Bureau of Prisons s'élevaient à 862 millions de dollars. Elles se chiffraient à 994 millions l'année suivante. Deux ans plus tard, elles étaient de 1,2 milliard de dollars; 1989, 1,4 milliard; 1990, 1,7 milliard; 1991, 2,1 milliards. La demande du président pour l'année financière 2010 dépasse les 6 milliards de dollars, et une grande partie de ce montant découle des peines minimales obligatoires et de leur durée aux États-Unis.
    Je ne peux pas vous donner un estimé des coûts pour les États-Unis, mais lorsqu'on retire des gens de leur communauté et qu'on les emprisonne, ils sont incapables de soutenir leur famille. Un Américain sur neuf a été condamné pour un acte délictueux grave, ce qui signifie que sa capacité d'acheter des voitures fabriquées en Amérique du Nord est réduite, que sa capacité d'acheter des maisons de bois récolté en Amérique du Nord est réduite et que sa capacité d'acheter des meubles en bois récolté en Amérique du Nord est réduite. Ces Américains constituent un fardeau pour notre économie et pour l'économie mondiale, parce qu'ils ne peuvent travailler, obtenir un emploi, soutenir leur famille et participer à l'économie.
    C'est un coût qu'aucune autre société au monde ne tolère, en pénalisant autant de gens.
(1625)
    Merci. Le temps est écoulé pour Mme Davies.
    Je suis vraiment désolé.
    C'est maintenant au tour de M. Norlock.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins, qu'ils soient présents ici ou qu'ils participent par vidéoconférence, pour leurs commentaires.
    Je vais commencer mon interrogation du chef White. J'ai lu votre rapport d'activités 2008. Je vais simplement lire quelques extraits du rapport, puis je vous demanderai de donner des détails à ce sujet.
    Sous le titre « Un lendemain plus sécuritaire », vous écrivez: « L'intervention policière n'est pas limitée à l'application de la loi, elle comprend aussi la prévention de la criminalité et l'aide aux victimes d'actes criminels. Le Service de police d'Ottawa s'efforce de protéger les gens vulnérables dans la collectivité. » Vous abordez ensuite divers aspects comme l'information, la déjudiciarisation et la justice réparatrice, surtout pour les jeunes. Vous abordez aussi la question de la collaboration avec la province en ce qui concerne l'aménagement d'un établissement résidentiel de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Vous écrivez aussi: « Il aidera aussi à réduire la criminalité, car des études révèlent que les toxicomanes commettent jusqu'à huit crimes par jour pour assouvir leur toxicomanie. »
    Un peu plus loin dans le rapport, sous le titre « Considérer les enjeux de la qualité de vie dans les rues d'Ottawa », vous écrivez qu'« [a]près avoir constaté lui-même le problème de la drogue dans la rue », vous avez compris que « la toxicomanie était l'un des principaux éléments qui contribuaient à de nombreux enjeux liés à la criminalité au centre-ville ». Vous poursuivez en indiquant que « [l]a situation exigeait un plan d'intervention policière plus efficace, uniforme et ciblé », puis vous exposez votre réponse à ce problème.
    Un peu plus bas dans la même page, sous le titre « Réaction à la violence des jeunes — Stratégie antigang », vous écrivez ceci: « Davantage de gangs de jeunes voient le jour depuis quelques années en banlieue. Les gangs recrutent des enfants de 10 ans à peine et plus de filles sont impliquées dans ce qui était habituellement le domaine des gars. » Vous élaborez ensuite sur ce sujet.
    Si je vous laissais entendre que le fait de cibler des domaines particuliers de l'application de la loi, de la prévention, etc., est la bonne chose à faire, alors je vous laisserais entendre que le projet de loi dont nous discutons, à savoir le projet de loi C-15, ne constitue pas simplement une stratégie antidrogue d'ordre général, mais qu'il cible plutôt des domaines précis, comme les gens qui vendent de la drogue avec une arme ou en utilisant la violence, les gens qui vendent de la drogue, de l'héroïne ou des méthamphétamines, et qui en vendent plus précisément aux jeunes, ou près des écoles, ainsi que dans des endroits fréquentés par les jeunes. On y parle de la marijuana, mais plus précisément des cultures de marijuana à grande échelle qui comptent au moins 500 plants — et c'est le minimum. Ensuite, bien entendu, il y a la production de cannabis, et bien sûr le dernier point et le plus préoccupant, surtout pour les jeunes femmes: des pénalités plus fortes pour le trafic de GHB et les drogues communes du viol.
    Je me demande si je pouvais vous demander de lier tous ces aspects ensemble et de me dire de quelle façon le projet de loi C-15 peut s'insérer dans votre stratégie.
    Oui, merci beaucoup.
    Si vous le permettez, j'aborderai d'abord la question de la façon dont nous le considérons comme un outil de prévention du crime, puis je passerai la parole au sergent d'état-major Gauthier, si cela vous va.
    Lorsque je suis venu ici pour la première fois, j'ai parlé d'un centre de traitement de la toxicomanie comme étant le meilleur outil de prévention du crime que nous puissions élaborer. Aujourd'hui, dans la ville d'Ottawa, plus de 400 jeunes âgés entre 13 et 17 ans sont inscrits sur une liste d'attente en vue de recevoir des traitements, et il n'y a qu'un centre de traitement de la toxicomanie dirigé par la province pour les jeunes âgés de 13 à 17 ans. Nous avons donc essayé de réunir tout le monde des deux côtés de la rue, pour être justes, avec les libéraux au centre, dans un seul endroit afin que nous puissions avoir cette discussion sur les raisons de la création d'un centre de traitement de la toxicomanie, d'un point de vue policier en ce qui concerne la prévention du crime et d'un point de vue de la santé en ce qui concerne la prise en main des jeunes aux prises avec des dépendances, et nous nous demandions si cela allait fonctionner pour nous tous.
    Je crois que nous avons réussi, car la province a annoncé la création de deux centres de traitement de la toxicomanie, un pour les francophones dans l'est de la ville, et un autre pour les anglophones dans l'ouest de la ville. J'espère que les deux centres seront opérationnels d'ici la fin de l'année.
    De notre point de vue, il y a eu une augmentation des crimes dans la rue dans un seul secteur de la ville, exactement le même secteur où nous avons constaté une augmentation de la consommation de cocaïne sous forme de crack depuis 2005, plus précisément dans ce secteur de la ville, à six pâtés de maisons de là. Toujours de notre point de vue, nous estimions que si nous nous attaquions au trafic de drogue dans ces secteurs, et plus précisément au trafic au niveau de la rue, bien franchement, nous pourrions aussi commencer à en faire un environnement plus sécuritaire pour les gens qui habitent ces secteurs, et nous pourrions offrir ainsi une opportunité à certaines personnes qui ont besoin d'un traitement.
