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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part au débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi , qui vise à modifier le Code criminel pour contrer ce fléau sans cesse croissant qu'est le vol d'identité.
Même s'il a été présenté au Sénat, le projet de loi propose des réformes que les députés connaissent bien, puisque son prédécesseur, l'ancien projet de loi , qui était pratiquement identique, avait été présenté lors de la dernière législature et avait été appuyé par tous les partis à l'étape de la deuxième lecture.
J'espère que le projet de loi profitera du même appui et sera rapidement adopté. Les Canadiens ont un urgent besoin de la protection offerte par ce projet de loi contre le vol d'identité, un problème qui, selon le Conseil canadien des bureaux d'éthique commerciale, coûte aux consommateurs, aux banques, aux sociétés émettrices de cartes de crédit et aux entreprises du Canada plus de 2 milliards de dollars chaque année. Le vol d'identité a aussi des effets psychologiques et personnels majeurs sur les victimes. J'ajouterais que ce sont souvent les Canadiens les plus vulnérables qui sont victimes de vol d'identité.
Les crimes liés à l'identité comprennent l'obtention, la possession, le trafic et l'utilisation de renseignements sur l'identité d'une autre personne pour commettre un crime tel que la supposition de personne, la fraude et l'utilisation abusive de données concernant les cartes de débit et de crédit.
Par exemple, une personne peut prétendre être titulaire d'un compte lors d'une transaction et utiliser l'identité du véritable titulaire du compte pour avoir accès à son crédit ou à son argent. Une personne peut aussi obtenir et utiliser l'identité d'une autre personne pour effectuer des opérations courantes, comme louer un appartement ou acheter un téléphone cellulaire, dans le cadre d'activités criminelles de plus grande envergure. Dans ces cas, si le crime est détecté, la piste mène à la personne innocente dont on a usurpé l'identité. Nous savons que les organisations criminelles et les terroristes commettent souvent des crimes liés à l'identité dans le cadre de leurs activités criminelles. Je doute qu'il y ait un seul député qui puisse dire qu'il ne connaît aucune victime de vol d'identité.
Le projet de loi propose de créer trois nouvelles infractions visant les étapes préliminaires des crimes liés à l'identité et permettant aux policiers de porter des accusations, par exemple, avant que le crime, la fraude ou la supposition de personne ne soit perpétré.
La première nouvelle infraction concernerait le vol d'identité et s'appliquerait à l'obtention et la possession de renseignements relatifs à l'identité dans l'intention de les utiliser de façon trompeuse, malhonnête ou frauduleuse pour la perpétration d'un crime.
La deuxième nouvelle infraction est celle de trafic de renseignements identificateurs. Celle-ci cible tous ceux qui transmettent ou vendent des informations à une autre personne en sachant qu’une infraction sera commise ou en ne se souciant pas de savoir si tel risque d’être le cas. Cette infraction vise donc les intermédiaires, c’est-à-dire ceux qui transmettent d’une personne à une autre des renseignements volés sans pour autant participer à la fraude ou à d’autres crimes auxquels ces renseignements doivent servir. Il n’est pas rare que le trafic de tels renseignements identificateurs volés corresponde aux activités de vol d’identité du crime organisé.
La troisième infraction est celle de possession illégale ou de trafic de certaines pièces d’identité importantes délivrées par le gouvernement à d’autres personnes.
Chacune de ces nouvelles infractions est assortie d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et s’inscrit en complément d’infractions du Code criminel comme la fraude, l’usurpation d’identité et la contrefaçon, qui concernent déjà les conséquences les plus préjudiciables du détournement d’identité.
Le projet de loi crée d’autres infractions qui s’inscriront aussi en complément de celles prévues au Code criminel dans le cas du détournement de courrier et de la contrefaçon. Mentionnons, par exemple, le fait de réexpédier ou de faire réexpédier frauduleusement un article de courrier, de posséder la copie d’une clé de boîte aux lettres de la Société canadienne des postes ou d’avoir en sa possession certains instruments, comme de faux lecteurs de cartes servant à extraire les renseignements contenus sur une carte de crédit ou de débit et à copier ces instruments bancaires.
Le projet de loi permettra également de faciliter le travail d’enquête par les corps policiers en créant de nouvelles infractions et en inscrivant des infractions existantes à la liste de celles permettant d’obtenir une ordonnance d’écoute téléphonique.
Il est important de noter que ce projet de loi permettra aux tribunaux qui déterminent la peine d’obliger un délinquant à dédommager la victime d’un vol ou d’une fraude d’identité au titre des dépenses qu’elle aura subies afin de retrouver sa réputation et de faire blanchir son dossier de crédit.
De plus, le projet de loi propose deux exemptions applicable au travail d’infiltration des policiers, afin d’éliminer tout risque de répercussion négative. Je me propose de m’attarder un peu sur cet aspect du projet de loi, celui-ci ayant beaucoup intéressé le Sénat. Il faut bien comprendre ce à quoi sont destinées ces exemptions et les situations dans lesquelles elles ne s’appliquent pas.
Les exemptions des articles 7 et 9 ont été soigneusement conçues pour permettre aux policiers d’obtenir et d’utiliser des pièces d’identité sous un nom d’emprunt afin de favoriser les activités d’infiltration. Le fait de cacher la véritable identité des agents d’infiltration s’apparente au port d’une arme à feu par un agent en uniforme. La loi exclut les policiers de la portée des infractions qu’ils pourraient autrement commettre, par exemple parce qu’ils portent une arme à feu. Les exemptions proposées reviendront au même dans le cas des agents d’infiltration porteurs de fausses pièces d’identité.
D’aucuns soutiendront que ces exemptions sont inutiles et inappropriées, puisque le Code criminel contient déjà des dispositions exonérant les policiers qui pourraient commettre des infractions dans le cours d’une enquête criminelle. Certes, il serait possible d’invoquer les articles 25.1 à 25.4 du Code criminel pour justifier l’utilisation, par les policiers, de fausses pièces d’identité, mais il faudrait alors que chaque policier se pose la question de la proportionnalité chaque fois qu’il entend utiliser de telles pièces.
Bien que ce critère soit approprié à toutes les circonstances où un policier participe à des activités qui constituent une infraction n’ayant pas été spécifiquement autorisée par le Parlement, le gouvernement estime qu’il serait déplacé d’exiger des policiers qu’ils s’en remettent au régime du Code criminel pour une activité discrète et prédéfinie qui va nettement dans l’intérêt du public. Il convient de ne pas oublier que les exemptions proposées ne donnent pas le pouvoir aux policiers de commettre eux-mêmes des vols d’identité ou de se livrer à des activités frauduleuses. Toute autre infraction qu’un policier pourrait devoir commettre dans le courant d’une enquête criminelle devrait être justifiée au sens des articles pertinents du Code criminel.
Enfin, après avoir étudié le projet de loi à la loupe, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles l’a modifié pour prévoir un examen parlementaire au bout de cinq ans. Nous aurons ainsi l’occasion d’évaluer les effets de ces réformes sur la lutte contre le vol d’identité.
Le projet de loi devrait donner aux corps policiers canadiens de nouveaux outils dont ils ont grandement besoin et apporter une protection nécessaire à tous les Canadiens contre le vol d’identité. J’invite fortement les députés à songer aux personnes les plus vulnérables de leur électorat quand ils songeront à ce projet de loi. Comme nous le savons, nombreux sont nos concitoyens à avoir été victimes de vol d’identité, et les effets psychologiques du vol ou du détournement d’identité peuvent être particulièrement graves.
J’exhorte tous les députés à appuyer le projet de loi et son adoption rapide.
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Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de plaisir que je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi .
Je siège ici depuis maintenant trois ans et demi environ, et il me semble que nous nous penchons sporadiquement et de manière cyclique sur des questions qui comptent aux yeux des Canadiens. Ce n'est pas la première fois que je prends la parole au sujet de dispositions législatives relatives au vol d'identité. Ce n'est pas la première fois non plus que la Chambre envisage cette question. Il me semble dommage qu'après trois ans et demi, le Parlement ne se soit pas encore attaqué au vol d'identité. La prorogation nous vient alors spontanément à l'esprit.
En tant que parlementaires, nous devons conjuguer nos efforts afin d'adopter des lois qui font du Canada un pays encore meilleur. Nous n'avons pas besoin de l'avis d'avocats, de députés ou de professeurs pour savoir que les Canadiens qui fréquentent le Tim Hortons du boulevard St. George, à Moncton, ou celui de Quispamsis s'inquiètent du phénomène de la fraude et du vol d'identité.
