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Merci, monsieur le président.
Selon le rapport de 2001 de la vérificatrice générale du Canada, les dépenses du gouvernement fédéral en matière de drogues se situent entre 404 et 426 millions de dollars: la GRC reçoit 164 millions de dollars; le Service correctionnel du Canada, 157 millions de dollars; le ministère de la Justice, 70 millions de dollars; et Santé Canada, 8 millions de dollars. En effet, Santé Canada, qui reçoit 15 millions de dollars dans ce secteur, consacre plus de la moitié de cette somme à l’analyse de drogues saisies par la police — 5 millions de dollars — et à l’administration des lois qui contrôlent l’usage des drogues — 2 millions de dollars. Quant aux 7 millions de dollars qui restent, plus de la moitié vont à la GRC pour ses programmes de sensibilisation aux drogues. Comparativement à ces sommes, 28 millions de dollars sont consacrés à la prévention et au traitement, incluant les 4 millions de dollars de la GRC en prévention. En somme, 5 p. 100 vont pour la prévention et le traitement, et 95 p. 100 vont pour la répression. À ces dépenses fédérales en matière de répression s’ajoutent celles des gouvernements provinciaux et municipaux. Cela se solde par une facture oscillant entre les 700 millions de dollars et 1 milliard de dollars par année pour les Canadiens, selon le rapport Nolin.
Avec la nouvelle Stratégie nationale antidrogue du gouvernement canadien entrée en vigueur le 4 octobre 2007, nous sommes encore dans les mêmes proportions. Sur les 590 millions de dollars affectés à cette stratégie, 60 millions de dollars vont à la prévention et au traitement, mais une partie est consacrée à la GRC, en prévention, et une autre aux tribunaux de traitement de la toxicomanie. Et pour ceux qui ne voient aucun problème aux derniers éléments, cela peut se traduire au mieux par 90 p. 100 pour la répression et 10 p. 100 pour la répression et le traitement.
Ainsi, le projet de loi s’inscrit dans cette volonté de privilégier la répression comme stratégie de lutte aux drogues, stratégie rentable politiquement, mais parfaitement inutile en termes de promotion de la santé et de diminution des usages problématiques de drogues, comme l’ont montré de multiples études. Dans ce mémoire, j’attirerai l’attention sur trois aspects du projet de loi C-15: les résultats des études évaluatives sur l’effet des sentences minimales en matière de drogues qui en montrent l’inefficacité, le rôle des tribunaux de traitement de la toxicomanie, qui demeure une solution fort limitée, et nos obligations internationales qui ne justifient en rien ces stratégies répressives.
Les sentences minimales en matière de drogues ont commencé à être évaluées dans les années 1970 aux États-Unis. L’expérience de l’État de New York à cet égard mérite que l’on s’y attarde, car elle en illustre bien leurs résultats.
De 1973 à 1976, l’État de New York devint l’État américain doté de la législation la plus sévère en matière de drogues par l’instauration de sentences minimales, une stratégie qui a coûté des millions de dollars. L’objectif annoncé par le politique était de réduire la consommation et le trafic de drogues illicites sur leur territoire, ainsi que les crimes contre la propriété qui leur étaient associés. Cette stratégie fut mise en place contre l’avis de tous les intervenants sociaux et même de la police de New York.
En effet, la police de New York, en 1971, avait constaté que l’arrestation de trafiquants de drogue se résumait presque toujours à des acteurs au bas de l’échelle et que, quels que soient les trafiquants arrêtés, ils étaient remplacés immédiatement sans que cela n’affecte en rien le marché des drogues illicites. Pour économiser les ressources gaspillées inutilement, la police recommandait d’investir davantage dans des programmes sociaux d’éducation et de santé, qui feraient bien davantage pour diminuer les usages problématiques de drogues. Mais politiquement on s’y refuse car les gains de popularité par ce type de stratégie sont trop importants.
Le barreau de New York demande alors une étude évaluant l’effet de ces nouvelles mesures pénales. Cette étude, d’une durée de trois ans, est menée conjointement par le Conseil sur l’abus des drogues et l’Institut national de police et de justice criminelle.
Quelles en furent les conclusions après trois ans d’évaluation du programme?
Premièrement, aucune diminution de la consommation et du trafic de drogue ne fut enregistrée sur le territoire.
Deuxièmement, malgré l’injection de plus de 100 millions de dollars pour la création de nouvelles cours de justice affectées aux délits de drogues, il y avait engorgement des tribunaux. Cet engorgement n’était pas attribuable à une hausse des arrestations et des accusations. Au contraire, celles-ci avaient sensiblement diminué pendant cette période, car la police hésitait, dans plusieurs cas, à effectuer des arrestations, à cause des risques de sentence qu’elle jugeait d’une trop grande sévérité. Cet engorgement était en fait attribuable aux avocats qui, à cause de la sévérité des peines, déconseillaient à leurs clients de plaider coupable pour éviter la comparution devant le tribunal. Ils utilisaient ensuite tous les moyens possibles pour retarder le procès, en espérant un abandon de la poursuite, ou encore un procès devant jury.
Troisièmement, à cause de cet engorgement des tribunaux, des procureurs ont effectivement abandonné plusieurs poursuites. Pour les autres cas, grâce à la négociation de plaidoyers de culpabilité sur les chefs d’accusation entre la poursuite et la défense, les sentences furent d’un an, soit le minimum fixé par la loi. Ainsi, il n’y a pas eu plus de sentences de prison qu’auparavant.
En 1976, l'État de New York est obligé d'adoucir ses lois pour désengorger les tribunaux. Cette répression pénale accrue pendant trois ans fut un geste politique qui a peut-être rapporté quelques voix aux élections, mais qui a coûté très cher en engorgement des tribunaux et n'a strictement rien changé à la consommation problématique des drogues illicites ou encore au trafic.