    Des gens demanderont pourquoi nous avons mis l'accent sur les jeunes âgés de 13 à 17 ans. Comme 70 p. 100 des jeunes âgés de 13 à 17 ans ne consommeront pas de drogue pendant les cinq années suivant un traitement dans un établissement résidentiel, nous estimions qu'il s'agissait d'une occasion de s'attaquer au problème à sa source au lieu de mettre l'accent précisément sur la situation actuelle dans la rue, où nous comptons des centaines, voire des milliers de toxicomanes qui vivent dans les rues, que ce soit de façon permanente ou temporaire, dans la ville. Nous utilisions une démarche ciblée, et nous avons essayé d'améliorer la situation de ce point de vue.
    Je vais maintenant laisser la parole au sergent d'état-major Gauthier, qui parlera du problème de la drogue dans la ville, si vous le permettez.
(1630)
    Je dirige l'Unité des drogues du Service de police d'Ottawa. Je voulais vous le dire parce que nous avons le mandat d'appliquer la loi réglementant certaines drogues. Nous avons également le mandat de mener des enquêtes dans les laboratoires de la ville d'Ottawa. Nous travaillons de concert avec d'autres services de police, y compris la GRC et la Police provinciale de l'Ontario.
    Dans le cadre de nos activités d'application de la loi, nous sommes régulièrement confrontés à la présence d'enfants impliqués dans le trafic de drogues. Ils appuient les groupes criminels qui font le trafic de drogues. Nous faisons également face régulièrement à des situations où des enfants consomment de la drogue dans la ville d'Ottawa.
    La législation aborde trois points importants. Le premier est celui des armes à feu. Nous saisissons des armes à feu de façon régulière lorsque nous exécutons des mandats de perquisition dans la ville. Vendredi dernier, nous avons exécuté un mandat de perquisition dans la vieille ville d'Orléans et, comme cela arrive souvent, nous avons trouvé des armes à feu prêtes à utiliser dans la résidence. Ces armes à feu n'étaient qu'à quelques pieds des suspects.
    De plus, les trafiquants de drogue et les groupes criminels organisés recrutent des jeunes. Ils agissent ainsi depuis longtemps, mais aujourd'hui plus que jamais. Nous faisons face à des gangs, et les gangs ont recours aux services de personnes âgées de 12 à 17 ans pour vendre leurs drogues dans les rues et les écoles. Certains groupes privilégient l'utilisation des enfants parce qu'ils se rendent compte que c'est facile à faire.
    Vous dites que c'est seulement parce que c'est facile à faire. Mais est-ce que c'est parce qu'on ne traite pas les jeunes et les adultes de la même façon?
    Malheureusement, nous n'avons pas beaucoup de temps. Vous pourrez répondre à la question au prochain tour.
    Merci.
    Nous passerons à M. Dosanjh. Vous avez cinq minutes.
    Je vais poser une question et, s'il reste du temps, mon collègue prendra la parole.
    Monsieur Sterling, j'ai une question pour vous. Vous avez mentionné qu'en fonction d'une partie de la population et des lois des États-Unis que la population carcérale avait augmenté de 100 000 personnes accusées et condamnées pour des infractions liées à la drogue. J'aimerais savoir quelle était la population et combien temps il a fallu pour atteindre cette augmentation de la population carcérale.
    La population carcérale était de 36 000 détenus en 1986; elle est maintenant de 203 000 détenus. Nous parlons uniquement de la population carcérale fédérale et non de celle des 50 États. C'est la population totale pour tous les crimes au niveau fédéral. Le nombre actuel de personnes incarcérées pour des infractions exclusivement liées à la drogue est de plus de 100 000. Je suis désolé de ne pas pouvoir vous dire de façon précise quel était ce nombre en 1986. J'ai l'impression que ce devait être autour de 10 000 à 15 000 personnes, pas plus.
    Monsieur Murphy.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sterling, culturellement, il est difficile pour moi d'aller à l'encontre de l'intuition du défunt et grand Tip O'Neill, mais d'après ce que vous avez dit, on dirait qu'un des grands défauts du système de peines minimales obligatoires tel qu'il est appliqué aux États-Unis était que la durée des peines était longue.
    Je me souviens qu'il y a trois ans et demi, lorsque nous avons entamé le débat sur les peines minimales obligatoires, l'opposition a réussi à raccourcir la durée de certaines peines minimales obligatoires proposées. Honnêtement, si on se compare aux États-Unis, les peines minimales obligatoires en vigueur au Canada — qui ont été déterminées avant que le gouvernement conservateur ne soit élu — sont beaucoup moins longues que celles dont vous avez parlé qui dans certains cas duraient de 7 à 10 ans. Diriez-vous que c'est une des principales failles, que vous maintenez en incarcération beaucoup de délinquants pendant une longue période, et que ça coûte très cher?
(1635)
    Oui, monsieur Murphy, vous avez tout à fait raison. Les très longues périodes d'emprisonnement prévues dans les lois américaines sont contre-productives parce qu'on tire des leçons assez rapidement, et que les nombreuses années qui suivent sont perdues. Une des premières choses que j'ai faites plus tôt aujourd'hui dans mon témoignage était de vous féliciter d'avoir recommandé des peines minimales obligatoires beaucoup plus courtes que celles du système américain.
    L'erreur inhérente est de croire que la façon de faire est de menotter les juges. Existe-t-il une étude qui montre que les juges ont été outrageusement indulgents au Canada? Existe-t-il des études qui se sont penchées sur les peines infligées par les juges canadiens pour les crimes liés à la drogue? Nous avons ventilé ces données par district. La commission de détermination de la peine pourrait vous dire la durée exacte d'une peine infligée par un juge, et elle dispose de ces données pour plus de 20 ans.
    Il faut se demander si on peut démontrer que les peines sont inadéquates, plutôt que se fier à des données de sondages dans le cadre desquels le public dit: « Je pense que les peines sont trop longues parce que je me souviens d'avoir entendu parler d'un cas qui m'a semblé excessif ». Des milliers et des milliers d'affaires sont tranchées par les juges partout au Canada, et les médias peuvent toujours en trouver au moins une par semaine à laquelle s'opposer.
    Le message que l'on envoie aux juges en établissant des peines minimales obligatoires est que nous ne leur faisons pas confiance, que nous ne les respectons pas et que nous ne croyons pas qu'ils peuvent examiner tous les faits relatifs à un dossier et faire ce qu'ils doivent faire, c'est-à-dire rendre justice.
    De la même façon, en établissant des peines minimales obligatoires, on dit aux procureurs que nous ne croyons pas qu'ils peuvent convaincre le juge qu'une longue peine est méritée dans une affaire et pas dans une autre.
    Je crois que ces messages sont très insultants et que, ultimement, ils minent le respect que vos juges et vos tribunaux méritent.
    Merci, monsieur Sterling.
    Nous céderons la parole à M. Lemay pour cinq minutes.