Ils ne s'expriment peut-être pas dans ces termes-là, mais ils savent très bien de quoi il s'agit quand une société américaine leur offre une croisière gratuite si seulement ils acceptent de faire porter une somme de 200 $ à leur carte de crédit, pour ensuite se rendre compte que leur carte a été utilisée au maximum. Ils savent ce que c'est. C'est du bon vieux maquignonnage, du vol pur et simple, chose que personne n'admire vraiment. Ils souhaitent que nous répondions avec des moyens modernes à un problème moderne qui, à sa base, est une très vieille façon de tout simplement escroquer les gens. Nous sommes heureux de recommander l'adoption de ce projet de loi.
De nouveau, trop souvent, nous ne reconnaissons pas le bon travail réalisé par le Sénat. Au sein du Comité sénatorial de la justice, nous avons les éminences grises, soit de nombreuses personnes qui comptent des années d'expérience dans le domaine du droit constitutionnel. De toute évidence, ils se sont employés à apporter des amendements ou des changements à ce projet de loi qui devaient être reportés du projet de loi précédent, qui avait été présenté au Parlement au cours de la dernière session, avant la prorogation. Certains de ces exemples permettent de moderniser notre définition de ce qui constitue une carte d'identité.
Le dernier article du projet de loi prévoit un examen de la loi dans cinq ans. À l'heure actuelle, bon nombre d'entre nous, je sais que le député de en conviendra, estiment que le Code criminel en général devrait faire l'objet d'un remaniement complet. On semble ajouter couche après couche à ce code sans en faire un examen véritable et réfléchi et sans prendre en compte sa véritable essence.
Dans cette mesure législative, comme dans de nombreux projets de loi récents, on suggère qu'il y ait à intervalles de cinq ans un examen complet de la situation du vol d'identité et de la fraude d'identité. Comme les députés le savent déjà, nous avions prévu la même chose dans la Loi antiterroriste. Nous estimons qu'un tel mécanisme devrait s'appliquer à la désignation du crime organisé.
Dans le premier paragraphe du projet de loi, il est question d'une infraction mixte, autrement dit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité soit par procédure sommaire, soit par mise en accusation. Certaines infractions seront inférieures à la limite obligatoire. Si on se limite aux infractions punissables sur déclaration de culpabilité par mise en accusation ou aux infractions graves, on risque de laisser passer énormément d'infractions mineures qui sont commises quotidiennement en matière de fraude d'identité.
Dans le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis, on ne cherche pas uniquement à mettre la main au collet des pilleurs de comptes. Comme je l'ai mentionné, le projet de loi vise même à trouver les coupables de fraude de 200 $ sur un compte Visa. Une telle infraction serait punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Cette partie est judicieuse.
De ce côté-ci de la Chambre, on utilise le terme discrétion assez régulièrement. Il faut donner aux juges et aux procureurs le pouvoir discrétionnaire d'adapter la loi aux situations qu'ils rencontrent quotidiennement dans la collectivité. Nous nous réjouissons de constater que, dans ce projet de loi, le gouvernement conservateur donne aux procureurs le pouvoir discrétionnaire de procéder par déclaration sommaire de culpabilité ou par mise en accusation.
Dans le projet de loi il est dit ceci: « Commet une infraction quiconque, sans excuse légitime, fait fabriquer, a en sa possession, transmet, vend ou offre en vente une pièce d’identité qui concerne [...] une autre personne » et que l'auteur de cette infraction est coupable d'un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans.
Les pièces d'identité constituent un autre élément que le Sénat a ajouté au débat en précisant en quoi elles doivent consister.
Manifestement, ce sont là des documents d'usage courant. Nous les utilisons chaque jour. En leur for intérieur, tous hésitent à révéler leur numéro d'assurance sociale ou l'information figurant sur leur permis de conduire ou leur carte d'assurance maladie. Tous hésitent à donner de l'information permettant d'identifier leur personne, en particulier aux entreprises, mais aussi au gouvernement. C'est le cas pour les certificats de naissance. Les certificats de décès ont été ajoutés. On peut se demander comment il peut s'agir de vol d'identité lorsque c'est un certificat de décès qui est subtilisé et que la personne est justement décédée. Il est évident qu'il s'agit là de cas de fraude d'identité, où quelqu'un s'intéresse à une succession ou à l'identité d'une personne décédée.
Il y a aussi les passeports, les documents de citoyenneté et les pièces d'identité des employés. Un ajout autorisé par le Sénat tient compte du fait que les cartes d'identité des employés contiennent souvent beaucoup d'informations encodées directement sur le support ou d'informations sous-jacentes du point de vue de leurs possibilités d'application, en raison de quoi elles sont souvent plus précieuses qu'une carte d'assurance sociale ou un permis de conduire. C'est une suggestion très moderne à ajouter à la liste.
Avant d'examiner le projet de loi dans les détails, je tiens à parler de la différence entre la fraude d'identité et le vol d'identité. Le dernier projet de loi dont la Chambre avait été saisie avait pour point de départ le fait que nous devrions être davantage préoccupés par la fraude d'identité que par le vol d'identité. Pour les gens ordinaires et pour le juge qui interprète nos lois, le vol d'identité signifie probablement que quelqu'un subtilise la personne de quelqu'un d'autre, ce qu'elle est légalement, pour une mauvaise raison.
La fraude d'identité s'apparente plus ou moins à l'idée du vol intégral de l'identité. La définition de la fraude d'identité est plus large. Elle comprend toutes les étapes du crime, notamment l'acquisition, la cueillette et le transfert de renseignements personnels de même que l'utilisation de ces renseignements. C'est comme les vols d'auto. Nous avons examiné un projet de loi portant sur cette question plus tôt aujourd'hui. Il y a généralement de nombreux complices aux diverses étapes du vol d'identité. Il ne s'agit pas seulement d'une situation où quelqu'un oublie une carte Visa dans un magasin et où quelqu'un d'autre essaie de s'en servir dans un autre commerce. Il est clair qu'il s'agit là d'un cas de fraude d'identité et de vol d'identité aux fins du prochain achat.
Nous nous intéressons plutôt au cas des revendeurs d'information qui ramassent des cartes d'identité d'étudiant. Il y a des étudiants qui occupent les fonctions de page à la Chambre des communes. Monsieur le Président, vous ne vous souvenez peut-être pas aussi bien qu'eux de votre jeunesse. Les jeunes étudiants de l'Université Queen's ou de l'Université de Toronto donnent nonchalamment leurs renseignements personnels au secrétariat. Qu'arrivera-t-il si ces services administratifs sont privatisés? Qu'arrivera-t-il si un groupe d'entreprises privées fait la collecte de ces renseignements, puis les revend au magazine Maclean's pour vendre des abonnements?
Qu'arrivera-t-il si ces renseignements sont interceptés en cours de route et si on en fait un mauvais usage? Il sera très difficile de déterminer ce qui se sera produit. Le jeune étudiant dira peut-être qu'il a fourni ses renseignements à l'Université Queen's, donc que c'est la faute de l'université, alors que ce ne sera peut-être pas du tout le cas. La personne qui aura détourné les renseignements sera peut-être une secrétaire temporaire ou un analyste en systèmes informatiques, peu importe. Quiconque fait un travail comprenant l'acquisition, la collecte ou le transfert d'information est visé par ce projet de loi.
On réclame depuis un certain temps des modifications du Code criminel à ce sujet. On écrit depuis un certain temps sur le sujet du vol d'identité et des fraudes qui en résultent. Dans l'un des meilleurs documents à ce sujet, il est question des usages les plus frauduleux des renseignements personnels par les voleurs d'identité. Au départ, avant que nous ne proposions les dispositions actuelles, la loi ne prévoyait rien au sujet de la collecte, de la possession et du trafic d'information. Nous pensons qu'avec l'ajout des infractions additionnelles prévues dans ce projet de loi, celui-ci corrige adéquatement cette lacune. Nous voilà en 2009 en train d'en discuter.
Le vol d'identité est un crime grave. Nous avons examiné le projet de loi. Compte tenu du discours du secrétaire parlementaire, de mes observations liminaires sur le fondement du projet de loi et des documents inclus dans la définition, nous savons que nous avons un projet de loi solide. Les gens se demanderont peut-être pourquoi il est si urgent d'adopter ce projet de loi. Or, le vol d'identité et les fraudes qui en découlent constituent une industrie lucrative et de taille considérable. Comment nous, les législateurs, pouvons-nous le savoir?
Le Conseil canadien des bureaux d'éthique commerciale estime que le vol d'identité coûte chaque année plus de 2 milliards de dollars aux consommateurs canadiens, aux banques, aux sociétés de carte de crédit, aux magasins et à d'autres entreprises. Dans le passé, deux milliards de dollars représentaient une somme très importante, jusqu'à ce que les déficits commencent à être de l'ordre de 50 milliards de dollars. À une certaine époque, deux milliards de dollars représentaient les coûts annuels d'un important programme national. Comme je viens de le dire, des déficits de 50 milliards de dollars ont probablement contribué à banaliser une somme de deux milliards de dollars, mais nous savons qu'il s'agit d'activités criminelles très graves, à savoir l'utilisation, la collecte et le trafic non autorisés de renseignements personnels. Tel est le problème auquel nous sommes confrontés.