Cette évaluation, croyait-on, allait donner le fin mot de l'histoire sur la prétendue efficacité d'une augmentation des mesures pénales répressives à l'égard des consommateurs pour diminuer l'usage problématique des drogues illicites, ou encore à l'égard du trafic. Pour faire cette évaluation, tout avait été mis en oeuvre et, pour l'application de ces mesures, des millions de dollars avaient été déboursés. Non seulement cette répression s'est-elle révélée inutile, mais en plus les citoyens ont dû verser des millions de dollars pour cette parade politique, qui n'a en rien diminué la violence qu'ils pouvaient subir dans certains quartiers.
Pourtant, cette répression continue de plus belle aux États-Unis, et actuellement, une personne y est arrêtée toutes les 20 secondes pour un délit de drogues.
Des minima de sentence pour obliger l'emprisonnement de trafiquants, des peines plus longues et une hausse des arrestations par dizaines de milliers font la gloire des médias et des bureaucraties de la répression dans lesquelles sont investis des milliards de dollars; mais ces milliards de dollars seraient plus adéquatement investis dans la diminution de la pauvreté, la prévention et le traitement. Plusieurs analystes des politiques répressives américaines ont d'ailleurs donné à la guerre à la drogue le qualificatif de guerre « antipauvres ». Comme les études ne cessent de le montrer, les États-Unis, malgré les mesures les plus répressives en matière de drogues, demeurent le pays occidental avec les plus hauts taux de consommation et un marché illicite florissant, les classes défavorisées faisant les frais de ces mesures répressives.
Il est important de le rappeler, on intercepte très peu de la drogue qui circule sur le marché illicite: entre 5 et 10 p. 100, selon les diverses estimations policières. Cela n'est pas dû à l'inactivité de la police ni à son manque de ressources, mais à l'impossibilité de contrôler un trafic d'une aussi grande envergure où tous les moyens sont bons pour maintenir ce marché à flot en raison des immenses enjeux financiers qui sont en cause. Comme le signalait le général Viviani: « Même si la police et les forces militaires se consacraient uniquement à combattre le trafic de drogue, de la production à la revente au détail, elles ne réussiraient qu'à faire monter les prix de la drogue » ou encore à déplacer les lieux de vente, les modes de production et les produits vendus. En fait, la prohibition des drogues et leur répression assurent la prospérité du marché du noir.
Les études évaluatives des sentences minimales en matière de drogues effectuées par la suite n'ont fait que confirmer ces résultats. De plus, d'autres études ont montré clairement qu'il n'y avait aucun lien, quel que soit le pays, entre les taux de consommation de drogues illicites et la sévérité des sentences. En d'autres termes, les taux de consommation des différentes drogues illicites montent et descendent, indépendamment de l'augmentation ou de la diminution de la sévérité des sentences. Et quand il y a des acheteurs, il y a des vendeurs.
C'est la même chose en prison. On enferme des consommateurs et des vendeurs, et on a un marché. Mais ici, considérant les conditions de consommation de drogues illicites, les coûts en matière de santé publique, tant pour les détenus que pour la population en général quand ils en ressortent, sont très élevés. Je ne m'étendrai pas davantage sur les coûts en matière de santé publique puisque je pense que le Réseau juridique canadien VIH/sida fait un témoignage à cet effet ici.
Dans le rapport Cain de 1994, J. V. Cain, qui était à l'époque le coroner-chef de la Colombie-Britannique chargé d'enquêter sur la montée des surdoses mortelles d'héroïne dans cette province, reconnaît que pour une majorité de gens, les problèmes liés aux drogues illicites doivent avant tout relever de la police et des tribunaux. Cette perception des gens repose sur deux croyances, explique Cain: premièrement, que la prison est un bon moyen d'éliminer ces problèmes; et deuxièmement, que la peur des peines est un bon moyen de dissuasion. Il explique dans son rapport que ces croyances sont erronées. D'une part, les drogues sont aisément accessibles en prison, et certains détenus ont même commencé leur usage de drogues dures à l'intérieur des murs. D'autre part, l'environnement carcéral conduit davantage à l'exclusion qu'au développement d'une activité sociale et personnelle plus équilibrée où l'individu bénéficiera d'une meilleure qualité de vie. En somme, la prison ne constitue ni un lieu d'élimination des problèmes de drogues ni un moyen de dissuasion efficace. Non seulement cela, mais nos prisons facilitent les contacts personnels avec des membres de réseaux de trafiquants quand ceux-ci retournent dans la rue. En effet, elles constituent un apprentissage du milieu qui se poursuit dans le « old boys network ».
Ces conclusions de Cain furent également celles des divers comités au Canada et aux États-Unis. Elles ont également soulevé le fait que l'on avait trop souvent tendance à oublier les coûts associés aux familles des gens emprisonnés et le fait que les clientèles principalement visées par ces mesures étaient parmi les plus démunies. Considérant le renversement du fardeau de la preuve prévu à l'article 10, on sait qui aura les moyens de se payer les avocats nécessaires pour l'effectuer.
Le deuxième point est très court. Il s'agit des tribunaux de traitement de la toxicomanie. La dernière mode, venue encore une fois des États-Unis, est de créer des tribunaux spécialisés dans le domaine des drogues qui remplacent l'incarcération par un traitement obligatoire pour certains usagers. Au Canada, le premier tribunal du genre fut créé à Toronto en 1998.
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Merci beaucoup. Je vous remercie de nous avoir invités à la réunion d'aujourd'hui.
Le sergent d'état-major Pierre Gauthier et le sous-officier responsable de la section des drogues du Service de police d'Ottawa m'accompagnent.
Dans notre service de police, nous trouvons que cette loi est importante dans certains domaines, tout particulièrement en ce qui a trait aux organisations criminelles qui font de la distribution de drogues. Elle est également importante dans tous les cas liés aux écoles ou lorsque cela permet aux services de police de défendre les personnes les plus vulnérables, c'est-à-dire les jeunes dans les cours d'école. Il s'agit là d'une occasion de lutter contre les organisations criminelles ou les trafiquants de drogues qui leur distribuent de la drogue.