[Français]

    Ma question s'adresse à Mme Beauchesne, M. Alexander et M. Sterling. J'aimerais qu'on y réponde par oui ou par non.
     Avez-vous, dans le cadre de votre longue pratique, de vos recherches et de vos analyses, eu en votre possession des rapports ou des études qui démontraient le bienfait des sentences minimales d'emprisonnement?
    Madame Beauchesne?
    Non.
    Monsieur Alexander?
    Non.
    Monsieur Sterling?

[Traduction]

    Je n'en ai jamais vues. Il n'existe pas, à ma connaissance, d'études qui démontrent que les peines minimales obligatoires sont efficaces pour mettre en oeuvre les politiques du législateur.

[Français]

    Monsieur Gauthier, je ne doute aucunement de vos capacités pour ce qui est de travailler dans le milieu et de l'infiltrer, notamment. Nous sommes justement en train d'étudier ce dossier. Je vais vous poser une seule question. Êtes-vous en mesure de nous démontrer que le projet de loi présentement à l'étude va non seulement réduire le nombre de consommateurs, mais surtout, sortir la drogue des rues d'Ottawa?
(1640)
    Je ne peux pas vous démontrer...

[Traduction]

    Je ne peux pas vous dire que cette mesure législative va sortir la drogue des rues d'Ottawa, absolument pas. Je vous dirai qu'elle permettra d'aborder certaines questions graves sur lesquelles nous ne nous penchons pas en ce moment, en nous aidant à faire un meilleur travail.

[Français]

    Pourriez-vous donner un exemple?

[Traduction]

    La mesure nous aidera à écarter les gens qui ont des armes à feu, à les mettre en prison et à leur infliger des peines. Elle nous aidera à cibler certains secteurs avec de meilleurs outils, comme les écoles, en particulier, le fait que les gens sont...

[Français]

    Je vous arrête immédiatement parce que j'ai retenu ce que vous avez dit plus tôt. Certains articles du Code criminel sont déjà très clairs en ce qui a trait à quelqu'un qui utilise une arme à feu lors de la perpétration d'une infraction.
    Vous êtes d'accord avec moi sur le fait qu'autour des écoles, on a généralement affaire à des jeunes qui ont 15, 16 ou 17 ans. Ce projet de loi ne s'adresse pas à eux.
    Ce projet de loi...

[Traduction]

    Le projet de loi cible les groupes criminels qui ont recours aux enfants plus jeunes, qui utilisent les enfants au profit du groupe.

[Français]

    Je ne doute pas de vos compétences. Je suis profondément convaincu que vous êtes très compétent et que vous connaissez les groupes de vendeurs dans la région d'Ottawa. Vous le savez à peu près. Vous avez une bonne idée de l'endroit où ils se tiennent, que ce soit dans le coin du marché By ou ailleurs. Vous savez à quels groupes vous avez affaire.
    Pensez-vous vraiment que ce projet de loi vous aidera?
    Nous ne travaillons pas seulement à combattre les groupes qui travaillent dans les rues. Nous travaillons aussi à combattre ceux qui contrôlent ces groupes.
    C'est bien.
    Quand je faisais du droit — et j'en ai fait souvent et longtemps —, il fallait essayer de savoir à qui le petit vendeur qui opère près de l'école achetait la marchandise, puisqu'il relevait de quelqu'un. Par contre, ce n'est pas nécessairement ce petit vendeur qui vous intéresse, mais son fournisseur, celui qui achète la drogue des Hells Angels ou des Bandidos, peu importe, cette drogue qui arrive d'un peu partout. Ce sont eux qui vous intéressent.
    Pensez-vous que ce projet de loi vous aidera?
    Nous travaillons sur trois plans. Nous combattons les groupes qui travaillent dans les rues, nous combattons les groupes importants du crime organisé et nous appuyons les agents qui ciblent les groupes qui causent des problèmes dans certains quartiers de la ville.
    En ce qui a trait aux grands groupes comme les Hells Angels, ceux-ci engagent des jeunes pour faire du travail pour eux. Ainsi, s'il y a une dette à réclamer, certaines personnes...
    ... vont tâcher de récupérer l'argent...
    ... avec des fusils.