Monsieur le Président, vous êtes une personne bien connue au Canada et vous pensez peut-être que cela ne pourrait jamais vous arriver. Or, la pire chose que l'on puisse faire c'est de croire que cela ne peut pas nous arriver. Il n'est jamais trop tard pour apprendre comment se prémunir contre ce genre de fraude.
Il y a peut-être un grand nombre de Canadiens qui pensent qu'ils sont protégés parce qu'ils font affaire avec une banque à charte, qu'ils connaissent leur banquier depuis toujours, qu'ils n'ont eu qu'une carte de crédit dans leur vie, qu'ils paient leurs comptes de téléphone à l'hôtel de ville, bref qu'ils font tout ce qu'ils peuvent pour faire en sorte que leurs transactions se fassent dans la discrétion, de personne à personne. Or, selon Louis Robertson, chef de l'Unité d'analyse des renseignements criminels de la GRC au centre d'appel antifraude du Canada, le vol d'identité est probablement devenu le plus grave problème des consommateurs canadiens.
En 2006, 212 000 Canadiens ont été victimes de vols d'identité, et les pertes qu'ils ont subies parce qu'on s'est servi de leur identité et de leurs cartes de crédit de façon frauduleuse ont excédé 15 milliards de dollars. La réalité, en ce qui a trait aux chiffres d'il y a trois ans, se situe entre le montant de 2 milliards de dollars avancé par PhoneBusters suite à une enquête téléphonique, et celui de 15 milliards de dollars de la GRC.
Pour ce qui est du fait que les Canadiens ont le sentiment d'être touchés par le vol d'identité, une étude a été faite par le McMaster eBusiness Research Centre, le MeRC, au nom du Ontario Research Network for Electronic Commerce, l'ORNEC, afin de déterminer la nature et l'ampleur du problème du vol d'identité et de fraude, de façon que les législateurs sachent qu'ils ont les preuves nécessaires pour présenter un projet de loi comme celui-ci.
L'étude en elle-même, qui compte plus de 3 000 réponses valides, révèle que 6,5 p. 100 des adultes canadiens, soit presque 1,7 million de personnes, ont été victimes d'une forme ou d'une autre de fraude d'identité durant la dernière année.
Le problème, c'est que la fraude d'identité coûte à l'économie canadienne plus que l'argent qui est détourné et volé aux consommateurs et aux contribuables canadiens. L'étude dénombre également les millions d'heures passées à tenter de récupérer les données perdues et à en créer de nouvelles. Quiconque a déjà perdu son porte-feuille sait à quel point c'est un cauchemar de remplacer tout ce qu'il contenait.
Plus de la moitié des fraudes dont est victime la population canadienne n'impliquent rien de plus que des achats non autorisés réglés par cartes de crédit. C'est certainement une chose dont nous entendons assez souvent parler.
Si nous éliminons la fraude par carte de crédit, qui est le type de fraude d'identité le plus connu auquel sont associés le taux d'incidence et les coûts mentionnés plus tôt, le nombre de victimes diminue et passe à 700 000, mais, ces Canadiens passent quand même 12 millions d'heures, pas 20 millions d'heures, mais 12 millions d'heures, et dépensent plus de 110 millions de dollars de leur propre argent pour résoudre les problèmes.
La plupart des victimes, soit 57 p. 100, ignoraient comment les fraudeurs avaient accédé à leurs renseignements personnels. Lorsqu'elles le savaient, toutefois, la fraude d'identité était plus souvent attribuable à des transactions commerciales effectuées soit en personne dans 25 p. 100 des cas, soit en ligne dans 15 p. 100 des cas. Ces données correspondent tout à fait à ce que j'ai dit plus tôt. Les personnes qui protègent leurs renseignements personnels tentent de faire leurs transactions commerciales dans la discrétion et dans la confidentialité, mais la fraude est plus fréquente lors de transactions commerciales personnelles, qui représentent 25 p. 100 des cas, que lors d'achats en ligne. Et de cela, les Canadiens doivent être conscients.
Ce projet de loi vise tous les intervenants des diverses étapes de saisie d'information d'identification personnelle.
Le clonage de cartes de débit constituait 13 p. 100 des incidents de fraude. Dans 25 p. 100 des cas de fraude à l'identité, le perpétrateur était connu de la victime, selon l'enquête. Dans 7 p. 100 des cas, la victime ne le connaissait pas.
Très peu de cas de fraude à l'identité ont été rapportés à la police, soit 13 p. 100 seulement, ou à des sociétés de vérification de crédit, soit 6 p. 100, ou à PhoneBusters, soit 0,5 p. 100. Ces résultats laissent supposer que la gêne exerce un effet dissuasif. Il se peut également que bien des gens se rendent compte que les dispositions juridiques s'appliquent mal à la situation qui les concerne, et c'est la raison pour laquelle nous voulons faire adopter cette mesure.
Avant l'entrée en vigueur du projet de loi à l'étude, tout plaignant se serait peut-être fait dire par les autorités policières qu'il s'agissait d'une affaire civile. Il arrive souvent de fait que les citoyens du Canada se fassent dire par les autorités policières que les litiges entre les détenteurs d'une carte ou les clients d'une banque et la banque ou la société de cartes de crédit est une affaire civile et ne fera pas l'objet d'une enquête. C'est la raison pour laquelle il y a si peu de déclarations. Nous espérons que cette loi entraînera une augmentation des déclarations puisque la police disposera d'un meilleur outil pour éliminer ou réduire le vol d'identité ou la fraude à l'identité.
Pour terminer, il existe diverses façons pour le consommateur canadien de protéger ses renseignements personnels du vol. Puisque le gouvernement s'est montré apte à la publicité dans certains milieux, tout au moins à l'extérieur de la Chambre, je l'invite à lancer une campagne de publicité pour informer le public en lui apprenant comment se protéger de la fraude à l'identité et du vol d'identité. Il serait malhonnête de laisser entendre que cette loi pourrait éradiquer le vol d'identité et la fraude à l'identité.
Voici ce que peuvent faire les consommateurs canadiens. Je crois que le gouvernement devrait s'inspirer de mon discours pour une campagne de vulgarisation qui pourrait accompagner ce projet de loi. Les recommandations qui suivent sont tirées d'une enquête auprès de 3 000 personnes concernant les moyens de protéger son identité qui se sont avérés les plus efficaces.
Le déchiqueteur est utilisé pour détruire les documents financiers ou les documents importants en tout temps ou la plupart du temps par 79 p. 100 des personnes. De nombreuses personnes utilisent une boîte aux lettres à serrure en tout temps ou la plupart du temps. Bon nombre de personnes conservent leurs renseignements sensibles dans un endroit sûr, comme une boîte ou un tiroir fermé à clé, en tout temps ou la plupart du temps.
Bon nombre de Canadiens ne transportent plus de pièces d'identité avec eux ou en ont réduit le nombre. Nous connaissons tous quelqu'un qui, à cause des programmes de fidélisation, des cartes de crédit, des pièces d'identité nécessaires pour presque tous les clubs, les associations, les édifices ou les emplois, se promène avec deux portefeuilles ou, dans certains cas, avec un portefeuille tellement plein, qu'il a la taille d'un bureau. Une solution est de se débarrasser des pièces d'identité inutiles.
Nombreux sont ceux qui ont cessé de recevoir des états de compte par la poste ou en ont réduit le nombre.
Les consommateurs canadiens prennent les mesures suivantes pour protéger leurs renseignements personnels contre un accès non autorisé ou pour les mettre à l'abris des regards. Une mesure vise à protéger ses renseignements personnels, et l'autre vise le milieu de travail ou les lieux publics où les malfaiteurs peuvent vous épier.
Évitez le plus possible de donner vos renseignements personnels par téléphone à des gens qui disent faire un sondage ou qui offrent des articles et des services promotionnels, à moins que vous ne soyez un libéral et qu'une compagnie de sondage bien connue vous demande votre opinion sur les prochaines élections. Sinon, je ne vous le recommande pas.
Assurez-vous que personne ne vous surveille lorsque vous utilisez un guichet automatique bancaire ou votre carte de débit. Les consommateurs feraient mieux de ne pas laisser les serveurs dans les restaurants ou les pompistes partir avec leur carte de crédit sans les accompagner.
Ce ne sont là que quelques exemples.