Enfin, cette loi est importante lorsque des armes sont en cause, tout particulièrement en ce qui a trait aux activités des gangs au pays à l'heure actuelle — et surtout en ville, où des organisations criminelles et des gangs de rue, comme on l'a entendu la semaine dernière, font de la distribution de drogues et prennent part à des activités de gangs et à des activités comportant l'utilisation d'armes à feu —, car cela aiderait la collectivité à prendre conscience de la gravité de la situation et permettrait par le fait même à la police de lutter contre le crime organisé au pays. Il serait bien insouciant de notre part de ne pas en faire autant.
Nous estimons que les peines minimales associées aux accusations ou aux infractions prévues par la loi nous seraient d'une grande aide et qu'elles permettraient par le fait même d'assurer la sécurité de la collectivité; les infractions commises, par exemple près d'une école ou par une organisation criminelle qui utilise des jeunes à des fins criminelles, seraient donc plus sévèrement punies.
Nous sommes très heureux de voir que l'on envisage le traitement de la toxicomanie ou les tribunaux de traitement de la toxicomanie comme des solutions de rechange à l'incarcération immédiate. Mais la capacité de notre ville, de notre province et de notre pays est limitée. À l'heure actuelle, à Ottawa, un toxicomane doit attendre en moyenne sept mois à partir de la date de notification avant d'être traité. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit accepter une large part de responsabilité quant au traitement de la toxicomanie et accroître le financement à cet égard. Mais nous sommes conscients que la situation ne peut être réglée du jour au lendemain.
Dans notre ville, nous avons concentré nos efforts sur le trafic de drogues à grande échelle des organisations criminelles — et ces efforts ont été fructueux dans une certaine mesure — et sur le trafic à petite échelle, qui a une incidence sur la criminalité dans les rues. Notre service comporte une unité des crimes de rue qui a mené avec grand succès des opérations dans certains secteurs de la ville, où la criminalité de rue avait connu une hausse considérable en raison de l'achat et de la consommation de crack, par exemple, et tout particulièrement au marché, à quelques coins de rue d'ici.
Bref, nous tenons à souligner qu'il faut se concentrer sur la distribution, à laquelle sont mêlées les organisations criminelles, mais aussi sur les options, à savoir le traitement de la toxicomanie et les tribunaux de traitement de la toxicomanie. Nous croyons que cette loi serait du moins un début, un premier pas dans certains de ces domaines.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité.
Je m'appelle Eric Sterling. En 1986, j'étais dans la même situation que vous: je participais à l'étude d'une loi visant à imposer des peines minimales obligatoires, qui était menée par la Chambre des représentants du Congrès américain.
Je vous félicite pour ce que vous faites, c'est-à-dire examiner la question très attentivement, parce qu'en 1986, nous avons agi à la hâte. L'un de nos joueurs étoiles de basket-ball au niveau collégial est décédé en juin. Quelques semaines plus tard, Tip O'Neill, représentant du district de Boston et président de la Chambre des représentants, a convoqué les démocrates en vue de préparer la réponse du gouvernement à la suite de cette mort tragique et il a demandé qu'une loi soit déposée d'ici un mois.
Nous nous occupions, entre autres dossiers, du blanchiment d'argent, et pendant les trois jours précédant la relâche du mois d'août, nous avons mis sur pied l'idée des peines minimales obligatoires. C'est moi qui ai mis cette idée par écrit, et c'est probablement la plus grande erreur que j'aie commise au cours de ma carrière en droit, longue de plus de 30 ans.
Je salue donc votre travail et la loi que vous étudiez. La durée des peines minimales obligatoires que vous proposez — un, deux ou trois ans — n'a rien à voir avec celle des peines prévues par la législation aux États-Unis. Nos peines minimales obligatoires sont de 5, 10, 15 et 20 ans, selon les circonstances.
Je constate que vos peines minimales obligatoires s'appliquent aux infractions qui, si je comprends bien, peuvent être passibles d'emprisonnement à vie, ce qui fait que le message que vous envoyez est, d'une certaine façon, confus et contradictoire. Si dans certaines situations, un juge peut imposer une peine d'emprisonnement à vie, l'existence d'une peine minimale obligatoire de seulement un ou deux ans peut alors, en un sens, sembler contradictoire aux yeux du juge et porter à confusion.
Regardons ce qui s'est passé aux États-Unis. Je ferai seulement quelques observations. Les mesures que nous avons prises ont été inefficaces. Une des personnes a témoigné plus tôt aujourd'hui au sujet de l'inefficacité des peines minimales obligatoires à New York. Les peines minimales obligatoires imposées aux États-Unis n'ont nullement limité la possibilité pour nos jeunes de se procurer des drogues. Les études montrent que la perception des gens quant à la facilité pour nos jeunes de se procurer des drogues a très peu changé, voire pas du tout.
Depuis 1986, les prix demandés par les trafiquants de drogues ont chuté considérablement. Prenons par exemple le prix au consommateur de l'héroïne. En 1986, un gramme d'héroïne coûtait 1 352 $ américains. D'après les plus récentes données de la DEA, qui datent de 2003, le prix est passé de 1 352 $ à 362 $, ce qui représente une baisse de près de 75 p. 100. Parallèlement, la pureté de l'héroïne vendue au consommateur a connu une hausse; elle est passée de 24 p. 100 à 32 p. 100 en moyenne en 2003. Et ces tendances se sont accentuées, si on se fie aux récentes déclarations de la DEA.
Le même phénomène s'applique aussi à la cocaïne. En 1986, un gramme de cocaïne pur coûtait un peu moins de 300 $. En 2003, le prix dépassait légèrement 100 $, et la pureté était passée de 56 p. 100 à 70 p. 100 en moyenne, selon les données de la DEA, compilées par le White House Drug Czar Office.
Voilà qui ne témoigne en rien d'une réussite.