[Traduction]

    Merci, votre temps est écoulé.
    Nous passons à M. Rathgeber qui aura la parole pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins qui sont ici et ceux qui comparaissent par vidéoconférence.
    Mes questions s'adressent au chef White. Tout d'abord, je vous remercie pour votre appui à ce projet de loi et au projet de loi C-25, la fin du deux pour un sur le renvoi. J'ai d'abord pris connaissance de cette question et de certains commentaires que vous avez formulés en lisant la première page du Ottawa Citizen il y a environ quatre ou cinq ou six mois. Je vous en remercie.
    Les membres du comité se sont rendus à Vancouver il y a deux semaines, et ici et là lundi dernier, lorsque nous avons tenu des audiences sur le projet de loi C-15, nous avons entendu des personnes qui défendaient la fin de l'interdiction du cannabis, mais également d'autres substances chimiques fortes. Toutes les personnes chargées de l'application de la loi que nous avons entendues s'opposent à cette idée. Cependant, il y a des défenseurs — des libertaires et, je suppose, même des criminalistes — qui croient que la prohibition est un échec.
    Je me demande si vous pourriez formuler des commentaires à ce sujet à partir de votre expérience à la tête du Service de police d'Ottawa. Plus précisément, ils ont affirmé que la fin de la prohibition permettrait en quelque sorte de réduire la capacité du crime organisé de profiter du commerce de la drogue. Lorsque je lis votre rapport d'activités, je constate que les entreprises criminelles et le crime organisé mènent des activités très diversifiées —, vol d'identité, vol de voitures, contrebande de cigarettes, et la liste ne s'arrête pas là. À titre d'ancien agent de première ligne et de chef de police, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la légalisation?
(1645)
    Merci beaucoup.
    Pour commencer, je vous parlerai de certains problèmes que nous avons connus. Je serai honnête, j'ai envoyé certains de mes agents sur la rue Hastings Est pour qu'ils constatent ce qui se passe lorsque les drogues sont presque légales. Selon moi, ce n'est pas une réussite, avec tout le respect que je dois à Vancouver. Je peux également vous affirmer, d'après les conversations que j'ai eues avec les agents de police dans les rues de Vancouver — j'étais à Vancouver l'an dernier et je les ai accompagnés à certains endroits —, qu'ils vous diraient la même chose, que ce qu'ils voient n'est pas une réussite de leur point de vue.
    Le deuxième point, je crois, est qu'à moins que nous pensions que le gouvernement du Canada se lancera dans le trafic ou la vente de crack, de cocaïne ou d'héroïne, je ne vois pas une seule seconde comment la légalisation pourrait aider qui que ce soit. La légalisation permettra simplement aux organisations criminelles de continuer à vendre de la drogue à des niveaux plus élevés. Ça ne changera pas ce que nous faisons en ce moment.
    Je peux vous dire — et je ne suis pas un professionnel de la santé, mais un chef de police et un agent de police — que rien de ce que j'ai vu sur la rue Hastings Est ou à Vancouver n'est ce que je considère comme une réussite en ce moment.
    Vous avez dit que l'accro au crack qui vit sous le pont de la rue Wellington n'est pas la principale préoccupation du service de police, et je l'apprécie. Je crois que c'est une affaire de simple bon sens. Mais une des autres hypothèses qui a été portée à l'attention du comité concernant le projet de loi C-15 est la question du très petit producteur, celui qui fait peut-être pousser trois plants. Étant donné que la définition du trafic ne se limite pas à la vente — le partage peut faire partie du trafic —, pouvez-vous me dire dans quelle mesure les policiers peuvent faire preuve de jugement devant une personne qui fait pousser deux, trois ou quatre plants et qui les partage avec ses copains le samedi soir?
    Selon moi, le jugement est très important. Même au cours des 15 derniers mois pendant lesquels nous nous sommes attaqués à la vente de crack et de cocaïne dans les rues, en particulier dans certaines parties de la ville, nous avons orienté le plus de personnes possible, selon les capacités, vers un tribunal de traitement de la toxicomanie. Peu importe si nous croyons que ça fonctionne ou non, le tribunal de traitement de la toxicomanie connaît un certain succès, et chaque fois que le mot « traitement » est utilisé, je crois qu'il y a au moins une possibilité de réussite.
    Selon nous, nous faisons preuve de jugement. Dans les cas où nous croyons que les gens font du trafic de façon régulière ou à un haut niveau ou qu'ils ciblent les personnes vulnérables qui sont dépendantes ou qui ont des problèmes de santé mentale dans les rues — et beaucoup d'entre eux ont les deux problèmes —, nous tentons de les orienter vers les tribunaux ordinaires, mais en même temps, nous utilisons toutes les autres possibilités.
    Merci.