En résumé, ce projet de loi est un bon projet de loi. C'est dommage qu'il n'ait pas été présenté plus tôt. Il devrait donner aux corps policiers les outils nécessaires pour lutter contre la fraude d'identité. Il faudrait plutôt parler de fraude d'identité que de vol d'identité. Nous devrions mener une campagne d'éducation pour nous assurer que les gens ne posent pas des gestes qui les mettent en péril. Nous devrions féliciter le Sénat d'avoir amélioré ce projet de loi.
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Monsieur le Président, je veux tout de suite remercier le cabinet du whip de mon parti de me permettre de passer les prochaines 20 minutes à discourir d'un projet de loi passionnant qui concerne le vol d'identité.
Ce projet de loi est un phénomène singulier dans notre processus législatif. Il est d'abord venu du Sénat. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement n'en a pas saisi d'abord cette Chambre et le dynamique Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Il est vrai que nous avons tout de même plusieurs projets de loi à analyser, mais il me semble qu'il se serait agit d'un signe de grande déférence que nous puissions, en notre qualité de mandataires, de représentants et de porte-paroles du peuple, être d'abord saisis de ce projet de loi.
Le phénomène du vol d'identité connaît une recrudescence, au Canada comme dans d'autres pays. Ce phénomène donne lieu à des situations extrêmement embarrassantes pour nos concitoyens. Pas plus tard que ce matin, j'ai rencontré quelqu'un dont la carte de crédit avait été clonée. Quelqu'un s'était donc vu voler 5 000 $ de sa carte de crédit. Il est facile d'imaginer non seulement le sentiment d'insécurité que cela peut provoquer, mais aussi la difficulté qu'il peut y avoir à régulariser cette situation auprès des institutions financières. Même si la plupart de celles-ci acceptent de rembourser la personne victime de cet acte pour le moins troublant, il reste que c'est extrêmement difficile à vivre et à régulariser.
Le projet de loi , qui est allé d'abord du Sénat avant d'être présenté à la Chambre, vise à contrer le vol d'identité. Quand on parle de vol d'identité, on parle de la collecte et de l'utilisation non autorisée de renseignements personnels habituellement à des fins criminelles. Ce sont des renseignements nominatifs, comme le nom, la date de naissance, l'adresse, le numéro de carte de crédit, le numéro d'assurance sociale ou tout autre numéro d'identification personnelle qui peut servir à ouvrir un compte bancaire, obtenir une carte de crédit, faire suivre du courrier, s'abonner à un service de téléphonie cellulaire, louer un véhicule, de l'équipement ou un local, et même obtenir un emploi.
Dans sa sagesse habituelle et dans sa grande capacité de discernement, le Bloc québécois appuiera ce projet de loi qui lui apparaît mesuré et qui défend correctement les intérêts du Québec. Nous sommes contre les projets de loi qui ne vont pas dans le sens des valeurs et des aspirations du Québec. Nous combattons férocement tout projet de loi qui se veut une incursion dans les champs de compétence provinciaux.
Le projet de loi créera principalement trois nouvelles infractions. D'abord, l'obtention et la possession de renseignements relatifs à l'identité dans l'intention de les utiliser de façon trompeuse, malhonnête ou frauduleuse dans la perpétration d'un crime est une infraction passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans. Le trafic de renseignements relatifs à l'identité est la deuxième infraction. On parle ici d'une infraction ciblant ceux qui vendent des renseignements à un tiers en sachant qu'ils pourraient être utilisés à des fins criminelles ou qui ne s'en soucient pas. La troisième infraction, au-delà des infractions d'obtention et de possession de renseignements relatifs à l'identité ou du trafic de renseignements relatifs à l'identité, a trait à la possession ou au trafic illégal de documents d'identité émis par le gouvernement et qui renferment des renseignements sur une autre personne.
Voilà les trois principales infractions créées par le projet de loi . Je rappelle que le vol d'identité et l'usurpation d'informations personnelles à des fins autres que celles auxquelles son destinataire aurait pu consentir est un phénomène en recrudescence au Canada.
Cela a certainement à voir avec le perfectionnement des moyens de communication et des nouvelles technologies.
Il y a d'autres modifications qui sont apportées à ce projet de loi. Si je m'écoutais, je parlerais du conflit au Moyen-Orient, mais je craindrais de ne pas être pertinent face au sujet que nous débattons et donc je ne le ferai pas.
Le Code criminel prévoit d'autres infractions en vertu du projet de loi . On parle de la création de la nouvelle infraction de détournement direct ou indirect du courrier d'une personne.
On crée une nouvelle infraction qui est la possession d'une clé à courrier de Postes Canada. Une telle clé serait évidemment contrefaite.
On propose la création d'infractions supplémentaires de contrefaçon, comme le trafic de documents contrefaits et la possession de documents contrefaits en vue de les utiliser.
Une nouvelle infraction est la redésignation de l'infraction de supposition de personnes par la qualification de fraude d'identité.
La dernière infraction ajoutée est la précision du sens de l'expression « prétendre faussement être une autre personne ».
Il m'apparaît que c'est ma responsabilité de mentionner que le projet de loi prévoit quand même deux exemptions qui mettraient à l'abri de poursuites pour falsification les personnes qui fabriquent de faux documents pour des opérations gouvernementales secrètes. Cela permettrait aux fonctionnaires publics, soit gens qui font de la filature, qui font de l'écoute électronique ou qui font de l'infiltration, d'être protégés. Ces gens pourraient trouver un moyen de défense avec ce projet de loi lorsqu'ils sont mandatés par des organismes responsables de l'application de la loi de créer et d'utiliser des identités secrètes dans le cadre de leurs fonctions. S'ils étaient traduits devant les tribunaux pour la reproduction non autorisée, la contrefaçon, la falsification de documents ou l'usurpation d'identité, ils auraient un moyen de défense qui pourrait leur servir d'immunité.
Le Bloc québécois ne contestera pas que c'est un projet de loi nécessaire. C'est même un projet de loi d'une brûlante actualité. Évidemment, nous connaissons tous dans nos réseaux, parmi nos amis ou encore dans nos familles des gens qui ont vu une utilisation non autorisée de leur carte de crédit, de leur carte de débit ou d'autres personnes qui font l'objet d'une utilisation malveillante de leur identité personnelle.
Le vol d'identité est un phénomène extrêmement important. Le Conseil canadien du bureau d'éthique commerciale a estimé que les consommateurs, les banques, les sociétés de cartes de crédit, les magasins et autres entreprises ont perdu 2,5 milliards de dollars en raison de l'usurpation d'identité ou de clonage de cartes de crédit ou d'autres numéraires de ce genre.
En 2006, Phone Busters a reçu quelque 7800 appels de victimes de vol d'identité déclarant, pour elles-mêmes ou pour des entreprises, des pertes totales de plus de 16 millions de dollars. On voit l'importance de ce phénomène.
Un sondage réalisé en 2006 par Ipsos-Reid disait qu'un Canadien sur quatre, donc près de 25 p. 100 de la population ou encore près de 5,7 millions de Canadiens, estimait avoir été victimes de vol d'identité.
On pourrait se poser la question à savoir pourquoi il faudrait avoir recours au Code criminel pour lutter efficacement contre le vol d'identité?
Quand il est question de crime organisé, d'importation ou d'exportation de véhicules volés, de drogue, lorsqu'on a besoin d'enquêtes de longue haleine, lorsqu'on veut par exemple s'attaquer à la contrebande de certains produits, on peut comprendre que le droit criminel est probablement ce qui est le plus indiqué. Cependant, lorsqu'il est question de vol d'identité, de clonage de cartes de crédit et de phénomènes qui ont souvent à voir avec des titres de propriété ou la possession réelle de papiers d'identité, le droit civil ne serait-il pas une avenue plus indiquée pour lutter contre ces délits?
L'ancienne commissaire à la protection de la vie privée a soutenu devant un comité de la Chambre des communes que la vraie solution au problème du vol d'identité passait par des procédures civiles. Voici ce qu'elle disait:
La preuve est plus facile à établir et ces procédures sont plus faciles à comprendre pour les citoyens.
Elle parlait évidemment du droit civil par rapport au droit criminel. On sait qu'avec le droit criminel, c'est beaucoup plus complexe parce que pour chacune des infractions, il faut non seulement démontrer que l'individu avait l'intention de planifier ou de poser un geste criminellement répréhensible, ce qu'on appelle la mens rea, mais qu'il a aussi posé ce geste concrètement, ce qu'on appelle l'actus reus. En matière de droit civil, la preuve est d'ailleurs beaucoup plus facile à administrer parce que la preuve n'a pas à être une preuve hors de tout doute raisonnable, mais une preuve par voie de prépondérance.