Nos prisons fédérales comptaient 36 000 prisonniers en 1986 et 203 000 à la fin du mois de mars — une hausse vertigineuse —, dont plus de 100 000 seulement pour des infractions liées à la drogue. Il s'agit donc d'une énorme augmentation de la capacité de nos prisons.
Bien entendu, un grand nombre de nos tentatives ont un caractère symbolique. Je suppose que vous, mesdames et messieurs membres du comité, êtes conscients du message que vous pourriez envoyer aux jeunes, à savoir que nous prenons le problème très au sérieux, et le message que vous souhaitez faire passer aux trafiquants de drogues et aux futurs criminels. Laissez-moi vous dire une chose: les trafiquants de drogues ordinaires n'écoutent pas ce que vous dites. Ils ne lisent pas le compte rendu de vos délibérations. En fait, ils ignorent probablement la loi. C'est à peine s'ils prêtent attention aux journaux ou écoutent les nouvelles à la télé au sujet de vos délibérations. Ils ne reçoivent pas le message et ne s'en soucient guère.
Ils n'ont pas l'habitude de planifier à long terme. Ils ne sont pas comme les hommes et les femmes qui songent à une carrière en politique, qui prévoient 5, 10, 15 ou 20 ans à l'avance leur carrière au conseil municipal, à l'assemblée législative provinciale ou au Parlement à Ottawa. Ils pensent à court terme. Ils sont très impulsifs et ne font pas les calculs que vous feriez et qu'il serait raisonnable de faire. Bref, votre message s'adresse à un public qui ne vous écoute pas et qui ne sait même pas comment faire pour comprendre le message que vous croyez leur transmettre.
Je vous encourage à examiner très attentivement le coût de ces mesures et de réfléchir très sérieusement à leur efficacité.
Je n'utiliserai pas le temps qu'il me reste et j'attends vos questions à la fin de tous les exposés. Merci beaucoup.
C'est un honneur pour moi de comparaître devant ce comité dans le cadre de ces importantes délibérations. J'essaierai d'apporter de nouvelles informations dont, je l'espère, vous n'avez pas encore parlé.
Pour moi, la question de la toxicomanie est très très importante. Les 40 dernières années de ma carrière de psychologue ont été consacrées à la recherche et au traitement dans le domaine de la toxicomanie. En fait, je perçois ce problème comme un fléau. Ce mot a été utilisé dans l'introduction du projet de loi, ce qui me parait logique. Selon moi, la toxicomanie est une question très sérieuse et j'espère que le gouvernement fédéral servira de guide et de leader pour venir à bout de ce problème important.
Toutefois, je crois que le projet de loi est une grave erreur, et j'aimerais vous dire pourquoi. Il y a trois points que je souhaite soulever. Le premier concerne les peines minimales obligatoires. Le deuxième porte sur le fait de pousser ou de contraindre les gens à suivre un traitement par crainte des peines minimales obligatoires. Le troisième porte sur la théorie sous-jacente au projet de loi.
Tout d'abord, je parlerai des peines minimales obligatoires. On a entendu beaucoup de choses sur l'expérience américaine qui est, à mon avis, très importante. Cependant, je crois que l'expérience la plus importante est l'expérience canadienne. Notre pays a une grande expérience en matière de peines minimales obligatoires. Je ne sais pas si tout le monde le sait parce qu'on n'en a pas parlé beaucoup. De nombreux Canadiens ont oublié que les peines minimales obligatoires pour les infractions liées à la drogue ont été intégrées à la loi canadienne sur les drogues au cours du siècle dernier, à l'époque où le Canada a atteint son sommet historique en matière de répression des crimes liés à la drogue.
Les modifications successives à la Loi sur l'opium et les drogues narcotiques du Canada, adoptée en 1920, ont autorisé l'utilisation d'un outil très punitif instauré en 1950. Ces modifications autorisaient des peines longues — certaines obligatoires —, la correction des condamnés, à la discrétion des juges, ainsi que la déportation des condamnés qui n'étaient pas des citoyens canadiens. Les policiers pourraient légalement faire irruption sans mandat dans les résidences de personnes suspectées de consommation de drogues et détruire l'intérieur de celles-ci aux fins de perquisition. Les policiers pourraient légalement blesser les suspects en les étranglant et en les battant suffisamment fort afin qu'ils rendent toute drogue qu'ils auraient pu ingérer dans le but d'éviter de se faire prendre. En fait, plusieurs personnes sont décédées de cette façon à la suite de fouilles.
Le point que je cherche à soulever est que le Canada a une vaste expérience d'application robuste des lois en matière de drogue. Cette expérience a culminé dans les années 1950, lorsque l'échec complet de ce régime extrêmement punitif de l'application de la loi canadienne en matière de drogue est devenu évident. Dans les années 1950, on pouvait lire à Vancouver et dans l'ensemble du Canada des manchettes alarmantes qui visaient à prévenir la population d'une vague croissante de crimes attribués aux toxicomanes, de l'augmentation du nombre de jeunes héroïnomanes et des terribles souffrances des toxicomanes. L'histoire se répète. Dans les années 1950, on disait que 2 000 toxicomanes, un nombre important, habitaient dans le quartier malfamé de Vancouver, qui est actuellement à l'est de la ville. En fait, un habitant sur 250 était toxicomane. Le magasine Maclean's avait alors dit qu'à un tel taux de croissance, un habitant de Vancouver sur 16 serait bientôt toxicomane.
Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas de raison de croire que les minimums obligatoires ou tout autre type de politique musclée permettraient d'obtenir de meilleurs résultats aujourd'hui, si on se fie à l'expérience canadienne. Il n'est pas nécessaire de se fier à l'expérience américaine.
Mon deuxième point concerne le fait de forcer les toxicomanes reconnus coupables à suivre un traitement. Je suis psychologue et j'ai donné des traitements. La plupart de mes amis donnent des traitements. Je crois que nous serions tous d'accord pour dire que c'est une très mauvaise idée. Je parlerai de ce point en me référant à l'histoire canadienne.