    Nous accorderons la parole à M. Murphy. Vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Monsieur Sterling, vous avez expliqué comment la lutte contre la drogue n'a pas fonctionné, et comment les peines minimales obligatoires n'ont pas fonctionné. Pendant le dernier tour, nous avons effleuré cette question, nous avons dit que les peines étaient peut-être un peu trop longues et ainsi de suite, mais ensuite vous avez dit que la pureté de la drogue s'était accrue, que les prix avaient baissé et que, à l'échelle du marché, j'imagine que ça n'a pas fonctionné.
    A-t-on vu des réussites en ce qui concerne les bénéfices du crime organisé, la prospérité du crime organisé et le sentiment de sécurité publique depuis 1986? Y-a-t-il des points positifs? Je vous pose ces questions parce que les Canadiens entretiennent l'idée que le maire Giuliani a combattu la criminalité à New York et que désormais la ville est sécuritaire. Pendant un certain temps, nous avons cru que le fils Bush s'attaquait au crime et au reste. On est sur le point de faire la lumière là-dessus. Y-a-t-il eu du bon à l'établissement du système de peines minimales obligatoires et à la soi-disant lutte contre le crime?
(1650)
    Monsieur Murphy, c'est là une excellente question. Il serait difficile de dire qu'en 22 ans, le seul facteur qui ait influencé le crime en Amérique est le système fédéral de peines minimales obligatoires.
    Les policiers des États-Unis procèdent à 14 millions d'arrestations par année dans tout le pays. Seules 25 000 de ces arrestations ont trait à des crimes fédéraux liés aux drogues. Notre économie a changé de façon drastique et le taux de criminalité a chuté de façon toute aussi drastique. Cependant, le taux de criminalité a également baissé dans de nombreuses villes américaines qui n'ont pas adopté les mêmes politiques que le maire Giuliani a imposées à New York. Le fait que nous ayons beaucoup moins de crimes aujourd'hui est certainement une bonne chose, mais je ne crois pas que quiconque puisse dire que c'est grâce au système fédéral de peines minimales obligatoires.
    La réalité est que les drogues, qui sont l'objet de la plupart des sentences minimums obligatoires, restent largement disponibles et moins coûteuses que jamais, que la toxicomanie est répandue et que les établissements de traitement de la toxicomanie ont toujours de très longues listes d'attente. Une grande partie des crimes aux États-Unis sont toujours liés à la consommation de drogues.
    Quels sont les outils qui fonctionnent le mieux en ce qui a trait au crime organisé? Ce que je vais dire va peut-être vous blesser, et je m'en excuse, mais dans notre pays nos villes commencent à ressembler à ce que vos villes sont devenues depuis longtemps. Certaines régions sont minées par le crime et nous n'aimons pas ça. Nous représentons le Nord, fort et paisible, et nous ne sommes pas équipés pour cela. Quelles sont les choses qui ont eu du succès dans la lutte contre le crime organisé en ce qui a trait aux drogues?
    Premièrement, il faut se concentrer sur le crime organisé plutôt que sur les drogues elles-mêmes. Est-ce que vos services de police ont des unités de renseignements adéquates? Avez-vous la possibilité de saisir les actifs? Les lois vous permettent-elles l'écoute électronique? Faites-vous de l'infiltration? Il existe une variété d'outils. Aux États-Unis, nous avons investi beaucoup d'argent dans notre Federal Bureau of Investigation ainsi que dans de nombreuses autres organisations d'application de la loi. Nous avons été témoins d'une réduction importante de la criminalité de rue. Je ne crois pas que les gens pensent que nous avons complètement éliminé le crime organisé des secteurs de l'élimination des déchets, de la construction, du blanchiment d'argent, de la prostitution ni de la pornographie. Le crime organisé fait encore beaucoup d'argent dans ces secteurs aux États-Unis.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Ma question s'adresse à M. White ou à M. Gauthier, si vous avez lu le projet de loi que l'on veut présenter.
    J'aimerais faire un court commentaire pour que vous puissiez me dire si ça peut nous aider. Ce projet de loi vient en réalité renforcer le travail qui se fait sur le terrain, du moins le suppose-t-on.
    Un seul cas m'intéresse. Je sais que certains témoins voudraient que la drogue soit légalisée et que le gouvernement en fasse la « vente ». Nous voulons augmenter les pénalités dans le cas du GHB, la drogue du viol. Je ne peux pas croire qu'on puisse proposer de réduire ces pénalités alors qu'on sait que cette drogue n'est pas achetée par le consommateur, comme c'est le cas de l'héroïne. C'est le seul cas où une personne achète de la drogue pour attaquer quelqu'un, qui est généralement une femme. C'est ce qui est grave et c'est pour cette raison qu'on veut augmenter les pénalités. C'est une des parties de la loi qui m'intéressent.
    Voyez-vous une différence? Il y a une différence entre celui qui achète de la drogue et qui la consomme et celui qui achète de la drogue pour attaquer les femmes. C'est ça qui est grave. Avez-vous vu quelque chose de différent dans le projet de loi? Semble-t-il vous aider à protéger les femmes contre cette drogue terrifiante?
(1655)
    Je peux répondre à la question.