La commissaire à la protection de la vie privée disait donc:
La preuve est plus facile à faire et à établir et ses procédures sont plus faciles à comprendre pour les citoyens. La cour des petites créances, par exemple, [il existe une Cour des petites créances au Québec et j'imagine que cela existe aussi au Canada anglais] pourrait offrir des mesures faciles d'accès pour décourager une industrie du vol d'identité qui est en pleine expansion. Cela veut donc dire, bien sûr, que le gouvernement fédéral doit collaborer étroitement avec les provinces, car une grande partie de ce qui se passe dans le domaine du vol d'identité relève des compétences provinciales.
Cela pose un problème parce que lorsqu'il est question de droit civil, cela nécessite une collaboration étroite avec les provinces, particulièrement avec le Québec. En effet, on sait que le Québec est non seulement le principal foyer d'expression de langue française, mais qu'il est aussi la principale émanation du droit civil au Canada.
Cela veut dire que le gouvernement devra faire preuve de souplesse, de courtoisie, de gentillesse, d'ouverture et de dextérité. Je dois dire que ce ne sont pas des qualités que l'on a beaucoup reconnues au gouvernement lorsqu'il a été question, par le passé, de relations intergouvernementales.
On n'a qu'à voir la façon cavalière dont le gouvernement fédéral a traité la revendication du Québec afin d'obtenir une compensation financière dans le dossier de l'harmonisation de la taxe de vente et de la TPS. Il y avait pourtant une motion unanime de l'Assemblée nationale du Québec. On n'a qu'à voir l'accueil fait au dossier de la culture, au dossier de la rétrocession des terrains de l'Assemblée nationale du Québec et des terrains des plaines d'Abraham.
Nous sommes en présence d'un gouvernement qui a choisi le fédéralisme de la confrontation. Il a choisi d'être complètement insensible aux griefs et même, dans un certain nombre de cas, aux revendications qui ont été appuyées à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec.
On pourrait multiplier les exemples d'insensibilité du gouvernement conservateur aux griefs des provinces. Si mon collègue le sympathique et séduisant député de était en cette Chambre, il donnerait certainement l'exemple du Protocole de Kyoto, qui touche la question des gaz à effet de serre, et la bataille que le Québec et l'Assemblée nationale du Québec ont menée, encore une fois, de manière consensuelle. Nous avons fait plusieurs représentations pour que le gouvernement honore la promesse de l'ancien premier ministre Chrétien et le traité qu'il a signé afin que l'on puisse respecter les efforts d'un certain nombre de secteurs industriels qui sont engagés très efficacement dans la lutte contre les gaz à effet de serre.
Or le gouvernement n'a pas voulu respecter la stratégie du gouvernement du Québec.
On n'a qu'à penser à la réforme du Sénat. On sait que l'Assemblée nationale du Québec est inquiète de la réforme du Sénat. On peut bien sûr avoir différents griefs à l'égard de cette institution car ce n'est pas une chambre démocratique. On peut aussi trouver que le Sénat est une institution passéiste qui est mal adaptée au parlementarisme moderne, mais on ne peut tout de même pas décider d'agir unilatéralement.
L'ancien ministre des affaires intergouvernementales à l'Assemblée nationale du Québec, M. Benoît Pelletier, a été mon professeur en droit constitutionnel. C'est avec beaucoup de nostalgie que je me rappelle ses cours. C'était un très bon professeur, et j'étais moi-même un très bon étudiant. Je me rappelle que le cours était le lundi matin à 8 h 30, donc en pleine nuit à certains égards. Or, le professeur Pelletier arrivait en classe et il était capable de présenter sa matière de manière très intéressante et très vivante. C'est lui qui m'a transmis les grandes connaissances que je possède au sujet de la Charte canadienne des droits et libertés.
Nos points de vue ont évidemment divergé, et je me suis prévalu de ma prérogative d'étudiant en pleine classe pour le manifester lorsque nous avons traité de la question du rapatriement unilatéral de la Constitution de 1982 qui, on le sait, a été l'objet d'une dénonciation par l'Assemblée nationale du Québec. Même l'ancien chef du Parti libéral, en la personne de M. Claude Ryan, peu suspect de sympathies pour le mouvement souverainiste, avait joint sa voix à l'Assemblée nationale du Québec pour dénoncer le caractère extrêmement cavalier de la façon dont les choses avaient été conduites.
Tout cela pour dire que le Sénat et l'Assemblée nationale du Québec ne souhaitent pas que nous puissions revoir le mode de sélection des juges sans que les provinces puissent être associées formellement à ce processus. On sait que le rôle du Sénat, la Chambre haute, est un peu d'être le gardien des différents équilibres régionaux qui doivent se faire sentir dans une fédération.
D'ailleurs, il y a quelque temps, je faisais visiter la Chambre à des invités qui venaient de l'Australie, et je crois leur avoir expliqué la raison pour laquelle la Chambre des communes a une moquette verte et que le Sénat a une moquette rouge. D'abord, le Sénat est la chambre de la monarchie. La reine ne met jamais les pieds à la Chambre des communes. Elle va plutôt au Sénat tout comme sa représentante, madame la Gouverneure générale, qui se rend au Sénat pour ratifier des textes de loi.
C'est donc au Sénat que cela se fait et non pas à la Chambre des communes. La Chambre des communes est la chambre du peuple et, traditionnellement, le vert symbolise les prés qui sont les premiers endroits où les gens se sont réunis pour s'opposer à une monarchie que l'on trouvait trop autoritaire et trop triomphaliste.
Voilà des exemples où le gouvernement n'a pas été à la hauteur de l'écoute qu'on aurait souhaité entendre de la part des revendications du Québec, que ce soit la réforme du Sénat, que ce soit la TPS, que ce soit la question de la culture. Je ne voudrais pas passer trop rapidement sur la question de la culture.
Le gouvernement actuel a choisi de reconnaître que le Québec était une nation. On sait que le Québec est une nation: nous avons une histoire particulière; nous avons une langue vernaculaire, qu'est le français; nous avons un système de droit différent; nous avons un vouloir-vivre collectif; et nous avons le contrôle d'institutions et d'un territoire. Voilà les grandes caractéristiques d'une nation. Le gouvernement a reconnu que le Québec était une nation, mais si ce n'est pas assorti de gestes très concrets, on s'imagine mal comment on peut prendre le gouvernement au sérieux.
Je rappelle que le député de , le leader du Bloc québécois, est un homme extrêmement éloquent, modéré en toutes circonstances et qu'on ne lui connaît pas d'excès. On lui connaît peut-être à l'occasion des excès de table, mais dans l'ensemble, c'est un homme extrêmement en contrôle de lui-même. Maintenant, lorsque le député de a déposé un projet de loi pour demander que l'on reconnaisse que la loi 101 devait s'appliquer dans les entreprises de juridiction fédérale, nous aurions souhaité avoir l'appui du gouvernement et de l'opposition officielle. Cela aurait été une très belle reconnaissance du fait que le Québec est une nation.
Comme mon temps est expiré, j'aurai le plaisir de répondre à tous mes collègues qui voudront bien me poser des questions.
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Monsieur le Président, j'interviens sur le projet de loi qui me chauffe sérieusement la bile. Je le dis parce que cela fait beaucoup trop longtemps que la Chambre est saisie de ce projet de loi et de ce problème. Bien que ce soit un problème à l'échelle de tout le pays, le gouvernement n'a pas cessé de procrastiner. Pourtant, les très nombreuses victimes de ces vols d'identité criminels subissent des préjudices graves.
Je veux aller au coeur des choses, car cela m'agace que le gouvernement prétende qu'il veut réprimer sérieusement la criminalité et s'y opposer par tous les moyens, alors que ce projet de loi est un exemple classique de poudre aux yeux pour le public.
Le projet de loi a été présenté au cours de la dernière législature. Depuis, on y a apporté quelques amendements. Il a été mis sur une voie de garage quand le gouvernement a prorogé le Parlement en septembre 2007. On l'a présenté de nouveau à la rentrée du Parlement. Après la première et la deuxième lecture, il a été renvoyé au Comité de la justice en mars 2008, mais à ce moment-là le Comité de la justice ne fonctionnait plus parce que le président conservateur refusait d'organiser des réunions ou, quand il le faisait, quittait brutalement son fauteuil et personne ne voulait le remplacer. Cela a continué jusqu'à l'été de 2008 et au début de l'automne, où le gouvernement a de nouveau paralysé le Parlement en déclenchant des élections, même si le s'était engagé depuis longtemps à ne pas le faire.
Après les élections, nous avons eu toute une bataille avec le gouvernement parce qu'il ne s'attaquait pas sérieusement à la crise financière à laquelle notre pays et tous les pays du monde étaient confrontés. Puis, il y a encore eu prorogation en décembre 2008.
Que s'est-il passé au retour? Eh bien, au lieu d'être présenté à la Chambre, l'assemblée élue de notre Parlement, ce projet de loi a été présenté à la Chambre non élue à l'autre bout du couloir, où il a traîné. Finalement, on nous l'a envoyé au début de cette semaine.