Dans les années 1970, le traitement pour la toxicomanie — qui ne représentait qu'une infime partie des mesures prises par le Canada pour contrer le problème de la toxicomanie avant la Deuxième Guerre mondiale — est devenu une entreprise très importante. Nous parlons des années 1970.
Les professions de psychologue et de psychiatre ont prospéré dans les décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, et pratiquement tous les nouveaux traitements ont été essayés sur les toxicomanes et les alcooliques. Il y a eu tant d'argent investi dans les traitements que le gouvernement fédéral a fait construire en 1966 une prison — l'Établissement de Matsqui, situé près de Vancouver — qui servait de centre pour traiter les prisonniers toxicomanes. Les plus récentes thérapies de groupe et méthodes thérapeutiques communautaires étaient au coeur des traitements offerts à Matsqui. Les prisonniers ont également eu amplement accès aux services des ergothérapeutes, des travailleurs sociaux et des agents d'éducation. Le public a fondé ses espoirs dans le traitement, et le financement gouvernemental était généreux.
Les résultats de l'expérience de traitement des toxicomanes reconnus coupables à l'Établissement de Matsqui ont été examinés méticuleusement. Ils étaient horribles: on a observé que plus de 90 p. 100 des toxicomanes traités qui étaient toujours vivants cinq ans après leur libération ont récidivé. Encore pire, le traitement le plus intense a entraîné un taux de récidive plus élevé que le traitement moins intense, bien que ce résultat ait été peu significatif d'un point de vue statistique. Matsqui et son programme bien financé, lancé dans l'optimisme, ont rapidement prouvé que les psychologues ne pourraient traiter la toxicomanie des consommateurs de drogues reconnus coupables, pas plus que les policiers ne pourraient les forcer à devenir sobres.
J'ai élaboré sur ce point, mais je ne crois pas que j'aurai le temps de tout présenter. J'ai moi-même pris part aux activités de traitement dans les années 1970 et 1980. Je peux vous dire que ce n'est pas une panacée. Bien sûr, on observe parfois des réussites. On observe malheureusement bien souvent des échecs, bien plus souvent.
Les résultats des nouveaux types de traitement obligatoire, y compris les tribunaux consacrés en matière de drogue et les camps de type militaire, ne sont pas plus prometteurs que ceux des traitements précédents. On observe à l'occasion certaines réussites documentées pour des cas particuliers, mais il y a également des cas dans lesquels le traitement contre la drogue a fait plus de tort que de bien.
La troisième raison pour laquelle je m'oppose au est la théorie sous-jacente. Bien sûr, le projet de loi n'énonce pas de théorie, mais il est clairement fondé sur la manière de se pencher sur la toxicomanie qui provient du mouvement pour la sobriété américain du XIXe siècle. Cette façon de voir les choses met l'accent sur la toxicomanie par opposition à tous les autres types de dépendance, et elle conçoit la toxicomanie comme le résultat de l'exposition à la drogue. Si cette théorie était vraie, il serait alors logique d'adopter des mesures extrêmement punitives contre les producteurs, les importateurs et les trafiquants de drogues. Il faudrait également traiter les toxicomanes pour la maladie présumée de toxicomanie, qu'ils ont développée.
Je ne sais pas si vous en avez déjà parlé, mais vous devez savoir que cette façon de percevoir la toxicomanie est grandement contestée et archaïque. Il existe différents types de nouvelles recherches importantes effectuées par des chercheurs du monde entier, dont plusieurs au Canada, qui ont sérieusement remis en question cette théorie. Ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas activement promue par le National Institute on Drug Abuse aux États-Unis et par tous nos médias, mais il s'agit en fait d'un point de vue archaïque. Il y a de nouvelles manières d'examiner la toxicomanie, mais, selon moi, le gouvernement ne les a pas prises en considération.
J'aimerais conclure par une recommandation. Je demande avec insistance à la Chambre des communes de rejeter le et de recommander au gouvernement d'aller chercher des conseils auprès des historiens et des professionnels de la toxicomanie canadiens qui ne travaillent pas avec le paradigme conventionnel avant de formuler toute nouvelle loi relative à la toxicomanie. Une foi aveugle dans les mesures punitives et le traitement obligatoire ne permettra jamais de résoudre le problème de la toxicomanie.
Je conclus en vous disant que, bien que je m'adresse au gouvernement du Canada avec respect, le gouvernement de mon pays, je crois que vos considérables talents intellectuels devaient dans ce cas-ci être consacrés à autre chose lorsque cette loi a été élaborée.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui. Le débat sur l'augmentation des minimums obligatoires est très intéressant. Nous avons en quelque sorte travaillé sur cette question au cours des trois dernières années et demie.
Monsieur Sterling, vos commentaires m'intéressent beaucoup, et j'espère avoir l'occasion de revenir à vous au cours des prochaines rondes, mais un chef de police est présent dans la salle et j'aimerais soulever un point qui pourrait l'opposer à M. Alexander.
Le chef a été très clair dans ses déclarations écrites — et bien sûr, la presse présente toujours les choses correctement —, donc je vous rappelle vos commentaires. Vous dites qu'en vertu du projet de loi , le choix de recourir au tribunal consacré en matière de drogue peut s'avérer être un bon outil de prévention du crime. C'est ce genre de choses que nous n'avons pas vues au cours des trois dernières années et demie, c'est-à-dire une manière d'utiliser le minimum obligatoire comme un levier ou un incitatif visant à l'éviter, à s'améliorer.
Toutefois, monsieur Alexander, vous avez dit qu'un des points de ce projet de loi que vous n'aimez pas est l'aspect contrainte, l'idée de contraindre les gens à passer au tribunal consacré en matière de drogue, de les pousser à suivre un traitement. Vous n'avez sans doute pas eu suffisamment de temps, mais je crois que vous avez dit que quiconque connaît les traitements ou la thérapie sait qu'ils ne fonctionnent pas.