[Traduction]

    Pour ce qui est de l'application de la loi, l'Unité des drogues de la police d'Ottawa vise les trafiquants qui vendent de la kétamine, du GHB et du rohypnol principalement dans les bars. Les trafiquants vont dans les bars pour trafiquer. À certaines occasions, nous envoyons des agents d'infiltration et eux voient la drogue passer du trafiquant au barman. Je ne dis pas que tous les barmans font la même chose; tout ce que je dis c'est que ces drogues réussissent à se rendre jusqu'en arrière du comptoir parfois. Tout le monde sait que ces drogues sont extrêmement dangereuses — la kétamine, le GHB et le rohypnol. Elles ne servent pas toujours à être versées dans les verres, mais c'est là leur utilisation principale. La loi devrait s'attaquer à cet élément. Ces drogues doivent être contrôlées. Les lois que nous appliquons à ce type de drogues sont importantes et nous devons continuer. Tout est en place. Nous le voyons surtout dans le secteurs des bars, ici à Ottawa.

[Français]

    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste deux minutes.
    Monsieur Gauthier, vous avez expliqué votre travail, mais vous n'avez pas répondu à ma question. J'appuie ce projet de loi car il atteint l'objectif de protection de la société et, surtout, parce que celui qui achète du GHB n'est pas celui qui le consomme. Il l'utilise pour attaquer les femmes. Le projet de loi va-t-il régler ce que vous voyez sur le terrain? Je ne suis pas policier. Je veux savoir si le fait d'être plus sévère dans le cas du GHB peut contribuer à protéger les femmes.
    La réponse est oui. Cette drogue existe et les gens s'en servent exactement pour la raison que vous avez mentionnée. Il est donc très important que ce soit mentionné dans le projet de loi. C'est quelque chose que nous appuyons.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons continuer avec M. Storseth.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins qui sont venus aujourd'hui, ceux qui ont témoigné par vidéoconférence et ceux qui étaient sur les lieux. Il s'agit d'une importante mesure législative et je suis certain que vous en êtes tous conscients.
    Monsieur White, j'aimerais vous poser quelques questions qui sont précisément reliées à certaines des choses que nous avons entendues au comité aujourd'hui concernant l'importance du message que vous envoyez à la société. Je crois que vous ne ciblez pas uniquement les criminels, mais la société en général, pour faire savoir qu'il existe de vraies peines, et non pas seulement des maximums qui sont trop rarement imposés, et aussi des minimums qui vous forceront à aller en prison.
    Il n'y a aucun doute aujourd'hui que les criminels reçoivent ce message. Dans les réunions du comité précédentes, nous avons eu des témoignages qui affirmaient que le trafiquant de drogue moyen avait en 13 ans d'activités criminelles, sept condamnations à son actif. Selon votre expérience, est-ce que c'est la même chose à Ottawa? Trouvez-vous ces chiffres crédibles?
    Puis-je répondre à cette question?
    Oui, bien sûr.
    Avez-vous dit que la plupart des trafiquants de drogue avaient déjà reçu sept condamnations?
    C'est ce que nous avons entendu dans les témoignages. À prime abord, ce sont des récidivistes.
    J'aurais tendance à dire que s'ils ont reçu sept condamnations, la plupart de ces condamnations, enfin je l'espère, sont des condamnations de possession. Est-ce que c'est là où vous voulez en venir?
(1700)
    Je vous rapporte seulement ce que nous avons entendu lors des témoignages.
    Eh bien, cela dépend des condamnations dont vous parlez. Si vous dites qu'un narcotrafiquant a été condamné sept fois pour trafic, je trouve ce chiffre très élevé.
    Eh bien, ne nous attardons pas à ce chiffre. Seriez-vous d'accord pour dire qu'il s'agit en général de récidivistes et qu'il s'agit de personnes qui ont déjà commis des crimes et qui se font reprendre?
    S.é.-m. Pierre Gauthier: Oui.
    M. Brian Storseth: Est-ce que, selon votre expérience, ces récidivistes qui ont eu plusieurs démêlés avec la loi connaissent les conséquences et tous les tenants et aboutissants de la loi? Ou s'ils ne savent pas du tout de quoi il en retourne lorsqu'il s'agit de traiter avec la loi?
    Merci beaucoup.
    C'est intéressant, parce que certaines des personnes avec qui je discute, tant au centre détention qu'au centre de traitement local appelé Harvest House, ont des dossiers criminels très épais et souvent, en fait, au moins une partie de ces dossiers criminels concerne le trafic. Je pense qu'ils connaissent probablement très bien la loi.
    Je crois avoir déjà fait référence au temps compte double précisément en parlant des prisonniers et comment ils comprennent souvent mieux que moi — et je dirais même mieux que certains professionnels juridiques — ce qu'ils ont à faire pour passer dans le système. Je ne doute pas qu'ils connaissent la loi en fait en ce qui concerne ce qui peut leur arriver. Je crois que nous voyons un certain nombre de personnes se servir de jeunes ou de jeunes contrevenants pour commettre des crimes: parce qu'ils comprennent très bien que ce que les jeunes vont récolter est beaucoup moindre et que ça ne les affectera presque pas.
    Oui, et nous y arriverons à un autre moment.
    J'apprécie beaucoup vos observations parce que d'après le peu d'expérience que j'admets avoir, ces personnes connaissent très bien ce qui est en jeu et savent exactement ce qu'elles font.
    J'aimerais changer de sujet juste pour une seconde et m'adresser à M. Gauthier. Vous avez parlé de perquisitions et de saisies ainsi que des mandats de perquisitions à la ville d'Ottawa. Vous trouvez souvent des armes dans ces caches de drogues. De quels types d'armes s'agit-il? Est-ce que ce sont des fusils à simple action? Quelles sont les armes que vous retrouvez?
    Nous trouvons de nombreux fusils de chasse à canon scié de calibre 12. Pour une raison quelconque cette arme semble être celle que les narcotrafiquants préfèrent utiliser pour leur protection. Nous trouvons aussi de nombreuses armes de poing. Bien sûr, les trafiquants possèdent des couteaux et d'autres armes qu'ils peuvent cacher sous leur lit. Mais en ce qui concerne les armes à feu, ce sont souvent des armes à canon scié ainsi que des armes légères.
    Est-ce que la majorité sont enregistrées?
    Non. Je suis désolé, mais elles ne le sont pas.
    À qui s'adresse la loi selon vous? Est-ce qu'elle vise adéquatement le crime organisé et les personnes que nous cherchons à condamner, ou si elle pénalise de façon disproportionnée les petites gens?
    À mon avis, le crime organisé est très bien ciblé par cette loi. C'est important qu'il soit visé. Le crime organisé est solide, il est là, et il recrute des gens pour faire le sale boulot à sa place. Dans le crime organisé, il y a toujours des personnes au sommet, et ce sont eux qui profitent de tout ce commerce. Donc, nous appuyons cette loi parce qu'elle cible ces gens.
    Je sais que vous l'avez dit, mais je veux vous entendre dire encore une fois que vous croyez que la légalisation de ces drogues nuirait à vos efforts pour protéger la société.
    Oui. Je le dis et je le répète, absolument.
    Merci.
    La parole est à M. Warkentin, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de me joindre à vous pour cette séance du comité. Je n'en suis pas un membre régulier, mais je m'intéresse à la question des drogues et à leur impact sur nos collectivités.