Ce projet de loi aurait dû être adopté avant la fin de 2007, au moins les éléments que nous avions abordés au départ, même sans les amendements. Mais au rythme où nous allons, ce n'est que vers la fin de 2009 que la loi sera en vigueur. Tous ces retards, c'est à cause du gouvernement.
Les conservateurs ne peuvent manifestement pas prétendre qu'ils ignoraient la gravité du problème du vol d'identité au Canada. Le député albertain du côté gouvernemental a présenté sur la question un projet de loi d'initiative parlementaire très concret et complet. Malheureusement, ce n'était pas le bon mécanisme pour régler un problème de cette ampleur. Il n'en reste pas moins que ce projet de loi date d'il y a presque trois ans. Autrement dit, il est incontestable que la Chambre est au courant du problème depuis au moins trois ans. Et elle savait aussi quelle mesure législative prendre pour y répondre.
Le Code criminel actuel n'est pas adapté au problème du vol d'identité. Il comporte des dispositions sur la falsification, l'usurpation d'identité, la création de faux documents, mais elles correspondent à une technologie et une société qui ont 40 ou 50 ans de retard sur la situation actuelle. Ce n'est par exemple que depuis une dizaine d'années qu'on peut fabriquer en grand nombre de cartes de crédit. C'est seulement avec l'expansion d'Internet, depuis cinq ans pour être plus précis, qu'on a pu se procurer massivement par des moyens électroniques des numéros d'identification personnels, ou NIP, des numéros de cartes de crédit et d'autres numéros d'identification.
Nous le savons depuis au moins trois ans. Mais j’irais jusqu’à dire que ceux d’entre nous qui travaillent dans ce domaine le savent depuis plus longtemps encore. Le gouvernement le savait sûrement. Le ministère de la Justice le savait et nos corps policiers le savaient aussi. Malgré tout cela, nous voilà aujourd’hui à la Chambre en train de débattre une fois encore ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.
Celui-ci s’attaque à un certain nombre de problèmes. La dernière fois que nous l’avons vu passer à la Chambre, mon parti était prêt à l’appuyer, même s'il n'allait pas assez loin. Or, on ne corrige pas ici certaines de ces insuffisances passées.
Plus tôt, le député de s’est demandé si ce projet de loi traite adéquatement des dispositifs que l’on peut utiliser, au XXIe siècle, pour voler l’identité d’une personne et se faire passer pour elle. Nous en saurons plus long à ce sujet quand nous aurons entendu d’autres spécialistes de la question, mais il faut s’attendre à ce que la réponse soit négative. Je ne suis pas certain que ce projet de loi aille suffisamment loin à cet égard. Il fait un bout de chemin dans ce sens, et j’en attribue le mérite au gouvernement, mais je ne suis pas certain qu’il aille assez loin.
Ce projet de loi renferme quelques dispositions intéressantes. Il a été question, aujourd’hui, de la difficulté d’obtenir réparation au civil pour les vols d’identité, puisque les tribunaux ont beaucoup de difficulté avec ce genre de causes, surtout face à des victimes qui ne sont pas en mesure d’identifier celui ou celle qui a volé leur identité et qui en a profité à leur dépens.
Je vais, encore une fois, critiquer le gouvernement en soutenant que l’on ne mobilise pas suffisamment de ressources policières pour combattre ce fléau. Il est intéressant de constater que l’approche du gouvernement a toujours consisté à se concentrer sur ce qu’il qualifie de crimes sérieux, mais il stéréotype le plus souvent les criminels qui commettent des actes violents comme étant des toxicomanes ou des alcooliques ou encore des personnes souffrant de sérieux troubles mentaux.
Si l’on songe à tous les projets de loi que nous avons vu passer, et que l’on ne peut quasiment plus compter tant il y en a eu depuis l’arrivée au pouvoir des conservateurs, je ne pense pas qu’on pourrait en trouver un seul qui s’attaque à la criminalité des cols blancs. C’est pourtant essentiellement ce dont il est ici question. Ce genre de crime bouleverse de nombreuses vies, mais comme je l’ai dit plus tôt, nous avons quatre ou cinq ans de retard.
Je ne dis pas cela à cause des lacunes et, parfois, de l’incompétence du gouvernement, mais plutôt parce que nous devons nous comparer à d’autres pays et voir ce qu’ils ont fait. Les Européens de l’Ouest se sont dotés de technologies semblables aux nôtres. Les Américains, les Australiens et les Néo-Zélandais nous devancent de cinq bonnes années et parfois même de dix ans en matière de lutte contre le vol d’identité. Nous essayons, dans une très large mesure, de les rattraper et nous ne nous en sortons pas très bien à cause de la façon dont le gouvernement manœuvre.
Quant à nos policiers, ils n’ont qu’une capacité très limitée de faire enquête dans ce domaine. Rares sont ceux à avoir reçu une formation suffisante mais, de façon générale, il n’y a tout simplement pas assez de policiers qui, au Canada, sont chargés de s’attaquer à ce problème. Les policiers ont besoin de plus de formation, formation qui ne leur est pas donnée dans leurs cours d’instruction de base, que ce soit à la GRC ou au sein des services de police provinciaux ou municipaux. Ils doivent être nettement mieux formés dans les écoles de police pour pouvoir combattre ce genre de crimes.
Des procureurs m'ont dit avoir besoin de ressources additionnelles pour intenter les poursuites comme il se doit. Certaines des ressources nécessaires consistent en des modifications au Code criminel et, c'est tout à l'honneur du gouvernement, celles-ci figurent dans les dispositions que nous adopterions si le projet de loi franchit toutes les étapes. Pour ce qui est des ressources financières, elles sont de toute évidence insuffisantes.
Quand le Sénat a étudié le projet de loi, je crois qu'il y a apporté cinq ou sept amendements. Quelques-uns de ces amendements n'étaient apparemment que des modifications de forme. Dans un cas, on remplaçait le singulier par le pluriel, mais je pense que certains amendements avaient une portée plus grande. Par conséquent, il faudra aborder cette question lors de l'étude en comité.
Dans le projet de loi, le gouvernement habilite les cours pénales à prendre des ordonnances de dédommagement visant non seulement les coûts des poursuites, mais également les pertes directes subies par une victime de vol d'identité, notamment une indemnisation pour le remplacement de toutes les pièces d'identité compromises.
Dans certains cas, l'indemnité peut être considérable. Par exemple, un demandeur d'hypothèque victime d'un vol d'identité et dont le nom figure, de ce fait, sur une liste de débiteurs établie par une agence d'évaluation du crédit, ne peut obtenir l'hypothèque demandée. Il a peut-être perdu la possibilité de conclure la transaction envisagée ou il a subi des pertes considérables se chiffrant à des milliers de dollars, voire parfois des dizaines de milliers de dollars s'il achète une propriété dont la valeur a augmenté pendant la période qu'il a fallu pour rétablir son crédit. En pareil cas, l'acheteur a subi une véritable perte financière.
La disposition au sujet du dédommagement qui serait modifiée permettrait à toute victime de vol d'identité de présenter des preuves à une cour pénale et de demander que l'auteur du vol l'indemnise.
Les téléspectateurs pensent probablement que, dans la plupart des cas, le dédommagement serait impossible. Toutefois, comme bon nombre de vols d'identité sont perpétrés par le crime organisé, leur auteur, et plus important encore, le gang ou le groupe du crime organisé auquel il appartient peuvent être identifiés, ce qui donne une possibilité raisonnable de remboursement des pertes subies. La modification sur le dédommagement est très appropriée et pourrait être un outil fort valable.
En ce qui a trait aux autres articles, la création d'une infraction de vol d'identité est absolument nécessaire. Encore une fois, notre Code criminel est tellement désuet relativement à ce genre d'activité criminelle qu'il est tout simplement impossible de s'en servir pour lutter contre le vol d'identité tel que nous le connaissons maintenant. La création de cette infraction est donc une mesure très importante que nous appuyons sans réserve.
L'imposition de peines plus sévères et la création d'infractions plus précises liées à la fabrication de fausses pièces d'identité — qu'il s'agisse de documents délivrés par un gouvernement ou de documents de nature commerciale qui identifient une personne — sont des changements qui, selon moi, cernent bien cette activité et en font clairement un crime assorti de peines appropriées.
L'examen dans les cinq ans qui suivent la sanction du projet de loi est l'un des amendements proposés par le Sénat à la mesure législative présentée à l'origine par le gouvernement. Je pense que c'est un amendement approprié, que nous pouvons appuyer. Malheureusement, comme c'est si souvent le cas avec les examens, ceux-ci sont effectués longtemps après la date prévue, en partie parce que le Comité de la justice est tellement occupé. Cela dit, nous appuierions cette mesure.