Je suis quelque peu mitigé parce qu'on a entendu beaucoup de preuves et que tout le monde a lu que la toxicomanie est un problème de santé. Il existe des facteurs sous-jacents et les gens doivent souhaiter suivre un traitement pour que le traitement réussisse. Nous provenons tous de différents horizons et nous savons également qu'il y a des moments déterminants qui incitent les gens à demander un traitement, comme le départ du conjoint, le manque d'argent ou le fait de se retrouver à la rue. Ce sont ces choses qui poussent ces personnes à aller chercher un traitement qui, bien souvent, fonctionne.
Tout d'abord, j'aimerais donner au chef l'occasion de réitérer le commentaire qui lui est attribué et d'expliquer pourquoi les tribunaux consacrés en matière de drogue constituent un outil positif qui peut être utilisé par quelqu'un qui essaie d'éviter la peine minimale obligatoire. Je donnerai peut-être ensuite l'occasion à M. Alexander d'étoffer ses commentaires concernant la contrainte au traitement.
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Il y a ici plusieurs questions importantes. Je répète que la question la plus importante, c'est que le Canada a l'habitude de traiter les toxicomanies des personnes condamnées pour une infraction liée aux drogues, à Matsqui, et je presse tout ceux qui n'ont pas étudié ce dossier de le faire avec soin. Il est vraiment très révélateur. Il fait l'objet d'une étude approfondie, le traitement a été très bien appliqué, mais il n'a donné aucun résultat.
Maintenant, compte tenu de cela, il est évidemment vrai — et je suis d'accord avec les commentaires formulés — que le traitement coercitif fonctionne parfois. Il est vrai que tout le monde a besoin d'un peu d'encouragement à l'occasion, pas seulement les gens qui prennent de la drogue. Tout ça est vrai.
Il est vrai que des personnes qui ont été contraintes à suivre un traitement l'ont réussi, mais elles ne sont pas très nombreuses. Il ne peut jamais nous faire contourner le problème de la drogue et celui de la toxicomanie, ou nous en sortir, problèmes qui ont tendance à nous envahir, et vous devez savoir que le fait de pousser les gens à suivre un traitement, ou de les persuader gentiment, dure depuis très longtemps. C'est le cas à Vancouver depuis les décennies où je suis en poste; les juges diront simplement aux gens: « Je ne veux pas vous revoir en cour avant que vous n'ayez suivi un traitement, et vous irez en prison la prochaine fois que vous venez ici. » C'est toujours ce qui s'est produit. Il n'y a rien de nouveau quant au fait d'encourager un peu les gens à suivre un traitement.
Ce qu'il faut savoir, c'est que la loi institutionnalise cela de manière peu glorieuse, c'est-à-dire qu'elle prévoit des peines minimales obligatoires, des peines minimales très arbitraires, et elle dit: « D'accord, voulez-vous aller en prison ou purger la peine minimale obligatoire? » Ce n'est pas de la persuasion en douceur ni de l'encouragement. Nous parlons d'une poussée institutionnalisée pour amener les gens à suivre un traitement, ce qui est très différent.
En tant que psychologue, j'aimerais dire que le traitement est vraiment un art délicat; c'est un processus en douceur. Et il n'y a rien dans cette loi qui favorise la persuasion en douceur.
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Tout d'abord, je remercie les témoins de leur participation en personne ou par vidéoconférence.
La plupart des gens comprennent et savent instinctivement que le traitement obligatoire ou forcé contre la toxicomanie ou la consommation de drogues et d'alcool, qu'il soit légal ou non, n'est pas quelque chose pouvant faire l'objet d'une mesure législative. Tous ceux qui ont essayé de traiter un problème d'alcool ou d'arrêter de fumer savent qu'il n'est pas facile de le faire au moyen d'une mesure législative, alors je considère que le traitement judiciaire des toxicomanies dont parle ce projet de loi est en réalité une concession visant à amener les gens à croire qu'en quelque part, nous sommes plus humains. Beaucoup de preuves montrent que le traitement judiciaire des toxicomanies ne fonctionne pas, mais je ne m'étendrai pas sur le sujet, car je crois qu'il pourrait faire l'objet d'un autre débat.
J'aimerais revenir à ce que M. Sterling a avancé. Je crois que vous avez dit que nous devions répondre à deux questions: combien coûteront-ils et seront-ils efficaces. J'ai essayé d'obtenir des réponses à ces questions. Nous devrions au moins avoir une idée de ce à quoi nous pouvons nous attendre au Canada.
Avez-vous en tête de l'information, ou pouvez-vous attirer notre attention sur de l'information qui nous permettrait de savoir s'il y a une façon d'évaluer le coût des peines minimales obligatoires aux États-Unis en ce qui concerne les coûts supportés par le système judiciaire et ceux supportés par les communautés locales? Je ne sais pas si vous pouvez en parler d'une façon ou d'une autre.
Le fait de tenir compte de l'efficacité des peines minimales obligatoires soulève la question du critère que nous devons appliquer pour définir l'efficacité d'une politique sur les drogues. S'agit-il d'incarcérer davantage de personnes? Certaines personnes diraient en fait qu'incarcérer davantage de personnes est synonyme de réussite, mais si la consommation de drogue continue de s'accroître dans la société, comme le démontrent les statistiques au Canada, on pourrait avancer comme argument que la criminalisation ne s'est pas avérée une politique efficace.
Sur le plan de l'efficacité, en deuxième lieu j'aimerais entendre les commentaires de MM. Sterling et Alexander sur ce qu'ils considèrent une mesure efficace. Quels critères devrions-nous appliquer dans le contexte de l'examen de cette question des peines minimales obligatoires?
En ce qui concerne l'efficacité, notre premier objectif devrait être de sauver des vies. La politique sur les drogues et les lois qui la mettent en exécution devraient porter sur le fait de sauver des vies. Aux États-Unis, le taux de mortalité chez les consommateurs de drogues illégales a plus que triplé depuis 1980. Tous nos efforts n'ont pas permis de sauver des vies.