    Au cours de la dernière législature, j'ai eu l'occasion de présenter un projet de loi privé qui portait exclusivement sur la production de la méthamphétamine en cristaux. En Alberta, nous avons pu observer directement les dégâts que les drogues peuvent causer dans la collectivité. La méthamphétamine en cristaux présente un intérêt particulier en ce sens qu'il n'est pas nécessaire de l'importer. Il n'est pas nécessaire qu'elle filtre à travers différents paliers du crime organisé. Elle peut être fabriquée et distribuée dans une même collectivité.
    Au cours de ma recherche sur la question de la méthamphétamine en cristaux, j'ai découvert un certain nombre de réalités extrêmement préoccupantes. D'abord, nous sommes passés du statut d'importateur de méthamphétamine en cristaux à celui d'exportateur en raison de la mollesse de notre législation. Du point de vue du crime organisé, notre pays offre des avantages pour la production de la drogue qu'on ne retrouve pas dans d'autres pays. C'est un aspect auquel je me suis intéressé et je tiens à ce qu'on fasse quelque chose à ce sujet. En notre qualité de parlementaires, nous avons la responsabilité, je crois, de nous pencher sur ce genre de question. Devenir un pays où on fabrique certaines de ces substances a de quoi nous inquiéter tous. Ce projet de loi constitue à mon avis une réponse non négligeable à nos préoccupations.
    Ce qui m'a donné l'idée d'entreprendre cette enquête sur les drogues, c'est l'impact qu'elles ont sur certains des éléments les plus vulnérables de la société. M. Storseth a souligné que l'intention de notre gouvernement n'est pas de nous lancer à la poursuite des personnes qui possèdent de petites quantités de drogues. Nous voulons attraper celles qui fabriquent ces drogues et qui exploitent ces éléments les plus vulnérables. Vous pourriez peut-être vous exprimer sur cette question parce que je crois très important que les parlementaires que nous sommes indiquent de façon très claire ce qu'ils recherchent exactement.
    De mon point de vue — et je crois pouvoir parler avec une certaine assurance au nom du gouvernement — le gouvernement est résolu à s'attaquer aux personnes qui essaient d'exploiter les plus vulnérables et à procurer aux plus vulnérables une certaine protection contre leurs exploiteurs. Monsieur White, vous pourriez peut-être nous parler de votre expérience ici, dans la municipalité d'Ottawa, et de ce que vous observez au niveau des groupes organisés qui importent et distribuent des drogues.
(1705)
    Bien sûr. En fait, je voudrais d'abord mentionner qu'il était très important, pour nous, que la loi précise, parmi les facteurs à prendre en considération, que « la production a créé un risque d'atteinte à la sécurité publique dans un secteur résidentiel ». Nous tombons souvent sur des laboratoires de fabrication de méthamphétamine en cristaux. Quand j'étais chef de police à Durham, il s'est produit une explosion suivie d'un incendie qui a causé pour plusieurs millions de dollars de dégâts, si on ajoute les frais de nettoyage, et qui aurait pu coûter la vie à de nombreuses personnes. C'est donc très important pour nous qu'il devienne possible de nous attaquer à ce genre de problème, parce que nous l'observons dans des secteurs résidentiels.
    Deuxièmement, nous voyons dans les rues un nombre élevé de toxicomanes qui présentent également des troubles mentaux. En fait, les psychiatres de l'Hôpital Royal Ottawa me disent tous la même chose: les gens qu'ils ont traités dans le passé pour des maladies mentales, ou pour des problèmes reliés à la maladie mentale, leur reviennent maintenant avec, en plus, des problèmes concomitants de toxicomanie. C'est ce qui me fait croire que les trafiquants et les revendeurs de drogues dans les rues de la ville les ont pris pour cibles. En fait, certains spécialistes affirment que de 25 à 40 p. 100 des toxicomanes auxquels nous avons affaire chaque jour dans les rues de la ville sont atteints de troubles mentaux concomitants. Ils offrent à beaucoup de trafiquants la possibilité et l'occasion d'accroître leurs ventes. Il ne s'agit pas ici de gens qui essaient de faire quelques dollars. Ils se fichent complètement de ce qui arrive aux personnes auxquelles ils vendent du crack, aucun doute là-dessus.
    Ma recherche m'a malheureusement permis de constater que le commerce de la drogue en général, et la fabrication de la méthamphétamine en cristaux en particulier, faisaient également d'autres victimes. Nous avons très souvent constaté que de jeunes enfants habitaient dans des résidences où de la méthamphétamine était fabriquée. Je suis heureux de voir que le projet de loi fait du bien-être des enfants un facteur aggravant. En fait, si un jeune se voit infliger un type quelconque de blessure ou s'il joue un rôle quelconque dans les ramifications du processus, cela aussi est pris en considération. Il est possible que ces enfants n'achètent pas de drogue, qu'ils ne jouent aucun rôle direct dans le trafic de la méthamphétamine du seul fait qu'ils se trouvent là où on la fabrique, parce que la fabrication dégage toutes sortes de gaz toxiques et libère toutes sortes de sous-produits. Je sais que les victimes ne sont pas seulement les consommateurs ou les usagers de drogues; il y a aussi des victimes indirectes.
    Absolument. Quelqu'un a déjà dit qu'il était illégal de fumer la cigarette dans une voiture où se trouvait un enfant et qu'on pouvait très bien être mis en accusation et condamné pour cette raison. Mais si le même enfant se trouvait dans une maison où il y a une installation de culture ou un laboratoire de fabrication de méthamphétamine, il serait impossible de porter des accusations pour infraction secondaire et d'obtenir une condamnation des contrevenants.
    Merci.
    Il nous reste un peu de temps, je propose donc que nous fassions une série de questions de deux minutes, c'est-à-dire une question très brève suivie d'une réponse très brève. Il nous reste 17 ou 18 minutes et si nous procédons avec célérité, nous pourrons achever la série.
    Monsieur Murphy, vous pouvez commencer.
(1710)
    Merci.
    Monsieur Sterling, le gouverneur de la Californie parle d'une législation et d'une réglementation qui semblent tourner autour de la question financière et il y a tellement de parallèles à faire avec la prohibition des années 20 et des années 30 aux États-Unis et au Canada — davantage aux États-Unis qu'au Canada, à vrai dire. Que faut-il en penser? Est-ce qu'on essaie seulement de jeter de la poudre aux yeux? Est-ce une approche qui semble présenter de l'intérêt aux États-Unis en général? C'est peut-être une question difficile.
    Monsieur Murphy, cette question est abondamment discutée aux États-Unis, en particulier dans la presse. Non seulement le gouverneur Schwarzenegger l'a soulevée, mais de nombreux membres du Congrès l'ont soulevée au cours des audiences tenues dans le contexte de la violence qui sévit au Mexique.
    La légalisation, ce n'est pas l'absence de toute réglementation, contrairement à l'impression qu'ont pu donner les propos de M. White. Il existe de nombreux mécanismes différents pour contrôler et réglementer différentes drogues. Une excellente analyse présentée dans un livre intitulé Drug War Heresies, publié chez Cambridge University Press par Peter Reuter et Rob MacCoun en 2001, énonce quelques-uns des enjeux principaux. C'est une question complexe à laquelle il n'y a pas de réponse simple.
    Merci.
    Merci.
    Je donne la parole à M. Ménard pour deux minutes.