Je veux formuler quelques remarques sur les lacunes du projet de loi, en particulier au niveau des biens réels. J'ai eu des contacts avec des personnes qui travaillent dans ce domaine. Nous avons eu un certain nombre de cas qui ont été très médiatisés en Ontario.
En fait, il y a eu un jugement de la cour qui, je pense, a vraiment étonné les gens ordinaires. Un couple avait acheté un condominium dans la région de Toronto, dans lequel il vivait depuis 17 ans, mais un individu, un criminel, a contrefait des documents, a créé une fausse identité, puis s'est rendu chez un avocat et a signé des documents qui lui ont permis d'obtenir une très grosse hypothèque sur le condominium, soit 200 000 $ si je ne m'abuse, en se faisant passer pour les vrais propriétaires. La fraude a ensuite été découverte et la banque a intenté des poursuites contre les propriétaires. Il a été établi de façon très claire que les vrais propriétaires n'avaient participé d'aucune façon à la fraude, mais un tribunal ontarien a jugé qu'ils étaient responsables du remboursement de l'hypothèque.
Cette décision a nécessité une modification rétroactive à la loi ontarienne, de façon à empêcher l'application de la décision rendue. Toutefois, si je comprends bien, à l'heure actuelle ce genre de décision pourrait aussi être rendu dans d'autres provinces.
Pour autant que je puisse le constater, le projet de loi ne traite absolument pas de cette question. Encore une fois, c'est pour cette raison qu'il est essentiel que la mesure législative soit renvoyée au comité. À moins d'entendre des juristes me dire le contraire, je pense que c'est là un secteur où il y a lieu de renforcer le projet de loi et d'y inclure des dispositions supplémentaires, afin que les peines prévues dans de tels cas de fraude soient très claires, et afin aussi de protéger les propriétaires de maison et les intérêts commerciaux légaux.
Des gens du milieu des assurances de titres de l'Ontario m'ont dit qu'un article du Code criminel aborde en partie le problème, mais qu'il est complètement désuet. Ils veulent que cet article soit modifié. Je crois que nous devrions essayer de convaincre le gouvernement d'appuyer une telle modification et de convoquer ces gens pour qu'ils nous expliquent la situation.
Cette question a monopolisé les barreaux de toutes les provinces et territoires. Je dirais qu'ils ont passé une bonne partie des 10 dernières années à essayer de mettre en place des mesures de contrôle raisonnables pour prévenir ce genre d'abus.
Pas plus tard que cette année, des avocats ontariens se sont fait imposer l'énorme responsabilité de s'assurer que la personne assise à leur bureau en train de signer des documents juridiques est bel et bien qui elle prétend être.
Pour y parvenir, les barreaux ont dû déployer beaucoup d'efforts. Il est encore trop tôt pour savoir si les mesures prises seront suffisantes pour prévenir ce genre de fraudes, mais c'est ce que les provinces ont fait.
Nous devons aussi en faire plus au niveau fédéral pour modifier le Code criminel. Je crois que l'article du Code qui concerne cet aspect — et que le projet de loi ne touche même pas, d'après ce que je peux voir — doit être renforcé énormément.
Une fois que nous en aurons entendu davantage à ce sujet — et je ne sais pas ce que le Sénat a fait au juste pour s'attaquer à ce problème —, je crois que nous constaterons que les peines pour usurpation d'identité ne sont pas assez sévères. Nous devrons probablement amender le projet de loi pour le renforcer à cet égard.
J'ai une dernière chose à dire. Les banques et les sociétés émettrices de cartes de crédit nous ont dit qu'elles étaient très intéressées à nous rencontrer. J'ai l'impression qu'elles croient qu'il y a encore du travail à faire pour améliorer le projet de loi , pour le renforcer et pour contrer ce genre de crimes. Il est très important que le projet de loi soit renvoyé au comité pour cette raison.
Nous appuierons le principe du projet de loi pour qu'il soit renvoyé au comité, pour le renforcer et pour enfin l'adopter, malgré tous les délais causés par le gouvernement.
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Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole sur ce sujet très important qu'est justement le vol d'identité. Le projet de loi , qui nous vient du Sénat, est certainement un point de départ très important. Je tiens à dire en commençant que le Bloc québécois est favorable au principe de ce projet de loi.
Naturellement, le vol d'identité est un enjeu qui nous concerne énormément. On est préoccupés par le vol d'identité. De plus, il est nécessaire de moderniser le Code criminel afin de justement tenir compte de la réalité de ces vols d'identité.
Cependant, la lutte contre le vol d'identité passe par une action concertée entre les différents paliers de gouvernement. C'est justement ce qu'on vient de voir. Cela n'est probablement pas encore fait ou cela n'est pas fait assez bien. Il est donc important de regarder ce projet de loi et qu'il retourne en comité afin qu'on y reconnaisse d'autres choses que les modifications au Code criminel. On dit bien que ces modifications sont importantes et on est d'accord là-dessus, mais cela ne suffit pas.
Les gouvernements doivent tenir compte d'autres mesures, notamment l'éducation de la population afin de réduire le nombre de victimes. Dans bien des cas, on pourrait régler des abus et des vols d'identité uniquement par une excellente campagne d'éducation à travers l'ensemble du pays.
Prenons le cas particulier des personnes âgées qui se font souvent voler leur identité parce qu'elles sont incroyablement naïves lorsque des gens les approchent et lorsqu'elles utilisent leurs pièces d'identité. Or, une très bonne campagne d'information auprès de cette population en particulier ferait qu'il y aurait certainement moins de vols et cela réduirait les coûts dans les cours de justice. On ne peut donc pas se fier uniquement au Code criminel, mais il faut absolument aussi mettre sur pied un programme pour informer les gens de la façon dont ils se font voler leur identité et avec quels moyens de communications. Des gens se font voler leur identité au téléphone. C'est encore là faire preuve d'une naïveté désarmante.
En parallèle à cette loi, on ne peut pas s'attendre à tout régler juste en réprimant le vol, mais on doit aussi réglementer afin de mieux encadrer la gestion, le stockage et la disposition de l'information par les entreprises. De plus, il devrait y avoir une réglementation à l'extérieur de ce projet de loi. Ce serait une réglementation qui serait importante pour mieux encadrer cette gestion. En outre, il existe des mesures visant une uniformité et une sécurité accrue des processus d'émission et de vérification des pièces d'identité.
Souvent, lors de fraudes immobilières, les gens ne sont pas au courant de la façon de protéger leurs pièces d'identité. On ne parle pas ici de cartes de crédit. Les cartes de crédit sont importantes, mais je trouve qu'on en parle beaucoup trop parce que de très gros vols d'identité se font justement par des transactions immobilières. On vend même des maisons qui ne nous appartiennent pas. Des gens font cela sur une base presque régulière. Il devient ensuite extrêmement complexe pour les victimes de récupérer leur identité. Il faut absolument que cette loi fouille la question du vol d'identité par rapport à l'immobilier parce que ces transactions font perdre énormément d'argent aux gens. Ces gens sont souvent déçus toute leur vie. Une fois qu'ils ont perdu leur maison, au bout d'un à trois ans, ils sont logés ailleurs, mais ils ont perdu une partie du rêve de leur vie.
La coordination avec les gouvernements est donc importante, mais il faut aussi inclure, plus précisément qu'actuellement, les questions de fraudes immobilières. Dans certaines fraudes immobilières — et j'ai eu des cas dans mon comté —, les gens n'ont même plus le droit de traverser les frontières américaines parce qu'on considère qu'ils ont eux-mêmes commis la fraude. C'est une situation temporaire, parce qu'une fois que cela est réglé, le tout est rétabli.
C'est donc très grave et c'est beaucoup plus qu'une perte monétaire temporaire.
Le projet de loi vise à contrer le vol d'identité comme la collecte et l'utilisation non autorisées des renseignements personnels habituellement à des fins criminelles. C'est important. Les gens le font pour voler d'autres gens. Il est rare qu'on vole une identité tout simplement pour s'identifier à quelqu'un d'autre. En général, il y aura un acte criminel au bout du compte.
Les noms, dates de naissance, adresses, numéros de carte de crédit, numéros d'assurance sociale et tout autre numéro d'identification personnel peuvent servir à ouvrir un compte bancaire, obtenir une carte de crédit, faire suivre du courrier, s'abonner à un service de téléphone cellulaire, louer un véhicule ou de l'équipement, et même vendre une maison qui ne nous appartient pas.
Trois nouvelles infractions de base sont créées par ce projet de loi, et c'est très bien. Elles sont toutes assujetties à une peine maximale de cinq ans. C'est pour cette raison qu'on considère que ces trois infractions devraient être étudiées en comité. Elles doivent être bien évaluées pour qu'on sache si elles protégeront bien le public.