Le deuxième objectif devrait concerner la prévention des blessures, le fait d'éviter que les gens doivent se rendre à l'hôpital. Les admissions à l'urgence des hôpitaux ont augmenté de 50 p. 100 depuis le milieu des années 1990.
Le troisième objectif devrait être d'empêcher que la drogue se retrouve dans les mains des enfants. Chaque année, nous effectuons une enquête appelée « Monitoring the Future ». Nous demandons à des finissants de l'école secondaire, à des élèves de 11e année et à des élèves de 8e année de nous dire avec quelle facilité ils pourraient d'après eux se procurer diverses drogues illégales. Nous posons ces questions depuis les années 1970 et malheureusement, il y a très peu de changements. Les changements sont marginaux. Dans certains cas, il n'y a absolument aucun changement. Les drogues demeurent très faciles à trouver pour les jeunes, à leur avis, année après année.
La quatrième mesure d'efficacité se situe dans le marché. L'objectif de l'application est d'augmenter le prix et de diminuer la pureté. Aux États-Unis, le prix n'a cessé de diminuer et la pureté a augmenté. Alors les tests rigoureux que nous avons effectués dans le marché indiquent que nous n'avons pas réussi, que ces politiques n'ont pas réussi à diminuer la capacité des trafiquants de drogue d'apporter leur produit sur le marché.
En ce qui concerne la première question et les coûts, j'ai effectué un peu de recherche concernant les coûts pour le Federal Bureau of Prisons. Lorsque la loi a été élaborée en 1986, notre Congressional Budget Office a prévu que les coûts augmenteraient de 1,2 million de dollars au cours de la première année, et qu'ils seraient de 27 millions de dollars d'ici cinq ans. Les dépenses réelles du Bureau of Prisons ont explosé et elles ne tiennent pas compte de l'inflation. En 1986, lorsque nous avons adopté les peines minimales obligatoires, les dépenses du Federal Bureau of Prisons s'élevaient à 862 millions de dollars. Elles se chiffraient à 994 millions l'année suivante. Deux ans plus tard, elles étaient de 1,2 milliard de dollars; 1989, 1,4 milliard; 1990, 1,7 milliard; 1991, 2,1 milliards. La demande du président pour l'année financière 2010 dépasse les 6 milliards de dollars, et une grande partie de ce montant découle des peines minimales obligatoires et de leur durée aux États-Unis.
Je ne peux pas vous donner un estimé des coûts pour les États-Unis, mais lorsqu'on retire des gens de leur communauté et qu'on les emprisonne, ils sont incapables de soutenir leur famille. Un Américain sur neuf a été condamné pour un acte délictueux grave, ce qui signifie que sa capacité d'acheter des voitures fabriquées en Amérique du Nord est réduite, que sa capacité d'acheter des maisons de bois récolté en Amérique du Nord est réduite et que sa capacité d'acheter des meubles en bois récolté en Amérique du Nord est réduite. Ces Américains constituent un fardeau pour notre économie et pour l'économie mondiale, parce qu'ils ne peuvent travailler, obtenir un emploi, soutenir leur famille et participer à l'économie.
C'est un coût qu'aucune autre société au monde ne tolère, en pénalisant autant de gens.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins, qu'ils soient présents ici ou qu'ils participent par vidéoconférence, pour leurs commentaires.
Je vais commencer mon interrogation du chef White. J'ai lu votre rapport d'activités 2008. Je vais simplement lire quelques extraits du rapport, puis je vous demanderai de donner des détails à ce sujet.
Sous le titre « Un lendemain plus sécuritaire », vous écrivez: « L'intervention policière n'est pas limitée à l'application de la loi, elle comprend aussi la prévention de la criminalité et l'aide aux victimes d'actes criminels. Le Service de police d'Ottawa s'efforce de protéger les gens vulnérables dans la collectivité. » Vous abordez ensuite divers aspects comme l'information, la déjudiciarisation et la justice réparatrice, surtout pour les jeunes. Vous abordez aussi la question de la collaboration avec la province en ce qui concerne l'aménagement d'un établissement résidentiel de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Vous écrivez aussi: « Il aidera aussi à réduire la criminalité, car des études révèlent que les toxicomanes commettent jusqu'à huit crimes par jour pour assouvir leur toxicomanie. »
Un peu plus loin dans le rapport, sous le titre « Considérer les enjeux de la qualité de vie dans les rues d'Ottawa », vous écrivez qu'« [a]près avoir constaté lui-même le problème de la drogue dans la rue », vous avez compris que « la toxicomanie était l'un des principaux éléments qui contribuaient à de nombreux enjeux liés à la criminalité au centre-ville ». Vous poursuivez en indiquant que « [l]a situation exigeait un plan d'intervention policière plus efficace, uniforme et ciblé », puis vous exposez votre réponse à ce problème.
Un peu plus bas dans la même page, sous le titre « Réaction à la violence des jeunes — Stratégie antigang », vous écrivez ceci: « Davantage de gangs de jeunes voient le jour depuis quelques années en banlieue. Les gangs recrutent des enfants de 10 ans à peine et plus de filles sont impliquées dans ce qui était habituellement le domaine des gars. » Vous élaborez ensuite sur ce sujet.
Si je vous laissais entendre que le fait de cibler des domaines particuliers de l'application de la loi, de la prévention, etc., est la bonne chose à faire, alors je vous laisserais entendre que le projet de loi dont nous discutons, à savoir le , ne constitue pas simplement une stratégie antidrogue d'ordre général, mais qu'il cible plutôt des domaines précis, comme les gens qui vendent de la drogue avec une arme ou en utilisant la violence, les gens qui vendent de la drogue, de l'héroïne ou des méthamphétamines, et qui en vendent plus précisément aux jeunes, ou près des écoles, ainsi que dans des endroits fréquentés par les jeunes. On y parle de la marijuana, mais plus précisément des cultures de marijuana à grande échelle qui comptent au moins 500 plants — et c'est le minimum. Ensuite, bien entendu, il y a la production de cannabis, et bien sûr le dernier point et le plus préoccupant, surtout pour les jeunes femmes: des pénalités plus fortes pour le trafic de GHB et les drogues communes du viol.