[Français]

    Madame Beauchesne, vous sembliez avoir des interrogations sur ce qu'ont affirmé certains collègues au sujet de la drogue du viol. Évidemment, il est complètement farfelu de parler de légalisation. Le projet de loi ne traite pas de cela. Alors, je considère que c'est complètement irrecevable de demander aux témoins de se prononcer là-dessus. Cependant, j'aimerais que vous fassiez une mise au point sur ce que vous avez entendu de part et d'autre.
    Premièrement, au sujet de la drogue du viol, le nom est très médiatique. La première drogue utilisée par un violeur est encore l'alcool, et la seconde, ce sont les barbituriques: le Valium et autres. Le GHB est peu utilisé pour cela, mais il l'est pour bien d'autres choses, comme plusieurs drogues. En fait, pour qu'il y ait un viol, il faut un violeur. C'est la principale condition. Or, la drogue ne crée pas le viol.
    Deuxièmement, j'ai trouvé qu'il était difficile de critiquer les peines minimales. On semble nous dire qu'on ne voit pas le problème. On voit le problème, mais on n'a pas les mêmes solutions.
    Contrairement à l'image que les gens s'en font, la légalisation réduit la disponibilité des drogues. Placez-moi sur un marché noir n'importe où sur la planète, et en trois heures, je vous obtiens ce que vous voulez. Dans un marché noir, tout le monde peut vendre.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Mme Davies, vous avez deux minutes.
    Nous avons entendu M. White dire que dans le secteur est du centre-ville, qui fait partie de ma circonscription, on se trouve presque en situation de légalisation, ce qui ne correspond certainement pas à ce que moi j'observe. J'ai vu de nombreuses rafles policières. Ce sont des opérations très coûteuses qui ne changent pas vraiment la situation, mais on en voit de temps en temps. Je me rappelle que la dernière avait été baptisée Operation Torpedo.
    Je veux parler de ce qui se produit réellement par opposition à ce qui serait l'intention du projet de loi d'après le document que nous avons ici. Il me semble que le régime d'application de la loi tel que nous l'observons vise essentiellement le menu fretin, les petits revendeurs qui sont souvent des utilisateurs, parce que ce sont des proies faciles. J'aimerais demander à M. Sterling de nous faire part de ses pensées sur cette question, parce que c'est ça, la réalité, autant aux États-Unis, d'après ce que je crois comprendre, que dans ma propre communauté et à d'autres endroits au Canada. 
    Aux États-Unis, les peines minimales obligatoires sont appliquées dans leur immense majorité aux petits contrevenants.
    J'ai été estomaqué quand j'ai entendu la question de M. Storseth, tout à l'heure, quand il a parlé des sept condamnations antérieures et des récidivistes. Si je l'ai bien compris, ce sont des petits contrevenants. Ce sont des petits voleurs et des toxicomanes. Puis, 30 secondes plus tard, il parle de crime organisé; mais ces gens-là ne sont pas les éléments du crime organisé que vous voulez attraper si vous visez à mettre la main sur les contrevenants de haut niveau.
    Mon impression est que ce projet de loi est très confus: il distingue mal entre ceux qu'il prétend cibler et ceux qui seront les vraies cibles quand la loi sera appliquée par les policiers dans la rue.
(1715)
    Merci.
    Vous pouvez poser une dernière question, monsieur Norlock. Vous avez deux minutes.
    Merci.
    Monsieur White, pourquoi ciblez-vous seulement ceux qui sont faciles à attraper, et non pas les membres du crime organisé, comme on vous accuse de le faire? Il y a des gens qui vous accusent pour ce que vous faites en tant que policier; j'aimerais que vous répondiez à cette accusation, à savoir que vous n'êtes pas vraiment intéressé à attraper les membres du crime organisé, et que tout ce qui vous intéresse, c'est d'attraper le pauvre toxicomane qui vend de la drogue à nos enfants. Pourquoi ne pas vous en prendre aux gros trafiquants? Pouvez-vous répondre à cette question?
    Vous n'y allez pas de main morte. Merci beaucoup.
    En réalité, notre approche comporte deux volets. Nous avons une section antidrogue qui cible tout spécialement le crime organisé, en particulier les grandes organisations qui font de la distribution en Ontario, au Canada et aux États-Unis. À cet égard, nous avons connu beaucoup de succès l'an dernier. L'opération Scarecrow, par exemple, nous a conduits jusque dans l'État de New York.
    D'autre part, du point de vue de la qualité de vie, le grand nombre de crimes commis dans les rues dans certains secteurs de la ville nous a amenés à cibler les trafiquants qui vivent de l'exploitation des plus vulnérables parmi ceux qui vivent dans la rue, ceux qui commettent quatre, cinq, six vols, quelques cambriolages, ou qui volent aux membres de la communauté tout ce qu'ils peuvent revendre pour pouvoir acheter un morceau de crack à 25 $.
    Il faut agir sur les deux tableaux, pas sur un seul. Et de notre point de vue, il nous faut cibler les deux niveaux de criminalité à la fois.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    C'est tout le temps que nous avions. Je remercie tous nos témoins, notamment ceux qui se trouvent à Vancouver ainsi qu'à Washington D.C.
    La séance est levée.
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