Voici ces trois infractions: l'obtention et la possession de renseignements relatifs à l'identité dans l'intention de les utiliser de façon trompeuse, malhonnête ou frauduleuse dans la perpétration d'un crime; le trafic de renseignements relatifs à l'identité, infraction ciblant ceux qui cèdent ou vendent des renseignements à un tiers en sachant que les renseignements pourraient être utilisés à des fins criminelles ou en ne s'en souciant pas; la possession ou trafic illégal de documents d'identité émis par le gouvernement qui renferment les renseignements d'une autre personne.
Les gens deviennent un tiers et sont responsables.
En plus, d'autres modifications sont apportées au Code criminel, il y aura la création de nouvelles infractions de détournement direct ou indirect du courrier d'une personne.
Cela peut ne pas sembler grave, mais il arrive régulièrement que les gens prennent le courrier de quelqu'un d'autre, particulièrement dans les faubourgs.
Il y aura également la création de la nouvelle infraction de possession d'une clé à courrier de Postes Canada contrefaite.
Ce sera dans la loi et c'est très important. En effet, Postes Canada installe, dans l'ensemble du milieu rural, de plus en plus de boîtes aux lettres avec des clés. Des gens réussissent à avoir la clé de leurs voisins pour voler leur courrier.
Il y aura la création d'infractions supplémentaires de contrefaçon comme le trafic de documents contrefaits et la possession de documents contrefaits en vue de les utiliser.
C'est un autre point que la loi touche et qui devrait être bien étudié en comité.
Il y aura la nouvelle désignation de l'infraction de supposition de personnes par la qualification de fraude d'identité, ainsi que la précision du sens de l'expression « prétendre faussement être une autre personne ».
De plus, l'ajout d'un nouveau pouvoir permettrait au tribunal d'ordonner au contrevenant, dans le cadre de sa peine, de dédommager la victime de vol d'identité ou de fraude d'identité lorsque la victime a engagé des frais pour rétablir son identité, comme le coût des cartes et des documents de remplacement et les coûts liés à la correction de son dossier de crédit.
Tout cela ne corrige pas les vols dans le domaine immobilier qui représentent d'énormes frais.
La coordination doit être faite avec le Code civil du Québec afin que les gens puissent récupérer leurs biens, soit de l'argent ou un bien comme un bateau qui a été vendu et qui n'appartenait pas à la personne. Cela arrive souvent étant donné que les bateaux sont plus difficiles à identifier contrairement à une automobile. Même une maison peut être vendue de façon frauduleuse.
Puisque cette loi aurait dû être adoptée depuis longtemps au Canada, il est important de regarder ce qui s'est fait ailleurs, particulièrement aux États-Unis et en France. J'aimerais donner un exemple de ce qui se fait en France. L'usurpation d'identité n'y est pas un délit pénal en elle-même, sauf dans des cas très particuliers comme le fait d'utiliser une fausse identité dans un acte authentique ou un document administratif destiné à l'autorité publique. Prendre un faux nom pour se faire délivrer un extrait de casier judiciaire est une faute en vertu du Code pénal. Il s'agit de choses que l'on devrait regarder parce que la loi proposée ne les touche pas.
En France, des articles particuliers stipulent ceci:
Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende [ce qui représente une importante amende] le fait, dans un acte public ou authentique ou dans un document administratif destiné à l'autorité publique et hors les cas où la réglementation en vigueur autorise à souscrire ces actes ou documents sous un état civil d'emprunt:
1° De prendre un nom ou un accessoire du nom autre que celui assigné par l'état civil;
2° De changer, altérer ou modifier le nom ou l'accessoire du nom assigné par l'état civil.
Il est donc très bon, comme la loi française le fait, de revenir à l'état civil pour les noms. Un député disait tout à l'heure qu'au Québec, on a une double façon d'être identifié, soit par les registres des naissances ou par les registres du gouvernement. Le premier style a été abandonné et, il n'y a maintenant officiellement que le registre d'actes de naissance du gouvernement qui est valable. Voilà pourquoi il est bon de collaborer avec les gouvernements pour savoir ce qui évolue dans les provinces.
Une autre chose importante en France est ceci:
L'usurpation d'identité devient un délit pénal dès l'instant où « le fait de prendre le nom d'un tiers [a été opéré] dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales ». Dans ce cas, elle est punie de 5 ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.
On voit à quel point on se base sur les instances par rapport à l'état civil. Il est donc intéressant de voir comment d'autres pays le font.
Je donnerai un dernier exemple qui nous vient toujours de la France. Un article dit ceci:
Le fait de prendre le nom d'un tiers, dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.
[...] Les peines prononcées se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles qui auront été prononcées pour l'infraction à l'occasion de laquelle l'usurpation a été commise.
Est punie des peines prévues par le premier alinéa la fausse déclaration relative à l'état civil d'une personne, qui a déterminé ou aurait pu déterminer des poursuites pénales contre un tiers.
Voilà à quel point je pense qu'il est important, lors des travaux du comité, de s'informer sur ce qui se fait dans d'autres pays et de préciser que des gens ont fait avant nous de bonnes lois sur le vol d'identité.
Tout à l'heure, la députée conservatrice disait que si nous étions sérieux au sujet de cette loi, nous devrions l'adopter immédiatement et que nous n'aurions pas besoin de l'étudier en comité. Au contraire, nous trouvons, même si nous sommes tout à fait favorables à ce projet de loi et que nous le trouvons nécessaire, qu'il y a du travail à faire en comité. Nous ne pouvons pas sauter cette étape très importante.
Je disais donc que le Bloc est favorable au projet de loi. Nous voulons l'envoyer en comité parce que le vol d'identité est un enjeu qui nous tient à coeur, et ce depuis longtemps. Il est important que nous sachions que le vol d'identité, qui nous préoccupe, peut se faire dans différentes circonstances. Par exemple, quelqu'un peut prendre une carte d'assurance sociale et l'utiliser pour obtenir un logement à nom qui n'est pas le sien. Il peut donc se bâtir une identité à partir de très peu de documents.
M. Pablo Rodriguez: Voyons donc!
M. Christian Ouellet: C'est certain!
En 2004, les coûts associés au vol d'identité excédaient 50 milliards de dollars aux États-Unis. C'est énorme. Le vol d'identité coûte cher aux consommateurs, aux banques, aux commerçants et, il faut l'ajouter, aux gouvernements aussi. C'est tout autant le gouvernement fédéral qui doit intenter des poursuites, que la police qui doit vérifier l'ensemble des plaintes. Les gouvernements provinciaux perdent de l'argent à cause des cartes d'assurance-maladie, et éventuellement, ils en perdront à cause des assurances médicales, etc. Des gens qui viennent de l'extérieur ont de fausses cartes. C'est le gouvernement qui paie tout cela et, en somme, le gouvernement, c'est tout le monde. Des cartes d'assurance-maladie circulent entre des étrangers qui ne sont même pas Canadiens, qui n'ont pas l'identité canadienne. Ces gens-là viennent se faire soigner aux frais de l'ensemble des contribuables. C'est vraiment inacceptable.
En 2002, le Conseil Canadien des Bureaux d'éthique commerciale a estimé que les consommateurs, les banques, les sociétés de cartes de crédit, les magasins et autres entreprises ont perdu 2,5 milliards de dollars en raison du vol d'identité. Encore là, les gens sont obligés de payer ces pertes.
En plus de ces pertes financières, les victimes d'un vol d'identité se retrouvent avec une cote de solvabilité compromise, et des dossiers personnels et financiers perturbés. Comme je le disais tout à l'heure, des gens ne peuvent plus traverser la frontière entre le Canada et les États-Unis parce qu'ils ont subi un vol d'identité.
Un sondage très intéressant a été réalisé en 2006 par Ipsos Reid. Il démontre qu'un Canadien adulte sur quatre, donc 25 p. 100 de la population, ce qui représente environ 5,7 millions de Canadiens, affirmait avoir été victime de vol d'identité ou connaître quelqu'un à qui c'était arrivé. On voit à quel point c'est répandu, que cette loi est absolument nécessaire et qu'elle pourrait être assez large pour arrêter cela. Je reviens sur le fait que cette loi ne remplacera pas une très bonne campagne d'éducation. Il nous faut absolument les deux.
Je terminerai en disant que le Code criminel est un instrument lourd pour lutter contre le vol d'identité. Les règles de preuve sont strictes mais nécessaires, on est bien d'accord là-dessus. Il est donc important de s'harmoniser avec les codes civils de façon à ce qu'on puisse, dans certains cas, n'utiliser que le Code civil pour pouvoir récupérer les sommes perdues.
D'autres mesures devront être mises en place pour lutter efficacement contre le vol d'identité et pour la récupération de l'argent perdu.