Je me demande si je pouvais vous demander de lier tous ces aspects ensemble et de me dire de quelle façon le peut s'insérer dans votre stratégie.
Si vous le permettez, j'aborderai d'abord la question de la façon dont nous le considérons comme un outil de prévention du crime, puis je passerai la parole au sergent d'état-major Gauthier, si cela vous va.
Lorsque je suis venu ici pour la première fois, j'ai parlé d'un centre de traitement de la toxicomanie comme étant le meilleur outil de prévention du crime que nous puissions élaborer. Aujourd'hui, dans la ville d'Ottawa, plus de 400 jeunes âgés entre 13 et 17 ans sont inscrits sur une liste d'attente en vue de recevoir des traitements, et il n'y a qu'un centre de traitement de la toxicomanie dirigé par la province pour les jeunes âgés de 13 à 17 ans. Nous avons donc essayé de réunir tout le monde des deux côtés de la rue, pour être justes, avec les libéraux au centre, dans un seul endroit afin que nous puissions avoir cette discussion sur les raisons de la création d'un centre de traitement de la toxicomanie, d'un point de vue policier en ce qui concerne la prévention du crime et d'un point de vue de la santé en ce qui concerne la prise en main des jeunes aux prises avec des dépendances, et nous nous demandions si cela allait fonctionner pour nous tous.
Je crois que nous avons réussi, car la province a annoncé la création de deux centres de traitement de la toxicomanie, un pour les francophones dans l'est de la ville, et un autre pour les anglophones dans l'ouest de la ville. J'espère que les deux centres seront opérationnels d'ici la fin de l'année.
De notre point de vue, il y a eu une augmentation des crimes dans la rue dans un seul secteur de la ville, exactement le même secteur où nous avons constaté une augmentation de la consommation de cocaïne sous forme de crack depuis 2005, plus précisément dans ce secteur de la ville, à six pâtés de maisons de là. Toujours de notre point de vue, nous estimions que si nous nous attaquions au trafic de drogue dans ces secteurs, et plus précisément au trafic au niveau de la rue, bien franchement, nous pourrions aussi commencer à en faire un environnement plus sécuritaire pour les gens qui habitent ces secteurs, et nous pourrions offrir ainsi une opportunité à certaines personnes qui ont besoin d'un traitement.
Des gens demanderont pourquoi nous avons mis l'accent sur les jeunes âgés de 13 à 17 ans. Comme 70 p. 100 des jeunes âgés de 13 à 17 ans ne consommeront pas de drogue pendant les cinq années suivant un traitement dans un établissement résidentiel, nous estimions qu'il s'agissait d'une occasion de s'attaquer au problème à sa source au lieu de mettre l'accent précisément sur la situation actuelle dans la rue, où nous comptons des centaines, voire des milliers de toxicomanes qui vivent dans les rues, que ce soit de façon permanente ou temporaire, dans la ville. Nous utilisions une démarche ciblée, et nous avons essayé d'améliorer la situation de ce point de vue.
Je vais maintenant laisser la parole au sergent d'état-major Gauthier, qui parlera du problème de la drogue dans la ville, si vous le permettez.
Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de me joindre à vous pour cette séance du comité. Je n'en suis pas un membre régulier, mais je m'intéresse à la question des drogues et à leur impact sur nos collectivités.
Au cours de la dernière législature, j'ai eu l'occasion de présenter un projet de loi privé qui portait exclusivement sur la production de la méthamphétamine en cristaux. En Alberta, nous avons pu observer directement les dégâts que les drogues peuvent causer dans la collectivité. La méthamphétamine en cristaux présente un intérêt particulier en ce sens qu'il n'est pas nécessaire de l'importer. Il n'est pas nécessaire qu'elle filtre à travers différents paliers du crime organisé. Elle peut être fabriquée et distribuée dans une même collectivité.
Au cours de ma recherche sur la question de la méthamphétamine en cristaux, j'ai découvert un certain nombre de réalités extrêmement préoccupantes. D'abord, nous sommes passés du statut d'importateur de méthamphétamine en cristaux à celui d'exportateur en raison de la mollesse de notre législation. Du point de vue du crime organisé, notre pays offre des avantages pour la production de la drogue qu'on ne retrouve pas dans d'autres pays. C'est un aspect auquel je me suis intéressé et je tiens à ce qu'on fasse quelque chose à ce sujet. En notre qualité de parlementaires, nous avons la responsabilité, je crois, de nous pencher sur ce genre de question. Devenir un pays où on fabrique certaines de ces substances a de quoi nous inquiéter tous. Ce projet de loi constitue à mon avis une réponse non négligeable à nos préoccupations.
Ce qui m'a donné l'idée d'entreprendre cette enquête sur les drogues, c'est l'impact qu'elles ont sur certains des éléments les plus vulnérables de la société. M. Storseth a souligné que l'intention de notre gouvernement n'est pas de nous lancer à la poursuite des personnes qui possèdent de petites quantités de drogues. Nous voulons attraper celles qui fabriquent ces drogues et qui exploitent ces éléments les plus vulnérables. Vous pourriez peut-être vous exprimer sur cette question parce que je crois très important que les parlementaires que nous sommes indiquent de façon très claire ce qu'ils recherchent exactement.
De mon point de vue — et je crois pouvoir parler avec une certaine assurance au nom du gouvernement — le gouvernement est résolu à s'attaquer aux personnes qui essaient d'exploiter les plus vulnérables et à procurer aux plus vulnérables une certaine protection contre leurs exploiteurs. Monsieur White, vous pourriez peut-être nous parler de votre expérience ici, dans la municipalité d'Ottawa, et de ce que vous observez au niveau des groupes organisés qui importent et distribuent des drogues.